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Le Nombre D'or

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Le mythe du nombre dor

par Jean-Paul Krivine - SPS n278, aot 2007


en croire les nombreux livres et sites Internet qui lui sont ddis, le nombre dor, la fois
canon de lesthtisme et marque divine, serait prsent ce titre depuis la nuit des temps dans
beaucoup de constructions humaines ou naturelles[1].
La pyramide de Kheops serait lie au nombre dor, les dimensions du Parthnon dAthnes
feraient apparatre le nombre dor. Les gradins du thtre dpidaure, construit en Grce la
fin du IVe sicle avant JC, seraient rpartis grce au nombre dor. Des grandes cathdrales
europennes, jusquau Taj Mahl, immense monument funraire lev en Inde, le nombre
dor ordonnerait les proportions de nombreuses constructions. Ce nombre serait galement
prsent dans les uvres de Lonard de Vinci, Botticelli, Monet, Degas, Czanne, mais aussi
Dali ou Picasso.
Ce nombre magique et omniprsent ne serait pas uniquement cach dans les uvres
architecturales ou artistiques. On le retrouverait dans la nature elle-mme (luvre de Dieu).
La divine proportion serait celle dun homme bien proportionn (distance sol/nombril
rapporte la hauteur totale, ou distance sol/nombril rapporte celle nombril/sommet du
crne)[2]. On le retrouverait dans la botanique et la phyllotaxie (tude de la disposition et de
larrangement des feuilles dun vgtal, et par extension, de tous les arrangements possibles
observables chez les vgtaux) avec, par exemple, la disposition des spirales dans les fleurs de
tournesol ou dans la pomme de pin.
Et pour qui cherche un peu, sur Internet ou ailleurs, il sera ais de retrouver ce nombre dans
de nombreux autres domaines, posie, littrature, musique, etc.
Quen est-il en ralit? Quelle est la part du mythe, et comment expliquer les faits avrs?
Une constante mathmatique fascinante, comme bien dautres
Le nombre dor est la constante (1+5)/2, soit environ 1,61803 Cest la racine positive de
lquation du second degr, x_ x 1 = 0. Le nombre dor possde quelques proprits,
consquences immdiates de sa dfinition: pour connatre son inverse, il faut lui retrancher 1.
Il intervient dans des proprits du dodcadre ou de licosadre (au mme titre que 2
intervient dans le carr, et 3 dans le cube). On le retrouve dans dautres constructions
gomtriques (triangle isocle aux angles de 72, 72 et 36, et par consquent, dans le
pentagone rgulier, dans les toiles 5 branches).
Le nombre dor est galement li la suite de Fibonacci. Celle-ci est prsente de faon
rcrative par le mathmaticien italien Leonardo Pisano (Fibonacci) comme suit: Possdant
initialement un couple de lapins, combien de couples obtient-on en douze mois si chaque
couple engendre tous les mois un nouveau couple compter du second mois de son
existence?. Le terme de rang n de la suite est gal la somme des deux termes prcdents
(sn = sn-1 + sn-2). Pour passer dun terme au suivant, on multiplie par un nombre qui se
rapproche du nombre dor quand n augmente.
Cest ainsi que lon parlera tantt de nombre dor, de rectangle dor, de triangle dor, de
section dore, de spirale dor, etc. Aucune omniprsence mystrieuse. Toutes ces facettes sont
cohrentes, et se dduisent les unes des autres.
Euclide le premier aborde la question du partage en extrme et moyenne raison dun
segment AB, cest--dire le point C tel que le rapport de la longueur du segment sur la partie
la plus importante soit gal au rapport de cette partie sur la plus petite (AB/AC = AC/CB, voir
figure). Ce rapport est quivalent au nombre dor, dont la valeur algbrique na t calcule
que bien plus tard. Contrairement ce quon peut parfois lire, Euclide ne se posait pas la
question de savoir tant donn un segment, comment le partager de faon harmonieuse et
plaisante lil[3]. Aucun commentaire esthtique naccompagnait lutilisation de ce

