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- Olivier Chanton
(IRSN - Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire)
- Michaël Mangeon
(CGS i3 - Centre de Gestion Scientifique i3 - Mines Paris - PSL (École nationale supérieure des mines de Paris) - PSL - Université Paris Sciences et Lettres - I3 - Institut interdisciplinaire de l’innovation - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique, IRSN - Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire)
- Frédérique Pallez
(CGS i3 - Centre de Gestion Scientifique i3 - Mines Paris - PSL (École nationale supérieure des mines de Paris) - PSL - Université Paris Sciences et Lettres - I3 - Institut interdisciplinaire de l’innovation - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique)
- Grégory Rolina
(CGS i3 - Centre de Gestion Scientifique i3 - Mines Paris - PSL (École nationale supérieure des mines de Paris) - PSL - Université Paris Sciences et Lettres - I3 - Institut interdisciplinaire de l’innovation - CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique)
AbstractL'accident de Fukushima a provoqué une prise de conscience sans précédent concernant l'importance des risques naturels à l'échelle internationale. En mettant en cause plusieurs aspects institutionnels, et notamment les liens de dépendance entre l'autorité de sûreté nucléaire et le ministère de l'industrie japonais, les analyses de l'accident posent également la question de la gouvernance et de la régulation des risques nucléaires avec une acuité nouvelle (Delamotte 2013 ; IAEA 2015). Le projet de recherche pluri-institutionnel AGORAS, lancé en 2013, s'intéresse ainsi à la gestion interorganisationnelle des risques et des accidents nucléaires. Ce projet vise une meilleure compréhension des régimes de régulation (Hood, Rothstein et al. 2001) des risques nucléaires et de leur dynamique d'évolution. La présente communication, qui s'inscrit dans cette action de recherche, s'intéresse à plusieurs instruments de régulation des risques. Ceux-ci sont en effet des composantes notables des régimes de régulation et constituent de véritables « traceurs » des changements qui se produisent tant sur le plan institutionnel, politique, social ou économique. L'étude de leur genèse et l'analyse des processus de transformation et d'appropriation qui leur sont attachés semblent ainsi de nature à permettre de mieux comprendre le régime français de régulation de la sûreté nucléaire et ses évolutions. Le présent papier se propose donc de décrire sous cet angle les premiers résultats d'une étude comparative de plusieurs instruments de régulation des risques climatiques. Ce travail adopte une perspective articulant trois courants de recherche : celui consacré à l'instrumentation de l'action publique, qui a connu des développements importants en France grâce aux recherches de Lascoumes et Le Galès (2005 ; Halpern, Lascoumes et al. 2014) ; des travaux qui analysent la conception et la mise en œuvre d'outils de gestion (Moisdon 1997 ; de Vaujany 2005 ; Aggeri et Labatut 2010) ; les recherches qui appréhendent, dans une perspective macroscopique, à la fois socio-politique et historique, le gouvernement des techno-sciences, dont le nucléaire est à la fois un représentant emblématique et un cas spécifique (Pestre 2014 ; Boudia et Demortain 2014 ; Hecht 2004). Pour cette recherche, nous proposons la définition suivante de l'instrument de régulation des risques : il est un dispositif à la fois technique et social, fondé sur des savoirs produits et mobilisés par un collectif d'acteurs, agissant au sein d'un « régime de régulation des risques », et s'insérant dans un contexte institutionnel et historique spécifique. Notre analyse des processus de conception des instruments de régulation des risques se focalise donc sur les savoirs mobilisés et les cadres cognitifs au sein desquels s'opère la conception de l'instrument ; sur les relations entre acteurs impliqués, considérés comme des représentants des organisations auxquelles ils appartiennent, insérées dans un cadre institutionnel donné ; sur les communautés de travail formées par les acteurs. Notre analyse s'intéresse in fine aux conceptions du rapport régulateur/régulé portées par les instruments, révélées notamment à l'occasion des controverses apparues au cours du processus de conception. D'un point de vue méthodologique, une approche généalogique et comparative dans le domaine des risques climatiques nous a semblé particulièrement adaptée. En effet, ce domaine permet de couvrir une large période, depuis le lancement du parc électronucléaire français jusqu'à aujourd'hui. On peut ainsi appréhender les effets de divers facteurs d'évolution, notamment relatifs au cadre institutionnel de régulation de la sûreté, et tenir compte de l'apparition de problématiques nouvelles. A cet égard, la question plus récente du changement climatique et de ses effets reconnus sur la fréquence et l'intensité des événements climatiques, nous permet d'interroger la manière dont l'émergence de conceptions, d'outils et de savoirs scientifiques nouveaux sur le climat façonnent (ou non) la régulation des risques nucléaires. Par ailleurs, le périmètre d'étude retenu permet d'effectuer des comparaisons entre plusieurs instruments, prenant en charge, au sein d'une catégorie relativement homogène – les risques climatiques extrêmes, une variété de risques (inondations, canicules, grands froids, étiages sévères, etc.) Dans un premier temps, nous décrirons les principales caractéristiques et évolutions institutionnelles dans lequel s'inscrivent les instruments de régulation des risques étudiés. Nous détaillerons ensuite les processus de conception ayant abouti à ces instruments, en mettant l'accent sur la nature des savoirs mobilisés et des relations entre les différents acteurs. Les comparaisons à la fois « longitudinales » effectuées sur les différents instruments qui se sont succédés, relatifs à un même risque (inondation), et « transversales » sur des instruments analogues orientés vers des risques différents (référentiels « grand froid » et « grand chaud ») nous permettront alors de déboucher sur différentes conjectures : •nous mettons au jour la fabrique des nombreux compromis qui apparaissent comme des caractéristiques du processus de conception de ces instruments, résultant notamment du caractère lacunaire des savoirs disponibles et des relations entre acteurs telles qu'elles sont cadrées par les logiques organisationnelles et institutionnelles qui pèsent sur eux ; •nous suggérons que les récentes transformations institutionnelles, aussi importantes soient-elles, ne remettent pas encore massivement en cause le caractère négocié des relations entre acteurs du régime de régulation, mais que les facteurs nouveaux qu'elles introduisent, notamment la publicisation des débats, pourraient transformer, à terme, l'équilibre entre les acteurs et rendre le système plus contraignant ; •nous constatons, au passage, le faible impact de la forme juridique de l'instrument de régulation adopté dans l'accroissement de ce caractère contraignant ; nous montrons en effet que le découplage entre objectifs de sureté et leur traduction opérationnelle par l'exploitant, reflet d'un point essentiel de la doctrine de sûreté actuelle (la responsabilité de l'exploitant) reporte la spécification précise des actions dans les outils produits par l'exploitant, qui ne relèvent pas stricto sensu d'un régime juridique ; •nous abordons enfin, à la lumière de ces éléments, la question, classique dans le champ de la régulation des risques (cf. Borraz, 2015), de la convergence, dans le secteur nucléaire, des formes d'instruments et, plus généralement, des régimes de régulation des risques, vers un modèle unique.
Suggested Citation
Olivier Chanton & Michaël Mangeon & Frédérique Pallez & Grégory Rolina, 2016.
"La dynamique des régimes de régulation de la sûreté nucléaire française à la lumière de ses instruments,"
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