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Le Zohar

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Le Zohar

Cantique des Cantiques


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Le Zohar
Cantique des Cantiques

Éditions Verdier
II220 Lagrasse
Ouvrages du traducteur

Aux éditions Verdier

Le Zohar
Traduction et commentaires (6 volumes)
Genèse tomes I, II, III, IV : 1981, 1984, 1991, 1996.
Livre de Ruth, 1987. Cantique des Cantiques, 1999.

Moïse Cordovéro. Le Palmier de Débora


Traduction et commentaires, 1985.

Lettre sur la sainteté


La relation de Rhomme avec sa femme
Traduction et commentaires, 1986, 1993.

Le Livre hébreu d’Hénoch


Traduction et commentaires, 1989.

LEcclésiaste et son double araméen


Traduction et commentaires, 1990.

Les Grands Textes de la cabale


Les rites qui font Dieu, 1993.

Moïse de Léon. Le Sicle du sanctuaire


Traduction, annotation et présentation, 1996.

Joseph de Hamadan. Fragment d’un commentaire sur la Genèse


Edition et traduction, 1998.

Aux éditions Jacques Grancher


La Cabale, collection « Ouverture », 1988.

Aux éditions de l’Éclat


Joseph Gikatila. Le Secret du mariage de David et Bethsabée
Édition critique, traduction, commentaires, 1994.

Aux éditions Bayard


Cabale et cabalistes, 1997.

Aux éditions Cherub Press

R. Moses de Leon’s Sefer Sheqel ha-Qodesh, 1996.


Le Zohar
Cantique des Cantiques

Traduction de l’araméen et de l’hébreu,


annotation et introduction
par
Charles Mopsik

Collection « Les Dix Paroles »

VERDIER
© Éditions Verdier, 1999
ISBN 2-86432-309-5
:

ISSN : 0243-0541
Introduction

Le Zohar est connu comme un commentaire


surtout
ésotérique juif sur le Pentateuque - peut-être le commen-
taire ésotérique juif par excellence. Pourtant, il comporte

aussi trois parties entièrement consacrées à plusieurs des


cinq rouleaux : le livre de Ruth, les Lamentations et le

Cantique des Cantiques. Moins connues et donc moins


souvent commentées, citées ou évoquées, ces trois parties

distinctes constituent néanmoins des pièces importantes de


la littérature zoharique, autant pour leur contenu doctrinal
propre que pour leur qualité littéraire.

Le Zohar sur le livre de Ruth a été traduit pour la pre-

mière fois en français et publié en 1987. Il avait fait l’objet


d’une traduction anglaise quelques années auparavant.
Le Zohar sur le Cantique des Cantiques est ici traduit

pour la première fois en une langue européenne et annoté


de façon continue. Il ne s’agit pas d’un fragment accolé au
Zohar ni d’une pièce d’intérêt secondaire, mais au contraire
d’une partie du ample et autonome, dense et litté-

rairement accomplie.
8
- LE ZOHAR

Rabbi Siméon ben Yohaï et le prophète Elle


Un des grands traits singuliers de cette partie du Zohar
est qu elle se présente comme un dialogue quasiment exclu-
sif entre rabbi Siméon ben Yohaï, le héros principal du
Zohar sm le Pentateuque, et le prophète Élie^ Celui-ci est
une figure importante dans fensemble du Zohar où il est
considéré comme étant un ange prenant temporairement
forme humaine pour révéler des enseignements secrets ^
Dans d’autres passages du corpus sur le Pentateuque, Elle
intervient en qualité de révélateur de mystères relatifs à la
fin des temps, et il transmet aussi les enseignements qu’il a

entendus dans l’École céleste \ Mais nulle part comme ici

il n’est l’interlocuteur attitré de rabbi Siméon avec lequel il

discute longuement et auquel il dévoile des secrets de la


Torah. Alors qu’Élie s’éclipse rapidement et demeure sou-
vent inaccessible aux maîtres qui tentent de l’interroger^, il

apparaît ici comme le grand révélateur des secrets du


Cantique des Cantiques. Cette apparition singulière de la

figure d’Élie est digne d’attention. G. Scholem avait mon-


tré qu’Élie est plusieurs fois considéré comme le révélateur
des secrets du monde d’en haut dans l’histoire de la cabale,

en particulier dans ses débuts provençaux ^ De même une

1 . Le nom du fils de rabbi Siméon, rabbi Éléazar, est aussi men-


tionné quelques fois. Une autre fois, un développement est attribué à

Rav Hamenouna l’ancien (64d), sauf dans certaines versions qui omet-
nom.
tent ce
2. Voir en particulier notre introduction au Zohar, Livre de Ruth,
Lagrasse, Verdier, 1987, p. 24-26.
3. Voici la liste de ces passages : Zohar lb-2a, 151a, 217a, 100b
(Midrach ha-NéélamP 11, 210b, 216b; III, 221a, 231a, 241 b.
4. Voir en particulier Zohar I, 217a, et dans notre traduction,
tome IV, p. 60.
5. Les Origines de la Kabbale, Paris, Aubier Montaigne, 1966, p. 20,
44-46, 54, 214, 220, 253, 256-257, 260, 345.
INTRODUCTION - 9

telle un cabaliste du xiif siècle,


révélation a été attribuée à
le premier traducteur du Zohar en hébreu, R. David ben

Yehudah he-Hassid^ Pour un cabaliste, et cela depuis le


Moyen Âge et jusqu’à l’époque contemporaine, le fait de
recevoir des révélations d’Elie est le signe de l’accomplisse-
ment mystique ^ car ce n’est plus d’une tradition ésotérique
transmise de bouche à oreille que l’on est le bénéficiaire,
mais de sa source divine elle-même, dont Elle est le média-
teur par excellence, d’autant qu’il est considéré comme un
archange dans le corpus zoharique. Selon G. Scholem, les

mystiques juifs médiévaux rapportaient un enseignement à


une révélation d’Elie quand celui-ci comportait une nou-
veauté par rapport à la tradition et qu’il leur fallait se réfé-

rer à cette origine surnaturelle pour lui conférer quelque


autorité. Il est difficile de dire si cette conception se trouve
confirmée dans le livre qui nous occupe, dans la mesure où
Siméon ben Yohaï constitue déjà à lui seul une figure émi-
nente dont l’enseignement est incontestable. En tant qu’in-
terlocuteur quasi unique de rabbi Siméon ben Yohaï dans

6. Voir Moshé Idel, La Cabale. Nouvelles perspectives., Paris, Cerf,


1998, p. 208.
7. L’existence d’un rapport étroit entre révélation et herméneutique
dans le Zohar a été mise en avant par Elliot Wolfson, qui écrit : « Pour
l’auteur y a donc une convergence de base entre modes
du Zohar, il

d’interprétation et de révélation l’acte d’interpréter l’Ecriture est en


;

lui-même une occasion pour une étude contemplative et une médita-


tion mystique » {Through A Spéculum that Shines. Vision and
Imagination in Médiéval Jewish Mysticism, Princeton University Press,
1994, p. 331). L’herméneutique mystique est, selon cette considéra-
tion, une herméneutique de l’expérience. Il n’est cependant pas évident
que pour les cabalistes médiévaux, des concepts comme ceux d’étude
contemplative ou de méditation mystique aient eu un sens. Les caté-
gories contemporaines dans lesquelles leur rapport aux textes, à la divi-

nité ou encore à la société juive est étudié ne sont pas des faits mais
sont issues des représentations que les chercheurs se font de leur acti-
vité.
lO - LE ZOHAR

le Zohar sur le Cantique des Cantiques, Élie lui confère


une dimension qu’il n’a pas encore atteinte dans du
le reste

corpus. C’est comme si ce maître avait enfin trouvé un


interlocuteur vraiment à sa hauteur, avec lequel il puisse
discuter d’égal à égal. En outre, plusieurs formules qu’Élie
prononce à l’adresse et à la gloire de son interlocuteur ten-
dent à indiquer qu’Élie transmet une sorte d’ordination à
rabbi Siméon, qu’il lui fait prendre conscience de la gran-
deur des secrets qu’il détient déjà et de la validité de ses

enseignements. Élie semble introniser rabbi Siméon


comme le maître en cabale par excellence. Ce qui nous per-
met de penser, au moyen aussi d’indices supplémentaires,
que dans du Zohar la présence singulière d’Élie
cette partie

joue un rôle essentiel dansla mesure où elle vient confir-

mer et asseoir après coup un prestige déjà manifeste dans


l’ensemble des volumes du Zohar, Ce trait rapproche le
Zohar sur le Cantique des Cantiques du Tiqouney ha-
Zohar rédigé postérieurement par un auteur inconnu, car
dans cet ouvrage rabbi Siméon discute couramment avec
Élie ainsi qu’avec d’autres figures célestes ^ À plusieurs
il nous est dit que c’est Élie lui-même qui a com-
reprises,

menté le Cantique des Cantiques ^ et cette insistance


marque l’importance de ce livre biblique par rapport à tous
les autres, puisqu’il a bénéficié d’un enseignement direct et
suivi du prophète angélique.

