I'm currently working on banking and credit in french rural area with a specific methodology, a revisit of past ethnographic fields (Châtillonnais and Minot), trying an experience of collective ethnography
La tension entre les aspirations commerciales et scientifiques du folklore le rende disponible ou... more La tension entre les aspirations commerciales et scientifiques du folklore le rende disponible ou non pour un usage commercial et politique. Pour comprendre les usages possibles du folklore, il importe ainsi de mener une histoire sociale des sciences sociales, ici sur le terrain bourguignon, qui prend la forme d’une analyse sociologique des milieux académiques, en étudiant les sociétés savantes et les mondes universitaires, dans le contexte de la réforme de régionalisation des Universités en 1896. L’objectif des milieux économiques et politiques est de faire de Dijon une capitale régionale dans le cadre de la réforme de Clémentel fondant les régions économiques aux lendemains de la Première Guerre mondiale. En contrôlant les postes de ces quelques chaires universitaires, les pouvoirs locaux utilisent les sciences sociales, la géographie vidalienne, et l’histoire littéraire, pour accompagner une active politique d’expansion commerciale à partir des industries alimentaires de Dijon. La folklorisation du vignoble bourguignon nous conduit alors à une sociologie économique des producteurs et de l’institutionnalisation des marchés. Entachée par des pratiques frauduleuses, la qualité des vins de Bourgogne est à reconstruire. La loi des appellations d’origine de 1919 propose un cadre national pour assainir le marché. L’étude détaillée de la structure foncière du vignoble des vins fins, et de l’application locale de la loi, permet de saisir comment le marché se ré-institutionnalise autour d’une part, d’une régulation anti-productive et corporative de l’offre et d’autre part, d’une qualité authentifiée par le propriétaire contre les négociants. A travers l’étude de la Paulée de Meursault, un repas largement médiatisé de grands propriétaires jouant aux vignerons, ces derniers initient une redéfinition du bon échange marchand du vin, en donnant une image vigneronne et traditionnelle aux vins fins. Avec la création de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin de Nuits-Saint-Georges, les années 1930 et la généralisation des techniques de propagande donnent une nouvelle ampleur à cette folklorisation du vignoble. Ces méthodes sont reprises et amplifiées par les institutions régionales, la région économique centrée sur Dijon. Les folkloristes et les entrepreneurs politiques et économiques ont engagé ensemble une réforme économique dans l’entre-deux-guerres particulièrement saisissable sur le tourisme et le vin, mais plus généralement ont contribué à donner à la France ses caractéristiques de pays exportateur de biens de luxe. L’Exposition Internationale de 1937, le Centre rural et le Congrès International de Folklore qui s’y tiennent, sont alors l’occasion d’une formalisation des tensions internes aux mondes folkloriques et régionalistes, et l’on comprend que l’ethnologie comme science s’est en partie constituée par réaction d’universitaires à des contextes économiques et politiques au nom d’une conception idéale de la science.
À contre-pied de l'image aristocratique des vins fins développée à la fin du XIXe siècle en Champ... more À contre-pied de l'image aristocratique des vins fins développée à la fin du XIXe siècle en Champagne et dans le Bordelais, de grands propriétaires viticoles bourguignons initient dans l'entre-deux-guerres un folklore régionaliste commercial pour promouvoir leur vin comme un vin de vignerons, un vin authentique, un vin de terroir contre le vin du négociant, de la ville, artificiel. En façonnant ce folklore selon leurs intérêts, les propriétaires puisent dans un élément canonique du répertoire culturel, touristique et officiel de la construction nationale moderne et républicaine sous la IIIe République. Il faut inscrire le retournement marketing des vins de luxe dans le conflit politique et juridique que se livrent sur le marché des vins, propriétaires et négociants pour l'appropriation de la plus-value, ces derniers se déchirant entre l'origine du raisin ou la marque comme critère premier de la qualité des vins. C'est à une véritable enquête historique dans les élites modernisatrices de la IIIe République que cet ouvrage nous convie. Les propriétaires et négociants propriétaires de Meursault et Nuits Saint-Georges, multipliant les alliances inédites avec les élites politiques, universitaires, érudites et industrielles autour du régionalisme culturel et économique, réussissent à défaire cette hiérarchie du marché en s'attribuant politiquement et culturellement son contrôle. Ce modèle d'un marketing traditionaliste fait alors école à la Libération pour embrasser l'ensemble de l'économie alimentaire de luxe: un bon produit se doit d'être de terroir, traditionnel. Ce n'est que très récemment que cette trajectoire traditionnelle de la qualité française s'étiole sous la pression de la concurrence internationale diffusant un modèle alternatif, plus technologique, autour de la notion de cépage contre celle d'origine.
