Stéphan Hinguant
Luc Laporte
L'occupation Néolithique final de La Barrais à Saint-Sauveurdes-Landes (Ille-et-Vilainc)
In: Revue archéologique de l'ouest, tome 14, 1997. pp. 17-26.
Résumé
Un ensemble mobilier céramique et lithique homogène attribué au Néolithique final a été recueilli sur une superficie de 40 m2 au
sein d'un espace décapé de 7000 m2. Très arasées, les structures associées n'ont cependant pas permis de reconnaître un
quelconque agencement identifiant un habitat. L'occupation de La Barrais n'en constitue pas moins un point intéressant sur la
carte du Néolithique final armoricain.
Abstract
A homogeneous group of ceramic and lithic artefacts, attributed to the late Neolithic, has been surface collected on an area of 40
m2 situated within a totally stripped zone of 7000 m2. The associated structures, reduced by deep ploughing, don't permit
however the identification of a coherent plan that would suggest a habitation site. The occupation at La Barrais does however
constitute an interesting element for the distribution map of late Neolithic armorica.
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Hinguant Stéphan, Laporte Luc. L'occupation Néolithique final de La Barrais à Saint-Sauveur-des-Landes (Ille-et-Vilainc). In:
Revue archéologique de l'ouest, tome 14, 1997. pp. 17-26.
doi : 10.3406/rao.1997.1053
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rao_0767-709X_1997_num_14_1_1053
Rev. archéol. Ouest, 14. 1997, p. 17-26.
L'OCCUPATION NEOLITHIQUE FINAL DE LA BARRAIS
A SAINT-SAUVEUR-DES-LANDES (Ille-et-Vilaine)
Stéphan HINGUANT* et Luc LAPORTE**
Résumé : Un ensemble mobilier céramique et lithique homogène attribué au Néolithique final a été recueilli sur
une superficie de 40 m2 au sein d'un espace décapé de 7000 m2. Très arasées, les structures associées n'ont
cependant pas permis de reconnaître un quelconque agencement identifiant un habitat. L'occupation de La Barrais
n'en constitue pas moins un point intéressant sur la carte du Néolithique final armoricain.
A bs tract : A homogeneous group of ceramic and lithic artefacts, attributed to the late Neolithic, has been surface
collected on an area of 40 m2 situated within a totally stripped zone of 7000 m2. The associated structures, reduced
by deep ploughing, don't permit however the identification of a cohérent plan that would suggest a habitation site.
The occupation at La Barrais does however constitute an interesting élément for the distribution map of late
Neolithic armorica.
Mots-clés : Néolithique final, céramique, cuillers, industrie lithique, groupe de Gord.
Key-words : Late Neolithic, ceramic, spoons, lithic industry, Gord group.
PRESENTATION
Dans le cadre des interventions archéologiques menées
sur le tracé de l'Autoroute des Estuaires (A84), la fouille
d'une petite occupation néolithique final a été menée en
janvier et février 1996 sous la conduite de 5 personnes. Le
site se trouve sur la commune de Saint-Sauveur-des-Landes (Ille-et-Vilaine), à 1,5 km au nord-est du bourg, au bord
de la RD 105 (fig. 1) (Hinguant etLaporte, 1996). Sa posi
tion cadastrale correspond aux parcelles 86 a et b de la
section ZL, 1987.
ENVIRONNEMENT NATUREL DU SITE
Le site de La Barrais s'inscrit dans un relief de petites
collines aux altitudes oscillant entre 50 et 200 m NGF, pay
sage typique du Coglès où le réseau hydrographique, par
fois très encaissé, et les nombreux affleurements rocheux,
contribuent à l'aspect accidenté de la topographie. Il oc
cupe l'extrémité d'un léger promontoire s'inclinant en pente
douce vers le nord et bordé à l'est par un petit cours d'eau,
émissaire du ruisseau de l' Aunay (fig. 1).
Le substrat géologique correspond à celui de la marge
sud d'un massif granitique intrusif autour duquel
cent deux auréoles de métamorphisme de contact (cornéennes et schistes tachetés). Des filons de quartz blanc cica
trisent localement le substrat géologique (Dadet et al.,
1 984). En surface, ils se traduisent par de nombreux blocs
plus ou moins volumineux parsemant les formations su
perfic el es.
