Lionel Bellenger & Marie-Josée Couchaere - La Bible Du Négociateur Le Tout-En-un Du Dealmaker Performant
Lionel Bellenger & Marie-Josée Couchaere - La Bible Du Négociateur Le Tout-En-un Du Dealmaker Performant
Lionel Bellenger & Marie-Josée Couchaere - La Bible Du Négociateur Le Tout-En-un Du Dealmaker Performant
LA BIBLE DU
NÉGOCIATEUR
Le tout-en-un
du « dealmaker » performant
La collection Formation Permanente a été créée, en 1966, par Roger
Mucchielli, agrégé de philosophie, docteur en médecine et docteur ès lettres
en sociologie et psychologie. Elle est dirigée depuis 1981 par Lionel Bellenger,
responsable pédagogique au groupe HEC et intervenant à Polytechnique, par
ailleurs fondateur de la société de conférences et formations IBEL.
Riche de plus de 200 titres, la collection Formation Permanente s’adresse
à tous ceux qui s’intéressent à la psychologie sociale ou veulent concevoir eux-
mêmes leur formation continue.
La formule originale des ouvrages permet à chacun de travailler sur
les contenus théoriques et pratiques et d’effectuer en permanence son perfec-
tionnement.
Véritable outil d’autoformation, chaque titre est rédigé par un expert
reconnu qui apporte au lecteur les éléments de réponse indispensables pour
renforcer au quotidien ses compétences et ses savoir-faire.
Depuis cinquante ans le succès de la collection ne se dément pas, les
ouvrages les plus célèbres étant régulièrement réédités et mis à jour par leurs
auteurs.
Les ouvrages de la collection utilisés dans cette Bible du négociateur sont ceux
de Marie-Josée Couchaere (Favoriser le travail en équipe par la coopération) et de
Lionel Bellenger : Les fondamentaux de la négociation, Les techniques de question-
nement, La force de persuasion, Les techniques d’argumentation les plus sûres, L’écoute,
La boîte à outils du négociateur, Agir en stratège.
www.esf-scienceshumaines.fr
ISBN : 978-2-7101-3926-3
ISSN : 0768-2026
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les
« copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective »
et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, « toute représen-
tation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants
cause, est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti-
tuerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Table des matières
1re partie – Comprendre les enjeux
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
3
La bible du négociateur
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Corrigés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
4
Table des matières
Lexique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317
Filmographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 319
5
Première partie
Ne négocions jamais avec nos peurs. Mais n’ayons jamais peur de négocier.
John F. Kennedy
9
Comprendre les enjeux
1. M. Ghazal, Y. Halifa, Circulez y’a rien à négocier : radioscopie d’un conflit, Le Seuil, 1997.
10
Introduction
11
1
CHAPITRE
Quelle idée
nous faisons-nous
de la négociation ?
13
Comprendre les enjeux
1. Pourquoi négocier ?
Nous cherchons tous à défendre notre intérêt, celui des autres ou
celui d’un groupe. Si nous cherchons à négocier, c’est que des diver-
gences et des écarts s’établissent dans toutes nos relations de travail
comme dans nos relations familiales et dans nos affaires en général.
Intérêt individuel contre intérêt général, contraintes et obligations
contre libre arbitre, compétition entre personnes et points de vue, riva-
lités, jeux de pouvoir débouchent sur une des pratiques sociales, désor-
mais omniprésentes dans les entreprises comme dans l’actualité : la
négociation.
Négocier, c’est trouver une voie entre l’injonction (autorité auto-
crate) et le laisser-faire (soumission et « suivisme »). Parier sur la promo-
tion des solutions négociées, c’est adhérer à l’idée qu’une décision prise
en commun sera mieux appliquée et débouchera sur une meilleure effi-
cacité collective.
L’encadrement et la maîtrise sont, en ce sens, directement concernés
par le développement des pratiques de négociation. C’est la garantie
pour eux d’une plus grande responsabilisation des collaborateurs.
Négocier et réussir prennent du temps, mais ce temps se regagne dans
la diminution des tâches de contrôle et de vérification : quand les
gens participent aux décisions qui les concernent, ils en sont de meil-
leurs « applicateurs ». La négociation est, par excellence, une forme
de communication qui met en évidence notre esprit de coopération.
Négocier, c’est trouver ensemble la meilleure décision capable de
susciter une bonne qualité d’adhésion de la part des négociateurs. C’est
en prenant du recul, de la distance que l’on arrive à être ni trop dépen-
dant, ni trop dominateur. La négociation est une rude mise à l’épreuve
de notre maturité : aptitude à doser, à maîtriser, proposer, s’engager,
passer à l’action. En somme, pour négocier, il est requis d’avoir suffisam-
ment confiance en soi pour avoir confiance dans les autres et accepter
ainsi de mettre en valeur des solutions négociées.
Les bons négociateurs d’aujourd’hui et de demain seront avant tout
capables de trouver des solutions coopératives et des arrangements
constructifs entre leurs firmes, le tout dans un univers fortement concur-
rentiel et incertain.
Négocier, c’est :
––chercher ensemble une solution qui convient aux deux (ou plus)
parties en présence ;
14
Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
–– Améliorer une offre quand elle a été retenue globalement par l’un des par-
tenaires et que l’on sent que l’on peut encore l’enrichir.
–– Renforcer un accord quand on veut optimiser ou élargir une collaboration.
–– Résoudre un conflit quand des divergences ou des tensions sont apparues à
la suite d’un préjudice, un malentendu ou un refus catégorique.
–– Modifier un contrat en changeant les caractéristiques ou les règles du jeu
établies.
15
Comprendre les enjeux
16
Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
17
Comprendre les enjeux
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Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
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Comprendre les enjeux
24
Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
25
Comprendre les enjeux
Les spécialistes de l’« affirmation de soi » ont bien décrit dans les
ouvrages combien les comportements agressifs (s’insurger, prétendre,
se venger, redresser les torts, dévaloriser, culpabiliser, persécuter,
mépriser) ou de manipulation (flatter, exagérer, conspirer, simuler,
combiner, fabuler, enrôler, caricaturer) ont des effets néfastes à la fois
sur les prestations de ceux qui nous entourent comme sur la qualité des
relations, bien évidemment.
Il en est de même pour les attitudes de fuite devant la difficulté au
cours d’une négociation. Il est clair que l’on esquive ainsi le conflit
ouvert mais, en revanche, on « pourrit » la situation (temporiser, être
« poire », gémir, être béni-oui-oui, jouer les irresponsables, jouer l’as-
sisté, être conformiste, soupe au lait). La voie de passage, même si elle
est étroite, est possible, elle existe. Elle exige un bon réglage de compor-
tement. Nous l’identifierons sous le vocable de mentalité constructive.
Elle se classe, à n’en pas douter, comme une composante de l’asserti-
veness (être assertif, oser s’affirmer). Elle va plus loin en intégrant un
maximum d’effets de renforcement, consolider, défragiliser la personne
et en produisant des valeurs de revitalisation (produire de l’engagement
et de l’incitation à agir). Être un négociateur constructif répond à notre
sens aux dix critères suivants. Chacun pourra les expérimenter, les asso-
cier au cours de négociations réputées difficiles ou vécues comme telles.
26
Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
27
Comprendre les enjeux
Ce test a pour but de faire réfléchir aux « idées reçues » sur la négociation.
L’esprit de coopération ne va pas de soi. Toute notre culture personnelle
est imprégnée d’esprit de compétition au sens agressif, d’égocentrisme, de
manque d’écoute et de mécanismes défensifs. De plus, les enjeux aggravent
les risques : la sécurité personnelle et la confiance sont mises à rude épreuve.
Ce sont pourtant les atouts des meilleurs négociateurs qui savent et osent s’en-
gager pour créer les conditions d’un profit mutuel.
Pas
D’accord
d’accord
28
Quelle idée nous faisons-nous de la négociation ?
Pas
D’accord
d’accord
29
2
CHAPITRE
Comment conduire
une négociation ?
31
Comprendre les enjeux
AJUSTEMENT 1. CONTACT C
• volonté de s’informer et 2. QUESTIONNEMENT Q
d’informer 3. REFORMULATION R
• être disponible
• être tolérant
• volonté de comprendre CONSULTATION
l’autre C1
• être accessible
• être à l’écoute, non réac-
tivité
• être capable de synthétiser
ENGAGEMENT 4. PROPOSITION P
• oser affirmer 5. DISCUSSION D
• être intelligible
• argumenter, réfuter
• mettre en évidence conver-
gences et contradictions CONFRONTATION
C2
ARRANGEMENT 6. CONCILIATION C
• rechercher les points 7. DÉCOMPRESSION D
d’accord
• confirmer les points non
négociables
• viser le profit mutuel CONCRÉTISATION
• accepter un type d’arran- C3
gement
• assurer le maintien ou/
et le renforcement de la
relation
32
Comment conduire une négociation ?
33
Comprendre les enjeux
2. Le plan de l’entretien
––Ce que je vous propose c’est un entretien, d’un quart d’heure.
––Dans un premier temps, je vous parlerai de ...
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
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Comprendre les enjeux
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Comment conduire une négociation ?
3. Voir pour plus de détails, dans cette même collection, Les techniques d’argumentation les plus sûres et le livre de L.
Godbout, S’entraîner à raisonner juste.
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Comprendre les enjeux
52
Comment conduire une négociation ?
53
Comprendre les enjeux
4. Du nom du policier qui, dans la célèbre série télévisée, dit toujours l’essentiel, la main sur la clenche au moment de partir.
54
Comment conduire une négociation ?
55
Comprendre les enjeux
4.1 S’organiser
La négociation collective appelle un grand soin en matière d’organi-
sation. Il convient d’établir le contact avec les participants pour :
––clarifier l’objet précis de la négociation ;
––définir qui va participer ;
––établir l’ordre du jour ;
––poser des règles du jeu (tour de table, tour de parole) ;
––désigner un président de séance ;
––fixer les horaires, le lieu, le cadre ;
––valider les rituels à observer (discours préliminaire ou pas…).
Négocier en groupe impose une certaine discipline de fonctionne-
ment, voire des règles et des procédures. Certains groupes préfèrent
une discussion vive avec une grande effervescence qui peut choquer ou
énerver mais qui garantit une certaine spontanéité des réparties (atten-
tion au mot de trop !). D’autres s’en tiennent à un très grand formalisme
avec des échanges policés, voire réglementés (demande de la parole,
interventions limitées dans le temps, tour de table strict, etc.). C’est au
groupe de trouver le bon régime et de sentir si la progression est ralentie
ou facilitée. Négocier en groupe nécessite souvent des rappels à l’ordre,
des mises au point, voire des suspensions de séance.
56
Comment conduire une négociation ?
57
Comprendre les enjeux
58
Comment conduire une négociation ?
59
Comprendre les enjeux
5. Autodiagnostic :
Quel est votre profil de négociateur ?
5.1 Protocole
Le questionnaire proposé est à choix forcé pondéré. Vous devez obli-
gatoirement répondre en répartissant 10 points entre 4 propositions.
Vous allez évaluer vos réponses en fonction de votre expérience de négo-
ciateur, de votre avis ou de vos croyances. Vous pouvez choisir d’affecter
0 points à une ou plusieurs propositions à condition que le total entre les
4 soit toujours de 10 points. Vous ne pouvez pas affecter de demi-point.
Conseil
60
Comment conduire une négociation ?
Critère 1
Ce qui compte c’est d’obtenir avant tout pour soi le meilleur résultat
2
possible en prenant le leadership de la négociation
Le bon négociateur est celui qui se montre le plus fort pour profiter
4
d’une situation
10
Critère 2
10
Critère 3
10
61
Comprendre les enjeux
Critère 4
Critère 5
10
Critère 6
Les bons négociateurs font preuve avant tout d’une forte expertise
21
et d’une longue expérience
J’estime qu’il faut évaluer un négociateur sur les résultats, pas sur les
23
moyens qu’il utilise
10
Critère 7
10
62
Comment conduire une négociation ?
Critère 8
10
Critère 9
10
Critère 10
Le bon négociateur est celui qui reste concentré sur les objectifs
39
de résultats
10
Critère 11
10
63
Comprendre les enjeux
Critère 12
10
Critère 13
50 Pour moi, l’univers des affaires et des négociations est une jungle
Pour moi les relations entre négociateurs ne doivent pas passer par
51
les émotions et l’affectif
10
Critère 14
Bien faire le travail, faire des efforts et faire preuve d’honnêteté sont
53
la marque d’un bon esprit de négociation
10
Critère 15
J’aime prendre des risques dans la négociation, j’aime aller vite, innover,
60
« booster »
10
64
Comment conduire une négociation ?
Critère 16
10
Critère 17
10
Critère 18
J’aime aller au combat, je ne crains pas les difficultés, les décisions dures
71
à prendre, les «coups» à monter
10
65
Comprendre les enjeux
CRITÈRES SCORES
1 M C A J 10
2 A M J C 10
3 C M A J 10
4 M A C J 10
5 M J A C 10
6 M J C A 10
7 J M A C 10
8 C M J A 10
9 C J M A 10
10 J C M A 10
11 J M C A 10
12 C M A J 10
13 J C M A 10
14 M C A J 10
15 C M A J 10
16 A C M J 10
17 J C M A 10
18 M A C J 10
Totalisez le nombre de A :
Totalisez le nombre de M :
Totalisez le nombre de J :
Totalisez le nombre de C :
Total 180
66
Comment conduire une négociation ?
En réalisant l’autodiagnostic vous pouvez avoir une idée des tendances à l’œuvre quand vous
négociez :
• toute tendance supérieure à 60 points peut être considérée comme dominante,
• toute tendance inférieure à 30 points peut être considérée comme carencée.
67
Comprendre les enjeux
68
Comment conduire une négociation ?
69
Comprendre les enjeux
70
3
CHAPITRE
Comment se
préparer pour réussir
une négociation ?
71
Comprendre les enjeux
Trouver des arguments pour défendre son point de vue, réfléchir sur les
objections :
Cela revient de façon prévisionnelle à lister les arguments prévisibles
de l’autre de façon à ne pas être surpris.
Penser au contrôle de soi :
La négociation crée un stress, identique à celui de toute épreuve ou
de toute compétition. Incertitude, doute, inquiétude déstabilisent, voire
crispent, inhibent, rendent fébrile. Le savoir, l’admettre, est le moyen
fondamental pour mieux le supporter.
Recadrer une négociation dans le contexte :
––apprendre à relativiser un résultat ou un échec par rapport à l’ac-
quis, à la réalité présente et aux autres ;
––se donner du temps pour réussir, prévoir des étapes ;
––admettre la notion de durée vis-à-vis des perspectives de change-
ment ;
––apprendre à réviser sa manière de s’y prendre quand les événe-
ments évoluent ;
Aménager les conditions matérielles :
––prévoir le lieu (chez soi, chez l’autre, terrain neutre) ;
––choisir le bon moment (timing juste) ;
––fixer la durée (aller vite ou faire durer) ;
––penser au cadre (lieu plus ou moins sobre, luxueux, confor-
table…) ;
––projeter les positions autour de la table (table ronde, face-à-face,
etc.).
Se préparer n’est pas perdre en spontanéité, c’est au contraire se
rassurer en s’impliquant et en prévoyant les évolutions possibles d’une
expérience réputée difficile pour réussir au mieux un arrangement final
satisfaisant de part et d’autre.
72
Comment se préparer pour réussir une négociation ?
73
Comprendre les enjeux
––se renseigner constamment sur ce qu’il peut savoir sur son interlo-
cuteur ;
––s’informer sur le contexte (le « terrain ») dans lequel se déroule la
négociation.
74
Comment se préparer pour réussir une négociation ?
75
Comprendre les enjeux
76
Comment se préparer pour réussir une négociation ?
