Jafr 0037-9166 1958 Num 28 1 1893
Jafr 0037-9166 1958 Num 28 1 1893
Jafr 0037-9166 1958 Num 28 1 1893
Africanistes
Gessain Monique. Note sur les Badyaranké (Guinée, Guinée portugaise et Sénégal). In: Journal de la Société des Africanistes,
1958, tome 28. pp. 43-89;
doi : https://doi.org/10.3406/jafr.1958.1893
https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1958_num_28_1_1893
par
Monique GESSAIN
.... V
CERCLE DE CASAMANCE
Subdivision de Velingara
GUINÉE PORTUGAISE
Carte № 1.
Localisation géographique des Badyaranké au Sénégal (très approximative),
en Guinée portugaise et en Guinée.
Histoire.
Comme celle de tous les habitants de la région, l'histoire des Badya-
ranké est très mal connue. Nous savons seulement que parmi les
habitants actuels de la région, les Badyaranké sont les plus anciennement
installés. Pour certains, les Fulakunda les y ont trouvés établis au
xvie siècle.
Bouchez 1 semble être le premier auteur qui se soit intéressé à
l'origine des Badyaranké dont il écrit en 1903 : « Les Badyarankés
constituent une famille nettement différente de celles qui habitent le Foutah,
mais assez mal définie » (p. 375). « II y a incontestable affinité entre
eux et les Malinkés dont un certain nombre habitent parmi eux, et
dont ils apprennent facilement la langue. D'autre part, il y a des
analogies entre eux et les Mandingues qui peuplent sur l'autre rive de
la Gambie les provinces sénégalaises du Sandougou, du Sine et même
du Netteboubou. Peut-être faudrait-il voir en eux, comme en ces
derniers, des débris de la grande invasion mandingue de Koli » (p. 376).
Après Bouchez qui traite des seuls Badyaranké, tous les auteurs
ont assigné aux Badyaranké une origine commune à tous les Tenda,
terme sous lequel les Peuls du Fouta-Djalon (d'après Técher, p. 632)
désignent un groupe de populations comprenant les Badyaranké, les
Coniagui, les Bassari, les Tenda Boeni, les Tenda proprement dits
(Maclaud, 1906, p. 119; Arcin, 1907; Delacour, 1912 et Técher,
1933, p. 632 qui range aussi parmi les Tenda les Tyapi). Coniagui,
Bassari et Badyaranké descendraient tous de compagnons de Koli
Tenguela, conquérant mandé parvenu dans la région vers le xive
(Arcin, Técher) ou le xvie siècle (Delacour, p. 289) ; Tenda Boeni
et Tenda Mayo seraient d'anciens Bassari islamisés et métissés.
Arcin (1907, p. 193) ajoute que les indigènes voisins désignent
parfois les Tenda sous le nom de « captifs de Koli » et Delacour
(1912 2, p. 290) précise : « Koniagui, Bassari et Badyaranké seraient
ainsi les descendants de la troupe de Koli. Il est à mentionner que,
dans leurs disputes, ces trois groupes se traitent mutuellement, en
s'insultant, de « captifs de Koli ». Mais deux Koli différents semblent
confondus par ces auteurs3. »
1. Bouchez, capitaine d'infanterie coloniale, chargé de la région du Labé, date son travail, publié
en 1903, de Boussourah, le 25 aoûtl902. Boussourah, village peul au sud-est du Badyar était alors
le chef-lieu du cercle dont dépendait administrativement le Badyar. Le travail de Bouchez était un
rapport de tournée.
2. Administrateur des colonies, A. Delacour a vécu à Youkounkoun, chef-lieu de la subdivision
dont dépend le Badyar, de février à juillet 1907 et de septembre 1909 à novembre 1910. Son travail
fut publié en 1912 et 1913.
3. L'histoire de Koli Tenguela est mal connue. Nous empruntons à J. Joire les renseignements
suivants (communication inédite) : < Le Koli Tenguella qui a fondé au Fouta-Toro, une dynastie
Denyanké, est du xvi* siècle. Le nom Tenguella est celui de son père adoptif, appelé Temela par
46 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
Parlant des groupes qui constituent l'ensemble Tenda, Arcin écrit
(p. 189 et suivantes) que malgré « leurs affinités, nous devons faire
observer que leur parenté n'est pas encore bien prouvée » et il ajoute
que les Tenda « ont subi le joug du vainqueur Mandé ou Foula » et
se sont « fortement mélangés à lui ». Il précise même que « les hommes...
du Badyar... sont tous des métis de Malinké et Soninké avec
l'élément tenda autochtone. D'ailleurs ces deux races étaient faites pour
s'entendre, ayant à peu près les mêmes goûts et mêmes coutumes.
Mais l'élément malinké a influé fortement sur les Tenda dans le sens
d'un adoucissement des mœurs ».
Coutouly (1916 S p. 105) et plus tard Técher (1933, p. 639), plus
affirmatifs qu'ARCiN, considèrent la parenté entre Badyaranké,
Coniagui et Bassari comme nettement établie.
Nous devons aussi signaler que pour un auteur portugais, L. Cor-
reia Garcia, les Badyaranké seraient issus de croisements entre des
Tiliboncas (Mandingues) arrivés dans la région vers 1800 sous la
direction de Traman Sane ou Traman Kaba et de Coniagui autochtones.
Selon d'autres auteurs portugais, la tradition ferait venir les
Badyaranké de l'Est avec Sundiata.
Il semble très vraisemblable que l'existence des Badyaranké dans
les chroniques portugaises et Teniedda par le Tarik el Fettach et le Tarik es Soudan, qui fut tué
à Diara en 1512 par Amar Komdiago frère de l'Askia Songahaï Mohamed Touré. Koli venait du
Badiar et ce serait après la mort de son père adoptif Tenguella qu'il se serait établi au Fouta
Того, ayant battu le Sultan du Djolof, le Tarik es Soudan ajoute : « Depuis lors, le pays de Djolf
fut divisé en deux parlies, une moitié sur laquelle régna Kalo, fils de Salta Tayenda, et l'autre
moitié eut pour souverain Damel, le principal Caïd du Sultan de Djolf. »
Temela a donc bien vécu jusqu'au début du xvi» siècle et Koli lui a survécu. Mais cela ne
signifie pas que ni Temela, ni Koli établirent la puissance mandingue au N'Gabu et au Badiar. Il
devait y avoir plus de deux siècles que des peuls malinkinisés, Deniankés (nobles) et Koliagbés
(serfs de Koli) avaient imposé leur pouvoir dans ces régions dont l'origine remonterait à Fa Koli
Sissoko Fa ou Farba de Soundiata Keita, empereur de Mali au xm« siècle. Celui-ci avec Ouali
Dione, fils de Soundiata, Tira-Makan et deux autres lieutenants de Soundiata, après la victoire de
leur empereur sur le roi des Sossos Soumangourou Kannte aurait pourchassé vers l'Ouest et vers
le Sud les Sossos, Kissis, Timénés, Mendenis et occupé tout le bassin de la Gambie s'imposant aux
Tyapis, Tendas, Diallonkés et certains Sérères sur la rive nord de ce fleuve. Le royaume des
Cocolys existait en Guinée dès l'arrivée des Portugais, c'est-à-dire sans doute avant la naissance
de Koli Tenguella. D'après José Mendès Moreira, Tirama ou Tiramaca est indiqué comme
fondateur au хшв siècle d'un royaume de Farim de Gabu.
Dès le milieu du xv« siècle, les navigateurs portugais (Ca da Mosto Diogo Gomez) trouvèrent
les royaumes Wolofs qui dépendaient encore peut-être du Bourba Djolof (Brac du Oualo, Damel
du Cayor, Bour du Sine et Bout du Saloum) et les indications qu'ils donnent obligent à faire
remonter à une date très antérieure la fondation de l'empire Diolof par N'Diadiane N'Diaye,
contemporain de Manyesa Wali Dione, Bour sine d'origine Guelowar, c'est-à-dire mandingue.
Tous ces événements remontent, semble-t-il, à l'invasion mandingue des lieutenants de Soundiata.
C'est pourquoi les chroniques du Fouta Того et les traditions woloves font de Koli un fils de
Soundiata et confondent Koli Tenguella et Fa Koli Soussoko. » Cf. également J. Joire, 1955.
Découvertes archéologiques dans la région de Rao (Bas-Sénégal). Bulletin de l'I.F.A.N., t. XVII,
série B, n» 3-4, p. 249-333.
1. D'après l'article de Coutouly publié en 1916, les notes de celui-ci t ont été rédigées en 1908
et relues en 1910 ». François de Coutouly, administrateur des Colonies, a commandé le cercle de
Kadé d'où dépendait administrativement à cette date la région du Badyar.
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 47
la région qu'ils occupent actuellement remonte au xnie siècle, à
l'époque du premier Koli (cf. note 3, p. 43).
« La toponymie semble confirmer de nombreuses traditions selon
lesquelles (les Badyaranké) auraient occupé autrefois une aire, plus
vaste qu'aujourd'hui... jusqu'en haute Gambie anglaise » (Richard-
Molard). Richard-Molard pense que « le fait surtout qu'ils n'aient
réussi à sauvegarder leur originalité que dans la région de la montagne
et à la faveur de son abri atteste leur caractère de peuple résiduel
refoulé ».