rapport. Dailleurs, Euclide ne semble pas avoir accord plus dimportance ce rapport qu
dautres rencontrs dans son tude de diffrents polygones. Le nombre dor na en ralit pas
une importance hors du commun en mathmatiques. Il intervient dans certaines figures
gomtriques, ainsi que dans des contextes non gomtriques. Mais dautres constantes sont
tout aussi importantes: 2, 3, Pi et tout aussi fascinantes[4].
La Grande Pyramide a t lobjet de nombreuses interprtations cabalistiques. Le chiffre 5 a
t largement cit comme une cl dans la construction de ldifice. Il nest pas plus difficile
de retrouver le chiffre 5 que le nombre dor dans un monument quelconque, comme lindique
Martin Gardner (voir lencadr Les secrets du Washington Monument).
La Grande Pyramide: nombre dor ou nombre 5?
que lon retrouve partout, avec un peu deffort
Aucun trait darchitecture, de lAntiquit ou du Moyen ge, ne mentionne le nombre dor.
Pour lhistorien de lart Rudolph Wittkower, aussi loin que nous puissions voir, [2] est le
seul nombre irrationnel dimportance impliqu dans la thorie architecturale des proportions
la Renaissance[5]. Sil devait tre retrouv dans une construction, ce serait donc, soit par
pur hasard, soit en faisant lhypothse dun savoir secret transmis hors de tout support crit.
Concernant la pyramide de Kheops, pour trouver le nombre dor, il faut diviser lapothme
(distance du sommet au milieu dun des cts au sol), par la demi-base de la pyramide. JeanPierre Adam[6] montre quune recherche approfondie dans les dimensions de la gurite de la
marchande de billets de la Loterie nationale de lavenue de Wagram permet de dcouvrir
peu prs toutes les relations gomtriques et les nombres que lon veut: le rapport entre la
hauteur et la largeur de la fentre arrire est miraculeusement 3,142 (presque le nombre Pi),
lpaisseur de la tablette donne, aux units prs bien entendu, le mme nombre que celui de la
distance de la Terre au Soleil (voir encadr: La Grande Pyramide: nombre dor ou nombre
5?). La date de la bataille de Poitiers et la formule chimique de la naphtaline ont galement
t retrouves. Et si la pyramide de Kheops a une pente de 14/11, de nombreuses autres
pyramides utilisent un autre rapport (6/5 pour la pyramide rouge, 4/3 pour la pyramide de
Khephren ou encore 7/5 pour la pyramide rhombodale). Cest donc un autre calcul quil
faut satteler pour trouver le nombre dor dans ces constructions. Mais la tche ne semble pas
impossible.
Pour faire entrer la face avant du Parthnon dans un rectangle dor, il faut, soit ne pas
compltement sajuster au toit, soit ne considrer que trois des quatre marches du socle.
Les secrets du Washington Monument
Si quelquun samusait relever les proportions du Washington Monument (dans la capitale
fdrale) telles quelles sont indiques dans le World Almanac, il y discernerait une
quintuplit non moins remarquable. Ce monument mesure 555 pieds 5 pouces de haut, 55
pieds carrs la base; ses fentres souvrent 500 pieds du sol; le produit de la base par 60
(soit 5 fois le nombre de mois dans lanne) donne 3 300 soit le poids exact de la pierre de
fate en livres anglaises. De plus, le mot Washington se compose exactement de dix lettres
(deux fois cinq). Et si lon multiplie la base par le poids de la pierre de fate, on a 181 500,
une approximation trs pousse de la vitesse de la lumire en miles par secondes. Si on prend
pour unit le pied monumental, lgrement plus court que le pied talon, la base mesurera
56 pieds 1/2 de ct. Ce chiffre, multipli par 33 000, donne cette fois un rsultat plus
approch encore de la vitesse de la lumire.
Nest-il pas significatif aussi que le monument affecte la forme dun oblisque? Ou encore,
que sur le billet dun dollar, la grande pyramide apparaisse au verso dun portrait de
Washington? Bien mieux, la dcision dimprimer la pyramide (cest--dire le revers du sceau
des tats Unis) sur les dollars fut annonce par le secrtaire dtat au Trsor le 15 juin 1935,
jour et anne multiples de 5 tous les deux. Et ne trouve-t-on pas vingt-cinq lettres exactement
(cinq fois cinq) dans le titre The Secretary of the Treasury? Il faudrait environ cinquante-cinq
minutes un mathmaticien moyen pour dcouvrir toutes ces vrits, en travaillant

