L'âge du Fer en Corse
Acquis et perspectives
Actes de la Table-Ronde
de Serra-di-Scopamena
(7 août 2009)
ASSOCIU CUCIURPULA
2012
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
L’âge du Fer en Corse
Acquis et perspectives
Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
(7 août 2009)
Sous la direction de
Kewin PECHE-QUILICHINI
Associu CUCIURPULA
Serra-di-Scopamena, 2012
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Ouvrage réalisé grâce à l’aide de la municipalité de Serra-di-Scopamena
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Sommaire
Préface, par Dominique GARCIA, professeur de l’Université de Provence ………………………… p. 5
INTRODUCTION
Kewin PECHE-QUILICHINI & Franck LEANDRI
L’âge du Fer en Corse : un passé à l’imparfait ?
Etat de la recherche, travaux récents, acquis et perspectives ………………………………………… p. 7
PREMIÈRE SESSION :
“SITES ET CHRONOLOGIE”
François DE LANFRANCHI & José ALESSANDRI
L’apparition d’une technique constructive protohistorique (âge du Fer) en Alta Rocca documentée par
quelques fouilles anciennes …………………………………………………………………………. p. 13
Jean-Louis MILANINI
Cozza Torta et la question du premier âge du Fer dans l’extrême sud de la Corse ………………… p. 27
Kewin PECHE-QUILICHINI, Laurent BERGEROT, Thibault LACHENAL, Dominique
MARTINETTI, Vanessa PY & Martine REGERT
Les fouilles de Cuciurpula : la structure 1 ……………………………………………………….… p. 35
Ghjuvan Filippu ANTOLINI
Le Niolu à l’âge du Fer, état des connaissances …………………………………………………… p. 58
DEUXIEME SESSION :
“PRODUCTIONS MATERIELLES ET DYNAMIQUES CULTURELLES”
Hélène PAOLINI-SAEZ
Les productions à pâtes amiantées à l’âge du Fer : origines et évolution ……………………….….. p. 76
Matteo MILLETTI
Brevi note di metallurgia corsa ……………………….….……………………….….……………… p. 87
Marine LECHENAULT
Les fibules de l’âge du Fer corse : aspects méthodologiques et état des recherches ………….……. p. 96
Dominique PASQUALAGGI
Réflexion sur les épées courtes ou poignards corses de l’âge du Fer … p. 107
CONCLUSION
La Corse, le temps et l’espace. Jeux d’échelle, par Michel GRAS, directeur de recherche, CNRS .… p. 114
Bibliographie générale ………………………………………………………………………..… p. 117
Remerciements ………………………………………………………………………………….. p. 126
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
PREFACE
Dominique GARCIA
Professeur d’archéologie, Aix-Marseille Université, Institut universitaire de France
Garcia@mmsh.univ-aix.fr
La publication de la table-ronde de Serra-di-Scopamena vient combler un important vide bibliographique
dans la littérature archéologique. En effet, si la Préhistoire récente et l’Antiquité de la Corse ont bénéficié
de recherches continues et de nombreuses publications, la Protohistoire insulaire – et l’âge du Fer en
particulier – avait été délaissée.
Le plus souvent, ce déficit documentaire n’est même pas signalé dans les synthèses sur l’âge du Fer en
France, en Europe méridionale ou en Méditerranée occidentale, où c’est toujours par le prisme des
sociétés classiques (les Puniques, les Etrusques, les Grecs ou les Romains) que l’île est évoquée. Jusqu’à
une date récente, l’économie, la culture et l’organisation sociale des populations indigènes insulaires ne
semblaient pas intéresser archéologues et historiens.
Le constat est clair et les raisons, multiples, ne peuvent être évoquées que par grands traits. Au XIXe
siècle, lorsque, à la suite de la Révolution française et du Romantisme, les identités nationales se sont
construites et que, sur le continent, les Gaulois sont proclamés ancêtres de tous les Français, le
peuplement primitif de la Corse va être étouffé ; il en sera de même pour d’autres espaces insulaires ou
ultramarins. De même, les schémas interprétatifs migrationnistes particulièrement en l’honneur au début
du siècle dernier ont épargné la Corse : le dynamisme et la suprématie des Germains, des Ibères ou des
Ligures, tout comme des Celtes, semblaient pouvoir se passer d’une mainmise sur cette île en marge d’une
Europe dominatrice. Quant aux recherches sur l’hellénisation de la Méditerranée occidentale qui ont très
tôt mis en avant le rôle d’Aléria et celui de la colonisation ancienne de la partie orientale de l’île, elles ont
délaissé le peuplement des premiers contreforts montagneux tout comme celui du maquis. Ce dernier
paraissait tenu à l’écart des trafics tyrrhéniens archaïques : la fréquentation économique ou culturelle des
Korsi avec le monde punique et plus encore avec l’Etrurie semblait improbable.
Ces dernières années, le développement de l’archéologie préventive française a contribué à renouveler la
documentation et à attirer l’attention sur des périodes négligées mais il n’a pas connu le même essor sur le
continent et en Corse. Enfin, le retard dans l’édition du volume de la Carte archéologique de la Gaule est
également à prendre en compte. C’est donc une image par déni qui a été donnée de l’âge du Fer de la
Corse et, comme le précisent bien dans leur introduction Kewin Peche-Quilichini et Franck Leandri, « une
place encore restreinte par les archéologues préhistoriens qui y ont souvent vu l’expression d’une
dégénérescence des caractères culturels de la fin de la Préhistoire et par les antiquisants qui l’ont parfois
caricaturé comme un simple moment préalable et préparatoire à l’installation des colonies antiques ».
Dans ce volume sous-titré « acquis et perspectives », il convient de tenter de mettre en perspectives les
caractères originaux du peuplement, de la culture matérielle et de l’économie de la Corse, mais aussi de
souligner ce que l’on pourrait appeler un fonds commun des groupes préromains de Méditerranée nordoccidentale et que l’archéologie révèle tant en Celtique méditerranéenne que sur la côte ligure ou dans le
nord-est de la péninsule ibérique.
Le fonds commun apparait en premier lieu dans les formes d’habitat. Dans leur article sur Cuciurpula,
Kewin Peche-Quilichini et ses collaborateurs permettent de mieux saisir la nature de ce petit habitat
d’altitude regroupant quelques dizaines de familles. Mis à part le contexte topographie original et les
pratiques agro-pastorales spécifiques – que nous évoquerons plus bas –, l’agglomération de Cuciurpula ne
peut être isolée des sites précoloniaux connus sur d’autres rivages ou dans l’arrière-pays méditerranéens.
En effet, l’étude exemplaire de la maison 1 – véritable approche ethnoarchéologique – autorise de proches
comparaisons avec des ensembles préurbains reconnus en Etrurie (Sorgenti della Nova au Xe s.), dans le
Midi de la France (Mailhac, Ruscino ou Lattes au premier âge du Fer) ou en Catalogne (La Fenollera) :
l’utilisation du plan bi-absidial, l’organisation en ordre lâche et l’absence d’une fortification monumentale
forment autant de traits communs.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Il faut se rendre sur le site de Cozza Torta (Porto-Vecchio, Corse-du-Sud), exploré depuis 2008 par JeanLouis Milanini, pour appréhender un habitat contemporain de la fondation d’Aléria et se rendre à
l’évidence qu’en Corse comme ailleurs, l’activité commerciale à la période archaïque n’a pas repoussé les
populations à l’intérieur des terres, comme on l’a souvent dit, mais, bien au contraire, a attiré dans des
zones d’immédiat arrière-pays des populations locales ouvertes au commerce. Cela touche ici des espaces
de contact avec la côte mais, dès le début de l’âge du Fer, des échanges existaient avec des zones internes –
en particulier pour les éléments de parure en bronze – comme en témoigne le bilan sur le Niolu réalisé par
Ghjuvan Filippu Antolini. A Cozza Torta, la présence de pièces du service à boire étrusque et grec (et
probablement le vin qui allait avec !) associées à la vaisselle indigène constitue un indice fort de ces
contacts et révèle de nouveaux modes de vie. Reste à évaluer la nature des contreparties, le métal – le
cuivre, en particulier – pouvant représenter un terme fort de l’échange.
En cela, la communication de Matteo Milletti sur la métallurgie corse de l'âge du Bronze et de l'âge du Fer
offre, sinon une analyse synthétique, du moins une lecture d'ensemble proposant des hypothèses sur une
dynamique apparemment complexe : mêlant innovations locales, emprunts et influences méditerranéennes
– sardes et étrusques en particulier. Ceci nous est confirmé par le travail que Marine Lechenault a consacré
aux fibules. Il serait d’ailleurs trop simple de rechercher dans ces documents des éléments identitaires
discriminants : nous sommes dans une « koiné » italique et l’auteur de l’article note que certaines fibules
sont des objets hybrides aux emprunts variés. Les épées courtes ou le poignard dit corse ou des Korsi, qui
peuvent être rangés dans les séries des armes à antennes atrophiées, font l’objet d’une première analyse de
la part de Dominique Pasqualaggi. Ce sont là aussi des objets originaux dont des études futures devraient
permettre de mieux saisir la genèse.
Plusieurs interventions permettent de saisir certains caractères originaux de la culture matérielle. On pense
en particulier à la céramique à décor « en grain de riz » ou, plus sporadiquement, à « cordon en U renversé
et incisé ». Mais, comme le montre bien Hélène Paolini-Saez, ce sont certainement les céramiques à pâte
amiantée qui constituent une originalité insulaire, même si on rencontre le même type de productions
également à l’âge du Fer dans les Alpes méridionales (tertre des Sagnes, Jausiers, en Ubaye). Dans le
domaine de l’architecture, le caractère opportuniste et inventif des populations protohistoriques est bien
mis en avant par Francois de Lanfranchi et José Alessandri, avec le cas des constructions en demi-boules
de granit.
Cependant, et paradoxalement, ce n’est pas dans le détail d’un « style » ou l’adoption sporadique d’un
élément technique que les caractères originaux de l’âge du Fer en Corse pourront être définis mais par une
approche systémique des communautés et, en particulier, de leur économie. L’analyse pluridisciplinaire de
la documentation des fouilles de Cuciurpula constitue un premier pas significatif sur cette voie.
L’installation de cet habitat semble se faire dans un espace fortement boisé. Essartage et/ou coupes de
bois bien gérés permettent, dans certains secteurs, la mise en place de champs dédiés à la céréaliculture
associée (ou suivie) par des pratiques d’élevage. La cueillette et la récolte des glands, en particulier,
semblent occuper une place importante. Ce terroir pourrait être en « archipel » c’est-à-dire que, outre
l’espace (saisonnièrement ?) exploité à des fins agricoles et pastorales, l’autorité des populations –
communautés de personnes ou groupes culturels – devait d’avantage s’exercer sur des voies de
communication jalonnées de repères précis (points d’eau, tombes…), et des zones d’extraction de matières
premières (minerais, sel…) que sur un espace délimité, englobant habitat, terroirs et confins : un territoire
plus senti et vécu que dominé. Du littoral aux espaces montagnards, les populations de l’âge du Fer
auraient une gestion rationnelle de ce territoire topographiquement contrasté et pédologiquement varié :
une connaissance approfondie d’un milieu naturel socialisé et, par leur contact littoral avec les « autres »,
de la variété des cultures méditerranéennes.
Les interrogations restent nombreuses mais le renouveau de l’archéologie protohistorique corse est
prometteur et la publication de la table-ronde de Serra-di-Scopamena constitue de façon documentée et
heuristique une étape importante de la recherche.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
L’AGE DU FER EN CORSE : UN PASSE A L’IMPARFAIT ?
ETAT DE LA RECHERCHE, TRAVAUX RECENTS, ACQUIS ET PERSPECTIVES
Kewin PECHE-QUILICHINI
Doctorant en Archéologie
LAMPEA UMR 6636
Université de Provence
Università degli Studi di Roma I – La Sapienza
14 Les Bas d’Alata – 20167 ALATA
korse@voila.fr
Franck LEANDRI
Conservateur du Patrimoine
Service Régional de l’Archéologie
LAMPEA UMR 6636
Villa San Lazaro
1, chemin de la Pietrina
BP 301
20181 Ajaccio Cedex 1
franck.leandri@culture.gouv.fr
Ἡ ὲ Κύ
ὑ ὸ ῶ Ῥω ίω
Οἰ ῖ
ὲ ύ ω
ῖ
ὖ
ύ
ω ὥ
ὺ
ὶἀ ὸ ῃ
ίω ῶ
ἀ ω
ὶ
ῖ
ῖ
ἶ
Κ
ί .
ί
ὰὄ
ίω .
Cyrnos est appelée Corsica par les Romains. La population y est
peu nombreuse car l’île est escarpée et les chemins impraticables ;
les indigènes, qui tiennent les montagnes, vivant de larcins,
y sont plus sauvages que les animaux.
Strabon, V 2, 7
La publication des actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamène, tenue en l’église du village le 7 août
2009, est la matérialisation de l’engagement exemplaire développé par cette municipalité en matière
d’archéologie. Elle est également le fruit de la volonté commune des protohistoriens insulaires de
confronter les résultats issus de leurs travaux respectifs. Si l’archéologue passe une grande partie de son
temps à chercher les traces de nos ancêtres, son devoir est avant tout de laisser lui-même une trace, par
écrit, de ses recherches, découvertes, hypothèses et réflexions.
La thématique choisie, l’âge du Fer en Corse, a déjà fait l’objet d’approches synthétiques par le passé
(LANFRANCHI & WEISS, 1975, 1997 ; CAMPS, 1988a, 1999 ; JEHASSE, 1982) et les opinions émises
jusqu’ici – sur lesquelles on ne s’étendra pas car elles seront tour à tour évoquées dans les communications
– sont pour beaucoup encore recevables. Pourtant, il y a de cela quelques années, on pouvait lire que
« toutes les données provenant de l’habitat restent à produire » (MILANINI, 2004) car « à travers l’île, ce
sont surtout des abris et des tombes qui ont été fouillés » (JEHASSE, 1982). Non pas erronées,
probablement incomplètes, ces synthèses ne pouvaient donc dissimuler, entre autres problématiques, le
déséquilibre flagrant entre la connaissance des sépultures et celle des habitats de l’âge du Fer de Corse1.
Depuis quelques années seulement, la recherche protohistorique insulaire fait preuve d’un engouement
sans précédent pour les contextes domestiques. La présentation de ces travaux récents et pour la plupart
inédits constitue la principale motivation de la tenue de la Table-Ronde.
1
Le constat est inversé pour l’âge du Bronze, à un degré moindre pour le Bronze ancien.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Les recherches actuelles offrent, certainement mieux que les « travaux » réalisés en contexte funéraire, une
vision de la vie quotidienne et donnent ainsi, à l’âge du Fer corse, une raison d’exister.
Comme cela a été maintes fois et à juste titre répété par le passé, cette période souffre d’un retard criant
dans le domaine la connaissance archéologique de la Corse. Egalement à l’origine d’une profonde
déconsidération des traits de l’expression culturelle, cette situation tient pour beaucoup en son
positionnement chronologique. Coincé d’un côté entre un âge du Bronze dont l’expression monumentale
et l’originalité ont largement été mises en lumière par les recherches de Roger Grosjean et, de l’autre, par
une antiquité précoce illustrée par les merveilleuses découvertes effectuées dans la nécropole d’Aleria, l’âge
du Fer peine à trouver sa juste place. Une place encore restreinte par les archéologues préhistoriens qui y
ont souvent vu l’expression d’une dégénérescence des caractères culturels de la fin de la Préhistoire et par
les antiquisants qui l’ont parfois caricaturé comme un simple moment préalable et préparatoire à
l’installation des colonies antiques. Pour ajouter à ce constat, on déplore aussi un nombre important de
découvertes anciennes ou « fortuites », effectuées sans véritable méthodologie, qui ont contribué à
endommager grand nombre de gisements majeurs, notamment funéraires, dans le seul but de déterrer des
objets de valeur.
A l’échelle de la Méditerranée occidentale, l’âge du Fer est la période des dernières expressions
protohistoriques indigènes avant l’installation des sociétés classiques sous l’effet du commerce suivi de la
colonisation grecque, étrusque, carthaginoise puis romaine, notamment dans les îles. En Corse, on fait
débuter cette phase vers 850/800 av. J.-C. Elle se termine vers 220 av. J.-C. avec l’annexion de l’île à
l’espace culturel et économique romain alors en pleine croissance. Comme son nom l’indique, l’âge du Fer
est caractérisé par l’introduction dans l’île de la métallurgie du fer, alors que les groupes des siècles
précédents ne travaillaient que le cuivre, le bronze, l’argent et l’or. Traditionnellement, on divise cette
période en deux phases : le premier et le second âge du Fer. La limite entre ces deux époques est
arbitrairement placée à la fondation d’Alalia par les Grecs de Phocée vers 565-563 av. J.-C. Chassés d’Asie
Mineure par des guerres avec la Perse, mais également pour des raisons économiques, ces derniers fondent
la colonie à l’embouchure du Tavignanu, sur la côte orientale de l’île. Ils en seront chassés quelques années
plus tard par les Etrusques à la suite d’une bataille navale aux conséquences désastreuses. Au IIIe siècle
avant notre ère, les Romains s’emparent de la cité au cours de leur guerre contre Carthage pour le contrôle
de la mer Tyrrhénienne. Sous le nom d’Aleria, elle devient dès lors la capitale de l’île pour plusieurs siècles.
L’adoption de l’écriture ne sera effective que dans les villes, à partir du second âge du Fer. Sa lente
diffusion fera définitivement passer la Corse de la Préhistoire à l’Histoire.
En nous plaçant dans le prolongement du précédent constat, nous espérons que cette Table-Ronde saura
contribuer au renouvellement des problématiques chronologiques, culturelles et sociales qui se dégagent
de ce schéma. Cela passera assurément par de nouvelles façons d’appréhender les contextes d’étude
(première session), d’une part, et le mobilier (deuxième session), de l’autre.
Après des décennies d’études de sépultures (GROSJEAN, 1958 ; LANFRANCHI 1968, 1970, 1971, 1974 ;
LANFRANCHI & LUZI, 1971 ; MAGDELEINE & AL., 1983 ; MILANINI, 1998) et de révisions de collections
– souvent spectaculaires – de dépôts funéraires (MAGDELEINE & AL., 2003 ; MILANINI, 1995), la
recherche s’oriente donc aujourd’hui vers l’habitat « indigène2 » et, plus généralement, les lieux de vies des
autochtones corses, les « peuplades de l’âge du Fer » de F. de Lanfranchi et M.C. Weiss (1975), auteurs de
la première synthèse sur la question. Cependant, comme l’a souligné Pascal Tramoni dans son
intervention, ce qui pourrait passer à première vue pour un programme de recherche concerté, collégial et
défini au préalable, ne l’est en fait pas du tout, puisque seuls les travaux de Jean-Louis Milanini à Cozza
Torta ont été initié avec une bonne connaissance du contexte d’étude en amont et ce, grâce aux sondages
réalisés plusieurs années auparavant par Alain Pasquet. Les opérations menées dans le Niolu, à Sidossi, et
en Alta Rocca, à Cuciurpula, qui ont elles aussi révélé des complexes domestiques de l’âge du Fer, étaient
au départ destinées à nourrir les problématiques sur l’espace domestique de l’âge du Bronze en contexte
montagnard. Elles ne constituent pour autant pas moins deux importants jalons pour la connaissance des
sociétés corses de l’âge du Fer.
2 Par l’emploi de ce mot, nous entendons faire passer une nuance affirmant une certaine différence, tant chronologique que
sociale, entre des sites tels que Cuciurpula ou Cozza Torta et des habitats comme le Castellu di Luri ou I Palazzi, que l’on pourrait
déjà qualifier de « corso-romains ».
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Concernant le mobilier, les communications présentées ici témoignent d’une nette tendance à l’ouverture
des méthodes d’analyse. A celles pratiquées ces dernières décennies, essentiellement inspirées des écoles
morpho-typologiques et chronologiques laplaciennes, sont venues se greffer des approches
complémentaires, liées à ce que l’on nomme communément « l’histoire des techniques », qui documentent
les protocoles de production – on pense surtout à la céramique, à la métallurgie et au verre – grâce à des
travaux réalisés en laboratoire (pétrographie pour les terres cuites, ablation laser inductive couplée à la
spectrométrie de masse pour le verre, etc.). A un niveau postérieur, ces derniers permettent également
d’approcher les modalités de consommation (analyses des résidus organiques : caramels de cuisson et
autres adhésifs, poix, etc.). On se rendra compte assez vite que l’image traditionnelle de dégénérescence
technique qui a souvent été associée à cette période3 est largement galvaudée.
Rejoignant en quelque sorte les mots de Strabon cités plus haut, l’idée générale qui émane de ses Actes, et
donc des travaux qui y sont présentés, est l’évidence d’une auto-identification des groupes insulaires en
tant qu’autochtones.
Même si des mécanismes de régionalisation probablement amplifiés par les reliefs et l’exiguïté du territoire
insulaire ont concouru à l’expression de différences à une échelle locale difficilement estimable.
Même si nos raisonnements sont conditionnés par notre propre relativité.
Même si l’on ne peut tenir compte que de ce qui nous est parvenu, soit un vague et incomplet reflet de
sociétés complexes.
Même si cette pensée a pu être fluctuante, dans l’espace comme dans le temps.
• SESSION 1 – Les sites
La Table-Ronde de Serra-di-Scopamène a débuté avec un bilan historiographique établi par la main d’un
préhistorien. La communication de Pascal Tramoni n’avait cependant pas pour but de reconstituer
l’historique de la recherche ni même l’état des connaissances sur l’âge du Fer en Corse, mais de mettre
l’accent sur l’évolution de la construction du discours archéologique sur une problématique précise, celle
du développement chronologique et culturel du faciès de Nuciaresa et de son expression matérielle la plus
évidente, le décor céramique constitué de registres d’incisions courtes ou décor « en grains de riz ».
L’auteur, en se servant des résultats et des interprétations des données de fouilles ou de ramassages
effectués à Nuciaresa, Cumpulaghja, Buffua, U Grecu, Cozza Torta et Cuciurpula, met en évidence les
deux hypothèses (essentiellement chronologiques) qui ont marqué la recherche protohistorique corse ces
30 dernières années.
En préalable à la communication de données issues de fouilles d’habitats en cours, François de Lanfranchi
et José Alessandri ont présenté les résultats de leurs recherches sur les techniques architecturales menées
sur l’ensemble du canton de Tallano-Scopamène. L’étude met en évidence la récurrence de protocoles de
construction concernant aussi bien l’espace domestique que le domaine sépulcral. Le secteur du Pianu di
Livia illustre tout particulièrement cette tendance pour l’âge du Fer, au cours duquel on assiste à un
développement spectaculaire de ce type d’architecture, notamment dans l’élaboration des habitations
formant des regroupements que les auteurs qualifient de « bourgs ».
La contribution de Jean-Louis Milanini replace ses travaux à Cozza Torta dans leur contexte
chronologique et culturel, celui de l’âge du Fer de faciès Nuciaresa. Les fouilles de ce site font apparaître
les vestiges d’un habitat et de sa zone d’activité, dont l’occupation est centrée sur le VIe siècle avant J.-C.
3 Pour G. Camps (CAMPS, 1999), l’âge du Fer insulaire se caractérise « plus qu’ailleurs par un esprit conservateur qui fait se
prolonger les conditions socio-économiques de l’âge du Bronze (…) Qu’il soit céramique ou métallique, le mobilier du Fer ancien
ne présente aucune originalité ou spécificité corse par rapport à celui des pays voisins. Un second caractère est précisément
l’origine exotique de tout ce qui est nouveau par rapport à l’âge du Bronze. Cette absence d’originalité corse au Fer ancien
s’accompagne d’une forte permanence dans tous les domaine ».
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Ces investigations révèlent de précieux témoignages sur l’organisation de l’espace domestique et illustrent
également les rapports entretenus par les groupes de l’âge du Fer des collines de Porto-Vecchio avec leurs
contemporains insulaires et extra-insulaires, notamment les Grecs et les Etrusques.
La fouille de Cuciurpula offre un intéressant complément montagnard à celle de Cozza Torta menée en
contexte de piaghja. L’habitat y est particulièrement bien conservé et son étendue est considérable. Nous
avons fait ici le choix de présenter uniquement les résultats obtenus dans la structure 1, la seule ayant à ce
jour fait l’objet d’une investigation complète. Celle-ci révèle l’organisation spatiale complexe et
l’architecture originelle d’une construction à vocation domestique occupée au VIIe siècle avant J.-C. par
des groupes porteurs de l’industrie caractéristique du faciès de Nuciaresa.
La communication de G.F. Antolini, présentée sous la forme d’un répertoire de sites et de vestiges
matériels, repose sur deux axes : les secteurs d’habitat et les zones funéraires de la microrégion du Niolu,
au cœur des montagnes insulaires. Le corpus est bien documenté, exhaustif et permet en outre d’obtenir
une résolution actualisée des données rassemblées par le regretté Lucien Acquaviva. La présentation d’une
fenêtre sur les fouilles pluriannuelles de Sidossi autorise un approfondissement du questionnement,
notamment sur les vecteurs chronologiques et culturels liés à l’évolution technologique et morphologique
des ensembles de mobilier, ici surtout céramique, et révèle ainsi l’originalité d’un faciès local du premier
âge du Fer en cours de définition.
• SESSION 2 – Les mobiliers
Hélène Paolini-Saez a ouvert la session directement consacrée aux mobiliers en présentant un état des
recherches diachroniques sur les céramiques à pâte amiantée, souvent considérées comme l’un des
principaux marqueurs de l’âge du Fer de la Corse. Evoquant au même titre la céramique « peignée », elle
propose un bilan préliminaire de la considération historiographique des deux productions avant de dresser
les problématiques principales d’une étude plus fine (en préparation) sur le sujet. On soulignera, pour cette
contribution, l’apport non négligeable fourni par les analyses pétrographiques et par les sources
ethnographiques, que l’auteur a su croiser pour apporter aux études protohistoriques une base de travail de
référence pour une production documentée depuis le Néolithique ancien et jusqu’au XXe siècle apr. J.-C.
Au travers du recueil des données sur la composition des pâtes, l’analyse de provenance des constituants,
la typologie et les données chronologiques, Gwenaël Bertocco propose une première synthèse sur les
perles en verre et les anneaux porcelainiques de l’âge du Fer, pour l’essentiel découverts en contexte
sépulcral. L’étude croisée met en évidence la circulation des matériaux, comme des techniques et des
objets finis, à l’échelle de l’île et de la Méditerranée. L’adoption d’une nouvelle méthode d’analyse
morphométrique, tentée sur deux séries inédites d’anneaux porcelainiques, offre notamment
d’intéressantes perspectives de recherche pour l’établissement de comparanda intra-insulaires.
Matteo Milletti nous propose un regard extérieur et diachronique sur les moules de fusion
protohistoriques de Corse. Ces pièces, bien que peu nombreuses et souvent décontextualisées, constituent
les seuls témoignages indéniables de la vitalité de la métallurgie locale. L’auteur soumet également ses
réflexions sur la terminologie et la chronologie des fibules à arc serpentant oculé ou bioculé. La mise en
évidence de dynamiques inter-tyrrhéniennes par l’étude polythétique des objets en bronze remet en cause
la vision archéologique traditionnelle qui a longtemps fait passer les autochtones pour des groupes attardés
et étanches aux lumières de leur temps.
Marine Lechenault propose une analyse centrée sur un type d’objet, la fibule. Après avoir préalablement
défini cet artefact, elle dresse un inventaire actualisé et exhaustif des découvertes effectuées dans l’île,
période par période, en mettant en parallèle la morphologie des fibules corses avec des productions
chronologiquement bien calées découvertes en Italie tyrrhénienne. L’auteur met aussi en lumière
l’étonnante asymétrie corso-sarde qui ressort de l’étude chrono-statistique et contextuelle des fibules. La
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
révélation de tels phénomènes s’exerçant à l’échelle extra-insulaire sur plusieurs siècles d’évolution
contribue à faire de cette recherche un travail de référence sur la question des échanges culturels entre
Bronze final et deuxième âge du Fer en domaine tyrrhénien.
Pour clore le débat sur les modes de production, de consommation et de circulation des biens et de
l’identité matérielle de l’âge du Fer, Dominique Pasqualaggi soumet ses réflexions sur les poignards
métalliques. De la même façon que Marine Lechenault pour la fibule « de type corse », il nous rappelle
l’originalité d’un type considéré comme une production locale et exporté jusqu’en Campanie. Les
recherches historiographiques menées par l’auteur permettent de disposer d’un catalogue exhaustif des
épées courtes découvertes dans l’île, mais également des moules de fondeurs, qui documentent de façon
plus directe les principaux caractères de la production indigène.
On soulignera, pour conclure, l’effort financier consenti par les institutions, Ministère de la Culture et de la
Communication (DRAC de Corse), Collectivité Territoriale de Corse, intercommunalités et communes
pour mener à bien de nouvelles opérations de terrain qui génèrent une documentation inédite, en tous
points exemplaires, tant par la forme que par le fond. Plus qu’en une véritable discussion, la Table-Ronde
organisée à Serra-di-Scopamène a consisté en une mise à plat des données et à l’établissement d’un état des
connaissances obtenues grâce aux travaux passés ou en cours (les acquis). On espère que cette base de
données pourra constituer une vision « instantanée » de la recherche sur l’âge du Fer en Corse en son état
2009 et ainsi contribuer à en retranscrire une complexité jusqu’ici ignorée. A l’heure du bilan, plusieurs
problématiques (les perspectives) se dégagent nettement :
- les recherches sur l’habitat doivent se poursuivre. Il serait par exemple souhaitable d’améliorer
la connaissance des sites du premier âge du Fer dans la partie nord de l’île, et du second âge
du Fer dans sa partie méridionale. Pour les travaux en cours, les problématiques sur
l’organisation des habitations et de l’habitat foisonnent (architecture, mobilier, analyses
spatiales à différents degrés, approches paléoenvironnementales, notions de terroir et de
territoire, etc.) ;
- la thématique de définition du faciès de Nuciaresa doit être affinée, notamment par une
sériation des séquences matérielles. Cela est déjà envisageable, à moyen terme, pour les
caractères évolutifs de l’articulation céramique entre VIIIe et VIe siècle, mais également pour
certains contextes de transition Bronze/Fer ;
- les protocoles d’analyse des productions céramiques de la fin du deuxième âge du Fer sont à
créer, tant du point de vue chronologique que terminologique, surtout pour la vaisselle dite
« peignée » ;
- la fréquence des objets en hématite au cours de la période offre un champ d’étude assez
novateur en associant les analyses lithiques à l’espace chronologique et culturel
protohistorique. Tous les protocoles d’analyse restent cependant à créer. C’est le prix à payer
pour tenter de répondre à des problématiques qui, elles, peuvent être d’ores et déjà définies :
origine(s) du matériau, fonction(s) et chronologie(s), avec en toile de fond la question de
l’approvisionnement et des trafics extra- et intra-insulaires.
- définition de l’ « extérieur de l’île » et rapports avec cet espace dans une perspective chronoévolutive. L’Alalia archaïque est-elle une cité corse, phocéenne, étrusque, punique ou
cosmopolite ? Quels sont les rôles de la Sardaigne et de la Toscane en diachronie ? Quels sont
les moteurs des trafics ? Plus tard, le(s) processus de romanisation : quand, où, comment et
pourquoi ?
- on l’aura remarqué, le grand absent de cette Table-Ronde, malgré son titre, c’est le fer luimême. Qu’en est-il du travail de ce matériau ? Les rares témoignages archéologiques de son
utilisation ne sont, à ce jour, pas antérieurs à la fin du VIIe siècle. Peut-il dès lors être
considéré comme la grande nouveauté ? ou celle-ci doit-elle être avant tout cherchée dans des
processus d’ordre culturel ?
Enfin, et même si beaucoup de problématiques pourraient encore être abordées, on réserve la clôture de
ce chapitre aux notions de chronologie. Si la Corse a précocement et délibérément fait le choix de se
détacher du couple continental Hallstatt/La Tène, une vraie démonstration sur le sujet reste à produire. Il
en est de même pour la fixation de l’articulation entre premier et second âge du Fer au milieu du VIe
11
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
siècle. Si l’on ne met pas en cause son aspect pratique et sa justification sociale dans la région d’Aleria et,
plus globalement, dans l’est de l’île et ses vallées pénétrantes, il semble par exemple que cet évènement
n’ait pas eu véritablement d’impact sur le dynamisme du faciès de Nuciaresa en son territoire d’expression
avant un second âge du Fer avancé. Ici encore, une démonstration serait bienvenue et ce, d’autant plus que
des solutions de périodisation et de phasage, calées sur la chronologie des productions, existent. Ainsi, le
mobilier métallique (en bronze), les fibules surtout, offre de précieux jalons grâce aux comparaisons
réalisées avec la Toscane, dont la chronologie est bien appréciée grâce à ses nombreuses nécropoles
fouillées et à l’usage raisonné du cross-dating. Malheureusement, la rareté et la décontextualisation fréquente
de ces objets en Corse est un sérieux frein à leur utilisation dans ce cadre. Beaucoup plus fiable est la
céramique, notamment dans le sud de l’île. Sur ce point, il est vraisemblable que la révision de travaux
anciens, mieux perçus aujourd’hui grâce aux recherches en cours, conjuguée à un effort collégial de
synthèse des données saura d’ici peu fournir un outil indispensable à la diagnose chronologique des
manifestations matérielles des sociétés méridionales de l’âge du Fer. On espère que celui-ci donnera
matière à aborder les dynamiques de formation et d’évolution d’un système culturel typiquement
méditerranéen, conséquence d’une une « somme interminable de hasards, d’accidents et de réussites
répétées » selon l’expression de Fernand Braudel, a fortiori à l’âge du Fer, période de renouvellement des
réseaux commerciaux à distance sous l'effet conjugué de l’offre et de la demande en métal et autres biens
précieux en Méditerranée, espace au sein duquel la Corse jouit d’un rôle stratégique jamais nié.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
L’APPARITION D’UNE TECHNIQUE CONSTRUCTIVE PROTOHISTORIQUE (AGE DU
FER) EN ALTA ROCCA DOCUMENTEE PAR QUELQUES FOUILLES ANCIENNES
François DE LANFRANCHI
LAMPEA, UMR 6636
Centre d’Études et de Recherches Archéologique en Alta Rocca
frdela@aliceadsl.fr
José ALESSANDRI
APO
Centre d’Études et de Recherches Archéologiques en Alta Rocca
jose2a@orange.fr
Résumé – Une technique constructive originale nous a été révélée en 1966, année de la fouille du coffre mégalithique de
Caleca (Livia). Elle se situa rapidement au départ d’une recherche qui permit de documenter la technique constructive réalisée
à partir de l’assemblage de demi-boules naturelles de granite (LANFRANCHI, 1966). Les masses granitiques adossées aux
parois tournaient leur face plate vers le centre de la cavité. Ce type monumental de concept néolithique livra un mobilier
céramique et métallique du Bronze récent. En 1970, des monuments rectangulaires réalisés par la juxtaposition de demiboules de granite, avec la face plate tournée vers l’intérieur furent découverts dans la forêt de Cruci-Livia (LANFRANCHI,
1972). L’hypothèse d’une appartenance à un type architectural apparemment domestique (maisons ?) fut avancée. La
construction se différenciait de celle du coffre par la position des pierres, toutes situées au-dessus du sol archéologique. Dans les
années 1970-80, la découverte du village protohistorique de Cumpulaghja (Santa Lucia di Tallà), permit d’observer un
phénomène plus important (LANFRANCHI, 1979b). Organisé en terrasses il livra sur chacune des terrasses des
constructions rectangulaires limitées par des demi-boules de granite (LANFRANCHI, 1972). À la fin des années 1990, sur
le pianu de Livia, à Saparaccia-Nuciaresa, des hameaux regroupant des maisons rectangulaires de même type que ceux de
Cumpulaghja offraient à l’étude des unités de vie de même période, l’âge du Fer. Enfin, une dernière découverte fut réalisée
sur le plateau de Ciniccia (Livia), au lieu-dit Petralba : il s’agit d’un dolmen construit dans l’écartement de deux demi-boules
de granite.
Riassunto – Un’originale tecnica costruttiva ci è stata scoperta nel 1966, anno dello scavo della cista megalitica di Caleca
(Livia). Tale rinvenimento ha avviato una ricerca che ha reso possibile la documentazione di una tecnica architetturale
caratterizzata dall’impiego di « semi-sfere » naturali di granito (LANFRANCHI, 1966). I massi di granito che costituiscono
le pareti presentano la faccia piana rivolta verso l’interno. Questa costruzione monumentale, di concezione neolitica, ha
restituito materiali ceramici e metallici dal Bronzo recente. Nel 1970, parecchie costruzioni rettangolari analoghe furono
scoperte nella foresta di Cruci-Livia (LANFRANCHI, 1972). Fu avanzata l’ipotesi di una loro funzione abitativa ; la
tecnica costruttiva si differenzia sostanzialmente da quella della coffre per la posizione delle pietre, tutte appoggiate sul suolo.
Negli anni 1970-80, la scoperta del villaggio di Cumpulaghja (Santa Lucia di Tallà) ha permesso di osservare un fenomeno
più importante (LANFRANCHI, 1979b). Organizzate su terrazze, vi sono costruzioni rettangolari delimitate da «semisfere» di granito (LANFRANCHI, 1972). Alla fine degli anni 1990, sulla piana di Livia, a Saparaccia-Nuciaresa, lo
scavo di alcuni nuclei di abitazioni rettangolari, dello stesso tipo di quelle di Cumpulaghja, aveva consentito di studiare alcuni
contesti dello stesso periodo, cioè dell’età del Ferro. Infine, un’ultima scoperta è stata effettuata sulla piana di Ciniccia
(Livia), in località Petralba: si tratta di un dolmen eretto tra due «semi-sfere» di granito.
Depuis 1966, année de la publication du coffre de Caleca-Levie (LANFRANCHI, 1966), notre recherche
s’est efforcée de documenter la technique constructive originale de ce complexe monumental funéraire
(fig. 1). Il s’agissait d’une observation relative aux montants du coffre qui étaient « des pierres brutes
présentant une face plate tournée vers l’intérieur de la chambre ». Cela constituait à la fois une nouveauté
et une différence avec les coffres néolithiques dont les montants étaient des polyèdres plus ou moins
réguliers et façonnés. Les montants du coffre de Caleca affichaient leur différence par le fait qu’ils étaient
bruts. Cette originalité fut le premier état de connaissance d’un phénomène qui se limitait en 1966 à cet
aspect de la technique constructive et également à la particularité du tumulus. Dans cette communication,
nous proposons de montrer comment il a été possible de passer de la simple observation factuelle à la
découverte d’un « fait scientifique ». Cette avancée s’est faite par bonds constituant chacun dans le long
temps, des petits progrès successifs.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 1 – Plan et coupe du monument funéraire de Caleca
Dans les années 1970 (LANFRANCHI, 1972) nous avons découvert dans la forêt de Cruci, en Alta Rocca,
d’autres monuments (fig. 2) construits à partir de cette même technique de la pierre brute à face plate
tournée vers l’intérieur. Du seul point de vue quantitatif, la technique n’apparaissait plus comme étant un
phénomène singulier, exceptionnel car, non seulement elle intéressait un nombre de plus en plus
important de monuments, mais elle intervenait également dans la construction de monuments différents.
Une décennie plus tard, une nouvelle avancée a été effectuée dans le courant des années 1980, à partir de
la découverte du village de Cumpulaghja-Santa Lucia di Tallà. Il permit de faire un double constat relatif,
l’un à la technique, l’autre au moment de son développement, ce qui permit de documenter l’aspect
chronologique. La technique restituée était une nouvelle fois celle de l’emploi de demi-boules de granite
utilisées dans une structure monumentale de forme rectangulaire. Quant à la période, à partir des styles
céramiques (formes et décors) elle fut attribuée à l’âge du Fer (LANFRANCHI, 1979b). Cette avancée jeta
une lueur, encore faible à notre sens, sur la position chronologique de ce type monumental.
Figure 2 – Structure rectangulaire de la forêt de Cruci
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
C’est surtout à l’extrême fin des années 1990 à partir d’une nouvelle découverte qu’il fut possible de passer
de l’observation d’un phénomène, à l’établissement d’un « fait scientifique ». Pour comprendre
l’importance de ce passage du simple domaine de l’examen et de l’interprétation de données matérielles à
celui de l’établissement d’un « fait scientifique », il est nécessaire de rappeler quelques idées que Ludwik
Fleck développa sur ce sujet dans son ouvrage Genèse et développement d’un fait scientifique.
L’histoire sociale des sciences et le fait scientifique
Fort de son expérience de bactériologiste et d’immunologiste, Ludwik Fleck (1896-1961), un savant juif
d’origine polonaise qui dans l’histoire de sa vie eut à souffrir de ces deux états, développa l’un « des textes
les plus importants jamais écrit en épistémologie » et inaugura ce que l’on appelle aujourd’hui l’histoire
sociale des sciences. Dans la multitude d’idées avancées par ce chercheur, il semble indispensable de
retenir pour notre communication, l’idée que le « mythe du génie isolé développant une œuvre importante
est un pur non-sens » puisque la science moderne est toujours une activité collective. Non seulement nous
partageons cette idée et celle du « fait scientifique », qui selon l’auteur est toujours produit par un seul
« collectif de pensée » (FLECK, 2008), mais nous constatons qu’elle s’applique parfaitement à notre
découverte.
Parmi la multitude d’idées novatrices fondamentales de Fleck, comme celles du « style de pensée » et du
« collectif de pensée », d’autres réflexions de cet auteur seront mises à profit dans notre communication.
On y verra notamment que, en présence de vestiges archéologiques, il est également possible de tenter de
restituer les concepts des protohistoriques quand on les aborde par le biais de leurs pratiques dont
l’ensemble constitue précisément le « style ». À partir de ces données, l’observation des phénomènes
débouche sur « des vérités différentes et non échangeables qui dépendent du but de l’investigation ». Il en
résulte que « toute connaissance scientifique dépend du contexte de sa production, ce qui peut expliquer
les écarts entre des connaissances scientifiques produites par des cultures différentes ».
Une technologie constructive et sa diffusion
Après ces réflexions abordons notre sujet à partir du rappel des fouilles archéologiques conduites en 1966
par l’un des deux cosignataires de cette communication (LANFRANCHI, 1966) sur le site de Caleca et sur
d’autres chantiers de fouilles qui permirent d’individualiser des vestiges de l’âge du Fer. Cette phase
culturelle a été située (LANFRANCHI & WEISS, 1975) entre l’extrême fin de l’âge du Bronze (800 avant J.C.) et le début de la romanisation de l’île, soit théoriquement vers 250 avant J.-C. En Corse, les travaux
récents sur le sujet invitent à repousser cette limite à la fin du millénaire (LANFRANCHI, 2009).
Dans le droit fil du thème de cette Table-Ronde, rappelons qu’à partir de fouilles anciennes revisitées,
nous avons pu documenter des techniques constructives inédites et réexaminer des matériels accumulés au
fil de quelques décennies de recherche. L’étude, précisons-le, fut un travail permanent qui, chaque jour, a
nourri une réflexion épistémologique relative à l’apparition d’un « fait scientifique » à partir d’une
approche technologique des monuments étudiés. Cette étude s’est faite à partir d’un « style4 de pensée »
issu d’un « collectif de pensée » nouveau.