Ainsi, au cours de l’été 2004, les négociations entre le syndicat Alpa, qui repré-
sente 7500 pilotes, et les dirigeants de la compagnie aérienne Delta Air Lines,
au bord de la faillite, illustrent les difficultés d’ajustement des positions et les
problèmes de convergence au terme d’une négociation. Delta Air Lines a
perdu plus de 3 milliards de dollars entre 2001 et 2004 et effectué 16 000 licen-
ciements. Le premier semestre 2004 s’est terminé sur un déficit net de 2,34 mil-
liards de dollars. Fin décembre 2003, la direction avait fait une offre au syndicat
Alpa pour une baisse de 22 % des salaires (ceux-ci sont les plus élevés de la
profession). Le syndicat Alpa refusa d’aller au-delà de 9 %. En juin 2004, vu la
dégradation de la situation financière, les négociations ont repris sur de nou-
velles bases : 45 % de réductions de salaires demandées par la direction pour
contribuer à sauver la compagnie. Réplique du syndicat Alpa : accord pour
13,5 %. Blocage des négociations. Fin juillet, la situation devenant alarmante,
Alpa proposait 23 % de baisse et des efforts substantiels sur la productivité
(soit selon les pilotes une économie globale de 700 millions de dollars). Alpa
exigeait en contrepartie un plan de restructuration complet de tous les coûts
de la compagnie. Aux dernières nouvelles, la direction affirmait que les efforts
consentis ne suffiraient pas à sauver Delta Air Lines. L’hypothèse d’un impor-
tant plan de restructuration planait à nouveau malgré la dernière offre d’Alpa
(à noter que les 23 % de baisse consentis par le syndicat en juillet 2004 étaient
plus élevés que les 22 % demandés par la direction fin 2003, preuve qu’il vaut
mieux parfois passer un accord même difficile pour éviter le pire plus tard !).
1. B. Jarrosson, De Sun Tzu à Steve Jobs, une histoire de la stratégie, Dunod, 2016.
77
Comprendre les enjeux
78
Comment se préparer pour réussir une négociation ?
79
Comprendre les enjeux
80
Comment se préparer pour réussir une négociation ?
Type de question
8. Sommes-nous en concurrence ?
SOLUTION
1 – F / 2 – O / 3 – I / 4 – I / 5 – I / 6 – O / 7 – F / 8 – F / 9 – I / 10 – O
81
Comprendre les enjeux
Fait F Opinion O
SOLUTION
1 – F / 2 – O / 3 – F / 4 – O / 5 – F / 6 – O / 7 – O / 8 – O / 9 – O / 10 – F
82
4
CHAPITRE
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Comprendre les enjeux
84
Maîtriser les processus de la discussion
85
Comprendre les enjeux
86
Maîtriser les processus de la discussion
87
Comprendre les enjeux
2.1 La polémique
Dans ce type de discussion, les caractéristiques de l’interaction ont
un rapport étroit avec l’affrontement (de polemikos, relatif à la guerre).
Il s’agit d’une confrontation du genre épreuve de force. Les protago-
nistes jouent essentiellement en « contre ». Ils sont sur la défensive. On
observe qu’ils ont réponse à tout, ne cèdent sur rien. La négociation
ressemble à une guerre de tranchées. Le caractère statique n’échappe à
personne. On se craint ; on répond coup pour coup. Les échanges sont
88
Maîtriser les processus de la discussion
vifs. Souvent, le débat porte sur des questions et des problèmes annexes
au sujet de la négociation. Il n’est guère fait allusion à ce que chacun
souhaite : on se bat au sujet de n’importe quoi avant d’aborder la diver-
gence « objective ». C’est en ce sens que l’instance agressive est en acte :
l’agressivité se justifie par une quasi-certitude préalable de l’échec.
À croire que ce que l’on va demander ne sera pas accepté (ce qui peut
être vrai, compte tenu de l’histoire de la relation interpersonnelle ou
d’informations, de « fuites » connues), on entretient un mode d’inte-
raction agressif (c’est la certitude d’une frustration à terme qui explique
le caractère « règlement de compte » de l’échange). Les protagonistes
investissent dans la controverse et la critique. On enregistre les méfaits
de la tension agressive et bientôt l’interaction, de fait, assure elle-même
sa propre existence : les objections appellent les réfutations. Tout n’est
plus qu’une affaire de réparties. Le « jusqu’au-boutisme » de l’un des
protagonistes peut renforcer et consolider le fond d’hostilité mutuelle.
L’absence de rigueur, le caractère stérile et éprouvant d’un débat de
style « joute », sorte de « ping-pong » verbal, quand on était réuni pour
s’arranger et prendre une décision acceptable, exacerbent les tensions
et peuvent conduire à la rupture : séparation en pleine animosité, porte
qui claque, renvoi dos à dos. Une discussion (de mauvaise qualité) s’est
substituée à la négociation : « On a discuté (voire « on s’est disputé »)
mais on n’a pas négocié. » Le détournement de la négociation par
le jeu d’une interaction de type polémique n’est pas rare ; « On sent
quand ça dérape », avouent certains négociateurs expérimentés et ce
n’est pas toujours aisé de redresser la situation. Il faut dire que l’exis-
tence de quelques échanges polémiques pendant une négociation n’est
pas à critiquer ou même à interdire systématiquement. L’effet de purge
peut être salutaire. Quand la polémique est excessive, la négociation a
perdu sa substance : il s’agit d’un simulacre de négociation, on ne dépas-
sera pas le seuil assigné à une telle interaction : tout faire pour ne pas
avoir tort, ne pas perdre, ne rien céder (ne pas mourir… en quelque
sorte). Dans la vie des organisations, des couples comme des assemblées
prêtes à délibérer (conseil municipal, assemblée de copropriétaires), la
tournure polémique des négociations apparaît comme un mal néces-
saire mais coûteux. Dans la dynamique de la négociation (les entrevues
successives), certaines sont entièrement vouées à la polémique : tout
se passe comme s’il fallait s’éprouver avant de s’entendre. Simplement
liée parfois à une inaptitude à communiquer en groupe (on ne s’écoute
pas, on se coupe la parole, on s’emporte trop vite), la négociation de
type polémique est souvent inefficace parce que peu constructive et frus-
trante : on n’aboutit à rien, tout le monde a parlé et pourtant chacun se
sent frustré. Méfait de l’agressivité ou pure naïveté ou incompétence à
89
Comprendre les enjeux
90
Maîtriser les processus de la discussion
91
Comprendre les enjeux
2.3 Le stratagème
Confrontés à une divergence, obligés de tenir compte d’un minimum
d’interdépendance, les protagonistes d’une négociation sont animés
par la volonté d’aboutir à une solution la plus proche de leur objectif.
Angoissés par l’idée de ne pas y arriver ou obnubilés par l’enjeu et la
sensation d’une compétition, ils peuvent être gagnés par la tentation de
manœuvrer, de calculer le moyen le plus efficace en vue de détourner
l’autre de ce à quoi il pouvait aspirer, d’assurer la satisfaction de leurs
intérêts aux dépens de l’autre, voire à son insu. Cela nous amène à consi-
dérer la négociation sous un nouvel angle : celui de la manipulation.
Nous entendons par là qu’il y aura toujours quelque chose de l’ordre
du stratagème dans l’interaction produite par les négociateurs. Ainsi
le sens de manipulation tel qu’il est utilisé ici, n’a plus qu’un rapport
éloigné avec l’origine latine du mot (manus, qui implique l’usage de la
main) : « C’est une manœuvre destinée à modifier le comportement d’autrui, géné-
ralement pour en arriver aux fins des manipulateurs » (A. Dorozynski, 1981).
La manipulation peut s’exercer de manière variée ; nous chercherons à
en distinguer les principales formes puis à décrire les processus les plus
fréquents.
92
Maîtriser les processus de la discussion
penser que l’on est seul capable de décider pour les autres et qu’il
faut les « ramener à la raison » (sa raison à soi) en créant l’illusion de
la référence à leur libre arbitre (faire valoir ce qui est bien pour eux) ;
––un penchant assez fort pour la combine, l’amalgame : noyer le
poisson pour réussir sans trop découvrir ses propres contradictions
(un manipulateur pas au clair avec la manipulation, en quelque
sorte !).
Toujours de l’ordre de la dissimulation et du calcul, la manipulation
empoisonne la négociation : en biaisant, les protagonistes induisent des
comportements défensifs, car il est rare que tout ce qui relève du stra-
tagème ne soit pas un tant soit peu suspect. Si le climat de la négocia-
tion est malsain, c’est qu’en filigrane on devine la machination… même
cousue main. Pas de « crime partait », pas de stratagème parfait.
La manipulation est donc d’actualité dans la pratique de la négocia-
tion parce que celle-ci est par définition (en tout cas c’est le présupposé
de nombreux négociateurs) un théâtre d’influence. La ruse y trouve
toujours son emploi face à (ou au côté de) la force (passage en force)
et à la critique (polémique). Certes, l’emploi présente des nuances et
même des degrés. Condamnables en bloc, les pratiques du bien et du
mal : nous nous attacherons à décrire plus qu’à juger quelques-unes des
formes d’interactions manipulatrices ; celles qui relèvent de la sophis-
tique (de l’ordre du discours et de la parole), de la tactique et du
calcul, de la dissimulation et du « consensus frauduleux », du détour et
de la tromperie.
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
Le recensement des ruses les plus codifiées, celles qui ont acquis
quelques lettres de noblesse, vu leur succès dans la diplomatie, sont à
l’honneur dans les ouvrages qui enseignent délibérément l’influence et
veulent donner des garanties à celui qui veut vaincre.
Parmi les plus courantes on trouve (notamment chez J.-C. Altman,
1980) :
––tactique de la culpabilité : attaquer son adversaire, lui demander des
explications dès sa première « faute » ; lui montrer en dramatisant
l’ampleur du dommage causé, lui rappeler en même temps l’impor-
tance de la mission à laquelle tout le monde doit œuvrer ;
––tactique du prince électeur Maximilien (tactique de la surprise) : établir
un emploi du temps précis ; ne faire part à personne de son opinion ;
placer son adversaire sous la contrainte du temps et de l’action en lui
faisant croire qu’il y a une occasion à saisir ou un danger à conjurer ;
––tactique de Talleyrand : rechercher d’abord les armes de la négocia-
tion (arguments, principes) et la tactique appropriée (répétition) ;
diviser les alliés en exploitant leurs dissensions, leur jalousie et leurs
craintes ; se gagner des alliés en soulignant les intérêts communs ;
––tactique « bel ami » (ou « graine de moutarde ») : formuler ses
souhaits avec précision ; demander à la partie adverse de ne pas
répondre tout de suite ;
––tactique de l’ajournement (dite Lincoln Ford) : n’accepter ni les argu-
ments ni l’alternative de son adversaire ; remettre à plus tard sa
propre argumentation au sujet de la véritable question ; soumettre
à la décision la question principale en la formulant différemment.
J.-C.Altman cite également les procédés du milliardaire américain
Howard Hughes : ne pas craindre de négocier avec les « espoirs » des
autres, imposer des délais impératifs, créer une atmosphère glaciale
quasi insupportable. Les négociateurs rusés promettent de grands
profits et des occasions uniques : ils parlent aux sentiments pour
endormir l’esprit critique. Ils sont bien mis pour inspirer confiance,
97
Comprendre les enjeux
ont toujours quelques réussites honnêtes à leur actif ; ils ont toujours
une offre exclusive à faire pour laquelle ils sont très sollicités.
Faut-il encore rappeler, parmi les ruses, les « grosses » ficelles des
« routiers » de la négociation :
––forcer la main en mettant l’adversaire au pied du mur pour l’obliger
à prendre une décision ;
––forcer la main en imposant sans consultation sa décision (« prenez
un crayon… et écrivez… ») ;
––rejeter une décision importante sur une tierce personne faisant
autorité ;
––répéter avec aplomb (matraquage) une affirmation (même fausse
ou contestée) ; la ténacité et la fermeté font œuvre de persuasion
(venir à bout de l’autre).
Quand la négociation évolue sur le mode du stratagème, l’interac-
tion est riche en manœuvres visant pour l’essentiel la déstabilisation :
« Effet de surprise, production de faits nouveaux, changement de plan dans la
discussion, renversement de position, pivot factice, dérobades, renvoi continuel à
d’autres instances, alibis, feintes, camouflages, rétention d’information, incar-
tades, silences, fuites organisées, absences délibérées, échanges «marathon»… »
(C. Dupont, 1982).
G. I.Nieremberg (1970) évoque les ruses du moment et du lieu favo-
rables et dénombre plusieurs orientations :
––la longanimité (« attendre dans la hâte », faire jouer le temps, ne
pas être presse, tactique du « sage ») et son contraire, le « coup de
tête » ;
––le fait accompli ;
––l’effet de surprise ;
––faire machine arrière ;
––le repli simulé ;
––le salami (petit à petit l’oiseau fait son nid) ;
––le tir en fourchette (tirer autour de la cible avant de mettre dans le
mille) ;
––l’aveuglette (« Devine dans quelle main est la pièce ? »).
Le stratagème défie l’avenir de la relation (en ce sens, il met la
négociation de type manipulation hors du champ de la négociation
coopérative) ; il incite aux représailles. On se méfie du rusé, on l’évite.
L’interaction de type stratagème est un mode d’échange éprouvant, non
sans dommages.
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Maîtriser les processus de la discussion
99
Comprendre les enjeux
2.4 La disqualification
La recherche du mal n’est pas absente de la pratique sociale de la
discussion tant entre les groupes qu’entre les personnes. Cela nous
autorise à considérer un dernier type d’information possible entre des
protagonistes : la disqualification. À tel point qu’il faut que la loi s’en
mêle quand la tournure conflictuelle est estimée contre-productive. En
juin 2011, l’annonce d’une réforme pour encadrer les relations entre les
grands groupes industriels et les sous-traitants répondait à la volonté de
diminuer les risques de destruction d’emplois chez les fournisseurs.
La peur règne sous l’effet de pratiques intimidantes. « C’est de l’escla-
vage. Il faut plier sous le joug pour survivre2 » témoigne un patron d’une
PME de 200 salariés, victime de clauses ressenties comme abusives
(baisse de tarif de 3 % par an, obligation de s’aligner si le client trouve
moins cher ailleurs en cours de contrat, obligation d’acheter de
nouvelles machines, obligation de fournir un décompte précis de tous
les coûts).
Nous entendrons par disqualification toute transgression délibérée
du principe d’intégrité et de légitimité des personnes se confrontant.
Disqualifier consiste donc pour l’essentiel à dépasser les interdits admis
par l’éthique, le système de valeurs, le cadre juridique… Bien entendu,
il nous faudra envisager des degrés différents de perversité en analysant
les interactions de type « disqualification ». L’ironie, la calomnie et la
menace n’ont pas la même force destructive. Néanmoins, la malveillance
systématique est l’essence même de la disqualification.
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
En résumé
Négocier c’est aussi voir clair dans les scénarios à risque que sont la polémique,
le passage en force, la manipulation et la disqualification, et savoir y faire face.
–– Être combatif sans être agressif
–– S’engager, s’affirmer et faire preuve de ténacité est légitime pendant la
négociation sans qu’il soit nécessaire d’attaquer, de s’opposer ou de réfuter
systématiquement.
–– Faire preuve de maturité
–– Être vigilant quant aux échanges présentant les plus forts signes d’in-
fluence sans chercher à surenchérir. Observer le climat de la négociation de
manière objective pour pouvoir réagir à bon escient.
–– Calmer le jeu
–– Temporiser à chaque fois que la négociation prend une tournure conflic-
tuelle en exploitant notamment les ressources de la discussion constructive.
–– Recadrer pour ramener la négociation à la recherche d’un arrangement
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
Exemple
L’un de nos collègues, Jean, contremaître est monté sans son casque
sur un échafaudage pour contrôler les travaux à la fin du chantier. Il
a glissé et s’est ouvert le crâne sur cinq centimètres. Notre collègue
Robert en sortant de notre parking en voiture, sans sa ceinture de sécu-
rité, a lui été heurté par une camionnette et s’en sort avec une fracture
au poignet. Aucun des deux n’avait respecté les règles basiques de
sécurité. Les accidents du travail concernent tout le monde. C’est pour
cela que nous devons rappeler les consignes lors de chaque réunion et
insister sur le respect absolu des règlements.
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
4. Pierre Oléron (1915-1995) était agrégé de philosophie et fut professeur de psychologie à la Sorbonne.
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5. E. Vigneron, Les inégalités de santé dans les territoires français, Elsevier Masson, 2011.
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
banques depuis 2008). Jean Belanger dans son livre Technique et pratique
de la parole en public signalait à juste titre que la recette pour « une bonne
induction » tient finalement au nombre de faits, à la bonne qualité des
exemples, et à la prudence pour éviter ce qui pourrait ne faire valoir
que sa valeur probabiliste (se méfier du contre-exemple qui pourrait
infirmer la règle).
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
6. Connu également sous le nom de Guillaume d’Ockham, franciscain philosophe logicien et théologien scolastique
anglais (1285-1349).
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Maîtriser les processus de la discussion
Ou
Les papous sont des hommes,
or Socrate est un homme,
donc Socrate est papou.