En ce qui concerne les Badyaranké de Guinée, nos informateurs nous
ont dit (1946-1949) que le premier village occupé par les Badyaranké
s'appelait Kol Tenguela. Ce village, détruit, aurait été situé entre la
falaise du Badyar et le village d'Ipodu, et l'on verrait encore des
ruines de ses cases. Puis fut fondé le village de Maru, village père de
tous les villages actuels.
L'histoire récente des Badyaranké nous est un peu mieux connue.
Delacour (1912, p. 295) rapporte qu'au siècle dernier « les
Badyaranké souffrirent quelque peu des incursions que les Coniagui firent
sur leur territoire, mais ce ne furent jamais que des guerres peu
sérieuses qui les divisèrent et... les Badyaranké battus par Sellou
Koyada, chef du Ngabou, vinrent se réfugier chez eux, et, grâce à
leur aide, ils purent expulser l'envahisseur ».
Administrativement, la région immédiatement voisine de la falaise
du Badyar relève de la Guinée x depuis 1898 (cf. Delacour, p. 370) ;
elle fît partie du cercle de Boussoura à partir de 1900. Ce cercle fut
supprimé par un arrêté du 7 juillet 1904 et son territoire fut disloqué,
le Badyar étant alors rattaché au cercle de Kadé auquel fut rattaché
à son tour en 1906 le cercle des Coniagui créé en 1904 (cf. Delacour,
p. 373).
DÉMOGRAPHIE.
Si la plaine du Badyar est très peu peuplée (parfois moins de 1
habitant au kilomètre carré), le pied de la falaise et le plateau dépassent
parfois 10 habitants au kilomètre carré (Richard-Molard, 1946).
La démographie des Badyaranké nous est connue par plusieurs
documents.
Guinée.
Les renseignements les plus anciens concernant les Badyaranké de
Guinée (cf. carte n° 2) semblent être ceux recueillis par l'expédi-
1. L'ancienne Guinée française est devenue indépendante en septembre 1958 en conservant les
mêmes limites territoriales.
48 SOCIETE DES AFRICANISTES
30'
es
oUlandji Futa O Sintyam oAkadaso
Pate
KennebaO
G U I NÉE
1. Il est remarquable que Gouldsbury, ayant suivi la piste Timbi-Sunkutu-Kutan qui traverse
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 49
Les renseignements que nous donne en 1903 le capitaine Bouchez
après une tournée dans le Badyar en 1902 sont plus précis. « Le
recensement de 1901... lui attribue... un total de 3.000 âmes environ... Ce
chiffre de 3 000 paraît être d'ailleurs au-dessous de, la réalité... Les
Badyarankés... comptent pour moitié environ du total » (p. 375).
Bouchez pense donc que les Badyaranké étaient plus de 1 500 en
Guinée en 1901-1902, répartis en 7 villages, auxquels il accorde
respectivement la population suivante :
— Maro : 350 habitants environ ;
— Paokan : 75 habitants (« à coup sûr, le moins important et le plus
délabré des villages Badyaranké», p. 383) ;
— Timbi : plus de 250 habitants (« Timbi, gros village Badyaranké,
qui compte pour 250 habitants mais en a certainement davantage »
p. 384) ;
— Kapparabina : 150 habitants environ ;
— Ouankan : 80 habitants ;
— Soukountou : plus de 100 habitants (« Soukountou qui compte
pour 100 habitants et en a certainement davantage », p. 386) ;
— Koutan : 350 habitants К
A côté des Badyaranké, Bouchez décrit au Badyar un village
habité depuis quelques années (écrit en 1902, p. 381) par des Fula
venant du Labé et une douzaine de villages Fulakunda. « Les Fou-
lacoundas », écrit-il, « habitent des villages groupés, placés dans les
intervalles des villages badiarankés (p. 379). Ils vivent en bonne
intelligence avec (les Badyaranké) mais en simples voisins sans aucune
trace de suprématie les uns sur les autres ; ces bonnes relations
excluent d'ailleurs toute idée de mélange, il n'y a jamais d'alliance
entre eux » (p. 380).
Coutouly pense que les Badyaranké sont environ 2 000 vers 1908-
1910, chiffre d'un quart supérieur à celui donné par Bouchez pour
1902 ; ces 2 000 sujets sont répartis dans les villages suivants :
— Maru : 592 habitants ;
— Kaparabina : 173 habitants ;
— Kaorané : 110 habitants ;
— Sounkoutou : 293 habitants ;
— Kutan : 723 habitants (soit un total de 1 891 habitants).
le plateau du Badyar, n'ait pas vu l'existence de la haute falaise qui termine ce plateau. Aussi cet
accident géographique, le seul important de la région, ne figure-t-il pas sur la carte de Gouldsbury.
On pourrait dire que celui-ci n'a pas vu la montagne parce qu'il marchait dessus. En effet,
Gouldsbury n'a jamais atteint le bord de la falaise.
1. Bouchez note la disparition < depuis plusieurs années > (p. 385) du village de Payali (p. 374)
ou Pagady (p. 385) au nord-est du Badyar, village figurant sous le nom de Payady sur la carte de
Gouldsbury qui lui attribue 100 maisons en 1881.
Africanistes. 4
50 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
Certains villages notés par Bouchez ne sont pas signalés par Cou-
touly, mais ce dernier assigne aux villages qu'il décrit un nombre
bien supérieur à celui noté par Bouchez dans les mêmes villages six
.
ans plus tôt. Les « villages » de Coutouly représentent peut-être un
groupe de hameaux recensés sous un seul nom de village, comme cela
se passait encore récemment dans la région.
A l'époque de la première grande guerre mondiale, Mgr Lerouge г
(p. 275) accorde une centaine de cases à Wankan.
Les données des recensements de 1944 à 1947 pour la circonscription
de.Youkounkoun, dont fait partie la région du Badyar, habitée par
les Badyaranké de Guinée ont été récemment (1950 c) publiées par
nous-même. Dans ces données sont comprises celles concernant les
Badyaranké. Ceux-ci étaient 2 483 en 1944, 2 599 en 1945 et 2 568 a
en 1947, 1282 hommes et 1286 femmes. La répartition de ces
2 568 Badyaranké selon le sexe et l'âge est donnée par la figure
n° 1.
Les 2 568 Badyaranké recensés en 1947 habitaient 24 hameaux
différents. Quatre de ces hameaux sont habités uniquement par des
Badyaranké, ce sont Udaya, Bagadať, Wâkan et Timbi. Six autres
sont habités par une très forte majorité de Badyaranké mais quelques
sujets non Badyaranké (de 1 sujet à 3 familles) sont venus habiter
ces hameaux ; ce sont Kutâ, Kaparabina, .Paonka, Sunkutu, Kao-
rane, Maru. Enfin, quelques sujets Badyaranké habitent 14 autres
hameaux dont la majorité des habitants appartiennent à d'autres
groupes ethniques ; ce sont Nemataba, Udaba, Pakay, Kenneba,
Ulandji Futa, Sareboido, Kantutu, Sintyam Pate, Sambalde, Sam-
bailo, Sanka, Akadaso, Fulamâsa et Kâ Beseuro.
En effet, aujourd'hui, sur le territoire habité par les Badyaranké,
habitent de nombreuses autres populations. Il s'agit là d'un fait
récent et important. En 1912, omettant les quelques Fula que Bouchez
a signalés dès 1902 au Badyar, Delacour pouvait encore écrire :
« A l'exception des Foula-Kounda du Badyar installés dans des
villages distincts à côté des Badyaranké, les installations d'étrangers sur
leur territoire n'ont jamais été qu'éphémères. » Mais en 1946, la
situation a complètement changé et l'on rencontre au Badyar, vivant côte
1. Premier évêque de Guinée, Mgr Lerouge y séjourna quarante-sept ans, de 1903 à 1950. Il fit
de nombreux séjours à la mission de Youkounkoun, en particulier pendant la guerre de 1914-1918.
C'est à cette époque qu'il visita les Badyaranké. .
2. Auxquels, pour obtenir le nombre exact de Badyaranké de Guinée, il faudrait probablement
ajouter quelques sujets vivant dans d'autres régions guinéennes. Il est vraisemblable que quelques
Badyaranké, originaires de Guinée, se trouvaient aussi à cette époque à Dakar ; peut-être
quelques-uns servaient-ils alors dans l'armée française ; mais le total des Badyaranké originaires de
Guinée et vivant hors des frontières de ce pays ne devait pas dépasser une dizaine d'individus au
maximum.
NOTE SUR LES BADYARANKE 51
2 1
II
-fin 6
9
18 22
1O ■ ■ 16
21 1282 Of 1286 О 43
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22 ■6 1 14
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82 ■ 54
71 78
61 1О4
118 114
1О7 1О9
119 119
I^^^^^^^^^S 2о ^
126 128
131 85
145 157
2OO Ш^ШЕ^Ш1^Я^^^Ш |^ННН|| 212
2ОО 15О 1ОО 5О 5О ЮО 15о 2ОО
Fig. 1. — Pyramide des âges des Badyaranké de Guinée, 1947, n : 2 568 hommes et femmes.
à côte et souvent dans les mêmes villages, des Badyaranké, des Fula-
kunda, des Peuls du Futa, des Mandingo, des Sarankolé, etc..
