Cours de Structures Et Inst Traditafricaines
Cours de Structures Et Inst Traditafricaines
Cours de Structures Et Inst Traditafricaines
0. Introduction générale1
0.1.Cadre spatial
L’Afrique est immense et plurielle. Elle est à la fois traditionnelle et moderne. Elle est
fascination ; elle est énigme. Elle est complexe. C’est un continent meurtri, chosifié plusieurs
siècles durant, dont les pays sont dominés et les peuples désemparés, en proie au doute et ayant
souvent perdu confiance en eux-mêmes du fait d’un passé récent douloureux et d’un présent très
sombre2. Sans un renouveau, il n’y aura sur ce continent ni authentique Etat de droit, ni
développement durable, pas plus qu’un réveil des intelligences et un rassemblement des événements
qui font si cruellement défaut à l’Afrique3. Aussi, « les valeurs véhiculées par les sociétés
traditionnelles ne sont nullement infantiles ou inférieures par rapport aux nôtres, c’est-à-dire celles
d’aujourd’hui4». De plus, il est du plus grand intérêt de tenter de comprendre les sociétés africaines
de l’intérieur, d’en démêler la trame depuis que l’Etat colonial a dessiné leurs nouveaux contours.
L’Afrique est en effet, le continent qui a, dans l’Antiquité, été le plus visité par les
explorateurs venus de la Méditerranée pour s’abreuver de la culture égyptienne. C’est un continent
qui s’inscrit dans les écritures de l’Antiquité et donc qui a participé à l’ouverture d’un esprit
altruiste qui a concouru à dessiller le regard des Méditerranéens, qui a questionné leur certitude sur
leur propre civilisation. Mais comme leur regard n’a pas pu pénétrer les profondeurs de l’Afrique
pour en révéler les complexités, l’Afrique fut à la fois connue et inconnue d’eux. De là, s’explique
non seulement l’intérêt de l’Afrique mais l’attraction qu’exerçait l’Afrique sur les pensées
méditerranéennes, surtout les peintures différentes qui ont résulté de leurs investigations. Dans
l’Antiquité, les Grecs ont sublimé l’Afrique, ont réduit la distance entre l’Afrique et le divin à telle
enseigne qu’ils en firent un temple ouvert aux dieux et la sacralisèrent : Homère dans son hommage
à l’Afrique n’écrit-il pas entre autres : « Zeus, du côté de l’océan, chez les Ethiopiens
irréprochables, est allé hier à un banquet et tous les dieux l’ont accompagné » 5. Ainsi, « les dieux
grecs dînent avec les Ethiopiens (étant entendu que l’Ethiopie désignait toute l’Afrique) » 6.
Autrement dit, dans la hiérarchie des existants, les Africains sont mis sur le même pied que les
divinités grecques.
Les Africains transcendent donc la barrière qui sépare l’immatériel de la réalité matérielle.
Ce qui, à l’évidence, leur confère une sur-nature, une « surhumanité » 7. Ce regard hyper sacralisant
d’Homère sur l’Afrique sera déconstruit plus tard. En effet, au Moyen-Age et plus tard, on assistera
1
S. NENE BI, Histoire du droit et des institutions méditerranéennes et africaines. Des origines à la fin du moyen-âge européen, 3e
Ed., 2019, Revue. Actualisée et augmentée.
2
A. M. ASSI, Enseignement de l’histoire et développement »,dans La natte des autres, op. cit., p. 481.
3
TSHIYEMBÉ MWAYILA, L’Afrique face au défi de l’Etat multinational, dans Le monde diplomatique, septembre 2000 p. 14-15.
4
N. ROULAND, Anthropologie juridique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » n° 2528, 1990, p. 6.
5
HOMÈRE, Iliade, I, 412-450, traduction E. LASSERE, Paris, 1965, p. 33. M. WANYOU, Les rapports, entre les dieux-rois
éponymes et mythiques méditerranéens et l’Afrique noire , dans Annales de l’Université d’Abidjan, Série A Droit, t. X, 1995, p. 30.
6
OKOU LEGRE, Cours de HIP, 4e année de science politique, UFRSJAP, UCA, 2003-2004.
7
Ibid.
2
à une décomposition de l’Afrique pour l’inscrire dans la négativité : tant ses hommes que sa faune
et sa flore n’ont pas été épargnés par des peintures à produire des « images d’Epinal », à créer des
monstres, des êtres anthropozoomorphes, c’est-à-dire des êtres à mi-chemin entre l’extraordinaire et
l’ordinaire, des inachevés anthropologiques.
L’Afrique devient alors un continent de monstres, de laideur, de la négativité de l’homme.
On est donc passé de la beauté chantée par les Grecs aux images insoutenables de la laideur, de la
putréfaction. On est passé d’un continent de rêve au continent insultant, nauséabond, au continent
de tous les dangers, de la mort ambiante, au continent des inachevés ontologiques. Ainsi, au Moyen
Âge et plus tard, les représentations européennes ont fait des Noirs un bloc de sauvages au-delà de
l’Islam.
Ce brusque revirement de la pensée européenne s’explique par la manifestation de
l’impérialisme et par l’esclavage qui, pour être acceptés des « bons esprits », devaient véhiculer un
tel message.
Par ailleurs parce que l’Afrique reste méconnue (la terra incognita des Romains) : « les
sciences historiques en effet, ont laissé l’Afrique hors de leur prise jusqu’à des années récentes. Ce
disant, on met de côté maints savoirs élaborés dans les sociétés africaines, qui relèvent d’autres
types historiographiques. Hormis l’Afrique septentrionale (dans la mesure où elle était une
composante de l’ensemble méditerranéen), le reste du continent (et même des pans sociaux entiers
de l’Afrique septentrionale) était méconnu. L’Afrique noire restait un continent officiellement et
scientifiquement sans histoire, et de bons esprits la réputaient telle, par nature ou par la grossièreté
chaotique de ce qui s’y était passé ou de la malchance documentaire d’être sans écriture » 8.
Il s’agit donc pour nous de contribuer par l’Afrique, au portrait des sciences, parce que les
sociétés « sans écritures » ont des expressions organisées et des savoirs, des façons sociales de les
transmettre, des raisons sociales de les entretenir. Aussi, parce que l’Afrique est un grand répertoire
de formules sociale et culturelle, apte à nourrir la science sociale générale 9. Enfin, parce que depuis
que l’Europe a dessiné les nouveaux contours des sociétés africaines, on assiste à une sorte
d’implosion marquée à la fois par une instabilité politique et par une prolifération de mesures
législatives, qui, jugées impulser le développement économique et social, présentent un bilan mitigé
quelques cinquante ans après les indépendances.
Mais, ce que nous présentons ici « ne peut avoir qu’un caractère de compilation. Nul ne peut
se flatter d’être compétent en toutes les parties d’un aussi vaste sujet. A chaque pas on doit
s’appuyer sur les travaux de ses prédécesseurs et de ses contemporains » 10. Nous ne revendiquons
peut-être pour nous que quelques idées11.
0.2.Objet
L’analyse des structures et institutions socio-politiques de l’Afrique traditionnelle, révèle
aisément que l’objet d’une telle investigation est varié et complexe. En fait, une institution est un
mécanisme ou organe permanent établi par les hommes pour qu’il puisse durer plus longtemps que
la volonté de ceux qui l’ont institué. Avant d’atteindre cette consolidation, des structures
permanentes ou temporaires peuvent servir à organiser la vie en société.
Considérons que les structures et institutions sociales sont apparues avant les institutions
politiques qui vont servir plus tard à leur consolidation et protection. Dans un autre cadre, la
primauté des institutions politiques est fonction de leur généralité et capacité à organiser la société
dans le dépassement de l’administration des choses vers le gouvernement des hommes. Ce que Jean
Bodin qualifie de droit de gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec
8
E. BURGUIERE, Dictionnaire des sciences historiques, Paris, PUF, 1986, p. 1-2.
9
Ibid.
10
F. LOT, La fin du monde antique et le début du moyen âge, Paris, Ed. Albin Michel, 1989, p. 13.
11
Ibid.
3
puissance souveraine. C’est ainsi qu’une institution politique ne peut échapper au double sens du
mot politique. Il va sans dire qu’en français, la complication est le fait de la double signification du
mot politique selon le genre utilisé. Cette distinction n’existe pas en espagnol, par exemple, où le
mot la politica recouvre les deux sens.
Dans le cadre de ce cours, il sera question d’étudier les structures fondamentales et les
institutions socio-politiques du passé. Cette étude circonscrite au continent africain, révèle un interet
à la fois théorique que pratique.
Négativement, il faudrait replacer dans leur juste mesure les discours, idéologies, stratégies
et tactiques politiques qui visent qu’à retourner au passé, « authenticité » en vue de justifier de
régimes poursuivant des visées personnelles.
Positivement, le pouvoir traditionnel en Afrique traverse comme dans les monarchies
traditionnelles, le champ de la citoyenneté, car le même individu assujetti à l’Etat et le sujet du
régime traditionnel encore en vogue dans les milieux ruraux. En outre, la recherche de la légitimité
traditionnelle par les autorités étatiques et vice-versa conforte l’inféodation respective des uns par
rapport aux autres.
Par ailleurs, les membres de la société politique ont la faculté de communication politique..
Des structures et institutions permettent qu’ils puissent communiquer entre eux. D’où la création de
langages pour se comprendre, d’idéologies, valeurs et croyances pour mobiliser des solidarités ou
faire de productions monumentales, mémorielles ou symboliques ou encore pour conférer un sens
aux représentations collectives de soi et des autres groupes. Ces productions d’ordre culturel sont
élaborées et diffusées par les institutions de socialisation parmi lesquelles la famille, école, le
médias, Eglises, mouvements syncrétiques et associations, mais aussi l’Etat ou dans une certaine
mesure l’entreprise. Ce domaine est le champ de recherche privilégié de la sociologie et de
disciplines voisines comme l’anthropologie.
Il faut enfin que soit déterminé le dépositaire du pouvoir d’édicter les injonctions
obligatoires, ce qui revient à observer et connaitre le titulaire de l’utilisation de la violence ou du
moins, du recours à la contrainte. L’abandon de la justice privée au profit de la régulation sociale :
ubi societas, ibi jus. C’est l’étude approfondie par le philosophe du passage de l’homme de l’Etat de
nature à l’état de société. En effet, le pouvoir d’édicter des normes obligatoires sanctionnées par
l’autorité publique et de les faire respecter exige le monopole de la contrainte susceptible d’être
exercée sur les membres de la société politique. Le fait de se faire justice soi-même ou la justice
privée a été atténué par les structures et institutions des sociétés traditionnelles africaines ou
féodales. Ce pouvoir décentralisé a été progressivement et relativement centralisé dans sa
jouissance.
Dans les sociétés contemporaines, il existe une tendance réelle à la monopolisation de la
contrainte légitime ou légale au profit de l’Etat, et des institutions placées sous son autorité. Ceux-ci
constituent l’objet de notre étude. Celui-ci se cristallise car son noyau dur est le champ socio-
politique, c’est-à- dire là où se résout la problématique du mode de production des mécanismes
temporaire ou permanent et des injonctions politiques socialement légitimes.
0.3.Objectifs
Ce cours vise à offrir aux étudiants et étudiantes une compréhension de l’organisation et du
fonctionnement les Structures et Institutions politiques d’Afrique traditionnelle. Celles-ci
permettent à la volonté politique de se concrétiser, d’entrer en application de manière effective et
sont ainsi le moyen de son exécution, étant donné qu’il leur appartient d’en définir les modalités
4
d’application et d’en assurer la réalisation. La connaissance des structures et du fonctionnement de
ces Institutions est donc indispensable pour ceux qui sont appelés à conduire et à exécuter les
fonctions publiques afin de satisfaire l’intérêt général.
0.4. Méthodologie et Evaluation
* Méthodologie
Les apprenants habitués aux cours magistraux ne devraient pas se sentir dépaysés.
L’essentiel de l’enseignement sera constitué des exposés magistraux du professeur, suivis des
travaux dirigés et pratiques. Lorsque une thématique est abordée, un temps pour la discussion sera
alloué à la fin de certaines séances. Un autre volet de l’approche pédagogique du cours consistera
en la lecture, par l’étudiant, des textes obligatoires, et ce, en prévision de chaque séance.
* Evaluation
Le cours fera l’objet d’une évaluation issue d’une épreuve écrite portant sur les thèmes
abordés dans le cours (2 h) et des TP et TD.
Cela étant, notre cours comprendra deux volets. Pendant que le premier sera consacré à
l’étude sémantique des concepts clé de cette discipline, le dernier se penchera sur les structures et
institutions politiques africaines.
Dans cet intitulé, les mots droit, structures et institutions qui le composent transversalement
forment un ensemble d’expressions fortement connotées qu’il faut décrypter pour éclairer
sémantiquement l’objet de la discipline avant d’ entrer dans le vif de la matière. Comment définir
les concepts pluriels que sont : droit, structures et institutions ?
A. Le Droit
Le droit appartient à la famille assez étendue des concepts qui ne sont clairs qu’entrevus de
loin12. Les juristes eux-mêmes avouent en être incapables, les uns par pudeur, parce qu’ils répugnent
aux définitions, les autres par crainte d’explications trop vastes ou trop restrictives 13.
En 1787, Kant écrivait dans son fameux ouvrage La critique de la raison pure : « les juristes
cherchent encore une définition pour leur concept du droit ». Le doyen Vedel commença même la
sienne par ces mots : « Voilà des semaines et même des mois que je « sèche » laborieusement sur la
question, pourtant si apparemment innocente […] : « Qu’est-ce que le droit? ». Cet état déjà peu
glorieux, s’aggrave d’un sentiment de honte. « Le droit est un phénomène social trop complexe
pour se laisser enfermer dans une définition précise… l’on commencera à comprendre, le droit
comme une forme de réaction face évidemment aux besoins d'une société. »14.
Les fondements et les fonctions du droit s'impliquent dans la culture, dans la civilisation
dont il n'est que l'expression normative à une réponse donnée. Il n'est pas par conséquent le fruit de
l'imagination du législateur. Cela signifie qu'il n'existe pas de droit pur compréhensible en dehors du
contexte social, du cadre socio-économique, des idées politiques, de la religion. Cela veut dire
également que l'étude du droit implique la connaissance de son cadre de création, l’on parle de lien
de causalité entre le contexte et le droit 15. Ainsi à chaque contexte culturel, son droit. C'est pourquoi,
en principe, à la diversité des contextes socio-économiques, correspond la diversité des systèmes
juridiques.
C'est dans ce sens que converge la remarque pertinente de Roger Vigneron : « le droit est en
soi un phénomène historique dont on ne peut saisir la signification ni interpréter les règles au moyen
d’une approche uniquement logique. L’intelligence d’une norme juridique nécessite la connaissance
12
N. ROULAND, Anthropologie juridique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 2528, 1990, p. 6.
13
J-F. BREGI, Introduction historique au droit, Paris, Ellipses, 2005, p. 5.
14
B. DURAND et al., Introduction historique au Droit, Montchrestien, Paris, 2004, p. 13
15
B. DURAND, Histoire Comparative des Institutions. Afrique, Monde arabe, Europe, les Nouvelles Ed. Africaines, 1983, p. 7.
5
de son origine et de son évolution. L’issue de cette évolution, la règle aujourd’hui en vigueur, risque
sinon d’apparaître le plus souvent comme arbitraire et artificielle »16.
On le voit, le droit est une discipline essentiellement historique. Brégi dira même que « le
Droit est histoire »17. Aujourd’hui, « le droit est pensé comme anhistorique, c’est-à-dire, que le
juriste pense le Droit qu’il applique comme n’ayant pas d’histoire, comme n’ayant ni précédents ni
évolution nécessaire : inscrit dans l’éternité supposée… du texte juridique… De ce fait, les
contingences de l’histoire qui ont guidé le législateur sont oblitérées ainsi que les valeurs que le
Droit est censé consacrer dans la société pour lequel il a été mis en œuvre… »18.
