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Le tumulus de "Pareillou" à Fay-en-Montagne (Jura), nouvelle analyse

200s So r 2006 ciété d'Érnulation du Jura X h - & F Travaux 2005-2006 [de la Société d'émulation du Jura], Lons-le-Saunier, 2001 , pp. 9-19 LE TUMULUS DE < PAREILLOU >A FAY.EN.MONTAGNE NOUVELLE ANALYSE Sylvie LOURDAUX-JURIETTI, Jean VUILLEMEY 1 Le tumulus de < Pareillou > à Fay-en-Montagne se situe sur le premier Plateau jurassien, au nord-est de Lons-le-Saunier (fig. 1). Il a été découvert dans une pâture communale, en bordure du Bois de Pareillou et a été partiellement fouillé en 1965 par Jean Vuillemey. Cette découverte a déjà fait 1'objet d'une publication de M.-J. Lambert et de J. Vuillemey en 1992, à i'occasion du colloque de Pontarlier de l'Association Française pour l'Étude de l'Âge du Fer et de I'exposition Les Celtes dans le Jura2. Il semble aujourd'hui cependant intéressant d'en proposer une nouvelle analyse, à la lumière des publications récentes sur cette période, en particulier la synthèse de Jean-François Piningre sur les nécropoles des Moidons 3. Après une présentation de la structure du tumulus et des sépultures mises au jour. nous analyserons les objets accompagnant les vestiges humains. Enfin, nous comparerons cette découverte à celles de la forêt des Moidons et des autres nécropoles jurassiennes, afin de la replacer dans son contexte régional. LA STRUCTURE DU TUMULUS Le tertre a été érigé sur une légère éminence du sol naturel. D'un diamètre conservé d'une vingtaine de mètres, il présentait encore au moment de la fouille une hauteur d'environ 1 mètre (frg.2). Seul un quart a été fouillé, avec un élargissement dans la zone centrale, afin de circonscrire les vestiges humains mis au jour (fig. 3). 1. Nous tenons à adresser nos plus vifs remerciements à Pierre-Yves Milcent, maître de conférences à I'Université de Toulouse, pour sa lecture attentive du manuscrit et ses conseils. ' 2. Marie-Jeanne ROULIERE-LAMBERT, Jean VUILLEMEY, < Fay-en-Montagne >>, dans les Celtes dans le Jura. L'âge du Fer dans le massifjurassien (800-1 5 av. J.-C.), Yverdon, 1991, pp. 50-51. Marie-Jeanne ROULIERE-LAMBERT, Jean VUILLEMEY, < Fay-en-Montagne (département du Jura) : tumulus de Pareillou >, dans Gilbert KAENEL, Philippe CIIRDY (.dir.), L'Age du Fer dans le Jura, Actes du 15" colloque de I'A.F.E.A.F., Pontarlier (France) et Yverdon (Suisse),9-12 mai 1991, Cahiers d'Archéologie Romande no57, Lausanne, 1992, pp. 31-35. 3. Jean-François PININGRE, Véronique GANARD, Les nécropoles protohistoriques des Moidons et le site princier du Camp du Château à Salins (Jura), Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2004. Sylvie Lounneux-JURIETTT, Jean VUTLLEMEv 10 La masse du tertre était composée d'environ un tiers de blocs de calcaire mêlés (fig. 4). à de la terre brune Le sommet du tumulus apparaissait légèrement aplati. La fouille a révélé à cet endroit la présence d'une couronne de gros blocs, présentant une inclinaison à 45" vers le centre (fig. 5). L'aire ainsi délimitée mesurait 10 x 4 mètres. LES VESTIGES HUMAINS C'est à f intérieur de cette aire centrale qu'ont été découverts les vestiges humains et les objets (fig. 6). Le premier individu n'était représenté que par quelques éléments de crâne. Le second était beaucoup mieux conservé: il s'agit d'un individu couché sur le dos, la tête au nord-est, les pieds au sud-ouest. I1 faut noter la présence de cinq dents humaines isolées, à un mètre des éléments de crâne du premier défunt et qui pourraient soit lui appartenir, soit correspondre à un troisième individu. Manifestement, une ou deux sépultures anciennes ont été perturbées par l'installation de la sépulture 2, la mieux conservée. Aucune étude anthropologique n'ayant encore été réalisée sur ces ossements, il n'est pas possible de déterminer le sexe et l'âge des défunts. Il nous faut donc nous contenter des informations issues de l'étude du mobilier. LE MOBTLTER ARCHÉOLOG|QUE $ig.7l Le rasoir (fig.7 n' 1) Le rasoir a été découvert au niveau du genou droit du squelette n" 2.F,nbronze, il possède une lame à un seul tranchant, ajourée et munie d'un anneau de suspension. Il correspond au type Magny-Lambert d'A. Jockenhôvel 4. Des exemplaires similaires ont été trouvés dans la région, par exemple dans la Chaux d'Arlier, à Dompierre:les-Tilleuls (Doubs) s. Ce type est connu dans une zone qui s'étend de la Bourgogne au Plateau suisse. Il est daté du Hallstatt C, dans sa phase la plus récente ou du début du Hallstatt D (vers 650 av. J.