Dans le cadre volontairement limité de cette communication, notre première problématique sera formulée
de la manière la plus simple qui soit : quelle technique constructive émergea durant l’âge du Fer en Alta
Rocca, puis se développa progressivement en Corse pour devenir une technique d’usage généralisé ?
Une technique significative
Ainsi qu’il a été dit plus haut, la technique individualisée est celle de l’utilisation de demi-boules granitiques
naturelles en vue de leur assemblage dans un monument mégalithique. Le processus relatif à la
construction d’un monument de ce type commence à partir de la découverte partant de la matière
première (la demi-boule de granite) et aboutit au monument. Nous supposons donc, au départ, que les
groupes protohistoriques avaient une parfaite connaissance de l’existence dans certains chaos granitiques,
de demi-boules prêtes à l’emploi (fig. 3).
4
Selon une définition de Fleck, un style englobe à la fois les concepts et les pratiques partagées au sein d’une communauté.
15
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 3 – Demi-boule de granit employée comme pilier de coffre
Il est difficile, en l’état actuel d’avancement de cette recherche, de dire à quel moment l’homme a pris
conscience l’utilisation potentielle de demi-boules rocheuses possédant une large face plate. C’est
précisément cette face plane qui intéressait les constructeurs. Dans la zone de Lévie, notamment5, la
nature produit en abondance des masses granitiques fissurées naturellement horizontalement ou
verticalement. Ces masses granitiques sub-sphériques se fissurent surtout au niveau du diamètre
maximum. La connaissance de ce phénomène naturel par les protohistoriques est primordiale car c’est elle
qui invita probablement chaque groupe de l’Alta Rocca à rechercher et à acquérir cette matière première.
Ce n’est là qu’une simple hypothèse qui, dans notre recherche, constitue un premier niveau d’invention
d’un « fait scientifique ».
L’assemblage de ces blocs rocheux dans des monuments mégalithiques, coffre (l’exemple de Caleca) ou
dolmen (celui de Petralba), mais également l’utilisation de portions de boules dans un système de pierres
mégalithiques dressées, constitue un deuxième niveau de connaissance bien situé dans l’espace et dans le
temps. Il est donc permis de penser que, durant l’âge du Fer, les groupes protohistoriques utilisaient des
demi-blocs fendus naturellement dans le domaine de l’architecture (monuments civils ou religieux) et dans
celui de la sculpture (stèles) ce qui offrait aux constructeurs et aux artistes la possibilité d’utiliser,
indifféremment et à leur convenance, les deux faces brutes (non façonnées), l’une plate et l’autre convexe
d’une portion de bloc rocheux. La face plate présentait certainement un intérêt exceptionnel pour les
protohistoriques de l’âge du Fer dans le domaine de leurs monuments ou dans celui des pierres dressées.
Cela motiva leurs recherches à proximité du lieu d’implantation de leurs constructions.
L’apparition du fait scientifique
En 1966, le premier constat de l’utilisation de rochers bruts de façonnage constitua un niveau de
« connaissance » qui surprit la communauté scientifique au point qu’elle contribua par son silence à la
marginalisation de ce site. Effectivement les monuments mégalithiques dignes d’intérêt à cette époque de
la recherche étaient ceux dans lesquels on reconnaissait des modèles communs. Or, contrairement aux
autres coffres connus, celui de Caleca-Lévie était construit, non pas à partir de dalles parallélépipédiques
mais de blocs non façonnés présentant une face plate tournée vers l’intérieur de la chambre (fig. 4).
Comme le reste de la pierre, cette face plate n’était pas façonnée. Il en était de même du tumulus qui avait
bété construit à partir un entassement de pierres inscrites dans une figure vaguement triangulaire.
On doit admettre qu’au moment de cette étude (les années 1960), le niveau de connaissance des tombes
mégalithiques de corse était limité puisque qu’aucun autre monument de ce type n’était connu, ce qui
interdisant ainsi toute étude comparative. Cela explique pourquoi l’étude de Caleca resta à l’état de la
description factuelle d’un phénomène particulier, autrement dit, ce fut un simple constat de son existence,
malgré le fait que nous avions documenté un coffre construit à partir d’une technique constructive
différente de celle des autres coffres de Corse. Admettons toutefois que cette étude était restée sans autre
avancée significative.
5
Ces zones à boules granitiques sont communes à tout le sud de la Corse.
16
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 4 – Chambre funéraire du coffre de Caleca
Figure 5 – Structure rectangulaire de Cumpulaghja
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Comme nous l’avons annoncé dans notre introduction, d’autres monuments de ce type furent découverts
non loin de Caleca, à Curacchiaghju et dans la forêt de Cruci (LANFRANCHI, 1972). Ces découvertes
témoignèrent que la technique employée à Caleca n’était pas opportuniste et singulière, mais commune à
d’autres types monumentaux. De forme rectangulaire, ils étaient ouverts sur l’un de leurs petits côtés. Eux
aussi étaient des types monumentaux inconnus au moment de notre recherche et qui le restèrent encore
longtemps. Il en résulta, que malgré ces avancées, il n’était toujours pas possible de définir un « fait
scientifique », de l’expliquer et de lui donner une valeur de prédiction. Le seul progrès résidait dans le fait
que la technique constructive du monument de Caleca n’était plus singulière, mais plurielle, constituant
ainsi un deuxième degré d’une connaissance qui restait toutefois encore faible.
En 1979, la découverte du site de Cumpulaghja-Santa Lucia di Tallà (fig. 5) et le sondage réalisé dans une
structure monumentale de ce site, construite à partir de demi-boules de granite, permit d’accéder à un
troisième niveau de connaissance. Il s’agit en fait du constat que ce monument, de forme rectangulaire,
présentant une ouverture sur un petit côté, avait utilisé également des demi-boules granitiques. De
surcroît, il s’avéra qu’il avait été construit probablement durant l’âge du Fer (datation relative à partir de
l’étude de la céramique). La détermination du contexte chronologique du premier millénaire avant J.-C.
constituait une nouvelle avancée.
Mais, c’est surtout à partir de la fin des années 1990/début des années 2000 que nous eûmes la possibilité
de proposer enfin l’invention d’un « fait scientifique ». Cette occasion nous fut offerte par la découverte du
dolmen de Petralba-Lévie (fig. 6). Ce monument, construit à partir de deux demi-boules de granite
probablement en place, est né de l’écartement des deux demi-boules de telle sorte que les deux faces plates
opposées laissaient entre elles un espace de forme rectangulaire. Le petit côté opposé à l’ouverture fut
obstrué par une dalle de forme parallélépipédique posée de chant. Cet espace est celui d’une chambre
dolménique privé de sa dalle de couvrement qui n’a pas été retrouvée. Ce monument a produit la
connaissance donnant à penser que l’utilisation des demi-boules de granite était un système partagé par un
grand nombre de groupes humains de l’âge du Fer de la zone géographique de l’Alta Rocca. Elle invita
également à considérer que cette technique s’appliquait indifféremment à des édifices civils ou à d’autres,
religieux. En ce sens et au bout du développement de notre recherche il semble que l’on soit en mesure de
soumettre aujourd’hui à la communauté des chercheurs, un « fait scientifique » élaboré au fil des décennies
permettant à la fois de l’expliquer et de lui donner une valeur prédictive.
Figure 6 – Le dolmen de Petralba
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Cette découverte fut rendue possible grâce à l’existence d’un « style de pensée » (un style étant à la fois un
concept et une pratique) émanant d’un « collectif de pensée » qui fut, en l’occurrence, celui du Centre
d’Études et de Recherches Archéologiques en Alta Rocca. Effectivement, ce qui a primé dans notre
approche des éléments matériels, c’est d’abord l’observation (le très long temps d’observation du
territoire) qui fut suivie d’une description factuelle du monument. L’étude des traces (présence ou
absence) sur les pierres assemblées dans ces divers monuments a permis de distinguer nettement celles qui
étaient restées à l’état brut de celles qui avaient été façonnées. À partir de cette distinction, nous avons
étudié les techniques de façonnage de la pierre mais également de son assemblage dans un monument.
Ainsi, nous avons pu conclure à l’emploi de masses granitiques brutes à face plate qui s’inscrivent dans un
système technique d’utilisation d’un matériau brut dans divers monuments, système qui a été préféré à
celui du Néolithique, fondé sur l’emploi d’un matériau façonné.
Le temps consacré à cette recherche qui a débuté en 1966 et qui se poursuit encore aujourd’hui est donc
un temps long (entre quarante et cinquante ans). Il a nécessité une présence assidue et persévérante sur le
terrain. Le passage d’un niveau de connaissance à un autre évalué en décennies de réflexions et de
découvertes successives, variées, témoigne ainsi qu’une modeste avancée scientifique ne peut pas être le
produit d’un déclic, accompagné d’un tonitruant eurêka ! Elle est le produit d’une longue recherche.
Quelle chaîne opératoire ?
Nous avons donc montré que les derniers groupes humains protohistoriques ont découvert une technique
leur évitant d’avoir à façonner des pierres en vue de produire des faces plates. En ce sens, le système de
l’emploi de la demi-boule de granite s’inscrit dans l’histoire des techniques destinées à faciliter la vie des
groupes humains par une économie de temps de travail.
La première phase prête aux groupes de l’âge du Fer une parfaite connaissance du phénomène naturel de
la demi-boule observable dans l’environnement immédiat des sites de l’Alta Rocca. Il appartient à la
recherche minéralogique de dégager les causes et le mode de clivage naturel des boules granitiques. À
partir de la connaissance du phénomène, les groupes devaient repérer les pierres à face plate dans les
zones les plus proches du lieu de leur utilisation.
La seconde phase de l’acquisition proprement dite des demi-boules est une étape technique complexe,
comportant plusieurs sous-phases fondées sur la connaissance parfaite du gîte sur la manière de
s’approprier les demi-boules ayant une face plate et sur la mise en place en vue de leur acquisition.
La troisième phase du transport depuis le lieu de la découverte jusqu’à celui de son utilisation, mobilisait
nécessairement un grand nombre de personnes et faisait appel à des techniques et à des moyens matériels
relatifs à l’amarrage des pierres et à leur traction jusqu’au lieu de leur utilisation.
La quatrième phase de la construction d’une structure monumentale est une phase de haute technicité
mettant en œuvre les moyens permettant de juxtaposer des blocs, opération faisant appel à la force (les
blocs pèsent jusqu’à cinq tonnes), à l’adresse (la juxtaposition des blocs en vue de former une paroi plane
continue faisant face à l’intérieur de la chambre) en vue de réaliser un monument conforme aux modèles
imposés.
Ces quatre phases de la chaîne opératoire de la construction d’une structure de l’âge du Fer sont
conditionnées par l’emploi d’un matériau d’un poids de plusieurs tonnes. À partir de cette seule donnée,
l’archéologie peut tenter une approche des formes de pensée protohistoriques dans le domaine précis de
cette construction et, par suite, essayer de mettre en évidence l’importance sociologique de cette
réalisation. Pour cela il faut partir des sites à partir desquels s’est révélée cette connaissance.
Quels types de sites ont utilisé la technique de la demi-boule ?
Les types monumentaux du premier millénaire avant J.-C., construits à partir de l’emploi de la demi-boule
rocheuse sont variés. Une telle diversité s’explique d’une part, par l’utilisation généralisée de cette
technique constructive dans toute l’Alta Rocca et, d’autre part, par son emploi dans des constructions
différentes destinées au domaine des vivants comme à celui des morts.
Des sites qui documentent les techniques constructives de l’âge du Fer
Le tumulus de Caleca-Lévie
Ce site (LANFRANCHI, 1966) est un tumulus (fig. 7) limité par des cercles concentriques constitués par un
assemblage de gros blocs rocheux juxtaposés, au centre desquels se trouve un coffre rectangulaire. Cette
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
tombe proprement dite est une cavité parallélépipédique dont les parois ont été bordées par des portions
de boules de granite disposées de manière à placer la face plate tournée vers l’intérieur de la chambre.
Entre le cercle de pierres et les blocs délimitant le coffre, on a entassé une énorme quantité de pierres
rapportées, de manière à produire un authentique tumulus6. Si l’on prend également en compte la présence
d’un éboulis en bordure du monument, formé de pierres accumulées à l’extérieur sur le versant ouest, on
peut alors imaginer ce que fut réellement l’importance volumétrique et pondérale de cet ensemble
monumental.
Figure 7 – Tumulus du coffre de Caleca
Il est intéressant de constater que le coffre de Caleca par son originalité monumentale et par la nature de
son tumulus est un monument funéraire morphologiquement proche des constructions hallstattiennes7
plutôt que des types monumentaux dolméniques du Néolithique moyen de Corse, qu’il s’agisse de coffres
ou de dolmens inscrits dans un cercle de pierres.
Le mobilier (LANFRANCHI & WEISS, 1997, p. 360 et 363) permet de restituer des formes céramiques
significatives et de proposer pour les éléments métalliques une appartenance, sans conteste possible, aux
productions de l’âge du Fer. Lors de sa présentation en 1966, ce site fut marginalisé (LANFRANCHI, 1966)
du fait de son caractère singulier. Le constat de l’existence d’un vrai tumulus et d’un mobilier pouvant
alors appartenir aussi bien au Bronze final qu’au début de l’âge du Fer posa le triple problème de son type
architectural, de sa position chronologique et de son attribution culturelle.
Le tumulus permettait déjà d’afficher sa différence avec les types néolithiques, aussi bien à partir de la
technique de construction du coffre que du concept du tumulus vrai. La datation relative du mobilier
attribué alors au Bronze récent, invite aujourd’hui à le situer plutôt dans le courant du premier millénaire
avant J.-C., ce qui, ainsi qu’il a été dit, invite à y voir plutôt un monument de type hallstattien. En ce sens,
il serait à corréler avec la première phase de l’âge du Fer, ainsi que le suggère l’étude des documents révélés
non seulement par le site de Caleca, mais également par les fouilles du casteddu de Cucuruzzu. C’est
actuellement l’hypothèse la plus plausible que l’on peut proposer à partir de la relecture des vestiges.
Le village de Cumpulaghja-Santa Lucia di Tallà
À un kilomètre environ à vol d’oiseau de la turra de Tusiu-Altaghjè se dresse la colline de CumpulaghjaSanta Lucia di Tallà (fig. 8). Elle est cernée par une enceinte constituée par un mur cyclopéen. Sur l’une de
ses terrasses, on observe la présence d’un monument de forme rectangulaire, ouvert à l’une de ses
extrémités. De forme rectangulaire, il comprend deux longs côtés parallèles matérialisés par des demi6 Le tumulus est défini comme étant un tertre, « monument de terre ou de pierre (auquel le nom de cairn est plus approprié) »,
selon J. Leclerc et J. Tarrête, 1988.
7 Hallstatt, petite ville au bord du lac de même nom, proche de Salzbourg, Autriche. Le cimetière éponyme contenait des tumulus.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
boules de granite, juxtaposées, dont les faces plates sont tournées vers l’intérieur de la chambre. On a
détaillé 10 blocs juxtaposés au nord et 8 au sud bordant les grands côtés de ce monument dont la longueur
totale est de 7,25 m et la largeur moyenne, de 2 m.
Lors du sondage réalisé dans la salle unique de cette construction, deux couches archéologiques ont été
individualisées. La première, la plus récente, à corréler avec la structure monumentale, a livré des
structures de combustion comprenant des soles argileuses de forme circulaire. La céramique a permis de
détailler des vases ornés de petites incisions courtes désordonnées ou au contraire, ordonnées en files sur
d’autres récipients. C’est là un motif ornemental typique de l’âge du Fer. Pour cette raison et pour celle de
l’emploi des demi-boules de granite dans la construction, il n’est pas audacieux de proposer de voir dans
cette colline de Cumpulaghja, un village du premier millénaire avant notre ère, composé de maisons dont il
ne reste plus que les fondations8.
L’autre couche archéologique, sous-jacente, a documenté le Néolithique final-Chalcolithique à partir des
caractéristiques du mobilier céramique et des structures en rapport avec la première occupation de la
colline.
Le site de Cumpulaghja a conforté l’idée que la technique des demi-boules est une acquisition de l’âge du
Fer qui est devenue progressivement une pratique courante des groupes villageois de ce temps.
Figure 8 – Abri et bétyle à Cumpulaghja
Le dolmen de Petralba-Lévie
Il est construit sur la bordure du plateau de Ciniccia-Levie, au lieu-dit Petralba, d’où il domine une petite
vallée. Cette construction monumentale est originale, à notre connaissance, car aucune autre construction
semblable n’a encore été signalée en Corse. Elle est construite par un assemblage judicieux de deux demiboules de granite écartées l’une de l’autre afin de donner naissance à une chambre sub-rectangulaire. Une
plaque de granite posée de chant contre les deux montants, ferme la partie ouverte, opposée à l’entrée. Ce
chevet, réalisé de manière classique, enracine la technologie constructive dans une tradition insulaire
observable dans tous les dolmens. Ce monument non encore fouillé présente, à la base de la dalle de
chevet, un dallage limité vers l’intérieur de la chambre par une bordure également en granite, constituée
par un assemblage de petites dalles. La dalle de couvrement de ce monument n’a pas été retrouvée, ce qui
n’interdit pas de penser qu’elle a existé.
Le dolmen de Petralba se différencie des dolmens du Néolithique ou de ceux de l’âge du Bronze par sa
technique constructive fondée sur l’utilisation de demi-boules de granite. Compte tenu de l’emploi d’une
technique caractéristique de l’âge du Fer, ce monument peut être rattaché à la Protohistoire finale, aussi
Les fouilles récentes et inédites de Kewin Peche-Quilichini (voir par ailleurs dans ce volume) apportent la preuve qu’il s’agit bien
de maisons de l’âge du Fer.
8
21
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
bien par la technique de construction utilisée que par le concept de tradition mégalithique de la Corse
consistant à inscrire une tombe monumentale dans un cercle.
Le monument documente donc à sa manière l’évolution architecturale du courant mégalithique insulaire
qui adopte sur la fin, la technique de la demi-boule de granite en conservant le concept de la chambre
funéraire ouverte sur l’un de ses côtés et fermé sur l’autre par une dalle de chevet.
L’occupation de l’habitation du village de Cucuruzzu-Lévie durant l’âge du Fer
Sur une terrasse du village de Cucuruzzu (fig. 9), les deux premières couches archéologiques découvertes
(1a et 1b) sous l’humus du massif forestier qui occupait le site ont livré des documents de l’âge du Fer.
Bien que n’illustrant pas une construction caractéristique de cette période marquée par l’emploi de demiboules de granite, l’habitation de Cucuruzzu a livré une céramique proche de celle qui a documenté le site
funéraire de Caleca. En effet, outre des jarres à parois convexes et d’autres à col tronconique provenant de
la couche 1a, on a identifié des vases ouverts à col sub-tronconique ou fermés de couleur noire à parois
finement polies issus de la couche 1b. Une troisième couche sous-jacente, 1c, comprenait des vases polis
de couleur noire et d’autres à col tronconique ou à gorge courte ou à gorge cintrée, ainsi que des
épaulements marqués d’un coup de spatule formant une ligne continues autour du vase. Les récipients
cylindriques et les plats ajoutent à cette diversité.
À ces formes variées s’ajoute l’ornementation des parois externes marquée par la présence d’une résine
résistant mal au lavage. Le décor obtenu naît du passage d’un balai à poils durs sur la résine ayant
également pénétré dans la pâte crue du récipient. On peut profiter de cette relecture du mobilier pour
revenir sur l’épithète « peignée » marquant une terminologie qui prête à confusion car il en est une autre de
même dénomination ornée par le passage d’un « peigne » sur la pâte crue (LANFRANCHI & WEISS, 1997, p.
440-445).
Ce site montre que durant l’âge du Fer, les groupes humains porteurs d’une même culture occupaient
indifféremment un ancien village de l’âge du Bronze, réhabilité et restauré comme le montre le site de
Capula proche de celui de Cucuruzzu. Villages nouveaux (les bourgs nouveaux) et villages anciens (les
bourgs anciens) se sont développés en synchronie, ce qui ouvre à la recherche une voie relative à l’étude
de la société de l’âge du Fer.
Figure 9 – Plan schématique du village de Cucuruzzu
22
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Le complexe artisanal de Cucuruzzu
Quand on privilégie une seule donnée d’une recherche, la céramique ou le lithique, par exemple, au
détriment des autres productions d’un groupe, comme l’architecture ou la sculpture, on entre alors dans
un système réducteur qui nécessairement ampute l’étude de composantes aussi importantes les unes que
les autres. Ceci est particulièrement observable lors de l’étude du système des casteddi ou de celui des
« bourgs nouveaux ». Nous en voulons pour preuve le complexe artisanal (fig. 10) qui fut fouillé partiellement
en 1963 par Roger Grosjean et dans sa partie méridionale par François de Lanfranchi en 1964. Il a livré
des documents du Bronze final et de l’âge du Fer et permis de dater par le 14C trois secteurs de ce site. Ces
datations radiométriques nous ont permis de proposer, dès 1970 qu’elles sont celles de l’émergence du
centre artisanal (nommé complexe monumental par l’auteur des premières fouilles). Ce moment qui se
situe à l’extrême fin du Bronze final et au tout début de l’âge du Fer est postérieur à la turra datée du
Bronze moyen et qui cesse d’être utilisée à partir du Bronze récent (LANFRANCHI, 2005).
Figure 10 – Complexe artisanal de Cucuruzzu
À ce propos, on soulignera également que la turra fut remployée durant l’âge du Fer, ainsi que le
documentent les vestiges mis au jour lors de la réhabilitation et la consolidation du site dans les années
1980. Lors du dessouchage d’un chêne qui avait poussé au sommet de la turra, les ouvriers mirent au jour
des ossements et du mobilier métallique appartenant à ce que nous avons identifié alors comme des restes
appartenant à une tombe de l’âge du Fer implantée au sommet de l’édifice (l’étage).
En 1964, la fouille du complexe artisanal permit d’individualiser un centre de meunerie parfaitement
structuré. Nous avons constaté la présence d’un diverticule construit dans l’épaisseur du mur large de plus
de cinq mètres à cet endroit, s’ouvrant par deux ouvertures sur une salle unique de forme ellipsoïdale et
commandant l’accès à un diverticule. Il ne reste plus de cette salle de forme ellipsoïdale que des murs
arasés. Cette partie était vraisemblablement couverte par une voûte en encorbellement. Cette découverte
d’un monument comportant des murs en élévation recouverts par d’énormes blocs rocheux provenant de
l’édifice écroulé, accolé au mur d’enceinte, commandait donc l’accès au diverticule. D’autres témoins
(pierres de la construction) encore en place sur le mur d’enceinte permettent d’induire l’existence d’un mur
en élévation à double parement, protégé par une voûte en encorbellement. Le mobilier mis au jour
comprenait des éléments de meunerie (meules et broyeurs) et des récipients en argile modelée.
Ce complexe artisanal, implanté dans un système architectonique complexe, fait intervenir des concepts
qui ne peuvent pas avoir été conçu uniquement par un homme de la terre, paysan ou éleveur, mais par un
groupe de réflexion maîtrisant, outre des données relatives à l’économie, des connaissances architecturales
qui se sont développées ailleurs dans le monde méditerranéen ou atlantique. Les deux énormes murs à
deux parements, montés en assises irrégulières à partir de blocs bruts polyédriques, pondéreux, se
23
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
développent de part et d’autre d’une entrée. Ce mur conservé sur une hauteur de cinq mètres, a une
largeur moyenne de deux mètres à l’ouest et de cinq mètres au sud. Le mur ouest présente cinq ouvertures
étroites donnant sur trois loges qui étaient couvertes par une terrasse. À chacune d’elles correspondent
deux ouvertures aménagées dans l’épaisseur du mur. En plan, chacune a la forme de deux trapèzes
opposés par le sommet, étroite à l’intérieur et plus large aux deux extrémités. À notre sens, elles étaient
destinées à éclairer des loges couvertes par des terrasses, ce qui en faisait des pièces sombres nécessitant
un système destiné à évacuer la fumée et à laisser passer l’air. Roger Grosjean avait proposé d’y voir des
meurtrières. Les documents mis au jour dans ces loges et l’identification de structures de combustion
autour desquelles se trouvaient des vestiges, invita à induire certaines activités comme la production de
vases en argile cuite dans la loge Bb, le tissage dans la loge Bc, attesté par la présence de poids de métiers à
tisser et l’abattage de bêtes (accumulation d’os dans l’abri) dans la loge A, suivi du débitage des carcasses.
Contrairement à ce qui est observé dans le mur ouest, le mur sud ne possède aucune ouverture. C’est ce
premier élément qui différencie nettement ces deux parties du complexe monumental. L’épaisseur
exceptionnelle (cinq mètres de large) du mur ouest s’explique sans doute par la présence du diverticule
s’ouvrant par deux entrées sur une salle ellipsoïdale et dont les murs sont aujourd’hui arasés. On peut
donc constater que le système architectonique des turri et consistant à construire une salle commandant
l’accès aux diverticules est transposé ici dans l’aire du complexe monumental (1500 m2 de surface) qui est
beaucoup plus vaste que la turra (38,50 m2).
Les datations (tabl. 1) du casteddu d’Araghju-San Gavinu di Carbini (GROSJEAN, 1967) est également, à
notre sens, un complexe artisanal de même type. Sa turra arasée témoigne de son antériorité par rapport à
l’actuel complexe monumental qui date lui aussi de l’âge du Fer. Les datations y sont approximativement
semblables à celles de Cucuruzzu.
Contexte
Araghju, chambre N, foyer A
Araghju chambre N, foyer A
Araghju chambre N, foyer A
Mesure d’âge BP
2500 +/-110
2890 +/-110
2930 +/-120
Tableau 1 – Datations C14 du casteddu d’Araghju
Les pierres dressées dans l’alignement de Stantari de Pacciunituli
Dans l’alignement de Stantari de Pacciunituli, étudié dans une thèse relative au Peuplement des hauts bassins du
Rizzanese et de l’Ortolo (LANFRANCHI, 1972), se trouvait un monolithe dressé qui fut alors nommé : « éclat
d’amorçage d’une boule de granite ». La pierre présentait effectivement une face plate (face d’éclatement)
brute et une face convexe qui était celle de la masse granitique. L’absence de traces qu’auraient pu laisser
des coins métalliques dans le cas d’un débitage de la boule granitique par des carriers, pose le problème de
son obtention. Une revisite du site et un nouvel examen du monolithe invite à penser que l’on se trouve
dans le cas de figure d’une acquisition d’un éclat obtenu par fissuration naturelle d’une boule de granite. La
pierre dressée, étêtée, donne à voir une section rectiligne et horizontale obtenue par une action
intentionnelle. Les deux côtés retouchés, probablement pour le but d’enlever le fil de la roche, sont
affectés d’une série d’enlèvements de grands éclats ayant laissé une empreinte en creux significative.
Il apparaît donc que certaines pierres dressées sur le site de Stantari de Pacciunituli ont été acquises à partir
de portions de boules fissurées naturellement. Les statues mégalithiques dressées sur ce site sont corrélées
aux monuments examinés par une seule et même technique.
Le sens à donner à la variabilité des sites
Notre communication dans cette Table-Ronde étant limitée dans le temps, nous ne retiendrons comme
exemples de monuments funéraires ayant mis à profit la technique constructive de la demi-boule de
granite, que le tumulus de Caleca et la tombe sous auvent de Capula. Ce choix passe nécessairement sous
silence certains sites d’un grand intérêt, comme l’abri sépulcral de Lugo de Zonza, de Santa Catalina, de
Cucuruzzu, de Nuciaresa (un abri qui a livré des vestiges appartenant à deux périodes distinctes), etc. Il en
est de même des données documentaires relatives au mobilier, qui a été limité à celui du tumulus, des deux
villages, et du complexe artisanal. Un dolmen et une statue mégalithique s’ajoutent à ces documents.
Nous disposons donc d’un ensemble de données qui documentent la période de l’âge du Fer et permettent
de préciser la chronologie et de montrer qu’une technique constructive a été retenue pour la construction
24
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
d’un grand nombre de monuments, non seulement en Alta Rocca mais dans toute la partie méridionale de
la Corse.
Il est indispensable de savoir où, dans un passé plus lointain, la technique constructive de la demi-boule
rocheuse a été employée ailleurs qu’en Corse. La réponse est apportée par les données relatives à
l’utilisation, dès le Néolithique récent (IVe et IIIe millénaires avant J.-C.), des boulders morainiques dans la
construction nordique. Erwald Schuldt en Allemagne du Nord, Märta Strômberg en Suède et Torben
Dehn au Danemark ont découvert lors de leurs fouilles de monuments funéraires d’Europe septentrionale,
des données qui rejoignent nos propres observations, avec la seule différence que les nôtres concernent
des constructions qui ne datent que du premier millénaire avant notre ère soit deux à trois millénaires
après celles de l’Europe du Nord. Les demi-boules de blocs erratiques ou les demi-boulders morainiques
caractérisent aussi bien leurs constructions de la partie septentrionale de l’Europe que celle de l’île de
Corse. Ce qui réunit ces deux techniques c’est la possibilité d’obtenir sans aucun effort un ensemble de
surfaces planes permettant de matérialiser les parois des chambres funéraires.
Figure 11 – Structure 3 de Cuciurpula
Bilan
Il existe des liens entre les divers sites retenus à titre d’exemple pour cette communication. En premier
lieu, il faut mentionner un concept commun à des groupes séparés par des distances parfois appréciables,
les uns étant en Alta Rocca (Lévie, Serra, Tallà), les autres dans le Sartenais ou même dans la dépression de
Figari/Purtivechju. Ce concept est lié à la prise de conscience collective de l’existence dans les zones
granitiques de produits finis, comme les demi-boules de granite utilisables immédiatement, sans avoir
recours à un façonnage.
La seconde donnée partagée par l’ensemble de ces groupes est la connaissance d’une technique
constructive consistant à juxtaposer ces blocs de telle manière que la face plate soit orientée vers l’intérieur
d’une chambre créée par le dessin au sol d’une figure subrectangulaire. La technique d’un usage généralisé
est retenue aussi bien dans les sites à destination funéraire (Caleca) que dans les habitations (Cuciurpula,
Nuciaresa).
L’emploi de la demi-boule ou de la portion de boule dans le système symbolique des pierres levées permet
de constater que l’on dépasse le domaine de la construction pour se développer dans celui du domaine de
la pierre dressée au sein d’alignements de monolithes et notamment celui de Stantari de Pacciunituli.
L’utilisation des boulders morainiques et des blocs erratiques de forme sphérique était courante et donnait
même son caractère aux constructions dolméniques des pays nordiques. Les fouilles de sites construits à
partir du Néolithique final et jusqu’à la fin de l’âge du Cuivre, soit du IVe au IIIe millénaire avant J.-C., ont
révélé l’utilisation de boulders et demi-boulders lors de la construction des chambres funéraires des
monuments mégalithiques d’Allemagne du Nord (Erwald Schuldt), de Suède (Maria Strömberg), du
25
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Danemark (Torben Dehn). Par contre, en Corse, la technique des demi-boules granitiques ne s’est
généralisée qu’à partir du début du premier millénaire avant l’ère, Donc, si l’on ne peut pas établir un
rapport direct entre les données européennes et celles de la Corse, on ne peut s’empêcher de penser à une
probable rencontre entre deux techniques semblables mais éloignées dans l’espace et dans le temps.
Faute d’autres informations sur l’histoire de la technique de la demi-boule, dans ce bilan, on limitera
l’histoire de la découverte à ce qui est, à notre sens, un « fait scientifique » de première importance.
La technique de la pierre brute à face plate reconnue en 1966 lors de l’étude du site de Caleca-Lévie, ne
retint pas l’attention de la communauté scientifique de l’époque du fait de la singularité du phénomène
observé. Il en fut de même de l’identification d’un tumulus, plus précisément de cairn au sens de Roger
Joussaume pour qui un tumulus est « un monticule de terre (tertre) ou de pierre (cairn) recouvrant une
sépulture (VIALOU, 2004) » (souligné par F. de L. et J. A.).
En 2005, la découverte du dolmen de Petralba construit lui aussi de la manière peu orthodoxe de
l’écartement de deux demi-boules granitiques suivie de la pose d’une dalle parallélépipédique à
l’emplacement du chevet. Il aura donc fallu quarante années et deux découvertes, non pas fortuites mais
produites par une recherche de tous les jours pour arriver à une connaissance ayant permis d’individualiser
un « système technique protohistorique » innovant.
En 1972, la fouille d’une structure rectangulaire (LANFRANCHI, 1972) limitée par des gros blocs juxtaposés
ayant donné à voir des structures de combustion et un mobilier de l’âge du Fer constitua une nouvelle
avancée dans le domaine de la connaissance. La confirmation décisive de cette orientation chronologique
est apportée dans ce volume par Kewin Peche-Quilichini qui, à partir de ses fouilles conduites sur le site
de Cuciurpula-Serra (fig. 11) situé à quelques kilomètres à vol d’oiseau de ceux qui font l’objet de notre
étude, prouva de belle manière que ces structures sont des « habitations » datées par le 14C, de l’âge du Fer.
La découverte du système de la demi-boule à la suite d’un effort continu d’un « collectif de pensée
nouveau » n’est donc pas attribuable à « un moment d’illumination » mais au fruit d’efforts continus de la
part d’un certain nombre de chercheurs.
26
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
COZZA TORTA ET LA QUESTION DU PREMIER AGE DU FER DANS L’EXTREME-SUD
DE LA CORSE
Jean-Louis MILANINI
Education Nationale
jmilanini@ac-creteil.fr
Résumé – La reprise en 2008 des fouilles sur le site de Cozza Torta (Porto-Vecchio, Corse-du-Sud) ouvre un espoir de
progrès dans la connaissance du premier âge du Fer dans l’extrême-Sud de la Corse. Ce site offre en effet la possibilité de
poser de nouvelles problématiques et de dépasser un discours consensuel concernant l’isolement des populations indigènes au
cours de cette période : son principal intérêt est de révéler des preuves de contacts avec les commerçants grecs et étrusques à une
époque contemporaine de la fondation d’Aleria.
Abstract – In 2008 the resumption of archaeological excavations on the site of Cozza Torta (Porto-Vecchio, Corse-duSud) brings hope of progress in knowledge of the First Iron age in the extreme-South of Corsica. Indeed this settlement
permits the putting down of new topics and the exceeding of the consensus concerning the isolation of native populations during
this time : its main interest is to provide evidence of contacts with Greek and Etruscan traders contemporary to the foundation
of Aleria.
Problématiques de la fouille
La connaissance de l’âge du Fer indigène de la Corse est entravée par la rareté des études sur les mobiliers,
notamment céramiques et métalliques, elle-même liée à la rareté des fouilles sur l’habitat. Ces carences
reflètent l’état de la recherche sur l’âge du Fer, qui n’a jamais été très dynamique en Corse.
Cet état de la recherche avait en même temps laissé se pérenniser une image assez terne de l’âge du Fer,
perçu comme une sorte de « Moyen-Âge » (CAMPS, 1988a, p. 175), au cours duquel les populations
indigènes conservaient les mêmes habitudes qu’à l’âge du Bronze, continuaient d’occuper les castelli
existants, d’inhumer leurs morts dans des tombes collectives en abris-sous-roche, et se repliaient sur ellesmêmes au moment même où le bassin méditerranéen occidental connaissait un « bouillonnement » sans
précédent. Ce repli s’expliquait d’autant moins qu’à partir de 565 av. J.-C., une colonie grecque s’installe
sur la côte orientale, à Aleria, qui va connaître une prospérité exemplaire (JEHASSE & JEHASSE, 1973,
2001).
Pour la région de Porto-Vecchio, entendue comme l’espace littoral centré sur le golfe et son arrière-pays
se poursuivant jusqu’au seuil de Cervaricciu, si l’âge du Fer est bien connu par les prospections (TRAMONI
& AL., 1997), les fouilles d’habitats de cette époque se limitent, pour les trente dernières années, à deux
sondages :
1. pour le premier âge du Fer, Cozza Torta, effectué par A. Pasquet et P. Tramoni ;
2. pour le second âge du Fer, Sotta, mené par P. Nebbia et J.-C. Ottaviani.
Nous avons décidé de reprendre en 2008, avec Marine Lechenault, les recherches sur le site de Cozza
Torta, dont les données étaient demeurées inédites depuis les premières fouilles. En effet, la revue critique
du mobilier déposé au musée de Sartène démontrait clairement le potentiel de ce site : ce mobilier
renfermait des preuves indéniables de contacts avec les trafics tyrrhéniens du VI° siècle.
Le 6° siècle avant J.-C. en Corse
Le matériel exogène rattachable au VI° siècle av. J.-C. est connu en Corse. On le trouve notamment en
quantité sur deux sites septentrionaux : Cagnano dans le cap Corse (CHANTRE, 1901 ; ROMAGNOLI, 1912)
et Murato dans le Nebbiu (MAGDELEINE ET AL., 2003). Pour la deuxième partie du siècle s’ajoutent la
nécropole et le site d’Aleria. Avec ses découvertes sous-marines, la Balagne est également un secteur-clé
pour la période. Quelques découvertes ponctuelles émaillent le littoral insulaire, notamment sur la côte
orientale (fig. 1).
Il s’agit principalement de céramiques, d’éléments métalliques comme des fibules, des ceintures et des
pendeloques en bronze. Les contacts renvoient aux cités étrusques et à l’île d’Elbe, mais également, pour
le nord de l’île, au monde celtique, et à l’Attique pour le site d’Aleria.
27
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Une place particulière est accordée au matériel amphorique dans cette recension. On songe aux amphores
grecques archaïques trouvées au large de Calvi, ainsi qu’aux amphores étrusques immergées au large d’ÎleRousse (ALLEGRINI-SIMONETTI, 2001, p. 34-35, 189) ou à l’île de la Giraglia (DE LA BRIERE, 2009). Ces
trouvailles sont à rapprocher de celles du site de Lavezzi 5, probable lieu de mouillage au large de
Bonifacio qui a livré des fragments d’amphores corinthiennes et étrusques (BEBKO, 1971). Sur les sites
terrestres, ces dernières ne sont connues qu’à Aleria et à Alistro (JEHASSE & JEHASSE, 1989, p. 95). Pour la
région portovecchiaise, hormis les découvertes de Cozza Torta sur lesquelles nous revenons plus loin, une
amphore étrusque datée entre le dernier quart du VII° siècle et le premier quart du VI° s. a été trouvée au
large de Palombaggia (information : M. Lechenault).
Le recensement de ces trouvailles retranscrit selon toute vraisemblance le tracé d’une voie maritime
antique longeant la côte orientale de l’île, venue de l’Elbe et de l’archipel toscan, et se dirigeant vers la
Sardaigne voisine. Dans l’état actuel des découvertes, les flux de marchandises transitant par cette voie
maritime innervent uniquement la façade littorale, mais pas l’intérieur de l’île.
Figure 1 – Cozza Torta (Porto-Vecchio, Corse-du-Sud). Localisation du site dans son contexte régional et des
importations datées du VI° siècle av. J.-C. En grisé, reliefs supérieurs à 600 m d'altitude.
1 : Cagnano. 2 : Murato. 3 : L’Ile-Rousse. 4 : Calvi. 5 : Alistro. 6 : Aleria. 7 : Cozza Torta. 8 : Palombaggia. 9 : Lavezzi
5. 10 : A Giraglia.
28
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Principaux résultats de l’étude de l’habitat de Cozza Torta
La question des relations extérieures
Le fait archéologique majeur de l’étude des séries anciennes est la présence de documents importés dont la
chronologie haute (troisième quart du VI° s. av. J.-C.) est prouvée par les vases en bucchero étrusque (fig. 2,
n° 12a), la coupe attique à figures noires, les amphores étrusques (fig. 2, n° 12b), massaliètes et
corinthiennes archaïques, et les pâtes claires massaliètes.
La provenance de ces vestiges s’inscrit parfaitement dans les courants commerciaux distingués sur les
autres sites, en particulier Aleria, à un moment très proche des premières implantations phocéennes dans
l’île. Cozza Torta est cependant le premier habitat indigène à livrer ce type de documents pour le premier
âge du Fer. Jusqu’à présent, en effet, la plus ancienne vaisselle d’importation retrouvée dans les sites
indigènes était la céramique italique archaïque, qui accompagne les premières amphores gréco-italiques
vers la fin du IV° s. av. J.-C.
Figure 2 – Fouilles anciennes. n°1 à 11 : céramique indigène non tournée de CT 1. n°12a-b : mobilier importé de CT
2. n°12a, bucchero nero. n°12b, amphore étrusque de type Py3C.
Dessin et mise au net J.-L. Milanini sauf 12a-b : dessin et mise au net A.-M. d’Ovidio.
L’étude de cette catégorie de vestiges, menée par L.-F. Gantès, va permettre de renouveler le discours
archéologique sur les relations des populations indigènes avec l’extérieur, en montrant que ces dernières
29
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
n’étaient pas aussi fermées qu’on a pu l’écrire. Elles donneront également, par la comparaison des séries,
matière au débat sur les relations des indigènes avec les Grecs et les Etrusques d’Aleria, les flux
commerciaux ne paraissant pas fondamentalement différents.
Un trait commun, enfin, à ces trouvailles est qu’elles semblent fondées sur le commerce du vin, les
amphores et les vases fins de Cozza Torta étant parfaitement significatifs dans ce cas. Ils s’ajoutent en
particulier aux luxueux services à boire étrusques (bassin et louche en bronze) de Cagnano et du Monte
Lucciana. Le précieux breuvage semble prendre, dès cette époque, sinon avant, une importance nouvelle
dans la consommation des populations de l’âge du Fer ; dans les sociétés hiérarchisées de l’âge du Fer où
le vin reste encore une denrée rare, ce constat pose la question d’une possible appropriation des circuits de
diffusion par les élites.
Figure 3 – Fouilles anciennes. Céramique indigène non tournée de CT 2, sauf n°11-a : CT 1.
Dessin et mise au net J.-L. Milanini.
La question du faciès culturel
La possibilité de disposer de marqueurs chronologiques est également une opportunité unique pour le
premier âge du Fer, avec à la clé l’élaboration d’une série céramique de référence. Cette céramique est
représentative des formes connues à l’âge du Fer (fig. 2 et 3) avec, en particulier, des petits gobelets à col
30
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
concave, des coupes tronconiques, des urnes à panse tronconique ou subsphérique pour les petits vases,
des jattes et des marmites à col court, droit ou légèrement divergent, à panse sphérique ou ovoïde pour les
grands récipients (plus de 40 cm). Cette vaisselle est toujours à fond plat. Elle est montée à la main, sans
tour, au colombin.
La richesse de la décoration est une des caractéristiques marquantes de cette vaisselle non tournée, et
parmi les thèmes retrouvés, on remarquera l’importance des décors imprimés dits en “ grain de riz ” (fig.
3, n° 1, 3-7, 10-12). Leur présence dans une série bien datée apporte des informations sûres pour
l’individualisation d’un faciès culturel protohistorique regroupant plusieurs gisements du Sud de la Corse
(TRAMONI, 1998, p. 163-164, 2000, p. 18).