D’autres raisonnements déductifs conduisent à des conclusions
tendancieuses si on n’y prend pas garde. Dans la pièce de théâtre La
Méthode Grönholm7, qui met en scène une pratique imaginaire et
sulfureuse de recrutement dans une entreprise, la conclusion de l’un
des dirigeants se montre pour le moins caricaturale : « Pour réussir, il
faut s’adapter au système. Or l’entreprise est un univers impitoyable,
donc il faut faire preuve de cynisme ». En conséquence, la décision de
recrutement se fera en faveur de la personnalité la plus cynique suite aux
épreuves insolites proposées aux candidats… Une logique qui a de quoi
faire réfléchir !
On ne peut pas reprocher au raisonnement syllogistique de ne pas
faire réfléchir. Au contraire, si on ne succombe pas aux mirages de
la déductibilité, ce type de raisonnement devrait susciter un regain
d’écoute critique et lucide8.
7. La pièce du Catalan Jordi Galceran a été un phénomène dès sa création en Espagne en 2003. Son adaptation au
cinéma a connu un réel succès. La méthode Grönholm révéla non sans humour les pires pulsions humaines en mettant
en scène un test psychologique d’une rare perversité.
8. Pour approfondir les modes d’argumentation : Les techniques d’argumentation les plus sûres de Lionel Bellenger,
chez ESF sciences humaines.
9. S. Toulmin, The Uses of Argument, Cambridge University Press, 1958.
113
Comprendre les enjeux
10. data : en anglais, information connue dont on peut tirer quelque chose.
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
11. Célèbre exemple de S. Toulmin rapporté par E. Danblon, La fonction persuasive, anthropologie du discours rhéto-
rique : origines et actualités, Armand Colin, 2005.
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Maîtriser les processus de la discussion
◗◗L’argumentation pragmatique
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Comprendre les enjeux
fier avec des avantages de moins en moins évidents, « il tend des verges
pour se faire fouetter ! ». Par ailleurs, cette méthode de l’argumentation
pragmatique conduit vers une réflexion souvent spéculative : comment
choisir, classer, hiérarchiser les avantages ou les inconvénients pour
augmenter leur valeur persuasive ?
Enfin, une variante de l’argumentation pragmatique tient à l’usage
de juger de la vérité d’une opinion ou d’un fait par le caractère avan-
tageux de ses conséquences ou de sa mise en œuvre (la publicité est
utile parce qu’elle fait vendre). Cela revient à imposer le succès comme
critère de vérité. Le raisonnement causal nous amène à justifier une
conduite ou un comportement en fonction de l’utilité de ses consé-
quences. Par exemple, la discipline des Français sur la route doit nous
permettre de réaliser des économies d’énergie et des économies dans le
domaine des dépenses sociales dues aux accidents.
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Maîtriser les processus de la discussion
13. C’est le site Mediapart qui a lancé les révélations concernant le salaire et les superbonus de R. Descoings.
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Comprendre les enjeux
14. En mars 1978, le naufrage du supertanker immatriculé au Libéria, en face des côtes bretonnes du village de Portsall
déclenche une des pires catastrophes écologiques de l’histoire : 220 000 tonnes de pétrole brut iranien vont polluer 400
kilomètres de côtes.
15. Dans le séminaire d’Alex Mucchielli, Les réactions de défense dans les relations interpersonnelles, la justification et
l’excuse sociale font partie de la longue liste des procédés utilisés pour paraître « innocent, dans son droit, juste, raison-
nable, digne de considération et d’estime ».
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
18. Harry Stack Sullivan, psychiatre et psychanalyste américain (1892-1949), est l’auteur d’une théorie interpersonnelle
de la psychiatrie. Pour lui, la psychiatrie est l’étude de ce qui se passe entre les personnes. Il a développé le concept
du « moi conditionné » et privilégié deux sources de motivation : la recherche de la satisfaction et la recherche de la
sécurité. Pour H. S. Sullivan, la maladie mentale serait le résultat d’une communication inadéquate (voir son livre : La
schizophrénie, un processus humain, Érès, 1998).
19. In Pratique de la dialectique, séminaire déjà cité, paru dans cette même collection mais épuisé.
20. L’éristique caractérise un échange argumentatif agressif où l’enjeu est d’avoir le dernier mot à tout prix.
124
Maîtriser les processus de la discussion
Topiques, ne traite pas des questions selon la vérité, mais selon l’opi-
nion ; c’est-à-dire qu’il manie des prémisses probables (sans connotation
péjorative) : les endoxa (des opinions admises). Maîtriser le raisonne-
ment dialectique apparaît ainsi comme une forme enrichie de l’art de
l’argumentation (la gymnasia). L’esprit dialectique postule un supplé-
ment de réflexion à travers la discussion et une orientation vers la résolu-
tion des contradictions.
L’esprit dialectique désigne un sens entraîné de la synthèse qui
dépasse les oppositions. Son critère : la pertinence21, une pertinence
comprise comme l’expression. Les tenants de la pensée dialectique
soutiennent comme Habermas22, que la communication est orientée vers
l’entente. C’est une vision louable malheureusement contredite par la
tournure de bien des débats politiques, de discussions interpersonnelles
conflictuelles ou de négociations sans issue dans le monde du travail.
L’esprit de synthèse nécessite une volonté de dépassement des contra-
dictions pas forcément partagée. C’est un vrai projet prometteur que de
chercher à s’ouvrir à l’esprit dialectique.
Ce souffle nouveau de la pensée dialectique peut nous conduire à
réformer nos habitudes mentales en matière d’argumentation. Ni pour
ni contre (bien au contraire) comme l’exprime le titre du film de Cédric
Klapisch (2003). S’ouvrir à l’esprit de la dialectique, c’est sortir du
raisonnement binaire (« J’ai raison, vous avez tort »).
Exemple
Les mesures de sécurité dans l’entreprise, c’est souvent contraignant.
Pourtant la sécurité s’impose si on veut respecter à la fois les autres, soi-
même et l’environnement. Regardons ensemble les mesures que l’on
peut intégrer progressivement pour faciliter la transition vers un travail
mieux sécurisé.
21. Voir le courant de « La Nouvelle Dialectique », proche de l’École d’Amsterdam. F. van Emeren, R. Grootendorst, La
Nouvelle Dialectique, Kimé, 1996.
22. J. Habermas, Vérité et justification, Gallimard, 2001.
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
modèle généralisation
illustration
modèle
sorite modèle
enthymème
subsomption
la « philosophie dialoguée »
24. Federico Enriques (1871-1946), mathématicien italien qui fut un des acteurs majeurs des fondements de la nouvelle
épistémologie du XXe siècle, qui lutta contre les préjugés antiscientifiques et n’eut de cesse de rapprocher philosophie
et science.
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
Exemples :
––la peur est une émotion (1) qui nous incite à fuir ou à nous protéger
devant ce que nous percevons comme un danger (2) ;
––la justice est une vertu sociale (1) qui commande à chacun de
garantir ce qui lui est dû et qui avait été promis (2).
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Comprendre les enjeux
La définition essentialiste
Fidèle à l’intuition d’Aristote, elle privilégie l’essence des choses,
c’est-à-dire les propriétés fondamentales qui caractérisent et différen-
cient le sens du terme à définir (par exemple, les caractéristiques qui
définissent le quartz et rien d’autre que le quartz). Appliquée à des
notions (performance, efficacité, etc.) ou des valeurs (justice, respect,
etc.), l’exercice de cette forme de définition se révèle particulièrement
exigeant (mais utile).
Elle procède en deux temps :
1. Remplacer le terme à définir dans son domaine d’appartenance
(ou sa classe ou catégorie d’objets) le plus précis (1).
2. Identifier sa différence spécifique et la formuler (2).
• la peur est une émotion (1) qui nous incite à fuir ou à nous
protéger devant ce que nous percevons comme un danger (2) ;
• la justice est une vertu sociale (1) qui commande à chacun de
garantir ce qui lui est dû et qui avait été promis (2).
La définition ostensive
Pratique particulière briguée par certains débateurs qui veulent créer
un impact fort ; elle consiste à désigner quelque chose par un geste
souvent péremptoire et proclamer : « c’est, ça… ».
Elle procède comme par un non-dit qui appelle une substitution :
––« Fukushima, c’est ça l’irresponsabilité. »
––« Outreau, c’est ça l’injustice. »
––« Le contrat de génération25, c’est ça la solidarité. »
La définition ostensive offre une totale économie sémantique. Plus
besoin de mots pour définir. Son architecture par nature caricaturale lui
confère sa force mais en même temps ses limites. Son audace peut faire
mouche, tel cet homme politique participant à un débat houleux chargé
d’invectives, qui en profite pour prendre une posture « meta » et qui
dénonce : « c’est ça que je dénonce, la polémique qui nous éloigne du
vrai débat démocratique ! ».
25. Mesure avancée par le candidat François Hollande qui consiste à alléger les charges sociales lorsqu’une entreprise
décide de conserver dans l’emploi un « senior » et à embaucher un « jeune » tout en assurant son intégration (cam-
pagne présidentielle 2012).
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Maîtriser les processus de la discussion
◗◗Utiliser la comparaison
Pour prouver qu’une chose est bonne, pratique, efficace, utile, qu’un
résultat est satisfaisant, qu’une opinion est valable, nous usons de la
comparaison. Cela revient à montrer que cette chose, ce résultat ou cette
opinion, sont semblables, différents, meilleurs ou supérieurs, à d’autres
qui leur sont comparables.
1. La force du « comme » et du « à la manière de »
Comparer consiste à faire un rapprochement entre deux réalités par
l’intermédiaire du lien explicite « comme » ou de ses substituts : « de
même que, semblable à, pareil à… ». Toute comparaison comporte donc
deux termes : le comparé et le comparant réunis par une liaison. La
comparaison offre un large panel de possibilités. Elle permet de désigner :
––une ressemblance (comme, de même que, ainsi que, semblable à,
pareil à, à l’exemple de, à l’instar de, à l’égal de…) ;
––un rapport d’égalité (tel, le même, ainsi, si tant, autant…) ;
––une différence (autre, meilleur, pire, plus, plutôt, moins, selon,
dans la mesure où…).
Exemple
« Manager seulement pour le profit revient à jouer au tennis en regar-
dant le tableau des résultats plutôt que la balle. »26
131
Comprendre les enjeux
27. Geneviève Dormann, née en 1933, est journaliste et écrivaine. Elle a reçu le grand prix du roman de l’Académie
Française pour Le Bal du dodo paru en 1989.
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Maîtriser les processus de la discussion
28. Henri Amouroux, mort en 2007, fut historien et journaliste et président du prix Albert-Londres.
29. Ouvrage paru en 1977 chez Denoël.
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
◗◗Décrire et raconter
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
tous ses futurs adversaires dans des courses précédentes doit gagner
la prochaine (logique des pronostics). » ; « La méfiance engendre la
méfiance. » ; « Le sourire entraîne le sourire. » ; etc.
Quand on affirme que ce qui vaut pour le tout vaut pour la partie,
on argumente par inclusion. On retrouve ici le thème qui engendre de
façon usuelle le principe de généralisation.
L’inclusion sert à établir et à faire respecter les règlements et les
usages : « L’ensemble des employés acceptent d’utiliser leur voiture
personnelle pour les déplacements professionnels, vous utiliserez égale-
ment la vôtre ? ».
Ce type d’argument suppose admise la supériorité du « tout » ou
de « l’ensemble » sur la partie ou l’individu. C’est l’argument de John
Locke30 quand il affirme que « rien de ce qui n’est pas permis par la loi à toute
l’Église ne peut par aucun droit ecclésiastique devenir légal pour aucun de ses
membres ». On se sert encore de l’inclusion pour stimuler le joueur d’une
équipe de football qui n’a pas confiance en ses moyens : « L’équipe
tourne bien, elle a les moyens de remporter le titre, tu dois toi aussi,
croire au succès. »
30. John Locke (1632-1704) était un philosophe anglais. Voir M. Parmentier, Introduction à l’Essai sur l’entendement
humain de Locke, PUF, 1999.
140
Maîtriser les processus de la discussion
31. Réplique célèbre du ministre socialiste Jean-Pierre Chevènement qui démissionnera à la suite de la « parenthèse
libérale » décidée en 1983 et intolérable à ses yeux.
141
Comprendre les enjeux
Cet argument isolé est bâti sur les chances de réalisation d’un événe-
ment, d’un fait, d’un comportement. Il fait usage des proportions, des
pourcentages. Plus profondément, il tient sa crédibilité de notre attrait
pour l’empirisme. Il vaut aussi par le fait que « l’absolu » est rare et que
quelque chose n’est souvent que probable ! De plus, le principe de la
démocratie nous enseigne à accepter les règles et les décisions dès que
la majorité des gens (51 %) ont opté pour elles. La vérité se rapproche
alors du principe majoritaire : devient vrai ce qui a été choisi par une
bonne majorité de gens.
La majorité des Suisses est favorable au maintien des quatre semaines de
vacances et refusent le passage à six semaines proposé lors d’une « votation » en
mars 2012 par les syndicats ! (67 % ont rejeté l’initiative). Compte tenu de la
bonne santé économique de la Suisse, il se dit que la France, avec ses difficultés,
sa dette, ses déficits sociaux, son chômage et ses 35 heures a joué le rôle de contre-
exemple à ne pas suivre. De plus, bien que travaillant 42,4 heures en moyenne par
semaine, les Suisses sont deux fois moins absents au travail (8,5 jours/an pour les
salariés français en moyenne).
Pour Pascal, « Le pari » consiste à dire aux incrédules : « Même si
la probabilité de la vie éternelle est infime, vous avez intérêt à choisir
qu’elle est vraie et à y croire. » On nous pardonnera la comparaison,
mais c’est aussi l’argumentation des assureurs : l’accident est impro-
bable, mais vous avez intérêt à vous payer une bonne assurance. Les assu-
reurs établissent d’ailleurs des proportions entre les risques d’accident
et les heures de circulation, les périodes où ils se produisent, l’âge du
conducteur… La loterie nationale avance qu’une personne sur quatre
qui joue a des chances de gagner ou d’être remboursée.
De façon plus soignée, l’argument par le probable cherche à déclen-
cher la décision en mettant en relation la valeur de l’enjeu et les chances
combinées de gains et de pertes dans l’affaire en question. Les statis-
tiques constituent alors l’outil de travail privilégié de l’argument par le
probable (très utilisé en marketing et en politique). Très empirique-
ment, il est admis que « deux opinions valent mieux qu’une ». C’est la
142
Maîtriser les processus de la discussion
Définition • Incompatibilité
• sens • Réciprocité
• notion • Transitivité
• slogan • Règle du précédent
• Inclusion
Comparaison
• Partition
Analogie, métaphore • Probabilité
Description, narration
Les preuves
Les faits interprétés
Les chiffres
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
32. Jean Viard lors des États Généraux du Renouveau, à Grenoble le 9 juin 2010. Jean Viard est l’auteur de Fragments
de l’identité française, éditions de l’Aube, 2010.
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Comprendre les enjeux
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
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Maîtriser les processus de la discussion
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Comprendre les enjeux
◗◗Le dilemme
35. Cette locution date du XVIIIe siècle. Elle a été rendue célèbre par Lewis Carroll dans Alice au pays des merveilles. Le
communiste Jacques Duclos l’a rendue populaire en 1969 en l’appliquant aux candidatures de Georges Pompidou et
Alain Poher à la présidentielle.
152
Maîtriser les processus de la discussion
Argumentation Argumentation
Explication
pratique contraignante
36. Pour approfondir l’argumentation contraignante, voir dans cette collection l’ouvrage Les techniques d’argumentation
les plus sûres.
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Comprendre les enjeux
37. Voir J.-C. Anscombre, O. Ducrot, L’argumentation dans la langue, Mardaga, 1983.
154
Maîtriser les processus de la discussion
Dans le même ordre d’idée, l’un des plus forts opérateurs de convic-
tion, « vraiment », contribue à renverser négativement la valeur argu-
mentative d’une proposition quand il est associé à l’interrogation « est-
ce que ? ».
––Est-ce que vous croyez vraiment qu’il faut faire confiance à cette
étude ?
––Est-ce que vous avez vraiment approfondi ce dossier ?
––Est-ce qu’il y avait vraiment des raisons de refuser ce deal ?
155
Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
38. Le 1, n° 35, 3 décembre 2014 ; L’art de gouverner, Le Gaulois, 1er novembre 1881
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Comprendre les enjeux
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Maîtriser les processus de la discussion
nourri d’un jugement déjà établi : « Tu es en faute… Vous n’avez pas fait
ce qu’il fallait »… Ces questions irritent (surtout à forte dose) et mettent
en tension le système défensif : elles appellent des réponses qui sont
rarement le fruit du meilleur de l’autre (pour se défendre on dit parfois
n’importe quoi et on fabrique des prétextes capables d’envenimer la
relation).