Nul doute que ces blocs, parfois très émoussés, ont pu servir de roche d'appoint ou de remplacement
aux préhistoriques, même si un seul petit percuteur façonné
dans cette matière a été retrouvé sur le site.
Les formations superficielles peu épaisses (30 à 40 cm)
sont constituées d'une arène orangée à beige, plus ou
moins grossière, qui marque le niveau d'altération du subst
rat. La roche mère, déjà très altérée, affleure çà et là sur le
site. Dans la partie basse du décapage nord, les accumulat
ions
d'argiles se mêlent aux horizons hydromorphes d'une
petite dépression (jusqu'à 60 cm de dépôts) comprenant
une lentille de tourbe de quelques centimètres d'épaiss
eur.A l'emplacement du site, les placages loessiques
quaternaires sont très ténus et correspondent aux ultimes
avancées des formations éoliennes weichséliennes vers le
sud. En fait, aucun loess franc n'est repéré. Il s'agit plutôt
de mélanges argilo-loessiques à l'origine d'une terre fer
tile largement exploitée dans le secteur.
* Chargé
**
Chargéd'Etudes,
de Recherche,
AFAN Bretagne
UM.R «Civilisations
et UM.R. «Civilisations
atlantiques atlantiques
et Archéosciences
et Archéosciences
», C.N.R.S,», Univ.
C.N.R.S.,
Rennes
Univ.I etRennes
Ministère
I et de
Ministère
la Culture.
de la Culture.
Manuscrit reçu le 20/03/1997, accepté le 05/07/1997.
S. Hinguant et L. Laporte
18
50 m
I
^mm Ruisseau
•» — Emprise foncière
_l Emprise routière
Fig. 1 : Cartes de localisation et environnement topographique du site de La Barrais (S. Jean et C. Boujot, AFAN).
PROBLÉMATIQUE ET MÉTHODOLOGIE
La découverte de quelques structures d'habitat néoli
thiques au cours du diagnostic archéologique (Leroux,
1996) a engendré, du fait de l'indigence de nos connais
sancesdans ce domaine en Bretagne, une intervention de
sauvetage. Les données actuelles résultent en effet
palement de fouilles anciennes, pour la plupart concent
rées
sur le littoral méridional, ou de ramassages de sur
face. Pour le Néolithique final, en particulier dans le nord
de la Bretagne, l'essentiel de la documentation provient
de sépultures collectives. Les associations de matériel
peuvent rarement y être considérées comme fiables et le
calage chronologique précis de ces découvertes reste sou-
Occupation néolithique final à St-Sauveur-des-Landes
vent incertain. Les fouilles menées ces dernières années
sur l'éperon de Beaumont à Saint-Laurent-sur-Oust (Mor
bihan) ou au camp du Lizo (Morbilian), puis la découverte
par prospection aérienne de plusieurs enceintes à fossés
interrompus dans le bassin de la Vilaine et des bâtiments
deLaHersonnaisàPléchâtel(Ille-et-Vilaine) (Leroux, 1992 ;
Lecerf, 1986 ; Tinevez, 1992 ;Tinevez, 1995), illustrent un
regain d'intérêt pour l'étude de l'habitat de cette période.
Sur le site de La Barrais, les horizons superficiels ont été
décapés par des moyens mécaniques sur une surface de
7000 m2 environ, divisée en deux grandes unités appelées
«décapage nord» et «décapage sud» (fig. 1). C'est sur
tout ce dernier, correspondant à la partie haute de la parc
elle, qui a livré l'essentiel des vestiges (fig. 2). Le premier,
concernant la section la plus pentue du promontoire, s'est
trouvé être beaucoup plus pauvre d'un point de vue ar
chéol gique,
probablement du fait des accumulations ar
gileuses
et hydromorphes peu propices à d'éventuelles
installations humaines. Seules les structures en creux
étaient conservées et aucun sol archéologique en place
n'a pu être observé. Numérotées, ces structures sont cartographiées et fouillées par section, tandis que le mobilier
archéologique est recueilli par unité stratigraphique ou par
secteur suivant qu'il provienne de la fouille ou du déca
page.