-C.). I s'agit d'un accessoire exclusivement masculin. Le bracelet (frg.1 n" 2) Le bracelet se trouvait au niveau du pubis du squelette no 2. C'est un bracelet ouvert, à jonc .massif de section ovale. Les extrémités sont constituées par des tampons sphériques. Le jonc est décoré d'incisions formant un motif géométrique en partie effacé. Les comparaisons doivent être cherchées en Lorraine et en Allemagne du Sud ou dans le Massif central. La datation actuellement donnée correspond au Hallstatt D1 (fin du VII" av. J.-C.). Ce type d'objet est également typiquement masculin. 4. Albrect JOCKENHOVEL, Die Rasiermesser in Mitteleuropa, Prâhistoriche Bronze Funde VIII, 1, Mûnchen, 1971. 5. Pierre BICHET, Jacques-Piene MILLOTTE, L'âge du Fer dans le haut Jura. Les tumulus de la région de Pontarlier (Doubs), Documents d'Archéologie Française, 34, Paris, 1992, p. 36 fig. 19. Le tumulus de < Pareillou > à Fay-en-Montagne. Nouvelle analjse Les fibules à tête de canard (fTg. 7 n' 4 et 5) I1 s'agit de deux fibules en bronze et corail, mises au jour au niveau de I'abdomen du squelette n" 2. L'arc massif est creusé de larges rainures destinées à recevoir des barrettes de corail. Le pied est façonné en forme de tête de canard dont les yeux sont incrustés de corail. Ce type de fibule est bien corvn (Vogelkopffibeln de la typologie de G. Mansfeld o). Il est réparti de part et d'autre des Alpes, avec deux variantes distinctes. Le type nord-alpin, auquel correspond notre exemplaire, ne présente pas d'incrustation de corail dans le bec, alors que c'est le cas pour la variante que I'on retrouve en Italie du Nord. Il témoigne de relations avec le monde méditerranéen, ne serait-ce que pour I'accès au corail. On en connaît plusieurs exemplaires au Camp du Château à Salins et par exemple, dans la tombe à char De Morgan de la forôt des Moidons 7. Ces objets datent de la transition Hallstatt D2l3 (extrême fin du VIe s. av. J.-C.). à timbale conique (fïg. 7 n' 14) Cette fibule a été trouvée en surface du tumulus, hors contexte. I1 s'agit d'une fibule en bronze dont I'arc est martelé pour former une timbale conique. Le sommet est perforé pour être incrusté de corail. Cet ornement a aujourd'hui disparu. Malheureusement, le pied est cassé, si bien que son attribution typologique donne lieu à des avis différents. G. Mansfeld I'attribue à son type dPl tandis que dans la publication de 1992, M.-J. Lambert et Jean Vuillemey l'identifient comme relevant du type p2Z de cette même typologie. Faute de pouvoir définitivement trancher, il faut noter que les comparaisons les plus flagrantes correspondent au type dP1, par exemple les exemplaires du tumulus du Grand-Communal à la Rivière-Drugeon (Doubs) a (fig. 10). Ces fibules datent du Hallstatt D2 (fin du VIe s. av. J.-C.). La fibule Les attaches de chaussures (fig.7 n" 6 et 7) Découvertes dans la zèrne des pieds du squelette n" 2, rl s'agit de deux petites tiges en bronze, coudées, munies à une extrémité d'un æillet et à l'autre d'une tête hémisphérique. Le sommet du coude est décoré d'incisions sur l'un des exemplaires. Bien que relativement rares, des objets similaires sont connus par ailleurs et permettent de les interpréter comme des éléments servant à fermer des chaussures. Les attaches de chaussures de ce type apparaissent au Hallstatt D2, connaissent leur apogée au Hallstatt D3 mais perdurent parfois à La Tène Ancienne. Il s'agit d'un attribut généralement réservé aux hommes. La céramique (fig. 7 n'8) Les fragments du vase ont été mis au jour derrière la tête de I'individu no 2. Très fragmenté, il a néanmoins fait l'objet d'une récente restauration : le profil presque complet a pu être relevé : seul manque le fond. Le col droit surmonte une panse légèrement bombée dans sa partie supérieure. Cette forme n'est pas courante, mais 6. Giinter MANSFELD, Die Fiebeln der Heuneburg, 1950-1966. Ein Beitrag zur Geschichte der Spcithallstafirtbel. Heuneburgstudien II, Rômisch-Germanische Kommission, 33, Berlin, 1973. 