Les 13 355 habitants du Badyar- appartiennent à 21 groupes
ethniques différents ; ils habitent 96 hameaux dont 40 seulement
sont peuplés d'individus appartenant à une seule population et 56 par
des sujets appartenant à 2 groupes ethniques au moins : 24 hameaux
sont habités par des sujets de 2 groupes ethniques, 7 par des sujets
de 3 groupes ethniques, 9 par des sujets de 4 groupes ethniques,
5 par des sujets de 5 groupes ethniques, 5 par des sujets de 6 groupes
ethniques, 1 par des sujets de 7 groupes ethniques, 2 par des sujets
de 8 groupes ethniques, 1 par des sujets de 9 groupes ethniques,
1 autre par des sujets de 12 groupes ethniques et 1 dernier par des
sujets de 15 groupes ethniques différents. Mais malgré cette étonnante
juxtaposition de populations diverses sur un même territoire, les
mariages intergroupes sont très rares. Pour l'ensemble du Badyar,
52 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
nous n'en avons pas trouvé plus de 38 dont étaient issus 51 enfants.
En ce qui concerne en particulier les Badyaranké, 4 mariages ont eu
lieu entre Badyaranké et non Badyaranké. D'un mariage d'un homme
Mandingo avec une femme Badyaranké sont issus 3 enfants ; d'un
mariage d'un homme Badyaranké avec une femme Fula est issu
1 enfant ; 2 mariages mixtes sont restés sans descendance : l'un entre
un homme Badyaranké et une femme Fula, l'autre entre un homme
Fulakunda et une femme Badyaranké. C'est dire combien l'endo-
gamie reste forte chez les Badyaranké.
Que penser de l'avenir démographique des Badyaranké ? Il semble
compromis. En effet, alors que de 1943 à 1948, l'accroissement des
Peuls du Badyar — Fulakunda et Fula — a atteint 41 %, il n'était
que de 11 % pour les deux gros villages Badyaranké, Maru et Kutâ.
En fait, Kutâ avait perdu 16 % de sa population pendant ces cinq
années, et l'ensemble ne s'était accru que grâce à l'accroissement de
Maru (43 %) vraisemblablement dû à la proximité de la grande route
automobile de Koundara à Saréboido qui dessert ce village. Mais il
ne faut pas accorder une trop grande importance à ces chiffres car
la population de Maru et de Kutâ ne comprend pas absolument que
des Badyaranké et les recensements administratifs manquent de
précision à cet égard.
La proportion des enfants de moins de quinze ans par rapport à
l'ensemble de la population nous donne malheureusement un indice
allant dans le même sens. Cette population est inférieure chez les
Badyaranké (36 %) à celle des autres groupes ethniques du Badyar
(42 % chez les Sarankolé, 41 % chez les Fulakunda et 37 % chez les
Fula).
Tous ces indices marquent peut-être le déclin • des Badyaranké S
maîtres de la terre dans la région qu'ils habitent, mais aujourd'hui
dépassés en importance et en nombre par leurs envahisseurs Peuls et
Mandingues. Notons cependant que Lavergne de Tressan (1953)
attribue aux Badyaranké de Guinée 3 268 sujets, selon un
recensement officiel de 1950. Ce chiffre montrerait une importante
augmentation du nombre des Badyaranké de Guinée ; mais correspond-il
à un réel accroissement de population ou à des déplacements de
population, de part et d'autre des . frontières administratives ou
1. Nous remercions M. A. Colombani, chef de la subdivision de Velingara qui a bien voulu nous,
communiquer ces chiffres.
2. Avant cette date, les Badyaranké de Guinée portugaise étaient recensés comme Mandingues,
sans aucune distinction.
54 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
5 000 à 5 500, en tenant compte des données dont nous disposons pour
la Guinée (2 483 en 1944, 2 568 en 1947 et 3 268 ? en 1950), la Guinée
portugaise (1 101 en 1950) et le Sénégal (1 200 en 1958).
Anthropologie physique.
Anthropométrie.
Bouchez. (1903) nous donne la première description
anthropologique des Badyaranké : « De taille moyenne, d'un noir foncé... ils
rappellent par leur aspect et par certains caractères généraux aussi
bien le type de plusieurs populations de la côte (de Casamance par
exemple) que celui de diverses branches de la race Mandé » (p. 375).
Cette description pour succincte qu'elle soit pose le problème des
rapports entre les Badyaranké avec, d'une part les populations côtières,
d'autre part avec les Mandé, problème que posera à nouveau Arcin
quelques années plus tard.
Arcin (1907) p. 192, décrivait les Badyaranké, les Coniagui, les
Bassari, les Tenda proprement dits et les Tenda Boeni : « Ils sont
suffisamment musclés, agiles, mais de taille peu élevée, et, en général,
assez maigres. Ils sont très prognathes et dolichocéphales. Leur front
étroit rappelle celui de certains Malinké : la glabelle et les arcades
sourcilières assez saillantes, le front droit, jusqu'aux bosses frontales
qui,. elles, sont développées d'une façon extraordinaire. La forme du
crâne, cylindrique et allongé, est encore exagérée par la façon dont
ils taillent leurs cheveux.
« La profondeur de la racine du nez, le développement des arcades
sourcilières, plus grandes que celles des Mandé de race supérieure,
leur donne des yeux plus enfoncés, un regard plus dur et plus
sournois. Ces divers caractères peuvent s'appliquer à tous les Tenda et
Badyaranké. Si quelques-uns ont la physionomie relativement
intelligente, un grand nombre a l'air sauvage et abruti. »
Malgré tout ce que cette description comporte de subjectif, elle
est intéressante, parce qu'elle affirme la ressemblance physique des
Badyaranké avec les Coniagui, Bassari et Tenda, tout en posant à
nouveau le problème aujourd'hui encore pendant de la. parenté
existant entre les Badyaranké et les Mandingues. -
Cinq ans après Arcin, Delacour écrit (1913, p. 31) : « Bien que
venus à la même époque et dans les mêmes conditions, les différents
rameaux du peuple tenda (Coniagui, Bassari, Badyaranké) ne
paraissent pas avoir une origine unique : l'examen de leurs caractères
physiques paraît confirmer cette opinion. Le Bassari est en effet de
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 55
teint plus clair que le Koniagui, il est en теще temps moins
grossièrement charpenté : il a les chevilles et les poignets plus fins et sa
musculature est d'un ensemble plus harmonieux ; le Badyaranké se
rapproche physiquement plus du Koniagui que du Bassari 1. »
Voici enfin la description de Coutouly(1916, p. 106) : « Ayant
surtout gardé, semble-t-il, de leurs divers métissages, l'empreinte
Malinké et Soninké, les Badiarankés sont généralement de taille
moyenne, de constitution robuste 2, très noirs de peau et doués d'un
prognathisme accentué de la mâchoire inférieure : ils... onť souvent
une barbe assez fournie. L'arcade sourcilière est chez eux très
développée et très saillante. »
Une étude anthropométrique faite par nous-même (M. de Les-
trange, 1950), portant sur 100 hommes et 100 femmes Badyaranké
de Guinée, la plupart originaires du village de Kutâ, permet de donner
une description plus précise des Badyaranké. Ceux-ci appartiennent
au groupe des noirs de la savane, du type généralement appelé par
les anthropologues sénégalais, soudanais ou campestres. Parmi les
autres populations noires, ce groupe est caractérisé par sa dolicho-
céphalie associée à une grande taille, à des jambes longues, à un nez
saillant et assez étroit et à un visage relativement mince et fin. Tous
ces caractères se retrouvent chez les Badyaranké dolichocéphales
(indice céphalique des hommes 74.1), mésoprosopes (indice facial
morphologique des hommes 85.3) mais fortement platyrrhiniens
(indice nasal des hommes 89.1). Leur stature est sur-moyenne à la
limite des grandes tailles (taille 1,696 m) et ils sont brachycormes
(indice cormique des hommes 49.1). Ces chiffres ont été confirmés
par les travaux du Dr Pales (p. 246) portant sur 61 hommes
Badyaranké de Guinée, qui a trouvé des chiffres très proches des nôtres
(indice céphalique 74.1 ; taille 1,681 m ; indice cormique 50.3).
Tous ces caractères rapprochent les Badyaranké de leurs voisins et
parents (cf. p. 58) les Coniagui et Bassari, mais cependant si l'on
compare les trois groupes Badyaranké, Coniagui et Bassari, on voit
que les Badyaranké ont la taille plus élevée, le crâne plus grand, le
visage plus large et plus arrondi, le nez plus large et les yeux et la
bouche plus petits que les Coniagui et les Bassari. Cette taille élevée
et ce nez large rapprocheraient les Badyaranké d'un groupe Mandyago-
Dyola étudié par H. V. Vallois (1941). Les Badyaranké seraient plus
1. En transcrivant cette description, nous ne pouvons omettre de remarquer quel excellent
observateur était Delacour. Pas un mot de cette rapide description anthropologique ne se trouve
démenti par l'étude anthropométrique faite quarante ans après le séjour de Delacour en Guinée.
(Cf. M. de Lestrange, 1950).
2. A propos de l'état de santé des Badyaranké, signalons que Mgr Lerouge avait noté la fréquence
du goître, « mais le plus souvent bénin » (p. 119) dans cette population.
56 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
proches du type néosoudanais, les Coniagui et Bassari du type vieux
soudanais (cf. M. de Lestrange, 1950).
Crêtes populaires digitales.
Un aspect particulier de la morphologie des Badyaranké a été
étudié : nous avons recueilli en 1949 les crêtes papillaires digitales et
palmaires de 67 Badyaranké de Guinée (51 hommes et 16 femmes).
Seules jusqu'ici les crêtes digitales * ont été publiées en même temps
que celles d'un millier d'autres noirs d'Afrique occidentale. Nous
reprendrons ci-dessous les données des seuls Badyaranké.
