Master en développement territorial, Université de Genève, 2015
RAPPORT D’ÉTONNEMENT
ESPACE MONT BLANC
STAGE DU 29-30 AVRIL 2015
INTRODUCTION
L’espace Mt.-Blanc s’étend sur trois pays que sont la France, la Suisse et l’)talie et
concerne les régions de la Savoie, de la Haute-Savoie, la vallée d’Aoste et le Valais. Il
compte environ 100'000 habitants. Cet espace est le résultat d’une prise de conscience
de similarités entre les espaces de montagne à travers la reconnaissance de
problématiques communes. Fondé par des associations en 1986, le projet est récupéré
par les milieux politiques en
qui y voient l’opportunité d’une collaboration
transfrontalière.
Document 1 : L’Espace Mont-Blanc. Source : http://www.espace-mont-blanc.com/
Résultante d’une volonté de coopération transfrontalière pour mieux résoudre des
problèmes d’ordre environnementaux, économiques et de développement territorial, ce
vaste territoire de 2800 km2 est abordé sous l’angle de différentes politiques publiques
nationales et transnationales. En effet, chaque pays est libre de monter ses propres
programmes nationaux, et de les coordonner ou non avec les autres programmes
transnationaux. Ainsi, cet espace est caractérisé par cette double logique nationale et
transnationale. Cela a son importance quand il s’agit de mettre en place des politiques
communes, notamment au niveau de la répartition du financement au niveau local. Le
Valais débloque par exemple des financements de la Confédération dans le cadre de la
NPR alors que la France et l’)talie font appel à des fonds Européens du type FEDER. Les
fonds Interreg sont quant à eux communs aux deux pays, bien qu’ayant des sources de
financement différentes. Ces différences institutionnelles et budgétaires ne semblent pas
constituer un frein à la mise en place d’un espace partagé. En effet, le sentiment
d’appartenance à un paysage commun, composé de réalités similaires, semble faire
triompher un certain pragmatisme menant à une collaboration.
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Cet espace n’ayant pas de bases juridiques, demeure fragile dans son existence. Cela
implique d’une part que suite à une décision unilatérale, liée à un changement de
contexte politique, une région peut se désengager du processus de coopération. D’autre
part, cela implique que les mesures de protection sont régies par des bases nationales,
régionales ou européennes.
L’espace Mt.-Blanc reflète une volonté à l’échelle européenne de régionaliser les
politiques territoriales, de façon à mieux prendre en compte le contexte local et à être
plus proche des citoyens. Des exemples similaires d’une coopération politique
européenne autour d’un élément paysager ou géographique se retrouvent dans le cas de
la coopération Danube ou Adriatique. L’espace Mt.-Blanc a cependant ceci de particulier
qu’il concerne également la Suisse, un pays qui n’est pas dans l’Union Européenne. Cela
rend donc plus complexe et intéressante l’articulation des politiques publiques et des
leviers. Ceci permet aussi de faire émerger des similarités avec d’autres types d’espaces
de collaboration que sont le Grand Genève ou le forum transfrontalier de l’Arc jurassien,
qui ensemble, reflètent la dynamique de coopération transfrontalière actuelle. Il faut par
ailleurs garder à l’esprit que les outils de financement mis à disposition des collectivités
évoluent avec le temps, au fur et à mesure que les priorités évoluent elles aussi.
Est-ce que la coopération transfrontalière permet de résoudre certaines
problématiques des territoires composant l’Espace Mt.-Blanc ? Nous examinerons
les projets aboutis portés par l’Espace Mt.-Blanc, les projets émergents dans les
domaines de l’agriculture locale, de la mobilité pour ensuite s’intéresser aux blocages
notamment en ce qui concerne une vision économique partagée et terminer par une
étude de cas sur La Brévine, un territoire confronté à des problématiques similaires
intégré dans l’Arc Jurassien.