Le harcèlement des « pourquoi ? » provoque un maximum de
comportement défensif qui fige la relation sous l’angle de la justifica-
tion. Cette communication « coups de boutoir » est source de tension
et d’incompréhension alors que le projet était d’élucider (rationalité
perdue du « pourquoi ? ») :
––Pourquoi les statistiques du mois ne sont pas encore sorties ?
––On a reçu en retard les résultats des bureaux de province.
––Mais pourquoi vous n’exigez pas d’eux une date limite ?
––En général, ils respectaient bien les délais…
––Alors pourquoi cette fois-ci, on n’a rien ?
––Je vous dis que c’est seulement arrivé le 30 au soir pour le dernier
bureau.
––Encore une fois, pourquoi vous n’exigez pas une date limite ?
La pression des « pourquoi ? » crée un climat de véhémence. En
même temps qu’un reproche, le « pourquoi » culpabilisateur fait passer
un ordre indirect : le « pourquoi tu n’as pas fait ça » signifie « mainte-
nant fais-le ». Cependant en donnant tort, le « pourquoi » culpabilisa-
teur ne facilite pas un retour vers une relation constructive, coopérative
d’entente. L’autre s’acharne plus à se défendre, ce qui peut engendrer
des processus d’escalade. Certaines questions de culpabilisation fonc-
tionnent dans le dialogue, comme on intente un procès : « mais pour-
quoi n’a-t-on pas pu prévoir que cette décision tomberait au mauvais
moment ? Pourquoi personne ne s’est manifesté quand on a décidé de
vendre ce paquet d’actions ? Pourquoi ne pas avoir été prudent dans
cette affaire ? ». Lancinante, enroulée sur elle-même et saturée par des
réponses explicites fournies (et une accusation implicite), ce type de
question met au pied du mur comme un réquisitoire : elle déclenchera
un silence écrasant ou la réplique agressive d’un contestataire.
159
Comprendre les enjeux
160
Maîtriser les processus de la discussion
personne. Devine combien il gagne, tu ne peux pas imaginer ce que ça fait . » Les
auteurs de ce genre de questions pièges prouvent qu’ils conçoivent leur
rapport aux autres comme un rapport de force. 40
◆◆Ouvrir sur l’inconnu : « Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? » est
une question souvent posée par les conseillers d’orientation à un lycéen
en terminale, en écho, peut-être à la même interrogation soufflée à leurs
adolescents par pas mal de parents aux abois. Elle fonctionne comme un
piège car elle risque de déboucher sur un « grand vide existentiel » comme
le note Jean-François Dortier 41. Si on ose la question à l’élève il convient,
côté conseiller, de s’en poser une autre : « Comment donc s’orienter
quand les aspirations sont encore incertaines, que l’avenir est opaque et
le chemin pas très bien balisé ? Pour J.-F. Dortier, « la solution est d’accepter
que l’avenir soit ouvert, qu’il ne se réduit pas à un choix initial décisif, mais sera
une construction permanente, où des motivations multiples se façonnent au fil du
temps en traçant leur voie dans un champ des possibles ». Grâce à ce chemi-
nement on évitera de condamner les réponses à la question piège, en
forme de « je n’en sais rien !… » Preuve donc que la question piège peut
commettre des dégâts si on ne s’interroge pas soi-même simplement sur
la possibilité de la question.
◆◆Blâmer : et les dégâts peuvent être considérables quand le ressenti
des questions, comme des réponses bascule dans l’insulte, le blasphème
ou le blâme. L’affrontement à fleurets mouchetés entre le journaliste
Nicolas Demorand et l’avocat Maître Dupond-Moretti 42 dans la mati-
nale de France Inter, au lendemain du procès de Abdelkader Merah, en
fournit un exemple spectaculaire. À l’avocat, qui après avoir reconnu
que la mère d’Abdelkader Merah « avait menti », ajouta « elle a quand
même perdu un fils et l’autre est en taule », Nicolas Demorand répliqua vive-
ment : « Vous ne trouvez pas ça obscène de le dire comme ça ? » S’ensuivit un
échange violent :
––« Éric Dupond-Moretti - Pourquoi, ce n’est pas une mère ? Ce qui
est obscène c’est de dénier que c’est une mère. Ce n’est pas une
vache qui a vêlé.
––Nicolas Demorand - Jamais dit ça !
––EDM - Votre question est obscène. Je ne pensais pas que vous me la
poseriez !
––ND - La réaction des parties civiles en entendant ça, vous la classez
aussi dans l’obscénité ? EDM - Pas du tout, monsieur.
––ND - Alors pourquoi moi et pas eux ?
40. Propos rapportés par F.-O. Giesbert, M. le Président : scènes de la vie politique 2005-2011, Flammarion, 2011.
41. Revue Sciences Humaines, n° 216, juin 2010
42. É. Dupond-Moretti est l’auteur du livre Directs du droit avec S. Durant-Souffland, Michel Lafon, 2017.
161
Comprendre les enjeux
––EDM - Je vais vous dire pourquoi monsieur ; parce qu’eux ont tous
les droits, ils sont dans le chagrin.
––ND - J’ai le droit de vous poser des questions.
––EDM - Parce vous êtes un commentateur.
––ND - Interviewer, je pose des questions.
––EDM - Pardonnez-moi, je ne connais pas tous les termes techniques.
Vous devez avoir du recul comme les juges.43 »
Ainsi l’atmosphère délétère du procès trouvait un écho jusque dans le
studio de France Inter après que l’avocat qui avait déclaré que c’était un
« honneur pour lui d’avoir défendu Abdelkader Merah » eut avoué en
« avoir pris plein la gueule » comme si les questions posées ne pouvaient
que restituer la sidération du public face à l’indignation et l’incompré-
hensible. Preuve que nos questions sont bien les dépositaires de ce qui
nous occupe et nous obsède.
43. France Inter, le 7-9 du 3 novembre 2017, animé par Nicolas Demorand.
162
Maîtriser les processus de la discussion
163
Comprendre les enjeux
164
Maîtriser les processus de la discussion
165
Comprendre les enjeux
44. Voir R.-V. Joule, J.-L. Beauvois, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, Presses Universitaire de
Grenoble, 2002.
166
Maîtriser les processus de la discussion
167
Comprendre les enjeux
45. Il était très apprécié et soutenu successivement par R. Nixon, R. Reagan puis G. W. Bush et B. Clinton. Milton
Friedman, père du monétarisme, le considérait comme le meilleur gouverneur de la FED… jusqu’à la crise de 2008. Il l’a
dirigée jusqu’en janvier 2006.
46. Voir le livre de K. Schulz : Being Wrong. Adventures in the Margin of Error, Portobello, 2011 ; ainsi que l’ouvrage plein
d’humour d’A. Toscano : Ces gaffeurs qui nous gouvernent, Fayard, 2011.
168
Maîtriser les processus de la discussion
169
Comprendre les enjeux
170
Maîtriser les processus de la discussion
Pour ajouter de plus, et, non seulement, de surcroît, également, mais encore, ainsi
des arguments que…
Pour énumérer d’abord, tout d’abord, de prime abord, en premier lieu, en second lieu,
après, ensuite, puis, enfin, pour conclure…
171
Comprendre les enjeux
Pour alterner ou, soit… soit…, tantôt… tantôt…, d’une part… d’autre part…, d’un
des arguments côté… de l’autre…
Pour désigner afin que, pour que, de peur que, en vue de, de façon à ce que…
des arguments
Pour comparer de même que, comme, ainsi que, autant que, semblablement, pareillement,
des arguments plus que, moins que, selon que, suivant que, comme si…
Pour justifier car, en effet, effectivement, comme, parce que, puisque, vu que, attendu
que, grâce, à cause de, en égard à, en raison de, du fait que, dans la
mesure où, sous prétexte que…
Pour supposer si, au cas où, à condition que, pourvu que, à moins que, en admettant que,
pour peu que, à supposer que, dans l’hypothèse où, probablement, sans
doute, apparemment…
Pour déduire donc, aussi, alors, ainsi, par conséquent, si bien que, d’où, en conséquence,
par suite, c’est pourquoi, de sorte que, en sorte que, de façon que, si bien
que, tant et si bien que…
Pour démon- car, c’est-à-dire, en effet, parce que, en sorte que, mais encore, du fait de,
trer non seulement…
Pour lier des alors, ainsi, aussi, d’ailleurs, en effet, de même, puis, ensuite, en outre, de
arguments plus…
Pour opposer mais, cependant, or, en revanche, alors que, pourtant, par contre, tandis
des arguments que, néanmoins, en dépit de, malgré, au lieu de…
Pour illustrer par exemple, comme ainsi, c’est ainsi que, c’est le cas, notamment, en
particulier, entre autres, à l’image de, comme le souligne, tel que…
Pour faire une malgré, en dépit de, quoique, bien que, alors que, quel que soit, même si,
concession ce n’est pas que, certes, bien sûr, évidemment, toutefois, il est vrai que…
Pour conclure en conclusion, pour conclure, en somme, bref, ainsi, donc, en résumé, par
conséquent, finalement, enfin, en définitive…
172
Maîtriser les processus de la discussion
OUI NON
1. Vous arrive-t-il d’insister en reprenant le même argument ?
2. Aimez-vous convaincre en montrant à l’autre qu’il a tort ?
3. Vous arrive-t-il de vouloir avoir le dernier mot ?
4. En général, savez-vous vous armer de patience pour expliquer
les choses ?
5. Utilisez-vous des arguments d’intimidation pour convaincre ?
6. Faut-il tenir compte des objections pour accepter de modifier
sa position ?
7. Selon vous faut-il imposer son point de vue avec fermeté ?
8. Peut-on critiquer une personne qui n’est pas d’accord ?
9. Est-il bon de céder au chantage ?
10. Doit-on adapter ses arguments à ses interlocuteurs ?
SOLUTION
genre d’attitudes fera dégénérer vos discussions vers des polémiques stériles.
avez sans doute acquis de mauvais réflexes dont il faut vous débarrasser. En effet, ce
• Si vous avez plus de 5 erreurs : vos pratiques de discussion doivent être revues. Vous
mesure d’adopter l’attitude la plus appropriée et d’établir des échanges satisfaisants.
ment et vos pratiques quand vous échangez avec votre entourage, vous serez ainsi en
prenant pas assez en compte votre interlocuteur. Prenez du recul sur votre comporte-
• Si vous avez entre 2 et 4 erreurs : il vous faut analyser les risques que vous créez en ne
constructive. Continuez sur votre lancée.
• Si vous avez moins de deux erreurs : vous avez déjà de bonnes pratiques de discussion
X 10 X 5
X 9 X 4
X 8 X 3
X 7 X 2
X 6 X 1
NON OUI NON OUI
173
5
CHAPITRE
Augmenter l’aisance
relationnelle des échanges
175
Comprendre les enjeux
Et c’est loin d’être commode : par exemple, on sait que la prise de rôle
d’expert peut parfois mal passer autant avec des profanes qu’avec des
experts… surtout si ce rôle d’expert était associé à un rôle occasionnel
de « donneur de leçons ».
Pour alimenter l’aisance relationnelle concernant cet art du posi-
tionnement (rapport de place) on peut suggérer quelques critères
pratiques :
––Adopter un positionnement solidaire de complémentarité ou de
différenciation : dans le premier cas, cela revient à gommer les déca-
lages et les différences, dans le second cas, cela revient à donner son
propre point de vue sans agressivité et sans contraindre l’autre à
l’adopter d’emblée.
––Prendre conscience du positionnement stratégique que l’on va
prendre : dans ce cas, on va orienter son rapport dans le sens ou bien
d’obtenir un succès (compétition) ou bien de favoriser la compré-
hension (coopération). On observera que le mélange des deux voies
n’est pas rare (et souhaitable) et que c’est même la règle. Cependant,
l’aisance relationnelle tient justement à l’art du dosage entre compé-
tition et coopération (trop de pression et pas assez d’efforts pour
écouter et comprendre ; trop d’attention et d’empathie, pas assez
de détermination et de volonté pour avancer et aboutir). Quand
ça marche c’est que le dosage était perçu selon une représentation
acceptable : « Il était légitime qu’après m’avoir fait bien comprendre
les avantages d’une initiation à l’informatique, il insiste un peu pour
que je fasse une première expérience en m’inscrivant à un stage ».
176
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
2. Accentuer le contact
Communiquer requiert un contact, un canal physique et une
connexion psychologique entre celui qui parle et les autres (interlocu-
teur ou auditoire). C’est la fonction phatique du langage. Elle corres-
pond à l’habitude ou à la volonté « d’accentuer le contact », c’est-à-dire
de chercher à attirer l’attention de l’interlocuteur ou à s’assurer qu’elle
ne se relâche pas.
« Quand on sait entendre, on parle toujours bien », disait Molière.
177
Comprendre les enjeux
178
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
179
Comprendre les enjeux
180
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
◗◗Causer ad hoc
181
Comprendre les enjeux
◗◗Pour conclure
182
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
Quand le langage a des manies ce n’est pas bon pour la force de l’ar-
gumentation : le propos se dilue, se banalise.
Au fil des ans des tics de langage s’imposent à la façon des modes. On
a connu la vogue du « quelque part ». Plus tard s’est abattu le préten-
tieux « je veux dire » afin de rendre plus pénétrant en apparence ce
3. Gallimard, 1968.
183
Comprendre les enjeux
qui n’était pas forcément clair, mais loin de là. Au chapitre des expres-
sions toutes faites et des bouche-trous on a vu se développer, depuis
1995, les formes « cela étant dit » et « pour autant » (plus modernes que
« par contre » et « en revanche », peut-être ? !). Et depuis le début du
XXIe siècle nous sommes submergés par « du coup » qui fait office de
« en conséquence » ou « donc ». Le négociateur aura tout intérêt à véri-
fier ses tics de langage au risque de perdre en impact.
Quand une personnalité passe bien c’est qu’elle utilise des termes
dans lesquels ses interlocuteurs se retrouvent. Les gens coconstruisent
cette validation pendant que les paroles s’égrènent, et en ce sens ils parti-
cipent au processus d’influence. L’aisance relationnelle reste adossée à
une bonne maîtrise des mots et de la langue. Faire simple, direct, sobre
reste des valeurs sûres.
4. D’après Olivier Piot, « Tics de langage, signes d’appartenance », Le Monde,13 mars 1996.
184
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
Pour convaincre rien ne vaut les mots simples, directs et précis. Il est
recommandé de se démarquer des expressions à la mode et des jargons.
À titre de dernière illustration, on mettra en exergue les ravages d’une
tournure ambiguë bâtie sur l’usage à tout va du mot « non ». On parle
de la « non-qualification » d’un athlète, du « non-match » d’une équipe,
des « non-réponses » du gouvernement, du « non-vote » du parlement,
de la « non-vie » à la place de la mort, du « non-report » des élections et
de la « non-réussite » de la manifestation (pour ne pas parler d’échec…).
185
Comprendre les enjeux
186
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
187
Comprendre les enjeux
ment son efficacité sur sa seule expertise (même s’il la fait partager) ;
il délaisse les subtilités de la communication proprement dite (écouter,
questionner, reformuler, faire preuve d’empathie…).
188
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
conserver leur liberté d’action. Être sincère c’est ce qui autorise à faire
des remarques, à agir sur autrui, bref à exercer une influence avec une
certaine tranquillité.
189
Comprendre les enjeux
190
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
Savoir où l’on va, ne pas faire n’importe quoi, s’en tenir à ce qu’on
a promis et dit, garder le cap, être clair, rester soi-même constituent,
à n’en pas douter, les meilleurs conseils pour exercer une influence
saine. Ce sont d’authentiques outils au service du négociateur qui veut
persuader en vue d’obtenir un accord ou déboucher sur une décision
acceptable.
191
Comprendre les enjeux
192
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
193
Comprendre les enjeux
◗◗Préserver la loyauté
Depuis que Sun Tzu11 a écrit que « la duperie est l’art de la guerre »,
l’extension de la ruse à toutes les formes de confrontation, dont la
négociation, s’est généralisée et même au-delà, au point qu’une réelle
menace pèse sur le sens même de négocier. Comment préserver un
minimum de loyauté dans un climat de compétition, de défi, d’enjeu
à forts risques, d’incertitude, voire d’inquiétude ? La fébrilité et la peur
incitent à des pratiques contestables ceux qui craignent de perdre du
pouvoir et ceux qui se crispent sur l’idée fixe d’en conquérir à tout
prix. L’offre publique d’achat (OPA), pratique brutale ou subtile
des « raiders » dans les milieux financiers, s’est étendue aux relations
humaines. En lieu et place de solutions négociées, on recherche à
« faire » des coups, à « monter » des coups, façon hold-up. Là où on
parlait d’argumentaire, on préfère désormais évoquer des opérations.