Les recherches à venir amèneront certainement une meilleure définition de ce faciès, qui n’a pas toujours
reçu une attribution chronologique correcte ; nous pensons notamment au mobilier de la carrière de
Nuciaresa, longtemps placé au Chalcolithique-Bronze ancien par son inventeur (LANFRANCHI, 1978, p.
314-319, LANFRANCHI & WEISS, 1997, p. 239), et qui s’inscrit clairement dans le même horizon culturel.
Figure 4 – Emprise estimée de l'établissement de l'âge du Fer
L’apport de la fouille à la connaissance de l’habitat indigène
Etabli sur un replat suspendu, le site offre une superficie d’au moins 3 ha (fig. 4). Nous avons repris les
fouilles à l’endroit même des premières recherches dans les années 80, c’est-à-dire dans la partie orientale,
sur une large terrasse de 1400 m². Celle-ci a été sondée en plusieurs endroits ; ces sondages ont montré
31
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
que le site était en grande partie lessivé sur la terrasse proprement dite, tandis que sa conservation s’avérait
bien meilleure à proximité du chaos rocheux nord. Les recherches se poursuivent actuellement sur deux
secteurs correspondant à des zones d’habitat stratifiées.
Figure 5 – Secteur 7. Premier sol de l’âge du Fer (Us 47).
La zone de fouille est disjointe à cause de l'excavation du sondage de 1986 et de la berme intermédiaire nord-sud
Le secteur 7, commencé en 2008 et ouvert actuellement sur 25 m², a livré deux sols superposés,
peu ou prou contemporains l’un de l’autre. Le plus récent a révélé un certain nombre de calages mettant
en œuvre de grosses dalles et des élévations plus légères (fig. 5), dont témoignent au moins 4 trous de
piquet, ainsi que des restes de sédiment composite accumulé sous forme d’amas en appui sur des dalles en
granit, qui évoquent des restes de terre crue architecturale effondrée. Deux grandes fosses ont été
repérées, partiellement masquées par les bermes.
Le sol le plus ancien est nettement mieux conservé, en particulier par des structures construites (fig. 6)
dont deux sont interprétées comme des plaques foyères aménagées au moyen de soles d’argile cuite et de
grands panneaux de vases posés à plat. Ces deux foyers sont séparés par une cloison légère dont
témoignent des calages affaissés9. Une grande fosse à comblement de blocs reste de fonction
indéterminée. On note aussi la présence de vestiges de travail du métal (bronze). Dégagé actuellement sur
14 m² seulement, la fouille de ce sol ne permet pas pour l’heure d’établir si l’on se trouve dans une maison
stricto sensu, ou sur une zone artisanale.
9 Les charbons du foyer Fy1 ont été datés au 14C de 2480 ± 30 BP (LY-15049), soit un intervalle après calibration de 770-415 av.
J.-C., ce qui est parfaitement conforme aux données fournies par le matériel archéologique de ce niveau.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 6 – Secteur S7. Vue du sol le plus ancien (Us 52) en fin de décapage : la densité de structures, foyers, calage,
fosse empierrée, est tout à fait remarquable. Le foyer Fy2 au premier plan est en cours de décapage (argile cuite pardessus un radier de tessons). Vue prise depuis le Sud (photo E. Cornet)
Le secteur 8 est implanté sur une structure allongée orientée Est-Ouest, bâtie en gros blocs
apparents matérialisant trois côtés ; elle est du même type que celle de Cuciurpula 1 (publication de K.
Peche-Quilichini dans ce volume). 12 m² ont été fouillés sur près de 30 cm, plus 1,70 m² à l’extérieur.
Cette structure a connu un fonctionnement durable, quatre états successifs ayant été identifiés, marqués
par de nombreuses réfections. Ces états sont surtout caractérisés par des superstructures aériennes, dont
témoigneraient plusieurs rangées de trous de poteaux de différents modules (diamètre oscillant entre 15 et
28 cm). La présence de bourrelets d’accumulation d’un sédiment composite identique à celui déjà noté,
semble indiquer à nouveau l’existence d’élévations en terre crue. Le côté non clos comporte une sorte
d’exèdre marquée, dans son niveau le plus récent, par 5 trous de poteaux disposés en demi-cercle (fig. 7).
Des restes d’un foyer parementé en argile cuite très abîmé ont été notés. Le mobilier demeure rare, ce qui
semble témoigner de balayages et d’entretiens réguliers (il est par contre abondant dans une fosse-dépotoir
située le long du mur nord), mais date l’occupation de la même période que le secteur 710.
Dans les deux secteurs, nous avons donc affaire à des structures d’habitat diverses, a priori
complémentaires, et qui révèlent une occupation prolongée au cours de la seconde moitié du VI° s. avant
J.-C. Dans le secteur 7, le tracé des constructions demeure encore très imparfaitement appréhendé pour
les deux sols dégagés ; dans le secteur 8, la structure allongée semble fonctionner comme une entité
cohérente que, par analogie avec celle de Cuciurpula, il semble envisageable d’interpréter comme
domestique.
La vaisselle mise au jour forme un échantillon représentatif dans lequel les différentes fonctions de celle-ci
– stocker, manger, boire, cuire et servir – ont été identifiées. La présence de vestiges métalliques incluant
Cette proposition a été depuis (2010) validée par la datation 14C de l’un des sols protohistoriques de ce secteur, qui se
superpose quasiment à celle obtenue dans le secteur 7 : US 330 = 2475 ± 35 BP soit 770-410 av. J.-C. (Lyon-7675 [GrA]).
10
33
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
des objets finis mais aussi des résidus d’activités métallurgiques dans le secteur 7 laisse augurer la
découverte de zones dédiées à l’artisanat du bronze et/ou du fer dans l’environnement proche.
Figure 7 – Secteur S8. Planimétrie de ST1 (état 1) et coupe A-A' dans la structure ST3 (poteaux sur sablière ?)
Vers un nouveau départ ?
Après avoir été longtemps atone, la recherche sur l’âge du Fer semble connaître un nouvel élan depuis
quelques années. La tenue de la présente Table-Ronde en août 2009 en est une illustration très claire.
La fouille de plusieurs grands sites d’habitats indigènes de l’âge du Fer dans le Sud de la Corse apparaît
aujourd’hui comme une étape incontournable pour progresser dans la connaissance chronologique et
culturelle de cette séquence. L’étude de l’habitat de plein air de Cozza Torta semble particulièrement
pertinente pour répondre à un certain nombre d’interrogations toujours en suspens – organisation et
fonctionnement de l’habitat protohistorique, individualisation des faciès matériels, relations des
populations indigènes avec les Grecs et les Etrusques d’Aleria – mais aussi pour poser de nouvelles
problématiques, comme la place de l’île dans les courants maritimes de Méditerranée occidentale ou
l’impact de ces trafics sur les sociétés indigènes.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
LES FOUILLES DE CUCIURPULA : LA STRUCTURE 1
Kewin PECHE-QUILICHINI
Doctorant en Archéologie
LAMPEA UMR 6636
Université de Provence
Università degli Studi di Roma I – La Sapienza
14 Les Bas d’Alata – 20167 Alata
korse@voila.fr
Laurent BERGEROT
Association RoCaStela
Université de Bourgogne
laurent.bergerot@laposte.net
Thibault LACHENAL
Doctorant en Archéologie
CCJ UMR 6573
Université de Provence
lachenal@mmsh.univ-aix.fr
Dominique MARTINETTI
Associu Cuciurpula
dumemartinetti@gmail.com
Vanessa PY
Docteur en Archéologie
LAMM UMR 6572
Université de Provence
py@mmsh.univ-aix.fr
Martine REGERT
Directrice de recherche
CEPAM UMR 6130
Université de Nice-Sophia Antipolis
regert@cepam.cnrs.fr
Résumé – Cuciurpula constitue, à près de 1000 m d’altitude, un regroupement d’environ 35 structures reconnues pour la
plupart comme des habitations. Sa fouille programmée, menée depuis 2008, a permis d’étudier l’intégralité de la maison 1,
une partie de la maison 3 et un abri-sous-roche. La chronologie du gisement s’étale sur le premier âge du Fer, probablement
du VIIIe siècle pour les niveaux précédant la construction de la maison 1, au début du VIe siècle pour les aménagements les
plus récents de cette même structure. Le contexte d’étude est donc indigène précoloniale. Les fouilles de la maison 1 ont permis
de documenter de façon satisfaisante l’aspect primitif des élévations grâce à la reconnaissance de plusieurs réseaux de poteaux
porteurs. Elles ont aussi permis d’aborder le domaine de l’organisation domestique du VIIe siècle avec, d’une part, un
équipement domestique immobilier (foyer, siège, four, sols construits, seuil) et mobilier (vaisselle de faciès Nuciaresa, indices de
métallurgie locale du bronze et du fer, matériel de meunerie) particulièrement bien préservé et, de l’autre, les vestiges d’activités
du quotidien spatialement discriminées. Au-delà des considérations architecturales, l’excavation de la tranchée d’implantation
de la structure a livré un dépôt de fondation qui évoque certaines pratiques religieuses. Les analyses anthracologiques
préliminaires réalisées dans ce contexte permettent de reconstituer un paysage globalement ouvert ponctué de zones
agropastorales (céréaliculture et élevage extensif) et de friches exploitées pour le petit bois de feu alors que la partie sommitale
du gisement semble occupée par un massif arboricole.
Abstract – At an altitude of nearly 1,000 m, Cuciurpula includes approximately 35 structures mostly identified as
dwellings. House 1 as a whole, as well as part of house 3 and a rock shelter were studied in the planned excavation of this
site, carried out since 2008. The chronology of the deposits covers the first Iron Age, probably from the 8th century as regards
the levels prior to the construction of house 1, to the beginning of the 6th century a regards the more recent developments of this
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
same structure. The study is thus based in a pre-colonial indigenous context. The excavation of house 1 provided suitable
information about the primitive aspect of the elevations thanks to the identification of several networks of load-bearing
columns. The issue of domestic organisation in the 7th century was thereby also addressed, with domestic household (hearth,
seat, oven, built flooring, doorstep) and furniture (Nuciaresa-type tableware, evidence of local bronze and iron metallurgy,
milling machinery) equipment particularly well preserved, on the one hand, and spatially distinguished remains of daily
activities, on the other hand. In addition to architectural considerations, the excavation of the structure’s settlement trench
disclosed a foundation deposit suggesting religious practices. The preliminary anthracological analyses carried out in this
context allow to reconstruct a largely open landscape with scattered agro-pastoral areas (cereal farming and extensive
stockbreeding) and fallow land used for kindling wood, whereas the top part of the deposits appears to be covered in an
arboricultural plot.
Riassunto – L’insediamento di Cuciurpula, posto a 1000 metri di altitudine, è costituito da un nucleo di circa 35
strutture interpretabili come capanne. Lo scavo, iniziato nel 2008, ha interessato l’intera superficie della capanna 1, una
parte della capanna 3 e un riparo sotto roccia. Il sito è databile alla prima età del Ferro, dall’ottavo secolo degli strati
precedenti l’impianto della capanna 1, agli inizi del sesto secolo delle fasi più recenti di questa stessa struttura. Il contesto in
studio è quindi indigeno e precoloniale. Lo scavo della capanna 1 ha permesso di ricostruire con certezza l’aspetto originario
dell’alzato e del tetto, grazie alla scoperta di numerosi buchi di palo e ha inoltre fornito informazioni sull’organizzazione
domestica del settimo secolo, sia attraverso l’indagine di elementi strutturali (focolare, sedile, forno, battuti pavimentali, soglia)
e il recupero di materiali (vasellame tipico della facies Nuciaresa, indizi di metallurgia locale del bronzo e del ferro)
particolarmente ben conservati, sia attraverso l’individuazione di tracce di attività artigianali espletate in aree specificatamente
adibite allo scopo. Oltre a informazioni di carattere architettonico, lo scavo della fossa di fondazione della capanna ha
consentito di individuare un deposito rituale che evoca pratiche religiose. I risultati preliminari delle analisi antracologiche
mostrano un paesaggio globalmente aperto incentrato su zone a destinazione agropastorale e aree boschive sfruttate per la
raccolta di legname da ardere o da costruzione.
Aspects géographiques et contexte paléoenvironnemental du gisement
L’habitat protohistorique de Cuciurpula/Pian’ di u Monte est implanté sur les pentes méridionales de la
Punta di Cuciurpula (1164 m), relief granitique cristallin formant un balcon en rive droite du haut bassin
du Rizzanese et une marche de relais pour l’accès aux estives traditionnelles du plateau du Cuscionu
(massif de l’Alcudina) par le Pianu Suttanu et les vallées de Codi et de San Petru. Considérant l’altitude du
gisement, on ne s’étonnera pas de son exposition préférentielle à l’adret, comme l’est aussi celle des
villages actuels de Serra et de Sorbollano. Du point de vue sitologique, il faut noter que les structures ont
systématiquement été construites sur des replats topographiques naturels (dont l’étude géomorphologique
est en cours) ou artificiels (terrassements) corrigeant l’inclinaison naturelle moyenne de 20 % qui
caractérise ce versant. Le secteur est encombré de chaos granitiques offrant boules et taffoni par centaines.
Le couvert végétal actuel est largement dominé par une jeune (près de 50 ans) chênaie-châtaigneraie dont
le développement est lié à l’arrêt des charbonnages effectués sur le site depuis l’époque moderne et jusque
dans les années 1960.
Le site est occupé au cours du premier âge du Fer11, probablement du VIIIe au début du VIe siècle avant
J.-C., c’est-à-dire durant la chronozone climatique sub-atlantique, phase fraîche et humide qui fait suite à
l’aridité des climats du Bronze récent et final (HOLZHAUSER & AL., 2005). On peut en conclure à des
conditions de vie plus rudes qu’aujourd’hui avec un enneigement permanent qui pouvait durer près de
trois/quatre mois par an à cette altitude. Les données paléoenvironnementales préliminaires, tirées de
l’analyse anthracologique des vidanges du foyer (US 106f) piégées dans l’US 105, permettent de
reconstituer un paysage végétal ouvert à proximité du site (PECHE-QUILICHINI & AL., à paraître). Par
conséquent, le degré d’ensoleillement, plus important à l’époque qu’aujourd’hui, pouvait donc contribuer à
11 Des traces de fréquentation (et d’occupation ?) vers la fin du IIIe et au début du IIe millénaire ont pu être mises en évidence sur
le sommet du site, à proximité (et sous ?) le château médiéval fonctionnant entre le XIVe et le XVIe siècle (PECHE-QUILICHINI &
AL., 2009). Le site est réoccupé durant l’époque moderne pour le charbonnage. Les bergers et les résistants sont les derniers
habitants de Cuciurpula au XXe siècle.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
un rééquilibrage local. L’étude des charbons dévoile aussi la présence d’espaces agropastoraux12 ajourés de
friches abandonnées à la bruyère et à l’arbousier (exploités pour la collecte du petit bois) et la présence, sur
l’étage supraméditerranéen, de chênes et de pins (probablement utilisés pour l’architecture). L’étude n’a
pas permis de déterminer de façon certaine si l’occupation du village est permanente, saisonnière ou
mixte13.
Figure 1 – Plan topographique de l’aire d’implantation de la structure 1 (relevé : F. Leandri, K. Peche-Quilichini)
Description du village
Même si la terminologie demande à être précisément définie, l’emploi du mot « village » pour qualifier le
site protohistorique qui se développe à Cuciurpula est justifié par son étendue (une douzaine d’hectares), le
nombre de structures reconnues comme des habitations14 et le caractère particulier de l’enceinte, dont il
sera question plus bas. La répartition des maisons sur le site est dictée en grande partie par les possibilités
offertes par la géomorphologie locale et la localisation des ruptures de pente. Leur plan est toujours
ellipsoïdal allongé avec une longueur de 9 à 12 m pour une largeur moyenne de 2,5 m. Les longs côtés
12 La pratique de l’agriculture (blé dur ?) est aussi documentée par les dizaines de meules découvertes dans et à proximité des
habitations, souvent en remploi dans les sols et les calages des blocs et des poteaux. Les caractères de la pratique de l’élevage ne
peuvent être estimés à cause de la dissolution du mobilier faunique dans l’acidité du sédiment.
13 Par ce terme nous entendons que seule une partie du groupe pratique une délocalisation rythmée par les cycles (économiques ?
climatiques ?) saisonniers.
14 Par extrapolation globale à partir des données fournies par la structure 1. L’homogénéité morphologique, architecturale et
chronologique (mobilier superficiel) entre toutes ces structures étant avérée, on espère pouvoir démontrer au cours des prochaines
campagnes que leur fonction l’est également.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
sont symétriques et légèrement courbes. L’un des petits côtés est laissé libre (entrée), l’autre est caractérisé
par une abside ou, dans de rares cas, par une rangée transversale de blocs. Ces structures sont faites de
blocs de leucogranite local, dont les dimensions dépassent souvent le mètre de haut et de large, qui
forment un solin permanent. Ceux-ci sont disposés de façon à obtenir un parement interne continu et
régulier15. Aucune autre considération d’ordre architectural n’était possible avant l’excavation de la
structure 1. Lorsqu’elles sont implantées sur des replats naturels, généralement peu étendus, les maisons
sont isolées. Lorsqu’elles ont été élevées sur une terrasse artificielle, elles peuvent former des noyaux
constitués de deux à quatre entités proches les unes des autres et étagées par des systèmes de platesformes de soutènement. Il s’agit donc d’un habitat à maille large et assez dispersé. Le tracé de l’enceinte
(repéré seulement pour le tiers septentrional du gisement), au-delà de laquelle on ne trouve aucune
habitation, marque assez bien les limites de l’espace habité et contribue à l’impression générale d’unité. Le
paysage est nettement structuré par ce monument, les maisons et les restanques, mais il l’est également par
la multitude des taffoni qui se distribuent sur ses pentes et qui, pour beaucoup, livrent du mobilier de l’âge
du Fer. L’épandage superficiel est d’ailleurs particulièrement riche sur toute l’étendue du site. Aucun autre
type de construction, à l’exception d’une grande structure circulaire16 (recouverte par une charbonnière),
de quelques rampes aménagées et d’un escalier sans âge, n’a été repérée.
Ces considérations font de Cuciurpula, malgré une position altimétrique a priori défavorable, l’une des plus
importantes « entités villageoises » connues pour la Protohistoire insulaire. Son remarquable état de
conservation rajoute à l’intérêt archéologique éveillé par ce site.
Figure 2 – Planimétrie de la structure 1, localisation des sondages et des principaux aménagements immobiliers
15 Des structures du même type sont connues à Cozza Torta (cf. J.-L. Milanini, dans ce volume), à Cumpulaghja, à Nuciaresa, à
Riccu, à Saparaccia (cf. F. de Lanfranchi et J. Alessandri, dans ce volume), sur la Punta di Casteddu, à Valchiria, à Canava, à
Middari, sur la Punta Campana, à Briccu, à Ranfonu et au Monte di Morta.
16 Deux autres constructions du même type sont connues à Nuciaresa et à Riccu. Au vu de leur unicité, de leur originalité et de
leur situation centrale, il pourrait s’agir d’un type de monument public et/ou collectif. On prévoit l’exploration de cette rotonde
en 2012.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 3 – Structure 1, section stratigraphique A-B
La structure 1 et son équipement immobilier : description, stratigraphie et chronologie
Construite à plus de 1000 mètres d’altitude, la maison 1 est l’une des mieux conservées. Elle se trouve à
proximité des structures 517, 14 et 15, implantées sur un même terrassement (fig. 1) qui s’appuie sur la
masse rocheuse de l’abri 1, sondé en 2008. Ce terrassement est percé par un accès prolongé par un escalier
naturel dont les diaclases ont été comblées par des apports anthropiques (vidanges de sols construits).
L’orientation nord/sud de la structure respecte celle d’un pointement rocheux situé en amont et qui
plonge sous la structure immédiatement au nord de celle-ci. Sa longueur est de 11,80 m pour une largeur
maximale de 3,80 m (fig. 2). Sa couronne de pierre emploie 28 blocs principaux présentant une face
d’éclatement disposée vers l’intérieur (technique des « semi-boules » ; cf. F. de Lanfranchi et J. Alessandri,
dans ce volume). Ces blocs peuvent atteindre 110 cm de long. L’espace interne défini par les blocs est
d’environ 22 m². Les longs côtés sont symétriques et se rejoignent au sud dans une abside. Au nord-est,
une file de blocs forme une semi-abside appuyée sur un ressaut du substrat ; le vide situé au nord-ouest
peut, en conséquence, être interprété comme l’entrée.
La fouille (fig. 3) montre que la couronne de blocs (US 109a) est posée au fond d’une tranchée peu
profonde (US 117a) et calée par des blocs disposés pour la plupart en oblique (US 109b) et par un remblai
(US 117b). Les charbons prélevés dans ce niveau ont fait l’objet d’une datation dont la calibration induit
plusieurs interprétations chronologiques possibles au sein du premier âge du Fer18. La tranchée n’est pas
creusée dans le substrat mais dans un horizon mêlant sédiments et altérites (US 114) par définition
antérieur à la structure et qui livre d’ailleurs un mobilier du Bronze final et/ou du premier âge du Fer de
tradition Bronze final selon la périodisation insulaire en cours de définition (PECHE-QUILICHINI, à
paraître 1). Dans cette couche, ainsi que dans le substrat, à proximité de l’entrée mais à l’extérieur de la
maison, a été creusée une fosse (US 164-165). Son diamètre est de 40 cm. De nombreux fragments de
vases ont été récupérés pour en tapisser le fond. Quelques charbons se trouvaient directement au contact
de ces tessons. Les parois rocheuses ne portent pas de marque de rubéfaction mais la situation semiexterne de cet aménagement, sur le côté soumis aux (faibles) vents dominants permet néanmoins de
proposer l’hypothèse d’une fonction en tant que structure de chauffe telle une meule ouverte pour la
cuisson des vases en terre cuite19. Directement au contact du niveau d’implantation se trouve le premier
sol construit (US 106e), fait, comme tous les autres sols du site, d’une chape d’argile épaisse de 5 à 8 cm.
Son parement supérieur est constitué d’éléments de vaisselle cassée introduits dans la matrice argileuse à la
manière d’une mosaïque, avant une cuisson globale du sol, probablement selon la technique du lit de
braise. Juste au-dessus se trouve le niveau US 105 qui constitue la principale occupation de l’espace interne
de la structure. On notera que cette strate fonctionne avec le foyer US 106f20 dont l’analyse
17 Aujourd’hui reconnue comme une tente d’époque très récente, malgré un plan, une orientation et des dimensions proches de
ceux de la structure 1.
18 US 117b (carré G6) – Wk-25973 : 2448 ± 30 BP soit 760-680 Cal. BC (24,4 % de probabilité), 670-640 Cal. BC (5,7 %) et 600400 Cal. BC (59,1 %).
19 Le lit de tessons jouant le rôle d’isolant entre le contenu de la meule et le substrat.
20 Le foyer, situé près de l’entrée (pour faciliter les échappements de fumée), est formé de deux aménagements. Le premier est une
semi-couronne de pierres de 95 cm de diamètre disposé en restanque. Le second est une sole d’argile cuite lissée située dans
l’espace interne de la couronne. La conservation de cette sole uniquement au centre du foyer pourrait être interprétée comme la
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
anthracologique des vidanges a fourni de précieuses indications sur l’environnement végétal du gisement
(PECHE-QUILICHINI & AL., à paraître). Ces charbons ont été soumis à une datation radiocarbone qui
documente un épisode à recaler vers la fin du VIIe ou le début du VIe siècle avant J.-C.21. Les autres sols22
(US 106a, 106c, 106d, etc.) sont disposés au sommet de l’US 105 et ont ainsi contribué à sa protection. Le
dernier sol archéologique connu (US 104) repose directement au contact de sols mosaïqués de tessons. Il
s’agit d’un dallage régulier constitué de pierres plates, aux côtés parfois retouchés (probablement dans le
but de faciliter leur imbrication à l’ensemble), et de meules remployées. Ces divers niveaux sont percés par
trois réseaux de poteaux (gros poteaux alignés sur l’axe central longitudinal et poteaux moins épais
ceinturant la couronne de blocs US 109a) dont subsistent, s’exprimant selon des typologies différentes, des
traces négatives creusées dans les remplissages et/ou le substrat. Leur organisation, couplée aux résultats
de l’analyse anthracologique (potentialités du milieu), a permis de proposer plusieurs hypothèses de
reconstitution des éléments aériens. A l’intérieur comme à l’extérieur de la structure, la genèse des
horizons superficiels de formation pédologique hétérogène et lenticulaire, parmi lesquels il a été possible
d’identifier un paléosol (US 102), est la résultante de l’oscillation (jachère charbonnière) des activités de
charbonnage modernes et sub-contemporaines sur le secteur (PECHE-QUILICHINI & AL., à paraître).
Très contrariée par l’aspect des courbes de calibration du radiocarbone qui bardent les siècles de l’ère
chrono-culturelle du premier âge du Fer, la lecture de la chronologie de la construction et de l’occupation
de la structure 1 est complexe. Le fait que la datation de l’US 117b donne un résultat a priori plus récent
que celui de l’US 105 alors même que cette couche est stratigraphiquement postérieure à la précédente
autorise néanmoins une hypothétique (car n’ayant statistiquement pas de valeur concrète) autocorrection
par le jeu des superpositions des intervalles de probabilités radiométriques (fig. 4). Ainsi, sauf problème
stratigraphique non décelé à la fouille, on voit que les vidanges présentes dans l’US 105 ne sont
probablement pas antérieures à 760 av. J.-C. alors que le remblai ne semble pas être postérieur à 500 av. J.C. De cette façon, le rapport de probabilité est bien mieux équilibré et il resterait à définir l’intervalle
chronologique (d’une durée maximale d’environ 250 ans) qui s’écoule entre la date de la construction et
l’époque des premières utilisations du foyer US 106f pour mieux appréhender la chronologie relative et
absolue de la structure. Pour cela, seules de nouvelles datations (notamment dans l’US 114, horizon
antérieur à l’installation de la structure, qui pourrait offrir un intéressant terminus post quem à l’US 117b)
et/ou la mise en place d’une chrono-typologie précise des artefacts, notamment céramiques, s’avèreraient
décisives. La deuxième solution est envisageable à moyen terme par une mise en parallèle des séquences de
Cuciurpula, , d’E Mizane (cf. G.F. Antolini, dans ce volume) et d’autres collections issues de travaux
anciens, Teppa di Ventilegne à Bonifacio, San Petru à Porto-Vecchio, Acciola à Giuncheto (PECHEQUILICHINI, à paraître 1), Santa Barbara (PECHE-QUILICHINI, à paraître 2), Punta Campana, A Viccia, A
Cota, Punta di Casteddu (PECHE-QUILICHINI & SOULA, à paraître), U Grecu à Sartène, Monte di Morta à
Santo-Pietro-di-Tenda, etc.
résultante de sa cuisson par un feu entretenu seulement en cette zone. De l’utilisation de ce foyer pour la cuisine, la lumière et le
chauffage nous restent des charbons de bois. Leur étude a montré que les habitants de la maison n’utilisaient pas de bûches mais
surtout du petit bois coupé à la serpe ou à la hache. Les dendrocernes trahissent, dans un cas, une découpe à la fin du printemps.
Il est difficile de croire à un véritable stockage ou à un transport de ce matériau. On pense plutôt à une consommation rapide
après une découpe locale et un temps de séchage. Ces considérations permettent de montrer une présence humaine sur place au
moins à partir du mois de mai mais n’excluent pas une occupation hivernale.
21 US 105 (carré F10) – Poz.26553 : 2495 ± 35 BP soit 770-730 Cal. BC (12,9 % de probabilité), 700-540 Cal. BC (55,3 %) et 790500 Cal. BC (93,5 %).
22 Les lambeaux de sols témoignent d’un savoir-faire architectural indéniable. Beaucoup d’entre eux sont faits d’une chape d’argile
épaisse de 6 à 15 cm posée horizontalement. Le sommet de cette couche est incrusté de centaines de fragments de vases disposés
à la manière d’une mosaïque avant de subir une cuisson partielle pour solidifier l’ensemble. Il faut noter que ces tessons ont été
préalablement triés pour ne conserver que ceux présentant une surface plane. Ainsi, ceux portant des anses ou des angulations ont
été retirés ou placés de façon à ne pas gêner la circulation. Au-delà de ces observations, l’intérêt de ces aménagements tient
justement en la présence de ces vases brisés. Leur réutilisation témoigne du fait que le recyclage était déjà à l’ordre du jour. Elle
offre aussi une précieuse source d’information chronologique car les céramiques peuvent fréquemment être utilisées pour dater les
constructions. La fouille a aussi permis d’observer que ces sols étaient entretenus puisque plusieurs niveaux de réparation ont pu
être mis en évidence.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Fig. 4 – Courbes radiocarbone des datations de la structure 1 auto-corrigées sous OxCal© v. 3.5.
Figure 5 – Planimétrie de la structure 1 et de ses abords, trous de poteaux (taches grises) et leurs calages
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Remarques et hypothèses architecturales
L’analyse des parties enfouies, mieux conservées, permet de proposer des hypothèses quant à l’aspect
primitif des parties aériennes élevées en matériaux périssables, grâce au nombre important de négatifs de
poteaux porteurs découverts. A la fin de la campagne 2009, ceux-ci sont au nombre de 27 dans et à
proximité de la maison. Ils sont creusés dans la roche, dans la terre ou les deux à la fois. Certains sont peu
profonds (quelques centimètres), d’autres beaucoup plus (près de 40 cm). Leur diamètre varie entre 10 et
40 cm. Dans certains cas, il a été possible d’observer les traces des outils utilisés pour creuser la roche,
montrant que l’excavation a été réalisée par mouvements circulaires. Les poteaux sont organisés en trois
réseaux. Le premier regroupe ceux qui sont alignés sur l’axe longitudinal médian, équidistants de 160 cm.
Il est vraisemblable que cette rangée constitue la structure porteuse d’une poutre faîtière, donc d’un toit à
double pente23, et permet de diviser l’espace interne en deux nefs24. Le deuxième réseau inclut des poteaux
placés à proximité du parement interne, peut-être destinés à accueillir les poutres latérales de soutènement
d’un grenier-mezzanine. On imagine que cette rangée vise le maintien de parois externes constituées de
rondins horizontaux contenus contre l’armature de blocs. Le dernier réseau intègre des poteaux placés à
peu de distance du parement externe. Les lattes partant du faîtage devaient s’appuyer sur les poutres
soutenues par ces poteaux.
Figure 6 – Reconstitution virtuelle hypothétique de la structure 1 (DAO : L. Bergerot)
A partir du plan de la maison et de la répartition des poteaux (fig. 5), nous avons tenté une reconstitution
virtuelle de la maison 1 (fig. 6). Cette reconstitution fait apparaître les réseaux de poteaux porteurs et met
en évidence le caractère complexe du système d’entrée. La mise en volume de l’information (PECHEQUILICHINI, 2010b) permet de proposer des premières hypothèses sur l’élévation. La présence d’une ou
deux mezzanines est hypothétique et non démontrée par la fouille. La nature simple de la charpente et des
23 L’inclinaison des pans permettant de gérer les glissements et les ruissellements, ce type de toit est particulièrement adapté aux
chutes de neige. Il s’agit de l’un des éléments en faveur de l’hypothèse d’une occupation permanente du site.
24 La distribution des objets n’est pas homogène des deux côtés de cette « colonnade » pour l’US 105. La nef occidentale est
largement moins riche (60 % de tessons en moins, absence d’hématite). On ne peut déterminer si cette information est la
conséquence d’un fait archéologique (effet de paroi et spécialisation des activités) ou si elle est simplement le résultat d’une
puissance sédimentaire moindre, voire d’un glissement ancien.
42
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
parois rappellerait les maisons de la première Rome et du Latium archaïque25, contemporaines de
Cuciurpula. Les noms des pièces de bois utilisées dans ce type de construction sont d’ailleurs connus en
latin26. On imagine une couverture faite de végétaux et/ou de peaux. Les murs pouvaient être montés de
rondins superposés, à la manière d’un rascard. L’étude des charbons montre une disponibilité locale en
chêne pubescent, apprécié entre autres pour la charpente et le merrain, et en pin sylvestre et laricio, arbres
donnant un bois de qualité et facile à travailler et ce, d’autant plus que le débardage de bois de faibles ou
de forts diamètres est d’ailleurs facilité du haut vers le bas des versants (par traînage ou lançage) et a de
tout temps été privilégié en montagne.
« Bols, baguettes et grains de riz » : le mobilier céramique de la structure 1
Technologie
Les caractères techniques de la production de céramique, toujours non tournée, sont récurrents. Les pâtes
sont riches en grains de feldspath et de quartz dont la granulométrie varie entre des mesures
submillimétriques et pluri-millimétriques. Les tranches attestent bien souvent du fait que le montage par
colombins successifs est l’unique technique employée pour produire les vases. L’épaisseur des fragments
de panse présente des valeurs très classiques pour la Protohistoire corse, avec une courbe d’aspect
gaussien aigu culminant à 8 mm (graph. 1). Concernant les fonds, les données sont plus hétérogènes et
font apparaître trois classes privilégiées : la principale à 9 mm, les secondaires à 6 et 11-12 cm (graph. 2). Il
est, pour l’heure, impossible de lier cette information à la morphologie des récipients.
Les parois sont bien lissées et font même fréquemment l’objet d’un brunissage. Certaines parois internes
ont subi un raclage. La cuisson est très majoritairement réalisée en atmosphère oxydante (total sur
tessons : 98 %), même si des changements d’ambiance sont observables en section. La séquence de
Cuciurpula indique que si les récipients cuits en atmosphère réductrice sont peu nombreux, leur obtention
pourrait être volontaire puisque l’observation des tranches montre systématiquement un changement
brutal des teintes.
Les formes (planches 1 à 6)
On ne présentera ici que les éléments les plus caractéristiques et les plus remarquables pour chaque unité
stratigraphique.
US 101
Dans ce niveau figurent un grand nombre de tessons portant des indices de transport. Il s’agit
vraisemblablement de vestiges en position secondaire, déposés relativement récemment dans l’habitation
après son abandon, en provenance de structures construites en amont (structure 14 surtout ?). Les
caractères stratigraphiques et la présence de mobilier d’époque moderne/contemporaine confirment cette
impression. Les formes reconnues appartiennent à des vases de taille petite à moyenne, parmi lesquels une
proportion importante de récipients à profil fermé. Les vases à col (ouvert ou vertical) sont bien
représentés. Les fonds sont plats mais certains vases sont polypodes. Les préhensions sont surtout
assurées par des anses en ruban ou massives à perforation horizontale cylindrique. Les décors sont variés
et disposés en divers endroits, en « grain de riz27 », incisions longues, incisions sur lèvre, impressions, etc.
On notera la présence d’un bol rentrant à col évasé court presque entier, portant quatre oreilles
équidistantes jointes par une portée d’incisions larges et profondes.
25 De précieuses informations sur l’architecture de ces époques sont tirées de l’étude des nombreuses urnes-maisons découvertes
dans les nécropoles latiales (BARTOLONI & AL., 1987).
26 Ici, les pieux (furcae) des réseaux latéraux étaient liés par des poutres périmétrales horizontales (mutuli) et supportaient les
éléments transversaux de la toiture (cantherii) sur leur partie basse alors que leur partie haute était posée sur la faîtière (columen). Des
poutres transversales (templa) pouvaient reposer sur les cantherii. D’autres pouvaient relier les mutuli pour définir des étages en
mezzanine et multiplier presque par deux la surface interne (BLOCH, 1959).
27 Terme d’attente ? La formule « décor en pépin de melon » constitue peut-être un parangon plus adapté à la forme non
symétrique de ces incisions sur l’axe transversal.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
US 103
Les récipients fermés à col vertical dominent ici un lot assez proche morphologiquement de celui de l’US
101. Parmi les éléments originaux figurent un fragment de panse portant des traces de brossage28 et un
décor réalisé au poinçon.
US 106b
Les seuls éléments caractéristiques remployés dans ce sol sont des moyens de préhensions, retrouvés
fichés dans l’argile. Un exemplaire de bouton massif ensellé est assez original à l’échelle du site.
US 106c
Parmi les rares formes reconnues, on a pu observer un fragment supérieur de jarre à col vertical et lèvre
débordante vers l’intérieur.
US 106d
Ce sol a livré un exemplaire d’un probable cordon incisé court en forme de corne.
US 106i
Les formes tirées du pavement de ce sol sont très classiques à l’échelle du site. On notera la présence d’un
tesson portant un trou de réparation cylindrique, technique ne semblant se développer qu’à partir de l’âge
du Fer. L’autre élément original est le seul exemple de pastille reconnu sur le site.
US 105
L’US 105 est l’une des plus riches du site. Elle a fait l’objet d’une datation radiocarbone et caractérise
probablement un épisode de la deuxième moitié du VIIe ou de la première moitié du VIe siècle av. J.-C.
Elle livre une gamme de bols, jattes, tasses monoansées (anse en position sub-labiale) et jarres, au profil
fermé ou « en S », à col ou non. Les décorations en « grains de riz », organisées selon des registres variés,
sont fréquentes alors que les motifs géométriques poinçonnés sont plus rares. La gamme des moyens de
préhension est riche et inclut, au-delà des formes citées jusque-là, des languettes incisées, des cordons
impressionnés, une forme perforée à cornes et un exemple de cordon vertical. Seul ce niveau a livré une
vaisselle incluant des récipients dont le gabarit peut laisser supposer une fonction de stockage. Ici encore,
il faut noter la présence des polypodes, ainsi que de quelques vases à fond concave débordant.
US 133
Parmi les éléments intéressants de ce niveau, il faut noter la présence de décors en « grains de riz » et
d’anses ensellées à perforation horizontale cylindrique.
US 124
Les éléments provenant de cette strate sont assez classiques à l’échelle de la fouille : décors en « grains de
riz », jattes à col vertical court, etc. Plus original est un probable exemplaire de tasse portant une anse à
perforation cylindrique.
US 134
Deux récipients se démarquent ici. Le premier est une probable jarre à paroi verticale ouverte par un court
col évasé à lèvre arrondie. Le second est une jarre à paroi convergente et lèvre en ogive. L’anse rubanée
marquée au « grain de riz » mais non prolongée par des cordons digités est aussi assez originale.
28
Que d’autres auraient qualifié de « décor peigné».
44
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 7 – Planimétrie de la structure 1. Les points rouges illustrent la position des vases dont il a été possible de
calculer le diamètre à l’ouverture dans l’US 105, représenté à l’échelle du plan
US 135
Les décors en « grains de riz » sont ici fréquents, de même que l’autre marqueur caractéristique, l’anse à
perforation horizontale cylindrique. L’une d’entre elles porte un ensellement régulier et juxtaposé à deux
séries d’incisions courtes. On suppose que cet élément pouvait être prolongé par des cordons arciformes
et donner à l’ensemble un aspect de protomé animal. On notera avec intérêt la présence d’une probable
jarre biconique à col évasé ainsi que d’un décor imprimé « a cerchielli ».
US 164-165
Le mobilier découvert dans cette structure (de chauffe ?) appartient à plusieurs récipients. L’un d’entre eux
porte des traces de découpe, preuve qu’il a connu trois utilisations et donc que la fosse ne servait pas à
accueillir des vases. Les autres tessons présentent des formes relativement originales parmi lesquelles une
carène ouvragée sur tesson très épais et la partie haute d’une jarre cintrée et probablement biansée.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 1 – Vaisselle de la structure 1 de Cuciurpula
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 2 – Vaisselle de la structure 1 de Cuciurpula
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 3 – Vaisselle de la structure 1 de Cuciurpula
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Planche 4 – Vaisselle de la structure 1 de Cuciurpula
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 5 – Vaisselle de la structure 1 de Cuciurpula
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 6 – Vaisselle de la structure 1 de Cuciurpula
US 117b
Le niveau de remblais de fondation US 117b, daté au radiocarbone, livre des formes dont les parallèles
sont à chercher dans les vestiges livrés par l’US 114, ce qui est stratigraphiquement logique puisque le
creusement US 117a a été réalisé dans le sédiment US 114. Ce dernier est donc antérieur à la structure 1. Il
livre des vestiges céramiques au potentiel chrono-typologique indéniable, comme un exemplaire de jarre
biconique à col évasé bien marqué par une articulation de la paroi interne très anguleuse. Cette forme
pourrait illustrer des traditions morphologiques héritées du Bronze final.
Le cas du polypode zoomorphe sera traité plus bas.
US 114
Ce niveau, qui précède la construction de « Cuciurpula 1 », est riche en vestiges céramiques. Il livre
notamment plusieurs biconiques à col évasé dont la forme rappelle clairement les contextes du Bronze
final 3 de Corse méridionale (PECHE-QUILICHINI, à paraître 1 et 3 ; PECHE-QUILICHINI & SOULA, à
paraître). De plus, ils sont ici associés à deux exemplaires de fonds plats aplatis sur des vanneries (non
51
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
dessinés car trop endommagés bien que reconnaissables), autre marqueur important du Bronze final
(PECHE-QUILICHINI, 2009a). Les autres fragments sont identiques à ceux des niveaux du plein premier
âge du Fer de la structure 1. On note encore une fois le remploi et la transformation des tessons, certains
servant de support à la découpe, d’autres étant polis pour devenir des jetons29. Enfin, il faut ici encore
noter la présence d’une anse incisée probablement prolongée par des cordons courts en forme de cornes,
mais également d’un cordon court portant une digitation unique. Ce niveau n’a, à ce jour, pas livré de
décors d’incisions courtes en « grains de riz » (PECHE-QUILICHINI, à paraître 1).
Les vaisselles du premier âge du Fer de Cuciurpula : caractères généraux et identité culturelle
La gamme des formes est peu variée et les profils sont généralement simples même si les éléments rajoutés
font souvent preuve d’un certain degré de complexité : cordons simples ou décorés, anses à cornes parfois
associées à un cordon, boutons multiples, anses incisées, etc. Les formes qui les accueillent sont le plus
souvent tronconiques ou en calotte, à fond plat, lorsqu’elles sont ouvertes. D’une manière générale, les
profils fermés sont bien plus fréquents qu’aux époques précédentes. Ils se présentent sous une forme
ovoïde ou globulaire tronquée. Beaucoup possèdent un col vertical ou évasé. D’autres types plus
complexes, caractérisant des jarres, possèdent un aménagement particulier au niveau de la lèvre. Certaines
jarres évoquent les modèles du Bronze final, en adoptant toutefois une segmentation moins marquée. Les
diamètres à l’ouverture sont, dans près de 45 % des cas, compris entre 20 et 25 cm. Les fonds sont
généralement plats, rarement concaves. 45 % d’entre eux ont un diamètre compris entre 10 et 12 cm.