8. Une monographie a été consacrée à cet ouvrage : Pinhas Ciller,

The Enlightened Will Shine. Symbolization and Theurgy in the Later


Strata of the Zohar, Suny, Albany, 1993.
9. Le texte du Zohar trtvçXoït en fait un verbe araméen qui signifie

littéralement énoncé », « proclamé » et cela même dans d’autres


«

strates du Zohar lui-même. Mais il est peu probable que la rédaction

du Cantique des Cantiques soit attribuée à Elie, à moins qu’il faille y


percevoir une allusion à une éventuelle inspiration du roi Salomon
(auteur traditionnel du Cantique) par le prophète Elie ?
INTRODUCTION - II

Le Cantique des Cantiques et la cabale espagnole

Pour comprendre la place du Cantique des Cantiques


au sein de la cabale, il convient de rappeler que ce livre

biblique est au cœur des développements relatifs au Chiour


Qomah, à la « Mesure de la taille » du grand corps anthro-
pomorphe divin. Celui-ci est décrit dans des textes
anciens qui remontent à la fin de l’Antiquité, dans une
littérature qui est souvent associée, peut-être à tort, à la lit-

térature des Palais. Au sein de la cabale médiévale, ce


Chiour Qomah est identifié au système des dix sefirot, les

émanations par lesquelles le divin se personnalise et se


manifeste. Les cabalistes ont aussi perçu et élaboré un uni-
vers complexe dont le corps divin est constitué, où non
seulement les sefirot occupent une place essentielle, mais
où les 22 lettres de l’alphabet hébreu constituent la « chair

spirituelle » de la divinité anthropocosmique. La tentative


d’associer le système des sefirot avec la structure des lettres
a été un défi majeur pour les cabalistes, qui ne trouvaient
dans leur livre de référence, le Livre de la Création^ qu’une
juxtaposition des deux thématiques, sans qu’un lien consis-
tant n’apparaisse entre eux. Depuis Ezra ben Salomon de
Gérone au début du xiii" siècle le Cantique des
Cantiques a représenté un enjeu central pour les élabora-
tions théosophiques des cabalistes, bien que peu d’entre
eux se soient aventurés à en proposer un commentaire
suivi. Le Zoharsxxt le Cantique des Cantiques n’est cepen-
dant pas le seul exemple d’œuvre cabalistique consacrée à

10, Voir Martin S. Cohen, The Shiur Qomah : Liturgy and


Theurgy in Pre-Kabbalistic Jewish Mysticism, Lanham, 1983 ; The Shiur
Qomah : Texts and Recensions, T vih’mgtn, 1985.
11. Voir la traduction partielle de ce livre par G. Vajda, Le
Commentaire dTzra de Gérone sur le Cantique des Cantiques, Paris,
Aubier Montaigne, 1969.
12 - LE ZOHAR

une étude de ce livre, il faut mentionner aussi et surtout le

Sefer Tashak de rabbi Joseph deHamadan, qui est en fait


essentiellement un commentaire du livre biblique en ques-
tion et qui, comme le Zohar, élabore un lien complexe

entre le système des sefirot et la structure des lettres

hébraïques, à travers une description précise, détaillée et


complète du Chiour Qomah. Malgré les intentions com-
munes des auteurs respectifs de ces ouvrages et des simili-
tudes d’ordre général, il est bien difficile de trouver des
parallèles littéraires convaincants, et il ne semble pas que
Joseph de Hamadan ait été tributaire de l’auteur du Zohar
sur le Cantique des Cantiques pour rédiger son propre
écrit - l’inverse semble également vrai. D’assez nombreux
passages du livre zoharique sont consacrés à l’étude des
lettres, ce sont souvent les plus difficiles et les plus tortueux
de l’ensemble du commentaire. Par ailleurs, bien peu de
détails sont donnés concernant le Chiour Qomah lui-

même, il faut se tourner surtout vers les Idra du Zohar


pour les rencontrer, alors que dans le livre de Joseph de
Hamadan, les commentaires sur le Cantique des Cantiques
et les peintures du Chiour Qomah sont situés dans le pro-
longement les uns des autres. Pourtant, les références au
corps divin composé de lettres ne sont pas absentes de l’ou-

vrage que nous avons traduit, ni les allusions aux différents


organes qui le composent. Dans une certaine mesure, il est

loisible de considérer le Sefer Tashak et le Zohar sur le

Cantique des Cantiques comme deux écrits bien distincts,


sans doute indépendants, mais jumeaux sur plus d’un
point.

12. Édition critique de J. Zwelling, 1975 édition critique d’un ;

fragment supplémentaire inédit par Ch. Mopsik, « Un manuscrit


inconnu du Sefer Tashak de R. Joseph de Hamadan, suivi d’un frag-
ment inédit », Kabbalah, Journal for the Study offewish Mystical Texts,

vol. 2, 1997, 169-188.


INTRODUCTION - 13

Le Cantique des Cantiques dans le Zohar


Il n’est sans doute pas de livre biblique qui n’ait été célé-
bré autant que le Cantique des Cantiques tout au long du
corpus zoharique. À certains égards, le contenu de la tota-

lité du Zohar peut être considéré comme une interpréta-


tion du rouleau attribué au roi Salomon La partie initiale
du Zohar swt le Pentateuque (I, la), débute par la citation
et le commentaire d’un verset du Cantique des Cantiques.

Aux yeux de son auteur, il ne s’agit pas d’un livre biblique


comme un autre. Un long passage du Zohar sur l’Exode
(II, I43a-l47a) développe la plupart des thèmes dispersés
dans ce corpus qui ont trait à l’origine, la place et l’impor-
tance du Cantique des Cantiques. Celui-ci est perçu
comme le chant qui proclame et décrit l’accomplissement
de l’harmonie universelle et de la rédemption de la

Communauté d’Israël, à la fois comme entité terrestre et


comme figure de la Chekhinah ou présence divine et le

triomphe de l’amour, à la fois en haut et en bas. Il n’est pas

inutile de transcrire ici quelques extraits du passage précité,


ils donneront une idée assez précise de la singularité du
livre biblique au regard du Zohar :

« Le Cantique des Cantiques est sans aucun doute la

Coupe de bénédiction qui est placée et déposée dans [la

main] droite, c’est pourquoi tout l’amour et toute la joie

adviennent ; en conséquence toutes ses paroles expriment

13. Telle était l’opinion de Paul Vuillaud, qui écrit dans son
ouvrage intitulé Le Cantique des Cantiques d'apres la tradition juive,

rééd. Éditions d’aujourd’hui, Plan de la Tour, 1975, p. 183 « La :

Kabbale est assurément une doctrine où ce que l’on appelle l’érotisme


mystique tient une large place. Je répète que son livre fondamental, le
Zohar, est un véritable commentaire du Cantique des Cantiques. »
Curieusement, le Zohar sur le Cantique des Cantiques est totalement
ignoré dans ce livre.
14 - LE ZOHAR

amour et joie, et rien de semblable n’existe pour tous les

autres cantiques du monde. Pour cette raison ce Cantique


a été initié par les patriarches Le jour où ce Cantique a
été révélé, la Chekhinah est descendue sur terre, comme il

est écrit : “Les prêtres ne purent s’y tenir pour leur service,

etc.” (I Rois 8:10), parce que “la gloire de YHVH remplis-


sait la maison de YHVH” (ibidem). C’est ce jour-là préci-
sément que ce Cantique a été révélé et que le roi Salomon
a énoncé par l’Esprit saint la louange. Ce Cantique est en
effet le principe de toute la Torah, le principe de toute
l’œuvre de la genèse, le principe du secret des patriarches,
le principe de l’exil d’Égypte et de la sortie d’Égypte, de la
louange [récitée lors du passage] de la mer [Rouge], le prin-
cipe des dix Paroles et de la révélation sur le mont Sinaï, de
la traversée du désert jusqu’à l’entrée dans le Pays et la
construction du Temple, le principe du couronnement du
saint Nom sublime par l’amour et la joie, le principe de
l’exil d’Israël parmi les peuples et de sa rédemption, le prin-
cipe de la résurrection des morts jusqu’au jour qui sera le

sabbat de YHVH, [le principe] de ce qui était, de ce qui est


et de ce qui sera ensuite, lors du septième jour, lorsque
adviendra le sabbat de YHVH. Tout est dans le Cantique
des Cantiques. À ce propos il est enseigné :
quand quel-
qu’un prononce une parole du Cantique des Cantiques
dans une taverne, la Torah se revêt d’un sac et s’élève auprès

du Saint béni soit-il et elle dit devant Lui : “Tes enfants ont
fait de moi un sujet d’amusement dans les tavernes !” Oui,
la Torah monte et parle ainsi, c’est pourquoi il faut s’en
préserver et élever comme un diadème sur sa tête chaque
parole du Cantique des Cantiques. Si tu demandes pour- :

quoi fait-il partie des Hagiographes ? [Sache]que c’est

14. Voir l43b.


15. Voir Sanhédrin 101a.
INTRODUCTION - 15

parce qui! est, évidemment, le chant, la louange de la


Communauté d’Israël quand elle est couronnée dans l’en-

haut. Aussi, tous les cantiques du monde ne font pas s’éle-

ver de désir envers le Saint béni soit-il comme cette


louange-là. [...] Par lui monte le désir, en haut, tout là-

haut, vers le mystère de l’Infini. »

Peut-être est-ce au Targoum^ la version araméenne du


Cantique des Cantiques, que le Zohar se réfère quand il

déclare que ce livre contient des allusions à tous les événe-


ments de l’histoire antique d’Israël et annonce les événe-
ments futurs, qu’il est le principe ou le résumé de toute la
Torah. Dans cette paraphrase araméenne, chaque verset du
Cantique est pris allégoriquement comme une peinture du
destin d’Israël au long de son histoire. Mais ce n’est sûre-

ment pas au sens premier seulement que le Zohar reprend ce


schème de l’exégèse juive devenu traditionnel. Le Cantique
des Cantiques n’est pas pour lui une sorte de témoin de
l’histoire sainte, qui en raconterait de façon poétique et ima-
gée les grands épisodes, il est un opérateur de cette histoire
qui renferme la logique qui préside à son déroulement. Plus
précisément, il déroule la logique de l’amour et opère tout
en l’accompagnant l’élévation de l’Épouse auprès de
l’Époux. Il transcrit les propos de l’Épouse et les réponses de
l’Époux, et par là il constitue les minutes d’un dialogue
amoureux dont dépend le sort de l’univers.