Ainsi la vie sociale complexe et risquée devient un champ privilégié
pour les influences de toutes sortes. Enjeu : la loyauté avec en arrière-
plan l’idée du juste et du vrai souvent supplantée par l’utile, le rentable
et l’efficace. L’heure est peut-être à une mise en ordre des chemins
de l’influence, car les résultats des pratiques déloyales commencent à
montrer leur limite. On pourrait bien constater qu’il y a toujours une
morale de l’histoire et voir grossir le nombre d’« arroseurs arrosés ».
Solution : développer toutes les ressources du discernement, de la
vigilance, de la lucidité, de l’esprit critique et faire sienne la formule
du philosophe Vladimir Jankelevitch, pour qui « comprendre, c’est
déjouer ». Pas facile de résister aux tentations les plus faciles quand il
s’agit d’influencer. On connaît les effets du chantage, de la menace
déguisée, de l’appel aux bons sentiments.
C’est Bertrand Poirot-Delpech12qui dénonçait ainsi l’exercice de trois
formes perverses de l’influence en observant qu’elles respectent l’iden-
tité des trois « M » à savoir : manipulation, médiatisation, mariolisation.
◆◆La manipulation correspondrait à « l’emprise assurée par un indi-
vidu ou un groupe sur les idées ou les actions d’un autre individu ou
d’un autre groupe, en trompant leur vigilance critique ou en jouant
cyniquement de leurs fragilités naturelles.
Conséquences : trois traits nouveaux se développent dans la mentalité
des dirigeants, selon B. Poirot-Delpech : « une défiance paranoïaque, un
regain d’irresponsabilité et une diabolisation du contradicteur ».
194
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
◆◆La médiatisation qui fait que celui qui « passe » le mieux à l’antenne
passe le plus souvent. Extension à la négociation : celui qui cause le
mieux devient un porte-parole. Les « médiatisés » font de l’autocélébra-
tion et du « réclamisme narcissique ». Les vrais acteurs laissent la place
à ceux qui « font » l’événement. Slogans superficiels et passe-partout,
télégénie confèrent aux « médiatisés », le pouvoir d’avoir raison sur les
autres.
La médiatisation est ainsi devenue un outil d’influence parasite et
pervers des négociations sociales et politiques.
◆◆La mariolisation apparaîtrait comme la tendance moderne « à
refuser tout sérieux à ce qui se passe et au commentaire qu’on peut
en faire ». B. Poirot-Delpech y voit le règne d’une « narquoiserie tous
azimuts ».
Conséquence dans la négociation : truquages, magouilles, sarcasmes,
annonces et répliques, calembours, railleries, arguments-canulards
deviennent le lot quotidien du « malin, du rusé et du ricanant ».
Bref, l’« histrion-persuadeur » 13 est à l’ordre du jour, y compris
dans la négociation, là où on attend plus que jamais les preuves
d’une volonté de construire quelque chose ensemble ; il cherche à
dévoyer, à détourner et ses tentatives relèvent plus de l’extorsion que
de la persuasion.
Faut-il rappeler qu’en démocratie la négociation est la voie qui ouvre
sur le débat d’idées et que celui-ci ne peut obéir qu’à quelques règles
admises et partagées si l’on veut garantir l’émergence de solutions justes,
en rapport avec la réalité, et valables dans le temps pour un vrai profit
mutuel. Restent aux outils de l’influence à se démarquer des habitudes
qui consistent à soutirer des consentements. C’est à ce prix que l’on peut
préserver la loyauté au cours d’une négociation.
195
Comprendre les enjeux
14. Nota : C. Rogers désigne par « client » le patient dans la relation d’aide.
15. C. Rogers, Psychothérapie et relations humaines, ESF sciences humaines, 2016 (1963).
196
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
197
Comprendre les enjeux
198
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
réactions. Un bon négociateur est au fond celui qui sait être à l’écoute
d’une écoute. Tout l’art est dans la capacité d’attention à l’attention de
l’autre. »
◗◗Augmenter en vigilance
199
Comprendre les enjeux
200
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
201
Comprendre les enjeux
202
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
203
Comprendre les enjeux
En résumé
204
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
Empathie
=
Compréhension des émotions de l’autre
205
Comprendre les enjeux
3. Ce n’est pas comme cela que je travaille, je ne vais quand même pas
tout recommencer.
4. Je ne sais pas si c’est le bon moment pour s’engager dans cette voie.
206
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
SOLUTION
compte…
5. Je suis las(se) de faire des suggestions qui ne sont jamais entendues, prises en
4. J’ai peur de m’engager.
3. Je suis excédé(e) de leurs procédures, leurs interdits, leurs règles…
2. Je suis mécontent(e) de mes affectations de planning…
avant de décider.
1. Vous ne m’avez pas demandé l’autorisation ou vous ne m’avez pas demandé mon avis
Voici quelques hypothèses de non-dit derrière les phrases :
Groupe A POINTS
Les meilleures solutions sont celles qui apportent une satisfaction parta-
1
gée avec son interlocuteur
Pour bien se faire comprendre, mieux vaut utiliser le même langage que
2
son interlocuteur
TOTAL 10
Groupe B POINTS
TOTAL 10
207
Comprendre les enjeux
Groupe C POINTS
TOTAL 10
Groupe D POINTS
TOTAL 10
Groupe E POINTS
17 Ce qui est logique pour soi ne l’est pas forcément pour quelqu’un d’autre
TOTAL 10
Groupe F POINTS
Être efficace, c’est considérer que l’erreur est possible mais que la réci-
21
dive ne l’est pas
TOTAL 10
208
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
Groupe G POINTS
TOTAL 10
Groupe H POINTS
TOTAL 10
Groupe I POINTS
Mieux vaut vérifier une information dont on n’est pas sûr avant de la
34
transmettre
TOTAL 10
Groupe J POINTS
C’est en étant clair et rigoureux sur ses méthodes qu’on peut s’adapter
37
plus facilement aux demandes de ses interlocuteurs
Aller au-devant des attentes de son interlocuteur est une meilleure stra-
38
tégie que d’attendre qu’il se manifeste
Ce qui est acté à l’oral gagne à être reformulé par écrit pour lever le
39
risque d’interprétation ou d’incompréhension
TOTAL 10
209
Comprendre les enjeux
Groupe C1 C2 C3 C4
A 4/ 2/ 3/ 1/
B 8/ 7/ 6/ 5/
C1 CRÉDIBILITÉ =
C2 COHÉRENCE =
C3 CONSISTANCE =
C4 CONGRUENCE =
TOTAL = 100
210
Augmenter l’aisance relationnelle des échanges
211
Comprendre les enjeux
être le propre acteur de ses idées, donner dans l’exemplarité. Il est possible de
revenir sur un engagement ou d’avoir des difficultés à le tenir, la consistance
est là néanmoins si on prévient à temps, si on cherche sincèrement à trouver
un arrangement avec son interlocuteur. Il y a une double discipline exigence-
consistance dans ce registre afin de rapprocher au plus près décision et action.
CONGRUENCE : s’avoir s’adapter
La congruence est une attitude qui fait écho à soi, aux autres et au contexte.
C’est un accord entre le sentiment vécu et la manière de communiquer.
« Être exactement ce qu’on est, et non pas une façade ou une prétention. »
(Carl Rogers). C’est ce qui met l’autre à l’aise et lui permet progressivement
de s’exprimer vraiment, d’être congruent à son tour, gage d’un dialogue plus
authentique. L’attitude d’empathie nourrit la congruence et ouvre la porte à
une écoute attentive. L’empathie renvoie à la capacité de s’immerger dans le
monde subjectif d’autrui, de participer à son expérience dans toute la mesure
où la communication verbale et non verbale le permet… de capter la signifi-
cation personnelle du client autant, parfois plus, que de répondre au contenu
intellectuel. Il y a dans la congruence un intérêt de comprendre en profondeur
la logique de l’autre en mettant, pour un temps de côté sa logique personnelle,
tout en restant présent à soi-même.
212
6
CHAPITRE
Stimuler le sens
de la répartie
A rgumenter est une chose, réfuter en est une autre. Les gens qui
savent réfuter impressionnent ; on les redoute. Plus défenseurs
qu’attaquants, ils contrent, prennent à revers, résistent, percutent,
défient, esquivent ou contournent.
Réfuter, comme argumenter, n’est possible qu’à partir du moment
où on accepte d’écouter et de prendre en compte la logique de l’autre.
On ne convainc pas forcément quelqu’un avec les arguments qui nous
ont nous-même convaincus. Là est la difficulté de l’exercice. Réfuter
demande du recul.
En tout état de cause, répondre, c’est-à-dire réfuter, n’est pas
« casser » ni « écraser » l’autre, c’est au contraire tenter de « re-lier »
ou de « re-nouer » pour faire un bout de dialogue ensemble. Le désac-
cord et la divergence, sont partie inhérente à la négociation et c’est en
confrontant les points de vue pour clarifier les écarts dans un aller et
retour argumentation-réfutation que le dialogue permet d’avancer l’un
vers l’autre.
Reste à définir la place des procédés de réfutation par rapport à l’argu-
mentation. Réfuter, qu’est-ce que c’est ? Quatre caractéristiques de la réfu-
tation lui confèrent une certaine identité parmi les outils du négociateur :
––toute réfutation est une manière de s’attaquer à un argument et de
le nier ;
––tout argument défini dans le chapitre précédent peut servir aussi à
la réfutation ;
––toute réfutation dépend pour une grande part de l’argument
auquel elle répond ;
––toute réfutation a un caractère plus souvent spontané, donc moins
élaboré que l’argumentation proprement dite.
213
Comprendre les enjeux
214
Stimuler le sens de la répartie
215
Comprendre les enjeux
216
Stimuler le sens de la répartie
disponibles mais aussi les moins élaborés, les moins constructifs, les plus
« dérapants » ou conflictuels. On risque plus souvent d’entendre des
affirmations des recours aux valeurs, des généralisations en position de
réfutation ou de contre-réfutation qu’avec le statut d’argument. C’est le
cas pour des réfutations stéréotypées du genre : « la femme est faite pour
rester à la maison et élever ses enfants », « on ne peut pas faire un bon
cours avec quarante élèves », « on ne peut pas faire une bonne émission
de télévision avec un petit budget ».
217
Comprendre les enjeux
◗◗Réfuter sèchement
C’est une réfutation brève du genre « pas du tout, pas d’accord, abso-
lument pas, non… ». Elle marque l’opposition nette à l’énoncé de l’in-
terlocuteur. Le silence qui s’ensuit peut-être rompu par un « pourquoi »,
« expliquez-vous » ou bien par une observation conflictuelle jugeant le
désaccord et le renforçant. C’est un mode de réfutation à risque car il
durcit la relation instantanément.
C’est sûrement une des réfutations les plus courantes. Elle fait appel
aux ressources du raisonnement pratique. Elle démarre sur le mode :
« non parce que, pas du tout car, absolument pas et pour la raison
suivante… ». Réfuter de cette façon exige que l’on ait mobilisé très vite
quelques liaisons causales, déductives ou inductives La réfutation caté-
gorique avec justification se veut rationnelle et fondée dans la structure
même du réel, un réel inéluctable.
Ainsi, on entendra la direction de la SNCF réfuter l’objection d’une
hausse jugée très élevée de certains tarifs d’abonnements, en invoquant
plusieurs raisons : les tarifs n’ont pas « bougé » depuis quatre ans, les
trains vont plus vite (la « moyenne kilométrique » est passée de 90 à 120
km/h), ils sont plus nombreux, plus confortables, plus utilisés qu’aupa-
ravant par les abonnés qui rentabilisent donc mieux leur abonnement…
218
Stimuler le sens de la répartie
Il n’est pas sûr qu’une telle réfutation accumulant des raisons réus-
sisse à endiguer le mécontentement des usagers. La réfutation par
justification peut démontrer… mais souvent n’arrive pas à persuader.
L’interlocuteur n’admet pas ou ne veut pas voir que les raisons invo-
quées le concernent et vont même parfois dans le sens de ses intérêts. Il
se bute et conteste. Ce qu’il voit, c’est la conséquence, et, si cette consé-
quence le gêne, il se moque des raisons qui en sont à l’origine. La réfu-
tation par le raisonnement pratique est en ce sens peu efficace. De plus,
elle se prête à la contre-réfutation sur les raisons énoncées. Résultat :
le fossé se creuse entre les opposants : il y a contestation d’une consé-
quence et de ses causes, donc rejet global de toute la causalité établie.
C’est une variante du recours aux valeurs. Elle est assez fréquente
pour justifier sa place ici. Le proverbe ou la maxime, généralisation
intuitive, morceau de bon sens commun, sont le fait des gens cultivés ou
bien le fait d’esprits frustres maniant des dictons populaires. Le proverbe
fait rarement l’objet d’une contre-réfutation. Il s’insère dans un tissu
argumentatif, sorte d’incursion d’une parole universelle, dont l’interlo-
cuteur ne sait pas souvent quoi faire : « Qui peut le plus peut le moins…
Les petites causes ont de grands effets… Mieux vaut tard que jamais…
Ne prenez pas vos désirs pour des réalités ». Vérités bien pratiques,
sentences nourries avec le temps et l’expérience, sagesse, ces réfutations,
pour toutes ces raisons, peuvent calmer et adoucir des oppositions, bien
qu’elles procèdent d’un recours aux valeurs dont on disait précédem-
ment qu’il pouvait exacerber les conflits. Il est frappant de constater
que les hommes politiques, les chefs d’entreprise usent beaucoup des
adages… ce qui contribue à les aider à se situer au-dessus ou au-delà
des « mêlées » argumentatives si fréquentes au cours des négociations.
Ils s’érigent ainsi en censeurs universels, masquant parfois leur appar-
219
Comprendre les enjeux
220
Stimuler le sens de la répartie
◗◗Réfuter en circulaire
221
Comprendre les enjeux
222
Stimuler le sens de la répartie
consiste à dire que tout est lié, tout se tient… Néanmoins, si l’on veut
aboutir, il faut essayer de déjouer les esquives, même quand elles se font
sous le prétexte de l’amalgame des problèmes.
223
Comprendre les enjeux
(« Ne vous donnez pas tant de mal, je vois où vous voulez en venir »).
Le blocage, en tant que réfutation, est une pression intentionnelle et
manipulatrice sur la matière d’un énoncé. C’est une façon de voiler,
de censurer l’argument, censure qui peut se retourner sur celui qui
la pratique. N’est-elle pas le dernier recours de celui qui sent qu’il va
échouer, faiblir, se faire démasquer, ou se laisser convaincre. Ainsi
peut-on interpréter le réflexe de l’acheteur qui « détruit » le vendeur en
lui lançant un élogieux « Vous êtes vraiment un bon vendeur ». Toute
argumentation est bloquée. Il y a censure du rôle et de l’exercice du
rôle. La contre-réfutation est délicate, mais cependant, pourquoi pas, sur
un modèle du genre : « Et vous, un très bon acheteur ! » Alors, une fois
que les masques sont tombés, la discussion peut reprendre.
Elle est le fait des gens impulsifs. On la doit pour une part à une
mauvaise maîtrise de soi, pour une autre part à la charge affective de
certains mots « qui dépassent la pensée ». La réfutation par l’excès use
des épithètes et des adverbes. Si on en consommait un peu moins, nos
discussions se porteraient mieux et nos réfutations seraient plus sereines
et constructives. Ainsi en est-il de : « C’est mauvais, c’est nul, c’est géant,
c’est pas génial, ça ne vaut rien, c’est loin d’être partait, c’est archi-
faux, c’est insensé »… et les fameux : « C’est terrible, c’est incroyable,
c’est impossible ! »… Ces blocages catégoriques, bâtis sur un jugement
condensé à l’extrême fleurissent dans les discussions. Ils sont tellement
machinaux, quand ils ne sont pas l’indice de la reproduction de l’intolé-
rance vis-à-vis de l’interlocuteur, qu’ils dopent les débats et cela en toute
insouciance. C’est quand on est spectateur plutôt qu’acteur que l’on
mesure le ridicule d’un dialogue boursouflé d’excès.
224
Stimuler le sens de la répartie
Elle correspond à toute réfutation qui veut en être une, qui en est
bien une, mais qui n’est pas celle qui correspond à l’argument énoncé.
