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I. La structure de la République
Un dialogue philosophique divisé en 10 « livres », unités textuelles. — Division qui ne remonte pas à
l’auteur.
(Datation incertaine : conventionnellement période de la « maturité » de Platon, après le premier
voyage en Sicile (388/7 av. J.-C.). Aucune notice « externe » pour déterminer une chronologie plus
précise. Un indice « interne » de la date de composition a parfois été cherché à VII 540a : l’âge de
pleine maturité, qui permet au philosophe de porter son regard sur le bien en soi, est fixée à 50 ans.
Il est vraisemblable de croire que Platon, à l’époque où il écrit ce passage, avait déjà dépassé cet âge,
ce qui situerait le dialogue après 375. Mais les « dates de publication » des œuvres antiques sont très
rarement déterminables avec certitude.)
L’hypothèse d’un dialogue indépendant (le Thrasymaque) : F. DUEMMLER, Zur Composition des
Platonischen Staates: mit einem Excurs über die Entwicklung der Platonischen Psychologie, Basel,
Rheinhardt, 1895 ; plus récemment, P. FRIEDLÄNDER, Platon, Band II. — Die platonischen Schriften :
erste Periode, Berlin, W. de Gruyter, 19643 ; G. VLASTOS, Socrates, Ironist and Moral Philosopher,
Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
Une « appendice » (ou un « afterthought ») de Platon ? Thèse partagée par la plupart des interprètes.
Une « excroissance » par ailleurs plutôt mal écrite (cf. J. ANNAS, Introduction [p. 423-424 : « (…) ce
livre paraît en lui-même gratuit et gauche (…) le niveau de l’argumentation philosophique et du
talent littéraire qu’il manifeste se situe bien en deçà de celui du reste de l’œuvre »]).
(Une réponse à des critiques au reste de la République ? Thèse de R. L. NETTLESHIP, Lectures on the
Republic of Plato, London-New York, MacMillan, 1901 ; voir aussi M. VEGETTI: une révision de la
République après une discussion interne à l’Académie).
Connexion naturelle entre livre IV et livre VIII : V-VII constituent une « digression »
« Of the many deep-rooted problems that scholarship on the Republic cannot avoid, few are
as crucial as that of trying to assess how far it is a work of politics, and how far one of personal
ethics. » (H. Tarrant, 2011).
Pour l’histoire du problème, voir M. VEGETTI, « How and why did the Republic become
unpolitical? », in N. Notomi, L. Brisson (dir.), Dialogues on Plato’s Politeia (Republic). Selected
Papers from the Ninth Symposium Platonicum, Sankt Augustin, Academia Verlag
[« International Plato Studies », 31], p. 3-15.
République, VI, 499b-c : « il n’y a aucune chance qu’une cité, ou un régime politique, ou encore, de la
même façon, un homme, devienne jamais parfait, avant que ces philosophes peu nombreux et qui à
présent sont nommés non pas méchants mais inutiles, ne tombent, par chance, sous l’effet d’une
contrainte qui les oblige, qu’ils le veuillent ou non, à se soucier d’une cité, et qui oblige cette cité à
les écouter ; ou bien que sur les fils de ceux qui à présent sont dans les organes du pouvoir ou de la
royauté, ou sur ces hommes eux-mêmes, ne vienne s’abattre, par quelque inspiration divine, l’amour
véritable de la philosophie véritable. Que l’une de ces choses, ou les deux, ne puisse se produire,
j’affirme pour ma part qu’il n’y a pas de raison de le penser. Sinon, en effet, ce serait à juste titre qu’on
se rirait de nous, comme de gens qui tiennent vainement des propos semblables à des vœux pieux. »
République, VII, 540d : « Êtes-vous d’accord que ce que nous avons décrit au sujet de la cité et du
régime politique n’était pas un vœu pieux : c’était certes difficile, mais c’était réalisable de quelque
façon, et pas d’une autre que celle qui a été dite, à savoir lorsque ceux qui sont véritablement
philosophes, devenus […] détenteurs du pouvoir dans une cité, mépriseront les honneurs d’à présent
[…] considérant comme le plus important et le plus nécessaire ce qui est juste ; et qu’ils se mettront
donc à son service en le favorisant pour organiser leur propre cité ? »
Aristote, Politiques, II, 1-5 : impossibilité de la réalisation du projet platonicien (i.e. interprétation du
projet en tant que sérieux).
Une utopie « dialectique »
Leo Strauss ; Hans-Georg Gadamer. — Platon n’avance pas des véritables propositions politiques : il
utilise l’utopie pour mettre en lumière l’impossibilité d’un projet de refondation politique radical qui
ignorerait la nature des êtres humains (Strauss1) ou pour souligner de façon radicale les défauts de la
paideia grecque de son époque (Gadamer).