7. Jean-François PIMNGRE, Véronique GANARD, ouvrage cité, fig. 62 p. 115 8. Pierre BICHET, Jacques-Piene MILLOTTE, ouvrage cité, p. 57 fig. 39. Sylvie Lotnoaux-JuRrEl-r, Jean Vuu-Lntr,mv L2 un parallèle peut être trouvé à Bragny-sur-Saône 9, avec un vase peint daté de la fin du Hallstatt D2. Les céramiques sont surtout très rares en contexte funéraire dans la région. Les perles d'ambre Trois perles d'ambre ont été découvertes au niveau du thorax de I'individu n" 2 (fig. 7 no 9, 10 et 11). Il s'agit d'anneaux simples, à section en D, de tailles homogènes (environ 2,5 cm de diamètre). Une quatrième perle a été découverte vers les dents humaines isolées. Beaucoup plus petite (environ 1 cm de diamètre), elle présente une section triangulaire (fig. 7 n" 3). L'ambre était importé de la Mer Baltique. Ces perles indiquent donc que les personnages qui portaient ces parures avaient accès à un commerce à longue distance. Le fragment de bracelet en lignite (fig. 7 n' 13) Découvert au niveau des sépultures, il ne peut néanmoins être rattaché à aucune d'entre elles. Le jonc est fin, à section en D. Les traces de façonnages sont nettement visibles sur la face interne alors que la face externe est polie. La typologie permet de dater ce fragment plutôt du Hallstatt D3 (extrême fin du Vl"-début Ve s. av. J.-C.). L'anneau en bronze (frg.7 n"l2) Les fragments de cet anneau ont été découverls dans la zone du fémur droit du squelette n" 2. De section triangulaire très plane, sa morphologie n'est pas caractéristique et ne permet pas d'en donner une datation. INTERPRÉTATION " L'étude typologique du mobilier permet donc de dissocier deux groupes d'objets chronologiquement distincts. La première panoplie, datée du début du Hallstatt Dl (vers 650-600 av. J.-C.) comprend le rasoir et le bracelet bouleté. La petite perle d'ambre pourrait être associée à cette sépulture. Ces objets correspondent sans aucun doute à la sépulture 1. Il s'agit d'un riche équipement masculin comme I'atteste la présence du rasoir. La seconde panoplie comprend les objets datés du Hallstatt D2l3 (520-500 av. J.-C.) : fibules à tête de canard, attaches de chaussures, céramique et le groupe de 3 perles d'ambre. Ces objets correspondent très clairement à f individu no 2 : ils ont d'ailleurs été découverts dans leur position initiale (position fonctionnelle pour les attaches de chaussure et les fibules). Il s'agit là encore d'une sépulture masculine (présence des attaches de chaussures). Le statut du personnage est élevé, comme le 9. Michel FEUGERE, Alain GUILLOT, < Fouilles de Bragny. I. Les petits objets dans leur contexte >>, Revue Archéologique de l'Esr, T. XXXVII, 1986, p. 175, fig. 15 n' 3. du Hallstatt Final Le tumulus de < Pareillou > à Fay-en-Montagne. Nouvelle analyse 13 Fav-en-Montaone a ILonsleSaunier ffiffi "..: ;.i ... ...i4:,': ti Figure I : Localisation du site Carte topographique 1/25 000" IGN Lons-le-Saunier 3-4, 1971 a|, t- .. Sylvie Lounleux-Jumerrr, Jean VurLLsupv 14 Figure 2 : Photographie du tumulus Cliché Jean Vuillemey ----- ,--'- -'.- ---- f zoFerouilté€ colroônede bloc -'t' L----------.-"-1. Figure 3 : Plan du tumulus (mise au net Sylvie Lourdaux-Jurietti d'après relevés de fouille Jean Vuillemey) Le tumulus de < Pareillotr > à Falt-en-Montagne. Notuelle analyse Figure 4 : Photographie de la coupe Cliché Jean Vuillemev Figure 5 : Photographie de la couronne de blocs Cliché Jean Vuillemey l5 Sylvie Lounoeux-JuRlETrt, Jean Vuuevrev l6 . 1â;** r\€ i?ç , ,rf f a2 ;,; frdeg q.î *., { 1a g8 *g * Vt ,lo4a t ,' $z zon Ânt tu.*no fr,,/ Frâ$I|€||ts & g----..,9*t &crâ|ehu'ngkl "'$.fe Figure 6 : Plan des tombes (mise au net Sylvie Lourdaux-Jurietti d'après relevés de fouille Jean Vuillemey) t7 Le tumulus de < Pareillou > à Fay-en-Montagne. Nouvelle analyse o -f O ,..-.<! (9 3 f,msæ 4\p @# @ I æ6 %r. I ôY rÀ\ q) ---.