Les dix sefirot et l’alphabet hébreu

Ce ne sont pas seulement des lettres, ou plus précisé-


ment des consonnes, dont traite l’ouvrage que nous avons
traduit, mais aussi des voyelles et des signes de cantillation,
les marques prosodiques qui scandent la lecture à voix
haute du texte biblique. Bien que ces éléments graphiques
ne figurent pas noir sur blanc dans les rouleaux sacrés, ils

constituent pour le Zohar des indications d’une haute


l6 - LE ZOHAR

valeur symbolique et mystique puisqu’ils se réfèrent aux


degrés les plus élevés du monde divin. La Torah en effet

n’est pas un livre révélé au sens ordinaire, elle existe de toute


éternité sous une forme subtile au sein des profondeurs du
mystère de l’Absolu. L’émanation progressive de l’être divin,

la structure des sefirot, sa manifestation à partir de l’inson-


dable, est représentée comme le passage de cette Torah pri-
mordiale d’un mode d’existence indifférencié à une maté-
rialisation par étapes sous forme d’un écrit acquérant peu à
peu toutes les spécificités du Pentateuque tel qu’il a été
transmis au Sinaï. L’ensemble des expressions graphiques
qu’il contient sont les traces de cette émanation et permet-
tent de remonter à ses premières étapes. Mais ce n’est là

encore qu’une vue partielle de la conception du Zohar, qui


lie la création de l’homme, sa structure corporelle et celle de
son âme, à cette forme « théographique » qui englobe toutes
les strates du cosmos et de son devenir. La complexité du
système de correspondances que le Zohar décrit au long de
ses développements tient dans la multiplicité et l’hétérogé-

néité apparente des séries dont il affirme les connections. La


série anthropologique (les organes, l’âme, les formes corpo-
relles de l’homme), la série linguistique (les lettres, les

voyelles, les signes prosodiques de cantillation, les organes


de phonation), la série textuelle (la forme de la Torah, ses
sections, ses récits, ses symboles, ses nombres, ses person-
nages, ses prescriptions), la série angélique (ses hiérarchies
célestes, ses anges terrestres, leur fonction), ainsi que
d’autres séries accessoires (les végétaux, les minéraux, les
animaux, les météores, les planètes, les couleurs, etc.), sont
brassées par le Zohar, enchevêtrées, pour qu’une logique
fonctionnelle et cohérente émerge. Le Zohar ne cherche pas
à les classer, à les distinguer selon des genres ou des lois

naturelles, son souci est de les faire tous contribuer à un


processus d’organisation dont le fondement repose dans le
INTRODUCTION - 17

système des dix sefirot. Plus précisément, la structure des


sefirot devient un système à travers ces correspondances, ces
séries qui se répondent et réagissent les unes aux autres.
C’est ainsi qu’une structure plutôt statique telle quelle est
décrite pour la première fois par l’antique Livre de la
Création (le Sefer Yetsirah)y devient un système animé et
régulé. L’effet de cette superposition de multiples séries de
correspondances, où les signes graphiques et linguistiques
occupent une place centrale, sur une structure finie com-
prenant dix termes, est l’émergence d’un dispositif com-
plexe, aux composantes en nombre indéfini, qui recèle une
vie intérieure palpitante. Il n’est pas insignifiant sur ce point
que le principal commentateur du Zohar^ R. Moïse
Cordovéro (1522-1570), achève sa longue explication exé-
gétique du Zohar sur le Cantique des Cantiques par un
éloge de la « science anatomique selon la voie de la
vérité ». Cette anatomie mystique est aussi bien celle du
corps humain, du réseau des âmes, que du texte de la Torah
et des noms divins. Elle vise une compréhension des pro-
cessus intimes de la physiologie du corps à travers ses rap-
ports avec le système des sefirot et les constituants du lan-
gage. Ces derniers ne sont pas regardés comme étant
essentiellement des éléments de communication séman-
tique, mais ils sont surtout les traces graphiques de réalités

spirituelles qui disposent d’une vie propre et qui véhiculent


des forces dont la combinaison permet aussi bien la
construction du monde que l’animation de l’homme et des
anges. Le Zohar sm le Cantique des Cantiques est particu-
lièrement riche en ce domaine par ses nombreuses évoca-
tions de l’activité de ces signes linguistiques. L’origine pri-
mordiale et le processus initial de manifestation de l’être y
sont exposés comme l’apparition des signes du langage :

16, Voir la note finale de notre traduction, infra.


i8 - LE ZOHAR

marques prosodiques (té'amim), voyelles, lettres. La très

énigmatique « Flamme rigide » (botsina de-qardinouta) du


Zoharsm la Genèse (I, 15a), joue le rôle de tailleur de signes
linguistiques au sein du néant divin primitif. Les concep-
tions bibliques et rabbiniques anciennes sur la Parole créa-
trice qui s’appuyaient sur l’idée que Dieu créait le monde à
son commandement, sont réélaborées en profondeur au
moyen d’une vision de l’œuvre de création par un processus
complexe, assez obscur, mais néanmoins intelligible, d’un
travail sur la matière linguistique Le cosmos est déplacé :

le monde sensible n’est que la dernière étape d’une création


qui débute par l’auto-génération de l’Anthropos divin (le

système des sefirot) qui s’organise en se manifestant par voie


d’émanation. Mais à partir du moment où l’homme appa-
raît, une faille s’ouvre dans l’harmonie de cette dynamique
du cosmos. Elle consiste en ce que l’émergence d’une autre
volonté, d’une liberté autonome, qui refuse l’obéissance par-
faite à l’ordre divin (au sens de commandement comme au
sens d’organisation), creuse une distance entre la partie de
cet Anthropos attiré par un retour à sa source originelle
transcendante, une remontée dans les hauteurs inaccessibles,
et la partie attirée par une présence active dans le monde
sensible, ces deux pôles étant regardés respectivement
comme le principe masculin et le principe féminin, appelés

Monde du Mâle et Monde de la Femelle par le Zohar et

représentés par la sefira Tiferet et la sefira Malkhout. Cette


séparation malheureuse qui hante l’histoire de l’humanité
peut être surmontée par la référence à la Torah et à ses règles,
et le Cantique des Cantiques est perçu comme le chant des
retrouvailles de ces deux principes, l’expression de l’amour
du Bien-aimé et de la Bien-aimée.

17. Voir à ce sujet notre article, « Pensée, Voix et Parole dans le

Zohar », Revue d’Histoire des Religions, 213-4/1996, p. 385-414.


INTRODUCTION - 19

Les guerres magiques


Le combat entre les Israélites et les Égyptiens est pré-

senté non comme une lutte entre deux forces militaires,


mais comme une guerre des magies entre celle des Égyp- :

tiens et celle des Hébreux, inspirés par leur Dieu Pour le

Zohar, Phistoire n est significative qu’à la condition d’être


la scène où s’affrontent la Sagesse de l’Autre côté et la

Sagesse du côté de la sainteté. Ces deux Sagesses ne diffè-


rent l’une de l’autre que par la source de puissance où elles

puisent leur force, et non par les procédés pris en eux-


mêmes. Dans cette perspective, plusieurs éléments du
rituel juif sont perçus comme des moyens de type magique
pour se préserver de la malignité surnaturelle des puis-
sances démoniaques Pourtant, il ne semble pas que ces
explications que donne le Zohar tendent à une « magifica-
tion » des rites juifs. Elles expriment plutôt en termes expli-
cites et raisonnés des croyances populaires flottantes dans
la société juive et sans doute très anciennes. Il faut plutôt y
voir la tentative de rationaliser un certain nombre de pra-
tiques sans motifs apparents, en s’appuyant sur l’explica-
tion spontanée que ses pratiquants pouvaient fournir. À cet
Zohar nous a laissé ce qu’il faut considérer comme
égard, le
des documents ethnographiques ainsi que des « explica-
tions » de type anthropologique qui nous révèlent des
aspects cachés ou négligés de la société juive médiévale
espagnole. Le Zohar ne développe pas seulement une doc-
trine ou une vision mystique, voire une herméneutique de
l’expérience extatique, comme certains y insistent aujour-
d’hui, mais il s’attache à rendre compte d’un certain
nombre de faits religieux regardés parfois avec dédain

18. Voir notre traduction infra, p. 173-175.


19. Voir par exemple infra, p. 125-126.
20 - LE ZOHAR

comme des pratiques populaires, parce qu’il considère que


tout ce qui est humain résonne et entre en correspondance
avec tous les degrés de l’être, jusqu’aux plus éminents.
Le Zohar est parfois difficile à suivre à cause de ces asso-
ciations surprenantes et insolites, qui défient l’imagination
et risquent sans cesse d’épuiser les forces de synthèse de
l’intelligence abstraite. Il n’exige pas seulement, comme
bien d’autres ouvrages, une grande complicité de la part du
lecteur, il réclame, pour être compris, un partage total des

intuitions et de la sensibilité. À cet égard, il s’apparente


davantage à une œuvre littéraire qu’à un écrit théologique

ou philosophique, bien qu’il exprime souvent des idées


théologiques ou philosophiques celles-ci sont cependant
;

si bien informées par le style propre au Zohar qu’il faut

faire un effort d’extraction pour les reconnaître. Si cet

effort est fourni, le lecteur découvre souvent des concep-


tions d’une grande originalité par rapport à l’époque où
elles ont été formulées, et il n’est pas déçu. Il est vrai que
certaines ambiguïtés, qui procèdent du caractère littéraire
du Zohar^ ont donné aux commentateurs, anciens ou
contemporains, issus des rangs des cabalistes ou des uni-
versités, l’occasion de débats animés et sans fin. Une vie
intellectuelle riche et bigarrée s’est épanouie autour de ce
livre, qui est aujourd’hui encore un centre privilégié
d’études religieuses aussi bien qu’his toriques. Une des ques-
tions passionnantes auquel cet ouvrage pourrait permettre
de répondre est de savoir pourquoi et comment un livre

devient la pierre angulaire d’une tradition religieuse et, par


ricochet, d’une recherche érudite ou multidisciplinaire.

