Resilience
Resilience
Resilience
Senata Kone
THÈSE
Présentée par : Senata KONE
Soutenue le : 29 Novembre 2021
La résilience organisationnelle :
métaphore ou réalité ?
Au terme de ce travail, j’aimerais rendre hommage à tous ceux qui ont été artisans de
cet accomplissement.
Mes remerciements s’adressent premièrement à mes deux directeurs de recherche, prof.
Rym Hachana et Prof. Yvon Pesqueux pour l’opportunité qu’ils m’ont donnée en m’accordant
leur confiance, leur énergie et leur temps pour la réalisation de ce travail. L’aboutissement de
cette thèse est le résultat du travail de l’équipe que je forme avec eux.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers madame Rym Hachana, professeur
de l’enseignement supérieur et directrice du laboratoire RIGUEUR, pour son encadrement, sa
rigueur scientifique, son sens de l’écoute, sa bienveillance, sa patience et pour ses conseils
avisés qu’elle m’a généreusement prodigués durant tout mon parcours doctoral. La confiance
qu’elle a eue en moi et en mes capacités dès le premier jour a été déterminante dans les
moments difficiles de ce parcours.
J’exprime mes vifs remerciements à monsieur Yvon Pesqueux, Professeur du CNAM,
Chaire « Développement des Systèmes d’Organisation » pour sa perspicacité, son implication,
son humilité, sa spontanéité et sa disponibilité, qui ont joué un rôle majeur dans
l’aboutissement de ce travail. Je le remercie d’avoir dirigé ce travail avec dévouement et
passion.
J’exprime mes sincères remerciements aux membres du jury qui ont accepté d’évaluer
mon travail, leurs remarques et conseils constitueront, j’en suis sure, un apport pour
l’amélioration de cette recherche.
J’adresse un grand merci à Mr Raouf Ben Ltaifa, directeur de MTI et à Mr Zakaria
Ben Yahia, DRH de Parenin pour leur accueil chaleureux et l’intérêt manifesté vis-à-vis de ma
recherche. Sans eux, la partie empirique de ce travail n’aurait pas pu se faire. Je profite
également pour remercier tous les employés de ces deux entreprises qui ont eu la gentillesse de
répondre à nos questions pendant l’investigation empirique.
La résilience organisationnelle (RO) semble être « la clé de voûte » qui permet aux
organisations de s’en sortir face aux crises (Frimousse & Peretti, 2021). Cependant, malgré
l’engouement qui s’illustre par la prolifération des travaux sur la thématique de la RO, le
concept demeure encore complexe et sans fondements théoriques solides (Therrien, 2010 ;
Teneau, 2017).
Par ailleurs, le concept de résilience organisationnelle est apparu suite aux travaux sur
la résilience individuelle, or cette dernière se situe dans une approche psychologique et clinique.
Les travaux qui traitent de la dimension organisationnelle, qui elle, relève des sciences de
gestion ne se sont jamais intéressés à la manière dont on passe de la dimension individuelle à
la dimension organisationnelle de résilience.
Face à ces lacunes, nous cherchons au travers de ce travail à mener une discussion autour
de la résilience organisationnelle en l’appréhendant sous l’angle de la métaphore
organisationnelle (Morgan, 1980) et plus précisement la métaphore de l’apprentissage
organisationnel par socialisation (Nonaka et Takeushi, 1997). La problématique de notre
recherche se formule comme suit :
Organizational resilience (OR) seems to be the « keystone » that allows organizations to cope
with crises (Frimousse & Peretti, 2021). However, despite the hype illustrated by the
proliferation of work on the topic of OR, the concept still remains complex and without a solid
theoretical foundation (Therrien, 2010; Teneau, 2017).
Furthermore, the concept of organizational resilience emerged following work on individual
resilience, which is situated in a psychological and clinical approach. The work that deals with
the organizational dimension, which is the responsibility of the management sciences, has never
focused on the way in which we move from the individual dimension to the organizational
dimension of resilience.
Faced with these shortcomings, we seek in this work to lead a discussion on organizational
resilience by looking at it from the angle of the organizational metaphor (Morgan, 1980) and
more specifically the metaphor of organizational learning through socialization (Nonaka &
Takeushi, 1997). Our research question is formulated as follows :
How does the concept of metaphor underpin or not underpin the understanding of the shift
from an individual logic to an organizational logic of resilience?
Our goal is to understand whether organizational resilience is an analogical metaphor for the
concept of organizational learning (Nonaka & Takeushi, 1997). If this hypothesis is true, then
it would mean that organizational learning through socialization is the other name for
organizational resilience and therefore, a resilient organization is likely a learning organization.
If not, it would mean that organizational resilience dosn’t exist.
The exploratory nature of our research implies the adoption of a qualitative research method
and a constructivist epistemological posture through the deployment of grounded theory. Our
study context is Tunisian. We conducted the empirical investigation from a pilot case study
carried out in the company MTI, we then completed it by an investigation within Parenin in
order to answer our research question within the framework of the crisis that these two
companies undergo these last years.
Our results show, that organizational resilience is a mythical and not an analogical metaphor
(as we initially thought) of organizational learning. In other words, in the companies studied,
employees are learning individuals, but not the companies themselves. Learning remains at an
individual level because there is no clear commitment to socialization that would involve
institutionalizing employees' tacit knowledge. In other words, there is no capitalization, nor
management or dissemination of this knowledge on an organizational scale. On the contrary,
our results show the presence of a policy of capitalization of explicit knowledge acquired
through procedure manuals and training programs.
Our results also show the emergence of other metaphors rooted in the study contexts. These are
the resources metaphor and the competencies metaphor whose conceptualization gives rise to
the dynamic capabilities metaphor. At the end of the discussion, it appeared that organizational
resilience is more an analogical metaphor of dynamic capabilities than of organizational
learning.
CHAPITRE V : Présentation des résultats de l’analyse des données collectées ................ 182
Introduction du chapitre 5 .................................................................................................. 183
Section 2 : Présentation des résultats de l’analyse des données du cas Parenin (cas 2) . 193
Section 1 : Présentation des résultats de l’analyse des données du cas MTI (cas 1) ...... 184
Conclusion du chapitre 5 ..................................................................................................... 218
Bibliographie......................................................................................................................... 266
ANNEXES ............................................................................................................................. 281
Liste des tableaux
2
organisationnel est au-delà du niveau individuel (Weick & Daft, 1984 ; Choo, 1995 ; Nonaka
& Takeushi, 1997). Pour Simon (1965), l’être humain est plus limité que l’organisation. Il
estime que les capacités cognitives limitées des êtres humains expliquent pourquoi les
organisations sont des instruments nécessaires et utiles à la réalisation d’objectifs plus vastes.
A ce stade, il apparaît important de préciser notre problématique, formulée comme suit :
Comment le concept de métaphore fonde-t-il ou pas la compréhension du passage d’une
logique individuelle à une logique organisationnelle de résilience ?
Les questions de recherche sous-jacentes à cette problématique sont les suivantes :
1. Peut-on réellement parler d’une résilience organisationnelle en soi ?
2. Comment les capacités individuelles de résilience conduisent-elles aux capacités de
résilience organisationnelle ?
3. Sommes-nous en droit de considérer l’AO comme étant le comparant de la RO ?
4. Quel modèle explicatif de la résilience organisationnelle en résulte-t-il?
2. Contextualisation
La Tunisie a connu un tournant historique le 14 janvier 2011, date de la révolution qui
marque à la fois le mouvement du printemps arabe et la fin de la dictature en place depuis plus
de 25 ans (Daguzan, 2011). Le pays est ainsi passé « du silence au bruit et à la parole, du calme
à la tempête, de la peur à la liberté, de l’écrasement au débordement des digues » (Dakhli,
2011). La parole libérée, les tunisiens sont pleins d’espoir quant à l’avenir de leur pays qu’ils
imaginent devenir démocratique et prospère dans un futur proche afin de palier au chômage et
aux inégalités sociales qui font partie des causes principales de la révolution. Mais le temps
passe et le pays se trouve confronté à des bouleversements politiques et sociaux, marqués par
des revendications sociales multiples (Ben Rhouma et Koleva, 2020). Dans ce contexte miné
par l’incertitude de l’environnement socio-économique et politique, la pérennité des entreprises
est menacée. Notons également que la crise tunisienne se caractérise par sa longue durée et par
la récurrence des évènements imprévus qui se succédent au cours du temps (Chaabouni et al.,
2015) et qui sont à la fois de nature interne (instabilité socio-politique et actions collective sous
forme de revendications, grèves, etc.) et externe (environnement très compétitif, crise sanitaire
mondiale). Néanmoins, les travaux sur le sujet de la résilience organisationnelle montrent que
les entreprises les plus résilientes dans le contexte de crise post-révolutionnaire sont les
entreprises familiales (Chaabouni et al., 2014, 2015 ; Mzid, 2015; Marouane & Chtourou,
2015 : Hammouda, 2018). Ces travaux soutiennent « la surperformance des entreprises
3
familiales par rapport aux entreprises non familiales dans un contexte de crise économique
engendrée par la révolution tunisienne de 2011 » (Hammouda 2018).
Notre recherche part de ce discours déclaratif pour observer deux de ces entreprises afin
de comprendre s’il s’agit réellement de résilience organisationnelle ou si ce que les auteurs
appellent résilience n’est que l’ombre de celle-ci, c’est-à-dire une métaphore organisationnelle.
La résilience organisationnelle souffre de certaines lacunes qui justifient le recours et la
pertinence de l’approche métaphorique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la littérature
montre que le concept de résilience organisationnelle se trouve encore confronté à certains défis
aussi bien théoriques qu’empiriques. En effet, le concept souffre d’une complexité due au
manque de consensus concernant sa définition et son observation (Thérrien, 2010 ; Teneau,
2017). Ses mécanismes de fonctionnement ne sont pas toujours explicites. La thématique de la
résilience organisationnelle reste un champ de recherche très actif, en témoignent les nombreux
travaux de ces dernières années. Il y a de nombreuses généralités, approches et écrits dans le
champ de la résilience organisationnelle, mais il n’y a cependant, aucune véritable théorie qui
la fonde en sciences de gestion (Teneau, 2017) plus de vingt après l’apparition du concept. De
manière pratique. Ainsi, malgré l’intérêt grandissant qui lui est accordé, le concept reste difficile
à opérationnaliser (Bauweraerts & Colot, 2014) car dans la pratique, la notion de résilience
organisationnelle demeure encore incomprise et floue. La résilience organisationnelle demeure
ainsi un concept en débat (Lee al., 2013 ; Téneau, 2018).
Par ailleurs, le contexte post-révolutionnaire tunisien cadre bien avec notre
problématique de recherche, d’autant plus que la pérennité des entreprises tunisiennes est mise
à mal avec la crise socio-économique qui sévit dans le pays depuis la révolution (Ayari, 2011).
Etudier la résilience organisationnelle dans ce contexte pourrait aboutir à la construction d’un
modèle intelligible de la thématique, ce qui constituerait un apport majeur pour ce travail de
recherche.
L’orientation de notre problématique s’inscrit non seulement dans l’actualité
scientifique, mais constitue aussi une vision nouvelle et originale de la thématique de la
résilience organisationnelle. La question de recherche s’intéresse à la manière dont on passe
d’un état 1 (dimension individuelle) à un état 2 (dimension organisationnelle). Dans ce travail,
nous adopterons une approche métaphorique pour élucider la question de recherche, la
résilience et la métaphore organisationnelle étant deux thèmes d’actualité. En effet, la pandémie
de coronavirus a rehaussé l’engouement pour la problématique de la résilience. La revue
Défense Nationale a consacré un numéro spécial au thème « Covid-19 : résilience et rebond ».
4
De même, en sciences de l’information, la revue I2D a publié un numéro spécial en 2020,
intitulé « Intelligence économique, Covid, Résilience et Territoires ». Enfin, la révue « Question
de management » a consacré sa 35ème édition de 2021 à la résilience sous le thème « questions
de résilience ». Cette recherche s’intéresse également à la métaphore organisationnelle, un
concept qui regagne de l’intérêt (Martinet et Pesqueux, Pesqueux, 2020). L’appel à
contributions lancé une première fois en 2019 pour l’année 2020 et une seconde fois en 2020
pour l’année 2021 par la Revue Française de Gestion sur le thème « métaphores d’hier et
d’aujourd’hui » qui reste sans suite jusque-là, démontre l’engouement, mais aussi la difficulté
rattachée à la thématique de la métaphore qui fait son retour dans les sciences de gestion.
Le dernier élément qui justifie la pertinence de la problématique de cette recherche se
rapporte au manque de travaux aussi bien théoriques qu’empiriques traitant de l’articulation
entre le concept de résilience organisationnelle et celui de la métaphore organisationnelle.
3. Intérêts et objectifs de la recherche
Nos objectifs peuvent être classés en trois catégories.
- Sur le plan théorique : nous ambitionons de proposer une approche discursive de
la RO en recourant à une triangulation théorique pour comprendre la RO sous le prisme de la
métaphore de l’apprentissage organisationnel, particulièrement à travers l’approche de Nonaka
& Takeushi (1997). Ainsi, nous avons pour projet de construire une approche de la résilience
organisationnelle à travers le concept de métaphore organisationnelle.
- Au niveau conceptuel : grâce à une triangulation théorique ou conceptuelle, nous
avons pu ressortir les propositions de recherche suivantes : (1) première proposition (P1) : la
transformation des capacités individuelles de résilience en capacités organisationnelles résulte
d’un processus de transport par la rhétorique ; (2) deuxième proposition (P2) : la transformation
des capacités individuelles de résilience en capacités organisationnelles résulte d’un processus
de transport par réification au regard du mythe individualiste qui considère que des employés
compétents équivalent à une organisation compétente. Ainsi, avoir des individus résilients
donnerait lieu à une organisation résiliente. La présente thèse discute ainsi le postulat
individualiste sous-jacent à l’essentiel des travaux de recherche dans le champ de la résilience
organisationnelle tout en défendant une approche holiste de la question ; et (3) troisième
proposition (P3) : le passage d’une logique individuelle à une logique organisationnelle de
résilience s’effectue par un processus d’apprentissage individuel comme fondement de
l’apprentissage organisationnel par socialisation du knowing.
- Sur le plan managérial : nous cherchons à aider les managers à comprendre et à
5
mettre l’accent sur l’apprentissage organisationnel comme levier de résilience des
organisations. Nous cherchons aussi par-là à leur offrir un « effet miroir » des pratiques
managériales dans l’optique de déceler et encourager les bonnes pratiques qui assurent la
pérennité de l’organisation, mais éventuellement à faire ressortir les mauvaises pratiques ou
erreurs qu’il convient de corriger pour assurer la viabilité de l’organisation.
- Sur le plan de l’impact, obligation mis en avant aujourd’hui dans les débats
internationaux sur la recherche en sciences de gestion et par les organismes d’accréditations,
nous corrélons la création de savoir envisagée dans la thèse aux Objectifs de Développement
Durable des Nations Unies n°4 et 9 qui concernent respectivement « l’accès à l’éducation et la
promotion de l’innovation », ainsi qu’aux objectifs de formations qualifiées ayant pour support
la technologie et l’innovation de l’agenda 2063 de l’UA.
4. Validation empirique
La validation empirique s’inscrit dans une approche constructiviste qui s’appuie sur une
démarche exploratoire et recourt à une méthodologie qualitative basée sur 31 entretiens semi-
directifs menés de Mars à Octobre 2020. Les entretiens ont fait l’objet d’une retranscription
intégrale et ont donné lieu à un ensemble de mots qui a permis de dégager un codage émergent
dans la phase d’analyse. Ceci nous a permis d’analyser les propositions de recherche et
d’effectuer un retour sur la littérature inspiré des principes de la « grounded theory » (Strauss
& Corbin, 2004). Les critères de validité reposent par conséquent sur les fondements de la
« grounded theory » tels que préconisés par Strauss & Corbin (2004). Notre investigation
empirique a été menée dans deux entreprises tunisiennes appartenant à un même groupe
familial.
5. Positionnement épistémologique, méthodologie et techniques de recueil des
données
Pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, nous avons opté pour une
démarche fondée sur le plan théorique, épistémologique et méthodologique. La cohérence entre
ces trois pôles constitue le chemin qui mène à la connaissance et c’est une condition à respecter
pour produire un savoir pertinent (De Bruyne et al., 1974).
Cette thèse s’inscrit dans le courant du constructiviste pragmatique (Gavard-Perret et
al., 2012).
La visée principale de ce travail est d’apporter une contribution à la compréhension de
la résilience organisationnelle traitée dans une perspective holistique sous l’angle de la
métaphore organisationnelle. Plus précisément, nous aspirons à comprendre le concept
6
complexe de résilience organisationnelle au travers d’un concept plus explicite, mieux maitrisé
et élucidé dans la littérature (Morgan, 1980). Nous adoptons pour cela une méthodologie
qualitative dont le but est l’exploration d’un contexte de crise lié à un environnement socio-
politique incertain qui affecte les entreprises, objet de notre investigation empirique.
Notre recherche est une étude de cas multiple (cas étudiés) dans le projet d’une
réplication littérale : il s’agit de chercher la même chose dans des cas différents.
L’exploration s’est déroulée en deux étape : une première exploration a été réalisée à
MTI, une entreprise exportatrice de produits Caterpillar vers la Lybie, à travers uniquement des
entretiens semi-directifs auprès de dix employés. La seconde exploration a été réalisée à
Parenin, une entreprise concessionnaire Caterpillar, avec des entretiens semi-directifs auprès de
dix-neuf employés occupants différents postes dans l’entreprise. Pour réaliser cette exploration,
une triangulation théorique (la résilience organisationnelle, la métaphore organisationnelle et
l’apprentissage organisationnel) et une triangulation empirique ont été menées. La triangulation
empirique est basée sur le recours partiel aux catégories de la « grounded theory » (Strauss &
Corbin, 2004).
Nous avons eu recours à différents outils de collecte des données, à savoir, les entretiens,
l’observation participante, les notes de terrains et l’analyse documentaire. Ces outils ont permis
de donner de la profondeur aux résultats et de l’ampleur à l’interprétation et à la discussion.
6. Architecture de la thèse
Cette thèse comprend deux grandes parties. La première partie concerne la révue de la
littérature et regroupe les trois premiers chapitres qui ont trait à la revue de la littérature et au
construit théorique, tandis que la seconde partie concerne le volet empirique et comprend les
trois derniers chapitres qui traitent de la partie design, analyse, discussion des résultats et
conclusions
Le chapitre 1 s’intitule « De la résilience individuelle à la résilience
organisationnelle ». Dans une première section, nous nous intéresserons à l’émergence,
l’évolution et à la définition du concept de résilience. Dans une seconde section, nous nous
focaliserons sur le concept de résilience organisationnelle et plus particulièrement sur sa portée
pour le management d’aujourd’hui.
Le chapitre 2 a pour titre « La métaphore organisationnelle : Parcours de
légitimation d’un concept qui divise ». La première section sera consacrée aux fondements
philosophiques et linguistiques de la métaphore. La seconde section sera consacrée à l’utilité
de la métaphore organisationnelle, dans les sciences et l’étude des organisations.
7
Le chapitre 3 s’intitule « Résilience organisationnelle et métaphore
organisationnelle : propisition d’un modèle théorique ». La première section s’intéressera à
l’importance, au parcours historique et à l’ancrage du concept d’apprentissage organisationnel.
La seconde section quant à elle s’intéressera au statut métaphorique de l’apprentissage
organisationnel et la construction du lien avec la résilience organisationnelle.
Le chapitre 4 est intitulé « Cadre méthodologique et opérationnel de la
recherche ». La première section de ce chapitre présentera les aspects épistémologiques et
méthodologiques de la recherche. La seconde section sera consacrée à l’étude d’une situation
de crise.
Le chapitre 5 a pour titre : « Présentation des résultats de l’analyse des données
collectées ». Dans la première section, nous présenterons les résultats de l’analyse des données
du cas 1 (MTI) et dans une seconde section, nous exposerons les résultats de l’analyse des
données du cas 2 (Parenin).
Le chapitre 6 s’intitule « Interprétation, discussion et élaboration des
conclusions ». La première section de ce chapitre discutera de l’apprentissage organisationnel
comme une métaphore mythique de la résilience organisationnelle. La seconde section sera
consacrée à la résilience organisationnelle comme une métaphore des capacités dynamiques.
8
Première partie :
Revue de littérature, discussion et
problématisation autour d’un concept
polysémique
9
CHAPITRE I : De la résilience individuelle à la
résilience organisationnelle
10
Introduction du chapitre 1
Le concept de « résilience » apparaît en sciences physiques au 18ème siècle pour
exprimer la capacité de résistance d’un matériau à un choc ou une pression. En effet, en 1973,
le physicien Holling se penche sur ce concept qu’il met en lien avec les sciences naturelles, plus
précisément avec l’écologie et l’environnement.
Le concept réussit par la suite à s’imposer en psychologie grâce aux travaux des
psychologues américains (Werner & Smith 1982 ; 1992) qui emploient à leur tour la notion de
résilience individuelle ou psychologique pour qualifier une certaine catégorie d’enfants qui
malgré les conditions précaires de vie ont réussi à devenir des adultes responsables et affranchis.
Leurs travaux constituent le point de départ d’une multitude de recherches sur le thème de la
résilience en psychologie.
Depuis la publication de Holling (1973), l’intérêt pour la thématique de la résilience
organisationnelle s’est manifesté auprès des gestionnaires.Cependant, c’est depuis l’avènement
de la crise financière globale de 2008 que le sujet a atteint un niveau d’intérêt sans précédent
dans le champ managérial (Sheffi & Rice 2005 ; Annarelli & Nonino 2016).
L’attrait pour ce thème est né suite à la fragilité et à la vulnérabilité des organisations
face aux perturbations (terrorisme, catastrophes naturelles, humaines ou technologiques et
crises de différentes natures) de l’environnement dans lequel elles évoluent (Therrien, 2010 ;
de Bovis, 2009 ; Sawalha, 2015). En effet, peu de travaux se sont penchés sur les facteurs qui
permettent aux organisations de réussir en dépit des crises ou catastrophes (Lee et al., 2013).
La littérature sur la résilience vient remédier à cette lacune en se focalisant sur les
caractéristiques des organisations qui survivent et prospèrent malgré un contexte défavorable
(Seville et al., 2008).
Selon Vogus & Sutcliffe (2007), le questionnement qui a donné naissance au concept
de résilience organisationnelle est le suivant : pourquoi certaines organisations et institutions
arrivent-elles à maintenir leur fonctionnement et leur structure dans un environnement miné par
des secousses et autres perturbations ? Autrement dit, pourquoi certaines organisations périssent
et disparaissent tandis que d’autres prospèrent et s’accroissent en terme de ressources et sont
même prêtes à affronter d’autres défis ? La résilience organisationnelle permet de comprendre
pourquoi face aux crises et autres évènements inattendus, certaines organisations s’en sortent
et prospèrent pendant que d’autres s’effondrent et disparaissent (Weick & Sutcliffe, 2001 ;
Seville et al., 2008 ; Bégin & Chabaud, 2010 ; Koninckx & Teneau, 2010).
Ce chapitre est organisé en deux sections. Nous allons nous intéresser à la littérature
11
relative à l’émergence, l’évolution et la définition du concept de résilience individuelle dans
une première section. Dans une seconde section, nous allons nous attarder largement sur les
débats autour de la résilience organisationnelle.
12
Section 1 : Emergence, évolution et définition du concept de
résilience
Le concept de résilience a un parcours d’évolution qui mérite une attention particulière.
C’est pourquoi, nous allons dans un premier temps, nous pencher sur le concept de résilience à
l’épreuve du temps. Dans un second temps, nous allons nous intéresser au concept de résilience
individuelle comme un préalable à la compréhension de la résilience organisationnelle.
I. Le concept de résilience à l’épreuve du temps
La résilience, concept employé en physique et en mécanique a attiré l’attention des
chercheurs américains (Holling, 1973), anglais (Rutter, 1985) et français (Cyrulnik, 1999 ; 2001
; Teneau, 2011 ; 2017 ; Teneau & Lemoine, 2019).
Dans les paragraphes qui suivent, nous exposons tout d’abord le passage de la résilience
physique à la résilience écologique, puis le passage de cette dernière à la résilience individuelle
ou psychologique avant de passer à la définition de la résilience et de ses apports, notamment
pour le management des entreprises.
1.1. De la résilience physique à la résilience écologique
La résilience est définie par le Larousse comme une « caractéristique mécanique
définissant la résistance aux chocs d’un matériau ». Selon le Centre National de Ressources et
Textuelles et Lexicales (Cnrtl), la résilience est employée en physique et en mécanique pour
parler de la résistance à la pression ou au choc.
La résilience est employée en physique pour appréhender la « capacité d’un matériau à
revenir à son état initial après un choc » (Dauphiné & Provitolo, 2007: 116). Ce matériau
« fonctionne un peu comme un roseau par mauvais temps : il se penche, mais ne se brise pas
sous la pression, alors qu'un arbre, plus rigide, aurait brisé » (Hollnagel et al., 2009: 231). En
d’autres termes, le matériau fait à la fois preuve de flexibilité et de résistance qui lui permettent
de rester intact même après avoir été soumis à une forte pression.
Les premiers travaux de recherche qui se sont intéressés à la résilience sont d’origine
anglo-saxonne (Manciaux, 2001 ; Tisseron, 2009 ; Tomkiewicz, 2005). Ces travaux débutent
avec les recherches de Holling (1973). Il est le premier à mettre en relation les concepts de
résilience, d’écologie et d’environnement (Dauphiné & Provitolo, 2007 ; 2007 ; Vogus &
Sutcliffe, 2007 ; Annarelli & Nonino, 2016) avec l’article « Resilience and stability of
ecological systems » paru en 1973. Il appréhende la résilience et la stabilité comme deux types
de comportements adoptés par les systèmes, spécialement en écologie (écosystème) lorsqu’ils
subissent des perturbations. Holling (1973) définit la stabilité comme « la capacité d'un système
13
à revenir à un état d'équilibre après une perturbation temporaire. Plus il revient rapidement,
et avec le moins de fluctuations possible, plus il est stable » Holling (1973: 17). Selon cette
définition, la stabilité détermine la vitesse avec laquelle un écosystème revient à son état
d’équilibre. L’intérêt de la stabilité est donc de maintenir un degré faible de fluctuation. Quant
à la résilience, elle désigne un autre comportement des écosystèmes face aux variations
environnementales. Pour l’auteur, « la résilience détermine la persistance des relations au sein
d'un système et constitue une mesure de la capacité de ces systèmes à absorber les changements
de variables d'état, de variables motrices et de paramètres, et à persister encore » Holling
(1973: 17). Selon cette définition, la résilience mesure à la fois la capacité d’absorption et la
capacité de persistance dans le temps des écosystèmes malgré un contexte de variations ou de
changements écologiques. Un écosystème est alors résilient s’il absorbe les perturbations de
son environnement de manière à ne pas être ébranlé par celles-ci, mais à la surmonter en
persistant davantage. Le but ici est d’éviter la disparition ou l’extinction de l’espèce et de
favoriser sa persistance dans le temps. Pour ce physicien, les deux concepts semblent être
corrélés, puisqu’il démontre que, de nature, les écosystèmes sont instables et que cette
instabilité est favorable à l’émergence d’une grande résilience. Ainsi, l’auteur est d’avis que,
plus un écosystème est instable, plus il est résilient. Et plus un écosystème est stable moins il
est résilient. La stabilité et la résilience entretiennent ainsi une corrélation négative que Holling
(1973) juge nécessaire.
A l’instar de Holling (1973), Cumming et ses collaborateurs (2005) se sont penchés sur
la résilience écologique pour la définir comme « la capacité d’un système à maintenir son
identité ou ses caractéristiques lorsqu’elle fait face à un changement interne et/ou aux chocs et
turbulences générés par l’environnement externe » (Cumming et al., 2005 : 976). Cette
définition semble faire un rapprochement implicite entre et la résilience et la stabilité puisque
l’accent est mis sur la stabilité et non sur la persistance temporelle comme le conçoit Holling
(1973).
Les travaux de Holling (1973) donneront lieu à un élargissement des champs
d’application de la résilience notamment en psychologie, objet du paragraphe suivant.
1.2. De la résilience écologique à l’émergence de la résilience individuelle
A partir de la fin des années 1970, la résilience suscite un engouement sans précédent
en sciences sociales, plus précisément auprès des psychologues et cliniciens dans le cadre de
l’analyse du comportement infantile (Garmezy 1970 ; Werner & Smith 1982 ; Manciaux, 2001
; Tychey, 2001 ; Bégin & Chabaud 2010 ; Koninckx & Teneau, 2010). De nombreux travaux
14
ont ainsi contribué à l émergence de la résilience individuelle ou résilience psychologique.
L’étude de la littérature met en lumière deux concepts majeurs qui ont favorisé
l’apparition du concept de résilience en Psychologie (Tomkiewicz 2005 ; Koninckx & Teneau,
2010). Le premier est un concept « orphelin » dont la paternité n’a jamais été réclamée selon
Tomkiewicz (2005). Il s’agit du concept anglais « coping with » ou « coping » qui traduit
l’idée de « faire face » ou « vivre avec » son handicap (physique, mental ou chronique), son
traumatisme ou malheur tel que le stress, la maladie, la guerre (Tomkiewicz, 2005 ; Koninckx
& Teneau, 2010). Pour Tomkiewicz (2005), le deuxième concept (qui est français) est
« l’invulnérabilité », inventé par Koupernik & Anthony (1982). Les auteurs illustrent ce concept
par une poupée (le sujet) en acier (caractère invulnérable) capable de résister à toute chute
(l’agression) sur toutes sortes de sols (sable, béton, etc.,). Elle s’assimile ainsi à une force innée
liée à la personnalité qui permet à l’individu de ne pas sombrer tout au long de sa vie peut
importe le traumatisme. Koninckx & Teneau (2010) estiment que le second concept à l’origine
de la résilience en psychologie est celui de « vulnérabilité », une notion devenue un sujet de
recherche pour les psychologues et les cliniciens qui tentent de comprendre les facteurs
(personnels, affectifs, rationnels et environnementaux) qui rendent les individus vulnérables.
Pour ce faire, les psychologues et cliniciens se penchent sur l’enfance avec l’hypothèse que les
blessures occasionnées durant cette période pourraient expliquer les troubles du comportement
qui surgissent à l’âge adulte (Rutter, 1985 ; Garmezy 1970 ; Tisseron, 2007 ; Koninckx &
Teneau, 2010). Les études sur les enfants issus de mères schizophrènes ont joué un rôle
prépondérant dans l’émergence de la résilience de l’enfance dans la littérature anglo-saxonne
grâce aux travaux de Garmezy (1970), il est considéré comme l’un des premiers académiciens
à étudier la résilience. Il s’est intéressé aux facteurs qui pouvaient expliquer l’absence de
défaillances psychologiques chez la plupart des enfants issus de parents schizophrènes bien
qu’ayant grandis avec ces derniers. Ses travaux ont abouti à la conclusion qu'une certaine
qualité de résilience joue un rôle crucial dans la santé mentale de ces enfants, néanmoins,
aucune autre recherche n’a pu confirmer cette conclusion à l’époque (Coutu, 2002). Une dizaine
d’années plus tard, les psychologues américains Werner & Smith (1982) deviennent les
pionniers en matière de résilience et leurs travaux, constituent une véritable référence pour les
études sur la résilience individuelle (Manciaux, 2001a ; Tisseron, 2009b ; Kantur, 2015). Durant
leur étude qui a duré environ quarante ans, Werner & Smith (1982) cherchent à comprendre les
forces ou capacités protectives responsables ou non de deux comportements observés chez
deux catégories d’enfants : ceux qui s’adaptent positivement pour « s’en sortir » et ceux qui
15
n’y arrivent pas lorsqu’ils sont exposés à des conditions précaires de vie dès l’enfance. Ils
observent un échantillon de plus six cents enfants nés à Hawai en 1955, dans des conditions
difficiles : accès limité à l’école, familles pauvres, parents violents ou alcooliques. Cependant,
des années plus tard, un constat insolite survient : certains de ces enfants, précisément 29%
d’entre eux ont réussi à s’affranchir des difficultés pour réussir et devenir des adultes
responsables (Lengnick-Hall et al., 2011). C’est alors que Werner & Smith (1982) évoquent
pour la première fois le concept de « résilience individuelle » pour qualifier cette catégorie
d’enfants qui a réussi à s’en sortir socialement malgré les conditions défavorables de départ.
Par ailleurs, les études sur la résilience des individus gagnent du terrain et s’imposent
dans la littérature francophone grâce à l’ethnologue Boris Cyrulnik (1999 ; 2001 ; 2005) l’un
des auteurs connus en matière de résilience dans le contexte français, ainsi que des auteurs
comme Manciaux (2001a ; 2001b), Tomkiewicz (2005), Vanistendael (2005) et Anaut (2005 ;
2015). Comme ses collègue, Cyrulnik s’intéresse également à l’enfance avec la conviction que
« les enfants résilients peuvent nous apprendre à réduire les risques, à favoriser les
compétences et à réparer les développements altérés » (Cyrulnik, 1999 : 19). D’autres auteurs
comme Teneau (2011, 2017) se sont aussi spécialisés dans le champ de la résilience.
Ainsi, les concepts de « coping » et d’invulnérabilité/vulnérabilité, ont préparé le terrain
pour l’émergence de la résilience individuelle. Ces concepts, bien que séduisants et suscitants
de l’intérêt dans un premier temps (Tomkiewicz, 2005) ont fini par être évincés au profit de la
résilience dont le succès est immédiat aux Etats-Unis (avec les travaux de Werner & Smith,
1982) puis en Angleterre (avec les travaux de Rutter, 1985) et finalement dans la littérature
francophone (Manciaux, 2001; Cyrulnick, 2005 ; Tomkiewicz, 2005 ; Tisseron, 2009 ; Teneau,
2011). Contrairement à la vulnérabilité et au « coping » ou « to cope with » qui pourraient
traduire une certaine forme de condamnation à l’égard des victimes d’un malheur vis-à-vis de
leur sort, la résilience offre une porte de sortie, une échappatoire et l’espoir d’un meilleur
lendemain (Cyrulnik, 1999, 2001 ; Tomkiewicz, 2005). Ce qui ressort des écrits de ces auteurs
en matière de résilience individuelle est que le futur ou la fin des enfants vulnérables n’est pas
toujours aussi tragique comme on a tendance à le croire.
II. La résilience individuelle : un préalable à la compréhension de la
résilience organisationnelle
Dans cette partie, nous nous intéresserons tout d’abord aux différentes approches dans
un premier temps, avant de voir si la résilience individuelle est une capacité ou un processus.
Ensuite, nous nous intéressons aux facteurs qui participent à la construction d’une capacité de
16
résilience. Enfin, nous essayerons de mettre en lumière les apports de la résilience individuelle.
2.1. Les approches de la résilience individuelle
Tychey & Lighezzolo (2004) définissent trois grandes approches du concept de
résilience individuelle : l’approche par la théorie cognitivo-comportementaliste, l’approche
médicale en santé publique et l’approche psycho-dynamique.
2.1.1. L’approche cogntivo-comportementaliste
L’approche par la théorie cognitivo-comportementaliste se situe dans le champ de la
psychologie clinique. Cette approche met l’accent sur le processus cognitif qui permet de gérer
les concepts centraux de « stress » et de « coping » qui évoque l’idée de faire face et de s’ajuster
(Teneau, 2011). Dans cette perspective, la résilience est le résultat d’une attitude d’adaptation
positive de l’individu et le fait pour lui de réussir à être compétent en dépit des situations
stressantes auxquelles il doit faire face (Masten et al., 1990). Les actifs et les ressources
personnelles de l'individu lui permettent de s’adapter facilement tout au long de la vie,
l'expérience de la résilience étant susceptible d’évoluer (Windle, 2011 : 163). Cyrulnik (1999)
quant à lui, voit dans la résilience, une forme de « renaissance » qui n’est possible qu’après un
processus d’adaptation de l’individu à sa situation. Cette vision de la résilience met l’accent sur
la capacité d’adaptation de l’individu aux différentes situations stressantes qu’il rencontre au
cours de son existence.Tychey & Lighezzolo (2004) suggèrent, par ailleurs, de ne pas tomber
dans le piège de l’exagération en matière d’adaptation car ils estiment que la simple adaptation
aux petits soucis de la vie quotidienne ne suffit pas pour parler de résilience. Achor & Gielan
(2016) ne partagent pas totalement cette vision. Pour eux, la résilience n’est pas forcement la
capacité à endurer mais la manière dont un individu recharge ses batteries au quotidien. Pour
ce faire, ils suggèrent par exemple de prendre « une pause cognitive » tous les jours, en évitant
toute distraction (surtout celle liée au téléphone portable). Cette perception apporte un nouveau
regard sur la résilience individuelle puisqu’elle semble ne plus être seulement réservée au passé
douloureux ou aux grands traumatismes.
2.1.2. L’approche médicale en santé publique
L’approche médicale en santé publique, quant à elle, relève de la psychologie de la
santé et définit la résilience comme un processus dynamique progressif qui se bâtit au fur et à
mesure que l’individu interagit avec son environnement (Anaut, 2005).
En effet, il s’agit d’une approche clinique qui considère que tous les individus possèdent
des capacités de résilience, cependant, elles peuvent être latentes chez certains sujets. Selon
Anaut (2005; 2015), le précédent constat implique que tout individu est susceptible de devenir
17
résilient s’il reçoit l’aide ou l’accompagnement adéquat. Cet accompagnement se fait par des
professionnels de la santé publique comme les thérapeutes, les aides soignants, etc. Ces
professionnels constituent des « tuteurs de résilience », c'est-à-dire des personnes sur lesquelles
les individus peuvent compter ou s’appuyer pour le développement d’une capacité de résilience
face aux chocs ou traumatismes auxquels ils doivent faire face. Cette notion est plus développée
dans la suite de cette section.
L’objectif de cette démarche est d’activer le potentiel de résilience chez ces personnes.
La résilience est dans ce cas, stimulée par les personnes de l’environnement du sujet. Cette
approche est à notre sens, une lueur d’espoir pour la l’éradication ou à défaut la réduction des
cas sociaux que représentent les enfants ou personnes ayant subis des maltraitances familiales
et autres, les enfants de rue, les prisonniers, etc.
2.1.3. L’approche psycho-dynamique
L’approche psycho-dynamique est celle qui englobe les deux premières approches et
demeure la plus employée dans l’étude de la résilience selon Tychey & Lighezzolo (2004). Elle
considère la résilience comme un processus dynamique centré sur le sujet et l’analyse de « son
fonctionnement intrapsychique » (Anaut, 2005). La résilience est dans ce cas un phénomène
psychologique qui mobilise à la fois les capacités internes et du soutien externe (Charreire-Petit
& Cusin, 2013). Selon cette approche, pour parler de résilience il faut que deux conditions
soient réunies, à savoir la présence d'un traumatisme et une reprise du développement du sujet
confronté au trauma (Cyrulnik, 2001).
Dans les paragraphes précédents, nous remarquons que la résilience individuelle ou
psychologique est parfois définie comme une capacité et d’autres fois comme un processus.
Dans ce qui suit, nous essayerons de porter l’attention sur ce débat.
2.2. La résilience individuelle : capacité ou processus ?
En matière de définition de la résilience individuelle, il ya d’un côté ceux qui la
conçoivent comme une capacité et de l’autre côté, ceux qui la définissent en terme de processus.
Ce débat est l’objet de ce paragraphe.
2.2.1. La résilience individuelle comme une capacité
La résilience est tout d’abord perçue comme une capacité. A l’instar de Manciaux
(2001b : 50) pour qui, il semble avoir un consensus dans la littérature pour définir la résilience
« comme la capacité de l’individu de se construire et de vivre de manière satisfaisante malgré
les difficultés et les situations traumatiques auxquelles il peut être confronté au cours de son
existence ». Poletti & Dobbs (2001: 29) avancent que la résilience est « une capacité
18
fondamentale humaine. Tous les individus ont le pouvoir de se transformer et de transformer
leur réalité à condition de trouver en eux et autour d’eux les éléments qui leurs permettent de
créer cette capacité de résilience ».Vanistendael & Lecomte (2000 : 159) apportent une nuance
à cette conception en stipulant que : « la résilience n’est pas une caractéristique personnelle
au sens strict mais plutôt une caractéristique qui s’acquiert au travers de l’interaction de ce
dernier avec son environnement ». La résilience dans ce sens est un attribut ou une ressource
puisée à l’intérieur et à l’extérieur, c’est-à-dire dans l’environnement des sujets. Cette pensée
rejoint celle de Werner & Smith (1982, 1992) qui définissent la résilience comme la capacité
des personnes à outrepasser leurs conditions difficiles à partir non seulement de leurs qualités
personnelles, mais également, grâce aux ressources que leur fournit l’environnement. Dans cet
ordre d’idées, Bégin & Chabaud (2010) envisagent la résilience individuelle comme « la
capacité de l’individu à résister aux traumatismes, à rebondir face à l’adversité, à retomber
sur ses pieds malgré les déboires de sa vie » (Bégin & Chabaud, 2010: 129). Pour le
psychologue et clinicien Tychey (2001: 50), la résilience est une particularité psychique qu’il
décrit comme « la capacité de l’individu de se construire et de vivre de manière satisfaisante
malgré les difficultés et les situations traumatiques auxquelles il peut être confrontées ». La
résilience semble être assimilée à la résistance, ce qui suppose une certaine robustesse morale
de la part des sujets. Koninckx & Teneau (2010), quant à eux, ils proposent de distinguer deux
types de résilience. La résilience de type 1 qui exprime les aptitudes d’une personne à mobiliser
les ressources nécessaires pour retrouver un état d’équilibre antérieur au choc dans les limites
acceptables. La perspective temps, c’est le présent et le passé. Et la résilience de type 2 qui
exprime les aptitudes d’une personne à mobiliser les énergies nécessaires pour traverser la crise
et trouver un nouvel équilibre en rupture avec la situation antérieure. La perspective temps,
c’est le présent et le futur. La résilience de type 1 s’apparente à une force de résistance qui
permet de surmonter les chocs du passé pour mieux vivre le présent tandis que la résilience de
type 2 fait non seulement appel à la capacité de résister et de surmonter les épreuves mais
également à la capacité du sujet à se projeter dans le futur.
2.2.2. La résilience individuelle comme un processus
Même si la résilience est majoritairement perçue comme une capacité. Manciaux
(2001b) fait remarquer que cette capacité est le résultat d’un processus dynamique en constante
évolution, durant lequel l’ampleur du traumatisme peut amoindrir les ressources du sujet.
Pour Rutter (2012) même si certaines personnes peuvent faire preuve de résilience dans
plusieurs situations, cela n’est pas suffisant pour caractériser la résilience comme une capacité
19
car il estime qu’il s’agit d’un concept dynamique. Selon lui, « la résilience doit être envisagée
comme un processus et non comme un attribut fixe d'un individu » (Rutter, 2012: 335). La
résilience est alors « un processus dynamique qui engendre une adaptation positive dans le
contexte d'une adversité importante » (Luthar et al., 2000 ; Luthar & Brown, 2007 ; Windle,
2011 ; Kantur, 2015). La résilience pourrait être un « processus de reconstruction » qui « (...)
fait, notamment, appel aux qualités de ténacité de l’individu »(Charreire-Petit & Cusin, 2013:
150). Dans ce sens, la résilience s’applique à la reconstruction personnelle, notamment, sur le
plan professionnel comme dans le cas du « whistleblowing » c’est à dire la dénonciation de
pratiques illégales ou non éthiques à l’encontre d’une personne auprès d’autorités ou personnes
ayant le pouvoir de sanctionner de telles pratiques (Charreire-Petit & Cusin, 2013). Le
whistblower (la personne faisant l’objet de dénonciation) fait alors face à des sanctions (comme
la mise à l’écart, le licenciement, etc.) qu’il peut parvenir à surmonter pour rebondir
professionnellement (Charreire-Petit & Cusin, 2013). Toujours dans l’idée de reconstruction,
Bégin & Chabaud (2010) estiment que la résilience s’applique également à l’entrepreneuriat
pour parler du processus de reconstruction ou de revanche de l’entrepreneur face aux difficultés
rencontrées ou face à l’échec.
Concevoir la résilience comme un processus revient à reconnaître que celle-ci s’inscrit
dans le temps ; elle ne correspond pas à un état statique mais à un processus évolutif (Koninckx
& Teneau, 2010). Son acquisition ou sa construction pourrait prendre du temps.
Pour conclure, la résilience individuelle s’inscrit dans une approche psychologique. Elle
a une connotation comportementaliste (Manciaux, 2001b ; 2001b) en ce sens qu’elle permet de
saisir le comportement de l’individu face aux aléas de la vie (traumatismes, maladie, difficultés
etc.). Cette perspective permet de comprendre « pourquoi à pathologie égale certains patients
vont-ils vivre ou mourir ? » (Tychey, 2001: 49). La résilience individuelle ou résilience
psychologique soulève alors des réflexions quant aux facteurs qui permettent à un sujet de faire
face à l’adversité sans préjudice majeur. Toutefois, Tomkiewicz (2005) attire l’attention sur les
limites ou le cadrage de la résilience au sens large. Il pense qu’une telle conception pourrait au
non de la résilience, enjoliver et légitimer des conduites amorales et non éthiques comme le vol,
la violence chez les enfants de la rue, la torture et le génocide comme l’a fait Hitler, lui-même
ayant été victime de maltraitance. En d’autres termes, tout rebondissement dans la vie ne peut
être taxé de résilience. Ce raisonnement semble louable puisque l’inclusion d’une telle catégorie
dans la résilience pourrait envoyer un message tout aussi dangereux que contre-productif. Ainsi,
le résultat et le moyen par lequel l’on parvient à la résilience sont tout aussi importants et
20
méritent de ce fait, une attention particulière.
Le tableau ci-dessous regroupe les définitions courantes de la résilience individuelle.
21
capacités défensives du sujet comme la perte d’un être cher, un accident, la violence, etc.(Anaut,
2005). Le trauma par contre est constitué des éventuels dommages psychiques qui emprisonnent
la victime dans son passé, celle-ci doit alors être capable d’aller de l’avant malgré ses blessures
(Houle, 2010).
Quant à la nature des traumatismes ou des chocs évoqués par les différentes définitions,
Manciaux (2001a) observe que ces derniers peuvent être de différentes natures :
Physiques : handicap, maltraitance, maladies chroniques ;
Psychologiques : déportation, guerre, catastrophe naturelle, alcoolisme,
toxicomanie, maladies mentales ;
Sociales : chômage, précarité, pauvreté, etc.
En outre, il est important de souligner que l’intensité d’un traumatisme dépend de la
perception du sujet et de ses capacités défensives ; par conséquent rendre compte du ressenti
affectif du traumatisme relève du subjectif (Anaut, 2005). Dans ce cas, des mécanismes de
défenses interviennent pour filtrer les effets traumatiques à travers des mécanismes de défenses
(Braconnier, 1998). Selon (Anaut, 2005 : 41-43) il existe deux catégories de mécanismes de
défenses :
les défenses « matures » (exemple : sublimation, humour, altruisme,
anticipation) utilisées par les sujets plus âgés et ayant un bon état mental;
les défenses « immatures » (exemple : projection, passage à l’acte,
comportement passif ou agressif) utilisées par des sujets plus jeunes.
Anaut (2005) note par ailleurs, qu’il peut y avoir une coexistence des deux types de
défenses chez un même sujet. Cependant le constat le plus fréquent est l’abandon des défenses
immatures au profit des défenses matures chez les sujets au cours de leur développement.
2.3. Débat autour des facteurs participants à la construction de la résilience individuelle
Il existe des déterminants ou des « facteurs positifs » qui peuvent aider les individus à
être résilients. Cependant, l’analyse de la littérature fait état d’un débat concernant les
déterminants ou facteurs de résilience. Il ya d’un côté ceux qui la conçoivent comme une
capacité propre à l’individu et de l’autre, ceux qui pensent au contraire qu’elle résulte d’un
processus d’interaction et de co-construction avec l’environnement.
2.3.1. Le facteur génétique
D’abord perçue comme une qualité absolue et personnelle, les premiers travaux sur la
résilience ont évoqué la résilience comme une qualité innée chez l’enfant qui s’apparente à une
« prédisposition personnelle » (Masten & Garmezy, 1985). Pour Coutu (2002: 5) les personnes
22
résilientes possèdent trois caractéristiques : « elles savent accepter la réalité ; elles ont une
croyance profonde le plus souvent soutenue par des valeurs fortes, qui rendent la vie
significative ; elles ont une étrange capacité à improviser ». Pour l’auteur, il est possible de
surmonter les épreuves avec seulement une ou deux de ces qualités mais pour parler
véritablement de résilience il faut que les trois qualités soient réunies. Dans ce sens, Lengnick-
Hall et al., (2011) relèvent quatre facteurs qui différencient les enfants résilients des non-
résilients à partir de l’étude de Werner & Smith (1982) : la capacité à résoudre des problèmes,
l’optimisme, le renforcement positif et une grande foi. En d’autres termes, la résilience est
majoritairement une capacité qui émane des caractéristiques personnelles du sujet. Ces
dernières constituent des ressources internes dans lesquelles l’individu puise la force dont il a
besoin. Ces ressources naturelles peuvent provenir de l’autonomie et/ou d’un haut niveau
d’estime de soi (Masten & Garmezy, 1985), de la confiance en soi et des expériences antérieures
(Rutter, 1985). A cela s’ajoutent « le sens de la cohérence, la rusticité, la débrouillardise,
l’auto-efficacité, le sens de la maitrise, la puissance, l’endurance et la causalité personnelle »
(Duplessis & Vanbreda, 2001 : 53).
Dans cette perspective la résilience est une aptitude innée ou endogène c’est à dire un
don naturel possédé par les sujets (Poletti & Dobbs 2001 ; Bonanno, 2012). Cette pensée qui
envisage la résilience comme une qualité intrinsèque de l’individu a été largement diffusée dans
certains travaux qui démontrent que la résilience est l’œuvre de la génétique, ce qui signifie que
certains naissent résilients tandis que d’autres non (Coutu, 2002). Cette manière de penser tend
à discriminer ceux qui ne possèderaient pas cette caractéristique naturelle tout en les enfermant
dans un fatalisme sans issu. Pour d’autres auteurs, la résilience est « une capacité humaine
fondamentale, un pouvoir que possèdent tous les individus » (Poletti & Dobbs, 2001: 29) ce qui
va à contre-courant de la thèse selon laquelle la qualité de résilience n’exiterait pas chez certains
sujets. Ce qui sous-entend que tous les individus peuvent être résilients, même s’il est possibe
que cela soit à des dégrés différents.
2.3.2. Les facteurs environnementaux
Pour certains auteurs, la résilience n’est pas seulement intrinsèque, elle est également
extrinsèque, c’est à dire qu’elle peut se développer au fur et à mesure de l’interaction du sujet
avec son environnement (Charreire-Petit & Cusin, 2013). Pour être résilients, certaines
personnes ont besoin de simplement puiser dans leurs ressources naturelles alors que d’autres
vont recourir à une ou plusieurs tierces parties ou personnes (Cyrulnik, 2005). Selon Rutter
(1985), la résilience n’est pas seulement génétique, elle dépend de plusieurs variables comme
23
le temps, le type d’agression et les périodes ou phases de la vie, le risque etc,. Pour lui, la
résilience peut être contextuelle, ainsi, être résilient dans un certain contexte, ne signifie pas
qu’on le sera forcement dans un autre contexte ou dans toutes les circonstances de la vie. Le
seul facteur génétique ne suffit donc pas pour développer une capacité de résilience. En effet,
la littérature montre que chez certains sujets, le recours à un soutien externe (familier ou autre)
est indispensable pour parvenir à la résilience (Werner & Smith,1992 ; Cyrulnik, 2005 ;
Koninckx & Teneau, 2010 ; Moreira, 2017). Dans cette perspective, Cyrulnik (2005) admet que
l’homme est davantage façonné par le regard de l’autre sinon des autres : d’abord par celui des
parents, de la famille, ensuite des amis et enfin de la société. Il estime par conséquent que
l’enfant a besoin de personnes, appelées « tuteurs de résilience » qui pourront l’aider à tisser
sa résilience de manière active. Koninckx et Teneau (2010) rattachent la notion de tuteurs de
résilience au rôle du tuteur auquel se rattachent les notions de « protection de la jeunesse, de
l’autorité de l’adoption ». Les tuteurs de résilience se définissent comme « une référence de
l’environnement social de l’individu, susceptible d’agir de manière à favoriser son rebond,
notamment au plan professionnel » (Charreire-Petit & Cusin, 2013 : 150). Les tuteurs de
résilience constituent ainsi un soutien externe actif qui encourage le sujet à rebondir malgré les
aléas de la vie.
Koninckx & Teneau (2010) font remarquer que le « caractère signifiant » est ce qui
détermine un tuteur de résilience. Il s’agit en effet d’« une personne à laquelle celui qui traverse
une situation traumatisante reconnaît une importance signifiante » (Koninckx & Teneau, 2010:
277). Il s’agit ainsi d’une ou de tierces personnes reconnues comme des soutiens indispensables,
une épaule sur laquelle s’appuie celui qui subit un choc ou fait face à une épreuve pour se
relever et rebondir. Les tuteurs de résilience tendent parfois à substituer la figure paternelle ou
maternelle et à remplir le rôle primordial que ces derniers doivent jouer dans la vie et le
développement du sujet. Dans le cadre des études menées par Werner & Smith (1992), les
auteurs ont remarqué que ce sont les enseignants de l’école qui ont parfois servi de tuteurs de
résilience aux enfants. L’environnement ou l’entourage apparaît tout aussi important que la
personnalité du sujet dans le processus de résilience. Un autre exemple de la littérature est le
cas de Harry Potter, auquel certains auteurs se sont intéressés (Auriacombe 2005 ; Moreira
2017). Harry Potter, le héros du roman de la romancière britannique Rowling, est l’un des
personnages les plus emblématiques en matière de résilience. Il se présente comme un orphelin
recueilli chez son oncle et sa tante après la mort de ses parents alors qu’il est encore enfant. Il
est victime de maltraitance physique et psychologique de la part de sa famille adoptive. Son
24
ascension à la résilience s’est fait grâce aux tuteurs de résiliences représentés par ses
professeurs. Pour Moreira (2017), le cas d’Harry Potter montre que l'émotion et l'équilibre entre
la dynamique patriarcale et matriarcale du professeur jouent un rôle déterminant dans le
développement de l’individu. L’accueil de son parrain apaise Harry, l’aide à devenir plus fort.
Une caractéristique importante de la dynamique de la résilience apparaît ici : la capacité de faire
face aux aspects sombres, grâce à l’amour d’un tuteur en résilience. Plusieurs professeurs ont
ainsi joué le rôle de tuteurs de résilience pour le sorcier durant son parcours qui se termine avec
succès. L’apport de ces tuteurs de résilience semble indispensable, car pour devenir résilient
l’enfant ou l’individu a besoin d’avoir confiance en lui, pour cela il doit être valorisé, se sentir
soutenu et aimé (Tomkiewicz, 2005).
Tomkiewicz (2005) fait remarquer que ce n’est pas seulement le microenvironnement
qui participent à la construction de la résilience, il ajoute les facteurs sociaux, économiques,
politiques, voir éthiques. Il remarque que les enfants qui ont vécu dans les camps de
concentration et qui en sont sortis pour émigrés dans des pays en pleine expansion économique
dont la politique favorise leur intégration ont plus de chance de devenir résilients. A contrario,
les enfants qui vivent dans des pays en guerre depuis des décennies et qui ont vu leurs proches
êtres assassinés sous leurs yeux, ont moins de chance de croire en la possibilité d’une vie
paisible un jour. Pire, ils sont susceptibles de devenir des bourreaux s’ils étaient enrôlés dans
l’armée ou dans une milice. L’idée de l’auteur est qu’il est nécessaire de prendre en compte le
fait que, certains contextes socio-économiques sont plus favorables au développement d’une
capacité de résilience que d’autres.
Le rôle crucial des tuteurs de résilience et de l’environnement (micro et macro) dans
l’acquisition d’une capacité de résilience démontre que la résilience est une qualité qui peut
s’apprendre et se développer (Coutu, 2002) car elle résulte d’un processus évolutif, dynamique
et varie selon les circonstances et l’environnement de l’individu (Manciaux, 2001).
En somme, les facteurs qui participent à la résilience qui méritent l’attention sont: (1)
les facteurs personnels ou individuels qui concernent les traits de personnalité (confiance en
soi, optimisme, humour, etc.) et (2) les facteurs liés à l’environnement (familial, social et
économique) qui sont l’affection et l’amour reçus, le soutien familial (Masten et al., 1990 ;
Koninckx & Teneau 2010 ; Werner & Smith, 1982)
Au terme de cette section, il est important d’aborder la question des apports de la notion
de résilience individuelle. C’est l’objet du paragraphe qui suit.
25
2.4. Les apports de la notion de résilience individuelle
La résilience a deux contributions majeures : celle d’offrir l’espoir d’un meilleur
lendemain et celle d’un changement de regard de la société vis-à-vis des victimes.
2.4.1. L’espoir d’un meilleur lendemain
Du point de vue social, la résilience conduit à abandonner « tout déterminisme fataliste »
lorsqu’un individu est confronté à des difficultés dans sa vie. Ainsi, la résilience en tant que
capacité ou aptitude chez les individus donne l’espoir qu’ils peuvent (re)devenir maîtres de leur
vie : ils peuvent influencer, voire changer le cours de leur existence. La résilience suscite de ce
fait, un certain regard optimiste sur les circonstances et les malheurs de la vie. En effet, les
sujets résilients partagent la pensée commune que « les souffrances ne sont pas vaines, et la
victoire est toujours possible » (Cyrulnik, 1999: 11). En d’autres termes, ils croient fortement
que la lumière est toujours au bout du tunnel. La résilience redonne de l’espoir à ceux qui
traversent des moments difficiles. Cet espoir est celui qu’il est possible de réussir malgré les
difficultés d’aujourd’hui. Pour Manciaux (2001), l’idée même de la résilience est que le
traumatisme ou le malheur peut être une occasion pour l’individu de se découvrir. Il est possible
qu’une personne présentant de nombreux facteurs de risques (les traumatismes de tout genre)
puisse se voir condamnée professionnellement et socialement. La résilience à contrario,
s’oppose à ce fatalisme car si le traumatisme est bien géré, il peut faire ressortir chez l’individu
des capacités insoupçonnées qui lui permettront de rebondir et de reprendre une revanche sur
cette fatalité (Tisseron, 2009). En effet « dans les écrits sur la résilience, il n’est pas question
de colère ni de la culpabilité mais plutôt d’espoir, de braise de résilience qui ne demandent
qu’à être ravivées, du désir de se battre et de ne pas se laisser abattre » (Michallet, 2010: 15).
La résilience permet ainsi de donner du sens à sa souffrance. Pour parvenir à trouver du
sens à leur vie en situation d’épreuve ou de désespoir, les individus ont très souvent tendance à
se « construire des passerelles des difficultés actuelles à un avenir plus complet et mieux
construit. Ces ponts rendent le présent gérable, faute d'un meilleur mot, en supprimant le
sentiment que le présent est écrasant » (Coutu, 2002: 6). Il s’agit de prendre des décisions qui
vont donner du sens à leur vie, ce processus est appelé « la thérapie du sens » (Frankl, 1967).
Cette quête de sens est continuelle, elle n’est pas une fin en soi une fois qu’on l’a trouvée, pour
chaque situation il faudra rechercher à nouveau du sens (Coutu, 2002).
Du point de vue professionnel, un employé peut être amené à subir un évènement
traumatisant. L’approche par la résilience intégrée aux pratiques managériales permettrait, à
notre sens, de fournir l’aide nécessaire qui stimulerait la résilience chez l’employé. Ce qui
26
empêcherait l’employeur de perdre ou d’assister à la baisse de performance chez son employé,
surtout si ce dernier est une personne ressource. Il est également possible que cette forme d’aide
soit de nature à augmenter l’appartenance et l’engagement affectif de l’employé envers
l’organisation.
2.4.2. Un regard nouveau de la société sur le malheur
La résilience individuelle change le regard de la société sur les autres à deux niveaux
(Manciaux, 2001).
Tout d’abord, la résilience individuelle bannit les comportements non éthiques qui
consistent à blâmer ou mépriser les personnes atteintes d’un malheur (handicap, pauvreté, etc.)
afin de ne pas les enfermer dans leur sentiment d’incapacité ou d’impuissance.
Ensuite, la résilience individuelle conduit les professionnels de services de santé
(enfants maltraités par exemple) à valoriser les points positifs au lieu de ne voir que ce qui ne
va pas ou ce qui est malheureux chez le sujet. En agissant de la sorte, ces personnes vont pousser
les victimes à croire en elles et à développer une plus grande estime de soi. Cependant, selon
Tomkiewicz (2005), dans la réalité, l’entourage et la société ne sont pas toujours aussi
bienveillants car il arrive souvent que certaines victimes de malheurs soient blâmées ou fassent
l’objet de reproche pour leur manque de résilience, ce qui pourrait les « enfoncer » plutôt que
de les aider à se relever. Développer une capacité de résilience peut prendre du temps
puisqu’elle résulte d’un processus qui peut être court ou long. Certaines victimes peuvent
l’acquérir plus rapidement que d’autres. Ainsi, la patience et la tolérance peuvent être
nécessaires, d’autant plus que ces victimes ont besoin de ces personnes qui les entourent pour
se bâtir. En dépit de cela, l’apport principal de la résilience est qu’elle offre un autre regard
(celui du concerné et des autres) sur les malheurs et les problèmes de l’existence. En effet la
résilience est une force qui donne la capacité de ne pas seulement subir les circonstances mais
de pourvoir également agir sur elles par une forme de renaissance vis-à-vis des traumatismes
(Cyrulnik, 1999).
27
Section 2 : La résilience organisationnelle : quelle portée pour le
management d’aujourd’hui ?
Dans la première section de ce chapitre, nous avons vu que le concept de résilience a
traversé le temps et différentes disciplines, quittant ainsi le domaine des sciences physiques, en
passant par les sciences naturelles (écologie) pour atterrir dans les sciences sociales, plus
précisément en psychologie. Dans cette section, la résilience fait chemin vers les sciences de
gestion.
Cette section se compose de deux parties. La première s’attèle à montrer l’intérêt ainsi
que l’évolution du concept de la recherche sur la résilience dans les organisations. La seconde
tourne autour du débat et de la définition du concept.
I. La résilience organisationnelle : intérêt et évolution
Dans cette portion du travail, nous nous pencherons dans un premier temps sur l’intérêt
de la thématique de la résilience pour les organisations. Dans un second temps, nous nous
focaliserons sur l’évolution de la résilience dans le contexte organisationnel. C’est à la fin de
cette partie que nous étalerons la problématique de ce travail de recherche.
1.1. L’intérêt de la résilience pour les organisations
L’intérêt des chercheurs à considérer la résilience organisationnelle tient à trois raisons :
(1) elle contribue à la réduction de la vulnérabilité des organisations, (2) à l’évaluation et
l’amélioration du niveau de maturité des organisations et (3) à la compétitivité de ces dernières.
1.1.1. Réduire la vulnérabilité des organisations aux turbulences de l’environnement
Dans la première section de ce chapitre, il a été démontré que la vulnérabilité et la
résilience sont deux concepts qui s’opposent. Toutefois, elles apparaissent comme deux
modalités de réponses des organisations face aux situations soudaines et imprévues, telles que
les crises et les catastrophes (Gaillard, 2007 ; Pasteur, 2011). La vulnérabilité se définie comme
« la mesure dans laquelle une population ou un système est susceptible et incapable de faire
face aux dangers et aux contraintes qui se présentent »(Pasteur, 2011: 11). La vulnérabilité est
un état d’exposition à un danger par opposition à la résilience. Sawalha (2015: 2) considère que
« la vulnérabilité peut être considérée comme l'acceptation des crises et, représente de ce fait
la susceptibilité des personnes et des organisations à souffrir et à transformer ultérieurement
une crise mineure en catastrophes alors que la résilience au contraire caractérise les niveaux
de tolérance et s'appuie sur les techniques adoptées pour faire face à l'adversité afin de
survivre ». La vulnérabilité se dépeint alors comme le processus contraire de la résilience, ainsi
28
une organisation vulnérable accepte les situations et subit leurs conséquences alors qu’une
organisation résiliente face à l’adversité est capable de trouver une issue ou de renverser la
situation à son avantage. Par ailleurs, la vulnérabilité à une connotation négative alors que celle
de la résilience est positive (Dauphiné & Provitolo, 2007).
Réduire la vulnérabilité revient à augmenter la résilience ce qui est plus avantageux pour
les organisations car elle les rend plus forte et leur permet de survivre et de potentiellement de
prospérer dans les temps de crise (Seville et al., 2008).
1.1.2. Evaluer et améliorer le niveau de maturité des organisations
Valestro (2011) identifie quatre principaux objectifs de la résilience qu’il décrit comme
les niveaux de maturité des organisations. Ces objectifs sont : le déclin, la survie, le retour à
l’état initial, aller de l’avant. Sawalha (2015) reprend ces quatre niveaux de maturité en y
ajoutant un cinquième dénommé « établir une culture de résilience ». Le tableau suivant résume
les cinq niveaux de maturité.
29
Suivant ce tableau, à chaque niveau de maturité ou phase de la vie d’une organisation,
correspond un objectif particulier de résilience.
Dans une phase de déclin, l’objectif est d’accepter la forte probabilité qu’un incident
malheureux puisse arriver. Ceci se manifeste dans les faits par l’impuissance des dirigeants face
à la situation (Valestro, 2011). L’objectif d’acceptation de la réalité qui s’impose à
l’organisation s’apparente à l’acquisition d’une capacité d’adaptation (Vogus & Sutcliffe,
2007). Dans la phase de survie, l’objectif de résilience pour l’organisation est de continuer à
exister dans une proportion moindre suite à la survenue d’incident. A ce niveau, l’organisation
cherche à demeurer et à persister malgré la réduction ou la perte d’une partie importante de ses
activités. Selon (Valestro, 2011), cet objectif ne peut être atteint qu’avec un bon leadership et
un personnel motivé et engagé à cet effet. Pour le troisième niveau de maturité, l’objectif de
résilience est de retrouver rapidement et efficacement la position initiale, c’est à dire, celle
d’avant incident grâce à de lourds sacrifices qui allient investissements et accords avec les
parties prenantes, planification et formation approfondies, ainsi qu’un leadership exceptionnel.
Le niveau de maturité quatre, où il faut aller de l’avant « l'objectif de résilience est d’améliorer
les aspects du fonctionnement de l'organisation tels que la réputation, l’état de l'actif, la gestion
du risque futur, le moral du personnel, la part de marché, etc., de sorte que, dans l'adversité,
elle ne survive pas seulement, mais qu’elle soit également gagnante de la situation » (Valestro,
2011: 12).
Le dernier niveau de maturité qui correspond à l’objectif d’instauration d’une culture de
résilience au sein de l’organisation, peut être atteint par l’optimisation substantielle de la
résilience grâce au développement et à l’entretien de cette culture de résilience (Somers, 2009).
1.1.3. Augmenter la compétitivité
Dans la littérature sur la résilience organisationnelle, il a été démontré qu’il existe un
lien étroit entre la résilience de l’organisation et la compétitivité (Starr et al., 2003 ; Lee et al.,
2013). Plus qu’une capacité, la résilience organisationnelle est un processus en constante
évolution qui contribue à la performance pendant les périodes de changements et de crise
(Mitrof, 2005). En effet, Lee et al., (2013) montrent que les organisations résilientes et les
organisations compétitives présentent les mêmes caractéristiques. Elles s’appuient sur un bon
leadership, une adaptation aux changements systématiques et sur une bonne gestion des
vulnérabilités pour devancer leurs concurrents. Une organisation résiliente est par conséquent
une organisation compétitive et la résilience constitue un avantage stratégique majeur pour les
30
organisations (Cheng, 2007 ; Parsons, 2007). Selon Mitrof (2005), dans un environnement
compétitif, une organisation résiliente est en mesure de saisir et/ou de créer des opportunités là
où les autres ne voient que des difficultés grâce à une certaine « intelligence ». Toujours selon
l’auteur, les organisations intelligentes s’exercent à la gestion de crise aussi bien pendant les
temps de gloire que pendant les temps de tempêtes, ce qui limite leur exposition aux crises et
préserve leur rentabilité.
1.2. L’évolution de la recherche sur la résilience organisationnelle
Ce paragraphe fait le point sur la recherche en matière de résilience organisationnelle.
Il commence tout d’abord par aborder le début de la recherche pour finir avec les nouveaux
développements liée à la thématique de la résilience organisationnelle.
1.2.1. Le début de la recherche sur la résilience organisationnelle
Après le champ des sciences sociales et particulièrement celui de la résilience
individuelle ou psychologique, la résilience fait son entrée dans les sciences de gestion,
précisément dans le management des risques. C’est dans le cadre des études sur les
organisations à haute fiabilité qu’apparait les premiers travaux sur le concept de résilience en
milieu organisationnel, la fiabilité et la résilience étant alors considérées comme des dimensions
de la performance organisationnelle (Hollnagel et al., 2009). Weick (1993) évoque la résilience
dans le cadre d’incendie de « Mann Gulch » pour étudier les facteurs qui peuvent renforcer ou
à défaut fragiliser la résilience du groupe. Cette étude s’inscrit peut-être dans une logique de
résilience individuelle par ce qu’elle concerne purement les individus. Cependant, nous avons
choisi d’en parler dans cette partie du travail car elle touche également à la crise et constitue à
notre sens, un antécédent ayant joué un rôle important dans l’émergence du concept de
résilience organisationnelle.
Dans les paragraphes qui suivent, nous nous focaliserons respectivement sur l’apport
des HRO, l’apport de la gestion de crise et du Sensemaking et l’apport des travaux de Mallak
(1998 ; 1999).
a) L’apport des HRO
Les organisations à haute fiabilité ou High Reliability Organization (HRO) sont un
courant apparu dans les années 1980 grâce aux travaux des chercheurs comme La Porte,
Roberts, Rochlin, Schulman, Rousseau, Weick et Vaughan pour parler « des organisations au
sein desquelles le risque et le danger sont permanents (centrales nucléaires, hôpitaux traitant
de pathologies graves, porte-avions nucléaires, sous-marins, équipes de pompiers) avec le
constat que ces dernières perdurent malgré les graves dangers auxquels elles doivent faire face
31
(Jardat, 2011: 310).
Elles se caractérisent par une grande capacité à éviter les erreurs : ce sont « (…) des
organisations à risque, où certaines organisations vont évoluer quasiment sans erreurs durant
de très longues périodes » (Roberts, 1990: 102). Elles se caractérisent également par une
performance remarquable de fiabilité : ce sont « des organisations au profil très spécifique (dit
à risques) qui atteignent un haut niveau de performance dans ce domaine et tentent ainsi de
caractériser le modèle de l’organisation à haute fiabilité ou High Reliability Organization,»
(Hollnagel et al., 2009: 224).
Quant à la performance de fiabilité, elle n’est pas toujours atteinte pour certaines
contrairement à certaines études qui mettent en avant un haut niveau de performance, qualifié
parfois de « performance anormale » dans ces organisations (Hollnagel et al., 2009 ; Jardat,
2011). Jardat (2011) note l’importance de spécifier que les résultats concernant les
performances de fiabilité constatées ne sont pas homogènes. Selon cet auteur, ce qu’elles ont
« en commun n’est pas leur fiabilité mais l’impératif de fiabilité auquel elles sont soumises »,
ce qui veut dire qu’elles ne sont toujours performantes dans les faits.
Selon Weick (1993) le terme « haute fiabilité » a été employé par les théoriciens pour
asseoir l’idée que contrairement à certaines croyances, un haut niveau de risque peut coexister
avec un haut niveau d’efficacité. La fiabilité est définie comme la « capacité inhabituelle de
produire des résultats collectifs d'une certaine qualité minimale à plusieurs reprises» (Hannan
& Freeman, 1984: 153). La répétabilité et la reproductibilité sont au cœur du concept de fiabilité
selon Hollnagel (1993). La fiabilité dépend ainsi du « manque indésirable, non anticipé et
inexplicable de variance dans la performance » (Hollnagel,1993: 51). Autrement dit, une
organisation est jugée fiable si sa performance reste constante ou invariable, ce qui sous-entend
une maîtrise de celle-ci. Cela revient à dire que pour qu'un système soit fiable, il doit être
capable de maintenir le même niveau de performance malgré la présence de perturbation et
autres situations imprévues.