I. LES POINTS FORTS DE LA COLLABORATION TRANSFRONTALIÈRE ET
L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES THÉMATIQUES POTENTIELLEMENT
FÉDÉRATRICES POUR LA COOPÉRATION
Parmi les différents moyens de coopération qui sont à l’œuvre, certains ont
donnés des résultats très satisfaisant aux dires des intervenants. Le programme Interreg
IV (2007-2013) semble avoir été une réussite. Lors de cette première phase de
coopération, l’espace Mt.-Blanc a vu se développer plusieurs projets porteurs. Dans le
domaine de la mobilité, la réflexion a porté sur une liaison ferroviaire entre St.-Gingolf et
Evian, bouclant ainsi le réseau ferroviaire autour du Lac Léman mais aussi sur
l’aménagement d’aires de covoiturage et une plateforme internet dédiée à celui-ci. En ce
qui concerne le tourisme, un projet intitulé « Patrimoine des trois Chablais » a créé des
synergies entre les offices du tourisme français et suisses et le projet « Léman sans
frontière » a mis l’accent sur la vente de produits touristiques transfrontaliers. Pour ces
projets à succès, des fonds suisses et européens ont été débloqués. La collaboration
transfrontalière autour du tourisme est très tôt apparue comme porteuse de projets. Dès
1960 on trouve la création du domaine skiable transfrontalier de Champéry.
Aujourd’hui, un des volets touristique de la politique )nterreg s’axe sur la Vallée
d’Abondance et une amélioration de l’accessibilité au domaine skiable français depuis
Aigles. Il y a également un projet de report modal qui est en cours, permettant à
l’économie touristique d’intégrer l’environnement dans son développement.
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Document 2 : Les initiatives de coopération touristique. Source : http://www.espace-mont-blanc.com/ et
http://www.interreg-francesuisse.org/les-realisations/3150,cartographie.html
La génération Interreg V prévoit un élargissement des coopérations à toute la Suisse
romande et même au canton de Berne, en ciblant les mêmes priorités que sont la
mobilité, l’environnement et la culture, l’emploi, l’innovation et la formation. Suite au
succès d’)nterreg )V et aux nombreuses initiatives porteuses de développement qu’il a
permis de mettre en place, tout porte à croire qu’)nterreg V sera à son tour une réussite.
En effet, les financements )nterreg dans l’espace Mt.-Blanc ont atteint une importance
telle qu’ils dépassent les financements liés à la NPR, ce qui montre l’efficacité de cet
outil. En outre, )nterreg est soutenu par le SECO comme un instrument d’aide à la
compétitivité et de développement économique des régions de montagne. 14,6 millions
de francs ont été investis sur trois ans dans l’ensemble des projets réalisés
conjointement entre la Suisse, l’)talie et la France Minet,
, p. . A peu près % de
cette somme vient des « de Fonds européens de développement régional (FEDER) »
(Minet, 2014, p.1) ; la Suisse a contribué quant à elle à « environ 1 million de francs
suisse [ce total correspondent] au fonds perdu engagés par le canton du Valais et la
Confédération, dans le cadre de la NPR » (Minet, 2014, p.1). Ce programme a donc des
retombées positives sur l’économie des régions auxquelles il s’applique.
Un autre aspect de la coopération transfrontalière qui semble bien fonctionner,
concerne le diagnostic territorial et environnemental. En effet, le projet de coopération
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transfrontalière permet la mise en place d’une recherche scientifique commune,
notamment sur le changement climatique. On trouve également une coopération aboutie
concernant l’éducation à l’environnement et la formation des guides de montagne. Sur le
plan identitaire, on sent aussi des synergies fortes. En effet, le sentiment de partager les
mêmes conditions de vie autour d’un environnement montagnard rude
% de l’espace
Mt.-Blanc est situé à plus de
m d’altitude contribue à diminuer la sensation d’un
effet frontière entre les régions. Un exemple se retrouve dans les combats de reines en
Valais, tradition ancestrale, aujourd’hui ouverts à d’autres régions de l’espace Mt.-Blanc.