Quelques-uns, surtout ceux présentant un profil concave, possèdent une extension périmétrale. Les vases
polypodes sont rares et leur profil reste peu connu, sauf dans le cas du vase zoomorphe déposé dans la
fondation. Les modes de préhension les plus « prisées » sont l’anse rubanée, l’anse massive à perforation
horizontale cylindrique, la languette perforée, tous types de cordons et de languettes et le bouton
hémisphérique. Le décor est bien plus fréquent au Fer ancien qu’à toutes les autres époques de la
Protohistoire insulaire. L’incision courte, généralement profonde et souvent large, réalisée au moyen de
baguettes à tranchant large et baptisée décor en « grains de riz », domine largement le corpus des
ornementations. Elle est pratiquée sur tous types de récipients mais plus fréquemment sur les vases de
dimensions modestes dont elle touche généralement les parties hautes. Elle s’applique aussi bien sur la
panse que sur les cordons, les anses ou les languettes et obéit toujours à une organisation linéaire
horizontale, verticale ou oblique. L’incision peut être, elle aussi, pratiquée horizontalement, verticalement
ou obliquement au moyen de baguettes de bois ou tout autre objet à tranchant plus ou moins large. La
question de la chronologie exacte de ces décorations mérite d’être posée. A ce jour, on peut émettre
l’hypothèse de leur existence au moins dès la fin du VIIIe siècle av. J.-C. à Cuciurpula et jusqu’au IIIe
siècle av. J.-C. sur le Grecu (TRAMONI & CHESSA, 1998). Leur rareté à Cuciurpula US 114, soit un horizon
attribuable au VIIIe siècle voire avant, est une information qu’il conviendra de préciser. Il restera dès lors
à établir un répertoire précis des registres d’incisions courtes afin de vérifier, de la même façon que pour
l’articulation des productions impressa/Cardial du Néolithique ancien, s’ils peuvent exprimer un potentiel
chronologique. Le « grain de riz » n’est pas le seul type d’ornementation documenté pour cette époque
puisqu’on connaît également des registres incisés longs, cannelés, poinçonnés ou imprimés en
combinaisons variées mais obéissant toujours à une trame géométrique.
On note une certaine homogénéité entre les différentes régions de l’île en ce qui concerne les profils des
récipients. Les seules différences notables s’exercent entre Nord et Sud : le décor de registres d’incisions
courtes « en grains de riz » et les anses massives à perforation horizontale cylindrique connaissent une
répartition spatiale a priori limitée aux régions méridionales et donc au faciès de Nuciaresa (LANFRANCHI,
1978, 1979a, 1979b ; TRAMONI, 1998). Les connexions morphologiques entre Cuciurpula d’autres sites
insulaires sont importantes. Parmi les occurrences les plus évidentes, il faut mentionner :
- le mobilier de l’abri d’Acciola, devant probablement être considéré comme un ensemble clos
de par son fort taux d’homogénéité (début VIIe siècle ? ; PECHE-QUILICHINI, à paraître 1) ;
- les épandages de Santa Barbara (PECHE-QUILICHINI, à paraître 2), Punta di Castellu (PECHEQUILICHINI & SOULA, à paraître) et Punta Campana, de transition avec le Bronze final 3
Les collections d’A Viccia, A Cota, Magazene, Cavaddu Biancu, U Grecu et Ranfonu fournissent
d’importants compléments d’information. Celles de Ceccia, Castidetta-Pozzone, Torracone, et Cucuruzzu,
bien que numériquement importantes pour ces époques, présentent des mélanges trop évidents. Ces
vestiges viennent s’ajouter à ceux, publiés, de Nuciaresa (LANFRANCHI, 1978), Cumpulaghja
29
Les jetons ne sont documentés que dans cette unité stratigraphique. Il semble s’agir d’estèques.
52
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
(LANFRANCHI, 1979b) et Cucuruzzu (LANFRANCHI, 1979a) ou en cours de publication, comme Tappa 2
(MILANINI & AL., à paraître).
Répartition des vases dans la structure 1
La figure 7 illustre la répartition spatiale des vases dans l’US 105, horizon remarquablement préservé des
processus taphonomiques et érosifs post-dépositionnels car au moins partiellement scellé entre deux sols
construits. Le critère retenu pour cette étude est le NMI réduit aux seuls tessons avec lèvre dont le
diamètre à l’ouverture a pu être estimé, soit 28 individus, pour un spectre de 13 à 34 cm (moyenne : 20,4
cm) très voisin des valeurs globales (toutes US confondues) de la séquence de la structure 1. Plusieurs
tendances sont exprimées. L’analyse spatiale met premièrement en évidence une répartition
essentiellement orientale des récipients, surtout observable dans la moitié nord de la structure, alors que la
dispersion semble plus aléatoire dans la partie sud (C). Cette remarque doit cependant être pondérée par la
puissance différentielle du sédiment et le caractère du pendage (en partie corrigé par le sol US 106e) qui
ont pu faciliter des déplacements de mobilier vers l’est. Des concentrations plus localisées (A et B)
caractérisent le secteur de l’entrée et celui du foyer, peut-être en lien direct avec celui-ci. Le chevet absidal
accueille un regroupement de vases (D) parmi lesquels figurent les plus gros gabarits, forts d’un écart à la
moyenne d’une valeur de près de 15 cm pour certains. Il serait tentant de voir ici l’expression d’un espace
de stockage, peut-être formé d’un palimpseste (atterrissement de mobilier provenant d’une éventuelle
mezzanine) non perçu à la fouille. La même étude réalisée pour l’hématite montre que les nucleus étaient
aussi concentrés dans ce secteur. L’étude de l’évolution des protocoles de gestion de l’espace interne de la
structure 1 ne peut être poursuivie en diachronie pour des raisons diverses. Le niveau antérieur (US 114)
précède la construction de l’habitation et ne peut donc être révélateur de ces évolutions. Les horizons
postérieurs (US 103 et 101) ne présentent que peu de garanties stratigraphiques et ont été soumis à
d’importants phénomènes d’érosion et de déposition tardive. De plus, l’US 105 est celle qui livre le plus de
mobilier et les valeurs quantitatives offertes par les autres couches ne sauraient se révéler aussi
statistiquement fiables.
Recyclage, transformation et valorisation des déchets céramiques
Ce volet vise à mieux comprendre les processus de transformation et de recyclage des vases brisés afin de
rendre compte que ces notions étaient déjà en vogue en Alta Rocca il y a près de 27 siècles. L’archéologie
corse dans son intégralité fournit fréquemment des exemples de transformation des débris céramiques.
Ainsi, on sait qu’à toutes les époques, les tessons relativement plats ont été récupérés, arrondis et perforés
pour servir de lests aux fuseaux de tissage. Ces fusaïoles sont cependant absentes à Cuciurpula, comme
d’ailleurs dans tout le premier âge du Fer du sud de la Corse. Sur le site, certains objets en terre cuite issus
de fonds de vases cassés ont été polis sur leur tranche jusqu’à devenir circulaires. Ces « jetons » ont une
fonction qui nous demeure inconnue (jouets, pernettes, estèques, lissoirs ou bouchons ?). On connaît aussi
de nombreux fragments non directement transformés mais dont le contexte de découverte indique une
réutilisation dans un rôle différent de l’originel. Les exemples sont multiples : remploi dans les sols bâtis et
parementés, dans des comblements de nivelage, dans les structures de chauffe, etc. Parfois, ce sont les
traces de cette réutilisation qui fournissent la clé de l’interprétation. C’est notamment le cas pour les larges
tessons plats qui ont servi de support pour la découpe acquérant ainsi un rôle opportuniste d’assiette ou
de plat, forme d’ailleurs absente à ce jour sur le site.
Protocoles de réparation des vases
Les récipients cassés avaient parfois une seconde vie. Deux modes principaux de réparation ont été
observés.
Le premier est le collage effectué à partir d’adhésifs. Retrouvées sous la forme de résidus noirâtres, ces
colles sont assez fréquentes au premier âge du Fer en Corse, à Cuciurpula, et dans les régions de Sartène et
de Vico. Afin de déterminer leur nature, nous avons analysé certains de ces matériaux par spectrométrie
infrarouge, spectrométrie de masse (introduction directe, impact électronique) et par chromatographie en
phase gazeuse selon une méthodologie éprouvée (REGERT, 2004). Les premiers résultats obtenus sur un
résidu noir prélevé à la surface d’un tesson ont permis de mettre en évidence sans équivoque l’utilisation
de brai de bouleau (Betula pendula ou Betula verrucosa), un adhésif fabriqué par traitement thermique
53
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
(pyrolyse) d’écorce externe de cet arbre (WYSS, 1969)30 et parfois rendu plus fluide par adjonction d’un
conservateur à base de cire ou, au contraire, plus pâteux grâce à l’introduction d’un siccatif comme peut
l’être l’huile de lin (DELATRE ET AL., 1997). A notre connaissance, il s’agit, pour l’Europe, du témoignage
le plus méridional de l’exploitation de ce matériau pendant la Protohistoire. Les recherches vont se
poursuivre, d’une part, en étendant le corpus des résidus étudiés et, d’autre part, en confrontant les
données analytiques obtenues à celles fournies par l’archéobotanique afin d’appréhender la gestion des
ressources végétales sur le site ; l’une des questions soulevée par ces analyses étant celle de la présence du
bouleau sur le site à cette époque. Le cas échéant, les habitants du village ont pu chercher et trouver du
bouleau ailleurs31. On imagine que l’adhésif sec pouvait être stocké et reprendre son aspect utilisable après
chauffage ou mastication (NEUBOER ET SCHWÖRER, 1991 ; SCHILICHTHERLE ET WHALSTER, 1986). Ces
témoignages constituent peut-être la première mention archéologique de ce que les auteurs anciens
(Priscien, Périégèse, 470-474 ; Isidore de Séville, Etymologies, VI, 41-43 et XIV) appelaient la
« catochite », pierre ou substance « visqueuse analogue à la glu » (Solin, 37 et 151-152) ayant le pouvoir,
retenu comme magique, de « s’attacher comme une gomme si l’on pose la main dessus » (Pline l’Ancien,
Histoire Naturelle, XXXVII, 56, 152). On sait grâce à ces textes, que cette matière n’existant qu’en Corse
était exportée jusqu’en Thrace. Le procédé de fabrication de bitume à partir de charbon de bois et de cire
d’abeille ne semble pas avoir été utilisé sur le site.
Le second mode de réparation consiste en la ligature des tessons : des trous étaient creusés près des
cassures afin d’y faire passer un lacet servant à suturer les fragments32. En fonction du gabarit du récipient,
le lien pouvait être une cordelette, un lambeau de cuir ou une agrafe crochetée en plomb. Contrairement
au collage, la ligature ne garantissait plus l’étanchéité du vase.
Les deux techniques, collage et ligature, sont parfois combinées.
Indices de métallurgie locale
Bien que rares, les traces de métallurgie sont présentes à Cuciurpula et ce, à tous les niveaux de la chaîne
opératoire. Ainsi, sont répertoriés des blocs de minerai33, un fragment de creuset, des scories34 (de fer et de
bronze) et des objets finis. La présence du minerai, du creuset et des scories montre que les métaux (fer et
alliages de cuivre) étaient traités sur place, parfois dans des moules bivalves en pierre (steatite du Sartenais
ou du Cuscionu ?) dont la fouille a livré un probable fragment. Hormis une fraction de tranchant d’une
hache en bronze découvert en surface, le seul objet reconnaissable est une tige de fer à section carrée sur
laquelle est soudée une autre tige du même type35 provenant de l’US 105. La fonction de cette pièce
demeure inconnue. Il s’agit à ce jour du plus vieil objet en fer trouvé dans l’île. Il a été découvert, comme
tous les autres fragments d’objets métalliques (résidus de bronze ou de fer et agglomérats cuprifères), sur
un espace de 10 cm² dans la structure 1. On pourrait ainsi supposer qu’une bourse permettait de les
stocker en attendant leur refonte. Autre témoignage hypothétique de métallurgie, la découverte de dizaines
de possibles aiguisoirs en hématite (un oxyde ferrique de couleur rouge métallique) qui pourraient attester
de façon indirecte de l’affûtage d’outils tranchants (poignards, couteaux, scies, haches, serpes, pointes de
flèches, etc.). On se doit de souligner que l’utilisation de ces objets dans ce but précis (aiguisage-polissage
30 Le brai de bouleau contient un ensemble de triterpènes de la famille des lupanes, tels que la lupénone, le lupéol et la bétuline.
Au cours de la transformation de l'écorce en brai (par calcination à l’étouffée), une partie de ses constituants se déshydrate pour
donner naissance à des hydrocarbures triterpéniques ou d'autres constituants de plus faible poids moléculaire que leurs
précurseurs (COMBETTE & BOURGEADE, 1976).
31 Le bouleau de Corse est actuellement réparti sur les hauts massifs (étages supraméditerranéens et montagnards), depuis la vallée
de la Tartagine aux aiguilles de Bavedda (GAMISANS, 1981).
32 Plusieurs protocoles de ligature ont été observés pour la Protohistoire. Ils obéissent à un classement chronologique. Ainsi,
durant l’âge du Fer, à Cuciurpula comme sur le site contemporain de Viccia, on observe des trous de réparation de forme
cylindrique (réalisés au moyen de pointes en fer ?). A l’âge du Bronze, notamment à Cuntorba, ces perforations prennent une
forme en sablier (biconique) qui montre deux étapes de percement, de chaque côté de la paroi.
33 L’analyse réalisée par le Laboratoire des Sciences de la Terre de l’Université de Corse révèle l’utilisation d’hématite (Fe2O3)
albitée à 99,7 % de fer. Les mines de fer les plus proches se trouvent au col de Bacinu, à une vingtaine de kilomètres vers le sud.
Elles livrent essentiellement de la magnétite (Fe+2 Fe2+3O4) et d’autres oxydes de fer. D’autres filons sont connus près du col de
Bavedda. Le bloc d’hématite examiné présente une structure cristallographique incompatible à son utilisation comme aiguisoir ou
pigment. Il s’agit donc, à notre connaissance, de la première découverte d’un bloc de minerai sur un site protohistorique dans l’île.
Nous remercions M.-M. Spella-Ottaviani (Università di Corsica) pour les analyses et P.-J. Comiti (Laboratoire Régional
d’Archéologie) pour les informations sur les gisements de fer.
34 En cours d’analyse.
35 En cours de stabilisation au Centre Archéologique du Var à Draguignan.
54
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
« à la sanguine ») n’a jamais été démontrée pour cette période et d’autres hypothèses d’utilisation
pourraient être proposées. On connaît ainsi dans d’autres contextes protohistoriques plusieurs
témoignages de l’emploi d’hématite broyée comme matière colorante, notamment pour obtenir un
pigment rouge sanguin utilisé dans les revêtements céramiques (par exemple : CAMUS ET AL, 1980, p. 436 ;
GIOT, 1978 ; HELENA, p. 344 ; MAITAY, 2004 ; PAUTREAU & MAITAY, 2007, p. 367 ; POUX, 2005, p. 12).
Leur position différentielle dans l’US 105 montre qu’on les manipule dans un secteur précis de la maison
1, à près d’un mètre au sud-est du foyer (besoin de lumière, de chaleur ?), alors que le stockage des nucleus
se fait dans l’abside.
Le dépôt de fondation : considérations sur des pratiques superstitieuses domestiques
Les populations du premier âge du Fer de Corse avaient probablement des croyances religieuses et/ou
magiques qui s’exprimaient dans des rites qui, noyés par les siècles, ne sont pas parvenus jusqu’à nous dans
leur forme originelle, si tant est qu’il y en ait une. L’archéologie ne peut que révéler les pratiques traduisant
dans le geste ces usages. A Cuciurpula, nous ne connaissons aucun lieu de culte ni aucune sépulture,
espaces généralement privilégiés par et pour l’expression du divin (MILANINI, 2004). En revanche, un
objet particulier a permis de documenter un aspect inédit des religions protohistoriques, lié à un rite
domestique (PECHE-QUILICHINI, 2010b).
Il s’agit d’un vase brisé en place, découvert dans la tranchée de fondation de la maison 1 (US 117b). Si sa
forme est ubiquiste, les décors qu’il porte sont assez originaux. Une anse à protubérances incisées, évoque
un protomé cornu. Le vase portait aussi des pieds, malheureusement disparus, mais dont les attaches sont
conservées. Son originalité morphologique est évidente mais elle est amplifiée par sa position
stratigraphique particulière. En effet, en le plaçant dans la fondation36, on savait qu’il serait écrasé par les
blocs de la couronne et donc détruit et enfoui. Ce geste pourrait témoigner de pratiques religieuses en
relation avec la perception de l’espace (domestique) et du temps (fondation = commencement, passage
dans un autre temps, franchissement). L’anse, avec ses extensions striées et sa perforation horizontale,
évoque un animal à cornes dont la morphologie permet de proposer l’hypothèse d’une figuration de
mouflon, animal emblématique des montagnes corses, plus spécialement de l’Alta Rocca. Le caractère
polypode du vase devait encore rajouter à cet aspect. Une autre information importante tient en l’absence
des pieds car l’examen du fond pourrait trahir leur déracinement volontaire. Par simple dialectique
biologique, on penchera pour l’hypothèse d’un vase à quatre pieds/pattes. Dès lors, on pourrait aussi
affirmer que l’arrachage prend tout son sens, celui de l'inertie contrainte et forcée, encore amplifiée par le
blocage sous les pierres de la maison, pour empêcher symboliquement le mouflon de s’échapper de
l’habitation. La pratique se situerait donc à plusieurs niveaux allégoriques (mythologiques ?) et pourrait
retranscrire les bribes d’un mythème associant l’espace domestique à un animal perçu comme sauvage,
bien qu’à l’origine issu de marronnages37, exprimé dans le cadre de la fondation d’un espace de vie. Cette
pratique serait donc proche de ce que nous appelons une superstition, uniquement dans sa forme
physique.
La forme globale du vase étant ubiquiste, c’est par l’analyse des éléments ajoutés (pieds et préhensionsdécors) que l’on trouvera des informations pertinentes quant aux comparaisons excluant toute idée de
répétition sans lien chronologique et culturel dans le reste de l’île. Les autres gisements ayant livré des
types d’anses « à cornes » de morphologie voisine à celle de Cuciurpula sont eux aussi datés du premier
âge du Fer.
Le récipient fragmenté découvert à Nuciaresa et publié par F. de Lanfranchi (1978, fig. 91) est d’un type
très proche. On notera la correspondance d’un fond polypode, d’une préhension « à cornes », dite « en fer
à cheval » par son inventeur (LANFRANCHI, 1978, p. 314), et d’un profil offrant des occurrences avec le
vase de Cuciurpula. L’anse y est cependant légèrement moins proéminente et les cordons incisés sont
rectilignes obliques. L’espace inter-cornes est ponctué d’incisions courtes verticales d’inégales amplitudes
(poils, toison ?). D’autres tessons de ce site pourraient également évoquer ce type de préhension
composite (LANFRANCHI, 1978, fig. 94, n° 5). A l’échelle du site, le gisement de Nuciaresa-Petraluccia
36 Il faut rappeler que l’existence de vases de fondation est attestée en Sardaigne où ils ont été découverts sous des monuments
collectifs (silos, puits) ou des habitations. Ils se caractérisent morphologiquement par leurs profils tranchant souvent avec les
normes de la vaisselle commune. Beaucoup comportent aussi des cendres et des restes animaux, quasiment toujours du gibier. La
plupart date du Bronze final et du premier âge du Fer.
37 Les mouflons de Corse (Ovis ammon musimon Schreber) sont le résultat multi-séculaire du retour à la vie sauvage de moutons
domestiques échappés des troupeaux au cours des temps préhistoriques.
55
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
présente également de fortes affinités structurelles avec Cuciurpula et on y dénombre d’ailleurs plusieurs
structures allongées à extrémité absidale constituées de blocs à face d’éclatement disposée en parement
interne.
L’abri d’Acciola est fouillé par P. Nebbia en 1989. Le remplissage de cette cavité, bien que largement
remanié, livre un ensemble homogène (milieu clos sépulcral ?) et bien conservé de tasses et bols de la
première moitié du premier âge du Fer. Beaucoup portent des ajouts plastiques ou des décorations
similaires à ceux de Cuciurpula. On notera la présence d’une tasse globulaire à col (PECHE-QUILICHINI,
2010a, fig. 7, n° 1) portant, collé au-dessus du diamètre maximal, un bouton tronconique brisé sur l’apex
et prolongé par deux cordons courts lui donnant un aspect de protomé corniforme.
A Santa Barbara, les sondages réalisés par G. Peretti dans les années 1970 sur un site de plein air ont
permis la découverte de nombreux éléments céramiques caractéristiques du Bronze final et du premier âge
du Fer (PECHE-QUILICHINI, à paraître 2). Au sein de ce lot figure une grande jatte tronconique ouverte
aux parois légèrement galbées portant une anse massive à perforation horizontale cylindrique dont
l’attache supérieure est prolongée de deux cordons corniformes (PECHE-QUILICHINI, 2010a, fig. 7, n° 2).
Ce système de préhension déjà complexe est complété par un cordon horizontal impressionné.
Sur la Punta di Casteddu, les prospections récentes réalisées dans le secteur des abris et du village ont
permis la découverte d’un important lot de tessons dont la chronologie peut être calée entre la fin du
Bronze final et les premiers temps du premier âge du Fer (PECHE-QUILICHINI & SOULA, à paraître). Au
sein de cette collection figure une grande anse rubanée portant quatre cordons verticaux à section
triangulaire. Les deux cordons centraux sont courts. Les deux cordons externes sont prolongés près de
l’attache supérieure de l’anse par des cordons digités probablement arciformes.
La communication de J.-L. Milanini dans ce volume (fig. 3, n° 20) montre qu’un dispositif de préhension
de ce type a anciennement été trouvé à Cozza Torta.
On nous signale également la découverte récente et fortuite d’une anse à cornes à proximité du casteddu
de Ceccia.
Les vases polypodes datés de l’âge du Fer sont, quant à eux, connus sur la Punta di a Cota.
Ces comparaisons renforcent l’hypothèse de formes relativement isolées au sein des vaisselles et
confirment l’attribution chronologique vers le début ou le milieu du premier âge du Fer de Corse
méridionale. Elles permettent aussi d’observer une certaine récurrence des formes associées. Le statut
particulier accordé à l’exemplaire de Cuciurpula n’a pu être détecté par ailleurs, sauf peut-être sur la Punta
di Casteddu, où sa découverte dans un abri trop étroit pour avoir eu un rôle autre que funéraire, trahit
peut être une fonction symbolique ici encore liée à un passage. L’exemplaire d’Acciola fournit un cas de
figure analogue.
Perspectives d’études
Nous envisageons, au moins pour ces trois prochaines années (2010-2012), de poursuivre les excavations à
Cuciurpula. Celles-ci se feront dans des directions diverses dont voici les principaux traits :
- poursuite des fouilles dans le secteur de la structure 1 afin de documenter les abords d’une
maison et de vérifier les hypothèses architecturales et chronologiques. L’élargissement
permettrait aussi de mettre en liaison stratigraphique cette structure avec l’un des
terrassements qui lui sont voisins ;
- ouverture de deux autres structures afin de vérifier s’il existe un modèle (chronologique,
architectural, spatial, etc.) d’occupation unique ou une diversité à l’échelle du site. Pour ces
opérations, on envisage une collaboration avec l’équipe de fouille de Populonia-Poggio del
Telegrafo (Piombino, Italie ; coordination : G. Bartoloni et M. Milletti, Dipartimento di
Etruscologia e Archeologia Italica, Università di Roma I “La Sapienza”) ;
- ouverture de la structure circulaire centrale (rotonde) ;
- programme de sondages dans des abris-sous-roche afin de déterminer leur rôle dans la
structuration du village ;
- sondage d’une structure circulaire implantée sous une source, qui pourrait être interprétée
comme un bassin.
Les phases de post-fouille seront développées par des analyses anthracologiques et la poursuite des
recherches sur les adhésifs et les indices métallurgiques. On envisage aussi, si possible, de procéder à des
études polliniques, plus fiables que l’anthracologie pour déterminer les caractères des paléopaysages.
56
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
L’étude céramologique va dans le sens d’une périodisation interne des productions du premier âge du Fer.
On espère améliorer sa résolution par la multiplication des datations et des comparaisons entre séquences.
Ce programme est déjà en cours.
En accord et en collaboration avec le Service Régional de l’Archéologie, il sera procédé à un relevé
complet du site et des structures afin d’obtenir un plan topographique général incluant toutes les
structures bâties. Ce relevé se fera à l’aide d’une station totale mobile.
Parallèlement à la fouille se met en place un programme de recherche sur les habitats du même type dans
la micro-région de l’Alta Rocca. Aux structures déjà relevées en plan à Cuciurpula, sont venues s’ajouter
celles de Saparaccia (Lévie), de Buri (Lévie), de Nuciaresa (Lévie), de Cumpulaghja (Sainte-Lucie-deTallano), de Puzzonu (Quenza) et de Bucchinera (Quenza). On espère, ces prochaines années, proposer
un répertoire microrégional de ces « structures allongées absidales constituées de blocs à face d’éclatement
plane formant parement interne ».
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
LE NIOLU A L’AGE DU FER, ETAT DES CONNAISSANCES
Ghjuvan Filippu ANTOLINI
Docteur en Archéologie
Conservateur du Musée Archéologique Lucien Acquaviva
K169 – Les Sables de Biguglia – 20290 Borgo
marzulinu@gmail.com
Résumé – A la lumière des dernières fouilles archéologiques à Sidossi (commune de Calacuccia), et des découvertes de
Calasima (commune d’Albertacce) de ces dix dernières années, la vision que l’on pouvait avoir de l’âge du Fer au Niolu a
évolué. Il est intéressant d’étudier l’occupation de l’espace au Niolu à cette période, en se basant sur les travaux des
archéologues qui ont étudié le sujet, à travers notamment les sites qui sont connus depuis longtemps ou bien qui ont déjà été
fouillés, mais en les éclairant des derniers résultats des campagnes de fouilles menées à Sidossi, qui nous permettent de remettre
en cause certaines théories. C’est notamment l’étude de la céramique mise au jour sur le site de Sidossi qui nous a permis d’en
apprendre davantage et d’avoir une nouvelle vision du Niolu à l’âge du Fer. Les découvertes issues d’une zone funéraire, avec
des éléments de parure en bronze, sur la route de Calasima, permettent également de placer le Niolu au cœur des échanges du
bassin méditerranéen.
Abstract – In light of recent archaeological excavations at Sidossi (commune of Calacuccia) and the discoveries of Calasima
(commune of Albertacce) of the past ten years, the vision that we had of the Iron Age in the region of Niolu has evolved. It is
interesting to study the space occupation in Niolu at this period grounding on the work of archaeologists who have studied the
subject, especially through sites that have long been known or which have already been excavated. But the latest results of the
excavations carried out in Sidossi allow us to challenge some theories. It is particularly the study of the pottery unearthed on
the site of Sidossi which allowed us to learn more and to have a new vision of Niolu at the Iron Age. The findings from a
burial area (on the road of Calasima), with bronze ornament artefact can also place Niolu at the heart of the Mediterranean
exchanges.
Riassunto – Visto gli ultimi risultati degli scavi archeologichi del sito di Sidossi (comune di Calacuccia), e delle scoperte
archeologiche di Calasima (comune d’Albertacce) da ormai dieci anni, la visione che avevamo dell’Età del Ferro nel Niolo è
cambiata. È interessante di studiare l’occupazione dello spazio nel Niolo a questo periodo, aiutandocci del lavoro degli
archeologhi che hanno studiato questa alta valle. Ci sono siti protoistorichi di quel periodo connosciuti da molto tempo, ne
possiamo oggi fare una altra lettura, con gli elementi archeologichi nuovi che abbiamo a disposizione. Ci permette di
presentare nuove teorie sull’occupazione del Niolo all’Età del Ferro. Lo studio della ceramica di Sidossi ci ha portato molte
cose e ci ha permesso di capire meglio l’organisazione sociale della alte valle del Niolo a quell’epoca. Anche le scoperte della
zona funeraria di Calasima con tanti elementi di bronzo, di ha permesso di rimettere il Niolo al centro degli scambi del
Mediterraneo.
L'âge du Fer est un peu le parent pauvre de l'archéologie corse. Si des découvertes très intéressantes ont
pu être faites au début du XXe siècle et dans les années Soixante, nous avons peu de fouilles récentes avec
stratigraphies à disposition. Ce début de XXIe siècle et les fouilles actuellement en cours devraient nous
permettre d'en apprendre davantage sur le sujet.
En Corse comme ailleurs, l'âge du Fer se caractérise par une nouvelle maîtrise technologique, celle de la
métallurgie du fer, mais ce n'est pas la seule évolution que connaît la Corse à ce moment. D'ailleurs, les
vestiges en fer des sites protohistoriques insulaires de cette époque sont relativement rares à l'inverse des
éléments en bronze beaucoup plus abondants.
Selon Michel Claude Weiss et François de Lanfranchi (LANFRANCHI & WEISS, 1997), le premier âge du
Fer (700 à 500 BC) corse correspond à la civilisation de Hallstat II et se caractérise par le passage des
épées longues aux épées courtes ou poignards à antennes. C’est également le moment où les éléments de
parures deviennent abondants dans la tenue vestimentaire des femmes et parfois même des hommes.
L'âge du Fer est également relativement mal documenté dans le Niolu38, à l’inverse de l’âge du Bronze. Il
38 Nous utiliserons dans cet article les toponymes corses dans leur graphie moderne, dans un souci de préservation de cette partie
importante de notre patrimoine. Nous donnerons les traductions des villages et rivières, mais pas des sites dont la traduction ne
nous apparaît pas utile car bien souvent ils n’apparaissent pas sur les cartes topographiques. En toscan, le Niolu apparaît sur les
cartes sous la dénomination Niolo.
58
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
est difficile de déterminer en l’absence de fouilles archéologiques les époques auxquelles les sites de l’âge
du Bronze sont abandonnés. On peut penser que, comme ailleurs en Corse, il y a eu une perduration de
l’occupation des éperons et que les castelli39 occupés à l’âge du Bronze l’ont également été, au moins, au
cours du premier âge du Fer. Lucien Acquaviva (ACQUAVIVA, 1979b) pensait dans sa thèse de doctorat
que « l’habitat était le fait de petites communautés » et que « l’organisation sociale devait être centrée sur de
petites cellules humaines. » Il est compréhensible que Lucien Acquaviva n’ait pas pu avoir la même vision
que nous de cette époque car il ne connaissait pas l’existence du site de Sidossi qui semble avoir tenu un
rôle majeur dans le Niolu, certainement à la fin du premier âge du Fer. Si comme on le suppose
aujourd’hui, le Niolu de l’âge du Fer était organisé autour de Sidossi, avec des castelli de moindre
importance qui surveillaient toutes les voies de communication, alors, on peut comprendre que l’on ait eut
une vision parcellaire et forcément erronée, jusqu’à la découverte et la fouille du site de Sidossi.
Figure 1 – Vision d’ensemble de l’éperon de Sidossi, à un moment où le niveau du lac artificiel de Calacuccia est
relativement bas.
Les sites d’habitat (ACQUAVIVA, 1979b ; ANTOLINI, 2004)
Si l’abri Albertini, E Spilonche du nom du toponyme, est connu pour être l’implantation la plus ancienne
du Niolu actuellement à avoir été fouillée, il se pourrait que d’autres sites du Néolithique ancien soient
bientôt mis au jour. Mais ce n’est pas l’aspect néolithique des Spilonche qui nous intéresse dans cette
publication, mais l’occupation plus tardive de l’abri, à l’âge du Fer. Comme l’explique Lucien Acquaviva
dans sa thèse, l’abri est situé à une vingtaine de mètres du ruisseau des Spilonche : il est composé de
plusieurs grosses boules granitiques de grandes dimensions appuyées les unes sur les autres. Le bloc
principal est en forme d’auvent reposant sur des blocs volumineux. La hauteur de ce bloc est de 8 m.
Immédiatement en dessous se trouve une ouverture de 1,50 m de large et de 1,35 m de hauteur qui permet
d’accéder à la partie habitable du site. Devant l’auvent, d’autres blocs volumineux forment une sorte de
couloir et délimitent une aire habitable au sol. Une partie du site a été remaniée, et même certains blocs
débités par des carriers pour construire une maison à proximité.
39
Villages fortifiés de la Protohistoire dont on retrouve souvent trace dans la toponymie sous cette forme.
59
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 2 – L’abri Albertini (E Spilonche), vue d’une paroi rocheuse
Rosé Ercole et Lucien Acquaviva ont découvert le site en 1973. Michel Claude Weiss y a effectué plus tard
des sondages archéologiques, en 1973 et en 1974. Lors de ces campagnes et des différentes prospections
qui ont été menées sur le site, du matériel caractéristique de l’âge du Fer a été mis au jour, mais hors
stratigraphie. Lucien Acquaviva signale notamment, dans sa thèse, un tesson de céramique portant un
cordon à impression digitées, des cordons en relief, des anses en ruban, des tessons peignés et des tessons
avec fibres d’amiante. En ce qui concerne le Castellu Rossu (GROSJEAN, 1956), qui se trouve à limite de
l’emprise des maisons du village actuel de Calacuccia, à la limite et en dessous du niveau maximum du lac
artificiel, Lucien Acquaviva (ACQUAVIVA, 1979b) note que les Protohistoriques ont aménagés quelques
structures rocheuses. Deux plates-formes d’habitat sont encore visibles. Lucien Acquaviva note que lors
des prospections en surface, un petite perle mauve d’un diamètre de 9 millimètres a été découverte, ainsi
qu’un peu de céramique, et notamment un rebord à cordon digité, avec négatif d’ongle. Au sujet d’A
Turraccia, Lucien Acquaviva (ACQUAVIVA, 1979b) indique que le gisement est situé sur les hauteurs
dominant le village de A Petra di Niolu40. Notre prédécesseur a mis en évidence l’occupation d’une plateforme rocheuse isolée, recouverte d’une mince pellicule de terre rapportée du sol environnant. Pour
Lucien Acquaviva, l’aire rocheuse large de 11 mètres et longue de 11,5 mètres devait être ceinte d’un mur
en petit appareil. Au cours des différents ramassages de surface, Jean-Charles Antolini a pu récolter
essentiellement de la céramique, avec notamment de la céramique peignée (typique de l’âge du Fer), et de
la céramique à pâte feuilletée qui représentent les deux tiers de la centaine de tessons. Le dégraissant est à
base de quartz, de mica et d’amiante (dégraissant que l’on n’utilise qu’à partir de l’âge du Fer).
U Chjosu Biancu signalé par Rosé Ercole a pu être fortifié à l’âge du Fer et le site d’E Mandriole (les deux
sites sont sur la commune d’Albertacce) près de Calasima qui semble avoir connu plusieurs occupations a
pu servir de zone funéraire à cette époque. Enfin, Ghjucatoghju, près de Calasima, était très certainement
un site défensif de l’âge du Fer. Nous y avons découvert en surface un tesson de céramique, un rebord
portant un cordon digité où sont visibles des négatifs d’ongles, typique de la céramique de l’âge du Fer,
que l’on retrouve sur de nombreux sites du Niolu, comme à Sidossi par exemple. Jean-Charles Antolini y a
découvert de la céramique avec dégraissant au quartz et des roches utilisées en meunerie (tondule41 et
percuteurs). On distingue sur ce site un aménagement défensif, avec utilisation des roches en place,
renforcées.
Le site d’A Petra Margarita, sur la commune d’Albertacce, a été fouillé par Lucien Acquaviva en 1973 et
1978. Lucien Acquaviva remarque que ce site se situe sur le chemin de transhumance traditionnel qui
conduisait de Lozzi en Balagna42. Il est intéressant de s’arrêter sur le toponyme « Margarita » qui semble
En toscan, Pietra
Mot corse pour désigner la molette.
42 Balagne.
40
41
60
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
attester un lien avec un endroit où l’on prélevait la tarra rossa43. Et effectivement, il y a encore quelques
décennies, les femmes du village voisin de A Petra di Niolu y prélevaient de la terre pour les besoins
familiaux. C'est un site d'habitat de plein air ne présentant pas d'aspect défensif mais qui s'insère dans un
complexe plus large à proximité de plusieurs sites fortifiés de l'âge du Fer. C'est à la suite de travaux de
construction de la route reliant A Petra di Niolu et Zitambuli à U Poghju di Lozzi44, que le site à été mis
au jour. Lucien Acquaviva y a fait un premier sondage en août 1973, puis une fouille en 1978, avant que le
propriétaire ne construire un garage à cet emplacement l'année suivante, détruisant ainsi la structure.
Le sondage et la fouille n'ont pas livré de matériel lithique. En revanche, 860 tessons de céramique ont été
mis au jour. L'analyse pollinique effectuée à A Petra Margarita par Michel Girard en 1978 demeure à ce
jour la seule en ce qui concerne le Niolu. C’est l'occasion pour nous de faire quelques observations
intéressantes sur l'environnement végétal et l'exploitation des ressources naturelles du Niolu au premier
âge du Fer. Le paysage végétal est relativement peu boisé. M. Girard remarque que « c'est le pin de type
laricio45 qui domine, accompagné de quelques feuillus comme le chêne à feuilles caduques et le hêtre
(Fagus). L'aune (Alnus), mis en évidence dans le spectre, provient de zones humides sans doute voisines du
site. Quelques espèces méditerranéennes sont également présentes : le pin maritime (Pinus pinaster) et le
chêne-vert (Quercus ilex) mais leurs fréquences sont faibles. L'espace libre est colonisé essentiellement par
des graminées et des composées diverses. L'agriculture est attestée par la présence de pollens de céréales ;
ceux-ci sont relativement nombreux (3,02 %). La fréquence relativement haute de ces pollens permet de
dire que les champs céréaliers étaient assez proches du site. Les pâtures et prairies existaient également aux
environs du site et l'on observe dans le spectre le cortège de plantes indicatrices de ces lieux pâturés :
cichoriées, graminées anthémidées, plantage, etc. Les données archéologiques permettent de situer
l'échantillon dans la phase sub-atlantique (800 av. J.-C. à l'actuel). Sur le site de Petra Margarida46
l'occupation humaine a dû se faire très tôt ou être très intense pour réduire le couvert forestier à l'état de
délabrement révélé par l'analyse. (…) Le pin laricio devait exister sous forme de bosquets plus ou moins
clairsemés sur les collines avoisinantes tandis que les pentes devaient être utilisées comme pacage. Le fond
de la vallée, où se situe le village actuel d'Albertacce, devait sans doute fournir les terres nécessaires aux
champs céréaliers (ACQUAVIVA, 1979b, p. 179-181) ». A Petra Margarita livre une céramique typique de
l’âge du Fer, avec notamment des rebords à cordons pré-oraux incisés ou digités où l’on voit les négatifs
des ongles. A Petra Margarita faisait vraisemblablement partie d’une organisation plus vaste, puisqu’il
semble qu’il y ait d’autres occupations, au-dessus du site. Si le site néolithique d’A Corbaghja n’est pas de
la même époque (à moins qu’il ait connu lui aussi une perduration de l’occupation de l’espace, que seule
une fouille pourrait nous permettre de confirmer), le site de I Capitoni est clairement défensif (de par sa
topographie), et, laisse penser à une occupation protohistorique. Dans la même zone, juste au-dessus d’A
Petra Margarita, il y a également le site du Castillacciu qui a pu être occupé aux mêmes périodes.
Figure 3 – Le site d’I Capitoni
Mot corse désignant l’argile qui était utilisé pour les besoins domestiques.
Zitamboli et Poggio di Lozzi
45 U Larice en langue corse
46 A Petra Margarita (nous avons conservé l’orthographe de l’auteur, puisqu’il s’agit d’une citation).
43
44
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Le Site de Sidossi (commune de Calacuccia), objet de quatre campagnes de fouilles (2006-2009)
En ce qui concerne le site de Sidossi, la perduration de l’occupation de l’espace est importante. Lors des
campagnes de fouilles, une lame et une lamelle en obsidienne, un éclat en silex, et des pointes de flèche
ont été mis au jour, ce qui permet de dire que le site a été occupé au moins depuis le Néolithique terminalChalcolithique (2500 à 1800 BC ou en dates calibrées 3100 à 2300 av. J.-C.). La découverte d’éléments en
bronze (anneaux, pointe, élément de parure) et de céramiques datées de l’âge du Bronze (1800 à 700 BC
ou en dates calibrées 2300 à 700 av. J.-C.) nous permet de dire que le site a été également occupé lors de
cette période. Avant le début des campagnes de fouille, il n’y avait pas de preuves archéologiques de la
présence humaine à l’âge du Fer, même si cette hypothèse avait déjà été évoquée (WEISS & ANTOLINI,
2006, p. 29). Les différentes campagnes de fouilles et l’étude du matériel céramique découvert en surface, a
apporté de nouveaux éléments déterminants. Une grande partie de la céramique découverte lors des
ramassages de surface peut être datée de l’âge du Fer. Nous pouvons donc affirmer que le site a également
été occupé, pendant le Premier, et certainement pendant le deuxième âge du Fer. On pourrait même être
tenté de penser que la principale occupation du site date de cette époque et non de l’âge du Bronze, mais
pour cela il faudrait pouvoir fouiller sous le niveau du lac, et les démarches effectuées auprès de EDF,
propriétaire des terrains, se sont révélées pour le moment négatives. Kewin Peche-Quilichini qui fait partie
de l’équipe archéologique du Niolu a pu mener une étude sur 341 tessons de céramique découverts pour la
plupart en surface à Sidossi ces dernières années. Il s’agit pour l’ensemble d’éléments de vaisselle. Voici la
synthèse de son analyse. La majorité des pâtes est généralement assez épurée et la proportion d’éléments
non plastiques dans la matrice est globalement assez faible. Dans la plupart des cas, la présence de quartz
et de feldspath blanc (granulométrie moyenne : entre 0,5 et 2 mm) dans les tranches semble naturelle. Ces
remarques orientent vers un caractère local de la production, avec une exploitation d’argiles locales
naturellement peu grasses, voire de mélanges d’argiles se dégraissant mutuellement. Cependant, dans un
cas au moins47 (planche 3, n° 13), la présence de microfibres d’amiante dans la pâte suggère une
introduction volontaire pour obtenir un récipient plus résistant à la cuisson prolongée et répétée.
L’absence supposée de ce minéral dans la haute vallée du Golu48 permet d’évoquer des contacts avec les
groupes du nord-est de l’île où certains massifs schisteux sont particulièrement riches en amiante49.
Quelques tessons incluant une quantité très importante de grains millimétriques à plurimillimétriques, dont
une forte proportion de micas (biotite et muscovite), illustrent un deuxième protocole de mélange
également marqué par une possible introduction de quartz pilé. L’intégralité de la production est modelée
et montée au colombin (plusieurs négatifs conservés) à partir d’un disque de fond plat obtenu par
aplatissement d’une motte. L’épaisseur des parois est toujours comprise entre 5 et 13 mm, pour une valeur
moyenne entre 7 et 8 mm et un mode de représentativité de type gaussien. L’épaisseur des parois est
relativement stable sur les fragments de paroi les plus longs. En revanche, on a pu mesurer jusqu’à 7 mm
de variation sur un même fond. Cette distorsion s’exprime toujours sur le rapport entre la zone
périphérique et le centre du fond. Les périphéries sont souvent bien plus épaisses que le centre, ce qui est
assez original sur l’île. En conséquence, la surface interne présente une originale concavité (planche 3, n°
13). Les fonds de ce type sont minoritaires. La plupart présentent une épaisseur assez régulière (planche 3,
n° 11-12). La surface de pose reste aplatie dans tous les cas. A l’autre bout du vase, les lèvres sont
généralement aplaties. Fait original, un bord est aménagé par un pliage vers l’extérieur (planche 2, n° 12).