uniquement sur les maigres donnes fournies par lAlmanach. Si lon considre que Smyth
[Charles Piazzi Smyth, 1819, 1900, astronome royal dcosse, qui prtendit avoir trouv des
vrits fondamentales dans les dimensions de la grande pyramide, et dont les ouvrages eurent
un succs retentissant] effectuait lui-mme ses relevs, rcoltant ainsi des centaines de
mesures, et quil passa une vingtaine dannes ruminer l-dessus, on conoit sans peine quil
ait pu parvenir des rsultats aussi extraordinaires.
Nanmoins, les ouvrages de Smyth firent une forte impression sur des millions de lecteurs
nafs. On vit paratre des dizaines de volumes, dans toutes les langues, apportant chacun leur
caillou la grande uvre. En France, la pyramidologie eut pour chef de file labb F. Moigno,
chanoine de Saint-Denis. Un Institut International pour la Conservation et le
Perfectionnement des Poids et Mesures fut fond Boston en 1879, au cours dune
assemble tenue lOld South Church. Cette socit se donnait pour but la rvision des units
de mesure, conformment aux talons sacrs de la pyramide, et la lutte contre le systme
mtrique athe de la France.
Martin Gardner, Fads and Fallacies in the Name of Science, 1957. Traduction franaise dans
Les magiciens dmasqus, Presses de la Cit, 1966.
Des constructions tout aussi arbitraires sont ncessaires pour retrouver a posteriori le nombre
dor dans les tableaux de Lonard de Vinci (voir le tableau reprsentant Saint-Jrme).
Le clbre croquis Lhomme de Vitruve, suppos illustrer de faon emblmatique le rle
du nombre dor dans les proportions du corps humain, est bas en ralit sur un cercle, un
carr et des divisions en quarts et en huitimes. Lonard de Vinci ne mentionne pas cette
proportion lorsquil traite de la composition du corps humain.
Saint-Jrme. Tableau de Lonard de Vinci.
Pour retrouver le rectangle dor, il faut oprer quelques choix de cadrage bien arbitraires: une
partie du bras oubli, vtements, etc.).
Une prsence parfois bien relle, mais pas mystrieuse
Si donc la reconstruction a posteriori dune conception base du nombre dor semble bien
arbitraire (et pas trs difficile), il existe des cas, en peinture ou en architecture, o le nombre
dor est intentionnellement prsent. Il en est ainsi de la Cit radieuse de Marseille, o Le
Corbusier a explicitement utilis le nombre dor et la suite de Fibonacci (systme de
proportion Le Modulor, invent par larchitecte). Les peintres Dali et Picasso lont galement
utilis par jeu.
Li certaines formes gomtriques (dodcadre ou icosadre) et la suite de Fibonacci, il
nest alors pas surprenant de retrouver le nombre dor dans la nature lorsque ces formes
gomtriques sont impliques, ou lorsque la suite de Fibonacci est prsente. Nulle
considration desthtique divine nest ncessaire. Cest ainsi le cas en phyllotaxie dans
des structures spirales (pomme de pin par exemple, voir encadr).
Lorigine du mythe de lesthtique du nombre dor
La fascination pour le nombre dor remonte loin. Le moine franciscain Luca Pacioli lui
consacre en 1509 un livre, De divina proportione. Les proprits gomtriques y sont
tudies, ainsi que ses relations avec certains polydres, dont le dodcadre qui reprsente
lunivers chez Platon. Lonard de Vinci illustrera louvrage avec 60 dessins de polydres. Ce
travail tmoigne dabord dun intrt pour la gomtrie, dans la ligne dEuclide et des
pythagoriciens. Mais Luca Pacioli semble tre le premier y avoir ajout une rfrence
lesthtique de cette proportion[7]. Il faudra toutefois attendre le 19e sicle et luvre dun
professeur de philosophie allemand, Adolf Zeising (1810-1876), pour voir la section dore
rige en norme ou valeur esthtique. Mais cest Matila Ghyka, prince et diplomate roumain,
qui va vritablement lancer le mythe avec son ouvrage Le nombre dor[8] (crit en franais).
Cest lui que lon doit une revisite dtaille de lart et de larchitecture, et la dcouverte
du nombre dor dans les cathdrales, les temples grecs ou les tableaux de grands peintres.