DESCRIPTION DES STRUCTURES
Un bref regard sur le plan général du site permet d'ap
précier la faible densité des vestiges sur la totalité de la
surface (environ 120 structures inventoriées) (fig. 2). Tout
au plus pouvons nous noter la concentration plus import
anted'excavations dans la partie sud du décapage, aux
alentours des foyers 47-57 et 66 (fig. 3).
L'ampleur du réseau fossoyé reste un des éléments mar
quant du site mais aucun fossé ne peut être mis en relation
avec l'occupation néolithique, l'ensemble du réseau étant
très récent (drains et parcellaire modernes).
Une douzaine de fosses, essentiellement localisées dans
la partie médiane du décapage sud, constitue le deuxième
ensemble d'excavations du site. De dimensions variables,
quoique modestes, elles sont toutes de faible profondeur
conservée (10 à 30 cm) et de plan peu régulier, évoquant
plus souvent des faits naturels qu'anthropiques. Leur rem
plissage
est homogène et pratiquement toutes sont
archéologiquement stériles.
Fig. 2 La Barrais. Plan général du site, décapage sud. En noir, structures fouillées ou sondées (C. Boujot et S. Jean, AFAN).
:
19
20
S. Hinguant et L. Laporte
10m
J
Fig. 3 : La Barrais. Décapage sud. Numérotation des structures citées dans le texte. En noir, emplacement des structures de combustion et rejets
de foyers (C. Boujot et S. Jean, AFAN).
Les excavations de petites dimensions, dont certaines
ont pu constituer des calages de poteaux, composent la
majeure partie des structures repérées. Une seule concent
ration s'individualise. Il s'agit de l'ensemble situé immé
diatement
à l'est de la grande fosse 52, où le «nuage»
compte une quarantaine de structures (fig. 2 et 3). L'ana
lysede cet ensemble ne permet cependant de conclure à
aucun agencement précis, même si l'on ne peut pas ex
clure, du fait de l'arasement très marqué des vestiges, que
certains alignements puissent néanmoins souligner d'ult
imesimpacts de palissades ou de poteaux porteurs d'un
quelconque bâtiment.
Les structures liées au feu sont au nombre de seize, dont
quatorze réparties sur le décapage sud (fig. 3). Elles sont
de deux ordres. Les structures de combustion proprement
dites, c'est-à-dire où l'action directe du feu est marquée
par des stigmates caractéristiques (rubéfaction des parois,
éclatement des pierres...) et les rejets de foyers, fosses
riches en charbons de bois et dont le remplissage est sou
vent sans organisation apparente.
Les foyers «vrais» sont au nombre de trois. Il s'agit des
structures 47, 57 et 89. Les deux premières se situent au
sein de la concentration de petites excavations précédem
ment
évoquée et la troisième, légèrement plus au nord, est
recoupée par un fossé de drainage moderne. Le fait 57 est
sans aucun doute le foyer le mieux marqué. C'est une struc
turecirculaire d'environ 50 cm de diamètre, dont le pour
tour est souligné par une auréole de rubéfaction inscrite
dans le comblement de la fosse 52 sur 3 à 5 cm d'épaisseur
(fig. 4). Sa profondeur conservée est de 15 cm et le remplis
sage
est constitué d'une couche de fond de gros char
bons de bois, de blocs de quartz chauffés et d'un comble
ment
superficiel de limon argileux et de particules de char
bons de bois. Un tesson de céramique, indéterminable mais
d'apparence néolithique ou protohistorique, se trouvait
en place dans le niveau inférieur.
Occupation néolithique final à St-Sauveur-des-Landes
La structure 47 diffère de la précédente par ses dimens
ionset son remplissage. Egalement circulaire, elle mesure
80 cm de diamètre mais la rubéfaction de la paroi, direct
ementinscrite dans le substrat arénacé, n'est marquée que
ponctuellement sur les bords et le fond de la fosse. Le
remplissage est très charbonneux et les blocs chauffés
plus nombreux. Aucun vestige mobilier n'a été découvert
dans cette structure.
La structure 89 est de dimension similaire. Seul le fond
est souligné par une couche d'arène rougie sur quelques
centimètres d'épaisseur. Le remplissage charbonneux ta
pis ant
le fond est surmonté d'un véritable «bouchon» de
pierres chauffées colmatant la structure. L'absence de
mobilier est également à déplorer.