*o eË4 7 I t-tl- VtW/e Tombe n"2 ,A N , Ç\^- rcu* 14 l3 Mobilier non attribué Figure 7 : Le mobilier archéologique (Dessins : Sylvie Lourdaux-Jurietti) t8 Sylvie Lounlaux-JuRrETTr, Jean Vurr-r-Elrpy montre la présence des attaches de chaussures et des matériaux importés : corail de Méditerranée et ambre de la Baltique. Le dépôt du vase est exceptionnel dans les sépultures de la fin du Premier Age du Fer de la région: Il peut peut-être également refléter le statut privilégié du défunr. Le bracelet de lignite, l'anneau de bronze et la fibule à timbale conique ne peuvent être attribués à une sépulture. En particulier la fibule, découverte en surface du tumulus, correspond sans doute à une sépulture installée dans les niveaux supérieurs du tertre et déjà détruite au moment de la fouille. Le tumulus de Fay-en-Montagne est donc un tumulus collectif qui a livré au moins 2 sépultures masculines successives dans sa zone centrale, la première du début du Premier Âge du Fer, la seconde de la fin de cette période. I1 n'est pas original que les tumulus Hallstattiens soient utilisés de cette manière. C'est en effet I'usage d'enterrer autour du membre fondateur du tertre les personnages d'une même communauté au fur et à mesure des décès. Le cas échéant, les tumulus sont même < rechargés > de manière à pouvoir accueillir de nouvelles sépultures dans les niveaux supérieurs. De tels cas sont fréquents dans les Moidons, comme le montre l'étude de la structure des tertres. Le tumulus 19 du Bois de Parançot par exemple, présente une succession d'aménagements concentriques en pierre sèche, qui correspondent à différentes phases d'utilisation du monument 10. Aussi peut-on se demander, pour le cas de Fay-en-Montagne, si la couronne de blocs correspond à une chambre funéraire, comme cela avait été interprété dans la publication de 1992 ou s'il ne s'agirait pas d'une couronne délimitant la masse d'un tertre initial, érigé pour la sépulture no 1. La forme ovale nettement marquée (4 m de large pour 10 m de long) ne correspond pas forcément aux habituelles structures circulaires, mais ces dir-nensions sont également énormes par rapport aux exemples connus de chambres funéraires. Quoi qu'il en soit, les dimensions du tumulus nous obligent à le comparer aux plus gros tertres de la forêt des Moidons par exemple. Il est probable que d,autres sépultures aient été installées dans ce tertre. Rappelons que la fouille de 1965 n'a porté que sur une partie du monument et il n'est donc pas impossible que sa fouille complète permette de mettre au jour d'autres sépultures. INTÉRÊT DU TUMULUS DE FAY-EN-MONTAGNE Le tumulus de Fay-en-Montagne se caractérise donc dans son étude actuelle oar deux sépultures masculines riches successives. À chavéria, dans la région d'orgelet, les sépurtures masculines privilégiées du Hallstatt c sont très représentées. Néanmoins, la panoplie n'est pas la même qu,à Fay-en-Montagne puisque les défunts de chavéria possèdent tous la grande épée caractéristique de cette période. 10. Jean-François PININGRE, Véronique GANARD, ouvrage cité, p. 60 fig. 33 Le tumulus de < Pareillou > à Fay-en-Montagne. Nouvelle analyse 19 En outre chaque tumulus coffespond à une seule sépulture. Quant aux nécropoles de la forêt des Moidons. les sépultures masculines y sont sous représentées et elles y sont rarement les tombes fondatrices des monuments. À Chavéria comme dans les Moidons, les tertres forment en général de petits groupes quand le tumulus de Fay-en-Montagne semble isolé. Cela demanderait néanmoins vérification car le paysage est ponctué de petits monticules qui peuvent être de simples tas d'épierrement des champs, le résultat de l'érosion du substrat calcaire ou de petits tertres : seuls des sondages permettraient de les identifier de manière fiable Le tumulus de Fay-en-Montagne est donc original par rapport aux nécropoles contemporaines les plus proches. La fouille exhaustive de ce monument pourrait mettre en évidence la totalité de jour d'autres sépultures. Ceci permettrait de comprendre les phases successives de son utilisation. Malheureusement, depuis la fouille de 1965, le tertre a connu une nouvelle utilisation. Il a été encore une fois < rechargé > lors d'épierrements de champs lors du remembrement. Voilà qui ne facilitera pas la compréhension de la structure du tumulus ! sa structure et sans doute de mettre au