« Le Droit se prétend neutre d’effets sociaux. Il n’exprimerait pas les attentes, priorités ou
exigences de la classe sociale au pouvoir ou du groupe qui le contrôle mais celle de l’ensemble de la
population au nom de procédures caractéristiques d’une société « libre et démocratique …
Ces prétentions à la neutralité sociale reposent sur la théorie de la représentation et sur la
théorie de la souveraineté populaire qui se sont affinées depuis le XVIIIème siècle. Bien
qu’essentielles pour le jeu démocratique…, ces théories n’en reposent pas moins sur des fictions
qui, en tant que fictions, peuvent aussi apparaître comme des fantasmes et ainsi se diluer comme un
simple effet d’une illusion… pour ceux qui n’ont pas été endoculturés… »19.
Enfin, notons que « le droit présente cette différence radicale avec la littérature et la
philosophie que sa langue est univoque et précise, elle n’invente pas son propre discours, que
chacun pourrait modeler à sa guise »20.
Bref, la nécessité d’édification d’un ordre social en vue de résoudre les problèmes issus des
conflits et des processus de coopération ou d’intégration dans les rapports sociaux et
interindividuels justifie l’existence d’un ordonnancement juridique dans la quasi-totalité des
sociétés étudiées. C’est en réalité, cette dynamique de règlement des conflits issus de l’absence de
consensus sur le bien, à l’opposé, comme le diraient les philosophes du droit, d’un compromis
minimum sur le mal autour de la reconnaissance et du respect de la dignité humaine, qu’est né le
droit entendu comme un ensemble des préceptes autorisant ou interdisant, moyennant sanction, tel
ou tel comportement21.
B. Structure
C’est la façon dont les différentes parties d’un ensemble concret ou abstrait, sont disposées
entre elles et sont solidaires, et ne prennent sens que par rapport à l’ensemble : sa structure. La
notion ou le concept de structure relève de plusieurs disciples dont la linguistique, on parle de
structure grammaticale ; la chimie, on parle de la structure moléculaire ; la biologie, on parle
structure cellulaire ; la sociologie, on parle de structure sociale.
Mbaya Nyang estime que dans une structure, chaque partie remplit une fonction dans un tout
disposé de manière que la disparition de l’une des parties rompe l’harmonie. La structure est donc
un ensemble des parties qui forment un tout par opposition à leurs fonctions. En d’autres termes, la
structure n’est pas une simple combinaison d’éléments, elle est un tout formé de phénomènes
solidaires qui dépendent les uns des autres. Chaque phénomène ne peut être ce qu’il est que dans et
par ses relations avec les autres. S’agissant de la structure sociale, l’élément de base reste l’individu.
Par conséquent, une structure sociale serait un groupe d’hommes vivant en société.
L’homme, né homme, est un objet réel non construit, il est un être de chair et d’os, une réalité
biologique, psychologique et sociale. Le juriste, bien que devant appréhender toutes ces
caractéristiques, doit saisir l’être homme sous les aspects juridiques. Donc, la structure comprise
16
R. VIGNERON, Droit romain, Syllabus, Université de Liège, 1994, p. 1 ; B. DURAND et al., Introduction historique au droit, op.
cit., p. 25.
17
J.-F. BREGI, op. cit., p. 6
18
E. Le Roy, Les Africains et l’Institution de la Justice. Entre mimétismes et métissages, Paris, Dalloz, 2004, p. 6.
19
E. Le Roy, Les Africains et l’Institution de la Justice. Entre mimétismes et métissages, op. cit. p. 7.
20
A. LECA, Institutions publiques françaises (avant 1789), Marseille, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1994, p.9.
21
Cf. G. BASUE BABU KAZADI, Droit, structure et institutions socio-politiques de l’Afrique traditionnelle, PUIC, Kin, 2013, p. 5-
6.
6
sous cet aspect est un arrangement de personnes ayant entre elles des relations du gouvernant et du
gouverné ou celles du mari et de la femme22.
Cette approche juridique est complétée par les disciplines des sciences sociales. Ainsi, une
structure peu être envisagée et saisie comme un ensemble de relations sociales dans une société à un
moment donné. Ce qui a amené Radcliffe Brown à définir une structure sociale comme étant un
réseau permanent des relations sociales au sein d’une société23.
En droit public, ce concept est incontournable dans les analyses institutionnelles. En un autre
clavier de langage, il est question de déterminer d’un point de vue organique, la genèse,
l’organisation et le fonctionnement d’une institution par rapport à ses éléments.
C. Institutions
L’institution est une notion polysémique ayant « une part de mystère » 24. Aussi Georges
GURVITCH mettait-il en garde contre sa polysémie et recommandait même d’en proscrire l’usage.
Le Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit(DETSD) donne une description
de la notion par Danièle Loschak : « la genèse du concept moderne d’institution fait remonter
l’utilisation du terme à la tradition juridique canonique médiévale, et plus précisément à l’œuvre du
juriste Sinibaldo de Fieschi (devenu pape sous le nom de Innocent IV). En fait, celui-ci recourut le
premier au terme latin institutio pour désigner un type de persona ficta et repraesantata différente
de la persona ficta de la corporation autant que de la fondation. L’élément caractéristique (et
nouveau) de l’institutio est la présence constitutive d’une auctoritas supérieure externe qui, par la
suite, acquiert le caractère immanent de la structure organisationnelle et performative de l’institutio
elle-même. Dans l’institutio le donné social et matériel se conjugue inextricablement avec l’aspect
spirituel et symbolique : l’institutio est un corpus mysticum véritable et particulier (DETSD, 1993 –
304)»25.
Le concept d’institution viendrait également du verbe latin instituere qui signifie « établir
quelque chose qui demeure ». Ainsi, nombreuses sont les institutions qui subsistent à travers les
siècles, gouvernant des générations successives. Cependant, « les institutions subissent
partiellement ou globalement des transformations dans leurs fondements et leurs finalités. Elles
changent en même temps que les fondements de la société. Elles ne sont donc pas éternelles encore
moins le produit d’une création fantaisiste des hommes, mais reproduisent des objectifs poursuivis
par la société »26.
Œuvres de l’homme et œuvre consciente, les institutions expriment cette capacité
organisatrice, cette puissance de l’homme sur lui-même. Cet ensemble propre à chaque groupe
constitue un héritage collectif que chaque génération reçoit de la précédente, modifie quelque peu,
et transmet à la suivante. Ainsi, les institutions s’impliquent-elles toujours dans l’histoire d’une
société dont elles révèlent les relations causales. On notera par conséquent que l’histoire est le lieu
où se forment et se transforment les institutions.
L’on peut dire que l’institution désigne d’abord ce qui est établi par l’homme. C’est la
différence avec les phénomènes naturels. Elle est un ensemble d’organes ou d’actions ou encore de
pratiques organisées de façon stable. Elle a vocation à suivre à son créateur.
M. Weber lie l’institution à l’idée d’association pour la définir comme groupement dont les
règlements statutaires sont octroyés avec un succès relatif à l’intérieur d’une zone d’action
délimitable à tous ceux qui agissent d’une façon définissable selon les critères déterminés 27.
Nous retenons ici, le sens d’un ensemble d’organismes(institutions-organes) et des normes
établies, en règle générale, en vue de la satisfaction d’intérêts collectifs(institutions-mécanismes).
22
MBAYA NYANG, Notes de cours des structures et institutions socio-politiques de l’Afrique traditionnelle, UNIKIN, Fac. De
Droit, 1995-1996.
23
R. BROWN, Structures et fonctions dans la société primitive, Trad. de Françoise et L. Marin, Ed. de Minuit, Paris,, 1968.
24
E. Le Roy, Les Africains et l’Institution de la Justice. Entre mimétismes et métissages, op. cit., p. XII.
25
Ibid.
26
H. LEGRE OKOU, Cours d’histoire des Institutions politiques, 1ère année, Université de Cocody, UFR SJAP, 2010-2011.
27
M. WEBER, Economie et société (Trad), Plon, Paris, 1995.
7
Ce sens nous permettra de faire le rapprochement avec l’étude des structures. Ainsi, le concept
d’institution sert à l’analyse des institutions internationales ou des institutions étatiques ; en science
politique, on parle d’institutions politiques et en sociologie, institution clanique.
Pour M. Hauriou, l’institution définit les structures fondamentales qui permettent
d’identifier un régime politique, et qui se distinguent des effets contractuels et interindividuels de la
simple volonté des acteurs sociaux28. Cette vision est à l’origine de la perspective institutionnaliste
en science politique. Elle vise à aborder les objets de l’analyse dans leur fondement structurel et
leur modèle organisationnel en lieu et place de la prise en compte de leur rapport la société. C’est
cette approche que nous allons retenir pour faire la symbiose de l’intitulé de notre cours en
rapprochant les structures fondamentales de la vie intentionnelle elle-même.
Signalons que les institutions peuvent être politiques, administratives ou sociales.
+Les institutions politiques
Les institutions politiques sont celles qui concernent le pouvoir supérieur de « l’Etat », sa
mise en œuvre et son fonctionnement. Au sens strict, elles s’opposent aux institutions
administratives et juridictionnelles. Elles désignent classiquement les organes de l’Etat qui exercent
des fonctions dites de souveraineté : élaborer la loi, l’exécuter ou faire respecter l’ordre public. Au
sens général, les institutions politiques s’opposent aux institutions privées. Mais, dans la mesure où
cette distinction est relativement récente, il sera souvent difficile pour ce qui est de la période
d’étude (de l’antiquité à la fin du Moyen-Âge) de distinguer les institutions politiques des
institutions privées. Il y a bien d’imbrications dans la réalité et parfois des confusions entre les deux
types d’institutions.
+Les institutions administratives
Les institutions administratives sont très imbriquées aux institutions politiques, en
constituent le prolongement normal dans la mesure où elles constituent l’ensemble des moyens dont
se dote le pouvoir central pour conduire son action, qu’il s’agisse des services publics ou des agents
qui en assurent le fonctionnement. Mais cette définition est sans doute trop moderne, les notions de
service public et d’agent public étant apparues bien tardivement. Toutes ces institutions sont
animées par des hommes dont on ne peut négliger l’action.
+Les institutions sociales
Les institutions sociales sont un ensemble de faits sociaux organisés et qui s’imposent au
corps social. Les institutions sociales jouent un rôle important en modelant les valeurs et les
croyances, en maintenant l’ordre et en contribuant au fonctionnement efficace de la société. Des
exemples d’institutions sociales : les écoles, les médias, la famille.
Au total, « Droit et Institutions émergent, se développent, deviennent caducs et disparaissent
quand ils ne répondent plus aux exigences matérielles, intellectuelles et spirituelles des sociétés.
Leur émergence, leur développement ne participent pas de l’arbitraire mais résultent de la
conjugaison de facteurs objectifs et subjectifs. Produits d’une époque et d’une société, droit et
institutions en résument l’esprit, disons la logique » 29. Ce qui explique leur pluralité. Mais comment
comprendre cette pluralité, cette diversité du droit et des institutions à travers le temps et les aires de
civilisations ? Faut-il analyser le droit et les institutions d’une seule aire de civilisation ou de
plusieurs aires de civilisation ? Et à quelle période ? Comment faire saisir que droit et institutions
sont consubstantiels à toutes les sociétés ?
Les réponses à ces questions traduisent l’objet de l’histoire comparative des institutions qui
se définit comme des institutions des différentes aires culturelles observées dans des cadres
historiques. Cadres historiques qu’il convient maintenant d’appréhender.
D. Socio-politiques
Ce qui est socio-politique intéresse la société définie en des termes politiques, c’est-à-dire ce
qui est relatif aux structures et institutions sociales dans leur relation avec le champ politique. On
28
M. HAURIOU, Principe du droit public, Siey,1916.
29
H. LEGRE OKOU, Cours d’histoire des Institutions politiques, op. cit.
8
dirait tout ce qui a trait au milieu social dans lequel une personne est intégrée politiquement. C’est
de prime à bord la politique que Pierre Bourdieu définit comme étant le champ, c’est-à-dire la scène
politique, lieu et cadre où s’exerce l’activité politique. De nos jours, dans les sociétés
démocratiques, elle serait la scène où les individus ou groupes d’individus concourent à
l’expression du suffrage et s’affrontent pour exercer les mandats représentatifs. Les acteurs
politiques se mettent en compétition électorale ou en vue de contrôler l’Etat et les collectivités infra
étatiques ainsi que supra étatiques. Ce qui nous rappelle le sens courant des expressions telles que
faire de la politique ou effectuer un choix politique, par opposition à un choix technique.
La politique peut aussi revêtir un tout autre sens dans des expressions élaborées comme la
politique gouvernementale ou la politique de santé ou encore les politiques publiques…, mises en
œuvre par des autorités politico-administratives. Il est question ici d’identifier un ensemble, réputé
cohérent, d’intentions et décisions, attribuables à des dirigeants dans l’exercice de leur pouvoir.
La politique est enfin l’art de gouverner les hommes en société. C’est le sens retenu en
philosophie politique : le passage de l’état de nature au contrat social. C’est la nécessité d’assurer la
coexistence : la vie politique des hommes en société.
E. Afrique traditionnelle
La circonscription géographique continentale ne doit pas nous empêcher à recourir au droit
comparé dans le autres continents, principalement l’Europe qui nous a imposer par la domination
coloniale ou par la théorie de la dépendance, un mimétisme dû au triomphe de l’Etat en tant
qu’institution de référence d’organisation politique.
En outre, le qualificatif traditionnelle, suggère-t-il une référence à la coutume ? Cette
terminologie a un sens bien précis en droit. Elle est constituée d’un élément matériel, à savoir la
répétition d’un comportement, mais aussi d’un élément psychologique, la croyance en son caractère
obligatoire ou l’opinio juris. S’agit-il encore de simples usages issus de différentes normes de
conduite en Afrique ? Ce qui serait un champ trop large pour être retenu dans le cadre de ce cours.
En sus, faut-il circonscrire cette étude dans le temps, il s’agirait de déterminer jusqu’à quel point va
le traditionnel d’une part et, d’autre part, commence le contemporain.
Nous estimons ici que, pour comprendre les institutions actuelles régies pour la plupart par
le droit positif, il faut retracer l’évolution de celles-ci. C’est le champ des structures et institutions
traditionnelles qui, dans certains cas, pose le problème de la dualité institutionnelle. En effet, le
citoyen qui obéit à l’Etat est le même qui devrait obéir à un système parfois parallèle issu de son
histoire. C’est cette dualité qui constitue la problématique majeure de cet enseignement.
30
M. DELAFOSSE, Les Noirs d’Afrique, Paris, Payot et Cie, 1922, Édition réalisée pour le site d'Histoire herodote.net p. 7.
31
Ibid., p. 8.
9
II.1. Les Institutions politiques traditionnelles32 ou Héritage pré-colonial
Le milieu physique intervient, directement, en imposant à l’organisme humain des
conditions de vie plus ou moins dures. Et, « les grandes aires géographiques et climatiques
africaines ont fortement influencé la formation des institutions africaines, attestant d’une symbiose
entre milieu et système politique mais aussi statut juridique reconnu à l’autorité » 33. Cependant, il
arrive que la société produise son espace indépendamment des accidents du paysage. « Simplement
parce que la légende et la superstition en éloignent l’indigène »34.
Toutefois, la principale base de différenciation entre les sociétés reste la manière dont
s’exerce le pouvoir politique dans les sociétés africaines.
Dans la doctrine traditionnelle, certains auteurs s’accordaient pour différencier les sociétés
politiques précoloniales africaines, principalement de l’Afrique au sud du Sahara de l’Etat moderne.
En fait, ils considéraient que leur architecture générale s’écartait des éléments constitutifs de la
démocratie moderne. L’on peut estimer que ce raisonnement qui s’expliquait par l’histoire de la
domination comme simpliste et réducteur. Affirmer l’homogénéité de la société africaine est une
erreur d’approche étant donné l’hétérogénéité qui s’impose à l’observateur, de façon telle qu’elle
rende difficile, relative et même abstraire dans certains cas, toute tentative de classification trop
systématique.