Les traitements de surface sont essentiellement représentés par un lissage, souvent sommaire mais parfois
très poussé. Sur la paroi externe, aucune trace n’a pu être observée. On constate seulement quelques
planches aplaties. A l’intérieur, plusieurs fonds et parois portent des traces de lissage réalisé aux doigts ou à
l’estèque. Sur un fond (planche 3, n° 13), on distingue particulièrement un protocole de lissage selon un
mouvement concentrique à partir du centre du fond (d’ailleurs à l’origine de sa concavité). Le
polissage/lustrage est rare et concerne seulement quelques vases à cuisson réductrice. Enfin, un tesson
porte des traces de brossage (ou de peignage) réalisé sur paroi lissée, à l’intérieur comme à l’extérieur. Les
cuissons sont majoritairement réalisées en atmosphère oxydante. Les cuissons réductrices sont peu
fréquentes. Plusieurs vases portent des « coups de feu ». Certaines tranches sont bichromes.
47 La simple observation macroscopique des tranches ne permet pas de déterminer le taux et la fréquence de la présence des pâtes
amiantées dans la série.
48 Golo.
49 On pense plus particulièrement au bassin de la moyenne vallée du Golu, débouché naturel du Niolu par la Scala di Santa
Regina.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 1 – Céramique de Sidossi
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Planche 2 – Céramique de Sidossi
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 3 – Céramique de Sidossi
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Planche 4 – Céramique de Sidossi
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 5 – Céramique de Sidossi
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Planche 6 – Céramique de Sidossi
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Formes de la vaisselle de Sidossi
La vaisselle de Sidossi est constituée d’une gamme assez restreinte de profils à fond plat. La principale
caractéristique découlant de leur observation générale témoigne d’un certain refus de la géométrisation et
des articulations nettes. Les formes basses sont absentes. Les morphologies sont donc simples, même si
certaines formes sont assez originales. Les récipients sont de taille petite à moyenne. La plupart des formes
reconnues est à replacer dans la catégorie des jarres, classe à profil fermé, sur le modèle du vase (presque)
entier (planche 3, n° 3) mais selon des homothéties variables (planche 1, n° 1, n° 3 et n° 7-15 ; planche 2,
n° 5-6, n° 8 et n° 10 ; planche 3, n° 2) et des sous-classes dont la définition pourrait être fondée sur la
morphologie du rebord : à col évasé (planche 1, n° 10-11), à court col vertical (planche 1, n° 15), à col
rentrant concave (planche 2, n° 8 et n° 10), etc. Les autres jarres présentent un profil vertical (planche 2,
n° 7) ou très légèrement ondulant (planche 2, n° 9 et n° 12). Le vase le plus imposant de la série est une
jatte à profil supposé en calotte (planche 2, n° 11). Un autre modèle de jatte, bien plus petite, appartient à
la classe des jattes à profil rectiligne ouvert (planche 3, n° 1). On connaît aussi un gobelet épaulé à col
vertical (planche 1, n° 2) dont le profil est comparable à celui d’un récipient à peine plus grand (planche 1,
n° 4). Un bol caréné profond (planche 1, n° 6) apparaît particulièrement original de par l’articulation de
deux pans de paroi concave. Un autre bol présente un profil hémisphérique légèrement rentrant (planche
1, n° 5).
Chronologie du site de Sidossi
L’homogénéité et la particularité des techniques céramiques, la récurrence des profils et les associations
d’éléments originaux (planche 2, n° 2 et n° 12) plaident pour le placement de cette production céramique
sur un intervalle chronologique resserré. Cette remarque n’exclut pas l’existence d’autres périodes
d’occupation50 même si celle qui est concernée ici semble la plus importante. Les informations
chronologiques fournies par l’analyse macroscopique des procédés de production convergent donc vers
l’attribution à un même horizon chrono-culturel. L’introduction d’amiante pour dégraisser, la pratique du
pliage des rebords, le lissage souvent sommaire et l’utilisation du peignage dans les protocoles de
traitement des surfaces sont autant de témoignages qui rappellent l’âge du Fer insulaire. La céramique à
pâte amiantée semble devenir fréquente dans l’île à partir de la deuxième phase de cette période (WEISS,
1974) et jusqu’au début du XXe siècle (CHIVA & OJALVO, 1959). Les connaissances sur cette technique
sont néanmoins trop ténues pour pouvoir avancer des conclusions fiables, tant sur leur absence aux
époques antérieures que sur leur réelle proportion à l’âge du Fer et leur développement chronologique
ultérieur. Le pliage des rebords est une technique rare. Elle a néanmoins déjà été observée dans le mobilier
protohistorique superficiel de la Punta Ficcaghjola, près d’Ajaccio (PECHE-QUILICHINI, en cours). La
présence de céramique antique dans cet assemblage suggère une datation vers la fin de l’âge du Fer pour
cette technique qui rappelle d’ailleurs clairement les protocoles mis en œuvre pour la production des
vaisselles en verre d’époque romaine tardo-républicaine. Le peignage est un indice beaucoup plus fréquent
et mieux connu en Corse, même si les problèmes de terminologie et de chronologie qu’il pose mériteraient
une révision globale. La technique est documentée dans l’île depuis les Ve ou IVe siècles av. J.-C.51 et
perdure, en évoluant, jusqu’au haut Moyen Âge, voire après. Le tesson examiné ici s’apparente plutôt aux
productions de la deuxième moitié du Ier millénaire av. J.-C.52 car le traitement s’apparente plus à un
« brossage » qu’à un véritable « peignage ». Aucune autre information d’ordre technique ne vient
contredire l’attribution au deuxième âge du Fer. L’examen morphologique confirme partiellement cette
hypothèse. La prépondérance des formes fermées rappelle clairement les premiers résultats obtenus à
Cuciurpula (communes de Sarra di Scopamena et de Surbuddà53) dont l’occupation est datable des
VIIIe/VIe siècles (cf. K. Peche-Quilichini et al., dans ce volume). On notera aussi un fort degré de
superposition typologique entre Sidossi et le site de l’Alta Rocca pour certaines jarres (planche 1, n° 4, n°
Néolithique récent et/ou final et époque moderne.
Le peignage est présent, entre autres, à Tappa 2 (MILANINI & AL., à paraître), à Carcu-Modria (WEISS, 1974), dans nécropole
d’Aleria (JEHASSE, 1975), à Buffua (PASQUET & TRAMONI 1973), à Lugo (LANFRANCHI, 1971), à Sant’Anghjelu (PECHEQUILICHINI, en cours), dans l’abri de San Vincente (NEBBIA & OTTAVIANI, 1986), sur la Punta di Cuciurpula (PECHEQUILICHINI, en cours), sur le Pianu di u Grecu (TRAMONI & CHESSA, 1998), etc.
52 Son isolement est toutefois assez surprenant au vu du nombre de tessons examinés.
53 Serra-di-Scopamene et Sorbollano
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
11, n° 13 et n° 15), mais aussi pour les anses massives à perforation horizontale cylindrique et les cordons
incisés et impressionnés. La fréquence de ces derniers rappelle également le dépôt de l’abri 1 d’Acciola
(commune de Ghjunchetu54) (PECHE-QUILICHINI, à paraître 1) que l’on peut replacer vers le VIIIe siècle.
Le cordon à décor excisé ou ceux portant une digitation étalée au plat du pouce ne sont pas connus
ailleurs dans l’île. Il en est de même pour les languettes bifides à digitation centrale unique55. L’exemplaire
de cordon à digitations « classiques » mais incluant des traces (involontaires ?) d’ongles est lui aussi assez
original56. Les préhensions en « U renversé57 » ornées d’incisions sont également atypiques mais la
décoration évoque les cordons incisés décrits plus hauts et pourraient donc se rattacher aux contextes du
deuxième tiers de l’âge du Fer. Les profondes et larges incisions observées sur l’une d’entre elles rappellent
d’ailleurs le décor « en grain de riz » du style des sites du sud de l’île. A Sant’Anghjulu (commune
d’Aiacciu58), c’est la fréquence des cordons à section triangulaire qui caractérise un épisode indéterminé de
l’âge du Fer (PECHE-QUILICHINI, en cours). La présence de cordons multiples sur la panse n’est pas un
cas unique. La récente fouille de Tuani (commune de Corti59), dans la haute vallée de la Restonica, a livré
bon nombre de vases portant 2, 3 voire 4 cordons. Ceux-ci sont néanmoins différents des exemplaires de
Sidossi par leur épaisseur60. Seul un tesson provenant de Santa Barbara (commune de Sartè61) rappelle
l’élément présenté ici. Ce site de plein air est occupé du Bronze final à la fin de l’âge du Fer (PECHEQUILICHINI, à paraître 2). Les impressions circulaires réalisées juste au-dessus d’un cordon à section
triangulaire trouvent des correspondances à Tappa 2 (commune de Portivechju62), dans un contexte des
VIe/IVe siècles (MILANINI & AL., à paraître), et à Capula (commune de Livia63) (LANFRANCHI, 1978). On
les connaît aussi en Sardaigne dans tous les contextes de la première moitié du Ier millénaire. Bien que
présentes sur tous types de récipients, elles sont plus particulièrement fréquentes sur les anses des formes
askoïdes ou sur les parois des vaisselles du faciès du nuraghe Genna Maria (Sardaigne) (CAMPUS &
LEONELLI, 2000). L’étude des formes tend à placer cette collection homogène dans la fin du premier et les
débuts du second âge du Fer (VIIe-Ve siècles). Seule l’absence des anses rubanées surprend pour cet
horizon chronologique.
Apports de l’étude de la céramique de Sidossi
L’étude de la collection met en évidence son homogénéité technique, morphologique et chronologique. Il
s’agit d’une production de qualité moyenne, poreuse dans la plupart des cas et semble limitée au montage
de récipients de gabarit petit à moyen. Ces protocoles sont globalement en corrélation avec les contextes
insulaires du deuxième âge du Fer, probablement dans sa phase initiale. Les formes renverraient plutôt à
un épisode légèrement antérieur, vers la deuxième moitié du premier âge du Fer. En résumé, les
techniques semblent moins archaïques que les formes. Trois hypothèses pourraient expliquer ce
phénomène64 :
- Occupation au premier âge du Fer (formes caractéristiques) avec utilisation précoce de certaines
techniques de production ?
- Occupation au deuxième âge du Fer (techniques caractéristiques) avec perduration de formes plus
anciennes ?
- Occupation située à la charnière entre premier et deuxième âge du Fer ?
Quoi qu’il en soit, cette série est un jalon important dans la définition des cultures matérielles
protohistoriques de Corse, à ce jour seulement documentées de façon recevable dans la partie méridionale
de l’île. Nous avons vu plus haut que si les correspondances entre productions du Niolu et du Sartenais
Giuncheto
Les languettes à multidigitations latérales sont en revanche bien connues au premier âge du Fer du nord au sud de l’île. On
mentionnera les sites de Monte di Morta, dans les Agriate, et de Cuciurpula, en Alta Rocca (PECHE-QUILICHINI, en cours).
56 Le décor à l’ongle est connu à Castiglione où il est inclus dans des niveaux de la deuxième moitié du Bronze moyen (PECHEQUILICHINI, en cours). Il est très probable qu’il s’agisse d’une pollution. On le connaît aussi à l’âge du Fer dans le sud de l’île.
57 A moins qu’il ne s’agisse de cordons disposés en créneaux.
58 Ajaccio.
59 Corté.
60 L’occupation de Tuani est vraisemblablement à replacer dans un âge du Fer à définir.
61 Sartène.
62 Porto-Vecchio.
63 Levie.
64 A l’heure où nous écrivons, une datation radiocarbone vient plutôt valider la première et la troisième hypothèses.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
sont nombreuses (fréquence et profil des formes fermées, fréquence des cordons à section triangulaire,
fréquence des cordons incisés, décors de cercles impressionnés, peignage), il existe également plusieurs
divergences. Outre la reconnaissance à Sidossi de traits originaux (languettes ou cordons à digitation
unique, bouton ombiliqué, cordons placés près du fond, cordons-renforts de la base, préhensions en « U
renversé » incisé, fréquence d’un bourrelet à proximité du bord), l’absence des registres classiques du décor
« en grain de riz »65, typiques du faciès méridional de type Nuciaresa (commune de Livia), pourrait être
interprétée comme témoignant de l’absence d’épisode de fréquentation au premier âge du Fer, mais plus
vraisemblablement comme résultant d’un processus culturel limitant l’expansion de ce style au sud de la
Corse. La céramique de Sidossi pourrait dès lors être considérée comme l’expression matérielle d’un
groupe culturel du milieu de l’âge du Fer, comme pourrait l’être l’entité des Likninoï, situés dans le Niolu
par les géographes antiques. Néanmoins, une meilleure connaissance des contextes protohistoriques
proches (Ascu66, haut Tavignanu67, vallée du Portu68, haute Balagna69) serait souhaitable à la définition
préalable d’un nouveau faciès.
Les Particularités de Sidossi
Nous avons à Sidossi plusieurs tessons de céramique originaux, qui font référence à des formes inconnues
en Corse en l’état actuel des recherches publiées, et qui semblent donc être uniques. Nous avons
notamment un fragment de tasse à poucier composite (planche 4, n°1) et deux tessons avec cordon incisé
en U renversé. Sidossi présente donc la particularité d’avoir, à l’âge du Fer, une production originale de
céramiques, certainement unique en Corse, et dont nous n’avons pas réussi à trouver de correspondance à
l’extérieur de la Corse. Nous pouvons donc avancer l’hypothèse l’une production inventée sur place, ce
qui est relativement rare. Cela démontrerait l’importance du site de Sidossi, pour le Niolu, mais également
au niveau de la Corse.
Figure 4 – Fragment de panse avec cordon en U renversé et incisé (photo K. Peche-Quilichini)
A Sidossi, un phénomène surprenant est la présence de plusieurs types de céramique jusqu’à présent
connus uniquement dans le sud de la Corse. On pensait que ces faciès culturels ne concernaient que les
régions qui pouvaient être en contact plus ou moins direct avec la Sardaigne. Or, il s’avère que le Niolu
possède également ce type de formes. Même si à l’échelle de la Corse, le Niolu est plus une région centrale
que septentrionale, nous n’avions jamais mis au jour de telles formes dans le cœur de la Corse. Il s’agit des
jarres biconiques à col évasé (planche 4, n°9) (Corse méridionale et Italie septentrionale, Bronze final), de
décors incisés rappelant les grains de riz (Corse méridionale) et des décors a cerchielli (Corse méridionale et
Sardaigne).
Il faut toutefois noter la présence d’un décor assez proche présentant une incision courte unique.
Asco.
67 Tavignano.
68 Porto.
69 Balagne.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 5 – Décor « a cerchielli » soulignant un cordon (photo K. Peche-Quilichini)
Ce phénomène est à rapprocher de la découverte de San Ghjuvan Battista III, seule statue-menhir du
Centre et du Nord de la Corse qui possède des attributs guerriers, même si ce n’est pas la même époque
car en l’état actuel des recherches, cette stantara70 serait datée de l’âge du Bronze Moyen. Jean-Charles
Antolini, inventeur du site de Sidossi, pense depuis longtemps qu’il y avait des torre au Niolu, et des sites
comme I Castiglioni ou encore U Castellu di Sarravalle (commune de Calacuccia) pourraient bien lui
donner raison, même si dans le Centre et le Nord de la Corse ce type de structure est aujourd’hui absent.
Pour mieux appréhender ces phénomènes, il faut savoir que le Niolu n’est pas une région comme les
autres. C’est sans doute la région de Corse la plus centrale qui ne peut être classée ni au Nord, ni au Sud.
En effet, il suffit de regarder le parcours des antiques bergers du Niolu pour le comprendre. On trouve
des terres d’impiaghjera71 aussi bien du côté de Carghjese72 que dans le Falasorma73, ou encore le
Capicorsu74. De même si l’on regarde de plus près le parcours des grands fleuves de Corse, les principaux
prennent leur source dans le Niolu ou à proximité immédiate : Golu, Liamone, Tavignanu, Fangu et
Portu75. L’utilisation d’amiante place également le Niolu en relation avec la Corse septentrionale,
démontrant l’ouverture de cette haute vallée sur l’ensemble de la Corse. Enfin, notons deux autres
céramiques de l’âge du Fer découvertes en surface. La première présente un fond entier qui peut encore
contenir de l’eau. Elle a un dégraissant à l’amiante. La seconde est complète.
Figure 6 – Paroi interne de fond et traces de lissage (photo K. Peche-Quilichini)
Mot corse pour désigner la statue-menhir.
Transhumance hivernale.
72 En toscan : Cargese.
73 Le Filosorma en italien.
74 Le Cap Corse en français.
75 Golo, Liamone, Tavignano, Fango et Porto
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La zone funéraire
Au-dessus de la route entre A Petra di Niolu et Calasima, une zone rocheuse présentant plusieurs abris
semble avoir été une zone funéraire particulièrement prisée par les Korsi du Niolu76. A proximité de cette
zone se trouve l’antique chemin de transhumance menant du Niolu au Falasorma. On y trouve les abris
d’E Funtanelle. Ces abris sont les témoins d’une perduration de la mémoire collective des Niulinchi77 hors
du commun. A cet endroit une petite source coule. Pascal Cesari, un habitant d’A Petra di Niolu a été
témoin dans sa jeunesse, dans les années 50, d’une pratique que l’on ne s’expliquait pas à l’époque. Alors
qu’il se promenait avec une de ses vieilles tantes, née au XIXe siècle, cette dernière lui demanda de cracher
par terre en passant devant cette source, pour éviter de voir sortir « un énorme serpent » et lui interdit d’en
boire l’eau. Plus de 2000 ans après, les Niolins ne savaient plus pourquoi, mais ils ne buvaient toujours pas
d’eau de cette source, eau qui passait à proximité de tombes. Dans la symbolique chrétienne le serpent
représente le mal, dans ce cas précis il est associé à la mort. On note la présence d’une petite cupule sur
une dalle rocheuse peut-être associée aux tombes. Cette cupule aurait pu, en partant de ce postulat, être
cultuelle.
Ces abris, dont certains ont pu être occupés au Néolithique78, livrent des éléments de parure et ont
certainement été utilisés à l’âge du Fer comme sépulture. Il se pourrait que cette zone ait été consacrée, à
cette époque, à l’inhumation. Les archéologues du XXIe siècle et les fouilles qu’ils feront sur la commune
d’Albertacce permettront peut-être de mettre en relation cette zone funéraire avec son (ou ses) village(s)
de l’âge du Fer, à moins qu’il ne faille aller chercher un peu plus loin. Il s’agit de deux tombes dont une qui
présente des pierres dressées sur champ. L’abri principal d’E Funtanelle a livré du matériel en bronze que
Jean Corteggiani le père de Jean-Pierre Corteggiani, égyptologue originaire d’A Petra di Niolu, a mis au
jour au début des années quatre-vingt, lors de travaux agricoles. Nous avons pu voir des photos de ce
matériel que nous espérons pouvoir étudier et publier prochainement. Il y a notamment une petite fibule à
navicella dont la longueur doit être de 7 centimètres, une fibule a due occhielli ou à arc serpentant qui
ressemble à celle d’E Capulane. Et enfin, une autre fibule de 17 centimètres et demi formée d’un fil de
bronze qui forme 10 boucles. Il y a également deux anneaux en bronze et divers éléments, toujours en
bronze. L’abri d’E Capulane (commune d’Albertacce) malheureusement débité par des carriers il y a plus
de cinquante ans, a été utilisé dès le Néolithique79, puis il a servi de sépulture pendant l’âge du Fer. Cet abri
sous roche a livré un pied de fibule80 et une fibule serpentiforme81 entière, toutes les deux en bronze.
Michel Claude Weiss (WEISS, 1998) note au sujet de la fibule entière (de 6,78 cm de longueur et 4,27 cm
de hauteur) qu’elle « laisse voir deux boucles de dimensions comparables (plus grand diamètre externe:
1,13 et 1,04 cm) mais nettement plus réduites que celle du ressort (plus grand diamètre externe: 1,9 cm).
Les trois boucles sont légèrement ovales. L'ensemble a été obtenu d'un seul tenant, à partir d'un fil de
bronze. Celui-ci est aplati au niveau du pied et surtout du porte-ardillon où il est également élargi très
notablement et donc recourbé, l’extrémité étant convexe. La section du fil est généralement plutôt
losangique, celle de l'ardillon pratiquement circulaire alors que celle du pied est approximativement carrée.
Le diamètre du fil de l'ardillon, vers le milieu, est de 0,22 cm, tout comme la largeur du pied (également
vers le milieu) ». Nous pouvons également qualifier cette fibule en utilisant sa dénomination italienne82 :
fibula à due occhielli. Elle peut être datée du Bronze final ou du tout début de l’âge du Fer. On retrouve le
même type de modèle dans l’Etrurie septentrionale. Elle est d’origine villanovienne. On peut penser que le
modèle étrusque a été copié dans le Niolu (ou en Corse), puisque vraisemblablement la fibule a été
fabriquée en Corse.
Que le géographe grec Ptolémée appelait les Licninoï.
Mot corse pour désigner les habitants de la région du Niolu.
78 D’après les ramassages en surfaces réalisées par Jean-Charles Antolini.
79 Jean-Charles Antolini y a trouvé des pointes de flèches, et des éclats en obsidienne, en quartz et en rhyolite. Nous y avons
trouvé des grattoirs et des éclats en rhyolite.
80 Semblable au pied de la fibule de l’Ordinacciu.
81 Ou à arc serpentant ou encore à due occhielli.
82 Echanges avec Matteo Milletti.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 7 – Fibule « a occhielli » d’E Capulane
Quant au pied de fibule en bronze lui aussi, Michel Claude Weiss note qu’il « est issu d'un objet de grande
taille, d'aspect massif, à arc serpentant. En effet, une fibule de ce type, du moins pour ce qui concerne le
pied, avait été décrite par R. Forrer en 1924 (FORRER, 1924, p. 224-232). Le vestige du Niolu comprend
donc le pied, plus court que celui de la fibule présentée par R. Forrer, avec le porte-ardillon brisé (il en
reste seulement la base) et le départ de l'arc formant une boucle. Sur la fibule décrite par R. Forrer,
l'extrémité de l'arc “se perd rivée dans un tube en bronze battu ; ce tube devient alors une tige massive
montrant un renflement orné de lignes gravées” (FORRER, 1924, p. 229). Pied et tube sont donc assujettis.
Le tube est globalement “biconique”. Cette fibule aurait été trouvée entre 1880 et 1890, avec d'autres
objets, vers Carbuccia ou Bocognano83, dans la vallée de la Gravona. Pour R. Forrer, cette fibule “à arc de
violon est une des plus intéressantes des débuts de l'âge du fer et trouvées en France” (FORRER, 1924, p.
231). Le fragment du Niolu a une longueur totale de 5,75 cm. La longueur du pied (sans le départ du
porte-ardillon) est de 3,25 cm. La largeur du pied au niveau de son renflement atteint 1,95 cm. Enfin, le fil
de bronze formant l'arc a une épaisseur notable (entre 0,55 et 0,70 cm). Les bandes de stries parallèles (une
en haut et l'autre en bas) situées aux deux extrémités du tube en bronze constituant le pied affectent le
revêtement final et peuvent être assimilées à une ornementation. » Ce fragment fait partie d’une fibule que
l’on peut qualifier d’inspiration étrusque, du type des fibules a sanguisuga du début de l’âge du Fer.
Figure 8 – Pied de fibule « a sanguisuga » d’E Capulane
Un autre abri a été utilisé comme sépulture à l’âge du Fer, A Pisatoghja. Ce site livre un peu de matériel en
surface. Les pierres dressées sur champ laissent encore apparaître la trace de la tombe, mais l’abri ayant été
réutilisé à de nombreuses époques, il est difficile d’en faire une lecture correcte. La découverte d’éléments
lithiques laisse penser à une utilisation au Néolithique comme site d’habitat.
83
Dans toutes les citations, nous respectons l’orthographe des auteurs, il faut lire ici Bucugnà.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 9 – A Pisatoghja, coffre sous abri
Nous pouvons également citer une autre sépulture sous abri, celle d’A Parata, sur la commune de Lozzi.
L’agriculteur Jean Acquaviva y a découvert, en 1926, en démaquisant les alentours de l’abri, un squelette
portant des bracelets et anneaux aux poignets et aux chevilles, ainsi qu’un vase funéraire qui lui était
associé. Lors d’un sondage dans les années soixante-dix, Lucien Acquaviva y a mis au jour du matériel
néolithique et de la céramique à l’amiante, typique de l’âge du Fer. Le sondage lui a également permis de
retrouver, dans des terres remaniées, deux perles en jaspe, deux fragments issus peut-être d'un bracelet
métallique filiforme, un élément en bronze évoquant une pendeloque, un morceau de chaînette métallique,
enfin, un bord de vase orné d'incisions. En outre, on doit citer un objet en bronze trouvé fortuitement et
assimilé par L. Acquaviva à un pendentif. On peut en déduire qu’à l’image des autres abris ayant servis de
sépulture dans le Niolu à l’âge du Fer, A Parata a été auparavant utilisé comme habitat certainement à la
fin du Néolithique. Par la suite, suivant un schéma qui semble se reproduire, l’abri est abandonné pendant
plus d’un millénaire avant d’être de nouveau utilisé comme sépulture.
A la lecture de ces dernières découvertes archéologique, on peut dire que le Niolu de l’époque de l’âge du
Fer commence petit à petit à livrer ses secrets, et la fouille de Sidossi a été particulièrement riche en
informations. Le Niolu, comme le reste de la Corse a bien été occupé à l’âge du Fer, et cette époque n’est
ni « terne », ni « triste » et encore moins « pauvre », comme nous avons pu nous-mêmes le prétendre avant
de mener des campagnes de fouilles à Sidossi. Mais, en archéologie certainement plus que dans toute autre
discipline, nos certitudes du jour peuvent souvent devenir nos erreurs du lendemain. La découverte d’une
zone funéraire sur la route de Calasima a été déterminante. Les éléments qui que nous commençons à
mettre au jour témoignent d’une société raffinée, au contact des autres civilisations du bassin
méditerranéen et non pas recluse sur elle-même. Si pendant de nombreuses années, les Préhistoriens ont
écrit que le Niolu de l’âge du Fer en comparaison aux autres époques s’était appauvri, nous pouvons
aujourd’hui penser que ce n’est pas le cas, mais que cette illusion d’appauvrissement est certainement à
mettre en relation avec un regroupement de l’ensemble des sites d’habitat importants du Niolu autour de
Sidossi, les autres sites devenant plus des centres de surveillance ou de relais où il y avait beaucoup moins
d’activité économique, ce qui explique la pauvreté des éléments mis au jour. Seules des campagnes de
fouilles rigoureuses peuvent nous permettre d’avancer dans notre réflexion. Les années à venir devraient
permettre d’en apprendre encore d’avantage sur l’occupation de l’espace à cette époque.
75
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
LES PRODUCTIONS A PATES AMIANTEES A L’AGE DU FER : ORIGINES ET
EVOLUTION
Hélène PAOLINI-SAEZ
Docteur en Archéologie
Directrice du Laboratoire Régional d’Archéologie
Les Améthystes – Bât A – 20167 Mezzavia
saezpaolini@free.fr
tél. : 06-75-11-65-83
Résumé – L’âge du Fer est caractérisé notamment par la présence de céramiques à pâte amiantée. Ces productions
s’inscrivent dans une tradition technique qui remonte au VIème millénaire et qui se retrouvera jusque dans l’artisanat du
début du XXème siècle. Ainsi, il apparaît que la matière argileuse d’origine métamorphique a été sélectionnée au VIème
millénaire pour répondre à un besoin spécifique, celui de la réalisation de jarres de stockage. Par la suite, à partir du XIVème
siècle, les vases amiantés ont surtout un usage culinaire. Les formes ne changeront guère jusqu’au XIXème siècle, où un
artisanat propre à certaines communautés du nord-est de la Corse se développera. Comme au Néolithique, un vaste réseau
d’échanges et de ventes est mentionné sur l’ensemble de la Corse à l’âge du Fer et au Moyen Âge.
Riassunto – L’età del Ferro è caratterizzata dalla presenza di ceramica con amianto. Questa produzione si inserisce in
una tradizione tecnica che risale al VI millennio e che si riscontra ancora nell’artigianato dell’inizio del XX secolo. La
materia argillosa di origine metamorfica nel VI millenio è selezionata per rispondere all’esigenza specifica di realizzare dei
contenitori di stoccaggio. In seguito, nel XIV secolo, i vasi con amianto hanno soprattutto una funzione culinaria. Le forme
rimangono immutate fino al XIX secolo, quando si sviluppa un artigianato peculiare di alcune comunità localizzate nel
nord-est della Corsica. Come durante il Neolitico, anche nell’età del Ferro e nel Medioevo, è attestata una vasta rete di
rapporti commerciali (scambi e vendite) su tutto il territorio insulare.
Abstract – The Iron Age is marked notably by the presence of asbestos ceramics. This production can be registered in a
technical tradition dating back to the 6th Millenary, and will be found in manual trade work up to the beginning of the 20th
Century. It would appear that the clay material of metamorphical origin had been chosen in the 6th Millenary to reply to the
specific need of making stockage jars. Following that, from the 16th Century onwards, asbestos vases were mainly for culinary
use. Their shapes will hardly change at all until the 19th Century, when a handicraft production, particular to certain
communities in NE Corsica, began to develop. A large network of exchange and sale is mentioned taking place throughout
Corsica, just as during the Neolithic, Iron and Middle Ages.
Dans le cadre de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena, nous nous sommes intéressés à la présence de
céramiques à pâte amiantée sur certains sites corses de l’âge du Fer. Nous proposons d’une part de
reprendre l’inventaire des sites de cette période ayant cette spécificité et d’autre part de réfléchir aux
origines et au développement de ce choix technique à travers l’histoire des productions corses. Ainsi, nous
retracerons l’histoire de ces vases, depuis leur origine jusqu’à leur commerce au début du XXème siècle et
suivrons le cheminement des potiers corses afin de mieux comprendre leurs choix, leurs besoins et leurs
savoir-faire.
Outre l’aspect chronologique, le champ d’étude permet de mettre en lumière une production spécifique de
l’âge du Fer qui répond à des critères typologiques et fonctionnels. De plus, il permet également d’aborder
la composition de la matière première de ces vases induisant une réflexion sur sa provenance et sur les
échanges des potiers.
Généralités sur l’amiante et bref historique
L’amiante (synonyme asbeste) est un terme sans signification minéralogique, qui désigne certains minéraux
silicatés des roches métamorphiques. Ils sont facilement exploitables, fibreux, flexibles, isolants et
résistants (à la chaleur, aux agressions acides ou alcalines, à la traction, à l’usure). Les fibres ou poussières
d’amiante correspondent en fait, à plusieurs espèces minérales qui se différencient d’après leur aspect
macroscopique, leur couleur, leur dimension, leur composition chimique. Ces espèces appartiennent à
76
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
deux groupes minéralogiques (BARIAND & AL., 1977 ; FOUCAULT & RAOULT, 2000) : amphiboles et
serpentines. Le groupe des amphiboles avec des minéraux en prismes plus ou moins allongés, en aiguilles
ou en fibres dont la classification est liée aux variations progressives des teneurs en Mg, Fe, Ca et en Na
(exemples d’amiantes amphiboliques : trémolite, actinote, crocidolite, amosite, anthophyllite) et le groupe
des serpentines avec le chrysotile en fibres soyeuses très fines (seule serpentine considérée comme
amiante), parfois très longues, et l’antigorite le plus souvent en lamelles (FABRIES & AL., 1982). Ces deux
minéraux serpentineux de même composition, proviennent de l’altération et/ou du métamorphisme des
olivines et de certains pyroxènes des roches magmatiques basiques et ultrabasiques (ex. ophiolites). Ils
entrent dans la composition d’une roche verte, assez compacte, à surface lisse, veinée ou tachetée, avec
des tons variés (sombres et clairs) : la serpentinite84.
En Haute-Corse, la serpentinite couvre une importante surface et selon le BRGM (1999), 135 communes
sont concernées par la présence de ce type d’affleurement susceptible de contenir des minéraux
amiantifères (en fibres ou en baguettes), d’où la présence de nombreux filons dont certains ont pu être ou
ont été exploités. Des zones de contacts entre les serpentinites et les gabbros prédisposent à l’apparition
d’amphiboles, une famille d’amiante qui diffère de celle du crysotile par sa composition chimique et sa
morphologie : il s’agit généralement de la trémolite (BRESCHI & MASI, 2008).
La plus importante mine est celle de Canari, sur la côte ouest du Cap Corse. Elle a été exploitée en 1898
par le maître-mineur et forgeron Ange-Antoine Lombardi. Quelques tonnes de fibres sont exportées à
Marseille dans un premier temps. La société « l’Amiante » s’intéressera au site puis pendant la première
guerre mondiale, l’ingénieur de la mine d’arsenic de Matra (Haute-Corse) dirigera les travaux. Ce filon
d’amiante est mis en exploitation en 1927 par l’industriel Georges Cuvelier, fondateur de la société Eternit
France. Une usine de production est lancée en 1939 puis une nouvelle usine, dite Canari I, sera construite
en 1947. La production passera de 2 000 tonnes à 30 000 tonnes en 1962. Cette mine assurait à elle seule
près de 50 % des besoins industriels continentaux (coll., 2005) et plaçait la France au septième rang des
pays producteurs d’amiante. La mine couvre alors le cinquième des besoins du marché intérieur ; le reste
étant importé du Canada, de l’URSS ou de l’Afrique du Sud (BRESCHI & MASI, 2008). En effet, plusieurs
mines ont été exploitées depuis la fin du XIXème siècle et le sont encore aujourd’hui notamment en Russie,
au Kazakhstan, en Chine, au Canada, au Brésil et en Afrique du Sud. En France, son exploitation, sa
transformation et son utilisation sont interdites depuis 1997 et dans l’Union Européenne depuis 2005.
L’usine de Canari fermera en 1965, officiellement pour des raisons économiques85.
L’amiante est un matériau utilisé depuis l’antiquité en raison de ses propriétés de solidité lui valant le terme
d’asbestos par les grecs, ce qui signifie « indestructible ». Ses propriétés physico-chimiques exceptionnelles,
variable selon les espèces, ont favorisé leur utilisation : incombustibilité, résistance mécaniques (traction),
résistance à l’usure, résistance aux diverses agressions externes, flexibilité, élasticité, isolant thermique,
électrique et acoustique, tissage. Les fibres ont la particularité d’être creuses, ce qui explique les propriétés
d’absorption et d’isolation du matériau (PATRIZI & AL., 2006). Les fibres d’amiante étaient utilisées
notamment pour la confection de tissus très résistants, dans l’industrie comme matériau isolant, pour la
réalisation de tuyaux, de joints d’étanchéité ou comme matériaux de construction (l’amiante-ciment).
Spécifique à la Corse, une céramique culinaire et domestique associe l’amiante à l’argile afin d’assurer une
bonne résistance thermique et mécanique aux productions.
Les productions à pâte amiantée à l’âge du Fer : état de la question
Hormis les vases atypiques majoritaires, la littérature consacrée aux céramiques produites localement
durant l’âge du Fer révèle deux caractéristiques : les vases dits « peignés » et les vases à pâte amiantée86.
Ces deux spécificités semblent fédérer les productions bien qu’elles ne soient pas liées. En effet, les
84 Mes sincères remerciements à Elisabeth Pereira (maître de conférences à l’IUT de Corse) pour cette description et la relecture
de cet article.
85 Ce matériau, très avantageux par son coût, présente toutefois des risques sanitaires puisque l’amiante a la particularité de se
fractionner en particules microscopiques pour atteindre les alvéoles pulmonaires et même migrer jusqu’à la plèvre. Son inhalation
s’avère donc dangereuse. Pline l’Ancien mentionnait dès le Ier siècle les dangers de l’amiante chez les esclaves romains. Suite à de
nombreux cas de cancers, l’asbestose est reconnue comme maladie professionnelle en 1950. En 1996, l’amiante est interdite et son
utilisation est proscrite en France. Les études menées par l’inspection du travail conduisent à désamianter les principaux lieux
contenant ce matériau de construction.
86 Les travaux récents montrent que les productions dites « à grains de riz » sont également caractéristiques de la période. Elles
sont développées dans ce volume.
77
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
céramiques peignées ne sont pas forcément accompagnées des céramiques à pâtes amiantées, et vice versa.
De plus, certaines céramiques amiantées peuvent être décorées ou pas au peigne. Il n’y a pas de règles
établies et il faut certainement reporter cette remarque à l’état de conservation des collections
quantitativement assez faibles et donc peu représentatives des productions initiales. D’autre part, certains
sites ont livré de nombreux tessons atypiques qui ne livrent pas d’indications spécifiques et qui sont
d’intérêt moindre face aux objets contemporains (pièces métalliques, perles) (CAMPS, 1988a ;
LANFRANCHI, 1974).
Figure 1 – Localisation des sites
78
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Huit sites ont livré des productions à pâtes amiantées (fig. 1)87 attribuées à la fin de l’âge du Fer, (vers le
IIIème siècle ou le début du IIème siècle) :
Teppa di Lucciana (commune de Vallecalle, Haute-Corse),
Abri Albertini - Lavia / Torraccia - castello de Marze (Niolu, Haute-Corse),
Modria (Cateri, Haute-Corse),
Nécropole de Casabianda (commune d’Aleria, Haute-Corse),
Punta di Carpalone (commune de Porto-Vecchio, Corse du Sud),
Campo Stefano (commune de Sollacaro, Corse du Sud).
L’ensemble du territoire est ainsi concerné par ces productions, du centre montagneux jusqu’au littoral.
Les informations relatives à ces sites sont généralement ténues hormis pour A Teppa di Lucciana
(MAGDELEINE & AL., 2003). Ce massif rocheux a été perturbé par des fouilles clandestines répétées et une
fouille du Dr Forsyth Major au début du XXème siècle. Une récolte exhaustive du mobilier a été réalisée
dernièrement compte tenu du bouleversement général du site et face à l’impossibilité de pratiquer une
fouille stratigraphique.
Figure 2 – Exemples de céramiques de l’âge du Fer.
1 et 2 : Teppa di Lucciana (d’après : Magdeleine et al., 2003) ; 3 : Campo Stefano (dessin : K. Peche-Quilichini) ; 4 :
exemples de « décors peignés » (d’après : Magdeleine et al., 2003) ; 5 : tessons avec fibres d’amiante et « décor peigné »
de Modria (d’après : Weiss, 1984)
87
Inventaire réalisé en fonction de la documentation à notre disposition.
79
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Les fibres d’amiante ont été observées sur 21 % de la céramique non peignée et 47 % sur la céramique
peignée (fig. 2, n° 4). Les fibres sont quelquefois sous la forme de gros filaments (6 % pour la céramique
non peignée et 32 % pour la céramique peignée), mais elles peuvent être pilées ou en fragments très fins.
L’épaisseur des parois des céramiques est majoritairement très fine (de 4 à 7 mm), qu’elles soient peignées
ou non. Les céramiques non amiantées sont plus épaisses, mais en faible proportion (de 10 à 15 mm pour
les céramiques non peignées). L’étude morphologique ne s’est pas concentrée sur les différences entre les
céramiques à pâtes amiantées et les autres types de pâtes mais sur les céramiques peignées ou non. Ces
formes sont homogènes ce qui nous permet peut-être de conclure que les productions amiantées étaient
de même forme que les autres. Il s’agit de récipients de petite taille, les diamètres à l’ouverture varient de 6
à 32 cm avec une majorité de vases non peignés mesurant de 10 à 19 cm et des céramiques peignées de
diamètre légèrement plus étroits, de 10 à 16 cm. Les fonds sont généralement plats (diamètre de 7 à 13 cm,
plus rarement 20 cm) et quelquefois arrondis pour les petites formes. Le corpus rassemble des formes
simples tronconiques, cylindriques et hémisphériques et des formes composites à cols cintré ou
tronconique (fig. 2, n° 1 et 2). Parmi les préhensions, citons une anse en ruban et une anse à poucier,
partant toutes les deux du bord, ayant un aspect archaïsant et pouvant se rapprocher de l’âge du Bronze.
La série compte également des tessons décorés par des incisions de différentes largeurs (traits cannelés,
cannelures, traits incisés) avec des motifs en damier ou des croisements perpendiculaires de lignes. Des
impressions triangulaires ou cupulaires complètent la collection.
L’abri Albertini et le site de Lavia / Torraccia (ACQUAVIVA, 1974 ; WEISS, 1976) ont livré des tessons
peignés à pâte amiantée. L’abri Albertini se trouve au fond d’un vallon, à une altitude de 870 mètres
d’altitude environ, dans la haute vallée du Golo. Les ramassages de surface ont livré deux tessons peignés
dont les fibres d’amiante sont nettement visibles. D’autres tessons à pâte amiantée mais non décorés
étoffent la petite série. Un bord droit à lèvre biseautée et un fragment d’anse en ruban attribués à l’âge du
Fer sont à mentionner.
Le castello de Marze (ACQUAVIVA, 1979) est un site fortifié situé à 720 mètres d’altitude à l’entrée
naturelle de la haute vallée du Niolo. Huit tessons à pâte amiantée (dont trois bords) proviennent de
niveaux remaniés ou en surface.
Modria est un site culminant à 450 mètres d’altitude au-dessus des deux vallées d’Algajola et du Regino
(WEISS, 1974 ; LANFRANCHI & WEISS, 1997). Dans le niveau inférieur de la couche II, 34 tessons de
poterie amiantée ont été inventoriés. Il s’agit d’une poterie fine décorée presque systématiquement par des
impressions au peigne (fig. 2, n° 5). Les fibres d’amiante sont de tailles variables (fig. 2). Les formes
semblent être globulaires avec des anses aplaties et parfois étroites, fixées près du bord. Deux tessons sont
décorés d’une incision rectiligne large et profonde.
Les tombes de la nécropole de Casabianda renferment aussi bien du matériel d’importation (céramique
attique, bijoux en or, perles en pâte de verre, alabastres, pendentifs) que du mobilier local dont de la
céramique peignée ou à l’amiante (ACQUAVIVA & CESARI, 2000, p. 118 ; JEHASSE-MARY, 1974).
A la punta di Carpalone (PASQUET, 1979), site littoral à 146 mètres d’altitude, trois tessons dont un bord
de 6 mm d’épaisseur et un cordon de 19 mm ont une pâte feuilletée contenant de l’amiante.
Campo Stefano est un site littoral localisé dans la basse vallée de Sollacaro. Quelques tessons de l’abri 1
US 101 offrent une pâte amiantée : deux bords éversés de 20 et 21 cm de diamètre à lèvre biseauté externe
ou épaissie externe, deux fonds plats de 17 à 19 cm de diamètre et un fond annulaire de 14 cm de diamètre
(abri 1 US 100) (fig. 2, n° 3). Les épaisseurs sont variables. Le bord le plus fin (de 21 cm de diamètre) est
très desquamé, le montage est manuel sans traces de colombinage, les parois externe et interne sont
lissées, la cuisson, réductrice, n’est pas de bonne qualité88.
La faiblesse numérique de l’échantillonnage de ces séries ne permet pas d’aller très loin dans notre analyse.