Les fosses de rejets sont de tailles et d'aspects variés.
Certaines se rapprochent des foyers ci-dessus par leur
comblement charbonneux et la présence de blocs rougis
(66, 95, 116). Seule l'absence de rubéfaction des parois
nous conduit à les placer dans cette seconde catégorie.
D'autres sont caractérisées par le même «bouchon» de
pierres chauffées que celui de la structure 89 mais dans un
comblement peu charbonneux. Les trois grandes fosses
122, 123 et 124, au nord du décapage, sont de ce type.
Certains rejets ne se caractérisent enfin que par la pré
sence de quelques charbons de bois et un sédiment lég
èrement plus cendreux que la normale (96, 97). De toutes
ces structures, seule la fosse 95 a livré quelques tessons
non tournés.
Parmi les excavations intéressantes, nous individuali
sons
la structure 52, large excavation informe peu pro
fonde (environ 15 cm) qui évoque une possible extraction
de matériau (arène). C'est en tout cas ce que suggèrent les
surcreusements ponctuels qui modèlent le fond de la struc
ture, ainsi que l'aspect polylobé de son plan d'ensemble.
Son comblement est bipartite, alliant limons sableux et ar
gileux,
plus ou moins riche en charbons de bois (fig. 4), et
a livré six tessons de céramique attribuable au Néolithi
que,
cependant trop dégradés pour en préciser l'affinité
21
culturelle, contemporaine ou antérieure au foyer 57 (cf.
supra). Sur un gros fragment de charbons de bois issu de
ce dernier, une datation 14C a donné le résultat de 5225 +/
- 45 BP (Ly - 7723), soit de 42 1 1 à 3% 1 av. J.C., qui indiquer
ait
plutôt le Néolithique moyen.
A l'est du décapage principal, la fosse 121 (fig. 3), dont
les caractéristiques morphologiques ne différent guère des
autres fosses allongées, se distingue par son remplissage
limoneux riche en charbons de bois et par une concentrat
ion
plus importante de mobilier archéologique (fig. 5). L'ex
cavation
est sectionnée par le fossé moderne 1 19 et nous
avons retrouvé dans le remplissage de ce dernier, à l'aplomb
de la fosse, du mobilier provenant incontestablement de
celle-ci. Une datation radiocarbone effectuée sur un char
bonprovenant de la fosse a donné un âge de 2680 +/- 40
BP (Ly - 7724), soit entre 899 et 799 av. J.C., indiquant
plutôt le Bronze final que le Néolithique final suggéré par
la céramique. Une perturbation postérieure est donc envi
sageable,
dans un secteur où aucune structure n'a vérit
ablement fourni de mobilier et où l'essentiel de la céramique
recueillie aux alentours durant le décapage est nettement
d'affinité néolithique final (cf. infrà).
Ainsi les deux datations absolues obtenues sur le site
de La Barrais se trouvent-elles isolées par rapport au con
texte archéologique majoritaire que représente le mobilier
du Néolithique final décrit ci-dessous.
DESCRIPTION DU MOBILIER
Le mobilier recueilli au cours de la fouille est relativ
ement
peu abondant. Il provient de surcroît de contextes
archéologiques souvent mal assurés. Il constitue pour
tant un petit ensemble typologiquement et
technologiquement cohérent - à défaut d'être forcément
strictement contemporain - attribuable au Néolithique f
inal, dans une région où nos connaissances sur l'habitat
de cette période restent encore largement embryonnaires.
fosse 52
fossé 20
<
fossé 20 bis
foyer 57
i
limon homogène,
IMJJJIJWh limon homogène
gris-brun
<i II IIili il ht jaune clair
limon jaune clair
terre noire, meuble
très sableux, mêlé
de petits charbons
couche charbonneuse
rubéfaction de la paroi
meuble et granuleuse
arène argileuse grise
(avec légères traces de charbon)
limon gris foncé, mêlé de petits charbons
50 cm
Fig. 4 La Barrais. Coupe strati graphique est-ouest de la fosse 52 et du foyer 57 (C. Boujot et S. Jean, AFAN).