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), May 17, 2005
La matière de cet ouvrage a été fournie par quelques unes des nombreuses communications d'un ... more La matière de cet ouvrage a été fournie par quelques unes des nombreuses communications d'un colloque international organisé en l'honneur du professeur Philippe Roudié à Bordeaux en 2005National audienceA partir d’un échec, les fêtes viticoles de Beaune qui se sont tenues dans les années vingt, il s’agit de revenir sur une période particulière de la construction des images commerciales du vin pour les bourgognes. En effet, proche des milieux érudits et folkloristes, la municipalité de Beaune propose au début des années vingt, des festivités folkloriques au moment de la vente des vins des Hospices de Beaune pour assurer un surplus d’animations commerciales dans la ville et donner une tonalité festive à ce « marronnier » de l’économie viticole. La municipalité réussit à réunir les mondes régionalistes bourguignons sans peine mais butte sur un monde du négoce local rétif au folklore. Pour comprendre ces réticences, il faut alors revenir sur la lutte entre négoce et propriétaire autour des appellations d’origine. Sous le nom des villages valorisés de la Côte d’Or, les négociants produisent de fait des vins de marques par coupage et équivalence. Pour soutenir ces vins de marques, ils développent depuis le XIXème siècle un « marketing » aristocratique. Le folklore est alors un répertoire régionaliste et touristique, un répertoire progressivement réapproprié par les mondes gastronomiques et viticoles. Il devient l’outil de promotion des vins de Bourgogne de propriétaires qui inventent alors de nouvelles traditions, comme la Paulée de Meursault du Comte Lafon. Il faut attendre le milieu des années trente pour voir ce répertoire commercial se diffuser sur l’ensemble de la Côte avec la création de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin et la Saint-Vincent Tournante, au moment où les appellations d’origine défendues par les propriétaires supplantent la marque des négociants comme premier marqueur de la qualité
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Université Paris Descartes, 2018
Introduction de l'ouvrage collectif Le Laboratoire des sciences sociales. Histoires d&... more Introduction de l'ouvrage collectif Le Laboratoire des sciences sociales. Histoires d'enquêtes et revisites.
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - SHS, 2009
By tracing folklore-related activities in Burgundy from the late nineteenth century until the Sec... more By tracing folklore-related activities in Burgundy from the late nineteenth century until the Second World War, the paper seeks to understand the generational difference in the relationship of scholars to folklore studies. The Dijon Academy had little involvement in the domain while the Mâcon Academy brought together the leading regional folklore specialists who formed a local, legal and sometimes political, amateur elite. The main explanation for this lay in the role of Dijon University that educated a new generation of scholars in the social sciences of the period, Vidalian geography and the Annals school of history. Their education made them recalcitrant to local studies to which they preferred analytical rigour. It was not until the late 1930s and the scientific recharacterization of folklore that this new generation of scholars—employees in municipal cultural institutions or teachers—took up folklore studies.