Méthodes.
Résultats.
V] 3 5 2 131 11 2 28 42 5 6 6 244
I 2 23 3 1 6 4 1 7 47
Xi II 2 T-t 26 1 7 5 3 1 3 1 50
i III 1 1 36 6 5 1 50
Oее IV
v 38 4 4 2 48
Sd + g 8 1 6 3 254 16 2 44 8 60 10 11 16 439
Tableau № 2.
Répartition des26' 18 formes de dessins papillaires digitaux
chez femmes Badyaranké de Guinée.
I 2 6 1 4 3 16
II 3 2 8 2 1 16
O III 1 13 1 1 16
Q IV 10 1 2 3 16
V 15 1 16
S 6 2 52 тЧ 1 7 2 5 4 80
I 6 1 5 1 2 16
O II тН 8 4 16
III 1 1 2 11 тЧ тЧ 16
a IV 2 1 10 1 2 3 16
U v 13 2 1 16
4 1 1 2 48 2 12 тЧ 6 3 80
10 3 1 2 100 3 1 19 3 11 7 160
58 SOCIETE DES AFRICANISTES
d'autre part selon la direction du dessin en dessins radiaux (r),
axiaux (a) et cubitaux (u).
Le petit nombre de nos sujets ne nous a pas permis d'étudier les
différences entre les mains droite et gauche et entre les différents
doigts. Aussi, nous sommes-nous contentés de calculer ci-dessous au
tableau n° 3, pour les hommes et pour les femmes, doigts et mains
réunis, la répartition des dessins digitaux selon la forme (Arcs, Boucles
et Tourbillons) et selon la direction (radiale, axiale et cubitale).
Tableau № 3.
Répartition des dessins papillaires digitaux (A, Br, Bu, T et Ts)
chez les Badyaranké de Guinée.
A Br Bu SB T n
Ts ST doigts r a u n
doigts
h. 2.0 2.0 61.9 64.0 25.5 8.4 33.9 (99.9) 6.3 14.1 79.4 (99.8)
f. 8.7 1.2 64.9 66.2 20.6 4.3 25.0 (99.9) 3.1 18.1 78.7 (99.9)
Différences sexuelles;
Malgré le très petit nombre de nos sujets féminins, les différences
sexuelles de nos Badyaranké sont conformes à celles que l'on
rencontre classiquement dans toutes les populations, à savoir un
pourcentage d'Arcs plus élevé et un pourcentage de Tourbillons
(Tourbillons à un ou plusieurs centres) plus faible chez les femmes que chez
les hommes.
Comparaisons raciales. Les Badyaranké parmi les autres noirs
d'Afrique occidentale.
Nous comparerons les Badyaranké aux autres groupes de noirs
d'Afrique occidentale d'une part selon le système A В T, d'autre
part selon le système r a u.
Système АВТ. Nous disposons actuellement de renseignements
sur plus de 50 groupes de noirs d'Afrique. Au cours d'un récent travail
(M. Gessain, 1957) auquel nous empruntons les chiffres suivants,
nous avons montré que les pourcentages d'Arcs, de Boucles et de
Tourbillons des noirs « soudanais » jusqu'ici étudiés étaient compris
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 59
entre les chiffres suivants : A : 3 à 16 % ; В : 54 à 74 % ; T : 15 à
40 %.
Les chiffres que nous trouvons pour les Badyaranké (A : 2 % pour
les hommes ; 8. 7 % pour les femmes ;B : 64.0 et 66. 2; T: 33. 9 et 25.0)
se trouvent compris à l'intérieur des limites de ces « soudanais », à
l'exception du % d'Arcs des hommes qui est légèrement plus faible (2 %
au lieu de 3 %). Mais nous pensons intéressant de comparer les
Badyaranké non seulement à l'ensemble des .«soudanais» mais à chacune des
séries de « soudanais » dont nous disposons. Ces données sont réunies
au tableau ci-dessous n° 4.
Tableau № 4.
Répartition des dessins papillaires digitaux (A, Br, Bu, T et Ts)
chez les noirs d'Afrique Occidentale de type « soudanais ».
n A Br Bu SB T Ts ET
Toucouleur, Leschi 1949 362 sujets h. 7.1 1.9 52.9 54.8 33.7 4: 37.7
Sérère, Leschi 1949 109 — h. 5.4 2.6 55.9 58.5 30.3 5.7 36.
Sarakolé, Leschi 1949. . . 50 — h. 6.4 2. 51.2 53.2 37.6 2.6 40.2
Ouolof-Lebou, Leschi
1949 1 092 h. 6.4 2.2 55.3 57.5 31.4 4.1 35.6
Malinké-Bambara, Leschi
1949 80 ___ h. 5.8 1.8 57.5 59.3 27.1 6.6 33.7
So ce - Dyola - Mandy ago
1949 104 h. 10.4 4.1 54.5 58.6 27. 3.3 30.3
Soudanais en général, 2 993 doigts h. 7. 1.7 61.4 63.2 22.4 7.4 29.8
Lestrange 1953 b 829 — f. 10.6 1.5 55.6 57.1 24.3 7.8 32.2
Coniagui, Dankmeyer 59 sujets h. 6.4 4.1 60.3 64.4 29.2
1947 60 — f. 10. 2.5 64. 66.5 23.5
Coniagui, Lestrange 2 542 doigts h. 6.9 3.3 59.0 62.3 25.2 5.5 30.8
1953 b 176 — f. 11.3 1.1 55.1 56.2 27.8 4.5 32.3
Bassari, Dankmeyer 1947 141 sujets h. 4.4 3.5 70.9 74.4 21.1
57 — f. 16.7 2.1 65.6 67.7 15.6
Bassari, Lestrange 1953 b 1 491 doigts h. 3.2 2.4 64.4 66.8 23.5 6.3 30.
336 — f. 6.8 1.8 62.4 64.2 22.5 6.4 28.8
Dogon, Gessain 1957 182 — h. 7.1 1. 57.6 58.7 31.3 2.7 34.
Sara, Gessain 1957 x . . . 955 — h. 9.7 2.8 62.8 65.6 13.6 10.9 24.6
488 f. 9.8 2.4 60. 62.4 18.2 9.4 27.6
Badyaranké 439 h. 2.0 2.0 61:9 64.0 25.5 8:4 33.9
(présent travail) 160 — f. 8.7 1.2 64.9 66.2 20.6 4.3 25.0
1. Nous avons montré dans cette publication pourquoi nous pensions pouvoir grouper les
Sara avec les soudanais en ce qui concerne les crêtes papillaires digitales.
n doigts г a u
Linguistique.
Si la langue des Badyaranké n'a encore fait l'objet d'aucune étude
sérieuse, un court vocabulaire badyaranké a cependant été un des
premiers vocabulaires africains recueillis, puisqu'il a été publié dès
1854 par Koelle. Celui-ci appelle la langue des Badyaranké Padsàde
et il donne la transcription d'environ 200 mots (nombre de 1 à 20,
termes de parenté, noms de parties du corps, de vêtements, d'armes,
de plantes cultivées, d'animaux, termes relatifs à l'habitation,
21 adjectifs et 26 formes verbales) et une vingtaine de phrases
donnant en particulier des exemples de pluriel. L'informateur de Koelle,
John Wali, était né à Udàdsà, lieu que nous pensons être l'actuel
Udaya. Koelle classe le pàdsàde (avec le dyola) parmi les langues
du nord-ouest de l'Atlantique. Mais depuis le travail de Koelle,
remarquable à la date à laquelle il a été fait,. aucun progrès n'a été
fait dans la connaissance de la langue des Badyaranké.
Bouchez à qui nous devons les renseignements les plus complets
dont nous disposions sur les Badyaranké ne nous dit qu'une phrase
sur leur langue : « Leur idiome guttural n'a pas de parenté évidente
avec ceux (de la race mandé). » Coutouly (1916, p. 106) note : « la
langue badyaranké, dure et gutturale, nous a semblée fortement
mélangée de tyapi ».
62 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
L'opinion de Bouchez est celle de tous les auteurs qui ont
jusqu'ici classé le badyaranké dans divers groupes linguistiques. Migeod
(p. 36) classe le pàdsâde dans son groupe occidental. Delafosse en
1914' classe le badyaranké dans le sous-groupe' sénégambien du
groupe guinéen côtier qui constitue avec les groupes sérère-peul et
bantou la quatrième catégorie de ses langues africaines; le
badyaranké est aussi cité dans le travail de Johnston (1919 et 1922).
Dix ans plus tard, Delafosse (in Meillet et Cohen, 1924, p. 557)
classe le badiar (ou bad'ar ou padžad ou padžade ou bigola ou agola
ou axus) dans son groupe sénégalo-guinéen. Greenberg (1949)
classe le biafada-pajade dans la sous-famille ouest-atlantique de la
famille Niger-Congo et Westermann (1952, p. 16) classe la langue
badyara ou pajade ou badyaranké ou pajadinca avec les langues des
Coniagui et Bassari parmi le groupe tenda appartenant au groupe
des langues ouest-atlantiques. Westermann ajoute que les
Badyaranké se nomment eux-mêmes Badyar ou Badyare, qu'ils sont appelés
Badyaranké par les Mandingues et qu'ils sont aussi connus sous les
noms de Gola, Agola, Bigola et Axus. Lavergne de Tressan (1953)
cite le badyar comme étant la langue des U-dyadé.