:
W
S. Hinguant et L. Laporte
22
STRUCTURE121
fosse
(coupe nord-ouest)
STRUCTURE119
fossé
(coupe nord-ouest )
niveau noir avec charbons et un outil lithique
épandage probable du remplissage de la fosse 121
contenant de nombreux tessons et charbons
limon sableux, homogène, jaune clair
limon sableux, homogène, jaune pâle
avec tessons de céramiques et charbons
limon argileux jaunâtre, clair
10 cm
Fig. 5 : La Barrais. Coupe stratigraphique de la fosse 121 et du fossé 119 (C. Boujot et S. Jean, AFAN).
LA CERAMIQUE
292 tessons ont été recueillis principalement au cours
du décapage des terres superficielles (205 fgt) et plus par
ticulièrement
dans la zone sud (160 fgt). La plupart des
tessons présentent des parois assez épaisses, souvent
supérieures au centimètre, dont les pâtes sont très homo
gènes : de texture granuleuse ou feuilletée, rouge ou brune
sur la face externe, brune ou grise sur la face interne, elles
contiennent le plus souvent (231 fgt/292) un dégraissant
abondant composé de grains de quartz aux arêtes peu
émoussées et de taille hétérogène (de 1/10° de millimètre
au millimètre) parfois associés à de petites paillettes de
micas. Les surfaces externes et internes sont généralement
mal conservées. Chaque fois que nous avons pu en faire
l'observation, la finition des surfaces (lisses) semble as
sez soignée.
La plupart des éléments de forme caractéristique pro
viennent
du remplissage de la fosse 12 1 (53 fgt), du rem
plissage
du fossé 119(11 fgt) à l'endroit où il recoupe la
fosse 121 ou du décapage superficiel aux abords de cette
dernière (55 fgt). L'ensemble totalise plus du tiers du mobil
iercéramique recueilli sur le site (109 fgt/292). Du fait de
l'importante fragmentation du mobilier, une seule forme
céramique est partiellement reconstituable. Il s'agit d'un
vase à fond plat en forme de tonnelet (fig. 6 n° 4) avec une
inversion de courbure bien marquée quelques centimètres
sous le bord, mais dont la hauteur ne peut être qu'estimée.
Le bord est droit et la lèvre aplatie. Les trois autres fra
gments de bord recueillis sont également droits ou
ment rentrants. Les lèvres sont ogivales, aplaties ou effi
lées. Les moyens de préhension sont représentés par une
languette horizontale appliquée quelques centimètres sous
le bord (n° 7) et par une anse en boudin (n° 10). Les six
fragments de fond découverts ne possèdent pas de re
bord nettement marqué sur leur face externe. L'un d'entre
eux (n° 6) laisse apparaître la trace d'un joint de colombin
oblique à l'emplacement du raccord entre le fond plat et le
départ de la panse du vase. D'autres joints de colombins
biseautés ont également été observés sur des fragments
de panse. Les éléments décorés sont des plus rares. No
tons l'existence d'un cordon fin et plat appliqué sur la
paroi d'un tesson (n° 11) et probablement la présence de
quelques impressions irrégulières sur un autre tesson (non
dessiné). L'ensemble correspond à au moins six récipients
différents auxquels il faut ajouter une fusaïole (n° 9) et au
moins trois, peut-être quatre, fragments de cuillers (n° 1 3). Deux d'entre elles présentent des pâtes peu différentes
de celles observées sur les vases : de texture très cohér
ente, de couleur grise à l'intérieur comme à l'extérieur,
avec un dégraissant peu abondant composé de quelques
gros grains de quartz.
Malgré sa dispersion, cet ensemble paraît cohérent sur
le plan typologique. La seule forme céramique partiell
ement
reconstituable de La Barrais n'est pas sans rappeler
celle de récipients recueillis dans quelques allées couvert
es
ou monuments à entrée latérale du nord de la Bretagne
(style de Crec'h Quille - Le Mellus, L'Helgouac'h, 1965 ;
Giot et al, 1979).
Les cuillers en céramique, bien qu'attestées dès le Néo-
Occupation néolithique final à St-Sauveur-des-Landes
23
10
:
Fig. 6 La dans
description
Barrais.
le texte
Mobilier
(S. Hinguant,
céramique.
AFAN).