Les bien-aimés du Cantique des Cantiques


Comme l’on pouvait s’y attendre, le Zohar sur le

Cantique des Cantiques demeure parfaitement fidèle à la

logique symbolique qu’il déploie tout au long de ses déve-


INTRODUCTION - 21

loppements sur le Pentateuque. Alors que l’exégèse rabbi-


nique traditionnelle avait identifié le bien-aimé à Dieu et

la bien-aimée à la Communauté historique d’Israël, que


quelques exégètes médiévaux ont identifié le premier à
Dieu et la seconde à l’âme humaine (c’est le cas chez
Abraham Aboulafia timidement chez Joseph de
et plus

Hamadan), le ZoharïAtnxi£it le Bien-aimé à la dimension


masculine du monde divin, la sefira Tiferet (avec la sefira
Yessod qui la prolonge directement) et la Bien-aimée à la

sefira Malkhout, elle-même regardée comme étant la


Chekhinah, la présence divine exilée sur terre au bénéfice
d’Israël. Cette identification se retrouve également chez
Joseph de Hamadan, elle se rencontre déjà dans le com-
mentaire d’Ezra de Gérone^°. Mais contrairement au com-
mentaire de ce grand prédécesseur, le Zohar ne se retient
pas d’user de formules au caractère érotique parfois très
évocateur, moins cependant que ne le fait son contempo-
rain Joseph de Hamadan dans le Sefer Tashak. Ce n’est

sûrement pas dans le but d’édulcorer ses connotations


charnelles que les cabalistes ont interprété le Cantique des
Cantiques comme ils l’ont fait, mais pour en tirer le maxi-
mum de profit sémantique relatif à leur système de pensée.
Un livre pour le salut de l’âme
Les deux parties qui composent le Zohar sur le

Cantique des Cantiques (appelé aussi, à cause de son édi-


tion princeps, Zohar Hadach sur le Cantique des Cantiques),
recèlent une foule de renseignements non seulement sur la

cabale théosophique espagnole de la fin du xiif siècle, mais


sur le système de pensée cabalistique dominant dans l’his-
toire juive, jusqu’au siècle présent. Le Cantique des
Cantiques a été une importante source d’inspiration pour

20. Voir G. Vajda (ouvrage cité supra note 11).


22 - LE ZOHAR

les mystiques médiévaux, aussi bien en milieu juif que


chrétien Alors queamoureuse qui y est exal-
la relation

tée a été communément regardée comme le symbole de


l’amour entre le mystique ou son âme et Dieu, le Zohar y
voit le récit d’événements amoureux qui se déroulent au
sein même du monde divin ; ces processus sont dépendants
de la situation et du comportement d’Israël ici-bas, et en
même temps ce sont eux qui orientent et assurent son des-
tin. La tradition juive rabbinique classique avait vu dans le

Cantique des Cantiques une allégorie des relations entre la


communauté d’Israël et son Dieu, tel est le cas par exemple
dans le Targoum sur ce texte, qui décrit ces relations en
détail. Dans le Zohar (et déjà chez R. Ezra, qui pouvait
s’appuyer aussi sur communauté d’Israël » est
le Bahir), la «
la dimension féminine immanente de la divinité, son

ultime degré émanatif appelé Malkhout ou Royauté, qui


s’identifie par ailleurs à une entité formée de la totalité des
âmes des Israélites. L’amour et le désir qui s’éveillent entre
cette dimension divine et la dimension masculine (la sefira

Tiferet symbolisée par le Bien-aimé), vise une élévation de


la Bien-aimée jusqu’au « Roi qui possède la paix »,

« Salomon », termes qui se réfèrent à la « Mère d’en haut »,


la sefira Binah (l’Intelligence). Cette réunion des pôles

masculin et féminin du monde divin, le Bien-aimé et la


Bien-aimée, provoque la remontée de la dimension fémi-
nine dans les degrés de l’émanation et son renouvellement
auprès du « Monde à venir », autre nom de la Mère d’en
haut, la sefira Binah. Il en résulte une régénération de sa
puissance qui lui permet enfin d’abreuver le peuple d’Israël

de ses bénédictions. Cette réunion et cette remontée sont

21 . Une présentation générale des approches dans le christianisme


se trouve dans G. Pouget et J. Guitton, Le Cantique des Cantiques,
Paris, Gabalda, 1948.
INTRODUCTION - 23

en grande partie les fruits des prières et des œuvres des


Israélites. Dans ce processus dont nous n avons explicité
que les lignes générales, le cabaliste a un rôle à jouer, de
première importance. Il doit d’abord le faciliter par la

connaissance qu’il en a et qu’il doit dispenser à son entou-


rage. De plus, la connaissance qu’il acquiert du monde
divin ouvre à son âme les portes du monde futur et l’intro-
duit au sein de la dimension féminine évoquée ci-dessus,
dans laquelle elle opère, par sa présence même, un réveil du
désir et de l’amour envers la dimension masculine et les

degrés supérieurs de l’Arbre des sefirot. Cette connaissance


n’a pas seulement cette fonction théurgique d’activation
des processus intradivins, elle joue aussi un rôle détermi-
nant pour le salut personnel.
Le cabaliste a ainsi pour première mission d’acquérir la

connaissance de la structure et du mode de fonctionnement


de ce monde divin qui, loin de lui être étranger, se reflète
dans les moindres détails de son corps et est récapitulé dans
son âme^^. Sur ce dernier point, le Zoharsm le Cantique
des Cantiques contient les formules les plus radicales que
l’on puisse trouver dans l’ensemble du corpus zoharique :

« Voici la sagesse dont l’homme a besoin :


premièrement il

doit connaître et scruter le mystère de son Seigneur.


Deuxièmement il doit connaître son propre corps et savoir
quiil est, comment il a été créé, d’où il vient, où il va, com-

ment a été agencée la structure du corps, et comment il est


destiné à comparaître en jugement devant le Roi de tout.
Troisièmement il doit connaître et scruter les secrets de son
âme :
qu’est-ce quelle est cette âme qui est en lui ? D’où
vient-elle ? Pourquoi est-elle venue dans ce corps, dans une
goutte pourrie? Car aujourd’hui ici et demain dans la

22. Sur les dix sefirot constituant l’âme humaine, voir M. Idel, La
Cabale. Nouvelle perspective, Paris, Cerf, 1998, p. 242-244.
- LE ZOHAR
24

tombe! Quatrièmement il doit scruter ce monde et

connaître l’univers dans lequel il se trouve et par quoi il

peut être réparé. Enfin [il scrutera] les secrets supérieurs du


monde d’en haut afin de connaître son Seigneur. L’homme
scrutera tout cela à travers les secrets de la Torah. Viens et
vois :
quiconque se rend dans ce monde-là sans connais-
sance, même s’il possède de nombreuses bonnes œuvres, on
le rejette de tous les portails de ce monde-là. Sors et vois ce

qui est écrit ici : “Raconte-moi” (Cant. 1:7), dis-moi les

secrets de la sagesse d’en haut, comment Tu mènes paître et


diriges le monde supérieur. Enseigne-moi les secrets de la
sagesse que j’ignore et que je n’ai pas étudiés jusqu’à main-
tenant, de sorte que je n’éprouve pas de honte au milieu des
degrés supérieurs parmi lesquels je vais pénétrer, car jus-
qu’ici je ne les avais pas contemplés. Viens et vois. Qu’est-il
marqué? “Si tu ne le sais pas, ô la plus belle d’entre les

femmes” (Cant. 1:8) : si tu viens sans connaissance et que


tu n’as pas scruté la sagesse avant d’être arrivé ici, que tu ne
connais pas les secrets du monde d’en haut, “sors donc”
(ibidem), tu n’es pas apte à pénétrer ici sans connaissance;
“sors donc sur les talons des brebis” (ibidem) et tu obtien-
dras la connaissance parmi ces “talons des brebis” - ceux
que les hommes foulent du talon mais qui connaissent les

sublimes secrets de leur Seigneur, avec eux tu sauras scruter


et connaître. “Et fais paître tes chevrettes” (Cant. 1:8) : ce
sont les petits enfants de la maison de leur maître, les

enfants qui sont à l’école et apprennent la Torah. “Près des


demeures des bergers” (ibidem) près des synagogues :
et des

maisons d’étude où ils apprennent la sagesse d’en haut, et


bien qu’ils ne la comprennent pas, toi tu la connaîtras à tra-

vers les paroles de sagesse qu’ils énoncent » (70d). La


connaissance est dans ce texte supérieure aux bonnes
œuvres pour permettre l’accès au monde futur. De plus, les

cabalistes sont comparés aux « talons des brebis » à cause du


INTRODUCTION - 25

mépris dans lequel la foule les tient, alors qu’ils sont en réa-
lité les détenteurs des « sublimes secrets de leur Seigneur ».

Quatre champs de connaissance sont présentés comme des


conditions préalables nécessaires à l’homme qui désire accé-

der à la félicité : la connaissance de son corps, de son âme,


du monde et des mystères divins. Il convient de noter la

position de la connaissance du Seigneur : elle est à la fois

première et semble découler de l’acquisition des trois autres.