Nombre dor et phyllotaxie


Il existe plusieurs types de dispositions des feuilles le long dune tige. Pour les plantes
verticilles, les feuilles apparaissent en mme temps au mme endroit de la tige. Pour les
plantes dites spirales, les feuilles apparaissent une une le long de la tige en formant des
spirales. Ce quil est surprenant de constater, cest que pour les plantes spirales,
larrangement est directement li la suite de Fibonacci, et donc au nombre dor.
Marque divine? Inscription du nombre dor dans le code gntique? Plusieurs interprtations
de ce genre ont bien entendu t proposes. Lexplication a t apporte par les physiciens
Stphane Douady et Yves Couder qui ont ralis un systme physique laide de gouttes dun
fluide ferromagntique plac dans un champ magntique. Les contraintes striques
(occupation de lespace) de la naissance des massifs cellulaires responsables de la formation
dune feuille ont t reproduites, et la mme organisation, lie la suite de Fibonacci, a ainsi
t reproduite en laboratoire. Des simulations numriques ont donn les mmes rsultats. Il
sagit donc bien dune consquence de contraintes dencombrement et doptimisation de
lespace disponible qui conduit la rpartition lie au nombre dor, et non pas un code
gntique.
La physique des spirales vgtales, Stphane Douady et Yves Couder. La Recherche, Janvier
1993.
Un mythe encore bien vivant
Les ouvrages de dmystification existent, et le doute nest plus de mise. Pourtant, on trouve
encore quelques sources srieuses pour prter crdit ces belles fables. Par exemple, le site
des Arts appliqus de lUniversit de Nice[9] fait la part belle toutes les lgendes sur la
divine proportion.
Quel rectangle est le mieux proportionn?
Les rectangles correspondant au nombre dor sont les rectangles n2 et 9. Dans un sondage
ralis par deux tudiants auprs de 1178 de leurs collgues de lcole Polytechnique
Fdrale de Lausanne, seuls 23% des personnes interroges ont identifi ces rectangles
comme tant les mieux proportionns leurs yeux. Le rectangle n5 remporte lui tout seul
35% des suffrages, avec une proportion de 1,35, assez loigne de la valeur du nombre dor
(1,618).
http://ic.epfl.ch/webdav/site/ic/shared/article_drapel_.jaquier.pdf
Des expriences de psychologie sont galement invoques. En particulier, celles ralises en
1876 par le philosophe allemand Gustav Fechner. Des sujets, qui lon prsente une srie de
10 rectangles avec des rapports hauteur/largeur variant entre 1 (carr) et 0,4, sont invits
indiquer la figure qui leur parat la plus esthtique. Les rapports les plus souvent retenus
seraient ceux sapprochant de la proportion dore. De l vient le mythe de la beaut
naturelle du nombre dor. De nombreux biais mthodologiques ont t soulevs lencontre
de ces expriences. En 1992, George Markowsky a repris ces expriences[10] en utilisant
diffrentes mthodes de prsentation des rectangles, diffrentes sries de rectangles, etc. Le
nombre dor ne ressort plus spcialement, et la valeur retenue en majorit va varier dune
exprience lautre. On peut dailleurs se demander pourquoi, si ce rapport est
particulirement harmonieux et esthtique, il nest pas utilis par les peintres pour les
dimensions dencadrement des tableaux.
aux relents frisant parfois le racisme
Un nombril trop bas pour la grande majorit des individus de la race juive (figure M) et
chez la jeune ngrille de lAfrique quatoriale (figure K) sont pour Don Neroman le
signe dune race qui na pas encore atteint sa maturit.
Dans un livre reprenant tous les clichs et tous les mythes pseudo-scientifiques dun cerveau
droit sige de lintuition, et dun cerveau gauche sige de lanalyse et de la logique, le