1-2-3-5-7-8 et 11, décapage sud, secteur fosse 121. 4, fosse 121. 6-9 et 10, décapage sud. Voir
24
S. Hinguant et L. Laporte
lithique ancien en Italie ou dans le sud de la France, sont
principalement, mais pas exclusivement, représentées au
nord de la Loire au sein d'ensembles attribués au Néolithi
que
final ou au tout début de l'Age du Bronze. Les exemp
laires de La Barrais constituent cependant, à notre con
naissance,
les seuls actuellement découverts en Bretagne,
même s'il est possible que des fragments n'aient pas été
identifiés dans des collections anciennes. Plus générale
ment,
des vases à fond plat et à bord droit ou légèrement
rentrant, munis le plus souvent de languettes ou de bou
tons de préhension disposés quelques centimètres sous
le bord, sont fréquemment associés à des cuillers et à des
fusaïoles en céramique sur de nombreux sites d'habitat du
Néolithique final dans toute la moitié nord de la France,
depuis le Poitou, probablement sous influence
artenacienne, jusque dans le nord du Bassin Parisien
(Groupe de Gord) (Roussot-Laroque, 1984 ; Cottiaux, 1991 ;
Laporte, 1994). Le site du Plantis à Oisseau, situé à peine à
50 km à l'est de La Barrais, en est un bon exemple (Letterlé,
1986).
LE MOBILIER LITHIQUE
La totalité de l'industrie lithique découverte sur le site
est issue des décapages mécaniques et manuels des n
iveaux
superficiels. Seul un éclat laminaire retouché, pro
venant du fossé 1 1 9, peut être rattaché à l'ensemble mobil
iernéolithique de la fosse 1 2 1 (fig. 7 n° 3). L'ensemble de
l'industrie est obtenue sur silex pour lequel au moins deux
sources d'approvisionnement semblent se distinguer.
Il s'agit d'une part de silex côtier, identifié à partir des
surfaces corticales subsistantes comme celles que l'on
observe sur les deux nucléus. L'un sur galet de silex gris
clair présentant des enlèvements centripètes et est réuti
lisécomme outil à partir d'un front convexe régulier (n° 2).
L'autre (n° 5) sur silex gris foncé, brûlé, montrant des enl
èvements
obtenus à partir d'un plan de frappe sur une sur
face néo-corticale légèrement convexe et également réuti
lisécomme petit grattoir.
L'autre source de matière première est un silex dont l'as
pect rappelle celui du Grand-Pressigny. Il s'agit d'une part
d'un fragment de lame en silex brun-orangé translucide
avec paillettes millimétriques (n° 1). L'outil, cassé, est f
açonné
sur une lame à trois pans et les retouches, semiabruptes et rasantes, couvre la totalité des deux bords.
D'autre part, une des deux armatures de flèches tranchant
es
(n° 7) est façonnée sur un éclat très fin de silex brunroux par des retouches marginales.
D'autres gisements de matières premières sont très pro
bables,
mais la série, très réduite, ne mérite peut-être pas
une étude plus poussée dans l'immédiat. La deuxième ar
mature
de flèche tranchante (n° 6), trapézoïdale à base cas
sée, est élaborée sur éclat épais de silex brun-gris, et pré
sente des retouches abruptes. Un éclat laminaire retouché
sur silex blanc marbré gris-noir, brûlé (cupules thermiques),
est travaillé sur toute la longueur de son bord droit par des
retouches marginales (n° 3). On note enfin, parmi les outils,
la présence d'un petit grattoir unguiforme sur éclat épais
de silex marron foncé (pièce chauffée ?), dont le front, très
abrupt, est obtenu par des retouches couvrantes réguliè
res
(n° 4), ainsi qu'une pièce esquillée de forme losangique
sur silex gris-jaune à enlèvements multidirectionnels (n° 8).
Le fragment de lame retouchée en silex d'aspect pressignien
appartenait sans doute à un poignard de grande taille. Le
fragment d'éclat laminaire retouché et brûlé (n° 3) présente
une morphologie similaire à celle du corps d'un racloir à
encoche dont il est probablement issu. La pièce esquillée
(n° 8) pourrait correspondre à une armature de flèche
çante avortée.