Ainsi, des régions qui peuvent apparaître comme périphériques vis-à-vis de leur
territoire national peuvent créer des dynamiques de développement fortes avec des
régions voisines qui partagent le même cadre de vie.
Des solutions territoriales sont en train de naître un peu partout sur l’Espace
Mont-Blanc. Nous pouvons présenter par exemple le développement de l’agriculture
locale à Servoz. Les élus ne savent pas comment développer cette région qui a
énormément de potentiel sans détruire le territoire, surconsommer celui-ci, mais ils ont
choisi d’entreprendre des expériences. C’est une vallée de montagne sans élevage ; les
raisons sont dues aux difficiles accès à l’alpage. )l y a un conflit entre ceux qui veulent
développer l’agriculture et ceux qui essayent de la stopper et préfèrent planter la forêt.
La commune a alors décidé de se lancer dans une politique foncière, d’acheter du terrain
pour développer l’agriculture. C’est un outil d’intervention, de régulation. )ls essayent de
créer une meilleure qualité de vie, pour contrecarrer les nuisances causées par la
mobilité. Les autorités développent l’agriculture de montagne.
Dans les régions de montagne de l’arc alpin, les espaces ruraux connaissent des
problèmes similaires qu’il s’agisse du dépeuplement, du vieillissement de la population,
de l’importance des résidences secondaires, du rôle crucial joué par le tourisme ou
encore de la disparition de services à la population liée au dépeuplement. Ne pourraiton pas imaginer un cahier des charges transfrontalier pour aider ces espaces ?
II. LES FAIBLESSES DE LA COOPÉRATION
La nouvelle politique régionale (NPR) a comme principaux buts de permettre à
des régions périphériques d’accroître leur compétitivité, de développer leur potentiel
économique, et de rester performantes dans ce domaine, en essayant de maintenir un
niveau d’emplois stable tout en réduisant au maximum les inégalités régionales. Ces
principaux objectifs sont louables et déclinés dans le premier article de la loi sur la
politique régionale. Cette loi constitue une politique de développement mise en place
par la Confédération ; celle-ci gère donc cette politique en même temps qu’elle finance
les projets. Cette politique s’appuie sur des principes liés au développement durable ; la
NPR soutient par exemple des politiques respectueuses de l’environnement.
Parallèlement, les régions concernées doivent mettre en place des solutions pour
parvenir à augmenter leur compétitivité et à créer de la valeur ajoutée. Il est aussi noté
dans la loi, et ceci nous a également été présenté lors de notre visite de terrain, que « les
centres régionaux sont les moteurs du développement » (NPR, 2013, p.1). Les régions
ont comme interlocuteur les communes, qui se chargent de transmettre les informations
à la Confédération ; les communes jouent donc le rôle de relais de communication. Les
bureaux compétents de la Confédération travaillent par ailleurs conjointement avec de
nombreuses instances pour tenter de résoudre les problèmes de développement qu’il
s’agisse d’instances suisses ou étrangères.