mdecin cancrologue Lucien Isral[11] se livre un vritable plaidoyer de la supriorit de


la culture occidentale, ayant su mettre en uvre une authentique pdagogie des deux
cerveaux, et menace deffondrement, au contact dimmigrs attirs par une vie plus facile
[ qui] rvent de nous soumettre leur culture, sinon de rduire et daltrer la ntre [12].
Un chapitre consacr au nombre dor nous apprend que notre cerveau est mystrieusement
accord ce nombre, et que cest pour cela que nous trouvons belles les figures bases sur ces
proportions.
Don Neroman (1884-1953) va encore plus loin[13]. Pour lui, lhomme idal et bien
proportionn est celui dont la hauteur du nombril ramen la taille de lindividu respecte la
proportion divine. Comparant divers clichs de femmes de races les plus diverses (voir
figure), il affirme que certaines ont les jambes trop courtes par rapport au buste, signe propre
aux adolescents qui nont pas encore atteint leur taille dfinitive. Do cette conclusion
sans appel: sil existe une race dont le nombril est trop bas pour la grande majorit des
individus, cette race na pas encore atteint sa maturit. Et cet cart est surtout accus chez
la Juive (figure M) et chez la jeune ngrille de lAfrique quatoriale (figure K). .
Conclusion
Le nombre dor possde, comme beaucoup de nombres, des proprits fascinantes (gomtrie,
suite de Fibonacci, etc.) qui le font se retrouver dans de multiples domaines de la nature (le
nombre Pi est probablement largement plus reprsent). Mais il na pas de proprit
esthtique particulire et na pas t utilis par les architectes de lAntiquit ou du Moyen
ge, ni par les grands peintres de la Renaissance. Il nest pas spontanment reconnu par un
tre humain comme tant la proportion la plus harmonieuse. Et pour qui veut le retrouver dans
une construction ou une figure, juste un peu de patience ou dimagination suffisent. Bref, un
mythe sans beaucoup de fondement
moins que Regardez de plus prs la revue que vous tenez en main Nest-elle pas
harmonieuse? Munissez-vous dun double dcimtre et dune petite calculette Surprenant
non?
Bibliographie
Misconceptions about the Golden Ratio, George Markowsky, The College Mathematics
Journal, Vol. 23, No. 1, Jan. 1992, 2-19.
La numrologie du nombre dor, Jean-Paul Delahaye, dans Les inattendus mathmatiques
(ditions Belin Pour la science 2004).
Le nombre dor, Marguerite Neveux et H. E Huntley (Poche 24 octobre 1995)
[1] ne pas confondre avec le nombre dor utilis en astronomie. On attribue lastronome
grec Mton la dcouverte un peu avant 400 av. J.-C. que 19 annes solaires valent 235
lunaisons. Dcouverte essentielle permettant de fixer le calendrier. Les Athniens ont fait
graver ce cycle en lettres dor sur un temple de la cit.
[2] Voir par exemple: http://www.solest.com/opinion/239.htm.
[3 ] http://www.crdp-montpellier.fr/petiteshistoires/communs/docpp/PP-MAT-1- Le nombre
dor et les arts.pdf.
[4] Voir par exemple Le fascinant nombre Pi, Jean-Paul Delahaye, Belin Pour la science,
1997.
[5] cit sur http://www.ac-poitiers.fr/arts_p/B@lise14/pageshtm/page_4.htm.
[6] Jean-Pierre Adam, Le pass recompos: chronique darchologie fantasque, ditions du
Seuil, 1998, cit par Jean-Paul Delahaye. Martin Gardner a procd de mme avec
Washington Monument, oblisque en lhonneur du premier prsident amricain (Fads and
Falacies in the name of science, 1957). Voir lencadr.