Actuellement, en Guinée portugaise, Luis Correia Garcia prépare
un travail sur la langue Badyaranké (cf. Mota, 1947) dont il est dit
dans « A Habitaçao Indigena... » qu'elle possède certaines formes de
préfixes du pluriel qui sont la « caractéristique commune des langues
semi-bantoues du littoral ». En Guinée, la mission catholique d'Ourous
(R. Pères du Saint-Esprit) prépare également un travail sur la langue
des Badyaranké.
Ethnologie.
Economie.
L'économie Badyaranké est avant tout basée sur Y agriculture,
technique où le Badyaranké excelle. Ceci a été noté dès, 1903 par
Bouchez (p. 377 et 378) : « Les soins de la terre sont chez eux en très
grand honneur... C'est... la population masculine valide, tout entière
et sans autre préoccupation, qui cultive ; tous les matins, elle se réunit
dans le village au son du tama (tambour à deux peaux), et, après
quelques danses, part en même temps aux champs ; cette cérémonie
qui indique ici, non pas comme ailleurs un encouragement au travail,
mais une sorte de culte pour lui, se renouvelle vers midi au retour des
lougans \ puis à 2 heures et au coucher du soleil pour le nouveau départ
et à la rentrée du soir.
Cette assiduité donne des résultats sur ces terrains fertiles et bien
irrigués ; les champs de gros mil des villages badiarankés sont superbes
et couvrent des étendues bien supérieures à celles
proportionnellement défrichées par la plupart des groupements indigènes d'autres
contrées. Il est vrai que cette culture est la seule ; peu ou pas de riz,
à peine quelques arachides. »
A ces renseignements s'ajoutent ceux donnés par Coutouly
(p. 106) : « Le coton est, avec le gros mil, la culture la plus en honneur
chez les Badiarankés ; et nous avons été bien des fois étonnés au cours
de tournées au Badiar, du nombre considérable de « lougans » (ou
champs) de « cotonniers », alternant avec les lougans de gros mil. Le
coton cultivé, est le coton indigène (gossypium hirsutà), surtout du
genre « koroni-ni » (petit coton), aux soies courtes et fines, d'une
belle teinte blanche. »
Aujourd'hui, si les cultures de gros mil et de coton restent
essentielles, on trouve aussi chez les Badyaranké comme l'a noté Richard-
Molard en 1946, du petit mil, du fonio, du maïs, du riz, des arachides,
1. Terme sous lequel les auteurs de langue française ont souvent désigné les champs, en Afrique
occidentale.
64 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
un peu de manioc et de patates et des haricots. Enfin, les femmes
Badyaranké se sont fait- une spécialité de la culture des oignons
qu'elles vendent au marché de Saréboido. -
Un travail récent sur la culture des mils et de l'arachide en Guinée
portugaise dans les cercles de Bafata et de Gabu (Cabral, 1958)
donne comme rendements moyens à l'hectare pour 1953 : 6 à 800 kg
pour l'arachide, 4 à 500 kg pour le petit mil et 3 à 500 kg pour le
sorgho, les rendements les plus élevés atteignant 8 à* 1200 kg pour
l'arachide et 4 à 600 pour les mils. Arachide et mils représentent
60 % de la surface cultivée. La surface moyenne cultivée par chaque
famille Badyaranké du cercle de Gabu (région de Pirada) serait de
1,68 ha pour l'arachide, 1,90 ha pour le petit mil et 1,13 pour le sorgho.
Cueillette, chasse et pêche sont importantes chez les Badyaranké que
Coutouly (p. 106) décrit comme « chasseurs infatigables » \ L'arc
badyaranké entièrement fait de bambou (« bois » et «corde ») est le
même que l'arc coniagui ou bassari.
A certaines époques la récolte de caoutchouc a été importante au
Badyar. Mgr Lerouge signale à ce sujet (p. 275) que les forgerons
fabriquent de « petits couteaux à lame recourbée qui serviront à
saigner les lianes : le jus de citron et l'urine quelquefois sont les
ingrédients avec lesquels on coagule le latex ».
Bouchez note en 1903 (p. 378) : « ce n'est que pour le commerce
qu'ils récoltent le miel, ne tirant que peu ou pas de parti de la cire ;
les ruches sont toutefois assez nombreuses dans les bantans voisins
des villages. » Quelques années plus tard, Coutouly écrit (p. 106) :
« Les Badiaranké se livrent aussi, avec succès, à l'élevage des abeilles,
pour lesquelles ils placent dans les arbres des ruches en bambou
tressé, dont ils recueillent le miel deux fois par an. »
Bouchez écrivait (p. 377) : « les Badyaranké n'ont pas de bestiaux »
et Coutouly (p. 106) observait le même état de choses : « ils ignorent
complètement l'élevage et laissent le soin des troupeaux aux nomades
foulahs. On ne trouve, dans leurs villages, que quelques moutons et
quelques chèvres. »
Aujourd'hui encore, l'élevage n'est effectivement pas important
chez les Badyaranké qui possèdent des moutons, des chèvres, des
poules, mais peu de bovins. Lorsqu'un Badyaranké a des bœufs, il
en a seulement en général deux ou trois. Le bétail des Badyaranké
est le plus souvent confié à des éleveurs fulakunda, les Badyaranké
boivent le lait des vaches mais ne savent pas traire.
Techniques de fabrication.
1. En particulier une houe faite d'un patin de bois bordé de fer, fixé à un manche coudé, appelé
daramba ou baramba.
2. De toutes les populations du Badyar, les Badyaranké sont les seuls à consommer de la viande
de python.
Africanistes. 5
66 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
La poterie.
Quelques femmes sont potières, souvent de mères en filles, sans que
les -potières constituent une caste.
L'habillement. Le tissage.
«Le vêtement, écrit Coutouly (p. 106), est des plus sommaires pour
les deux sexes et se compose le plus souvent d'une couverture ou d'un
pagne enroulé autour des reins ; garçons et filles restent d'ailleurs
complètement nus jusque vers dix ou douze ans ». Coutouly
reconnaît d'ailleurs (p. 106) que les Badyaranké sont « d'habiles tisserands ».
Les femmes filent le coton pendant plusieurs heures par soirée,
pendant toute la saison sèche. Les hommes préparent ensuite le fil
à l'aide d'ingénieux tourniquets, puis tissent des bandes de coton
larges d'environ 10 cm et assez épaisses (plus épaisses en particulier
que les bandes analogues tissées par les Peuls voisins des Badyaranké).
Ces bandes sont le plus souvent écrues, mais elles sont parfois décorées
d'une ou de plusieurs étroites rayures longitudinales bleu foncé,
obtenues en disposant dans la chaîne des fils teints à l'indigo. Une fois
tissée par les hommes, une partie des bandes écrues est teinte à l'indigo
par les femmes.
Ces jolies et solides bandes de coton sont ensuite cousues par les
hommes qui en confectionnent des pagnes pour les femmes et des
pantalons et des vêtements de type « poncho » pour les hommes.
Les femmes Badyaranké portent des pagnes courts, faits de bandes
de coton,- le plus souvent claires. Mais en 1946, elles portaient toutes
des mouchoirs de tête de coton, généralement achetés en Guinée
portugaise et elles commençaient à prendre l'habitude de porter pour
aller au marché ou assister à des cérémonies, des camisoles longues,
faites de tissu de coton européen imprimé multicolore. Cependant,
pour travailler aux champs et à la cuisine, et dans leur famille, les
femmes Badyaranké ne portaient le plus souvent en 1946 qu'un pagne
et un mouchoir.
Les petites filles portaient des pagnes extrêmement courts (ne
descendant pas au-dessous du genou) et ni mouchoir, ni camisole. Les
jeunes filles portaient en 1946 des pagnes courts, des mouchoirs de
tête de teinte vive, mais ne portaient pas de camisole.
Les hommes portent une culotte courte et large, faite de bandes de
coton claires, et un court vêtement de type « poncho » également
fait de bandes de coton. Si certains vieillards portaient en 1946
d'amples « boubous » de tissu de coton européen, à la mode de leurs
voisins Peuls, de nombreux hommes et tous les jeunes gens étaient
encore fidèles au vêtement traditionnel.
NOTE SUR LES BADYARANKE 67
La coiffure.
Coutouly avait noté (p. 106) que les hommes Badyaranké « portent
les cheveux coupés courts », ce qui est encore vrai aujourd'hui.
La figure n° 2 montre quelles étaient les coiffures des femmes en
1946.
Techniques de consommation.
Organisation sociale,
structure politique et vie religieuse.
GF
de 1=jeunes
gf = greniers
case garçons
Fig.
du de
chef
3. —
femmes
; de
< 5Plan
famille
= d'un
;abri
L ;=groupe
à2 litcuisine
= de cases
familial
repos
; d'hommes
G ;de=p cases
=grenier
passoires
mariés
chezcollectif
les; àBadyaranké
3 bière
=»; case
gde= mil.
de
greniers
de femmes
Guinée.individuels
10
; 4 m.
= case;
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 71
pient cylindrique de terre crue, à fond et couvercle plats, et
appartient à une femme de la grande case proche. Une même femme peut
d'ailleurs posséder plusieurs de ces greniers. Ces greniers souvent
munis d'un couvercle fait d'un cercle plat, sont faits d'argile humide
mélangée à de la paille de fonio ; ils ne sont pas cuits, mais
simplement séchés ; un toit de chaume supporté par des poteaux de bois les
protège de la pluie.