Mais ces savoirs ne sont pas l’objet d’une recherche expéri-


mentale ou théorique autonome : ils sont accessibles uni-
quement à travers l’étude des « secrets de la Torah », passage
obligé par la « tradition » ésotérique et sa transmission
d’une science immémoriale. Cependant, il n’est pas exclu

que l’étude de ces secrets fasse aussi une certaine place à des
approches plus personnelles, comme certaines interpréta-
tions du texte précité semblent inviter à le penser, mais la
question reste ouverte. Cette quadruple connaissance est
aussi une réponse face à l’absurdité apparente de l’existence
humaine, elle lui donne un sens, une justification, et elle

rappelle d’anciennes formules gnostiques Elle reflète à sa


façon une antique parole d’Akabya fils de Mahalalel : « Sois
sensible à ces trois choses et tu ne risqueras pas d’être livré
à la transgression : sache d’où tu viens, où tu vas, devant qui
tu passeras en jugement et à qui tu devras rendre des
comptes. D’où tu viens ? D’une goutte pourrie. Où tu vas ?

Vers un lieu de poussière, de pourriture et de vers. Devant


qui tu passeras en jugement et à qui tu devras rendre des
comptes ? Devant le Roi des rois de rois, le Saint béni soit-
il » {Michna Avot yA) Bien sûr, la réponse que le Zohar
apporte à ces questions fondamentales est d’un autre ordre :

la connaissance des secrets de la Torah recèle en elle-même


une vertu salvatrice et ouvre l’accès au monde divin. C’est

23 Voir C. d’Alexandrie,
. Extraits de Théodote, Cerf, I970,§ 78, p. 203.
26 - LE ZOHAR

sur un éloge de la révélation de la Sagesse d’en haut - la

connaissance des noms divins - que s’ouvre le Zohar sur le

Cantique des Cantiques, Sagesse qui n’est pas même trans-


mise aux anges mais qui va être divulguée dans les lignes qui
suivent. Il n’est guère douteux que le texte même du Zohar
se présente comme le révélateur d’au moins une partie de
cette connaissance, et l’étude des secrets de la Torah s’ac-
complit par l’étude même du Zohar, qui s’octroie ainsi un
pouvoir salvateur pour l’individu devenu son lecteur assidu.
Ce n’est donc pas un livre comme un autre dans la biblio-
thèque des livres religieux ou philosophiques du judaïsme,
mais il doit être historiquement situé à la lumière de la mis-
sion qu’il s’est donnée contribuer substantiellement au
:

salut des âmes Le contenu du Zohar sur le Cantique des


Cantiques est particulièrement éclairant à ce sujet.

Qui a écrit le Zohar sur le Cantique des Cantiques ?


L’auteur du Zohar sur le Cantique des Cantiques ne
peut être distingué de l’auteur de l’ensemble du Zohar.
Elliot Wolfson a sans doute raison de dire que « d’un point
de vue conceptuel et stylistique cette partie est très proche
d’une part des Sitrey Torah et des Matnitin et d’autre part
du Sifra di-Tsniouta et des IdroT^ ». J’aimerais ajouter
quelle me paraît surtout proche stylistiquement de la par-

24. Quant au salut collectif, les conceptions et l’attitude du Zohar


à ce sujet ont déjà fait l’objet d’une longue étude par Yehuda Liebes,
« The Messiah of the Zohar On : R. Simeon bar Yohai as a Messianic
Figure » (en hébreu), dans S. Re’em (éd.), The Messianic Idea in Jewish
Thought : A Study Conférence in Honour ofthe Eightieth Birthday of
Gershom Scholem, The Israël Academy of Sciences And Flumanities,

Jérusalem, 1982, p. 87-236; et voir Moshé Idel, Messianic Mystics, Yale


University Press, 1998, p. 104 à 125.
25. « Anthropomorphic Imagery and Letter Symbolism in the Zohar»,

Jérusalem Studies in Jewish Thought^, 1990, p. 147-182 (en hébreu), p. 173.


INTRODUCTION - 27

tie du Zohar intitulée Haqdamah ou préliminaire, qui n’a


été que tardivement greffée sur le Zohar en tant qu’intro-
duction si l’on en croît Daniel Abrams Il n’y a guère de

doute que le Zohar sur le Cantique des Cantiques ait été

rédigé par la même plume que celle à laquelle nous devons


la plus grande partie du Zohar, bien que le style en soit

souvent particulièrement étudié.

Le genre littéraire de Vouvrage


Examinons d’abord la ou les méthodes herméneutiques
mises en œuvre dans ce texte.
Aucune différence entre l’approche du texte biblique de
l’ensemble du Zohar et ce commentaire sur le Cantique des
Cantiques ne peut être distinguée. Le principal souci du
commentateur consiste à envelopper le texte biblique dans
une trame tissée par le déroulement des processus qui ont
lieu dans le monde divin ou angélique. Il cherche à intégrer

les versets cités dans sa vision du monde supérieur, et moins

à en pénétrer le sens ultime. C’est pourquoi les digressions


sont nombreuses, et les multiples explications d’une même
sentence abondent souvent. Certes, il voit beaucoup d’élé-

ments de ce chant biblique comme des symboles qui évo-


quent les réalités les plus hautes et les plus mystérieuses. Le
caractère symbolique de l’herméneutique zoharique a
depuis longtemps été démontré. Néanmoins, l’auteur de ce
corpus ne cherche généralement pas à élaborer une explica-
tion symbolique systématique et univoque des livres

bibliques, il développe une approche très pragmatique, s’ap-


puyant sur tout ce qui vient à sa portée pour tisser le cocon
ésotérique qui transforme le texte commenté en prétexte

26. « When was the “Introduction” to the Zohar Written and


Changes within Differing Copies of the Mantua Printing », Asufot%,
1994, p. 211-226 (en hébreu).
28 - LE ZOHAR

pour présenter et représenter les événements survenant dans


le monde supérieur. Ainsi, l’usage des valeurs numériques,
les jeux de mots, les images allusives, les particularités gra-

phiques, les réemplois de l’exégèse rabbinique ancienne, se


côtoient et s’additionnent pour concourir ensemble à la
construction d’un autre texte, celui du Zohar lui-même,
face auquel le texte biblique n’est plus qu’un avant-propos.
Nous avons montré ailleurs comment l’exégèse midra-
chique était reprise par l’auteur du Zohar, comment il fai-

sait usage des méthodes rabbiniques elles-mêmes pour


expliquer non plus le texte biblique mais le midrach lui-
même Nous voudrions ajouter la remarque suivante.
L’auteur du Zohar n^sx. pas préoccupé par l’idée de délivrer
le commentaire correct et définitif sur la Bible ou le

Midrachy pour lui le sens de chaque verset est infini et il

serait vain d’en prétendre fournir l’élucidation dernière. Son


souci est tout autre et concerne moins le texte biblique en
tant que - qui ne risque rien à être commenté de mul-
tel

tiples façons — que le monde divin ou céleste lui-même :

comment celui-ci est capable de « recevoir » les versets


bibliques, comment il peut les entourer de ses propres
rayons sémantiques, comment il déborde sur chaque lettre
du texte canonique qui le reflète une infinité de fois. La
cohérence doctrinale de ses procédés d’exégèse ne réside pas
dans l’unicité d’une méthode mais dans le caractère homo-

gène et non contradictoire du discours qui met en scène le


monde divin sur l’estrade ou l’écran constitué par l’écrit

27. Voir notre traduction du Zohar, t. IV, introduction, p. 16-20.

Moshé Idel, « Infmities of Torah in Kabbalah », dans


28. Voir
Midrash and Literature, New Haven, Conn., 1986, éd. par
G. Hartman et S. Budick, p, 141-157. Voir aussi plus récemment,
« Radical Hermeneutics From Ancient To Médiéval, and Modem
:

Hermeneutics Accademia Nazionale dei Lincei, Atti Dei Convegni


»,

Lincei, Ermeneutica E Critica, 135, Rome, 1998, p. 165-201.


INTRODUCTION - 29

sacré. Au fondement de cette approche, on peut surprendre


l’idée d’une non-séparation entre la source divine de l’écri-

ture et le tissu littéraire biblique, idée formulée plus tard par


le cabaliste Menahem Récanati à partir d’une formule plus
ancienne d’Azriel de Gérone, selon laquelle « la Torah n’est

pas en dehors de Lui, pas plus qu’il n’est lui-même en


dehors de la Torah ». Cette coïncidence entre Dieu et la

Torah (et par extension la Torah comprend bien sûr le

Cantique des Cantiques), autorise un passage direct de l’un


donne comme tâche de montrer, par
à l’autre, le cabaliste se
tous les moyens exégétiques accessibles, par toutes les
astuces herméneutiques dont il peut faire usage ou qu’il est
capable d’inventer, que « la Torah et le Saint béni soit-il

sont un^® ».