Quant à la manière dont s’obtient cette fiabilité, Roberts (1990) pense qu’elle est le
résultat d’une pensée collective ou « group thinking » car il est persuadé qu’une dynamique de
groupe vaut mieux qu’un effort individuel. Pour lui, la pensée collective est une forme
d’intelligence collective. Il s’agit pour les membres de l’organisation de coordonner leurs
actions d’une certaine manière, de sorte à créer une culture axée sur « l’attention collective qui
explique la performance dans les situations requérant une fiabilité opérationnelle continue »
(Weick & Roberts,1993: 357). L’attention collective qui est l’expression d’une « attention
32
vigilante » traduit l’idée de « dispositions envers » qui est possible grâce à l’adhésion à un
objectif commun de performance collective qui surpasse les rivalités et les retentions habituelles
d’informations (Rochlin, 2001). Le concept d’attention vigilante regroupe deux autres
concepts qui émergent des travaux de Weick & Roberts (1993). Le premier est celui de
« heedfull » employé dans le cadre des « interrelations » pour parler de la prise en compte
intégrale de ces dernières. Le second est celui de « awareness », pour parler du contexte
situationnel et qui traduit la prise de conscience vis-à-vis de la situation.
Une autre variable qui permet d’obtenir ou d’augmenter la fiabilité d’un système est sa
capacité à être résiliente, faisant de la résilience, « l’une des capacités des HRO » (Jardat, 2011:
250). La résilience devient alors la colonne vertébrale de la fiabilité car « l’augmentation de la
résilience va entraîner une augmentation de la fiabilité, puis de la sécurité » (Roberts, Desai &
Madsen, 2005 : 87).
Selon Dauphiné & Provitolo (2007), la résilience peut aider à gérer les risques qui
rendent les organisations vulnérables par le fait qu’elle réduit la vulnérabilité. Les auteurs
pensent qu’une approche par la résilience permet n’ont pas d’éviter mais de réduire les
conséquences des catastrophes comme les inondations fluviales, le réchauffement climatique,
etc.
b) L’apport de la gestion de crise et du Sensemaking
Weick (1993), estime que l’incendie de « Mann Gulch » ou «Mann Gulchdisaster » a
relancé la réflexion sur la notion de résilience et d’organisation résiliente. Il est l’un des
premiers auteurs à s’intéresser à la résilience en sciences de gestion et plus précisément dans le
domaine de la gestion des crises. Selon Rochet et al., (2008), le mot « crise » provient du
grec Krisis qui veut dire décision. Selon ces mêmes auteurs, la crise a trois particularités : 1)
elle met en danger les objectifs de l’organisation, 2) elle survient durant un laps de temps court
qui démontre un caractère urgent) et 3) elle crée la surprise par son caractère inattendu. La crise
est par conséquent une situation caractérisée par « un paroxysme d’incertitude et d’angoisse où
tout est en suspens » (Koninckx & Teneau, 2010).
De l’étude de la tragédie dénommée « The Mann Gulchdisaster » Weick (1993) fait le
constat que les organisations sont source d’une vulnérabilité qui reste insoupçonnée la plupart
du temps,qui peut engendrer la perte de sens soudaine due aux différentes formes de surprises
fondamentales qui l’accompagnent. C’est selon lui cette perte de sens survenue suite à la
vulnérabilité de l’équipage exposé au feu qui l’a fait périr. A partir de ce cas, Weick (1993)
détermine quatre sources de résilience pour contrecarrer la vulnérabilité: « (1) l'improvisation
33
et le bricolage, (2) les systèmes de rôles virtuels, (3) l'attitude de la sagesse et (4) l'interaction
respectueuse ». Ces sources sont regroupées dans le tableau ci-dessous.
34
A travers l’étude de l’incendie de Mann Gulch, Weick (1993) montre « le rôle crucial
de la construction de sens ou sensemaking dans le déclenchement, l’évolution et le dénouement
des situations de crises au sein des organisations qui passent par la réponse à ces deux
questions : 1) que se passe-t-il et 2) que faut-il faire maintenant ? » (Laroche & Steyer, 2012:
6).La résilience met en lumière « les mécanismes qui rendent le groupe moins vulnérable aux
ruptures du sensemaking » (Weick, 1993: 628).
c) L’apport des travaux Mallak Larry
Malgré la pléiade de travaux qui aborde le concept de résilience, parfois associé à
d’autres concepts, il faudra attendre 1998, pour voir apparaître pour la première fois le terme «
résilience organisationnelle » grâce à l’article « Putting Organizational Resilience to Work »
de Mallak. Dans cet article, Mallak (1998) soulève les facteurs qui conduisent à la résilience
d’une organisation. Ainsi, pour qu’une organisation soit résiliente, elle a besoin de personnes
qui peuvent réagir rapidement et efficacement au changement tout en supportant un minimum
de stress. En d’autres mots, la résilience consiste pour l’organisation à développer une capacité
d’adaptation positive capable de la différencier de ses concurrents.
La même année, l’auteur publie un autre article intitulé « Measuring resilience in health
care provider organization » dans lequel il estime que les enseignements tirés des études sur la
psychologie de l'enfant en matière de résilience peuvent être appliqués aux organisations et
particulièrement à celles qui opèrent dans le domaine du soin de la santé. Il élabore une échelle
de mesure de la résilience de ces organisations. Celle-ci comporte six facteurs : (1) la recherche
d’une solution orientée vers un but ; (2) l’évitement ; (3) la compréhension critique ; (4) la
dépendance au rôle ; (5) la dépendance à l’égard des sources ; et (6) l’accès aux ressources.
Pour l’auteur, ces six facteurs constituent un point de départ pour les études qui visent à
identifier les dimensions des organisations résilientes et les comportements des individus
résilients.
1.2.2. Les nouveaux développements dans la recherche sur la résilience organisationnelle
La revue de la littérature montre une extension du cadre d’étude en matière de résilience
organisationnelle. Contrairement aux premiers travaux qui se sont déroulés dans le cadre des
organisations dites à haute fiabilité, et qui se caractérisent par un niveau de risque élevé, la
résilience s’applique désormais à presque toutes les organisations, l’impératif seul du contexte
de crise étant privilégié. Toutefois, les entreprises familiales apparaissent comme celles qui
obtiennent de meilleurs résultats en matière de résilience (Bégin & Chabaud, 2010 ;
Bauweraerts & Colot, 2014 ; Bloch & Lamothe, 2014). Bloch & Lamothe (2014) ont mené une
35
étude en collaboration avec la haute école de commerce (HEC Paris) et le Boston Consulting
Group, dont les résultats montrent que « les entreprises familiales mondiales se distinguaient
de leur concurrentes non familiales par une résilience supérieur face aux crises, les conduisant
à obtenir dans ces périodes une résilience sensiblement supérieure » (Bloch & Lamothe, 2014:
17).
Le modèle de résilience de l’entreprise familiale telle que conçu par Bégin & Chabaud
(2010) semble être le plus utilisé, en l’occurrence dans les études sur la résilience
organisationnelle en Tunisie (Bauweraerts & Colot, 2014 ; Chaabouni et al., 2014 ; Maroune
& Chtourou, 2015 ; Mzid, 2015 ; Ouaidi, 2015).
La revue de la littérature montre également que la littérature sur la résilience
organisationnelle se décline sous trois principales formes. Elle se décline premièrement sous la
forme d’articles conceptuels qui tentent de définir et de caractériser le concept (Vogus &
Sutcliffe, 2007 ; Burnard & Bhamra, 2011 ; Annarelli & Nonino, 2016). Cette forme regroupe
un volume élevé d’articles. Ensuite, elle apparaît sous forme d’articles focalisés sur
l’élaboration d’outils de mesure ou d’évaluation de la résilience organisationnelle (Mcmanus,
2008 ; Lengnick-Hall et al., 2011 ; Lee et al., 2013 ; Kantur & Isery-Say, 2015). Enfin, elle se
présente sous forme d’études de cas (Bégin & Chabaud, 2010 ; Bauweraerts & Colot, 2014 ;
Chaabouni et al., 2014 ; Sawalha, 2015 ; Ahras, 2020).
Notons également que les travaux sur la résilience organisationnelle s’intéressent à la
fois au management stratégique et opérationnel des organisations (Altintas, 2020).
En ce qui concerne la tendance des sujets de recherche, Annarelli & Nonino (2016) ont
procédé à une analyse bibliographique et une analyse de co-citation de plus de 1460 articles et
publications en anglais produits sur le sujet depuis 1990. Les résultats de leur
recherche montrent que les recherches sur la résilience organisationnelle s’orientent
principalement vers quatre champs :
La modélisation de la résilience des organisations et la gestion des ressources
internes de résilience ;
La modélisation et la gestion des ressources externes, actions et processus de
résilience (chaîne logistique, réseaux, industries) ;
La résilience statique (initiatives stratégiques de résilience en relation avec la
gestion opérationnelle des ressources internes et externes) ;
La résilience dynamique (capacités dynamiques et gestion des perturbations et
situations inattendues).
36
Par ailleurs, les recherches sur la résilience organisationnelle semblent privilégier le rôle
des ressources humaines dans l’acquisition d’une capacité de résilience (Bégin & Chabaud,
2010 ; Lengnick-Hall et al., 2011). Bouaziz & Hachicha (2018) s’intéressent à la relation entre
les pratiques de management stratégique des ressources humaines et la résilience
organisationnelle dans un contexte de transition démocratique en Tunisie. Les résultats ont
montré que les pratiques de GRH renforcent la robustesse des entreprises et influencent de
manière significative l'agilité et l'intégrité de ces entreprises. La robustesse, l’agilité et
l’intégrité sont considérées des dimensions de la résilience organisationnelle.
En outre, des couplages du concept de résilience organisationnelle avec d’autres
concepts sont de plus en plus observés, à l’instar du couplage avec la résistance au changement.
En effet, en novembre 2019, un colloque a été organisé par l’IAE Metz Business school of
management sur la thématique « résistance au changement et résilience organisationnelle ».
A l’issue de la table ronde, il a été noté que, contrairement aux croyances, le concept de
résilience et celui de changement ne s’opposent pas tant que cela, ils pourraient même être
complémentaires. La résilience peut à la fois absorber et produire du changement. En effet, la
résilience peut absorber le changement qui se caractérise par une perturbation, un choc, une
crise ou un traumatisme qui vient altérer un état antérieur de stabilité ou d’équilibre. Le retour
à l’équilibre peut être également traduit comme un changement qui est produit par l’état de
résilience.
II. Définitions et débats autour du concept de résilience
Dans ce paragraphe, nous verrons tout d’abord les définitions de la résilience
organisationnelle (RO). Ensuite, nous nous attarderons sur les objectifs et les caractéristiques
des organisations résilientes. Et enfin, nous aborderons les problèmes de la résilience
organisationnelle ainsi que la perspective de la présente recherche.
2.1. Les définitions de la résilience organisationnelle
Dans cette partie nous allons définir la résilience organisationnelle, ensuite voir les
caractéristiques et les objectifs des entreprises résilientes avant d’aborder les défis liés à ce
concept.
2.1.1. La résilience organisationnelle : capacité, processus ou résultat ?
Dans cette partie, nous allons procéder en deux temps. Dans un premier temps, nous
allons définir le concept de RO comme un résultat, une capacité, et un processus. Dans un
second temps, nous allons élucider l’approche systémique et stratégique de la RO.
a/ La RO comme un résultat
37
Mendoça (2008) estime que la RO est difficilement mesurable et queles défis rencontrés
lorsqu’on veut mesurer la résilience au sein de l’organisation concernent la question de savoir
s’il est mieux de le faire à priori ou durant la crise comme une réponse à cette dernière.
Béné et al., (2012) relèvent que la résilience a été considérée par le passé comme un
résultat mesurable et contrôlable jusqu’à ce que les praticiens comprennent l’impertinence de
ce raisonnement. Les auteurs estiment que la raison pour laquelle la résilience ne peut être un
résultat est dû au fait qu’il n’est pas un phénomène statique ou immobile, au contraire la
résilience reste évolutive et dynamique. Pour Stephenson (2010), l’incapacité à quantifier la
RO explique pourquoi certains dirigeants sont sceptiques quant à l’adoption d’une démarche
résiliente, par ce qu’il est difficile pour eux de supporter des coûts d’investissement pour un
résultat ou un profit non quantifiable et donc inconnu.
b/ La RO comme une capacité
La RO comme une capacité est la conception largement répandue dans la littérature
(Hollnagel et al., 2006 ; Vogus & Sutcliffe, 2007 ; Altintas & Royer, 2009 ; Hollnagel et al.,
2009 ; Kantur & Isery-Say, 2015).
Béné et al., (2012) estiment que la meilleure manière d’aborder la résilience est de la
comprendre en tant que capacité c'est-à-dire « la capacité à traiter des changements et des
chocs défavorables » (Béné et al., 2012: 52). La résilience est donc une capacité « qui permet
de s’adapter aux perturbations de l’environnement (Manset et al., 2012). Dans la même lignée,
la résilience organisationnelle est définie comme « la capacité de l’organisation à répondre à
des chocs ou de profonds changements disruptifs sans s’engager dans des comportements
durablement régressifs » (Ahras, 2020: 62).
c/ La RO comme un processus
La résilience comme un processus est une autre conception assez répandue dans la
littérature. La résilience est caractérisée comme « (…) un processus dynamique, qui induit une
relation symbiotique au sein de l’organisation et entre cette dernière et son environnement »
(Manset et al., 2017: 88).Vogus & Sutcliffe (2007) proposent d’appréhender la résilience
organisationnelle comme le résultat de processus et de dynamiques qui interagissent sous forme
de ressources cognitives, émotionnelles, relationnelles et structurelles. Dans ce sens, la
résilience n’est pas vue comme une fin en soi ou comme le résultat de variables quantifiables
mais comme un processus qui dépend de l’interaction entre les différentes ressources.
Considérer la RO comme un processus c’est s’intéresser à l’histoire des organisations et à
l’analyse de leurs trajectoires (Bégin & Chabaud, 2010 ; Koninckx & Teneau, 2010 ;
38
Bauweraerts & Colot, 2014 ; Lallau et al., 2018).
A travers ce qui précède, il ressort que la résilience est minoritairement perçue comme
un résultat. Elle est davantage définie comme une capacité et comme un processus. Cependant,
pour certains auteurs comme Manset et al., (2017), la résilience est à la fois une capacité et un
processus. Renard (2014) est d’avis que le processus correspond à la fois à l’expression et à la
mise en pratique d’une capacité, ce qui prouve une certaine continuité entre les concepts. Cette
approche est celle adoptée dans ce travail de thèse. Définir la résilience comme une capacité
et/ou un processus revient à l’aborder comme un phénomène qui peut se créer, se développer,
s’adapter et évoluer dans le temps et selon les circonstances.
2.1.2. La RO : une approche systémique ou stratégique ?
Nous allons développer l’approche systémique de la RO avant de nous pencher sur
l’approche stratégique.
a/ L’approche systémique
Pour Béné et al., (2012), l’approche systémique permet de rendre compte de l’existence
d’un grand nombre de dynamismes et de processus impliqués à différents niveaux. Selon les
auteurs, l’approche systémique est pertinente dans la mesure où les chocs affectent plusieurs
éléments organisationnels de manière simultanée.
Robert et al., (2010: 13) proposent de définir la résilience comme « la capacité d'un
système à maintenir ou à restaurer un niveau de fonctionnement acceptable malgré les
perturbations ou les échecs». En se référant à cette définition Robert et al.,(2010) considèrent
que l’évaluation de la résilience doit prendre en compte les trois notions qui ressortent de celle-
ci :
• « Système » : approcher l’organisation en terme de système ;
• « Malgré des perturbations ou des défaillances » : il s’agit de notifier les éventuelles
perturbations ou défaillances du système ;
• « Capacité […] à maintenir ou à rétablir » : c’est-à-dire que le système adapte ses
modes de gestion pour être plus résilient devant les perturbations ou défaillances. Dans cet ordre
d’idées, Teneau (2017: 82) définit la résilience comme « l’aptitude d’un système à résister à
une perturbation majeure tout en maintenant un niveau acceptable de dégradation et en se
rétablissant dans un délai acceptable, avec un coût tolérable ». La résilience implique donc
que le système maintienne sa structure et assure sa continuité. Pinel (2009: 71) définit la RO
comme « la capacité d’un système à maintenir ou à rétablir un niveau de fonctionnement
acceptable malgré des perturbations ou des défaillances ». Pour Weick (1993), « la résilience
39
s’entendrait comme la construction d’un système d’actions organisées et sur le maintien de ce
système face aux situations ». La résilience est alors basée sur le système, sur son
fonctionnement et sur sa stabilité. Dans cette même visée, la résilience est vue comme
« l’aptitude d’un système à résister à une perturbation majeure tout en maintenant un niveau
acceptable de dégradation et en se rétablissant dans un délai acceptable, avec un coût
tolérable » Teneau (2017: 82).
Kobasa et al., (1982) expliquent que cette vision de la résilience orientée vers le rebond
est souvent liée à la rusticité, c’est à dire, à la capacité de réagir aux évènements stressants au
moyen d’actions et d’interprétations adaptives. En effet lorsque la résilience organisationnelle
est simplement considérée comme une capacité de rebond ou de restauration de l’état initial,
les efforts se concentrent sur des stratégies adaptatives et sur une capacité limitée de la
définition du niveau de performance espéré (Lengnick-Hall et al., 2011). Il s’agit alors de faire
preuve d’une simple adaptation pour s’aligner avec l’environnement de vie, ce qui ne nécessite
pas de fournir beaucoup d’effort puisque l’objectif est avant tout de maintenir une certaine
stabilité et non de se surpasser. La résilience organisationnelle désigne dans ce cas la capacité
d’un système à garder ou retrouver un état de stabilité dynamique qui lui permet de poursuivre
ses opérations pendant et après un incident majeur ou en présence d’un stress continu (Hollnagel
et al., 2006 ; Vogus & Sutcliffe, 2007 ; Altintas & Royer, 2009 ; Hollnagel et al., 2009 ; Pinel,
2009 ; Therrien, 2010). Autrement dit, la résilience est la « capacité à gérer les perturbations
du flux de travail normal et à regagner un état dynamiquement stable qui permettra de réaliser
les objectifs de production et de sécurité de l'organisation » (Tillement et al., 2009: 231)
b/ Approche stratégique
Cette deuxième perspective va au-delà de la simple restauration d’un niveau stable de
la continuité des activités pour inclure le développement de nouvelles capacités et une habilité
élargie pour suivre le rythme des évolutions de l’environnement et même de créer de nouvelles
opportunités (Seville et al., 2008 ; Somers, 2009 ; Lengnich-Hall et al., 2011 ; Duchek, 2014).
La résilience sous l’angle stratégique est définie comme « la capacité de survivre et
potentiellement de prospérer dans les temps de crise » (Seville et al., 2008: 18). La résilience
est dans ce cas un moyen qui permet à l’organisation de prospérer car celle-ci s’attèle alors à
tirer profit des conditions difficiles ou du changement auquel elle est soumise. Contrairement à
la première vision, la résilience est vue ici comme un facteur qui permet à une organisation de
tirer parti de ses ressources et de ses capacités non seulement pour résoudre les défis actuels
mais aussi pour exploiter les opportunités afin de se construire un avenir réussi et profitable
40
(Lengnick-Hall et al., 2011). Par conséquent la résilience organisationnelle a pour but d’aider
l’organisation à absorber le choc ou tout évènement inattendu, et à en ressortir plus forte à
travers l’acquisition d’un plus large répertoire d’actions et de compétences capable de faire face
aux menaces futures (Bégin & Chabaud, 2010 ; Lengnick-Hall et al., 2011). Suivant cette
perspective, la résilience organisationnelle se définie comme « la capacité d'une entreprise à
absorber efficacement les événements imprévus à travers le développement d’une stratégie qui
vise non seulement à élaborer des réponses spécifiques à la situation, mais également
développer des activités transformatrices pour tirer parti des surprises perturbatrices qui
menacent la survie de l’organisation » (Lengnick-Hall et al., 2011: 244).
Certains auteurs comme Teixeira & Werther (2013) vont même plus loin et soutiennent
que les organisations résilientes sont celles qui préparent des réponses anticipées aux éventuels
changements perturbateurs. Ainsi « la résilience est plus qu'une simple survie, elle consiste à
identifier les risques potentiels et à prendre des mesures proactives pour s'assurer qu'une
organisation prospère face à l'adversité » (Somers, 2009: 13). La résilience organisationnelle
est donc l’habilité d'une organisation à anticiper les tendances et les menaces potentielles, à
faire efficacement face aux événements imprévus et à apprendre de ces événements pour
produire une capacité dynamique qui vise à faciliter le changement organisationnel (Duchek,
2014).
A l’issue de ce paragraphe qui traite des définitions de la résilience organisationnelle,
nous avons trouvé intéressant de faire un récapitulatif des différentes approches. C’est l’objet
du tableau ci-dessous.
41
compétences individuelles et Pinel, 2009 ; Bégin &
collectives Chabaud, 2010 ; Robert al.,
Principes : Adaptation, 2010 ; Kantur & Isery-Say,
absorption 2015 ; Teneau, 2017 ;
Ahras, 2020)
PROCESSUS (Vogus & Sutcliffe, 2007 ;
Caractéristiques : la Manset et al., 2017)
résilience est un phénomène
évolutif et dynamique.
Principes : Anticipation,
redondance
Approche de la résilience SYSTEMIQUE (Vogus & Sutcliffe, 2007 ;
Hollnagel et al., 2006 ;
Caractéristiques : axée sur Altintas & Royer, 2009 ;
le présent, elle vise à réduire Hollnagel et al., 2009 ;
systémique/stratégique l’impact du choc ou de la Pinel, 2009 ; Therrien, 2010
crise, revenir à l’état ; Béné et al., 2012)
d’équilibre antérieur à la
crise.
Principes : adaptation,
flexibilité
STRATEGIQUE (Lengnick-Hall et al., 2011 ;
Seville et al., 2008) ;
Caractéristiques : axée sur Somers 2009)
le futur, elle vise à anticiper
les menaces futures en vue
de les éviter ou d’en
minimiser les dégâts
Principe : anticipation,
proactivité
Source : Auteur
42
A partir de ce tableau qui fait la synthèse des définitions (voir annexe 2), nous pouvons
voir que la RO est majoritairement perçue commme une capacité et comme un processus. Elle
s’inscrit pleinement dans une approche systémique et stratégique.
2.2 Objectifs et caractéristiques des organisations résilientes
Dans ce paragraphe, nous abordons d’abord les objectifs de la RO. Ensuite, nous
abordons les caractéristiques des organisations résilientes. Aussi, nous évoquons le processus
de résilience et enfin nous exposons les notions connexes.
2.2.1. L’objectif de la RO : réduire et / ou éviter les crises ?
Selon certains auteurs, les organisations gagneraient plus à considérer que la résilience
consiste «(…) plutôt en sa capacité à éviter les chocs » (Roux-Dufort, 2003). Cette perspective
s’inscrit dans une optique proactive qui consiste à anticiper les chocs avant leur survenue. C’est
ce que Somers (2009) appelle la résilience active. Cette perception de la résilience met l’accent
sur la résolution d’une crise éventuelle. Elle fait appel à :
-l’anticipation avant la crise (Duchek, 2014) ;
-la mise en place d’actions adéquates afin d’éviter ou minimiser les dégâts de la crise et
permettre un possible développement des activités (pendant la crise) à travers l’abandon des
activités non profitables pour investir dans des activités plus profitables (Hamel & Välikangas,
2003) ;
-l’apprentissage à partir des erreurs après la crise (Bégin & Chabaud, 2010).
Pour d’autres auteurs par contre, la résilience permet de réduire et non d’éviter la crise.
Dauphiné & Provitolo (2007 : 121) soutiennent qu’« une stratégie de résilience, c’est accepter
la catastrophe, mais tout faire pour en réduire les impacts ». Il s’agit de faire face à la crise en
tentant d’en limiter les dommages. La résilience dans cette vision, est « passive » selon Somers
(2009) car les termes utilisés pour la définir sont des termes passifs. En effet lorsqu’elle est
confrontée à « un évènement distinct et discontinu qui engendre une vulnérabilité qui requiert
une réponse inhabituelle » (Lengnick-Hall & Beck, 2003: 2), l’organisation se contente de
simplement rebondir. En d’autres termes, elle va « absorber » la contrainte ou intégrer le
changement généré en s’assurant que cela provoque le minimum de perturbations possibles
(Horne et John, 1998). La RO est considérée dans ce cas comme un « motif » plutôt qu' « une
série prescrite d'étapes ou d'activités » (Lengnick-Hall & Beck, 2003: 2) ou une simple «
réaction face à une crise » (Somers, 2009: 13) dont le but est la survie du système. Aussi, le
fait que la résilience soit définie dans une perspective défensive ou réactive et non proactive
indique que la résilience demeure à ce niveau purement opérationnel et non stratégique.
43
Dans ce travail, nous croyons que l’objectif de la RO est à la fois d’éviter (stratégie
proactive) et de réduire les effets immédiats de la crise ou du choc (stratégie défensive). Par
ailleurs, il est à noter que les deux objectifs correspondent à deux moments différents de la vie
organisationnelle. Le premier (éviter) peut s’inscrire dans une politique proactive d’avant crise
et le second (réduire) pourrait correspondre au moment de la crise.
2.2.2. Les caractéristiques des organisations résilientes
Les organisations dites résilientes présentent des caractéristiques particulières qui font
leur spécificité. A cet effet, nous allons nous intéresser aux perspectives qui reviennent très
souvent dans la littérature sur la résilience organisationnelle, à savoir celles de Coutu (2002),
de Hamel & Välikangas (2003) et celle de Vogus & Sutcliffe (2007).
a/La perspective de Coutu (2002)
Pour Coutu (2002), les organisations résilientes se distinguent de celles qui ne le sont
pas par trois critères : 1) elles font face à la réalité avec pragmatisme, 2) elles cherchent à donner
du sens aux évènements qui surviennent et 3) elles encouragent la créativité.
- Le pragmatisme face à la réalité : il s’agit d’être optimiste sans toutefois perdre de
vue le sens de la réalité qui s’offre à soi. Il s’agit d’être « sobre » et d’avoir « les pieds sur
terre », en d’autres termes, il ne faut pas sous-évaluer la situation à laquelle on fait face. Selon
l’auteur, il est parfois même nécessaire de faire preuve de pessimisme, qui s’assimile à de la
prudence dans un contexte de crise. Coutu (2002) argumente cette thèse par l’exemple de
l’entreprise Morgan Stanley1. Le pessimisme a poussé les dirigeants à envisager le pire, ce qui
a permis de sauver des milliers de vie.
- La quête de sens : cette quête est celle de la réalité. Pour ce faire, l’organisation doit
être capable de donner du sens aux situations auxquelles elle est confrontée. Les valeurs
communes semblent pouvoir faciliter la compréhension et la recherche de sens lors
d’évènements inattendus. En effet, selon Coutu (2002), les organisations et les personnes
résilientes sont le plus souvent, celles qui sont dotées de fortes valeurs religieuses ou éthiques.
Lorsqu’elles sont fortes, les valeurs influencent et imprègnent l’environnement de manière à
servir de référentiel pour l’interprétation des évènements. L’église catholique qui repose sur des
1
Une banque d’investissement réputée qui siégeait dans le World Trade Center avant l’attentat de 2001
aux Etats-Unis. Elle comptait près de 2700 employés dans la tour sud (ou deuxième tour) sur 22 étages
répartis entre le 43ème et le 74ème étage. Le 11 septembre lorsque le premier avion a percuté la première
tour à 8h46 min, l’entreprise n’a pas attendu, elle a immédiatement procédé à l’évacuation de son
personnel à partir de 8h47min. Lorsque le second avion s’est écrasé 15 minutes plus tard l’entreprise
était presque vide ; on dénote seulement sept personnes tuées.
44
valeurs éthiques et religieuses est « l’organisation la plus résiliente au monde après avoir
survécu à plus de 2000 ans de guerre, corruption, division et autres » (Coutu, 2002: 7). La
résilience des organisations à travers les valeurs permet de trouver du sens à ce qu’ils traversent
comme situations. Coutu (2002) remarque que ces valeurs constituent la force qui maintien les
employés même en cas de crise et sans elles, même les individus les plus résilients sont
susceptibles de partir.
- Encourager la créativité : la créativité est la capacité à « bricoler » ou la capacité des
individus à faire preuve d’innovation. L’improvisation est ce qui permet aux organisations de
faire preuve d’ingéniosité et d’efficience, autrement dit, à partir des ressources disponibles,
elles arrivent à innover des solutions nouvelles pour résoudre les difficultés qu’elles
rencontrent.
b/ La perspective de Hamel & Välikangas (2003)
Hamel & Välikangas (2003) évoquent quant à eux, les caractéristiques des organisations
résilientes sous forme de défis à résoudre. Ils énumèrent quatre défis auxquels les organisations
résilientes doivent faire face :
- Un défi cognitif c’est-à-dire qu’elles doivent être réalistes face aux situations qui se
présentent ;
- Un défi stratégique qui implique d’innover de nouvelles options pour remplacer celles
qui s’avèrent obsolètes ;
- Un défi politique qui consiste à mettre fin aux activités non rentables pour financer de
nouvelles activités plus profitables ;
- Un défi idéologique : il s’agit d’adopter une conduite proactive c’est à dire de
rechercher continuellement des solutions nouvelles aux défis à venir.
c/ La perspective de Vogus & Sutcliffe (2007)
Vogus & Sutcliffe (2007) font remarquer que les organisations résilientes 1) ne prennent
pas le succès pour une fin en soi, 2) fonctionnent selon la pensée de l’amélioration constante,
3) prennent des mesures proactives et 4) constituent un système d’espoir.
- Le succès n’est pas une fin en soi : les organisations résilientes traitent le succès
légèrement et sont méfiantes vis-à-vis du potentiel de l'inattendu. En d'autres termes, elles
supposent que leur modèle de risque a besoin de mise à jour régulière car leurs contre-mesures
sont incomplètes, et leur compréhension des opérations sécuritaires est fragile. Le succès n’est
pas pris pour un acquis mais avec prudence.
- L’amélioration constante : les organisations résilientes fonctionnent selon la
45
croyance qu'elles sont imparfaites mais qu'elles peuvent se parfaire au fil du temps en apprenant
des événements et des situations qu’elles traversent.
- La prise de mesures proactives : les organisations résilientes promeuvent la
compétence, rétablissent l'efficacité et encouragent la croissance par le biais de processus
comportementaux qui reflètent une conscience adoptée par les responsables. De ce fait, elles
recherchent souvent de manière proactive des preuves pour tester leurs hypothèses sur le risque
et la santé globale du système tout en évitant les représentations obsolètes et étroites.
- L’organisation résiliente : un système d’espoir : pour les auteurs, une organisation
résiliente est un système d'espoir car l'espoir est une confiance fondée sur une évaluation réaliste
des défis de son environnement et de ses capacités à naviguer autour d’eux. L'espoir aide à
croire en la capacité de l'organisation et à efficacement faire face aux événements inattendus.
En analysant de près les caractéristiques des organisations résilientes énumérées plus
haut (au nombre de onze), nous remarquons qu’elles correspondent à différents moments ou
phases d’une crise. C’est pourquoi nous avons procédé à un classement synthétique en trois
catégories (anticipation, résolution de problèmes, bilan et leçons tirées). Ces catégories
représentent les trois moments de la crise : avant, pendant et après. Le tableau suivant reprend
les caractéristiques des organisations résilientes selon ces trois catégories.
46
Tableau 5 : Les catégories et les caractéristiques des organisations résilientes
Catégories Caractéristiques Auteurs
(Hamel & Välikangas,
Anticipation (avant crise) - Prise de mesures 2003 ; Vogus &
proactives Sutcliffe, 2007)
- Défi idéologique
Bilan et leçons tirées - Le succès n’est pas une (Vogus & Sutcliffe,
fin en soi 2007)
(après crise)
- L’amélioration
constante
- L’organisation
résiliente : un système
d’espoir
Source : Auteur
47
Figure 1 : Le processus de résilience organisationnelle
48
permet à l’organisation d’améliorer sa capacité à détecter les évènements imprévus qui
pourraient survenir dans un futur proche afin qu’elle puisse se doter de capacités qui
favoriseraient son rebond. Selon eux, les émotions et plus précisément l’«emotional
attunement » qui peut être traduit par « l’harmonisation émotionnelle » participe à l’activité de
détection des signaux faibles. L’harmonisation émotionnelle est une expression employée en
psychologique clinique pour désigner « la capacité à lire une situation chez un patient et à
saisir son ton émotionnel : savoir quand quelque chose ne va pas, quand il semble bien en
surface, ou sentir quand réellement tout va bien malgré les apparences contraires » (Vogus &
Sutcliffe, 2007: 3420). Appliquée aux organisations, l’harmonisation émotionnelle peut être
appréhendée comme l’analyse ou l’observation de l’environnement à l’aide essentiellement des
sens et de l’intuition des acteurs. Elle s’apparente à une sorte d’intelligence émotionnelle qui
permet aux organisations de développer une certaine sensibilité quant aux signaux faibles émis
par l’environnement. Les auteurs spécifient que l’anticipation ne permet en aucun cas
d’éliminer les erreurs ou les évènements inattendus mais plutôt de se préparer de la meilleure
manière qui soit pour permettre la reprise des activités de l’organisation. En effet, cette activité
permet à l’organisation de se préparer grâce à la prise de décisions ou de mesures proactives
sans pour autant que cela soit la preuve d’une quelconque planification permettant d’échapper
aux évènements imprévus pressentis dans l’environnement car l’imprévu est par définition
impossible à planifier (Duchek, 2014).
2.3.2. Phase 2 : pendant la crise
C’est la phase pendant laquelle l’organisation est confrontée à la crise. Elle doit élaborer
des solutions pour éviter le minimum de dégât possible. Il s’agit d’une phase d’action qui fait
intervenir différents éléments : la robustesse, la redondance, la capacité d’absorption, la
flexibilité et l’adaptation.
La robustesse est associée à « la capacité des éléments, des systèmes ou d'autres unités
d'analyse de fonction » (Bruneau et al., 2003: 6). Dans cette idée, Kantur & Isery-Say (2015)
déclarent que la robustesse permet de résister à un niveau de stress ou de demande sans subir
de dégradation ou perte ; elle mesure la capacité de résistance. En prenant l’attaque du 11
septembre 2001 comme un exemple pratique, Kendra & Wachtendorf (2002: 99) montrent que
« l'EOC2 n'était pas suffisamment robuste pour survivre à l'attaque du 11 septembre, l'OEM 3
3
Office of Emergency Management se traduit par bureau de gestion des crises
49
quant à lui, avait une robustesse considérable en tant qu'organisation en démontrant sa
capacité à continuer de fonctionner même après avoir perdu ses installations et une grande
partie de son infrastructure de communication et de technologie de l'information ». La
robustesse s’apparente ainsi à la résilience (mêmes les deux notions restent différentes) des
systèmes d’informations (Koninckx & Teneau, 2010 ; Therrien, 2010).
La redondance est quant à elle, définie comme « la mesure dans laquelle des éléments,
des systèmes ou d'autres unités d'analyse sont substituables, c'est-à-dire capables de satisfaire
les exigences fonctionnelles en cas de perturbation, de dégradation ou de perte de
fonctionnalité » (Bruneau et al., 2003: 6). En d’autres termes, la redondance est la capacité qui
permet de faire face aux perturbations et imprévus (Wildavsky, 1988: 77). Cette capacité
nécessite de posséder, 1) une capacité de ressources et 2) une certaine rapidité dans la réaction
aux évènements (Kendra & Wachtendorf, 2002). La capacité de ressources est la « capacité à
identifier des problèmes, à établir des priorités et à mobiliser des ressources lorsque les
conditions menacent de perturber un élément, un système ou une autre unité d'analyse »
(Bruneau et al., 2003: 6). La rapidité dans la réaction est « la capacité de répondre aux priorités
et d'atteindre les objectifs en temps opportun afin de contenir les pertes et d'éviter les
perturbations futures » (Bruneau et al., 2003: 6).
En ce qui concerne la capacité d’absorption, Cohen & Levinthal (1990), la définissent
comme « une capacité développée grâce aux connaissances connexes antérieures acquises qui
permet de reconnaître la valeur des nouvelles informations, à l'assimiler et à l'appliquer à des
fins commerciaux ». Les auteurs sont d’avis que la capacité d'absorption peut être développée
et maintenue en tant que sous-produit de l’activité de routine lorsque le domaine de
connaissances que l'entreprise souhaite exploiter est étroitement lié à sa base de connaissances
actuelles. Toutefois, ils sont d’avis que, lorsqu’une entreprise souhaite acquérir et utiliser une
connaissance qui n'est pas liée à son activité continue, c'est-à-dire lorsque la capacité
d'absorption n'est pas un sous-produit des activités existantes, elle doit consacrer ses efforts
exclusivement à la création de cette capacité d’absorption. Pour ce faire, elle doit investir dans
un modèle de recherche et développement (R&D) qui favorise l’acquisition de nouvelles
connaissances sous-jacentes aux changements techniques au sein d'une industrie (Cohen &
Levinthal, 1990).
Par ailleurs, la flexibilité est pour Koninckx & Teneau (2010), le premier principe de la
résilience organisationnelle alors que pour d’autres auteurs comme Vogus & Sutcliffe (2007)
et Duchek (2014) c’est plutôt l’anticipation des évènements imprévus qui en est le principe
50
fondateur. La flexibilité se définit comme étant « la capacité d’un système à s’adapter sous la
double contrainte de l’incertitude et de l’urgence » (Boyer & Equilbey, 1999: 289). Il s’agit
donc de l’habilité de l’organisation à s’adapter rapidement à son environnement, pour cela, il
faut miser sur « des organisations en réseaux capables de transversalité et de collaboration
intensive, des structures à géométrie variable » (Koninckx & Teneau, 2010: 43).
Selon Hollnagel et al., (2008) la capacité d’être flexible confère une certaine maitrise de ce qui
se passe autour de soi.
Enfin, l’adaptation ou la capacité adaptative semble être l’un des éléments ayant reçu le
plus d’attention au niveau organisationnel (Lee et al., 2013 ; Stephenson, 2010 ; Vogus &
Sutcliffe, 2008 ; Ledogar, 2008) et suscite par la même occasion un vrai débat dans la littérature
car pour certains, la résilience consiste en une simple adaptation à son environnement (Vogus
& Sutcliffe ; 2007 ; Lee et al., 2013). Pour d’autres, comme Wood (2006), la résilience
organisationnelle est plus qu’une simple adaptation. Il existe selon l’auteur, deux formes de
capacités adaptatives dont la première est celle à laquelle se réfèrent les organisations pour
répondre ou rebondir face à l’incertitude grâce à la planification et aux ressources disponibles.
L’adaptation dans ce sens s’inscrit dans la perception d’une résilience vue comme le simple fait
de revenir à un état de fonctionnement initial. De manière pratique, cette capacité permet
d’assurer la continuité des activités et de gérer les risques auxquels les organisations sont
confrontées (Lee et al., 2013). La seconde capacité adaptative est celle qui émerge lorsque les
organisations développent de nouvelles capacités pour répondre d’une manière dynamique aux
situations imprévues. Dans cette perspective la résilience est plus qu’une simple adaptation, il
n’est plus question de simplement accepter le changement et l’ambigüité qui en découlent en
essayant d’assurer la continuité, il est question d’être créatif et de transformer les conditions
défavorables en avantages et d’en tirer profit (Weick, 1993 ; Vogus & Sutcliffe, 2007). Ainsi
pour Wood (2006), une organisation résiliente nécessite de posséder des ressources latentes
pouvant être activées, combinées et recombinées de différentes manières face aux situations
imprévues.
2.3.3. Phase 3 : après la crise ou phase de bilan
Cette dernière phase est une phase de bilan dans laquelle l’entreprise va s’auto-examiner
pour voir ses réussites et ses échecs afin d’apporter les corrections nécessaires. Cette phase
repose essentiellement sur la capacité d’appropriation qui permet à l’organisation de devenir
plus forte de ses expériences (Bégin & Chabaud, 2010).
Selon Bégin & Chabaud (2010) l’importance d’une capacité d’appropriation réside dans
51
sa faculté à « créer un espace réflexif collectif pour que puissent se faire les apprentissages »
(p.140). Cette capacité s’acquiert donc par l’apprentissage. Toujours selon eux, la capacité
d’appropriation des expériences passées contribue à l’accroissement de la résilience
organisationnelle car elle permet de stocker dans la mémoire organisationnelles, les expériences
du passé aussi douloureuses soient-elles. Toutefois, l’apprentissage n’est possible que si les
routines organisationnelles sont dynamiques et non statiques, sinon, elles empêcheraient
l’apprentissage (Ferrary et Pesqueux 2011).
L’appropriation consiste à analyser le passé pour « savoir tirer parti de ses échecs »
c'est-à-dire, tirer des enseignements qui favoriseront un apprentissage post-crise (Thorne 2000).
La notion d’apprentissage apparaît ainsi comme faisant partie intégrante de la résilience
organisationnelle. Par conséquent la résilience en tant que capacité à se prémunir d’une crise
est « le résultat d’un apprentissage continu » (Altintas & Royer, 2003 : 670).
2.4. Les notions connexes à la résilience organisationnelle
A cause de la multitude de définitions, la littérature en Sciences de gestion sur la
résilience organisationnelle a vu se développer certaines notions qui sèment la confusion. Il
semble nécessaire de les mentionner et d’essayer de les différencier du concept de résilience
organisationnelle.
Tout d’abord, la résilience et la robustesse sont considérées comme deux termes
interchangeables dans la littérature (Christopher & Peck, 2004 ; Sheffi & Rice, 2005) alors qu’il
s’agit de deux concepts distincts. Selon Christopher & Peck (2004), la différence entre les deux
notions se trouve dans le fait que la robustesse est une force physique alors que la résilience est
la capacité d’un système à retrouver son état de fonctionnement initial (approche systémique).
Cela signifie que ce n’est pas par ce qu’un matériau est robuste qu’il peut automatiquement
retrouver son équilibre après avoir subi un choc car la robustesse sous-entend une certaine
rigidité physique.
Il est également nécessaire de différencier la résilience de la persistance temporelle.
Selon Dauphiné & Provitolo (2007) la persistance temporelle mesure simplement la constance
d’un état par rapport à un état de référence alors que la résilience correspond à l’aptitude d’un
écosystème à revenir à l’état d’équilibre après une perturbation. Il apparaît alors que, la
différence entre ces deux notions est la dimension temporelle du choc. En effet, selon la
littérature sur la résilience, le fait pour l’écosystème de retrouver son équilibre une seule fois
suffit à le qualifier de résilient et non de persistant car la persistance est un constat qui nécessite
une observation sur une période assez longue. Par conséquent, un écosystème persistant peut
52
être qualifié de résilient mais le contraire n’est pas toujours vrai.
Par ailleurs, Lengnick-Hall et ses collaborateurs (2011) notent également l’importance
de distinguer la notion de résilience organisationnelle de celles de flexibilité, d’agilité et
d’adaptabilité qui sont souvent source de confusion. La flexibilité est la capacité de changer
relativement à court terme et à faible coût (Ghemawat & del Sol, 1998). L’'agilité est par contre,
l’aptitude à développer et intégrer d’une manière souple et dynamique les variations en matière
de compétitivité (McCann, 2004). L'adaptabilité traduit quant à elle, la capacité de s’ajuster ou
de s’aligner avec l'environnement (Chakravarthy, 1982). Les auteurs signalent que ces notions
ont des origines et des résultats différents de ceux de la résilience pour quatre raisons. Ils
expliquent tout d’abord que, le besoin de résilience est le plus souvent déclenché par un
évènement inattendu alors que la flexibilité et l’agilité font partie d’un répertoire de capacités
stratégiques conduisant à une meilleure manœuvrabilité. Ensuite, la résilience organisationnelle
intègre le renouvellement, la transformation et la créativité dynamique. L’adaptabilité, en
revanche, souligne la nécessité d'un ajustement environnemental d'un point de vue extérieur et
œuvre en faveur du désir d’un équilibre externe. En outre, les caractéristiques telles que la
flexibilité, l'adaptation, l'improvisation et l'agilité peuvent contribuer à la capacité de résilience
d'une organisation, toutefois, aucune de ces capacités ne suffit proprement à l'atteindre. Enfin,
ils estiment que le peu de travaux empiriques examinant la résilience et les autres attributs
organisationnels associés (flexibilité, agilité et adaptabilité) se mesurent différemment.
En résumé, il est indéniable que ces différentes notions participent dans une certaine
mesure à la résilience des organisations, cependant ces dernières ne peuvent en aucun cas être
employées comme des synonymes ou encore des substituts du concept résilience
organisationnelle.
2.5. Les problèmes de la résilience organisationnelle et perspective de la recherche
Ce paragraphe s’attèle d’abord, à relever deux problèmes majeurs, liés au concept de
résilience organisationnelle : les problèmes liés à sa définition et les problèmes liés à sa
théorisation. Ensuite, l’intérêt se portera sur la problématisation de la présente recherche.
2.5.1. Les problèmes liés à la définition de la RO
Le concept de résilience organisationnelle fait face à des problèmes à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, la résilience est un concept transdisciplinaire, polymorphe et multifactoriel
comme démontré précédemment. Elle provient des sciences physiques et s’est répandue dans
d’autres disciplines. En zoologie, elle est la capacité de reproduction d’une espèce, en biologie,
elle est la capacité d’un écosystème à exister en dépit d’une perturbation (Holling, 1973). Dans
53
la section 1 nous avons vu comment la résilience a été appliquée aux sciences humaines, en
occurrence, en psychologie. La résilience est donc une notion « passe partout » qui traverse le
temps (depuis Holling à aujourd’hui) et les disciplines (sciences physiques, psychologie,
économie, sciences de la terre, sciences de gestion, etc.). Aussi, la Résilience a eu plusieurs
unités d’analyse au fil du temps. En effet, la résilience a été employée pour parler des espèces
animales, des organismes, des écosystèmes, des objets inanimés (matériaux, systèmes
d’information, système économique, financier etc.), des personnes physiques et morales (les
organisations). Appliquée aux organisations, la résilience est une notion complexe, difficile à
définir et à théoriser à cause du manque de consensus entre les auteurs (Teneau, 2017).
Ensuite, le problème lié à la définition du concept a engendré un problème au niveau de
son observation empirique. Pour Mendoça (2008) les défis rencontrés lorsqu’on veut observer
ou évaluer la résilience au sein de l’organisation concernent le fait de savoir s’il est mieux de
le faire à priori ou durant la crise comme une réponse à cette dernière. L’auteur souligne
également le manque d’études longitudinales permettant de faire des comparaisons
intéressantes et la multitude de facteurs qui composent la notion sont d’autant d’énigmes qui ne
facilitent pas l’étude de la résilience organisationnelle.
2.5.2. L’absence de théorie de la résilience organisationnelle
La théorisation de la résilience organisationnelle reste problématique. Il n’existe pas de
théories de la RO car « pour comprendre celle-ci, il est nécessaire de faire appel à de multiples
références théoriques » (Lecomte, 2004).
Malgré l’intérêt grandissant et les nombreux travaux sur le concept de résilience
organisationnelle, le contenu du concept reste flou reste difficile à opérationnaliser
(Bauweraerts & Colot, 2014). Les travaux portant sur ce thème demeurent largement
conceptuels (Altintas, 2007). Mendoça (2008) donne une explication à ce phénomène. Selon
lui, la multitude de facteurs qui composent le concept de RO constitue autant d’énigmes qui ne
facilitent pas l’étude empirique de la résilience organisationnelle.
Lors du colloque organisé par l’IM en novembre 2019, sur la thématique de la résistance
au changement et de la résilience organisationnelle, ce constat s’est confirmé. Le discours des
participants à la table ronde a permis de faire ressortir la présence de nombreuses généralités,
approches et écrits dans le champ de la résilience organisationnelle, mais également l’absence
d’une théorie à même de faciliter sa compréhension et sa mobilisation dans les recherches
empiriques.
54
2.5.3. Problématique de la recherche
Au vu des problèmes cités précédemment, la résilience organisationnelle souffre d’une
complexité aussi bien sur le plan théorique qu’empirique. Sa définition et ses mécanismes de
fonctionnement ne sont pas toujours explicites. De manière pratique, l’étude empirique de la
résilience sur le plan organisationnel reste « moins développée » (Koninckx & Teneau, 2010)
et malgré l’intérêt grandissant qui lui est accordé, le concept reste difficile à opérationnaliser
(Dauphiné & Provitolo, 2007 ; Bauweraerts & Colot, 2014). En effet de nombreux auteurs ont
suggéré différents cadres d’opérationnalisation de la résilience des organisations (Lee et al.,
2013 ; Kantur & Iseri-Say, 2015; Therrien, 2010 ; Teneau, 2017). Ceci prouve que la notion de
résilience organisationnelle demeure encore incomprise, floue et qu’un impératif de
changement d’approche s’impose.
Par ailleurs, la revue de la littérature démontre que les travaux sur la résilience
organisationnelle sont fortement influencés par un corpus de travaux sur la résilience
individuelle (Coutu, 2002; Vogus & Sutcliffe, 2007 ; Koninckx & Teneau, 2010 ; Ahras, 2020).
La résilience organisationnelle tend parfois à être ainsi considérée comme la somme des
résiliences individuelles (Koninckx & Teneau, 2010). Les limites entre les concepts de
résilience individuelle et de résilience organisationnelle demeurent théoriquement imprécises
et non définies car le passage de la dimension individuelle à la dimension organisationnelle de
résiliente semble quasiment inexistant dans les travaux. Cela soulève la réflexion sur les
mécanismes qui président le passage d’une logique de résilience individuelle à celle d’une
résilience organisationnelle qui est quasiment absente dans la littérature. En effet la littérature
sur la résilience n’explicite pas comment on passe de la résilience individuelle à la résilience
organisationnelle.
Aussi, malgré l’ambigüité et le flou qui environnent le concept de résilience
organisationnelle, les travaux en Tunisie estiment que les entreprises les plus résilientes dans le
contexte de crise post-révolutionnaire sont les entreprises familiales (Chaabouni et al., 2014 ;
Chaabouni et al., 2015 ; Mzid, 2015 ; Marouane & Chtourou, 2015). Nous partons de ce
discours déclaratif de ces auteurs pour observer deux de ces entreprises afin de comprendre s’il
s’agit réellement de résilience ou si ce que les auteurs appellent résilience n’est que l’ombre de
celle-ci, c’est-à-dire une métaphore.
La question qui se pose est alors : Comment le concept de métaphore fonde-t-il ou
pas la compréhension du passage d’une logique individuelle à une logique
organisationnelle de résilience ? Les questions de recherche sous-jacentes à cette
55
problématique sont ?
1. Peut-on réellement parler d’une résilience organisationnelle en soi ?
2. Comment les capacités individuelles de résilience conduisent-elles aux capacités de
résilience organisationnelle ?
3. Sommes-nous en droit de considérer l’AO comme étant le comparant de la RO ?
4. Quel modèle explicatif de la résilience organisationnelle en résulte-t-il?
Tout au long de ce travail, nous allons tenter de répondre à cette question.
56
Conclusion du chapitre 1
Tout au long de ce chapitre, nous avons tenté de comprendre ce qu’est la résilience
organisationnelle. C’est ainsi que dans la première section, nous nous sommes d’abord penchés
sur le concept de résilience, sur ses origines, son évolution. Nous avons alors vu que le concept
de résilience qui à l’origine, s’appliquait aux matériaux, permettait aussi de rendre compte des
écosystèmes, de leur renouvellement et de leur longévité. Par la suite, nous nous sommes
intéressés à la résilience individuelle, appelée aussi résilience psychologique. Le concept a
largement conquit les individus puisqu’il permet aujourd’hui d’expliquer la raison pour laquelle
certaines personnes se remettent mieux ou arrivent à s’en sortir face aux malheurs de la vie,
alors que d’autres n’y arrivent pas. La littérature sur la résilience individuelle est abondante
grâce aux différentes études cliniques et à la contribution de certains psychologues reconnus
(Garmezy, 1970 ; Werner & Smith, 1982, 1992).
Dans la seconde section, nous avons longuement discuté de la résilience appliquée aux
organisations : la résilience organisationnelle. Nous avons tout d’abord montré l’évolution et
l’intérêt de la thématique de la résilience organisationnelle. En effet, avec l’augmentation du
niveau d’incertitude de l’environnement général, la résilience gagne de plus en plus d’intérêt
dans le champ du management stratégique en tant que concept capable d’assurer aux
organisations « la continuité, la durabilité et le succès » (Kantur & Isery-Say, 2015).
Nous avons ensuite, tenté de définir le concept, de relever les caractéristiques des
entreprises dites résilientes et nous nous sommes penchés sur les problèmes que rencontre le
concept. Le constat est qu’il existe un foisonnement de définitions et de concepts associés à la
résilience organisationnelle. Ce qui lui confère une pluralité de dimensions et le rend difficile à
saisir. L’un des problèmes majeurs que rencontre la RO est le fait qu’il est très influencé par la
littérature sur la résilience individuelle. Le fait que les auteurs se soient directement intéressés
à la résilience organisationnelle sans se préoccuper de la manière dont on passe d’une résilience
individuelle à une résilience organisationnelle, sachant qu’individu et organisation constituent
deux niveaux d’analyses différents même s’ils peuvent être liés. Ce constat pousse à se
demander si ce qui est qualifié de résilience dans les organisations est toujours de la résilience
ou l’ombre de celle-ci c'est-à-dire une métaphore organisationnelle. C’est pourquoi, nous allons
nous intéresser au concept de métaphore organisationnelle dans le chapitre suivant.
57
CHAPITRE II : La métaphore
organisationnelle : Parcours de légitimation d’un
concept qui divise
58
Introduction du chapitre 2
Le concept de métaphore organisationnelle continue de révolutionner la conception du
monde organisationnel et son fonctionnement grâce aux différentes métaphores qu’il génère.
Ces métaphores continuent encore de rythmer notre monde actuel que ce soit dans
l’administration comme dans les entreprises.
Le concept de métaphore émerge dans différents discours et se trouve ainsi à la croisée
de différentes disciplines (Lackoff & Johnson, 1980 ; Morgan, 1980 ; Tsoukas, 1991, 1993).
Elle a d’abord alimenté le discours rhétorique et le discours poétique (Aristote, 1405 ; 1408,
1457 ; Ricœur, 1975) avant de faire l’objet d’intérêt dans la linguistique (Lackoff & Johnson,
1980). La métaphore fait son entrée dans le discours organisationnel grâce à Morgan (1980) et
son célèbre ouvrage « Image of Organization » dans lequel il dépeint l’organisation sous
différentes métaphores.
L’introduction de la métaphore dans les sciences de gestion suscite une polémique au
sujet de son utilité, qui a longtemps divisé la communauté scientifique (Morgan, 1980 ;
Cornelissen, 2005 ; Resche, 2016). Les opposants à l’emploi de la métaphore dans les sciences
des organisations soutiennent que la métaphore s’exprime dans des termes flous, trompeurs,
inexacts et ambigus, ce qui est totalement contraire à la démarche scientifique (Bourgeois &
Pinder, 1982). Ils jugent par conséquent que la métaphore est un ornement qui ne convient qu’à
la poésie et à la littérature. Les défenseurs de la métaphore estiment au contraire que les
métaphores sont utiles aux organisations car elles sont au cœur même du discours
organisationnel (Morgan, 1980, 1983 ; Weick, 1989 ; Cornelissen, 2005). La métaphore
présente ainsi un caractère constructiviste par le fait qu’elle participe non seulement à la
compréhension des organisations mais également à la création de sens nouveaux qui offrent
différentes manières de les voir et de les concevoir (Morgan, 1980). La perspective
métaphorique semble trouver sa place dans les sciences de gestion, comme tout autre concept
à même d’aider à la compréhension des phénomènes organisationnels.
Ce chapitre a pour but de mettre en lumière le concept de métaphore organisationnelle,
sa légitimité, son histoire, son fonctionnement, ses différentes approches et son apport pour la
problématique principale de la présente recherche. Au regard de cet objectif, ce chapitre
s’organise comme suit : la première section s’attardera sur les fondements philosophiques et
linguistiques de la métaphore dans laquelle nous essaierons de définir et de caractériser le
concept de métaphore en philosophie et en linguistique. La seconde section sera consacrée à la
métaphore organisationnelle, que nous chercherons à légitimer en montrant son utilité dans les
sciences et dans l’étude des organisations.
59
Section 1 : Les fondements linguistiques et philosophiques de la
métaphore
Dans cette section, nous tenterons de montrer les origines et de définir la métaphore,
dans un premier temps. Dans un second temps, nous tenterons de mettre en lumière les
caractéristiques de la métaphore.
I. Origines et Définitions de la métaphore
Dans ce paragraphe, nous allons tout d’abord, nous pencher sur l’approche linguistique,
avant de nous attarder ensuite sur l’approche philosophique de la métaphore.
1.1. L’approche linguistique : la métaphore au service de la sémantique ?
Dans cette partie, nous allons tout d’abord nous intéresser à la métaphore comme un
processus analogique avant de la concevoir comme un processus cognitif.
1.1.1. La métaphore comme un processus analogique
La métaphore est un mot qui trouve ses origines dans le grec. En effet, selon le
dictionnaire du Cnrtl la métaphore provient du latin metaphora et du grec metapherein qui
signifie « transférer » ou « transporter », elle se définit comme :
« Une figure d’expression par laquelle on désigne une entité conceptuelle au moyen
d’un terme qui, en langue, en signifie une autre en vertu d’une analogie entre les deux entités
rapprochées et fondées » (Cnrtl)
La « métaphore est le transport à une chose d’un nom qui en désigne une autre,
transport du genre à l’espèce, ou de l’espèce au genre, ou de l’espèce à l’espèce ou d’après le
rapport d’analogie » (Aristote 1457b : 6-9). L’analogie est quant à elle, un « rapport de
ressemblance, d'identité partielle entre des réalités différentes préalablement soumises à
comparaison ; trait(s) commun(s) aux réalités ainsi comparées, ressemblance bien établie ou
par correspondance ». On parle ainsi d’analogie lorsque « la relation portée à un objet par un
attribut ou une circonstance correspond à la relation existant entre un autre objet et un attribut
ou une circonstance le concernant » (Simpson & Weiner, 1989 : 432).
1.1.2. La métaphore comme un processus cognitif
La métaphore « permet de comprendre quelque chose (et d’en faire l’expérience) par
quelque chose d’autre avec une structuration partielle » (Lakoff & Johnson, 1980 : 15).
Autrement dit, la métaphore est un processus dans lequel, le domaine source et le domaine cible
ont plus ou moins la même structuration. Il s’agit alors de remplacer un mot par un autre qui a
un sens semblable. La métaphore est alors « un déplacement du semblable au semblable »
60
(Aristote, 1408)4, ce qui permet à la métaphore de déroger au sens initial sans pour autant altérer
la symbolique du langage.
Dans cette direction, Passeron (2000) voit dans la métaphore un déplacement
sémantique (une comparaison implicite) d’un « comparant » à un « comparé » (Passeron, 2000).
Il se crée alors un véritable jeu de sens : le sens référentiel d’un mot ou d’un concept comparant
est transféré au mot ou concept comparé.
Selon Bartel (1983), on parle de métaphore à chaque fois qu’on donne à un mot une
signification autre que celle qui se trouve dans le dictionnaire. La métaphore ne se résume donc
plus seulement à une simple comparaison implicite mais à l’attribution d’un sens nouveau à un
mot. Dans ce sens, Passeron (2000) préconise de faire attention à la conceptualisation de la
métaphore car elle peut devenir stérile si elle se résume à la simple « répétition mécanique
d’une ressemblance qui tourne en rond dans un modèle monotone d’interprétation soutenu par
la répétition comparative des différences ». Dans ce cas, elle impose un langage et une
interprétation ou un bloc de signification « déjà figés » qui conduit à un enfermement d’idées
qui inhibe « les potentialités cognitives ». Dans ce cas, la métaphore « fige le sens social ou
culturel des occurrences historiques dans la référence à un centre obligatoire du discours »
(Passeron, 2000 : 20).
1.2. L’approche philosophique : la métaphore comme un art ?
Dans cette partie, nous mettrons en lumière l’approche philosophique de la métaphore
qui comprend deux contributions principales. Il y a tout d’abord la contribution des travaux
d’Aristote à laquelle nous allons nous intéresser dans un premier temps. Ensuite, la contribution
de Paul Ricœur sur laquelle nous allons nous pencher par la suite.
1.2.1. La contribution des travaux d’Aristote
Au 19èm siècle, certains philosophes, à l’instar d’Aristote se sont intéressés à la place
qu’occupe la métaphore dans les arts. Il a longuement abordé la thématique de la métaphore
puisqu’il a consacré douze chapitres à la métaphore dans son troisième livre sur la Rhétorique
et deux chapitres dans son livre Poétique (Dupont-Roc & Lallot, 1980). Les deux traités
représentent deux types de discours : le discours rhétorique et le discours poétique. Les travaux
d’Aristote étant écrits en grec, nous nous sommes essentiellement basés sur des traductions
effectuées par d’autres auteurs (Ricoeur, 1975 ; Dupont-Roc & Lallot, 1980 ; Destrée, 2003 ;
Donini, 2003). Dans ce qui suit, nous verrons dans un premier temps la métaphore comme l’art
de la rhétorique, avant de voir dans un second temps, la métaphore comme l’art de l’imitation.
4
In Dupont-Roc & Lallot (1980: 346).
61
a/ La métaphore comme l’art de la rhétorique
La rhétorique est de nos jours, une arme de prédilection dans les discours politiques.
Dans son article intitulé « la bonne parole de Barack Obama », Laurent (2008) souligne que
c’est grâce à la maitrise de l’art oratoire que Barack Obama, a réussi à se faire élire pour la
première fois durant les présidentielles de 2008 aux Etats-Unis.
Pour Aristote (1405), la rhétorique est l’art de bien parler, de persuader par le discours.
Selon Ricœur (1975), la rhétorique d’Aristote est une théorie qui repose sur trois champs :
l’argumentation qui émet l’idée d’une démonstration philosophique, l’élocution et les éléments
qui composent le discours. A travers la rhétorique, Aristote cherche à concilier « l’objectif
rhétorique de persuasion au concept logique du vraisemblable, qui désigne ce qui arrive le plus
souvent dans le domaine des choses qui peuvent être autrement » (Ricœur, 1975 : 17). En
d’autres termes, il s’agit pour l’orateur de chercher à persuader son auditoire par des preuves,
ce qui l’oblige à se livrer à une argumentation, c'est-à-dire, la production d’un raisonnement
bien agencé capable de persuader le public.
Dans la rhétorique, la « lexis » est le fondement ou la manière du discours et celle-ci
repose essentiellement sur la métaphore (Ricœur, 1975). Selon le dictionnaire du Cnrtl, la
« lexis » en philosophie est un « énoncé envisagé comme entité abstraite », autrement dit, elle
est l’« équivalent abstrait de tous les énoncés possibles ». Elle est aussi définie comme une
« expression » (Dupont-Roc & Lallot (1980) une « élocution » (Joseph & Hardy, 1932), ou
encore comme un « style » (Duffour et al., 1973). Selon Aristote, la « lexis » doit comporter
un style de discours adapté. Pour lui, l’orateur doit obligatoirement adopter un style dans son
discours.
« La convenance résulte d’une conformité du style à l’objet traité : le style aura la
convenance s’il exprime les passions et les caractères, et s’il est proportionné aux choses qui
en sont le sujet. Il y aura proportion si l’on ne traite pas de grands sujets sans aucun souci
d’art ni des sujets simples avec pompe, et si un mot simple ne reçoit pas une épithète d’ornement
; sinon le style a l’apparence de la comédie » (Aristote, 1408a : 10-14). Pour, Aristote (1405),
l’emploi d’un style approprié augmente la force de la persuasion. La métaphore semble être le
moyen par excellence pour y arriver puisqu’elle est couramment utilisée dans le langage. Pour
ce faire, le rhéteur pourrait se livrer à un jeu d’emprunt de sens à des mots « élevés » pour
amplifier et donner plus de valeur à son idée ou pour l’avilir par des mots « plus bas ». En outre,
Aristote (1408) met en exergue le fait que le principe de convenance s’applique également à la
métaphore, elle consiste alors à remplacer un mot par un autre qui lui ressemble car pour lui, la
62
métaphore est un « déplacement du semblable au semblable ».
b/ La métaphore comme l’art de l’imitation
Même si la métaphore n’est pas le seul procédé stylistique employé dans le poème, elle
joue un rôle important dans les activités de « mimèsis » (imitation) et dans les activités de
« katharsis » (transformation de la tristesse ou de la souffrance en joie ou en plaisir) dans le
poème tragique.
Dans son ouvrage la Poétique, Aristote (1957), décrit la poésie comme un genre de «
mimèsis » dont l’objectif est d’aboutir à un ensemble d’actions coordonnées appelées
« muthos ». Il définit la tragédie comme un « mimèsis » c’est-à-dire « l’imitation d’une action
et de la vie » (Aristote, 1450a 16)5. Cependant, l’auteur fait remarquer que l’imitation doit être
prise dans le sens d’une représentation et non d’une imitation aveugle ou une reprise trait pour
trait, ce qui lui confère une dimension philosophique. En effet, pour Aristote, le poète ne raconte
pas des histoires qui se sont véritablement déroulés dans le passé comme l’historien. Au
contraire, le poète se situe dans l’univers de l’éventualité, du possible. Il raconte des histoires
qui pourraient se produire, ainsi donc l’histoire se situe dans le « particulier » et la poésie dans
« l’universel » ou le général. Pour l’auteur, ceci dénote bien le caractère philosophique du
poème. Pour Aristote le « mimèsis » est l’activité poétique qui permet au poète de transmettre
ses émotions au public. Pour Donini (2003), c’est dans le « mimésis » que le caractère noble ou
non noble du poète transparaît. L’orateur emploie alors un ton noble, c'est-à-dire un ton grave
dans le but d’émouvoir son auditoire. La métaphore est ce qui confère la noblesse au style
poétique par le fait qu’elle détourne l’usage ou le sens des mots ou termes de manière
inhabituelle pour susciter des émotions chez les spectateurs. Pour Aristote, ces émotions bien
que négatives en générale (car elles inspirent la pitié, la peur, la tristesse) doivent être perçues
autrement chez les spectateurs. C’est ce qu’il nomme « katharsis ». Le « katharsis » est pour
Aristote, l’action de transformer les émotions négatives qui se dégagent d’un poème tragique
en émotions positives chez le spectateur (Donini, 2003). En d’autres mots, il est question de
procurer du plaisir ou de la joie au spectateur devant un scenario triste ou tragique. Pour cela,
la métaphore va substituer un terme ou un mot par un autre qui lui ressemble mais dont le sens
a une plus grande valeur que celle du sens du mot d’origine. La métaphore produit alors du
plaisir chez le spectateur ou le lecteur par le fait qu’elle l’instruit grâce à l’emploi de termes
différents mais similaires, pour rendre accessible des choses qui ne le sont pas chez ce dernier.
Le plaisir est suscité par l’apprentissage provoqué par les jeux de mots qui forment la
5
In Donini (2003).
63
métaphore.
Il ressort de la poétique, une volonté pour Aristote de mettre en lumière, le rôle moral,
mais surtout le rôle éducatif de la poésie dans la Poétique (Destrée, 2003 ; Donini, 2003).
Certains auteurs, à l’instar de Donini (2003) trouve que la mise en avant du rôle éducatif de la
poésie n’est pas anodin car étant élève de Platon, Aristote se devait de faire le lien entre la
poésie et l’éducation, il s’agit d’un choix « fondamentalement politique ». En effet, en faisant
le lien entre les problématiques morales et politiques dans son œuvre, Aristote démontre une
volonté de non seulement de rendre hommage à son maître, mais également d’assurer la
continuité de ses œuvres.
1.2.2. La contribution de Paul Ricœur
Comme Aristote, Ricœur est d’avis que la métaphore doit être mise au service de la
rhétorique car elle est à ses yeux un puissant outil de persuasion. Le problème qu’il soulève est
que le mot en tant que référentiel pour définir la métaphore n’est pas pertinent en ce qui
concerne les discours. Sa contribution majeure est celle du concept de « métaphore vive » dans
laquelle il énonce sa « vérité métaphorique » selon laquelle il faut considérer l’existence de
deux dimensions ou cadres référentiels en matière de métaphore : la phrase et le discours. Pour
l’auteur, la phrase en tant que métaphore apporte une signification complète des mots qui la
composent (dimension sémantique). Mais en matière de discours, le référentiel est différent. On
ne cherche plus le sens des mots, on cherche plutôt à peindre la réalité qui se trouve au-delà du
cadre linguistique (dimension herméneutique). C’est pourquoi, Ricœur (1975), définit la
métaphore comme la capacité de « décrire » la réalité à partir de plusieurs types de discours.
Ainsi, l’on s’intéresse au sens des mots lorsque la métaphore concerne la phrase, mais
lorsqu’elle concerne le discours, il faut sortir du langage comme référentiel pour embrasser le
référentiel qui est celui de la réalité du discours, en recourant à plusieurs perspectives
rhétoriques (discours philosophiques, poétiques, etc.). Dans ce sens, Ricœur (1975) considère
que la métaphore a une fonction référentielle qui se révèle par la double tension qui la
caractérise, à savoir la tension « soumission à la réalité-invention fabuleuse » et la tension
«restitution-surévaluation » (Ricœur, 1975 : 57). La métaphore représente à la fois la réalité
car elle participe à la restitution de celle-ci et elle peut aussi représenter ou être perçue comme
une invention fabuleuse dans la mesure où elle permet de surévaluer la réalité. Par conséquent,
la définition de la métaphore dépend du référentiel (les deux tensions) à partir duquel l’on
cherche à la définir.
64
II. Les caractéristiques de la métaphore
Dans ce paragraphe, nous traiterons premièrement des types de métaphores, ensuite
nous essayerons d’analyser l’interprétation d’une métaphore et enfin, nous nous intéresserons
aux notions voisines de la métaphore.
2.1. Les types de métaphores
La littérature recense trois principaux types de métaphores : (1) les métaphores mortes,
(2) les métaphores dormantes et (3) les métaphores vives (Ricoeur, 1975 ; Searle, 1978 ; Lakoff
& Johnson, 1980 ; Tsoukas 1991).
2.1.1. Les métaphores mortes
On parle de métaphores mortes ou métaphores figées ou encore de « métaphores froides
» lorsque « le sens du mot ou de la phrase est ignoré de manière à ce qu’un sens littéral
nouveau émerge et devient désormais identique à l’ancien sens » (Searle, 1979 : 122). Le sens
authentique d’un mot est alors éclipsé au profit d’un autre qui finit par devenir le sens approprié
ou commun. Tsoukas (1991) remarque que les métaphores mortes sont les plus employées dans
les énoncés de notre langage. Il donne deux exemples de métaphores mortes : le mot stratégie
qui veut dire « général » en grec et le mot organisation qui signifie « outil » en grec. Le constat
est que ces mots ne sont plus employés aujourd’hui pour leur sens primaire, mais bien pour
exprimer d’autres idées quand on voit toutes les théories relatives à ces mots. Par exemple,
l’une des conceptions les plus courantes de la stratégie est celle de Mintzberg (1978) pour qui
la stratégie est un processus qui donne lieu à un modèle de flux de décisions importantes. Selon
Tsoukas (1991), les métaphores mortes sont des métaphores devenues « si familières » et « si
habituelles » qu’on a cessé d’être conscient de leur nature métaphorique. Dans ce cas, le
nouveau sens finit par s’imposer comme le sens « normal » et le sens originel finit par être
oublié. Il est d’avis que ce genre de métaphores préparent le terrain d’étude mais ne permettent
pas d’aboutir à des aperçus significatifs. Pour les comprendre et les expliquer il faut recourir
aux métaphores vives car le sens commun qui leur est attribué est un sens, autre que celui
d’origine.