On entend au cours des discussions, des partenaires se plaindre,
renâcler, invoquer le meneur des débats, car ils ont en face d’eux des
interlocuteurs qui ne répondent pas à l’argument énoncé. Plus qu’une
esquive, plus qu’une diversion, cette pratique de la réfutation relève de
225
Comprendre les enjeux
l’imposture. Elle veut se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. Quand
l’imposture est courante, le « dialogue de sourds » est à la clef ! Plus rien
n’est possible.
◗◗Réfuter en différé
226
Stimuler le sens de la répartie
227
Comprendre les enjeux
228
Stimuler le sens de la répartie
229
Comprendre les enjeux
Rébellion
– Absolument pas
– C'est faux
– Et vous ?
Contre-
dépendance
Justification
– Parce que…
– À cause de…
– Justement…
Argument
hostile
– Disqualification S’affirmer
– Attaque personnelle avec
intégrité
– Procès d’intention
– Ironie
– Calomnie
– Provocation
Minimisation
– Oui, mais…
– C’est possible
en partie
Dépendance
Soumission
– Bon d’accord
– Tout à fait
– Très bien
– Tant pis
– Comme vous
voulez
230
Stimuler le sens de la répartie
231
Comprendre les enjeux
232
Stimuler le sens de la répartie
233
Comprendre les enjeux
234
Stimuler le sens de la répartie
Calmer le jeu
Temporiser à chaque fois que la négociation prend une tournure conflictuelle
en exploitant notamment les ressources de la discussion constructive.
235
Comprendre les enjeux
236
Stimuler le sens de la répartie
3. A. Schopenhauer, L’art d’avoir toujours raison ou La dialectique éristique, Circé, 1990 (1864).
237
Comprendre les enjeux
L’art de la controverse
selon Schopenhauer
238
Stimuler le sens de la répartie
droit de l’homme que d’être idiot »). Certes, il faut du sang-froid pour
laisser dire aux autres ce qui leur passe par la tête. Mais nous pouvons
penser comme Voltaire que « la paix vaut encore mieux que la vérité »,
alors qu’un proverbe arabe dit : « C’est à l’arbre du silence que pend
son fruit : la paix ». On mesure le parti que le négociateur peut tirer de
la non-violence dialectique, véritable objection de conscience à la polé-
mique et preuve d’une force sereine et d’une vision à moyen et long
terme de la suite des événements.
Il y a bien un art risqué de la controverse même si les 37 stratagèmes
de Schopenhauer dévoilent les arcanes des mécanismes capables de faire
gagner autant de bras de fer en cours de discussion… sans pour autant
éviter au négociateur de trébucher sur l’issue de la négociation. En
effet, si les 37 stratagèmes décryptés par Schopenhauer ont de bonnes
chances de mettre en évidence les insuffisances de la logique cartésienne
et des raisonnements inspirés d’Aristote, d’autres stratagèmes pour se
défendre existent. On les trouve dans les secrets de la stratégie chinoise
et au nombre de… 36 ! 14 dans un traité demeuré caché pendant des
siècles. On a ainsi entre les mains un véritable labyrinthe des ruses. Et les
prescriptions et méthodes enseignées s’appliquent aux plus élémentaires
discussions quand il s’agit de se défendre, donc d’objecter et de résister,
qu’aux choix majeurs de la grande politique.
La première guerre du Golfe et tous les événements qui suivirent, les
attentats du 11 septembre 2001 et la résistance irakienne après la victoire
américaine en 2003 lors de la seconde guerre du Golfe, ont fait décou-
vrir au monde occidental que des leurres et des ruses pouvaient mettre
en difficulté des armes intelligentes et puissantes.
« Quand les Irakiens font brûler des pneus immédiatement après un
bombardement pour faire croire aux aviateurs américains que des objec-
tifs stratégiques ont été touchés, c’est tout simplement l’application du
septième stratagème des secrets de la stratégie chinoise : “Transformer
le mirage en réalité” ou encore le dix-septième : “Jeter une brique pour
récolter le jade”. Garder son calme malgré la pression des événements,
c’est l’usage du quatrième stratagème : “Mener l’empereur en bateau”. »
On aurait tort de conserver une vision exclusivement mécaniciste des
processus d’argumentation et de réfutation (coup pour coup, symétrie,
rapport de cause à effet, etc.) et de ne pas voir l’autre versant plus subtil
que rationnel des préconisations présentes dans la pensée chinoise et
islamique. L’Occidental peut apparaître « lourd » dans ses raisonne-
ments. C’est ce qu’observe l’amiral Lacoste en commentant le traité des
36 stratagèmes : « Les stratégies y sont bien plus raffinées que les règles
de la guerre selon Clausewitz . » Reste la finalité, l’intention. Et nous
devrons prendre conscience que notre manière de réfuter, de résister,
239
Comprendre les enjeux
AMORCE
CONSULTATION
Écoute / Questionnement
Provisions de questions
Plus ou moins
Collecter de l’information
coopératif
Chercher à comprendre
Validation
HH
OFFRE / PROPOSITION / SOLUTION
Qui prend l’initiative ?
DISCUSSION / CONFRONTATION
Convaincre
Argumenter / Réfuter
Plus ou moins
de tensions Converger
Vers HB
CONCRÉTISATION
Ajustement
240
7
CHAPITRE
Concrétiser un accord
satisfaisant de part
et d’autre
241
Comprendre les enjeux
242
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
Avant de conclure,
faites un bilan rapide
–– Ai-je pris le soin d’obtenir des accords à chaque étape de la négociation sur
lesquels je vais pouvoir m’appuyer ?
–– Mon interlocuteur a-t-il exprimé son intérêt, par exemple en posant des
questions ?
–– Que dois-je mettre en avant dans ma reformulation qui sera décisive pour
conclure ? Par exemple, le client est-il très sensible à la tenue des délais ?
Est-ce que ce sont plutôt les modalités de paiement qui semblent détermi-
nantes ? Ou la qualité du produit livré ?
–– Quels sont les points de divergence qui restent à traiter avant de conclure
et ceux qui peuvent être traités ultérieurement ?
–– Mon interlocuteur m’aurait-il envoyé des signaux que je n’aurais pas pris en
compte ?
243
Comprendre les enjeux
244
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
245
Comprendre les enjeux
246
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
ARRANGEMENT PROCESSUS
AFFRONTEMENT
RUPTURE
A B
Échec ou Tactique
Divergence
0
1 DOMINATION
CONCESSION
A B
Avec ou sans
compensation
Tensions
COOPÉRATION
COMPROMIS
A B Partage
Convergence
NOVATION
A B
CONSENSUS
Résolution créative
de problème
C
Issue concertée
247
Comprendre les enjeux
◗◗Cas n° 1
248
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
◗◗Cas n° 2
◗◗Cas n° 3
◗◗Cas n° 4
4. CSE : Comité Social Économique (regroupant le CHSCT, le CE et les DP depuis la réforme du Code du travail de
septembre 2017).
249
Comprendre les enjeux
5. Société de services et d’ingénierie informatique spécialisée dans le travail en réseau aux États-Unis.
250
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
251
Comprendre les enjeux
252
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
8. R. Axelrod, The Evolution of Cooperation, Basic Books, 1984, publié en 1992 chez Odile Jacob sous le titre Donnant-
donnant et réédité en 2006 sous le titre Comment réussir dans un monde d’égoïstes, Théorie du comportement coopé-
ratif.
9. Le jeu du dilemme du prisonnier fut inventé vers 1950 par M. Flood et M. Dresher et formalisé peu après par A. W.
Tucker.
253
Comprendre les enjeux
254
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
◗◗Promouvoir la coopération
255
Comprendre les enjeux
256
Concrétiser un accord satisfaisant de part et d’autre
◆◆Enseigner la réciprocité
Si l’on s’en tient à la définition de la réciprocité mise en évidence
par la théorie des jeux, qui consiste à commencer par être coopératif
d’entrée et à rendre la pareille à l’autre s’il répond d’une manière non
coopérative, d’aucuns seraient tentés de critiquer la moralité d’une telle
pratique. Et, s’agissant de porter un jugement moral, la réponse évidente
serait de choisir la coopération inconditionnelle.
Mais, à l’usage, on s’aperçoit que la stratégie de réciprocité stricto
sensu est finalement une meilleure base de moralité que la coopération
inconditionnelle :
––c’est une protection personnelle et utile à la collectivité contre le
développement des comportements d’exploitation et de manipula-
tion ;
––elle ne demande rien de plus en retour que ce qu’elle est prête à
concéder aux autres ;
––elle permet aux autres d’obtenir la « récompense pour coopération
mutuelle », dont elle bénéficie elle-même pareillement ; elle réclame
donc l’égalité, pas plus ;
––elle est gagnante, non pas en faisant mieux que l’autre mais en obte-
nant de l’autre qu’il coopère ;
––elle favorise l’intérêt mutuel au lieu d’inciter à exploiter les
faiblesses de l’autre.
Pourtant, la pratique du « rendre coup pour coup » ne contient-elle
pas un risque d’escalade conflictuelle ? Comment l’endiguer tout en
se protégeant contre l’exploitation et en restant exemplaire et incitatif
pour autrui au choix de la coopération ? On peut tenter de réagir de la
manière suivante :
––en réponse à un comportement non coopératif, rendre la pareille
mais à un degré proportionnellement moindre que la provocation,
c’est-à-dire ce juste choix animé d’indulgence ;
––réagir ainsi rapidement car plus on met de temps à réagir à un
comportement non coopératif, plus il y a de risques que l’autre
personne en déduise que son comportement non coopératif est
adéquat ;
––puis, confronter la personne en toute transparence et sincérité
pour chercher à lui faire comprendre où se situe l’intérêt mutuel
et où sont les risques personnels qu’elle encourt à ne pas choisir la
coopération ; autrement dit, être assertif et négocier l’arrangement
gagnant-gagnant.
Ainsi, enseigner l’usage de stratégies bienveillantes fondées sur
la réciprocité dès l’école, c’est-à-dire le plus tôt possible au cours du
257
Comprendre les enjeux
En résumé
Rechercher le consensus
C’est l’accord gagnant-gagnant par excellence. Il se caractérise par une qualité
d’adhésion maximale et réciproque et par la construction commune de solution.
10. Pour approfondir la notion de coopération, voir M.-J. Couchaere, Favoriser le travail en équipe par la coopération, ESF
éditeur, 2011.
258
Conclusion
259
Comprendre les enjeux
260
Deuxième partie
Mettre en pratique
EXERCICE 1
EXERCICE
S’entraîner à la provision
de questions
Corrigé p. 285
263
2 EXERCICE
EXERCICE
Chercher la vérité :
douze questions
à la loupe
264
Exercice 2
265
3 EXERCICE
EXERCICE
Le jeu de l’interview
266
Exercice 3
267
Mettre en pratique
Corrigé p. 287
268
EXERCICE 4
EXERCICE
La boîte automatique
Il n’y a pas que les vendeurs qui vendent. On peut « vendre » des
idées autour de soi, dans la vie de tous les jours. Imaginons un couple
qui est sur le point de changer de voiture. Le mari (ou l’épouse)
souhaite acheter un modèle équipé d’une boîte automatique. Reste
à en convaincre le partenaire, a priori peu favorable. Le jeu consiste
à préparer une argumentation tout en prévoyant une stratégie et une
tactique de négociation.
Corrigé p. 287
269
5 EXERCICE
EXERCICE
Argumenter une
augmentation de salaire
Le thème est un « marronnier » dans la presse (article qui revient
régulièrement et avec toujours autant de succès auprès des lecteurs). On
comprend pourquoi, car cela concerne… et fait rêver tout le monde :
être augmenté, quelle satisfaction ! Mais, et peut-être encore plus en
période de difficultés économiques, l’exercice est réputé délicat.
Demander une augmentation déclenche des résistances. Il faut donc
s’attendre à argumenter pour traiter les objections. D’après vous, quel
est le meilleur argument à opposer aux objections suivantes ?
1. Certes nos résultats sont meilleurs mais ils restent fragiles.
2. Nous avons très peu de visibilité cette année.
3. Nos profits sont essentiellement réalisés à l’étranger.
4. Personne ne sera augmenté dans ton service.
5. La participation sera de retour cette année.
6. On ne peut pas se permettre d’alourdir la masse salariale étant
donnée la concurrence asiatique.
7. L’inflation a ralenti, ton pouvoir d’achat sera préservé même sans
une forte augmentation.
8. Tout est décidé au siège aux États-Unis, je n’ai pas de marge de
manœuvre.
9. Les résultats sont bons dans notre filiale, mais pas au sein de l’en-
treprise.
10. Tu es déjà payé au-dessus du marché.
11. Tu serais hors grille par rapport à tes fonctions si on t’augmentait.
Corrigé p. 289
270
EXERCICE 6
EXERCICE
Maîtriser la loi de passage
Corrigé p. 293
271
7 EXERCICE
EXERCICE
La querelle du mercredi
Corrigé p. 295
272
EXERCICE 8
EXERCICE
Polémique sur
le changement d’horaire
Corrigé p. 296
273
9 EXERCICE
EXERCICE
Savoir argumenter
pour décider
Corrigé p. 298
274
EXERCICE 10
EXERCICE
Le sens de la répartie
275
11 EXERCICE
EXERCICE
Répondre
aux 10 objections
commerciales courantes
qui font mouche
Elles n’ont l’air de rien tant elles sont courantes, mais ces objections
laissent pas mal de commerciaux en difficultés dans la relation client-
fournisseur
Entrainez-vous donc à traiter cette série classique d’objections, afin
de ne pas rester sans voix ou de ne pas prendre trop de risques avec des
réponses improvisées.
1. Vous êtes plus cher que votre principal concurrent.
2. La remise que vous me faites n’est pas assez importante.
3. À prix et produits identiques, pourquoi est-ce que je changerais de
fournisseur ?
4. Votre société n’a pas bonne réputation, je n’ai pas envie de
travailler avec vous !
5. Pourquoi est-ce que j’achèterais ce produit aujourd’hui, alors que
je m’en suis très bien passé jusqu’à présent ?
6. Votre marque n’est pas connue, je n’arriverai jamais à convaincre
mes clients !
7. Pour le moment, nous avons ce qu’il nous faut.
8. Je dois en référer à ma direction avant de prendre ma décision.
Il faut donc que je réfléchisse.
276
Exercice 11
277
12 EXERCICE
EXERCICE
2. Vous êtes patron d’une boîte de nuit qui vient de recevoir un avis
de fermeture provisoire parce que l’un de ses employés s’est fait
prendre dans un trafic de drogue. Le commissaire, face à son mécon-
tentement déclare : « Quand un fonctionnaire de police est soup-
çonné dans un trafic quelconque, je le vire. »
Que répondez-vous ?
Corrigé p. 302
278
EXERCICE 13
EXERCICE
Savoir argumenter
pour faire douter
et renverser une opinion
Dans cet extrait de l’excellent film Douze hommes en colère réalisé par
Sidney Lumet avec Henry Fonda en 1957, repérez les arguments utilisés
pour faire douter un interlocuteur sur ces certitudes.
Synopsis du film
279
Mettre en pratique
280
Exercice 13
281
14 EXERCICE
EXERCICE
Faites le bilan
de votre négociation
Pour vous aider à capitaliser et à apprendre de chaque négociation,
faites l’autodiagnostic suivant à la fin de chaque négociation.
Vous pourrez ainsi évaluer vos pratiques et établir un axe de progression.
1. Évaluation à chaud
Plutôt Plutôt
Affirmations Vrai Faux
vrai faux
2. Préparation
Plutôt Plutôt
Affirmations Vrai Faux
vrai faux
282
Exercice 14
3. Consultation
Plutôt Plutôt
Affirmations Vrai Faux
vrai faux
4. Confrontation
Plutôt Plutôt
Affirmations Vrai Faux
vrai faux
5. Concrétisation
Plutôt Plutôt
Affirmations Vrai Faux
vrai faux
283
Mettre en pratique
6. Conclusion
Plutôt Plutôt
Affirmations Vrai Faux
vrai faux
Corrigé p. 304
284
CORRIGÉS
CORRIGÉS
Corrigé de l’exercice 1
◗◗1re situation :
285
Mettre en pratique
◗◗2e situation :
Corrigé de l’exercice 2
Voici la liste des questions identifiées en vue de rechercher la vérité
concernant les événements du 11 septembre 2001.