À l’issue d’une telle entreprise, le résultat concret reste


néanmoins un commentaire. Celui-ci, dans le cas qui nous
occupe, ne couvre qu’une partie du texte biblique qui en
est l’objet, les deux premiers chapitres du Cantique des
Cantiques. De nombreux versets tirés d’autres parties de la

Bible sont également cités et commentés en passant. Fidèle


à la forme dite des « ouvertures » (petihot) du midrach clas-
sique, avant de commencer l’explication d’un nouveau pas-
sage du Cantique des Cantiques, le Zohar mentionne et
développe, parfois longuement, l’explication d’un verset
tiré d’un autre livre biblique. Cette structure littéraire

29. Cité dans G. Scholem, Le Nom et les symboles de Dieu dans la


mystique juive, Le Cerf, 1983, p. 1 1 1, et voir diverses références dans
notre ouvrage. Les Grands Textes de la cabale. Les rites qui font Dieu,
Lagrasse, Verdier, 1993, p. 279; et voir encore M. Idel, « Radical
Hermeneutics... », art. cité supra (note 28) p. 196.
30. Pour cette expression cabalistique formulée par R. Moïse
Hayyim Luzzatto et ses sources, voir I. Tishby, « Le Saint béni soit-il,

la Torah et Israël sont un », (en hébreu), dans Qiryat Sefer, 50, 1975,
p. 480-492.
30 - LE ZOHAR

indique clairement que l’auteur du Zohar a voulu rattacher


son texte au genre du midrach rabbinique, qui a été son
modèle constant. C’est d’ailleurs au titre de midrach ésoté-
rique attribué à un Tanna du siècle qu’il a été longtemps

reçu et accepté. Qu’il soit une imitation


ou une continua-
tiondu midrach ancien ne change rien au fait qu’il s’inscrit
dans le genre du midrach rabbinique et il est permis de
considérer qu’il a bien réussi dans ce projet au regard de
son histoire ultérieure.

Les surcommentaires — un bref aperçu


Le Zohar sur le Cantique des Cantiques a été beaucoup
moins souvent commenté que le Zohar sur le Pentateuque.
En revanche, il a été très fréquemment cité dans la littéra-
ture cabalistique pour des éléments de son contenu que les

autres parties du Zohar ne renferment pas. Parmi les com-


mentaires, citons celui de Menahem de Lonzano, celui de
Moïse Cordovéro, au xvi siècle, et au vingtième
"
siècle, le

commentaire de Yehudah Ashlag.

Le Midrach ha-Néélam
Outre le Zohar proprement dit, une autre strate zoha-
rique, sans doute antérieure, a été rédigée comme un com-
mentaire sur le Cantique des Cantiques. Le Midrach ha-
Néélam ou midrach {Le. commentaire) caché ou mystique
qui couvre une partie importante de la Genèse, le livre de
Ruth et le livre des Lamentations, s’étend aussi sur le

Cantique des Cantiques, mais de façon assez brève.


Comme c’est le cas pour l’ensemble des parties de cette
strate, considérée comme primitive, la théosophie cabalis-
tique y est moins présente que dans le Zohar stricto sensu,

bien quelle n’en soit pas totalement absente, comme le

montrent des allusions assez nombreuses ainsi que des évo-


cations plus explicites. Contrairement à la strate du Zohar
INTRODUCTION - 31

sur le Cantique des Cantiques, les éléments narratifs abon-


dent et de courts épisodes édifiants de la vie des maîtres
anciens y sont rapportés. Dans les pages finales, une exé-
gèse suivie du chapitre douze du livre de l’Ecclésiaste
conclut paradoxalement le commentaire sur le Cantique
des Cantiques. Il semble que fauteur avait en vue la rédac-
tion d’une section concernant le livre de l’Ecclésiaste, qu’il
n’a pas pu réaliser ou qui a été perdue Bien que cette par-
tie soit indépendante et sans lien direct avec celle du Zohar
sur le Cantique des Cantiques, on repère sans peine des
thèmes et des idées communs, et au moins une fois, à pro-
pos du schème des quatre baisers, il semble bien que la

strate zoharique suppose du lecteur qu’il ait d’abord lu et


compris un passage initial du Midrach ha-Néélam. Cela
demanderait toutefois de plus amples investigations.

Uédition du texte
Comme à notre habitude pour les autres volumes de
notre traduction du Zohar, nous avons suivi le texte édité
par Moïse Cordovéro avec son commentaire (Or Yaqar,
tome XVII, Jérusalem, 1989). Nous avons également
consulté le manuscrit 797 du fonds hébreu de la
Bibliothèque Nationale de France. Nous nous sommes rap-
porté aussi à diverses éditions imprimées (celles de Ruben
Margaliot et de R. Yehudah Ashlag^^). Il subsiste à travers

31 .
À propos des récits du Zohar, voir maintenant Aryeh Wineman,
Mystic Taies from the Zohar, Princeton University Press, 1998.
32. Voir sur ce point notre ouvrage, LEcclésiaste et son double ara-
méen, Lagrasse, Verdier, 1990, postface.
33. Publiées sous le titre de Zohar Hadach, la première par le

Mossad ha-Rav Kook, Jérusalem, 1978, et la seconde rééditée à


Londres en 1970. Cette version a été établie d’après les premières édi-
tions imprimées dont elle comporte les principales variantes. Elles ont
été publiées à Salonique (1596), puis à Cracovie (1602), Venise
(1657), Munkacs (1910).
32
- LE ZOHAR

le monde plus de deux cents manuscrits contenant au


moins un fragment du Zohar sur le Cantique des
Cantiques, preuve de sa célébrité malgré le petit nombre de
commentaires qui en ont été faits. En ce qui concerne le
Midrach ha-Néélam sur le Cantique des Cantiques, que
nous avons placé par commodité en début d’ouvrage, nous
avons suivi l’édition de R. Margaliot et celle de R. Yehudah
Ashlag qui rapporte les principales variantes de diverses
éditions imprimées antérieures. Une édition critique est
encore un desideratum de la recherche dans le domaine de
l’histoire des textes de la cabale médiévale. Malgré le carac-
tère un peu abrupt de du livre, il est impossible d’af-
la fin

firmer avec certitude que le Zohar sur le Cantique des


Cantiques est resté inachevé ou qu’une partie manque pour
une raison quelconque.
ZOHAR SUR LE CaNTIQUE DES CANTIQUES
'
'*'
4
•'

frfiiiills;

Ï0^:^^0ê000
Midrach HA-NÉÉLAM

[60c]
Rabbi Rehoumay ^ prit la parole et dit : « Sur lui repo-
sera le souffle de YHVH, souffle de sagesse et d’intelli-
gence, souffle de conseil et de puissance, souffle de
connaissance et de crainte de YHVH » (Es. 1 1:2). Il
y a ici

quatre souffles ^ que nul homme n’a mérité d’obtenir à l’ex-


ception du Roi Messie seulement ^ Il est écrit ainsi « De :

1 . Ce nom, qui ne figure pas dans la littérature rabbinique clas-

sique, apparaît une seule fois dans le proprement dit, voir I, 1 la


(préliminaires). Il apparaît souvent dans le Bahiroxx il représente une
figure centrale § 12, 46, 74, 82, 87, 91, 99, 100, pass. (éd. Abrams,
The Book Bahir, Los Angeles, Cherub Press, 1994).

2. Pour l’ensemble du passage, comparez avec ZoharM, l46b, III,

130b (Idra Rabba) et voir plus bas, 64b. Ces quatre souffles ou esprits
correspondent aux sefirot Hessed (sud), Tiferet (est), Guevourah
(nord), Malkhout (ouest) d’après Zoharl, 235a, trad. dans Le Zohar,
tome IV, p. 134.

3. Comparez avec Zoharl, 103b, 238a et III, 130b. Et voir Moïse


de Léon, Le Sicle du sanctuaire, Lagrasse, Verdier, 1996, p. 121 le ;

« Roi Messie »
y désigne la sefira Malkhout sur laquelle « l’influx des-

cend comme la rosée de l’Hermon des dimensions d’en haut », situa-


tion qui correspond explicitement à l’époque de la Rédemption, en fili-

grane dans le présent texte du Zohar. Le même verset a été appliqué


également au Messie par R. Acher ben David, voir Daniel Abrams
36 - LE ZOHAR [ 60 c]

quatre souffles, viens souffle » (Ez. 37:9). Il n est pas mar-


qué « quatre » mais « de quatre souffles », c’est cela un
souffle parfait. Comment donc? lui demanda-t-il. Il lui

répondit : C’est celui qui procède de l’amour d’un baiser.


De la façon dont un baiser d’amour n’est donné que sur la

bouche et qu’un souffle s’unit à un souffle si bien que cha-

cun d’eux est constitué de deux souffles, lui-même et celui


de son ami, tous deux ensemble formant quatre souffles. À
plus forte raison quand le mâle et la femelle s’unissent, là

quatre souffles sont ensemble. Et le fils qui procède d’eux


est un souffle procédant de quatre souffles^, comme tu l’as

dit : « De quatre souffles, viens souffle » (Ez. 37:9) et c’est


un souffle parfait ^

(éd.), R. Acher ben David : His Complété Works and Studies in his
Kahbalistic Thought (Including the Commentaries to the Account of
Création by the Kabbalists of Provence and Gerona), Los Angeles,
Cherub Press, 1996, p. 70. Dans son commentaire sur le Cantique des
Cantiques, R. Ezra de Gérone assimile aussi le « souffle de YHVH »
d’Esaïe 11:2 à « l’esprit du Messie », voir la trad. de G. Vajda, Le
Commentaire d’Ezra de Gérone sur le Cantique des Cantiques, Paris,
Aubier Montaigne, 1969, p. 108.
4. Il est possible de voir dans ce passage une allusion à l’engendre-
ment de l’âme ou de l’esprit de l’homme par l’union du Mâle (la sefira

Tiferet) et de la Femelle (la sefira Malkhout). De cette union de leurs


souffles (ou esprits) résulte aussi et surtout le « fils » comme « souffle

ou esprit parfait », qui est identifié au messie, puisque lui seul a mérité
un tel souffle issu des « quatre souffles », fusion harmonieuse idéale des
sefirot masculine et féminine. Sur l’enfantement des âmes, voir Zohar
I, 208a, 209a, 245b (trad. dans Le Zohar, tome IV, p. 36, 42 et 181).