2.1.2. Les métaphores dormantes
Pour Tsoukas (1991), ce sont des métaphores sous la forme « d’expressions »
s’exprimant quasiment dans des termes littéraux qui orientent et contraignent notre vision du
monde. Selon l’auteur, la nature métaphorique de ces termes est perceptible. Il conclue qu’il est
important de noter que ces métaphores sont reconnaissables par le fait qu’elles sont convertibles
en métaphores mortes ou en métaphores vives. Les structures organisationnelles représentent
65
un parfait exemple de ce type de métaphores. Elles sont considérées comme une métaphore
dormante par le fait qu’elles renvoient à des pyramides stratifiées alors qu’elles devraient être
représentées par des trèfles et des fédérations, ce qui serait en adéquation avec leur sens littéral
(Handy, 1989) et traduirait l’idée d’addition ou de groupement et non d’une hiérarchie. Elles
constituent une métaphore dormante par le fait qu’elles peuvent également être conçues comme
des cercles (Peter, 1987), ce qui traduirait l’idée de processus et d’interrelations. La conception
des structures organisationnelles en strates pyramidales et non en trèfles ou en fédérations
démontrent qu’il ya eu une transformation de la métaphore dormante en métaphore morte
puisque cette conception est celle qui est la plus répandue aujourd’hui. La conception en termes
de cercles correspondrait à celle d’une métaphore vive.
2.1.3. Les métaphores vives
Les métaphores « vives », appelées parfois « métaphores authentiques » (Ricœur, 1975)
sont aussi appelées métaphores « actives » (Black, 1979), « nouvelles » (Lakoff & Johnson,
1980), ou encore métaphores « natives » (Nouvel, 2000). Contrairement aux deux types
précédents, les métaphores vives conduisent à des développements conceptuels intéressants
pour le terrain. Tsoukas (1991) considère que les métaphores vives sont des mots ou des termes
qui « remplacent » les énoncés littéraux à l’instar de l’expression « l’usine de production est le
cœur de la firme ». Laupies & Cervellon (2017) font remarquer que la métaphore vive s’oppose
à la « catachrèse » qui est une image statique ou une comparaison habituelle qui ne laisse pas
de place à l’imagination ou à l’invention. Selon les auteurs, la métaphore vive offre la possibilité
de décrire ou d’imaginer le monde et ses composants autrement. On passe ainsi d’un sens
ordinaire ou habituel à un sens nouveau ou « extraordinaire ». Ils prennent le « corps » comme
métaphore vive et justifient cette affirmation par le fait qu’au-delà de son sens symbolique (la
vie), scientifique (anatomie du corps humain), esthétique (la beauté), religieux (le cadavre), il
représente ce qui nous met en relation avec nous-mêmes, avec les autres et avec le monde. Ainsi
« la métaphore n'est pas vive seulement en ce qu'elle vivifie un langage constitué, la métaphore
est vive en ce qu'elle inscrit l'élan de l'imagination dans un penser plus au niveau du concept »
(Ricœur, 1975 : 63).
La métaphore vive pousse plus loin la réflexion et donne lieu à la création de nouveaux
aperçus, mots et concepts. Les métaphores vives sont donc des métaphores créatives et
créatrices. Ce travail s’inscrit dans cette perspective métaphorique.
66
2.1.4. Les types de métaphore selon Lackoff & Johnson (1980)
Selon Lakoff & Johnson (1980), notre vie est basée sur des « métaphores
conceptuelles » ou « métaphores fondamentales » qui ont un grand impact sur nos pensées,
notre langage et nos actions. Ces métaphores ont fini par faire partir de nous, de nos expériences
et de notre environnement.
Lackoff & Johnson (1980) distinguent trois types de métaphores : les métaphores
d’orientation, les métaphores ontologiques et les métaphores conceptuelles. Ces trois types de
métaphores sont résumés dans le tableau ci-dessous.
67
baignoires. Ces contenants sont caractérisés par une limitation physique dans l’espace.
Les métaphores structurelles sont des métaphores dont les domaines-sources et les
domaines-cibles sont structurés de la même façon. Autrement dit, il y’a une certaine cohérence
de structure entre le concept source et le concept cible. Les auteurs font aussi remarquer que
ces métaphores peuvent faire appel aux métaphores ontologiques, comme dans la métaphore
« le temps est une ressource » (le temps est une substance). Cependant, le plus important ici est
que le temps et la ressource sont deux concepts ayant la même structure, la même valeur forte
: les deux concepts sont présentés comme étant une richesse. Aussi, dans la métaphore « la
discussion, c’est la guerre », Lakoff & Johnson (1980) exposent l’idée d’un transfert des
attributs de la guerre (prise de position, défense, antagonisme, échange de tire etc.) à la
discussion. L’idée est que la guerre et la discussion peuvent s’inscrire dans le champ de la
violence. Cette manière de concevoir la discussion comme un combat ne choque personne car
elle correspond à notre expérience culturelle. Ainsi donc, les métaphores structurales
« émergent naturellement dans une culture comme la nôtre parce qu'elles mettent en valeur
quelque chose qui correspond étroitement à notre expérience collective et parce que ce qu'elles
masquent n'y correspondent pas. Mais elles ne se contentent pas de trouver un fondement dans
notre expérience physique et culturelle : elles influencent aussi notre expérience et nos
actes » (Lakoff & Johnson, 1980 : 77).
2.2. L’interprétation de la métaphore
Cornelissen (2005) suggère que le mécanisme de base impliqué dans la production et la
compréhension de métaphores n'est pas la sélection d’attributs préexistants des termes associés,
comme l’implique le modèle de comparaison. C’est plutôt la génération et la création de
nouveaux signifiants au-delà d'une similitude existante. C’est pourquoi, il stipule qu’on ne peut
pas comprendre une métaphore sans considérer le domaine source et/ou le domaine cible. Pour
lui, le sens d’une métaphore est un mélange des sens des deux domaines.
Törneke (2019) souligne la nécessité de considérer les métaphores comme des
constituants centraux du langage et non comme de simples figures de style destinées à orner la
conversation. Il soulève le fait que les métaphores sont généralement ancrées dans un contexte
particulier. C’est pourquoi la compréhension des métaphores est subordonnée à une
contextualisation de ces dernières. En effet, pour l’auteur, les métaphores sont influencées par
la langue et la culture dans lesquelles, elles sont émises. L’auteur prend l’exemple de
l’expression « genoux d’abeilles » (« it’s the bees’ knees ») qui n’a pas de sens pour les
francophones, alors que les anglophones comprennent exactement le sens de cette métaphore
68
qui rappelle le nectar des fleurs et fait référence à un cocktail rafraichissant à base de miel et
d’autres ingrédients qu’ils apprécient particulièrement.
2.3. Métaphore et notions voisines
Comme notions voisines, nous allons distinguer la personnalisation, la métonymie et la
comparaison de la métaphore.
2.3.1. Métaphore et personnalisation
La personnalisation est une figure de style au même titre que la métaphore. Elle consiste
à personnifier, c'est-à-dire à projeter un aspect humain sur des objets inhumains. Il s’agit d’une
sorte d’ « humanisation » du non humain. Lakoff & Johnson (1980) jugent la personnification
comme un genre de métaphore ontologique car pour eux « une grande variété d'expériences
concernant des entités non humaines peuvent être comprises en termes de motivations, de
particularités et d'activités humaines » (Lakoff & Johnson, 1980 : 42).
2.3.2. Métaphore et métonymie
Il s’agit d’une figure de style qui permet d’exprimer une idée à l’aide d’un mot qui lui
est associée comme par exemple, l’expression « boire un verre ». Tout comme la métaphore,
la métonymie a une fonction référentielle (Ricoeur, 1975 ; Lakoff & Johnson ,1980). Lakoff
& Johnson (1980) estiment que les concepts métonymiques permettent de désigner une chose
à l’aide de sa relation avec une autre chose. La métonymie peut avoir une fonction heuristique
dans la mesure où elle permet de choisir une partie (parmi d'autres).
2.3.3. Métaphore et comparaison
La comparaison emploie des objets explicites de comparaisons, à l’instar de « comme »
ou « tel que ». La métaphore peut être également perçue comme une comparaison sans objet de
comparaison (Morgan, 1980 ; Tsoukas, 1991). La métaphore pourrait être ainsi vue comme
une comparaison implicite.
Selon Woerther (2017), la comparaison est également une métaphore. Pour lui, la
frontière entre les deux concepts est très mince. Ainsi, pour l’auteur, l’expression « Achille
bondit comme un lion », est une comparaison, alors que l’expression « Lion, il bondit », est une
métaphore. Néanmoins, dans les deux cas (métaphore et comparaison) il ya un transfert des
qualités de courage du « lion ».
69
Section 2 : La métaphore organisationnelle : quelle utilité pour les
organisations ?
Dans cette section, nous étudierons dans un premier temps, les débats autour de la
légitimité de la métaphore en sciences de gestion et dans un second temps, nous tenterons de
montrer l’utilité de la métaphore, autrement dit, ses contributions.
I. Les débats autour de la légitimité de la métaphore en Sciences de
gestion
Cette partie est composée de cinq paragraphes. Dans le premier, nous nous attarderons
sur ce qu’est la métaphore organisationnelle, avant d’examiner comment elle fonctionne dans
le deuxième paragraphe. Dans le troisième paragraphe, nous nous focaliserons sur les
métaphores de Morgan (1980) avant de voir les notions connexes dans le quatrième paragraphe.
Enfin nous nous pencherons sur la métaphore comme une notion qui divise.
1.1. Qu’est-ce que la métaphore organisationnelle ?
La métaphore organisationnelle est perçue comme une représentation de l’organisation
qui permet d’appréhender les situations complexes qui la caractérisent (Martinet & Pesqueux,
2013). La métaphore organisationnelle est donc un processus cognitif qui implique « le transfert
d'informations d'un domaine relativement familier (diversement appelé source ou domaine de
base ou véhicule) à un domaine nouveau et relativement inconnu (généralement appelé
domaine cible ou sujet) » (Tsoukas, 1991 : 568).
La métaphore se présente comme un canal permettant de représenter d’une manière
novatrice et de « re-décrire » les organisations (Pesqueux, 2020). Dans cette lignée, Cornelissen
& Kafouros (2008) envisagent la métaphore comme une cartographie d’entités, de structures et
de relations à partir d’un domaine (appelé domaine source) vers un autre (appelé domaine
cible). Lackoff (1993 : 203) rejoint cette définition en suggérant que la métaphore est une «
cartographie inter-domaines dans le système conceptuel ». La métaphore est dans ce cas plus
qu’un simple processus cognitif envahissant et saillant qui relie le langage et la
conceptualisation (Fauconnier, 1997).
La métaphore linguistique et la métaphore organisationnelle sont toutes deux des
représentations cognitives. Cependant dans la métaphore organisationnelle, il s’agit d’un
transfert entre des domaines ou champs d’étude organisationnel. La métaphore linguistique
s’appuie sur un processus cognitif qui consiste à transférer des sens entre des mots ou des
expressions, elle semble relever plus d’une activité cognitive. La métaphore organisationnelle
70
également fait appel à la cognition, cependant, elle fait également face à un impératif
pragmatique. Elle doit pouvoir s’opérationnaliser d’une manière pratique, ce qui reste difficile
dans les faits. Cette difficulté montre que malgré la pléiade d’arguments théoriques, les
recherches empiriques restent minoritaires et insuffisantes. Ce sont pour la plupart des
recherches qualitatives qui se concentrent sur une seule métaphore à la fois (Cornelissen, 2005
; Cornelissen & Kafouros, 2015).
1.2. Comment fonctionne la métaphore organisationnelle ?
Nous nous attarderons sur trois principaux modes de fonctionnement : le mode de
fonctionnement selon Morgan (1980), le modèle transformationnel de Tsoukas (1993) et le
modèle interaction-domaines de Cornelissen (2005).
1.2.1. Le mode de fonctionnement selon Morgan (1980)
Morgan (1980) parle d’assertion comme mode de fonctionnement de la métaphore. Par
assertion, on suppose implicitement que deux objets A et B ont des caractéristiques semblables.
Il s’agit d’un processus de substitution et d’interaction entre les images de A et B qui agissent
comme des générateurs d’un sens nouveau. Ce fonctionnement s’apparente à une comparaison.
Morgan (1980 : 611) prend l’exemple d’une casserole, d’un tigre et d’un homme, trois
concepts provenant de trois domaines différents qu’il compare avec un boxer. Selon lui, s’il est
admis dans le cadre d’une comparaison, que deux d’entre eux (ex : la casserole et l’homme)
présentent une forte dissemblance (aucune ressemblance) ou que deux d’entre eux (Ex :
l’homme et le tigre) sont presqu’identiques (forte similarité) alors le processus métaphorique
génère une image insensée ou faible. Ainsi, une forte similarité et une forte dissemblance
donnent lieu à un résultat ou une image métaphorique impertinente. Pour l’auteur, une
métaphore est puissante seulement lorsque la ressemblance entre les deux sujets est significative
mais pas totale.
1.2.2. Le modèle transformationnel de Tsoukas (1993)
Tsoukas (1991, 1993) est selon Cornelissen (2005) le premier et le seul théoricien à
avoir proposé un modèle à part entier de la façon dont la métaphore pourrait opérer dans les
années 1990. Son modèle transformationnel transforme les éléments métaphoriques en un
modèle scientifique par un processus de raffinement.
Le model transformationnel de Tsoukas (1993) est représenté dans la figure ci-dessous.
71
Figure 2 : La transformation des idées métaphoriques en modèles scientifiques
72
processus de raffinement est un modèle scientifique de généralisation élevée.
Le modèle transformationnel de métaphore de Tsoukas (1993) a essuyé des critiques
dont la principale est celle faite par Cornelissen (2005), à savoir que ce modèle est purement
un modèle de comparaison. Dans l’approche de Tsoukas (1991), la métaphore opère par
analogie. Cette analogie se focalise principalement sur les relations existantes entre les entités.
En d’autres termes, la métaphore compare des entités en mettant l’accent sur les ressemblances
et non sur les différences qui peuvent exister. Selon l’auteur, dans cette perspective, même si la
ressemblance est généralement insuffisante pour soutenir une comparaison littérale, la
métaphore est vue comme une comparaison dans laquelle le premier terme A (qui est la cible)
est supposé avoir une ressemblance partielle avec le second terme B. Or si la ressemblance
entre A et B est partielle, cela signifie qu’il demeure un résidu de différences entre les deux
objets dont on ne connait pas le sort, Tsoukas (1991) ne s’attarde pas sur cet aspect, il se focalise
plutôt sur ce qu’ils ont seulement en commun.
1.2.3. Le model interaction-domaines de Cornelissen (2005)
Ce modèle est basé sur deux composantes : une analogie structurelle dressée entre les
concepts dans leurs domaines respectifs et l’émergence d’un sens ou d’une signification à partir
du mixage des concepts. Une fois que les similitudes structurelles entre les domaines
sémantiques sont identifiées, les correspondances structurelles vont dicter à quel moment précis
leurs dimensions deviennent actives. L’auteur note que c’est la structure des concepts dans leur
domaine respectif et non les propriétés superficielles qui doivent être similaires. La similitude
construite fournit un cadre pour le transfert et la projection d'informations spécifiques. Ce
modèle conçoit la métaphore comme un processus cognitif qui se décline en trois phases (1)
développement d’une structure générique, (2) développement et élaboration du mélange et (3)
signification émergente.
a/ Développement d'une structure générique
L’auteur stipule qu’une métaphore a des termes codés à partir desquels on déduit les
domaines les plus pertinents, ensuite, on trouve les structures parallèles et on cartographie les
correspondances entre les structures. A ce moment, de nombreuses questions permettent
d’orienter le travail : quelles entités sont impliquées ? Quels niveaux considérer ? (individuel,
organisationnel...) ? Quelle est la structure générique des concepts ? (ex. organisation et
apprentissage individuel). Il donne l’exemple de l’organisation et de l’apprentissage individuel.
La similarité structurelle implique que l’apprentissage se fait aussi bien au niveau individuel
qu’au niveau organisationnel. L’apprentissage qui a lieu entre les deux entités (individu et
73
organisation) est partagé entre la source et la cible.
La deuxième phase concerne comment l’apprentissage prend place dans l’organisation
et les conséquences qui en résultent. Des informations précises provenant de la source ou de la
cible vont à ce stade être mélangées. Le sens qui en ressort, celui de l’organisation en tant
qu'individu apprenant implique une image de la connaissance et de l’apprentissage au niveau
organisationnel comme étant essentiellement un processus activement constitué en soi et non
simplement une agrégation des cognitions de ses membres individuels (Cornelissen, 2005 :
759).
b/ Développement et élaboration du mélange
Après la construction d'une structure générique, d'autres informations spécifiques
ultérieures sont transférées à partir des concepts cibles et sources. Ce processus de mélange
compose des éléments à partir des concepts cible et source qui par ailleurs et amène le locuteur
c’est-à-dire le théoricien à compléter et élaborer sur la composition faite.
c/ Signification émergente
Le sens qui ressort ou qui est créé n’est pas celui qui provient du domaine source et/ou
du domaine cible. C’est un mélange des deux. La métaphore implique la conjonction de
domaines sémantiques entiers dans lesquels une correspondance entre termes ou concepts est
établie, l’image et la signification qui en résultent sont créatives avec les caractéristiques
d’importance émergente.
1.3. Les métaphores organisationnelles de l’organisation : les approches de Morgan (1980)
Dans ce paragraphe, nous nous pencherons sur les métaphores de la machine et sur la
métaphore organique.
1.3.1. La métaphore de la machine ou l’organisation vue comme une machine
Selon Morgan (1980), la métaphore de l’organisation comme une machine dépeint la
vision du management classique qui a pour auteurs Taylor (1911), Fayol (1949), Weber (1946),
et véhicule une image purement mécanique de cette dernière. Rappelons que Taylor (1911) est
l’auteur de l’Organisation Scientifique du Travail appelé également « taylorisme » qui définit
une procédure optimale du travail reposant sur une division extrême des tâches qui élimine les
gestes et opérations inutiles pour en garder les meilleurs afin d’améliorer la productivité. Fayol
(1949) est quant à lui, le premier à avoir élaboré les principes d’administration au nombre de
quatorze dont le plus important est celui de l’autorité défini comme « le droit de commander et
le pouvoir de se faire obéir ».Weber (1946) voit dans la bureaucratie un idéaltype
d’organisation dans lequel les fondements de l’autorité permettent au manager de dominer
74
pleinement car pour lui, administrer c’est dominer. Le concept wébérien de bureaucratie «
répond à la question de savoir, dans le cas de la domination légale, de quelle façon devait être
constitué un état-major de direction de manière à garantir l’exercice le plus efficace de la
domination » (Maynntz, 2010). Dans la littérature, le modèle des organisations dans la
perspective des machines est aussi appelée « modèles de rationalité » (Gouldner, 1959) ou
encore « modèles de buts » (Georgiou, 1973 ; Etzioni, 1960). La métaphore de l’organisation
comme machine conçoit l’organisation comme une entité mécanique, rationnelle où l’accent
est mis sur l’efficacité et la performance des moyens de production. En effet, les machines sont
conçues pour être performantes, rapides et surtout pour accomplir un travail à des fins précis et
prédéfinis. La relation entre les fins et les moyens se définie en terme de « rationalité
intentionnelle » établie par le sommet hiérarchique.
L’accent est principalement mis sur l'analyse et la conception de la structure formelle
de l’organisation et de sa technologie. En effet, les organisations classiques et bureaucratiques
se caractérisent par leur structure et leur technologie car les machines sont des entités
technologiques dans lesquelles la relation entre les éléments constitutifs forme la structure
(Morgan, 1980 : 614). A titre d’exemple, l’Organisation Scientifique du Travail de Taylor
(1911) donne la priorité à la rationalité, aux structures et aux procédures. Les organisations dans
cette vision se comportent comme des machines, c’est-à-dire comme des structures
technologiques destinées à atteindre des objectifs de rentabilité. Dans ces organisations,
l’homme tend à être confondu à une machine, tant son rôle reste passif. En effet, l’homme dans
une telle organisation, n’a pas son mot à dire, il ne participe pas à la prise de décision, il se
contente d’obéir mécaniquement aux ordres du dirigeant considéré comme le « cerveau » avec
l’autorité et la rationalité comme principes directeurs (Taylor, 1911; Weber, 1946).
Cette conception rationnelle de l’organisation a essuyé de nombreuses critiques dont
l’une des plus importantes critiques est celle de Simon (1965) pour qui la rationalité absolue
n’est qu’une illusion car dit-il, la rationalité des acteurs connait des limites (informations
incomplètes, incertitude de l’environnement ou du futur et capacités cognitives du décideur
limitées). Dans la métaphore de la machine, l’auteur (Morgan, 1980) transfert les
caractéristiques de structure, de technologie, de rapidité et d’efficience à l’organisation. La
perception mécanique donne alors l’image d’une entité performante qui atteint ses buts. Elle
donne également l’image d’un lieu où il n’y a de place que pour l’automatisme et d’un lieu où
le changement n’a pas sa place car les opérations et les tâches sont dominées par les routines
organisationnelles. Par ailleurs, l’organisation présente l’image d’une forteresse où les conflits
75
d’intérêts ou les litiges n’ont pas de place car l’accent n’est pas mis sur les acteurs et leurs
interactions mais sur leur productivité.
1.3.2. La métaphore organique ou l’organisation vue comme un organisme
Selon Morgan (1980), cette métaphore biologique trouve son origine dans les travaux
sur la systémique de Bertalanffy (1950) et repose sur le principe que « les organisations sont
des systèmes ouverts à l’environnement et doivent entretenir des relations satisfaisantes avec
cet environnement » (Morgan, 1980 : 40). Selon l’auteur, cette métaphore donne quelques
leçons sur la conception des organisations. Tout d’abord, l’approche organique de
l’organisation s’oppose à celle de l’approche mécaniste dans laquelle l’organisation est un
système clos où l’environnement n’a aucun impact sur son activité et sur son fonctionnement.
Elle sensibilise ainsi les organisations à être attentives « à ce qui se passe dans le monde »,
autrement dit, à l’environnement. Par la suite, « l’approche des systèmes ouverts laissent
percevoir l’organisation comme des sous-systèmes reliés entre eux ». En d’autres mots,
l’organisation est un méta-système et ses composantes constituent les sous-systèmes. Cette
vision « sociotechnique » c’est-à-dire axée sur les besoins humains (pyramide de Maslow) et
techniques prend en compte les priorités sociales, techniques, stratégiques et environnementales
car il y a une interdépendance entre les différents éléments. Cette métaphore prône ainsi une
certaine « harmonisation » des sous-systèmes.
Elle est l’autre métaphore dominante de la théorie de l’organisation. Concevoir les
organisations comme des organismes revient à les considérer comme des systèmes vivants.
Dans la perspective de la métaphore organique, les organisations sont vues « en termes de
réseau de relations qui caractérisent la structure interne des organismes, mais aussi en termes
de relations qui existent entre l'organisation (l'organisme) et son environnement » (Morgan
1980 : 615).
La spécificité de l’organisation perçue comme un organisme est non seulement
l’interrelation entre les parties le constituant mais également l’interrelation de cette dernière
avec l’extérieur ou l’environnement. L’organisation est dans ce cas un système ouvert qui met
en avant une relation étroite avec son environnement sans lequel sa vie ou sa survie est mise à
mal. C’est pourquoi, contrairement à la métaphore de la machine dans laquelle « le concept
d'organisation est une structure fermée et quelque peu statique », dans la métaphore organique,
« le concept d'organisation est comme une entité vivante qui fait preuve de flux et de
changement constants, interagissant avec son environnement pour satisfaire ses besoins »
(Morgan, 1980 : 615). Ce type d’organisation n’est pas statué sur les routines organisationnelles
76
et le changement y est vu positivement. Il reconnait que l’organisation entière (les fonctions et
les hommes) a des besoins et elle tente d’y répondre. A l’instar de l’école des relations humaines
(Mayo, 1880, 1949) dont les objectifs de rentabilité ne diffèrent pas de ceux de l’école classique,
elle reconnaît que si l’organisation veut répondre à ses besoins (objectifs), elle doit d’abord
motiver ses salariés en répondant à leur besoin de bien-être psychologique. L'accent mis sur les
besoins et les fonctions impératives a permis aux théoriciens d'identifier les activités
indispensables au maintien de la vie en organisation.
La théorie de l’écologie des populations et la thèorie de la contingence s’inscrivent dans
l’approche de la métaphore organique.
• La métaphore de l’écologie des populations (Hannan & Freeman, 1977)
Cette métaphore met l’accent sur l’importance pour les organisations de se focaliser sur
la compétition et sur la sélection plutôt que sur leur adaptation à l’environnement (Morgan,
1980). Les « populations » sont des ensembles d’organisations qui n’ont aucun contrôle sur
l’environnement, lorsque survient un changement dans l’environnement, les organisations qui
survivent sont celles sélectionnées naturellement par l’environnement lui-même (Hannan &
Freeman, 1977). La pensée de l’écologie des populations vient répondre à la question de savoir
pourquoi certaines organisations disparaissent tandis que d’autres apparaissent. La réponse ne
se trouve pas dans l’adaptation de certaines organisations mais dans la « sélection naturelle »
qui guide le processus d’évolution des organisations et est déterminante pour la survie de ces
dernières. Ainsi, il y’a une suprématie de la sélection naturelle au détriment de l’adaptation. Par
la sélection naturelle, les entreprises les moins performantes d’un environnement donné vont
être éliminées.
• La théorie de la contingence
Elle conçoit l’organisation comme un système ouvert sur son environnement. Elle prône
l’adaptation de l’organisation à son environnement. Pour Morgan (1980), il est impératif pour
l’organisation d’adapter sa stratégie, sa structure, ses techniques, ses engagements et les besoins
de ses membres à l’environnement si elle veut obtenir un avantage concurrentiel. Pour l’auteur,
c’est un choix stratégique que la direction peut faire, notamment, lorsque l’organisation évolue
dans un environnement incertain. Cette théorie reconnait que comme les individus et les
organismes, l’organisation a aussi des besoins humains et techniques et elle est dépendante de
l’environnement dans lequel elle exerce ses activités. L’organisation est vue comme un système
qui s’adapte à son environnent.
77
1.4. Notions connexes à la métaphore organisationnelle
Nous nous focalisons dans cette partie sur l’analyse des notions de modèle et image en
tant que notions connexes à la métaphore organisationnelle.
1.4.1. Métaphore et modèle
Martinet & Pesqueux (2013) proposent de distinguer les notions de modèle et de
modélisation qui gravitent autour de la métaphore. Pour Martinet & Pesqueux (2013), la
modélisation est un processus avec des composantes spécifiques tandis que le modèle est le
résultat qui en découle avec ses propriétés. La modélisation est alors le processus ou le chemin
heuristique qui donne lieu à un modèle.
Les modèles sont décrits comme plus restreints et plus simples que les théories des
organisations, cependant ils font partie d’elles et tous deux posent le problème de la
représentation organisationnelle (Martinet & Pesqueux, 2013). L’activité de représentation peut
se définir comme « une activité subjective d’accès au monde, mais d’un monde hors de soi et
en soi à la fois », elle permet alors de « reproduire, dupliquer le réel ou la vérité par rapport à
un certain point » (Martinet & Pesqueux, 2013 : 118-119). Il est à remarquer que toute
reproduction démontre un certain écart avec l’objet reproduit car aussi vraisemblable qu’elle
soit, aucune reproduction ne peut prétendre être une copie exacte de l’orignal. La représentation
se conçoit alors comme un processus de reconstruction mentale des évènements ou des objets
étudiés. Elle vise à rendre la réalité intelligible, elle nécessite donc un sens de l’observation. La
vérité qui s’en dégage est à la fois relative et subjective car elle dépend non seulement du sujet
qui la représente mais également de ses convictions (Enaudeau, 2004). Mais observer et
représenter la réalité pose aussi le problème de « l’accès aux éléments de réalité qui les
représentent et aux vérités qui permettent d’en parler ». En prenant l’organisation comme
exemple, le capital humain, social, financier, la culture et ses composants, les jeux de pouvoir,
sont des éléments qui la représentent et des thèses selon lesquelles l’organisation est un lieu de
conflit, de jeux de pouvoir. Puisque l’on ne peut observer et représenter que ce qui existe déjà
(ce qui est), l’observateur doit accéder aux représentations existantes et chercher comment la
représenter à sa manière. Or se pencher sur la question de la représentation en sciences de
gestion revient à reconnaître l’importance du modèle. Tout comme les théories des
organisations, les modèles en sciences de gestions posent le problème de la représentation.
Selon Hess (2009), le modèle se distingue par trois caractéristiques principales. Tout
d’abord, il affirme que le modèle est une construction qui vise à simplifier les phénomènes, à
les organiser, à sélectionner certains aspects au détriment d’autres. Ensuite selon lui, le sens
78
ordinaire ou littéral du modèle conduit à travers l’association du modèle avec la chose ou le
phénomène (exemple le modèle de l’organisation apprenante) génère un nouveau système
d’implications de l’état des choses en question qui engendre une autre façon de voir la réalité.
Ainsi un isomorphisme, c’est-à-dire une ressemblance s’installe entre la chose et le modèle qui
la décrit. Enfin pour lui, le modèle possède une dimension cognitive car il décrit ou ré-décrit le
réel. Il est dans ce cas une représentation fidèle de la réalité.
C’est au philosophe américain Max Black (1962 ; 1979) que l’on doit d’avoir, parmi les
précurseurs, tenté un rapprochement entre le modèle et la métaphore. Le rapprochement entre
le modèle et la métaphore relève d’une posture « linguisticiste », c'est-à-dire que l’on recourt à
une figure du langage pour penser le modèle (Varenne, 2006).
Le langage, à travers la métaphore devient un instrument qui permet d’accéder à la
réalité. Dans le même sens, Martinet & Pesqueux (2013) stipulent que la métaphore « libère la
fonction créatrice du langage ».
1.4.2. Métaphore et image
L’image se définit comme la « représentation (ou réplique) perceptible d'un être ou
d'une chose » (Cnrtl). Elle peut être une représentation exacte de ce qu’est un objet ou une
chose, l’image devient alors une reproduction de ce que peut renvoyer le miroir d’une personne
ou d’une chose par exemple. Dans ce cas, l’image est un reflet. Mais l’image peut aussi
permettre de rendre concret ce qui est par nature abstrait ou intangible (la réalité, une idée, un
concept, etc.). Elle est dans cet autre cas, une représentation mentale de l’imaginaire. En
littérature « l’image est une figure allégorique (au sens le plus large du terme) fondée sur la
similitude » (Cnrtl).
Elle pourrait rappeler la métaphore, mais en réalité les deux termes sont à nuancer.
L’image reste dépendante de la perception car on ne peut pas imaginer ce qu’on n’a jamais vu
(Simbu, 2003). L’image pourrait ainsi se distinguer de la métaphore par sa proximité avec la
réalité et l’exactitude. En effet, l’image est une copie ou une caricature qui reflète fidèlement
ce qui est « imager ». L’image est une retranscription exacte d’un objet, d’une chose ou d’une
idée telle qu’elle est perçue. Le degré de vérité est beaucoup plus important dans une image que
dans la métaphore.
Cependant, Morgan (1993) voit l’image et la métaphore comme étant complémentaires.
Il soutient que les théories des organisations ne sont rien d’autres que des images qui servent à
« décoder les situations » qui rythment la vie en organisation. Pour Martinet & Pesqueux
(2013), l’image « est bien une esthétique » qui prend vie qu’au travers de la métaphore. Ainsi,
79
l’image est indissociable de la métaphore. La métaphore génère une image. Par exemple, la
métaphore de l’organisme génère l’image d’un organisme vivant dans l’imagination. Ceci
pourrait laisser penser que toute image véhiculée sous-entend une certaine métaphore. Il est
important cependant de rappeler que l’image n’est pas le modèle et vis-versa. Le modèle est ce
qui permet une « intelligibilité au premier degré dont l’image permet de parler » (Martinet &
Pesqueux, 2013 : 181). Le modèle rend l’image compréhensible. Le modèle présente donc une
capacité heuristique vis-à-vis de l’image. Cette image peut exprimer le sens de la métaphore au
premier degré.
1.5. La métaphore en sciences de gestion : Une notion qui divise
Dans ce paragraphe, nous verrons tout d’abord comment la légitimité de la métaphore
organisationnelle est remise en cause par ses opposants, ensuite nous examinerons l’argument
de ses défenseurs pour qui la métaphore a bien une utilité en management et présente un rôle
indéniable dans la théorisation organisationnelle.
La métaphore a été fortement critiquée par les fervents défenseurs de la rationalité ou
du raisonnement hypothético-déductif pour qui métaphore et science s’opposent (Cornelissen,
2005). Ils soutiennent que la métaphore peut sembler séduisante, cependant elle s’exprime dans
des termes flous, trompeurs, inexactes et ambigus, ce qui est totalement contraire à la démarche
scientifique (Beer, 1966 ; Bunge, 1973; Bourgeois & Pinder, 1982). Pour eux, la science est
exacte et vraie, elle fait l’objet d’un processus continuel de test et de falsification alors que la
métaphore est constituée de dispositifs rhétoriques inexactes et potentiellement trompeurs. Elle
est par conséquent ambigüe et voit le monde sous l’angle d’un sens figuré. À cet égard, « (…)
le langage métaphorique est en soi, par nature, un très pauvre substitut du langage scientifique,
car le premier est préoccupé par le fait que de simples similitudes ne permettent pas de révéler
des propriétés génériques » (Tsoukas, 1993 : 326). Ainsi, la métaphore apparaît comme
imprécise et manquant d’une définition théorique exacte de ce qui est étudié. Selon les
opposants de la métaphore, cette ambigüité est ce qui oppose le langage métaphorique au
langage littéral. Par ailleurs, ils sont d’avis que la métaphore n’est ni testable, ni falsifiable
puisqu’elle « reste dans des termes qui n’ont pas de contenus assez clairs pour être falsifiés »
(Pinder & Bourgois, 1982 : 643). Pinder & Bourgois (1982) jugent, par conséquent que la
métaphore est un ornement qui ne convient qu’à la poésie et à la littérature. Pour eux, le langage
métaphorique n’est qu’une sorte de « distraction qui a pour but de détourner l’attention du
langage littéral ».
80
Malgré ce rejet de la part de certains scientifiques, les défenseurs de la métaphore
estiment que cette dernière a pleinement sa place dans la science, une thèse que nous soutenons
dans ce travail. Le paragraphe suivant discute de son utilité réelle et expose ses différentes
contributions.
II. De l’utilité de la métaphore : Ses contributions
Dans ce paragraphe, nous mettrons tout d’abord en lumière la contribution des
métaphores aux différentes sciences avant d’essayer d’exposer la contribution de la métaphore
à la thématique de la résilience organisationnelle, objet de la présente recherche.
2.1. Contribution des métaphores aux sciences
La métaphore semble avoir une utilité bien réelle dans les sciences malgré les
contestations de certains auteurs (Pinder & Bourgois, 1982). Nous essayerons, tout d’abord de
montrer le rôle de la métaphore en linguistique, en second lieu nous étudierons le rôle de la
métaphore en sciences sociales et enfin nous analyserons le rôle de la métaphore en sciences de
gestion.
2.1.1. Le rôle de la métaphore en sciences du langage
Pour Sutton (1992), parler de l’utilité de la métaphore, c’est chercher à connaître l’utilité
des mots en sciences, pour cela il est impératif de reconnaître les fonctions d’un tel langage
dans notre démarche. Il appréhende la métaphore comme un stimulant de l’esprit humain par le
fait que le contexte métaphorique permet de modifier la signification d’un mot pour lui en
donner un autre qui découle du rapprochement de ce dernier avec un autre mot parfois
totalement opposé. Pour lui, l’esprit humain n’a pas d’autre choix que d’être créatif.
Le langage métaphorique est utile pour exprimer les émotions car certaines expériences
manquent de termes littéraux capables de les expliciter, que ce soit dans le discours scientifique
et laïque, c’est-à-dire ordinaire (Tsoukas, 1991 : 36). A titre d’exemple, « n'ayant pas de termes
littéraux disponibles, l'enfant associe une nouvelle expérience peu familière à celle qu'il
comprend. Il a une sensation pétillante, scintillante ou picotante qui semble toucher son pied
mais à l'âge de quatre ans, il est incapable de dire Maman, il y a un certain engourdissement
dans mon pied qui est le résultat d'un approvisionnement inadéquat du flux sanguin » (Srivastva
& Barrett, 1988 : 36). Dans ce cas, la métaphore est génératrice de nouveaux sens, de nouveaux
aperçus dont le développement s’est fait en partie grâce aux nouveaux mots du langage générés
par la métaphore (Muller, 1987). Pour Bartel (1983), bien que les métaphores soient des
expressions qui ne se trouvent pas dans les dictionnaires, elles aident à concevoir de nouvelles
manières de communiquer. D’ailleurs, l’auteur insiste sur le fait que la nouveauté est ce qui
81
caractérise la métaphore. Le langage métaphorique se réinvente constamment. Il enrichit le
vocabulaire et complète le langage littéral.
Pour Lakoff’s & Johnson (1980), notre langage dans la vie de tous les jours est ponctué
de ces figures de rhétorique pour communiquer les uns avec les autres. Pour les auteurs, la
métaphore joue un rôle semio-cognitif dans l’organisation et l’attribution de sens au réel. Elle
joue par conséquent, un rôle dans la formation du langage et dans la communication qui résulte
de ce langage.
2.1.2. Le rôle de la métaphore en sciences sociales
Selon Burell & Morgan (1979), comprendre le rôle de la métaphore en sciences sociales
nécessite de se pencher tout d’abord sur les paradigmes. C’est pourquoi, nous entamerons
premièrement une discussion autour des paradigmes en sciences, avant de chercher à
comprendre les implications de ces paradigmes sur les métaphores.
a/ Les paradigmes en sciences sociales
Le paradigme est défini comme une manière particulière de voir le monde ou la réalité
sociale (Burell & Morgan, 1979 ; Morgan, 1980). La paternité du « paradigme » est attribuée à
Kuhn (1962), même si par la suite, il a été sujet à plusieurs interprétations à cause de la
confusion créée par l’auteur lui-même en employant le concept de vingt et une manières
différentes (Masterman, 1970 ; Morgan, 1979). Le paradigme a pour rôle de dévoiler « les
hypothèses fondamentales » qui sous-entendent une vision précise du monde.
Burell & Morgan (1979) estiment que le paradigme met en relief une perspective
commune à laquelle se rattache le travail d’un groupe de théoriciens qui abordent une théorie
sociale traitant d’une même problématique ainsi que ses contours. Les auteurs admettent
cependant que cela n’est pas synonyme d’une pensée unique car tout paradigme est l’objet de
nombreux débats entre les théoriciens qui adoptent des points de vue différents. Ce qui crée
l’unité dans un paradigme donné, c’est l’ensemble des hypothèses de base qui sont souvent
« considérées comme acquises » et qui séparent de manière fondamentale un groupe de
théoriciens se situant dans un paradigme particulier, par rapport aux autres. Ainsi, un paradigme
particulier est le symbole d’une façon distincte de voir le monde. Pour les auteurs, il existe
quatre paradigmes dans lesquels s’insèrent la réalité sociale.
Pour Burell & Morgan (1979), les quatre paradigmes définissent quatre visions du
monde social basées sur différentes hypothèses métathéoriques qui concernent la nature de la
science et de la société. Ils sont d’avis que tous les théoriciens sociaux peuvent être situés dans
le contexte de ces quatre paradigmes selon les hypothèses métathéoriques reflétées dans leurs
82
travaux. Ils sont schématisés dans la figure suivant.
Régulation
Humanisme Radical Structuralisme radical
Subjectif Objectif
Interprétativisme Fonctionnalisme
Changement radical
83
processus social émergent qui est créé par les individus concernés » (Burell & Morgan, 1979 :
28). L’objectif des théoriciens est donc de comprendre le fondement du monde au quotidien.
L’humanisme radical se situe dans une sociologie du changement radical d’une manière
subjective. Ce paradigme a des points communs avec l’interprétativisme en ce sens qu’il est
selon les auteurs, opposé au positivisme et est nominaliste, volontariste et idéographique.
L’hypothèse fondamentale de ce paradigme est que « l'homme est dominée par les
superstructures idéologiques avec lesquelles il interagit et que celles-ci entraînent un décalage
cognitif entre lui et sa véritable conscience » (Burell & Morgan, 1979 : 32). La société se
présente alors comme anti-humain et promotrice des modes de domination. Ce paradigme met
l’accent sur un changement radical et l’émancipation, en ce sens qu’il pousse les individus à
s’affranchir ou à transcender les limites qui leur sont imposées et qui inhibent leur bien-être.
Le structuralisme radical se situe dans une sociologie du changement radical d'un point
de vue objectiviste. Tout comme l’humanisme radical, le structuralisme radical milite en faveur
d'un changement radical, de l'émancipation et de la potentialité dans un monde où les modes de
domination, les conflits, les privations et les contradictions sont des pratiques courantes. Ces
préoccupations sont abordées d'un angle de vue positiviste, réaliste, nomothétique et
déterministe. Contrairement aux théoriciens de l’humanisme radical qui mettent l’accent sur le
réveil de la conscience humaine comme instrument du changement, les théoriciens du
structuralisme radical considèrent que « le changement radical est intégré dans la nature et la
structure même de la société contemporaine et ils cherchent à fournir des explications sur les
interrelations de base dans le contexte des formations sociales totales » (Burell & Morgan,
1979 : 34). Autrement dit, la nature et les structures de la société actuelle sont des vecteurs de
conflits fondamentaux qui sont susceptibles de conduire à des changements radicaux, à l’instar
des crises politiques et économiques. Ces conflits pourraient conduire à l’émancipation des
structures sociales dans lesquelles vivent les individus.
Burell & Morgan (1979) font remarquer que ces quatre paradigmes sont mutuellement
exclusifs et donc qu’il est impossible d’opérer dans deux ou plusieurs paradigmes à la fois car
ils sont contradictoires entre eux. Ainsi, accepter les hypothèses d’un paradigme, c’est défier
ou refuser les hypothèses de tous les d'autres.
b/ Paradigmes et métaphores
Morgan (1987) parle de « paradigme métathéorique » pour évoquer le fait qu’une vision
donnée du monde peut être partagée par une ou plusieurs communautés scientifiques, comme
c’est le cas avec les différentes écoles de pensées. Ces dernières recourent très souvent aux
84
métaphores pour étudier la réalité sociale. La relation entre les paradigmes et les métaphores
est schématisée dans la figure ci-dessous.
Pour Morgan (1980), les paradigmes permettent à la théorie sociale de déceler les
hypothèses fondamentales qui sous-entendent la définition d’une vision du monde. Ils
représentent des réalités alternatives. Pour lui, tout paradigme peut faire appel à différentes
écoles de pensées qui fondent différentes manières d’aborder et d’étudier une réalité ou une
vision du monde commune. Ces écoles de pensées recourent à la métaphore comme fondement
de l’investigation en sciences sociales. En effet, l’auteur soutient que les théoriciens et les écoles
de pensées en sciences sociales se basent sur « l’acceptation et l’usage de différents types de
métaphores comme fondement de l’enquête ». La métaphore est par conséquent, une base des
écoles de pensée qui va servir à résoudre les problèmes étudiés. Ainsi, Morgan (1980) voit la
résolution de puzzles comme un ensemble d’activités qui visent l’opérationnalisation des
métaphores qui définissent une école de pensée donnée. Ces activités sont basées sur des outils
particuliers, des modèles et sur une grande quantité de textes.
2.1.3. La contribution de la métaphore aux sciences de gestion
Pour Morgan (1987), la métaphore est victime d’un stéréotype en ce qui concerne son
rôle dans l’analyse de la vie organisationnelle. Selon lui, la métaphore est généralement vue
comme un instrument de description de la réalité, pourtant elle joue d’autres rôles plus
85
importants qui vont au-delà de la simple description. De manière générale, les apports
principaux de la métaphore à l’étude des organisations se résument en deux grands rôles : un
rôle heuristique et un rôle générateur. A ces deux rôles, nous avons pu dégager, à partir de la
littérature, d’autres rôles de la métaphore en sciences de gestion.
Dans ce qui suit, nous présenterons tout d’abord, le rôle heuristique et générateur de la
métaphore, ensuite, nous discuterons de la métaphore comme le soubassement du discours
organisationnel et enfin, nous nous intéresserons à la métaphore comme un instrument
politique.
a/ Le rôle heuristique de la métaphore
Le rôle heuristique de la métaphore lui confère un intérêt singulier dans la construction
de la théorie organisationnelle (Weick, 1989 ; Morgan, 1980 ; Cornelissen, 2005). Cornelissen
(2005) énumère trois raisons qui justifient le rôle heuristique de la métaphore organisationnelle.
Tout d’abord, la métaphore est à même d’exprimer ce que les expressions alternatives et
littérales (comme la comparaison) ne peuvent exprimer. Elle permet aux chercheurs et aux
théoriciens d’exprimer et de comprendre les phénomènes organisationnels complexes et
abstraits. Ils peuvent ainsi employer la métaphore pour transférer un concept plus concret qui
se rapporte à une idée ou un processus qui « nous permet de s'y référer, de le quantifier, d'en
identifier un aspect particulier...et peut-être même croire que nous le comprenons » (Lakoff &
Johnson, 1980 : 26). Ensuite, en termes de corrélation, la métaphore présente une « viabilité
interprétative », autrement dit, elle a une plus grande ouverture de sens contrairement au
langage standard ou littéral, dont le système de codage particulier et rigide limite les
interprétations. Enfin, les métaphores possèdent des qualités sémantiques positives qui les
rendent spéciales. Elles présentent des qualités sensorielles et imaginatives particulières ainsi
qu’une anomalie sémantique et une incongruité qui invitent les théoriciens et les chercheurs à
regarder les phénomènes organisationnels sous un nouvel angle et à faire des distinctions
conceptuelles qui étaient jusque-là inconcevables. De ce fait, « les métaphores puissantes dans
la construction de la théorie organisationnelle ne sont pas rigidement contraintes à un sens ou
à une interprétation unique, mais ont plutôt une qualité heuristique dans l'ouverture de
nouvelles et multiples façons de voir, de conceptualiser et de comprendre les phénomènes
organisationnels » (Cornelissen, 2005 : 753).
La métaphore permet aux chercheurs et aux théoriciens de comprendre et d’exprimer
les phénomènes organisationnels complexes et abstraits (Morgan, 1980). Ainsi, la métaphore «
suppose une façon de penser et une façon de voir qui induit un type de compréhension qui est
86
celui de la pensée par ressemblance et par substitution » (Martinet & Pesqueux, 2013 : 180).
Pour Morgan (1980), appréhender les organisations qui sont des structures complexes et
ambigües n’est pas une chose facile, le recours à la métaphore permet de « cartographier leurs
structures, leurs significations à partir d’autres domaines (politique, écologie, etc.) ». Dans son
ouvrage de 1980, il décrit l’organisation sous forme de plusieurs métaphores issues de domaines
différents : une machine, un organisme, un cerveau, un système politique, une culture, une
prison du psychisme, flux et transformation et un instrument de domination. Il voit la métaphore
organisationnelle sous une perspective constructiviste. Pour lui, la métaphore est un moyen
riche pour comprendre les organisations. De plus, elle permet de les voir et de les concevoir
sous différents angles (Morgan, 1980, 1983, 1989). La métaphore représente l’organisation par
le fait qu’elle rend intelligible les situations complexes de cette dernière (Martinet & Pesqueux,
2013). La métaphore permet alors de décoder et de comprendre le monde organisationnel qui
se caractérise par la complexité, l’ambigüité, et les phénomènes paradoxaux (Morgan, 1980).
Pour l’auteur, les métaphores et les images n’offrent pas une vue totale et complète du
phénomène organisationnel étudié. Elles permettent cependant, de mettre en valeur certains
aspects en occultant d’autres. Par exemple dans la métaphore de la machine, la rationalité, les
routines, la division et l’exécution des tâches sont mis en exergue tandis que les aspects humains
sont omis. Aussi, la métaphore permet de « faire des inférences sur l’une des choses,
généralement celle dont nous savons le moins, sur la base de ce que nous savons de l’autre »
(Harre, 1984 : 172 ). Cette déclaration révèle une vérité incontestable : celle qu’il y a des choses
et des phénomènes que nous connaissons bien tandis qu’il y’en a d’autres que nous connaissons
moins bien. La métaphore permet donc de comprendre un phénomène moins connu ou maîtrisé
à partir d’un autre plus connu et maîtrisé. Par exemple, dans la métaphore de l’organisation
comme une culture, nous ne sommes pas tous familiers au monde de l’organisation, nous le
connaissons moins bien, tandis que nous avons une plus grande connaissance de la culture
qu’elle soit celle de la société, du groupe ou de la famille à laquelle nous appartenons. De ce
fait, nous en savons plus sur la culture que sur l’organisation, sur la base de ce que nous savons
de la culture, nous pouvons faire une inférence, c’est-à-dire une déduction de ce que peut être
l’organisation. Nous pouvons alors dire que l’organisation est un lieu où les individus partagent
un ensemble de valeurs, normes, croyances et symboles. Cette logique peut être appliquée aux
disciplines dans lesquelles certains mécanismes et phénomènes sont mieux maîtrisés tandis que
d’autres le sont moins. C’est pourquoi, Weick (1989) stipule que nous devons nous attendre à
ce que les métaphores soient trouvées d’une manière ou d’une autre dans les sciences et le
87
langage scientifique.
Par ailleurs, la métaphore permet « d’éviter la répétition de toute une théorie ou une
démonstration. Elle constitue alors un code partagé par une communauté spécialisée »
(Resche, 2016 : 105). Par exemple, la main invisible d’Adam Smith en économie permet de
résumer en une métaphore la théorie de ce dernier concernant l’autorégulation des marchés. De
même, le mot « virus » est un mot employé en biologie pour décrire « quelque chose de petit
mais infectieux, puissant, dangereux et capable de se multiplier » (Sutton, 1992 : 27),
l’expression « virus informatique » est une métaphore qui exprime pour les informaticiens le
fait qu’un code ou un programme malveillant cherche à modifier le fonctionnement d’un
ordinateur. La métaphore rend alors la réalité de l’organisation plus intelligible par le fait
qu’elle la compare implicitement ou la remplace par une situation qui lui est similaire. Par
ailleurs, la métaphore rend la réalité palpable et compréhensible au travers de concepts et
d’images plus familiers qui laissent place à l’imagination et à la conviction personnelle de
l’observateur (Gharajedaghi & Ackoff, 1984). Par exemple, parler de l’organisation en termes
de machine peut rappeler les notions de rapidité et de structure pour certains. Elle peut aussi
rappeler la souffrance des individus considérés comme de simples facteurs de production
aliénés et déshumanisés, pour d’autres. Pour Morgan (1980), la métaphore offre
d’innombrables perspectives au chercheur ou investigateur, c’est pourquoi tout phénomène
organisationnel nécessite d’être étudié sous l’angle de plusieurs approches métaphoriques afin
de le comprendre en totalité. Il estime que d’une manière générale, la grande partie de l'activité
de résolution de problèmes consiste pour les scientifiques à examiner, opérationnaliser et
mesurer les implications détaillées de la vision métaphorique sur laquelle leurs recherches
reposent implicitement ou explicitement.
b/ Le rôle générateur de la métaphore
La métaphore joue un rôle essentiel dans les premiers stades du développement
théoriques, lorsque le chercheur entame sa réflexion théorique et que plusieurs alternatives ou
aspects de l’objet de recherche s’offrent à lui. Pour Weick (1989), ce stade de la recherche fait
intervenir ce qu’il nomme l’«imagination disciplinée », c’est-à-dire que le chercheur dispose
de plusieurs représentations et images métaphoriques du sujet en main (phase de l’imagination)
et doit choisir de se focaliser sur une seule image métaphorique qui fera l’objet d’une
investigation par la suite (phase de la discipline). La métaphore a ainsi une qualité « génératrice
», c’est-à-dire qu’elle opère par « un processus par lequel de nouvelles perspectives sur le
monde deviennent réalité » (Schön, 1993 : 137). L’idée est que la métaphore peut constituer
88
une compréhension complètement nouvelle qui pousse les théoriciens et les chercheurs à
regarder les phénomènes organisationnels sous un angle nouveau.
Pour Morgan (1980), la logique de la métaphore a des implications importantes pour la
théorie de l'organisation car elle suggère qu’aucune métaphore ne peut capturer la nature totale
de la vie organisationnelle. C’est pourquoi le but de la métaphore est de favoriser « un
pluralisme théorique conscient de grande envergure plutôt qu'une tentative de synthèse sur des
bases étroites » (Morgan, 1980 : 612). Les nouvelles métaphores peuvent être utilisées pour
créer de nouvelles façons de voir les organisations qui surmontent les faiblesses et les angles
morts des métaphores traditionnelles, offrant des approches supplémentaires voir
contradictoires à l'analyse organisationnelle.
Alors que les études tendent à dissocier les deux rôles de la métaphore, l’étude de
l’impact des métaphores sur la théorisation organisationnelle menée par Cornelissen &
Kafouros (2008) montre qu’une même métaphore peut avoir une qualité heuristique et une
qualité génératrice à la fois.
c/ Le rôle pédagogique de la métaphore organisationnelle
Ce rôle n’est pas directement mentionné dans la revue de la littérature. Cependant, il est
indéniable que la métaphore joue un rôle pédagogique dans la compréhension de la réalité
organisationnelle. En effet, la métaphore est une manière pédagogique de simplifier la réalité
complexe des organisations (Morgan, 1980). L’image générée donne accès à une vérité
simplifiée, plus synthétique et plus simple à comprendre. La métaphore s’avère être ainsi un
bon pédagogue de la vie organisationnelle qui pourrait stimuler l’imagination. Par exemple, la
métaphore « l’organisation comme une machine » permet à celui qui l’entend pour la première
fois d’établir de manière rapide un parallèle entre les deux concepts. Il pourrait facilement
apposer une ou plusieurs caractéristiques de la machine à l’organisation.
d/ La métaphore comme soubassement du discours organisationnel
Morgan (1980) estime que les approches traditionnelles de l’organisation qui dépeignent
à travers des concepts et des méthodes, la réalité organisationnelle ne sont que des expressions
métaphoriques. Pour lui, reconnaître que la théorie de l’organisation est métaphorique, c’est
reconnaître la part de subjectivité de celle-ci, ce qui loin d’être négative, encourage l’esprit
critique et met en garde contre un engagement excessif envers des points de vue privilégiés. Il
soutient que de nouvelles métaphores peuvent être utilisées pour créer de nouvelles façons de
voir les organisations qui réduisent les faiblesses et les angles morts de celles qui existent déjà.
Selon Morgan (1980), le but du recourt à la métaphore est de générer une image pour l’étude
89
d’un sujet qui peut servir de base à une recherche scientifique détaillée et basée sur des
tentatives pour découvrir dans quelle mesure les caractéristiques de la métaphore se trouvent
dans le sujet de l'enquête.
Selon Pesqueux (2020), l’utilité de la métaphore est sa capacité à délier le discours
organisationnel à travers la description de la vie en organisation.
e/ La métaphore comme un instrument politique
L’histoire des différentes écoles de pensée montre que la métaphore peut constituer un
instrument politique en sciences de gestion. Tsoukas (1993) répond au discours sur l’utilité des
métaphores dans la théorie des organisations par trois arguments : (1) les métaphores comme
moyens de penser, (2) les métaphores en tant que procédés littéraires indispensables et (3) les
métaphores en tant que distorsions idéologiques potentielles. En effet, tout d’abord, Tsoukas
(1993) est d’avis que lesmétaphores et les analogies libèrent l’imagination et aident à attirer
l'attention sur d'autres conceptions de la réalité en soulignant de manière sélective certaines
caractéristiques et en orientant l’action en conséquence. Ensuite, il avance que les métaphores
dominent les discours scientifiques au grand regret de ces derniers qui tendent à vouloir limiter
son usage. Et enfin, l’auteur assure que la métaphore peut être employée pour mystifier une
idiologie dont le but est de dominer des classes sociales, c’est ainsi que les métaphores
employées dans la gestion ont permis de dissimuler les conflits sociaux et les inégalités aux
dépens des groupes défavorisés. Dans les trois cas, l’usage de la métaphore montre une utilité
bien réelle, que ce soit à des fins « nobles » ou à des fins malveillantes, dans ce cas la métaphore
peut devenir dangereuse selon Tsoukas (1993).
Par ailleurs, la métaphore aide à constituer la réalité par le fait qu’elle prescrit
implicitement dans la plupart des cas, la manière dont celle-ci devrait être vue et évaluée (Harre,
1984) et la manière dont elle pourrait être améliorée. Ainsi, l’image inhumaine et rigide de
l’organisation dans la métaphore de la machine a décrit le management classique en termes de
division du travail, de chronométrage des tâches, de travail à la chaîne et d’autorité. Ce constat
a sensibilisé les consciences au sujet des conditions déplorables de travail des ouvriers. Des
voix se sont alors levées en faveur de l’amélioration des conditions de travail et du bien-être au
travail à l’instar de l’école des relations humaines (Mayo, 1880-1949) et de Maslow (1954) qui,
à travers sa pyramide des besoins, déclare que l’individu a des besoins qu’il faut satisfaire afin
de le motiver à satisfaire les attentes de l’organisation. Il en résulte que la métaphore de la
machine a donné naissance à la métaphore de l’organisme. La machine avec sa structure
statique, l’indépendance de ses fonctions et tâches, l’effacement de la dimension humaine, a
90
laissé place à un organisme qui se caractérise par sa vivacité, son interaction avec
l’environnement et la dépendance entre les différentes parties et l’importance de l’homme
(Morgan, 1980).
91
l’application d’une caractéristique humaine ou vivante (le rebond) à l’organisation. Il s’agit
d’un transfert effectué du domaine A (résilience individuelle) vers un autre domaine B
(organisation). Le domaine A est celui des personnes physiques tandis que le domaine cible B
est celui des personnes morales.
Pour Ahras (2020), la résilience organisationnelle est une extension de la résilience
psychologique ou résilience individuelle, c’est pourquoi « le concept de résilience
organisationnelle est bien en ligne avec le concept de la psychologie » (Ahras, 2020 : 62).
Toujours selon cet auteur, les caractéristiques habituelles attribuées aux organisations
résilientes, telles que conçues par Coutu (2002), par exemple, sont d’abord des caractéristiques
individuelles.
A travers ces différentes perceptions de la résilience organisationnelle, il apparaît de
manière évidente que l’ombre de la résilience individuelle plane et influence fortement la
résilience organisationnelle. Il y a cette impression que la résilience organisationnelle peut
finalement être l’application de la résilience organisationnelle aux organisations. Par-là, le
concept en soi demeure le même mais c’est le niveau d’analyse qui change (individu et
organisation). Ce raisonnement peut laisser penser que les processus par lesquels un individu
devient résilient sont les mêmes que ceux par lesquels l’organisation résiliente. Cependant,
l’organisation et l’individu n’ont pas les mêmes logiques de fonctionnement. Selon Daft &
Weick (1984), le niveau organisationnel est différent du niveau individuel et il va bien au-delà
de celui des individus, or dans la littérature, la manière dont on passe d’une résilience des
individus à celle des organisations est inexistante.
b/ La complexité du concept de RO
Le recours à la métaphore organisationnelle pour étudier la résilience organisationnelle
est dû à la complexité de la notion de résilience organisationnelle. En dépit de son intérêt
croissant, la résilience organisationnelle reste encore complexe, ambigüe et non maitrisable. En
outre, les mécanismes qui président le passage d’une logique de résilience individuelle à celle
d’une résilience organisationnelle est quasiment absente dans la littérature. On cherche à
comprendre comment on est passé de l’une à l’autre ou si le passage se fait de manière
automatique. Cette situation complexe nous a conduits à considérer la métaphore
organisationnelle comme un cadre expliactif privilégié. En effet, Morgan (1980) préconise de
recourir à la métaphore comme moyen pertinent de faire face à ce genre de complexité.Pour
lui, laréalité complexe des organisations justifie le recours à la métaphore qui consiste
à« cartographier » ces dernières à partir d’autres domaines. Le but est d’expliquer la résilience
92
organisationnelle à partir d’un concept beaucoup plus explicite et élucidé dans la littérature. La
résilience organisationnelle est par conséquent le fruit d’un processus métaphorique.
Ce qui ressort de ce raisonnement est que la métaphore organisationnelle fournit un
cadre explicatif de la résilience organisationnelle en cartographiant un aspect particulier de
celle-ci à partir d’un autre concept. La question qui se pose alors est : si la résilience
organisationnelle est une métaphore, de quoi est-elle la métaphore ? Il est tentant de dire que la
résilience organisationnelle est une métaphore de la résilience individuelle. Cependant
considérer la résilience organisationnelle comme une métaphore de la résilience individuelle
suppose que les processus par lesquels un individu devient résilient sont les mêmes pour
l’organisation et donc qu’il n’y a pas de différence entre l’approche par l’organisation et
l’approche par l’individu, ce qui pourrait être un raisonnement simpliste et inexacte. Selon Daft
& Weick (1984), le niveau organisationnel est différent du niveau individuel et il va bien au-
delà de celui des individus. Il est par conséquent possible de penser que la résilience
organisationnelle résulte d’une métaphore générée par une variable, un concept ou une entité
bien plus complexe et plus riche d’explication que la résilience individuelle.
Après avoir justifié le recours à l’approche métaphorique dans ce travail, il semble
intéressant de proposer une discussion théorique afin d’exposer ce que la résilience
organisationnelle n’est probablement pas ou ce qu’elle pourrait éventuellement être.
2.2.2. Discussion théorique du concept métaphorique de la résilience organisationnelle
Trois concepts, couramment évoqués dans la littérature en matière de résilience
organisationnelle sont discutés dans ce paragraphe. Il s’agit de la flexibilité organisationnelle,
du changement épisodique et de l’apprentissage organisationnel. Nous allons procéder à une
discussion théorique dans le but de déterminer la métaphore de quel concept est plus à même
d’expliquer la résilience organisationnelle.
Nous allons tout d’abord tenter de définir les concepts et ensuite tenter de comprendre
leurs liens avec la résilience organisationnelle.
a/ La flexibilité organisationnelle
Les notions de RO et de flexibilité sont mobilisées dans la recherche depuis des années
comme des facteurs qui aident les organisations à se maintenir et à s’adapter aux
environnements incertains (Ingrand, et al., 2009). Pour Koninckx & Teneau (2010), la
flexibilité est le premier principe de la résilience organisationnelle alors que pour d’autres
auteurs comme Vogus & Sutcliffe (2007), c’est plutôt l’anticipation des évènements imprévus
qui en est le principe fondateur. Néanmoins, Lengnick-Hall et ses associés (2011) soulignent
93
l’importance de distinguer la notion de résilience organisationnelle de celle de la flexibilité pour
au moins quatre raisons. Ils expliquent tout d’abord que le besoin de résilience est le plus
souvent déclenché par un évènement inattendu alors que la flexibilité fait partie d’un répertoire
de capacités stratégiques conduisant à une meilleure manœuvrabilité. Ensuite, la résilience
intègre le renouvellement, la transformation et la créativité dynamique à l’envers, ainsi que
l’adaptabilité, ce qui en revanche souligne la nécessité d'un ajustement environnemental d’'un
point de vue extérieur et œuvre en faveur du désir d’un équilibre externe. Les caractéristiques
de la flexibilité peuvent contribuer à la capacité de résilience d’une organisation, mais ne
suffisent pas à l’atteindre ou à le substituer. Enfin, le peu de travaux empiriques montrent une
divergence dans la manière d’évaluer ou d’observer les deux notions de résilience
organisationnelle et de flexibilité.
b/ Le changement épisodique
Comme la RO, le changement épisodique traduit une métaphore organisationnelle (Quin
& Weick, 1999). Selon les auteurs, le changement épisodique implique une métaphore
organisationnelle qui est celle d’une entité sociale qui combine les caractéristiques suivantes :
une interdépendance dense et une étroite liaison entre les sous-unités ; l’'efficacité en tant que
valeur fondamentale ; une préoccupation d’adaptation à court terme plutôt qu'une adaptabilité
à long terme ; les contraintes à l’action sous la forme de la main invisible de
l'institutionnalisation ; normes puissantes intégrées dans des sous-cultures fortes ; et l’imitation
comme motivation majeure du changement ; et l’importance des interdépendances en tant que
condition préalable au changement épisodique.
Que ce soit pour la résilience ou le changement épisodique, l’interdépendance des
éléments qui structurent l’organisation est mise en relief et se présente comme la recherche
d’une certaine cohérence dans la stratégie adoptée. Par ailleurs, l’objectif principal du
changement épisodique est l’imitation. L’organisation imite les méthodes et les clés de succès
pour réussir (Dimaggio & Powell, 1983). A ce propos, Sevon (1996) souligne le fait que les
dirigeants d’organisation ont tendance à adopter les stratégies qu’ils jugent pertinentes chez
leurs concurrents.
L’objectif de la résilience organisationnelle est la survie, la pérennité et la capacité à
réussir dans un environnement incertain. Le changement épisodique, tout comme la résilience
organisationnelle est un processus. Cependant le changement ne permet pas d’entrer dans une
validation empirique. Le changement ne démontre pas de manière évidente la présence de
résilience. Certes, il est processuel mais quand on voit du changement cela n’est pas signe qu’il
94
y a forcément de la RO. La RO est donc la métaphore d’un concept, autre que le changement.
La résilience organisationnelle n’est pas le changement organisationnel, elle va bien au-delà.
c/ L’apprentissage organisationnel : Une modalité de la résilience organisationnelle ?
Résilience organisationnelle et apprentissage organisationnel sont des thèmes associés
dans la littérature. En effet, l’apprentissage organisationnel (A.O) est évoqué comme une
modalité de la résilience. La résilience organisationnelle et l’apprentissage organisationnel ont
plusieurs points communs. Tout d’abord, les deux concepts sont des processus (Bégin &
Chabaud, 2010; Argyris & Schön, 1978, 2002 ; Nonaka & Takeushi, 1997) et ce sont des
concepts multidimensionnels. Les deux concepts trouvent leur pertinence dans des
environnements qui évoluent rapidement et donc turbulents.
Ensuite, la RO et l’A.O ont en commun un certain « flou conceptuel » qui fait qu’en
générale, la distinction entre le niveau organisation et le niveau individu n’est pas toujours
claire. En effet, l’analyse de la littérature sur la résilience organisationnelle montre que bon
nombre d’auteurs la conçoivent comme la somme des résiliences individuelles des membres
constituant l’organisation (Bégin & Chabaud, 2010; Koninkcx & Teneau, 2010). Par ailleurs,
le concept d’apprentissage fait également face à ce problème dans la mesure où l’apprentissage
organisationnel est perçu comme la somme des apprentissages individuels dans l’approche
d’Argyris & Schön (1978). Est-ce à dire que l’entrée par l’organisation et celle par l’individu
héritent des mêmes processus ? Selon, Choo (1995), les deux processus sont différents et il est
important de ne pas les confondre.
Par ailleurs, les deux notions ont en communs le concept d’appropriation qui, dans le
cadre de la résilience organisationnelle, fait référence à l’appropriation des expériences passées
(succès ou échec) et consiste à analyser le passé pour « savoir tirer parti de ses échecs » car
« toute compréhension a sa source dans la réflexion et dans le regard jeté sur le passé » (Weick,
1979 : 194). Ainsi, « Tirer parti de ses échecs signifie de reconnaître leur contribution à
l’apprentissage plutôt que d’ignorer ou nier ceux-ci » (Thorne 2000 : 313). Il s’agit clairement
de la capacité de l’organisation à apprendre de ses expériences passées. Cette capacité génère
du savoir qui permet à l’organisation d’améliorer ses pratiques et/ou ses routines
organisationnelles. Pour Bégin & Chabaud (2010), la capacité d’appropriation des expériences
passées contribue à l’accroissement de la résilience organisationnelle car elle permet de
« stocker dans la mémoire organisationnelles les expériences du passé aussi douloureuses
soient-elles ». L’apprentissage est ainsi possible si les routines organisationnelles
sont dynamiques et non statiques afin de ne pas empêcher l’apprentissage (Ferrary & Pesqueux,
95
2011).
Morgan (1980) stipule que dans le cadre d’une comparaison métaphorique, si le
comparé et le comparant présentent une forte dissemblance (aucune ressemblance) ou que les
deux sont presqu’identiques (forte ressemblance), alors le processus métaphorique génère une
image insensée ou faible. Ainsi une forte similarité et une forte dissemblance donnent lieu à un
résultat ou une image métaphorique impertinente. Pour l’auteur, une métaphore est puissante
lorsque la ressemblance entre les deux sujets est significative mais pas totale.
Nous sommes donc dans ce cas de figure puisque dans notre cas la RO et l’AO
présentent une certaine similarité, au vu de ce qui précède. Ce qui implique qu’ils sont bien
différents car ils présentent une ressemblance partielle. L’apprentissage organisationnel
pourrait être la métaphore de la résilience organisationnelle. En d’autres mots, la RO pourrait
être une manière de parler de l’AO. Cela voudrait dire qu’une organisation résiliente est une
organisation qui mise sur la l’acquisition de connaissances : c’est une organisation apprenante.
Ainsi le concept moins connu est celui de la résilience organisationnelle qui, par un
processus analogique va être analysé à partir d’un autre concept, celui de l’AO pour lequel nous
disposons d’une plus grande connaissance aussi bien au niveau théorique qu’au niveau
empirique. Le recours à la métaphore de l’AO permettra d’appréhender la RO pour « en
identifier un aspect particulier...» (Lakoff & Johnson, 1980 : 26). L’image qui sera générée est
donc susceptible d’être pertinente (Morgan, 1980). La métaphore générée serait potentiellement
de qualité heuristique et génératrice dans la mesure où elle permettra de mieux saisir la notion
de résilience des organisations et aussi de lui conférer un sens nouveau (celui de
l’apprentissage).
96
Conclusion du chapitre 2
La question de la pertinence de la thématique de la métaphore en sciences des
organisations a été l’objet de vifs débats entre les opposants pour qui elle est impertinente voire
inutile et les partisans de la métaphore qui prônent tout le contraire.
La thématique de la métaphore organisationnelle semble cependant pertinente et
toujours d’actualité. En effet, l’environnement organisationnel loin d’être simple et stable se
caractérise par la complexité, l’ambigüité, et les phénomènes paradoxaux or la métaphore aide
à les décoder et à les comprendre (Morgan, 1993 ; Martinet & Pesqueux, 2013).
Dans ce chapitre, il a été question d’étudier la métaphore dans sa perspective
linguistique, philosophique, mais surtout organisationnelle. La revue de la littérature a permis
de démontrer que les métaphores sont utiles et applicables aux organisations et qu’elles sont au
cœur même du discours organisationnel. Les métaphores servent d’outils explicatifs qui
organisent et clarifient la compréhension des organisations (rôle heuristique). Elles peuvent
générer de nouvelles manières de voir, de conceptualiser et de comprendre les organisations
d’une manière qui était jusque-là inconcevable (rôle générateur de la métaphore).
Il a aussi été question de mettre en relation la notion de résilience et de métaphore
organisationnelles, ce qui a permis d’exposer la nécessité du recours à la métaphore pour l’étude
d’un concept aussi complexe et mal compris que la résilience organisationnelle. Par la suite,
une discussion théorique a abouti au choix de l’apprentissage organisationnel comme le concept
comparant. La résilience organisationnelle serait par conséquent la métaphore de
l’apprentissage organisationnel, concept qui est l’objet du chapitre suivant.
97
CHAPITRE III : Résilience organisationnelle
et métaphore organisationnelle : Proposition
d’un modèle théorique
98
Introduction du chapitre 3
Longtemps négligé dans les recherches en sciences de gestion à cause de la difficulté à
saisir son fonctionnement et de son rapport à la réalité qui a été soumis à discussion pendant
longtemps par les positivistes, le concept de métaphore semble regagner de l’intérêt (Lemaire
& Nobre, 2019). Ce changement peut s’expliqué par la volonté des chercheurs de s’attaquer à
un concept qui est à la fois ambigüe mais riche de sens pour l’étude de phénomènes complexes
(Morgan, 1980). C’est dans ce sens que le recours à la métaphore dans la présente recherche
qui porte sur la résilience organisationnelle se légitime. Aussi, la littérature sur la résilience
organisationnelle semble être influencée implicitement par la métaphore organisationnelle. En
effet, elle est appréhendée comme le transfert des capacités de résiliences individuelles aux
organisations (Bégin & Chabaud, 2010), ce qui fait clairement référence à la métaphore. Par
ailleurs, le champ de la résilience organisationnelle intéresse de plus en plus de chercheurs et
de consultants. Cependant, malgré la pléthore de travaux sur le concept de résilience
organisationnelle celle-ci présente un grand handicap : l’absence d’une théorie de la résilience.