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Document 3 : La NPR, été 2009. Source : www.regiosuisse.ch
Si nous analysons les différents buts de la NPR et les mettons en parallèle avec la réalité
sur le terrain, présentée lors de la visite, nous nous rendons comptes qu’il existe un
grand décalage. Il y a des réalités auxquelles les élus doivent faire face, qui sont difficiles
à mettre en lien avec les objectifs de la NPR, notamment concernant le lien entre
compétitivité et réduction des inégalités régionales. Nous avons constaté qu’il est
extrêmement difficile pour une région de développer un projet qui accroît sa
compétitivité et en même temps vise la réduction des inégalités régionales. La plupart
des projets de développement qui s’affirment comme visant la croissance économique
arrivent difficilement à être complètement respectueux de l’environnement. D’ailleurs, il
n’est pas rare que le côté économique prenne le dessus sur les préoccupations
environnementales. Nous pouvons noter que jusqu’à aujourd’hui les stations de
montagnes qui ont réussi à atteindre une certaine notoriété, une réputation, comme
Crans-Montana ou Verbier, ont fortement détruit le paysage sur lequel repose, du reste,
leur réussite. Les gigantesques installations (résidences secondaires, hôtels, réseau
viaire, infrastructures sportives, … , les importants flux occasionnés causés par les
touristes, les besoins en terme de services, etc.) ne vont pas dans le même sens que les
inquiétudes persistantes sur la question de l’environnement. La compétitivité
touristique est la cause des dégradations accrues sur les milieux naturels. Servoz, petite
commune de neuf cent habitants environ, présentée comme la « Porte d’entrée de la
Vallée de Chamonix » par le site de l’Office du tourisme des (ouches OT(,
, est
confrontée à ces contradictions. Le tunnel du Mont-Blanc qui marque l’identité même de
cette vallée pose problème à cette dernière. L’importance prise par le tunnel dans cette
région est problématique. Les deux intervenants que nous avons rencontrés sur place,
Jean-Marc Bonino et Nicolas Evrard nous ont affirmé que cette région a de plus en plus
de mal à accepter de n’être qu’un simple lieu de passage. Son identité de débouché sur la
Vallée d’Aoste ne lui convient plus. Aujourd’hui, c’est devenu un lieu excessivement
fréquenté à la journée (heure). Cela dit, les autorités de cette commune ont de la peine à
faire entendre leur voix face à la commune de Chamonix par exemple, pour laquelle
Servoz n’a aucune raison de se plaindre. Elle est située sur un axe pivot dont elle devrait
tirer profit. Grâce à sa position, de nombreux flux la traversent et tout ceci a des
retombées économiques positives sur son territoire. Il est intéressant de souligner ici
que selon l’échelle d’observation, le tunnel n’est pas vu de la même manière. Pour ceux
qui ne sont pas de la région, c’est une aubaine ; le Mont-Blanc amène des clients, des
touristes et il permet de booster l’économie locale. Cependant, si l’on se place au niveau
des habitants et des élus de la commune, nous voyons que le tunnel du Mont-blanc
entraîne plus de nuisances qu’il n’apporte d’effets positifs. Le lieu est très pollué. Il est
très fréquenté par des camions transportant des marchandises entre le sud et le nord de
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l’Europe ; ceux-ci polluent
fois plus qu’une petite voiture. % des émissions de NOx
sont dues aux véhicules (Lassman-Trappier, 2004, p.3). La pollution met la qualité et le
cadre de vie, en danger. On peut se demander si les Etats sont l’échelon le plus pertinent
pour s’occuper de cet espace Mont-Blanc. En effet, aucune montagne ne s’arrête aux
frontières politiques. Le problème dans ce cas précis, dépasse la commune, ses
compétences, mais aussi ses moyens et ses droits. Le massif du Mont-Blanc est classé
depuis
. Tout aménagement dans cet espace a besoin d’une autorisation
ministérielle, ce qui complique l’action des membres aménageurs, élus locaux) de la
commune.
Les buts visés par la Confédération ne sont pas toujours rattachés à la réalité du
territoire et les volontés des petites régions, des communes ne sont pas toujours prises
en compte, car elles n’ont simplement pas les moyens de défendre leurs projets, donc de
se faire entendre. Il manque un niveau juridique commun à tous les pays (Italie, France
et Suisse . La coopération transfrontalière entre l’UE et la Suisse est soumise aux aléas
politiques mais aussi à des structurations des politiques publiques et des échelons
administratifs différents ; ceci rend la création d’une structure juridique non
envisageable pour le moment. Les politiques publiques, l’échelle d’action devraient être
plus centrées sur l’espace Mont-Blanc et moins reposer sur les différents Etats, qui n’ont
pas forcément consciences des problématiques spécifiques aux régions de montagnes.