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Université de Nantes, 2015
National audienceLors de cet interview, sont évoqués les évolutions contemporaines des groupes so... more National audienceLors de cet interview, sont évoqués les évolutions contemporaines des groupes sociaux dans les mondes ruraux et les représentations scientifiques et communes de ces groupes. Représentés le plus historiquement le plus souvent sous la figure du paysan, aujourd'hui les agriculteurs sont minoritaires dans ces espaces très largement dominés numériquement par les classes populaires
La tension entre les aspirations commerciales et scientifiques du folklore le rende disponible ou... more La tension entre les aspirations commerciales et scientifiques du folklore le rende disponible ou non pour un usage commercial et politique. Pour comprendre les usages possibles du folklore, il importe ainsi de mener une histoire sociale des sciences sociales, ici sur le terrain bourguignon, qui prend la forme d’une analyse sociologique des milieux académiques, en étudiant les sociétés savantes et les mondes universitaires, dans le contexte de la réforme de régionalisation des Universités en 1896. L’objectif des milieux économiques et politiques est de faire de Dijon une capitale régionale dans le cadre de la réforme de Clémentel fondant les régions économiques aux lendemains de la Première Guerre mondiale. En contrôlant les postes de ces quelques chaires universitaires, les pouvoirs locaux utilisent les sciences sociales, la géographie vidalienne, et l’histoire littéraire, pour accompagner une active politique d’expansion commerciale à partir des industries alimentaires de Dijon. La folklorisation du vignoble bourguignon nous conduit alors à une sociologie économique des producteurs et de l’institutionnalisation des marchés. Entachée par des pratiques frauduleuses, la qualité des vins de Bourgogne est à reconstruire. La loi des appellations d’origine de 1919 propose un cadre national pour assainir le marché. L’étude détaillée de la structure foncière du vignoble des vins fins, et de l’application locale de la loi, permet de saisir comment le marché se ré-institutionnalise autour d’une part, d’une régulation anti-productive et corporative de l’offre et d’autre part, d’une qualité authentifiée par le propriétaire contre les négociants. A travers l’étude de la Paulée de Meursault, un repas largement médiatisé de grands propriétaires jouant aux vignerons, ces derniers initient une redéfinition du bon échange marchand du vin, en donnant une image vigneronne et traditionnelle aux vins fins. Avec la création de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin de Nuits-Saint-Georges, les années 1930 et la généralisation des techniques de propagande donnent une nouvelle ampleur à cette folklorisation du vignoble. Ces méthodes sont reprises et amplifiées par les institutions régionales, la région économique centrée sur Dijon. Les folkloristes et les entrepreneurs politiques et économiques ont engagé ensemble une réforme économique dans l’entre-deux-guerres particulièrement saisissable sur le tourisme et le vin, mais plus généralement ont contribué à donner à la France ses caractéristiques de pays exportateur de biens de luxe. L’Exposition Internationale de 1937, le Centre rural et le Congrès International de Folklore qui s’y tiennent, sont alors l’occasion d’une formalisation des tensions internes aux mondes folkloriques et régionalistes, et l’on comprend que l’ethnologie comme science s’est en partie constituée par réaction d’universitaires à des contextes économiques et politiques au nom d’une conception idéale de la science.
À contre-pied de l'image aristocratique des vins fins développée à la fin du XIXe siècle en Champ... more À contre-pied de l'image aristocratique des vins fins développée à la fin du XIXe siècle en Champagne et dans le Bordelais, de grands propriétaires viticoles bourguignons initient dans l'entre-deux-guerres un folklore régionaliste commercial pour promouvoir leur vin comme un vin de vignerons, un vin authentique, un vin de terroir contre le vin du négociant, de la ville, artificiel. En façonnant ce folklore selon leurs intérêts, les propriétaires puisent dans un élément canonique du répertoire culturel, touristique et officiel de la construction nationale moderne et républicaine sous la IIIe République. Il faut inscrire le retournement marketing des vins de luxe dans le conflit politique et juridique que se livrent sur le marché des vins, propriétaires et négociants pour l'appropriation de la plus-value, ces derniers se déchirant entre l'origine du raisin ou la marque comme critère premier de la qualité des vins. C'est à une véritable enquête historique dans les élites modernisatrices de la IIIe République que cet ouvrage nous convie. Les propriétaires et négociants propriétaires de Meursault et Nuits Saint-Georges, multipliant les alliances inédites avec les élites politiques, universitaires, érudites et industrielles autour du régionalisme culturel et économique, réussissent à défaire cette hiérarchie du marché en s'attribuant politiquement et culturellement son contrôle. Ce modèle d'un marketing traditionaliste fait alors école à la Libération pour embrasser l'ensemble de l'économie alimentaire de luxe: un bon produit se doit d'être de terroir, traditionnel. Ce n'est que très récemment que cette trajectoire traditionnelle de la qualité française s'étiole sous la pression de la concurrence internationale diffusant un modèle alternatif, plus technologique, autour de la notion de cépage contre celle d'origine.