L’Afrique traditionnelle offre un éventail remarquable de sociétés politiques. Ces dernières
jusqu’alors ont été surtout le sujet favori des ethnologues et c’est vers leurs études qu’il faut
nécessairement se tourner. Ils ont été contraints d’adopter une démarche particulière, remettant en
cause certains postulats élaborés pour aussi réfléchir sur les problèmes relatifs à la naissance des
sociétés politiques. C'est-à-dire sur les conditions de leur apparition et les caractères généraux qui
en découlent. Ils ont enfin proposé certains critères permettant de classer les sociétés politiques
africaines sans cependant parvenir à une typologie définitive.
32
Pour ce sous-titre, cf. B. DURAND, Histoire comparative des institutions, op. cit.
33
B. DURAND et al., Introduction historique au Droit, op. cit., p. 374. /
34
G. JOSEPH, La Côte d’Ivoire, le pays, les habitants, Paris, Emile la Rose, Librairie, 1917, p. 90.
35
G. BALANDIER, Anthropologie politique, Paris, PUF, 1978.
10
Les sociétés à pouvoir minimal sont celles dites de subsistance, c’est-à-dire dans lesquelles
l’homme est un être social obligé d’une part de remplir certaines fonctions minimales de survie et,
d’autre part de respecter certaines normes pour pouvoir vivre en société. A ce niveau, c’est le lien
social qui marque les rapports sociaux. Il fonde également le rattachement à la société politique.
Les sociétés à pouvoir diffus, systématisées également par Pierre Clastre et Jean William
Lapierre, sont celles dans lesquelles le collectif l’emporte sur l’individuel. Le pouvoir n’y est pas
encore très structuré et l’homme y est aliéné par rapport au besoin collectif. C’est la soumission de
l’homme à la société qui justifie le lien socio-politique.
Dans les sociétés sans Etat(anétatique), il existe une forme d’organisation politique , mais
qui n’arrive pas au seuil de l’Etat parce que cette société ne connait pas l’attribut de l’Etat : la
souveraineté. Ce que jean Bodin qualifie de puissance souveraine.
Dans cette dernière catégorie d’organisation politique, relevons l’exemple des sociétés
politiques composées des populations sédentaires qui vont se constituer en une chefferie,
généralement en application des considérations socio-économiques. La société sédentaire a produit
des ressources au tour d’un chef. Ce dernier a la charge de redistribuer le surplus tandis que les
populations nomades ont des ressources essentiellement produites par l’élevage ou le commerce.
Ces ressources sont très souvent personnalisées. Elles sont placées sous le contrôle d’un patriarche
qui pourra détenir un pouvoir politique au sein du groupe.
En plus, la plupart de populations nomades au nord du Sahara ont une composante
religieuse, le pouvoir du patriarche peut se confondre avec celui du Khalifat et jouir d’un
dédoublement semblable à la théorie des deux glaives. C’est la confusion du pouvoir spirituel et
temporel. Celle-ci se retrouve dans certaines organisations politiques au sud du Sahara, soit au
profit du chef, soit en dualité avec une lignée familiale qui représente un tel pouvoir.
Aussi, la plupart des organisations politiques des peuples nomades sont de type guerrier, car
il faut assurer la surveillance accrue pour protéger non seulement les populations mais aussi leur
richesses principale : le bétail.
De l’héritage précolonial, on épingle aussi d’autres institutions sociales comme la famille et
les institutions politiques de règlement comme le dialogue ou le consensus.
Dans la conception africaine, la famille est une institution beaucoup plus large. Elle est créée
et célébrée par le mariage. C’est, en fait, autour de ce lien de sang et d’alliance que se constitue la
charpente de la forme d’organisation socio-politique. Aussi bien par le rattachement progressif que
par affinité familiale, il est constitué par le clan, la tribu , l’ ethnie…
Le dialogue en tant qu’institution se rapproche de la coopération et de l’intégration. Il y a
d’autres éléments économiques comme le commerce et l’artisanat qui influent dans ces premières
formes d’organisation politique africaine, mais le plus déterminant demeure le facteur religieux.
A la suite de Jalal Essaid Mohammed 36, la société musulmane est organisée autour des
éléments spirituels et temporels. La religion musulmane a vocation à régir la société politique à
l’opposé de la religion chrétienne : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu,
exception faite de la dérive de l’application de la doctrine qualifiée d’augustinisme politique.
En terre musulmane, il n’est pas fait de distinction entre le spirituel et le temporel, ni entre
le politique et le religieux. En fait, le Khalife est à la fois le commandeur des croyants(fonction
spirituelle) et le dirigeant de la cité(fonction de gouverner). Les sociétés musulmanes connaissent
une hiérarchisation des normes. Celles-ci sont à la fois sociales, juridiques mais surtout religieuses.
D’après El-Alaoui Abdellaoui37, une vieille constitution du Hidjaz, qui remonte à 1926, était encore
plus explicite : « les normes juridiques dans le Royaume du Hdjaz doivent être conformes au Livre
de Dieu, à la sunna du prophète… et à la conduite des Compagnons et des Premières Générations
pieuses ». Ainsi, le Coran se trouve au-dessus de la pyramide. Il est suivi de hadith du prophète et
36
J. ESSAID MOHAMMED, Introduction à l’étude du droit, Rabat, Collection Connaissance, 1998.
37
E. ABDELAOUI, Le droit musulman, source fondamentale du projet de code civil unifié, dans Revue juridique politique et
économique du Maroc, 1977.
11
enfin il y a les fatwas de autorités religieuses telle la condamnation à la peine capitale de Rushdie
pour son ouvrage, les versets sataniques par l’ayatollah Khomeyni.
38
J. MAQUET, Les civilisations noires, Marabout université, 1962.
12
sociale. Loin d’être des groupes hermétiques se reproduisant pour eux-mêmes, les classes d’âge
officialisent la rotation dans les fonctions sociales nécessaires à la société globale.
La différence fondamentale avec la société sédentaire en est que chez les nomades, il n’est
pas institué une hiérarchie claire, il y a plutôt rotation malgré les classes d’âge. Pourtant dans les
autres civilisations, chaque classe d’âge a sa fonction.
En sus, les membres des sociétés politiques organisés autour de cette civilisation sont liés
par un fort sentiment d’appartenance et de solidarité. L’individu est simultanément en communion
avec lui-même et avec l’ensemble du groupe. C’est le cas chez les Kikuyu au Kenya. Il est à noter
qu’au sein de cette société, il existe une stratification sociale :
- on accédait à l’initiation à l’âge de 18 ans ;
- on devenait guerrier pour protéger la société entre 18 et 40 ans ;
- on était considéré sage à plus de 40 ans. Ce qui ouvrait la voie à l’existence des fonctions de
conseiller.
Les classes d’âge instituent une division fonctionnelle des taches auxquelles chacun avait
accès au cours de sa vie. Certes, une telle harmonie, également proposée par les philosophes grecs
de l’Antiquité, n’est pas inébranlables. En effet, l’homme a ses appétits, quand bien même la société
tient à forger, il faut plutôt institutionnaliser le pouvoir. Cette substitution permet à ce que le
pouvoir, comme le voulait Montesquieu, puisse arrêter le pouvoir.
Lorsque l’histoire a mis en relation un peuple des pasteurs et celui d’agriculteurs, ce
mélange fait éclore un système social hiérarchisé fondé sur la domination des premiers sur les
seconds, au point de donner naissance à un régime quasi féodal principalement dans la région de
grands lacs. De toutes les manières, il s’agit pas tellement de culture, mais de pouvoir d’échange, de
possession à telle enseigne que cet équilibre n’étant pas automatique, elle peut ère renversée à tout
moment. A cette considération, on peut ajouter le fait que la « civilisation » soit contingente dans le
temps comme dans l’espace. Elle peut subjectivement être intégrée par un membre d’une
composante adverse.
Enfin, la civilisation de cité, dispose, quant à elle, d’une économie fondée sur l’exploitation
des ressources naturelles ainsi que sur leur commercialisation principalement vers l’extérieur.
Aussi, le royaume de Ghana fondera-t-il sa prospérité sur la détention et la transformation de l’or.
De même, l’empire du Mali augmentera-t-il sa puissance de sa position stratégique dans les
échanges commerciaux trans-sahéliens.
Ces sociétés politiques sont partagées en deux blocs. Il découle de ce dualisme un clivage
opposant les cités aux villages. Ces derniers organisés autour de l’agriculture deviennent les
pourvoyeurs en denrées divers essentiellement alimentaires. La campagne assure également la
main-d’œuvre par l’exode rural. Les villageois subissent parfois subtilement la domination des
citadins qui sont majoritairement des commerçants.
L’intégration économique ne traduit pas nécessairement une unification socio-politique. En
fait, l’intégration économique ne donne pas nécessairement une intégration politique. Les identités
paysannes et urbaines même placées sous l’autorité du même chef peuvent rester assez largement
dissociées. C’est ainsi que la zone du Soudan présente une gradation des systèmes socio-politiques
reposant sur une intégration poussée ou au contraire sur une indépendance affirmée des
composantes urbaines et paysannes, les unes par rapport aux autres. C’est en définitive, la
civilisation de l’industrie ou celle de l’administration, y compris l’armée, qui ont prévalu dans les
cités modernes et ont configuré la stratification sociale dans les jeunes Etats africains.
En définitive, l’on peut retenir qu’il existe des sociétés anétatiques et celles à pouvoir
politique institutionnalisé. Ainsi, l’opposition essentielle se situe au niveau des « gouvernants ».
Dans les sociétés dites étatiques, nous trouvons un gouvernement individualisé monopolisant
l’emploi de la force et éventuellement un corps administratif et des services de gestions. A
13
contrario, dans celles dites « anétatiques » ou « acéphales » 39, il n’y a pas de gouvernants, pas
d’administration, pas de hiérarchie correspondant à un degré de participation au pouvoir.
Gouvernants et gouvernés sont confondus. Explicitons.
II.1.1.3. Les sociétés anétatiques et celles à pouvoir politique institutionnalisé
II.1.1.3.1. Les sociétés anétatiques
Les sociétés anétatiques se caractérisent par l’absence de pouvoir centralisé mais aussi par
l’existence de mécanismes qui suffisent à assurer la permanence du groupe. Ajoutons qu’elles sont
le plus souvent implantées sur un territoire très étroit (mais cela ne constitue pas un élément
indispensable) et profondément marquées par des structures égalitaires. Elles sont excessivement
nombreuses, disséminées à travers tout le continent africain.
Deux critères nous paraissent dominer leur organisation. Le premier, valable pour toutes, est
le poids considérable reconnu aux coutumes de l’existence de mécanismes régulateurs qui
permettent leur respect. La cohésion du groupe, l’obéissance à des principes reconnus par tous est
rendue possible par la mise en œuvre de ces mécanismes. Mais il peut se faire qu’apparaisse une
certaine individualisation de l’autorité, sans cependant que l’on puisse voir dans ces organes ou ces
individus des gouvernants. Ce sont certainement des germes qui pourraient conduire à la
différenciation entre gouvernants et gouvernés
39
R. SCHOTT préfère lui parler de sociétés « polycéphales » pour caractériser ces sociétés sans autorité supême ; car, écrit-il : « il y
a chez elles une pluralité d’autorités et de puissances… chaque ferme (ou concession, agglomération de cases…) est elle-même, un
petit royaume… » in « le jugement chez deux peuples « acéphales » en Afrique occidentale : les Bulsa (Ghana) et les Lyéla (Burkina
Faso) », Droit et cultures, n° 29, 1995, éd. L’Harmattan, p.180.
14
On remarquera d’ailleurs ici que l’emploi de la force, ou de sa menace, caractéristique des Etats,
n’est pas absent de ces sociétés. Mais bien sûr, elle n’apparaît qu’in fine. Souvent, il ne sera pas
nécessaire d’aller jusque-là. D’autant que la cohésion est renforcée par les croyances communes ;
les rites ne produisent d’effets qu’accomplis conjointement par tous et l’on expliquera un accident,
une maladie, par un manque d’harmonie, voire un manque d’assiduité auprès des autels. Mais la
moindre violation de l’harmonie verra la mise en place de pressions « diffuses » dans tout le groupe.
40
S. NENE BI, Introduction historique au droit ivoirien, Abidjan, CNDJ, 2016, p. 25-26.
18
Le kalegnon est le dominateur, le guerrier intrépide qui protège sa communauté. En cas de
déficit de femmes à épouser, c’est lui qui enlève les femmes d’autres communautés afin de les
donner comme épouses à ceux de sa communauté.
Paragraphe 2. Les associations
On peut ranger sous le terme d’associations deux sortes de groupements, l’un à recrutement
systématique : les classes d’âge ; l’autre à recrutement sélectif : les sociétés de masques ou
confréries, voire « secrètes ».
A. Les sociétés de masques
Les sociétés de masques sont des groupements sélectifs qui soumettent leurs membres à une
discipline, à une initiation, propageant une instruction religieuse et sociale; certains membres ne
franchissent que le premier degré mais les initiés portant masque prennent les décisions
importantes, sous l’autorité d’un grand initié, choisi et surveillé par les anciens. Ces sociétés ont des
buts variés, utilitaires, religieux, ludiques, mais dont le rôle politique peut être essentiel. Ces
activités, en effet, ne concernent pas seulement les membres, mais la société tout entière ; ainsi par
exemple, elles rendront un culte à certains esprits au nom de la société tout entière. Veilleront à ce
que certains travaux soient accomplis (par exemple nettoyage des lieux sacrés), agiront comme voix
de l’opinion publique, exerceront des pressions contre ceux qui ne respectent pas les règles établies.
Elles peuvent donc, sur certains points, pallier l’inefficacité de sanctions non coercitives.
Mais souvent elles accaparent une partie de la puissance politique et des fonctions
juridiques, ou tout au moins le maintien de l’ordre. Ainsi, les sociétés et corporations initiatiques
locales jouent-elles un rôle essentiel dans tous les domaines intéressant la vie du groupe : éducation,
cohésion sociale, maintien de l’ordre. Certains mêmes jouent un rôle préventif en agissant contre
certaines pratiques occultes, attribuées à des individus isolés ou à d’autres sociétés secrètes.
Fait remarquable, il arrive que ces groupements débordent le cadre local, les initiés se
reconnaissant d’une région à l’autre.
B. Les classes d’âge
Les classes d’âge peuvent avoir un rôle plus important. Le principe en est simple ; chaque
individu appartient, dès son initiation, à une classe et franchit par étape périodique la frontière qui le
sépare de la classe suivante. Il est vrai que dans certaines sociétés, ce ne sont guère que des
rassemblements qui interviennent au moment des fêtes. Mais dans d’autres groupes, elles peuvent
jouer un rôle essentiel, rituel et économique, voire constituer l’armature même de la société
politique (les Ebrié et les Adjoukrou de Côte d’Ivoire).
Dans l’ensemble, les membres d’une classe sont liés entre eux par des droits et des devoirs
mutuels et chaque classe avance en grade, en même temps, par bonds. La cohésion et la répartition
des fonctions sont les deux intérêts d’un tel système. Il est rare cependant que ces systèmes
n’acceptent pas la prééminence de certains hommes âgés, réunis en conseil où ne fassent pas place
en même temps aux sociétés secrètes.
Ainsi les Ebrié sont-ils divisés en tribus et les tribus en six classes. Chaque individu passe
pendant les quarante premières années de sa vie à travers une série de cinq périodes d’initiation de
huit ans, puis par une autre série de cinq périodes après quarante ans. La quatrième est celle des
guerriers ; elle dispose du pouvoir politique mais ne peut l’exercer qu’avec l’aide de conseillers
choisis parmi la classe des anciens (5e classe). Toute la tribu s’identifie avec le groupe des guerriers
et avec son chef nommé pour huit ans, à la fois prête, chef de guerre, autour des lois discutées en
conseil de groupe.
20
autour d’une ville, d’une capitale, tout en s’étendant à la campagne environnante et qui sont
indépendantes des cités voisines sauf à se soumettre à l’hégémonie de l’une d’entre elles.