Cette insuffisance s’ajoute à la liste des difficultés qui participent à sa complexité.
A travers ce chapitre, nous cherchons à pallier les insuffisances théoriques de la
résilience organisationnelle à travers la proposition d’un cadre théorique. Rappelons que dans
le chapitre précédent, nous avons pu mettre en exergue les raisons pour lesquelles la RO peut
être considérée comme une métaphore organisationnelle et nous nous sommes livrés à une
discussion théorique afin de déterminer le concept dont la RO serait la métaphore. A l’issue de
ce débat, il a été démontré que l’apprentissage organisationnel est susceptible d’être le concept
comparant de la RO. Ainsi donc, la RO pourrait être la métaphore de l’AO. L’intérêt de la
thématique de l’apprentissage organisationnel pour notre sujet de thèse et dans ce chapitre est
de voir comment il pourrait aider à mieux comprendre, ou pas le concept de résilience
organisationnelle. Il s’agit de voir si la métaphore de l’apprentissage organisationnel est à même
d’expliquer la RO, un concept dont les contours restent encore mal cernés dans la littérature.
A cet effet, ce chapitre comporte deux sections. La première section sera consacrée à
l’AO afin de comprendre l’importance du concept, son parcours historique et son ancrage dans
la littérature. Dans la seconde section, nous nous pencherons sur la mise en perspective des
notions de métaphore organisationnelle (MO), d’apprentissage organisationnel (AO) et de
résilience organisationnelle (RO) afin de proposer un modèle théorique.
99
Section 1 : Importance, parcours historique et ancrage conceptuel
L’apprentissage n’est pas une question nouvelle, elle est évoquée depuis le début du
19ème siècle, notamment à travers la notion d’effets d’expérience mis en évidence par Wright
(1936) dans son étude sur le secteur de la construction aéronautique visant à déterminer les
facteurs affectant le coût des avions.
Cependant, même si la question de l’apprentissage existe depuis toujours, elle a
longtemps été assimilée à la seule acquisition de compétences individuelles avant d’être étendue
à l’organisation (Koenig, 2006). Dès lors l’apprentissage organisationnel est devenu un concept
multidimensionnel (Crossan et al., 1999).
S’intéresser à l’apprentissage organisationnel revient inéluctablement à évoquer deux
vagues de travaux incontournables. Une première vague qui est celle des travaux de Chris
Argyris et Donalad A. Schön, qui a commencé avec l’ouvrage « Apprentissage
organisationnel», apparu à la fin des années 70 dans lequel les auteurs stipulent que
l’apprentissage organisationnel se fait selon deux mécanismes appelés « boucles » :
l’apprentissage en simple boucle et l’apprentissage en double boucle. La seconde vague est
relative aux travaux de Nonaka et Takeushi et leur ouvrage « The knowledge Creating
Company » paru en 1995 qui a vulgarisé les concepts de « création de savoir », de « gestion
des connaissances » et d’« organisation apprenante ».
L’apprentissage organisationnel a pour « but et pour résultat de produire de nouvelles
connaissances organisationnelles ; qu’il s’agisse de savoirs ou de savoir-faire » (Ingham,
2015 : 61-62).
L’intérêt de la problématique de l’apprentissage organisationnel dans le contexte
mondial actuel miné par des crises successives se trouve dans le un rôle capital qu’il joue dans
l’acquisition des connaissances nécessaires au développement stratégique des organisations
(Rozario et Pesqueux 2018). Il constitue l’un des principaux moyens de réaliser le renouveau
stratégique d’une entreprise (Crossan et al., 1999) et l’une des clés d’efficience et de
compétitivité pour les organisations (Garrat, 1987 ; Grundstein, 2008 ; Matthiew et al., 2017).
Dans ce qui suit, nous verrons tout d’abord si l’AO est une thématique toujours
d’actualité. Ensuite, nous nous intéresserons aux tensions en présence et enfin nous nous
pencherons sur les modèles de références en matière d’apprentissage organisationnel.
100
I. L’apprentissage organisationnel : une thématique toujours
d’actualité ?
Dans ce paragraphe, il est premièrement question d’étudier la genèse et l’historique du
concept de l’apprentissage organisationnel pour voir s’il demeure un thème d’actualité ou pas,
ensuite, il est question de s’attarder sur son émergence avant de le définir et enfin de mettre en
lumière l’actualité des travaux sur cette thématique.
1.1. Définition et genèse de l’apprentissage organisationnel
Le sujet de l’apprentissage organisationnel est une question ancienne qui regagne de
l’intérêt aujourd’hui (Ferrary & Pesqueux, 2011 ; Koenig, 2015) pour de nombreuses raisons.
Tout d’abord, l’apprentissage organisationnel suscite de l’attention encore aujourd’hui
pour sa volonté de valoriser l’adaptation des organisations en réponse à l’instabilité de
l’environnement (Dodgson, 1993 ; Koenig, 2015). Dodgson (1993) voit dans l’apprentissage
un concept dynamique dont le recours dans les théories des organisations, permet de mettre
l'accent sur la nature évolutive des organisations. Pour lui, l’environnement est bien plus
turbulent et bien plus complexe aujourd’hui qu’il y a trente ans, l’importance de l’apprentissage
organisationnel se trouve dans l’évolution rapide des technologies et l’impact de cette évolution
sur les organisations. En effet, il soutient que les changements technologiques entraînent des
changements dans les produits, les processus et l’organisation, ce qui raccourcit les cycles de
vie des produits, transforme les processus de production et augmente les incertitudes. La
nécessité pour les entreprises d’apprendre à faire les choses de manière nouvelle devient vitale
pour une profonde transformation des mentalités et des comportements (Koenig, 2006).
Ensuite ce regain d’attention est selon Koenig (2006) dû à l’efflorescence des travaux
de recherche sur le sujet de l’apprentissage. Il argumente que les problématiques portant sur
« la cognition collective et la dimension processuelle de la réalité organisationnelle » sont
désormais des sujets « tendances ».
Par ailleurs, l’importance de la thématique de l’apprentissage tient au fait qu’il constitue
un facteur de compétitivité (Garrat, 1987 ; Nonaka et al., 1977 ; Garrat, 1987 ; Renaud &
Berland, 2020) et de succès pour les organisations (Saadat & Saadat, 2016). L’apprentissage
organisationnel est perçu comme l’une des clés d’efficience et de compétitivité des
organisations (Garrat, 1987 ; Grundstein, 2008 ; Matthiew et al., 2017). L’apprentissage
organisationnel est un vecteur du développement de l’organisation (De Rozario & Pesqueux,
2018), il constitue l’un des principaux moyens de réaliser le renouveau stratégique d’une
entreprise (Crossan et al., 1999). En effet, les changements rapides, l’innovation constante et la
101
connaissance qui soutient cette innovation est devenue une source d’avantage compétitif
durable. Pour Nonaka et al., (1977), la raison d’être de l’organisation est désormais de générer
la connaissance qui est à leurs yeux la source d’avantage concurrentiel durable la plus
importante. Toutefois, ils remarquent que nombreuses sont les organisations qui n’ont pas
compris comment créer et gérer la connaissance à cause du manque de compréhension de la
notion même de connaissance et du processus qui l’engendre car les académiciens associent
généralement la connaissance à la gestion de l’information. La perception de l’organisation a
aujourd’hui changé, elle n’est plus statique et passive comme dans la métaphore de la machine,
elle est désormais une entité au sein de laquelle le processus dynamique de création de
connaissance prend place aux travers des différentes interactions. Elle interagit avec
l’environnement et agit sur celui-ci au moyen de la création de nouvelles connaissances.Taddei
& Noblet (2018) proposent d’insister sur « l’effet contexte » c’est-à-dire le contexte culturel,
social et relationnel dans lequel la connaissance est encastrée.
Renaud & Berland (2020) s’intéressent aux relations entre le contrôle de gestion
environnemental et l’apprentissage organisationnel dans une perspective contingente. Leur
modèle enrichi montre que les niveaux d’apprentissage en simple et double boucle d’Argyris
& Schön (1978) agissent sur les modes de contrôle de Simons (1995).
Ingham (2015) a quant à lui, réalisé une étude longitudinale qui avait pour but de
découvrir et comprendre les processus d’apprentissages organisationnels dans le cadre d'une
coopération entre une société et ses différents partenaires « afin d’en tirer des enseignements
pour le management de ces accords ». Les résultats de cette étude montrent que l’apprentissage
est une motivation et un objectif lorsque les organisations s’orientent vers les accords de
coopération.
1.1.1. Définition de l’apprentissage organisationnel
Aborder la question de l’apprentissage organisationnel, c’est chercher à comprendre le
processus par lequel l’organisation assimile les notions « d’information » et de « connaissance »
(Ferrary & Pesqueux, 2011). L’expression « apprentissage organisationnel » fait référence à la
mise en œuvre d’une compétence nouvelle impliquant plusieurs membres de l’organisation »
(Koenig, 2015). L’apprentissage organisationnel est vu comme l’ « activité de formulation et
de résolution de problèmes organisationnels » qui privilégie « l’apprentissage par la pratique »
qui se fait au moyen des nouvelles technologies d’information et de communication (Ferrary &
Pesqueux, 2011 : 89). Il a pour but d’accroître la connaissance collective définie, elle-même
comme « un ensemble organisé de ressources (matérielles, logicielles, en personnel, données,
102
procédures) permettant d’acquérir, traiter, stocker, communiquer des informations » (Reix,
1995 : 75). L’apprentissage organisationnel est ainsi « un phénomène collectif d’acquisition et
d’élaboration de compétences qui, plus ou moins profondément, plus ou moins durablement,
modifie la gestion des situations et les situations elles-mêmes » (Koenig, 2015 : 67).
L’apprentissage organisationnel est une activité à part entière qui va de la collecte à la
création de connaissance. Les concepts d’information et de connaissance sont les clés de
l’apprentissage aussi bien individuel qu’organisationnel. La connaissance est le « processus
dynamique humain de justification personnelle de la vérité » (Nonaka et al., 2000 : 7).
L'information donne du sens aux changements de l’environnement pour produire de nouvelles
connaissances utiles à l’innovation et/ou pour prendre des décisions (Choo, 2008). Elle devient
de la connaissance lorsqu'elle est interprétée par des individus dans un contexte et qu’elle
s’ancre dans les croyances et les engagements des individus. En effet, c’est l’analyse et
l’interprétation de l’information, c’est-à-dire, le « processus de traduction des évènements, de
développement de modèles de compréhension, d’acquisition de sens et d’assemblage
conceptuel au milieu des gestionnaires » (Daft & Weick 1984 : 286) qui transforme
l’information en connaissance. La connaissance est alors spécifique au contexte (espace et
temps) auquel elle se rattache car pris hors de son contexte elle n’est qu’une simple information
selon Nonaka et al., (2000). La connaissance est dynamique car elle se créée lors des
interactions sociales entre les individus et les organisations.
L’apprentissage organisationnel peut être aussi défini comme la « capacité stratégique à
développer et combiner les capitaux (capital immatériel et capital des capacités dynamiques)
dont la liste et la provenance restent ouvertes » (De Rozario & Pesqueux, 2018 : 171).
L’apprentissage organisationnel est vu comme « un processus social d’interactions
individuelles qui a pour but et pour résultat de produire de nouvelles connaissances
organisationnelles ; qu’il s’agisse de savoirs ou de savoir-faire » (Ingham, 2015 : 61-62). Sous
cet angle, l’apprentissage n’est possible qu’au travers d’une communication interpersonnelle.
Pour Stimec (2018), l’apprentissage organisationnel peut être défini comme un
processus initié par un groupe de personnes en vue d’améliorer les performances à long terme
grâce à l’adoption d’une démarche de résolution de problèmes qui passe par les connaissances
et les valeurs de l’organisation.
L’apprentissage qu’il soit entrepris par un agent individuel ou organisationnel se défini
comme « le processus qui consiste à améliorer des actions par un approfondissement des
connaissances et de la compréhension » (Fiol & Lyles, 1985 : 803). Huber (1991 : 88) fournit
103
une définition plus centrée en affirmant qu’« une organisation apprend si l'une de ses unités
acquiert des connaissances qu'elle reconnaît potentiellement utiles pour l'organisation » Huber
(1991 : 88).
1.1.2. Emergence et trajectoire de développement du concept d’apprentissage
organisationnel
Selon Koenig (2006), le concept d’apprentissage a tout d’abord été considéré à ses
débuts comme un concept exclusivement applicable à la cognition individuelle, son but étant
de permettre l’acquisition de compétences individuelles. Toujours selon lui, ce sont les travaux
de Simon (1974) qui étendront le concept d’apprentissage à un niveau plus large que celui de
l’individu, en l’occurrence à l’organisation. Cette thèse a suscité une controverse entre d’un
côté, ceux pour qui l’apprentissage organisationnel n’est qu’une pure utopie car l’organisation
ne peut penser et aussi parce qu’ils considèrent que l’apprentissage est purement « l’affaire »
des individus et de l’autre côté, ceux qui défendent la cognition collective et estiment que ce
problème serait résolu si l’on définit la cognition en termes « d’acquisition, de stockage, de
traitement et d’utilisation d’informations » (Koenig, 2006 : 84). L’implication de cette
définition est que l’organisation apprend si les membres apprennent.
1.2. Les tensions en présence
Dans cette partie, seront exposées les différentes approches de l’apprentissage
organisationnel ainsi que les notions afférentes sous formes de tensions. Tout d’abord, nous
aborderons la tension individuel-collectif-organisationnel, ensuite la tension knowledge-
knowing avant de nous intéresser enfin à la tension explicite-implicite.
1.2.1. Tension individuel-collectif-organisationnel
Les interactions individuelles sont le levier de l’apprentissage collectif et
organisationnel (Crossan et al., 1999 ; Ingham, 2015). Dans la littérature, l’articulation de
l’apprentissage individuel avec l’apprentissage organisationnel reste peu explicite, ces deux
niveaux semblent, soit déconnectés soit confondus (Bollecker & Durat, 2006 ; Ingham, 2015).
Par ailleurs les niveaux collectifs et organisationnels tendent aussi parfois à être confondus.
Au vu de notre problématique, nous portons un intérêt particulier à l’approche
individuelle et à l’approche organisationnelle de l’apprentissage dont nous cherchons à
comprendre les frontières. Toutefois il semble inévitable d’aborder l’approche collective parce
que l’apprentissage est un processus qui passe par le domaine collectif avant de devenir
organisationnel (Crossan et al., 1999).
Dans les paragraphes qui suivent, nous tenterons de définir les trois types
104
d’apprentissage : individuel, collectif et organisationnel.
a) L’apprentissage individuel
A partir d’une lecture minutieuse des auteurs fondamentaux du concept, Ingham (2015)
fait le point et présente l’apprentissage individuel comme « un processus cognitif individuel qui
s’effectue en fonction d’une compétence et postule une démarche heuristique active de
compréhension et une critique imaginative, et opère dans un nouveau schéma de
connaissance » (Ingham, 2015 : 61-62). L’apprentissage vise ici à modifier les schémas de
fonctionnement des individus (Ferrary & Pesqueux, 2011). Selon Ingham (2015), ce type
d’apprentissage s’inscrit dans une démarche heuristique qui favorise la modification des
schémas de connaissances et de réponses ou la production de nouveaux schémas.
L’apprentissage se manifeste alors dans la mise en pratique d’une compétence qu’il définit
comme étant une « une aptitude à apprendre à la fois innée et construite, et qui se développe,
s’enrichit et s’organise plus correctement par l’interaction individuelle et la complémentarité
de styles cognitifs ». Elle est essentiellement cognitive et expérimentale. Elle privilégie la
compréhension et l’intelligence sachant que l’expérimentation ou le « mode expérimental » est
basée sur l’observation, l’action et l’intuition selon l’auteur.
Il s’agit d’une approche cognitive dans laquelle l’apprentissage est perçu comme une
construction sociocognitive (Gond, 2012). Cette dimension se concentre sur les logiques
individuelles d’apprentissage (Gond, 2006, 2012) et de développement des compétences
(Boussoura & Zeribi-Benslimane, 2015). L’approche cognitive de l’apprentissage interroge la
manière dont les individus apprennent (Taddei & Noblet, 2018). Elle se base sur les
connaissances et sur les schémas cognitifs des individus (Ferrary & Pesqueux, 2011). Ainsi,
l’apprentissage individuel a lieu quand il y a interaction entre les individus (Ingham, 2015).
Selon Rozario & Pesqueux (2018), l’approche cognitive de l’apprentissage est apparue
comme une « alternative » à l’organisation taylorienne dont les principes majoritairement en
faveur de la récurrence des gestes mécaniques des ouvriers ont fini par supprimer
l’apprentissage organisationnel. Pour eux, les premiers travaux de cette perspective sont
attribués à Argyris & Schön (1978) avec l’introduction du concept de « praticien réflexif »
c’est-à-dire un « chercheur en action ou un stratège pratique ». Koenig (2006) parle quant à
lui, de « sagesse pratique » dans ce cas pour mettre en relief le fait que la théorie et l’action ne
peuvent être séparées. En effet, il estime que l’acquisition d’un savoir-faire ne doit pas
empêcher la réflexion chez l’individu. L’ouvrier ou l’employé n’est plus un simple exécutant
mais un individu capable de faire des expériences et de penser pour trouver des solutions à des
105
problèmes, c’est une personne en quête de connaissances et d’expérimentation.
Cette approche met l’accent sur les processus cognitifs par lesquels l’individu traite
l’information et acquiert des connaissances grâce à l’action, à la situation et à la réflexion sur
ses actions (Masciostra, 2007). Lorsque l’individu doit faire face à de nouvelles situations, il va
s’appuyer sur ce qu’il sait en termes de connaissances antérieures pour s’adapter (Argyris &
Schön, 1978). L’apprentissage individuel, collectif ou encore la théorie de l’apprentissage
développée par Argyris & Schön (1978 ; 2002) s’inscrivent bien dans l’approche cognitive
puisqu’elle lie la cognition et l’action des individus, de sorte que la compréhension guide
l’action. L’action est également un indicateur de la compréhension (Crossan et al., 1999). Cette
approche est centrée sur la cognition des individus et la manière dont les connaissances agissent
sur leurs actions. Toutefois, les capacités cognitives de l’individu, dans le cas où elles sont
restreintes, peuvent conduire à un apprentissage limité (Argyris, 1995). Ces limites cognitives
simplifient l’environnement et engendre des « filtres cognitifs à la compréhension de la
complexité de la réalité » (De Rozario & Pesqueux, 2018 : 140).
b) L’apprentissage collectif
Pour Igham (2015), l’apprentissage collectif opère quand il y a une coopération entre
les membres du groupe afin d’atteindre un objectif. Il y a alors partage d’expériences, de savoirs
entre les membres du groupe afin d’acquérir les connaissances nécessaires pour atteindre le but
visé.
Selon Koenig (2006), il y a un apprentissage collectif lorsque « la mise en œuvre d’une
compétence nouvelle impliquent plusieurs membres de l’organisation » (Koenig, 2006 : 87).
L’aspect collectif s’active alors de deux manières selon l’auteur. Dans le premier, les nouvelles
compétences donnent lieu à des pratiques nouvelles qui sont diffusées à l’ensemble de
l’organisation grâce au savoir-faire engendré par les nouvelles compétences acquises. Ce qui
veut dire qu’il ne suffit pas d’acquérir des compétences, il faut être en mesure de les diffuser
afin qu’elles profitent à l’ensemble de l’organisation. Le second mode repose sur la création de
relations entre les compétences existantes, autrement dit, la création d’un réseau de relations
dont la synergie influence positivement la capacité à résoudre les problèmes plus efficacement.
Koenig (2006) remarque cependant que, ce réseau de relations qu’il qualifie de « souterrain »
demeure fragile car il est généralement informel et méconnu par la hiérarchie car ses acteurs
souhaitent se protéger en restant dans l’ombre. Son caractère informel rend difficile
l’exploitation des avantages qu’il offre. Selon le point de vue de l’auteur, l’apprentissage
collectif devient organisationnel s’il remplit certaines conditions sur lesquelles nous n’allons
106
pas nous attarder car l’intérêt dans ce travail ne porte pas sur l’apprentissage collectif.
c) L’apprentissage organisationnel
L’apprentissage organisationnel est un apprentissage qui s’opère « à tous les niveaux
quand des nouveaux comportements, connaissances ou valeurs sont produits et utilisés » et
donnent lieu à des « connaissances organisationnelles qui sont le résultat d’une production
collective » (Igham, 2015 : 59). Cette définition laisse supposer que l’auteur considère
l’apprentissage organisationnel comme la simple somme des apprentissages individuels et
collectifs. Pour Crossan et ses collaborateurs (1999), l’organisation est plus qu’un simple
rassemblement d’individus, l’apprentissage organisationnel est plus que la somme des
apprentissages de ses membres. Par conséquent, lorsqu’il existe un véritable apprentissage
organisationnel, le taux de rotation des individus n’ébranle en rien cet apprentissage parce qu’il
est incorporé dans les systèmes, la stratégie, les pratiques de l’organisation, etc. Les auteurs
nomment ce phénomène : « institutionnalisation ». Cette institutionnalisation est un moyen
permettant à l’organisation de sauvegarder l’apprentissage de chacun de ses membres et de le
diffuser à l’échelle organisationnelle. Les auteurs ajoutent que généralement ce qui devient
institutionnalisé a reçu un certain degré d’approbation et/ou une compréhension partagée de ses
membres les plus influents. Cette réalité est représentée dans le tableau ci-dessous.
Carte cognitive
Conversation/Dialogue
Intégration Compréhensions partagées
Groupe Ajustement mutuel
Systèmes d’interaction
Institutionnalisation Routines
107
En somme, l’apprentissage organisationnel est selon les auteurs, un processus
dynamique qui va de l’intuition à l’interprétation (niveau individuel), à l’intégration (niveau
collectif) et enfin à l’institutionnalisation (niveau organisationnel). Ces trois niveaux
correspondent à ce que Crossan et ses collaborateurs (1999) appellent les « 4I » c’est-à-dire
« Intuition, Interprétation, Intégration et Institutionnalisation ». L’intuition et l’interprétation
s’opèrent au niveau des individus alors que l’intégration s’observe au niveau du groupe et
l’institutionnalisation se situe au niveau organisationnel. L’apprentissage dans ce sens est un
transfert de l’individu au groupe et du groupe à l’organisation. Ce sont les individus, le système
social et les dynamiques de groupes qui influencent l’apprentissage organisationnel. Néanmoins
Crossanet al., (1999) admettent que cela peut prendre du temps pour se faire et aussi qu’avec
le temps, l’environnement peut changer et ce que l’organisation a institutionnalisé peut devenir
obsolète. Dans ce cas, un fossé peut se creuser entre ce que l’entreprise a appris à faire et ce
qu’elle doit faire en temps réel. Ils estiment qu’à ce stade il est nécessaire de mieux gérer
l’apprentissage institutionnalisé tout en laissant une marge de manœuvre qui s’exprime par
l’intuition et l’interprétation de la situation par les acteurs pour ne pas inhiber les idées
novatrices capable d’apporter des solutions efficaces. Selon les auteurs, l’institutionnalisation
peut être taxée de négative mais elle n’est pas mauvaise, elle permet d’exploiter les bénéfices
de ce qui a été appris.
Dans ce travail, nous considérons l’apprentissage organisationnel d’un point de vue
dynamique c’est-à dire comme un processus de socialisation (Nonaka & Takeushi, 1997).
L’implication de ce raisonnement est que nous ne pouvons considérer tout processus
d’apprentissage qui s’arrête au niveau des individus ou du groupe comme organisationnel car
cela veut dire que l’apprentissage se passe et s’arrête au niveau de la cognition des individus ou
des groupes d’individus. Or, nous avons énoncé précédemment que pour nous, l’apprentissage
organisationnel n’est pas simplement l’addition des apprentissages de ses membres. Nous
considérons l’apprentissage organisationnel comme un « méta-apprentissage » c’est-à-dire le
niveau ultime qui va au-delà des individus et des groupes.
1.2.2. Tension « knowledge-knowing »
Cook & Brown (1999) définissent le « Knowledge » ou la connaissance comme « ce que
je sais » ou quelque chose que l’on possède et que l’on utilise de manière pragmatique, sans
que ce soit une fin en soi. Ils la présentent comme étant statique, abstraite car elle est non
tangible. Elle n’est pas une action en soit mais elle est nécessaire à l’action.
Pour Cook & Brown (1999 : 387), le « knowing » ou la compétence est « ce que je
108
sais faire ». Ils la présentent comme dynamique, concrète et relationnelle. Elle est la manière
dont un individu déploie la connaissance qu’il possède dans ses interactions avec les outils
destinés à réaliser un travail spécifique. Elle est directement liée à l’action et permet de produire
des solutions aux problèmes. Pour les auteurs, la connaissance doit être vue comme un outil au
service de la compétence et non comme quelque chose qui, une fois possédée, permet de passer
à l’action. La connaissance et la compétence peuvent ainsi être complémentaires.
1.2.3. Tension tacite-explicite
Une connaissance tacite est une connaissance personnelle, difficile à formaliser ou à
communiquer, alors que la connaissance explicite est une connaissance formalisée et facile à
transmettre à des individus et groupes (Choo, 1996). Les concepts de connaissance tacite et de
connaissance explicite sont au centre du modèle d’apprentissage organisationnel élaboré par
Nonaka & Takeushi (1997).
De manière pragmatique, la tension tacite-explicite se retrouve sous une autre forme
dans l’organisation : exploration-exploitation (March, 1991 ; Levinthal & March, 1993). Selon
Crossan et al., (1999), l’apprentissage organisationnel implique une tension entre l’assimilation
d’un nouvel apprentissage (exploration) et l’utilisation de ce qui a été appris (exploitation).
« L'exploitation désigne l'apprentissage acquis via la recherche locale, le raffinement
expérientiel, la sélection et la réutilisation de routines existantes. L'exploration fait référence
à l'apprentissage tiré des processus de variation concertée, d'expérimentation planifiée et de
jeu » (Baum et al., 2000 : 768).
La gestion de la tension entre les activités d’exploitation et les activités d’exploration
est au cœur de l’ambidextrie organisationnelle (Levinthal & March, 1993). Duncan (1976) voit
dans l’ambidextrie organisationnelle une réponse à la tension entre l’exploitation et
l’exploration des organisations (Duncan, 1975). Elle correspond ainsi à deux structures
organisationnelles : l’une mécaniste pour la gestion des activités de routines et l’autre,
organique pour les activités innovantes. L’ambidextrie organisationnelle consiste à s’engager
dans « une exploitation suffisante pour assurer sa viabilité actuelle et, en même temps, de
consacrer suffisamment d’énergie à l’exploration pour assurer sa viabilité future » (Levinthal
& March, 1990 : 105). Elle « se réfère à la capacité d’une organisation à gérer ses demandes
actuelles tout en s’adaptant aux changements occasionnés par l’environnement » (Koryak et
al., 2018 : 413). Selon Levinthal & March (1993), les organisations s’engagent dans des
activités d’exploration soit pour rechercher la connaissance et des choses à découvrir, soit pour
approfondir les connaissances à propos de l’utilisation et du développement des choses déjà
109
existantes. Cependant, une organisation qui se concentre uniquement sur des activités
d’exploration court le risque de ne jamais obtenir de retour sur ses connaissances obtenues grâce
à l’expérience ou à l’expérimentation. De même une organisation qui se consacre uniquement
à des activités d’exploitation risque de souffrir « de l’obsolescence » à long terme. Il est
judicieux dans ce cas de trouver un équilibre (pas toujours facile) qui passe par un engagement
dans « une exploitation suffisante pour assurer sa viabilité actuelle et, en même temps, de
consacrer suffisamment d’énergie à l’exploration pour assurer sa viabilité future » (Levinthal
& March, 1993 : 105).
Les auteurs admettent néanmoins que l’équilibre entre l’exploitation et l’exploration est
difficile à maintenir à cause de la difficulté à déterminer la combinaison optimale des deux mais
aussi à cause des mécanismes même de l’apprentissage qui peuvent parfois mettre l’accent sur
l’exploitation plutôt que l’exploration ou vice-versa. Ce cycle peut être brisé selon Levinthal &
March (1993) grâce à une bonne alternative et / ou à des aspirations revues à la baisse.
1.3. Les modèles de références
Les deux modèles de référence sont ceux d’Agyris & Schön (1978) et de Nonaka &
Takeushi (1997).
1.3.1. Le modèle d’Agyris et Schön (1978)
Cette approche renferme plusieurs « niveaux » et « styles d’apprentissage » : niveau 1
ou apprentissage en simple boucle, niveau 2 ou apprentissage en double boucle et niveau 3,
apprentissage des apprentissages (Argyris & Schön, 1978 ; 2015 ; 2002).
Pour comprendre la théorie de l’apprentissage, il faut comprendre les concepts
d’ « investigation» et de « théorie de l’action ». L’apprentissage est étroitement lié à un contexte
de changement des routines, des procédures, de l’environnement, etc. L’apprentissage peut
« apparaître comme une adaptation suscitée par le changement et suscitant en retour un
changement » (Ferrary & Pesqueux, 2011 : 89). Gond (2004 : 125) souligne que « les
entreprises qui parviennent le plus rapidement à augmenter leur performance sociétale sont
sans doute celles qui sont les plus ancrées dans une logique d’adaptation et donc
potentiellement celles qui apprennent le moins. A contrario, les entreprises potentiellement les
plus performantes, d’un point de vue sociétal, sont celles dont les échecs et les problèmes ont
permis de développer des apprentissages directs à travers des crises indirectes et le constat ».
a) L’apprentissage en simple boucle
L’apprentissage en simple boucle est selon les auteurs, l’apprentissage opérationnel qui
modifie les stratégies d’action ou les paradigmes qui sous-tendent les stratégies, mais ne
110
modifie pas les valeurs des théories d’action. Il ne touche pas aux valeurs directrices de
l’entreprise. Cet apprentissage ne génère pas de réel changement mais il est un stimulateur de
l’apprentissage en double boucle.
111
erreurs afin de permettre au travail de se poursuivre, l’action est alors guidée par les règles et
les routines organisationnelles. Il estime d’ailleurs que les outils employés pour exécuter le
travail, à savoir l’outil pour le contrôle de qualité, les audits les technologies managériales sont
des outils destinés à l’approche de l’apprentissage en simple boucle.
b) L’apprentissage en double boucle
L’apprentissage en double boucle est selon les auteurs l’apprentissage qui induit un
changement des valeurs de la théorie d’usage, mais aussi des stratégies et de leurs paradigmes.
Le deuxième niveau de l’apprentissage est plus proactif et propice à l’innovation, il prône une
modification des « schémas existants et/ou à en produire de nouveaux et à générer de nouvelles
connaissances organisationnelles » (Ingham, 2015 : 60). On ne se contente plus seulement de
puiser des solutions dans les routines de l’organisation en ajustant son action comme dans le
premier niveau mais on se lance dans une véritable quête de solutions innovantes à même de
mieux répondre de manière durable au problème présent et parfois, à ceux à venir. Ce type
d’apprentissage intervient « si les objectifs ou si le programme sous-jacent du thermostat
nécessite un réexamen car si une personne ou un département quelconque va avoir des
problèmes, il sera beaucoup plus difficile d’identifier et de corriger les erreurs » (Argyris,
1977). La figure ci-dessous représente cette réalité.
112
La double boucle fait référence aux deux boucles de rétroaction qui relient « les effets
observés de l’action sur les stratégies et les valeurs servies par les stratégies » (Argyris & Schön,
2002 : 44). L’apprentissage en double boucle est alors défini comme « l’apprentissage qui induit
un changement des valeurs de la théorie d’usage, mais aussi des stratégies et de leurs
paradigmes ». En d’autres termes, c’est lorsque l’investigation individuelle au nom de
l’organisation, à travers une correction d’erreurs, bouleverse les normes organisationnelles, en
apportant des changements aux valeurs de la théorie organisationnelle d’usage. Ainsi,
« Seul l’apprentissage en double boucle permet aux individus ou aux organisations de
remettre en question les valeurs et les normes qui régissent leurs théories d’usage » (Argyris
& Schön 2002 : 46). Cet apprentissage revêt donc une importance plus ou moins grande pour
l’organisation dans son ensemble, selon le degré auquel les valeurs et les normes essentielles
sont touchées. Aussi, les auteurs insistent sur la notion d’univers comportemental qui est
modifié à ce niveau (Argyris & Schön 2002 : 52) et qui comprend les qualités humaines, les
interprétations et les sentiments qui conditionnent habituellement les schémas d’interaction
entre les individus au sein de l’organisation de telle manière qu’ils affectent l’investigation
organisationnelle. Ce niveau requiert un bouleversement des routines et des manières de faire
habituelles afin d’innover de nouvelles réponses pour résoudre les problèmes. Cela peut
nécessiter parfois de remettre en cause la façon même d’apprendre.
Par ailleurs, l’apprentissage en double boucle peut être comparé à l’exploration et
l’apprentissage en simple boucle à l’exploration (March, 1991 ; Stimec, 2018). Le deteuro-
learning ou l’apprentissage des apprentissages
Un troisième et « ultime » niveau d’apprentissage appelé deutero-learning est plus
intense et plus profond que les deux premiers : il constitue la troisième boucle que les auteurs,
Argyris & Schön (2002) ont rajouté à leur modèle initial. Il suit une démarche réflexive qui
aboutit à un « recadrage du sens » même de l’action (De Rozarario & Pesqueux, 2018).
Argyris & Schön (2002) proposent un troisième type d’apprentissage appelé
apprentissage de l’apprentissage ou deutero-learning qui creuse plus en profondeur que les
deux premiers niveaux d’apprentissage. Dans ce type d’apprentissage, l’organisation et ses
membres se plongent dans une réflexion profonde qui ressemble à une introspection afin de
faire ressortir les obstacles à l’apprentissage (De Rozario & Pesqueux, 2018). La légitimité de
ce troisième niveau d’apprentissage se trouve dans le fait que même si l’apprentissage en double
boucle permet de penser et d’agir autrement et que cela est bénéfique pour l’organisation
intelligente, il remet en cause certains principes de gestion par le fait qu’il remet en cause les
113
valeurs même de l’organisation (De rozario & Pesqueux, 2018). En effet, la troisième boucle
du modèle de Argyris & Schön (2002) détecte les éventuels « blocages (autocensure,
conformisme, rétention d'informations, sacralisation du pouvoir) et opère un recadrage en
réexaminant les valeurs fondamentales de l'organisation, afin de dépasser les blocages et de
redéfinir le sens donné à l'action » (De Rozario & Pesqueux 2018 : 181).
1.3.2. Le modèle de Nonaka & Takeuchi (1997)
Le modèle de Nonaka & Takeuchi (1997) explique comment les organisations peuvent
de manière dynamique créer des connaissances grâce à la mobilisation de la synergie entre
connaissance tacite et explicite dans l’organisation. Les auteurs proposent un modèle
dynamique de catégorisation des connaissances sous la forme d’une spirale du savoir appelé
« le modèle Seci » ou la « spirale du savoir » (Nonaka & Takeushi, 1997). C’est une approche
basée sur la socialisation organisationnelle ou création et conversion des connaissances et sur
leur transfert. Elle est plus axée sur le concept de « knowing » c’est-à-dire les connaissances et
non sur leur gestion (Ferrary & Pesqueux, 2011). Leur modèle dynamique de création des
connaissances se compose de quatre processus mutuellement complémentaires et
interdépendants exposés selon une épistémologie axée sur la différence entre le tacite et
l’explicite et une ontologie qui décrit le cadre du raisonnement qui va de l’individu à
l’organisation et de l’organisation au domaine inter-organisationnel (Ferrary & Pesqueux,
2011 : 111). Ce modèle met l’accent sur le concept de « connaissance » et sur la manière dont
les organisations peuvent apprendre, créer et gérer la connaissance. Il existe deux types de
connaissances : les connaissances explicites et les connaissances tacites. Les connaissances
explicites sont des connaissances formelles faciles à transmettre entre individus et groupes
(Nonaka et al., 2000). La connaissance explicite s’exprime en mots, nombres et elle peut être
partagée sous forme de données, formules scientifiques, manuels et spécifications alors que la
connaissance tacite est personnelle, difficilement formulable et communicable (Nonaka et al.,
2000 ; Choo, 2008 ; Rathinam, 2017). La connaissance tacite reste étroitement perçue en tant
que « savoir-faire personnel » (Nonaka et al., 2000 ; Choo, 2008). Choo (1996) fait le constat
que l’apparition de la connaissance explicite n’est pas spontanée mais doit être nourrie et
cultivée à partir « des graines de la connaissance tacite ». Il accorde beaucoup d’importance à
la connaissance tacite qui, convertie en connaissance explicite, est susceptible de stimuler
l’innovation et le développement de nouveaux produits. La littérature sur l’apprentissage
organisationnel considère le savoir tacite comme la clé qui mène à l’innovation. C’est pourquoi,
il est primordial pour les organisations d’acquérir les compétences nécessaires pour convertir
114
les connaissances personnelles tacites en connaissances explicites.
a) Le processus de création de la connaissance
La création des connaissances est décrite comme un « processus dynamique, continu et
auto-transcendant ». Elle transcende en effet les limites des frontières habituelles entre nous et
les autres et/ou entre les individus et l’organisation pour offrir un nouveau contexte, une
nouvelle manière et des connaissances nouvelles. La création de connaissances va au-delà des
limites de l’organisation, il faut donc créer les conditions favorables à l’interaction des individus
et leur environnement au sens large.
Dans ce processus, connaissance tacite et connaissance explicite sont complémentaires
et essentielles pour la création de nouvelles connaissances. Le savoir explicite perd rapidement
son sens s’il n’est pas associé au savoir tacite (Nonaka et al., 2000). Le processus de création
de connaissances se compose de trois éléments en interaction : 1) la conversion entre
connaissances tacites et explicites intégrées dans un modèle d’interaction entre celui-ci et deux
autres éléments (le contexte partagé pour la création de connaissances et le capital de
connaissances), 2) les intrants, les produits et 3) le modérateur du processus de création de
connaissances. Les trois éléments forment ensemble la spirale du savoir (Nonaka & Takeushi,
1997 ; Nonaka et al., 2000).
b) Le processus SECI ou les quatre modes de conversion du savoir
La création de connaissances s’opère au moyen d’interactions entre la connaissance
explicite et la connaissance tacite ou « conversion de connaissances » (p.9), la connaissance se
développe à la fois en qualité et en quantité.
La figure ci-dessous schématise le processus SECI.
115
Figure 7Tacite Explicite
: Le processus de conversion des connaissances (SECI)
Socialisation Externalisation
Tacite
Internalisation Combinaison
Explicite
Il ya quatre modes de conversion des connaissances qui sont : (1) la socialisation (de la
connaissance tacite à la connaissance tacite), (2) externalisation (de la connaissance tacite à la
connaissance explicite), (3) combinaison (de la connaissance explicite à la connaissance
explicite) et (4) l'internalisation (de la connaissance explicite à la connaissance tacite).
La Socialisation
Le savoir tacite étant difficilement diffusable, il s’acquiert par la pratique et non par la
lecture d’un document formel. Il se reçoit sous la forme d’une expérience partagée et son
acquisition nécessite d’être en contact et de passer du temps de manière ponctuelle ou continue
avec la personne qui la possède. Dans ce mode, on cherche à convertir le savoir tacite en savoir
explicite. En d’autres termes, on cherche à assimiler le non-dit ou le non verbal. Ce savoir non
formalisable peut s’exprimer sous la forme de savoir-faire, de talent et/ou d’expérience.
Le but de la socialisation est d’acquérir afin d’enrichir et créer des connaissances tacites
nouvelles chez l’individu. La socialisation va au-delà des frontières de l’organisation
puisqu’elle est du domaine de l’informel. Il pourrait être avantageux pour les organisations de
favoriser la communication implicite ou informelle entre les employés au même titre que la
communication explicite. D’ailleurs, les entreprises japonaises investissent plus dans la
connaissance tacite car elles reconnaissent qu’elle est une source d’avantage concurrentiel.
L’externalisation
L’externalisation est l’articulation de la connaissance tacite en connaissance explicite.
Pour cela, la connaissance doit être « cristallisée », phénomène qui se produit lorsque la
connaissance tacite est explicitée, ce qui lui permet d'être diffusée aux autres, et cela devient la
base de nouvelles connaissances. Le savoir tacite va être mis sur papier ou matérialisée
concrètement pour être profitable aux autres. Ce processus de conversion permet par exemple,
d’apporter des améliorations aux produits existants ou d’innover des concepts et produits
nouveaux.
116
La combinaison
C’est le processus de conversion des connaissances explicites en d’autres « ensembles
de connaissances complexes systématiques ». Le but de la combinaison est de « collecter à
l'intérieur ou à l’extérieur de l'organisation, puis combiner, modifier ou traiter pour former
une nouvelle connaissance » qui sera diffusée à tous les membres de l’organisation. Ce mode
est facilité par l’utilisation des technologies d’information et de communication et des bases de
données. La collecte d’information des fonctions comptables et financières, par exemple est un
type de ce mode.
L’internalisation
C’est le processus de conversion du savoir explicite en savoir tacite. Autrement dit, c’est
le processus d’intériorisation des connaissances explicites. L’internalisation est étroitement liée
à « l'apprentissage par la pratique » (p.10). Les connaissances explicites acquises par les
salariés dans l’exercice de leur activité ou d’un projet (qui donne lieu à un retour d’expérience)
sont partagées au sein d’une organisation et converties en connaissances tacites par les individus
après leur assimilation. De manière concrète, les programmes de formation, les documents et
manuels mis à la disposition du personnel dans l’organisation peuvent être assimilés après leur
lecture pour accroître la connaissance tacite des employés. Les simulations ou les expériences
sont de nature à déclencher l’apprentissage par la pratique également. L’objectif de
l’intériorisation du savoir explicite en savoir explicité rend l’individu perméable à la
connaissance partagée, cette connaissance acquise devient une partie de celui qui la détient
« sous forme de modèles mentaux partagés ou de savoir-faire technique, cela devient un atout
précieux. Cette connaissance tacite accumulée au niveau individuel peut déclencher une
nouvelle spirale de création de connaissances quand il est partagé avec les autres par la
socialisation » (p.10).
117
Section 2 : Le statut métaphorique de l’apprentissage
organisationnel : comment se construit le lien avec la résilience
organisationnelle ?
Cette section tente de mettre en relation les concepts clés de cette recherche, à savoir, la
résilience organisationnelle, la métaphore organisationnelle et l’apprentissage organisationnel.
Elle s’attèle à la construction d’un modèle théorique qui a pour but de comprendre si la
résilience organisationnelle peut être ou non la métaphore de l’apprentissage organisationnel.
Cette section s’ouvre avec une discussion sur la légitimité de l’approche métaphorique
des notions d’apprentissage organisationnel et de résilience organisationnelle. Elle tente ensuite
de faire ressortir des proposions de recherche.
I. Approche métaphorique de la résilience organisationnelle par
l’apprentissage organisationnel : quelle légitimité ?
Nous nous intéressons à ce niveau à la pertinence du choix de l’apprentissage
organisationnel comme le concept « comparant » dans la métaphore de la résilience
organisationnelle.
1.1. La pertinence du concept comparant
Il est à rappeler que nous cherchons à comprendre comment on est passé de la résilience
individuelle à la résilience organisationnelle. Toutefois, la littérature sur ce passage est
presqu’inexistante. Nous avons alors proposé l’approche métaphorique comme levier de la
transformation des aptitudes individuelles en capacités organisationnelles. A cet effet, nous
avons procédé à une discussion théorique afin de déterminer le concept le plus approprié. Nous
sommes arrivés à la conclusion que la résilience organisationnelle est une métaphore non pas
du changement ni de la flexibilité mais de l’apprentissage organisationnel. Nous expliquons
dans ce qui suit les raisons qui nous ont conduits vers cette conclusion.
La résilience organisationnelle et l’apprentissage présentent une certaine similarité à
travers le concept de l’appropriation des expériences passées. L’appropriation consiste à
analyser le passé pour « savoir tirer parti de ses échecs » car « toute compréhension a sa source
dans la réflexion et dans le regard jeté sur le passé » (Weick, 1979 : 194). « Tirer parti de ses
échecs signifie de reconnaître leur contribution à l’apprentissage plutôt que d’ignorer ou nier
ceux-ci » (Thorne 2000 : 313). Il s’agit de la capacité de l’organisation à apprendre de ses
expériences passées. Cette capacité permet à l’organisation de remettre en question ses
pratiques et/ou ses routines organisationnelles. En effet, les leçons que l’organisation tire des
118
crises traversées ou passées constituent (1) un miroir à travers lequel elle peut percevoir ses
faiblesses et ses erreurs afin de pouvoir les corriger et (2) trouver des solutions à stocker dans
la mémoire organisationnelle pour affronter d’éventuels problèmes futurs (Bégin & Chabaud,
2010). En plus d’apprendre de son passé, l’apprentissage va permettre aux organisations de
découvrir ses avantages (forces) et ses inconvénients (faiblesses) afin d’entreprendre les actions
nécessaires (Christiansonet al., 2009).
Par ailleurs, Morgan (1980) stipule que dans le cadre d’une comparaison métaphorique,
si le comparé et le comparant présentent une forte dissemblance (aucune ressemblance) ou que
les deux sont presque identiques (forte ressemblance), alors le processus métaphorique génère
une image insensée ou faible. Ainsi une forte similarité et une forte dissemblance donnent lieu
à un résultat ou une image métaphorique impertinente. Pour l’auteur, une métaphore est
puissante lorsque la ressemblance entre les deux sujets est significative mais pas totale. Nous
sommes donc dans ce cas de figure puisque la RO et l’AO présentent une certaine similarité à
travers le concept d’appropriation des expériences passées qui favorise le renforcement de la
résilience de l’organisation. L’image métaphorique qui sera générée est donc susceptible d’être
pertinente (Morgan, 1980).
1.2. Spécification et discussion de l’objet de recherche
Nous allons dans cette partie spécifier l’objet de la recherche et la formulation de celui-
ci.
1.2.1. Spécification de l’objet de recherche
L’objet de la présente recherche est un « élément clé du processus de recherche » qui
permet d’orienter la recherche vers la méthodologie à suivre (Gavard-Perret et al., 2012). La
présente recherche s’intéresse à la manière dont la résilience est passée d’un niveau d’analyse
individuel à celui de l’organisation. La littérature ne statue pas sur ce passage. Le point de
départ de ce travail est le flou autour de ce passage.
Quivy & Campenhoudt (1995) résument ce qu’est l’objet d’une recherche ou « research
topic » sous la forme d’une question : « qu’est-ce que je cherche ? ». En d’autres mots, l’objet
d’une recherche n’est rien d’autre que la problématique de laquelle découlent la ou les questions
de recherche (Gavard-Perret et al., 2012). Il s’agit pour le chercheur de préciser la raison de son
investigation et les résultats escomptés.
A ce stade, il apparaît important de préciser notre objet de recherche, formulé comme
suit :
Comment le concept de métaphore fonde-t-il ou pas la compréhension du passage d’une
119
logique individuelle à une logique organisationnelle de résilience ?
Les questions de recherche sous-jacente à cette problématique sont :
1. Peut-on réellement parler d’une résilience organisationnelle en soi ?
2. Comment les capacités individuelles de résilience conduisent-elles aux capacités de
résilience organisationnelle ?
3. Sommes-nous en droit de considérer l’AO comme étant le comparant de la RO ?
4. Quel modèle explicatif de la résilience organisationnelle en résulte-t-il?
La problématique de recherche soulève une discussion sur la différence entre la sphère
individuelle et organisationnelle. Pour Simon (1965), l’être humain est plus limité que
l’organisation. Il estime que les capacités cognitives limitées des êtres humains expliquent
pourquoi les organisations sont des instruments nécessaires et utiles à la réalisation d’objectifs
plus vastes. Par conséquent, l’organisation est à même d’influencer le comportement de ses
membres.
La légitimité de la problématique ci-dessus se trouve dans le fait que l’individu et
l’organisation sont et fonctionnent différemment (Choo, 1995). Ainsi la résilience individuelle
diffère de la résilience organisationnelle et le passage de l’une à l’autre n’est pas automatique.
L’objectif majeur de cette recherche est de comprendre si la résilience organisationnelle,
comme essence de l’organisation, s’exprime dans les catégories de l’apprentissage
organisationnel (Nonaka & Takeushi, 1997) ou si la résilience organisationnelle n’est qu’une
extension des capacités individuelles de résilience étendues à l’organisation et donc une
métaphore de l’apprentissage individuel (Argyris & Schön, 1978). Dans ce cas, la résilience
organisationnelle serait contextuelle et serait :
1. soit une métaphore analogique. Dans ce cas, la résilience organisationnelle est une
métaphore analogique de l’apprentissage organisationnel (Nonaka & Takeushi, 1997).
2. soit une métaphore mythique dont la rhétorique opère à travers le discours porté par
des individus et où la résilience organisationnelle est la somme des résiliences individuelles
(Argyris & Schön, 1978).
Dans les deux cas, nous sommes dans une approche situationnelle, c’est-à-dire une
situation qui déterminera si la résilience organisationnelle est substantielle ou simplement
contextuelle.
1.2.2. La formulation de la problématique de recherche
Choisir un objet de recherche est selon Allard-Poesi & Maréchal (1999) le résultat d’un
processus de questionnement des objets théoriques (concepts), des objets méthodologiques, des
120
objets empiriques (des faits ou phénomènes sociaux) ou des évènements. Dans notre cas, le
choix de l’objet de la recherche résulte d’un questionnement des objets théoriques et
méthodologiques. En effet, le questionnement des objets théoriques est justifié par le fait que
le présent travail traite d’un concept (résilience organisationnelle) selon deux dimensions
(individuelle et organisationnelle). Par ailleurs, notre objet de recherche suit un questionnement
méthodologique également, par le fait qu’il se penche sur l’approche métaphorique. Gavard-
Perret et al., (2012) proposent au chercheur de répondre à un ensemble de six questions qui
visent à l’aider à formuler son objet de recherche.
La première question concerne la nature du projet c’est-à-dire l’orientation générale ou
le but ultime du projet de recherche. A ce niveau, la nature de ce projet de recherche est
d’explorer d’abord la littérature et ensuite le terrain afin de comprendre si finalement il existe
une résilience organisationnelle en soi.
La seconde question se formule comme suit : S’agit-il d’une recherche dite de
« contenu » et/ou une recherche dite de « processus » ? Les deux types de recherche se
différencient par le fait que « les recherches sur le contenu cherchent à mettre en évidence la
composition de l’objet étudié, tandis que les recherches sur le processus visent à mettre en
évidence le comportement de l’objet dans le temps » Grenier & Josserand (1992 : 104).
La présente recherche est clairement une recherche de processus. En effet, l’intérêt de
cette recherche porte sur le processus qui a donné naissance à la résilience organisationnelle.
L’optique évolutionniste ou temporelle qui témoigne du passage d’un état 1 (résilience
individuelle) à un état 2 (résilience organisationnelle) relève d’un schéma processuel qui est le
questionnement ouvert par notre problématique. La posture adoptée dans ce cas est
compréhensible car notre problématique nous mène à questionner la manière dont on passe de
l’état initial (1) à l’état final (2). Gavard-Perret et al., (2012) font remarquer que même s’il est
plus courant que les travaux s’orientent vers l’une des deux possibilités, le chercheur peut
toutefois mener une recherche à la fois de contenu et de processus.
La troisième question porte sur « la démarche envisagée », elle se décline sous deux
formes. La première démarche consiste à « tester ou justifier une théorie, des concepts, un
modèle » (Snow & Thomas, 1994). Elle s’inscrit dans une démarche confirmatoire et dans un
contexte de vérification d’hypothèses (Gavard-perret et al., 2012). La deuxième démarche
consiste à construire ou à enrichir des hypothèses, des théories, des modèles (Snow & Thomas,
1994). Ce travail s’inscrit dans cette seconde démarche qui se rapporte à « un contexte de
découverte » pouvant constituer une partie de la recherche ou au contraire pouvant « constituer
121
une démarche à part entière » comme dans le cas d’une étude de cas exploratoire, une démarche
de recherche adoptée dans le cadre de ce travail (Yin, 1990).
La quatrième question concerne le type de présence que le chercheur peut négocier sur
le terrain. Gavard-Perret souligne que cette question est d’une importance indéniable car très
souvent c’est ce que le chercheur est « autorisé » à faire ou à ne pas faire qui guide, voire
modifie le projet de départ si la présence du chercheur dérange les acteurs du terrain. Dans ce
cas, le chercheur pourrait être amené à n’interroger que ceux auxquels il aura accès et non ceux
qu’il avait prévu de questionner. Répondre à cette quatrième question avant l’investigation
empirique s’avère assez complexe car tout dépendra du terrain.
La cinquième question porte sur les cadres théoriques/conceptuels pertinents à choisir.
Définir un cadre théorique et/ou conceptuel pertinent découle des lectures du chercheur. L’étape
qui suit cette lecture selon les auteurs est le choix de la démarche à adopter. Ainsi, le chercheur
peut choisir une démarche confirmatoire de type hypothético-déductive, s’il dispose de
concepts, de théories ou modèles connus et éprouvés dans le but de « raffiner la théorie
existante, l’infirmer ou bien l’éprouver sur un terrain qui est non encore exploré » (Gavard-
Perret et al., 2012 : 70). Mais si le chercheur ne dispose pas de « modèle établi » et qu’il s’agit
d’un terrain peu étudié, la « démarche exploratoire théorique, empirique ou hybride » (Gavard-
Perret et al., 2012 : 70) est préconisée, ce qui est en totale adéquation avec les caractéristiques
de notre thèse. Les travaux sur la question du passage de la résilience individuelle à la résilience
organisationnelle n’existent quasiment pas, c’est pourquoi ce travail est orienté vers
l’exploration.
II. Résilience organisationnelle, apprentissage organisationnel et
métaphore : essaie de conceptualisation
122
l’organisation sous la forme de différentes métaphores : une machine, un organisme, un
cerveau, un système politique, une culture, une prison du psychisme, des flux et transformation
et un instrument de domination. A travers cet ouvrage, Morgan (1980) a permis de comprendre
les réalités organisationnelles sous différents angles à travers les différentes métaphores. Il est
bien un pionnier dans la recherche sur les métaphores et son travail est louable. Cependant, son
approche vise à présenter sinon à décrire les différentes métaphores. Quant à la manière dont
ces métaphores pourraient être mobilisées dans une recherche empirique, il ne donne pas plus
d’informations. Pour lui, la métaphore fonctionne selon un mode de substitution qui consiste à
substituer un concept par un autre, sans fournir une base solide du mode opératoire de
l’approche métaphorique en science de gestion. De manière théorique, on en sait beaucoup sur
la métaphore, mais de manière pratique, on en sait moins. La question du fonctionnement et
donc du « comment faire » en ce qui concerne les métaphores est longtemps restée sans réponse
(Tsoukas, 1991 ; Lemaire & Nobre, 2019).
Tsoukas (1991) a tenté de s’intéresser au mode de fonctionnement de la métaphore qui
demeurait jusque-là une zone d’ombre. A travers son model transformationnel, il a essayé de
montrer comment fonctionne la métaphore. Ce modèle a fait l’objet de plusieurs critiques de la
part de Cornelissen (2005) qui considère qu’il s’agit d’une simple comparaison (des
similitudes) basée sur des propriétés superficielles des concepts. Toujours selon l’auteur, il ne
s’agit pas d’un modèle réaliste de la manière dont fonctionne vraiment la métaphore. En effet,
en prêtant attention à son modèle, il semble que Tsoukas (1991) s’évertuait davantage à prouver
ou à montrer la manière dont la métaphore pourrait devenir « plus scientifique » dans le souci
peut-être de convaincre les opposants à la métaphore et dans un souci de généralisation plutôt
qu’à développer le mode opératoire de la métaphore.
Cornelissen (2007) s’est également intéressé au fonctionnement de la métaphore en
élaborant le modèle interaction-domaines. Ce modèle suggère que le mécanisme de base
impliqué dans la production et la compréhension de métaphores n’est pas la sélection d’attributs
préexistants des termes associés, comme l’implique le modèle de comparaison. Il est plutôt
fondé sur la génération et la création de nouveaux signifiants au-delà d’une similitude existante.
Ce modèle semble représenter une « avancée » dans la manière dont la métaphore opère.
Cependant, ce modèle ne fournit pas une réponse claire quant à la manière dont l’approche
métaphorique fonctionne et la manière dont les chercheurs peuvent la mobiliser dans le cadre
de leurs travaux.
123
2.2. Cas d’une mobilisation de l’approche métaphorique
Comme expliqué précédemment, la mobilisation de l’approche métaphorique dans les
recherches en science de gestion reste problématique. Lemaire & Nobre (2019) font partie des
rares auteurs à s’être penchés sur la question.
Les auteurs proposent une recherche qualitative dans laquelle ils mobilisent une
approche métaphorique et proposent un processus par lequel le chercheur en sciences de gestion
peut générer la métaphore à partir de son terrain d’investigation. Lemaire & Nobre (2019)
estiment que « les chercheurs en sciences de gestion mobilisent fréquemment la métaphore
dans leurs démarches de recherche, mais la genèse de son usage est rarement explicitée. Si les
objectifs de l’utilisation de ces images pour interpeler, remettre en cause, élaborer ou
préconiser ont été soulignés, le processus par lequel cette connaissance s’établit mérite une
plus grande attention » (p.296). Les auteurs proposent donc « de revenir sur ce processus de
construction de connaissances dans lequel la métaphore est utilisée pour analyser les données,
les traiter et proposer des pistes de recommandation aux organisations investiguées » (p. 299).
Leur recherche est basée sur une méthodologie qualitative (basée sur des entretiens, des
observations participantes et une recherche-intervention) et traite des stratégies de
regroupement des établissements et services médico-sociaux. Lemaire & Nobre (2019) propose
ainsi une approche métaphorique génératrice de connaissances.
Même si leur contexte d’étude français est différent du contexte tunisien, leur recherche
constitue à la fois un réconfort et un aperçu de la faisabilité de la thématique de la métaphore
organisationnelle dans les sciences de gestion.
2.3. Positionnement par rapport aux travaux sur la métaphore
Dans la littérature, deux groupes de travaux débattent avec quelques nuances des
conceptions au sujet de la métaphore : Tsoukas (1991 ; 1993) et Cornelissen (2005 ; 2007 ;
2015).
Tsoukas (1993), l’un des auteurs à s’intéresser à la manière dont fonctionne une
métaphore, a mis en place un modèle transformationnel dans lequel les éléments métaphoriques,
à travers un processus de raffinement, acquièrent une légitimité scientifique. Le but est de
prouver la légitimité de la métaphore vis-à-vis de la communauté scientifique, en démontrant
l’utilité du langage métaphorique. Ce modèle a le mérite de donner un aperçu du mode de
fonctionnement des métaphores qui était jusque-là inconnu. Cependant, la critique principale
adressée par Cornelissen (2005 ; 2007) à l’encontre de ce modèle est la comparaison sur laquelle
il repose, il estime que l’analogie sur laquelle repose la métaphore n’est qu’une simple
124
comparaison (voir chapitre 2). Pour Cornelissen (2005), il faut redéfinir la métaphore et ses
implications afin de comprendre comment elle fonctionne. La métaphore implique la
conjonction de domaines sémantiques entiers dans lesquels une correspondance entre des
termes ou des concepts est construite, plutôt que déchiffrée, et l’image et la signification
résultantes sont créatives avec des caractéristiques émergentes (Cornelissen 2005 : 751). Une
métaphore peut alors évoluer avec le temps pour devenir totalement institutionnalisée et
profondément ancrée, voire, une manière dogmatique de penser le monde social qui nous
entoure (Cornelissen & Christensen, 2015). Pour Cornelissen et ses collaborateurs (2005 ;
2007 ; 2015), les métaphores ne sont pas seulement indispensables mais substantielles à la
théorisation organisationnelle. La pensée métaphorique est au centre de la théorisation des
organisations et les métaphores constituent les blocs de construction conceptuels de la théorie
des organisations (Cornelissen & Kafourous, 2007). Par conséquent, les métaphores sont
indissociables de la réalité vraie des organisations, elles régissent le monde organisationnel.
Ce présent travail se positionne dans l’approche de Cornelissen (2005) qui semble plus
en phase avec la perception et la logique poursuivies dans cette recherche.
2.4. Conceptualisation et proposition d’un modèle théorique
Nous avons énoncé précédemment que ce travail se positionne dans la perspective
métaphorique de Cornelissen (2005). Par conséquent, la métaphore est assimilée à la réalité, en
rappelant que la RO n’est pas un état dans ce travail mais comme un processus. Si la métaphore
est la réalité vraie (si c’est la réalité, donc elle est vraie) des organisations, il en découle que :
(1) la RO n’existe pas ; (2) la RO existe; (3) la RO représente la réalité. Les paragraphes suivants
tentent de développer ces trois idées.
2.4.1. La résilience organisationnelle comme métaphore mythique de l’apprentissage
organisationnel ?
Un mythe est défini comme un ensemble de « constellations de croyances largement
répandues et institutionnalisées, les mythes restent souvent relativement stables, même pendant
de nombreuses années et d'une génération à l'autre » (Cornelissen & Christensen, 2015, p.133).
Le mythe est dans cette lignée « un récit qui met à l’épreuve les solutions imaginaires choisies
par l’homme afin d’en stigmatiser le succès » (Martinet & Pesqueux, 2013, p.198). Le mythe
est donc un idéal non manifeste. Pour March (1999), le mythe considère les histoires comme
une description de la vie. Il conçoit la vie comme la réalisation volontaire d’une histoire ou au
moins comme une suite d’actions conditionnées par les histoires auxquelles se réfèrent les
agents. Nous retenons ici la notion d’histoire qui se rapporte à la narration et au discours. Le
125
mythe présente ainsi une dichotomie entre deux réalités : l’idéal imaginé et la réalité vraie. Il
est nécessaire de notifier que les mythes ne sont pas toujours bâtis sur des fausses croyances.
L’auteur tente d’expliquer pourquoi les mythes sont largement acceptés et répandus. La
première raison est le fait que certains sont considérés comme des « bons mythes », c’est-à-dire
des mythes qui se rapprochent de la réalité et qui finissent par la remplacer dans l’esprit de ceux
qui y croient. La deuxième raison de l’acceptation et de la diffusion des mythes est « la dérive
des mythes ». Elle est basée sur la répétition par les acteurs (croyants) des mêmes histoires,
racontées selon les perceptions et convictions de ces derniers, ce qui entraîne des modifications
de celles-ci qui finissent par remplacer la ou les versions initiales. Ici, les effets de mode et
d’inertie cognitive jouent pleinement (March, 1999). La troisième raison est celle d’une
« légitimation sociale », les mythes sont acceptés et répandus par ce qu’un groupe d’acteurs ou
une communauté les légitimes.
En ce qui concerne la relation entre la métaphore et le mythe, Frye (1990) estime qu’il
existe une interdépendance entre les deux dans le temps et dans l'espace. Alors que la condition
d’équivalence de la métaphore se trouve dans le « ici et maintenant », le mythe suggère une
condition d’équivalence qui se trouve dans « le passé et qui le restera dans le futur ». Cela
suggère également que lorsque les métaphores prennent des proportions mythiques et
lorsqu’elles incarnent des mythes de manière directe, ces métaphores prennent elles-mêmes une
condition d’équivalence (Cornelissen & Christensen, 2015).
Au niveau organisationnel, les mythes peuvent se situer à deux niveaux (Meyer &
Royan, 1977). Le premier niveau est celui de la culture organisationnelle, dans ce cas, le mythe
est un idéal culturel largement partagé sur la manière dont les organisations devraient
fonctionner. Ainsi, le mythe va modeler la structure d’une organisation, comme les positions,
les politiques, les programmes et les procédures, afin d’orienter et légitimer son existence,
même si cet idéal ne reflète pas vraiment les activités quotidiennes. Le mythe peut agir à un
second niveau : celui de l’organisation entière pour préserver l’impression que les idéaux sont
effectivement mis en pratique. La raison est que « les positions, les politiques, les programmes
et les procédures sont considérés comme appropriés, rationnels, efficaces et même nécessaires,
les organisations ont tendance à les soutenir et à les incorporer dans leurs structures pour
éviter les critiques et renforcer leur légitimité » (Cornelissen & Chistensen, 2015 : 138), ce qui
correspond à la vision que nous avons du mythe dans ce travail.
Concevoir la résilience organisationnelle comme une métaphore mythique de
l’apprentissage revient à dire que la résilience dans la dimension organisationnelle n’existe pas
126
dans ce contexte. Et par conséquent, qu’il n’existe pas non plus d’apprentissage à caractère
organisationnel, c’est le cas du modèle d’apprentissage élaboré par (Argyris & Schön, 1978).
En effet, dans l’approche de l’apprentissage organisationnel d’Argyris & Schön (1978), les
auteurs ne font pas de distinction claire entre ce qui relève de la dimension individuelle et ce
qui relève de la dimension organisationnelle. Ils font l’impasse sur le passage de la dimension
individuelle à la dimension organisationnelle, ce qui laisse penser que l’organisation est une
extension de l’individu. En d’autres mots, les deux dimensions semblent fonctionner de la
même manière. On en déduit que la question concernant le processus du passage de l’un vers
l’autre n’est pas une préoccupation puisqu’ils ne l’abordent pas. Ce point de vue est soutenu
par le fait que le modèle de ces auteurs est axé sur les actions des acteurs qui peuvent soit
permettre ou empêcher ces derniers d’apprendre. Ainsi leurs actions sont premièrement guidées
par les procédures, règles et routines organisationnelles (première boucle) qui empêchent un
réel apprentissage. Dans l’apprentissage de second niveau, les actions ne sont plus régies par
les procédures, règles et routines organisationnelles, mais par une marge de manœuvre qui
permet à l’individu d’innover des solutions nouvelles aux problèmes qu’il rencontre dans
l’exercice de sa tâche (deuxième boucle). Quant au troisième niveau d’apprentissage, il s’agit
de voir et de détecter les facteurs qui peuvent empêcher les acteurs de réellement apprendre
(troisième boucle). L’apprentissage organisationnel dans ces deux boucles, il s’agit d’un
ensemble d’actions entreprises pour le compte de l’organisation, or les actions des individus ne
peuvent pas se greffer automatiquement à l’organisation (Crossan et al., 1999). L’apprentissage
organisationnel dans l’approche d’Argyris & Schön (1975) peut-être alors défini comme la
somme des apprentissages individuels. Or l’AO est conçu dans ce travail comme la métaphore
de la résilience organisationnelle. Il en découle alors que la résilience tout comme l’AO serait
la somme des résiliences individuelles, une conception qui est l’opposée de notre position dans
cette thèse. En effet, nous sommes d’avis que la dimension organisationnelle prédomine sur la
dimension individuelle, par conséquent les deux ne s’équivalent pas (Daft & Weick, 1984;
Choo, 1996; Crossan et al., 1999).
Dans ce travail, le mythe serait de considérer que si les individus apprennent alors les
organisations apprennent également et par ricochet, de penser que si les individus sont résilients
alors l’organisation l’est tout aussi. Le mythe est par conséquent de considérer comme
organisationnel, un phénomène qui est en réalité, individuel ou collectif. Cette métaphore
implique que les individus ou les groupes d’individus sont les acteurs qui apprennent
véritablement. Il s’agit de l’apprentissage dans la perspective cognitive où l’attention est plus
127
portée sur les membres de l’organisation et non sur l’organisation elle-même. Ainsi
l’apprentissage s’opère et demeure au niveau des membres. Il peut alors favoriser un
changement dans les comportements et attitudes des acteurs (approche comportementale) mais
pas forcément au niveau de l’organisation. Dans ce cas, l’apprentissage organisationnel
s’effectue à un niveau infra à celui de l’organisation, c’est-à-dire au niveau individuel. Ce qui
veut dire que l’apprentissage des individus influence leurs comportements et attitudes. Il y a
donc un apprentissage individuel. Par conséquent, parler de résilience organisationnelle dans
ce contexte c’est admettre que la résilience organisationnelle est la somme des résiliences des
acteurs constituants l’organisation. En d’autres termes, si les membres sont résilients, alors
l’organisation l’est également. Il en découle que les individus et l’organisation fonctionnent
selon les mêmes logiques, ce qui est une simplification de la réalité, voire, une utopie.
Néanmoins, dans ce cas, il y a bien une résilience individuelle mais pas organisationnelle.
Cette métaphore impliquerait que le passage d’une logique individuelle de résilience à
une capacité organisationnelle s’explique par l’extension des capacités individuelles de
résilience à l’organisation.
L’apprentissage organisationnel serait alors une métaphore d’ordre mythique de la
résilience organisationnelle, donnant lieu à la proposition suivante :
Proposition 1 : La transformation des capacités individuelles de résilience en capacités
organisationnelles résulte d’un processus de transport par la rhétorique.
Cette proposition relève du mythe parce que les capacités individuelles contribuent
certes aux capacités organisationnelles de résilience mais ne peuvent être considérées comme
des capacités organisationnelles en elles-mêmes. En effet le passage du niveau individuel au
niveau organisationnel ne se fait pas de manière mécanique car considérer la résilience
organisationnelle comme la somme des résiliences individuelles revient à dire qu’il existe un
continuum entre l’individu et l’organisation et qu’individu et organisation fonctionnent de la
même manière comme l’affirme la plupart des théoriciens mais nous sommes d’avis que le
niveau ou le processus organisationnel va au-delà du processus individuel comme le notent Daft
& Weick (1984). De ce fait, la résilience organisationnelle est bien plus que l’association des
différentes résiliences de ses membres.
2.4.2 La résilience organisationnelle en tant que métaphore analogique de
l’apprentissage organisationnel ?
Il est à rappeler que l’analogie étudiée dans le chapitre précédent fonctionne selon une
logique de rapprochement entre deux concepts. Elle établit des similitudes ou ressemblances
128
entre des concepts éloignés. La plupart des auteurs voient dans la notion d’analogie une
comparaison implicite qui n’admet aucun objet de comparaison (Morgan, 1980 ; Tsoukas, 1993
; Cornelissen, 2005). Par conséquent, proposer l’apprentissage organisationnel comme une
métaphore analogique de la résilience organisationnelle revient à substituer l’un par l’autre.
Autrement dit, nous allons considérer que l’AO=RO en vertu de similitudes entre les deux
concepts qui font que ce qui est vrai pour l’un l’est aussi pour l’autre (Morgan, 1980).
Si la résilience existe dans les faits, à travers les discours des agents, la question qui doit
être élucidée dans ce cas est la suivante : qu’est ce qui constitue la substance de cette analogie ?
Nous avons précédemment évoqué deux grands modèles d’apprentissage : celui d’Argyris &
Schôn (1978) et celui de Nonaka & Takeushi (1997). Bien que le modèle d’AO d’Argyris &
Schôn (1978), soit processuel grâce aux différentes boucles, il ne fait, cependant pas une
distinction nette entre la sphère individuelle et organisationnelle, un problème que nous avons
soulevé et que nous adressons dans ce travail à propos du concept de résilience. C’est pourquoi,
le modèle de Nonaka & Takeushi est préféré à celui d’Argyris & Shon (1978) car il est plus en
phase avec le raisonnement soutenu dans cette thèse.
Le modèle d’apprentissage de Nonaka & Takeushi (1997) est un modèle qui s’accorde
bien avec la dimension organisationnelle recherchée dans ce travail. Il est aussi vrai que la
notion d’apprentissage organisationnel dans la perspective de Nonaka & Takeushi (1997)
n’apparait pas ex nilo, c’est-à-dire indépendamment des individus. En effet, les auteurs
abordent les individus comme des acteurs principaux de la création de la connaissance. Le
mérite du modèle de Nonaka & Takeushi (1997) est de considérer qu’une performance
individuelle ne peut devenir organisationnelle de manière directe ou automatique. C’est
pourquoi, ils montrent que le passage ou la transformation des connaissances individuelles en
connaissances organisationnelles passe par un processus : celui de la socialisation. La
socialisation est le mode de conversion des connaissances tacites des individus en
connaissances explicites utiles à l’organisation. Le but de ce processus est de permettre la
capitalisation des savoirs et connaissances pour permettre une plus grande diffusion.