––Q.1 : question ouverte
––Q.2 : question ouverte mais avec un sens polémique (pourquoi
« accusateur »)
––Q.3 : question fermée
––Q.4 : question fermée de type informative (avec une arrière-pensée
« accusatrice »)
––Q.5 : question fermée culpabilisante
286
Corrigés
CORRIGÉS
––Q.10 : question piège
––Q.11 : question ouverte mais accusatrice
––Q.12 : question ouverte mais accusatrice Au total, on comprend que
la fonction de ce questionnaire est d’instruire le procès du gouverne-
ment Bush.
Corrigé de l’exercice 3
Cette interview autour du thème des habitudes de lecture, montre de
bonnes séries de questions ouvertes, une tendance à l’interrogatoire (pas
assez de questions relais et miroir) et une dérive sur la fin de l’interview
(terrain de la télévision et du cinéma).
L’interviewer montre, par exemple, une certaine réactivité quand,
à l’occasion du livre Le bonheur perdu, il oublie toute question relais ou
miroir pour intervenir brutalement, de façon égocentrée en enchaînant
par un sévère : « Je ne l’ai pas lu, alors je ne peux pas vous en parler. »
Corrigé de l’exercice 4
Les Français sont peu favorables à la boîte automatique.
Seules les voitures haut de gamme sont souvent commandées avec ce
type d’équipement. De nombreuses objections sont avancées :
––coût à l’achat élevé ;
––perte de puissance ;
––usure plus rapide des freins ;
––consommation sensiblement plus forte ;
––fiabilité douteuse des mécanismes d’embrayage automatique ;
––impossibilité de faire démarrer une voiture en panne, vitesse
enclenchée (panne de batterie par exemple) ;
––désagrément de conduite (peu sportive).
À côté de ce réquisitoire, on peut faire valoir :
––confort de conduite ;
––pas d’usure de la boîte de vitesses ;
287
Mettre en pratique
288
Corrigés
CORRIGÉS
créent les désaccords) les « vraies raisons » qui bloquent une discus-
sion… But : lever l’hypocrisie, les fausses barrières, les refuges… de l’in-
terlocuteur.
7. Observer, faire des silences, regarder l’interlocuteur (dans les yeux
de temps en temps) pour vérifier son état de conviction, son adhésion,
son indifférence…
8. Pour atténuer les difficultés autour du problème du prix, veiller à
bien lier caractéristiques, avantages et prix. Un prix qui tombe tout seul,
loin d’un long développement sur les qualités du produit, au début de
l’entretien, peut avoir le plus mauvais effet. Donc bien lier profit-caracté-
ristiques du produit ou du service.
9. Ne pas sous-estimer la dimension affective de l’entretien commercial.
On peut faire appel à l’art de raconter, aux anecdotes, aux expé-
riences personnelles… La famille, les amis, les gens que l’on connaît en
commun.
10. Il faut faire appel à la volonté de l’interlocuteur pour qu’il
accepte. En effet, acheter exige une décision, donc un appel à la volonté.
Il faut donc aller au-devant de cette volonté.
Corrigé de l’exercice 5
Quelques conseils préalables sur le thème de la « demande d’aug-
mentation de salaire » :
◗◗Comment se préparer ?
289
Mettre en pratique
290
Corrigés
CORRIGÉS
suis au clair avec le nécessaire retour sur investissement que je dois
prouver ».
––Montrer que la proposition est judicieuse : « je suis prêt à donner
raison à l’entreprise qui m’accorde sa confiance… J’ai confiance dans
la bonne décision de l’entreprise ».
291
Mettre en pratique
292
Corrigés
CORRIGÉS
justifié. Je suis prêt à réexposer le contenu de ma contribution et
présenter mes projets. Tant mieux si ça sort du cadre et si ça fait
avancer l’entreprise. Il y a des paris à relever. Ce seront les résultats
qui nous donneront raison. Et être sorti du cadre ne sera plus un
problème !
NB : vous pouvez lire pour le plaisir l’hilarant petit opuscule de Georges Perec :
L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une aug-
mentation, Hachette Littératures, Paris, 2008.
Corrigé de l’exercice 6
(donc) Conclusion
Donnée
(avec une modalité)
Loi de passage
(vu que)
Réserve
Fondement
293
Mettre en pratique
Donnée Conclusion
Loi de passage
(vu que)
Garantie
294
Corrigés
CORRIGÉS
ment soit l’obsession des Français comme idéal républicain d’égalité des
chances.
Le raisonnement des pétitionnaires contre le système de notation
s’appuie aussi sur une liste d’inconvénients (retour au raisonnement
pragmatique par les conséquences négatives :
––enfermement dans une spirale d’échec ;
––baisse de l’estime de soi ;
––absence de valorisation d’autres compétences ;
––détérioration des relations familiales ;
––souffrance scolaire.
Autre point de vue, autre raisonnement, celui des défenseurs du
système de notation (position du ministre de l’Éducation Luc Chatel, en
2010) :
––Le système de notation peut être devenu inadéquat ;
––Cependant, tout apprentissage passe par une exigence et réclame
un effort ;
––Quand il y a apprentissage et effort, il faut une quelconque évalua-
tion ;
––L’enfant n’est pas seul au monde et son travail ne peut être jugé du
point de vue de Sirius ;
––Son travail ne peut être évalué que par rapport à celui des autres ;
––D’où la nécessité d’une notation et d’un classement pour avoir les
repères nécessaires aux actions correctives utiles.
Corrigé de l’exercice 7
Analysez vos habitudes de réfutation à partir des 10 points de repère
suivants :
1. On ne convainc pas quelqu’un en lui montrant qu’il a tort.
2. On ne convainc pas facilement en défendant une position catégo-
rique mais plutôt une position nuancée, « raisonnable ».
3. Il est efficace de soutenir son point de vue par des preuves, c’est-à-
dire des faits.
295
Mettre en pratique
Corrigé de l’exercice 8
Cet exercice est là pour inciter les négociateurs à discipliner leur
argumentation quand il s’agit de faire une proposition ou de mettre à
l’épreuve une proposition adverse.
Afin de sortir de la polémique, on respectera les conseils suivants :
1. S’appuyer sur les faits
––Documents
––Constats
––Chiffres
––Dossier
––Témoignages
––Expériences
En général, on ne s’appuie pas assez sur les faits dont on dispose
(d’abord les a-t-on réunis ?). Il ne faut pas avoir peur de parler chiffres,
sinon comment contrer des objections du genre : « C’est relative-
ment cher ! », « Le chantier prend du retard… » Il faut savoir décrire,
présenter, exposer avec des données concrètes. Cela donne un sens
objectif à la conversation. S’il y a contestation, on proposera de vérifier
les éléments dont on dispose.
296
Corrigés
2. Construire un raisonnement
C’est l’approche la plus délicate de l’argumentation. Il faut avoir
quelque chose à dire et cela dans un but. Il faut aller vers quelque chose :
nous avons utilisé… mais il y a eu… or nous ne pouvions savoir… donc il
a fallu… Les deux raisonnements les plus utiles sont :
CORRIGÉS
––le raisonnement déductif : voici, or, donc ;
––le raisonnement causal :
• voici les faits ;
• voici les causes (pourquoi, parce que) ;
• voici les conséquences (en conséquence…).
Trop souvent, le dialogue manque de cohérence. On ne relie pas
assez les arguments (techniques ou pas), on ne sait pas les répéter
(quand ils n’ont pas été contrés) ou les abandonner (quand ils
rencontrent une objection insurmontable.
Attention aux excès : être trop raisonneur peut devenir ennuyeux.
3. Être contraignant
Il y a plusieurs manières d’exercer une contrainte :
––enfermer l’interlocuteur dans une alternative : « ou bien on
démarre avec… ou alors on décide de… » ;
––enfermer l’interlocuteur dans une hypothèse : « si on met en
place… on aura… n’est-ce pas ? » ;
––jouer le paradoxe (voire la mauvaise foi). Cela revient à pousser
jusqu’à l’absurde une solution de manière « à faire bouger » l’interlo-
cuteur.
Il est évident que l’argumentation par la contrainte est à « hauts
risques ». Elle peut déclencher conflits et objections défensives. On
évitera de l’utiliser tout en essayant, inversement, de ne pas en être
victime.
Parade : dire de façon sobre et calme à l’interlocuteur : « Cela n’est
qu’une hypothèse… ou une alternative… on peut aborder autrement le
problème, etc. ».
4. S’impliquer et impliquer l’interlocuteur
Cette tactique argumentative est habile car elle sollicite l’attention
positive de l’« adversaire » condamné à devenir partenaire. On peut
impliquer par le doute (« Croyez-vous que nous arriverons à… ? »). On
peut impliquer par l’embarras (« Je ne sais pas si je vais pouvoir vous
297
Mettre en pratique
garantir… »). C’est une manière d’amener dans son camp l’interlocu-
teur, de créer une connivence, une complicité (cela fonctionne parce
que cela revient à valoriser plutôt qu’à dominer l’interlocuteur).
5. Jouer le fait nouveau
Le fait nouveau, c’est l’alibi pour éveiller l’attention de l’interlocu-
teur. Il s’agit ici de « créer l’événement », « d’apporter quelque chose »
ici et maintenant. « Tenez, je viens de penser à quelque chose : si on… ».
Cet opportunisme tactique rend bien malgré la part de manipulation
parfois décelable (il faut être ici très sobre et assertif). Le fait nouveau
doit être réel. Le bluff est à éviter.
6. Jouer la conviction et le passage en force
Cette pratique argumentative, bien que risquée, peut créer un effet
de sécurisation chez l’interlocuteur (attention aux rejets, cependant).
Elle revient à jouer l’évidence, la certitude, la nécessité. Cette conviction
peut être ressentie comme coercitive. Elle « écrase » l’interlocuteur : « Il
est évident que vous avez intérêt à… La nécessité de ceci est essentielle
pour… J’ai la conviction… Avec cette méthode, “ça résiste ou ça plie” ».
Corrigé de l’exercice 9
Voici une série d’avantages et d’inconvénients pour les quatre solu-
tions :
1. Achat
Avantages Inconvénients
Solution bon marché (de 15 à 30 % moins (De 15 à 30 % moins chère que la location)
chère que la location Demande une grosse trésorerie à la base
(entre 3 000 et 20 000 euros)
Permet de conserver son matériel plus Avec cette solution, le revendeur se montre
longtemps (intéressant si la machine est peu souvent moins enclin à négocier les coûts
utilisée) de maintenance
2. Location
Avantages Inconvénients
Machines récentes, donc moins de risques Surcoût important par rapport à l’achat :
de panne ; bénéfice de technologies plus entre 15 % et 30 % de plus
sophistiquées
298
Corrigés
3. Crédit-Bail
Avantages Inconvénients
Solution environ 2 % moins chère que Avec cette solution, le revendeur se montre
la location pure souvent moins enclin à négocier les coûts
CORRIGÉS
de maintenance
Permet de conserver le matériel plus Surcoût restant très important par rapport
longtemps ou de le revendre d’occasion à l’achat
sans avoir à dégager de la trésorerie
4. Occasion
Avantages Inconvénients
Permet de conserver son matériel plus Passé un certain délai (machines de 6-7
longtemps (intéressant si la machine est peu ans), il devient difficile de trouver une société
utilisée) acceptant de signer un contrat de
maintenance
Corrigé de l’exercice 10
Réfuter, c’est agir sur l’argument adverse et même si parfois cela
amène à le contredire, nous ne perdrons pas de vue que la qualité d’une
discussion tient à sa valeur constructive. Il convient de répéter ici les
mauvaises pistes de la réfutation empruntées sans vergogne par tant de
« bateleurs » :
––l’esquive (« on n’a pas assez d’éléments pour savoir si… il faudrait
faire une enquête pour… ») ;
––l’altération de l’argument (« on a déjà entendu cela partout… cet
argument a fait son chemin ») ;
––la réfutation « à côté » de l’argument (« vous n’avez pas
répondu… ») ;
––la déconsidération de l’interlocuteur (« vous n’avez pas le droit de
dire cela… qui peut vous croire ?…») ;
––l’irritation par la mauvaise foi (« vous savez bien que vous avez tort,
mais vous ne voulez pas l’avouer… ») ;
––la contagion inattendue (dire comme l’autre alors que l’on devrait
le contrer : « bien sûr que j’ai tort, j’ai toujours tort, et vous, vous avez
toujours raison ! »).
299
Mettre en pratique
300
Corrigés
Corrigé de l’exercice 11
Objections à réfuter (pistes possibles) :
1. Revenir sur les avantages proposés. Un prix plus élevé correspond
à une meilleure qualité (à prouver) et des avantages annexes. Utiliser
CORRIGÉS
les comparaisons. Interroger : s’agit-il des mêmes produits ? Le prix
comprend-il les mêmes garanties ? Ce qui compte ce n’est pas ce que
cela coûte mais ce que cela rapporte. Remercier de l’objection, ne pas
se justifier, interroger celui qui objecte sur ce que selon lui explique
la différence.
2. Chercher à comprendre ce que l’acheteur recherche à travers sa
demande Interroger : quelle contrepartie m’offrez-vous ? En profiter
pour vendre un service supplémentaire de client privilégié.
3. Invoquer des explications précises qui concernent de vrais avan-
tages concurrentiels et de vrais bénéfices client Interroger : en quoi
mon offre diffère de ce que vous achetez actuellement. Défier : si tel
est le cas n’achetez pas chez moi.
4. Contester : je peux vous apporter des opinions positives de nos
clients. Contre-attaquer : si c’était vrai, je ne serai pas là. Interroger : à
votre avis, pourquoi dit-on du mal de nous ?
5. Défier : vos concurrents en sont équipés depuis un an. Contrer :
je vois un téléphone portable sur votre bureau, vous n’en n’aviez
pas il y a trois ans. Faire preuve de diplomatie : c’est normal, vous
ne disposez pas des informations suffisantes pour vous décider à
changer. Prendre le temps de revoir son client, ne pas le brusquer et
lui montrer qu’on est prêt à accompagner le changement.
6. Minimiser. C’est normal, il faut d’abord former vos commerciaux
et leur efficacité viendra progressivement.
7. Tôt ou tard vous changerez de fournisseur, il est bon de faire
connaissance Ce sera grâce à vous qu’un changement favorable se
produira.
8. Vous ne perdez jamais votre temps en réfléchissant. Quelles infor-
mations vous manquent ?
9. Envoyer de l’information toute l’année. Vérifier que vous avez bien
compris ses préoccupations. Proposer un test gratuit. Interroger :
pourquoi ne pas faire une exception pour une vraie nouveauté.
Pourquoi ne pas saisir une innovation sans mettre en danger votre
politique de référencements.
10. Suggérer de rappeler soi-même. Inviter le client à une démonstra-
tion, une visite, une réunion… Chercher une autre « porte » d’entrée.
301
Mettre en pratique
Corrigé de l’exercice 12
Voici une petite panoplie de techniques de réfutation courantes :
1. Minimiser : oui mais, effectivement, c’est vrai en partie… Elle
consiste en partie à « amortir » et prendre une position nuancée
moins attaquable.
2. Contester : pas du tout, absolument pas, c’est faux… Elle consiste à
trancher, se démarquer, s’opposer catégoriquement. C’est possible
si on dispose d’une forte argumentation ou si la position adverse est
fragile (fausse, infondée, excessive…).
3. Provoquer : justement c’est pour ça que… Avec cette manière de s’y
prendre, on parle d’un effet boomerang. Cela revient à renvoyer sur
l’interlocuteur ce qu’il vient de déclarer.
4. Questionner : sur quel plan ? dans quel cas ? en quel sens ? d’où vous
tenez cela ?… C’est inciter l’interlocuteur à s’expliquer plus, c’est
aussi une façon de gagner du temps pour réfuter et faire en sorte que
l’autre se « découvre » un peu plus.
5. Douter : êtes-vous sûr que ? avez-vous des preuves que ? peut-on
croire que ? La réfutation par le doute utilise le questionnement,
mais va plus loin : elle indique la voie de la nécessaire justification à
l’interlocuteur.
6. Plaisanter c’est le recours à l’humour, au bon mot, au mot d’esprit, à
l’ironie… C’est introduire de la dérision dans l’échange. Faire rire,
c’est mettre l’auditoire dans sa poche au détriment de la victime (qui
a parfois cherché à se faire moquer de lui).
Voici deux exemples de réfutation.
◗◗Situation 1
302
Corrigés
◗◗Situation 2
CORRIGÉS
Cette réfutation montre que la comparaison n’est pas valable
puisqu’elle ne va pas jusqu’au bout de ce qu’elle annonce.
Corrigé de l’exercice 13
Les propos d’Henry Fonda mettent en cause et montrent le caractère
interprétatif de témoignages si on peut leur opposer des faits précis avec
une grande rigueur de raisonnement.