Communauté territoriale très homogène, la Cité-Etat grouperait des éléments ethniques
divers et créerait des liens qui suppléent à ceux d’une parenté réelle. C’est-à-dire que la ville donne
son nom à ses habitants et ceux-ci, pour se situer les uns par rapport aux autres, lui adjoignent celui
de leur quartier, aucun ne possédant d’appellation propre à une famille ou à un groupe plus large de
parents. Pour cette raison, le chef mettra l’accent moins sur les attaches biologiques que sur
l’institution dont il a la charge ; il adjoindra à son nom celui de son prédécesseur et se prévaudra
moins de l’ancienneté de la dynastie que de l’ancienneté de l’institution elle-même.
Parfois même le rituel d’intronisation mettra justement l’accent sur la rupture avec la parenté
; ainsi le Miarre des Kotoko « meurt et renaît des sources mêmes de la création » et cette épreuve
est à l’origine de son pouvoir. Ce refus de la parenté apparaît même ici dans la règle de succession ;
ce ne sont pas les épouses qui donnent les héritiers au trône, mais des concubines pour la plupart
esclaves, qui ont rompu toute attache familiale ; l’institution « royale » est hors de la parenté et n’a
pas à défendre les intérêts de telle ou telle famille. De même, la cité à un culte collectif (par
exemple un animal tutélaire qui vit dans les remparts et figure l’ancêtre commun ou un Dieu
créateur, lié au siège royal) et une administration relativement élaborée. Des Cités-Etats de ce type
ont effectivement existé en Afrique ; ainsi en était-il des cités Yorouba ou des Cités-Etats Ashanti,
où l’administration de l’Etat se confondait avec celle de la capitale et où l’autorité s’exerçait sur des
chefferies subordonnées, reproduisant parfois, à petite échelle, l’organisation centrale.
21
Paragraphe1. Le roi
La conception que les sociétés africaines se font du pouvoir royal apparaît à plusieurs
niveaux. D’abord au niveau de la personne même qui abrite le pouvoir royal ; quel que soit le nom
qu’on lui donne et quel que soit le contenu que l’on peut donner au concept, le roi est toujours un
personnage sacré. Ce qui implique l’étendue de son pouvoir. Ensuite, au niveau des règles qui
président à la transmission du pouvoir royal.
A. La personne du roi
Le roi est partie intégrante de la communauté qu’il dirige. Mais en même temps, il « est
d’essence divine. Il représente les ancêtres, le passé (de la communauté) et sa gloire, (son futur). Il
concentre en sa personne l’ensemble des forces magiques du pays » 41. En somme, il est « le parent,
l’homologue, le médiateur des dieux »42. Ses relations avec le sacré sont inséparables de son autorité
politique.
De lui dépendent la prospérité du groupe et la bonne marche de l’univers. En effet, la
prospérité est liée à sa présence qui fortifie la société tout entière : il est le « roborateur » de son
peuple. Pour cela, on écartera du pouvoir tous les candidats ayant des tares physiques car c’est signe
que le prince n’a pas la faveur des dieux. Ainsi la reine des lovedu doit-elle être sans imperfection
physique, ni susceptible des maladies qui atteignent les humains ordinaires. La moindre blessure ou
tâche sur le roi ashanti, physique ou mentale, est intolérable.
Certaines sociétés favorisent périodiquement la vitalité du roi ; à Porto-novo a lieu chaque
année le rituel de purification de la personne royale, dédoublée en la personne d’un petit enfant,
enterré vivant. Ainsi le roi « échange- t- il la mort » ; il est lavé, l’enfant porte ses habits et tout est
enterré. La purification est ailleurs plus symbolique ; au Rwanda, le souverain et sa mère sont
périodiquement liés en public et l’on immole leurs substituts, un taureau et une vache ; le roi expie
ainsi les fautes de la nation et renaît, du sacrifice, plus jeune et plus puissant. Il ne doit pas y avoir
sous un règne trop de catastrophes ou alors c’est que le roi a perdu ses pouvoirs.
La santé, la force du roi sont le symbole de la force de la société elle-même et dans les deux
cas, il faut le chasser ou le mettre à mort. Là encore, les exemples sont innombrables. Dans le
royaume du Monomotapa, il fallait que le corps, la santé, la vitalité du roi fussent intacts. Le
moindre signe d’impuissance, la moindre atteinte de la maladie ou de la vieillit (comme la perte
d’une dent), exigeait la mort du souverain, car ces faiblesses pouvaient porter atteinte à la fonction
sacrée dont il était investi et, par là même, à tout le corps social. Chez les Shilluk au Soudan, dès
que le roi vieillit (par exemple sa santé est visiblement atteinte ou ses femmes se plaignent d’être
délaissées), les ministres avertissent symboliquement le roi en secret, où l’on enferme le roi avec
une vierge et on les abandonne là après avoir muré les issues. Dans le royaume Nkolé, sur les lacs
de l’Afrique orientale, le roi doit se suicider en cas de blessure ou d’affaiblissement.
Chez les Djoukoun du Nigeria, si le roi viole un tabou, s’il est malade, s’il éternue (perdant
ainsi sa force spirituelle), la coutume autorise sa mise à mort. Chez les Yoruba le roi est mis à mort
tous les sept ans ou quatorze ans à Oyo. La disparition nécessaire du roi trop âgé atteste, semble-t-il,
le lien qui existe entre une société dynamique et un roi en pleine possession de ses moyens. Cette
idée a sa source de développements intéressants sur la conciliation entre la jeunesse et la maturité
d’une société politique.
Toutefois, dans d’autres sociétés, le roi dieu garde encore des vertus importantes que tentera
d’assimiler le successeur en mangeant rituellement un morceau de son corps ; chez les Djoukoun, le
cerveau, le cœur et les reins étaient conservés puis mangés par le successeur afin d’opérer la
transmission des charismes. A Oyo, celui qui succède doit manger la langue rôtie du roi et boire
dans sa voûte crânienne la bière de mil, etc. ces pratiques rejoignent en réalité la cérémonie
d’intronisation qu’il faut respecter point par point « car il s’agit de mettre le chef nouvellement
choisi en relation magico corporelle avec son prédécesseur, ses habits, ses armes et ses objets
41
R. CORNEVIN, Histoire des peuples de l'Afrique noire, op. cit, p. 204.
42
G. Balandier, Anthropologie politique, Presses Universitaires de France, cité par S.Goedefroit C. C. Y. B., La Ruée Vers L'or Rose,
s.l., IRD Éditions, 2002. Internet ressource.
22
familiers ». C’est pourquoi dans la cérémonie de l’intronisation, les ancêtres, interviennent : remise
des tambours sacrés, ou encore prise de possession du trône sacré. Par exemple, chez les Ashanti, le
trône symbolise l’unité des Etats, il incarne l’âme de la nation car il est descendu du ciel vers le
fondateur. C’est un objet de culte ; recouvert de plaques d’or, il n’est utilisé qu’une fois, le jour de
l’intronisation. Le chef nouvellement désigné fait le simulacre de s’asseoir à trois reprises. Il reçoit
ainsi la force des ancêtres.
Par ailleurs, la dimension cosmique du roi fait de lui le centre de l’univers physique et
mental, l’axe du monde, l’animateur du cosmos et une source de prospérité. Une illustration de cette
idée est fournie par de nombreux royaumes.
Chez les Mossi, le souverain, le Mogho Naba, symbolise l’univers et le peuple mossi. Il est
détenteur du Nam. Ce Nam, qui est le concept clé, a une double origine, divine, il est la force reçue
de Dieu ; historique, c’est lui que les ancêtres ont mis en oeuvre pour fonder le royaume. Le titulaire
du Nam a donc la suprématie, la capacité de gouverner. Mais en même temps, le Nam désigne
l’ordre, le contraire du chaos, indispensable à l’existence de la société. Le roi doit donc rituellement
manger le Nam, ce qui garantit et la légitimité du pouvoir et, qu’en accord avec les ancêtres
fondateurs, le roi en usera dans l’intérêt du peuple mossi.
Chez les Mossi encore, une étiquette minutieuse rappelle que la royauté est avant tout une
sacralité ; une assimilation est faite entre le roi et le soleil, responsable des évolutions astrales, de
l’alternance du jour et de nuit, du cycle des saisons. Deux moments « forts » des cérémonies
interviennent au lever et au coucher du soleil ; le matin, le Mogho Naba effectue une sortie
solennelle drapé dans un habit rouge, qu’il quitte peu après ; le soir, il préside à la mise en conserve
du soleil » au cours d’une opération secrète faite au palais dans une poterie, le Koaga, contenant des
braises.
Chez les Kotoko, le rituel lie la personne du prince à l’ordre de la nature, du temps, au point
qu’il est difficile de dire si c’est la saison qui règle son comportement ou le contraire ; il change de
place et d’activité en fonction des saisons, s’identifiant à leur travail et à celui de la société.
Aussi, pour garder intactes ces forces favorables, la personne du chef/roi est-elle entourée
d’un ensemble d’interdits et de prescriptions43. L’interdit extrême est la claustration presque totale.
Chez les Mossi, le roi ne se montre jamais à son peuple. L’Oba du Bénin est comme un dieu dont
l’apparition est à la fois bénéfique et dangereuse ; on ne l’aperçoit que rarement et il doit se
comporter comme le roi dieu, immobile. Il laissera même pousser un ongle de chaque main sans
jamais le couper pour bien montrer qu’il n’a pas d’activité manuelle et apparaîtra dans les grandes
occasions, en immobilité parfaite, les bras soutenus par deux personnages. La reine des Lovedu, elle
aussi, est généralement inaccessible, exception étant faite pour ses parents et ses grands conseillers.
A Kétu, au Bénin, l’Alakétu est coiffé de l’aidé, garni de franges de perles, qui dissimule sa
figure. Il est comme une image immobile qui ne parle pas (le roi parle très bas à l’oreille d’un
interprète qui transmet ses paroles). A Oyo, il n’est permis à personne de voir le roi et encore moins
de lui parler, excepté un tout petit nombre à qui on accorde cela par faveur.
On le voit, le roi est indispensable. C’est la raison pour laquelle, il convient de pourvoir à
son remplacement quand le pouvoir en vient à être vacant.
43
R. CORNEVIN, Histoire des peuples de l’Afrique noire, op. cit., p. 204.
44
Voir S. NENE BI, L’inversion sociale et pouvoir politique en Afrique noire traditionnelle, in
23
La personne du roi est sacrée. Il est l’habitacle du pouvoir politique, l’intermédiaire entre les
ancêtres, les divinités et les hommes. Son absence ou sa mort privent la collectivité de l’assistance
matérielle dont elle a besoin, et constituent une rupture. Rupture de l’ordre. La société vit donc un
désordre, est désorientée, est livrée à elle-même ; la société retourne au chaos initial jusqu’à ce que
l’héritier du trône, le nouveau catalyseur, soit désigné et intronisé.
Chez les Kotoko, l’interrègne correspond à une dangereuse période de désordres. La
communauté ne connaît plus ni règle ni contrainte, vols et adultère sont autorisés sur tout le
territoire de la principauté, d’où bien sûr le souci de réduire l’interrègne à quelques heures
seulement, puisque tout cesse dès que le nom du nouvel élu est proclamé. Et à Porto-Novo, pendant
les funérailles personne ne cultive plus la terre, chacun peut voler, voire tuer.
De même chez les Mossi (singulier = Moaga), à la mort du Mogho Naba, s’ouvre une
période d’anarchie, chacun a le droit de piller, de voler, les condamnés sont libérés et les troubles ne
prennent fin qu’au jour de la désignation du successeur. Ce désordre est également joué dans le be
di murua des Agni de Côte d’Ivoire afin de conjurer le sort (b) et indiquer par la même occasion que
l’ordre ancien est de loin préférable au désordre actuel (a).
a - L’ordre ancien est meilleur
Pour le Négro-africain, l’ordre ancien est meilleur. Restons avec l’exemple agni pour le
montrer. Dans le royaume de l’Indénié à l’Est de la Côte d’Ivoire entre le moment de la mort du roi
et celui de investiture de son successeur s’étend une période qui peut durer plusieurs mois pendant
laquelle s’inversent les rapports entre hommes libres et descendants de captifs. Ce rituel, les Agni le
nomment be di murua. Le be di murua s’analyse comme des sortes de parenthèses ménagées à
l’intérieur de la vie sociale normale où, pendant une brève période, les dominés jouissent des
prérogatives de leurs maîtres échangeant leur comportement habituel avec ceux-ci.
Ce rituel agni n’est pas renouvelé à intervalles réguliers et n’a pas sa place dans le calendrier
de la vie sociale parmi les autres manifestations qui permettent au cycle annuel de s’accomplir. Il
est lié à un accident, à un événement catastrophique, la mort du détenteur de l’autorité. Aussitôt le
roi mort, avant même que la nouvelle ne se répande sous la forme détournée imposée par la
tradition (on dit que le roi a mal à la jambe), les aburua (les descendants de captifs) prennent
possession de la cour royale.
Entourant l’un d’eux, l’aburuaehenne (le roi des aburua qui est revêtu de tous les insignes
royaux), ils se tiennent à l’entrée de la cour royale dont ils contrôlent accès. Aux côtés du roi
aburuaehenne, une reine de façade aburuaehema, des porte-cannes, des notables, des serviteurs. En
somme, ils reproduisent avec une certaine fidélité les modèles proposés par la société agni des
hommes libres. La disparition du roi entraîne avec elle l’effacement de la véritable société et
l’émergence d’une autre qui serait son pôle opposé, son contraire en même temps que son reflet, son
décalque, l’organisation sociale la plus aberrante, la plus antinomique par rapport à l’ordre existant
mais ne pouvant être conçue que sur le modèle de celui-ci.
La conduite des aburua et de leur chef, le roi de façade, est profondément irrévérencieuse et
sacrilège. Il tourne en dérision les personnages les plus vénérés du royaume et les institutions les
plus considérées. Les aburua ne respectent aucune des contraintes que le deuil fait peser sur les
hommes libres. Alors que ceux-ci observent un jeûne rigoureux et sont plongés dans la
consternation, les Aburua font de véritables festins en tuant moutons et volailles.
Ainsi jouée, la communauté aspire ardemment au retour de l’ordre des choses. La
communauté prend conscience que l’ordre incarné par le roi véritable est de loin le meilleur. Nous
sommes ici en présence d’une société holiste qui, au demeurant, fonctionne à partir de l’interaction
de ses différentes composantes qui obéissent au principe fondamental de la société, à savoir faire
toujours prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt particulier. Autrement dit, dans cette société holiste,
l’individu est un maillon fonctionnel de l’ensemble. Pour ce faire, selon son statut social, il doit
accomplir les prescriptions que commande l’intérêt général.
Cela signifie que sortir de son cadre rituel pour s’introduire dans un autre cadre bouleverse
l’harmonie globale de la société et donc crée le chaos social, le désordre. Il résulte de cette approche
24
qu’on ne change pas son statut social sans provoquer le dysfonctionnement de la société. La
dynamique sociale est dans le fonctionnement de chaque caste, dans son champ d’action tel que
dégagé par l’ordre cosmique. L’une des conséquences d’une telle démarche est que si l’on change
l’ordre tel que prescrit par le cosmos, l’on détache la société de ses sources spirituelles, l’on crée
une sorte de déshydratation spirituelle et par conséquent, la mort de la société car le cosmos prime
sur l’homme et ses lois s’imposent à l’homme.
Ainsi, l’inversion sociale se présente comme une invite pour que le souverain se comporte
en souverain, le ministre en ministre, le père en père, le fils en fils, l’esclave en esclave. On le voit,
le rituel d’inversion du be di murua est un moment d’enseignement donnant à chacun l’occasion de
comprendre que l’ordre ancien est de loin préférable. Le be di murua est également un moment de
brouillage de sens, un moment de camouflage.
b - L’art du camouflage
Le roi possède des pouvoirs très forts. Il est la cible de bien des forces du mal qui ont pour
but de désagréger la société entière. Aussi est-il enveloppé de nombreux interdits et le roi-captif sert
de substitut, de sosie, afin que la mort et les forces du mal ne voient que leur image éclatée à travers
ce roi- captif dans la société. Le be di murua est destiné à donner le change non pas aux êtres
humains mais aux esprits.