L’approche de Nonaka & Takeushi (1997) est un modèle dynamique de création de
connaissances qui se compose de quatre processus mutuellement complémentaires et
interdépendants, exposés selon une épistémologie axée sur la différence entre le tacite et
l’explicite et une ontologie qui décrit le cadre du raisonnement qui va de l’individu à
l’organisation et de l’organisation au domaine inter-organisationnel (Ferrary & Pesqueux,
2011 : 111).
129
Considérer l’apprentissage organisationnel comme une métaphore analogique de la
résilience organisationnelle revient à dire que c’est l’organisation qui apprend et non les
individus seuls. Cela voudrait dire qu’il y a une véritable politique de gestion des connaissances
dans l’organisation. Pourquoi ? Parce que la bonne gestion de celle-ci constitue un avantage
concurrentiel, une culture distinctive, un capital à faire fructifier ou acquérir, un processus à
organiser et développer par des choix optimaux de design organisationnel, c’est-à-dire « les
meilleures combinaisons des outils de gestion » qui épousent « les objectifs fixés » (De Rozario
& Pesqueux, 2018 : 182). Son enjeu pour l’organisation est stratégique. Il regroupe l’internet,
les systèmes de gestion des technologies de l’information et de la communication. Pour De
Rozario & Pesqueux (2018), la gestion des connaissances sert au regroupement et à la création
« d’une mémoire organisationnelle » par capitalisation des connaissances, sous forme
généralement de bibliothèque. Les auteurs proposent l’intégration d’une
« conceptualisation historique » qui ajoute une « dimension critique » au travail de
mémorisation organisationnelle. En d’autres termes, la mémoire organisationnelle ne doit pas
seulement contenir des informations sur lesquelles tous les individus sont d’accord mais
intégrer également les informations minoritaires susceptibles de susciter le débat.
La préservation des connaissances doit permettre le partage des connaissances pour
résoudre les problèmes, permettre l’amélioration continue et l’innovation au sein des groupes
de travail. La mémoire organisationnelle est de nature à fournir une capacité d’appropriation à
l’organisation c’est-à-dire une « capacité de l’organisation à tirer des leçons des chocs
auxquels elle a dû faire face afin d’en sortir grandie et d’apprendre par elle-même »
Christianson et al., 2009). Cette capacité permet à l’organisation de remettre en question ses
pratiques et/ou ses routines organisationnelles. En effet, les leçons que l’organisation tire des
crises traversées ou passées constituent (1) un miroir dans lequel elle peut percevoir ses
faiblesses et ses erreurs afin de pouvoir les corriger et (2) trouver des solutions à stocker dans
la mémoire organisationnelle pour affronter d’éventuels problèmes futurs (Bégin & Chabaud,
2010).
De ce qui précède, il est possible de déduire que cette métaphore implique l’existence
d’un réel apprentissage organisationnel. Cette métaphore s’opère par la socialisation, c’est-à-
dire par le transfert des savoirs tacites vers l’organisation (Nonaka & Takeushi, 1997). Nous
allons passer de l’individu à l’organisation à travers le processus SECI de transformation des
savoirs tacites en savoirs explicites afin de les institutionnaliser. En effet, c’est
l’institutionnalisation des savoirs dans la stratégie, les systèmes, les routines organisationnelles
130
qui va donner lieu à l’apprentissage organisationnel (Crossan et al., 1999). Nous pouvons
déduire alors la proposition suivante :
Proposition 2 : La transformation des capacités individuelles de résilience en capacités
organisationnelles résulte d’un processus de transport par réification.
2.4.3. La résilience en tant que métaphore de l’apprentissage organisationnel : Quelle
réalité ?
Il est important de rappeler que pour ce travail, la résilience (qu’elle soit individuelle ou
organisationnelle) n’est pas considérée comme un état, mais plutôt comme un processus et ou
une capacité. Aussi, la résilience n’est pas tangible, c’est pourquoi, elle ne peut que se constater
lorsqu’elle est mise en œuvre dans des contextes particuliers comme lors d’une crise par
exemple. Elle a deux registres : elle est organisationnelle et processuelle, ce qu’on trouve chez
Nonaka & Takeushi (1997), plus précisément dans la socialisation. La RO est également saisie
comme processus parce que la socialisation est un processus knowing au sens organisationnel
du terme. Comme cela a été dit précédemment, le modèle de Nonaka & Takeushi (1997) basé
sur un processus qui est à la fois organisationnel et processuel, c’est pourquoi, il est préféré à
celui d’Argyris & Schön (1978). Puisque nous ne pouvons pas voir la RO, la seule manière de
la voir c’est à travers la validation empirique par l’AO version Nonaka & Takeushi (1997) qui
est à la fois processuel et organisationnel.
Cette proposition vient confirmer ou infirmer la deuxième proposition : la résilience
organisationnelle est une métaphore analogique de l’apprentissage organisationnel. Elle
représente le modèle conceptuel qui permet de fonder la RO à partir de l’AO par socialisation
(stratégie knowing). Cette proposition appuie l’existence d’un apprentissage organisationnel
version Nonaka & Takeushi (1997) pour le cas étudié.
La validation empirique de cette proposition sera avérée si la RO est observée à travers
les différents discours issus des entretiens et de l’analyse documentaire du terrain, puisque la
métaphore ne se voit pas, néanmoins elle peut se raconter. Si donc l’apprentissage
organisationnel version Nonaka & Takeushi (1997) est une réalité du terrain, cela confirmera
l’idée que la résilience organisationnelle est une métaphore de l’apprentissage organisationnel.
Autrement dit, la résilience organisationnelle serait une autre manière de parler de
l’apprentissage organisationnel. Ainsi, une organisation résiliente serait une organisation
apprenante « radicale » du fait qu’elle doit apprendre beaucoup et vite à la fois. Elle doit
apprendre beaucoup car elle est orientée vers une stratégie knowing, sa réussite dépend alors de
l’ensemble des connaissances dont elle dispose et la manière dont elle les déploie. Elle doit
131
apprendre vite, afin de suivre le rythme de changement ou d’évolution rapide de
l’environnement.
Une organisation apprenante est une organisation qui est entre l’apprentissage
individuel et les occurrences d’apprentissage (Ferrary & Pesqueux, 2011). Elle encourage et
fait de l’apprentissage individuel et collectif son créneau. Elle « crée et entretient un climat de
conditions, de schémas de pensée nouveaux et conquérant où l’aspiration collective est libérée
et où les gens ne cessent d’apprendre à apprendre ensemble » (Senge, 1993 : 2). Dans une
organisation apprenante, l’accent est mis sur les opportunités de développement personnel du
capital humain et la capacité compétitive des organisations (Argyris & Schön, 1978, 2002).
L’organisation apprenante est focalisée sur « l’amélioration continue qui nécessite un
engagement orienté vers l’apprentissage » (Garvin, 1993 : 78). Les deux notions à savoir
l’apprentissage organisationnel et l’organisation apprenante sont d’une certaine manière
complémentaire puisqu’une organisation apprenante est une organisation axée sur
l’apprentissage, d’une manière générale. La littérature sur l’organisation apprenante fournit un
cadre qui schématise la manière dont les activités d'amélioration peuvent être soutenues, elle
reste néanmoins prescriptive en « suggérant comment une organisation devrait apprendre »
(Tsang, 1997 ; Rathinam, 2017). Elle ne fournit pas des informations suffisantes et capables
d’expliquer comment les organisations peuvent réellement apprendre. L’organisation
apprenante met l’accent sur l’interaction avec les autres, le travail collectif, la communication
et la coopération en groupe. L’organisation apprenante est pour Choo (2008) une organisation
qui détient « des informations et des connaissances qui lui permettent d’être bien informée,
intelligente sur le plan mental et éclairée. Ses actions sont basées sur un partage et bonne
compréhension des environnements et des besoins de l'organisation ». Une organisation
apprenante est une organisation qui sait comment acquérir des connaissances, les gérer, les
conserver et les diffuser en son sein.
Au vu de ce qui précède, nous pouvons dégager la proposition suivante :
Proposition 3 : Le passage d’une logique individuelle à une logique organisationnelle
de résilience s’effectue par un processus d’apprentissage individuel comme fondement de
l’apprentissage organisationnel et par un processus d’apprentissage organisationnel qui passe
par la socialisation (knowing).
La validation empirique de cette proposition, constituerait un apport indéniable pour ce
travail de recherche. Elle permettrait de fournir un cadre d’étude à même d’enrichir la littérature
sur la résilience organisationnelle.
132
Pour conclure, la résilience organisationnelle comme métaphore de l’apprentissage
organisationnel est soit un mythe et n’existe donc pas (P1), soit elle existe (P2) et représente la
réalité (P3). P1 et P2 sont conceptuelles tandis que P3 est empirique.
2.5. Apport du chapitre aux propositions de recherche
Nous avons précedemment relevé que la résilience organisationnelle souffre d’une
complexité sur le plan théorique et empirique, due à sa définition et à ses mécanismes de
fonctionnement qui ne sont pas toujours explicites. Cependant, « ce flou et cette faiblesse
conceptuels n'ont pas empêché les auteurs et les praticiens de s'approprier la résilience dans
leurs travaux et pratiques ; bien au contraire même, ils semblent avoir été favorables à cet
usage extensif » (Naudin, 2019 : 8). Ainsi, il y a de nombreuses études sur la thématique de la
RO qui suggèrent des cadres différents pour l’opérationnalisation de la résilience des
organisations (Lee et al., 2013 ; Kantur & Iseri-Say, 2015 ; Therrien, 2010 ; Teneau, 2017).
Par conséquent, la notion de résilience organisationnelle demeure encore incomprise,
floue. Un impératif de changement d’approche pourrait être ainsi nécessaire, ce qui légitime la
présente recherche. L’approche choisie pour ce travail est la métaphore qui semble être l’une
des plus pertinentes pour appréhender les situations complexes (Morgan, 1980).
Selon Morgan (1980), le but du recours à la métaphore est de générer une image pour
l’étude d’un sujet qui servira de base à une recherche scientifique détaillée basée sur des
tentatives pour découvrir dans quelle mesure les caractéristiques de la métaphore se trouvent
dans le sujet de l'enquête. Toujours selon l’auteur, la logique de cette démarche est de solliciter
de nouvelles métaphores pour créer de nouvelles façons de voir « qui surmontent les faiblesses
et les angles morts » de l’objet d’étude (Morgan, 1980).
En effet, la métaphore permet de « faire des inférences sur l’une des choses,
généralement celle dont nous savons le moins, sur la base de ce que nous savons de l’autre »
(Harre, 1984 : 172). Cette déclaration révèle une vérité incontestable : celle qu’il y a des choses
et des phénomènes que nous connaissons bien tandis qu’il y’en a d’autres que nous connaissons
moins bien comme la résilience appliquée aux organisations. La métaphore permet donc de
comprendre un phénomène moins connu ou maîtrisé à partir d’un autre plus connu et mieux
maîtrisé. Le concept moins connu est celui de la résilience organisationnelle qui, par un
processus analogique va être analysé à partir d’un autre concept, celui de l’apprentissage
organisationnel pour lequel nous disposons d’une plus grande connaissance aussi bien au
niveau théorique qu’au niveau empirique. Le recours à la métaphore de l’apprentissage
organisationnel permettra d’appréhender la résilience organisationnelle pour« en identifier un
133
aspect particulier » (Lakoff & Johnson, 1980 : 26). Il s’agit en d’autres termes d’envisager
l’étude de la RO au moyen d’une thématique mieux comprise et maîtrisée et dont les
mécanismes sont plus explicites dans la littérature.
L’apprentissage organisationnel selon Nonaka & Takeushi (1997), s’il est avéré,
pourrait être un modèle qui servirait de fondement à la compréhension de la résilience
organisationnelle, par apprentissage organisationnel, par socialisation. Cette réalité pourrait
faire croître de nouveau l’engouement pour le concept d’AO.
De manière générale, l’apport de la métaphore de l’apprentissage organisationnel à la
RO se résume dans le tableau ci-dessous.
134
Tableau 8 : Les apports de l’AO aux différentes propositions
Aspect et
Type de Apport de l’apprentissage
modèle
Proposition métaphore aux propositions de
d’apprentissage
générée recherche
mobilisé
La transformation des Apprentissage Métaphore Dans ce cas, ce sont les
capacités individuelles de individuel selon mythique individus qui apprennent et
résilience en capacités Argyris & Schön, non l’organisation. L’AO
organisationnelles résulte (1978, 2002) permet de montrer l’absence
d’un processus de transport (1ère boucle). d’une résilience
par la rhétorique (P1) organisationnelle
La transformation des Apprentissage Métaphore Dans ce cas, l’AO serait
capacités individuelles de organisationnel analogique réalité. Cela reviendra à dire
résilience en capacités selon que la RO existe.
organisationnelles résulte Nonaka & L’AO serait ainsi l’autre
d’un processus de transport Takeushi (1997) nom de la RO.
par réification (P2)
Le passage d’une logique Dimension Métaphore L’investigation empirique
individuelle à une logique organisationnelle analogique permettra de confirmer
organisationnelle de du modèle de empiriquement P2. Elle
résilience s’effectue par un Nonaka & permettrait juger de
processus d’apprentissage Takeushi (1997) l’existence d’un réel
individuel comme apprentissage
fondement de organisationnel et donc de
l’apprentissage montrer que la résilience
organisationnel et par un organisationnelle existe
processus d’apprentissage bien.
organisationnel qui passe
par la socialisation
(knowing) (P3)
Source : Auteur
135
Conclusion du chapitre 3
Une étude de la question de l’apprentissage organisationnel a été proposée dans ce
chapitre afin d’apporter une meilleure compréhension de son cadre d’analyse. L’objectif
principal de ce troisième chapitre était de définir l’apprentissage organisationnel et plus
précisément la théorie de l’apprentissage (Argyris & Schön, 1978) et la socialisation (Nonaka
& Takeushi, 1997) comme cadres explicatifs de la résilience organisationnelle.
Nous nous sommes fixés deux objectifs majeurs lors de l’élaboration de ce chapitre. Le
premier a été d’éplucher la littérature pour examiner et comprendre l’apprentissage
organisationnel, son importance, son parcours historique et l’ancrage conceptuel qu’il a suscité.
Ce qui a permis de voir l’évolution du concept qui est passé d’une analyse de niveau individuel
à une analyse de niveau organisationnel en passant par le niveau collectif. Il en ressort que les
frontières entre individu et organisation restent floues. L’approche individuelle est très souvent
assimilée à celle de l’organisation. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les auteurs (Argyris
& Schön, 1978, 2002) considèrent que les individus constituent l’organisation et que par
conséquent, parler des individus mène indéniablement à l’organisation. Nous avons donc pris
le soin de clarifier notre conception de l’apprentissage organisationnel.
Le second objectif a été de mettre en relation les questions de résilience
organisationnelle et d’apprentissage organisationnel dans une perspective métaphorique. La
résilience comme une métaphore de l’apprentissage organisationnel a donné lieu à trois
propositions potentielles à même de fournir une compréhension de la résilience
organisationnelle.
Avant de pouvoir observer empiriquement ces propositions, il convient d’aborder la
méthodologie de la recherche. C’est l’objet du prochain chapitre.
136
Deuxième partie :
Design de la recherche, Presentation,
Discussion des résultats et Conclusions
137
CHAPITRE IV : Cadre méthodologique et
opérationnel de la recherche
138
Introduction du chapitre 4
L’épistémologie de la recherche a pour objet l’étude des sciences (Thiétart et al., 2007).
Autrement dit l’épistémologie est « l’étude de la constitution de connaissances valables »
(Piaget, 1967 : 6) ou simplement une « vigilance critique » (Wacheux, 1996). L’épistémologie
permet ainsi d’évaluer la rigueur du travail et par conséquent la validité des connaissances
constituées. La réflexion épistémologique s’avère donc cruciale, voire «consubstantielle à toute
recherche qui s’opère» (Martinez, 1990). En effet la réflexion ou le questionnement
épistémologique apparait comme un impératif pour tout chercheur soucieux d’effectuer une
recherche de qualité, « le questionnement épistémologique fait donc partie intégrante de la
construction d’un projet de recherche » (Avenier & Gavard Perret, 2012 : 7). L’épistémologie
permet ainsi d’évaluer la rigueur du travail et par conséquent la validité des connaissances
constituées. La réflexion épistémologique est « consubstantielle à toute recherche qui s’opère »
(Martinez, 1990). En effet, la réflexion ou le questionnement épistémologique apparait comme
un impératif pour tout chercheur soucieux d’effectuer une recherche de qualité puisqu’il fait «
partie intégrante de la construction d’un projet de recherche » (Avenier & Gavard Perret,
2012 :7).
Le choix d’une démarche méthodologique n’est par ailleurs pas anodin également. Il
repose en effet sur un principe, celui du fondement épistémologique qui se dégage généralement
de la problématique et du contexte de l’étude (Usinier et al., 2000). En effet, le choix d’une
démarche qualitative ou quantitative doit être basé sur la conformité avec la problématique que
le chercheur veut élucider.
Tout au long de ce chapitre, nous allons dans un premier temps, étaler l’épistémologie
et la méthodologie de la recherche. Dans un second temps, nous allons nous concentrer sur
l’étude d’une situation de crise.
139
Section1 : Epistémologie et méthodologie de la recherche
Dans cette première section, nous allons tout d’abord, tenter de faire un rappel de l’objet
de recherche et présenter le choix épistémologique. Ensuite, nous essayerons d’élucider les
aspects méthodologiques de ce travail.
I. Rappel de l’objet de recherche et choix épistémologique
Dans cette première partie, nous allons dans un premier temps, introduire le contexte et
le rappel de l’objet et des propositions de la recherche. Dans un second temps, nous allons
présenter les choix épistémologiques de la recherche.
1.1. Contexte et rappel de l’objet et des propositions de recherche
Dans ce paragraphe, nous allons exposer le contexte de la recherche tout d’abord et
ensuite, nous allons faire un rappel de l’objet et des propositions de recherche.
1.1.1. Contexte de la recherche
Le point de départ de cette recherche est l’absence de clarté quant à la manière dont on
passe d’un niveau de résilience individuelle à un niveau de résilience organisationnelle alors
que les études sur la thématique de la résilience organisationnelle prolifèrent, notamment en
Tunisie où selon de nombreux travaux, les entreprises les plus résilientes dans le contexte
d’après révolution sont les entreprises familiales (Chaabouni et al., 2014 ; 2015 ; Marouane &
Chtourou, 2015 ; Hammouda, 2018). Malgré ces résultats, le concept même de résilience
organisationnelle demeure un concept encore en débat car il semble encore difficile à définir et
à opérationnaliser (Kendra & Wachtendorff, 2003; Lee et al., 2013 ; Téneau, 2017). Par
conséquent, notre recherche part du discours déclaratif sur la résilience organisationnelle pour
observer deux de ces entreprises afin de comprendre s’il s’agit réellement de résilience
organisationnelle ou si ce que les auteurs appellent résilience n’est que l’ombre de la résilience
et donc une métaphore organisationnelle. La motivation pour une telle thématique de recherche
est justifiée pour certaines raisons. Tout d’abord, l’analyse de la littérature montre que les
travaux sur la résilience organisationnelle sont influencés en grande partie par un corpus de
travaux sur la résilience individuelle (Vogus & Sutcliffe, 2007 ; Lengnick-Hall et al., 2011).
Par conséquent, la résilience organisationnelle tend à être conçue comme la somme des
résiliences individuelles. Cette conception soulève une question de réflexion sur les
mécanismes qui président le passage d’une logique de résilience individuelle à celle d’une
résilience organisationnelle qui est quasiment absente dans la littérature, ce qui pourrait laisser
sous-entendre que ce passage est automatique alors que le niveau organisationnel semble
supérieur à la dimension individuelle (Weick & Daft, 1984 ; Choo, 1995; Nonaka & Takeushi,
140
1997). Pour Simon (1965), l’être humain est plus limité que l’organisation. Il estime que les
capacités cognitives limitées des êtres humains expliquent pourquoi les organisations sont des
instruments nécessaires et utiles à la réalisation d’objectifs plus vastes.
En outre, dans les entreprises familiales, le manager est généralement le fondateur ou
une personne affiliée à ce dernier, ce qui rend leur mode de gestion particulier en comparaison
avec celui des organisations traditionnelles et pourrait favoriser le développement et la
croissance de ces dernières. Ce questionnement nous pousse à nous demander si ce qui
s’observe est réellement de la résilience ou l’ombre de celle-ci.
Tout au long de cette thèse, nous avons montré que la résilience est difficile à définir, à
observer et à délimiter. A partir de l’analyse de la littérature, nous avons pu mobiliser
l’approche métaphorique qui nous semble à même d’apporter un éclairage quant à la
compréhension du discours sur la résilience organisationnelle. Par conséquent, nous avons
démontré que la résilience organisationnelle est susceptible d’être une métaphore
organisationnelle. Quant à savoir la métaphore de quoi, c’est ce que nous cherchons à
comprendre à travers l’étude empirique et c’est notre objet d’étude dans ce travail.
1.1.2. Rappel de l’objet et des propositions de recherche
L’objet de la présente recherche est un « élément clé du processus de recherche » qui
permet d’orienter la recherche vers la méthodologie à suivre (Gavard-Perret et al., 2012).
Comme explicité précédemment, la présente recherche s’intéresse à la manière dont la
résilience est passée d’un niveau d’analyse individuel à celui de l’organisation. Le point de
départ de ce travail est donc le flou qui existe autour du passage de la résilience individuelle à
la résilience organisationnelle.
A ce stade, il apparaît important de préciser notre objet de recherche, formulé comme
suit : Comment le concept de métaphore fonde-t-il ou pas la compréhension du passage
d’une logique individuelle à une logique organisationnelle de résilience ?
Les questions de recherche sous-jacentes à cette problématique sont les suivantes :
1. Peut-on réellement parler d’une résilience organisationnelle en soi ?
2. Comment les capacités individuelles de résilience conduisent-elles aux capacités de
résilience organisationnelle ?
3. Sommes-nous en droit de considérer l’AO comme étant le comparant de la RO ?
4. Quel modèle explicatif de la résilience organisationnelle en résulte-t-il?
La légitimité de la problématique ci-dessus se trouve dans le fait que l’individu et
l’organisation sont et fonctionnent différemment (Choo, 1995). Ainsi la résilience individuelle
141
diffère de la résilience organisationnelle et le passage de l’une à l’autre n’est pas automatique
(Nonaka & Takeushi, 1997).
Les propositions de recherche qui résultent de la problématique sont les suivantes :
Proposition 1 : La transformation des capacités individuelles de résilience en capacités
organisationnelles résulte d’un processus de transport par la rhétorique.
Proposition 2 : La transformation des capacités individuelles de résilience en capacités
organisationnelles résulte d’un processus de transport par réification.
Proposition 3 : Le passage d’une logique individuelle à une logique organisationnelle
de résilience s’effectue par un processus d’apprentissage individuel comme fondement de
l’apprentissage organisationnel qui passe par la socialisation (Stratégie de knowing).
1.2. Choix épistémologiques de la recherche
L’épistémologie encadre le processus de production des connaissances. Elle est
incontournable pour la validité des connaissances produites. Pour l’aborder, nous commençons
tout d’abord par évoquer les différents paradigmes en sciences de gestion, avant d’aborder le
positionnement épistémologique de ce travail de recherche.
1.2.1. Les paradigmes en sciences de gestion
Le choix épistémologique peut être défini comme un « ensemble de prises de positions
qui guident la démarche de recherche, ce filet peut être appelé paradigme (Guba, 1981) ou
cadre épistémologique » (Giordano, 2003). Le paradigme quant à lui, se définit comme « un
système d’hypothèses relatives aux questions qu’étudie l’épistémologie » (Gavard-Perret et al.,
2008 : 20). Ces hypothèses concernent entre autres ce qu’est la connaissance, ce qui est
considéré comme connaissable et enfin comment se constitue cette connaissance (Thiétard,
2003). En sciences de gestion, il y a généralement trois principaux paradigmes
épistémologiques : le paradigme positiviste, le paradigme interprétativiste et le paradigme
constructiviste. Ces paradigmes « constituent autant de modèles, schémas intellectuels ou cadre
de référence dans lesquels peuvent s’inscrire les chercheurs en sciences de l’organisation »
(Girod-Séville & Perret, 1999 : 14). En somme, il s’agit de trois conceptions du monde qui se
résument en ces mots « le positivisme explique la réalité, l’interprétativisme cherche à la
comprendre et le constructivisme s’attache à la construire » (Perret & Séville, 1999). Toutefois
au niveau opérationnel, les limites entres les différents paradigmes épistémologies sont
devenues floues : le courant du pragmatisme et celui de l’interactionnisme symbolique par
exemple relève aussi bien de l’interprétativisme que du post-positivisme (Miles & Huberman,
2003 : 18).
142
Dans ce travail, nous visons à construire un modèle de compréhension de la résilience
organisationnelle à travers l’approche métaphorique, le paradigme constructiviste est donc
privilégié.
1.2.2. Le positionnement épistémologique : une visée constructiviste
Selon Gavard-Perret et al., (2012), deux paradigmes épistémologiques constructivistes
existent dans la littérature: le constructivisme pragmatique et le constructivisme développé par
Guba & Lincoln (1989, 1998). Bien que les hypothèses fondatrices de ces paradigmes
constructivistes soient semblables, elles diffèrent cependant au niveau ontologique. En effet, le
constructivisme pragmatique prône l’absence d’ontologie tandis que l’approche de Guba &
Lincoln (1989 ; 1998) prône une ontologie « relativiste », c’est-à-dire que la réalité est
« relative, multiple, socialement construite et n’est pas gouvernée par des lois naturelles,
causales ou d’autres sortes. Cette réalité relative et multiple consiste en des significations
individuelles conçues par des individus dans une tentative de donner du sens aux expériences
qu’ils vivent » (Gavard-Perret, et al., 2012 : 39). Cette approche du constructivisme cherche à
construire la réalité des acteurs à travers la co-construction du sens que ces derniers attribuent
à leurs expériences humaines vis-à-vis du phénomène étudié. Le chercheur développe ainsi des
connaissances qui décrivent la manière dont fonctionne la réalité.
Cette approche ne semble pas être appropriée pour ce travail de recherche, dans la
mesure où il ne se focalise pas sur la manière dont « le réel peut fonctionner » mais cherche
plutôt à développer « une intelligibilité dans les flux d’expériences humaines », autrement dit,
il s’agit pour le chercheur de développer des connaissances qui expriment « la manière dont il
comprend que le réel fonctionne » (Gavard-Perret et al., 2012 : 36). En effet, cette recherche
s’attèle à construire un modèle explicatif de la résilience organisationnelle par une approche
métaphorique par l’apprentissage organisationnel.
Von Glaserfeld (1984 ; 1989) est l’un des principaux auteurs, voire, le premier à
travailler sur le constructivisme pragmatique pour qui, le constructivisme est une théorie de la
connaissance. Il s’inspire des travaux de Piaget (1967 ; 1970), de Vico (1993) et du philosophe
pragmatiste James (1992). En véritable disciple de Piaget d’abord, puis de Von Glaserfeld,
Lemoigne (2001) reprend et théorise la conception du constructivisme de ce dernier sous la
dénomination « constructivisme radical ou théologique ». Gavard-Perret et ses collaborateurs
(2012) s’accordent pour dire que cette appellation a depuis laissé place au constructivisme
pragmatique car le terme « radical » a soulevé une vague d’interprétations dont les fondements
ne faisaient pas justice aux idées initiales des auteurs du dit paradigme.
143
Il repose sur trois principes fondamentaux selon Gavard-Perret et al., (2012). Le premier
« est que ce qui est connaissable, c’est l’expérience humaine de relations de résistance perçues
aux actions menées ». Ce principe met en exergue l’absence d’une ontologie en ce qui concerne
la connaissance d’un réel, indépendamment du sujet qui l’étudie. Selon Von Glaserfeld (1989 :
27) « le constructivisme radical est radical par ce qu’il rompt avec la convention et développe
une théorie de la connaissance dans laquelle la connaissance ne reflète pas une réalité
ontologique objective, mais concerne exclusivement la mise en ordre et l’organisation d’un
monde constitué par notre expérience ». Selon Albert & Avenier (2011), cette citation a parfois
été interprétée comme la réfutation par l’auteur de l’existence d’un réel alors que « ni il ne nie,
ni il ne fait l’hypothèse d’existence d’un réel indépendant de tout humain » (Albert & Avenier,
2011: 27). Pour Von Glaserfeld (1989), il existe bien une réalité « extérieure » ou indépendante
mais la connaissance de cette réalité dépend des perceptions du chercheur (Gavard-Perret et al.,
2012), ce qui rend la notion de « vérité absolue » inadéquate (Albert & Avenier, 2011) car la
vérité qui se dégage de cette réalité est un compte rendu que l’observateur fait de l’expérience
du phénomène.
Le second principe du paradigme épistémologique constructiviste pragmatique est
« l’interdépendance entre le sujet connaissant et ce qu’il étudie » (Gavard-Perret et al., 2012).
Même si le chercheur estime que son objet d’étude existe indépendamment de lui, la
connaissance qu’il produira ne pourrait être considérée comme une connaissance intégrale du
réel par ce qu’on n’est jamais sûr d’avoir considéré toutes les facettes de l’objet, certaines
peuvent être alors privilégiées au détriment d’autres. Le constructivisme pragmatique admet
par-là l’importance de la subjectivité du chercheur.
Von Glaserfeld (1984) souligne ainsi l’importance de la cognition humaine dans
l’expérience humaine. Pour lui, la connaissance produite est la conséquence d’une activité
cognitive active du sujet connaissant. L’auteur précise que cela n’est pas une plaidoirie pour la
manipulation des choses mais cela veut simplement dire qu’elles sont inséparables de
l’expérience cognitive. Pour le chercheur « l’épistémologie devient ainsi l’étude du
fonctionnement de l’esprit, des voies et moyens qu’il utilise pour construire un monde
relativement régulier à partir du flux de son expérience » (Von Glaserfeld, 1984 : 10). Le réel
ne peut alors pas être connu de manière rationnelle ou objective car celui-ci est dépendant des
perceptions du chercheur. Le réel est donc subjectif et inhérent aux objectifs et opinions du
chercheur. La connaissance produite est contextuelle et dépend de la nature de la réalité que
l’on espère appréhender et du lien entre le chercheur et de l’objet (Thiétard, 2003).
144
Le troisième et dernier principe du paradigme épistémologique constructiviste
pragmatique est énuméré sous l’appellation « d’hypothèse théologique » qui stipule que « le
projet de connaître un certain réel influence la manière dont on en fait l’expérience, et donc la
connaissance que l’on en développe » (Gavard-Perret, et al., 2012 : 36). Autrement dit, les
raisons ou les motivations qui poussent le chercheur à vouloir connaître ou étudier une situation
particulière va avoir une incidence aussi bien sur la façon dont il va l’expérimenter que sur ce
qu’il va dégager comme connaissance à l’issue de cette expérience.
Le chercheur doit systématiquement s’assurer tout au long de sa recherche de ce que les
inférences qu’il effectue sont cohérentes avec ces hypothèses (Avenier, 2011).
II. Les aspects méthodologiques de la recherche
Cette partie traite de la méthodologie de ce présent travail de recherche. Nous traitons
tout d’abord la méthodologie qualitative adoptée dans ce travail, ensuite nous abordons la
démarche de recherche, pour finir avec l’étude de cas comme notre stratégie de recherche.
2.1. La méthodologie qualitative
La méthodologie est un facteur déterminant du « caractère scientifique du travail, elle
représente pour le travail de recherche, une certaine forme de contrôle de qualité et donne de
la valeur à sa contribution à la recherche » (Barlatier, 2018 : 11).
Au vu de la problématique, il n’est pas question de chercher à quantifier mais à explorer
un concept autour duquel il n’existe aucun consensus concernant sa définition, son
fonctionnement et son observation. Nous avons précédemment spécifié que le paradigme
épistémologique adéquat dans ce travail est celui du constructivisme. Il apparaît par conséquent,
tout naturel d’adopter une méthodologie qualitative dans ce travail de recherche.
2.2. L’induction comme canevas de la recherche
Il a été démontré dans le chapitre sur la RO qu’il n’existe pas de théorie à même
d’expliquer ce concept, ce qui nous a poussés à adopter un esprit inductif dans la conduite de
ce travail. Ainsi, nous voulons explorer l’existence de théories qui se trouvent enracinées dans
notre terrain d’investigation.
La recherche s’inscrit de ce fait, dans une approche de la « grounded theory » ou théorie
enracinée.
2.2.1. Le recours à la théorisation ancrée ou « grounded theory »
Le recours à la « grounded theory » ou la théorie enracinée s’explique par le manque de
travaux sur la conceptualisation adoptée dans ce travail, qui est la mise en relation des deux
thématiques : la résilience organisationnelle et la métaphore organisationnelle. Nous cherchons
145
alors à faire des inférences à partir des données empiriques collectées (Strauss & Corbin, 2004).
La « grounded theory » ou « théorie enracinée » est apparue comme une réponse au
positivisme rigide à une époque où les méthodes quantitatives dominaient largement les
sciences (Suddaby, 2006 ; Fendt & Sachs, 2008). Développée par Glaser & Strauss (1967), la
« grounded Theory » (GT) est une méthodologie qualitative axée sur la génération de la théorie
à travers une approche inductive. Glaser (1992a) définit la théorie enracinée comme « une
méthodologie générale d’analyse liée à la collecte de données qui utilise un ensemble de
méthodes systématiquement appliquées pour générer une théorie inductive sur un domaine de
fond » (Glaser, 1992a : 16). La GT est « la théorie qui a été dérivée de données,
systématiquement recueillies et analysées par le processus de recherche » (Strauss & Corbin,
1990 : 12). L’objectif de la GT est l’élaboration d’une théorie fondée sur les données empiriques
recueillies, à partir d’une approche axée sur la phase de collecte et d’analyse des données
(Glaser & Strauss, 1967 ; Shahid, 2014). Ainsi, cette théorie qui émerge des données est
susceptible « d'offrir un aperçu, d’améliorer la compréhension et de fournir un guide
significatif pour l'action » (Strauss & Corbin, 1990 : 12). Pour Shahid (2014), la meilleure
définition de la GT est celle d’une stratégie de recherche dont le but est de générer une théorie
à partir des données.
2.2.2. Evolution de la Grounded Theory
Depuis son apparition en 1967, la GT a subi une évolution car ses instigateurs ont pris
des orientations opposées (Charmaz, 2003) et ne sont plus tout à fait d’accord sur la question
de la faire évoluer ou pas. L’un est d’accord pour faire évoluer la GT pour une meilleure
adaptation aux évolutions (Strauss) et l’autre est contre (Glaser). Désormais, il existe deux
versions de GT : celle de Glaser (1978 ; 1992) fidèle à la version initiale qu’il a développée
avec Strauss en 1967, et celle de Strauss (Strauss, 1987 ; Strauss & Corbin, 1990 ; 1998).
Glaser (1978 ; 1992) est resté sur la version originale de la GT définie comme une
méthode de découverte qui analyse un processus social basique, dans lequel des catégories
émergent des données et s’appuient sur un empirisme direct. Cette version est basée sur les faits
et leur vérification alors que les travaux de Strauss (seul ou en collaboration) sur la GT
s’orientent plutôt vers le constructivime et semblent plus populaires que la version de départ
(Shahid, 2014). Cette approche est étudiée dans le paragraphe qui suit.
2.2.3. L’approche constructiviste de la GT
L’approche constructiviste c’est-à-dire celle de Strauss correspond à la visée de ce
travail de recherche. Le recours à la GT dans cette thèse n’a pas pour but de « tester des
146
hypothèses sur la réalité, mais plutôt de faire des déclarations sur la façon dont les acteurs
interprètent la réalité » (Susandy, 2006 : 635). Notre objectif est plus en phase avec l’approche
de Strauss que celle de Glaser qui s’inscrit plus dans une ontologie positiviste focalisée sur des
tests concernant la réalité et dans laquelle les perceptions des individus ne sont pas prioritaires.
Pour (Charmaz, 2003 ; 2006) l'approche constructiviste de la GT (par opposition à
l’approche positiviste) ne cherche pas « la vérité - unique, universelle et durable ». Elle reste
néanmoins réaliste parce qu'elle s'intéresse aux réalités humaines et suppose l’existence de
mondes réels. Toujours selon l’auteure, l’approche constructiviste suppose que ce que nous
considérons comme réel, comme connaissance objective et vérité, est basé sur notre perspective
des choses, « ainsi, le théoricien à la base construit une image de la réalité, pas la réalité –
c’est-à-dire objective, vraie et extérieure » (Charmaz, 2003 : 272-273).
Le tableau suivant compare les deux perspectives de la GT.
147
a/ La comparaison constante
La comparaison constante appelée aussi analyse comparative « suppose à la fois une
vérification et une description précise » (Glaser & Strauss, 1967 : 28) qui consiste à procéder à
« des comparaisons continues d'incidents dans des données anciennes et nouvelles, toutefois,
le chercheur qui trouve facilement et avec persistance la vérification des idées doit faire
attention au danger de forcer les données » (Heath & Cowley, 2004). Cela signifie de procéder
à une vérification systématique des idées générées par rapport à toutes les données et de
procéder au réajustement constant des catégories (Glaser, 1992). Heath & Cowley (2004)
admettent que la comparaison constante peut s’avérer être un travail fastidieux, ennuyeux,
propice à la confusion mais le chercheur doit être tolérant et patient jusqu’à l’émergence de
concepts car la vérification et la déduction sont les maîtres-mots de l’émergence. Aussi, ces
mêmes auteurs estiment que la comparaison constante garantit le principe selon lequel le
chercheur doit être « sensible aux interprétations et aux significations données à la situation
par ceux dont le monde social est étudié ».
b/ L’échantillonnage théorique
Le deuxième concept de la GT est celui de « l'échantillonnage théorique », dans lequel
les décisions de collecte de données sont progressives et soumises à la théorie en construction
et sont inestimables pour déterminer la qualité de la recherche sur la façon dont les individus
construisent le sens à partir d’expériences intersubjectives (Fendt & Sachs, 2004). Pour Fendt
& Sachs (2008), la question de la saturation doit être abordée avec pragmatisme puisque les
fondateurs de la GT se félicitent d’avoir fait du pragmatisme le « fondement philosophique »
de leur théorie.
Ces auteurs sont d’avis que la question que le chercheur doit se poser est celle de l’utilité
et de la crédibilité des conclusions auxquelles il aboutit auprès des lecteurs ou individus
concernés par l’étude. Par exemple, si « une personne interrogée dit que quelque chose est noir,
si cela a de l'importance, si le chercheur a posé la question de différentes manières et a toujours
obtenu la même réponse, si rien dans les autres données n’indique que la personne interrogée
peut agir comme si la chose n'était pas noire, et encore moins s'il n'y a pas de preuve objective
d’absence de noir », alors le chercheur peut conclure sans plus attendre que la personne
interrogée croit que la chose est noire » (Fendt & Sachs, 2008 : 445).
Pour Strauss & Corbin (1998), l’échantillonnage théorique ne peut être prédéterminé
avant le début de la recherche, il apparaît et évolue tout au long du processus. Pour eux,
« l’échantillonnage théorique est basée sur les concepts qui ont émergé de l’analyse et qui
148
semblent avoir une pertinence pour l'évolution de la théorie. Le but de l'échantillonnage
théorique est de maximiser les possibilités de comparer des événements, des incidents ou des
faits pour déterminer comment une catégorie varie en termes de propriétés et de dimensions »
(Strauss & Corbin, 1998 : 202).
2.3. Critères de validité de la recherche
Notre attitude est constructiviste. La validité interne et externe concerne les catégories
de la théorie enracinée appliquée à notre intuition de départ qui était que l’AO a de fortes
chances d’être la métaphore de la RO.
Nous avons fait une étude de cas au regarde d’une méthodologie qui est la théorie
enracinée qui nous conduit aux jeux de codage mais avec une distance relative prise avec la
théorie enracinée car comme le dit Ayache & Dumez (2011), c’est injouable. En effet, les
auteurs avancent un certain nombre d’arguments dans ce sens. Les auteurs qualifient le codage
« originel ou pur » en ce qui concerne la théorisation ancrée d’« impossible en pratique », pour
eux la « théorisation ancrée s’est fourvoyée dans une partie de sa démarche » (Ayache &
Dumez, 2011 : 34). Les auteurs estiment également que la rigueur attribuée à la démarche de
codage de la théorie enracinée est un leurre car cette étape comporte un certain niveau de
bricolage qui témoigne d’un fourvoiement des tentatives visant à la rendre rigoureuse. Ainsi,
les critères de validité de la théorie enracinée semblent loin de la rigueur et de la solidité que
prônent ses auteurs. Néanmoins, nous avons repris la logique des auteurs Strauss & Corbin
(1998) en ce qui concerne le codage émergent, axial et émergent et sélectif pour l’AO. Nous
avons donc recouru à une matrice des données avec ces différents codages (voir chapitre 5).
Quant au codage émergeant, il montre des éléments, autres que ceux relatifs à l’AO. Le codage
sélectif ne recouvre pas seulement le codage émergent, ce dernier révèle d’autres éléments qui
ont trait à des conceptualisations que nous n’avons pas prévu au début de cette recherche
puisque nous sommes dans une démarche exploratoire.
Par ailleurs, notre recherche ne prétend pas s’inscrire dans une démarche de théorisation
ancrée pure et dure pour des raisons liées au contexte et au timing de l’investigation empirique
qui a eu lieu juste après le confinement, le respect de certains principes s’est avéré impossible.
En effet, nous n’avons pas pu effectuer l’analyse en même temps que la collecte comme cela
est conseillé par les auteurs (Corbin & Strauss, 1990) pour certaines raisons. La première raison
qui est la raison principale est due au temps court qui nous a été alloué pour notre recherche en
entreprise. La seconde raison est due à la situation sanitaire critique au moment de la collecte
des données. La peur de ne plus avoir accès à l’entreprise si la situation se dégradait a été aussi
149
un facteur déterminant. D’ailleurs la collecte a été faite en trois temps à cause de la situation
sanitaire. La collecte s’est faite par bloc en trois temps. Le premier bloc a été recueilli du 10 au
21 Août 2020. Le second bloc de recueil s’est fait entre le 1er et le 23 Septembre 2020. Et le
dernier bloc s’est fait entre le 1er et le 26 Octobre 2020.
Par conséquent, le recours à la GT dans ce travail n’a pas vocation à servir de méthode
de recherche qualitative mais plutôt à servir de méthodologie d’analyse de données (Paillé,
1999). En effet, nous cherchons à répondre à la question « Que faire avec les données, comment
les analyser? » plutôt qu'à la question « Comment mener une recherche qualitative? » (Paillé,
1994 : 149).
2.4. Le protocole de la recherche
Notre démarche de recherche se rapproche de celle adoptée par Ellouze (2020) qui a le
mérite d’avoir intégré les démarches d’analyse de données de la théorie enracinée avec celles
des méthodologies qualitatives. Il s’agit d’une démarche qui combine à la fois les trois types de
codage préconisés par les auteurs : codage ouvert, axial et sélectif (Strauss & Corbin, 2004) en
suivant la démarche d’analyse proposée par Bardin (2013) et la présentation matricielle
proposée par Miles & Huberman (2003). Le schéma ci-dessous illustre correctement cette
réalité.
150
Figure 8 : Les méthodes d’analyses qualitatives des données de la théorisation ancrée
151
partie du texte qui peut être une phrase ou un paragraphe (Strauss & Corbin, 2004). Pour Glaser
& Strauss (1967), la logique de découverte devient évidente durant de la catégorisation.
2.4.3. La phase de catégorisation ou « thématisation » :
Cette phase consiste à regrouper les unités de sens sous une catégorie générique qui
constitue un code. Dans la méthode de la théorie enracinée, cette phase correspond au codage
axial (Strauss & Corbin, 1998, 2004).
2.4.4. La phase de mise en relation et représentation des résultats :
Cette phase correspond au codage sélectif dans l’approche de la théorie enracinée
(Strauss & Corbin, 2004). Pour Bardin (2003), cette phase consiste pour le chercheur à dégager
les liens entre les différentes catégories dégagées lors de la phase de catégorisation et de
procéder à une mise en relation entre ces catégories pour donner un sens au phénomène. Pour
Miles & Huberman (2003), cette phase correspond à l’élaboration des matrices qui regroupent
les résultats ou les interprétations faites par le chercheur.
2.4.5. La phase de la vérification des données :
Cette phase est un processus continuel qui permet au chercheur de s’assurer de la
cohérence entre ses constructions théoriques et ses conclusions empiriques (Bardin, 2003 ;
Strauss & Corbin, 1998).
Dans la section suivante, nous présenterons le phénomène de crise étudié dans le cadre
de ce travail de recherche à travers la méthode de l’étude de cas.
152
Section 2 : Etude d’une situation de crise
Dans ce chapitre, nous exposerons les éléments de notre étude empirique. Tout d’abord,
nous aborderons l’étude de cas comme notre stratégie de recherche. Ensuite, nous exposerons
notre méthode de collecte des données. Dans un troisième temps, nous présenterons l’analyse
des données qualitatives et enfin nous présenterons dans une dernière partie les matrices
conceptuelles de l’échantillonnage théorique.
I. L’étude de cas comme stratégie de recherche
Dans cette première partie, nous nous attarderons tout d’abord sur la définition, la
pertinence et l’objectif de l’étude de cas. Par la suite, nous ferons la présentation des cas choisis.
1.1. Définition, pertinence et objectif de l’étude de cas
Dans cette partie, nous nous focaliserons sur la définition dans un premier temps. Dans
un second temps, nous aborderons la pertinence de l’étude de cas avant de présenter l’objectif
du recours à l’étude de cas.
1.1.1. Définition d’une étude de cas
Pour Barlatier (2018), l’étude de cas est une démarche de recherche très prisée en
sciences sociales, utilisée pour étudier des phénomènes complexes nouveaux en situation réelle
ou pour étendre les connaissances sur des phénomènes déjà investigués. L’étude de cas est
particulièrement intéressante lorsqu’il s’agit de phénomènes complexes ou nouveaux (Yin,
2003). Par ailleurs, l’étude de cas fait office à la fois de méthode et de méthodologie car elle se
définit comme « une stratégie de recherche » propice aux phénomènes complexes en vue d’une
compréhension et d’une confrontation avec les théories existantes ou d’une génération de
nouvelles théories (Glaser & Strauss, 1967 ; Yin, 1991 ; 2003). Cette vision correspond bien à
celle de ce travail.
Les études de cas peuvent s’intéresser à un individu, un groupe ou une organisation, par
la collecte et l’analyse de récits de vie, de documents écrits, de biographies, d’interviews, ou
encore d’observation participante qui servent à la déconstruction et à l’inhérente reconstruction
du ou des phénomènes complexes étudiés (Yin, 2003).
1.1.2. Pertinence de l’étude de cas
On avance souvent l’idée selon laquelle les études de cas sont particulièrement
appropriées dans les cas où la théorie n’est pas suffisamment développée (Ryan et al., 1993).
Pour recourir à l’étude de cas, il est recommandé de s’assurer de sa pertinence. Il s’agit de
vérifier si elle convient réellement à la problématique de recherche et si c’est le cas, déterminer
l’objectif, à savoir l’exploration ou la confirmation (Yin, 1994 ; Gagon, 2005)
153
Pour Yin (2003 ; 2009) quatre conditions permettent de juger de la pertinence du recours
à l’étude de cas. La première est qu’elle s’emploie pour les problématiques qui répondent au
« quoi », au « comment », et au « pourquoi ». La seconde condition concerne le chercheur lui-
même : il ne doit avoir aucune incidence ou influence sur les personnes qu’il va interroger. La
troisième condition est que le chercheur doit s’intéresser à des aspects contextuels pertinents
du phénomène étudié. Et la dernière condition est de vérifier qu’il n’existe pas de limite claire
entre le phénomène à étudier et son contexte, autrement dit, il doit s’assurer que le phénomène
est « enraciné » dans son contexte. Ces conditons correspondent bien à notre cas car notre
problématique dérive du « comment » la métaphore pourrait permettre ou pas de comprendre la
manière dont on passe d’un niveau individuel de résilience à un niveau organisationnel de
résilience. Aussi, nous n’avons aucune incidence sur les personnes que nous allons interroger
du fait que nous sommes étrangers aux terrains. Enfin, dans le cadre de ce travail, nous nous
intéressons à un phénomène, à savoir le passage de la résilience individuelle à la résilience
organisationnelle dont les frontières semblent floues que nous cherchons à explorer dans son
contexte (celui de deux entreprises familiales).
Par ailleurs, la pertinence du recours à l’étude de cas est établie dans notre recherche,
dans la mesure où elle sert des objectifs exploratoires avec une ambition compréhensive et une
démarche inscrite dans un esprit inductif en partie (Yin 1990).
1.1.3. L’objectif du recours à l’étude de cas
Il existe différentes catégories d’étude de cas dont le choix est guidé par « la nature de
la question de recherche et le périmètre de l’étude » Barlatier (2018). Yin (2003 ; 2009)
présente trois types d’études de cas qui poursuivent différents objectifs : explicatif, descriptif
et exploratoire.
Le premier type d’étude de cas (explicatif) vise à expliquer des liens de causalité
supposés entre deux ou plusieurs éléments complexes. Le second type d’étude de cas
(descriptif) sert à dresser une description du phénomène et du contexte dans lequel il se trouve.
Le troisième type d’étude de cas (exploratoire) permet d’explorer un phénomène afin de
découvrir de « nouvelles causalités » ou de nouveaux résultats.
Notre travail ne vise pas à expliquer ni à décrire le phénomène complexe de la résilience
organisationnelle. Notre recherche s’inscrit dans une approche exploratoire et par conséquent
dans l’étude de cas exploratoire. Notre problématique pouvant être taxée de « nouvelle » car
n’étant pas traitée dans la littérature, nous nous sommes engagés dans la voie de l’exploration
afin d’explorer deux cas pouvant être « représentatifs ou typiques » et/ ou « révélateurs » (Yin,
154
2009). C’est la mise en relation des deux thématiques de recherche, à savoir la résilience
organisationnelle et la métaphore organisationnelle qui justifie principalement le recours à
l’étude de cas puisque cette conceptualisation est quasiment inexistante, que ce soit dans la
littérature ou dans les études sur le contexte tunisien.
Pour Yin (2003 ; 2009) après avoir choisi le type d’étude de cas, il est ensuite nécessaire
de choisir le design de la recherche tout en justifiant son choix, c’est-à-dire le choix d’une étude
avec un cas unique ou comportant plusieurs études de cas.
Ce travail s’inscrit dans une étude de cas multiples, qui est une catégorie de l’étude de
cas. En effet, l’étude de cas peut être unique ou multiple, ce qui requiert la précision du but
recherché dans ce cas. L’étude de cas multiple exige la constitution d’un échantillonnage
théorique et les critères pertinents de cet échantillonnage sont ceux évoqués par Hlady Rispal
(2002) à savoir la représentativité, le potentiel de découverte et la prise en compte de l’objet de
la recherche. Ces critères sont repris dans le tableau ci-après.
Selon Miles & Huberman (1990), la méthode des études de cas implique trois types
d’activités menés en parallèle avec des itérations au fur et à mesure du développement de
l’étude de cas : la présentation des données (présentée dans ce chapitre), la condensation (voir
chapitre 5), l’élaboration et la conclusion (voir chapitre 6).
1.2. Justification et présentation des cas choisis
Dans ce paragraphe nous justifierons nos cas avant de les présenter.
155
1.2.1. Justification du choix des cas
Les cas choisis sont des entreprises qui appartiennent à un holding familial connu en
Tunisie, il s’agit d’un groupe de sociétés familiales (groupe Amen) qui est juridiquement
enregistré comme un groupe de société anonyme. Le groupe Amen compte une banque, une
clinique, une assurance et bien d’autres. Nous avons reçu l’accord des responsables pour
afficher le nom et les informations relatives à l’entreprise, néanmoins nous ne sommes pas
autorisés à diffuser des informations qui pourraient être confidentielles.
Dans notre cas, le choix des cas a été simplement une question « d’opportunisme »
(Hlady & Rispal, 2002). En effet, l’accès aux entreprises familiales a été difficile, c’est
d’ailleurs, ce qui explique le fait que nous ayons réalisé le travail d’investigation empirique
assez tardivement. Nous avons eu l’opportunité d’accéder au premier cas grâce à un réseau de
relations familiales. Au départ, nous avons souhaité intégrer une PME familiale tunisienne qui
opère dans la d’articles hygiéniques mais des problèmes d’accessibilité se sont posés, le temps
passait et il fallait donc trouver une autre solution.
Notre choix s’est donc porté sur Parenin et MTI, deux PME familiales. Le choix des
entreprises s’est principalement basé sur le caractère « familial » sachant que le statut juridique
de l’entreprise familiale n’est pas reconnu en Tunisie (Mzid, 2015).
Bouderbala (2015) estime que les définitions monocritères, les définitions pluri-critères
et les définitions par des échelles sur un continuum de l’entreprise familiale qui dominent la
littérature ne sont pas toujours adaptées à la culture et aux spécificités économiques et sociales
de la Tunisie. Ainsi, la nécessité de fournir une définition qui soit « ni trop restrictive, ni trop
large » s’impose. Pour l’auteure, la définition de l’entreprise familiale tunisienne doit tenir
compte des définitions qu’offrent la littérature sur l’entreprise familiale tout en prenant en
compte les particularités du contexte local tunisien. Bouderbala (2015) propose ainsi une
définition de l’entreprise familiale tunisienne basée sur quatre critères : la propriété, la direction,
la volonté de transmettre et la perception des membres de l’entreprise. Ces critères sont résumés
dans le tableau ci-dessous.
156
Tableau 11 : Les critères de définition de l’entreprise familiale tunisienne
Critères de définition de
Définition des critères
l’entreprise familiale tunisienne
La majorité du capital de l’entreprise est détenue
La propriété
par une ou plusieurs familles liées.
L’entreprise est dirigée par les membres de la/des
La direction famille (s) propriétaire (s) qui s’impliquent aussi
bien dans la gestion stratégique qu’opérationnelle.
Il s’agit de la volonté du dirigeant de transmettre
La volonté de transmettre
l’entreprise à une autre génération.
La perception des membres de Les membres de l’entreprise la perçoivent comme
l’entreprise étant une entreprise familiale.
Source : adapté Bouderbala (2005)
A partir de ce tableau, l’entreprise familiale tunisienne peut être définie comme une
entreprise (1) destinée à être transmise aux générations suivantes, (2) dirigée stratégiquement
et opérationnellement par les membres d’une ou plusieurs familles, (3) qui détiennent le capital
majoritaire, (4) et qui est percue par les employés comme étant une entreprise familiale. La
prise en compte des particularités de la Tunisie semble être un élément pertinent pour la
caractérisation de l’entreprise familiale tunisienne, à laquelle nous nous intéressons dans ce
travail.
A partir de ce tableau et de nos entretiens, nous pouvons dire que nos cas correspondent
aux différents critères évoqués dans le tableau ci-dessus. En effet, la majorité du capital des
deux PME est gérée par les membres de la famille qui les dirigent et qui sont impliqués
directements et surtout dans leur gestion stratégique. Il y a une volonté de transmettre
l’entreprise puisqu’il y a déjà eu une transmission à la deuxième génération familiale. Nos
entretiens montrent que les les employés les perçoivent comme des entreprises familiales.
Dans les paragraphes suivants, nous nous attelons à présenter nos deux cas.
1.2.1 Présentation du cas 1
La première entreprise est une entreprise exportatrice nommée MTI CAT. ou MTI qui
est l’abréviation de « Mediterranean Tractors International ». C’est une société « offshore »
opère et vent exclusivement des produits Caterpillar sur le marché libyen. Le tableau suivant
157
résume la présentation des activités et des secteurs d’activités dans lesquels elle opère
MTI CAT. a été créé en 2005. Le bureau de Tunis se compose d’une dizaine d’employés,
le reste étant sur place en Lybie. Nous y avons menés une dizaine d’entretiens entre Mars, juin
et juillet 2020. La crise sanitaire avec les différents confinements est la raison qui explique
l’étendue de cette période.
1.2.2. Présentation du cas 2
La deuxième entreprise se nomme PARENIN, elle est « aux mains » de la deuxième
génération familiale depuis la fin de 2019, suite au décès du fondateur. Il s’agit d’une entreprise
concessionnaire depuis 1926 d’une marque américaine Caterpillar, une marque leader dans le
monde, dans le domaine de la construction et de l’industrie. Ses employés sont fiers de dire que
PARENIN est la première entreprise concessionnaire de Caterpillar en dehors des Etats-Unis.
Elle ne s’est pas limitée à être le concessionnaire de la marque Caterpillar, même s’il s’agit
d’une marque réputée, elle représente également d’autres marques moins cotées. Elle a opté
pour une stratégie de diversification de ses activités dès le départ. La présentation de ses
activités est résumée dans le tableau ci-dessous.
158
Tableau 13 : Présentation des activités et secteurs d’activité de Parenin
Vente, location, entretien et réparation de matériel neuf et
Activités
d’occasion destiné à différents secteurs d’activités.
Secteurs d’activité Travaux publics, industrie, bâtiment, agriculture, mine.
Leader dans le secteur des travaux publics, du bâtiment et de
Rang
l’agriculture
Nombres de Six marques
marques
représentées
350 employés dont près des trois-quarts se consacrent à l’après-
Nombre d’employés
vente de machines et d’engins
Zone d’activité Tunis avec des branches à Gabès, Sfax et Gafsa
Source : adapté du site internet
159
ou une sollicitation importante.
MTI et Parenin sont deux entreprises soumises à des contextes de crise. MTI est soumise
non seulement au contexte libyen d’après la révolution et qui s’avère instable, mais également
au contexte d’après révolution tunisienne. Le contexte libyen reste intéressant en termes
d’opportunité pour MTI, mais l’incertitude engendrée par deux gouvernements dans ce pays,
atteste de la précarité de la situation. L’entreprise a dû faire face à la destruction de toute une
base de l’entreprise dans les affrontements durant la révolution. La situation a été telle que
l’entreprise a été obligée de se séparer d’une grande partie de ses employés (qui était une
centaine au départ) et de revenir sur Tunis, en opérant à partir de là. Selon les personnes
interrogées, les problèmes auxquels l’entreprise a dû faire face sont des problèmes de marché
dû à la fermeture de certains territoires, des problèmes d’importation, des problèmes de guerre
civile, des problèmes de liquidités bancaires, des problèmes de personnel etc. En Tunisie, elle
a dû faire face à des problèmes d’ordre juridique. En effet le statut d’entreprise exportatrice
dans la règlementation en vigueur en Tunisie accorde une exemption d’impôt les dix premières
années d’activité. Mais après la révolution, l’Etat a commencé à réclamer des impôts sans tenir
compte de la loi d’exemption, ce qui revient à payer plus d’impôt que ce qui est prévu ou exigé
par la loi. MTI est donc entrée en litige avec l’Etat tunisien.
Parenin est une entreprise qui a vécu la période de révolution de 2011 sans impacts
directs. Mais depuis quelques années, les effets de la crise ont commencé à être de plus en plus
visibles. Comme nous l’avons spécifié dans la présentation, Parenin est une entreprise qui a des
activités diversifiées et qui se positionne sur plusieurs secteurs de marché. Et depuis
précisément 2018, l’une de ses activités clés connait une situation de crise alors qu’elle
représente au moins 50% de son chiffre d’affaire (CA). Il s’agit de l’activité de vente des
produits Caterpillar et donc du secteur des travaux publics qui connait une crise. Nous rappelons
que la crise a commencé bien avant (vers 2015) mais Parenin a commencé à la ressentir
réellement à partir de 2018. Et l’instabilité politique suite à la révolution en est la cause
principale, la crise de covid-19 a également eu un impact. L’entreprise a subi une perte de 40%
de son CA.
Pour une meilleure compréhension, nous avons schématisé la situation de crise à Parenin
comme suit :
160
Figure 9 : Illustration de la situation de crise à Parenin
Source : Auteur
161
la théorie enracinée adoptée dans cette recherche préconisent plutôt le critère de saturation
comme méthodes d’échantillonage. Dans notre cas, nous n’avons pas cherché à atteindre la
saturation empirique car notre échantillon a été un échantillon de convenance, autrement dit,
imposé. Dès le départ, le DRH nous a expliqué que compte tenu de la période sensible dans
laquelle nous étions à cause de la crise sanitaire, il n’était pas possible de mener des entretiens
pour une longue durée, craignant que cela affecte la performance des employés. Il a proposé
une quinzaine de personnes et nous avons négocié pour atteindre la vingtaine.
La méthode de collecte de données est principalement l’entretien semi-directif. Il s’agit
d’un entretien à mi-chemin entre la non directive et la directive (Aktouf, 1987), il consiste à «
laisser l’interviewé s’exprimer le plus librement possible tout en reprenant les points
significatifs susceptibles de faire émerger les significations associés à cet hébergement et à son
contexte » (Blanchet & Goteman, 2007 : 7). Plus exactement, nous avons opté pour le type
d’entretien semi directif centré c’est-à-dire « un mode d’entretien dans lequel le chercheur
amène le répondant à communiquer des informations nombreuses, détaillées et de qualité sur
les sujets liés à la recherche en influençant très peu, et donc avec des garanties d’absence de
biais qui vont dans le sens d’une bonne scientificité » (Rousssel & Wacheux, 2006 : 102) .
Ce choix a été guidé par l’efficacité de cet outil en tant qu’instrument favori de
l’exploration en science de gestion (Blanchet, 1991). L’entretien est un « moyen privilégié
d’accéder aux faits, aux représentations et aux interprétations des situations connues par les
acteurs » (Blanchet & Gotman, 1992). Contrairement au questionnaire, l’entretien favorise la
proximité entre le chercheur et les acteurs, ce qui permet l’accès facile aux points de vue et
représentations que se font ces derniers du phénomène étudié. En effet pour Grawitz (1990),
l’entretien de recherche (ou interview) est un outil de communication qui favorise la création
de relations interpersonnelles entre le chercheur et son interlocuteur. Ces relations vont
permettre à l’interviewé de se confier sur ses perceptions, ses interprétations et ses expériences
sur le sujet. L’entretien est alors, un moyen pour le chercheur d’atteindre son objectif de
compréhension de phénomènes sociaux, ce qui est bien notre cas.
Même si l’entretien a été le moyen de collecte privilégié, il a été complété par d’autres
outils de collecte des données dans ce travail. Par ailleurs, la théorie enracinée se veut être une
méthode de triangulation des données c’est-à-dire de la variété des données collectées (Strauss
& Corbin 2004 ; Garreau, 2015). C’est pourquoi nous avons :
- Dans un premier temps recouru aux entretiens semi-directs,
- Dans un second temps nous avons fait quelques observations non participantes
162
parmi lesquelles nous avons sélectionné trois observations,
- Dans un troisième temps nous avons recouru à l’analyse documentaire,
- Les notes de terrains ont été ajoutées à ce corpus.
Dans ce qui suit, nous nous intéresserons au choix des outils de collecte et d’analyse de
données ainsi qu’à l’échantillon de la recherche.
2.1.2. Le guide d’entretien
Pour Gavard-Perret et al., (2012), il n’y a vraiment pas de technique particulière pour
rédiger un guide d’entretien si ce n’est qu’il doit correspondre aux objectifs de la recherche.
L’objectif principal de notre guide d’entretien est de faire émerger le ou les concepts à même
d’expliquer la résilience organisationnelle. Dans les chapitres précédents, la résilience
organisationnelle a été appréhendée comme une métaphore, celle-ci étant employée pour
exprimer une réalité ou un concept complexe et/ou inconnu au moyen d’un autre plus connu et
plus explicite dans le but de simplifier une réalité organisationnelle, le plus souvent complexe
(Morgan, 1980). La résilience étant dans notre cas un concept complexe et flou à cause du
manque d’une définition et d’un contenu consensuel au niveau théorique, nous cherchons à
comprendre ce qu’elle peut être à partir d’une étude empirique. En d’autres mots, nous
cherchons à comprendre si la RO peut être ou pas une métaphore de l’AO, tout en restant ouvert
aux potentiels concepts « enracinés » dont la RO pourrait éventuellement être la métaphore.
Pour ce faire, la rédaction du guide d’entretien est composée de quatre parties comme
proposé par Gavard-Perret et ses collaborateurs (2012) : l’introduction, le centrage du sujet,
l’approfondissement et la conclusion. Il est à rappeler que bien que notre guide d’entretien ait
suivi ce schéma dans un souci de rigueur, il n’est pas très structuré car au vu de la nature
exploratoire de la recherche, nous l’avons voulu flexible et ouvert à ce que le terrain pourrait
offrir comme concepts, thèmes, questionnement, etc. Par conséquent l’introduction présente le
sujet et le but de la recherche.
Le centrage présente les thèmes abordés, l’approfondissement va consister à faire des
relances à partir des réponses des participants.
Cette partie pratique a été réalisée selon le modèle de l’entretien en quatre étapes de
Romelaer (2005) résumé dans le tableau ci-dessous.
163
Tableau 14 : Les quatres étapes de l’entretien
Etapes Principes
Se présenter soi-même et présenter la
1. Les premiers contacts recherche, être à l’écoute des questions, des
doutes, des réticences des répondants.
Simple, claire et cohérente avec le thème de
2. La phrase d’entame recherche. Elle va renforcer la confiance du
répondant.
3. Les thèmes et sous-thèmes administrés Les questions en lien avec les thèmes ou
sous formes de questions ouvertes concepts de la recherche.
Reformulation des questions, résumés,
4. Les relances
interventions complémentaires, etc.
Source : Romelaer (2005)
Dans la première phase d’introduction qui est orale, s’agissant d’un entretien et non
d’une enquête par questionnaire, nous avons commencé par remercier les participants pour leur
coopération, tout en nous présentant et en présentant le thème général de la recherche, ainsi que
son intérêt. Aussi, nous prenions le temps d’expliquer que nous garantissons l’anonymat afin
de gagner la confiance de nos. Cela n’a pas toujours suffit pour rassurer les participants. Aussi,
nous avons éssayé d’être transparents avec eux quant à l’exploitation des données qui seront
collectées, sans oublier de demander la permission pour l’enregistrement de l’entretien dans un
souci de respecter la volonté personnelle des participants. Parfois c’est le participant qui donne
le temps de sa disponibilité, il est vrai que cela met la pression en termes de temps et génère
des préoccupations du genre : allons-nous arriver à tirer le maximum d’éléments de réponse
dans le temps qui nous est accordé ? Ou encore est-ce que le répondant sera réellement
disponible psychologiquement pour nous renseigner au maximum ? Par ailleurs, nous sommes
restés ouverts aux réticences qui s’exprimaient le plus souvent par des doutes et des questions.
Parfois, les participants exprimaient leurs doutes quant à leur capacité à réussir l’exercice de
l’entretien à cause de leur niveau de français qu’ils jugent mauvais. Face à ces doutes, nous
avons le plus souvent tenté de les rassurer en leur expliquant que leur niveau n’était pas si
mauvais qu’ils le croient, la preuve est que nous pouvions comprendre ce qu’ils disaient.
D’autres fois, le doute venait de la peur que le ou les supérieurs aient accès à leurs propos. Là
encore, nous avons essayé de les rassurer. Nous sommes aussi restés très ouverts à des questions
qui n’allaient pas forcement dans le sens de la recherche comme « pourquoi êtes-vous en
164
Tunisie ? », « comptez-vous travailler en Tunisie aprèsvos études ? » ou des questions très
indiscrètes comme « préférez-vous épouser un tunisien ou un compatriote ? ». Ces questions
revenaient assez régulièrement et nous avons choisi de les considérer comme l’expression d’une
curiosité ou une invitation à la socialisation.
Dans la deuxième phase qui est celle de l’entame, Gavard-Perret et al., (2012) parlent
plutôt de thème de « réchauffement ». Nous avons donc commencé par une phrase simple
d’intérêt pour le répondant. Cette phrase était généralement centrée sur le parcours
professionnel et les tâches quotidiennes des répondants. Nous avons remarqué que le parcours
scolaire et professionnel constituait dans la plupart des cas, une grande source de fierté pour les
participants. Il s’agissait pour nous de susciter l’enthousiasme des répondants en évoquant un
sujet qu’ils maîtrisent afin de les mettre en confiance pour la suite.
Dans la troisième phase, nous sommes entrés dans le cœur du sujet en abordant les
thèmes centraux de la recherche. Cette phase est celle de la collecte des données à proprement
dite. Elle consiste à poser les questions aux répondants afin d’obtenir les informations qui seront
analysées et interprétées ultérieurement.
Dans la quatrième phase qui est celle des relances, nous avons tenté de relancer les
questions qui n’ont pas été explicitées par le répondant. Nous rebondissions également sur les
propos des répondants dans le but d’une meilleure explication ou d’un approfondissement des
idées. Dans cette phase, nous avons tenté de maintenir l’interview vivante et interactive. Notre
recherche etant menée dans un esprit inductif, notre guide d’entretien n’est donc pas très
élaboré, il contient les grandes lignes qui permettent d’orienter l’entretien. Le but étant de
pouvoir profiter au maximum de ce que le terrain a, à nous offrir. Dans ce souci, nous sommes
restés très attentifs au discours de nos répondants afin de rebondir sur toute information qui
nous semblait importante et qui méritait un approfondissemnt. L’approfondissement s’est fait
dans l’interaction et suite aux réponses données. Notre rôle a été d’animer la séance en étant
ouvert à toute opinion et réponse du répondant. Nous avons posé certaines questions spontanées
en fonction des réponses précédentes (après que le répondant ait fini de s’exprimer) afin de
lever les éventuelles zones d’ombre et tirer le maximum d’informations.
Nous finissions généralement par une phase supplémentaire qui est celle de la
conclusion dans laquelle nous remercions les participants tout en demandant aux participants
s’ils avaient quelque chose d’autre à ajouter. Cela leur donnait l’occasion de rajouter des
informations complémentaires ou de nous tendre la main en nous disant qu’ils sont disposés à
tout moment en cas de besoin. Nous avons en effet reçu de nombreuses cartes de visite.
165
2.1.3. L’observation non participante
L’observation d’une situation permet au chercheur d’approfondir ses idées (Yin, 1990).
C’est pourquoi nous avons fait des observations non participantes sous forme de discussions
informelles avec certains employés. Nous sommes conscients de l’importance de la confiance
dans ce genre de mécanisme. Nous avons été présents dans l’entreprise pendant un bon
moment : entre mars et octobre 2020, même si cela n’as pas été de manière continue à cause de
la situation sanitaire mondiale. Notre présence sur le site avec certains employés et les liens
tissés au sein de MTI (lieu où nous avons réalisés la première phase d’entretiens exploratoires
), la prise du bus de la société et la fréquentation de la cantine, nous ont permis de nous intégrer
et de pouvoir discuter avec les employés. Nous avons pu faire des observations non
participantes qui nous semblent pertinentes pour notre travail.
2.1.4. L’analyse documentaire
L’analyse documentaire peut s’avérer très intéressante pour le chercheur. En effet,
« l’analyse des documents et des archives est une opération de structuration d’informations
éparses, pour aboutir à un résultat original utilisable pour le chercheur » (Wacheux, 1996 :
220).
Nous avons eu accès à certains documents comme le code de conduite (voir annexe 4)
de l’entreprise qui renseigne sur la culture de l’entreprise et donne des informations générales
concernant l’entreprise. Nous aurions aimé accéder à des documents comme les rapports
annuels ou les chiffres d’affaires qui nous auraient mieux enseignés sur l’état de l’activité mais
ce sont des informations sensibles auxquelles il n’était pas possible d’accéder.
2.2. Phase d’analyse des données
Dans ce qui suit, nous allons nous attarder sur l’analyse des données qualitatives issues
du terrain dans un premier temps. Dans un second temps, nous spécifierons les données prises
en compte dans le cadre de ce travail et enfin nous présenterons les étapes de l’analyse des
données.