1 case pour les jeunes garçons célibataires (fig. 3-4) ;
parfois 1 bergerie, 1 lit surélevé pour s'asseoir dehors à l'ombre
d'un grand arbre (fig. 3-L) ou un abri pour faire la cuisine pendant
l'hivernage.
Au milieu du groupe de cases familiales, généralement non loin d'un
manguier et d'un lit de repos surélevé, un cercle de grosses pierres est
disposé à côté d'un poteau élevé et fourchu (fig. 3). Sur ces pierres,
chaque soir, les jeunes garçons de la famille viennent s'asseoir pour
prendre leur repas. Au pied du poteau se trouve l'autel sur lequel
sont offerts les sacrifices de la famille^ Entre le cercle de pierres et le
lit de repos, des cupules creusées dans le sol durci permettent aux
amateurs de jeu à douze cases * de se livrer à ce jeu très en honneur
chez les hommes Badyaranké.
Les grandes familles que nous avons pu étudier disposaient
effectivement des cases suivantes :
Famille de P. N. à Маги :
1 case pour le chef de famille ;
5 cases pour ses frères ou fils mariés et 2 greniers appartenant à
deux de ces hommes mariés ;
1 case de femmes et 1 abri à grenier de femmes ;
1 case pour les jeunes garçons ;
1 abri fait d'un toit supporté par quelques poteaux, sans mur,
servant à faire la cuisine pendant l'hivernage ;
1 ' lit surélevé pour s'asseoir dehors à l'ombre.
Famille de N. à Kutâ :
1 case, pour le chef de famille ;
6 cases pour ses frères ou fils mariés et 3 greniers d'hommes ;
1 case de femme et 2 abris à greniers de femmes ;
1 case pour les jeunes garçons.
Famille de В. К. :
1 case pour le chef de famille et 1 grenier lui appartenant ;
1. Jeu appelé wuri en bambara et wolof, awele en baoulé, etc...
72 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
4 cases pour ses frères ou fils mariés et 1 grenier d'hommes mariés ;
2 cases pour les femmes et 3 abris à greniers de femmes ;
1 case pour les jeunes garçons célibataires ;
1 bergerie à moutons.
a) Au centre d'un groupe de cases familiales, autel et cercle de b) Jeune garçon Badyaranké portant un court vêtement de type
pierres sur lesquelles s'assoient les jeunes hommes Badyaranké « poncho » fait de bandes de coton assemblées.
pour prendre leurs repas.
ď) Au pied de la falaise du Badyar, greniers à riz de femmes e) Entre des cases Badyaranké (à droite : mur de vannerie), filtres
Badyaranké, abrités sous des toits de chaume soutenus par des à cendre constitués par de vieux mortiers de bois, et lit de repos ;
poleaux de bois. à Г arrière-plan, greniers individuels à riz.
/) Grande case de femmes Badyaranké au mur circulaire de vannerie soutenu par des poteaux de bois, au toit de chaume.
NOTE SUR LES BADYARANKE 73
loin, au-delà des cases des garçons célibataires et des hommes mariés
(fils, frères cadets ou fils des frères du chef de famille), une seconde case
de femmes abritait les deux femmes du fils du chef de famille, • sa
sœur veuve, deux femmes de frères du chef de famille, la femme d'un
fils d'un frère du chef de famille et enfin la fille jeune mariée d'un
frère du chef de famille.
Les cases d'hommes, plus petites que les cases de femmes (elles
peuvent cependant atteindre 4 à 5 m de diamètre) sont rondes, faites
d'un mur circulaire de terre crue, couvertes d'un toit de chaume des-
dendant plus bas que te sommet du mur et soutenu par de gros piliers
de bois enfoncés dans le sol, à environ 1 m du mur de la case, et
constituant ainsi une véranda circulaire. Les portes sont faites de
bambous tressés. L'aménagement intérieur des cases d'hommes consiste
essentiellement en un lit de vannerie (il s'agit souvent d'un lit d'un
type emprunté aux populations voisines, fait d'une armature de
nervures de palmier-ban soutenant une natte fine, c'est le type de lit
appelé tara dans la région). Du toit pendent les épis de maïs et de mil
conservés pour la semence. Aux bambous supportant la couverture
de chaume sont fixés les instruments aratoires et divers outils faits
par les hommes, tels que cuillères et mouvettes de bois. Nous avons
admiré la décoration intérieure du mur de la case de S., fils du chef
de Maru : à l'aide d'ocre rouge et de noir de charbon, il avait peint
une fresque qui reproduisait en particulier des profils de cimiers de
danse portés par les jeunes hommes Coniagui à la fête des hommes
qui marque chez eux le début de l'initiation des garçons.
Propriété foncière. — Coutouly écrit (p. 106) : « La propriété
foncière individuelle existe : il y a également une manière de biens
communaux, des parcelles possédées par l'ensemble des habitants
d'un même village : par exemple les bois de palmiers dont on extrait
le vin de palme. » II nous a personnellement semblé qu'il existait une
propriété familiale des terres et des rôniers.
•^ Parenté.
La succession se fait, d'après Richard-Molard, dans la lignée
paternelle, mais il nous a semblé au contraire que la parenté était
matrilinéaire chez les Badyaranké comme chez les Coniagui et les
Bassari.
De la vie à la mort.
Le nom. — Les noms de famille les plus courants sont : Sande,
Kamara, Bandya, Nyabali (fréquent surtout à Kutâ), Bumbali.
74 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
On rencontre aussi, comme chez les Coniagui, des Mane * et des
Nyoke.
Les prénoms indiquent l'ordre de naissance des enfants d'une
femme (Sara ou Walli, Tamba, Sana, Iera, etc.. chez les garçons,
Kumba ou Sunkaru, Mpngkuto, Sira etc.. chez les filles). Souvent on
donne au premier-né, chez les garçons, le nom du frère aîné de son
père, et chez les filles, celui de la sœur aînée de sa mère. Le quatrième
peut aussi s'appeler comme l'ami ou le camarade de son père.
D'autres prénoms sont, chez les garçons, Paite, Kelefa, Mamadi,
Boukari, et chez les filles Seta, Káni, Nyamba; Cili.
Il n'y a pas de surnoms.
Circoncision, Initiation, Excision. — La pratique de la circoncision
et de l'excision chez les Badyaranké a été signalée par Coutouly
(p. 106). Les garçons sont circoncis et initiés vers 14-15 ans.
L'initiation suit immédiatement la circoncision. Elles ont lieu à la fin de la
saison sèche, au mois de mai. La cérémonie de l'initiation porte le
nom de dyambalo(n). Après avoir été circoncis, les garçons passent
trois mois en brousse, avec un homme qui les soigne, mais ils rentrent
tous les soirs coucher au village dans une case spéciale où ils restent
de 7 heures du soir à 7 heures du matin, sans aucun contact avec
les femmes. La nourriture leur est portée par les jeunes gens qui
restent avec eux tout le temps de leur retraite. La cérémonie de sortie
d'initiation est très importante ; à cette occasion, on tue des bœufs
et des moutons et l'on prépare au village de grosses calebasses, une
pour les garçons circoncis, une pour les hommes, une pour les femmes.
La cérémonie de l'excision des jeunes filles est également désignée
sous le nom de dyambalo(n). Elle comporte un sacrifice mais
l'excision ne donne pas lieu à une fête importante. Les jeunes filles sont
excisées vers 12-13 ans. Un an auparavant, elles se font tatouer la
lèvre inférieure en bleu, à l'aide d'une aiguille de métal trempée
dans de la cendre d'arachides. Le tatouage couvre la muqueuse de
la lèvre inférieure et s'étend au-dessous de la muqueuse sur la peau
de la lèvre inférieure (cf. fig. n° 4). Une fois excisée, la jeune fille
jouit d'une grande liberté sexuelle.
^ Le mariage: — L'endogamie des Badyaranké a déjà été notée plus
haut, en étudiant la démographie. Les Badyaranké se marient entre
eux. Ils peuvent cependant épouser des Coniagui, ce qui parfois a lieu.
Técher écrivait en 1933 (p. 639) que chez les Badyaranké, le
mariage est « véritablement union et non vente » et il signalait que
des présents sont apportés par les deux familles.
1. Comme Técher (1933) l'a noté p. 642.
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 75
Deux ans après avoir été excisée, la jeune fille peut se marier. S'il
n'est pas nécessaire à une fille, pour se marier, d'avoir eu auparavant
des enfants, comme cela se passe chez les Coniagui, les filles se marient
souvent enceintes de leur premier enfant.
Coutouly signale (p. 106) que « tout jeune Badiaranké qui se
respecte » et qui veut « prendre une épouse » doit, par exemple, lui tisser
un pagne qu'elle portera le jour des noces : c'est là, paraît-il, une
condition sine qua non des accordailles ».
Les garçons ont une fiancée par village. Le fiancé donne aux parents
de sa fiancée qui le partagent avec toute leur famille : 2 000 francs
C. F. A. en 1946, du sel et cent noix de kola. Les fiançailles durent au
minimum deux ans. Le jeune homme peut avoir des rapports sexuels
avec sa fiancée chez elle, tant qu'il n'a pas payé tout ce qu'il doit.
Quand le paiement est terminé, la fête du mariage proprement dit a lieu.