[7] http://www.ac-poitiers.fr/arts_p/B@lise14/pageshtm/page_4.htm.
[8] Le nombre dor, Gallimard, 1931, rdit en 1959.
[9] http://www.ac-nice.fr/artsap/fichedocumen/nombredor.html.
[10] http://www.umcs.maine.edu/markov/GoldenRatio.pdf.
[11] Cerveau droit, cerveau gauche, cultures et civilisations, Plon, 1995.
[12] Ibid, page 290.
[13] Don Neroman, Le nombre dor, cl du monde vivant.
Mis en ligne le 30 novembre 2007

Le nombre d'or dans l'architecture grecque : mythe ou ralit ?


Morgane Cariou et Adle Jatteau,
(lves ENS 1re anne, 2006)
L'ide que le nombre d'or est un lment dterminant de l'architecture grecque antique
est largement rpandue, et relaye par des arguments plus ou moins scientifiques. C'est
cette ide que tente d'interroger cet article en inspectant les sources antiques et les
commentaires contemporains.
Filles des nombres dor, - Fortes des lois du ciel, - Sur nous tombe et sendort - Un Dieu
couleur de miel. Cantique des Colonnes, Paul Valry
Le nombre d'or est un nombre gal (1+5)/2, soit environ 1,618 et correspond une
proportion considre comme particulirement esthtique. Il apparat dans la pense grecque
avec Pythagore, au tournant du VIme et du Vme sicle avant J.-C., mais Euclide, dans ses
Elments, est le premier dvelopper une thorie de ce nombre dans le passage o il tente de
dfinir la faon la plus logique de couper harmonieusement un segment en deux parties
ingales.
Cette proportion, pour de nombreux artistes comme Lonard de Vinci ou encore Le Corbusier
- pour ne citer que les plus clbres -, donnerait la clef de lharmonie dune uvre dart. Cette
croyance est dautant plus largement rpandue depuis la parution dans les annes 1930 du
livre du Roumain Matila Ghyka intitul Le Nombre dOr. Pour cet auteur, les artistes grecs de
l'Antiquit utilisaient dlibrment le nombre dor, ou section dore, pour dclencher
lmotion du spectateur. Cela expliquerait que la statuaire et larchitecture de la Grce
classique - le Parthnon, les Propyles - sadressent si merveilleusement nos sens. Et Valry
fut un des fervents admirateurs de Ghyka, convaincu aisment de la vracit de ses thses.
Mais dans quelle mesure ny a-t-il pas l un mythe architectural? Trouve-t-on rellement la
proportion divine dans larchitecture grecque ?
1/ Quelques proprits mathmatiques
La dfinition gomtrique de la section dore par Euclide est celle qui coupe un segment a + b
en tablissant une relation telle que : (a + b)/a = a/b. Il lappelle proportion de moyenne et
dextrme raison (fig. 1).
Dsign par la lettre grecque _ en lhonneur du sculpteur grec Phidias, qui laurait utilis pour
concevoir sa statue dAthna dcorant le Parthnon, le nombre dor est un nombre algbrique
incommensurable, irrationnel, aux caractristiques uniques : - cest la racine positive de
lquation x2 - x - 1 = 0 - pour calculer le carr du nombre dor, il suffit de lui rajouter 1 : _ +
1 = _2 - pour calculer linverse du nombre dor, il suffit de lui retrancher 1 : _ - 1 = 1/_
La clbre suite de Fibonacci, mathmaticien du XIIIme sicle, entretient des liens troits
avec _. Elle est construite sur la raison suivante : chaque nombre de la suite sobtient en
additionnant les deux nombres prcdents de la suite. Ainsi la suite partant de 0 est : 1, 1, 2, 3,
5, 8, 13, 21, 34... Or le rapport entre deux termes qui se suivent tend de plus en plus
prcisment vers _ : 5/3 = 1,666, 13/8 = 1,625, 144/89 = 1,6179... Dautre part, on retrouve la
suite de Fibonacci dans les puissances de _ : _3 = _2 + _ = 2_ + 1 _4 = _3 + _2 =
(2_+1)+(_+1) = 3_ + 2 _5 = 5_ + 3 _6 = 8_ + 5 _7 = 13_ + 8 _n = _n-1 + _n-2 Chaque terme
de la srie est gal la somme des deux termes prcdents et les coefficients sont les nombres
de la suite de Fibonacci.
En gomtrie, le nombre dor sert la construction de diverses figures, et notamment du
pentagone toil et du pentagone convexe (pentagramme), figure de rfrence et signe de
ralliement des pythagoriciens. Le pentagone rgulier est une figure d'or car la proportion entre
une diagonale et un ct est le nombre d'or: AC/AD = _ (fig. 2). . Le triangle ABC et le