Toutefois, il importe de soulever la présence de vases à pâte amiantée sur des sites méridionaux attestant
qu’il y avait une volonté de posséder ces contenants. Ces derniers sont associés à des vases de productions
locales ce qui pourrait induire qu’ils répondaient à une fonction spécifique. D’autre part, la finesse de la
pâte et les dimensions restreintes des vases sont des critères que l’on retrouve fréquemment. Le rôle
structurant de l’amiante mélangé à l’argile permet de réaliser des vases solides, résistants aux chocs
thermiques ou mécaniques malgré des épaisseurs faibles. Par contre, il n’est pas possible de statuer sur leur
fonction précise (stockage, cuisson, rôle domestique) compte tenu du peu d’indications sur les formes
originelles. Seul le site de A Teppa di Lucciana pourrait nous donner des indications sur la relation entre la
Merci à Kewin Peche-Quilichini pour ces informations, avec l’aimable autorisation de Joseph Cesari, responsable de l’opération
archéologique de Campo Stefano.
88
80
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
nature de la pâte et la morphologie du vase et, par déduction, sa fonction. Malheureusement, l’étude a été
orientée vers les différences entre céramiques peignées et non peignées et non vers celles à pâte amiantée
ou non amiantée. Toutefois, l’étude ne montre pas de différences selon la présence ou non du décor. Cette
remarque pourrait conduire à une homogénéité des formes pour l’ensemble de la production, sans
distinction entre le rajout ou non de l’amiante. Il serait donc intéressant de reprendre l’étude en l’orientant
vers cette problématique.
La relation avec le décor peigné est également un élément à retenir. Sur les huit sites ayant livré de la
céramique amiantée, cinq d’entre eux associent les deux particularités. Sur le site de A Teppa di Lucciana,
47 % de la céramique peignée contient des fibres d’amiante. Un rapport est-il possible entre le rajout
d’amiante et le traitement de la paroi externe du vase (MAGDELEINE & AL., 2003) ? S’agit-il d’une
décoration, d’une norme technique pour assurer une bonne résistance du vase (porosité, solidité,
étanchéité) ou d’un standard de réalisation ? Dans ce cas, le décor peigné aurait un rôle spécifique lié à la
fonction du vase ; le rajout de l’amiante venant renforcer cette pratique technique.
Pour aller dans ce sens, il importe de noter que des sites avec de la céramique peignée n’ont pas livré de
pâtes amiantées. Ces sites se localisent plutôt dans le sud de la Corse (zone où sont absents les filons
d’amiante) : par exemple Araguina-Sennola (LANFRANCHI & WEISS, 1976), Curacchiaghju (LANFRANCHI,
1976), Terrina IV (CAMPS, 1976), San Vincente (NEBBIA & OTTAVIANI, 1985), sépulture de Lugo
(CAMPS, 1988), sépulture de Santa Catalina (LANFRANCHI, 1968), Cucuruzzu (LANFRANCHI & WEISS,
1997, p. 444). Nous pouvons nous interroger sur le rôle technique de ce « décor ». Le fait de ne pas avoir
de l’amiante à proximité des lieux de production a pu inciter les potiers à reproduire ce traitement de
surface afin d’assurer une bonne résistance ou une bonne étanchéité des parois. Dans l’attente d’une étude
poussée sur ces collections, nous aurions dans ce cas un témoignage technique qui a été considéré à tort
comme un décor.
Des céramiques similaires sont attestées en Languedoc et en Provence dès le premier âge du Fer (Camps,
1988) mais également en Italie sur l’île d’Elbe à Capolivieri, entre Livourne et Follonica et jusqu’en Ligurie
(MAGDELEINE & AL., 2003). Il s’agit d’un courant de méditerranée occidentale dont la Corse fait partie
intégrante.
Evolution des productions corses amiantées du Néolithique au début du XXème siècle
Des pâtes métamorphiques au Néolithique
Le référentiel pétrographique mis en place lors d’un travail de doctorat (PAOLINI-SAEZ, 2002) permet de
proposer qu’un choix volontaire a été entrepris au Néolithique ancien pour la production de certains vases
(PAOLINI-SAEZ, sous presse PAOLINI-SAEZ & AL., 2003).
Trois sites littoraux, A Petra, Araguina-Sennola et Strette (fig. 1), associent aux productions réalisées avec
des matières premières argileuses locales, des récipients dont l’origine est métamorphique. Les minéraux et
fragments de roche composants la matière métamorphique (notamment des fragments de schistes et de
serpentinites, des micas blancs) possèdent des critères macroscopiques caractéristiques (aspect brillant ou
coloré) qui se démarquent totalement des formations granitoïdiques. Pour les deux premiers sites, cette
matière argileuse est extérieure au contexte géologique immédiat (tabl. 1).
Site
Strette
A Petra
AraguinaSennola
Nombre et nature
de la matière première
A : métamorphique à chamotte
B : granitoïdique et quartzite
C : hybride (mélange de A et B) à chamotte
A : granitoïdique
B : métamorphique
A : granitoïdique à amphibole
B : métamorphique à chamotte
Provenance
Locale
Locale
Locale
Locale
Extérieure
Locale
Extérieure
Représentativité
30,1 %
13,9 %
56 %
98,4 %
1,5 %
63,6 %
13,4 %
Tableau 1 – Caractéristiques pétrographiques des sites du VIème millénaire
81
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Afin de mieux comprendre la présence de ces vases de composition atypique, nous avons croisé les
données pétrographiques, morphologiques et métriques. Ce travail a pu se faire pour la collection de
Strette, compte tenu de sa bonne conservation. Sur le site de Strette (Barbaggio, Haute-Corse), nous avons
observé plusieurs matériaux d’origine locale, dont des matériaux métamorphiques, mais de composition
différente (COSTA & AL., 2002 ; PAOLINI-SAEZ & AL., 2003).
Figure 3 – Néolithique ancien de Strette.
1 : tesson de jarre surfacé ; 2 : jarre de stockage ; 3 : forme et décor ; 4 : lame mine de la matière argileuse de la jarre ;
5 : fibre d’amiante vue en lame mince
La matière argileuse d’origine métamorphique est très feuilletée, avec un aspect lité très marqué, brillante
et le toucher des surfaces est savonneux. Ces critères observables à l’œil nu ont retenu notre attention et
nous avons donc amorcé une étude technologique sur ces pâtes. Un surfaçage de la surface interne du
tesson a permis de remarquer qu’il y avait effectivement des inclusions brillantes, quelquefois plus
sombres et de dimension assez variable de 0,2 mm à plus de 2,5 mm (fig. 3, n° 1). Ces critères ont permis
d’individualiser assez facilement cette pâte et d’amorcer un comptage des tessons, décorés et non décorés,
soit 30,1 % de la série. Cette argile a été privilégiée exclusivement pour la fabrication de jarres de stockage
(fig. 3, n° 2) et très rarement pour des formes non décorées. Les jarres, trois au total, sont de forme
ovoïdale à épaulement dont la forme du col peut variée (bord rentrant légèrement cintré ou cylindrique)
82
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
(fig. 3, n° 3). La hauteur est de 54 cm. mais les fonds ne sont pas conservés (diamètre à l’embouchure : de
27 à 32 cm ; diamètre au cordon 44 à 54 cm ; épaisseur lèvre : 1,4 cm). Il est possible que ces jarres aient
été enterrées pour supporter d’une part leur propre poids et d’autre part le poids du contenu stocké. Ces
jarres sont décorées sur le col : il s’agit d’impressions à la coquille de Cardium délimitées par un cordon
imprimé avec le dessus de la coquille de Cardium formant une ligne horizontale (fig. 3, n° 3). Si on le
compare à certaines productions du même niveau, le décor est peu organisé, plutôt « bâclé » et mal agencé.
Il semble être organisé sous la forme de panneaux (association de triangles et de chevrons en quinconce)
qui s’individualisent les uns des autres. De nombreuses traces de passage d’outils sont à signaler sur la
paroi externe.
Pour approfondir nos connaissances sur la fabrication de ces jarres, nous nous sommes intéressés à la
provenance de la matière argileuse de ces jarres. Pour cela, nous avons entrepris une étude pétrographique
en collaboration avec le Laboratoire des Sciences de la Terre de l’Université de Corse89. L’étude
pétrographique a révélé l’ensemble du cortège minéralogique et pétrographique des matériaux
métamorphiques (serpentines maillées micacées ou non, conglomérats schistosés, micas blancs et quartzite
micacé essentiellement). Les serpentines appartiennent à un des groupes minéralogiques des amiantes (voir
supra). La lecture des lames minces au microscope polarisant permet d’observer très nettement leurs
structures maillées qui évoluent en fibres (fig. 3, n° 4 et 5). Ces minéraux et fragments de roche
s’apparentent à certaines formations géologiques positionnées en amont du site à environ 3 km à vol
d’oiseau. On retrouve ces formations à proximité de l’Aliso à environ 6 km à vol d’oiseau du site au sudouest.
La mise en évidence de ce réseau d’approvisionnement implique qu’une chaîne technique spécifique a été
mise en place pour la réalisation de ces jarres de stockage. Les hommes du Néolithique ont sciemment
choisi ce matériau qui nécessite un déplacement volontaire pour son acquisition. A proximité immédiate
du site il y a d’autres matières argileuses qui ont été utilisées pour réaliser certains vases mais pas les jarres
de stockage. Les potiers se sont rendu compte que la matière métamorphique était adaptée à la réalisation
de jarres de stockage, destinées à une fonction spécifique nécessitant solidité et résistance.
Les deux autres sites offrent moins d’indices typologiques exploitables. Le site d’A Petra (L’Ile Rousse,
Haute-Corse) se positionne dans un contexte granitoïdique. Les formations géologiques d’AraguinaSennola (Bonifacio, Corse du Sud) sont typiques des calcaires miocènes de Bonifacio.
Les matériaux exogènes, apportés sur les sites sous la forme de matière première ou de récipients finis,
semblent caractéristiques des formations métamorphiques les plus orientales positionnées entre 13 et 35
km environ (PAOLINI-SAEZ & AL., 2002) pour A Petra et de 70 km (région d’Aleria) à 120 km (région de
Saint-Florent) vers le Nord pour Araguina-Sennola (PAOLINI-SAEZ & AL., 2003). Ces distances éloignées
sont nettement évocatrices et sont le témoin d’un réseau de circulation de la matière ou de vases terminés
depuis le quart nord-est de la Corse. L’éloignement de ces formations avec certains sites permet de dire
qu’il y avait une réelle volonté de posséder ce type de matériaux ; induisant un réseau de distribution.
Différents scénarios d’approvisionnement peuvent être avancés. Néanmoins, la valeur technique est à
retenir compte tenu de son choix pour la réalisation de jarres à Strette. Solidité, faible porosité, étanchéité
semblent les garants de ce choix technique au Néolithique ancien.
De la céramique amiantée a également été observée au Néolithique moyen dans la couche 5 de Torre
d’Aquila (Pietracorbara, Haute-Corse) (fig. 1). La petite série a livré une dizaine de tessons composée de
baguettes de minéraux serpentineux (c'est-à-dire de l’amiante) qui occupent le fond de la pâte et qui lui
donnent une orientation rectiligne ou curviligne. La zone d’extraction est locale mais reste marginale. Seul
3 % environ de la collection renferme de l’amiante. De plus, la grande fragmentation des tessons ne
permet pas de proposer une chaîne technique spécifique (PAOLINI-SAEZ, 2002).
Sur le site A Teppa di u Lupinu (Santo-Pietro-di-Tenda, Haute-Corse) (fig. 1) quelques tessons renferment
également des baguettes d’amphiboles (actinote) isolées ou en agrégat, que l’on peut rapporter à des fibres
d’amiante. Les formations géologiques les plus proches se localisent à environ 2,5 km du site (PAOLINISAEZ & AL., 2008).
89 Nous remercions vivement Marie-Madeleine Ottaviani-Spella, maître de conférences, HDR et Antoine Berlinghi, ingénieur
d’études.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
De l’Antiquité au Moyen Age
Durant l’occupation romaine, plusieurs blocs d’amiante ont été retrouvés au Castellu de Luri dans le Cap
Corse (fig. 1). Les fibres d’amiante, extraites à proximité, servaient à fabriquer les mèches des lampes à
huile. Elles étaient également commercialisées. De la céramique peignée était associée à ce matériel
amianté (ACQUAVIVA & CESARI, 1990, p. 159).
C’est surtout à partir du XIVème siècle qu’il faut signaler une production systématique à pâte amiantée.
Cette production locale, associée aux vases d’importation, concerne des récipients à vocation culinaire :
marmites à bord déversé avec ou sans anse (fig. 4, n° 1) et à fond plat et moules à galette. Au XVème siècle,
les formes se limitent à des marmites à anse de panier (fig. 4, n° 2), à des marmites à anses intérieures et
beaucoup plus rarement à des marmites cylindriques sans anse et à bord en bandeau (ISTRIA, 1995a et
2007). Les épaisseurs des parois sont très fines (3 ou 4 mm), les diamètres pouvaient atteindre 35 à 40 cm
pour une hauteur de 19 cm (sans l’anse). Ces critères morphologiques n’évolueront quasiment plus
jusqu’au XXème siècle (op. cit.). Concernant la préparation des pâtes, la quantité et les dimensions des fibres
d’amiante varient considérablement mais sont normalement homogènes à l’intérieur d’un même vase. « En
règle générale, les fibres de petite dimension, 2 à 3 mm, sont en densité très faible, alors que celles de
dimension plus importante, jusqu’à 4 cm, sont plus nombreuses » (ISTRIA, 1995a). Le questionnement du
rajout volontaire des fibres d’amiante à la matière argileuse reste entier selon la localisation des sites.
Certaines matières argileuses peuvent contenir naturellement de l’amiante. Il n’y a donc pas de rajout
intentionnel. Par contre, la présence de grandes fibres d’amiante laisserait supposer un ajout volontaire. En
effet, l’amiante se présente sous la forme « d’étoupes compactes (…) (qu’) il s’agit de concasser, sans
toutefois ôter aux fibres leur longueur » (MEZZADRI, 1986). Cette précision permettrait d’expliquer la taille
importante de certains fragments dans les céramiques. La question de l’acheminement de l’amiante vers
certains lieux de production, hors zones amiantifères, est soulevée (ISTRIA, 1995a, p. 83)90.
Figure 4 – Moyen-Âge. 1 : marmite à bord déversé, XIVème siècle (d’après : Istria, 1995a) ; 2 : marmite à anse de
panier, XVe/XVIe siècles (d’après : Istria, 1995a). Epoque moderne. 3 : marmite cylindro-sphérique à anse verticale
médiane arquée ou pignata (d’après : Chiva et Ojalvo, 1959) ; 4 : pot à anse bifide (d’après : Chiva et Ojalvo, 1959)
Les céramiques à pâte amiantée sont diffusées sur une large partie du territoire. Marginales au XIVème
siècle, elles deviendront communes au XVème siècle. Ce réseau d’approvisionnement va se développer
depuis les centres de productions à proximité des filons d’amiante au nord-est de la Corse jusqu’au sud.
Nous pouvons nous référer aux collections du village de l’Ortolo (Sartène, Corse du Sud)
(GIOVANNANGELI, 1995 ; ISTRIA, 1995a et 2007), du hameau d’I Montichji (Alata, Corse du Sud)
(TOMAS, 2008), du castellu de Cotone (Bastia, Haute-Corse) (ISTRIA, 1995b), du site défensif d’E Pilone
(ALBERTINI, 1995), de l’habitat groupé de Cariolu (Rostino, Haute-Corse) (TOMAS, à paraître) et du
bastion Saint-Georges à Algajola (Balagne, Haute-Corse) (MARCHESI, 1995) (fig. 1). Il s’agit de bons
90 Pour répondre objectivement à cette interrogation, il serait souhaitable d’entreprendre un référentiel pétrographique des
céramiques amiantées. Nous pourrions alors mettre en évidence la variabilité des composants et mieux comprendre s’il s’agit d’un
rajout volontaire à des argiles locales (granitoïdique ou métamorphique) ou s’il s’agit de matières premières géologiquement
compatibles avec la présence de filons d’amiante (métamorphique uniquement).
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
exemples pour illustrer la présence des céramiques à pâte amiantée durant les XVème / XVIème siècle sur
une large partie du territoire insulaire. Dans le village de l’Ortolo, c’est près de 40 % de l’ensemble des
productions locales qui est réalisé avec des pâtes amiantées (ISTRIA, 2007).
Sur le site d’I Montichji, la céramique à pâte amiantée est attestée dans les quatre bâtiments d’habitation
attribués aux XIVème, XVème et XVIème siècles. Les fragments d’anse, à panier ou interne, sont ténus mais
récurrents. Le nombre minimum d’individus est estimé à 48 pour l’ensemble des bâtiments dont 36 pour
les bâtiments 3 et 4 dont l’occupation remonte au XVIème siècle (TOMAS, 2008).
Cette présence dans le sud de l’île atteste des échanges entre les régions productrices septentrionales et
celles méridionales, solliciteuses. Une véritable demande est à souligner, liée à des besoins courants d’ordre
culinaire et surtout de résistances aux chocs thermiques et mécaniques.
Une production artisanale du XIXème au début du XXème siècle
Une production artisanale en argile amiantée est mentionnée au XIXème siècle. Ces vases sont appropriés
pour les usages courants domestiques. Leurs résistances au feu et aux chocs répétés liés à leur utilisation
vont occasionner une perduration de ce savoir-faire jusqu’au début du XXème siècle. Si nous nous
réfèrerons à la précieuse étude menée par I. Chiva et D. Ojalvo en 1959, c’est un pan de l’artisanat local
qui nous est dévoilé tout en maintenant beaucoup de mystères face à l’absence de témoignages de
nombreux potiers disparus (CHIVA & OJALVO, 1959). Nous devrions plutôt dire potières puisqu’en effet,
il apparaît que cet artisanat était destiné essentiellement aux femmes qui transmettaient leur savoir au sein
d’une même famille, aux filles, aux nièces ou aux brus.
Ces productions sont destinées aux usages culinaires (marmite, pot à anse bifide, cocote basse, poêle,
grilloir à châtaignes, plaque à gâteaux, couvercle), à la conservation (récipients à liquide, jarres à huile) ou à
une utilisation plus spécialisée ou domestique (réchaud à braise, ustensile pour apiculteurs, bassinoire, cuve
à lessive, pot de chambre). Les centres de productions sont localisés dans le nord de la Corse à Canaja
(commune de Campile), à Galgo (commune de Monaccia d’Orezza) et à Farinole (commune de Farinole)
en Haute-Corse (fig. 1) (CHIVA & OJALVO, 1959). Très résistantes aux chocs thermiques et mécaniques,
les céramiques dégraissées à l’amiante étaient adaptées aux besoins quotidiens et étaient recherchées dans
de nombreuses régions corses. Ces vases étaient échangés contre du blé, de l’orge, de l’avoine, du maïs,
des haricots, des figues sèches ou du fromage. Ils pouvaient également être vendus. Ce commerce est
attesté depuis la Balagne jusqu’à Corté, Ajaccio, Vezzani, Bastia, le Nebbio mais rien d’exclut que des
approvisionnements aient pu avoir lieu avec des régions plus méridionales.
Dans les villages de Canaja et Farinole (voir supra), les vases étaient montés sans tour après avoir mélangé
la terre glaise et l’amiante91. Ces deux matières premières étaient récoltées par les hommes à proximité des
villages puis acheminées à dos d’ânes. Le mélange est de trois décalitres de terre pour un décalitre
d’amiante. L’amiante est concassée et l’argile est débarrassée des éléments les plus grossiers (cailloux,
végétaux) puis est mis à tremper. Une fois l’excédent d’eau enlevé, la terre est malaxée jusqu’à obtenir la
consistance souhaitée. L’amiante est rajoutée à ce moment-là. Lorsque la pâte est homogène, les potières
écrasent la quantité d’argile souhaitée pour en faire une plaque qui sera le fond. Une autre plaque
rectangulaire servira à réaliser la panse de forme cylindrique. Les formes sont mises à sécher durant 3
jours. A ce moment-là, les anses, manches ou oreilles seront rajoutés en perçant la paroi à l’aide d’un
caillou pointu. Un second séchage est alors nécessaire pendant 3 à 4 jours. Un engobage est pratiqué avec
un mélange assez liquide d’argile et d’amiante sur l’ensemble de la surface de la pièce (intérieur et
extérieur). La cuisson peut avoir lieu dans les fours à pain avec une fournée de 20 à 25 pièces qui dure de 2
à 3 heures à faible température. La cuisson peut se faire en plein air par lits successifs de poteries et de
combustibles jusqu’à obtenir la forme d’une charbonnière. La cuisson dure une journée92. Les formes sont
très proches de celles des XVème et XVIème siècles, notamment la marmite cylindro-sphérique à anse
verticale (fig. 4, n° 3 et 4)93. Aucun décor n’a été appliqué sur ces vases (impression, incision, peinture) à
l’exception des pots de chambre et de récipients à liquide (huile, café) (CHIVA & OJALVO, 1959, p. 218). Il
s’agit d’une production familiale. Deux semaines permettent à deux femmes de produire une cinquantaine
de vases. Quatre sacs de marchandises, soigneusement emballés avec du foin, seront chargés sur deux
mulets ou ânes et seront acheminées (par mer, chemins ou chemins de fer vers 1918) et vendus par les
femmes. A Monaccia, ce sont les hommes qui sont chargés de ce commerce. Les déplacements pouvaient
durer jusqu’à 8 jours. Ces tournées s’achevaient au mois d’octobre au moment de la récolte des châtaignes.
A Monaccia d’Orezza, les potières mélangeaient deux argiles : la terre noire et la terre blanche.
Les derniers témoignages précisent qu’on y faisait bouillir du lait avant la première utilisation (LUCCIONI, 2007).
93 D’autres types de formes ont déjà été signalés plus haut.
91
92
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Les témoignages recueillis à la fin des années 50 signalent que les vases à pâte amiantée ne sont déjà plus
utilisés hormis des grilloirs à châtaignes.
Un courrier en date du 25 juillet 1839 rédigé par Brongniart pour Ceretti indique que « cette poterie est
des plus grossièrement faites que j’ai vu ; elle est inférieure en façonnage aux poteries celtiques, gauloises
(…) mais c’est en cela qu’elle est curieuse (…) elle est intéressante pour sa singulière composition. C’est le
seul exemple que j’ai, et dont je doutais, d’introduction de l’amiante dans une pâte céramique ». Ceretti lui
répondra le 2 octobre de la même année « (…) notre pays, en fait de poterie, n’a plus à vous offrir que
quelques pipes à peu près aussi élégantes que nos vases pour la cuisine » 94.
Conclusion
L’originalité de ces poteries à pâte amiantée tient d’une part à son « endémisme » puisque cette technique
de confection n’est attestée aujourd’hui qu’en Corse. D’autre part, nous remarquons que ce savoir-faire
s’inscrit dans des traditions anciennes. Le choix d’utiliser une matière première argileuse différente, selon
la fonction finale des vases, remonte au VIème millénaire. On suit son utilisation au Vème millénaire, pour la
retrouver du IIIème siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C., puis du XIVème au XXème siècle. Cette tradition
technique, véritablement séculaire, s’est transmise, oubliée et retrouvée durant près de 8 millénaires, c'està-dire depuis l’invention de cet artisanat.
L’emploi de l’amiante est lié à la réalisation de vases spécifiques. Nous avons mis en évidence l’emploi
d’une terre métamorphique au Néolithique ancien pour la conservation de liquides. Ces vases circulent sur
l’ensemble du territoire.
Par la suite, à l’âge du Fer, les céramique amiantées possèdent toutes des pâtes fines dont la surface
externe peut porter des traces de passage de « peigne ». Cette application, dite « peignée », a pu jouer un
rôle décoratif mais également fonctionnel qui reste à préciser. L’état actuel des travaux ne nous permet pas
d’associer une fonctionnalité des vases à ce choix technique. Toutefois, les céramiques amiantées sont
attestées aussi bien dans le nord que dans le sud de la Corse. Comme au Néolithique ancien, des groupes
producteurs répondent à un besoin en raison d’une demande vraisemblablement technique.
Au bas Moyen Âge, les pâtes amiantées ont été sélectionnées exclusivement pour les récipients à usage
culinaire du fait de leur résistance aux chocs thermiques. Les pâtes sont fines, comme à l’âge du Fer (3 mm
environ). Cette finesse des pâtes est intéressante puisqu’elle permet d’obtenir à la fois des vases légers,
facilitant ainsi leur transport, et de faire des économies d’argile. Le rajout de l’amiante joue ainsi
pleinement son rôle puisqu’il va consolider la structure du vase.
L’étude ethnographique menée en 1958 permet de répondre à bon nombre de questionnements
notamment pour l’acquisition de l’amiante, le savoir-faire, l’acheminement des vases finis et leur
commerce.
Les épisodes manquants (fin du Néolithique, âge du Bronze, périodes paléochrétiennes) sont à rapporter à
une réalité archéologique ou au manque de référentiels pétrographiques.
Compte tenu de l’éloignement des zones géologiques contenant des filons d’amiante et certains sites
archéologiques où la présence de ces vases est attestée, différents scénarios d’approvisionnement peuvent
s’envisager : le déplacement d’un groupe pour l’acquisition de l’amiante ; le déplacement d’un groupe
jusqu’aux zones géologiques amiantées suivi d’un retour sur le site de départ, sous la forme de
transhumance par exemple ; l’apport de vases amiantés par des communautés productrices spécialisées
jusqu’aux communautés solliciteuses.
Il serait séduisant de parfaire ces connaissances en créant un référentiel pétrographique. Il serait possible
de localiser précisément les zones d’exploitation de l’amiante durant la Protohistoire et le Moyen Âge. Ce
référentiel permettrait de voir si l’artisanat des XIXème et XXème siècles peut s’appliquer aux productions
protohistoriques et médiévales. Nous pourrions ainsi mieux comprendre le savoir-faire des potiers, leurs
choix mais également mieux cerner les échanges et le mode de vie de ces communautés.
94 Ainsi, nous apprenons que l’argile amiantée servait également pour la confection de pipes, à Monaccia d’Orezza plus
particulièrement, comme c’était l’usage dans certaine micro régions insulaires au même moment. Nous faisons ici référence aux
pipes en argile décorées de San Benedetto sur la commune d’Alata (Corse-du-Sud). Production du début du XIXème siècle par la
famille Stofati qui avait créé une petite fabrique de pipes.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
BREVI NOTE DI METALLURGIA CORSA
Matteo MILLETTI
Dottorato di Ricerca
Università degli Studi di Roma I – La Sapienza
Via San Melchiade Papa, 86 – 00167 Roma
millettimatteo@tin.it
Résumé – La métallurgie corse de l'âge du Bronze et de l'âge du Fer n'a jamais fait l'objet d'une approche spécifique. Les
données et la documentation qui sont actuellement disponibles, encore insuffisantes pour une lecture d'ensemble totalement
fiable, permettent uniquement de proposer des hypothèses sur son développement. La fréquence des découvertes de moules de
fusion (de chronologie incertaine) sur les sites semble cependant trahir une certaine vitalité de la production corse, alors que
certaines fibules locales à arc serpentant suggèrent des liens évidents entre la métallurgie corse et celle de la proche Sardaigne et
d'Étrurie.
Riassunto – La metallurgia corsa dell’età del Bronzo e dell’età del Ferro non è stata ancora oggetto di trattazione
specifica. I dati e la documentazione attualmente disponibili, ancora insufficienti per una lettura complessiva pienamente
affidabile, consentono di avanzare solo ipotesi circa il suo sviluppo. Il frequente rinvenimento di matrici di fusione, seppure
d’incerta cronologia, negli insediamenti sembra però indicare una certa vitalità della produzione insulare, mentre alcune fogge
locali di fibule ad arco serpeggiante suggeriscono evidenti legami della tradizione bronzistica corsa con quelle delle vicine
Sardegna ed Etruria.
Premessa
La metallurgia corsa dell’età del Bronzo e dell’età del Ferro non è mai stata oggetto di trattazione specifica
e solo pochi riferimenti alla tematica sono desumibili dalla letteratura archeologica sulla protostoria
insulare95. Del tutto ignorati sono gli aspetti tecnologici della produzione, poco approfondite restano
anche alcune problematiche cruciali quali l’identificazione delle fogge propriamente locali ed i rapporti
della tradizione insulare con quelle delle aree vicine. Se per alcune classi, quali i pugnali e le fibule, esistono
pur utili corpora delle attestazioni, si deve in ogni caso rilevare la generale mancanza di approfondimento
critico sugli aspetti più strettamente tipologici96. Il confronto con le coeve metallurgie della Sardegna e
dell’Etruria medio tirrenica, caratterizzate da una produzione notevole sia per la quantità di lavorato che
per la qualità degli oggetti e la varietà delle forme, ha comportato inoltre una diffusa e aprioristica
svalutazione di quella corsa, considerata di scarsa entità e poco innovativa per tutto il periodo in questione,
almeno fino ad una tarda fioritura in epoca arcaica (CESARI & LEANDRI, 2007 ; DI FRAIA & GRIFONI
CREMONESI, 2007). Un’analisi ponderata dei dati disponibili, che tenga conto quindi dell’evidente ritardo
della ricerca archeologica sull’isola, avviata sistematicamente solo nel secondo dopoguerra, consente
invece di rilevare una certa vitalità della bronzistica insulare e la sua forte compenetrazione con le altre
tradizioni medio tirreniche, ridimensionandone così il presunto ritardo tecnologico rispetto alle realtà
sarda ed etrusca (MILLETTI, à paraître).
Nella consapevolezza dunque che solo il progresso delle indagini sul campo ed una migliore
sistematizzazione dei dati consentiranno in futuro di proporre una ricostruzione affidabile delle principali
linee di sviluppo della metallurgia insulare, si è scelto in questa occasione di approfondire, nei limiti
consentiti dalla documentazione disponibile, solo alcuni aspetti specifici della problematica. A tale scopo,
si presenterà una sintetica disamina delle matrici di fusione scoperte sull’isola, considerate come un indizio
importante dell’esistenza di una consolidata produzione locale, e una serie di riflessioni preliminari su
alcune fogge di fibule, ritenute testimonianza concreta delle strette interconnessioni tra la bronzistica corsa
e quelle delle aree vicine.
Per una breve disamina delle testimonianze, vedi GIARDINO, 1995, p. 63-69 e 151-152.
Sulle fibule, sebbene da aggiornare con le più recenti acquisizioni, il riferimento rimane ancora JEHASSE, 1987 ; sui pugnali, si
veda da ultimo PECHE-QUILICHINI, 2009b e PASQUALAGGI, 2009.
95
96
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Matrici di fusione dell’età del Bronzo e dell’età del Ferro scoperte in Corsica
Nella letteratura archeologica è noto un certo numero di matrici di fusione rinvenute in territorio corso,
pertinenti sia ad armi che ad utensili (fig. 1). Gli esemplari editi sono attualmente otto (Alo-Bisughjè, Bilia ;
Punta Ficcaghjola, Appietto-Alata ; Marze, Corscia ; Castiglione di Terra Bella, Grosseto-Prugna,
Castidetta-Pozzone, Sartène ; Mutola, Ville-di-Paraso ; Capula, Levie), ai quali vanno aggiunti alcuni inediti
(tab. 1)97. Contrariamente a quanto riscontrato in Sardegna, dove le matrici di strumenti da lavoro sono
più frequenti di quelle con armi, in Corsica, pur considerando l’esiguità del corpus in esame, non sembra
sussistere la medesima sperequazione (LO SCHIAVO, 2005a, p. 290).
Figure 1 – 1, 2 : Alo-Bisughjè (da Lanfranchi, 1992) ; 3 : Mutola (da Lanfranchi, 1978) ; 4 : Castidetta (da Cesari et
Nebbia, 1996) ; 5 : Castiglione (da Cesari, 1996) ; 6 : Marze (da Antolini, 2008) ; 7 : Punta Ficcaghjola (da PecheQuilichini, 2009b) ; 8 : Capula (da Lanfranchi, 1978)
97 Si tratta di una matrice originariamente bivalve di lancia da Sidossi, Calacuccia e due esemplari di provenienza sconosciuta,
pertinenti rispettivamente ad un’ascia ad alette e ad una a margini rialzati (cortesia dott. K. Peche-Quilichini). Incerta invece
l’interpretazione quali valve di fusione di due piccoli blocchi in pietra, che recano inciso su di un lato una oggetto triangolare
apicato di difficile lettura, conservati al Museo di Sartène (ACQUAVIVA & CESARI, 1990, p. 97, fig. 165).
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
La perdita del contesto di rinvenimento della maggior parte degli esemplari, la loro frequente lacunosità e,
non ultime, le incertezze sulla cronologia di alcune fogge bronzistiche corse rendono generalmente arduo
proporre una datazione puntuale per questi oggetti ; solo per la matrice da Punta Ficcaghjola, il confronto
del negativo dell’ascia con la sequenza nuragica di questi utensili consente di proporne un inquadramento
nell’ambito del Bronzo finale avanzato per le ridotte dimensioni e lo scarso sviluppo dei margini
(MILLETTI, à paraître). Maggiori incertezze permangono invece circa la datazione delle bivalve semplici
con impronta di pugnale, anche perché la lacunosità degli esemplari non ne consente generalmente
un’esatta attribuzione tipologica. Sembrerebbe evidente, per la caratteristica svasatura delle spalle della
lama, solo la pertinenza della matrice da Marze ad una foggia di pugnali di elaborazione locale, bene
esemplificata da un reperto da Pancheraccia-Aléria (da ultimo, CESARI & LEANDRI, 2007, p. 207, fig. 8),
alla quale potrebbe forse essere attribuita, per il caratteristico pomo semilunato, anche la valva da
Castidetta-Sartène, databile al Bronzo finale su base stratigrafica98. Analoga cronologia potrebbe essere
ipotizzata anche per la matrice da Castiglione, soprattutto in base al confronto con l’impronta di pugnale
sulla bivalve complessa da Punta Ficcaghjola (PECHE-QUILICHINI, 2009b, p. 32). La cuspide sulla valva di
Mutola non trova invece confronti stringenti sull’isola, dove peraltro le punte di lancia sono scarsamente
attestate prima del pieno arcaismo. La corta lama foliata con forte costolatura centrale e l’immanicatura a
cannone con sezione circolare la differenziano nettamente dalla sequenza nuragica di queste armi,
generalmente caratterizzate da una lama di forma allungata e da un’immanicatura a cannone con sezione
poligonale99. Più stringente, anche se non decisivo al fine di stabilirne la cronologia, il parallelo invece con
alcune piccole cuspidi peninsulari databili nell’ambito del Bronzo finale100. Altrettanto complessa è
l’attribuzione tipologica dell’impronta di coltello sulla matrice di Capula, a causa soprattutto della
lacunosità di quest’ultima, che conserva solo l’estremità dell’oggetto. La rarità dei coltelli in ambito
nuragico, dove i pochi esemplari attestati sembrerebbero d’importazione, non consente di istituire paralleli
con la vicina Sardegna ed anche la serie peninsulare non offre un riscontro stringente all’esemplare corso
(LO SCHIAVO, 1988b, p. 228).
Tipo di matrice
Luogo di rinvenimento
1
Bivalve complessa (?)
Alò Bisughje, Bilia (2 es.)
Oggetto/i di pertinenza
Ascia(?) Oggetto non finito(?)
Bibliografia
Grosjean, 1966, LVIII ; Lanfranchi
et Weiss, 1997, fig. 300, n° 6.
2
Mutola, Ville-di-Paradiso
Bivalve semplice
Cuspide di lancia
Lanfranchi, 1978, fig. 101
3
Castidetta-Pozzone, Sartène
Bivalve semplice
Impugnatura pugnale/spada
Cesari et Nebbia, 1996, fig. 27
4
Castiglione, Grosseto-Prugna
Bivalve semplice
Pugnale
Cesari, 1996, fig. 12
Marze, Corscia
Bivalve semplice
Pugnale
6
Punta Ficcaghjola, Alata
Bivalve complessa
Ascia/Pugnale(?)
Peche-Quilichini, 2009
7
Capula, Levie
Monovalva semplice
Coltello (?)
Lanfranchi, 1978, fig. 59, n° 7
5
Acquaviva, 1979, p. 47-48 ;
Antolini, 2008, p. 11
Tableau 1 - Elenco delle matrici di fusione rinvenute in Corsica
Problemi interpretativi se possibile ancora più sostanziali pongono infine le due matrici, forse riconducibili
ad un’unica bivalve complessa, rinvenute nel monumento est del castello di Alo-Bisughjè e recanti su
entrambi i lati l’impronta di un bronzo bilobato, interpretato dallo scopritore come un’ascia bipenne di
foggia orientale e come tale accettata anche nella successiva letteratura archeologica (Grosjean, 1966, p.
LVIII ). Quanto alla presunta origine levantina dell’oggetto, se la si intende nell’accezione di
un’attribuzione alla tradizione egeo-cipriota, la mancanza di confronti impone di abbandonare tale
interpretazione. Nel panorama tipologico delle bipenni non sono attestati infatti oggetti simili, privi del
foro d’immanicatura. Destano inoltre perplessità anche le dimensioni di questi manufatti, la cui lunghezza
ricostruibile in base all’impronta non raggiungerebbe i 15 cm, circa la metà, ad esempio, di una doppia
98 CESARI, 1996, p. 16. Il contesto stratigrafico di rinvenimento, riconducibile al BR, se meglio precisato e circostanziato con un
edizione integrale dello scavo, potrebbe però indicare un inizio di produzione più antico.
99 Si vedano ad esempio alcuni esemplari dal ripostiglio di Chilivani, Ozieri-Sassari (LO SCHIAVO, 1988a, p. 79, tav. IV, n° 1-7).
100 Si veda ad esempio, il lanciotto a lama foliata tipo Monte Primo (CARANCINI & PERONI, 1999, p. 62, tav. 30, n° 17).
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
ascia nuragica101. Anche considerando l’oggetto come una riproduzione miniaturistica di una bipenne,
come attestato frequentemente in Sardegna, ciò nonostante persisterebbe comunque il suo isolamento
tipologico102. Come ipotesi alternativa, si può dunque proporre la pertinenza di queste matrici ad un
oggetto non finito, da sottoporre ad una successiva lavorazione mediante martellamento. Incerta rimane
ovviamente anche la cronologia delle due valve : sebbene un recente riesame dei materiali ceramici degli
scavi Grosjean abbia consentito di individuare due fasi di occupazione delle torri est ed ovest, risalenti
l’una alla fine del Bronzo antico, l’altra al Bronzo recente-Bronzo finale 1-2, la perdita delle informazioni
stratigrafiche sulle matrici in questione non ne permette una datazione precisa (PECHE-QUILICHINI,
2007).
Figure 2 – 1 : Teppa di Lucciana (Museo Archeologico di Firenze, già Coll. Forsyth Major, n.inv.208507) ;
2 : Corsica, contesto sconosciuto (da Delpino, 1981)
Le fibule ad arco serpeggiante in Corsica durante la prima età del Ferro
L’origine medio tirrenica di alcuni tipi di fibule ad arco serpeggiante con uno e due occhielli della prima età
del Ferro è già stata rilevata da F. Delpino, così come la loro derivazione da alcune fogge caratteristiche
della medesima area durante il Bronzo Finale (DELPINO, 1981 ; DELPINO, 1997 ; MILLETTI, à paraître). I
tipi ad un occhiello sono attestati solo sporadicamente in Corsica : una fibula dalla sepoltura collettiva de
“A Teppa” di Lucciana, Vallecalle (fig. 2, n° 1) è assimilabile ad un tipo medio tirrenico, databile al I Fe
1A, caratterizzato da un forte inspessimento dell’arco, decorato a linee anulari ed a zigzag, in coincidenza
della sella e del tratto a ridosso della staffa simmetrica e da un’ampia molla a due avvolgimenti103 ; un
esemplare privo di contesto di provenienza conservato al Musée Départemental de Préhistoire et
d’Archéologie di Sartène (fig. 2, n° 2) può invece essere ricondotto ad un tipo con sella poco pronunciata
e tratto dell’arco prima della staffa ad essa ortogonale, di cronologia analoga al precedente104.
101 Nella vicina Sardegna, la foggia delle doppie asce viene precocemente recepita e rielaborata in forme locali, conoscendo
un’ampia diffusione nel corso di tutto il Bronzo Finale (LO SCHIAVO, 2005b, p. 313-314 con bibliografia di riferimento).
102 Sulle riproduzioni miniaturistiche di asce, doppie asce e magli in ambito nuragico e peninsulare, vedi BABBI, 2002, p. 439-451
con bibliografia di riferimento (per le doppie asce vedi anche LO SCHIAVO, 1983, p. 305-307, fig. 6, n° 5-6 et 8-9).
103 Museo Archeologico di Firenze, già coll. Forsyth Major, JEHASSE, 1987, p. 59-60, tav. 1, n° 11 con errata provenienza da
Vizzavona. Confronti sulla penisola : Accesa-GR : tomba 5 Scodacavalli, LEVI, 1933, p. 36, tav. XI, n° 1. Populonia-LI : CasoneBaratti, inedita (Magazzini SBAT Porcareccia) ; Museo G. Fattori- LI (Coll. Chiellini), ZANINI, 1997, p. 197, n° 7. Provenienza
sconosciuta : Museo di Ravenna, n° 4107. Fossa 5-PI (attribuzione incerta) : ANDREOTTI & CIAMPOLTRINI, 1997, p. 141 et 144, n°
18, fig. 83, n° 18.
104 DELPINO, 1981, p. 288-289, fig. 10, n° 1 ; GIARDINO, 1995, p. 65, fig. 28B, n° 1. Confronti sulla penisola : Populonia-LI :
Piano delle Granate, tomba a fossa 11/1915, MINTO, 1917, citata 79 ; Piano delle Granate, tomba a fossa 12/1915, Minto, 1917,
citata 79 ; Poggio delle Granate, tomba a camera 7/1922 (attribuzione incerta), MINTO, 1943, tav. XIII 1b ; Montagna di CampoElba, tomba a ziro (?),DELPINO, 1981, p. 288, tav. LVa. Tarquinia-VT : Poggio Selciatello Sopra, tomba a pozzetto 59, HENCKEN,
1968, p. 42, fig. 31a ; IOZZO, 1985, p. 51, n° 6, fig. 2.4.2 ; ESPOSITO, 2000, p. 538, fig. 6.6.7 ; Terni, Acciaierie, contesto
sconosciuto, LEONELLI, 2003, p. 221, fig. 45, n° 29 con bibl. prec. e LEONELLI, 2003, p. 221, fig. 45, n° 28 con bibl. prec. Sa'
Sedda e Sos Carros-NU : LO SCHIAVO, 1976, p. 78, n° 458, tav. XX ; LO SCHIAVO, 1978, p. 37, fig. 6, n° 1. Palmavera, Alghero-SS
90
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Una diffusione maggiore in Corsica conosce invece la foggia ad arco serpeggiante a due occhielli,
anch’essa attestata sulla penisola in prevalenza nei territori costieri dell’Etruria settentrionale ma solo a
partire dal primo Ferro 1B avanzato fino al primo Ferro 2B, con il termine basso della cronologia
suggerito da un esemplare deposto nel ripostiglio del Bambolo, Castagneto Carducci-Livorno. Il tipo ad
arco serpeggiante con due occhielli, grande molla, staffa larga e simmetrica ed ardiglione rettilineo,
segnalato sulla penisola quasi esclusivamente nei territori di Populonia e di Vetulonia, è attestato con un
esemplare nella sepoltura di Costa di Muro, Pieve (fig. 3, n° 1) 105. Potrebbero essere invece di
elaborazione locale perché attualmente rinvenute solo in Corsica alcune fibule simili alle precedenti ma di
dimensioni minori, note nelle sepolture collettive di Cime, Costa di Muro e di Teppa di Lucciana, mentre
un esemplare sporadico è conservato al Museo di Sartène (fig. 3, n° 2-4)106. Per le condizioni di
deposizione e di recupero, le sepolture di Cime e di Teppa di Lucciana non offrono indicazioni
cronologiche affidabili ; ciò nonostante sembra ragionevole supporre per gli esemplari dalla Corsica una
datazione analoga a quella delle fibule peninsulari, considerando le evidenti analogie formali tra i due tipi.