Quelqu’un peut se construire une opinion à partir d’une interpréta-
tion, d’un témoignage et en faire une croyance difficile à déraciner qu’il
affirme en toute sincérité.
Henry Fonda montre qu’il est possible de contredire des interpréta-
tions par la reconstitution d’une scène :
1. en accumulant des faits très précis (bruits, chiffres, vitesse…) :
« L’un de vous a-t-il idée du temps qu’il faut à un métro, marchant à une
vitesse moyenne, pour dépasser un point précis ? Combien de temps ? » ;
2. et en raisonnant avec une logique difficilement réfutable de syllo-
gisme : « Vous convenez qu’il faut juste 10 secondes pour qu’un métro dépasse
un point précis. Si la femme a vu l’assassinat à travers les deux derniers
wagons, nous en déduirons évidemment que le corps est tombé juste à l’instant
où le métro passait.
• Donc le métro est passé dans un bruit de ferraille devant la fenêtre du
vieux monsieur au moins 10 secondes avant même que le corps soit tombé.
• Le vieux monsieur - dont vous connaissez le témoignage : «je vais te tuer»
puis une seconde après le bruit d’un corps qui tombe – devrait avoir entendu
le petit menacer son père pendant que le métro passait. Donc, il est impossible
qu’il l’ait entendu. »
Le seul moyen de contredire des impressions est de leur apporter la
preuve qu’elles sont fausses par la preuve des faits vérifiables (argumen-
tation utilisée dans les procès de droit pénal).
303
Mettre en pratique
Corrigé de l’exercice 14
Il est utile de nourrir sa confiance en soi en revenant sur les bonnes
réponses que vous avez pu apporter, les moments où vous avez su oser,
les points sur lesquels vous avez pu bien argumenter et rester ferme.
En contrepartie, se remettre en cause permet de progresser : recon-
naître ses erreurs, ses mauvais choix, l’entêtement, les excès, les manque-
ments de toutes sortes.
C’est ainsi qu’on se construit des signaux d’alerte pour une prochaine
négociation (au lieu par exemple d’insister toujours sur le même argu-
ment, chercher à questionner pour s’en sortir).
Pour conclure, le négociateur doit avoir de nombreuses cordes à son
arc : savoir anticiper, être à l’écoute, faire preuve de détermination, de
souplesse, apprendre à s’adapter, être stratège.
écoute
anticipe s’engage
assure est
un suivi déterminé
LE
stratège NÉGOCIATEUR s’adapte
304
Troisième partie
307
La bible du négociateur
308
Lexique
309
La bible du négociateur
limitée dans le temps (exemple : coopé- lors d’un échange difficile (dialectique et
ration technique dans les pays en voie de argumentation).
développement) et le but poursuivi par
Disqualification : Disqualifier, c’est prati-
les « coopérants » est d’arriver à ce que les
quer l’attaque personnelle. L’objectif est de
groupes ou les personnes ainsi soutenues
déstabiliser l’adversaire en le culpabilisant
puissent, à plus ou moins long terme, se
ou en le méprisant. C’est l’équivalent des
débrouiller et s’en sortir de façon auto- « mauvais coups » dans le sport Disqualifier
nome. 2. Participation intentionnelle et est souvent (toujours ?) un signe de fai-
coordonnée des membres d’un groupe blesse (peur de ne pas aboutir, manque de
(ou de deux ou plusieurs personnes) dans confiance en soi et dans les autres, insécu-
une action commune. Les obstacles habi- rité). La disqualification entraîne souvent
tuels à la coopération sont la compétition, une escalade malencontreuse. Il s’agit
l’égocentrisme, la non-considération d’apprendre à s’affirmer sans agresser face
d’autrui (manque de confiance) et les à des propos disqualifiants et provocateurs
obstacles ordinaires à la communication. (je comprends que… j’estime personnel-
Crédibilité : Qualité majeure qui fonde lement…).
une influence saine. C’est s’en tenir à ce Divergence : Le propre de la négociation
qui est juste, vrai, objectif, prouvé, véri- est souvent de traiter des divergences. Il
fiable. est bon de distinguer si les divergences
Déduction : Raisonnement considéré portent sur le principe ou sur les modali-
comme rigoureux qui consiste à appliquer tés et de mesurer l’écart à réduire (faible
ou important). Tout bon négociateur a
un principe général à un cas particulier.
dans sa tête une image dynamique de la
Le syllogisme en donne une excellente
divergence : il s’agit de la voir vivre, donc
illustration. Plus couramment, la déduction
de l’accepter, de l’intégrer et de chercher
n’est considérée que dans le sens d’une
à la réduire ou à la transformer (dimension
comparaison tirée d’un raisonnement.
créative). Le concept de divergence pose
En logique formelle, la déduction est un
la question du non-négociable. C’est au
procédé de pensée par lequel on conclut
négociateur d’identifier assez tôt les zones
de propositions prises pour prémisses, à du non négociable au cœur de la diver-
une proposition dite « concluante » qui en gence et d’en tirer les enseignements utiles
résulte, en vertu de règles logiques. en vue du compromis ou des concessions
Discussion : Discuter est un moment à accorder.
de toute négociation. C’est la phase Domination : La stratégie d’engagement
« confrontation » plus ou moins intense, fondée sur la force, l’attaque, la prise
loyale, équilibrée. Discuter c’est toujours d’initiative crée les conditions de la domi-
plus ou moins défendre et attaquer tour à nation, une domination « à découvert »
tour. C’est, en tout cas, la mise à l’épreuve par rapport à la stratégie de contrôle
des arguments et des raisonnements. (domination en coulisse). Dominer, c’est
Trop systématique, la discussion tourne à imposer et/ ou s’imposer. La domination
la polémique. Trop auto justificatrice, elle renvoie à l’image du négociateur fon-
tourne à la conversation de salon. Riche et ceur, gagneur, impulsif ou froid et dur.
vivante, bien démarquée des tendances La stratégie de domination peut séduire
à provoquer et à disqualifier, elle aide des gens dépendants ou convaincre en
à la clarification des positions et sert de passant en force. Elle crée de la frustration
moyen pour valider ce qui est proposé notamment quand la domination est sans
et soutenu. Bien discuter ne garantit pas partage (compromis) ou avare de conces-
une parfaite qualité de négociateur (il sions. Les négociateurs dominateurs ont
faut savoir consulter et aller vers l’arrange- une réputation de négociateurs redou-
ment) mais assure une bonne prestation tables, déterminés et fermes. Cependant
310
Lexique
ils se fragilisent souvent au moindre échec les sociétés (la colère fait serrer les poings
et ils repartent moins solides mais parfois d’un Européen et ouvrir des yeux ronds
toujours aussi convaincus. Peu calcula- à un Chinois). Darwin voyait dans l’émo-
teurs, peu à l’écoute, ils sont appréciés des tion une réaction adaptative utile, Janet
gens qui aiment leur énergie, leur fran- la cataloguait comme une « déroute » de
chise, voire leur dévouement. Ils peuvent l’individu, quand H.Wallon la considérait
convaincre par « contagion » et l’emporter comme un « langage » avec le monde.
par ralliement à leur cause. La négociation Bien que mal expliquée et difficile à saisir,
avec eux est difficile ; le compromis est rare certains, comme Hans Selye, ont bien mis
et plutôt perçu par les dominateurs purs et en évidence son rôle, par exemple dans le
durs comme une défaite. stress et les affections psychosomatiques.
Écoute : Aptitude fondamentale en Des travaux modernes (Hodge, Hebb et
matière de communication. Elle consiste K.H.Pribram) ont tenté de montrer que
à être disponible pour comprendre et l’état émotionnel dépendrait avant tout
assimiler les énoncés des partenaires. de l’importance du besoin et de la proba-
L’écoute se mesure à travers la capacité de bilité de sa satisfaction. L’émotion naîtrait
reformuler, de questionner en prise directe donc d’un décalage entre les possibilités
sur le déroulement du dialogue, de relayer de réponse d’un sujet et les exigences de
la capacité de reformuler, de questionner la situation.
en prise directe sur le déroulement du Empathie : Ce terme souvent employé
dialogue, de relayer les propositions en les au cours des séminaires de communica-
enrichissant ou en les réfutant. L’écoute
tion renvoie à une attitude bien définie
se perçoit de façon empirique à travers
par Carl Rogers. Il s’agit d’une attitude de
certains signes extérieurs (mouvements
compréhension et d’approfondissement
de la tête, du visage, des yeux…). La
visant à aider une personne à aller au bout
reformulation qui est une expression
de ce qu’elle veut dire. Cela suppose un
pure de l’écoute constitue un atout en
accueil tolérant pour une parole parfois
matière de discussion. C’est la garantie de
divergente et un double travail d’écoute
la tolérance, de la compréhension et de
l’efficacité (recul des risques du « dialogue et de questionnement facilitateur. Faire
de sourds »). preuve d’empathie, c’est aussi être dis-
ponible, s’ouvrir à l’autre, chercher les
Égocentré : Centré sur soi-même, ne significations, calmer sa tendance réagir
pouvant juger que par rapport à soi, d’où et à projeter. C’est faire preuve d’une
incapable de se mettre à un point de certaine curiosité, une intelligence naïve
vue objectif ni de concevoir des valeurs et fraîche visant à découvrir la réalité et la
sociales générales. Contraire d’allocentré. logique l’autre.
À distinguer d’égoïste, qui implique un
jugement moral. Engagement : L’engagement mesure
chez le négociateur la capacité à oser
Émotion : Du latin emovere, « faire sortir « sortir » une proposition et la soutenir
de », au sens fort et étroit, c’est un état avec un certain degré de conviction plutôt
affectif violent qui trouble physiologi- élevé. S’engager, c’est prendre le risque
quement (tremblement, pâleur, crispa- de dire, donc d’influencer. L’engagement
tion…) et intellectuellement (confusion peut avoir un effet mobilisateur déclencher
des idées, perte du sens critique…). Sur la rébellion ou au moins des objections
un autre plan, l’émotion est plutôt consi- Dans certains cas, l’avantage est à l’attaque
dérée comme un sentiment (joie, tristesse, donc à celui qui s’engage.
espérance…). Si l’émotion-sentiment peut
inhiber, elle peut aussi libérer et inspirer. Explication : L’explication est une
En ce sens, Bergson parle d’émotion ressource rationnelle et objective au
créatrice. En fait, l’émotion varierait selon service de l’argumentation. Elle utilise la
311
La bible du négociateur
312
Lexique
changement lui-même à l’origine du rap- Piège : Terme qui s’applique à une ques-
prochement recherché. tion dont le but est de déstabiliser, faire
du mal, mettre en difficulté. La question
Manœuvre : On entend par manœuvre piège est source d’antagonisme et appelle
un comportement tactique et calculateur la méfiance ou la revanche.
procédant par réserve, prudence, éva-
luation du risque et progression toujours Polémique : du grec polémikos (relatif
fonction de soi et de l’autre ainsi que des à la guerre). La polémique suppose une
conditions d’environnement attitude critique et conduit vers des dis-
cussions vives et surtout agressives. Elle
Marge de manœuvre : la marge de ma- obéit à une logique de l’antagonisme et
nœuvre est un élément capital dans toute fonctionne dans l’ordre de l’hostilité. Elle
négociation. C’est l’écart entre hypothèse privilégie l’attaque, l’accusation, la remise
haute (solution la plus favorable) et hypo- en cause. Elle met de l’huile sur le feu. Il
thèse basse (plancher). Le négociateur est difficile d’enrayer la polémique surtout
doit la gérer tout en la gardant secrète, quand l’escalade de réfutation et contre
même si implicitement ou explicitement réfutations devient une véritable discussion
(attitude coopérative) il fait état des assimilable à une partie de ping-pong
possibilités qu’il a de discuter après s’être (forte polémicité).
engagé par exemple sur une première
Préjugé : Jugement a priori, opinion
proposition. En général, on ne saute pas de
toute faite, non mise en cause par le Moi,
l’hypothèse haute à l’hypothèse basse, on
issue soit des stéréotypes de groupe, soit
procède par réaménagements, paliers ou
d’une expérience personnelle généralisée
compensations, en fonction des objections à tout ce qui ressemble à « l’objet » de
adverses. Gérer sa marge est un élément l’expérience passée et à tous les membres
clé du talent de négocier. En tout cas, on de son groupe. Le préjugé agit comme
doit rappeler qu’on ne peut pas négocier facteur déformant de la perception, de la
sans marge de manœuvre. définition conceptuelle, des sentiments, du
Mètis : Nom de la déesse grecque de l’in- jugement et de l’action.
telligence rusée. Elle signifie habileté, tact, Prémisse : Au sens large, une prémisse
calcul, sens pratique pour les choses du est une proposition qui sert de point de
quotidien. Animal symbolique : le renard. départ à un raisonnement ou à une argu-
Non-négociable : Difficile à définir, le mentation.
non-négociable correspond à des points Preuve : Ce qui amène l’esprit à recon-
incontournables au nom de l’intérêt naître une vérité. On peut distinguer deux
général, d’un contrat ou d’une conviction types de preuves : celles qui procèdent
personnelle. Le non-négociable aide à pré- par démonstrations objectives et créent
ciser les territoires de chacun. Polémique : la conviction (logique) et celles qui pro-
Discussion qui prend l’allure d’une partie cèdent par persuasion (psychologique) et
de ping-pong avec escalade des objec- en appellent aux sentiments ou aux ten-
tions. La baisse de rigueur des arguments dances psychiques de l’individu (« esprit
est alors fréquente, on sacrifie au sens de géométrie » et « esprit de finesse » selon
de la répartie. On répond coup pour la distinction de Pascal).
coup et souvent de façon tendancieuse Préparation : Toute négociation se pré-
et spéculative (exagération, surenchère, pare sur plusieurs plans :
généralisation, procès d’intention…). Les
– expertise, connaissance du dossier ;
esprits « jusqu’au-boutistes » savent faire
durer la polémique jusqu’à la dispute. Le – connaissance de la partie opposée ;
débat devient alors stérile et les chances – préparation physique et émotionnelle
de concrétiser reculent. Il y a enlisement. personnelle ;
313
La bible du négociateur
Question : Outil de base pour la consulta- Ruse : La ruse est une variante plutôt
tion. L’art de Socrate (maïeutique) consiste cynique de l’esprit de finesse. Doigté, tact,
à bien poser des questions pour accoucher habileté voisinent avec la ruse qui procède
les vérités. Il est bon de se soucier des toujours par le double jeu de l’alliance
questions que l’on pose en préférant les et de la dissimulation. La ruse éveille la
questions ouvertes, relais ou informations méfiance quand elle est démasquée.
aux questions trop fermées, suggestives Scénario : On appelle scénario tout
ou pièges. enchaînement construit et calculé en fonc-
tion d’un objectif. Il s’oppose à l’impro-
Questionnement : Ensemble des habi-
visation. Il obéit à un canevas. Plusieurs
tudes et des moyens utilisés pour faire
scénarios sont possibles. Le négociateur
parler, interviewer. Le questionnement
capable d’anticiper s’est entraîné à imagi-
est donc affaire d’attitudes (faire preuve
ner des scénarios et à les décrypter.
d’empathie, avoir une écoute active) et de
techniques (utiliser le registre des différents Stratagème : Scénario fondé sur une
types de question, ouverte, fermée, relais, ruse consistant à endormir l’adversaire,
suggestive, etc.). à abonder pour mieux attaquer ou le
contrer. Le stratagème est toujours fondé
Rapport de force : Le négociateur doit
sur la dissimulation et l’abus de confiance.
tenir compte du rapport de dépendance
entre les protagonistes. Il est ou bien : Stratégie : On entend par stratégie la
– statutaire (règlement, hiérarchie…) ; – conception du chemin qui va convenir
conjoncturel (intérêts en présence) ; – psy- le mieux à l’atteinte d’un objectif. La
chologique (ascendant, etc.). Le premier stratégie englobe la notion de moyens,
souci est d’évaluer le rapport de force de tactiques, de plans d’action, de résul-
(équilibré, faible, fort) et de voir en faveur tats à atteindre, de politique en général.
de qui il joue et comment il peut évoluer. L’expérience montre que deux orienta-
Dans certains cas, le négociateur peut tra- tions stratégiques sont possibles : s’enga-
vailler à modifier le rapport de force avant ger ou gérer et laisser venir, c’est-à-dire
de négocier. dominer ou contrôler.
314
Lexique
315
Bibliographie
◗◗Livres
◗◗Revues
Négociations, De Boeck.
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La bible du négociateur
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