Au total et au risque de nous répéter, ce que l’on veut opposer ici, c’est le bon ordre, celui du
temps du roi, et le chaos. Pendant ce temps, les tractations ont lieu pour le choix du nouveau
souverain, et lorsqu’il est proclamé, le jour de l’enterrement du roi, le faux pouvoir est aboli et le
captif-roi est mis à mort. Autrement dit, l’inversion sociale qui l’accompagne, permet au pouvoir de
se donner une nouvelle vigueur.
2. La désignation du nouveau roi
« La procédure de succession varie d’une tribu à l’autre depuis l’élection démocratique par
l’assemblée du peuple ou celle plus restreinte des notables jusqu’à la succession héréditaire
automatique en passant par les états où le futur souverain doit être initié, celui des épreuves, avoir
l’accord des prêtres, devins, etc. » 45. Toutefois le principe royal tel qu’il est ressenti par les
populations, milite en faveur de son maintien dans un lignage déterminé, éventuellement au sein de
plusieurs lignages à tour de rôle. En toute hypothèse, la royauté ne peut être attribuée à un individu
qui n’appartient pas à une lignée royale mais peut l’être effectivement à tout individu appartenant à
cette lignée et cela même si dans certains royaumes est soigneusement entretenue l’idée que le roi
est un « étranger ». En réalité, choisi jeune, le futur roi est fils de roi ; mais élevé loin de la capitale
et des intrigues, il est sans ami, ni ennemi ; ainsi en va-t-il chez les Yorouba. Chez les fon et les
Kotoko, les épouses du roi sont choisies dans les familles les plus éloignées du monarque régnant,
et chez les Vili, les maîtres du pays dénichent secrètement à l’étranger quelqu’un qui puisse être
leur souverain et leur arbitre.
Malgré tout, les tendances héréditaires furent les plus fortes. Là aussi, la transmission du
pouvoir de père à fils aîné est très rare en Afrique et lorsqu’elle apparaît, elle ne peut en rien être
assimilée à une règle ordinaire. Tout au plus peut-on dire qu’on voit apparaître cette tendance dans
certains royaumes. Ainsi au Bénin, on observe que, le fils aîné succède au père. Mais certaines
coutumes prennent même la précaution d’écarter volontairement du pouvoir les fils aînés ; au
Buganda, le fils aîné qui portait le nom fonctionnel de Kiwema était exclu de la succession au trône
et chargé, à la mort de son père, de surveiller ses frères et contrôler le déroulement des opérations.
Chez les Yorouba à Oyo, le fils aîné, l’Aremo, était associé au gouvernement de son père mais,
pour empêcher une tendance parricide, une coutume l’invitait à se suicider sur la tombe du roi
défunt.
Le type prédominant reste la succession de frère à frère dans l’ordre des naissances, ce qui a
l’avantage d’écarter les hypothèses de minorité du roi, sauf exception. Lorsque la lignée est épuisée,
on revient au fils aîné du premier frère ou alors au fils du dernier roi. Ce dernier système était en
vigueur au Dahomey dès les origines avec cette particularité que seules certaines femmes pouvaient
45
R. CORNEVIN, Histoire des peuples de l’Afrique noire, op. cit., p. 205.
25
enfanter des enfants royaux et que la liste des frères est parfois courte. On a donc ici alternance
entre succession horizontale et succession.
51
B. DURAND, Histoire comparative des Institutions, NEA, 1983, p. 209.
52
J.ILIFFE, Les Africains. Histoire d’un continent, Cambridge, Flammarion, 2009, p. 257-291.
53
LEON L’AFRICAIN, Description de l’Afrique, J. Maisonneuve, Paris, 1981.
27
Dans cette tragédie, les prédateurs, d’abords arabes puis occidentaux ont excité la cupidité et
la rapacité de nombreux chefs locaux. Les razzias étaient légalement organisées par des chefs ou
sultans, pour approvisionner les négociants qui travaillaient pour l’exportation de captifs africains.
Par exemple les princes des États voisins de celui du sultan du Bornou (Kanem, Wadaï, Baguirmi et
Sokoto) dans l’actuel Nigéria, se livraient au trafic de captifs. Ils imposaient des taxes de passage
aux caravanes. Au pays des Fellatas, les chasses à l’homme y étaient dirigées par Ahmadou, fils et
digne héritier de El Hadj Omar Seydou Tall, sur le sentier du Jihad. A l’intérieur du continent,
l’entreprise était encore plus répugnante avec les monarques dahoméens, dont le plus grand des
fournisseurs d’esclaves fut Béhanzin. Pour disposer de plus d'armement et de chevaux, gage de leur
puissance, ils furent obligés de vendre davantage de captifs en engageant des guerres contre les
royaumes voisins pour se fournir. L'arrivée des navigateurs a permis aux États éloignés du Sahara,
d’écouler leur surplus de captifs, moyennant armes, chevaux, textiles ou Cauris (coquilles de
gastéropodes qui servaient de monnaies dans cette partie de l’Afrique précoloniale.).
Ce dernier comme on sait, sera progressivement remplacé par l’argent, qui se révélera être le plus
pernicieux des instruments de corruption introduits en Afrique. D’autres chefs faisaient aussi des
razzias et vendaient des hommes pour avoir des bœufs, des armes, des étoffes ou tout autre
bénéfice. Dans cette tragédie, force est donc, de reconnaître qu’il y eut la collaboration
d’autochtones qui, pour tirer profit de ce mal, se souciaient peu de la destination ou de la mort de
leurs compatriotes. Il n’y eut pas seulement que les négriers berbères, égyptiens, européens et autres
ramassis et écume des nations. La complicité de certains monarques et leurs auxiliaires africains
dans ce commerce criminel est une donnée objective. Ainsi, « Non seulement la traite des Noirs a
ralenti le développement des économies africaines par ses effets démographiques et par les
bouleversements qu'elle a déclenchés, mais elle a empêché l'expansion d'échanges « normaux »
entre l'Afrique et le reste du monde à une époque où ces échanges étaient un puissant moteur de
développement économique dans un certain nombre de pays »54.
Paragraphe 2. Les routes des esclaves et les marchés
« Avant que les îles atlantiques (Madère, Canaries, São Tomé) et l'Amérique ne soient
reliées au commerce négrier, des réseaux caravaniers et maritimes approvisionnent déjà le nord de
l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Inde et l'Insulinde en captifs originaires d'Afrique noire. En outre, le
Maroc, Tripoli, l'Égypte et l'Arabie du Sud se présentent comme de véritables marchés régionaux
d'esclaves »55. Les populations Touaregs ont joué un rôle important à travers les déserts du Maghreb
« La traite négrière atlantique, - quant à elle – commença en 1441, quand le capitaine
portugais Antam Gonçalvez enleva un homme et une femme sur la côte occidentale du Sahara pour
complaire à son souverain »56. « Après les voyages des conquistadores et l’extermination presque
complète des peuples autochtones de l’Amérique, … Un commerce lucratif s’organisa : celui des
négriers. De grands marchés d’esclaves se créèrent … La plupart des grands Etats maritimes de
l’Europe eurent des établissements à la côte occidentale d’Afrique » 57. A la fin du XIXe siècle, se
sont 12 à 20 millions d'Africains qui ont été transférés de force en Amérique en manque de main
d’œuvre58.
« Le trafic des esclaves pouvait coexister avec n’importe quel système de gouvernement.
Les Igbo en fournir beaucoup, mais connurent peu de changement. Les Igbo par exemple, en
fournirent beaucoup, mais connurent peu de changements politiques, et demeurèrent
majoritairement sans Etat. Pourtant, la plus grosse part du trafic fut assurée par les populations des
plus grands royaumes, souvent aux dépens des peuples sans Etat. La conséquence politique
54
La traite négrière du XVe au XIXe siècle, Documents de travail et compte rendu de la Réunion d'experts organisée par l'Unesco à
Port-au-Prince, Haïti, 31 janvier - 4 février 1978.
55
Luiz Felipe de ALENCASTRO : professeur d'histoire du Brésil, directeur du Centre d'études du Brésil et de l'Atlantique sud à
l'université de Paris-IV-Sorbonne, Histoire économique, La traite négrière transatlantique, l’esclavage colonial.
56
J.ILIFFE, op. cit., p. 258.
57
R. VILLAMUR et Léon RICHAUD, Notre colonie de la Côte d’Ivoire, Paris, Augustin Challamel, 1903, pp. 7-8
58
A. DIGNAT, XVIe au XIXe siècles La traite atlantique et le commerce
triangulaire,https://www.herodote.net/XVIe_au_XIXe_siecles-synthese-14.php, Consulté le 30/12/2017.
28
essentielle fut de leur donner un caractère mercantiliste ; en d’autres termes, pouvoir politique et
pouvoir commercial fusionnèrent, soit que les souverains contrôlaient la traite, soit que les
trafiquants gagnaient de l’influence politique.
b. Le royaume ashanti
Les peuples akan de la Côte-de l’Or surent le mieux tirer profit du commerce
transatlantique. Au XVIIe siècle, leur richesse en or avait permis l’apparition d’une société côtière
nombreuse, commerçante et stratifiée, dominée par de Grands hommes qu’un négociant européen
décrivit comme « merveilleusement fiers et hautains ». Les chefs militaires de l’intérieur des terres
avaient toutefois plus de pouvoir : les nouveaux mousquets à pierre leur permirent, à la fin du
XVIIe siècle, de créer des armées de sujets, d’agrandir leurs Etats et de contrôler des ports sur la
côte afin d’assurer leur approvisionnement en armes. En 1680, le premier de ces nouveaux Etat,
l’Akwamu, s’empara d’Accra. Dix-huit ans plus tard, son rival, le Denkyira, conquit Assin. Mais le
vainqueur fut en définitive l’Ashanti, vassal du Denkyira dont il rejeta la suzeraineté en 1701 sous
la direction d’Osei Tutu, avant de conquérir ses autres vassaux de devenir le plus puissant des Etats
akan.
63
Ibid.
64
J. ILIFFE, op. cit., p. 285.
30
La richesse du royaume ashanti venait de son agriculture. Comme sa capitale était installée à
Kumasi, à près de cinquante kilomètres au sud des bordures de la forêt, il pouvait donc compter sur
les produits de celle-ci comme ceux de la savane. La terre était sous le contrôle des lignages, mais
demeurait largement disponible, et elle était cultivée avant tout par des foyers paysans, dont les
villages de petites huttes à toit de chaume, dans les clairières de la forêt, formaient un vif contraste
avec une capitale dominatrice, dangereuse, concurrentielle, qui au début du XIXe siècle pouvait
accueillir entre 12 000 à 15 000 personnes, elle était entourée sur une vingtaine de kilomètres, de
zones agricoles très denses, et d’artisanat spécialisés. Le royaume ashanti était aussi un des grands
Etats commerciaux ; quatre grandes routes partaient de kumasi vers le nord, et quatre autres vers le
sud jusqu’à la côte. Dans le nord, le commerce surtout celui des noix de kola, était ouvert aussi bien
aux marchants privés qu’aux agents de l’Etat, mais dans le sud, celui de l’or, de l’ivoire et des
esclaves était surveillé de plus près. Ces grandes voies de communication facilitèrent également les
conquêtes militaires, d’abord dans le sud entre 1701 et 1720, puis dans le nord entre 1730 et 1752.
A son apogée, vers 1820, l’empire ainsi créé couvrait plus de 250 000 kilomètres carrés, et se
divisait en trois grandes régions : les six chefferies métropolitaines qui avaient composé la
confédération militaire, d’Osei Tutu, un cercle intérieur de peuples conquis, dans leur majorité
akan, qui payaient chaque année un tribut à des fonctionnaires d’Etat ; et à l’intérieur, les tributaires
non akan de Gonja et de Dagomba, dont on exigeait mille esclaves par an, tout en réprimant leurs
fréquentes rébellions. Le royaume ashanti demeura toujours, en son fond, une société militaire dotée
d’une armée de sujets, d’une idéologie férocement militariste, et caractérisée par une grande
brutalité envers les faibles »65.
Le gouvernement d’un tel empire l’exposa à ces mêmes problèmes qui avaient déstabilisé
l’Oyo, Mais sa réussite donne la mesure, et la raison, de son raffinement politique. Comme les
Alafin d’Oyo, les Asantehene – en particulier Osei Kwadwo (1764-1777) – chargèrent des
Fonctionnaires d’administrer les pays conquis, mais, contrairement à eux, ils choisirent dans des
lignages matrilinéaires, leur confiant des pouvoirs alimentés par des dons de terre et de peuple, et
leur permettant de créer des circonscriptions administratives aux compétences spécialisées. Le
Trésor comme la chancellerie recouraient aux services de musulmans sachant lire et écrire –
phénomène d’autant plus que les musulmans étaient généralement tenus à distance. Cette
bureaucratie, comme celle du buganda, était patrimoniale : elle se développa à partir de la
maisonnée royale, dépendait de la faveur du roi, et ne touchait pas de salaire régulier. Elle finit par
devenir en partie héréditaire. Toutefois, bien que créée pour administrer l’empire, elle devint aussi,
pour les souverains, un moyen d’affirmer leur suprématie sur les chefs militaires au sein des
provinces métropolitaines. Les rois, exploitant également les rivalités entre celle-ci, créèrent une
force de sécurité intérieure (l’ankobea), firent plaider les procès devant les tribunaux royaux et
conçurent un culte d’Etat du Tabouret d’or, fête odwira annuelle qui mettait en scène le pouvoir
royal. Ils élaborèrent ainsi une culture composite très riche qui empruntait aux peuples conquis leurs
danses, leurs instruments de musique, mais aussi leurs talents médicaux et leurs compétences
diverses. Pourtant, la force principale du royaume résidait dans ses institutions politiques, qui ne
plaçaient pas à face roi et chefs dans une opposition structurelle, comme dans l'Oyo, mais les
intégraient au sein d'un conseil national annuel, l'Ashantimanhyiamu. Les rois étaient choisis par la
reine mère et les chefs les plus importants, parmi plusieurs candidats matrilinéaires, de sorte que ce
système épargna en grande partie au royaume les conflits de succession si destructeurs dans les
autres Etats africains. Le royaume ashanti était seul en Afrique à réunir richesses agricoles et
minérales. Son or lui permit d'acquérir des armes à feu et, au début, des esclaves, mais leur prix très
élevé au XVIIIe siècle l'amena à en échanger contre des munitions et à réserver le métal précieux à
l'économie domestique: même quelques bananes avaient leur prix en poussière d'or, et aucun
homme de qualité ne se déplaçait sans sa balance et ses poids de laiton, souvent très bien travaillés.
C'est l'or qui donna aux Ashanti leur spectaculaire opulence. Un émissaire venu de la côte nota,
ébloui : « Il y avait de l'or partout »... Le roi s'attachait des clients par des prêts de métal précieux,
65
J. ILIFFE, op. cit., p. 285-287.
31
Converti en main-d’oeuvre servile, l'or protégeait les Ashanti de la forêt qui les encerclait, en
mousquets, il défendait le royaume contre ses ennemis, Celui accumulé par un chef ne revenait pas
à ses descendants, mais à sa chefferie ou à l'État, qui (au XIXè siècle tout du moins) imposait de
lourds droits de succession aux riches. La réussite personnelle était donc une vertu publique. L’or
donna aux Ashanti le moyen, inaccessible à la plupart des Africains, de mettre l'esprit de
compétition individuel au service de l'État, mais seulement dans des limites fixées par le rang et le
pouvoir royal66.
c. Le Dahomey
« Le Dahomey fut le second grand État côtier apparu en réaction au commerce adamique,
mais il ne possédait pas d'or, aussi empruntait des voies différentes. À la fin du XV' siècle, les
principales structures politiques des peuples ajaewe du golfe du Bénin étaient l'Allada et le Ouidah.