Resta invece attualmente un unicum una fibula ad arco serpeggiante a due occhielli, conservata al Museo di
Archeologia ed Antropologia dell'Università di Cambridge ma già Collezione Forsyth Major, che si
differenzia nettamente dal resto del corpus per il lungo tratto rettilineo dell'arco a ridosso della staffa e
dell’ardiglione, nonché per le dimensioni superiori alla media (fig. 3, n° 5 ; GIARDINO, 1995, p. 65, fig.
28B, n° 4).
La classe ad arco serpeggiante conosce però in Corsica almeno altre due fogge di elaborazione locale, già
note nella letteratura archeologica ma ancora prive di una denominazione specifica e mai oggetto di
trattazione analitica. In entrambi i casi, è la particolare conformazione dell’arco ad identificarle e per
questo si è scelto di adottare le denominazioni di fibule ad arco serpeggiante elicoidale (fig. 4) e ad arco
serpeggiante con anse a gomito (fig. 5)107.
Nella prima foggia l’arco, che descrive una serie di occhielli per tutta la sua lunghezza, è leggermente
ingrossato e termina con un anello a ridosso della staffa, dove può ricorrere una decorazione a fasci di
linee anulari incise ; la staffa è larga e simmetrica, decorata da una doppia fila di puntini a sbalzo positivo,
mentre l'ardiglione è curvo. La distribuzione di queste fibule interessa essenzialmente la Corsica centrosettentrionale. Cinque provengono da Monte di Lucciana, mentre esemplari isolati sono segnalati da
Curzo-Osani, da Carbuccia/Bocognano e dal Liamone108.
Nella foggia ad arco con anse a gomito, invece, quest’ultimo è articolato in una serie di anse a gomito e
presenta, come nelle precedenti, un inspessimento della sezione ed il caratteristico occhiello a ridosso della
staffa. Quest’ultima è larga e simmetrica, in alcuni casi decorata da una doppia fila di puntini a sbalzo.
L'ardiglione, contrariamente alla foggia ad arco elicoidale, è rettilineo. La diffusione di queste fibule
sembrerebbe più limitata rispetto a quella delle precedenti : ai tre esemplari dalla sepoltura collettiva
dell’Ordinaccio-Solaro, uno dei quali raggiunge le considerevoli dimensioni di circa 25 centimetri di
lunghezza, se ne possono aggiungere altri quattro dalla tomba plurima di Teppa di Lucciana109.
: capanna 44, MORAVETTI, 1992, fig. 114, n° 1 ; FOIS, 2000, p. 149, n° 80 LO SCHIAVO, 2002, p. 63, fig.7, n° 10 ; LO SCHIAVO &
2008, p. 64, n° 1.
105 GROSJEAN, 1958, p. 43, fig. 6, n° 1 ; GIARDINO, 1995, p. 65. Confronti sulla penisola : Populonia-LI : Piano delle Granate,
tomba 8/1915, BARTOLONI, 1989, p. 51, tav. XVI, n° 1b ; Bambolo, Castagneto Carducci-LI, ripostiglio, SETTI, 1997, p. 222-223,
n° 16, fig. 151, n° 16 ; Provenienza sconosciuta : Museo G. Fattori-LI (Coll. Chiellini), ZANINI, 1997, p. 197, n° 8. Vetulonia :
Colle Baroncio, contesto sconosciuto, DELPINO, 1981, p. 288, tav. LIXc ; Poggio alla Guardia, tomba 106/1897, CYGIELMAN,
1994, p. 273, fig. 13a in alto. Terni, Acciaierie, tomba 3, LEONELLI, 2003, p. 223, fig. 46, n° 16 con bibl. prec.
106 Cime : JEHASSE, 1987, p. 60, fig. I, n° 6, GIARDINO, 1995, p. 65, fig.28B, n° 3 ; Teppa di Lucciana : MAGDELEINE & AL., 2003,
p. 19, fig. 38, n° 1 ; Provenienza sconosciuta Museo di Sartène : DELPINO, 1981, p. 288-289, fig. 10, n° 2.
107 L’insufficiente documentazione grafica della maggior parte degli esemplari non ne consente ancora una articolazione in tipi,
anche se alcune differenze sono evidenti nelle dimensioni e nell’articolazione dell’arco.
108 Vallecalle, località A Teppa, sepoltura collettiva : cinque esemplari, Museo Archeologico di Firenze, già Coll. Forsyth Major,
nn.inv. 208511, 208513, 208514/O, 232716, 232723 ; Curzo, Osani, contesto sconosciuto : JEHASSE, 1987, p. 59, fig.1-2 ;
Liamone, contesto sconosciuto : LANFRANCHI & WEISS, 1975, p. 78 et 81, fig. 26 ; Carbuccia : LANFRANCHI & WEISS, 1975, p. 8182, fig. 25, n° 8.
109 Grotta dell’Ordinaccio, Solenzara, sepoltura collettiva : tre esemplari, LANFRANCHI & WEISS, 1975, p. 79-8 et 204, fig. 63, n°
19, fig. 64, n° 1-2 ; Lucciana, Vallecalle, località A Teppa : quattro esemplari, MAGDELEINE & AL., 2003, p. 19, fig. 38, n° 2, fig. 39,
n° 1-2 ; inedita, Museo Archeologico di Firenze, già Coll. Forsyth Major n.inv.208512.
AL.,
91
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 3 – 1 : Costa di Muro (da Jehasse, 1987) ; 2 : Corsica, contesto sconosciuto (da Delpino, 1981) ; 3 : Teppa di
Lucciana (da Magdeleine et al., 2003) ; 4 : Cime (da Jehasse, 1987) ; 5 : Corsica, contesto sconosciuto (da Giardino,
1995)
Figure 4 – 1 : Carbuccia (da Lanfranchi et Weiss, 1975) ; 2 : Liamone (da Lanfranchi et Weiss, 1975) ; 3, 4, 5, 6, 7 :
Teppa di Lucciana (Coll. Forsyth Major, nn.inv. 208511, 208513, 208514/O, 232716, 232723)
92
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
La cronica mancanza di contesti corsi cronologicamente affidabili non consente per ora di proporre una
datazione sicura per nessuna delle due fogge in questione : se per le fibule ad arco con anse a gomito si
deve però rilevare anche la mancanza di paralleli stringenti con produzioni delle aree vicine, per quelle con
arco elicoidale sembra invece possibile dedurre alcune indicazioni dal confronto con alcune fogge
peninsulari. Una fibula, già Collezione Blacas, e attualmente conservata al British Museum, si inserisce
perfettamente nei canoni della foggia, ma la generica provenienza peninsulare dell’oggetto non offre
elementi utili a fini di datazione (fig. 6, n° 1 ; BIETTI SESTIERI & MCNAMARA, 2007, n° 204, p. 80, tav.
43). La forma dell’arco ricorre anche in alcuni esemplari da Pontecagnano, che presentano però staffa a
disco spiraliforme ed ardiglione dritto. Il tipo è considerato caratteristico dei corredi femminili della prima
metà del IX sec. (fig. 6, n° 2 ; Tipi 32B9a-b, D’AGOSTINO & GASTALDI, 1988, p. 53, tav. 18). Sulle stesse
basi si può proporre un confronto anche con due esemplari provenienti dal Fucino (fig. 6, n° 3 ; PERONI,
1961, n° 78-79, p. 169-170, tav. 16, n° 3-4). Sono invece notevoli le similitudini con una fibula proveniente
dalla tomba 2/trincea F della necropoli "La Pozza" di Allumiere (fig. 6, n° 4 ; PERONI, 1960, n° 10, p. 352,
fig. 11, n° 10). Quest’ultima presenta arco e staffa simmetrica analoghi al tipo corso, ma la perdita
dell'ardiglione non consente di chiarire se fosse rettilineo o ricurvo, come nelle fibule insulari. Meno
stringente è infine il parallelo con una foggia caratteristica del bolognese, attestata nelle tombe 6 e 212
della necropoli di San Vitale, attribuibili alla fase di passaggio tra il Bronzo finale e la prima età del Ferro
(fig. 6, n° 5 ; PINCELLI & MORIGI COVI, 1975, pp. 45-46, 153, tavv. 57 et 127)110. La coerenza cronologica
delle fogge peninsulari con arco elicoidale, tutte collocabili tra la fine dell’età del Bronzo ed il primo Ferro
1A, induce a ritenere la conformazione dell’arco come un indicatore importante, anche se non decisivo,
per la datazione delle fibule corse. Anche il tipo di staffa, larga, simmetrica e spesso con decorazione a
puntini sbalzati sembrerebbe orientare verso il medesimo orizzonte cronologico, ma le scarse conoscenze
sullo sviluppo della metallurgia corsa impongono in ogni caso estrema cautela nel proporre datazioni di
fogge locali solo sulla base di un confronto, anche stringente, offerto da tradizioni allogene, in attesa che
di un riscontro offerto da contesti insulari.
Figure 5 – 1, 4, 5, 6 : Teppa di Lucciana (da Magdeleine et al., 2003) ; 2, 3 : Ordinacciu (da Lanfranchi et Weiss, 1975)
; 7 : Lucciana (Museo Archeologico di Firenze, già Coll. Forsyth Major, n.inv.208512)
110
Un generico richiamo è istituibile, peraltro, con alcuni tipi della cultura atestina coeva (DORE, 2005, p. 257).
93
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Conclusioni
Dalle considerazioni esposte, appare evidente l’esigenza, ormai non più procrastinabile, di un’organica
ricognizione e documentazione dei materiali metallici conservati nelle istituzioni museali dell’isola,
condizione imprescindibile per una ricostruzione affidabile delle principali linee di sviluppo della
metallurgia corsa durante l’età del Bronzo e l’età del Ferro. In assenza di una revisione critica della
documentazione, ci si deve limitare a presentare in questa sede alcune ipotesi interpretative, da sottoporre
alla verifica dei fatti.
Figure 6 – 1 : Italia (?), contesto sconosciuto (British Museum, già Coll. Blacas, da Bietti Sestieri et Macnamara,
2007) ; 2 : Pontecagnano-Salerno (da D’Agostino et Gastaldi, 1988) ; 3 : Fucino (da Peroni, 1961) ; 4 : La PozzaAllumiere, tomba 2/F (da Peroni, 1960) ; 5 : S. Vitale-Bologna, tomba 6 (da Pincelli et Morigi Govi, 1975)
Se su di un piano strettamente quantitativo la produzione bronzistica insulare non sembra paragonabile a
quelle della Sardegna e della futura Etruria medio tirrenica, il rinvenimento relativamente frequente negli
insediamenti di matrici di fusione, seppure d’incerta cronologia, e l’esistenza nella bronzistica di un
patrimonio di fogge e di tipi originali ne testimoniano comunque la vitalità. D’altra parte, restano ancora
da chiarire i tempi e i modi dello sfruttamento sistematico delle risorse minerarie dell’isola (LANFRANCHI,
1978, p. 332-333 ; GIARDINO, 1995, p. 63 et 151): le tracce di lavorazione di metalli negli strati eneolitici di
Terrina (JEHASSE, 1978, p. 723), suggeriscono un utilizzo precoce degli affioramenti cupriferi locali ma
tale constatazione non sembra implicare una coltivazione intensiva dei minerali insulari nelle epoche
immediatamente successive (GAUTHIER, 1988, p. 253-256). La tarda introduzione sull’isola del ferro, da
collocarsi tra l’VIII ed il VII secolo, indurrebbe anzi a ritenere che le disponibilità locali di questo minerale
siano state sfruttate su vasta scala forse solo a partire dal pieno arcaismo (GIARDINO, 1995, p. 151), in
significativo parallelo con quanto riscontrato a Populonia, dove la metallurgia del ferro e lo sfruttamento
sistematico dell’ematite elbana si affermano definitivamente solo a partire dal VI secolo (ACCONCIA &
MILLETTI, à paraître). In ogni caso, la vicinanza con i bacini minerari d’Etruria e della Sardegna deve aver
garantito ai Corsi un facile accesso alle materie prime e, ovviamente, favorito i contatti continui della
tradizione locale con quelle vicine. Non sembra perciò verosimile, perlomeno senza i necessari
approfondimenti, un sensibile ritardo tecnologico della metallurgia insulare, per lo meno quella dei solfuri
misti, soprattutto a partire dall’età del Ferro, quando i contatti tra le opposte sponde del Tirreno
conoscono una manifesta fioritura, testimoniata da un’intensa circolazione di materiali tra i territori
etruschi settentrionali e la Sardegna nuragica. Non deve dunque stupire che a risultare maggiormente
recettivi agli stimoli esterni, non solo nella bronzistica, siano i comparti della dorsale tirrenica dell’isola,
posti lungo la principale direttrice di collegamento tra l’Etruria e la Sardegna, mentre siano invece
riscontrabili a partire dall’VIII secolo i segni di un possibile attardamento in ampie aree dell’interno
94
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
(LANFRANCHI & WEISS, 1997, p. 409-410), in significativo parallelo con quanto sembrerebbe si sia
verificato anche nel pieno arcaismo (ACQUAVIVA & CESARI, 1990, p. 140-143). Una eventuale
diversificazione su scala regionale del grado di compenetrazione con le culture limitrofe non muta però
nella sostanza il quadro che si va delineando della Corsica, che appare dunque quale un potenziale luogo
d’incontro privilegiato tra le diverse culture e tradizioni tirreniche, in netta antitesi con l’idea, finora
dominante, di una civiltà chiusa e conservativa dagli inizi dell’età del Ferro fino all’arrivo dei coloni greci di
Aleria.
95
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
LES FIBULES DE L’AGE DU FER CORSE : ASPECTS METHODOLOGIQUES ET ETAT
DES RECHERCHES
Marine LECHENAULT
Docteur en Archéologie, universités Lumière Lyon II / Roma I – La Sapienza
Chercheur associé au sein de l’UMR 51-89 HiSoMA
Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon
Marine.Lechenault@univ-lyon2.fr
Résumé – Les fibules constituent une documentation incontournable pour les questions de chronologie, de culture matérielle
et de relations interculturelles. L’article s’ouvre sur des réflexions de méthodologie adaptée à cette catégorie d’artefacts. Puis il
présente les types rencontrés en Corse suivant un ordre chronologique allant du IXe à la fin du Ve s. av. J.-C. Les tendances
émergeant de cette étude sont d’abord l’existence en Corse de fibules d’ambiance italique à date ancienne, à l’image des types à
arc renflé (renvoyant au Latium) et a gomito (largement diffusés en Étrurie septentrionale) entre le IXe et le VIIIe s. La
même période voit l’élaboration de fibules originales mixtes dont certains traits sont directement empreintés des exemplaires
exogènes. Les fibules se retrouvent majoritairement dans des sépultures en y constituant le seul bien métallique. Les types a
navicella, rattachables à l’horizon du VIIe s., caractérisent le moment suivant et semblent converger vers des centres moins
nombreux comme la plupart des objets métalliques de cette période. À titre d’hypothèse, on pourrait voir en ce phénomène un
degré supérieur de structuration territoriale et politique, avec la montée en puissance de certaines localités telles que Murato et
Cagnano. Le VIe s. se distingue par l’apparition d’un type de fibule a navicella à pied en bouton surmonté d’une
protubérance vasiforme, bien attesté en Italie du Nord et circulant également au-delà des Alpes. Conjuguée à celle d’autres
minorités matérielles métalliques, cette présence laisse à penser que le nord de la Corse est concerné par le vaste mouvement de
produits qui lie alors la Baltique, l’Europe intérieure et la Péninsule italique. Les fibules Certosa se diffusent à compter du
VIe s. et au cours du siècle suivant, mais semblent se concentrer sur les sites d’Aleria, de Murato et de Cagnano où leur
nombre grimpe de façon significative. Le Ve s. est marqué par l’élaboration (peut-être légèrement plus ancienne) et la diffusion
sur l’ensemble de l’île de la fibule de type corse, attestée jusqu’à l’époque romaine à Aleria notamment. Le bilan quantitatif
général montre une augmentation des fibules tout au long de l’intervalle. La situation de la Corse se distingue donc clairement
de celle de la Sardaigne, au corpus moins étoffé et davantage rattaché au début de la période envisagée ici. Contrairement aux
sépultures corses, les sanctuaires restent le contexte préférentiel des fibules de la Sardaigne. Enfin, il n’existe pas à proprement
parler de type sarde aussi clairement identifiable et diffusé que ne peut l’être la fibule de type corse.
Abstract – Fibulae are an indispensable aid for the study of chronological, cultural and cross-cultural relationships
problems, especially for the not very well known Corsican Iron Age. The paper commences with a review of some
methodological considerations relating to this variety of artefact. This is followed by a presentation of the different types known
in Corsica from the IXth century BC through the Vth century BC. We learn from this work-in-progress that Italic fibulae
are attested in Corsica from very early times, as can be seen in the case of the arco ingrossato (linked to Latium) and gomito
(Northern Etruria) fibulae dating to between the IXth century BC and the VIIIth century BC. The same period is
characterized by the development of original mixed types of fibulae where some elements recall foreign examples. The fibulae
usually come from tombs and constitute the only metallic goods. The navicella fibulae and other metallic artefacts of the
following century (VIIth century BC) reach powerful centres which seem less numerous and more important than during the
final period. This could be an indication of a higher degree of territorial and political stratification, with the real rise of some
larger sites such as Murato and Cagnano. During the VIth century BC, the fibula with button and vase-shaped bulge type
appears. This fibula is well-attested in Northern Italy, and also beyond the Alps. Considering the other minor metallic
material reaching the island at the same time, this presence permits us to conclude that Northern Corsica is touched by the
circulation linking the Baltic, continental Europe, and the Italian Peninsula. The Certosa fibulae are attested since the end of
the VIth century BC and the whole following century; however they seem to be concentrated in Aleria, Murato and Cagnano,
where their number increases in a very significant fashion. The Corsican type is diffused during the Vth century BC, although
it might appear a bit earlier. This fibula is attested in many sites on the island and is known until the Roman period, as
Aleria reveals. The assessment reveals a quantitative increase in the abundance of fibulae throughout the period. Thus the
Corsican situation differs fundamentally from that of Sardinia, where fibulae are less numerous and date to the beginning of
the Iron Age. In contrast to the Corsican graves, sanctuaries remain the more frequent find context for Sardinian fibulae.
There does not seem to be a real Sardinian type, at least as clearly identifiable as the Corsican fibula111.
111
I'd like to thank Mr David A. Warburton for the final read-through.
96
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Riassunto – Le fibule ripresentano una documentazione fondamentale per i problemi di cronologia, di cultura materiale e
di relazioni interculturali. L’articolo comincia con qualche considerazione metodologica per questo tipo di oggetti. Poi tratta
dei diversi tipi attestati in Corsica dal IX al V s. a.C. Si capisce da questo work-in-progress che le fibule italiche sono
precocemente presenti in Corsica, con i tipi ad arco ingrossato (legato al Lazio) e a gomito (Etruria settentrionale), tra il IX e
il VIII s. a.C. Questo periodo è anche caratterizzato dall’elaborazione di tipi originali misti, con tratti che richiamano gli
esempi esogeni. Le fibule vengono da contesti funerari, dove fanno spesso la figura di unico oggetto metallico. Successivamente,
le fibule a navicella del VII s. a.C. appaiono e convergono con altri beni metallici verso siti di potere, che sembrano meno
numerosi e più importanti del periodo precedente. Questo fenomeno potrebbe indicare un livello di strutturazione territoriale e
politica superiore, con la crescita di grandi siti come Murato e Cagnano. Durante il VI s. a.C., appare la fibula con bottone
e protuberanza in forma di vaso. Questo tipo e ben conosciuto in Italia settentrionale e anche al-di-là degli Alpi. Considerati
alcuni altri beni metallici minori che esistono sull’isola allo stesso momento, questa presenza ci fa credere che la Corsica
settentrionale sia in relazione con il vasto movimento di beni che lega la Baltica, l’Europa continentale e la Penisola italiana.
La fibula Certosa è attestata dalla fine del VI s. a.C. e durante l’intero V s. a.C., però sembra concentrarsi sui siti di
Aleria, Murato e Cagnano, dove la loro quantità cresce su un modo assolutamente evidente. Il tipo cosiddetto corso si diffusa
sull’isola nel V s. a.C. anche se si può immaginargli un’origine leggermente più vecchia. Questa fibula esiste fino all’età
romana, come lo mostrano gli esempi di Aleria. Il bilancio quantitativo mostra una crescita delle fibule dell’isola per tutta
l’età del Ferro corso. La situazione è davvero diversa di quella sarda, dove le fibule sono meno numerose e databili dell’inizio
del periodo. Contrariamente alle sepolture corse, le fibule della Sardegna sono spesso collegate a santuari. Per concludere, non
esiste di vero tipo sardo, cioè così chiaramente identificabile come il tipo corso.
Longtemps considéré comme le « parent pauvre de la Protohistoire » (CAMPS, 1988b, p. 175), l’âge du Fer
corse manque de cadres. Il est urgent de parvenir à une meilleure définition chrono-culturelle de la
période, d’aborder pleinement la question des rapports entretenus par ces communautés à la fois entre
elles et avec les populations voisines. Dans l’optique d’un tel renouvellement scientifique, les fibules font
figure de documents incontournables112. L’intérêt de ces objets s’exprime aussi bien dans le cadre de la
datation des ensembles de référence, que pour aborder la mobilité des biens et des personnes dans la
première moitié du Ier millénaire avant notre ère. L’examen est d’autant plus instructif qu’il éclaire les
siècles précédant la fondation d’Aleria, au milieu du VIe s. av. J.-C. Mais aussi précieuse soit-elle, cette
documentation voit sa portée limitée par un certain nombre d’obstacles. L’objectif de cette contribution
est donc double : Développer une réflexion méthodologique, d’une part ; exposer les principales
observations tirées de l’examen des fibules de la Corse préromaine, d’autre part. On fournira également
quelques éléments de comparaison avec le corpus de la Sardaigne.
Les portées scientifiques de la fibule
On doit en premier lieu se rappeler de la fibule comme d’un élément de datation : à l’instar de la plupart
des objets personnels et plus spécifiquement des parures, les formes obéissent à une évolution rapide et
bien documentée, notamment par les contextes funéraires.
La fibule est également un objet manufacturé métallique composé d’un arc, d’un système de ressort, d’un
ardillon et d’un pied. Il s’agit donc d’un témoignage de ce qu’on appellerait de manière générique le savoirfaire technologique, soit ici métallurgique, d’une société. Au-delà de la typologie, c’est une
typotechnologie113 des objets métalliques insulaires qu’il s’agirait de dresser.
D’autre part, un bien métallique et personnel comme la fibule est un indicateur social potentiel. Il n’y a
rien d’anodin à fabriquer ou à porter un objet en métal, dans la vie comme dans la mort. Le métal est le
fruit d’une technologie complexe, il reluit, conduit la chaleur. Il revêt de nos jours encore un caractère
prestigieux.
112 Une étude complète des fibules de la Corse préromaine est en phase finale de préparation. Nous tenons à renouveler nos
remerciements envers Mmes E. Cornetto, A. Jurquet (Musée de Bastia), C. Bodet (Musée des Confluences, Lyon), B. Vigié
(Musée d'Archéologie Méditerranéenne de la Vieille Charité, Marseille) ainsi que M. P. Nebbia (Musée de la Préhistoire corse,
Sartène) pour nous avoir permis de consulter ces collections. Merci également à P. Tramoni pour ses nombreux conseils.
113 Expression de J.-P. Guillaumet.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Il faut ajouter à cette remarque qu’à travers la fibule, c’est d’un costume, soit d’une pratique vestimentaire
qu’il s’agit. Elle entre dans le cadre de l’étude du vêtement, partie intégrante du patrimoine culturel d’un
peuple.
Enfin, sa qualité de bien personnel fait de la fibule un bon indicateur de la mobilité des personnes.
Comme le souligne M. Gras à propos de l’Italie méridionale, « elles [les fibules] sont fondamentales pour
la phase du chieftain trade mais aussi pour la phase suivante permettant d’identifier des transporteurs ou des
accompagnateurs » (GRAS, 2004, p. 121).
Les limites de la documentation
Ces intérêts d’ordre chronologique, culturel et historique sont tempérés par un certain nombre de
contraintes inhérentes à la documentation en général ou plus spécifiquement à l’état des recherches en
Protohistoire corse.
Il importe de souligner d’emblée la spécificité des chronologies insulaires et l’impossibilité de leur calquer
les jalons continentaux. En raison de l’écart potentiel entre l’utilisation dans la zone productrice et la
diffusion vers la périphérie, la datation des objets d’ambiance exogènes se discute en fonction de leur foyer
d’origine, mais aussi des dates fournies par leur arc de diffusion et les contextes d’apparition. Or, une
grande partie de la documentation est issue de fouilles anciennes dont les données de terrain ne sont pas
toujours exhaustives. Cette remarque constitue en soi une autre limite à la pleine exploitation du corpus.
Concernant l’apport des fibules à la connaissance du patrimoine technologique protohistorique insulaire,
les absences d’analyses métallographiques et les rapprochements avec les gisements miniers sont à
déplorer. L’essor métallurgique dans les îles méditerranéennes fait pourtant figure d’axe de recherche
privilégié depuis plusieurs années.
Un autre point essentiel : La fonction originelle d’un objet, c’est-à-dire celle qu’il remplit aux yeux de la
population qui l’élabore, n’est pas systématiquement sa fonction finale, une fois l’objet acquis par une
population différente. Il faut donc s’interroger sur l’usage réel des fibules au sein des sociétés insulaires qui
les adoptent.
La périodisation choisie suit le phasage habituel en étruscologie : période villanovienne (IXe-VIIIe siècles
av. J.-C.), période orientalisante (fin VIIe-début VIe siècle av. J.-C.), période archaïque (VIe siècle av. J.-C.)
et classique (Ve siècle av. J.-C.)114. On a précédemment souligné le caractère artificiel revêtu par un tel
découpage quand il est appliqué à une île et pour des objets qui furent en circulation pendant une durée
indéterminée. Mais il se justifie par l’origine principalement italique des types rencontrés, et permet d’ores
et déjà de poser des jalons pour une chronologie relative des gisements corses.
Présentation du corpus
Avec 106 individus recensés115, les fibules représentent 26 % du mobilier métallique protohistorique
insulaire (LECHENAULT, 2007, p. 74). Le graphique ci-dessous présente la part de chacun des types dont il
va être question ici. On remarque bien l’essor quantitatif des fibules entre le Xe et le Ve siècle av. J.-C.
L’éventail typologique recouvre un intervalle relativement long, mais une part significative du corpus se
rapporte aux périodes archaïque et classique (77 individus, soit 72%). Les fibules importées convergent
alors vers des sites moins nombreux, tandis que l’on assiste à l’essor du type dit corse sur plusieurs
gisements insulaires (fig. 1).
PALLOTTINO, 1984, p. 46-47 et p. 95 sq. ; CRISTOFANI, 1985, tav. I-III ; BARTOLONI, 2003, p. 29.
On obtient un nombre total de 190 en tenant compte d’Aleria. En raison de la spécificité de celle-ci, son corpus a été
volontairement laissé de côté pour se concentrer sur les autres sites insulaires. Il faut par ailleurs préciser que de nouvelles fibules
nous ont récemment été communiquées. Elles feront l’objet d’une prochaine parution.
114
115
98
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
1%
7%
1% 4%
13%
Arc renflé
19%
A gomito
A navicella
Certosa
Type corse
Serpentiformes
sanguisuga
55%
Figure 1 – Part en pourcentage des types de fibules présents en Corse (IXe-Ve s. av. J.-C.)
Figure 2 – Carte de répartition des fibules des IX-VIIIe siècles. ? : provenance incertaine
99
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Les fibules rattachables à l’horizon des IXe-VIIIe s. av. J.-C.
Le début de l’âge du Fer est marqué par une apparition précoce des fibules sur plusieurs sites et en divers
points de l’île (fig. 2). Elles se retrouvent généralement à l’unité. Ces sites sont principalement des
sépultures en abri-sous-roche, où la fibule constitue le seul élément métallique au sein d’un mobilier
funéraire quantitativement pauvre.
Parmi les exemplaires les plus anciens, on rencontre le type à arc renflé à travers deux fibules: Bisinchi (LO
SCHIAVO, 1994, p. 129-138) et Pietra Piana116. La fibule de Bisinchi a été publiée avec une grande
précision par F. Lo Schiavo, qui la classe parmi les fibules à arc renflé et motifs incisés rattachables à l’aire
latiale dans la transition Bronze-Fer (du XIe au IXe siècle av. J.-C.). Cette fibule est particulièrement
proche d’un type campanien caractéristique de la phase Cumes Préhellénique I de Müller-Karpe,
correspondant à la seconde moitié du IXe s. av. J.-C. Le type à arc renflé fait l’objet d’une large diffusion
en Sardaigne (LO SCHIAVO, 1978, p. 25 sq.).
Le type exogène majoritaire pour la période est dit a gomito a occhiello/i (fig. 6, n° 1). Constitué d’une tige de
section circulaire formant une à deux boucles et se prolongeant en ardillon, il est massivement attesté en
Étrurie septentrionale au VIIIe s. av. J.-C117 (fig. 3).
Les fibules a sanguisuga à corps globuleux sont très rares. Une fibule est mentionnée à Avapessa118 et une
autre provient de Murato (MAGDELEINE & AL., 2003). Les investigations menées jusqu’ici n’ont pas
permis d’en trouver d’autres qui soient clairement rattachables au type. Les sanguisuga à arc fin sont plus
nombreuses, mais concentrées à Cagnano.
Un unicum sur l’île correspond à la trouvaille isolée d’Osani (JEHASSE, 1986, p. 59), placée aux XIe-VIIIe
siècle av. J.-C. L’arc est constitué d’une tige de section circulaire formant une série de boucles. Un exemple
identique, de provenance italienne, est conservé au British Museum119.
De nombreuses fibules corses ont été traditionnellement regroupées sous l’appellation de serpentiformes. Ce
groupe englobe les exemplaires à arc ondulant sans rattachement clair à un type connu. La catégorie des
serpentiformes mérite une réévaluation soigneuse, puisqu’elle est en réalité majoritairement composée
d’objets dont l’approche typologique n’a pas été pleinement menée. Elle comprend donc les types
proprement hybrides, dont le pied ou l’arc sont inspirés de fibules italiques contemporaines. C’est
notamment le cas pour les exemplaires de la vallée du Liamone (LANFRANCHI & WEISS, 1975), de
Carbuccia-Bocognano (FORRER, 1924, p. 229) et d’une fibule de Murato120. Une autre particularité à
signaler, la fibule dite sinusoïdale (fig. 6, n° 2) comme on la trouve à Murato (MAGDELEINE & AL., 2003)
et à l’Ordinaccio121 (Solaro), à arc ondulant et de section circulaire. Ces expériences mixtes sont
vraisemblablement des élaborations insulaires.
Le lien entre d’une part la Corse, de l’autre la Campanie et le Latium, documenté par les fibules à arc
renflé, peut se concevoir à travers l’intermédiaire de la Sardaigne. Cette hypothèse est étayée par la
présence d’objets nuragiques en bronze dans les tombes de Pontecagnano vers le milieu IXe siècle av. J.-C
(LO SCHIAVO, 1994, p. 133). D’autre part, les bottoni sardes trouvés à l’Ordinaccio confirment les contacts
entre la Corse et la Sardaigne dans le même temps que ceux qui lient les îles aux cités étrusques.
Il est tentant de relier la diffusion de fibules a gomito en Corse aux prospections villanoviennes motivées
par les ressources minières insulaires. C’est d’ailleurs le nord de l’île, riche en gisements miniers, qui en a
livré la majeure partie. C’est également là qu’ont été découvertes les fibules à arc renflé.
Considérant les éléments à disposition, il semble qu’un premier flux, porteur de fibules serpentiformes,
parte de l’Étrurie minière vers ladite zone. Un second quitte le Latium, atteint la Sardaigne puis remonte
vraisemblablement par la côte orientale corse122 avant d’atteindre le nord de l’île. Ces produits pourraient
traduire la phase du cheftain trade ou échange de dons entre élites étrusques et insulaires.
Musée de Bastia, inédit. Sa datation se situe entre le IXe et le premier quart du VIIIe s. av. J.-C.
En ce qui concerne cette diffusion, consulter DELPINO, 1981.
118 CAZIOT (1897, p. 474) évoque une fibule provenant d’Avapessa, corps globuleux, poids important, décorée d’incisions
associées à des "cordons en saillie". L’ardillon est une tige qui fait une révolution complète à la base du corps qui lui donne
naissance ».
119 SUNDWALL, 1943, p. 156. La provenance exacte est inconnue.
120 Musée de Bastia, inédit.
121 LANFRANCHI & LUZI, 1971. Cet exemplaire est si massif que l’on peut douter de son utilisation en tant que broche.
122 Bottoni sardes de l’Ordinaccio.
116
117
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 3 – Carte de répartition des fibules à un ou deux occhielli en Tyrrhénienne (d’après : Delpino, 1981). 1 :
Milan ; 2 : Ravenne ; 3 : Livourne ; 4 : Sienne ; 5 : Cecina ; 6 : Bambolo ; 7-8 : Populonia ; 9 : Montagne de Campo ;
10 : S.Martino et Monte Calamita ; 11 : Lac de l’Accesa ; 12 : Caldana ; 13-14 : Vetulonia ; 15 : Tarquinia ; 16-17 :
Terni ; 18 : Cime ; 19-20 : Sartène
Les fibules rattachables à l’horizon du VIIe s. av. J.-C.
Le VIIe s. av. J.-C. est marqué par l’apparition en Corse du type a navicella, présent sur les sites du Monte
Lazzo (fig. 6, n° 4 ; WEISS, 1984 et infra), à Cagnano (CHANTRE, 1901, p. 715 sq.) et à Murato
(MAGDELEINE & AL., 2003). Ce type est largement répandu en Étrurie interne. Par ailleurs, R. Forrer a
publié une autre fibule proche des exemples de Volsinies en Étrurie et provenant de Carbuccia ou
Bocognano (FORRER, 1924, p. 229 ; BLOCH, 1972, p. 151, fig. 48).
Ce siècle voit la quantité des fibules augmenter (fig. 4). D’autres biens métalliques d’ambiance italique
joignent l’île et de nouvelles formes font leur apparition dans le répertoire mobilier métallique insulaire
(LECHENAULT, 2007, p. 79 sq.).
En parallèle, une concentration sur quelques grands sites corses semble s’opérer. En vertu de l’idée suivant
laquelle les places de pouvoir attirent les biens de valeurs, on serait tenté de voir en ce phénomène un
degré supérieur de structuration territoriale autour de grands centres désormais sièges du pouvoir. Une
attention particulière doit ainsi être accordée au site de Cagnano (Luri). Sur ce site, le mobilier d’ambiance
exogène augmente au fil du temps de manière flagrante123. Le gisement de Murato (Vallecalle) semble
suivre une évolution comparable. Le mobilier de ces deux nécropoles124 laisse croire en une longue
fréquentation, à situer dès le VIIIe s. av. J.-C. pour Murato et à partir du VIIe dans le cas de Cagnano.
Leur occupation s’étend jusqu’au IVe s. av. J.-C. voire au-delà. La permanence de ces lieux sur plusieurs
siècles et l’afflux continu de mobilier exogène va dans le sens d’une persistance d’un ou de plusieurs
centres de pouvoir situé(s) à proximité.
LECHENAULT, 2007, p. 91. À Cagnano, le Nombre Minimum d’Individus (NMI) est de 13 fibules a navicella puis de 28 fibules
Certosa.
124 Le cas de Cagnano est d’interprétation plus malaisée compte tenu des circonstances de la découverte (CHANTRE, op. cit.).
123
101
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Figure 4 - Carte de répartition des fibules des VII-VIe siècles
Quelques particularités du VIe s. av. J.-C.
Le VIe s. est un moment d’effervescence culturelle et commerciale en Méditerranée et en Europe. En
Corse, on assiste à la fondation d’Alalia vers 560 av. J.-C. Le mouvement de concentration des biens
exogènes sur quelques grands sites insulaires semble persister.
Le site de Cagnano a livré plusieurs fibules a sanguisuga à long porte-ardillon se terminant par un bouton
surmonté d’une protubérance vasiforme. Cette fibule fait son apparition dans la péninsule italienne au
cours du VIIe s. mais caractérise plus sûrement le VIe s. av. J.-C. Elle renvoie à l’Étrurie padane125, à la
région d’Este et à la Romagne126. On en dénombre aussi dans des sépultures jurassiennes contemporaines
ou légèrement postérieures (GANARD & AL., 1991, p. 37-64).
Le siècle suivant livre une variante du type Certosa très répandue dans les aires romagne et vénète (classe
D1, type IV, 1 de P. Guzzo) présentant des décors de cercles pointés et légers zigzags sur l’arc (fig. 6, n°
5). Murato et Cagnano ont livré chacun au moins deux individus de morphologie caractéristique. La
coexistence d’éléments d’ambiance germaniques et d’objets évoquant l’Étrurie padane laisse à penser que
125 On rappelle la vague d’installation parfois qualifiée de « colonisation » entreprise par les Étrusques au même instant dans le
nord de la péninsule italienne.
126 Le volume de VON ELES MASI (1986) est une référence fondamentale pour les questions de typologie et de diffusion en Italie.
L’arc de ce type est si fin qu’on hésiterait à lui attribuer l’appellation de sanguisuga.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
les sociétés insulaires127 sont en connexion avec le vaste flux circulant entre l’Étrurie, Felsina, le nord de
l’Italie et l’Europe continentale, jusqu’aux anciennes sources de l’étain et de l’ambre 128 (fig. 5). Outre la
route des Alpes, l’axe du Rhône est représenté par le mobilier corse contemporain (LECHENAULT, 2011).
Figure 5 – Transformation des systèmes socio-économiques entre 520 et 400 av. J.-C. (d’après : Cunliffe, 1993)
Le Ve s. av. J.-C. : les fibules témoins de la cohabitation
Le groupe des fibules Certosa recouvre la fin du VIe et le Ve s. av. J.-C., et comprend de nombreuses
variantes italiques. En Corse, sa diffusion se limite pour l’instant à trois sites : Aleria, Murato et
Cagnano129.
Au moins pour celles du Nebbiu et du cap Corse.
À ce titre, et pour des temps légèrement postérieurs, M. YON (1977) rapproche les figurines d’ambre présentes à Aleria de
celles de Spina. Elle détermine l’origine baltique de l’ambre, et situe le façonnage du bijou dans un atelier nord-italien.
129 NMI de 45 à Aleria, 13 à Murato et 28 à Cagnano.
127
128
103
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Parallèlement à l’ouverture étrusque dans la plaine padane, Aleria est fondée par les Phocéens. Il faudra
attendre les années 540 av. J.-C. pour que la coalition étrusco-punique ne les en chasse. S’ensuit
l’installation des Étrusques sur place, dans la seconde moitié du même siècle.
Dès lors, se pose la question des relations avec les sociétés protohistoriques insulaires. Il semble que leurs
représentants soient assez précocement inclus dans la nécropole d’Aleria, à l’image de la fameuse tombe
101 (JEHASSE & JEHASSE, 1973, p. 251 sq.). Cette sépulture a suscité les commentaires en raison de la
ceinture de la femme inhumée, similaire à celle de Cucuruzzu à Lévie. Aussi exemplaire cette sépulture
soit-elle en termes de cohabitation entre sociétés étrusque et insulaire, des indices comparables existent
dans la nécropole et l’habitat, ne serait-ce que par le biais des fibules de type corse.
La fibule de type corse : un marqueur culturel
Un fait marquant est l’apparition de la fibule dite de type corse, considérée comme son nom l’indique
comme une élaboration originale de l’île (fig. 6, n° 6-8). Cette fibule présente une section d’arc triangulaire
et surtout un pied « en spatule » qui reste son trait le plus caractéristique. La date de son apparition est
difficile à préciser mais se situe vraisemblablement entre la seconde moitié du VIe et le début du Ve siècle.
Son utilisation paraît se prolonger jusqu’à la fin de l’âge du Fer130. Il s’agit d’un fait primordial dans
l’histoire de l’île puisqu’on assiste à la pleine adoption d’une pratique vestimentaire d’origine exogène par
les sociétés insulaires. Les fibules sont déjà attestées sur l’île depuis le IXe siècle, mais la création d’un type
local aussi diffusé que la fibule corse marque une nouvelle étape.
On considère traditionnellement la fibule Certosa comme le modèle à l’origine de cette création. Cette
supposition s’appuie sur la présence des fibules corses au sein de contextes contemporains ou postérieurs
à la diffusion de la fibule Certosa, à Aleria, Murato et à Cagnano131. Des arguments morphologiques132 et
surtout techniques133 pourraient étayer cette hypothèse. Mais il faut souligner que les seuls cas
d’association des deux types sur un même site sont les trois gisements d’Aleria, Murato et Cagnano. Les
autres découvertes de fibules de type corse ne s’accompagnent jamais de fibules Certosa. Dès lors, si le type
corse découle de la fibule Certosa, il faudrait vraisemblablement lui envisager une origine dans le nord de
l’île ou à Aleria. Mais faut-il à tout prix rechercher un prototype péninsulaire ?
Au moins un exemplaire de fibule type corse est connu sur la péninsule italienne. Il se rattache au IIIe s.
av. J.-C (MAGGIANI, 1979, p. 99 sq.). De la même manière que les objets italiques, la fibule corse est un
marqueur culturel témoignant des pérégrinations insulaires hors de Corse.
Comparaison avec l’inventaire de la Sardaigne : quelques observations
Une remarque s’impose : on doit souligner le nombre important de fibules retrouvées en Corse par
rapport à la Sardaigne134. En effet, il faut considérer que ce modeste NMI135 de 106 objets (hors Aleria)
pour cinq siècles a été obtenu grâce à une méthode d’investigation bien moins intensive qu’en Sardaigne :
celle-ci compte à ce jour davantage d’opérations archéologiques pour la même période historique, et a de
fait multiplié ses chances, depuis plusieurs décennies, de découvrir des fibules. Or en Corse, le nombre de
fibules trouvées fortuitement ou anciennement, c’est-à-dire dans des contextes archéologiques incertains,
se hisse au niveau du décompte sarde. D’autre part, la majorité des fibules de Sardaigne sont datées du
début de la période (IXe-VIIe s.) et se raréfient par la suite, tandis que le corpus corse illustre la tendance
inverse. Les exemplaires de Sardaigne proviennent surtout de sanctuaires (complexes nuragiques, aires
sacrées ; CAMPOREALE, 2002, p. 16), alors que la sépulture reste le contexte préférentiel des exemplaires
corses. Enfin, si l’on ne doit pas écarter les possibles cas d’imitations sardes de types exogènes (GRAS,
Se reporter aux exemplaires d’Aleria rattachables au IIIe s. av. J.-C. (JEHASSE & JEHASSE, 1973 et 2001).