triangle ACD sont tous deux des triangles isocles dont les longueurs des cts sont dans le
rapport du nombre d'or : ce sont deux triangles dor (fig. 3).
2/ _ dans larchitecture grecque
Le cas le plus flagrant est peut-tre celui du thtre d'Epidaure, construit en Grce la fin du
IVme sicle avant J.-C. Il y a en effet 55 gradins rpartis en deux sries de 34 et 21 rangs ; or
ce sont trois nombres successifs de la suite de Fibonacci et les rapports 34/21 et (34+21)/34
sont trs proches du nombre d'or. Les gradins semblent donc partags en "extrme et moyenne
raison" (fig. 4).
A Delphes, la prsence de la suite de Fibonacci, dj remarque dans des temples du Vme
sicle, a t mise en vidence dans la Tholos de Marmaria, dont les colonnes ont t
implantes grce des polygones inscrits dans un cercle - une figure parfaite selon la thorie
des Pythagoriciens, car sa composition est rgulire (fig. 5). La faade du Trsor de Cyrne,
selon une nouvelle restitution, est inscrite dans un carr dcoup en rectangles dont les
rapports seraient proche du nombre _ (fig. 5).
La rfrence au nombre dor a galement t suppose dans la construction du temple dit de
Hra II Poseidonia (Lucanie), dont la faade sinscrit dans un ensemble de pentacles assez
complexe.
Le plus clbre des monuments tudis sous le rapport du nombre dor est le Parthnon. Pour
ce monument, J. Hambidge, F. Lund et E. Moessel, principaux auteurs avoir cherch la
Divine Proportion dans larchitecture grecque, restituent 3 types de tracs gomtriques
diffrents, mais qui font tous appel au rapport (1+5)/2. Ainsi F. Lund voit dans la faade un
pentagone rgulier et un pentagramme inscrits dans un cercle, lui-mme inscrit dans un carr.
Le problme est que lon pourrait tracer bien dautres figures partir des plans de tous ces
monuments et que le nombre d'or semble tre prsent au mme titre que d'autres chiffres trs
frquents (fig. 6).
3/ Le nombre dor, un mythe?
Le diplomate roumain Matila Ghyka, dans Le Nombre d'or, sautorise de ces travaux pour
fonder larchitecture grecque sur le rectangle module _. Nombre dauteurs, dans son sillage,
ont t sduits par cette thse qui s'appuie sur les pythagoriciens, et ont eu recours la section
dor pour raliser leurs oeuvres.
Pourtant, selon Marguerite Neveux, ce mythe ne rsiste pas un examen attentif : par
exemple, Ghyka se fonderait sur des mesures approximatives. La preuve en est que pour
trouver le rectangle dor dans la faade du Parthnon, il est oblig de prendre quelques
marches en plus de la faade elle-mme.
De plus, Ghyka est conduit une gnralisation abusive de sa thorie toute larchitecture
grecque et mme larchitecture gyptienne, alors que lide mme de nombre dor apparat,
avec la notion de proportion, seulement partir de la gomtrie grecque (VI-Vmes sicles
avant J.-C. en Italie du Sud).
Nest-il donc pas plus prudent de substituer la notion de proportion celle, plus systmatique,
plus biaise, de nombre dor?
En effet, le recherche de proportions harmonieuses, que ce soit en architecture, dans la
sculpture ou mme dans le monde, est inhrente la civilisation grecque. Pythagore, laube
du sicle de Pricls, a fond une cole de pense base sur les nombres et leurs rapports qui a
largement influenc la mentalit grecque. En attribuant un nombre chaque chose, les
pythagoriciens font du nombre le concept central de la nature. Ainsi lit-on dans Jamblique :
les acousmaticiens (lves des pythagoriciens), dont tait responsable Hippase, ont dit du
nombre quil est le modle premier de la cration de lunivers. On le voit donc, le nombre