Le Dahomey fut au départ un État de l'intérieur des terres, apparemment créé au XVIIème siècle
comme un simple appendice de l'Allada. Quand celui-ci tenta de contrôler l'intense commerce
d'esclaves et d'armes à feu qui commença à cette époque, le Dahomey le conquit en 1724, et devint
le pouvoir local dominant, bien que vassal de l’Oyo. Son roi voyait son pouvoir restreint par les
chefs et les obstacles pratiques qu'imposent à l'absolutoute société pédestre, mais le Dahomey n'en
fut pas moins un État autoritaire plus efficace que ses prédécesseurs. Les règles de succession au
trône – essentiellement le droit de primogéniture – firent que dix rois seulement régnèrent entre
1650 et 1889. Lançant des raids sur ses voisins, mais sans jamais créer d'empire, le Dahomey
demeura un petit royaume administré de près par des chefs et des cours royales. La religion était
étroitement contrôlée par la royauté. L’armée se composait essentiellement de mousquetaires
connus pour leur brutalité et leur adresse au tir. Son fameux corps d'amazones, sans doute à l'origine
une garde personnelle de palais, donna aux femmes un rôle public important, peut-être parce qu'un
État aussi agressif, mais aussi petit, avait besoin de mobiliser toutes ses ressources humaines. Le
rang et l'étiquette demeuraient stricts, le militarisme voyant, tous les esclaves capturés appartenaient
au roi, et ils étaient traités avec une extrême cruauté »67.
B. L’unanimisme et le despotisme
Bien d’études précoloniales insistent sur l’image d’une société africaine sans contradiction :
tous, derrière le chef qualifié de despote. Cette vision est loin de la réalité. Pour le moins que l’on
puisse avancer, la structure du pouvoir traditionnel prévoyait non seulement une hiérarchisation,
mais aussi un système de consultation assorti parfois de l’avis conforme. C’est souvent le cas
lorsqu’il est institué un conseil des sages ou un conseil spirituel ou occulte.
Ainsi que le remarque Oginga Odinga au sujet de Luo du Kenya : « Un chef ne donnait pas
d’ordres. Il écoutait les anciens, les rencontrait au cours de consultations et, quand il disait « telle
est ma décision », il ne prononçait pas un verdict personnel, mais un point de vue déjà accepté ». En
substance, le chef était essentiellement un meneur, leader plutôt qu’un gouvernant, ruler, rejoignant
le constat de Lucy Mair selon lequel le chef n’était pas destiné à décider, mais à restituer le sens de
la palabre. Il était la parole de la collectivité.
Par ailleurs, le traditionnel consensus prévaut dans l’élaboration de la décision. Il confère
généralement le monopole du processus décisionnel au groupe. Le chef ne peut ainsi échapper
systématiquement au contrôle collectif. Il est une espèce d’exécutif. Bien entendu, certains Empires
et royaumes avaient atteint une certaine concentration des pouvoirs au profit de leur souverain.
Ainsi, il serait abusif d’en conclure que toute tension sociale trouve sa solution par le recours au
consensus.
Dans les sociétés lignagères et claniques, il est fréquent que les stratégies, tactiques et
ambitions des acteurs socio-politiques se traduisent par un mécanisme de scissiparité qui réaménage
le découpage existant. Ce qui bouleverse les hiérarchies entre les différents secteurs. En sus, le
processus de capitalisation des biens, mais aussi le soutien dû à la parenté permettent simultanément
de capitaliser du prestige et de l’influence au sein de la société. Ce qui favorise soit la consolidation
de l’exercice du pouvoir dans un même secteur soit, évidemment, lorsque les intérêts personnels
prennent le dessus, la scission d’émergence d’une nouvelle entité politique.
La domestication du pouvoir se retrouve également dans les relations qui existent dans les
différentes composantes des sociétés segmentaires. Le consensus fait alors place à une
fragmentation et à une subdivision du pouvoir. Au fur et à mesure que l’on s’élève dans le
35
mécanisme de la consultation ou de la coopération entre les segments sociaux, les compétences de
l’autorité s’amenuisent.
Les sociétés africaines de ce genre sont qualifiées de segmentation et pyramidales. Ce qui
fait dire à l’anthropologue Paul Mercier que leur système politique est répétitif, c’est-à-dire qu’elles
sont constituées de plusieurs niveaux des foyers subordonnés à une autorité. Elles s’organisent en
pyramide par rapport à l’autorité centrale. Les autorités centrales et périphériques reflètent le même
modèle. Les dernières étant des images de réduction de la première. C’est la fameuse formule
diviser pour régner classiquement appliquée au détenteur du pouvoir absolu qui est ici inventée. En
fait, la société divise pour se pérenniser, car une société divisée trouve l’équilibre entre ses
composantes. Ce qui pourrait nous rapprocher, de nos jours, des autonomies régionales, voire du
fédéralisme pour avoir un Etat viable.
Dans le système colonial, le principe est qu’il faut diviser pour mieux régner, tandis que
dans le système traditionnel africain, il faut diviser pour pérenniser.. en réalité, la société a besoin
de la stratification sociale pour se maintenir. Pour trouver l’équilibre harmonieux, la société est
divisée en plusieurs composantes. Ainsi, le chef est à la tête des instances superposées. Avant de
prendre une décision, le chef prend soin de la faire gravir tous les échelons du pouvoir en
commençant par le bas. La palabre africaine est l’institution de règlement de différends et
d’adoption des décisions majeures. Ce qui aujourd’hui est à rapprocher à la technique du
référendum.
En définitive, la logique sociale conduit mécaniquement à l’institutionnalisation du pouvoir
politique. Toutefois, il convient de souligner que le pouvoir doit être institutionnalisé et non
personnalisé. Par conséquent, le développement institutionnel suscite simultanément la mise en
œuvre des procédures de limitation. Il faut limiter dans l’organisation et le fonctionnement de la
société, les éléments qui peuvent constituer un danger dans le sens de pérennité, mais aussi comme
une menace. La régulation sociale par l’échange et l’extériorisation des normes et valeurs
constituent un moyen pour parvenir à l’émergence du pouvoir politique libéral afin d’échapper au
despotisme.
Ainsi, dans l’édification de certains concepts, la neutralité doit-elle s’imposer comme un bon
repère. Ce qui mérite, en particulier, d’être souligné lors de l’analyse des institutions de la période
coloniale.
36
Les convoitises des puissances étrangères n vont pas épargner aucune parcelle du territoire
en deçà du Sahara, à l’exception notable de l’Ethiopie impérialiste et de la doyenne des républiques
africaines, le Libéria. Cet Etat a été créé en 1847 pour assurer le retour de la diaspora venue des
USA sans consulter les populations autochtones de ce pays. Ce qui aura pour conséquence,
l’émergence d’une fracture populaire mal résolue avec la liquidation violente du régime Samuel
Doe. Toutes les autres zones du continent seront soumises à une restructuration qui s’accompagne,
soit de la création, soit de la gestation de nouvelles formes du pouvoir.
II.2.1.La recomposition du paysage politique africain
Le repère historique le plus important en rapport avec les institutions africaines de la période
coloniale demeure sans aucun doute la conférence de Berlin en 1885.
A. Le partage de l’Afrique par les puissances occidentales
Politiquement, il était question pour les puissances coloniales de se partager
intentionnellement l’Afrique qualifiée alors de territoire sans Etat pour ne pas dire terro nulius,
territoire sans maitre. Ce qui, à l’évidence, n’était que la justification des convoitises occidentales.
La politique des puissances qui s’en est suivie, a le plus profité à la France et Grande
Bretagne au détriment de l’Allemagne elle-même préoccupée par plusieurs problèmes de politique
interne. Elle s’était néanmoins, vue attribuer quelques colonies non moins importantes, mais qui lui
furent retirées à la suite de ses entreprises belliqueuses : la guerre mondiale : C’est le cas
notamment du Rwanda-Urundi, Togo… Il en est de même pour l’Italie avec la corne de l’Afrique.
Par ailleurs, certaines puissances moyennes, comme le Portugal avec l’Angola, le
Mozambique et la Guinée Bissau ou l’Espagne avec le Sahara occidental, le nord du Maroc et la
Guinée équatoriale, en dépit de leur capitale maritime, étaient lus concentrées en Amérique latine.
Le découpage territoriale de l’Afrique subsaharienne procède des choix effectifs des
puissances coloniales. Ce qui implique le remodelage ou la recomposition du paysage politique
africain. Par conséquent, le continent connaitra un effacement des institutions traditionnelles
africaines au profit d’un nouveau modèle imposé de l’extérieur, la métropole. Il s’agit donc d’un
système politique nouveau, un modèle exogène.
Ainsi que le fait remarquer Crawford Yang71, la classe dirigeante européenne avait une haute
idée de ses qualités culturelles, biologiques et technologiques qui s’accompagnait d’une vision
systématiquement négative des Africains. C’est le complexe de supériorité qui nourrissait l’auto
estime de l’homme blanc et lui permettait d’éviter les remords d’une personne normale. Non
seulement il se considérait biologiquement fort, mais aussi culturellement supérieur en donnant une
valeur ajoutée à sa culture. Par conséquent, il se disait investi de la mission de civiliser les noirs et
les autres races. Actuellement, cette conception commence à être relativisée.
Quant à la supériorité technologique, c’est en réalité d’une part celle indiscutable du canon
qui fut imposée au continent et, d’autre part celle plus subtile de l’imposition de la conclusion
d’accords inégaux et des contrats léonins signés avec les chefs coutumiers dans des conditions de
validité très discutables.
Actuellement, l’Europe connait une forte décadence culturelle. Il est difficile de soutenir que
la civilisation ou la culture européenne est supérieure à celle de peuples africains. Notons que la
culture est relative, c’est un complexe essentiellement éducationnel que l’homme conserve à la suite
d’un filtre subjectif. Elle est contingente dans l’espace et dans le temps. Et la relativité culturelle ne
doit pas se construire sur des éléments : structures et institutions mêmes traditionnelles jugées
71
C. YANG, The african colonial state and its polical lega cy, dans D. ROTHCHILD, et N. CHAZAN, The precarious balance :
State and Society in Africa,
37
universellement ou majoritairement négatives. Il s’agit, à titre d’exemple, de problèmes de genre.
Ainsi, dans le statut de la femme, des innovations comme la parité ont été présentées quoique la
compétence devrait être prise en compte à la source. Certaines pratiques comme l’ablation sont des
aberrations qui doivent donner lieu à la mise en examen de leurs auteurs.
Aussi, devons-nous militer en faveur d’une culture universelle fondée sur la reconnaissance
et le respect des droits de l’homme en vue de favoriser l’éclosion d’un comportement social ayant
comme soubassement la protection de la dignité humaine de chaque être humain. Il faut essayer
d’instaurer progressivement et ce, partout à travers le monde, la culture des droits de l’homme parce
qu’elle est la seule qui peut avoir la prétention d’être universelle.
B. Les modalités de remodelage de l’Afrique
Le remodelage de l’Afrique reposait à la fois sur une délimitation frontalière entre les zones
d’influence de grandes puissances occidentales et sur une délimitation frontalière interne à chaque
zone.
Dans le premier cas, le hasard ou le calcul des explorations, les marchandages diplomatico-
militaires devraient contribuer à faire de l’Afrique au sud du Sahara un ensemble découpé en
fonction des rapports de force entre européens et sur l’évolution de ces rapports. Celle-ci permettait
d’acquérir ou de perdre un territoire.
Dans le second cas, les délimitations obéissent à des considérations politico-
bureaucratiques. En fait, l’affectation des territoires aux différentes puissances se fait dans
l’arbitraire total, il n’y a qu’ jeter un coup d’œil critique sur la carte de l’Afrique avec toutes ses
lignes droites ignorant les organisations socio-politiques pré-coloniales.
Le partage ainsi opéré, divise l’Afrique en zone. En Afrique française, il existe : l’Afrique
occidentale française(AOF) et l'Afrique équatoriale française(AEF) qui, faut-il le noter, n’a de
rationalité géographique que partielle car le partage est bureaucratique. Le mode de fonctionnement
est administratif. Même si un territoire dépend de plusieurs zones, ce qui compte c’est l’effectivité
de l’administration. Seuls quelques territoires dotés d’une identité affirmée furent maintenus dans
leur intégralité. C’est le cas de Madagascar, Swaziland et du Lesotho.
Cependant, à l’échelle continentale, la règle d’une recomposition territoriale et donc de
l’espace politique va prévaloir. Quant au coupe, le territoire-l ’entité politique, aucune identité n’est
respectée. Cette situation est à la base de la perte par l’autorité politique traditionnelle d’une bonne
partie de son territoire. Le découpage en circonscription de certaines entités politiques
traditionnelles se fait par l’implantation des administrations différentes, parfois entre des puissances
coloniales diverses. C’est ainsi que le Maroc, par exemple, fut divisé en trois parties : le Maroc utile
pour la France, le Nord et le Sud pour l’Espagne, le statut international pour la ville de Tanger. A ce
jour, deux villes Ceuta et Melia sont encore au nord du Maroc sous la souveraineté espagnole.
De même, en Afrique centrale, les espaces, voire leurs communautés, sont recoupés,
morcelés comme le démontre le sort du Royaume Kongo subdivisé en trois composantes relevant de
la compétence du Congo français, du Congo Belge et de l’Angola, elle-même, sous la domination
portugaise. Simultanément, la réorganisation des territoires s’accompagne de l’instauration de
nouvelles institutions politiques dans la mesure où il est mis un terme à la correspondance entre les
territoires sur lesquels s’étaient développés les systèmes politiques pré-coloniaux et les territoires
conçus par les colonisateurs.
G. Balandier estime que cette réorganisation politique et institutionnelle précipite le
processus de dénaturation des unités politiques traditionnelles. L’imposition des pouvoirs publics
38
nouveaux va emprunter pour l’essentiel deux voies. Il s’agit d’une part du gouvernement direct et
d’autre part du gouvernement indirect qui, dans la pratique, évolueront vers une gestion
administrative des territoires colonisés.
La France, par exemple, a pratiqué le système de gouvernement dir3ct qui dans sa phase
humanitaire consistait également à l’assimilation des populations dites indigènes. Le système de
gouvernement indirect, usé notamment par l’Etat colonial britannique, a consisté à laisser sous une
apparence intacte les institutions traditionnelles africaines dénaturées dans leur substance en vue de
les intégrer au sein de l’administration coloniale dont elles deviennent instruments d’action. Ace
niveau, la dénaturation s’est manifestée par le découpage territorial anarchique et l’imposition d’une
gestion administrative centralisée.
Les systèmes politiques coloniaux évacuent progressivement de la société politique
traditionnelle la recherche d’une légitimité auprès des populations africaines pour privilégier leur
rôle instrumental au profit de la métropole. C’est la recherche de la légitimité externe qui sera
primordiale dès cet instant pour les dirigeants politiques africains inféodés aux puissances
occidentales. A l’opposé, la légitimité interne est laissée de côté. Max Weber a, à juste titre, érigé
dans le concept de légitimité les variantes suivantes : la légitimité traditionnelle, celle légale-
rationnelle ainsi que celle charismatique.
D’abord, la légitimité traditionnelle est celle que le roi ou chef tire de l’histoire, de la
tradition d’être le chef. Il s’agit généralement d’un mécanisme héréditaire et dévolutif qui permet au
chef d’asseoir son pouvoir. C’est donc une légitimité stable.
Ensuite, la légitimité légale-rationnelle fait que nous puissions obéir à celui qui en
bénéficie parce que, légalement, constitutionnellement et donc rationnellement, nous l’avons mis au
pouvoir. Il y a un aspect légal ou rationnel duquel le gouvernement tire son pouvoir. Aujourd’hui, la
source du pouvoir c’est le peuple. Ce dernier doit choisir librement ses dirigeants.
Enfin, la légitimité charismatique est celle dont dispose une personne qui a des qualités
personnelles, intrinsèques à sa personnalité, qui font qu’elle ne soit pas contestée, mais plutôt
acceptée unanimement comme un chef. Il exerce une sorte de leadership naturel sur la population.
Au jour d’aujourd’hui, les trois légitimités peuvent se retrouver en une autorité, mais à
défaut, la légitimité légale-rationnelle prime. La rationalité a servi de critère dans la projection de
l’administration pour assurer la verticalité des sociétés africaines recomposées.