M. Vegetti : une « utopie de projet ». Le fait que la Kallipolis n’existe pas sur terre n’en saurait mettre
en discussion la nature et la puissance de paradigme politique. Discussion sur la traduction (et
interprétation) de République, IX, 592a-b (conclusion du livre IX). Traduction traditionnelle (suivie
par Pachet) :
« — Je comprends, dit-il. Tu veux dire qu’il [scil. l’homme juste] le fera [scil. s’occupera de l’état] dans
la cité dont nous avons exposé la fondation, celle qui est située dans nos arguments, car je crois
qu’elle n’existe nulle part sur terre.
— Mais, dis-je, elle est peut-être située là-haut dans le ciel, comme un modèle pour qui veut la
regarder et, en la regardant, se gouverner [katoikizein]* lui-même. Et il n’importe d’ailleurs en rien
qu’elle existe ou doive exister quelque part. Car lui se soucierait des affaires de celle-là seule, et
d’aucune autre »
Cf. Yvon LAFRANCE, La théorie platonicienne de la doxa, Paris, Les Belles Lettres, 20152.
1
NB : Strauss repropose, en gros, la critique d’Aristote mais attribuant à Platon une pleine conscience de l’impossibilité
de son projet.
III. POSER LE CADRE
République, I, 327a-b :
J’étais descendu, hier, au Pirée avec Glaucon, fils d’Ariston. Mon intention était d’adresser un vœu
à la déesse, et en même temps je voulais voir la fête : comment allaient-ils s’y prendre, vu qu’ils
la célébraient pour la première fois ? Sans doute, je trouvai belle la procession des gens du pays,
elle aussi, mais ne me parut pas moins adaptée à la fête la façon dont défilèrent les Thraces. Une
fois nos vœux adressés, et le spectacle regardé, nous repartions vers la ville. Or, nous voyant de
loin nous hâter de rentrer chez nous, Polémarque fils de Céphale fit courir son petit serviteur
pour nous inviter à l’attendre. Le petit, m’attrapant par-derrière par mon manteau : « Polé-
marque, dit-il, vous invite à l’attendre… » Alors je me retournai, et lui demandai où était le maître
lui-même. « Le voici, dit-il, il arrive derrière moi. Allez, attendez. — Eh bien nous attendrons »,
dit Glaucon.
Le lieu : le Pirée
Le temps : le problème de la chronologie « fictive »
Cf. Debra NAILS, « The dramatic date of Plato’s Republic », The Classical Journal, 93, 1998, p. 383-396.
Pendant la guerre du Péloponnèse (une « bataille de Mégare » a eu lieu récemment : 368a), mais
la date précise reste impossible à déterminer. Selon nos connaissances, les premières fêtes de
Bendis eurent lieu en 428/7, mais cela comporterait une incohérence avec l’âge des personnages
(surtout des frères de Platon). La datation en 411 est la plus souvent répétée (Boeckh), mais sans
qu’elle s’appuie sur des preuves solides.
Les personnages
Référence incontournable pour les personnages des dialogues de Platon : Debra NAILS, The People of
Plato. A Prosopography of Plato and Other Socratics, Indianapolis, Hackett, 2002 [= PP]. [Pour les
personnages « philosophes », voir aussi, Dictionnaire des philosophes antiques, dir. Richard GOULET,
Paris, CNRS éditions, 1989-2017, sub voces].
SOCRATE FILS DE SOPHRONISCOS [PP, p. 263-269], l’ami-maître de Platon, « l’homme le plus juste de son
époque » (Pl. Lettre VII, 324e), né ± 470/469 condamné à mort en 399. Personnage emblématique du
dialogue philosophique, à l’origine du genre littéraire du logos Sōkratikos pratiqué par Platon pour la
plupart de sa production d’écrivain. — Rôle dans le dialogue : personnage principal, joue le rôle de
« questionneur » tout le long de la conversation.
GLAUCON, FILS D’ARISTON [PP, p. 154-156], frère de Platon, né ± 429/428, aussi personnage (muet) du
Parménide. — Rôle dans le dialogue : avec son frère, il est parmi les deux interlocuteurs principaux
de Socrate tout au long des livres II-IX ; seul interlocuteur dans le livre X. De fait, le seul personnage
qui parle en tous les livres de la République (il intervient la première fois au début du livre I, 327b,
livre où il prend aussi la parole brièvement pour discuter avec Socrate d’un problème qui sera traité
dans la suite : 347a-348b).