5. Voir un texte de Moïse de Léon, Sod ‘esser sefirot belimah,


p. 372 : « Tu dois savoir encore ce que les anciens, bénie est leur
mémoire, ont enseigné. Pourquoi le baiser se donne-t-il sur la bouche
plutôt que sur tout autre endroit ? Tout amour et dilection qui se veu-
lent solides ne s’expriment que par le baiser de la bouche, car la bouche
est la source et l’origine du souffle, et lorsque le baiser se pose sur la

bouche, un souffle s’unit à un souffle. Quand l’adhésion souffle à


[60c] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 37

Rabbi Berakhiah^ dit : J’étais assis près des portails de la


grande Rome quand je vis un homme qui venait. Je partis
à sa rencontre et je le fis entrer dans ma maison. Je l’exa-

minai sur la Bible, la Michnah, la Tossephta et la Aggadah,


et je ne trouvai en lui rien de tout cela. Je le grondai et il ne
répondit rien. Il se laissa tomber derrière une porte et s’en-

dormit. Je me dis : lui et le chien mangeront ensemble !

C’est ce que disait Rabbi Manyomi^ l’Ancien, de Gush


Halba : Que signifie « Ces chiens ont l’âme vorace, ils ne
connaissent pas la satiété, et ce sont eux qui sont bergers,
etc. » (Is. 56:1 1). « Ils ne connaissent pas la satiété » : ce
sont les gens incultes qui sont effrontés comme des
chiens « l’âme vorace » à tous égards. Pour quelle raison ?

Parce qu’ils « ne savent pas comprendre » (ibidem)^ car le


Saint béni soit-il ne fait pas résider sa Chekhinah en eux,
voilà pourquoi ils sont « voraces ». En conséquence, lui et

le chien mangeront ensemble.

souffle a lieu, alors chaque souffle fusionne dans l’autre et ensemble ils

s’embrassent, il en résulte que les deux souffles deviennent quatre et


c’est le secret des quatre. S’il en va ainsi, ce sera vrai à plus forte raison

des souffles intérieurs [les sefirot] qui sont l’essentiel de tout, ne


t’étonne donc pas s’ils sont intriqués l’un en l’autre, puisqu’ils expri-
ment la dilection et le désir parfait. » Sur le thème du baiser voir notre
ouvrage. Lettre sur la sainteté. Le secret de la relation entre Lhomme et la
femme dans la cabale, Lagrasse, Verdier, 1986, p. 120-131. Pour une
étude détaillée de la fonction et de la symbolique du baiser dans le

contexte religieux du Moyen Age occidental, on se reportera à la thèse


de Yannick Carré, Le Baiser sur la bouche au Moyen Age. Rites, symboles,
mentalités, xr~XV' siècles. Le Léopard d’Or, Paris, 1992.
6. Ce nom apparaît deux fois dans le Zohar (II, 19b, 20a). Ce nom
figure souvent dans le Bahir. On le trouve dans la littérature rabbi-
nique où il désigne un maître spécialisé dans la aggadah.
7. Ce nom apparaît une fois dans le Zohar, Midrach ha-Néélam, I,

1 24b. On le trouve aussi dans la littérature rabbinique mais il n’y est


jamais associé avec la ville de Gush Halba.
8. Voir Betsa 25a.
38
- LE ZOHAR 60 c]
[

Lorsqu’il s’éveilla, il se leva et s’approcha de la table. Il

baissa la tête et ne dit mot. J’aperçus ses yeux et les scrutai :

ils riaient ! Il me dit Tu : t’es éloigné, sans aucun doute, des


voies de ton maître qui préparait une table avant que quel-
qu’un ne vienne et avant qu’il ne l’observe et ne l’examine.
Si tu continues à marcher dans cette voie, tes fils ne survi-
vront pas ! Il se reprit aussitôt et dit : Ils te survivront et
subsisteront Je lui !
demandai pourquoi il était revenu sur
ses propos et les avait regrettés. Il me dit : Il est interdit à

l’homme de se maudire lui-même^ et à plus forte raison de


maudire les autres, parce que la malédiction d’un sage,
même si elle est conditionnelle, s’accomplit Je lui dis :

Certes, telle est la vérité, car il est marqué : « Quant à celui


chez qui tu trouveras tes dieux, il ne vivra pas » (Gen.
31 32 ) et cela s’accomplit. Mais
: toi je t’ai examiné, et ta

malédiction ne vaut rien du tout.


Il prit la parole et dit : « Maintenant, si tu enlevais leur
péché, sinon, efface-moi de ton livre que tu as écrit » (Ex.
32 32 ). Cette malédiction était conditionnelle et le Saint
:

béni soit-il pardonna leurs péchés à cause de Moïse, or


celui-ci fut néanmoins effacé de la plus belle section de la
Torah, celle qui traite des règles de la fabrication du
Sanctuaire, qui est la section Veatah Tetsaveh^\ Il aurait dû
en effet écrire le nom de Moïse à chaque phrase et pour
chaque règle qui y est énoncée, mais il fut effacé de l’en-

semble de cette section où il n’est pas mentionné. Aussi, la

malédiction d’un sage, même conditionnelle, se réalise.


Dès que j’ouvris les yeux à son sujet, je me levai et le fis

asseoir à la tête de la table. Je lui dis : Mais c’est après

Veatah Tetsaveh que Moïse proféra cette parole [de malé-

9 Voir Chevou’ot 36a,


. et cf Zoharl, l4b (introduction).
10. Voir Makot lia, et cf Zoharl, 175a.
11. Cette section se trouve dans l’Exode, 27:20 à 30:10.
[60c-60d] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 39

diction]. Il me répondit : Il n’y a pas d’avant et d’après


dans la Torah.
Je l’interrogeai sur la Bible, la Michnah, la Tossephta et

la Aggadah et il se montrait partout un expert. Je lui


demandai Pourquoi ne m’as-tu pas répondu au début,
:

lorsque je t’ai examiné ? Il dit Le sommeil m’avait vaincu. :

Je n’avais pas dormi depuis deux jours, c’est parce que le


sommeil s’était emparé de moi que je ne t’ai pas répondu.
Après qu’il eut mangé et bu, il prit la parole et dit :

« Cantique (CHin) des Cantiques » (Cant. 1:1). Le chin


(CH) est grand, c’est la deuxième avant la fin des lettres de
l’alphabet Le beit (B) d’« Au commencement » (Gen.
1:1) est grand, c’est la deuxième du début de l’alphabet.
Quelle en est la raison ? Le chin est le secret du Char d’en
haut, c’est pourquoi elle a trois piliers, car les patriarches ce
sont le Char du Cantique des
[60d] Et l’ensemble
Cantiques du Char d’en haut, aussi débute-t-il
est le secret

par un chin. Le beit est la Maison du monde car il est fabri-


cation du monde. Ainsi les lettres qui se dressent au début
des livres sont quatre. A la manière dont ils ont été faits et

en fonction de leur secret ces lettres ont été inscrites en


tête. Ce sont de grandes lettres qui surplombent toutes les

autres, et chacune d’entre elles est le secret et le mystère de


l’ensemble du livre. Les voici : aleph des Chroniques, beit
de la Genèse, mem des Proverbes, chin du Cantique des
Cantiques. Ce sont les quatre lettres au début des livres qui
sont de grandes lettres. Celui qui les connaît, connaît le

secret du livre tout entier car chacune de ces lettres


enseigne le secret de l’ensemble du livre. Aleph : sa forme

12. Sur les grandes lettres (qui se rapportent en général à la sefira

Binah) et les petites lettres (qui se rapportent en général à la sefira

Malkhout), voir Zoharl, 3b.


13. Genèse Rabba Al \G, 82:6.
40 - LE ZOHAR [60d]

est l’image et le mystère de l’Homme de deux façons Sa


tête supérieure est le Point primordial qui domine tout en
un trait qui se couronne en se déployant vers [ce qui se
trouve] au-dessous de lui. Vav est le secret et l’image de
l’homme sa compagne est le dalet^^ [situé en sa partie]
inférieure, qui est attachée à son côté, et c’est la plénitude
de l’homme. L’autre façon : au milieu [du alepl^ est l’image

de l’homme, et il est saisi des deux côtés, à la manière des


bras, de ce côté-ci et de ce côté-là. Et tel est le aleph : son
image et son secret est l’homme Ainsi le aleph a été ins-
crit au début du livre des Chroniques, car ce livre n’a pas

d’autre raison d’être que le parachèvement de l’homme en


ses côtés et ses degrés, par ses engendrements, pour que
tout soit un, un homme parfait.
Beit est la maison du monde entier, il enveloppe trois

côtés en haut et en bas et toutes les œuvres [de la création]


sont comprises en lui, il entoure le monde entier par trois
côtés, mais reste le côté du Nord qui n’a pas été construit
car il est l’emplacement mauvais où réside le mal du
monde entier, ainsi qu’il est dit : « Du Nord se déchaîne le
mal » (Jér. 1:14). C’est ainsi que le beit, maison et l’édifice

14. Pour l’ensemble du passage qui suit sur la lettre aleph, voir
Moïse de Léon Fragment sans titre, fol. 362a-362b, texte traduit dans
Le Skie du sanctuaire, note 898. Voir aussi Zohar Hadach 2b (Sitré
Otiyot).

15. Neqouda qadmeah, la sefira Hokhmah. Sur le symbolisme du


point dans la cabale ancienne, voir M. Oron, édition du Chaar ha-
Razim de R. Todros Aboulafia, Jérusalem, 1989, p. 74, note 167 et
Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit.,
voir notre traduction de
p. 65 et suiv.

16. C’est la sefira Tiferet.


17. C’est la sefira Malkhout.
18. Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit., p. 256 et

p. 257 note 898.