2.2.1. Analyse des données qualitatives issues du terrain
La GT permet au chercheur d’acquérir de la légitimité et d’innover à travers des
processus de théorisation basés sur la découverte issue de l’investigation empirique (Glaser &
Strauss, 1967). « La découverte de la théorie enracinée implique implicitement que le
chercheur-analyste sera créatif » (Glaser, 1978 : 20).
La théorisation à laquelle aboutit le travail de recherche est le résultat de la créativité du
chercheur combinée à la rigueur méthodologique, l’absence de ces deux éléments est un biais
166
qui représente une cause courante de la « non-innovation » dans les recherches en sciences de
gestion selon Garreau (2015). La créativité se définit comme une « capacité à créer quelque
chose qui est à la fois nouveau et approprié » (Sternberg & Lubbart, 1999 : 3) et la rigueur
méthodologique se définit en termes de « poursuite logique d’une idée » (Gareau, 2015).
Selon Garreau (2015), pour faire preuve de rigueur méthodologique, le chercheur doit :
- définir clairement ses construits,
- s’assurer que les variables ou construits sont appréhendés correctement,
- légitimer la relation causale entre deux éléments,
- spécifier les limites d’application du modèle propos.
Néanmoins, il faut faire attention à ce que la rigueur ne produise pas l’effet contraire en
s’opposant à la créativité. Dans ce sens, Strauss & Corbin (1998) estiment que « les procédures
proposées ont été élaborées non pas pour être suivies de façon dogmatique, mais pour être
utilisées de façon créative et flexible par les chercheurs selon ce qu’ils jugent approprié »
(Strauss & Corbin, 1998 : 14).
Pour Garreau (2015), l’analyse des données dans une démarche de la théorisation ancrée
suit un processus circulaire et donc itératif, mais linéaire car les étapes s’enchaînent les unes
après les autres.
Figure 10 : Illustration circulaire de la méthode de la théorie enracinée
167
Garreau (2015) illustre le processus d’analyse sous forme d’un processus qui combine
à la fois la créativité et la rigueur méthodologique. Ce processus comprend quatre étapes
essentielles comme le montre la figure ci-dessus. Ces quatre étapes peuvent être scindées en
deux méta-étapes : celle de la collecte des données et celle du codage qui comprend trois étapes
qui correspondent à trois niveaux : le codage ouvert, le codage axial et le codage sélectif.
L’analyse de nos données a été faite en tenant compte également des notes de terrain.
Dès le début du processus de codage c’est-à-dire le codage ouvert émergent, nous avons
commencé à écrire des mémos. Selon Corbin & Strauss, 1990), ces mémos participent à la
formulation et à la révision du processus d’élaboration de la théorie, ils accompagnent le
chercheur dès le codage jusqu’à la fin du processus de la recherche.
Dans ce qui suit nous présenterons les étapes de l’analyse des données recueillies.
2.2.2. Les données prises en compte dans le cadre de ce travail
Notre unité d’analyse est l’organisation. Nous avons essayé d’atteindre cette unité
d’analyse au travers des témoignages des interviewés. Même si ce canal peut avoir des biais,
il constitue notre seul « vrai » moyen d’atteindre ou de « faire parler l’organisation » à cause
de l’impossibilité d’accès aux documents qui auraient pu être réellement intéressant. Notre
échantillon se compose de personnes ayant différentes positions hiérarchiques dans le but d’une
multi-angulation (Hlady Rispal, 2002).
Nous avons fait deux études de cas avec des entretiens sur les sites des entreprises. MTI
se trouve sur un seul site tandis que Parenin est reparti sur trois sites. L’un des sites se trouve
en plein centre-ville d’un quartier populaire de Tunis. Ce site est le premier selon les
témoignages des employés, il est par conséquent assez symbolique. Il abrite deux divisions :
Celle de la commercialisation des produits du secteur industriel (Atlas copco) et celle des
produits agricoles (John Deere). Les deux autres sites se trouvent dans la même localité
géographique à 5 min l’un de l’autre, séparé par un mur. Le tableau suivant résume le nombre
d’entretiens réalisés à par site.
168
Tableau 15 : La répartition des entretiens par sites
Nombre d’entretiens Nombres
Sites réalisés d’entretiens
retenus
1 : MTI et Parnein 26 23
2 : division Good year 1 1
3 : Division Atlas 6 5
copco et division
John Deere
Source : Auteur
Nous avons classé les sites dans l’ordre de nos entretiens et non selon l’ordre d’existence
de ces derniers. Le premier site héberge les bâtiments officiels de MTI et Parenin, le deuxième,
la division pneumatique (Good year) et le troisième, les divisions Atlas Copco et John Deere.
Nous avons retenu 29 entretiens mais dans la réalité, nous avons interviewé 33 personnes
qui ont une ancienneté qui se situe entre 3 et 30 ans. Il y a trois entretiens qui n’étaient pas
individuels mais à deux. Le premier s’est déroulé dans le bureau de réunion du département,
nous avons commencé l’interview avec une dame et quelques minutes plus tard son supérieur
hiérarchique est arrivé et apparemment, il n’avait pas été prévenu de l’interview. Il a été intrigué
et il a posé des questions concernant ce que nous faisions et nous lui avons répondu. Il a trouvé
notre sujet de recherche intéressant et il s’est assis, il était très à l’aise et très ouvert et finalement
il a fini par être l’interviewé car la dame a fini par s’éclipser après un moment, elle n’a donc
pas répondu à toutes nos questions. Nous avons tenté de comprendre pourquoi elle s’était
éclipsée et on nous a répondu que « c’est son caractère » alors nous n’avons pas voulu insister
et nous avons décidé d’écarter ses réponses pour ne retenir que celles de son supérieur
hiérarchique. Le second entretien à deux était s’est fait avec deux collègues de service. Nous
devions interroger l’une d’elle et elle a préféré venir avec sa collègue car selon elle c’était plus
rassurant d’être accompagné par une connaissance. Avec l’expérience du premier entretien à
deux qui n’avait pas vraiment été une réussite, nous appréhendions cette nouvelle tentative.
Mais nous avons été agréablement surpris par la manière dont tout s’est bien passé. D’ailleurs,
c’était une très bonne idée car l’une d’elle était un peu timide au départ, mais la manière dont
l’autre était à l’aise et ouverte a eu un effet positif sur elle et elle a pu s’ouvrir et être à l’aise à
169
son tour. Ce fut une très belle expérience. Enfin, le troisième entretien à deux comme les deux
autres précédents, s’est également offert à nous. Durant un entretien, un autre employé, l’un des
plus anciens avec plus de 30 ans d’expérience dans l’entreprise nous a rejoints et notre sujet de
recherche l’a intéressé. Il confirmait de temps en temps les réponses de notre interviewé.
Malheureusement, il ne parlait pas beaucoup car il est plus à l’aise en arabe qu’en français, cette
barrière de la langue a fait qu’il n’a pas pu répondre à toutes nos questions, ses réponses n’ont
donc pas été prises en compte.
Par ailleurs, nous tenons à préciser que nous avons dû éliminer deux autres entretiens. Le
premier était le tout premier entretien que nous avons mené dans à Parenin. Pour des raisons de
confidentialité, nous pouvons juste dire qu’il s’agit d’une personne occupant un poste très
stratégique et « sensible » à la fois, par conséquent, elle était mal à l’aise et répondait à peine à
nos questions. Et malgré nos efforts, il a été difficile de la rassurer et de la mettre à l’aise.
Néanmoins, cette personne a été une personne relais pour nous car c’est grâce à elle que nous
avons pu rencontrer le DRH de Parenin qui nous a permis de réaliser les autres entretiens.
Le second entretien que nous avons éliminé est un entretien réalisé sur le troisième site.
Durant l’entretien, cet interviewé a demandé que nous prenions des notes, refusant d’être
enregistré. Nous nous sommes exécutés mais à chaque fois que nous écrivions, il se rapprochait
de nous pour voir ce que nous étions en train de noter malgré que nous étions transparents :
nous lui répétions ses dires avant de noter, mais selon lui, il voulait se rassurer que ce que nous
écrivions était réellement ce que nous avions dit. Ce comportement nous a mis mal à l’aise,
d’autant plus qu’il ne portait pas de masque car il ne croyait pas à l’existence du covid-19. Nous
avons dû mettre fin à l’entretien pour éviter de nous mettre en danger. Ironie du sort, quelques
jours plus tard, nous avons reçu un appel du DRH nous exhortant à faire une quarantaine car
cet interviewé avait été testé positif au coronavirus. Nous avons donc fait une quarantaine de 7
jours immédiatement et heureusement pour nous, il y a eu plus de peur que de mal.
Au total quatres entretiens n’ont pas été pris en compte.
En plus des entretiens, il y a eu les observations non participantes et une analyse
documentaire. Par ailleurs, nous rappelons que les entretiens réalisés à MTI ont été ajoutés au
corpus de données. Pour ce travail de thèse, nous prendrons par en compte notre investigation
empirique, les observations menées à MTI et à Parenin, ainsi que les documents et notes de
terrains.
170
Tableau 16 : Données analysées dans le cadre de l’investigation empirique
Données analysées
Entretiens semi-directifs
Observation non participantes
Documents (code de conduite)
Source : Auteur
2.2.3. Les étapes de l’analyse des données
Nous avons fait une analyse de contenu thématique suivant le design d’analyse de
contenu de Bardin et nous avons présenté nos résultats dans des matrices conceptuelles (Miles
& Huberman, 2003). Dans ce qui suit, nous présenterons l’analyse de contenu thématique, le
choix de l’analyse de contenu, la définition et l’objectif de l’analyse de contenu, l’étape de la
préparation du corpus et l’étape de l’analyse de contenu.
a/ Analyse de contenu thématique
L’entretien semble être l’outil privilégié dans l’exploration des phénomènes car les
acteurs demeurent le meilleur moyen d’y accéder (Miles & Huberman, 1994). C’est pourquoi,
l’entretien a été privilégié dans notre recherche afin d’étudier le phénomène de métaphore et de
résilience organisationnelle à travers les points de vue des acteurs organisationnels. Il est
question de faire « parler » l’organisation à travers ses acteurs.
Il est à préciser qu’en général à la fin des entretiens (sauf pour 3 entretiens où nous
étions pressés par le temps) nous poursuivons la discussion de manière informelle en discutant
de sujets divers touchant à l’entreprise, à l’actualité ou à la politique. Cette étape de « retour
sur la discussion permet de mieux saisir les enjeux et les non-dits, (...) et doivent être intégrées
au corpus » (Baribeau, 2009 : 137).
Le rôle du chercheur pendant l’entretien est celui de guide ou d’animateur (Blanchet,
1982). Pour ce faire, il doit faire preuve de certaines qualités.
- Notre guide d’entretien est structuré autour des thèmes fondamentaux de la
recherche qui sont la résilience organisationnelle, la métaphore organisationnelle et
l’apprentissage organisationnel.
Nous avons élaboré plusieurs questions pour chaque thème afin de pouvoir orienter
l’entrevue. Toutefois, nous avons opté pour une démarche ouverte à la « surprise» (Yin, 2012)
afin de ne pas manquer mais plutôt saisir les particularités de nod cas étudiés. Pour ce faire,
nous n’avons pas hésité à rebondir sur le discours de nos répondants, en demandant soit un
171
approfondissement par des exemples concrets ou en les interrogeant sur le pourquoi et le
comment.
Nous précisons que nous nous sommes référés aux travaux sur la résilience
organisationnelle de Bégin & Chabaud (2010) qui est une référence dans les études sur cette
thématique, et également aux travaux sur l’apprentissage de Nonaka & Takeushi (1997) et
d’Argyris & Schön (1978) et à Bardin (2002) pour l’analyse de contenu.
b/ Le choix de l’analyse de contenu
La recherche est essentiellement un travail de justification et la phase d’analyse ne
dérobe pas à cette règle. Evrard (1993) signale qu’il est bon de rappeler que l’on parle d’analyse
de contenu lorsqu’il s’agit de recherche qualitative et d’analyse de données dans le cas d’une
recherche quantitative. Par ailleurs, nous avons explicité antérieurement que nous nous situons
dans une méthodologie qualitative et c’est ce qui explique l’adoption de l’analyse de contenu
dans cette recherche. Notre recherche vise la compréhension (Dumez, 2011). Notre objectif est
de faire émerger des significations et non de quantifier ou de valider des hypothèses
préalablement conçues. En effet, dans l’analyse de contenu, les données prennent la forme de
discours regroupant des informations dont le contenu doit être analysé pour en extraire des
significations et implications possibles (Bardin, 2003, 2009). Il s’agit explicitement d’analyser
le contenu de discours dans lesquels « les données cernées sont faites de mots et non de chiffres
» (Miles & Huberman, 1991).
c/ Définition et objectif de l’analyse de contenu
L’analyse de contenu est définie comme « un ensemble de techniques de recherche
d’analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de
descriptions du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non)
permettant l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception
(variables inférées de ces messages) » (Bardin, 2003 : 47). A partir de la définition précédente,
nous pouvons ainsi retenir que le but de l’analyse de contenu est de faire des inférences, c’est-
à-dire de déduire le ou les sens cachés des discours pour aboutir à des conclusions logiques qui
se dégagent du contenu des messages. L’analyse de contenu a donc pour but de dégager « les
sens des discours pour mettre à jour les systèmes de représentations véhiculés par ces discours»
(Blanchet & Goteman, 2007), ce qui correspond à l’objectif de ce travail.
Pour être de qualité, l’analyse de contenu doit suivre un processus rigoureux garantissant
le critère « d’objectivité ». L’analyse de contenu catégorielle peut prendre deux formes :
l’analyse lexicale qui se focalise sur une analyse linguistique des données et l’analyse
172
thématique qui est plus axée sur une analyse de sens. Pour les besoins de cette recherche,
l’analyse de contenu thématique est celle qui semble plus en accord avec les objectifs de ce
travail qui se concentre sur une analyse des « signifiés » (Bardin, 1998). L’analyse de contenu
thématique nous permet de développer les catégories selon une démarche inductive (Miles &
Huberman, 2007). Autrement dit, nos catégories sont issues du corpus des données collectées
sur le terrain, ce qui permet de révéler leur plein potentiel sans être contraint par une grille
d’analyse imposée (Bardin, 2009).
Notre méthode d’analyse de contenu suit les étapes du design proposé par Bardin (2009)
pour l’analyse et nous avons mobilisé les matrices de Miles & Huberman (2003) pour présenter
nos résultats.
Avant de passer à l’analyse des données, nous allons procéder à la préparation du corpus.
d/ L’étape de la préparation du corpus
Selon Gavard-Perret et al., (2012), avant la démarche générale d’analyse de contenu, il
est nécessaire de passer par une phase de préparation qui contient deux étapes : « l’intervention
sur le corpus et son indexation ».
- L’intervention sur le corpus : il s’agit d’une phase durant laquelle le chercheur opère
des traitements préalables sur le corpus afin de le rendre clair et prêt à l’analyse. Elle a consisté
pour nous, à faire la retranscription intégrale et la correction orthographique et grammaticale
des données enregistrées ou notées (notes de terrains et entretiens pour lesquels nous avons fait
des prises de notes). Durant cette phase, nous avons pris le soin de noter les caractéristiques des
répondants telles que le genre, le poste et l’ancienneté car l’intégration de ces informations à
l’analyse peut être intéressante pour comprendre le « sens des idées » ou les possibles « racines
des oppositions » (Baribeau, 2009). Nous avons également effectué une remise en ordre
chronologique pour les évènements et les étapes concernant la crise qui touche l’entreprise.
-L’indexation : selon les auteurs, il s’agit d’une opération qui concerne la gestion des
données et qui prend énormément de temps. C’est une opération minutieuse d’organisation et
de réorganisation permettant au chercheur de retrouver facilement les données à n’importe quel
moment de l’opération d’analyse. Elle suppose « beaucoup de soin et de rigueur » de la part du
chercheur. Cette étape nous a été nécessaire pour réorganiser le corpus « en sous-unités de textes
pertinents ». Elle nous a permis de réorganiser les données par des opérations de découpage, de
rapprochement des données allant dans le même sens, et de mise en relation de ces dernières.
Nous avons ensuite étiqueté et numéroté les documents.
Cette phase de préparation nous a donné l’occasion d’apprivoiser l’ensemble du
173
matériau collecté, de mettre en lumière nos intuitions et de prendre des décisions quant à
l’amorce des analyses (Baribeau, 2009).
Dans ce qui suit, nous présenterons d’une manière simplifiée notre démarche d’analyse
adoptée dans ce travail.
e/ Etapes de l’analyse de contenu
Après la phase de préparation, nous sommes passés à la phase d’analyse de contenu
proprement dit. Pour Bardin (2009 : 123), l’analyse de contenu se résume en trois étapes
essentielles qui sont : la pré-analyse, l’exploitation du matériel et l’étape du traitement des
résultats, l’inférence et l’interprétation.
174
L’étape de la pré-analyse : C’est la phase préliminaire qui consiste en trois temps : le choix
des documents à analyser, la lecture flottante en vue de formuler les hypothèses et les objectifs
de la recherche.
-Le choix des documents et la constitution du corpus : Cette phase a consisté à
déterminer l’ensemble des documents les plus pertinents qui seront soumis au processus
d’analyse (Bardin, 2009 : 127). Les documents analysés dans ce travail se constituent des
entretiens, des observations non participantes, des notes de terrains et du code éthique de
l’entreprise.
- La lecture « flottante » : Elle permet au chercheur de saisir le message explicite
véhiculé par les documents après une première lecture (et une relecture si nécessaire). Il s’agit
d’une phase dans laquelle nous avons essayé de nous familiariser avec les entretiens retranscrits
et les notes de terrains (Bardin, 2009). C’est une phase qui a été cruciale car elle nous a permis
de faire des choix préalables quant à la stratégie d’analyse c’est-à-dire les règles de découpage
et de catégorisation (Gavard-perret et al., 2012),
Nous avons ensuite défini l’objectif ultime de notre recherche. Il est à noter que
l’objectif est « la visée générale que l’on donne au cadre théorique et/ou pragmatique dans
lequel les résultats obtenus seront utilisés » (Bardin, 2009 : 128). Notre recherche a pour
objectif de co-construire la réalité de l’expérience vécue par les acteurs avec eux (Girod-Séville
& Perret, 1999). De manière plus spécifique, nous cherchons à analyser les données recueillies
pour faire ressortir les différents sens (cachés et apparents) qui s’en dégagent afin d’aboutir à
l’émergence d’une compréhension et à la saisie des éventuelles métaphores ancrées (notamment
celle de l’AO) sur les terrains et susceptibles de nous éclairer sur les concepts de résilience et
de métaphore organisationnelle pour les cas particuliers étudiés.
L’exploitation du matériel : Cette phase consiste essentiellement en opérations de codage,
(Bardin, 2009). Les codes sont «des étiquettes qui désignent des unités de signification » Miles
& Huberman (2003 : 112). Pour Bardin (2009), le codage consiste à découper, énumérer et
catégoriser les données.
- Le découpage : consiste à choisir les unités d’enregistrement qui vont être codés. Nous
175
avons choisi l’analyse thématique comme méthode d’analyse de contenu, notre découpage s’est
fait selon le thème abordé par les différents segments de texte. Le thème est le sens qui « se
dégage naturellement d’un texte analysé » (Bardin, 2009 : 136). Le choix de l’analyse
thématique a été motivé par le fait que la littérature préconise généralement « le thème comme
unité d’enregistrement lorsqu’il s’agit d’études portant sur les motivations, les opinions, les
attitudes, les valeurs et les croyances et lorsque l’entretien (non directif ou structuré) individuel
ou de groupe est employé comme outil de collecte des données » (Bardin, 2009 : 137). Ce choix
s’explique également par le fait que « l’analyse thématique défait en quelque sorte la singularité
de discours et découpe transversalement ce qui, d’un entretien à l’autre, se réfère au même
thème » (Blanchet & Goteman 2007, p.96). Par ailleurs, nous avons adopté les types de codage
recommandés pour la GT, à savoir le codage ouvert émergent, le codage axial et le codage
sélectif émergent (Corbin & Strauss, 1998, 2002).
- L’énumération : Elle fait référence aux règles de comptage. Nous avons choisi la
fréquence qui est la mesure la plus utilisée généralement. Il a été question pour nous de compter
le nombre de fois où un item apparaît dans les segments de texte.
- La catégorisation : C’est une opération de classification qui consiste à différencier
les éléments constitutifs d’un ensemble avant de les regrouper par catégories (Bardin, 2009).
Le but de l’étape de la catégorisation est de faire ressortir les thèmes principaux (ou méta-
thèmes) et les sous-thèmes afférents (Bardin, 2009). Notre critère de catégorisation est le thème.
Dans ce travail de recherche, les mots n’ont pas d’importance, c’est leur signification qui nous
semble le plus important. Durant cette étape, nous avons classé les thèmes ayant un sens
commun sous une même rubrique (c’est-à dire sous un même titre).
Dans ce qui suit, nous présenterons les résultats de l’échantillonnage théorique dans des
matrices conceptuelles (Miles & Huberman, 2003).
2.3. Matrices conceptuelles et présentation des résultats de l’échantillonnage théorique
Les matrices sont des outils qui aident le chercheur à présenter son travail de façon claire
et synthétique (Miles & Huberman, 2003). Cette optique correspond à la raison pour laquelle
nous les mobilisons dans ce travail.
2.3.1 Matrices conceptuelles de l’échantillonnage théorique de la capacité d’absorption
Les résultats d’analyse montrent la présence de deux types de catégories : les ressources
possédées par l’entreprise et les ressources déployées face à la crise qui se déclinent sous
plusieurs thèmes comme l’illustre le tableau suivant.
176
Tableau 17 : Matrice conceptuelle de l’échantillonnage théorique de la capacité
d’absorption
Auteurs et éléments
Catégories Thèmes
d’entretiens
Une entreprise hautement -Minztberg (1988) : Structure
Ressources possédées par structurée et organisée divisionnelle par produit
l’entreprise -Barney (1991) : ressources
organisationnelles
L’entreprise jouit d’une -Bégin & Chabaud (2010) :
bonne réputation c’est ce qui permet à une
entreprise en temps de crise
d’obtenir des « emprunts
exceptionnels » et de l’aide
des partenaires.
-Grant (1991) : ressources
réputationnelles
La présence d’une bonne -Bégin & Chabaud (2010) :
assise financière « organizational slack » ou
patrimoine accumulé dans le
temps
177
Deux plans de Bégin & Chabaud (2010) : la
Ressources déployées face restructurations : volonté de s’en sortir
à la situation de crise « Down sizing » et Plan de
restructuration fonctionnelle
Mobilisation de ressources -Bégin & Chabaud (2010) :
financières réserves immobilisées ou
patrimoniales
- Bégin & Chabaud (2010) :
prise de participation
-Sanchez et al., (2006) :
Ressources mobilisables
Campagnes de recouvrement Bégin & Chabaud (2010) : la
des créances volonté de s’en sortir.
Mobilisation des différents -Bégin & Chabaud (2010) :
réseaux de soutien appui sur le capital financier
familial
-Bégin & Chabaud (2010) :
la volonté de s’en sortir.
178
nouvelle activité -Bégin & Chabaud (2010) :
prise de risque
-(Teece et al., 1997 ; Teece,
2007) : capacités
dynamiques
Entrée sur les petits marchés - Bégin & Chabaud (2010) :
potentiels et focalisation sur des aspirations qui vont au-
tous types de clients delà des capacités actuelles
Instauration d’une culture -Bégin & Chabaud (2010) :
Maximisation des
clients Mobilisation de la direction
stratégies marketing
et des manageurs
Recherche d’informations et -Jeffrey (2006) :
veille stratégique Déploiement et traitement
des connaissances
sectorielles
Adaptation des plans Teece et al., (1997):
marketings aux exigences capacités dynamiques
de l’environnement
179
-Crossan et al., (1999) :
règles et procédures
-Zollo & Winter (2002) :
Routines organisationnelles
- Nonaka & Takeushi
(1997) : Internalisation
Acquisition et
Importance des programmes -Arrègle (1995) :
développement continuels
de formation développement des
des connaissances
compétences
individuelles
-Zollo & Winter (2002) :
Apprentissage délibéré
Favorisation des échanges Nonaka & Takeushi (1997) :
formels et informels entre Socialisation
les équipes de projet
-Nonaka & Takeushi
(1997) : combinaison
Mémoire organisationnelle
Manuels de procédures -Crossan et al., (1999) :
Institutionnalisation
Rapports annuels -Chabaud & Bégin (2010) :
PV de réunions
180
Conclusion du chapitre 4
Dans ce chapitre, nous avons eu pour ambition d’éclairer les aspects épistémologiques
et méthodologiques. D’une part, nous avons montré que ce travail relève du constructivisme
et s’inscrit de ce fait, dans une méthodologie qualitative (Section 1). D’autre part, nous nous
sommes attardés sur les aspects empiriques qui vont de la collecte des données à l’analyse et à
la présentation des matrices conceptuelles (Section 2).
Dans le chapitre suivant, nous présenterons les résultats de l’analyse des données.
181
CHAPITRE V : Présentation des résultats de
l’analyse des données collectées
182
Introduction du chapitre 5
Dans ce chapitre, nous présenterons tout d’abord dans une première section les résultats
de l’analyse des données du cas MTI (cas 1). Dans une seconde section, nous allons présenter
les résultats de l’analyse des données du cas Parenin (cas 2). Et enfin, nous allons conclure.
183
Section 1 : Présentation des résultats de l’analyse des données du cas
MTI (cas 1)
Dans cette première section, nous exposerons tout d’abord les éléments des entretiens, du
codage et de la catégorisation autour du thème de l’apprentissage organisationnel et ensuite,
nous exposerons les éléments émergents du terrain.
184
l’entreprise d’apprendre de
ses erreurs afin de s’améliorer
et devenir une meilleure
version d’elle-même de
manière constante.
185
créativité car dans cultiver la d’idées, etc…se conversion qui est à la base de
un tel environnement génération trouve ainsi au l’innovation (Nonaka &
toutes les idées sont d'idées cœur du Takeushi, 1997).
importantes et il faut discours de nos Cependant parler d’innovation
que tout le monde interviewés. pour une entreprise comme
reste vif d'esprit et MTI est un peu utopique dans
aussi, être dans le sens où elle n’est qu’un
l’optique de toujours « dealer » c’est-à-dire qu’elle
cultiver la génération ne fait que revendre les
d'idées ». produits Caterpillar sans
aucune modification ou
innovation. Les vendeurs sont
formés par CATERPILLAR.
Même au niveau des services
(réparation, conseil etc.), les
techniciens sont formés grâce
aux formations offertes par
Caterpillar. L’innovation pour
ce cas pourrait concerner les
techniques de ventes et les
stratégies de survie mais, elle
ne concerne pas les produits
ou les services en soi.
« A tous les niveaux Problèmes liés à Résolution de La résilience
hiérarchiques, on gestion des RH problèmes organisationnelle implique la
rencontre des Problématiques résolution de problèmes
problèmes mais au plus humaines habituels et inhabituels. Dans
niveau managérial ce le cas de MTI, la résolution de
sont des problèmes problèmes repose sur deux
liés à gestion des RH éléments. Elle repose d’une
et donc à des part sur un processus de
problématiques plus socialisation (Nonaka &
humaines que Takeushi, 1995) qui passe par
186
techniques. Quand il la discussion avec les
y a ce genre de supérieurs hiérarchiques et/
problèmes, je ou les collègues au cours de
demande conseil à un laquelle il y a un échange
Supérieur Demande de d’idées.
hiérarchique, à un conseil à un La résolution de problèmes
collègue, parfois je supérieur repose d’autre part sur des
recours à des hiérarchique connaissances techniques
ouvrages en autres que celles que possède
management pour l’employé, ce qui s’apparente
résoudre le à l’apprentissage,
problème. La particulièrement à la
décision finale me deuxième boucle d’Argyris &
revient généralement Schön (1978).
surtout quand cela La résolution de problèmes
concerne les projets fait partie de la capacité de
sur lequel je travaille renouvellement de
sinon j'ai des l’entreprise, une dimension
supérieurs importante de la capacité de
hiérarchiques qui résilience. Cette capacité de
sont aussi impliqués renouvellement consiste en la
dans ces projets et Implication des prise de décisions
donc la décision est supérieurs opérationnelles et stratégiques
aussi commune. hiérarchiques Prise de décision en vue d’une meilleure
Décision stabilité dans le présent et
commune dans l’avenir.
187
certaine capacité à Capacité à ont confié que le directeur
communiquer car communiquer privilégie ce type de
lorsque la management tout d’abord par
communication est ce qu’ils ne sont pas
fluide, tout le monde nombreux, mais également à
est à l'aise pour cause du contexte très
mieux travailler, sensible dans lequel ils sont
s'adapter et être Bien-être appelés à travailler (celui de
réactif ». collectif la Lybie). Ainsi, il y a une
réunion chaque lundi matin
afin de voir les tendances et
analyser les informations
économiques, politiques
sociales et juridiques de la
Lybie afin de comprendre et
voir les mesures à
entreprendre. L’accent est mis
sur la contribution et les
capacités de chacun à apporter
des idées novatrices.
Dans ce tableau, nous avons présenté les verbatim autour du thème de l’apprentissage
organisationnel qui est notre thèse de départ. En effet, nous nous posons la question de savoir
si la RO peut être la métaphore de l’apprentissage organisationnel, plus précisément de la
socialisation (Nonaka et Takeushi, 1995 : 1997). Autrement dit, il est question de comprendre
si la RO serait une autre manière de parler de l’apprentissage organisationnel. L’analyse des
données du cas 1 montre que l’apprentissage existe bien à MTI. La socialisation y est une réalité
à nuancée. A travers les réunions régulières et les comptes rendus des réunions ainsi que le
partage d’expérience, les différentes connaissances sont partagées et prises en compte dans la
stratégie globale de l’entreprise.
188
II. Présentations des éléments émergents du terrain
Le recueil de données a fait apparaître de manière spontanée des éléments significatifs,
autres que ceux qui s’articulent autour du thème de l’apprentissage qui est notre thèse de départ.
Ces éléments concernent la capacité stratégique de l’entreprise et s’expriment à travers deux
registres : celui des ressources et des compétences. Pour une meilleure synthèse, nous
présenterons tout d’abord les verbatim autour du thème des ressources, ensuite nous
présenterons les verbatim autour du thème des compétences.
Tableau 21 : Matrice des éléments des entretiens, du codage ouvert autour du thème des
ressources
Verbatim Codage ouvert émergent
« On a perdu beaucoup d’argent. Imaginez MTI possède des ressources financières qui
une société dans laquelle on a investi et on a l’aident à tenir face à la crise. En effet, tous
perdu presque tout cet argent lors de la les employés interrogés ont évoqué l’histoire
guerre qui a eu lieu à la fin de l’anné 2014 de la destruction de la base durant la
car nous avons eu toute une base détruite. révolution lybienne, avec tout le matériel qui
Malgré cela nous avons proposé une s’y trouvait. Certains parlent de pertes qui
augmentation de capital pour faire face aux s’évaluent en millions de dollars. A cette
menaces du marché et les actionnaires ont époque, l’activité était vraiment « à terre ».
accepté de mettre encore de l’argent même si Mais la réinjection d’un capital financier a
nous sommes passés par des années très permis à l’entreprise de « renaître de ses
difficiles ». cendres ». La confiance des dirigeants à ce
stade a été un élément déterminant. En effet,
tous les interviewés ont admis que sans la
confiance des dirigeants, l’entreprise
n’existerait plus aujourd’hui.
« Nous sommes sensibles à l'environnement MTI dispose d’une ressource stratégique qui
et au changement pour pouvoir les est la veille, aussi bien au niveau sécuritaire
anticiper. Nous cherchons à ne jamais être qu’au niveau économique.
dépassés par les événements et Pour MTI qui évolue dans un environnement
l'environnement pour avoir un avantage par qui évolue constamment à une vitesse
189
rapport aux autres. Cela nous conduit à exponentielle, la veille stratégique est une
faire une veille sécuritaire et économique nécessité. Elle est donc déployée pour faire
sur la situation en Libye et on les fait face à la crise. Selon certains interviewés,
circuler dans toute l'entreprise ». cette veille concerne aussi bien la Lybie que
la Tunisie où l’entreprise doit faire une veille
juridique afin de ne pas aller à l’encontre de
la loi ou de ne pas se priver des droits que lui
accorde la législation tunisienne en tant que
société exportatrice.
Par ailleurs, l’anticipation est une
composante capitale de la résilience
organisationnelle selon Koninckx et Teneau
(2011).
190
moment où tu ne gagnes pas beaucoup
d'argent tu dois être plus petit pour survivre.
En Tunisie, on a aussi réduit l’effectif parce
qu'il y avait moins d'activité et donc moins
de travail. A présent, on est resté une
vingtaine : une dizaine en Tunisie et une
dizaine en Lybie ».
Source : Auteur
L’analyse des données montre que MTI est une entreprise qui dispose de ressources
stratégiques qui assurent sa pérennité dans le contexte de crise et de complexité que représente
le marché libyen. Parmi ces ressources, on note l’importance de l’anticipation, la confiance des
dirigeants et des ressources financières qui expliquent sa durabilité.
191
table avec des chiffres. Je sais qu’il y a un permet de prendre de bonnes décisions,
problème aujourd’hui, mais j’ai toujours ce qui, dans un contexte de crise n’est
été très convaincu et très confortable pas une chose aisée.
quant à l’avenir malgré la situation en Selon les interviewés, les compétences
Lybie et en Tunisie. Et on a réussi et on a du manager ont joué un rôle décisif. En
gagné de l’argent et on sait désormais effet, les compétences techniques, les
comment gagner de l’argent malgré la compétences en matière de persuasion et
situation ». de communication ont permis au
manager de convaincre la famille et les
actionnaires de continuer l’activité
malgré les pertes essuyées et même de
réinjecter de l’argent à nouveau pour
assurer la continuité de l’activité.
Ces compétences transversales ne sont
certes pas des compétences stratégiques
au sens de Prahalad & Hamel (1990)
puisqu’elles ne concernent pas vraiment
le savoir-faire de l’entreprise mais elles
pourraient être considérées comme
stratégiques pour MTI puisqu’elles lui
ont permis de se relever. Aussi, la
positivité et l’espoir d’une amélioration
de la situation semblent avoir joué un
rôle dans le redressement de l’entreprise.
L’analyse des entretiens montre l’existence et l’importance des compétences aussi bien
pour les managers que pour les techniciens de MTI. La pérennité de l’entreprise repose en partie
sur la détention de ces compétences stratégiques.
192
Section 2 : Présentation des résultats de l’analyse des données du cas
Parenin (cas 2)
Dans cette section, nous présenterons les résultats du codage ouvert émergent, axial et
sélectif émergent (Corbin & Strauss, 1998 ; 2004) relatif au cas de Parenin.
Dans ce qui suit, nous allons présenter les éléments des entretiens, du codage et de la
catégorisation dans un premier temps avant de présenter dans un second temps les résultats de
l’analyse de l’observation non participante et de l’analyse documentaire.
193
eu l’esprit concerne l’apprentissage, le monde des
américain ». affaires et le mode de gouvernance de
l’entreprise familiale. Dans la poursuite de
son idéal culturel, l’entreprise a intégré
l’apprentissage comme source
d’amélioration continue dans la culture de
l’entreprise, en témoignent les nombreux
programmes de formation. L’apprentissage
est également source de compétitivité dans
un monde où la concurrence devient de plus
en féroce.
« A caterpillar, si L’apprentissage est l’un des « poumons » de
tu occupes un Caterpillar. L’apprentissage représente un
poste, tu as tout Développement idéal à atteindre pour ce dernier. Parenin
un cursus Cursus de compétences étant une concession, elle est alignée sur son
d’apprentissage d’apprentissage concédant et sur cet idéal. Par conséquent,
sous la main, soit l’entreprise mise sur l’apprentissage comme
tu en profites ou L’apprentissage la clé de compétences et de qualité des
pas et c’est Opportunisme est perçu produits et services, ce qui contribue
raté ». positivement positivement à la performance.
L’apprentissage est ici un idéal partagé au
sein de Parenin et de Caterpillar.
« Les techniciens Appréciation Les employés Les employés partagent largement l’idéal
et les employés de des programmes font preuve culturel de Parenin qui est l’apprentissage
Parenin en de formation d’un continu. Cela représente un facteur crucial
général, aiment apprentissage pour l’organisation. Alors que la résistance à
beaucoup et Volonté délibéré délibéré cet idéal aurait pu retarder l’entreprise, son
prennent au d’apprendre intégration la propulse. S’aligner avec
sérieux les l’évolution technologique permet à
formations, ça Désir d’être en l’organisation de ne pas devenir obsolète et
c’est bien. Parfois phase avec permet aux individus d’actualiser et
dans d’autres l’évolution d’augmenter leur base de connaissances.
entreprises, ils se technologique
194
disent « je vais L’apprentissage est ainsi favorisé par
perdre mon temps l’intériorisation des connaissances explicites
avec la (Nonaka et Takeushi, 1997) explicites à
formation », mais travers les formations.
là, ils ne sentent
pas que c’est une
perte de temps.
Parfois ils
viennent me dire
« il y a un
nouveau produit
mais on n’est pas
bien formé, on a
besoin d’un
programme de
formation », ils
apprécient en fait,
ils ne peuvent pas
rester comme ça
à l’aveuglette
devant une
nouvelle machine
sans savoir
comment ça
marche ».
« Le « learning « Learning Les formations Parenin s’assure dès le recrutement que
plan » est un plan plan » jouent un rôle l’employé intègre cela. C’est pourquoi, les
de développement Besoins de indéniable formations font partie des règles et
spécifique à formations procédures de l’entreprise. Tout refus de
chaque « Planning » de L’apprentissage formation pourrait aboutir à des sanctions
technicien. Le formation à travers les sous forme d’impossibilité d’avancement
technicien, après formations est dans la carrière. En effet, selon nos
son embauche et la stratégie répondants les programmes de formations
195
les analyses adoptée par pour les techniciens comportent trois
faites, il est l’entreprise pour niveaux, donc les formations et les réussites
informé des Planification des l’ensemble de aux examens font évoluer le niveau. Le fait
formations, de ses formations à son personnel que les formations soient imposées montre
besoins et du l’avance la détermination de l’entreprise à atteindre
planning pour son idéal culturel en termes d’apprentissage
suivre ses Obligation de se qui est une culture dans cette entreprise.
formations. former
Les formations
sont planifiées
d’avance, ce sont
des formations
continues et ce ne
sont pas les
salariés qui les
demandent ».
« Aussi la RH fait Les formations jouent un rôle important
des formations dans la poursuite de l’idéal organisationnel
pour les car elles constituent la clé d’acquisition de
Formations pour
superviseurs, compétences aussi bien pour les techniciens
les nouveaux
lorsqu’ils que pour les managers. Il y a donc cette
manageurs
deviennent des volonté de s’inscrire dans une logique de
Acquisition de
managers pour performance managériale car elle a
Les compétences
savoir comment conscience que bien gérer les employésles
compétences de managériales
gérer une équipe incite à être plus productifs et donc plus
management
par ce que ce performants. Ce qui va impacter
s’apprennent par
n’est pas tout le l’organisation de manière positive.
les formations
monde qui sait
gérer une
équipe ».
Formalisation L’employé n’a pas vraiment besoin
« Pour le travail, Le travail se fait
L’employé est d’innover dans son travail puisqu’il a des
l’employé a des selon les
dans son travail directives claires de ce qu’il doit faire et la
196
procédures à manuels de manière dont il doit le faire, ce qui offre très
suivre ». procédures peu de marge de manœuvre. Nos
interviewés ont mentionné l’importance des
manuels de procédures dans leur travail et
dans l’entreprise toute entière. Cela
correspond à l’externalisation dans le
processus de création de la connaissance de
Nonaka & Takeushi (1997) et à un
apprentissage en première boucle (Argyris
& Shön, 1978)
« Les manuels de Inconvénient Les côtés négatifs des procédures de travail
Limites de
procédures des manuels de peuvent être une opportunité pour l’employé
procédures de
peuvent créer des procédures d’innover, c’est ce qui transparaît à travers
travail
limites pour les le recours aux dérogations. Cependant, la
Obstacle à la
clients, surtout en majorité de nos interviewés nous a confié
satisfaction des
ce qui concerne que le salarié qui a fait une entorse aux
besoins des
les projets où il y règles et procédures de travail doit le faire
clients
a des procédures Pour remédier en restant dans l’esprit des procédures, c’est-
qui ne permettent aux côtés à-dire de reporter le problème à son
pas de répondre négatifs des supérieur hiérarchique qui donnera son
Dérogation aux
aux besoins des procédures de accord ou non. L’initiative de dérogation
procédures
clients. Le client travail, il est peut être proposée par l’employé mais la
peut avoir un possible de décision de déroger ne lui appartient pas. Par
besoin immédiat recourir aux ailleurs, ce dernier doit rapidement
Accord du chef
d’un outillage dérogations régulariser la situation dès que possible. Les
pendant le week- règles et procédures font partie intégrante de
end, le l’organisation.
L’esprit de
commercial en La créativité de l’employé se limite à la
satisfaire le
parle avec son détection et à la proposition de dérogation.
client à tout prix
chef qui va Selon certains interviewés, les techniciens,
donner l’accord les plus anciens donc les plus expérimentés
pour la vente qui sont sur le terrain peuvent prendre des
malgré que les décisions d’eux-mêmes pour la résolution
197
procédures Démarche des problèmes qu’ils rencontrent. Une fois
d’exécution de appréciée par les de retour dans l’organisation, ils doivent
bon de commande responsables L’esprit faire le rapport exact de ce qu’ils ont fait.
ne soient pas procédural est
respectées. Mais très ancré dans
on fait cela dans Les dérogations l’entreprise
l’esprit de suivent elles-
satisfaire une mêmes un
clientèle et schéma
surtout pour la procédural
nature de leur
activité car un
moteur à l’arrêt
pour elle, est un
grand problème
donc on doit la
satisfaire à
n’importe quel
prix et cela est
apprécié par les
chefs et la
direction. Donc,
en fonction du
problème,
l’employé peut
agir seul ou venir
vers son
supérieur ou moi.
Si c’est dans mon
périmètre, je vais
donner les
autorisations
mais parfois moi-
198
même cela me
dépasse et je dois
aller vers la
direction pour
obtenir les
autorisations
nécessaires dans
les limites de ses
capacités ».
« Il y a des L’entreprise privilégie une démarche
Amélioration
améliorations réflexive qui sert à identifier et à corriger les
continuelle des
continuelles au erreurs de ses « process ». Le but est de les
procédures et
niveau des rendre performants et plus adaptés aux
procédés de
« process » d6onc besoins des clients, mais cela règle
travail
il faut toujours se également les problèmes qu’ils posent. Un
mettre à jour. Il y employé nous a confié qu’on ne peut pas se
Audit des
a toujours des passer des « process » et qu’on résoud un
« process »
audits par problème de « process » par des « process »
rapport aux améliorés. Il y a par conséquent une remise
L’amélioration Culture
« process » qui ne en question de la part de l’organisation qui
des « process » d’amélioration
font que les aboutit à un changement des manières de
continue « des
améliorer. Le faire à travers cette amélioration des
process »
projet sigma c’est « process ». Cela modifie les
pour comportements des employés puisqu’ils
l’amélioration doivent désormais s’adapter aux nouveaux
des « process ». « process » bien plus performants.
Donc il ya tout le
temps cette
amélioration des
Importance des
« process » que
audits interne
ce soit chez
pour
Caterpillar ou
6
« Process » =procédures
199
chez Parenin. Ce l’amélioration
sont des projets des « process »
qui s’étendent sur
deux ou trois ans
au niveau des
pièces des
ateliers. Les
« process » sont
là et sont tout le
temps révisés.
Donc chaque
année y’a 20
missions d’audit
en interne
minimum dans le
but de les
améliorer ».
200
1.2. Présentation des verbatim autour du thème de la capacité stratégique
Le thème de la capacité stratégique a fait surface de manière spontanée dans le
discours de nos interviewés. Nous avons pensé qu’il serait intéressant de se pencher
dessus afin d’analyse son possible rapport avec notre objet d’étude. Pour une
meilleure compréhension, nous allons analyser la capacité stratégique en présentant
premièrement les verbatim autour du thème des ressources et deuxièmement, en
présentant les verbatim autour du thème des compétences.
201
l’entreprise ont monté la garde de manière délibérée
et systématique en 2011 pendant la révolution, pour
la protéger des actes de vandalisme qui étaient alors
courants à ce moment-là. Nombreux de nos
répondants s’identifient aux valeurs de l’entreprise
qu’ils jugent être en accord avec les leurs.
Ainsi, des employés ayant développé un fort
sentiment d’appartenance et d’identification sont des
ressources humaines dont l’entreprise pourrait avoir
besoin car dans les temps de crise, leur rôle de
soutien est crucial.
Le succès de l’entreprise repose également sur les
liens familiaux tissés comme l’ont confié certains
employés.
« Les clients sont habitués à Parenin, pour Les clients sont une ressource incontournable pour
eux, c’est la société la plus solide et la plus l’entreprise. Cette dernière dispose d’un portefeuille
stable en Tunisie et la plus soutenue par les clients qui a confiance en elle et qui croit en sa
banques ». pérennité. Ce sentiment et cette perception positive
favorise la fidélité des clients même en temps de
crise, ce qui permet à l’entreprise de continuer son
exploitation. Certains répondants nous ont confié
que l’entreprise a une politique de proximité et de
flexibilité avec les clients. Dans les moments de
crise, comme c’est le cas actuellement, ils ont
confiance que l’entreprise va les soutenir en leur
accordant des délais de paiement un peu plus long
que d’habitude.
« C’est grâce à la diversification dès le L’entreprise a opté dès sa création pour une stratégie
départ de ses produits que l’entreprise arrive de diversification, qu’elle a poursuivie au cours du
à s’en sortir. Elle commercialise des produits temps. Elle dispose ainsi de ressources stratégiques
industriels, agricoles, des produits de travaux qui lui ont permis de ne pas s’effondrer lorsqu’un
publics et si une marque subit une baisse, les secteur ou un produit/service se vend mal. Elles lui
permettent de capitaliser sur les secteurs et les
202
autres marques compensent, c’est pourquoi produits les plus rentables. Cela lui permet de garder
Parenin est toujours équilibrée ». un certain équilibre.
Les raisons pour lesquelles l’entreprise s’en sort
peuvent être dues selon certains interviewés, au fait
qu’elle arrive à combler les pertes de certains
produits avec les gains des autres produits.
« Nos partenaires nous fournissent des outils Les partenaires soutiennent l’entreprise et ses
et supports techniques. Ils assurent salariés. Ce sont les avantages liés à la concession.
également des formations en ligne ou chez L’entreprise est la protégée du concédant, qui la
eux, à l’étranger ». soutient de différentes manières, notamment par des
supports de travail.
L’entreprise est dotée de ressources documentaires
et relationnelles avec ses fournisseurs. Ils font parti
du capital social de l’entreprise.
L’entreprise peut compter sur eux pour des aides et
de l’assistance non financière. Nos répondants nous
ont confié que les fournisseurs sont de grands
soutiens pour l’entreprise. Ils sont comme des
« guides » pour elle.
Les ressources financières sont importantes pour
toute entreprise.
L’assurance d’un soutien financier en tout temps est
« Je pense plus que c’est le poids de la
un facteur de sérénité pour l’entreprise. La présence
banque qu’on ressent, en termes de stabilité,
de ces ressources, en plus des réserves de
en termes financiers, ça on le sent, la
l’entreprise explique la raison pour laquelle elle
puissance d’une banque. Il y a aussi
tient bon pendant que les autres s’écroulent.
l’assurance. Economiquement, le groupe a un
Pour cette entreprise, les ressources financières
haut niveau, c’est l’une des raisons de la
jouent un rôle important pour sa pérennité.
stabilité de l’entreprise ».
Le fait d’être inséré dans un réseau familial lui donne
le privilège de profiter d’un soutien financier de la
part des autres entreprises du groupe et surtout de la
banque.
203
« Notre service SAV (Service après vente) est Le SAV représente une ressource stratégique pour
de qualité et bien structuré : c’était et c’est l’entreprise. Il est source d’avantage concurrentiel
notre argument principal de vente ». pour cette dernière. Les techniciens sont très bien
formés et font un travail de qualité qui fidélise le
client. Les personnes interrogées nous ont confiés
que les techniciens représentent essentiellement
l’avantage concurrentiel de Parenin.
L’entreprise dispose d’informations concernant son
« Le marché tunisien est un petit marché. Les
environnement qui constituent une ressource
informations sont donc accessibles ».
précieuse.
« La digitalisation n’a pas été facilement L’entreprise s’est dotée de ressources
acceptée par tout le monde, ce n’était pas technologiques pour s’adapter à l’environnement
facile. Avant, quand on saisissait une mais également pour être plus efficace. Il y a une
information, on la saisissait n’importe volonté délibérée des salariés à apprendre à travers
comment, mais maintenant ce n’est plus le les formations. L’entreprise s’est adaptée à
cas, on a fait comprendre à tout le personnel l’évolution technologique et cela a un effet positif
que l’information compte et qu’elle doit être sur les employés.
rigoureusement saisie sur le système, du coup
tout le monde est averti, les emplyés ont donc
fait des formations, ils ont été sensibilisés. Il y
a ceux qui disent oui on accepte et ceux qui
disent « c’est un nouveau système, c’est
difficile » mais quand même ils finissent par
sentir la différence quand ils utilisent le
logiciel, pas au moment de la saisie de
l’information mais après parce que quand le
salarié se retrouve à utiliser ou à lire
l’information qu’il a saisie, là il voit la
différence, par la suite il comprent que c’est
nécessaire et que c’est bien pour tout le
monde. Les choses ont vraiment changé,
maintenant ce sont eux qui veillent sur la
qualité des informations, parfois il arrive
204
qu’ils me demandent « pourquoi on ne saisit
pas telle ou telle information ? ».
Notre analyse des données montre qu’il existe un ensemble de ressources disponibles qui
participent à la pérennité de l’entreprise. Parmi ces ressources, nous avons les ressources
matérielles, les ressources réputationnelles, le capital social, les ressources stratégiques, les
ressources informationnelles et technologiques. Les résultats de l’analyse des données
démontrent ainsi la présence d’une métaphore des ressources. En effet, l’entreprise a su se doter,
au fil du temps et de son histoire de nombreuses ressources qui participent à sa résilience. Ainsi,
la capacité à absorber la crise et à se renouveler repose sur la détention et le déploiement de ces
ressources stratégiques.
205
cette raison qu’il est resté jusqu’à présent
dans l’entreprise et que le jour où cela
changera il s’en ira. L’entreprise prend
en compte des critères objectifs de mérite
et non des critères subjectifs basés sur les
liens de familiarité.
Parenin détient ainsi des compétences
managériales qui participent au bien-être
des employés. Cette compétence est
source de motivation pour les employés.
« Il y a la bonne stratégie envers ses clients, Parenin possède des compétences en
pour Parenin le client est roi, on le fidélise à matière de stratégie marketing. Le
travers certains actes. Par exemple, il suffit de marketing est une fonction essentielle
fournir des services, de vendre des machines et pour l’entreprise. Il lui permet d’attirer
d’octroyer des échéances surtout dans les de nouveaux clients et de fidéliser les
périodes de crise, c’est un très bon moyen pour anciens. La stratégie de fidélisation de
fidéliser le client. Cette année avec les Parenin pendant la crise du covid a eu un
problèmes de corona, il y a des sociétés qui ont impact positif sur ses clients. Un
des problèmes financiers. Une société peut répondant nous a confié que les clients à
avoir besoin d’une réparation ou d’un entretien qui Parenin a octroyé des échéances qui
pour poursuivre son activité industrielle, si tu leur permettaient de poursuivre leurs
assures cela par un simple bon de commande et activités voient désormais l’entreprise
que tu attends 90 jours pour être payé, alors le comme un partenaire et non comme un
client sera très content ». simple fournisseur.
« Nos vendeurs et conseillers après vente sont la Parenin mise sur la bonne gestion de la
plupart du temps auprès du client, pour le relation client. Un interviewé nous a
conseiller, l’iader à résoudre ses problèmes et confié qu’il y a eu la mise en place du
cela est généralement apprécié. Chaque « customer relationship » pour mieux
semaine, ils font des visites pour assurer le suivi gérer le circuit et la relation avec les
des machines car après chaque vente, le clients. Ainsi chaque conseiller a un plan
conseiller établi un planning de visites à de suivi bien déterminé par semaine. Ce
effectuer auprès de ses clients pour voir leurs suivi leur permet également de faire de la
besoins et les conseiller, il y a des clients qui prospection. L’entreprise dispose par
206
rencontrent des problèmes techniques avec leurs conséquent de compétences en matière de
machines et avec un simple conseil du réparation, de conseil et de gestion de la
conseiller, cela résout leurs problèmes, le client relation client.
apprécie cela. Et bien sûr, ces visitent sont aussi
des occasions de proposer d’autres produits aux
clients ».
« Pour moi, c’est la bonne gestion des dirigeants Les compétences en matière de stratégie
qui fait que l’entreprise est à ce niveau de sont déterminantes pour une entreprise
performance malgré le contexte actuel ». familiale. Une bonne gestion va conduire
à la croissance alors qu’une mauvaise
gestion pourrait conduire à la faillite. La
gestion de Parenin est basée sur des
indicateurs et des objectifs clairs de
performance. Par ailleurs, la présence
d’une forte formalisation qui se traduit
par l’application stricte des procédures
semble être un instrument efficace de
gestion.
« On a un management qui est vraiment Le management participatif est le style de
rigoureux, c’est-à-dire qu’on respecte les management présent à Parenin et les
procédures et il ya le respect mutuel, ce sont employés semblent apprécier cela. Les
ces élements qui aident la continuité et la compétences en matière de management
persévérance de la société ». constituent l’une des clés de motivation
des employés. Un individu qui se sent
respecté est susceptible de développer
une appartenance à l’organisation et une
motivation dans son travail.
« Moi je dirai que c’est plus le côté expérimenté, Les dirigeants de Parenin maitrisent
bien chevronné de l’ancien des frères B.Y, certaines compétences liées à la gestion
c’était de bons visionnaires, ils étaient assez d’entreprise mais également liées à
connus, c’étaient des anciens ambassadeurs, l’activité de vente de l’entreprise grâce à
l’expérience avait sa valeur ici, la famille B.Y a l’expérience accumulée.
opté pour des gens bien expérimentés pour
207
mener à bien ses activités, mais ça ne veut pas Ils ont une maîtrise des différentes
dire qu’ils ne sont pas en train de suivre de près activités, ce qui leur permet de prendre
ce qui se passe ». de meilleures décisions et de gérer
Même Mr Hanim (le président du conseil et fils l’entreprise de manière optimale.
du propriétaire), il n’a pas commencé comme
DG quand il a intégré Parenin, il était d’abord
le directeur SAV, il a fait le tour de tous les
postes pratiquement, donc il a fait un stage
dans tous les postes, même dans les ateliers, il
est ensuite devenu le secrétaire général avant
de devenir DG, tout ça s’est fait en 22 ans.
C’est pour tout ça qu’on dit qu’ils suivent de
près parce qu’ils savent exactement comment
ça marche, c’est la bonne stratégie sinon ils ne
sauront pas comment bien gérer ».
« Tout ce qui est opérationnel, n’est pas géré Les dirigeants de Parenin détiennent des
par les membres de la famille, je trouve que compétences en ce qui concerne la
c’est bien de laisser l’opérationnel en dehors gestion de l’entreprise. Le fait de laisser
des membres de la famille. Mais tout ce qui est les fonctions opérationnelles aux
stratégique et décisionnel relève des membres gestionnaires responsabilise ces derniers
de la famille. Je pense que c’est une bonne et leur laisse une marge de liberté d’agir.
chose, c’est un bon choix. Selon nos répondants, les managers et
chefs de services et départements sont
évalués sur la base de leurs résultats
mensuels et non sur la base de ce qu’ils
font quotidiennement. Ils ont opté pour le
management par objectif.
« Il y a des choses qu’on ne trouve pas dans les Les managers et responsables de
autres organisations comme le fait d’avoir un l’entreprise font preuve de compétences
dépassement hiérarchique par exemple, il y a en matière d’instauration d’un climat de
des entreprises où on n’accepte pas qu’un communication efficace entre salariés et
technicien discute avec un chef de département responsables et cela participe à la
parce qu’il est un chef mais chez nous, un motivation des employés.
208
technicien peut parler avec un directeur
général directement, l’information peut passer
directement. Même la communication
informelle, je ne la favorise pas mais la nature
du travail nous oblige à communiquer plus de
manière informelle. Cependant, la
communication avec les clients doit être
formelle (ou directe) ».
Conclusion Parenin détient différentes compétences
fondamentales. Elle détient des
compétences clés en matière de vente et
de fidélisation des clients grâce aux
compétences de réparation, de conseil et
de gestion de la relation client. Par
ailleurs, elle semble disposée de
compétences en matière de bonne
gouvernance.
Selon Penrose (1959), il ne suffit pas d’avoir des ressources, encore, faut-il disposer de
compétences capables d’utiliser ces ressources de manière efficiente pour créer un avantage
concurrentiel. Les compétences représentent le mode de coordination des ressources, le savoir-
faire de l’entreprise (Prahalad & Hamel, 1990).
209
II. Présentation des résultats de l’analyse de l’observation non
participante et de l’analyse documentaire
Dans cette partie, nous présenterons premièrement les résultats de l’analyse de
l’observation participante. Ensuite, nous exposerons les résultats de l’analyse du code de
conduite de l’entreprise.
210
permet de fidéliser aussi bien les employés
que les clients.
Lieu : Discussion avec un Les bonnes conditions de travail sont
« restaurant employé Bonnes susceptibles de créer un engagement
(pendant le « Malgré tout, nous conditions de affectif vis-à-vis de l’entreprise. Cet
déjeuner) » avons de bonnes travail engagement affectif pourraire conduire à
conditions de un soutien de la part des employés même
travail, nous Avantages dans les moments de crise. Ce soutien est
mangeons de bons une ressource symbolique qui joue un rôle
repas au restaurant indéniable dans la capacité d’absorption en
et cela ne coûte temps de crise.
presque rien »
Lieu : Discussion avec un L’entreprise a su se constituer des réserves
« Bureau » employé qui a été durant les années « d’abondance ». Ces
muté dans une réserves jouent un rôle important dans la
autre entreprise capacité d’absorption des crises auxquelles
du groupe elle fait face. Par ailleurs, elle fait partie
« Il s’agit d’un d’un grand groupe familial. C’est l’une des
grand groupe qui Grand groupe raisons de sa résilience. En effet, elle est au
comprend cinq sein d’un groupe dans lequel, elle peut
pôles. Leur force Constitution de obtenir des ressources financières sous
tient au fait qu’ils réserves forme de crédits ou prêts dans les temps
ont constitué des Soutien de la difficiles afin de continuer son activité.
réserves pour les banque
temps de pluies et la
banque est du
groupe est toujours
là pour filer un
coup de main en cas
de besoin »
Les observations non participantes confirment davantage ce que les entretiens ont
révélé en ce qui concerne la capacité stratégique. Les personnes concernées attribuent la
211
résilience de l’entreprise à sa capacité stratégique la présence de la métaphore des ressources.
Parenin dispose de ressources et de compétences variées qui lui permettent de s’en sortir face
à la crise.
212
« Nous demandons à Donner le meilleur de Recherche de Nos répondants ont
chacun de nous de donner lui-même l’effort et de soulevé le fait qu’il
le meilleur de lui-même, l’excellence existe une véritable
d’apprendre de ses culture de travail et
réussites et de ses échecs, Apprendre de ses L’entreprise d’apprentissage dans
de saisir les opportunités réussites et de ses encourage les l’entreprise.
d’amélioration par ses échecs comportements L’importance accordée à
propres initiatives ou par Saisir les opportunités opportunistes qui l’apprentissage des
l’intermédiaire des Initiatives personnelles favorisent individus est liée à la
programmes de formations de formation l’apprentissage compréhension des
proposés par la société ». Programmes de individuel et le enjeux de celui-ci pour
« Nous encourageons le formations proposées professionnalisme l’organisation. En effet,
développement personnel par l’apprentissage, les
et nous aidons nos individus peuvent
employés à maîtriser leurs développer leurs
compétences ». compétences et offrir des
services de qualité,
surtout, comme il s’agit
d’une entreprise
commerciale.
« Nous utilisons la Recours à la technologie L’utilisation de la L’entreprise dispose de
technologie pour Amélioration de la technologie Technologies
améliorer la performance performance participe à d’Information et de
de nos produits, rendre Sûreté des lieux de l’amélioration de Communication (TIC)
nos lieux de travail plus travail la qualité du qui participent à la
sûrs, productifs et Productivité et efficacité service et du professionnalisation de
efficaces ». des employés professionnalisme son travail. C’est
de l’entreprise pourquoi, l’entreprise
s’est digitalisée afin de
mettre à la disposition de
ses employés, des
moyens de travail
efficaces. Certains
213
répondants lors de nos
entretiens nous ont
confiés que les
techniciens sont dotés de
tablettes sur lesquelles
ils peuvent travailler
directement lorsqu’ils
doivent saisir ou faire le
rapport de leurs
interventions sur le
terrain. La digitalisation
se voit également à
travers la mise en place
d’un site internet qui
permet aux clients et
fournisseurs de connaître
l’entreprise et ses
activités. Ceci
contribution à son
amélioration et à sa
performance.
Encouragement actif du L’importance de L’entreprise estime
travail d’équipe la collégialité (selon le code de
conduite) qu’il y a un
Equipe soudée et pouvoir dans le fait
solidaire d’œuvrer ensemble.
La position C’est pourquoi l’esprit
La qualification prime hiérarchique est d’équipe est une chose
sur tout autre critère déterminée par la chérie par les managers.
compétence L’entreprise est aussi
consciente qu’il ya des
manières de faire qui
peuvent empêcher
214
l’instauration de cette
valeur. Il est vrai qu’il
s’agit d’une entreprise
familiale mais elle tient à
faire preuve de
professionnalisme en
valorisant les
compétences et non le
lien familial ou le lien de
sang dans l’accès à la
position hiérarchique.
Elle met l’attention sur
le profil des personnes
qu’elle recrute.
215
esprit de respect, d’équité, Esprit de respect L’entreprise collaborateurs sont tenus
d’honnêteté et Esprit d’équité, reconnaît le d’élaborer des rapports
d’ouverture ». Esprit d’honnêteté pouvoir de la justes, précis et
Esprit d’ouverture communication communiqués à temps. Il
transparente. Elle s’agit ici de rechercher la
est la clé de sincérité et la franchise
l’instauration des dans les relations des uns
valeurs humaines. avec les autres mais
également avec les
clients et les
fournisseurs. Cela
renforce la confiance
mutuelle et la confiance
des clients et
fournisseurs envers
l’entreprise. Ce qui
constitue une ressource
importante.
« Nous célébrons la Célébration de la Pratiques de Au-delà de toutes les
réussite et nous réussite bonne valeurs citées
récompensons la Récompense des talents gouvernance précédemment,
performance de nos l’entreprise adopte aussi
talents. Nous comprenons Importance des des pratiques en matière
l’importance de nos collaborateurs dans la de gouvernance qui ont
collaborateurs dans la réussite contribué à la réussite de
réussite de Parenin ». l’entreprise. Pour cela,
cette dernière adopte une
politique qui reconnaît
l’importance des
capacités et des
compétences de ses
parties prenantes dans sa
réussite.
216
L’entreprise recherche
par conséquent la
responsabilité et
l’implication de tous.
Elle précise qu’elle
cherche à planifier de
manière stratégique ses
besoins en mains
d’œuvre et s’engage à
atteindre et même, à
dépasser ses objectifs à
court, moyen et long
terme. Ceci démontre la
présence et l’importance
des compétences
managériales des
dirigeants de
l’entreprise.
217
Conclusion du chapitre 5
Ce chapitre est l’aboutissement du processus d’investigation empirique.
Nous présentons dans ce chapitre les résultats de l’analyse des données de nos cas :
MIT et Parenin, deux entreprises appartenants au même groupe familiale. Nos résultats
montrent la présence de la métaphore de l’apprentissage organisationnel dans les deux cas,
comme nous l’avons imaginé au départ. Dans ce chapitre synthétique, nous avons essayés de
mettre en lumière les éléments de cette métaphore révélés par nos terrains d’études.
Les résultats de notre analyse ont également révélé l’émergence d’un autre thème pour
les deux cas : c’est le thème de la capacité stratégique qui se compose des ressources et des
compétences stratégiques. Nous n’avons pas voulu nous précipiter pour parler de métaphore à
ce stade de l’analyse pour ce thème car nous croyons qu’une démonstration minutieuse
s’impose avant toute conclusion.
218
CHAPITRE VI : Interprétation, discussion et
élaboration des conclusions
219
Introduction du chapitre 6
Dans ce chapitre qui se présente comme la validation empirique de ce travail de recherche,
nous discuterons les résultats de l’analyse des données issues du terrain, présentés dans le
chapitre précédent, avant d’élaborer des conclusions.
Comme tous les autres chapitres, il s’articulera autour de deux sections. Dans la première
section, nous discuterons de l’apprentissage organisationnel comme une métaphore mythique
de la résilience organisationnelle. Il s’agit d’interpréter les résultats de l’analyse de données de
la saturation empirique au regard de la métaphore de l’apprentissage organisationnel qui est
notre proposition de départ. La seconde section sera consacrée à la résilience organisationnelle
comme une métaphore comportementale de l’organisation, il s’agit de l’interprétation des
éléments qui ont émergé du terrain. En effet, l’analyse de données a révélé la présence d’autres
métaphores enracinées dans nos terrains d’étude. Nous focaliserons par conséquent notre
attention sur elles afin de proposer une autre compréhension du concept de résilience
organisationnelle.
220
Section 1 : L’apprentissage organisationnel comme une
métaphore mythique de la résilience organisationnelle
Cette section s’intéressera à l’interprétation de la saturation empirique au regard de
l’apprentissage organisationnel.
I. Interprétation de l’analyse des données issues des entretiens pilotes
(cas MTI)
Notre investigation empirique a commencé à MTI (Mediterranean Tractors International)
une entreprise exportatrice dont les activités sont principalement basées en Lybie. Dans ce qui
suit, nous interprétons les résultats des données que nous y avons récoltées.
1.1. L’apprentissage organisationnel : Une réalité à nuancer
L’analyse des données montre l’existence de l’apprentissage au sein de MTI. Cela se
reflète par les formations et l’apprentissage provenant de la crise, à travers la régularité des
réunions et l’implication des employés dans la prise de décision.
La socialisation existe dans une proportion minime à MTI. Ainsi, même si le directeur
privilégie le travail et l’esprit d’équipe, l’absence de mémoire organisationnelle, qui aurait pu
témoigner d’une institutionnalisation des connaissances et donc de l’apprentissage à un niveau
organisationnel tel que conçu dans ce présent travail montre que la socialisation n’est pas un
mode privilégié de conversion et de partage des connaissances.
1.2. Approche métaphorique de l’apprentissage organisationnel ancrée sur le terrain
Au vu de ce qui précède, il est plus question d’une métaphore mythique de
l’apprentissage organisationnel. L’apprentissage des individus est une réalité, mais pas celle de
l’organisation. En d’autres mots, les individus acquièrent des connaissances qui les aident à
développer des compétences. Les individus apprennent, pas l’organisation. L’apprentissage se
situe au niveau individuel et non organisationnel. Ainsi donc, la transformation des capacités
individuelles de résilience en capacités organisationnelles résulte d’un processus de transport
par réification. Nous sommes ici dans l’approche de l’apprentissage organisationnel tel que
perçu par Argyris & Schön (1978).
II. Interprétation des résultats de l’analyse des données du cas Parenin
Dans ce qui va suivre, nous verrons tout d’abord qu’il ya une prééminence de
l’apprentissage individuel pour le cas Parenin. Ensuite, nous allons nous pencher sur l’ellipse
de la dimension organisationnelle de l’apprentissage selon l’approche de Nonaka & Takeushi
(1997). Enfin, nous finirons avec une conclusion des résultats de la métaphore de
221
l’apprentissage organisationnel, à savoir qu’elle est un discours plus qu’une réalité.
2.1. La prééminence de l’apprentissage individuel
Les résultats de l’analyse de données démontrent la présence d’une véritable culture
d’apprentissage au sein de l’entreprise. L’apprentissage individuel dans ce travail repose sur
l’approche d’Argyris & Schön (1978). Pour rappel, l’approche d’Argyris & Schön (1978) est
une approche cognitive, c'est-à-dire qu’elle s’intéresse à la manière dont les individus
apprennent. Dans ce paragraphe, nous nous intéressons à ce modèle cognitif. Celui-ci s’observe
par plusieurs éléments. Premièrement, nous verrons que l’apprentissage individuel s’observe
par la présence d’un « cursus d’apprentissage » matérialisé par les formations continues.
Deuxièmement, cet apprentissage s’observe par l’acquisition de nouvelles compétences qui
témoignent d’une évolution de carrière, qui s’observe par le changement de poste par le biais
des promotions et mutations. Et troisièmement, il s’observe par la manière dont les individus
résolvent les problèmes dans l’exercice de leur travail.
Nous observons qu’une importance est accordée aux formations continues à Parenin. La
raison est que les formations répondent à plusieurs besoins de l’entreprise. C’est pourquoi, dans
le paragraphe suivant, nous verrons premièrement que les formations constituent une source
d’acquisition de connaissances. Deuxièmement, nous constaterons que les formations
constituent une solution à une crise interne. Par la suite, nous verrons que les formations
représentent une solution au turn over. Et enfin, nous noterons que les formations représentent
un vecteur de compétitivité.
2.1.1. Les formations : source d’acquisition de connaissances dans un monde en
perpétuelle évolution
Les formations constituent une source indéniable d’acquisition de nouvelles
connaissances qui dotent les individus de nouvelles compétences. Cela s’observe à travers
l’évolution de carrière des employés.
En observant l’évolution de carrière des personnes interrogées, nous constatons que
nombre d’eux occupent des postes ou exécutent des tâches qui vont au-delà ou sont contraires
à leur qualification ou compétences initiales, comme en témoignent ces verbatims :
« J’ai des années de carrière à Parenin, on est sécurisé ici. Je suis à mon cinquième
poste maintenant ici à Atlas Copco, c’est un nouveau défi. Je suis passé par des postes qui
demandent des compétences diverses ».
Une autre répondante affirme : « Je suis une ingénieure en énergétique de formation
donc j’ai fait un virage à 360 degré. J’ai occupé deux postes. J’ai été au service technique
222
pendant 3 ans comme superviseur au niveau des contrats de maintenance. Et c’est moi qui ait
décidé d’avoir le poste que j’occupe actuellement au niveau du service marketing ».
Une interviewée affirme : « J’ai commencé en tant que standardiste mais c’était la
routine et ça ne me plaisait plus. J’ai demandé à changer de poste et j’ai été mutée au service
technique où je travaille jusqu’aujourd’hui et c’est beaucoup mieux parce qu’il y a plusieurs
tâches comme le classement de dossiers, les heures des techniciens, l’ouverture des dossiers de
pièces de rechange, etc. Quand je suis fatiguée de faire une tâche, j’en fais une autre ».
Les exemples cités ci-dessus et ceux de nombreuses autres personnes interviewées
montrent qu’il existe un apprentissage individuel au fil des années qui a permis parfois aux
employés d’être promus ou mutés dans d’autres services et postes. L’apprentissage ici a pour
but de permettre le développement ou l’acquisition de compétences lorsque le poste demande
des compétences différentes. Cet apprentissage repose essentiellement sur la volonté
d’apprendre des employés grâce aux formations et aux documentations mises à la disposition
des employés comme le démontre ce verbatim :
« Caterpillar nous donne la possibilité d’avoir toute une documentation pour tout le
personnel et c’est au personnel de choisir s’il veut se documenter et apprendre pour être la
bonne personne au bon moment et au bon poste. Et si ce n’est pas ça c’est vraiment raté. Mais
on sent une volonté du personnel dans ce sens, si on veut réussir à un poste ou une tâche on
doit lire, apprendre et veiller sur ce cursus d’apprentissage sinon c’est raté. Pour moi, au
départ, c’était tout nouveau, tout ce qui est marché, ainsi que les termes qui lui sont associés,
je les écrivais discrètement sur mon téléphone et je faisais des recherches, je lisais et j’ai appris
beaucoup de choses ».