IIIl'
I
.,1 pit
de (Le
la lèvre.)
tatouage figuré enFig.
hachures
4. — Tatouage
fines, couvre
des lajeunes
lèvre inférieure,
filles Badyaranké.
débordant la partie muqueuse
1. Bouchez donne aussi (p. 378 et 379) d'intéressants renseignements concernant les rapports
des Badiaranké et de l'administration française : с En dehors de leur subordination consentie au
chef de village, les Badiarankés souhaitent naturellement l'indépendance complète ; ils se rendent
bien compte que l'autorité française est inévitable et ils en ont pris leur parti, ils paient même assez
bien l'impôt (5 000 francs ont été versés en 1901, cette somme est déjà un peu dépassée en 1902),
mais leur plus grand désir serait que, ce sacrifice fait, l'on ne s'occupât pas d'eux. Ce desiratum est
d'ailleurs à peu près réalisé en ce qui nous concerne ; Boussourah n'a généralement que peu de
besoins de porteurs et ne leur en demande pas ; le ravitaillement du poste après les incidents d'avril
a bien fait faire quelques appels anormaux qui ont été évidemment peu agréables au village de
Maro situé sur le parcours et à peu près seul intéressé, mais il n'y a pas eu de mécontentement
manifesté.
Après diverses variations d'attribution, le Badiar et par suite les Badiarankés ont été placés sous
l'autorité du chef Alpha Yaya. Ils ont vu ce rattachement d'un mauvais œil ; résignés à l'autorité
française inéluctable, disposés même à la reconnaître avec plus ou moins de satisfaction, ils ont
jugé que c'en était assez sans qu'une autorité indigène qu'ils considèrent comme superflue et tout
à fait étrangère, vienne s'intercaler en imposant ses obligations propres.
Néanmoins, comme ils sont disposés à faire de grands sacrifices pour obtenir la tranquillité ;
comme d'autre part, c'est nous, Français, qui exigeons et appuyons l'autorité d'Alpha Yaya, ils
la supportent, mais ils la supportent sans aucune sympathie et uniquement à condition qu'elle
reste à peu près nationale.
Alpha Yaya semble d'ailleurs avoir à peu près compris cette situation, il n'a pas de délégués
chez les Badiarankés comme il en a chez les Foulacoundas ; son représentant Mita qui s'occupe de
78 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
Cependant nos informateurs nous ont dit que parce que Maru est
le plus ancien village badyaranké, le chef de Maru est considéré comme
étant le chef de tous les Badyaranké.
Par ailleurs, s'il est vraisemblable qu'il n'existe en effet pas de
réelle organisation politique groupant, en temps de paix, plusieurs
villages, il existe une organisation des villages par l'intermédiaire de
sociétés religieuses (cf. ci-dessous, vie religieuse).
Bouchez nous donne quelques détails sur les chefs de villages qu'il
a vus en 1902. Maru était à cette date « commandé par Samliou
Sandé, vieillard dégradé par les excès alcooliques, au nom duquel agit
son fils aîné » (Bouchez, p. 383). Le chef de Paokan « Wali Konta est
arrivé, nous dit Bouchez (p. 384) au dernier degré d'hébétement
sénile et alcoolique ; il n'a pas de fils en état de commander en son
nom ses vingt cases ». « Timbi est commandé par Wali Tienbale,
l'ancien porte-parole du précédent chef : c'est un homme d'âge mûr,
malingre de corps, mais au regard intelligent bien exceptionnel chez
ses congénères » (Bouchez, p. 384). Le chef de Kaparabina « se nomme
Kolan Miaké » et celui de Wâkan « Ouali Niabali, vieillard aux cheveux
blancs assez bien conservé malgré les excès alcooliques et qui a des
éclairs de lucidité (Bouchez, p. 385) ». Le village de Sunkutu a pour
chef « Berali Bandia (qui) le fait tenir avec un peu plus de soin que
les autres de même race » (Bouchez, p. 386). Le chef de Kutâ, « Tiata
Mabala est assez fait au contact de l'Européen » (Bouchez, p. 386).
Selon Coutouly (p. 106), les chefs de village n'ont qu'une
autorité « purement nominale ; et, en fait, tout le monde commande ».
Avant l'arrivée des Blancs dans la région, ont ajouté nos
informateurs, le chef de village était un vieux, même s'il ne possédait plus
toutes ses facultés. Son fils faisait le travail et ne jouait plus aucun
rôle après la mort du chef, son père. La mort était d'ailleurs souvent
cachée pendant huit ou dix jours; le mort était enterré derrière la
case où il avait vécu, à l'intérieur de la clôture familiale, et même
quelquefois sous la véranda de sa case. Le successeur était un autre vieux,
appartenant à la même famille que son prédécesseur.
Les chefs étaient nommés chefs alors qu'ils étaient déjà vieux,
tout le Badiar semble se borner vis-à-vis des Badiarankés à la transmission de nos ordres et user
de ménagements à leur égard. •
Depuis la deuxième guerre mondiale, l'administration française avait donné au Badyar un chef
de canton Fulakunda ; les Badyaranké n'eurent pas à souffrir de cette décision. Mais les dernières
années ont vu naître au Badyar une grande effervescence politique. Depuis 1957, les chefs ont été
remplacés par des conseils élus. Depuis septembre 1958, la Guinée est indépendante et nous ne
savons quels changements ceci apporte et apportera à la vie des Badyaranké. Il est assez
vraisemblable que l'administration française a parfois aidé les Badyaranké à conserver leur autonomie.
Souhaitons que le destin nouveau de la Guinée ne favorise pas la disparition des petits groupes
ethniques résiduels tels que le groupe Badyaranké.
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 79
aussi ne le restaient-ils que rarement très longtemps. Ainsi Kali, chef
de Maru, mort en 1947, était-il le septième chef de Maru et de sa
famille depuis l'installation des Blancs, soit depuis moins de cinquante
ans l.
Guerre.
Les armes de guerre des Badyaranké, en dehors du fusil, étaient la
lance, Гаге et les flèches et le lance-pierre (lampura, le même que chez
les Koniagui). Les Badyaranké vendaient leurs captifs, ils ne les
tuaient ni ne les gardaient (ils ne les épousaient donc pas).
Vie religieuse.
Si les Badyaranké de Guinée portugaise sont décrits comme presque
totalement islamisés, les Badyaranké de Guinée nous ont semblé
avoir mieux conservé leurs croyances traditionnelles.
Bouchez dit les Badyaranké « fétichistes », mais le seul détail qu'il
donne sur leur vie religieuse est la description des rites agraires que
nous avons déjà citée plus haut (p. 63, agriculture). « Tous les matins
(la population masculine valide tout entière) se réunit dans le village,
au son du tama, et, après quelques danses, part en même temps aux
champs ; cette cérémonie qui indique ici, non pas comme ailleurs un
encouragement au travail, mais une sorte de culte pour lui, se
renouvelle vers midi au retour des longans, puis à 2 heures et au coucher
du soleil pour le nouveau départ et la rentrée du soir » (Bouchez,
p. 377).
Coutouly nous donne moins encore de renseignements : « Au point
de vue religieux, écrit-il, p. 106, règne le plus grossier fétichisme. »
II signale par ailleurs (p. 112) l'existence d'écoles coraniques dans les
deux villages Badyaranké de Kutâ et de Wâkan. Mais Delacour qui
étudia les Badyaranké entre 1907 et 1910, c'est-à-dire à la date même
où Coutouly les vit, les décrit comme n'étant pas encore du tout
islamisés à cette date et Delacour affirme (1913, p. 31) l'existence chez
les Badyaranké de .«. sociétés religieuses à caractère secret dont seuls
les initiés connaissent l'organisation et le fonctionnement. Elles
jouent un rôle très important dans leur organisation sociale car on
peut dire qu'elles sont le seul principe d'autorité existant ».
Le commandement de ces sociétés communes aux Badyaranké,
Coniagui et Bassari a autrefois appartenu, écrit Delacour (p. 31-32)
au village bassari de Landoumba qui semble être le plus ancien village
Tenda.
1. Contrairement à ce qu'aurait voulu la tradition, le fils de Kali lui a succédé parce que, ont dit
les Badyaranké, il était le seul à avoir appris à travailler avec l'administration européenne.
80 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
« II est donc possible de conclure... que le culte pratiqué par ces
sociétés fut institué dès la fondation de Landoumba et, qu'au moment
où les Koniagui et les Badyaranké essaimèrent, ces deux fractions
continuèrent de pratiquer ce culte en venant toujours prendre le mot
d'ordre à Landoumba » (Delacour, 1913, p. 32). Plus tard, la
suprématie religieuse passa de Landoumba à Negare, autre village Bassari.
La confédération générale comprend aujourd'hui plusieurs
confédérations dont « au moins trois chez les Coniagui et les Badyaranké
semblent bien faire partie de la même sous-confédération que les
Koniagui d'Ifane : c'est en effet par l'intermédiaire de ces derniers
qu'ils communiquent avec Negare ; il est à remarquer que lorsque les
Badyaranké furent chassés de leur pays par le chef du Ngabou,
Sellou Koyada, c'est chez les Koniagui et principalement dans la
région d'Ifane qu'ils vinrent se réfugier et c'est encore avec leur aide
qu'ils expulsèrent l'étranger ».
C'est encore d'Ifane (Delacour, 1913, p. 34) que vient chez les
Badyaranké la corde apportée par les envoyés des dignitaires de la
société secrète pour fixer la date de l'initiation des jeunes gens.
Aujourd'hui encore, Badyaranké, Coniagui et Bassari font partie
de sociétés affiliées dont les Bassari semblent les maîtres. Aussi existe-
t-il chez les Badyaranké des masques et des] coutumes d'initiation
très semblables, malgré quelques différences, à ceux des Coniagui et
Bassari.