La Confédération vient en aide à des communes qui présentent un projet de
développement économiquement viable. Un projet prometteur qui créera de la valeur
ajoutée peut donc être éligible. Ceci entre en contradiction avec l’objectif de vouloir
créer un équilibre entre les régions. La règle qui veut que pour que la Confédération
investisse un franc CHF, la commune avance elle aussi un franc CHF est un frein pour les
petites communes. L’échelle à laquelle sont gérés les projets ne semble pas permettre
des résultats efficaces. Certaines régions sont totalement laissées de côté car elles ne
réussissent pas à convaincre la Confédération d’investir dans des projets de
développement sur leur territoire. Lors de notre visite à Bourg-Saint-Pierre nous avons
été confrontés à un cas de ce type. Le maire de la commune semblait ne posséder ni le
temps, ni les compétences ni même la vision pour fédérer les autres communes et
monter un projet qui puisse tenir financièrement. Le maire n’était pas en mesure
d’établir un diagnostic territorial adéquat qui lui aurait permis de déterminer
exactement les activités économiques rentables qu’il conviendrait de développer sur son
territoire. Le maire de cette vallée a pourtant tenté de mettre en œuvre des projets, mais
ceux-ci n’ont pas eu les effets escomptés ; ils n’ont pas attiré d’investisseurs. Les projets
étaient soit surdimensionnés soit pas assez audacieux (intéressants) pour ces derniers.
La Confédération dans le cadre de la NPR devrait intervenir même si la commune de
Bourg-Saint-Pierre ne dispose pas des fonds nécessaire. Une équipe d’experts pourrait
se déplacer sur les lieux et proposer un diagnostic économique, social et
environnemental
de
cette
région.
Une question surgit à ce niveau-là de notre analyse. Les espaces à la marge, qui ne
« fonctionnent plus », qui n’attirent plus ni la population ni les investisseurs et
deviennent uniquement des charges pour le pays entier n’ont-ils pas tout simplement à
être abandonnés? Quand des communes sont trop petites pour monter des projets dans
le cadre de la NPR, ne serait-il pas souhaitable que la Confédération les aide à fusionner
avec d’autres communes en fournissant l’expertise de professionnels et des moyens
financiers ? On pourrait même imaginer que la Confédération rende la fusion obligatoire
quand certains critères de taille, de compétences au sein de la commune ne sont plus
remplis.
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III. UN ESPACE RENCONTRANT DES DIFFICULTÉS DE DÉVELOPPEMENT
LOCAL, LA BRÉVINE
Document 4 : Profil de La vallée de La Brévine, canton de Neuchâtel. Source : Priscilla Allenbach
Document 5 : Photographies de La vallée de La Brévine, canton de Neuchâtel. Source : Florence Fasler
La rencontre avec le maire de Bourg Saint-Pierre nous a fortement rappelé la rencontre
avec Madame le maire de La Brévine en automne 2014. Les communes de la Brévine
comme celle de Bourg Saint Pierre sont intégrées dans un espace rural de montagne
bénéficiant d’un patrimoine bâti historique d’une grande valeur et d’une grande richesse
liée aux qualités de leur environnement. Plusieurs sites naturels et semi-naturels font
l’objet de protections cantonales et fédérales et diverses initiatives ont été mises en
place pour développer cet atout environnemental. Le paysage, marque de fabrique de La
Brévine comme de Bourg Saint Pierre subit actuellement des transformations liées à la
déprise rurale : on constate l’avancée de la forêt, la non remise en état de certains
bâtiments, la diminution du nombre d’exploitants ou la disparition de certains services
offerts à la population comme l’école élémentaire.