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), May 17, 2005
La matière de cet ouvrage a été fournie par quelques unes des nombreuses communications d'un ... more La matière de cet ouvrage a été fournie par quelques unes des nombreuses communications d'un colloque international organisé en l'honneur du professeur Philippe Roudié à Bordeaux en 2005National audienceA partir d’un échec, les fêtes viticoles de Beaune qui se sont tenues dans les années vingt, il s’agit de revenir sur une période particulière de la construction des images commerciales du vin pour les bourgognes. En effet, proche des milieux érudits et folkloristes, la municipalité de Beaune propose au début des années vingt, des festivités folkloriques au moment de la vente des vins des Hospices de Beaune pour assurer un surplus d’animations commerciales dans la ville et donner une tonalité festive à ce « marronnier » de l’économie viticole. La municipalité réussit à réunir les mondes régionalistes bourguignons sans peine mais butte sur un monde du négoce local rétif au folklore. Pour comprendre ces réticences, il faut alors revenir sur la lutte entre négoce et propriétaire autour des appellations d’origine. Sous le nom des villages valorisés de la Côte d’Or, les négociants produisent de fait des vins de marques par coupage et équivalence. Pour soutenir ces vins de marques, ils développent depuis le XIXème siècle un « marketing » aristocratique. Le folklore est alors un répertoire régionaliste et touristique, un répertoire progressivement réapproprié par les mondes gastronomiques et viticoles. Il devient l’outil de promotion des vins de Bourgogne de propriétaires qui inventent alors de nouvelles traditions, comme la Paulée de Meursault du Comte Lafon. Il faut attendre le milieu des années trente pour voir ce répertoire commercial se diffuser sur l’ensemble de la Côte avec la création de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin et la Saint-Vincent Tournante, au moment où les appellations d’origine défendues par les propriétaires supplantent la marque des négociants comme premier marqueur de la qualité
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Université Paris Descartes, 2018
Introduction de l'ouvrage collectif Le Laboratoire des sciences sociales. Histoires d&... more Introduction de l'ouvrage collectif Le Laboratoire des sciences sociales. Histoires d'enquêtes et revisites.
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - SHS, 2009
By tracing folklore-related activities in Burgundy from the late nineteenth century until the Sec... more By tracing folklore-related activities in Burgundy from the late nineteenth century until the Second World War, the paper seeks to understand the generational difference in the relationship of scholars to folklore studies. The Dijon Academy had little involvement in the domain while the Mâcon Academy brought together the leading regional folklore specialists who formed a local, legal and sometimes political, amateur elite. The main explanation for this lay in the role of Dijon University that educated a new generation of scholars in the social sciences of the period, Vidalian geography and the Annals school of history. Their education made them recalcitrant to local studies to which they preferred analytical rigour. It was not until the late 1930s and the scientific recharacterization of folklore that this new generation of scholars—employees in municipal cultural institutions or teachers—took up folklore studies.
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Université de Nantes, 2015
National audienceLors de cet interview, sont évoqués les évolutions contemporaines des groupes so... more National audienceLors de cet interview, sont évoqués les évolutions contemporaines des groupes sociaux dans les mondes ruraux et les représentations scientifiques et communes de ces groupes. Représentés le plus historiquement le plus souvent sous la figure du paysan, aujourd'hui les agriculteurs sont minoritaires dans ces espaces très largement dominés numériquement par les classes populaires
Enquête de terrain et recherche collective font-elles bon ménage ? Alors que la nouvelle reconnai... more Enquête de terrain et recherche collective font-elles bon ménage ? Alors que la nouvelle reconnaissance dont bénéficie la méthode ethnographique depuis le début des années 1990 réaffirme fortement le caractère individuel de l’enquête ethnographique, de plus en plus de chercheurs contemporains en sciences sociales s’essaient à l’enquête collective. Qu’il s’agisse d’enquêter à plusieurs sur un même terrain, de diviser le travail de recueil de données ou bien encore de conduire une enquête en différents lieux comparatifs au sein d’un même programme, les expériences se multiplient. La revue ethnographiques.org a ainsi voulu consacrer un dossier à ces pratiques d’enquête, à leur histoire et à leur renouveau.