Badyaranké et Fulakunda.
Bouchez a noté les bons rapports existants en 1902 au Badyar
entre Badyaranké et Fulakunda. « Les Foulacoundas, écrit-il, p. 380,
vivent en bonne intelligence avec (les Badyaranké), mais en simples
voisins sans aucune trace de suprématie les uns sur les autres ; ces
bonnes relations excluent d^ailleurs toute idée de mélange, il n'y a
jamais d'alliances entre eux et chaque race garde ses caractères et
habitudes propres. »
Cependant, les Fulakunda sont, par rapport aux Badyaranké, des
envahisseurs ; ceci a été noté en 1910 par Coutouly (p. 109) : « Au
point de vue de la propriété foncière, les Foulacoundas et les Foulahs
ont été, de tous les temps, au Badiar, les ennemis jurés des Badia-
ranké autochtones qui leur ont toujours reproché leur prise de
possession d'une partie de leur pays. Il en résulta pendant longtemps des
luttes sanglantes; et aujourd'hui encore il arrive fréquemment que
des groupes badiarankés et foulacoundas (ou foulas) en viennent aux
mains pour des questions de terrains, de culture et de parcours.
Ajoutons que les Badiaranké se vantent volontiers d'avoir obligé,
jadis, les Foulacoundas et les Foulahs à leur payer une « taxe annuelle »
en bétail qui correspondait, en quelque sorte à une taxe locative du
sol. »
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 83
Nous sommes tout disposé à admettre que les envahisseurs peuls
aient eu autrefois à payer une redevance aux « maîtres de la terre »
badyaranké et à croire également qu'il y ait de temps en temps des
frictions entre Peuls, nomades au bétail envahissant, et cultivateurs
badyaranké jaloux de leurs cultures. Cependant, les rapports entre
Badyaranké et Fulakunda nous ont toujours paru excellents. A une
certaine époque, il a même existé une sorte de symbiose entre ces
deux populations. Mais leurs rapports ont en effet bien changé depuis
l'installation des Fulakunda sur le territoire occupé par les
Badyaranké. Si les derniers ont conservé quelques prérogatives de maîtres
de la terre, les envahisseurs sont devenus les plus nombreux et traitent
les Badyaranké de sauvages.
Autrefois tous les Fulakunda parlaient badyaranké, aujourd'hui,
seuls quelques vieux le savent encore, et ce sont au contraire
maintenant les Badyaranké qui parlent fulakunda. Autrefois les relations
d'amitié qui existaient entre eux étaient marquées par des échanges.
Chaque famille fulakunda avait pour amie une famille badyaranké.
Quand la famille fulakunda avait une vieille vache, elle appelait la
famille badyaranké pour cultiver ses champs, et lui donnait en échange
la vache. Le Fulakunda n'aimait pas grimper au palmier pour
chercher le vin de palme : le Badyaranké le faisait pour lui. Autrefois
Badyaranké et Fulakunda mangeaient la même nourriture et avaient
de nombreuses coutumes semblables. Leurs croyances religieuses
étaient très proches. Aujourd'hui alors que les Badyaranké ont
conservé leurs cultes traditionnels, les Fulakunda sont musulmans.
Mais pas plus aujourd'hui qu'auparavant, on ne voit de mariages
entre Fulakunda et Badyaranké. Les hommes Fulakunda ne veulent
pas des filles Badyaranké, «' sauvages », et qui ne voudraient pas
changer leurs habitudes. D'ailleurs, même si un garçon Fulakunda
demandait une fille Badyaranké et à supposer que le père de la fille
accepte, celle-ci, m'a-t-on dit, refuserait certainement.
Les luttes et les danses que nous avons vues si souvent au Badyar,
à l'occasion de cérémonies officielles ou traditionnelles, pour célébrer
l'arrivée d'un étranger au village, ou seulement parce que la nuit de
pleine lune n'incitait pas les gens à se coucher, étaient un exemple
de la bonne entente régnant entre Fulakunda et Badyaranké. Luttes
et danses pouvaient être considérées comme sport et divertissement
caractéristiques de ces deux populations qui, en ces occasions se
mêlaient fraternellement. La réputation des lutteurs et des danseuses
dépassait les limites de leur propre groupe ethnique : les lutteurs
badyaranké et fulakunda s'affrontaient et les danseuses badyaranké
et fulakunda rivalisaient de beauté au cours des mêmes réunions,
84 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
lutteurs et danseuses intercalant leurs exhibitions, au son d'un
orchestre constitué de tambours, d'une cloche métallique, d'un sistre
de calebasse, accompagné par, les voix des chanteurs et chanteuses.
Les lutteurs* portaient autrefois de larges pantalons bouffants en
bandes de coton dont ils relevaient les j ambres pour lutter (cf.
description d'un tel pantalon in M. Gessain, 1957 a) mais aujourd'hui ils
préfèrent porter un pagne serré en cache-sexe ou une culotte courte
et étroite.
Badyaranké et Coniagui.
Nous avons déjà" rapporté (p. 4) que Delacour signalait les bons
rapports existant entre Badyaranké et Coniagui au siècle dernier. Ce
fait est confirmé par plusieurs auteurs. Rançon écrit en particulier
(en 1891-1892) : « A part le pays de Padjissi et de Tombin, les Conia-
guiés ne vivent en bonne intelligence avec aucun de leurs voisins »,
et Mgr Lerouge (p. 275) précise « pendant la guerre avec Alpha Yaya,
les Badiarankés de Wankan se réfugièrent chez les Coniagui à Oura-
kane et Ityu d'où ils revinrent vers 1899 ».
Bouchez note en 1902 (p. 383) que ni Paokan ni Maru ne sont en
relations régulières avec les Coniagui, contrairement à ce qui se passe
à Timbi : « C'est sous ces arbres qu'ont lieu les fêtes et les danses
organisées chaque fois que les Koniaguis viennent boire le dolo. »
« Les Badyaranké sont en effet ici en relations cordiales et très
suivies avec leurs voisins de l'Est qui, avec quelques différences de
costume et un peu plus de sauvagerie peut-être, leur ressemblent
évidemment beaucoup. De Timbi part le plus important des sentiers du
Badiar au Koniagui, qui traverse le Koulountoun à quelques vingt ou
vingt-cinq kilomètres de là et aboutit à Youkounkoun et Ithiou, les
deux centres voisins » (p. 384).
La valeur guerrière des Coniagui qui mirent parfois leurs armes au
service des Badyaranké explique que ces derniers aient eu « pour les
Conias un véritable respect, et, écrit Mgr Lerouge, p. 251, quand je
voulus en savoir la raison les Badiar eux-mêmes me dirent qu'ils
devaient à leurs voisins de l'Est le fait de n'être point esclaves ».
1. On peut noter en particulier que l'institution des masques existe dans les trois populations.
86 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
D'une manière générale, on pourrait sans doute dire que
l'individualisme des Coniagui se marque dans leur habitation, alors que
Badyaranké et Bassari ont une manière de vivre plus collective, qui se
marque dans les cases communes des femmes et des enfants des grandes
familles badyaranké et dans les cases communes des jeunes gens des
villages bassari.
Cet individualisme Coniagui s'opposerait à un collectivisme plus
marqué des Badyaranké et des Bassari, cette opposition s'observant
dans différents domaines de la vie de ces trois groupes ethniques, en
particulier en ce qui concerne la vie économique, les « corvées »
agricoles, etc..
Conclusions.
Les Badyaranké sont un « petit groupe ethnique résiduel, d'origine
inconnue, apparenté par la race aux « vieux soudanais » S par la
langue à plusieurs groupes ethniques aujourd'hui répandus en basse
côte, par des traditions et des liens politico-religieux aux Bassari et
Coniagui, autrefois sans doute beaucoup plus répandu, victime des
pressions mandingue et peul, en voie, semble-t-il, de disparition par
fusion dans le monde mandingue...
Les coutumes badyaranké ont surtout conservé leurs traits
particuliers dans les villages situés au pied de la falaise ou sur le haut
plateau. Dans la plaine, ils se métissent de Mandingues, en adoptent
facilement la langue et le genre de vie.
En souscrivant à cette conclusion de Richard-Molard, il nous
semble cependant nécessaire d'insister sur le . grand intérêt qu'il y
aurait sans doute à poursuivre, très rapidement, une enquête
systématique sur les Badyaranké. Nous ne connaissons rien de leur système
social, pour ne citer qu'un seul exemple' de nos lacunes ; mais le peu
que nous connaissons des rapports entre Badyaranké, Coniagui et
Bassari nous laisse entrevoir la richesse de ce qu'il nous reste à
connaître. Ne semble-t-il pas que nous nous trouvions là en présence
d'un groupe de populations à oppositions complémentaires où les
Badyaranké, gens du plateau, feraient peut-être figure de maîtres du
feu à côté des Coniagui, gens de la plaine aux vertus guerrières
incontestées et au sens de l'individualisme plus poussé, et des Bassari, gens
de la montagne dont la sagesse a fait les maîtres religieux de l'ensemble
constitué par les trois groupes Badyaranké-Coniagui-Bassari.
Musée de l'Homme, Paris.
5. Moins « vieux soudanais » que leurs voisins et parents Coniagui et Bassari, les Badyaranké
nous semblent plutôt être intermédiaires entre les i vieux soudanais » et les « néo-soudanais »,
cf. ci-dessus p. 55. •
NOTE SUR LES BADYARANKÉ 87
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Addendum.