POLÉMARQUE [PP, p. 251], fils ainé de Céphale, propriétaire de la maison au Pirée où la conversation
se déroule (328b, « Nous allâmes donc dans la maison de Polémarque… »), intéressé à la philosophia
(Pl., Phèdre, 257b) et condamné à mort par les Trente Tyrans, plus précisément par Ératosthène (voir
le récit dans l’oraison de son frère Lysias, Contre Ératosthène [or. XII]). — Rôle dans le dialogue :
« héritier » du logos sur la justice (331d-e), l’un des interlocuteurs principaux du livre I ; intervention
au livre V, 449a-b, auprès de son ami Adimante, pour solliciter Socrate à affronter le problème de la
communauté des enfants et des femmes.
ADIMANTE, FILS D’ARISTON [PP, p. 2-3], frère ainé de Platon, né ± 432, aussi personnage du Parménide.
— Rôle dans le dialogue : parmi les interlocuteurs principaux des livres II-IX (personnage « muet »
en I et X). Il se présente, au livre I, en compagnie de Polémarque, une association confirmée au début
du livre V (449a-b) : cf. A. DIÈS, « Introduction » (dans la C.U.F.).
CÉPHALE [PP p. 84-85], métèque installé avec sa famille à Athènes ca 450. — Rôle dans le dialogue :
premier interlocuteur de Socrate (I, 328c-331d), initiateur de la discussion sur la justice.
CLITOPHON, FILS D’ARISTONYME [PP, p. 102-103], homme politique de la faction « oligarchique », associé
à Théramène et parmi les responsables du coup d’état de 411. Représentant de l’aile « modérée » du
parti oligarchique, associée à la reconstitution de la patrios politeia (la « constitution des pères », i.e.
des anciens). — Rôle dans le dialogue : limité. Courte intervention au livre I (340a-b) qui se voudrait
en soutien à Thrasymaque, mais que ce dernier démentit immédiatement (340c). Ce personnage
« mineur » sera d’inspiration pour l’auteur anonyme du Clitophon pseudo-platonicien.
THRASYMAQUE DE CHALCÉDOINE [PP, p. 288-290], célèbre rhéteur, auteur de discours et, fort probable-
ment, d’un « manuel » (technè) d’art rhétorique (Phèdre, 266c), diplomate, ambassadeur de sa ville
natale, ami de Lysias. — Rôle dans le dialogue : sans doute l’interlocuteur le plus important parmi
ceux qui interviennent au livre I, Thrasymaque pose le « défi » souterrain à toute la République. Il
devient ensuite « ami » de Socrate (VI, 498c-d) ainsi qu’auditeur passionné de la discussion entre ce
dernier Glaucon et Adimante (V, 450a-b, où Thrasymaque reprend la parole pour insister afin que
Socrate développe le sujet de la mise en commun dans la cité). La présence du personnage, malgré
son silence, est ainsi soulignée par Platon tout au long du dialogue (voir aussi IX, 590d). Cf. PP, p. 289,
« Plato keeps Thrasymachus in view throughout R. ». [Sur le personnage, voir surtout Mario VEGETTI,
« Trasimaco », in M. Vegetti (éd.), Platone. La Repubblica. — Vol. I, Libro I, Napoli, Bibliopolis, 1998,
p. 233-256, puis trad. angl. « Thrasymachus », in M. Vegetti, F. Ferrari, T. Lynch (dir.), The Painter of
Constitutions. Selected Essays on Plato's Republic, Sankt Augustin, Academia Verlag, 2013, p. 13-24.]
Personnages « muets » (terme « technique », kophon prosopon) : Nicératos, fils de Nicias ([PP p. 211-
212], une autre victime des Trente Tyrans) ; Lysias ([PP 190-194] fils de Céphale, frère de Polémarque,
le célèbre rhéteur, critiqué dans le Phèdre pour son discours sur l’amour) ; Euthydème ([PP p. 151],
troisième fils de Céphale et frère de Polémarque et Lysias : à ne pas confondre avec le personnage
éponyme de l’Euthydème de Platon !) ; Charmantide de Paeania ([PP p. 89-90], personnage presque
inconnu).
Mario VEGETTI, « Katabasis », in M. Vegetti (éd.), Platone. La Repubblica. — Vol. I, Libro I, Napoli, Bibliopolis,
1998, p. 93-104. — Diskin CLAY, « Plato’s first words », in F. M. Dunn, T. Cole (dir.) Beginnings in classical
literature, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 113-130. — Myles BURNYEAT, « First Words. A
Valedictory Lecture », Proceedings of the Cambridge Philological Society, 43, 1998, p. 1-20.
Appendice : la famille de Platon (PP, p. 244)