Un petit broyon façonné à partir d'un bloc de grès de
forme ovale très régulière (n° 10), est la seule roche tenace
utilisée. La face fonctionnelle est particulièrement plane et
le poli, notamment sur le pourtour, est localement très mar
qué, indiquant un emploi prolongé de l'outil. Le piquetage
de préforme du bloc est encore visible sur les bords de la
pièce. On note enfin également la présence d'un petit per
cuteur sphéroïde sur galet de quartz blanc (non dessiné).
Bien que dispersé sur une vaste superficie, l'ensemble
lithique paraît homogène et renvoie à un horizon chrono
logique attribuable à la fin du Néolithique, période durant
laquelle, dans le Bassin Parisien comme apparemment en
Bretagne, les armatures à tranchant transversal trapézoï
dales
et à retouches abruptes, illustrées ici par deux exemp
laires, sont fréquentes.
CONCLUSION
En dehors des fossés de parcellaire, la plupart des struc
tures dégagées sont concentrées sur une superficie de
40 m2. Aucune couche en place n'est conservée et le site
est largement arasé. Deux types de structures ont été ren
contrés
à cet emplacement : celles liées d'une manière ou
d'une autre à une combustion et quelques excavations
dont certaines peuvent correspondre à des calages de
poteaux. Pour ces dernières, aucun plan cohérent ne se
dégage de leur répartition spatiale. Parmi les structures
liées à la combustion, certaines ont simplement servi de
réceptacle à des résidus de foyers alors que d'autres ont
manifestement connu une forte combustion en leur sein.
L'une de ces structures a été datée par le radiocarbone de
la fin du Ve millénaire av. J.C.
En revanche, les analyses technologiques et typologi
ques
tant de la céramique que de l'industrie lithique per
mettent
une attribution au Néolithique final du mobilier
recueilli en surface et dans quelques structures isolées. Ce
dernier est encore mal connu en Bretagne où il couvre une
durée de plus d'un millénaire. Remarquons que les ensemb
les
mobiliers recueillis à La Barrais n'ont guère de points
communs avec les ensembles définis sur le littoral méridio
nal
de la Bretagne (Kérugou, Conguel), pas plus d'ailleurs
qu'avec le mobilier issu de la fouille des bâtiments de La
Hersonnais à Pléchâtel (Ille-et-Vilaine) (Tinevez, 1995). Dans
le Bassin Parisien, vases à fond plat munis de préhens
ions,cuillers en céramique, fusaïoles, mais aussi racloirs
à encoches et poignards d'aspect pressigniens sont fr
équemment
représentés sur les sites du «Groupe de Gord»
(Blanchet, 1984 ; Villes, 1983, Laporte et Cottiaux, 1990).
Le problème est également celui de la (des) fonction(s)
de l'espace habité sur le site de La Barrais. La liaison entre
le mobilier Néolithique final recueilli et les structures déga
gées - dont l'une est contemporaine du Néolithique moyen
et une autre du Bronze final - ne peut pas être établie avec
certitude, rendant délicates toutes interprétations
ethnoarchcologiques et chronologiques du site. Trois
hypothèses au moins peuvent être envisagées pour expli
quer la présence de matériel résiduel du Néolithique final
et de structures isolées à cet emplacement :
- un lieu de vie domestique dont la plupart des témoins
aurait été détruit par l'érosion : il faut alors imaginer une
habitation construite avec des parois de terre, comme cela
semble avoir été la cas à Oisseau en Mayenne (Letterlé,
1986).
- une occupation périphérique à proximité d'un habitat
non reconnu dont l'emplacement se situerait en marge du
tracé autoroutier. Il resterait cependant à vérifier l'existence
de cet habitat hypothétique.
Occupation néolithique final à St-Sauveur-des-Landes
25
Fig. 7 : La Barrais. Industrie lithique. 1 et 9, décapage nord. 2-4-5-6-7-8 et 10, décapage sud. 3, fosse 121. Voir description dans le texte (S
Hinguant, AFAN).
S. Hinguant et L. Laporte
- une occupation limitée dans le cadre d'un territoire
exploité de façon hiérarchisée. Ce type de site aurait alors
une fonction complémentaire à celle des habitats de la
même période présentant des structures construites par
fois monumentales, comme c'est par exemple le cas à La
HersonnaisàPléchâtel (Tinevez, 1995).
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