Musée de Bastia : un fragment de fibule de type corse, inédit.
132 Le pied en spatule serait un dérivé du bouton de la Certosa. On met également en avant la similitude de la courbe de l’arc.
Toutefois, la section de celui des Certosa est circulaire.
133 À savoir : l’usage commun d’un ressort bilatéral. On ne connaît pour l’instant aucun exemple de fibule de type corse à ressort
monolatéral.
134 LO SCHIAVO, 1978 et 2002 : on atteint péniblement un chiffre autour de soixante-dix fibules. Pour cet auteur, ce faible nombre
est à mettre en relation avec l’absence presque totale de sépultures individuelles.
135 Nombre Minimum d’Individus.
130
131
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
1985, p. 120), la Corse se distingue par l’élaboration d’un objet spécifiquement local et attesté durablement
dans le temps comme dans l’espace.
Les fibules sont présentes sans solution de continuité en Corse depuis le IXe s. jusqu’au-delà du Ve s. av.
J.-C. Chaque phase de la périodisation italienne (villanovienne, orientalisante, archaïque et classique) est
représentée en Corse par au moins un type de fibule. Cette régularité va dans le sens de contacts suivis
entre l’île et la péninsule italienne.
3
1
2
5
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Figure 6 – Quelques exemples de fibules de Corse. 1 : Costa di Muro ; 2 : L’Ordinaccio ; 3 : Carbuccia-Bocognano ;
4 : Monte Lazzo ; 5-6 : Murato ; 7 : Lugo ; 8 : Cagnano (d’après : Forrer, 1924 ; Grosjean, 1958 ; Lanfranchi, 1971 ;
Lanfranchi et Luzi, 1971 ; Magdeleine et al., 2003 ; Weiss, 1984)
Les fibules de la Corse entre le IXe et le Ve s. av. J.-C. : bilan général
Au début de l’âge du Fer, l’Étrurie septentrionale et le nord de la Corse entretiennent des relations suivies.
Ces relations sont documentées par les fibules a gomito à un ou deux occhielli, très fréquentes sur le littoral
toscan entre les IXe et VIIIe siècles av. J.-C. Selon toute vraisemblance, la présence de ces objets en Corse
est à mettre en rapport avec la recherche de métaux menée par les cités étrusques de Populonia et
Vetulonia, cette même recherche les ayant conduites à nouer des liens particuliers avec la moitié nord de la
Sardaigne.
105
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Dans une moindre mesure, des fibules à arc renflé sont attestées. D’origine latiale et campanienne, elles
pourraient être parvenues en Corse par l’intermédiaire de la Sardaigne, où le type est bien documenté. Ce
mouvement le long des littoraux orientaux sarde et corse est notamment confirmé par la présence de
bottoni sardes à l’Ordinaccio.
Le VIIe s. est représenté par les fibules a navicella. La référence à des secteurs italiques moins maritimes,
comme l’Étrurie méridionale, est plus évidente.
À partir du VIe s. av. J.-C., date de l’ouverture étrusque vers la plaine padane, on note l’arrivée de fibules
se rapportant à la Vénétie et à l’Émilie-Romagne. La liaison avec l’Italie septentrionale est confirmée par la
présence d’ambre et d’objets originaires d’Europe intérieure. L’île, au moins dans sa partie septentrionale,
apparaît dès lors comme concernée par la dynamique économique liant la Baltique à l’Étrurie.
Les fibules exogènes du Ve s. se concentrent sur trois principaux sites, Cagnano, Murato et Aleria. Le type
corse fait son apparition, ce qui signe définitivement l’intégration de la fibule au patrimoine matériel
insulaire.
Suivant les termes de M. Gras, « les importations sont un formidable révélateur des lieux de pouvoir chez
les indigènes. On les dirait comme " aspirées " par le pouvoir local (GRAS, 2004, p. 229) ». Au sein des
différents groupes insulaires, les contacts avec la péninsule italienne ont pu profiter à une classe
dominante, qui aurait par la suite su contrôler les flux de richesses jusqu’à l’émergence de véritables lieux
de pouvoirs, dont Murato et Cagnano, par exemple, seraient les nécropoles. La dispersion des premières
fibules, qui précède leur concentration sur des sites moins nombreux et plus riches en mobilier, pourrait
traduire un tel phénomène.
Si le nombre important de fibules d’ambiance italique rend probable une présence physique d’Étrusques,
seule la prise en compte de l’intégralité du mobilier, en particulier la céramique, peut faire avancer cette
question136.
Les relations entre la Corse et les principales cultures exportatrices du bassin méditerranéen ont très
longtemps été perçues à travers le prisme d’Aleria, fondée au milieu du VIe s. av. J.-C. Cette courte
synthèse permet néanmoins de poser quelques jalons pour les temps antérieurs à l’implantation de la cité
et aussi d’illustrer, si besoin était, une société insulaire non pas marginale mais bien intégrée dans les
circulations méditerranéennes depuis le début du premier millénaire avant notre ère au moins. Une telle
situation de marginalité était certes peu envisageable compte tenu des antécédents historiques, de la
proximité du continent et du statut même d’île. Le pendant indispensable de cette étude consiste à mettre
en évidence les mouvements depuis la Corse vers les régions voisines, ce qui implique la reconnaissance de
traceurs culturels comme la fibule de type corse hors de leur aire d’origine.
136
Ce constat renvoie au faible nombre d’habitats fouillés pour la période.
106
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
REFLEXION SUR LES EPEES COURTES OU POIGNARDS CORSES DE L’AGE DU FER
Dominique PASQUALAGGI
Doctorant en Archéologie
Centre Ausonius
Université de Bordeaux III, UMR ADES
pasqualaggid@hotmail.fr
Résumé – L’article présenté ici concerne les épées courtes ou le poignard dit Corse ou des Korsi selon la terminologie
employée. Cet instrument s’inscrit dans un stade d’évolution qui se distingue en deux phases, le premier âge du Fer (ou
Hallstatt) du deuxième (nommé également La Tène). En l’absence d’une barrière chronologique fixe pour la Corse et pour
éviter l’emploi du modèle restrictif Halstatt/La Tène, il est plus réaliste de parler d’un premier âge du Fer jusque vers la
moitié du VIe siècle av. J.-C. et de désigner l’implantation de colons phocéens sur le site d’Alalia pour le passage du premier
âge du Fer au second. Pour ces objets, il y a douze exemplaires cités en bibliographie pour la corse. Nous voulons mettre en
avant le fait que l’âge du Fer corse doit être considéré comme une période de transition pour les communautés indigènes. La
forme nouvelle de rapports avec les populations extérieures va contribuer à amplifier le processus d’acculturation déclenché dès
le Néolithique et cela par sa position géographique en plein cœur du bassin méditerranéen. Cette première période de l’âge du
Fer, du Xe au VIIIe siècle avant J.-C., est une époque lors de laquelle la distinction entre les cultures du Bronze et du Fer
reste imprécise. Il faut préciser que la méconnaissance par les insulaires de cette partie de la Protohistoire locale est à l’origine
du départ de nombreux documents du patrimoine vers des musées étrangers, ce qui rend leur analyse beaucoup plus difficile.
Et si nous arrivons à définir une réelle terminologie des poignards de cette période, nous pourrons lever le voile sur les relations
commerciales et le mode de vie et de la conception du vécu des Korsi.
Abstract – The article presented here concerns the short sword or dagger said Korsi Corsica or in the terminology used. This
instrument is in a stage of evolution which allows to distinguish two phases, the first Iron Age or Hallstatt also named the
second Laténien. In the absence of a fixed chronological barrier to Corsica and to avoid the use of restrictive pattern Hallstatt
/ La Tene, it is more realistic to speak of the first Iron Age until the mid-sixth century BC. and describe the implantation of
settlers phocéens on site Alalia for the passage of the first Iron Age in the second. For these objects, there are twelve examples
cited in the bibliography regarding the Corsican. We also want to highlight that the Corsican Iron Age must be considered a
transition period for Indigenous communities. The new form of relationship with people outside will help to boost the process of
acculturation triggered from the Neolithic period and that its location in the heart of the Mediterranean basin. This first
period of the Iron Age, the tenth to the eighth century BC, is a period during which the distinction between cultures of the
Bronze and Iron should be considered imprecise. It should be noted that the failure by the island in this part of the local
prehistory is causing the departure of many heritage materials to foreign museums, making their analysis much more difficult.
And if we define a real terminology daggers of this period, we can lift the veil on business relationships and lifestyle and design
experiences of Korsi.
Riassunto – Il presente articolo riguarda la spada corta o daga, detta corsa o dei Korsi a seconda della terminologia
utilizzata. L’evoluzione di tale oggetto avviene in due momenti distinti: la prima età del Ferro o cultura di Hallstatt, e la
seconda età del Ferro o cultura di La Tène. Non essendo ancora stata fissata una barriera cronologica fissa per la Corsica e
volendo evitare l'uso del pattern restrittivo Hallstatt / La Tène, ci sembra più realistico parlare di prima età del Ferro fino
alla metà del VI secolo a.C. e fissare il passaggio dalla prima alla seconda età del Ferro al momento dell’impianto di coloni
Focei sul sito di Alalia. Per quanto riguarda questo oggetto possediamo dodici citazioni bibliografiche relative alla sua
presenza in Corsica. È importante sottolineare che l'età del Ferro è da considerarsi come un periodo di transizione per le
comunità indigene. I nuovi contatti con l’esterno contribuiscono a rafforzare il processo di acculturazione innescato a partire
dal Neolitico e favorito dalla posizione della Corsica nel cuore del Mediterraneo. Il primo periodo dell'età del Ferro, dal X
all'VIII secolo a.C., è un momento in cui la distinzione tra le culture del Bronzo e del Ferro risulta imprecisa. Inoltre le
scarse conoscenze su questa fase della Protostoria locale hanno provocato la perdita di molti oggetti, che sono andati ad
arricchire le collezioni di musei stranieri, limitando così l’opportunità di studiarli. Quando la terminologia relativa ai pugnali
di questo periodo sarà definita, avremo anche la possibilità di chiarire ulteriormente la cultura propria dei Korsi e i loro
rapporti con le comunità allogene.
Nous allons ici entreprendre une étude sur l’épée courte ou poignard corse, ou des Korsi, selon la
terminologie employée. Cet instrument s’inscrit dans un stade d’évolution qui se distingue en deux phases,
107
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
le premier et le deuxième âge du Fer. En Corse, le problème se pose de manière différente car il s’agit ici,
pour la période initiale, de quelques centres très limités dans l’espace et ayant restitué, avant tout, des
productions inspirées du monde italique. Dans la plupart des cas, ces lieux de découverte sont des
sépultures mises au jour de manière fortuite.
En l’absence d’une barrière chronologique fixe pour la Corse et pour éviter l’emploi du modèle restrictif
Halstatt/La Tène, il est plus réaliste de parler d’un premier âge du Fer jusque vers la moitié du VIe siècle
av. J.-C. et de désigner l’implantation de colons phocéens sur le site d’Alalia pour le passage du premier
âge du Fer au second.
Figure 1 – Carte de la répartition des épées courtes
108
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Le premier âge du Fer ou l’évolution des structures sociales insulaires
On peut considérer qu’aux environs de 750-700 av. J.-C., la Corse a atteint un stade de développement
technologique auquel on donne le nom de premier âge du Fer. L’apparition des premiers objets réalisés à
partir de ce métal conditionne la terminologie. Néanmoins, cette période se caractérise surtout par
d’importants changements intervenant dans divers domaines économiques, sociaux et culturels.
Du point de vue économique, les nouveaux produits en bronze (parures féminines, ustensiles
domestiques, éléments vestimentaires, armes, etc.) issus de la civilisation de Hallstatt touchent la Corse.
L’adoption de ces modèles européens marque une importante évolution dans les mœurs.
Sur le plan social, le développement des échanges encourage un changement des modes d’exploitation du
milieu naturel. Si à l’âge du Bronze, c’est une forme d’exploitation du territoire en vue d’une économie
productive fondée exclusivement sur la culture des céréales et sur l’élevage qui a entraîné l’émergence des
castes, c’est durant le premier âge du Fer que certaines cités se développent du fait de la naissance d’une
pratique commerciale fondée sur l’échange de produits nouveaux.
Importations ou fabrications locales ?
C’est dans ce contexte que les poignards ou épées courtes de Corse apparaissent. Ils peuvent être rangés
dans les séries à antennes atrophiées. La poignée, généralement en fuseau, présente dans sa partie centrale
un renflement ou un système de bagues. La lame semble avoir été en fer alors que poignée, garde et
pommeau étaient en bronze. Les poignards ou épées courtes de Carbuccia-Bocognano sont, d’après F. de
Lanfranchi, des produits importés. Les autres, de facture plus maladroite, comme à Vero et Belgodère,
pourraient être considérés comme des imitations locales. Le poignard en bronze de Pancheraccia (fig. 2)
semble constituer un prototype de ces armes. Il présente une garde légèrement arquée, une fusée à section
ovale de largeur constante, un pommeau arqué de forme ovale orné de cinq petits boutons en relief. Un
fragment de moule de manche de poignard ou d’épée mis au jour dans le site de Castidetta-Pozzone, dans
le sud de l’île, peut avoir servi pour la fabrication d’armes du type de Pancheraccia. En 2003, à Alata, il a
été découvert une pièce originale, qui nous renseigne un peu plus sur la fabrication et de ces poignards. Il
s’agit d’un fragment de moule double avec le négatif de la partie distale d’un poignard au recto, et celui
d’une hache à bords au verso. D’après la description et la typologie, ce moule pourrait ressembler aux
exemplaires qui ont servi pour couler le poignard de Pancheraccia. Par sa section caractéristique, il
s’apparente à celui trouvé à Castiglione-Terra Bella (Grosseto-Prugna, Corse-du-Sud), qui fut découvert
dans une couche attribuée au Bronze moyen. Il est impossible de savoir si les armes produites à Alata
possédaient un pommeau en demi-lune. Soulignons le fait que l’état de conservation du vestige ne permet
pas d’infirmer de façon certaine qu’il s’agit d’un moule destiné au coulage de pointes de lance, certains
types à nervure centrale étant connus en contexte nuragique. Pour K. Peche-Quilichini (PECHEQUILICHINI, 2009b), il semble que le moule de Ficcaghjola doit être attribué à l’âge du Bronze moyen ou
final, ce qui semble confirmé par le contexte immédiat de sa découverte. Mais il reste important de le citer,
car il rare de découvrir ce type d’objet en Corse et cela peut nous permettre d’entrevoir la production
locale.
Figure 2 – Poignard de Pancheraccia, conservé au Musée d’Aleria
Dans ce contexte d’idée de production locale, il est important de citer des découvertes faites en Italie, en
effet deux poignards présentent des similitudes relativement précises avec les poignards corses (VERGER,
2000). Il s’agit, pour l’un d’eux, d’un manche découvert au lieu-dit San Leo à Palmi, en Calabre. Sa garde
109
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
est en forme de U retourné, sa fusée est épaissie vers le centre et le pommeau arqué est surmonté d’un
bouton central. La poignée est en une pièce et est fixée sur une lame en fer, conservée seulement dans
l’échancrure de la garde. Il est difficile de préciser les liens exacts qui peuvent unir cette arme et la série
corse. Le second est le manche de poignard de Paestum, qui s’insère en revanche parfaitement dans la
petite série de poignards de l’âge du Fer de Corse.
Si l’origine spécifiquement corse du manche de poignard de Paestum ne fait aucun doute, sa datation est
plus difficile à déterminer. En ce qui concerne l’établissement d’une chronologie des poignards insulaires,
il faut être très prudent car lorsqu’il ne s’agit pas de trouvailles isolées, les découvertes proviennent de
contextes mal connus et souvent mal définis. Les lots de la vallée de la Gravona et de Cagnanu
proviennent-ils de dépôts ou de tombes ? Sont-ils chronologiquement homogènes ? En l’absence de
contextes fiables et précisément datés, nous pouvons simplement noter qu’à côté des types métalliques
spécifiquement corses, dont la datation pose encore problème, les deux lots contiennent quelques objets
d’origine ou de type italique. Il s’agit avant tout de fibules a navicella de Cagnanu avec porte-ardillon
allongé, parfois bouleté, intéressant un horizon chronologique centré sur le VIIIe siècle avant J.-C. Elles
offrent des affinités avec le mobilier du premier âge du Fer d’Italie centrale (Corneto et Vulci). Quant aux
fibules de Bocognano, elles ne sont pas sans rappeler, par leurs nodosités, celles de La Certosa (Bologne).
Nos informations sur ces armes sont donc relativement pauvres car la majorité des documents de cette
catégorie a été exhumée au début du XXe siècle, à la suite de découvertes fortuites ou de fouilles
effectuées par des amateurs, et dont le produit était destiné à garnir les vitrines des collections privées. Du
fait de cette pratique, tous ces objets ont été étudiés hors stratigraphie.
Corpus des poignards en bronze de Corse
La Corse compte 12 exemplaires cités dans la bibliographie (fig. 1) :
● Carbuccia-Bocognano (FORRER, 1924) : il a été découvert un poignard parmi un ensemble de dix objets
de bronze, entre Carbuccia et Bocognano, sans autre précision, au moment de la construction d’un pont
de la voie ferrée dans le lit de la Gravona entre 1880 et 1890. Deux seuls ponts dans ce secteur enjambent
la Gravona, dont l’un se situe à Mezzana, bien avant Carbuccia et l’autre, en amont, bien après
Bocognano. Mais il faut signaler au lieu-dit Petra a u Santu, un pont, qui n’enjambe pas mais longe la
Gravona. A cet endroit en 1971, F. Zarzelli a découvert un manche de poignard de bronze. Le poignard
(long. 2,78 cm ; 311 gr. ; lame longue de 1,9 cm et large de 3 cm.) n’a pas de rivet rattachant la lame à la
poignée, ce qui veut dire que le tout a été fondu d’un seul jet. Le pommeau présente d’intéressantes
particularités qui pourraient être le produit d’une fabrication typiquement corse. Il est formé d’une lame
ovale et courbée portant au milieu un grand bouton à deux étages, de deux boutons plus petits aux
extrémités et deux autres boutons des deux côtés.
● Carbonacce dans l’abri de Cagnanu (CHANTRE, 1901 LANFRANCHI & WEISS, 1975, 1997) : les vestiges
archéologiques ont été recueillis en 1912 dans le plus grand désordre et aucune indication relative à leur
position initiale ne peut être donnée. Le manche de poignard en cuivre a été dessiné par E. Romagnoli
(1912), mais non décrit. Cet objet n’a été identifié comme faisant partie des poignards corses que dans les
années 1970.
● Belgodère (collection Simonetti-Malaspina ; CAMPS, 1999 ; LANFRANCHI, 1976) : la description de la
poignée, anthropomorphe et possédant des antennes atrophiées, place cet objet dans la famille des
poignards corses. F. de Lanfranchi émet l’hypothèse d’une fabrication locale pour cet objet. Mais nous
n’avons pas de précision exacte sur le lieu et le contexte de cette découverte.
● Vero, au lieu-dit Calonica ou Suaricchju (CAMPS, 1988a, 1999 ; CESARI & OTTAVIANI, 1971 ;
MORACCHINI-MAZEL, 1967) : au sud du village, sur le site d’implantation de l’église piévane du Celavo,
dénommée San Giovanni (datée entre le XIe et le XIIe siècle), il a été découvert en 1969, lors des fouilles
de cet édifice, un poignard de bronze (9 cm de haut, 4 cm de large au niveau du pommeau).
● Bocognano, au lieu-dit Pentica (LANFRANCHI, 1976 ; LANFRANCHI & WEISS, 1997) : il a été recensé au
début du XXe siècle un poignard à poignée anthropomorphe. Cet objet aurait fait partie au début du siècle
de la collection Najean, mais nous n’avons pas d’autre renseignement.
● Vico, au lieu-dit Campo di Feno (CAMPS, 1988a, 1999 ; LANFRANCHI & WEISS, 1997) : proche de la
cathédrale de Sant’Appianu et du lieu probable d’origine des statues-menhirs d’Apricciani et de Sagone I et
II, il a été découvert au début du siècle un poignard à poignée anthropomorphe, qui est aujourd’hui
conservé au musée préhistorique de Rome.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
● Cateri, au lieu-dit Carcu-Modria : A. Ambrosi (AMBROSI, 1933, 1937) signale la découverte d’une
sépulture de l’âge du Fer dans l’une des cavités. Il en fut retiré un poignard en fer, un morceau de bronze
patiné et de la céramique peignée. Il faut souligner la découverte de céramique campanienne associée.
● Ventiseri, secteur Mignataja / Vix / étang de Palo : A. Peretti (PERETTI, 1992) présente des objets
trouvés fortuitement lors de labours d’un champ situé dans le Fium’Orbu. La localisation exacte n’est pas
connue par l’auteur. Parmi les pièces exhumées, il y a un poignard en bronze (30 cm de long).
● Castifao (AUGER-OTTAVY, 1976) : il est mentionné sur cette commune la découverte, entre autres
objets, dans une grotte funéraire, d’un manche de poignard à antennes. Nous n’avons pas d’autre
renseignement sur ce site.
● Zalana : il aurait été découvert sur cette commune un poignard à antenne caractéristique de l’âge du
Fer, cité par J. et L. Jehasse (JEHASSE & JEHASSE, 1993). Nous n’avons aucun autre renseignement sur
cette découverte. La personne qui a découvert cet objet et qui l’a remis à un chercheur insulaire pour étude
dans les années 1980, n’a jamais récupéré cette pièce. En revanche, il nous a permis d’observer ses autres
découvertes associées, probablement réalisées dans une tombe. Il s’agit de rouelle137 et d’une fibule de type
corse (fig. 3).
Figure 3 – Fibule corse de Zalana
● Pianello : il aurait été trouvé un autre poignard à antenne de l’âge du Fer, cité par J et L. Jehasse
(JEHASSE & JEHASSE, 1993). Nous devons encore déplorer l’absence d’autres renseignements sur cette
découverte.
● A Ajaccio, au lieu-dit Saint-Antoine, dans les grottes « des Rochers », en 1840, il a été découvert divers
objets en bronze protohistoriques, dont un poignard, diverses fibules, colliers, perles de colliers, clous,
plaque percée de trous, onze disques ajourés, chaînettes (AMBROSI, 1933 ; CESARI & OTTAVIANI, 1971 ;
ENGEL, 1895). Ces objets faisaient partie au début du XXe siècle d’une collection privée dont la
localisation s’est perdue.
L’état de la documentation gêne considérablement l’approche synthétique des épées courtes de Corse (fig.
4). On tentera toutefois de s’interroger sur la valeur sociologique qui pouvait être allouée à ce type d’objet.
Apport des autres productions à la connaissance des poignards
D’autres matériaux tels que le verre ne sont pas moins significatifs que les objets métalliques, d’autant
qu’ils sont abondants. Au premier âge du Fer, ces objets sont d’importation, ce qui illustre une forme de
trafic, peut-être commercial. Ces vestiges se distribuent dans plusieurs régions, plus particulièrement dans
le nord-est de l’île. Il est difficile, en raison des circonstances de ces découvertes, de les situer avec
précision dans leur contexte chrono-culturel. Ces ornements sont nettement d’affinité orientale. Dès le
Bronze moyen, ils se répandent tant en Europe centrale que dans le bassin méditerranéen. Notons
qu’outre ce matériel, on peut noter la présence de quatre pendentifs en pâte de verre retrouvée sur le site
137 Les objets désignés sous le nom de rouelles sont des objets utilitaires qui accompagnent le vêtement et, à ce titre, se rangent
dans la famille des parures. Pour F. de Lanfranchi et M.C. Weiss, ils traduisent la mode d’un moment et d’un certain milieu social ;
cette théorie ne fait pas l’unanimité, d’autres les interprètent en effet comme des figurations solaires. Leurs réelles fonctions et
significations restent à définir.
111
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Teppa di Lucciana (Vallecalle). Deux sont en forme de languette, en pâte de verre blanchâtre ; le premier
est entier et mesure 27 mm de long sur 15 mm de large pour une épaisseur de la languette de 4 mm ; le
deuxième est cassé au niveau de la suspension, la languette seule mesure 32 mm de long et 52 mm de large
(MAGDELEINE & AL., 2003, p. 17). Les deux autres sont plus particuliers, peut-être d’origine punique ; le
premier à protomé humain, de couleur brunâtre, obtenu par moulage et laissé à l’état brut sans
suppression des ébarbures, mesure 30 mm sur 20 mm. Une chevelure bouclée encadre un visage rond, les
yeux et la bouche sont largement ouverts ; le second, mieux fini, à protomé de jeune bovidé est en pâte de
couleur blanche et de taille légèrement plus petite. Notons pour ce site qu’une étude systématique de la
composition chimique des objets a été menée (GRATUZE & AL., 2007). Si beaucoup de ce matériel est
datable du IIIe siècle av. J.-C., d’autres objets, principalement les perles à feuilles d'or ou d'argent et les
grosses perles côtelées, ont une période de production postérieure au IIIe siècle. On peut conclure qu’à
partir de l'âge du Fer, le mode de distribution des objets de parure de verre indique des relations suivies
avec l’espace méditerranéen, comme le montre le chargement de l'épave des îles Sanguinaires138.
Cela nous incite à réfléchir sur la diffusion des poignards de type corse, production locale ou importation
suivie de tentatives d’imitation. Seules de nouvelles découvertes pourraient nous renseigner et nous
éclairer sur ces objets qui sont typiques des sites insulaires.
Figure 4 - Poignards et épées courtes corses de l’âge du Fer. 1 : Paestum, Campanie (d’après S. Verger) ; 2 : Vallée de
la Gravona (d’après M. Forrer) ; 3 : Vero (d’après F. de Lanfranchi) ; 4 : Belgodère (d’après F. de Lanfranchi)
138 A la passe des Sanguinaires, au sud-ouest de la pointe de la Parata et dans le nord-est de l'îlot de Porre, entre 12 et 18 m de
profondeur, il a été découvert une épave contenant des amphores rhodiennes, gréco-italiques et puniques de type Mana Cla, Clb,
Mana D et Solier 2, permettant d’envisager que cet ensemble date de la fin IIIe - début IIe siècle av. J.-C. L’essentiel de la
cargaison découverte est cependant composé de verre (400 kg) sous la forme de morceaux bruts (3 x 2 x 2 cm maximum) de
couleur bleue.
112
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Nous devons reconnaître que l’analyse du matériel de cette période montre la grande fréquence de certains
objets (céramique peignée, fibule des Korsi, bracelets, perles en pâte de verre) qui traduisent un
dynamisme local. Certains éléments sont issus du commerce méditerranéen mais beaucoup doivent être
considérés comme des productions indigènes, même s’il est encore fréquent de lire que le mobilier de l’âge
du Fer corse est fruste, voir archaïsant.
Conclusion
Pour notre part l’âge du Fer corse doit être considéré comme une période de transition pour les
communautés indigènes. Une nouvelle forme de rapports avec les populations extérieures va contribuer à
amplifier le processus d’acculturation déclenché dès le Néolithique. En d’autres termes, il apparaît que la
première période de l’âge du Fer, du Xe au VIIIe siècle avant J.-C., est une époque lors de laquelle la
distinction entre les cultures du Bronze et du Fer reste imprécise. On constate en parallèle des courants
d’influence venus des cultures italiques. L’âge du Fer italien est en contact avec les peuplades corses,
notamment la civilisation villanovienne par le Cap Corse, comme le montre le site de Cagnanu. Le matériel
importé englobe surtout des objets de parures, fibules, bracelets, etc.
Il faut préciser que la méconnaissance par les insulaires de cette tranche de notre histoire est à l’origine du
départ de nombreux documents vers des musées étrangers, ce qui rend leur analyse beaucoup plus
difficile. Et si nous réussissons à définir une réelle terminologie des poignards de cette période, nous
pourrons lever le voile sur les relations commerciales et le mode de vie et de la conception du vécu des
Korsi. C’est un vaste sujet qui ne demande qu’à être étudié et, cela est certain, qui ne manquera pas de
faire polémique dans le petit monde de l’archéologie corse.
113
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
LA CORSE, LE TEMPS ET L’ESPACE. JEUX D’ECHELLE
Michel GRAS
Directeur de recherche émérite du C.N.R.S., Université de Nanterre-Paris X
michel.gras@mae.u-paris10.fr
Les actes de cette rencontre donnent de forts motifs d’espérer voir une nouvelle génération de chercheurs
affronter les défis intellectuels qu’ils ont devant eux avec les outils adaptés.
Et il reste fort à faire. Depuis 1810, et surtout depuis 1840 et le rapport de Mérimée, la Corse a une
relation avec son passé qui a connu de fortes avancées mais aussi des blocages et des marginalisations qui
n’auraient pas dû être. Ces difficultés n’avaient pas échappé à Giglioli, alors professeur à l’Université de
Rome, lorsqu’il ironisait dans le Bullettino di Paletnologia Italiana de mars 1934 (p. 1-28) sur certaines
situations, en faisant un argument pour conforter l’idée que la Corse devait rejoindre le giron de l’Italie
fasciste et ne pas se perdre dans le celtisme, avec ses dolmens et ses menhirs... Giglioli défendait
assurément une mauvaise cause. Toutefois, même si la première phrase de son rapport était excessive et
volontairement provocatrice (La Corsica, tutti lo riconoscono, è una terra abbandonata dalla scienza archeologica), il
avait beau jeu d’observer que la Corse n’avait pas eu son Paolo Orsi ni son Antonio Taramelli. Celui-ci en
Sardaigne et celui-là surtout en Sicile et en Calabre avaient, en effet, donné au travail de terrain sur leurs
territoires respectifs un élan que la Corse n’a pas connu.
Malgré les qualités du rapport d’Adrien de Mortillet sur les monuments mégalithiques de la Corse (1892),
resté sans suite directe, la Corse est demeurée en arrière avec une recherche conduite par des érudits
locaux qui n’eurent pas tous la qualité de l’abbé Letteron, auteur d’une Notice historique remarquée en 1911.
On pourrait encore citer quelques noms, comme ceux d’Ambrosi ou de Michon, sans pour autant
modifier le cadre. C’est dire que la Corse n’avait pas derrière elle une archéologie institutionnellement et
surtout intellectuellement solide lorsque d’une part Roger Grosjean pour la Préhistoire et d’autre part le
double couple formé par Jean et Laurence Jehasse et par Jean-Paul et Stéphanie Boucher pour les siècles
classiques commencèrent à travailler sur le terrain corse, l’un avec le soutien de l’abbé Breuil, les autres
avec l’appui de Fernand Benoit et de Jérôme Carcopino. De grands parrains d’une part, des jeunes motivés
d’autre part.
Dans ce contexte, et pour me limiter ici aux âges du Bronze et surtout du Fer, en liaison avec notre
rencontre, il était facile de tomber dans le piège facile des reconstitutions globales. Aujourd’hui la théorie
des Shardanes nous paraît dépassée et elle a effectivement embrouillé et compliqué le travail des
archéologues corses. Mais il faut rendre justice à Grosjean – qui a alors travaillé trop seul, sans contact, ou
presque avec les autres archéologues méditerranéens engagés sur le terrain jusqu’à sa disparition
prématurée en 1975 –, qu’il ne disposait pas dans la bibliographie archéologique de la Corse d’outils
intellectuels, théoriques, qui lui auraient conseillé la prudence.
Il est révélateur à cet égard de lire aujourd’hui avec attention les deux rapports présentés lors du XVIIIᵉ
congrès préhistorique de France à Ajaccio en avril 1966 par Giovanni Lilliu, le grand archéologue sarde
disparu il y a quelques mois, et l’alors jeune Enrico Atzeni, devenu depuis l’un des maîtres de la Préhistoire
sarde. Ces textes, dont il faut lire le texte original – et non les longs résumés en français, probablement
rédigés par Grosjean qui ne sont pas très fidèles – sont des prises de positions très nettes. Lilliu démonte
avec rigueur la théorie des Shardanes et montre la validité de la comparaison Sardaigne (Gallura)/Corse
pour progresser sur le terrain de l’analyse des données archéologiques ; tandis qu’Enrico Atzeni, dans son
étude stratigraphique de l’abri D’ de Filitosa, montrait l’existence de deux niveaux, l’un néolithique, l’autre
de l’âge du Bronze, inaugurant ainsi la scansion d’une chronologie longue qui est aujourd’hui l’un des
acquis des chercheurs engagés dans l’étude du Néolithique, de l’âge du Bronze et des statues-menhirs, à
commencer par Joseph Cesari et André D’Anna. Plus d’attention accordée à ces deux exposés et plus de
collaboration internationale auraient donc permis de progresser plus rapidement. Pour ma part, j’avais en
1985 (Trafics tyrrhéniens archaïques) conclu que l’on ne pouvait revenir indirectement aux Shardanes que par
l’intermédiaire du Mycénien, au moment où la multiplication des découvertes de céramique mycénienne en
Sardaigne semblait ouvrir une ère nouvelle. Je n’avais volontairement pas abordé la Corse sur ce point,
considérant que c’était en Sardaigne que se posait d’abord le problème (Shardana = Sardes ?), la Corse ne
114
L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
pouvant espérer qu’être éventuellement associée au processus, ce que Grosjean avait feint de ne pas voir.
Avec l’autorité de son savoir, Gabriel Camps a donné en 1990, un coup final à cette aventure intellectuelle
sans lendemain qu’aucun orientaliste n’a jamais soutenu (Revue archéologique de l’Ouest, supplément 2). Et ce
n’est pas la découverte récente d’un lingot ox-hyde à l’embouchure du Golu qui change les choses, d’autant
plus que tous les travaux des spécialistes de la diffusion du matériel mycénien en Occident ont interprété
leurs découvertes sans avoir besoin pour cela des Shardanes.
Ce long préambule ne m’éloigne pas des travaux de notre rencontre, malgré les apparences. Dans la
mesure où il faut avoir des bases saines pour l’âge du Bronze avant d’affronter les questions de l’âge du
Fer. Celui-ci a l’avantage de permettre de travailler sur un temps beaucoup plus court. Aux millénaires il
substitue les siècles et, du IXe au VIe siècle (si l’on prend la fondation d’Alalia comme repère) voire
jusqu’au IIIe siècle (si l’on prend la conquête romaine), il est possible de périodiser à échelle humaine, si je
puis dire, c’est-à-dire en travaillant sur des périodes correspondant aux générations (une trentaine
d’années). Certes la céramique fine importée permet de tels réglages fins et pas encore les bronzes de la
Protohistoire mais le processus est désormais en route et il suffira de temps, de recherches de sites et de
découvertes de contextes pour y parvenir. Il faut bien avoir en tête que l’on ne peut rien construire de
solide sans des cadrages chronologiques rigoureux : que l’on pense à Pallottino et sa périodisation, dès
1939 dans les Studi Etruschi des faciès culturels de l’Italie villanovienne puis étrusque. Les sociétés
insulaires de Corse et de Sardaigne présentent de ce point de vue des difficultés particulières et, sur ce plan
également, des échanges peuvent permettre de progresser. Je suis sensible au fait que partout des jeunes
chercheurs s’attaquent à ce domaine qui est un enjeu majeur.
Les informations données ici sur plusieurs sites, comme Cuciurpula et Cozza Torta près de PortoVecchio, par exemple, sont importantes. Les sites de la commune de Lévie et de l’arrondissement de
Sartène sont de fondamentale importance, véritables "laboratoires de terrain", comme l’ont été la fouille
de Barumini en Sardaigne, les enquêtes d’Ensérune, de Mailhac et la Vaunage en Languedoc depuis la
Seconde Guerre Mondiale. Il faut cependant arriver à progresser aussi dans d’autres terroirs, comme le
Niolu, et je l’espère dans l’avenir comme le Cap Corse qui donnera des résultats importants, bien au-delà
de Cagnano. Les mentions de découvertes sous-marines d’amphores sur la côte occidentale sont
également porteuses d’espoir. La Corse ne saurait être vue uniquement en fonction de son versant
tyrrhénien, et l’île a une "épaisseur" géographique et culturelle qu’il ne faut pas réduire. Dans son étude
récente sur l’épave du Golu, Patrice Pomey ouvre des pistes en suggérant des liens avec le monde ibéropunique.
François de Lanfranchi et Michel Claude Weiss ont, par leur engagement de terrain, permis à une nouvelle
génération d’assumer, avec l’aide des autorités compétentes, une stratégie de recherches qui passe par la
multiplication des enquêtes de terrain, ce qui ne veut pas toujours dire par la fouille mais aussi par les
prospections, les surveys de nos collègues anglo-saxons et par la mise en place d’une cartographie
performante. De ce point de vue, il y a aussi beaucoup à faire en faisant émerger, période par période, des
cohérences territoriales et des microrégions culturelles. J’ai depuis longtemps, pour ma part, une
prédilection pour les analyses archéologiques qui prennent en compte les vallées des fleuves (les "bassins
versants") sur tout leur parcours, depuis la source à l’embouchure. Cela permettrait aussi de mettre en
évidence le rôle des grands "châteaux d’eau" comme le Niolu avec les sources du Golu, du Liamone, du
Tavignanu, du Fangu et du Portu. De même, la lecture des littoraux et des embouchures et l’identification
des cheminements, des gués. J’espère pouvoir lire un jour des analyses fines de la vallée du Rizzanese, du
Golu, du Tavignanu, etc. On pourrait multiplier les exemples. Sans oublier la nécessaire dimension
pluridisciplinaire et les échanges avec les géographes, les anthropologues de la culture, les linguistes, les
écologues et aussi les acteurs territoriaux. Tout ceci afin de favoriser des lectures microrégionales qui sont
celles qui sont les plus précieuses à l’archéologue même si le fait qu’elles chevauchent fatalement les limites
administratives actuelles complique parfois leur mise en place. On ne peut comprendre Cagnano, Murato
ou l’Ordinaccio que si on analyse précisément le positionnement de ces sites en fonction des vallées et de
leur rapport avec les rivages. Que si on comprend leur contexte territorial. Ce travail est aussi important
que la typologie des matériels.
Ce qui est en jeu, finalement, c’est de réussir à comprendre la structuration du monde indigène, comme
l’on dit, c’est-à-dire des sociétés locales et de percevoir des évolutions s’il y en a eu. Cette structuration
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
doit permettre d’identifier les lieux du pouvoir, par rapport à quoi tout se définit. Les sources antiques
nous donnent des noms de peuples et des noms de communautés de l’intérieur en les appelant des villes
(poleis) à la manière grecque. Ces organisations et ces réseaux doivent être mis en lumière car c’est à partir
d’eux et autour d’eux que s’organisent les circulations de produits et d’objets, qu’ils soient de production
locale ou importés : ce travail doit permettre aussi de déceler des caractéristiques et des identités
particulières. Le pouvoir se niche alors sur de sites reculés, de fonds de vallée, des "bouts du monde",
parfois avec surveillance du rivage ou des grandes vallées. C’est un réseau au maillage fin qu’il faut
comprendre et analyser, et qui ne sera jamais interprété en se limitant à la fouille d’un ou de deux grands
sites. On le voit, il faut donc travailler à différents niveaux et à différentes échelles mais les données ici
rassemblées vont dans ce sens pour comprendre le fonctionnement des sociétés à travers la
documentation matérielle. La mise en évidence de protocoles techniques, comme la taille des "boules de
granit" ou de décors spécifiques comme le décor "à grains de riz", sont des éléments d’une telle démarche.
Il faut aussi passer par une archéologie des techniques pour arriver à une archéologie du pouvoir. Au bout
du compte, c’est un système social qu’il faut saisir dans toute sa complexité. Les typologies sont le premier
pas sur ce chemin. Mais les données isolées et atypiques ne prennent du sens que quand elles peuvent être
mises en série. L’archéologie sérielle est comme l’histoire sérielle, la méthode qui présente le plus de
garanties.
La connaissance du territoire est l’élément de base sans lequel rien n’est possible. Outre les anciennes
expériences italiennes que j’évoquais, on peut aujourd’hui mesurer également ce type de travail aussi bien
en PACA qu’en Languedoc et je me plais parfois à rappeler que, dans mon enfance, le site de Lattes n’était
connu que par ses moustiques… Ces exemples montrent clairement que rien n’est possible sans un travail
collectif, sans un engagement d’équipe sur des décennies. Il faut espérer que la Corse puisse monter en
puissance de ce point de vue avec l’aide de l’Etat et des autorités locales, régionales, départementales et
communales.
Car la connaissance fine d’un territoire a des répercussions que l’on entrevoit encore mal trop souvent. Il
ne s’agit pas tant d’attirer plus de touristes que de permettre l’émergence de dynamiques territoriales
insoupçonnées et de faire en sorte que des espaces qui semblent parfois oubliés retrouvent les conditions
d’une nouvelle vie. Les 20 volumes publiés sur Lattes ont changé la vie d’un site devenu aujourd’hui un
élément culturel d’une banlieue dynamique entre Montpellier et la mer. Et l’on pourrait citer aussi les
expériences du Mont Beuvray pour se limiter à la France.
Je vois dans ce volume bien plus qu’un frémissement. La confirmation d’une démarche, d’une volonté,
d’un désir de recherche. Il ne demande qu’à s’affirmer. Il faut se mobiliser pour cela. Ainsi les efforts
depuis le voyage de Mérimée en 1839 n’auront pas été vains.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Remerciements
La parution des Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena constitue l’aboutissement et la
confluence d’un effort collectif mené par tous les archéologues et autres chercheurs et partenaires associés
de près ou de loin aux travaux de terrain sur l’âge du Fer en Corse.
Ces travaux n’auraient su se développer sans les multiples soutiens apportés par les différentes
administrations et collectivités qui encouragent depuis de nombreuses années la recherche archéologique.
Au premier rang d’entre elles, nous devons mentionner la Direction Régionale des Affaires Culturelles de
Corse et la Collectivité Territoriale de Corse.
De façon plus quotidienne, et plus particulièrement dans le cadre de l’organisation de cette réunion et de la
publication des Actes, on ne saurait que rappeler le rôle tenu par la municipalité de Serra-di-Scopamena,
dont l’engagement est en tous points exemplaire.
Une place de choix doit aussi être réservée aux institutions locales, telles la Communauté de Communes
de l’Alta Rocca et le Musée de l’Alta Rocca à Lévie.
Enfin, dans le désordre, nous saluons tous ceux qui, à titre personnel, ont aidé à la réalisation de ce
volume : Annie Filippi, Marie-Laure Marquelet, Dominique Rocca Serra, Dominique Martinetti, Jean-Paul
Rocca Serra et Don-Jean Corsi.
Que tous trouvent ici l’expression de nos plus sincères remerciements.
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L’âge du Fer en Corse – Acquis et perspectives. Actes de la Table-Ronde de Serra-di-Scopamena
Ouvrage réalisé grâce au soutien de la Municipalité de Serra-di-Scopamena
Associu Cuciurpula, Mairie/Casa Cumuna, 20127 SERRA-DI-SCOPAMENA
Serra-di-Scopamena, 2012
Consultez le site internet : http://www.cuciurpula.fr
En couverture : vue et plan de la structure 1 de Cuciurpula
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