Document 6: Croquis de La vallée de La Brévine, canton de Neuchâtel. Source : Andrea Salas
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L’économie à Bourg Saint Pierre comme à la Brévine est monofonctionnelle. )l s’agissait
essentiellement du tourisme à Bourg Saint Pierre et de l’agriculture à la Brévine. Dans
cette dernière commune, l’économie est basée essentiellement sur l’exploitation des
surfaces agricoles pour développer des pâturages et prairies fourragères dans le but
d’élever des vaches à lait. Le lait récolté est ensuite pour les
% vendu à des
fromageries pour fabriquer du Gruyère AOP et pour les 20% restants vendu à des
fédérations laitières. La production de lait pour le Gruyère est subventionnée à raison de
15 centimes par litre par la Confédération ce qui encourage les agriculteurs à intensifier
l’élevage et les oblige à importer du fourrage pour nourrir les animaux. La situation de
spécialisation dans un seul type de production est source de fragilité puisque les prix du
lait produit en Suisse sont liés aux cours du marché mondial et à l’aide de la
Confédération. Ce manque de diversification ne laisse qu’une faible marge de manœuvre
aux agriculteurs s’il y avait un dysfonctionnement du marché du lait, une baisse de la
demande ou une redéfinition de la politique agricole de la Confédération dans quatre
ans. Cette dépendance vis-à-vis des subsides de l’Etat se retrouve aussi à Bourg Saint
Pierre. )l s’agit cette fois de la dépendance vis-à-vis du revenu lié au barrage et des
revenus anciennement liés au tourisme de sports d’hiver. Une piste de réflexion pour les
espaces de montagne est de se diversifier mais aussi de jouer sur leur complémentarité
à l’échelle transfrontalière. Les élus de ces espaces sont aussi souvent dépassés par
l’ampleur des tâches à accomplir qu’il s’agisse d’œuvrer pour une fusion de commune,
de monter des dossiers pour la NPR, pour des PDR (projets de développement régional)
ou pour des projets de mise sous protection du patrimoine. Ils manquent aussi de vision
innovante et à long-terme pour leur territoire ; en effet, ils y vivent depuis longtemps et
manquent aussi de connaissances sur les avancées dans d’autres espaces similaires. On
pourrait imaginer de créer un lieu de rencontre pour des élus dirigeant des territoires
aux problématiques similaires ou ils pourraient échanger sur leurs pratiques mais aussi
avoir l’avis d’experts dans différents domaines.
Document 7: Chorèmes, Les dynamiques dans les espaces de montagne. Source : Anne-Laure Lepage
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CONCLUSION
Il faut constater un décalage entre la vision suisse du développement régional tournée
autour de la compétitivité économique et la vision portée par l’UE tournée autour du
développement durable surtout dans son volet social. Ce décalage entraîne des
incompréhensions de part et d’autre et des difficultés à adopter une réelle politique de
coopération transfrontalière qui porte des fruits dans tous les domaines. Le tourisme, la
culture locale, l’environnement, la gestion des risques ou encore l’agriculture locale sont
des domaines sur lesquels des actions peuvent être menées car ils n’ont pas d’impacts
trop importants. Quand il s’agit de réfléchir en termes d’actions plus contraignantes
comme l’urbanisation des stations de montagne, l’emploi, la formation, la stratégie de
localisation des entreprises, la coopération prend du plomb dans l’aile. Ces difficultés
prennent aussi leur source dans les différences liées aux structures administratives et
politiques entre les trois pays et au sein même de la Suisse avec des systèmes différents
selon les cantons. Une difficulté supplémentaire vient de la temporalité différente entre
mandats politiques et réalisations de projets, du diagnostic à la maîtrise d’œuvre. La
coopération dans l’espace Mont Blanc semble cependant porter plus de fruits que dans
l’Arc jurassien peut-être aussi parce qu’elle est plus ambitieuse ; il s’agit par exemple de
terminer la ligne ferroviaire du Tonkin qui lierait Genève aux autres villes le long du lac
ainsi qu’aux espaces de piémont.
Ces programmes de coopération doivent s’inscrire dans la continuité pour être
réellement porteur de renouveau dans les espaces périphériques. Ils ne doivent pas
s’arrêter parce qu’une nouvelle génération de programmes voit le jour mais réellement
s’inscrire dans une vision prospective, dynamique et systémique. Ils doivent aussi être
ambitieux pour encourager une coopération approfondie ; des actions ponctuelles dans
les domaines du tourisme et des traditions locales ne sont pas suffisantes pour
impliquer réellement des partenaires.
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