Uploads
Books by Gilles Laferté
La folklorisation du vignoble bourguignon nous conduit alors à une sociologie économique des producteurs et de l’institutionnalisation des marchés. Entachée par des pratiques frauduleuses, la qualité des vins de Bourgogne est à reconstruire. La loi des appellations d’origine de 1919 propose un cadre national pour assainir le marché. L’étude détaillée de la structure foncière du vignoble des vins fins, et de l’application locale de la loi, permet de saisir comment le marché se ré-institutionnalise autour d’une part, d’une régulation anti-productive et corporative de l’offre et d’autre part, d’une qualité authentifiée par le propriétaire contre les négociants. A travers l’étude de la Paulée de Meursault, un repas largement médiatisé de grands propriétaires jouant aux vignerons, ces derniers initient une redéfinition du bon échange marchand du vin, en donnant une image vigneronne et traditionnelle aux vins fins.
Avec la création de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin de Nuits-Saint-Georges, les années 1930 et la généralisation des techniques de propagande donnent une nouvelle ampleur à cette folklorisation du vignoble. Ces méthodes sont reprises et amplifiées par les institutions régionales, la région économique centrée sur Dijon. Les folkloristes et les entrepreneurs politiques et économiques ont engagé ensemble une réforme économique dans l’entre-deux-guerres particulièrement saisissable sur le tourisme et le vin, mais plus généralement ont contribué à donner à la France ses caractéristiques de pays exportateur de biens de luxe. L’Exposition Internationale de 1937, le Centre rural et le Congrès International de Folklore qui s’y tiennent, sont alors l’occasion d’une formalisation des tensions internes aux mondes folkloriques et régionalistes, et l’on comprend que l’ethnologie comme science s’est en partie constituée par réaction d’universitaires à des contextes économiques et politiques au nom d’une conception idéale de la science.
Papers by Gilles Laferté
La folklorisation du vignoble bourguignon nous conduit alors à une sociologie économique des producteurs et de l’institutionnalisation des marchés. Entachée par des pratiques frauduleuses, la qualité des vins de Bourgogne est à reconstruire. La loi des appellations d’origine de 1919 propose un cadre national pour assainir le marché. L’étude détaillée de la structure foncière du vignoble des vins fins, et de l’application locale de la loi, permet de saisir comment le marché se ré-institutionnalise autour d’une part, d’une régulation anti-productive et corporative de l’offre et d’autre part, d’une qualité authentifiée par le propriétaire contre les négociants. A travers l’étude de la Paulée de Meursault, un repas largement médiatisé de grands propriétaires jouant aux vignerons, ces derniers initient une redéfinition du bon échange marchand du vin, en donnant une image vigneronne et traditionnelle aux vins fins.
Avec la création de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin de Nuits-Saint-Georges, les années 1930 et la généralisation des techniques de propagande donnent une nouvelle ampleur à cette folklorisation du vignoble. Ces méthodes sont reprises et amplifiées par les institutions régionales, la région économique centrée sur Dijon. Les folkloristes et les entrepreneurs politiques et économiques ont engagé ensemble une réforme économique dans l’entre-deux-guerres particulièrement saisissable sur le tourisme et le vin, mais plus généralement ont contribué à donner à la France ses caractéristiques de pays exportateur de biens de luxe. L’Exposition Internationale de 1937, le Centre rural et le Congrès International de Folklore qui s’y tiennent, sont alors l’occasion d’une formalisation des tensions internes aux mondes folkloriques et régionalistes, et l’on comprend que l’ethnologie comme science s’est en partie constituée par réaction d’universitaires à des contextes économiques et politiques au nom d’une conception idéale de la science.