est au centre de la pense grecque, et ce ds l'poque de Pythagore.


C'est pourquoi on peut relever sans crainte dinterprtation abusive la rcurrence de
proportions supposes harmonieuses dans les monuments du sicle de Pricls, et notamment,
si lon en croit le thoricien latin Vitruve, dans son livre intitul De architectura, le module
5. Les architectes grecs travaillaient partir d'unit modulaire ou modulus, cest--dire du
rapport, unique de prfrence, qui permet dtablir des relations numriques entre toutes les
mesures dun difice et lensemble. Selon Vitruve qui en parle longuement, lorigine du
systme modulaire se trouverait dans les proportions du corps humain, dont les membres
seraient commensurables entre eux : 1 pied = 1/6 de la taille dun homme, qui serait ellemme gale la largeur de ses bras tendus lhorizontale (= 1 brasse). La colonne dorique
devait faire, lors de sa cration, une hauteur gale 6x son diamtre, alors que la colonne
ionique, sentie comme une silhouette fminine plus lance, devait faire 8x son diamtre en
hauteur. Cest grce ce systme rationnel de proportions ou analogia, qui rgit tout le
btiment, quon peut atteindre lharmonie perceptible lil comme la musique loreille.
En somme, le nombre d'or est une ralit mathmatique, dcouverte par les Pythagoriciens et
connue, selon toute vraisemblance, des architectes grecs. L'ensemble des monuments qui ont
survcu au temps tmoigne indniablement d'une attention aux proportions qui va jusqu'
l'utilisation de lgres distorsions architecturales visant crer des effets d'optique allant dans
le sens d'une plus grande harmonie encore. Mais l'ide que le nombre d'or est, pour ainsi dire,
la pierre angulaire de l'architecture grecque relve d'une systmatisation exagre,
historiquement date. Quant aux calculs vitruviens, ils restent thoriques, et il est rare, dans la
pratique, darriver reconstituer de manire convaincante le systme modulaire dun
monument. Il est prfrable d'tablir ici que l'architecture grecque tmoigne d'une recherche
de rapports harmonieux et rguliers.
Bibliographie slective
1/ Sources antiques :
1 -P. Dumont, Les Prsocratiques, Paris, 1988, La Pliade. Platon, Thtte, GF, 1995.
Vitruve, De l'architecture, Paris, 1969-2004, Les Belles Lettres.
2/ Ouvrages gnraux sur l'architecture grecque :
Marie-Christine Hellmann, LArchitecture Grecque T1, Les manuels dArt et dArchologie
Antiques, 2002. Roland Martin, L'Art Grec, Livre de Poche 1994
3/ Ouvrages concernant la question du nombre d'or dans l'architecture :
Matila C. Ghyka, Le Nombre dOr, Gallimard, 1976. Marguerite Neveux, Le Mythe du
Nombre dOr, La Recherche, n278, Juillet/aot 1995.
4/ Sources web :
http://trucsmaths.free.fr/nombre_d_or.htm

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