Une autre interviewée renchérit : « J’ai suivi des formations qui m’ont beaucoup aidées
et des voyages avec Caterpillar qui ont tout changé pour moi et heureusement pour moi j’ai été
la deuxième lauréate du concours de cette année-là. J’ai donc commencé à travailler en tant
qu’analyste marketing et ensuite, j’ai changé pour travailler à « customer expérience
champion ». Et maintenant je suis « Customer experience manager » donc je fais l’expérience
client pour toutes les marques. Mon travail au sein du SAV dans mes débuts m’a beaucoup
aidé. Pour les changements de postes, comme je fais toujours des formations avec Caterpillar,
c’était facile de me nommer, même si je peux dire que j’ai aussi été audacieuse ».
L’apprentissage individuel se présente ainsi comme le socle de l’acquisition de
compétences individuelles. L’analyse du code de conduite révèle également une volonté claire
de Parenin en ce qui concerne le développement personnel et l’amélioration des performances
223
individuelles. Les canaux privilégiés pour y arriver sont « les initiatives personnelles ou les
programmes de formations proposées par la société » comme l’indique le code de conduite.
2.1.2. Les formations: solution à une crise interne
L’analyse de données montre qu’en 2016 l’entreprise Parenin a été confrontée à une
crise interne qui s’est traduite par une baisse de la qualité de service des techniciens, comme le
témoigne ce verbatim :
« On a eu beaucoup de réclamations des clients durant toute l’année 2016, concernant
la mauvaise réparation, le retard et la mauvaise communication, on a donc voulu comprendre
pourquoi. A Parenin, on a une équipe chevronnée alors on n’a pas compris pourquoi on
recevait de telles réclamations ».
L’entreprise a posé un diagnostic à travers des réunions avec les employés concernés
(les techniciens) afin de comprendre et trouver des solutions aux problèmes. L’enquête sur cette
crise a révélé que la cause de ce problème était liée à la mauvaise relation qui existait entre les
managers et leurs équipes. Cette mauvaise relation était alors le résultat d’un manque de
compétences des managers et des techniciens comme le confirme cette interviewée :
« On s’est réuni avec toute l’équipe, bien sûr on a procédé par section et j’ai
essayé de comprendre pourquoi et quels étaient leurs problèmes et leurs attentes. Et suite à
cela, on a déduit des axes sur lesquels on devait travailler et le premier axe était le
management,il y’avait une mauvaise communication entre le manager et son équipe, c’est pour
cette raison que la RH a mis en place une formation pour les managers et des formations même
pour les techniciens, on a fait des formations concernant la technicité, c’est-à-dire les notions
techniques pour les techniciens, c’était début 2017 ».
Les formations ont par conséquent joué un rôle crucial dans la résolution de la crise.
Elles ont non seulement permis d’aider à l’amélioration des relations entre les managers et leurs
équipes mais elles ont également permis d’améliorer la qualité de service des techniciens. Les
formations s’avèrent être ainsi la solution à une mauvaise relation entre managers et techniciens.
Néanmoins, nos répondants nous ont assurés que cette crise n’a pas eu réellement d’impact sur
l’activité de l’entreprise comme le souligne ce verbatim « ce problème a surtout affecté la
satisfaction des clients qui font toujours affaire avec nous mais derrière, ils recherchent un
maximum de satisfaction. Mais ça n’a pas vraiment affecté les activités de Parenin ».
2.1.3. Les formations : solution au turn over
Parenin considère les formations comme une solution au turn over. La formation de
nouvelles recrues pour remplacer les employés qui partent est la politique de l’entreprise.
224
L’analyse ds données fait état d’un départ important de techniciens vers le marché subsaharien
au cours de l’année 2017, à la recherche d’un meilleur salaire. L’entreprise a recruté d’autres
techniciens et les a formés. Il est à remarquer que presque la totalité des personnes interrogées
ne sont pas satisfaites du niveau de salaire, leur motivation se base sur des éléments, autre que
le salaire.
2.1.4. Les formations : vecteur de compétitivité
Les formations représentent le canal stratégique par lequel l’entreprise arrive à survivre
à l’évolution socio-politique et technologique rapides. En effet, Parenin a plus de cent ans
d’existence, ce qui représente un voyage dans différentes réalités socio-politiques et
technologiques. Parenin a su s’adapter à ces différentes époques et aux défis qu’elles
présentaient pour continuer non seulement d’exister mais également pour être leader dans son
domaine. Cette adaptation est une volonté stratégique de la part de Parenin et de ses partenaires
comme le souligne cet interviewé :
« Déjà, il y a une volonté au sein de Parenin et les partenaires étrangers avec lesquels
on travaille nous tirent aussi vers le haut, donc il y a deux effets : il y a une volonté de Parenin
et il y a aussi les partenaires qui font que c’est notre destin de nous intéresser aux évolutions
technologiques et d’utiliser tout ce qui relève de la technologie dans notre travail. Et c’est ça
qui explique pourquoi on fait tout le temps des formations, c’est parce que c’est un domaine
qui évolue très rapidement. On fait donc des formations à chaque fois qu’il y a des nouveautés
afin de suivre la tendance, il y a aussi des formations qui sont planifiées chaque année ».
L’analyse montre que la volonté de Parenin de s’adapter au contexte technologique
dynamique se traduit par :
- La présence d’un département « Systèmes d’information »,
- L’existence d’un centre de formation agréée par Caterpillar au sein de Parenin dans
lequel les employés et spécifiquement les techniciens sont formés par deux formateurs qui sont
des anciens techniciens à la retraite,
- Des programmes annuels de formations appelés « learning plan » qui sont des plans
détaillés de formations destinés et adaptés à chaque technicien. Ces formations sont faites sur
place. Le tableau résume les types de formations donnés dans le centre.
225
Tableau 20 : Les types de formations à Parenin
Types de formation
Systèmes d’informations (SI)
« Customer Relationship Management » (CRM)
Marchés publics
Source : Auteur
D’autres formations beaucoup plus techniques (formations en hydraulique, moteur etc..)
selon la formation initiale ou le besoin du technicien font partie des formations. Ces formations
sont appelées des « formations métiers » et sont fournies par les partenaires de Parenin dont
Caterpillar. Le « learning plan » est très bien organisé, comme l’explique l’un des formateurs
à travers ce verbatim :
« Par exemple, moi, j’ai un calendrier où se trouvent toutes les formations pour cette
année et c’est horodaté et avec la liste des techniciens et il est approuvé par la direction
générale et communiqué au service technique. Le technicien, après son embauche et les
analyses faites, est informé de ses besoins en termes de formations et de planning pour suivre
ces formations ».
Le but des formations est de permettre aux techniciens d’évoluer de niveau dans leur
travail. Il existe trois niveaux de formation, la réussite de ces trois niveaux aboutit à une
certification Caterpillar pour le technicien, ce qui lui donne de la visibilité nationale et
internationale. Cet enjeu stratégique est une motivation majeure des techniciens à se faire
former. Cependant, ce plan de formation annuel a subi des modifications pour l’année 2020 à
cause de la situation de pandémie de coronavirus, comme le confirme ce répondant :
« Il y a eu des formations qui ont dû être annulées ou décalées pour plus tard. On a eu
à décaler le programme de formation des techniciens puisqu’ils n’ont pas tous des ordinateurs
chez eux pour suivre les formations à distance durant le confinement ».
Par ailleurs, les techniciens préfèrent les formations sur place (dans le centre) qu’en
ligne, comme nous l’ont confiés les formateurs.
La volonté des partenaires de Parenin de pousser l’entreprise à s’adapter à l’évolution
technologique rapide se traduit par l’octroie de supports de formations offerts par ces
derniers pour le cœur de métier de Parenin. Il y a des formations en techniques de vente et des
formations-métiers destinés aux commerciaux. Les formations métiers sont généralement
réalisées à l’étranger, directement chez les fournisseurs, comme le souligne ce répondant :
« Pour les formations métiers, les collaborateurs vont à l’étranger pendant une semaine
226
pour se former. C’est surtout pour les commerciaux en ce qui concerne mon département. Il y
a donc des formations qui se font chez les fournisseurs ».
Quelques répondants ont affirmé que quelques techniciens ont également eu la chance
de se former de la sorte à l’étranger. Il y a également des formations-produits pour les
techniciens et les commerciaux à chaque fois qu’il y a des nouveaux produits.
A ces formations, il faut ajouter les formations en ligne offertes par Caterpillar et
accessibles à tous les employés. Il s’agit de formations spécifiques à chaque poste ou tâche de
l’entreprise. Caterpillar, par exemple fournit toute une documentation en ligne pour toutes les
fonctions, tous les postes et pour toutes les tâches. Il est important de rappeler que la plupart
des supports de formation dont dispose les formateurs du centre de formation sont fournis par
les partenaires Caterpillar.
2.2. L’ellipse de la dimension organisationnelle de l’apprentissage
Dans ce paragraphe, nous allons mettre en exergue l’absence de la dimension
organisationnelle de l’apprentissage selon Nonaka & Takeushi (1997) dans notre étude de cas.
Pour ce faire, nous verrons dans un premier temps l’apprentissage comme une stratégie
collective de sensibilisation pour la mise en place d’une nouvelle culture. Dans un deuxième
temps, nous nous attarderons sur l’absence de mémoire organisationnelle et enfin dans un
troisième temps, nous nous pencherons sur le fait que les connaissances explicites priment sur
les connaissances tacites.
2.2.1. L’apprentissage comme une stratégie collective de sensibilisation pour la mise en
place d’une nouvelle culture
Nos résultats montrent la présence d’un apprentissage collectif au sein de Parenin. Cet
apprentissage collectif se traduit par des formations obligatoires pour tous les employés comme
le stipule ce verbatim :
« On a des cours en ligne, il y a des cours obligatoires pour tous les employés et d’autres
non. Ce fût le cas lorsqu’il a fallu implanter une culture client dans l’entreprise ».
Rappelons que l’apprentissage collectif est défini comme un processus d’acquisition de
compétences qui peut être plus ou moins profond et plus ou moins durable, qui modifie les
situations elles-mêmes et la manière de les gérer (Koenig, 2015).
227
« Quand on a voulu intégrer la culture client dans l’entreprise, ce n’était pas seulement
pour un département en particulier, il fallait que chacun comprenne qu’il a un rôle à jouer
dans cette stratégie. Par exemple, au niveau de la RH, si un employé est satisfait, cela va
influencer la satisfaction du client ».
Tous les employés ont donc été formés pour la réussite de l’implantation de cette culture
client. Cette culture client a plusieurs buts, dont la fidélisation des clients de l’entreprise. On
peut parler ici d’un apprentissage de groupe et non d’un apprentissage organisationnel car dans
ce travail, nous ne considérons pas le niveau organisationnel comme la somme des individus.
Les individus peuvent apprendre sans que les organisations n’apprennent, comme c’est le cas
de Parenin. Les connaissances apprises restent alors au niveau des individus seuls et non au
niveau de l’organisation. Autrement dit, elles ne font pas l’objet d’une intégration au niveau de
la stratégie ou du système organisationnel.
2.2.2. L’absence de mémoire organisationnelle
Dans le cas étudié, nous avons essayé de voir s’il existe une mémoire organisationnelle.
Mais tous nos répondants nous ont dit qu’il n’existe pas de mémoire organisationnelle comme
le révèle ce verbatim :
« Nous n’avons pas de mémoire organisationnelle, nous n’écrivons pas nos réussites
mais elles se voient dans le chiffre d’affaires ».
L’absence de mémoire organisationnelle est un élément intriguant et il est possible
d’attribuée cela à la culture orale qui est assez présente dans les cultures africaines. Il est
également possible d’attribuer ce résultat au fait que les employés ne savent pas toujours ce
qu’est une mémoire organisationnelle. En effet, en approfondissant un peu, nous avons
découvert que les retours d’expérience, l’expérience des anciens et les manuels de procédures
font office de mémoire organisationnelle comme le soulignent ces verbatim :
« Dans mon poste, je partage indirectement mes compétences avec mes employés ».
« Il y a le retour d’expérience, c’est un vécu qui s’inscrit dans l’expérience personnelle
qui fera qu’on ne va pas répéter les mêmes erreurs pour les prochains projets, parce qu’on a
de la paperasse qui va rester, mais c’est tout. Le collaborateur explique comment ça s’est passé
et comment ça fonctionne réellement. Aussi à partir des manuels de procédures et de leurs
expériences, les chefs de projet sont là pour encadrer les équipes et les nouveaux pour une
meilleure intégration par rapport aux projets antérieurs déjà réalisés ».
Même si les retours d’expérience peuvent servir de mémoire, le constat est que leur
diffusion reste problématique pour des raisons de confidentialité. Elle reste limitée au niveau
228
du groupe, du service ou au plus, au niveau du département et non dans toute l’entreprise
Les personnes interrogées ont aussi soulevé le rôle important des manuels des
procédures qui à leurs yeux, constituent une mémoire organisationnelle. En effet, à Parenin, les
manuels de procédures constituent un élément de routinisation et un levier d’apprentissage.
Contrairement aux retours d’expérience, les manuels de procédures font l’objet d’une diffusion
à l’échelle organisationnelle. Les manuels de procédures sont comme « les poumons » de
Parenin. Ils servent à aider les nouvelles recrues à s’intégrer car tout y est écrit de manière
formelle : les procédures et procédés de travail y sont clairement expliqués. Au besoin, ils
pourront être assistés par les anciens, en général ce sont les formateurs qui font cette assistance
pour les techniciens. Pour les autres postes, s’il ya un départ à la retraite ou une démission,
l’employé sortant est chargé d’encadrer la nouvelle recrue pendant un mois avant son départ.
L’absence de mémoire organisationnelle témoigne d’une absence de capitalisation des
connaissances tacites des employés. En effet, selon Bégin & Chabaud (2010), la mémoire
organisationnelle est un élément de la culture organisationnelle qui contient les
« apprentissages non observables » accumulés au fil du temps car sa construction demande du
temps. Elle se construit grâce aux expériences vécues qui, après transformation vont être
réinterprétées sous forme de narration.
La mémoire organisationnelle fait référence au mode de conversion appelé
« externalisation » dans l’approche de Nonaka & Takeushi, (1997).
Pour Nonaka & Takeushi (1997), l’externalisation est l’une des sources indéniables
d’innovation. La quasi-absence de ce mode de conversion s’explique par les mêmes raisons
pour lesquelles la socialisation n’est pas privilégiée à Parenin. Selon les auteurs,
l’externalisation permet de modifier le produit. Or, Parenin est une entreprise commerciale, son
activité consiste à acheter pour vendre ou louer et faire la réparation en cas de panne, il n’ya
donc pas de modification ou d’amélioration des produits et donc pas d’innovation réelle.
L’analyse des données montre, de ce fait, qu’il n’existe pas réellement d’externalisation
des connaissances à Parenin. Il est à rappeler que l’externalisation est l’apprentissage qui repose
sur la conversion des connaissances tacites en connaissances explicites (Nonaka & Takeushi,
1997). En d’autres termes, il s’agit d’expliciter les connaissances non formelles de l’individu
afin d’en faire bénéficier l’organisation entière. Pour cela, il faut institutionnaliser les
connaissances (Crossan et al., 1999), c'est-à-dire formaliser les connaissances tacites sur papier
pour être conservable et consultable à tout moment. Le point suivant est la conséquence de ce
fait.
229
2.2.3. La primauté des connaissances explicites sur les connaissances tacites
Nous remarquons que Parenin accorde plus d’importance aux connaissances explicites
qu’aux connaissances tacites. Cela s’observe par la présence d’une forte internalisation des
connaissances (Nonaka & Takeushi, 1997) dans l’entreprise, c'est-à-dire qu’il existe un
véritable processus d’intériorisation des connaissances explicites à travers les manuels de
procédures, les formations et les retours d’expériences. Ces connaissances vont être converties
en connaissances tacites suite à leur assimilation. L’entreprise démontre ainsi sa focalisation
sur le développement de compétences à travers l’acquisition formelle de connaissances.
Nous avons la manière dont les individus créent du savoir à partir des connaissances
explicites (les formations, les manuels de procédures, etc.,) selon Nonaka & Takeuchi (1997)
et la manière dont les individus apprennent à travers la résolution de problèmes : première
boucle d’Argyris & Schön (1978). Ainsi, il existe un apprentissage à travers l’acquisition de
connaissances explicites grâce aux formations et autres et l’acquisition de connaissances à
travers la manière dont les individus résolvent les problèmes qu’ils rencontrent dans le travail.
Cette résolution s’appuie sur les manuels de procédures. Les initiatives personnelles sont rares
puisqu’il faut systématiquement que l’employé avertisse son supérieur dans le cas où il doit
déroger aux procédures. Aussi la dérogation est temporaire puisqu’il est tenu de régulariser la
situation vis-à-vis des procédures dès que possible. Il existe très peu de socialisation et une
véritable création de connaissance, mais la conversion et surtout la diffusion à l’échelle
organisationnelle reste presqu’inexistante. Encore une fois, les individus et les groupes
apprennent, mais pas forcément l’organisation.
2.2.4. La formalisation prime sur la socialisation
La socialisation a Parenin s’observe à travers le travail en équipe lorsqu’il y a des
interactions entre les équipes de travail et à travers la supervision des nouveaux recrus. En effet,
il existe un apprentissage tacite au niveau des équipes de travail, comme le montre ce verbatim :
« Il y a une corrélation entre les équipes. On travaille dans un open space, tout le monde
est là et l’équipe-projet demande des avis à l’équipe-maintenance pour avoir les meilleures
solutions. Toute l’équipe a une connaissance du domaine, ce sont tous des ingénieurs. L’équipe-
maintenance a un peu plus d’expérience donc il arrive qu’elle intervienne au niveau du projet
pour dire il ne faut pas mettre ceci ici ou il faut plutôt faire comme cela pour faciliter
l’installation et la maintenance ».
Les équipes de travail apprennent ainsi des uns et des autres. Bien qu’elle existe dans
une certaine mesure, la socialisation n’est pas le mode privilégié de conversion des savoirs à
230
Parenin. Sa présence ne résulte pas forcement d’un processus ou d’une stratégie délibérée
comme l’atteste ce répondant :
« Je ne favorise pas la communication informelle mais la nature du travail nous oblige
à communiquer parfois de manière informelle, mais la communication avec les clients doit être
formelle ou directe. On travaille dans un espace ouvert, et si un client m’envoie un email, je
demande à ce que le technicien écrive à ce client ».
La socialisation est un processus informel de création de savoir implicite ou tacite or
dans le cas de Parenin, la volonté des dirigeants est orientée vers plus de formalisation comme
l’atteste ce répondant :
« Quand il y a plus de formalisation les responsabilités sont claires mais quand il y a
moins de formalisation, il y a une illusion de responsabilités. D’ailleurs, ce qui nous a permis
de tenir pendant le covid, c’est la formalisation».
231
2.3.1. Registre métaphorique
Le registre de la métaphore organisationnelle pour les cas MTI et Parenin relèvent du
registre de l’imaginaire ou de l’utopie. Dans ce qui précède, l’analyse de données montre que
l’apprentissage organisationnel est une métaphore mythique de la résilience organisationnelle.
L’implication de ce raisonnement est que la résilience organisationnelle est de ce fait, une
métaphore mythique de la résilience individuelle, ce qui démontre que même s’il ya des
circonstances ou des situations qui donnent lieu à la pérennité de l’organisation dans un contexte
de crise, la résilience organisationnelle, pour le cas étudié n’existe pas comme le montre le
tableau ci-dessous.
Ce tableau est un récapitulatif des propositions de recherche de départ et de leur situation
par rapport aux terrains d’investigation.
232
individuel comme fondement individuel comme individuel comme
de l’apprentissage fondement de fondement de
organisationnel et par un l’apprentissage l’apprentissage
processus d’apprentissage organisationnel organisationnel.
organisationnel qui passe par la
socialisation (knowing).
Source : Auteur
Notre question de recherche s’attarde sur la manière dont les capacités individuelles de
résilience se transforment en capacités organisationnelles car dans la littérature, ce passage a
tendance à être considéré comme automatique alors que certains auteurs estiment que le niveau
individuel et organisationnel sont différents et même que le niveau organisationnel est au-delà
du niveau individuel (Draft et Weick, 1984). Notre hypothèse de départ a été de considérer ce
passage entre les deux dimensions comme le résultat d’un transfert métaphorique.
Dans le cas Parenin, nous voyons que l’apprentissage fait partie de la culture de
l’entreprise grâce aux cursus d’apprentissage continu tout au long de la carrière professionnelle.
Les connaissances formelles acquises servent à une meilleure prouesse dans l’exécution des
tâches. Cependant, les résultats de l’analyse des données montrent que l’entreprise se situe dans
une logique d’exploitation des connaissances explicites acquises grâce aux formations et non
dans celle d’une exploration des connaissances tacites. Ces dernières ne sont pas réellement
valorisées dans le sens où l’employé est supposé s’aligner sur les procédures formelles plutôt
que sur son intuition et son initiative personnelle et donc sur ses connaissances tacites. Ainsi, il
existe bien un apprentissage individuel dans l’organisation, ce qui revient à dire que les
individus apprennent, cependant l’apprentissage dans sa dimension holistique n’existe pas, ce
constat est le cas pour MTI également. Or, dans ce travail cette dimension holistique est
privilégiée. En effet, nous constatons que les individus et les groupes apprennent à travers les
manuels de procédure, les formations, les interactions. Il y a donc une création et une acquisition
de savoir. Cependant, l’organisation elle-même n’apprend pas. L’apprentissage reste au niveau
de la cognition individuelle et collective, le niveau organisationnel n’est pas concerné puisqu’il
n’existe pas de mémoire organisationnelle qui témoigne de la capitalisation des connaissances
tacites des employés. Par ailleurs, il existe une forte internalisation des connaissances explicites
à travers les formations notamment, mais l’extériorisation des savoirs tacites reste quasiment
233
inexistante. La résilience organisationnelle relève par conséquent du discours et non de la
réalité. La résilience organisationnelle relève plus de l’imaginaire que de la réalité.
2.3.2 Type de transfert métaphorique
L’investigation empirique et les résultats de l’analyse des cas MTI et Parenin révèlent
que la résilience organisationnelle est le fruit d’un processus rhétorique et non analogique. En
d’autres mots, il s’agit d’un transfert qui relève plus du mythe que de l’analogie entre les
caractéristiques individuelles et organisationnelles. En effet, Il ya un transfert des
caractéristiques du mythe à l’organisation à travers le discours organisationnel. Il y a donc une
transposition de l’individu apprenant à l’organisation apprenante. Par conséquent, les capacités
individuelles d’apprentissage sont transposées à l’organisation. Ce qui revient à dire que les
connaissances individuelles sont de facto des connaissances organisationnelles. Le mythe
organisationnel est une réalité dans ce cas : des individus apprenants donnent lieu
nécessairement à des organisations apprenantes. Autrement dit, si les individus apprennent alors
l’organisation apprend également et par conséquent des individus résilients donnent lieu à des
organisations résilientes. Les cas MTI et Parenin correspondent à la première proposition. La
transformation des capacités individuelles de résilience en capacités organisationnelles résulte
d’un processus de transport par la rhétorique.
2.3.3. Image générée : l’organisation vue à la fois comme une machine et comme un
organisme (Morgan, 1980)
Dans notre cas, la résilience organisationnelle est contextuelle, elle est une métaphore
appartenant aussi bien à la famille des métaphores mécanistes qu’à celle des métaphores
organiques (Morgan, 1980).
Le cas de Parenin regroupe des caractéristiques des deux familles de métaphores. Elle
emprunte aux métaphores mécanistes des éléments caractéristiques de l’OST (organisation
scientifique du travail) comme la rationalité, l’application des procédures et le chronométrage
des tâches. Elle priorise ainsi les procédures et la rationalité illustrée par la recherche de
conformisme et de formalisme. Nos répondants nous ont confiés que les tâches des techniciens
sont chronométrées. Leur efficience est ainsi mesurée par la rapidité d’exécution, autrement dit,
par leur capacité à exécuter le travail dans le temps qui lui est préalablement alloué. Parenin est
une structure technologique destinée à atteindre des objectifs de rentabilité. Mais contrairement
à l’organisation mécaniste pure, les employés de Parenin ne sont pas seulement vus comme des
moyens de production et donc comme des machines. Ils travaillent dans de bonnes conditions
comme ils nous l’ont confié lors des entretiens, seul le salaire qu’ils jugent insuffisant demeure
234
l’objet de leurs complaintes. Le cas Parenin tout comme MTI emprunte aussi des éléments aux
métaphores organiques. Ces entreprises se présentent comme des entités ouvertes sur leur
environnement. La crise qu’elles subissent actuellement est le résultat de cette contingence
entre elle et son environnement.
Elles prennent également en compte les priorités sociales, techniques, stratégiques,
environnementales, elle comprend l’interdépendance entre ces différents éléments. Elles
recherchent ainsi une certaine « harmonisation » de ses sous-systèmes.
L’apprentissage organisationnel s’inscrit dans la métaphore du cerveau qui fait
référence aux connaissances ou à un système de traitement des informations telles que
l’ordinateur (Morgan, 1997). L’importance accordée à l’acquisition de connaissances montre
la volonté de s’en sortir et mieux encore, d’exceller dans un environnement qui devient de plus
en plus incertain. Pour cela, Parenin, par exemple, a choisi de se doter des meilleurs techniciens
et commerciaux à travers la formation de ces derniers pour l’acquisition de connaissances.
235
Section 2 : La résilience organisationnelle : une métaphore des
capacités dynamiques ?
L’analyse des données issues du terrain montre que la saturation empirique déborde de
la saturation théorique. Il s’agit d’éléments qui ont émergé du terrain. Dans cette section, nous
nous focaliserons sur le contenu de ce qui déborde. Pour ce faire, nous examinerons dans un
premier temps, la présence des métaphores des ressources et des compétences stratégiques pour
l’absorption de la crise. Dans un deuxième temps, nous proposerons un essai de
conceptualisation de la résilience organisationnelle comme une métaphore des capacités
dynamiques.
I. La présence des métaphores des ressources et des compétences
Avant tout raisonnement, l’impératif de légitimer la « métaphorisation » des éléments
émergeants du terrain, à savoir les ressources et les compétences s’impose. Les résultats de nos
terrains de recherche montrent la présence d’une capacité stratégique qui se décline sous la
forme de ressources et de compétences qui sont substantielles à la survie des deux organisations
ou entreprises étudiées (MTI et Parenin). Par ailleurs, notre problématique de recherche porte
sur la métaphore, la question qui se pose alors est de savoir s’il est possible de considérer la
capacité stratégique comme une métaphore, si oui pourquoi et quelle est l’implication d’un tel
raisonnement pour la problématique de ce travail ? Nous sommes d’avis qu’elle peut être
considérée comme une métaphore. Il apparaît impératif de justifier la vision métaphorique
appliquée aux ressources et aux compétences dans ce cas.
Selon Morgan (1980), la métaphore capture une réalité partielle de la vie
organisationnelle. De la même manière, les ressources et les compétences constituent un angle
de vue particulier de l’organisation : celui de la capacité stratégique, ce qui reflète une vision
singulière de l’organisation (Burell & Morgan, 1979). Aussi, Cornelissen (2005) estime que les
métaphores constituent la réalité vraie des organisations. Nous nous alignons sur cette pensée
puisque nous considérons la métaphore comme la réalité des organisations. Or la réalité de nos
terrains d’étude a révélé l’existence et l’importance de la capacité stratégique. C’est pourquoi
elle peut être considérée comme une métaphore dans notre contexte d’étude, par conséquent les
ressources et les compétences sont également des métaphores. L’implication de ce
raisonnement peut porter à confusion dans la mesure où nous nous attelons dans ce travail à
étudier le passage d’une dimension individuelle à une dimension organisationnelle à travers
l’approche métaphorique. Or, la capacité stratégique ne cadre pas réellement avec notre
problématique, elle fait partie de la réalité et des spécificités de notre investigation. Par
236
conséquent, dire à ce stade, que la résilience organisationnelle est une métaphore de la capacité
stratégique semble injustifié car deux termes ne sont métaphoriques que lorsqu'ils ont en
commun des similarités et des différences à la fois (Morgan, 1980).
1.1. Emergence de la métaphore des ressources pour le cas MTI
Nous allons tout d’abord examiner les ressources informationnelles, ensuite le capital
social et les ressources financières.
1.1.1. Les ressources informationnelles
Les ressources informationnelles sont capitales pour MTI étant donné le contexte
instable et complexe de la Lybie, lieu d’exercice de son activité. L’information est donc
précieuse. Elle fait l’objet d’analyse et d’interprétation de la part des différents départements
avant d’être discutée lors des réunions hebdomadaires qui se tiennent tous les lundis matins.
1.1.2. Le capital social
Le capital social de MTI se constitue du capital social de Parenin. Elle peut en plus de
cela compter sur chacune des entreprises du groupe, notamment sur la banque en cas de besoin
pour des crédits.
1.1.3. Les ressources financières
MTI a une bonne assise financière. Les entretiens ont révélé que les ressources
financières ont été déterminantes dans la crise qu’à connue l’entreprise pendant la révolution
en Lybie, et particulièrement lorsque la guerre en Lybie a causé la destruction des locaux et du
matériel disponible à ce moment-là. Il a fallu réinvestir des milliers de dollars pour reprendre
tout à zero dans un contexte aussi incertain. Cela a pu se faire grâce à la confiance des dirigeants.
1.2. Emergence de la métaphore des ressources pour le cas Parenin
Dans ce qui suit, nous allons nous pencher sur la variété des ressources disponibles dans
un premier temps et dans un second temps, nous allons nous pencher sur les ressources
déployées pour absorber la crise.
1.2.1. Une variété de ressources disponibles
Dans ce paragrphe, nous tenterons d’examiner les ressources de Parenin. Ces ressources
sont : les ressources matérielles, les ressources immatérielles (la bonne réputataion), la
détention d’une bonne assise financière, la présence d’un capital social important, les ressources
culturelles et les ressources stratégiques.
a/ Les ressources matérielles
Parenin dispose de ressources matérielles importantes. Parmi elles se trouvent
l’information et les technologies de l’information et de la communication qui sont des
237
ressources précieuses contribuants à sa pérennité en empêchant l’entreprise de devenir obsolète.
Parenin possède ainsi un département « systèmes d’information », du matériel informatique
(ordinateurs et tablettes, etc.), des plateformes internes de partage d’information (intranet) et
des supports techniques comme la documentation et les formations en ligne. L’insertion de ces
technologies de l’information et de la communication a permis de digitaliser l’entreprise. Elle
dispose d’un site internet qui renseigne sur l’entreprise et ses activités. Parenin détient en outre
un centre de formation agrée par Caterpillar. Ce dernier est le seul dans son genre sur le territoire
tunisien et en Afrique du nord.
b/ Ressources immatérielles : La bonne réputation
Parmi les ressources de Parenin, il y a la bonne réputation, celle-ci concerne non
seulement la réputation des biens et services de l’entreprise, mais aussi la réputation de ses
dirigeants et du groupe familial auquel elle appartient. En effet, Parenin est réputée pour la
qualité de ses produits et services. Ses dirigeants sont quant à eux, réputés pour être des hommes
intègres et apolitiques. Nos répondants ont expliqué que ces facteurs ont contribué à la sérénité
et à la pérennité de l’entreprise pendant la période de la révolution et au-delà, alors que les
entreprise qui étaient impliquées dans des activités politiques ou qui étaient affiliées au pouvoir
en place ont disparu ou fait faillite. L’entreprise a la réputation d’appartenir à un groupe familial
qui a également bonne presse auprès de la société tunisienne.
Les entretiens ont également révélé que Parenin jouit d’une réputation de stabilité dans
le temps. Cette bonne réputation a engendré une fidélité des clients et l’a amené à devenir leader
sur le marché tunisien. Elle a la réputation d’être une entreprise plus ou moins stable, ce facteur
influence la motivation des employés à ne pas quitter l’entreprise. Il s’agit de la stabilité
financière mais également de la stabilité familiale. Une interviewée témoigne :
« Je veux rester à Parenin à cause de la stabilité », une autre ajoute « Pour moi, après
20 ans de service je n’ai pas le souffle d’apprendre une nouvelle fois et à un certain moment
dans nos vies, on veut être stable. Surtout avec une famille, des personnes autour de moi, j’ai
besoin d’une certaine stabilité au niveau du travail pour trouver la force pour ma famille ».
Les femmes recherchent la stabilité, les hommes également recherchent la stabilité
comme le témoigne cet interviewé :
« Parmi les facteurs, il y a le facteur familial, pour moi c’est la stabilité de ma petite
famille qui compte, être là pour voir mon fils grandir et assurer le minimum pour la famille ».
Dans le contexte d’instabilité socio-économique du pays, hommes et femmes sont à la
recherche de stabilité et Parenin semble leur offrir cela puisqu’elle est elle-même stable. L’âge
238
pourrait être envisagé comme le facteur explicatif de ce phénomène. En outre, la stabilité du
service après-vente est un facteur important qui participe également à sa pérennité. Les
répondants ont expliqué qu’il y’a une stabilité dans la disponibilité des pièces de rechange des
machines, ce qui en fait des investissements rentables pour les clients.
c/ La détention d’une bonne assise financière
Parenin est une grande entreprise qui dispose d’une bonne assise financière renforcée
par la présence d’une banque familiale à ses côtés comme le démontre ce verbatim :
« Les autres concurrents n’ont pas une assise financière comme Parenin pour supporter
la mise en stock ou les stocks importés ».
d/ La présence d’un capital social important
Une autre ressource dont dispose Parenin est le capital social qui se compose des
relations familiales, du portefeuille clients, du personnel de l’entreprise et des relations avec
les fournisseurs. En effet, Parenin jouit de relations privilégiées qui peuvent facilement devenir
des réseaux de soutien dans les temps de crise. Comme nous l’avons déjà dit, l’entreprise fait
partie d’un groupe de sociétés familiales qui appartient à la même famille. La famille est par
conséquent un support indéniable dans les périodes de crise surtout à travers la banque lui qui
octroie des prêts à des taux préférentiels. Ainsi le soutien de la banque dans cette période est
capital pour assurer la continuité de son activité. Elle contribue à sa capacité financière, ce qui
permet à Parenin de soutenir ses clients en période de crise, ce qui a tendance à fidéliser ces
derniers comme le témoigne ce répondant :
« Ce sont les grandes entreprises qui résistent en cas de crise, pas les petites entreprises.
Ce sont les grandes entreprises qui assurent le soutien auprès des clients pendant la crise, alors
que les petites et moyennes entreprises sont financièrement fragiles. Si un client demande une
intervention ou veut acheter une machine par exemple, les petites et moyennes entreprises
exigent le paiement d’avance compte tenu de leur fragilité financière, surtout dans les périodes
de crise, contrairement à Parenin qui résiste bien financièrement c’est pour cela que les clients
après le confinement disent que Parenin est un partenaire et non un simple fournisseur. Parenin
accorde des crédits directement, parce que faire une intervention ou vendre une machine et
attendre 30, 60 et 90 jours c’est un crédit et les clients ne trouvent pas ces privilèges avec
d’autres entreprises. La taille de l’entreprise est très importante ».
Le portefeuille clients de l’entreprise est une ressource indéniable. En effet, elle compte
de nombreux clients et surtout de grands clients dans différents secteurs dans lesquels elle
opère. Pour le secteur des travaux publics, l’Etat fait partie de ses clients et en général elle
239
réalise la moitié de son chiffre d’affaires avec ce dernier comme le stipule ce répondant :
« La CPG est notre plus grand client, c’est le seul client minier ici en Tunisie, presque
50% de notre activité se fait avec ce client étatique ».
Même si les paiements avec ce client tardent, l’entreprise est consciente qu’elle
n’essuiera jamais de perte avec lui. Ainsi donc, faire les affaires avec l’Etat compte un risque
de retard mais pas de faillite. A ce client, s’ajoutent les grands clients privés qui opèrent sur le
territoire tunisien et sur le marché africain.
Pour le secteur industriel, l’entreprise opère principalement avec des entreprises
exportatrices qui ne connaissent pas forcément une situation de crise, comme le témoigne ce
répondant :
« Nous travaillons spécialement avec les entreprises qui font l’exportation. L’activité
d’Atlas copco (une marque belge) est la vente des compresseurs d’air comprimé et les sécheurs
d’air comprimé. Nos clients sont les entreprises agro-alimentaires sans exception, les sociétés
pharmaceutiques, les hôtels, les sociétés de production électronique. Et comme, elles sont
toutes des sociétés exportatrices, elles ne sont pas vraiment touchées par la situation
économique en Tunisie ».
Il s’agit par conséquent de clients « sans risque » en principe, même s’il est vrai que la
situation sanitaire mondiale a eu un impact considérable sur l’exportation. Nous constatons que
le portefeuille clients de l’entreprise est une ressource qui fait la différence.
Par ailleurs, la relation qu’entretient l’entreprise avec ses employés est un atout pour
son capital social. Elle dispose d’un personnel hautement qualifié, comme le souligne cet
interviewé :
« Parenin est une grande école car ceux qui y sont passés ont une visibilité nationale et
internationale. A Parenin, on apprend directement à devenir un leader, à gérer des situations
imprévues avec les clients », un autre répondant renforce cette affirmation : « Ici, si tu as
l’expérience d’un chef de département à Parenin, c’est l’équivalent d’un poste de directeur
ailleurs en Tunisie ».
La majorité de ce personnel a développé un sentiment d’attachement et une forte
appartenance à l’entreprise comme en témoignent ces déclarations :
« Pour moi, Parenin est une société que j’aime, elle fait partie de ma famille, de ma vie,
de mon relationnel ». Une répondante affirme « Parenin, c’est ma deuxième famille ».
Le mot famille est revenu plusieurs fois lors de nos entretiens. Cependant, nous avons
constaté qu’une minorité de nos interviewés ne se sent pas en famille, pour elle, la famille est
240
un bien grand mot pour qualifier la relation qu’elle entretient avec l’entreprise. L’intention de
quitter de cette minorité est forte dans le cas où une bonne opportunité se présenterait à elle.
e/ Ressources culturelles
L’entreprise repose sur une culture mixte qui a une influence positive sur la performance
des employés. En effet, elle est dotée d’une double culture : américaine et tunisienne. La culture
américaine semble être particulièrement appréciée. Les employés interrogés ont affirmé que la
culture américaine qui est plus orientée « business » et qui repose sur les valeurs capitalistes
influence positivement leurs rendements. Celle-ci tend à leur inculquer une culture de travail et
de la performance. En effet, plus ils travaillent et plus ils gagnent de l’argent car le montant des
primes est proportionnel à la performance. Cette culture à tendance à instaurer une concurrence
entre les employés afin de les motiver à donner le meilleur d’eux-mêmes, comme le souligne
cette interviewée :
« Avant, il n’y avait pas de culture de concurrence, le fait d’être meilleur était un acquis,
c’est ce que j’ai compris. Mais maintenant tout le monde doit travailler vraiment très dur pour
rester le meilleur, ce n’est plus la même aisance au niveau du travail et des échanges ».
Cette réalité n’est pas forcément jugée négative, mais au contraire elle est perçue comme
un élément « booster ». L’impact de la culture américaine est assez tangible et les employés la
jugent profitable aussi bien au niveau professionnel qu’au niveau personnel. Au niveau
professionnel, elle inculque des valeurs comme :
L’amour du travail,
Le sens de la responsabilité,
L’engagement et l’addiction au travail.
Au niveau personnel, cette culture influence positivement le comportement et fait naître
ou accentue certaines valeurs telles que :
La droiture,
Le respect du timing,
Une meilleure organisation personnelle,
Une rigueur dans l’éducation des enfants.
Toutes les ressources citées ci-dessus représentent les ressources que possède Parenin.
Même si l’entreprise dispose de nombreuses ressources, nous sommes conscients que toutes
ces ressources ne sont pas source d’avantage concurrentiel pour l’entreprise (Amit &
Schoemaker, 1993). En effet, « seules, les ressources dites stratégiques (différenciatrices,
distinctives ou fondamentales) portent en elles cette potentialité » (Laghzoui, 2009, p.34). Pour
241
Barney (1986), les ressources stratégiques sont celles qui sont conformes au « VRIS » c’est-à-
dire celles qui sont des ressources valorisables, rares, non imitables et non substituables.
1.2.2. Les ressources déployées pour absorber la crise
Dans ce qui suit, nous allons étudier les ressources dites stratégiques qui ont participé
ou aidé l’entreprise à s’en sortir face à la crise. Nos résultats montrent que la capacité
d’absorption de la crise repose principalement sur les ressources stratégiques et sur le capital
social.
a/ Mobilisation des ressources stratégiques pour absorber la crise
Ces ressources sont : le « draft plan », les ressources financières et les campagnes
intensives de recouvrement des créances.
- Exécution du « draft plan » suivant deux plans de restructuration : Parenin
a exécuté le « draft plan » composé de deux plans de restructuration, à savoir un plan « down
sizing » et un plan de restructuration fonctionnelle.
Les plans de restructuration ont été conçus dès janvier 2019 et ont été mis en place en
deux temps, selon un calendrier bien précis. Tout d’abord, il ya eu le plan de restructuration
« down sizing » et ensuite le plan de restructuration fonction. Nous résumons cela dans le
tableau suivant.
242
« Bon on n’a pas forcé les gens à partir à la retraite, ce n’était pas obligatoire, ça était
négocié et c’était attractif, ils ont reçu un « package » très attractif, mais pas pour les personnes
en contrat CDD. Pour ceux à qui il restait un ou deux mois, on leur a donné le double du
salaire, pour eux c’était plus ou moins forcé, on a mis une pression sur eux. Mais pour les
autres, c’était selon l’aspect culturel, du genre : on a vécu pendant des années ensemble, ça
devait être à l’amiable ».
Certains employés ont refusé la proposition de partir. Une interviewée confirme cette
affirmation :
« Quand on m’a proposé de partir avec une somme de 35.000 dinars, ce n’est rien à
Tunis, alors que j’ai des amis qui sont partis avec 60.000 ou 70.000 grâce à une plus grande
ancienneté et un plus grand salaire, donc j’ai refusé de partir ».
- Les ressources financières : Elles sont utilisées à plusieurs fins :
pour payer les salaires et assurer la continuité de l’activité : les ressources
financières ont été mobilisées afin d’assurer le paiement des salaires, d’autant plus qu’il
n’y a pas eu de réduction des salaires. Les ressources financières ont également servi à
assurer la continuité de l’activité et à payer les salaires malgré la crise. Les salaires n’ont
pas baissé malgré la crise que traverse Parenin, ce qui témoigne d’une importante assise
financière. Même durant le confinement imposé en 2020 à cause de la pandémie de
covid-19, les salaires ont été versés comme d’habitude ;
pour une meilleure gestion budgétaire : à part les licenciements et les départs à la
retraite, Parenin a procédé à une réduction de son budget en mettant fin à certaines
dépenses comme le témoigne ce répondant :
« On a supprimé les voyages pour les formations à l’étranger qui sont lourdes en
dépenses. On a divisé le budget marketing de nos produits. On a supprimé les heures
supplémentaires puisqu’elles sont coûteuses sauf vraiment en cas de besoin. Et on a fait un plan
de chaque département, ainsi que le suivi de leurs charges et c’est très bien contrôlé, tout le
reste aussi est suivi de très près » ;
pour la fidélisation des clients en temps de crise : l’analyse des données montre que
l’assise financière est un facteur qui a joué un rôle important dans la fidélisation des
clients durant la crise. Elle joue par conséquent un rôle important dans la pérennité de
Parenin. La grande taille de l’entreprise est ainsi synonyme de capacité financière.
b/Capital social : Mobilisation de différents réseaux de soutien
Une autre ressource déployée durant la crise est le capital social, autrement dit, la
243
mobilisation des différents réseaux de soutien. En effet, l’entreprise a mobilisé le réseau familial
à travers la sollicitation de la banque familiale, les employés et le fournisseur. Dans ce qui suit,
nous nous pencherons sur le rôle de la banque familiale, le soutien du personnel et la vente à
l’étranger.
- Le rôle de la banque familiale : la banque du groupe familial a joué un rôle très
déterminant durant cette période difficile de crise, comme le confirme cet interviewé « Parenin
appartient à un groupe dont Amen bank qui nous a aidé à ne pas décliner ». Un autre répondant
confirme ce fait, « s’il n’y avait pas l’Amen bank qui nous soutenait, peut-être que nous serons
entrés dans des crises financières ».
La banque a retardé le paiement des intérêts des crédits contractés par l’entreprise,
comme le confirme ce répondant :
« Vous savez que Parenin appartient à tout un holding, ils ont donc rééchelonné le
paiement des intérêts des crédits avec la banque ».
Par ailleurs, elle a accordé des crédits à des taux préférentiels pour continuer son
exploitation, comme le confirme cet interviewé :
« La banque nous a donné des crédits mais vis-à-vis de la banque centrale et de sa
propre liquidité, elle procède normalement à des analyses pour voir la robustesse du client qui
demande le crédit, mais concernant Parenin, elle ne demande pas des autorisations à la BC
(banque centrale) pour nous accorder un crédit même si cela va dépasser les plafonds
autorisés. Aussi, le taux est favorisé d’un ou deux points de moins par rapport aux autres
banques à cause des relations et de l’appartenance au groupe et cela a un impact sur la somme
globale pour une société qui est implantée en Tunisie. Quand on parle de 1 million de dinars
comme bénéfice reçu vu le taux favorisant, c’est un exploit ».
- Le soutien du personnel : le personnel de Parenin a constitué un soutien important
pour l’entreprise pendant la crise. Les entretiens ont révélé que l’entreprise a sollicité le soutien
du personnel après la période de confinement due à la crise de covid-19, comme l’explique ce
répondant :
« Elle a demandé de retrancher le montant de quelques jours de congés, environ 10-15
jours de congés annuels qui représentent une somme qui, c’est vrai ne va pas changer Parenin
vers la hausse ou la baisse, c’est environ les 900 000 dinars (environs 26000 euros), mais ça
aide. Pour ceux qui ont fait le télétravail durant le confinement, on a seulement déduit une
dizaine de jours de leurs congés annuels, et pour ceux qui n’ont pas travaillé durant le
confinement, une quinzaine de jours ».
244
L’entreprise a joué sur le fait qu’ils ont une famille et qu’en temps difficile, il est normal
de se soutenir mutuellement.
- La vente à l’étranger : l’entreprise s’est tournée vers des clients en dehors de la
Tunisie, comme le confirme ce répondant : « Une des stratégies de PARENIN pour faire face
à la crise a été de se tourner vers l’Afrique. Je vous donne un exemple : la Somatra est une
société tunisienne qui a des projets en Afrique et elle a acheté beaucoup de machines
Caterpillar ». Un répondant ajoute « on essaie la vente à l’étranger : 11 machines ont été
vendues au Maroc ». Il est à préciser que Caterpillar, l’un des principaux soutiens de l’entreprise
joue un rôle indéniable dans l’obtention des grands contrats en dehors du territoire tunisien.
c/Une orientation marketing comme vecteur de renouveau stratégique face à la crise
Les résultats de notre analyse montrent qu’il existe une maximisation des stratégies
marketing. La capacité de renouvellement de Parenin repose essentiellement sur deux stratégies
marketing que nous allons détailler dans la suite de ce paragraphe. La première est axée sur la
recherche active et la saisie des opportunités, la seconde est axée sur l’adaptation des plans
marketing aux exigences de l’environnement.
Recherche active et saisie des opportunités : cela s’est fait à travers (1) le
développement d’une nouvelle activité et (2) l’entrée sur les petits marchés potentiels
et la focalisation sur tout type de client.
- Développement d’une nouvelle activité :
La dernière division qui est celle de Good Year a été créée en 2018 car une opportunité sur cette
portion de marché s’était présentée, comme le souligne cet interviewé :
« Le secteur pneumatique est porteur parce qu’auparavant, il y avait des contraintes au
niveau de l’importation des pneus. Il y avait une volonté de la part de l’Etat de protéger les
fabricants locaux mais depuis 2014-2015, le secteur a été ouvert à l’importation donc il y a
beaucoup de marques qui se sont hissées sur le marché et Parenin a vu dans ce secteur une
opportunité qu’il fallait saisir, c’est pourquoi on a créé cette division ».
La création de cette nouvelle activité a pour but l’expansion de son activité, comme le
montre ce verbatim :
« C’est en fait le désire de Parenin, de se diversifier. Parenin a plusieurs activités
différentes : elle a Caterpillar, John Deere qui touche à tout ce qui est tracteurs agricoles, Atlas
Copco pour les compresseurs et sécheurs d’air comprimé, etc. L’entreprise opère dans
différents segments de marchés et se positionne sur différents produits et le pneumatique est un
produit qui va avec les engins Caterpillar et les engins agricoles. C’est donc dans l’objectif
245
d’avoir un produit complémentaire à ce que fait Parenin et aussi dans l’optique de se diversifier
aussi bien au niveau du produit que de la clientèle ». Cette stratégie de diversification permet
à l’entreprise de garder un certain équilibre malgré la crise du secteur des travaux publics.
L’analyse des données révèle que l’entreprise essaie de se focaliser sur l’activité du secteur
industriel et du secteur agricole qui ne connaissent pas de crise. La diversification aide Parenin
à contrer les effets de la crise, comme le montre ce verbatim :
« Depuis 2017-2018 jusqu’aujourd’hui, il y a une crise concernant tout ce qui
concerne les infrastructures, les ponts, les routes, car l’Etat n’est pas en train d’investir, il
n’a pas d’argent. Parenin est touché mais l’impact est moindre. Mais si Parenin n’avait que
les produits Caterpillar, l’impact aurait été plus grave mais puisqu’il y a une diversification
de secteurs d’activité, l’impact n’est pas aussi grave que dans d’autres sociétés ».
- Entrée sur les petits marchés potentiels et focalisation sur tout type de client :
Ces nouveaux marchés sont généralement les petits marchés potentiels que l’entreprise
négligeait auparavant. Désormais, elle a pour but de se positionner sur tous les segments du
marché. Nos interviewés ont souligné le fait que cette réalité est la résultante de la crise actuelle
que subit l’entreprise. Désormais, Parenin cherche à se positionner sur tout type de segment de
marché : les petits, les moyens et les grands, comme le montre ce verbatim :
« Il y a des nouveaux marchés sur lesquels on ne se focalisait avant pas comme les petits
marchés, maintenant on se concentre aussi beaucoup sur ces petits marchés, parce que ce sont
des marchés potentiels. Maintenant on est concentré sur tout type de client et non sur les grands
clients seulement comme on le faisait avant ».
Adaptation des plans marketings aux exigences de l’environnement
Selon nos interviewés, Parenin a opéré des changements de stratégie afin de s’adapter
aux exigences de l’environnement, comme le montre ce verbatim :
« Il y’a des plans d’actions qui ont totalement changé, certains ont été renforcés,
d’autres revisités ». Dans le paragraphe suivant, nous allons voir que Parenin a adapté sa
stratégie marketing vis-à-vis du contexte local par le biais d’une politique orientée sur (1) les
produits et (2) les clients.
- Politique-produits : l’entreprise a intensifié sa politique produit à travers la mise en place :
- de promotions alléchantes pour accroitre les ventes,
- d’offres abondantes,
- d’une diversification de ses produits et offres.
-Politique-clients : elle consiste principalement en la mise en place d’une véritable culture-
246
client. Cette culture est orientée sur quatre axes : la fidélisation des clients, l’importance de
l’expérience-client, une confiance qui n’exclut pas la vigilance et enfin la veille stratégique.
1) La fidélisation des clients : la politique de Parenin est de ne pas perdre un seul client. Pour
cela, l’entreprise s’évertue à garder de bonnes relations avec ses clients à travers la négociation
pour trouver des solutions en cas de problèmes. Une autre manière de fidéliser les clients est le
fait de leur offrir un service de qualité. Cette fidélisation passe également par une politique de
proximité et par la disponibilité des techniciens, comme le témoigne ce répondant :
« Parenin mise sur la disponibilité de ses agents et la fidélité du client. Du coup, je suis
toujours joignable même durant le week-end ».
2) L’importance de l’expérience-client : l’expérience-client est une stratégie qui vise à faire
une analyse profonde et détaillée de l’expérience du client avec Parenin, que ce soit pour un
achat, une location, un service de réparation ou même de formation. Les objectifs de ce type
d’analyse sont divers. Il sert à :
- collecter et analyser en profondeur les problèmes qui se posent ;
- comprendre les besoins des clients ;
- trouver des solutions aux problèmes ;
- cibler des catégories de clients ;
- s’adapter aux nouveaux changements.
Une telle démarche est avantageuse à la fois pour le client et pour l’entreprise. Pour le
client, elle permet de le satisfaire en lui proposant des services sur mesure avec une très bonne
qualité de service et une expérience satisfaisante. Pour Parenin, elle permet :
- de révéler les éventuelles défaillances ;
- de connaître le niveau réel de satisfaction des clients ;
- d’apprendre de ses erreurs et déduire les axes sur lesquels il faut davantage
travailler ou améliorer.
3) Une confiance qui n’exclut pas la vigilance : Parenin tente de préserver une confiance
mutuelle avec ses clients. Celle-ci rime aussi avec une certaine vigilance. Selon nos répondants,
les choses n’étaient pas ainsi auparavant, mais la crise actuelle oblige l’entreprise à agir ainsi
pour se préserver. Cela s’exprime par l’adoption de moins en moins de flexibilité au niveau des
procédures donc leur application est de plus en plus stricte, comme le confirme ce verbatim :
« Parfois on engage des bons de commande pour sécuriser l’engagement du client vis-
à-vis de Parenin, et il comprend ça ». Ainsi donc, Parenin mène son enquête afin de s’assurer
que le client est solvable avant de lui vendre des machines ou de lui fournir un service avec des
247
échéances, ce qui est synonyme de crédit. Parfois l’état alarmant de l’activité du client pousse
Parenin à être réticente vis-à-vis de certains clients. Certains de nos répondants ont souligné le
fait que Parenin est était très méfiante à l’égard des entreprises publiques à cause de
l’insolvabilité de ces dernières.
4) Veille stratégique : Parenin, prête une attention particulière à son environnement. Elle est
toujours à la recherche d’informations de toute nature (économique, légale, financière, etc.). Il
y a une véritable politique de veille stratégique.
II. Essai de conceptualisation et discussion des résultats
Cette seconde partie est axée tout d’abord sur la métaphore des ressources et des
compétences comme pilier de l’absorption de la crise avant de se pencher sur la discussion des
résultats obtenus dans ce travail.
2.1. La métaphore des ressources et des compétences : pilier de l’absorption de la crise
Nous allons tout d’abord mettre en lumière la resource-based view comme fondement
théorique de la théorie des ressources et des compétences. Par la suite, nous mettrons en lumière
la théorie des compétences stratégiques comme le vecteur de l’absorption de la crise.
2.1.1 La resource-based view comme fondement théorique
Dans ce qui précède, nous avons évoqué la métaphore des ressources et des compétences
et leur importance dans le contexte de crise des deux entreprises (MTI et Parenin). On ne saurait
parler de théorie des ressources et des compétences (TRC) sans évoquer la théorie la resource-
based view qui en constitue le fondement (Penrose 1959 ; Barney, 1991 ; 2001). La théorie des
ressources propose d’expliquer les différences de création et de maintien de l’avantage
concurrentiel entre les firmes par les caractéristiques des ressources humaines et matérielles.
L’approche ricardienne mentionne les caractéristiques telles que, leur efficience supérieure,
leur rareté et la situation de monopole sur le marché qui permet l’acquisition de rentes (Ricardo,
1817) tandis que Shumpeter (1950) évoque la croissance de nouvelles activités ou de nouvelles
formes d’utilisation des ressources existantes.
Pour Barney (1986b), il existe quatre critères fondamentaux sous le sigle de VRIS qui
caractérisent les ressources permettant d’obtenir ou de maintenir un avantage durable qui
préserve les rentes : valeur, rareté, non imitabilité, non-substituabilité. Certaines ressources
intègrent ces critères.
Le tableau ci-après résume les ressources de Parenin selon le critère VRIS.
248
Tableau 23 : Les ressources selon le critère « VRIS »
Ressources valorisables Critères VRIS
Techniciens qualifiés Valeur
Rareté
Non imitable
Non substituable
Ressources financières Valeur
Rareté
Non imitable
Non substituable
Capital social Valeur
Rareté
Non imitable
Non substituable
Ressources financières Valeur
Rareté
Non imitable
Non substituable
Pièces de rechange Valeur
Rareté
Non imitable
Non substituable
Centre de formation agrée par Caterpillar Valeur
Rareté
Non imitable
Non substituable
Source : Auteur
Pour Parenin, le service après-vente (SAV) est véritablement la ressource stratégique
par excellence, en témoigne ce répondant :
« Sincèrement, je pense que la force de Parenin c’est le service SAV, comme je
l’expliquais au client tout à l’heure, il y a une stabilité à travers les années. A Parenin, il y a
cette assurance chez le client qui fait qu’il peut acheter une machine chez Parenin en 2020 et
être sûr qu’en 2040 et en 2050, il pourra avoir la pièce de rechange, ça c’est une force qui
249
n’existe pas chez les autres, c’est un avantage stratégique et un argument de vente pour nous
».
En effet, l’entreprise dispose de techniciens hautement qualifiés et la qualité de leur
service est un facteur de fidélisation du client. Il s’agit d’une ressource rare car c’est l’ensemble
des formations et de l’accumulation d’expérience au fil du temps qui sont à la base de cette
qualité. C’est également ce qui la rend inimitable et son importance dans la stratégie de
fidélisation fait qu’elle est non substituable. Aussi, elle est non substituable car elle fait la force
de Parenin. Selon les emlpoyés interrogés, le service SAV a été l’activité la plus rentable pour
Parenin au cours de la période du confinement en pleine crise sanitaire.
Par ailleurs, l’entreprise dispose d’une variété de pièces de rechanges aussi bien des
machines neuves que des anciennes machines datant de plus de vingt ans. Le client a donc
l’assurance de trouver les pièces de rechanges peu importe l’ancienneté de sa machine. Le fait
que l’achat d’une machine soit un investissement coûteux fait que la disponibilité des pièces est
un facteur important de fidélisation, ce qui crée un avantage concurrentiel vis-à-vis des clients
et les fidélise. En outre, le service SAV et la vente de pièces de rechange sont des activités qui
ne connaissent pas vraiment de baisse en cette période de crise. L’analyse des données montre
que la crise a changé les habitudes d’achat des clients. Ces derniers ont tendance à louer et à
réparer, d’où la nécessité des pièces de rechange.
Les ressources financières et le capital social de Parenin constituent aussi des ressources
stratégiques.
2.1.2. La métaphore des compétences stratégiques : vecteur de l’absorption de la crise
Elle représente une autre perspective de la théorie des ressources et se focalise sur les
compétences centrales ou organisationnelles susceptibles de créer un avantage concurrentiel
(Prahalad & Hamel, 1990). Selon Hamel (1994), la particularité de cette approche est de
considérer les compétences comme un facteur de différenciation entre les firmes.
Elle consiste pour l’organisation à identifier et à exploiter les compétences clés. Il s’agit
de compétences durables de meilleure qualité par rapport aux concurrents et difficiles à
reproduire (Prévot et al., 2010).
Dans cette partie de notre raisonnement, nous allons nous attarder sur les compétences
qui ont permis le déploiement des ressources durant la crise. Nous remarquons que le
déploiement des ressources durant la crise repose essentiellement sur les compétences centrales
disponibles à Parenin et à MTI. Pour Penrose (1959), il ne suffit pas d’avoir des ressources,
encore faut-il disposer de compétences capables d’utiliser ces ressources de manière efficiente
250
pour créer un avantage concurrentiel. Les compétences représentent le mode de coordination
des ressources, c’est-à dire le savoir-faire de l’entreprise (Prahalad et Hamel1990).
2.1.3. Emergence de la métaphore des compétences (cas Parenin)
Le tableau ci-dessous regroupe les différentes compétences. Elles se composent des
compétences qui aident l’entreprise à reconfigurer ses ressources humaines et structurelles.
251
l’attribution du caractère métaphorique aux ressources et aux compétences.
Les ressources et les compétences étant des éléments cruciaux dans l’approche des
ressources dynamiques, il est possible d’inscrire notre approche dans celle des capacités
dynamiques. Dans ce qui suit, nous allons essayer de conceptualiser cette réalité.
Métaphore de l’apprentissage
namiques
(Argyris & Schön, 1978) Métaphore des
capacités
Métaphore des ressources stratégiques dynamiques (Teece
(Barney, 1986)
et al., 1997)
Source : Auteur
Les résultats de l’analyse des données ont donné lieu à trois conceptualisations sous
formes de trois métaphores : La métaphore de l’apprentissage (Argyris & Shon, 1978), la
métaphore des ressources stratégiques (Barney, 1986) et la métaphore des compétences
stratégique (Penrose ; 1959 ; Prahalad et Hamel, 1990). Par ailleurs, selon Teece et al., (1997),
les ressources et les compétences stratégiques, ainsi que l’apprentissage sont des actifs créateurs
d’un avantage concurrentiel pour l’organisation dans un environnement d’incertitude. Ainsi, la
position de leader que Parenin occupe sur le marché tunisien actuellement dans le contexte
d’après la révolution est le résultat de son investissement « dans la technologie, les actifs
complémentaires, la base des clients ainsi que les relations avec les clients » (Labrouche, 2014,
p. 8). Cette modélisation correspond à celle des capacités dynamiques développé par Teece et
al., (1994 ; 1997) qui a pour fondement l’approche basée sur les ressources ou la resource-
based theory. Les auteurs définissent les capacités dynamiques comme « la capacité de
l'entreprise d'intégrer, de construire et de reconfigurer des compétences internes et externes
pour faire face à des environnements rapidement » Teece et al., (1994 : 516). Les compétences
servent à coordonner les ressources par mécanisme d’intégration ou de reconfiguration pour
faire face aux changements. Ainsi, l’apprentissage étant au cœur des ressources dynamiques, il
permet à l’organisation d’actualiser ses routines organisationnelles tout comme les
252
compétences (Zollo & Winter, 2002). Les capacités dynamiques peuvent être définies comme
la somme des routines organisationnelles constituées par les routines d’apprentissage et des
routines stratégiques formées par les ressources et les compétences stratégiques (Labrouche,
2014). Ce travail peut ainsi s’inscrire dans une perspective inclusive des capacités dynamiques
à savoir la conception organisationnelle et la conception managériale. Ainsi, la capacité de
Parenin et MTI à absorber la crise se trouve dans la détention de ressources stratégiques
configurées d’une manière particulière à l’aide de décisions managériales. La capacité à se
renouveler se trouve dans sa capacité à actualiser sa base de connaissances opérationnelles pour
adapter ses routines selon le contexte.
253
Parenin car sa structure et son fonctionnement sont calqués sur celui de Parenin.
Les résultats démontrent la présence des métaphores des ressources et des compétences
dans les deux cas étudiés. Nous remarquons à travers les résultats que Parenin détient plus de
ressources et de compétences que MTI. En effet, Parenin détient plus de ressources humaines
que MTI qui compte une quinzaine de salariés. Nombreux sont les salariés de MTI qui ont été
mutés à MTI. Les employés nous ont confiés qu’il n’y a pas de direction des ressources
humaines (DRH) à MTI, le département finance est celui qui régit la politique salariale de
l’entreprise. Les responsables que nous avons interrogés ne trouvent pas forcement la nécessité
d’avoir une DRH à cause de l’effectif réduit.
Parenin détient des ressources immatérielles comme la bonne réputation, cette ressource
ne ressort pas des entretiens à MTI. Néanmoins, comme Parenin, il est possible qu’elle jouisse
de cette réputation grâce à son lien avec le groupe et la famille auxquels elle appartient.
Les deux entreprises jouissent d’une double culture : tunisienne (par les employés, et le
contexte géographique) et américaine (dans le fonctionnement et les « process »). Elles
jouissent toutes les deux d’une assisse financière importante puisqu’elles sont soutenues par la
banque du groupe.
Par ailleurs, Parenin et MTI possèdent des compétences stratégiques qui leur donnent la
primauté sur leurs concurrents. Parenin est le leader sur le marché tunisien pour les produits
Caterpillar tandis que MTI est le leader sur le marché Lybien pour ces mêmes produits. Cela
s’explique par le fait que ces deux entreprises sont les seuls concessionnaires Caterpillar sur les
deux marchés. Cela s’explique également par la qualification supérieure des commerciaux et
des techniciens qui, respectivement, vendent et offrent des services de réparation.
2.4. Implications des résultats de recherche par rapport aux propositions de recherche
Par rapport à nos propositions et dans les deux cas étudiés, les résultats révèlent que la
RO est plus une métaphore mythique de l’AO, contrairement à notre hypothèse de départ. En
effet, tout au long de ce travail, nous avons eu pour ambition de montrer que la dimension
organisationnelle est supérieure à la dimension individuelle. Nous avons ainsi développé le
raisonnement selon lequel, l’AO dans l’approche d’Argyris & Schön (1978) fait plus référence
à un apprentissage individuel qu’à un apprentissage organisationnel car il question d’un
apprentissage qui a pour centre l’individu et non l’organisation. Nous avons assimilé l’AO dans
le cadre de cette thèse à l’approche par socialisation de Nonaka & Takeushi (1997), qui semble
plus focalisée sur la dimension organisationnelle par le fait qu’elle semble être une approche
holiste dans laquelle les capacités individuelles d’apprentissage sont transformées en capacités
254
organisationnelles d’apprentissage à travers le processus SECI au moyen d’une
institutionnalisation et d’une diffusion des connaissances à l’échelle de l’organisation. C’est
pourquoi, nous avons pensé la RO comme une métaphore analogique de l’AO. Dans ce cas, la
RO serait l’autre nom de l’AO. Mais nos résultats révèlent qu’elle est plutôt une métaphore
mythique. Cela signifie que la RO relève d’une réalité basée sur un mythe et non sur une
analogie. Ce qui remet le concept de RO en question et conduit à se poser la question de savoir
ce qu’est la RO, puisqu’elle n’est pas de l’AO ? Pour répondre à cette question, il faut se référer
aux résultats de l’analyse des données qui ont émergé de nos cas. Ces résultats ont dévoilé des
métaphores enracinées telles que la métaphore des ressources et des compétences. La
conceptualisation qui ressort de ces conclusions correspond à celle des capacités dynamiques.
2.3.2. Reponses à la problématique et aux questions de recherche
Au terme de notre étude, nous croyons qu’il est nécessaire d’apporter des réponses
claires à la problématique de cette thèse qui se présente comme suit :
Comment le concept de métaphore fonde-t-il ou pas la compréhension du passage
d’une logique individuelle à une logique organisationnelle de résilience ?
Le concept de métaphore ne fonde pas la compréhension du passage d’une logique
individuelle à une logique organisationnelle de résilience dans la mesure où la RO est
appréhendée comme la métaphore analogique de l’AO, puisque l’analyse a dévoilé que la RO
est une métaphore mythique de l’AO. Dans ce cas, il y a peut-être des contextes et des éléments
favorables qui aident la survie, la pérennité et même le succès des organisations, mais il n’existe
pas de RO, elle est un mythe selon nos résultats.
Par contre, la métaphore fonde la compréhension du passage d’une logique individuelle
à une logique organisationnelle de résilience dans la mesure où la RO est appréhendée comme
la métaphore analogique des capacités dynamiques, une conceptualisation émanant des
conclusions de ce travail de recherche. Cela se justifie par le fait « que le caractère
multidimensionnel et intégrateur des capacités dynamiques, lui permettant de développer une
vision holiste d’un phénomène complexe » (Labrouche, 2014 : 1). Ainsi donc la métaphore des
capacités dynamique paraît plus significative pour le concept complexe de RO pour les cas
étudiés.
Nous allons également tenter de répondre aux questions de recherche sous-jacentes à la
problématique.
1. Peut-on réellement parler d’une résilience organisationnelle en soi ?
Il n’est pas possible de parler d’une résilience organisationnelle en soi pour les deux
255
cas, objet de notre étude, lorsqu’elle est conçue comme la métaphore analogique de l’AO.
Mais il est possible de considérer qu’il existe une résilience en soi pour les cas étudiés dans la
mesure où l’on considère la RO comme la métaphore analogique des capacités dynamiques.
2. Comment les capacités individuelles de résilience conduisent-elles aux
capacités de résilience organisationnelle ?
Cela se fait au moyen de la métaphore organisationnelle. Plus précisément au moyen
d’un transfert rhétorique, c’est-à-dire en s’appuyant sur un discours qui relève du mythe comme
le montre nos résultats en ce qui concerne le résultat selon lequel la RO est la métaphore
mythique de l’AO.
3. Sommes-nous en droit de considérer l’AO comme étant le comparant de la
RO ?
Oui, voir le paragraphe sur la pertinence du concept comparant (chapitre 3)
4. Quel modèle explicatif de la résilience organisationnelle en résulte-t-il ?
Le modèle explicatif de la RO qui en résulte n’est donc pas l’AO par socialisation
comme nous l’avons supposé au départ mais celui des capacités dynamiques avec la resource
based-view comme fondement théorique. La RO semble être ainsi une métaphore analogique
des capacités dynamiques.
2.5. Discussion des résultats
Les travaux qui traitent de la résilience organisationnelle et de la métaphore
organisationnelle sont quasiment inexistants. Nous allons cependant, nous pencher sur les
travaux qui traitent de la résilience organisationnelle afin de confronter nos résultats avec ceux
d’autres travaux.
Dans leur approche de la métaphore, Bégin & Chabaud (2010) abordent la thématique
de l’apprentissage post crise comme une dimension de la RO. Les auteurs sont d’avis que les
leçons apprises après une crise sont à même d’aider les organisations à prendre des mesures
proactives en vue d’éviter des crises éventuelles (ou les mêmes crises) dans l’avenir. Il est ainsi
question de l’apprentissage dans une optique d’appropriation des crises et non de la théorie de
l’apprentissage organisationnel. Dans ce travail, au contraire, nous avons considéré
l’apprentissage organisationnel et plus précisément la socialisation au sens de Nonaka &
Takeushi (1997) non pas comme une dimension mais comme une métaphore explicative de la
RO. L’une des raisons de ce choix, après une discussion de la littérature, se trouve dans la
définition même de la métaphore donnée par Morgan (1980). Selon l’auteur, un terme ou un
élément A est la métaphore d’un autre élément B lorsqu’ils présentent à la fois des
256
ressemblances et des dissemblances. En effet, les deux termes sont différents par leur sens
littéral mais se ressemblent au niveau de leur structure : les deux comportent à la fois une
dimension individuelle et une dimension organisationnelle. Nos résultats montrent que la RO
est la métaphore mythique de l’apprentissage organisationnel, un résultat que nous ne pouvons
confronter avec d’autres travaux.
Comme nos résultats l’ont montré, certains travaux réalisés sur la thématique de la
résilience dans le contexte tunisien montrent la prééminence des ressources, à l’instar des études
réalisées par Chaabouni et ses collaborateurs en 2015. Ces travaux démontrent l’existence de
deux principaux déterminants qui contribuent à la résilience des organisations familiales
tunisiennes : les capacités possédées et les capacités actionnées durant la crise (Chaabouni et
al., 2015). Les capacités possédées constituent des réservoirs de ressources dans lesquels les
entreprises puisent durant la crise. Elles se composent de deux ressources : le capital social et
la prudence financière. Nos résultats montrent l’existence d’un capital social important qui est
assez déterminant dans les situations de crise pour nos cas. Quant à la prudence financière, elle
se définit comme une capacité composée de ressources qui permettent de limiter ou d’éviter la
liquidation de l’entreprise. Cela est possible grâce à la détention de réserves financières et d’un
faible taux d’endettement (Marouane & Chtourou, 2015). Nos résultats montrent la présence de
cette prudence financière par la présence de ressources financières. D’ailleurs, notre
investigation a montré que les ressources financières conséquentes possédées par Parenin et
MTI ont été déterminantes pour éviter l’effondrement de MTI et la mise en difficulté ou la
faillite de Parenin. En effet, en pleine crise, les dirigeants de MTI ont dû injecter des milliers
de dollars pour tout recommencer lorsque les bâtiments et les machines ont été détruits par la
guerre en Lybie. C’est également grâce aux ressources financières que Parenin a pu payer ses
salariés (sans être obligé de baisser les salaires) et investir dans de nouvelles activités durant
les crises, notamment celle du covid 19 qui a eu des répercussions négatives pour les
entreprises.