39
répressif Bula matari. Le prétexte de sa mission a beau être civilisateur ou d’évangélisation, ce qui
importe pour les Etats occidentaux, c’est d’atteindre l’objectif : la spoliation des richesses.
C’est donc un modèle à structure non politique qui ne s’affiche pas non plus comme
l’incarnation de l’idéal type bureautique wébérien. La colonisation, écrit G. Balandier, a transformé
tout problème politique en un problème technique, relevant de la compétence administrative.
Idéologiquement, le système colonial s’identifie à une structure non politique dont l’activité est
débarrassée des considérations d’intérêt général. En réalité, le modèle est guidé par des principes
politiques dictés depuis la métropole. L’accord du pouvoir colonial, précise-t-il, importe plus que
l’acquiescement des gouvernés.
La colonisation s’appuie pour imposer sa domination sur les autres causes socio-culturelles
d’altération du pouvoir traditionnel. En fait, le système colonial implique une dépendance politique,
économique et culturelle. De toutes les façons, la situation est ressentie partout en Afrique comme
une domination quels que soient les bruns de liberté reconnus aux colonisés.
Le système colonial a dépouillé l’aristocratie traditionnelle de ses pouvoirs et privilèges. Il a
conditionné la société africaine à telle enseigne que sa culture a été minée. A cet égard, on a même
parlé, selon les hypothèses envisagées, d’acculturation ou de métissage culturel. Cette politique
produira un changement socio-culturel important qui va conduire dans certains milieux à un
relâchement ou à la disparition pure et simple des institutions ou autorités traditionnelles. C’est
l’apogée de la dépendance politique vis-à-vis du pouvoir européen qui vers la fin de la colonisation
va connaitre des idéologies de résistance à l’oppression et des actions directes d’opposition en dépit
de l’assassinat ou la détention politique. Parmi les grands phénomènes de changement de situation,
nous aborderons les plus importants :
A. L’altération progressive du pouvoir traditionnel
Négativement parlant, la majorité d’autorités traditionnelles vont généralement présenter aux
colons de faux membres de la famille royale en vue d’épargner la vie des lignées héréditaires. De
façon perverse, le pouvoir colonial confirmer les nouveaux dirigeants au détriment des aristocraties
traditionnelles. Le principe ‘diviser pour régner’ va déterminer le traitement des autorités
traditionnelles coriaces et réfractaires à la pénétration coloniale. Le traitement de faveur pour la
survie politico-administrative sera réservé aux seuls chefs se réclamant de la légitimité coloniale.
Ainsi, Kalamba chez les Lulua avait usé de l’astuce du rendez-vous avec nos ancêtres blancs qui
allaient apparaitre dans les malandi makulu. Dans le même sillage, il était placé à la tête des
groupements, entités coloniales nouvelles, des personnes parfois d’une filiation douteuse par
rapport à la collectivité sur laquelle elles avaient désormais l’obligation d’asseoir leur autorité. Très
souvent, elles étaient revanchardes afin d’altérer le pouvoir traditionnel marginalisé dans la société
coloniale d’administration.
De manière optimale, la colonisation a stoppé progressivement les pratiques esclavagistes
jugées à la longue incompatibles non seulement avec la civilisation occidentale, mais surtout avec le
maintien d’un certain ordre public susceptible de favoriser l’exploitation maximale d’une autre
nature que directement humaine. Il faut constater que l’existence d’une forme de servilité,
d’assujettissement et d’aliénation totale fut une des caractéristiques des sociétés politiques
traditionnelles. Elle implique, en l’espèce, une hiérarchisation assortie d’une catégorie importante
d’hommes serviles. Dans certains systèmes socio-politiques, on retrouvait des individus rattachés au
dirigeant politique. Ils possédaient un statut hybride d’homme mi- libre, mi- servile
a)Confiscation des moyens de contrainte légitime
40
L’intervention armée ou le recours à la coercition n’était plus possible au sein des
organisations politiques traditionnelles. Lorsqu’elle était permise, elle tirait sa légitimité de
l’autorité du pouvoir colonial.
Avec l’aide de la force publique coloniale, les armées africaines ont été complètement
détruites laissant les autorités traditionnelles réinvesties dépourvues de tout moyen propre de
contrainte sur leur territoire. Seul le poids de la tradition ou la collaboration avec l’autorité coloniale
ont permis de sauvegarder, à défaut de révolte un semblant d’indépendance.
En effet, Mbaya Ngang72 estime qu’il était difficile tout comme actuellement de dissocier de
la notion d’autorité, l’idée de la force et de la protection. Dans les sociétés segmentaires dépourvues
de chefs permanents et de tout appareil judiciaire, le recours aux luttes internes opposant les
segments lignagés ou même des lignages entre- eux, constituent le seul moyen traditionnel de
sanction. Exemple chez les Nuers du Nigéria, dès que l’homicide est accompli, les parents de la
victime devraient rechercher le coupable et le groupe de parenté auquel il appartient. Si le coupable
refusait de reconnaitre le meurtre ou de payer la compensation par l’intermédiaire d’un homme, à ce
moment, les communautés entraient en luttes(règlement des compte ). Le conflit durait aussi
longtemps qu’on ne faisait pas appel au leader qui se chargeait de régler ce litige… La colonisation
ayant éliminé les pressions venant de l’extérieur a rendu libre le jeu de force interne qui, à son tour,
sera combattu et éliminé. Conséquence préjudiciable au pouvoir coutumier parce que les menaces
extérieures consolidaient l’unité du groupe autour de celui qui en était symbole et renforçait le
loyalisme à son égard.
b) L’introduction des valeurs nouvelles
La présence coloniale imposa aux divers groupements sociaux son régime de paix, à l’image
de la pax romana, un nouveau système démographique avec l’éclosion des centres extra-coutumiers
et un nouvel écosystème avec l’aide d’un nouveau système économique.
*Brassage d’hommes et de culture
Le jus sanguinis va perdre peu à peu sa place dans l’organisation des entités socio-politiques
traditionnelles. La tribu par exemple, va perdre le caractère de groupement clos, c’est-à-dire réservé
à ses membres. En fait, sur son territoire des immigrés étrangers vont s’installer pour des raisons
dues à l’exploitation coloniale. De même une partie de ses fils et filles seront contraints à emprunter
cette voie sous d’autres cieux. La condition de l’étranger sera la fonction des facilités coloniales
liées à la circulation et l’établissement des étrangers qui seront parfois déportés sans oublier le
régime de sanction.
Par conséquent, ce nouveau régime d’établissement fera basculer l’équilibre rendu précaire
du pouvoir traditionnel, car aussi bien les immigrés que les émigrés vont progressivement échapper
à l’autorité de leurs anciens gouvernants allant jusqu’à créer des zone de libertés par rapport à ces
derniers. Seul le pouvoir de la métropole impose une certaine verticalité ou structuration à la société
par le monopole de la contrainte coloniale.
En sus, le colonisateur va s’atteler à attiser la confrontation en lieu et place de favoriser la
coexistence et le métissage, exception faite de la sociologie des colonies portugaises. C’est la
culture de la haine comprise l’acception machiavélique de diviser pour mieux régner, car seule la
fin justifie les moyens. Ce qui, en termes socio-économiques, entraine une division systématique du
travail administratif, militaire, économique, financier, voire d’évangélisation ou, le terme récusé la
mission de civilisation.
72
MBAYA NGANG, Cours des structures et institutions politiques de l’Afrique traditionnelle, UNIKIN, FAC/Droit, 1996-1997.
41
*Pénétration des valeurs religieuses et des idéologies étrangères
La dualité de la conception sociale africaine imprégnée de pratiques spirituelles résumées
par l’animisme, la croyance au village des ancêtres, renforçant la position politique du détenteur du
pouvoir politique. Lorsque ce dernier ne bénéficiait pas d’un dédoublement du pouvoir spirituel et
temporel, il négociait son statut ou l’exercice du pouvoir politique en termes de clientélisme ou de
fidèle protecteur ou serviteur de la tradition. Le caractère magique ou superstitieux ou encore
religieux qui caractérisait l’autorité traditionnelle africaine par la crainte et les remords qu’inspirait
la sanction mystique contribuait au renforcement du pouvoir traditionnel. Cette caractéristique était
plus accentuée dans les sociétés traditionnelles musulmanes. Le droit divin y consacrait le
dédoublement au profit du pouvoir en place.
Le cadre de l’exercice du pouvoir traditionnel était profondément conditionné par le soutien
spirituel d’un ancien d’un lignage déterminé, d’un maitre de la terre ou de la pluie, d’un leader
spirituel guerrier ou d’un imam influent. Au vrai, le chef était toujours considéré comme un
intermédiaire entre les hommes et les forces surnaturelles.
Il est évident qu’avec l’évangélisation et autres piliers de la colonisation, il a été diabolisé
l’aspect spirituel de la conception du pouvoir. En écartant principalement les valeurs mystiques et
les fétiches, le pouvoir colonial a isolé le dirigeant traditionnel de la structure et des institutions non
seulement étatiques, mais aussi traditionnelles. Il a été scié l’arbr3e sur lequel était assis le pouvoir
traditionnel africain. De même, l’introduction de l’obéissance aveugle chrétienne à l’autorité va-t-
elle renforcer la soumission des croyants au pouvoir colonial. Le secret confessionnel sera usé
comme système efficace d’intelligence pour déjouer toute revendication, même simplement sociale,
des autorités africaines réfractaires qui faisait l’objet d’une répression policière ou d’un
appauvrissement pour affaiblir davantage leur pouvoir.
*Introduction du système monétaire et affaiblissement des autorités traditionnelles
La domination coloniale, précédée ou non d’une conquête, a démantelé tout le système
économique, politique et socio-culturel de grands empires, royaumes ou chefferies africains. La
colonisation, estime Lord Lugard, est devenue une affaire prospère et rentable. D’où son inclination
pour le système français pour lequel le fardeau colonial devrait être aussi léger que possible., ce qui
impliquait la mise à contribution des populations indigènes. Le Congo Belge constituait une
illustration de colonie type rentable et dirigé par une politique paternaliste.
En plus, la quasi-absence d’investissement initial ne nécessite aucun effort d’amortissement
et ne dégage aucun autofinancement : l’objectif est d’obtenir le gain maximum en gardant la
possibilité de se retirer à tout moment, dès lors que la rentabilité devient faible. L’économie de la
traite qui se développa en Afrique occidentale française préfigura ce que Cathérine Coquery-
Vidrovitch appelle l’économie de pillage. Dans ce systèmes, les sociétés privées s’appuient sur
l’Etat qui, parfois, fournit l’essentiel du capital que ces entreprises doivent rétrocéder après l’avoir
mis en valeur. Peu intéressée par les risques et les faibles profits, une quarantaine de compagnies
concessionnaires exploitent en Afrique équatoriale française les ressources naturelles comme la
foret, l’ivoire et le caoutchouc. En RDC, l’exploitation minière est assurée par un conglomérat
d’intérêts dépassant le cadre de simples intérêts belges. Ce qui implique l’internationalisation.
Avec l’implantation effective de la bureaucratie coloniale, la situation économique des chefs
traditionnels qui ne veulent pas coopérer de leur gré va se détériorer sérieusement. Qui plus est, la
simple possession de subsistance n, a plus de valeur dans le système économique moderne.
42
Le régime agraire étant collectif, la production intensive d’exploitation fera l’affaires des
économies extraverties dans lesquelles l’autorité traditionnelle ne trouve pas son compte. C’est le
cas de la culture du café, cacao, etc. Les ressources humaines aussi sont réservées aux services
obligatoires pour la mise en place de diverses infrastructures en vue d’assurer l’exploitation au
profit de la métropole.
Ainsi donc, le pouvoir coloniale s’est réservé le droit de battre la monnaie. Le recours au
troc n’est plus rentable, car toutes les matières précieuses sont confisquées par la métropole pour,
entre autres, contrôler l’organisation économique des sociétés politiques africaines. Ce qui, dans ce
cadre était un puissant moyen d’affermissement du pouvoir politique. C’est alors que chez les Alurs,
la chefferie avait pour base économique la réciprocité des biens et services au milieu de cet
échange, le chef jouait le rôle central. Dans les sociétés disposant d’un pouvoir central,
l’organisation économique traditionnelle renforçait l’autorité traditionnelle, notamment par :
-la réception de dons de tout genre, Mulambu ou le prélèvement, Tshitadi sur les échanges
symboliques des biens. Ces échanges permettaient aux relations socio-politiques de se manifester
d’une façon plus systématique et personnelle ;
-la nature du système fiscal que le chef élaborait, exécutait et contrôlait ;
-la possibilité qu’avait le chef de contrôler l’ensemble des revenus. Cela donnait au chef la position
privilégiée par rapport à d’autres sujets. Or, tous ces mécanismes d’acculturation des ressources
avaient été supprimées par le pouvoir colonial.
B. Divers systèmes d’administration coloniale et leur impact sur la situation des
autorités traditionnelles
Le mode de gouvernement colonial constitue un système centralisé basé sur la politique
tracée par le Ministère des colonies ou Colonial Office dans le cas anglais. Avec au départ la
signature de nombreuses convention dont la finalité était de placer les autorités traditionnelles sous
contrôle des autorités coloniales. On en est venu à provoquer, comme le disait baya Ngang,
l’érosion du pouvoir traditionnel.
a)Le système français
Dans les sociétés politiques où l’organisation était différenciée comme dans les monarchies,
le souverain et les dirigeants placés à la tête des provinces étaient toujours subordonnés à l’autorité
européenne. Celle-ci était représentée dans chacune des circonscriptions par des Administrateurs
nommés par le gouvernement des circonscriptions coloniales. Cette dépendance entrainait non
seulement l’érosion de l’ensemble des pouvoirs traditionnels, mais aussi le contrôle étroit du
fonctionnement de l’appareil politique résiduel.
Le ratio administrateurs/population dans quelques contextes coloniaux est à cet égard
éloquent :
-Nigéria et Cameroun : 1/54.000
-Congo Belge : 1/34.000
-Afrique occidentale française : 1/18.900
En outre, le droit politique coutumier fut majoritairement abrogé au profit du droit public
européen. Dans certaines matières relatives aux droits privés, une sélection était faite en matière de
statut personnel en vue d’éviter le respect des normes coutumières contraire à la mission
civilisatrice judéo-chrétienne. C’est la subordination du droit coutumier au droit colonial avec
comme conséquence la perte de l’initiative des lois qu’avait tut chef traditionnel. Cette dépendance
43
coloniale privera également les autorités traditionnelles de l’indépendance de leur pouvoir judiciaire
qui constituait un attribut important de la souveraineté politique.
Aussi, ce phénomène, constaté dans les royautés ou empires, se manifestera-t-il également
dans de petites chefferies sans armatures administratives. La colonisation française introduira aussi
la notion de séparation des pouvoirs chère à Montesquieu. Un terme sera donc mis à la prétendue
confusion des pouvoirs, ce qui est de nature à limiter les droits de rendre justice, reconnu par le
droit coutumier. Dans tous les cas, même si la délégation subsiste dans certains domaines, les
jugements rendus par les chefs coutumiers sont toujours susceptibles d’appel devant l’autorité
coloniale.
b) Le système britannique
Le système anglais, plus pragmatique, se caractérise par sa diversité. C’est un système
d’administration indirecte qui tient compte de la nécessité pour le colonisateur de coopérer avec la
débile administration traditionnelle au sein du système colonial.
Les autorités indigènes sont reconnues par le gouvernement indirect. Cette forme
d’administration combine le maintien d’un contrôle exercé par la puissance coloniale avec la
participation des sociétés traditionnelles précoloniales à la réalisation des objectifs politiques
coloniaux. Elles se voient ainsi, du moins formellement attribuées un certain nombre des
compétences qu’elles exercent sous le contrôle de l’administration coloniale. A l’opposé, le modèle
de l’administration directe, basé sur l’intégration de ces autorités traditionnelles dans l’organisation
politique de l’Etat colonial, ne laisse que de compétences résiduelles à ces autorités en matière de
statut personnel et d’atteinte mineure à l’ordre public.