Quant aux capacités actionnées dans les entreprises tunisiennes dans les moments de
crise, il a été établi que ce sont les capacités d’absorption et de renouvellement qui sont
actionnées comme le confirme la littérature (Chabaud & Bégin, 2010). Cependant les études
montrent une prééminence de la capacité d’absorption (capacité à absorber la crise) aussi bien
pour nos résultats que dans les autres travaux (Chaabouni et al., 2014 ; Maroune & Chtourou,
2015 ; Mzid, 2015). En effet toutes les entreprises n’ont pas forcement développé les capacités
de renouvellement car « lorsque l’entreprise pouvait initialement compter sur son capital social
257
et sur sa prudence financière, elle se contentait alors d’absorber les chocs » (Chaabouni et al.,
2015 : 86). La capacité d’absorption semble très exploitée pour son efficacité à éviter
l’effondrement. Dans ce sens Bauweraerts & Colot (2014) affirment que la capacité
d’absorption des entreprises familiales se traduit par de meilleurs niveaux de performance
opérationnelle, économique et financière en période de crise grâce à une gestion optimale des
ressources (Bauweraerts & Colot, 2014). Ainsi donc, nos résultats en ce qui concerne la
présence de ressources semblent similaires avec ces travaux, peut-être par ce qu’ils ont été
réalisé dans le même contexte, c’est-à-dire dans des entreprises familiales tunisiennes. Mais ces
travaux ne statuent pas sur les compétences révélées par nos résultats, qui représentent à notre
sens, le facteur qui permet un déploiement efficace des ressources.
En ce qui concerne, la conceptualisation de la RO organisationnelle comme une
métaphore des capacités dynamiques, elle va dans le même sens que les conclusions émises par
Altintas (2020). Dans son article, l’auteure explique que les capacités dynamiques pourraient
expliquer la RO par l’agencement régulier des ressources et des compétences afin de palier à la
baisse des activités générée par les crises. Cette conceptualisation est très intéressante,
cependant il s’agit d’un article théorique. Dans ce travail, nos résultats montrent que la RO est
plus une métaphore analogique des capacités dynamiques que de l’apprentissage
organisationnel par socialisation
258
Conclusion du chapitr 6
Dans la première section de ce chapitre, nous avons vu qu’il n’existe pas d’apprentissage
organisationnel puisque l’approche de l’apprentissage organisationnel adoptée dans ce travail,
à savoir celle de Nonaka & Takeushi (1997) n’existe pas vraiment dans les faits. En effet, notre
approche de l’apprentissage organisationnel telle que conçue au départ repose sur une approche
holistique de l’organisation. Ainsi, l’apprentissage, pour qu’il soit organisationnel doit pouvoir
passer de la dimension individuelle et donc cognitive à la dimension organisationnelle à travers
le processus de socialisation qui est un processus d’institutionnalisation des connaissances
tacites au niveau organisationnel. Les résultats de notre étude montrent une quasi-absence de
socialisation avec une prééminence de l’apprentissage individuel basé sur l’intériorisation des
connaissances explicites et sur la résolution des problèmes basée sur l’application stricte des
règles et procédures de travail. Ce qui implique que l’organisation n’apprend pas, seuls les
individus et groupes d’individus apprennent. Or dans ce travail, le niveau organisationnel n’est
pas considéré comme la somme des niveaux individuels. Cette modélisation correspond à notre
première proposition qui stipule que la transformation des capacités individuelles de résilience
en capacités organisationnelles résulte d’un processus de transport par la rhétorique. Ainsi,
l’apprentissage organisationnel pour nos terrains d’étude relève plus du mythe que de la réalité.
Par conséquent la résilience organisationnelle n’existe pas pour les cas étudiés.
Par ailleurs, dans la seconde partie de ce chapitre, nous nous sommes intéressés aux
éléments qui ont émergé du terrain et qui font référence à d’autres métaphores, à savoir la
métaphore des ressources stratégiques et la métaphore des compétences stratégiques. En y
rajoutant la métaphore de l’apprentissage organisationnel, nous aboutissons à une
conceptualisation des capacités dynamiques. La résilience serait alors la métaphore analogique
des capacités dynamiques.
259
Conclusion générale
Le présent travail s’est attaché à étudier le passage de la résilience individuelle à celui
de la résilience organisationnelle sachant que les deux constituent deux dimensions différentes
auxquelles les auteurs ne semblent pas toujours prêter attention. Tout au long de cette thèse,
nous avons essayé de comprendre si le concept de métaphore organisationnelle et
particulièrement la métaphore de l’apprentissage organisationnel pouvait fonder la
compréhension du passage de la dimension individuelle à celle de la dimension
organisationnelle de la résilience. Autrement dit, il s’agissait de comprendre si l’apprentissage
organisationnel et plus précisément l’approche par la socialisation de Nonaka & Takeushi
(1997) pouvait être la métaphore de la résilience organisationnelle. En d’autres mots, nous
avons tenté de comprendre si une organisation résiliente est une entreprise apprenante ou non.
Notre ambition était ainsi, à défaut de preuve, de comprendre, la résilience organisationnelle
comme étant une métaphore de l’apprentissage organisationnel. Cet objectif nous a conduits à
adopter une stratégie de recherche en deux grandes parties : une partie première théorique et
une deuxième partie empirique.
La première partie est structurée autour de trois chapitres. Le premier chapitre est
consacré à une revue de la littérature sur la résilience organisationnelle. Il retrace ainsi la
naissance et le parcours évolutif du concept de résilience depuis son origine, en passant par la
psychologie (résilience individuelle ou psychologique) pour enfin faire son entrée dans les
sciences de gestion (résilience organisationnelle). Ainsi, le chapitre premier s’attèle à mettre en
lumière les concepts de résilience individuelle et de résilience organisationnelle. Le second
chapitre est axé sur la métaphore organisationnelle. Il tente de retracer également le parcours
linguistique, philosophique et organisationnelle de la métaphore avec un accent mis sur la
dimension organisationnelle. Le troisième chapitre tente de mettre en relation le premier et le
deuxième chapitre. Il étudie la résilience organisationnelle comme une métaphore de
l’apprentissage organisationnel. C’est à ce niveau que nous avons formulé les propositions de
recherche.
Ainsi, la première phase théorique de la présente thèse a permis de mieux cerner les
concepts à la base de la problématique traitée, à savoir la résilience organisationnelle et la
métaphore organisationnelle.
260
laquelle le travail a été mené. La méthodologie qualitative et le paradigme constructiviste sont
adoptés dans cette thèse. Notre démarche de recherche repose sur une démarche inductive de
type exploratoire. Il ne s’agit pas de l’induction pure, mais plutôt de l’adoption d’un esprit
inductif. Le recours à cette démarche est lié à la quasi-absence des travaux traitant de la manière
dont on passe de la résilience individuelle à la résilience organisationnelle. Aussi, dans ce
chapitre, nous avons présenté les cas étudiés et les conditions dans lesquelles nous avons
effectué les entretiens. Le cinquième chapitre porte sur la présentation des résultats de notre
analyse. Nous y avons présenté les résultats de l’analyse des deux cas sous la forme de matrices.
Et enfin, le dernier chapitre est focalisé sur la discussion des résultats et des conclusions qui
ressortent de la recherche.
A l’issue de la discussion il est apparu que la résilience organisationnelle est plus une
métaphore des capacités dynamiques (théorie dérivant de la théorie « ressources based-view »)
que de l’apprentissage organisationnel. Ainsi, la résilience organisationnelle serait la métaphore
des ressources stratégiques dont dispose l’entreprise et qu’elle va déployer d’une manière
particulière grâce aux compétences dont elle dispose. La pérennité des entreprises étudiées
semble tributaire des ressources et des compétences stratégiques qu’elles possèdent. Ce sont les
ressources stratégiques et les compétences combinées et actionnées d’une manière particulière
qui font la différence dans une situation de crise et d’incertitude.
Dans les paragraphes suivants, nous allons nous pencher sur les différents apports de ce
travail de thèse avant d’aborder les limites et les voies futures de recherche.
261
1. Les apports managériaux
Notre recherche s’inscrit dans une approche qualitative et l’apport contextuel mérite
d’être mis en exergue. La métaphore des ressources et des compétences, ainsi que celle des
capacités dynamiques qui ont émergé de ce travail, constituent un apport propre au contexte
étudié car il est possible que nous trouvions d’autres métaphores dans d’autres contextes
différents.
- Une triangulation des données collectées entre des entretiens sémi-directifs, des
observations non participantes et une analyse documentaire ;
262
la somme des résiliences individuelles. Elle interpelle et permet de porter l’attention sur le
problème des concepts multidimensionnels et la manière dont on passe d’une dimension à une
autre. La métaphore semble être le canal qui rend ce passage possible, même si elle n’est pas
toujours avérée ou même connue. En conséquence, envisager la résilience organisationnelle
comme une métaphore organisationnelle est un apport théorique. En effet, traiter la RO comme
une métaphore dans ce travail a permis de faire émerger la théorie des « resource based-view ».
Autrement dit, dans un environnement de crise, ce sont les ressources que détiennent les
entreprises qui permettent de le surmonter et d’assurer la continuité. Dans notre cas, les
ressources et les compétences stratégiques que possèdent les entreprises étudiées sont sources
de compétitivité et de pérennité dans l’environnement incertain et turbulent de l’après
révolution en Tunisie et de la pandémie du COVID 19. Tout au long de ce travail, nous avons
relevé l’absence de théorie en ce qui concerne la résilience organisationnelle. C’est pourquoi,
la théorie des « resources based-view » pourrait constituer une avancée dans ce domaine. Aussi,
recourir à une approche métaphorique contribue à proposer un fondement à ce concept en
sciences de gestion. L’approche métaphorique proposée par ce travail constitue ainsi, un apport
pour l’opérationnalisation de ce concept qui demeure largement plus théorique qu’empirique
dans les recherches en sciences de gestion.
En outre sur le plan de l’impact, obligation mise en avant aujourd’hui dans les débats
internationaux sur la recherche en sciences de gestion et par les accréditations, nous corrélons
la création de savoir envisagée dans la thèse aux Objectifs de Développement Durable des
Nations Unies ou ODD n°4 et 9 parce qu’ils concernent respectivement « l’accès à l’éducation
et la promotion de l’innovation », ainsi qu’aux objectifs de formations qualifiées ayant pour
support la technologie et l’innovation de l’agenda 2063 de l’UA. Par l’intérêt porté sur la
thématique de socialisation de l’approche de l’apprentissage organisationnel de Nonaka &
Takeushi (1997), cette présente thèse promeut de manière pratique les objectifs visionnaires de
création de savoir et d’innovation poursuivis par l’ONU (pour l’horizon 2030) et de formations
qualifiées visées par l’Union Africaine (UA) dans le cadre de l’Agenda 2063.
Par ailleurs, les conclusions de cette recherche s’alignent avec les objectifs de
développement durable et de croissance économiques poursuivis aussi bien par les ODD pour
263
l’agenda 2030 que par l’Union Africaine pour l’agenda 2063. En effet, nos conclusions
montrent que les entreprises résilientes sont des entreprises dotées de ressources stratégiques
qui assurent leur croissance et leur pérennité en temps de crise. Avec le contexte d’incertitude
mondiale, la pérennité des entreprises et en particulier celles des entreprises africaines est un
impératif pour un développement et une croissance économique durable. Ainsi, les entreprises
devraient faire preuve de discernement stratégique en se dotant d’une capacité stratégique à
même de les aider à non seulement surmonter mais également à prospérer dans un
environnement incertain et hostile comme celui de crise.
La première limite est liée à l’absence de saturation sémantique. En effet dans ce travail,
nous n’avons pas cherché à atteindre la saturation sémantique chez les personnes interrogées
puisque notre échantillon était un échantillon de convenance questionnée de façon exploratoire,
du fait des difficultés d’accès au terrain (le contexte de la pandémie).
Une autre limite est liée à l’activité des entreprises étudiées. Ce sont des entreprises qui
n’opèrent pas dans le domaine de l’innovation. C’est sans doute ce qui explique la quasi-
absence de la socialisation et l’accent mis sur les connaissances explicites et non sur les
connaissances tacites. Les résultats auraient pu être différents s’il s’agissait d’entreprises qui
opéraient dans le domaine technologique.
A partir des limites relevées, plusieurs voies de recherches peuvent être proposées. On
pourrait par exemple changer de cadre empirique et étudier la résilience organisationnelle
comme une métaphore de l’apprentissage organisationnel dans des organisations ou entreprises
opérants dans un contexte innovant.
264
Enfin, il serait intéressant d’étudier la résilience organisationnelle sous le prisme de la
métaphore des capacités dynamiques.
265
Bibliographie
Achor, S., Michelle, G., (2017), « Resilience Is About How You Recharge, Not How You
Endure », Havard Business Review, 4-18
Ahras, A., (2020), « Résilience face au risque d’entreprendre en contexte hostile : le cas de
l’Algérie », Revue internationale des sciences de l’organisation 8 (1): 57‑78.
Albert M-N., Avenier M-J., (2011), « Légitimation de savoirs élaborés dans une épistémologie
constructiviste à partir de l’expérience de praticiens », RECHERCHES QUALITATIVES
– Vol. 30(2): 22-47.
Altintas, G., (2020), « La capacité dynamique de résilience : l’aptitude à faire face aux
événements perturbateurs du macro-environnement », Management & Avenir 115 (1):
113‑33.
Altintas, G., Isabelle, R., (2009), « Renforcement de la résilience par un apprentissage post-
crise : une étude longitudinale sur deux périodes de turbulence », M@n@gement 12
(4): 266.
Anaut, M., (2005), « Le concept de résilience et ses applications cliniques », Recherche en soins
infirmiers 82 (3): 4‑11.
Anaut, M., (2015) « La résilience : évolution des conceptions théoriques et des applications
cliniques », Recherche en soins infirmiers, 121 (2): 28‑39.
Annarelli, A., Nonino, F., (2016), « Strategic and Operational Management of Organizational
Resilience: Current State of Research and Future Directions », Omega, 62 : 1‑18.
Argyris C., (1960), Understanding organizational behavior Homewood, Ill., Dorsey Press, 179P
Argyris, C., Schön D.A., (2002), Apprentissage organisationnel : Théorie, méthode, pratique,
Paris : DeBoeck Université, 380P.
Argyris, C., Schön D.A., (1978), Organizational learning : A theory of action perspective.
Reading, MA: Addison-Wesley.
Aristote (1980) La poétique : Texte, traduction, notes par Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot
(2011). Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 465P.
Aristote (1991) La réthorique, Éditions le livre de poche, France : le livre de poche, 407 p.
Auriacombe, É., (2005). Harry Potter, l’enfant héros: Essai sur la psychopathologie d’Harry
Potter. Hors collection. Paris cedex 14: Presses Universitaires de France.
Autissier, D., (2021) « Éditorial.La résilience organisationnelle au cœur des sciences de
gestion : vers une gestion du changement évènementielle », Question(s) de management
35 (5): 41‑41.
266
Ayari, B.M., (2011) « Des maux de la misère aux mots de la « dignité », La révolution
tunisienne de janvier 2011 », Revue Tiers Monde, S (5) : 209-217.
267
Boyer L., Equilbey N., (1999) Organisation : théories et applications. Holl. Ed.
d’Organisation.
Burrell, G., Morgan, G., (1979), Sociological Paradigms and Organizational Analysis,
Aldershot, UK: Gower.
Braconnier A., (1998), Psychologie dynamique et psychanalyse, Masson.
Bruneau, M. G. C., Lee S. E., Chang, R. T., Eguchi T. D., O’Rourke A. M R., et D., Von
Winterfeldt D., (2003) « A framework to quantitatively assess and enhance the seismic
resilience of communities », Earthquake Spectra, 19 (4): 733‑52.
Burnard K., Bhamra R (2011) « Organisational Resilience: Development of a Conceptual
Framework for Organisational Responses », International Journal of Production
Research, 49 (18): 5581‑5399.
Chaabouni J., et Véry P., (2015), Crises, transition, comment les firmes tunisiennes s’en
sortent-elles ?, Editions C.L.E., 289p.
Chaabouni J., et Véry P., Smaoui Hachicha, Z., (2014), « Eventail de capacités et résilience des
entreprises en période de crise de longue durée », in Chaabouni J., et Véry P., (2015), Crises,
transition, comment les firmes tunisiennes s’en sortent-elles ?, Editions C.L.E., 289p.
Charmaz, K., (2006), Constructing Grounded Theory: A Practical Guide through Qualitative
Analysis, Sage, UK: SAGE.
Charreire-Petit, S., Cusin, J., (2013), « Whistleblowing et résilience : Analyse d’une trajectoire
individuelle ». M@n@gement, 16 (2): 142‑75.
Cheng, P., (2007) « The Cultural Value of Resilience – The Singapore Case Study ». Cross
Cultural Management An International Journal 14 (2): 136‑49.
Choo, C, W., (2008), « Organizational disasters : Why they happen and how they may be
prevented », Management Decision, 46(1): 32-45.
Choo, C, W., (1996), « The knowing organization: How organizations use information to
construct meaning, create knowledge and make decisions », International Journal of
Information Management, 16(5): 329-340.
268
Christianson, M.K., Farkas, M.T., Sutcliffe, K.M., Weick K.E., (2009) « Learning through rare
events : significant interruptions at the Baltimore & Ohio Railroad Museum », Organization
Science, 20(5): 846-860.
Cohen, W. M., Levinthal D.A., (1990), « Absorptive Capacity: A New Perspective on Learning
and Innovation ». Administrative Science Quarterly 35 (1): 128‑52.
Cornelissen, P.J., (2005), « Beyond compare: metaphor in organization theory », Academy of
Management Review, 30 (4):751–764.
Cornelissen, P.J., Kafourous M., (2008) « Metaphors and Theory Building in Organization
Theory: What Determines the Impact of a Metaphor on Theory?», British Journal of
Management, 19 (4), p.365–379.
Coutu, D. L., (2002), « How Resilience Works ». Harvard Business Review 80 (5): 46‑55.
Crossan, M., H. W., Lane H.W., WHITE R. E., (1999), « An organizational learning
framework: from intuition to institution », Academy of Management Review, 24 (3):.
522–537.
Cumming, G. S., Barnes G., Perz S., Schmink M., Sieving K. E., Southworth M., Binford R.
D., Stickler H. C., Van Holt T., (2005), « An Exploratory Framework for the Empirical
Measurement of Resilience », Ecosystems, 8 (8): 975‑87.
Cyrulnik B., (1999) Un merveilleux malheur, France : Odile Jacob.
Cyrulnik B., (2001) « Manifeste pour la résilience », Spirale, 18 (2): 77‑82.
Cyrulnik B., (2002) Le murmure des fantômes, France: Odile Jacob.
Cyrulnik B., (2005), « Résilience et développement cognitif », Le Coq-héron, 181 (2): 112‑27.
Czarniawska B., Joerges B., (1996), «Travels of ideas » in Czarniawska, B., Sevon, G., (1996),
Translating Organizational Change, New York :Walter de Gruyter, 13-48.
Daft, R.L., Weick K.E., (1984), « Toward a model of organizations as interpretation systems
», The academy of management review, 9 (2) : 284-295,
Daguzan, J-F., (2011), Tunisie. Institut français des relations internationales.
Dakhli, L., (2011) « Une lecture de la révolution tunisienne », Le Mouvement Social, 236 (3):
89‑103.
Dauphiné, A., et D. Provitolo. 2007. « La résilience : un concept pour la gestion des risques ».
Annales de géographie 654 (2): 115‑25.
De Bovis, C., (2009), « D’une prévention des risques classique à des organisations à haute
fiabilité », Management & Avenir, 27 (7): 241-259.
269
De Bruyne, P., Herman, J., De Schoutheete (1974), Dynamique de la recherche en sciences
sociales, Paris : presses universitaires de France.
De Rozario, P., Pesqueux, Y., (2018), Théorie des organisations, Pearson France.
Dimaggio, P.J., Powell, W.W., (1983), « The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism
and Collective Rationality in Organizational Fields », American Sociological Review,
vol. 48, p. 1750-1762.
Duchek, S., (2014) « Growth in the Face of Crisis: The Role of Organizational Resilience
Capabilities », Academy of Management Proceedings, 13487‑13487.
Ellouze (2020), Une analyse du débat autour de l’institutionnalisation de l’intelligence
spirituelle, sous l’angle de l’intelligence émotionnelle dans le domaine de l’engagement
affectif : Une étude d’une situation de gestion, thèse en sciences de gestion, sous la
direction du prof. Rym Hachana et du Prof. Yvon Pesqueux, Paris, Cnam,366P.
Fauconnier, G., (1997), Mappings in Thought and Language, Cambridge : Cambridge
University Press.
Ferrary, M., Pesqueux Y., (2011), Management de la connaissance : knowledge management,
apprentissage organisationnel et société de la connaissance, 2ème éd., collection
Gestion, France : Economica, 264p.
Ford, J. D., Ford LW. (1994), « Logics of identity, contradiction, and attraction in change »,
Acad. Manage. Rev. 19: 756.85
Frankl, V. E., (1967), « Logotherapy and existentialism », Psychotherapy : Theory, Research
& Practice, 4 (3): 138‑42.
Frimousse, S., Peretti, J.M., (2021), « Comment renforcer durablement la résilience
organisationnelle ? » Question(s) de management, 35 (5): 127‑74.
Frye, N., (1990) « The Koine of myth: myth as a universally intelligible language » In Denham
RD (ed.) Northrop Fry : Myth and Metaphor : Selected Essays, 1974–1988, Charlottesville :
University Press of Virginia, pp. 3–17.
270
Garvin, D. A., (1993), « Building a Learning Organization », Harvard Business Review, 71(4):
78-91.
Gharajedaghi, J., Ackoff, R., (1984), « Mechanisms, organisms and social systems », Strategic
Management Journal, 5 (3), p.289-300.
Glaser, B., (1978) Theoretical Sensitivity, Sociology Press, Mill Valley, CA.
Glaser, B., (1992), Emergence v Forcing Basics of Grounded Theory Analysis, Sociology
Press, Mill Valley, CA.
Glaser, B. G., Strauss, A. L., (1967), The discovery of grounded theory : Strategies for
qualitative research, New York : Aldine De Gruyter.
Godwin, J. L., Neck, C. P., D’Intino, R. S. (2016), Self-leadership, spirituality, and entrepreneur
performance : A conceptual model, Journal of Management, Spirituality & Religion,
13(1), 64-78.
Guba, E.G., Lincoln Y.S., (1998), Competing paradigms in qualitative research, in Denzin N.,
Lincoln, Y., (eds),The landscape of qualitative research, 195-220, London: Sage.
Guba, E.G., Lincoln Y.S., (1989), Fourth generation evaluation, London, Sage.
Girod-Seville M. et Perret V (2003): Fondements épistémologiques de la recherche, in Thietart
R.A., Méthodes de recherche en management, Dunod, p. 13-33.
Hamel, G., Välikangas, L., (2003), « The Quest for Resilience », Harvard business review, 81:
52‑63.
Hammouda, A., (2018) « Performance différenciée et résistance des entreprises familiales face
aux crises : cas des entreprises cotées en Tunisie », Gestion 2000, 35 (5): 123‑55.
Hannan, M. T., Freeman, J., (1984) « Structural Inertia and Organizational Change » 49 (2):14-
23
Harre, R., (1984), The philosophies of science (2nd ed.), Oxford University Press, Oxford,
149‑64.
Hatum, A., Pettigrew, A., (2006), « Determinants of organizational flexibility : A study in an
emerging economy », British Journal of Management, 17 : 115–137.
Holling, C. S., (1973), « Resilience and Stability of Ecological Systems », Annual Review of
Ecology and Systematics, 4 (1): 1‑23.
Hollnagel, E., (1993), Human Reliability Analysis : Context and Control, Academic Press.
Hollnagel, E., Journé, B., Laroche, H., (2009) « La fiabilité et la résilience comme dimensions
de la performance organisationnelle », M@n@gement, 12 (4) : 224.
Hollnagel, E., D. D., Woods D. D., Leveson N., (2006). Resilience Engineering: Concepts and
271
Precepts,1ère édition, Canada : Ashgate Publishing.
Hollnagel, E., Nemeth, P., Dekker, (2008), Resilience Engineering Perspectives, Volume 1:
Remaining Sensitive to the Possibility of Failure, Aldershot, Vol. 1. Ashgate Studies in
Resilience Engineering, Ashgate, UK : Ashgate.
Horne, J. F., et Orr J. E., (1998), « Assessing Behaviors That Create Resilient Organizations.
Employment Relations Today », 24 (4): 29‑39.
Houle, D., (2010) « Renverser la vapeur : la construction de la résilience : une approche
autobiographique », service social, mémoire de maîtrise, sous la direction de Pierre-
Joseph, U., Desmarais, D., Montréal, Université de Montréal, 193P.
Huber, GP., Sutcliffe, K.M., Miller, C.C., Glickwh, (1993), « Understanding and predicting
organizational change » in Weick K. E., Quinn, R.E., (1999), « Organizational change
and development », Annu. Rev.Psychol., 50: 361.86
Ingham, M., (2015), L’apprentissage organisationnel dans les coopérations, Revue française de
gestion, 253: 55-81.
Jardat, R., (2011), « Où se situe la singularité des activités de trading quant au risque
opérationnel ? Un diagnostic exploratoire par le prisme des HRO », Management &
Avenir 48 (8): 309‑25.
Kantur, D., Isery-Say A., (2015), « Measuring Organizational Resilience : A Scale
Development, Pressacademia 4 (3): 456‑456.
Kendra, J. M., Wachtendorf, T., (2003), « Elements of Resilience after the World Trade Center
Disaster : Reconstituting New York City’s Emergency Operations Centre », Disasters
27 (1): 37‑53.
Kendra J., Wachtendorf (2002), « Creativity in Emergency Response After The World Trade
Center Attack », Disaster Research Center, 324:1-16.
Kobasa, S. C., Maddi, S. R.., Kahn S., (1982), « Hardiness and health: A prospective study ».
Journal of Personality and Social Psychology, 42, (1): 168‑77.
Koenig, G. (2006) « L'apprentissage organisationnel : repérage des lieux [*] », Revue française
de gestion, 160, (1): 293-306.
Kofman, F., Senge, P. M., (1993), « Communities of commitment: The heart of learning
organizations », Organizational Dynamics, 22(2): 5–23.
Koninckx, G., Teneau, G, (2010), Résilience organisationnelle: Rebondir face aux turbulences,
Manager RH. Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.
272
Labrouche, G., (2014), Les capacités dynamiques : un concept multidimensionnel en
construction, XXIIIème Conférence de l’AIMS, Rennes.
Lallau, B., Laissus-Benoist, P., Mbetid-Bessane, E., (2018), « Introduction : la résilience peut-
elle passer de la théorie aux pratiques ? » Revue internationale des études du
développement 235 (3): 9‑25.
Lakoff, G., (1993), « The contemporary theory of metaphor » In Ortony, A., (1993), Metaphor
and thought, 2ème édition p.202–251, Cambridge : Cambridge University Press.
Lakoff, G., Johnson, M., (1980), Metaphors we live by, University of Chicago, Press, Chicago.
Laroche, H., Steyer V., (2012), L’apport des théories du sensemaking à la compréhension des
risques et des crises, Toulouse, France : FonCSI.
Lecomte, J., (2004) « Les applications du sentiment d’efficacité personnelle », Savoirs, Hors
série (5): 59‑90.
Lee, Amy, V., Vargo J., Seville, E., (2013) « Developing a Tool to Measure and Compare
Organizations’ Resilience », Natural Hazards Review 14 (1): 29‑41.
Lemoigne, J-L., (2001) « Pourquoi je suis un constructiviste non repentant », Revue du MAUSS,
vol. 17, (1): 197-223.
Lengnick-Hall, C. A., Beck, T. E., (2003), « Beyond bouncing back : The concept of
organizational resilience », Présenté à National Academy of Managament meetings,
Washington, USA.
Lengnick-Hall, C, A., Beck, T, E., Lengnick-Hall, M.L., (2011), « Developing a Capacity for
Organizational Resilience through Strategic Human Resource Management », Human
Resource Management Review, 21 (3): 243‑55.
Luthar, Suniya S., Pamela, J. B., (2007), « Maximizing resilience through diverse levels of
inquiry : Prevailing paradigms, possibilities, and priorities for the future » Development
and psychopathology, 19 (3) : 931‑55.
Luthar, Suniya S., Cicchetti, D., Becker, B., (2000), « The Construct of Resilience : A Critical
Evaluation and Guidelines for Future Work », Child development, 71 (3): 543‑62.
Macy, BA., Izumi, H., (1993), « Organizational change, design, and work innovation : a meta-
analysis of 131 North American field studies, 1961-1991, Res. Organ. Change Dev. 7:
235.313.
Mallak, L., (1998a), « Putting organizational resilience process to work », Industrial
Management, (40) : 8–14.
273
Mallak, L., (1998b), « Measuring resilience in health care provider organizations », Health
Manpower Management (24): 148–152.
Manciaux, M., (2001), « La résilience: Un regard qui fait vivre », Études, 395 (10): 321‑30.
Manset, D., Hikkerova, L., Sahut, J-M., (2017), « duch », Gestion et management public 5 / 4
(2): 85‑108.
Marouane, S., Chtourou, W., (2015), « Les entreprises apprennent-elles des crises passées ? »,
p.95-136, in Crises, transition, comment les firmes tunisiennes s’en sortent-elles ? Sous
la direction de Jamil Chaabouni et Philippe Véry, 297 pp
Martinet, A.C., Pesqueux, Y., (2013), Epistémologie des sciences de gestion, Magnard-Vuibert,
Paris.
Masten, A. S., Karin, Best, M., Garmezy, N. (1990) « Resilience and Development:
Contributions from the Study of Children Who Overcome Adversity », Development
and Psychopathology, 2 (4): 425‑44.
Masten, A., S., Garmezy N., (1985), « Risk, Vulnerability, and Protective Factors in
Developmental Psychopathology », In Advances in Clinical Child Psychology, édité par
Benjamin, B., Lahey et Alan E. K., p.1‑52, Advances in Clinical Child Psychology.
Boston, US, MA: Springer.
McCann J., (2004), « Organizational effectiveness : Changing concepts for changing
environments », Human Resource Planning, 27(1): 42−50
Mcmanus, S, T., (2008) « ORGANISATIONAL RESILIENCE IN NEW ZEALAND », PHD
of Philosophy in Civil Engineering, UK : University of Canterbury.
Mendoça (2008) « Measures of resilient performance » In Remaining sensitive to the possibility
of failure, Hollnagel, E., Nemeth, C. P., Dekker S., 1:29‑47, UK : Ashgate,
Michallet, B., (2010), « Résilience : Perspective historique, défis théoriques et enjeux
cliniques », Frontières, 22 (1‑2): 10‑18.
Miles, M. B., Huberman, A. M., (2003), Analyse des données qualitatives, De Boeck
Supérieur.
Mitrof, I. I., (2005), « From my perspective : Lessons from 9/11 : Are companies better
prepared today? », Technology Forecast Social Change, 72 (3): 375‑76.
Moreira, F, G., (2017), « Harry Potter and the Tutors of Resilience : An Analytic View of J K
Rolling Tales », Journal of Psychology & Clinical Psychiatry, 8 (8).
Morgan, G., (1993), Imaginization : The Art of Creative Management, Newbury Park, CA :
SAGE.
274
Morgan, G., (1983), « More on metaphor : Why we cannot control tropes in administrative
science », Administrative Science Quarterly, 28 (4): 601–607.
Morgan, G., 1980, « Paradigms, metaphors and puzzle solving in organizational theory »,
Administrative Science Quarterly, 25 (4): 605–622.
Mzid, I., (2015), « La résilience organisationnelle de l’entreprise familiale : l’impact du capital
familial », p.25-52, in Crises, transition, comment les firmes tunisiennes s’en sortent-
elles ? Sous la direction de Jamil Chaabouni et Philippe Véry (2015), 297 pp.
Mzid, I., Khachlouf, N., Soparnot, R., (2019), « How does family capital influence the resilience
of family firms? », Journal of International Entrepreneurship, 17(23): 249–27
Nabli, R., (2009), « Les paradoxes de l’entrepreneuriat familial : le cas des entrepreneurs
sfaxiens » présenté au Colloque international intitulé « La vulnérabilité des TPE et des
PME dans un environnement mondialisé », 11es Journées scientifiques du Réseau
Entrepreneuriat, 27, 28 et 29 mai 2009, INRPME, Trois-Rivières, Canada
Naudin, M., (2019), « La fin de la conduite du changement : cheminement déconstructif qui
présente la résistance comme manifestation d’une vie ignorée et « l’acte éthique »
comme “résilience” ultime, porteuse d’espoirs », Conference : Résistance au
changement et résilience organisationnelle - Mise en perspective du couplage ? IP&M
et Université de Lorraine – IAE de Metz – colloque des 14 et 15 novembre 2019.
Nonaka, I., Takeushi, H., (1997), La connaissance créatrice: La dynamique de l’entreprise
apprenante, De Boeck Supérieur.
Parsons, D., (2007) « National Organisational Resilience Framework Workshop : The
outcomes ». Australie.
Pasteur, K., (2011), From Vulnerability to Resilience: A Framework for Analysis and Action
to Build Community Resilience, Bourton on Dunsmore, Rugby, Warwickshire, UK.:
Practical Action Publishing.
Penrose, E., (1959), The theory of the growth of the firm, Oxford University, Press : New York
Pesqueux, Y., (2020), L’importance de la tâche descriptive en sciences de gestion - Métaphore,
image et figure, Doctorat, France.
Piaget, J., (1970), Science of education and the psychology of the child, Trans, D. Coltman.
Orion.
275
Administrative Science Quarterly, 27 (4): 641-652.
Pinel, W., (2009), La résilience organisationnelle: concepts et activités de formation, dirig
Mémoire de maîtrise en sciences appliquées (génie industriel), sous la direction Robert Benoît,
Canada, École Polytechnique de Montréal.
Poletti, R.., Dobbs, B., (2001), La résilience ; l’art de rebondir, Jouvence. France: St-Julien-en-
Génévois.
Porras J.I., Robertson, P.J., (1992), « Organizational development : theory, practice, research
», in, Handbook of Organizational Psychology, edited by Dunnette M.D., Hough L. M.,
3:719-822, 2nd edition, Palo Alto, CA : Consult. Psychol. Press.
Prahalad, C. K., Hamel, G., (1990), The Core Competence of the Corporation, Harvard
Business Review, 79–91.
Raymond, H., Michael, A., Gross J., Hartman, L., Cunliffe, A. L., (2008), « Meaning in
Organizational Communication Why Metaphor Is the Cake, not the Icing »,
Management Communication Quarterly, 21 (3):393-412.
Resche, C., (2016), « Termes métaphoriques et métaphores constitutives de la théorie dans le
domaine de l’économie: de la nécessité d’une veille métaphorique », Langue française,
1(189): 103-117.
Ricardo, D., (1817), Principles of political economy and taxation, London : J. Murray.
Rispal, M. H., (2002), La méthode des cas, De Boeck Supérieur.
Robert, B., Hémond, Y., Yan, G., (2010), « L’évaluation de la résilience organisationnelle »,
Télescope, 16 (2): 131‑53.
Roberts, K. H., (1990), « Managing high reliability organisations », California Management
Review, 32 (4): 101‑13.
Rochet, C., Keramidas O., Lugdivine, B., (2008) « La crise comme stratégie de changement
dans les organisations publiques » La Revue des Sciences de Gestion, 74 (1): 71‑85.
Rochlin, G. I., (2001), « Les organisations « à haute fiabilité » : bilan et perspectives de
recherche », in Bourrier M., (Dir.) », In, Organiser la fiabilité, 39‑70, Paris:
L’Harmattan.
Romelaer, P.? (2005), Chapitre 4: L'entretien de recherche, in Roussel P., Wacheux F., (Dir),
Management des ressources humaines : Méthodes de recherche en sciences humaines
et sociales (pp. 101-137), Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
Roux-Dufort, C., (2003), Gérer et décider en situation de crise: outils de diagnostic, de
prévention et de décision, Dunod.
276
Rutter, M., (1985), « Resilience in the Face of Adversity: Protective Factors and Resistance to
Psychiatric Disorder ». The British Journal of Psychiatry: The Journal of Mental
Science 147: 598‑611.
Rutter, M., (2012), « Resilience as a Dynamic Concept », Development and Psychopathology
24 (2): 335‑44.
Sawalha, I, H, S., (2015) « Managing Adversity : Understanding Some Dimensions of
Organizational Resilience », Management Research Review, 38 (4): 346‑66.
Schön, D. E., (1993), Generative metaphor : A perspective on problem setting in social policy,
In A. Ortony (Ed.), Metaphor and thought (2nd ed.): 135–161, Cambridge: Cambridge
University Press.
Schumpeter, J. A., (1950). Capitalism, socialism, and democracy (3rd ed), New York : Harper
and Row.
Seville, E., Brunsdon, D., Dantas, A., Le Masurier, J., Wilkinson, S., John V. J., (2008),
« Organisational Resilience : Researching the Reality of New Zealand Organisations ».
Journal of Business Continuity & Emergency Planning, 2 (3): 258‑66.
Sevon, G., (1996), « Organizational imitation in identity transformation », in Czarniawska B.,
Sevon, G., (1996), TranslatingOrganizational Change, New York:Walter de Gruyter,
p.49-68.
Sheffi, Y., James B. R, Jr., (2005), « A Supply Chain View of the Resilient Enterprise », 47 (1)
: 41‑48.
Simon, H. A., (1960), The new science of management decision, Engle-wood Cliffs, N.J :
Prentice-Hall.
277
Teece, D. J., Pisano, G. and Shuen, A., (1997) « Dynamic Capabilities and Strategic
Management », Strategic Management Journal, 18(7): 509–33.
Teece, D. J., Pisano, G., (1994), The dynamic capabilities of firms : an introduction, Industrial
278
organizational science », Academy of Management Review, Vol.16, No.3, p.566-585,.
Tychey, C., (2001), « Surmonter l’adversité : les fondements dynamiques de la résilience ».
Cahiers de psychologie clinique 16 (1): 49‑68.
Tychey, C. et Lighezzolo, J., (2004), « L’évaluation de la résilience : quels critères
diagnostiques envisager ? » Perspectives Psy, 43 (3): 226‑33.
Valestro, J., (2011) « Organisational Resilience: A Position Paper for Critical Infrastructure »,
2011.
Vanistendael, S., (2005), « Humour et résilience : le sourire qui fait vivre » In, La résilience :
le réalisme de l’espérance, Fondation pour l’enfance, 159‑95, Toulouse, France : Érès.
Vanistendael, S., Lecomte, J., (2000), Le bonheur est toujours possible : construire la
résilience, Bayard.
Vogus, T. J., et Sutcliffe, K.M, (2007b) « Organizational Resilience : Towards a Theory and
Research Agenda », International Conference on Systems, Man and Cybernetics,
3418‑3422, Montreal, QC, Canada: IEEE.
Von Glasersfeld, E., (1984), « An introduction to radical constructivism » in Paul
Watzlawik (ed.), The Invented Reality (pp. 1-29). Norton, New York.
Von Glasersfeld, E., (1989a) « Abstraction, re-presentation, and reflection, an interpretation
of experience and Piaget's approach » (Report No. SRRI-209) National Science
Foundation, Washington D.C. (ERIC Document Reproduction Service No. 306
120, See also L. P. Steffe (Ed.) Epistemological Foundations of Mathematical
Experience Spring-Verlag, New York, 1991)
Wacheux, F., (1996), Méthodes qualitatives et recherche en gestion, Economica.
Weick, K. E., (1993), « The collapse of sensemaking in organizations : The Mann Gulch
disaster » Administrative Science Quarterly, 39 (4): 628‑52.
Weick K. E., (1979), The social psychology of organizing, Reading, MA : Addison-Wesley.
Weick, K. E., Roberts, K.H., (1993). « Collective Mind in Organizations : Heedful Interrelating
on Flight Decks », Administrative Science Quarterly, 38 (3): 357‑81.
Weick K. E., Quinn R.E., (1999), « Organizational change and development », Annu.
Rev.Psychol, 50: 361-86.
Weick, K. E., Sutcliffe, K.M., (2001), Managing the unexpected : Assuring high performance
in an age of complexity, San Francisco, CA, US : Jossey-Bass.
Werner, E. E., et Smith, R.S., (1982), Vulnerable, But Invincible : A Longitudinal Study of
Resilient Children and Youth, New York, McGraw-Hill Companies.
279
Werner, E. E., Ruth, Smith, R. S., (1992), Overcoming the odds : high risk children from birth
to adulthood, New York : Cornell University Press.
Wildavsky, Aaron B., (1988), Searching for Safety, 1re éd. USA : Transaction Publishers.
Windle, G., (2011), « What Is Resilience? A Review and Concept Analysis », Reviews in
Clinical Gerontology, 21 (2) : 152‑69.
Woods, D.D., (2006), « Engineering Organizational Resilience to Enhance Safety: A Progress
Report on the Emerging Field of Resilience Engineering », Proceeding of the human
factors and ergonomics society, 50th, USA : Ohio, State University.
Yin, R. K., (2012), « Case study methods », In Cooper H., Camic P. M., Long D. L., Panter A.
T., Rindskopf D., Sher K. J., (Eds.), APA handbook of research methods in psychology,
Vol. 2. Research designs: Quantitative, qualitative, neuropsychological, and biological
(pp. 141–155). American Psychological Association.
Yin, R. K., (2009), Case study research: Design and methods (4th Ed.), Thousand Oaks, CA:
Sage.
Yin, R. K., (2003), Case study research: Design and methods (3rd ed.), Thousand Oaks, CA:
Sage.
Yin, R., (1994), Case study research : Design and methods (2nd ed.), Thousand Oaks, CA:
Sage Publishing.
Yin, R.K., (1984), Case Study Research : Design and Methods, London, Sage Publications.
Yin, Robert K, (1990), Case Study Research : Design and Methods, Applied Social Research
Methods series, Vol 5, CA : Sage, Newbury Park.
Zollo M., Winter S.G., (2002), « Deliberate learning and the evolution of dynamic capabilities
», Organisational Science, 13 : 339-351.
280
ANNEXES
281
ANNEXE 1: Le guide d'entretien
Introduction
Données personnelles
Nom :
Prénom :
Sexe :
Age :
Ancienneté :
Poste :
Département :
Durée de l’entretien :
1. En quoi consistent vos tâches quotidiennes ?
2. Existe-t-il des routines, des procédures et des règles qui régissent l’exercice de vos
tâches quotidiennes ?
Si oui lesquelles ?
3. Avez-vous déjà fait face à une crise dans votre travail et/ou au niveau de l’entreprise ?
Si oui comment avez-vous géré la situation ?
4. Que faites-vous lorsqu’un problème survient dans l’exercice de vos tâches ?
Appliquez-vous strictement les règles et procédures prédéfinies ?
Innovez-vous des solutions nouvelles qui n’existent pas ? Si oui comment réagissent les
supérieurs hiérarchiques (vous encouragent-ils) ? Sinon, pourquoi ?
4. Depuis que vous faites ce travail, avez-vous appris des choses dont vous n’aviez pas
connaissance avant ?
Si oui :
Lesquelles ?
Est-ce que vous arrivez à transmettre ces nouvelles connaissances ? Si oui à qui ?
comment ? Sinon, pourquoi ?
5. Est-ce qu’il y a des connaissances que vous trouvez difficiles à expliquer ou à transmettre ?
282
Si oui, que fait l’entreprise pour les sauvegarder afin qu’elles perdurent et servent
l’intérêt général de l’entreprise ?
6. De manière générale, les dirigeants accordent-ils une place importante aux technologies de
l’information et de la communication ?
Si oui, lesquelles et comment sont-elles déployées ?
7. Quels sont les moyens de diffusion de l’information/connaissance que l’organisation met à
votre disposition ?
8. Existe-t-il, selon vous, une politique de gestion des connaissances à l’échelle de toute
l’entreprise ?
Si Oui, laquelle ?
Si Non, pourquoi ?
15. Est-ce que vous vous intéressez aux connaissances acquises par la pratique et qui sont
parfois difficiles à expliquer ou à transmettre ?*
Si oui, comment ?
Sinon, pourquoi ?
283
16. Existe-t-il des routines, des procédures et des règles qui régissent l’exercice des
tâches quotidiennes ?*
Si oui pourquoi selon vous ?
Si non, les salariés disposent-ils d’une marge de manœuvre ?
Conclusion
284
ANNEXE 2 : Tableau récapitulatif des définitions de la résilience
organisationnelle
Auteurs Définition
Weick (1993) « La résilience s’entendrait comme la construction d’un système
d’actions organisées et sur le maintien de ce système face aux
situations ».
Mallak (1998, p.149) « Je définis la résilience comme la capacité d’un individu ou
d’une organisation à rapidement concevoir et à mettre en œuvre
des comportements adaptatifs positifs et adaptés à la situation
immédiate, tout en supportant un stress minimal ».
(Hamel&Valikangas, « Une capacité de reconstruction continuelle ».
(2003, p.6)
Roux-Dufort (2003, p. « La résilience ne consiste pas seulement en la capacité d’une
152) organisation à simplement résister aux chocs mais plutôt en sa
capacité à éviter ces chocs ».
Hollnagel (2006, p.16) « Capacité d’une organisation à garder ou retrouver un état de
stabilité dynamique qui lui permet de poursuivre ses opérations
pendant et après un incident majeur ou en présence d’un stress
continu ».
Hale (2006, p.40), « La résilience est la capacité dans des conditions difficiles à
préserver la sécurité pour éviter les accidents ».
Vogus & Sutcliffe, « La résilience est le maintien d’un ajustement positif qui permet
(2007, p. 3418) à l’organisation de ressortir plus forte et plus ressourcée des
conditions difficiles auxquelles elle est soumise ».
Séville et al., 2008, p.18) « La capacité de survivre et potentiellement de prospérer dans les
temps de crise ».
Tillement et al., (2009, « Nous définirons la résilience en tant que capacité à gérer les
p.231 perturbations du flux de travail normal et à regagner un état
dynamiquement stable qui permettra de réaliser les objectifs de
production et de sécurité de l'organisation ».
Pinel (2009, p. 71) « La capacité d’un système à maintenir ou à rétablir un niveau
de fonctionnement acceptable malgré des perturbations ou des
défaillances ».
285
Bégin & Chabaud (2010, « La résilience est la capacité pour l’organisation de pouvoir
p. 127), rebondir face à l’adversité ».
Robert (2010, p.13). « La capacité d’une entreprise à maintenir ou à restaurer un
niveau de fonctionnement acceptable malgré les perturbations ou
les échecs ».
Lengnick-Hall et al., « La capacité d’une entreprise à absorber efficacement les
2011, p.244) événements imprévus à travers le développement d’une stratégie
qui vise non seulement à élaborer des réponses spécifiques à la
situation, mais également à développer des activités
transformatrices pour tirer parti des surprises perturbatrices qui
menacent la survie de l’organisation ».
Burnard & Bhamra « Au sein des organisations, la résilience est l’ensemble des
(2011, p.5583) réponses individuelles et organisationnelles aux turbulences et
aux discontinuités. Cela implique à la fois la capacité de résister
à des discontinuités systématiques ainsi que la capacité de
s’adapter à un nouvel environnement de risque ».
Teneau (2018, p.82) « L’aptitude d’un système à résister à une perturbation majeure
tout en maintenant un niveau acceptable de dégradation et en se
rétablissant dans un délai acceptable, avec un coût tolérable ».
Khan et al., (2018, p. « L’aptitude d’une organisation à absorber les tensions et à
509) préserver ou à améliorer son fonctionnement malgré l’adversité.
».
Source : Auteur
286
ANNEXE 3 : Les définitions des capacités dynamiques
ETUDE DEFINITION
Teece, Pisano et Shuen (1997, p.516) « L’aptitude d’une firme à intégrer,
construire et reconfigurer des compétences
internes et externes en réponse aux
environnements en évolution constante ».
Eisenhardt et Martin (2000, p.1107) « Les processus d’une firme qui utilisent des
ressources – spécifiquement les processus
qui intègrent, reconfigurent, ajoutent ou
suppriment des ressources – pour répondre au
marché ou créer des changements sur le
marché. Les capacités dynamiques sont de ce
fait des routines organisationnelles et
stratégiques à travers lesquelles les firmes
atteignent de nouvelles configurations de
ressources lorsque les marchés émergent,
entrent en collision, évoluent ou meurent ».
Winter (2003, p.991) « Des capacités qui étendent, modifient ou
créent des capacités ordinaires ».
Adner et Helfat (2003, p.1012) « Les capacités par lesquelles les managers
Dynamic managerial capabilities construisent, intègrent, et reconfigurent les
ressources et compétences organisationnelles
».
Helfat et al. (2007, p.4) « La capacité d’une organisation à créer,
étendre ou modifier de manière
intentionnelle sa base de ressources ».
Teece (2007, p.1319) « La capacité à (1) identifier et créer une
opportunité, (2) à saisir l’opportunité et (3) à
maintenir la compétitivité à travers
l’amélioration, la reconfiguration des actifs
tangibles et intangibles de l’entreprise ».
Source : Altintas (2020)
287
ANNEXE 4 : Le code de conduite de Parenin
288
289
290
291
292
293
294
Table des matières
295
1.1.2. Evaluer et améliorer le niveau de maturité des organisations ............................ 29
1.1.3. Augmenter la compétitivité ................................................................................ 30
1.2. L’évolution de la recherche sur la résilience organisationnelle .......................... 31
1.2.1. Le début de la recherche sur la résilience organisationnelle .............................. 31
a) L’apport des HRO .................................................................................................... 31
b) L’apport de la gestion de crise et du Sensemaking .................................................. 33
c) L’apport des travaux Mallak Larry .......................................................................... 35
1.2.2. Les nouveaux développements dans la recherche sur la résilience
organisationnelle .......................................................................................................... 35
II. Définitions et débats autour du concept de résilience .................................................... 37
2.1. Les définitions de la résilience organisationnelle ................................................. 37
2.1.1. La résilience organisationnelle : capacité, processus ou résultat ? .................... 37
a/ La RO comme un résultat ........................................................................................ 37
b/ La RO comme une capacité ..................................................................................... 38
c/ La RO comme un processus ..................................................................................... 38
2.1.2. La RO : une approche systémique ou stratégique ? ........................................... 39
a/ L’approche systémique............................................................................................. 39
b/ Approche stratégique ............................................................................................... 40
2.2 Objectifs et caractéristiques des organisations résilientes.................................... 43
2.2.1. L’objectif de la RO : réduire et / ou éviter les crises ? ...................................... 43
2.2.2. Les caractéristiques des organisations résilientes .............................................. 44
a/La perspective de Coutu (2002) ................................................................................ 44
b/ La perspective de Hamel & Välikangas (2003) ....................................................... 45
c/ La perspective de Vogus & Sutcliffe (2007) ............................................................ 45
2.3. Le processus de résilience organisationnelle ......................................................... 47
2.3.1. Phase 1 : l’avant crise ou la phase de préparation .............................................. 48
2.3.2. Phase 2 : pendant la crise ................................................................................... 49
2.3.3. Phase 3 : après la crise ou phase de bilan ........................................................... 51
2.4. Les notions connexes à la résilience organisationnelle ......................................... 52
2.5. Les problèmes de la résilience organisationnelle et perspective de la recherche
.......................................................................................................................................... 53
2.5.1. Les problèmes liés à la définition de la RO ....................................................... 53
2.5.2. L’absence de théorie de la résilience organisationnelle ..................................... 54
296
2.5.3. Problématique de la recherche .......................................................................... 55
Conclusion du chapitre 1 ....................................................................................................... 57
CHAPITRE II : La métaphore organisationnelle : Parcours de légitimation d’un concept
qui divise .................................................................................................................................. 58
Introduction du chapitre 2 .................................................................................................... 59
Section 1 : Les fondements linguistiques et philosophiques de la métaphore................... 60
I. Origines et Définitions de la métaphore ....................................................................... 60
1.1. L’approche linguistique : la métaphore au service de la sémantique ? ............. 60
1.1.1. La métaphore comme un processus analogique ................................................. 60
1.1.2. La métaphore comme un processus cognitif ...................................................... 60
1.2. L’approche philosophique : la métaphore comme un art ? ................................ 61
1.2.1. La contribution des travaux d’Aristote............................................................... 61
a/ La métaphore comme l’art de la rhétorique ............................................................. 62
b/ La métaphore comme l’art de l’imitation................................................................. 63
1.2.2. La contribution de Paul Ricœur ......................................................................... 64
II. Les caractéristiques de la métaphore ........................................................................... 65
2.1. Les types de métaphores ......................................................................................... 65
2.1.1. Les métaphores mortes ....................................................................................... 65
2.1.2. Les métaphores dormantes ................................................................................. 65
2.1.3. Les métaphores vives ......................................................................................... 66
2.1.4. Les types de métaphore selon Lackoff & Johnson (1980) ................................. 67
2.2. L’interprétation de la métaphore .......................................................................... 68
2.3. Métaphore et notions voisines ................................................................................ 69
2.3.1. Métaphore et personnalisation ........................................................................... 69
2.3.2. Métaphore et métonymie .................................................................................... 69
2.3.3. Métaphore et comparaison ................................................................................. 69
Section 2 : La métaphore organisationnelle : quelle utilité pour les organisations ?....... 70
I. Les débats autour de la légitimité de la métaphore en Sciences de gestion .............. 70
1.1. Qu’est-ce que la métaphore organisationnelle ?................................................... 70
1.2. Comment fonctionne la métaphore organisationnelle ? ...................................... 71
1.2.1. Le mode de fonctionnement selon Morgan (1980) ............................................ 71
1.2.2. Le modèle transformationnel de Tsoukas (1993) .............................................. 71
1.2.3. Le model interaction-domaines de Cornelissen (2005)...................................... 73
297
a/ Développement d'une structure générique ............................................................... 73
b/ Développement et élaboration du mélange .............................................................. 74
c/ Signification émergente ............................................................................................ 74
1.3. Les métaphores organisationnelles de l’organisation : les approches de Morgan
(1980) ............................................................................................................................... 74
1.3.1. La métaphore de la machine ou l’organisation vue comme une machine ......... 74
1.3.2. La métaphore organique ou l’organisation vue comme un organisme .............. 76
1.4. Notions connexes à la métaphore organisationnelle............................................. 78
1.4.1. Métaphore et modèle .......................................................................................... 78
1.4.2. Métaphore et image ............................................................................................ 79
1.5. La métaphore en sciences de gestion : Une notion qui divise .............................. 80
II. De l’utilité de la métaphore : Ses contributions .......................................................... 81
2.1. Contribution des métaphores aux sciences ........................................................... 81
2.1.1. Le rôle de la métaphore en sciences du langage ................................................ 81
2.1.2. Le rôle de la métaphore en sciences sociales ..................................................... 82
a/ Les paradigmes en sciences sociales ........................................................................ 82
b/ Paradigmes et métaphores ........................................................................................ 84
2.1.3. La contribution de la métaphore aux sciences de gestion .................................. 85
a/ Le rôle heuristique de la métaphore ......................................................................... 86
b/ Le rôle générateur de la métaphore .......................................................................... 88
c/ Le rôle pédagogique de la métaphore organisationnelle .......................................... 89
d/ La métaphore comme soubassement du discours organisationnel ........................... 89
e/ La métaphore comme un instrument politique ......................................................... 90
2.2. Contribution de la métaphore à la thématique de la résilience organisationnelle
.......................................................................................................................................... 91
2.2.1. Justification du recours à la métaphore pour l’étude de la résilience
organisationnelle .......................................................................................................... 91
a/ L’omniprésence de la métaphore dans la littérature sur la résilience organisationnelle
...................................................................................................................................... 91
b/ La complexité du concept de RO ............................................................................. 92
2.2.2. Discussion théorique du concept métaphorique de la résilience organisationnelle
...................................................................................................................................... 93
a/ La flexibilité organisationnelle ................................................................................. 93
298
b/ Le changement épisodique ....................................................................................... 94
c/ L’apprentissage organisationnel : Une modalité de la résilience organisationnelle ?
...................................................................................................................................... 95
Conclusion du chapitre 2 ....................................................................................................... 97
CHAPITRE III : Résilience organisationnelle et métaphore organisationnelle : Proposition
d’un modèle théorique............................................................................................................. 98
Introduction du chapitre 3 .................................................................................................... 99
Section 1 : Importance, parcours historique et ancrage conceptuel ................................ 100
I. L’apprentissage organisationnel : une thématique toujours d’actualité ? .................. 101
1.1. Définition et genèse de l’apprentissage organisationnel .................................... 101
1.1.1. Définition de l’apprentissage organisationnel .................................................. 102
1.1.2. Emergence et trajectoire de développement du concept d’apprentissage
organisationnel ........................................................................................................... 104
1.2. Les tensions en présence ....................................................................................... 104
1.2.1. Tension individuel-collectif-organisationnel ................................................... 104
a) L’apprentissage individuel ..................................................................................... 105
b) L’apprentissage collectif ........................................................................................ 106
c) L’apprentissage organisationnel............................................................................. 107
1.2.2. Tension « knowledge-knowing » ...................................................................... 108
1.2.3. Tension tacite-explicite .................................................................................... 109
1.3. Les modèles de références ..................................................................................... 110
1.3.1. Le modèle d’Agyris et Schön (1978) ............................................................... 110
a) L’apprentissage en simple boucle .......................................................................... 110
b) L’apprentissage en double boucle .......................................................................... 112
1.3.2. Le modèle de Nonaka & Takeuchi (1997) ....................................................... 114
a) Le processus de création de la connaissance .......................................................... 115
b) Le processus SECI ou les quatre modes de conversion du savoir ......................... 115
Section 2 : Le statut métaphorique de l’apprentissage organisationnel : comment se
construit le lien avec la résilience organisationnelle ? ...................................................... 118
I. Approche métaphorique de la résilience organisationnelle par l’apprentissage
organisationnel : quelle légitimité ? .................................................................................... 118
1.1. La pertinence du concept comparant .................................................................. 118
1.2. Spécification et discussion de l’objet de recherche ............................................ 119
299
1.2.1. Spécification de l’objet de recherche ............................................................... 119
1.2.2. La formulation de la problématique de recherche ............................................ 120
II. Résilience organisationnelle, apprentissage organisationnel et métaphore : essaie de
conceptualisation .................................................................................................................. 122
2.1. Difficulté de la mise en pratique de l’approche métaphorique dans la recherche
........................................................................................................................................ 122
2.2. Cas d’une mobilisation de l’approche métaphorique ........................................ 124
2.3. Positionnement par rapport aux travaux sur la métaphore ............................. 124
2.4. Conceptualisation et proposition d’un modèle théorique .................................. 125
2.4.1. La résilience organisationnelle comme métaphore mythique de l’apprentissage
organisationnel ? ........................................................................................................ 125
2.4.2 La résilience organisationnelle en tant que métaphore analogique de
l’apprentissage organisationnel ? ............................................................................... 128
2.4.3. La résilience en tant que métaphore de l’apprentissage organisationnel : Quelle
réalité ? ....................................................................................................................... 131
2.5. Apport du chapitre aux propositions de recherche............................................ 133
Conclusion du chapitre 3 ..................................................................................................... 136
Deuxième partie : ................................................................................................................. 137
Design de la recherche, Presentation, Discussion des résultats et Conclusions .............. 137
CHAPITRE IV : Cadre méthodologique et opérationnel de la recherche.......................... 138
Introduction du chapitre 4 .................................................................................................. 139
Section1 : Epistémologie et méthodologie de la recherche ............................................... 140
I. Rappel de l’objet de recherche et choix épistémologique ......................................... 140
1.1. Contexte et rappel de l’objet et des propositions de recherche......................... 140
1.1.1. Contexte de la recherche ............................................................................ 140
1.1.2. Rappel de l’objet et des propositions de recherche .................................... 141
1.2. Choix épistémologiques de la recherche.............................................................. 142
1.2.1. Les paradigmes en sciences de gestion ............................................................ 142
1.2.2. Le positionnement épistémologique : une visée constructiviste ...................... 143
II. Les aspects méthodologiques de la recherche ............................................................ 145
2.1. La méthodologie qualitative ................................................................................. 145
2.2. L’induction comme canevas de la recherche ...................................................... 145
2.2.1. Le recours à la théorisation ancrée ou « grounded theory » ............................ 145
300
2.2.2. Evolution de la Grounded Theory .................................................................... 146
2.2.3. L’approche constructiviste de la GT ................................................................ 146
2.2.4. Les principes de l’approche constructiviste de la GT ...................................... 147
a/ La comparaison constante ...................................................................................... 148
b/ L’échantillonnage théorique................................................................................... 148
2.3. Critères de validité de la recherche ..................................................................... 149
2.4. Le protocole de la recherche ................................................................................ 150
2.4.1. La phase de pré-analyse : ................................................................................. 151
2.4.2. La phase d’analyse ou codification des données :...................................... 151
2.4.3. La phase de catégorisation ou « thématisation » : ..................................... 152
2.4.4. La phase de mise en relation et représentation des résultats : .................... 152
2.4.5. La phase de la vérification des données : ......................................................... 152
Section 2 : Etude d’une situation de crise .......................................................................... 153
I. L’étude de cas comme stratégie de recherche ........................................................... 153
1.1. Définition, pertinence et objectif de l’étude de cas ............................................. 153
1.1.1. Définition d’une étude de cas ........................................................................... 153
1.1.2. Pertinence de l’étude de cas ............................................................................. 153
1.1.3. L’objectif du recours à l’étude de cas .............................................................. 154
1.2. Justification et présentation des cas choisis ........................................................ 155
1.2.1 Présentation du cas 1 ......................................................................................... 157
1.2.2. Présentation du cas 2 ........................................................................................ 158
1.2.3. L’accès aux cas................................................................................................. 159
II. Investigation empirique : collecte et analyses des données ......................................... 161
2.1. Méthodes de collecte des données ........................................................................ 161
2.1.1. Choix des outils de collecte de données ........................................................... 161
2.1.2. Le guide d’entretien ......................................................................................... 163
2.1.3. L’observation non participante......................................................................... 166
2.1.4. L’analyse documentaire ................................................................................... 166
2.2. Phase d’analyse des données ................................................................................ 166
2.2.1. Analyse des données qualitatives issues du terrain .......................................... 166
2.2.2. Les données prises en compte dans le cadre de ce travail ................................ 168
Source : Auteur........................................................................................................... 171
2.2.3. Les étapes de l’analyse des données ................................................................ 171
301
a/ Analyse de contenu thématique .............................................................................. 171
b/ Le choix de l’analyse de contenu ........................................................................... 172
c/ Définition et objectif de l’analyse de contenu ........................................................ 172
d/ L’étape de la préparation du corpus ....................................................................... 173
e/ Etapes de l’analyse de contenu ............................................................................... 174
2.3. Matrices conceptuelles et présentation des résultats de l’échantillonnage
théorique ....................................................................................................................... 176
2.3.1 Matrices conceptuelles de l’échantillonnage théorique de la capacité d’absorption
.................................................................................................................................... 176
2.3.2. Matrices conceptuelles de l’échantillonnage théorique de la capacité de
renouvellement ........................................................................................................... 178
2.3.3. Matrices conceptuelles de l’échantillonnage théorique de la capacité
d’appropriation ........................................................................................................... 179
Conclusion du chapitre 4 ..................................................................................................... 181
CHAPITRE V : Présentation des résultats de l’analyse des données collectées ................ 182
Introduction du chapitre 5 .................................................................................................. 183
Section 1 : Présentation des résultats de l’analyse des données du cas MTI (cas 1) ...... 184
I. Présentation des éléments des entretiens, du codage et de la catégorisation autour
du thème de l’apprentissage organisationnel................................................................. 184
II. Présentations des éléments émergents du terrain ................................................. 189
2.1. Présentation des Verbatim autour du thème des « ressources »....................... 189
2.2. Présentation des verbatim autour du thème des « compétences » .................... 191
Section 2 : Présentation des résultats de l’analyse des données du cas Parenin (cas 2) . 193
I. Présentation des éléments des entretiens, du codage et de la catégorisation ...... 193
1.1. Présentation des résultats de l’analyse autour du thème de la métaphore de
l’apprentissage organisationnel .................................................................................. 193
1.2. Présentation des verbatim autour du thème de la capacité stratégique ...... 201
1.2.1. Présentation des verbatim autour du thème des « ressources » ................. 201
1.2.2. Présentation des verbatim autour du thème des « compétences » ............. 205
II. Présentation des résultats de l’analyse de l’observation non participante et de
l’analyse documentaire .................................................................................................... 210
2.1. Présentation des résultats issus de l’observation non participante .................. 210
2.2. Présentation des résultats de l’analyse documentaire ....................................... 212
302
Conclusion du chapitre 5 ................................................................................................. 218
CHAPITRE VI : Interprétation, discussion et élaboration des conclusions ...................... 219
Introduction du chapitre 6 .................................................................................................. 220
Section 1 : L’apprentissage organisationnel comme une métaphore mythique de la
résilience organisationnelle.................................................................................................. 221
I. Interprétation de l’analyse des données issues des entretiens pilotes (cas MTI) ........ 221
1.1. L’apprentissage organisationnel : Une réalité à nuancer .................................. 221
1.2. Approche métaphorique de l’apprentissage organisationnel ancrée sur le terrain
........................................................................................................................................ 221
II. Interprétation des résultats de l’analyse des données du cas Parenin ....................... 221
2.1. La prééminence de l’apprentissage individuel ................................................... 222
2.1.1. Les formations : source d’acquisition de connaissances dans un monde en
perpétuelle évolution .................................................................................................. 222
2.1.2. Les formations: solution à une crise interne..................................................... 224
2.1.3. Les formations : solution au turn over ............................................................. 224
2.1.4. Les formations : vecteur de compétitivité ........................................................ 225
2.2. L’ellipse de la dimension organisationnelle de l’apprentissage ........................ 227
2.2.1. L’apprentissage comme une stratégie collective de sensibilisation pour la mise en
place d’une nouvelle culture ...................................................................................... 227
2.2.2. L’absence de mémoire organisationnelle ......................................................... 228
2.2.3. La primauté des connaissances explicites sur les connaissances tacites .......... 230
2.2.4. La formalisation prime sur la socialisation ...................................................... 230
2.3. La résilience organisationnelle : Un discours plus qu’une réalité .................... 231
2.3.1. Registre métaphorique...................................................................................... 232
2.3.2 Type de transfert métaphorique......................................................................... 234
2.3.3. Image générée : l’organisation vue à la fois comme une machine et comme un
organisme (Morgan, 1980) ......................................................................................... 234
Section 2 : La résilience organisationnelle : une métaphore des capacités dynamiques ?
................................................................................................................................................ 236
I. La présence des métaphores des ressources et des compétences .................................. 236
1.1. Emergence de la métaphore des ressources pour le cas MTI .......................... 237
1.1.1. Les ressources informationnelles ..................................................................... 237
1.1.2. Le capital social ................................................................................................ 237
303
1.1.3. Les ressources financières ................................................................................ 237
1.2. Emergence de la métaphore des ressources pour le cas Parenin ...................... 237
1.2.1. Une variété de ressources disponibles .............................................................. 237
a/ Les ressources matérielles ...................................................................................... 237
b/ Ressources immatérielles : La bonne réputation .................................................... 238
c/ La détention d’une bonne assise financière ............................................................ 239
d/ La présence d’un capital social important .............................................................. 239
e/ Ressources culturelles ............................................................................................ 241
1.2.2. Les ressources déployées pour absorber la crise .............................................. 242
a/ Mobilisation des ressources stratégiques pour absorber la crise ............................ 242
b/Capital social : Mobilisation de différents réseaux de soutien ................................ 243
c/Une orientation marketing comme vecteur de renouveau stratégique face à la crise
.................................................................................................................................... 245
II. Essai de conceptualisation et discussion des résultats ................................................. 248
2.1. La métaphore des ressources et des compétences : pilier de l’absorption de la
crise ................................................................................................................................ 248
2.1.1 La resource-based view comme fondement théorique ...................................... 248
2.1.2. La métaphore des compétences stratégiques : vecteur de l’absorption de la crise
.................................................................................................................................... 250
2.1.3. Emergence de la métaphore des compétences (cas Parenin) ........................... 251
2.2. La résilience organisationnelle : une métaphore des capacités dynamiques ? 251
2.3. Analyse intrasite : MTI-Parenin .......................................................................... 253
2.4. Implications des résultats de recherche par rapport aux propositions de
recherche ....................................................................................................................... 254
2.3.2. Reponses à la problématique et aux questions de recherche ............................ 255
2.5. Discussion des résultats ......................................................................................... 256
Conclusion du chapitr 6 ....................................................................................................... 259
Conclusion générale ............................................................................................................. 260
Bibliographie......................................................................................................................... 266
ANNEXES ............................................................................................................................. 281
ANNEXE 1: Le guide d'entretien ............................................................................... 282
ANNEXE 2 : Tableau récapitulatif des définitions de la résilience organisationnelle
........................................................................................................................................ 285
304
ANNEXE 3 : Les définitions des capacités dynamiques ........................................... 287
ANNEXE 4 : Le code de conduite de Parenin ........................................................... 288
305
Senata KONE
La résilience
organisationnelle :
métaphore ou réalité ?
Résumé
La résilience organisationnelle semble être « la clé de voûte » qui permet aux organisations de s’en sortir
face aux crises (Frimousse et Peretti, 2021). Celle-ci est apparue suite aux travaux sur la résilience individuelle,
or cette dernière se situe dans une approche psychologique et clinique. Les travaux qui traitent de la dimension
organisationnelle, qui elle, relève des sciences de gestion ne se sont jamais intéressés à la manière dont on passe
de la dimension individuelle à la dimension organisationnelle de résilience. Cette présente thèse est une
discussion autour de la résilience organisationnelle sous l’angle de la métaphore organisationnelle. Elle s’inscrit
dans une démarche qualitative avec une posture épistémologique constructiviste et une approche de la théorie
enracinée.
La question de recherche est : Comment le concept de métaphore fonde-t-il ou pas la compréhension du
passage d’une logique individuelle à une logique organisationnelle de résilience ?
A travers cette problématique, notre objectif est de mener une triangulation théorique et empirique afin
de comprendre si l’approche métaphorique, plus explicitement, la métaphore de l’apprentissage organisationnel
au sens de Nonaka et Takeushi (1997), c’est-à-dire la socialisation, est à même d’aider ou non à comprendre le
concept de résilience organisationnelle.
Nos résultats montrent que la résilience organisationnelle est une métaphore mythique de l’apprentissage
organisationnel. L’analyse a également révélé un autre résultat inattendu. En effet, d’autres métaphores, à savoir
la métaphore des ressources et la métaphore des compétences ont émergé de nos cas. La résilience
organisationnelle apparait alors plus comme une métaphore analogique des capacités dynamiques que de
l’apprentissage organisationnel.
Mots-clés : Résilience organisationnelle, métaphore organisationnelle, apprentissage organisationnel,
processus de socialisation et théorie enracinée.
Abstract
Organizational resilience seems to be the « keystone » that enables organizations to cope with crises
(Frimousse and Peretti, 2021). It emerged following the work on individual resilience, which is based on a
psychological and clinical approach. The work that deals with the organizational dimension, which is the
responsibility of the management sciences, has never focused on the way in which we move from the individual
dimension to the organizational dimension of resilience. This thesis is a discussion of organizational resilience
from the perspective of the organizational metaphor. This research is part of a qualitative approach with a
constructivist epistemological posture and a grounded theory approach.
The research question is : How does the concept of metaphor underpin, or not, the understanding of the
shift from an individual logic to an organizational logic of resilience?
Through this problematic, our objective is to conduct a theoretical and empirical triangulation in order to
understand whether the metaphorical approach, more explicitly, the metaphor of organizational learning in the
sense of Nonaka and Takeushi (1997) i.e. socialization, is able to help or not to understand the concept of
organizational resilience.
Our results show that organizational resilience is a mythical metaphor for organizational learning. The
analysis also revealed another unexpected result. Indeed, other metaphors, namely the resource metaphor and
the competency metaphor, emerged from our cases. Organizational resilience thus appears more as an analogical
metaphor for dynamic capabilities than for organizational learning.
Keywords : organizational resilience, organizational metaphor, organizational learning, socialization process
and grounded theory.