Dans la pratique, le recours à la technique du gouvernement direct ne se généralise pas à
l’ensemble des systèmes coloniaux. C’est au contraire le modèle direct qui finit par s’imposer.
Toutefois, la combinaison de ces deux systèmes coloniaux permettait d’asseoir l’autorité coloniale
en lâchant du lest par moment sans baisser la garde. La pratique de la centralisation ou
monopolisation du pouvoir dans la métropole se concrétisait, car les chefs politico-administratifs
demeurent placés sous l’autorité de la tutelle coloniale.
La dénaturalisation des autorités pré-coloniales ou des modes de régulation politique résulte
également de l’intention d’instaurer un ordre politique, pas toujours respectueux des systèmes pré-
coloniaux, consécutif à la mise en œuvre d’une nouvelle légitimité engendrée par le régime
colonial. Autrement dit, ce régime a intégré le acteurs politiques africains à l’appareil administratif.
Au vrai, ils étaient considérés, dans cette optique, comme dépourvus par eux-mêmes des
pouvoirs réels. Leurs rôles de serviteurs de l’administration coloniale étaient ainsi explicitement
affirmés. C’est ainsi qu’au Sénégal, par exemple, les marabouts ou chefs religieux, en échange de
maintien de leurs prérogatives se firent les agents zélés de l’administration, allant jusqu’à former un
rôle particulier dans l’adhésion du Sénégal à la colonie française en 1958.
Nul doute, le gouvernement indirect a pu geler des revendications de peuples colonisés
d’Afrique. C’est ainsi que la contestation qualifiée de trop radicale d’Houphouet Boigny en Afrique
occidentale se trouva en partie contrée par l’autorité du Moro Naba sur l’empire Mossi que la
puissance coloniale s’activa à renforcer, alors même que cet empire avait été initialement morcelé.
Cet exemple démontre combien les puissances coloniales ont dû faire preuve de pragmatisme dans
la gestion des territoires conquis. Au Ghana, les britanniques s’efforcèrent de stopper la
modernisation économique du royaume Ashanti stimulée par le dynamisme d’une bourgeoisie
44
agricole constituée autour de la mise en valeur du cacao. Le colonial Office, à l’image de la
Révolution française, apporta un soutien à l’Asantehene, autorité traditionnelle des Ashanti.
L’opposition entre le gouvernement direct et indirect résume en définitive, cette dichotomie
juridique. Cependant elle simplifie une réalité socio-politique plus complexe ou les modes de
gestion politique se sont employés à trouver des relais dans les systèmes pré-coloniaux au risque de
les discréditer.
Au fait, les chefs investis alors par l’administration coloniale furent assez réactionnaires à
l’opposé des populations dans la mesure où ils commençaient à incarner l’arbitraire, la violence et
une arrogance souvent à la mesure de leur degré d’instruction. En Afrique lusophone, les chargés de
mission appelés regulos furent des agents directs de la mise en œuvre de l’acte colonial édicté par
Salazar en 1930. L’on peut dire enfin que la colonisation a modifié le contenu du pouvoir et le sens
du politique privilégiant une légitimité de type bureaucratique au risque de perturber tous les
systèmes.
45
Cet équilibre fragile va se rompre dans le modèle français en raison de la séparation de
l’Eglise et de l’Etat. Le principe de laïcité oblige l’Etat colonial à accroitre son intervention dans le
domaine éducatif.
Le monde des affaires, quant à lui, se trouve également associé à l’existence coloniale. Les
sociétés commerciales deviennent de facto les auxiliaires de l’Etat colonial. On assiste à un partage
des tâches entre d’une part administration qui investit peu et, d’autre part les sociétés commerciales
qui exploitent et gèrent les ressources. Néanmoins, l’investissement en Afrique au sud du Sahara est
resté globalement à un niveau très faible et ce, avec les disparités quant à ses origines et
localisations. C’est ce qui a été qualifié d’économie de pillage.
b)L’autoritarisme
Afin de préserver les intérêts croissants de la métropole, le pouvoir colonial va accentuer
l’autoritarisme. Le recours à ce procédé par l’Etat colonial se manifeste avec encore plus
d’évidence dans les colonies de peuplement au Kenya ou en Afrique du sud. L’Etat colonial est
conduit, sous la pression des colons, à établir une distinction juridique entre les territoires destinés
aux africains et ceux réservés aux blancs. La mineur des moyens attribués à l’administration
coloniale ne signifie pas que celle-ci n’aille pas œuvrer à la mise en place des politiques de
développement.
Tous ces éléments cumulés contribuent à façonner le visage d’une administration coloniale
autoritaire et paternaliste. L’arbitraire auquel s’adonner de facto l’administrateur dans le monde
rural était accentué par la difficile compatibilité entre la norme bureaucratique et les valeurs
africaines.
L’institution judiciaire fournit un exemple éclairant de cette inadaptation. La nature de litige,
leurs caractères privés leurs connotations et pratiques qui s’y attachent soulignent combien le
caractère public de l’audience est inapproprié amenant souvent l’administrateur à régler le litige en
dehors du tribunal ou du moins dans son bureau, par la palabre et éventuellement la chicotte.
L’autoritarisme exécuté à plus basse échelle de la structure et des institutions de l’Afrique
coloniale résulte de la conjonction d’un pouvoir administratif, à bien des égards illimités et d’un
rôle spécial joué par certains africains immatriculés ou évolués, qui se reconnaissent bien dans les
modes de régulation bureaucratique importée,
46
A. Etude de l’Etat et le patrimonialisme
Tant d’auteurs en envisageant le système patrimonial africain, préfèrent user le concept de
corruption. Certains ont ajouté celui de la violence. D’où la difficulté à expliquer la spécificité de
l’Etat en Afrique en fournissant une lecture pertinente d’un point de vue comparatif.
En effet, il existent des variations autour du patrimonialisme. Ce qui a donné lieu à une
inflation terminologique, à savoir : le patronage, le clientélisme, le népotisme et le pantouflage…
Ceci témoigne de la pratique également en vigueur au sein des Etats occidentaux où les scandales
de pots de vin, voire de détournement des deniers publics sont au jour le jour éclaboussés par la
presse.
De même, l’Etat lui-même a été qualifié d’Etat bananier à chaque fois qu’on pouvait y
téléguider des coups d’Etat lorsque les intérêts des forces étrangères n’étaient pas servis. D’où
l’obsession pour les dirigeants africains surtout à l’époque de la guerre froide de s’assurer de leur
légitimité externe. Un autre concept plus pertinent est, d’après l’expression de Gunarmidant, l’Etat-
mou. L’auteur insiste d’une part sur le défaut d’institutionnalisation et, d’autre part sur sa double
capacité à gérer les affaires d’intérêt général. Il oppose l’Etat-mou à l’Etat fort. Ce dernier est celui
qui a atteint un degré appréciable d’institutionnalisation. De ce point de vue, l’Etat –providence
occidental s’affiche aussi prédateur que l’Etat africain. La différence n’est qu’une question de degré
d’institutionnalisation et non de structure ou de nature.
B. Dépassement de l’Etat postcolonial
Jean François Bayart, dans L’Etat en Afrique. ‘La politique du ventre’73, préfère cette
dernière expression au concept plus classique de patrimonialisme ou de clientélisme. Il voit dans la
corruption qui traverse l’ensemble du continent africain et de leurs systèmes politiques, la clé
exploratoire de la politique africaine. Se refusant d’utiliser le concept de corruption à cause de la
connotation moralisante et occidentaliste, il envisage une grille de lecture rigoureuse en termes
explicatifs de symptôme et de dysfonctionnement. Il offre une interprétation globale qui consiste à
replacer l’Etat dans sa société.
La généralisation du phénomène trouve son origine dans une réalité consubstantielle aux
sociétés africaines traditionnelles en vertu de laquelle le pouvoir repose non seulement sur
l’accumulation des biens matériels, mais aussi symboliques. Dans cet ouvrage, la métaphore est
celle de la chèvre qui broute au tour du rayon où elle est attachée.
II.3.2. Quid de l’Etat néo-patrimonial
La domination patriarcale suppose un élargissement des personnes dépendantes au-delà de la
parenté. Ainsi, Médard J-F, L’Etat néo-patrimonial en Afrique noire, dans Médard J-F., Etats
d’Afrique noire. Formation, mécanisme et crise, Kartala, 1991, a fourni une réflexion comparative
sur l’Etat postcolonial, à partir d’une approche monographique. En conséquence, l’auteur synthétise
ses travaux sur l’émergence du néo-patrimonialisme africain.
En effet, l’assise du pouvoir a vocation à s’étendre en établissant les chaines de dépendance
militaire, économique, sociale, culturelle et religieuse. La détention d’un patrimoine plus ou moins
important facilite le lien de rattachement des populations, principalement, lorsqu’elles reçoivent des
prestations importantes.
Déjà M. Weber considère que le patrimonialisme repose sur une confusion de la part du
titulaire du pouvoir entre la sphère du droit public et celle du droit privé. Il est donc inséparable du
pouvoir personnel. Les relations entre les gouvernants et gouvernés sont fondées sur un lien
73
J.-F. BAYART, L’Etat en Afrique. ‘La politique du ventre’, Paris, Fayart, 1989.
47
personnel, la loyauté personnelle au chef. Ce système se distingue de la domination patriarcale.
Cette dernière renvoie à une domination sur des personnes dépendantes en raison de leur lien de
parenté avec le détenteur du pouvoir.
Le retour à l’authenticité proposé a été tentative infructueuse de récupération politique en
vue de consolider l’Etat néo-colonial dans le but d’éviter l’éclosion d’un modèle institutionnalisé du
pouvoir politique.
A. Eléments d’organisation politique traditionnelle consolidant l’Etat patrimonial
Les idéologies élaborées par Senghor ou Mobutu, ont perverti le système politique africain,
car le recours logique à notre passé orienté vers la recherche de solution pour se présenter au
pouvoir. Aussi, le mobutisme, s’est-il inspiré pour se radicaliser de l’idéologie pékinoise de Mao.
Les structures et institutions mises en place étaient marquées par des idéologies
personnalisées. Elles étaient en grande partie l’expression de la volonté de leur leader pour donner
lieu à une nouvelle forme de l’Etat, taillée sur mesure. L’Etat est devenu un simple instrument pour
la réalisation des objectifs tracés par ce dernier ou son parti.
Le leader incontesté était donc placé au-dessus du système qu’il modelait ou reformait à sa
guise. A côté de cet aspect institutionnel, son rayonnement atteignait le champ de représentation
symbolique lorsque ce dernier est quai déifié ou situé sur un piédestal, très au-dessus du commun
des mortels. Ce sont les expressions comme sauveur, guide, timonier, père de la patrie, grand
léopard, président fondateur… empruntées aux idéologies fascistes ou totalitaires(caudilloou
generalismo/Espagne, führer/Allemagne, Duce/ Italie, père de la patrie/Europe de l’Est) qui rendent
compte de cette volonté affirmée.
La déviation du concept de chef traditionnel et sa récupération dans le système politique sera
la pierre angulaire au sommet de l’Etat néo-patrimonial africain. Il en est de même, en terre
musulmane en matière de restitution du pouvoir spirituel et de la reconnaissance de sa primauté sur
le pouvoir temporel. Les autres pouvoirs étatiques s’analysent en terme de délégation
principalement dans le système monarchique. Avec la démocratisation, la dynamique politique
autour de l’Etat s’analyse en termes de changement et de forces de résistance au processus de
démocratisation.
Aussi, convient-il pour la RDC que les enjeux politiques du moment militent en faveur du
changement et permettent par le recours à l’institution du dialogue la naissance de la troisième
République qui sera réellement démocratique.
B. Controverses sur les conditions d’existences de l’Etat contemporain susceptibles
d’empêcher l’éclosion d’un Etat patrimonial
Convient-il réadapter l’Etat aux réalités africaines ou carrément inventer un Etat pour
l’Afrique ?
Les partisans de l’invention considèrent que la substance même de l’Etat postcolonial ne
peut qu’influencer négativement sur une quelconque tentative d’adaptation de l’Etat en Afrique.
Aussi, proposent-ils la création d’un Etat différent dans le but de faire correspondre sa base
sociologique aux attentes, structures et institutions de la collectivité étatique. C’est ainsi que
Tshiyembe Muayila74propose dans la forme de l’Etat, l’innovation par la républicanisation du
pouvoir traditionnel. Certains chefs coutumiers ont joué un rôle prépondérant à la décolonisation et
ont bénéficié de fait d’un statut dérogatoire sur lequel il faut construire pour rapprocher les
74
TSHIYEMBE MUAYILA, L’Etat multinational ou multiethnique. Sociologie de réinventions de l’Etat nègre moderne, de nouvelle
apparition, Thèse, Nancy II, 1993.
48
gouvernés du pouvoir. Cette légitimité traditionnelle est sociale et un dédoublement institutionnel
qu’il convient de résorber en bâtissant l’Etat autour de cette donne sociologique.
Considérons que cette thèse est excessive sur le fond comme sur la méthode. Sur le fond, les
systèmes politiques hérités de la colonisation ont une nature exogène. Quant à la technique, il ne
faut pas faire du neuf avec du vieux, mais on peut décorer un édifice neuf avec les œuvres passées.
Par ailleurs, notre héritage est double : il s’agit non seulement de la société précoloniale, mais aussi
de la société coloniale qui garde encore son influence institutionnelle à ce jour. En effet, les
dirigeants des indépendances dont certains tiennent à gouverner, à ce jour, ne peuvent que refléter
une conception despotique de l’Etat. Ce qu’ils ont intériorisé durant la colonisation.
Quant aux tenants de la réadaptation, ils estiment qu’il faut imiter ce qui est bon. Le recours
à nos structures et institutions socio-politiques est d’un grand secours notamment en matière de
statut personnel ou des baux ruraux…La vision africaine de la famille a longtemps milité en faveur
de la cohésion sociale au sein des groupes réduits mais a également donné lieu à une fracture
politique très importante en référence au statut privilégié accordé de fait aux membres de la famille
présidentielle comme si d’une monarchie était question. Cette déviation de ce qui est socialement
bon mais politiquement mauvais est parfois utilisé en Europe mais avec à la source le facteur
compétence.
Néanmoins, les abus ne manquent pas. A titre illustratif, le président Mitterrand a vu
surnommer son fils « papa m’a dit ». En Afrique, les nominations familiales abusives font douter de
l’adaptation des structures et institutions traditionnelles dans le fonctionnement de l’Etat moderne.
La participation à la fonction publique doit se baser sur la compétence confirmée par un concours
garantissant l’égalité ou d’une procédure similaire ou encore d’une légitimité légale rationnelle
conférée par la tenue d’élections libres, honnêtes et démocratiques.
L’Etat tel qu’il est apparu en Occident est la référence obligée ne serait-ce que pour
participer aux relations internationales. L’Etat-nation certes, s’est muté en Etat-multinational. Ce
problème est, actuellement, résolu par la forme de l’Etat en application du principe de l’autonomie.
Ce principe, en l’espèce, devrait donner à la troisième République la forme fédérale de l’Eta.
A cet élément, il est opportun de conjuguer cette forme universelle d’organisation politique
avec l’Etat de droit. Ce nouvel Etat se caractérise par sa hiérarchie des normes, la reconnaissance et
le respect des droits fondamentaux, un certain contenu classique du droit constitutionnel et
l’imposition d’un contrôle politique via élection et juridictionnel par le biais du contrôle de
constitutionnalité. En outre, cet Etat moderne doit s’animer autour d’un réel projet de société
démocratique qui implique la légitimité de l’action publique et l’obéissance spontanée des citoyens.
Les fonctions de l’Etat en RDC peuvent s’articuler autour de la devise justice, paix et travail. Sous
d’autres cieux, c’est l’égalité, liberté et fraternité. Il doit également contribuer à la civilisation
universelle, car tous les Etats sont sur un village planétaire où vont se confondre petit à petit les
structures et institutions socio-politiques. C’est la contingence spatiale et temporelle des relations
sociales.
III. Etude de cas Cf. G. BASUE BABU KAZADI, Droit, structure et institutions socio-
politiques de l’Afrique traditionnelle, PUIC, Kin, 2013.
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