19. Voir Baba Batra 25b.
[ 60 d] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 41

du monde entier, est au début de la Torah un grand signe,

afin d’indiquer [le contenu] de l’ensemble du livre. Et ce


livre a été fait comme l’œuvre de la création, par le secret

du nom de quarante-deux [lettres] inséré dans l’œuvre de


la genèse^®. Tel est le secret de ce livre : au début est un beit
(=2) à la fin du livre est un mem (= 40), il atteint donc le
secret des quarante-deux lettres.

Mem ouvert, secret de la Femelle parfaite « femme


vaillante » qui se pare de sa couronne. C’est ainsi que l’en-

semble du livre des Proverbes n’est rien d’autre qu’une glo-


rification de cette « femme vaillante » et vise à discipliner
les hommes pour qu’ils se gardent de la mauvaise femme
comme il est dit : « Pour te préserver de la mauvaise
femme » et pour les rapprocher de cette « femme
vaillante » par un culte supérieur. Aussi y a-t-il un grand
mem au début du livre, celui-ci chemine donc suivant ce
secret.

Chin : [cette lettre] s’unit au secret du Char supérieur


car les patriarches sont le Char supérieur Abraham et
Isaac^^ sont liés l’un à l’autre et combinés l’un en l’autre, et

Jacob pénètre au milieu et harmonise les deux côtés.

ZoharW, 175b et I, Ib (introduction). De même que le


20. Voir
monde nom, le livre de la Genèse est contenu entre sa
a été créé par ce
première lettre, un beit et sa dernière lettre, un mem, qui ont ensemble
42 pour valeur numérique.
21. La Chekhinah.
22. La « mauvaise femme » étant la puissance démoniaque de
TAutre côté, identifiée ailleurs au Serpent primordial ou à Lilith.

23. Cette formule n’apparaît pas dans la Bible. Il s’agit en fait d’une
citation fautive de Proverbes 7:5 (« Pour te préserver de la femme
étrangère »).

24. La sefira Tiferet, en tant quelle est le « char » de la sefira Binah.


25 Voir Genèse Rabba 47:6, passim.
.

26. Abraham = Hessed, Isaac = Guevourah.


27. La sefira Tiferet.
42 - LE ZOHAR [ 60 d- 6 la]

Ainsi sont- ils tous unis au secret du Monde d’en haut^^ En


conséquence de quoi, la louange [célébrée par le Cantique
des Cantiques] porte sur le secret du Char supérieur qui
s’unit au Roi qui possède en lui toute la paix^^ pour cette
raison elle est une grande [lettre] . Aussi est-elle attachée au
début du livre pour montrer que l’ensemble du livre che-

mine et s’organise suivant ce secret. Cette lettre indique


donc ce sur quoi porte la louange du livre tout entier.
À ce moment je me suis levé, je l’ai embrassé, je lui ai

demandé de me pardonner et il me pardonna.

Il prit la parole et dit : « Ne permets pas à ta bouche de


faire pécher ta chair, et ne dis pas devant l’ange : c’était

inadvertance ! Pourquoi Dieu devrait-il s’irriter contre ta

parole et ravager l’œuvre de tes mains » (Ecc. 5:5).


Combien l’homme doit-il se protéger en ce monde! Ce
verset a suscité une question de la part des compagnons,
car il aurait fallu écrire :« Ne permets pas à ta bouche de
faire pécher ton âme », comme est marqué il : « Lorsqu’une
âme aura péché » (Lév. 4:2). [61a] Et nous ne trouvons pas
de verset qui énonce : « Lorsqu’une chair aura péché » !

C’est une bonne [question] . De vrai, nous avons été aver-

tis qu’il est interdit à l’homme de proférer des propos licen-


cieux même avec sa femme de peur qu’il n’entre en érec-
tion, en vienne à avoir de mauvaises pensées extérieures,
qu’il batte le blé dans sa grange mais sème d’autres
grains C’est ce qui est dit : « Ne permets pas à ta bouche
de faire pécher ta chair » (Ecc. 5:5). Il s’agit de la chair

28. La sefira Binah.


29. La sefira Binah.
30. Voir Haguigah 5b.
31. Euphémisme pour « avoir une relation sexuelle ».

32. Une semence qui profiterait à l’ Autre côté.


[61a] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 43

sainte dont il est écrit : « Mon alliance sera sur votre


chair » (Gen. 17:13). « Ne dis pas devant l’ange »

(Ecc. 5:5) qui marche à la droite de l’homme, ne lui dis pas


des choses inconvenantes, mais que toutes tes paroles
soient calmes et équilibrées. Pour quelle raison ? Parce que
c’est de « l’inadvertance » (ibidem) et on est pour cela rede-

vable d’un sacrifice offert pour commises par les fautes

inadvertance. De plus, pour cela « pourquoi Dieu devrait-


il s’irriter contre ta parole? » (ibidem), parce que la voix

serait transportée par un oiseau du ciel qui la présenterait

devant le Saint béni soit-il. 11 pourrait « ravager l’œuvre de


tes mains » (ibidem) à cause du péché de la chair. Pour
quelle raison ? Parce que tout homme qui porte l’alliance
sainte ne peut être introduit dans la géhenne par ceux qui
régnent sur elle^^ pourvu qu’il l’ait préservée. Mais s’il ne
l’a pas préservée, ils la lui ôtent, la détruisent et la ravagent,
car elle est l’œuvre des mains de l’homme. Ensuite ils le

font entrer dans la géhenne et ils n’ont rien sur quoi s’ap-
puyer^^. À présent mon fils, sois attentif à l’honneur de ton
prochain plus qu’à ton corps.

33. La « chair » est identifiée au pénis qui est tout entier chair et ne
comprend pas d’os. Même exégèse de ce verset de FEcc. dans Zohar I,
8 b (introduction).
34. L’alliance de la circoncision.
35. Voir Erubin 19a.
36. Le sens n’est pas clair. Peut-être faut-il comprendre : « ils n’ont
rien qui les en empêcherait ». Plus probablement il convient de corri-
ger et de lire le sujet du verbe comme un singulier : celui qui est intro-
duit ainsi dans la géhenne n’a plus aucun soutien. À moins qu’il faille
suivre d’autres versions qui portent au lieu de « s’appuyer » « faire

attention » : les démons qui régissent la géhenne peuvent agir en toute


liberté et n’ont plus à prêter attention à l’alliance de la circoncision qui
a été ôtée.
- LE ZOHAR [61a]
44

Rabbi Yehoshoua^^ prit la parole et dit : « L’oiseau


même trouve une maison et l’hirondelle son nid où elle

dépose ses petits, tes autels, YHVH des armées, mon Roi
et mon Dieu! » (Ps. 84:4). « L’oiseau même » : nous avons
appris là-bas que le Saint béni soit-il a fait sur terre des
lieux et des sites sacrés, supérieurs aux autres places du
monde habité, le tout à la ressemblance de l’élaboration
d’un homme. En effet, le Saint béni soit-il a sélectionné
cettesemence [cosmique] et l’a répandue comme quel-
qu’un qui sélectionne et répand des graines le blé d’un :

côté, l’ivraie de l’autre, jusqu’à ce qu’il ait déposé les grains


de blé à leur place. Ainsi le Saint béni soit-il prit de la
neige de sous le Trône de sa gloire et cette neige se

réchauffa de plusieurs manières, puis il la lança au milieu


des eaux de la femme - de là nous voyons que la femme ne
peut concevoir avant quelle ait émis des eaux et dans ces
eaux un mâle verse de la neige, c’est une semence qui est

plus compacte que celle de la femme, telle la neige par rap-


port à l’eau. Après que le Saint béni soit-il l’eut lancée au
milieu des eaux, il la tria et la dissémina. D’abord il

façonna le nombril qui est un point unique au milieu du


filtrat de neige. Et ce nombril est le point de Sion De là
quatre fils furent étendus aux quatre côtés du monde, est,

ouest, nord et sud. Du fil déroulé côté est fut façonné un


tronc, il commençait à l’est et finissait à l’ouest. Le tronc

37. Ce nom est celui d’un maître important dans la littérature rab-
binique.
38. D’après Pirqé de Rabbi Eliézerch. 2i^. 3.
39. Voir Sota 45b.
40. Voir Ézéquiel 38:12, l’expression « nombril de la terre ». Sur
Sion comme point à partir duquel le monde s’est déployé, voir Moïse
de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit., p. 227. Voir encore Zoharl,
186a, 226a, II, 211a. Plusieurs fois le Tiqouney Zohar \xvX\st la même
expression, voir tiqoun 28, 36b, 21, 47b, 38, 78b, 70, 126b.
[61a-61b] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 45

est la terre dlsraël, il fut marqué par les lettres Adonay,


Seigneur et Souverain de l’univers. Du fil étendu côté sud,
qui est la partie la plus raffinée de toute la neige et qui est
sa puissance, fut façonné un bras droit qui est l’excellence

du délice. Et c’est le jardin d’Eden où entra le premier


homme et qui est destiné au délice des âmes. Et il est,

caché et mis en réserve, la droite du monde entier. Du fil


étendu côté nord fut façonné et fut créé un bras gauche.
C’est la géhenne, issue du déchet de la neige. Elle est des-
tinée au châtiment des âmes des méchants. La tête se for-
mant dans le ciel, le monde était sans tête jusqu’à ce que le

Temple fut construit. Lorsque le Sanctuaire fut érigé, la

tête fut dressée. La bouche de l’univers qui se forma dans


la tête est le Sinaï. Et II inscrivit cette bouche au milieu des
eaux à partir de la partie la plus raffinée de la neige. Les
hanches et les autres membres du corps sont sur tout le
restant de la terre. Et de même que la femme a des
contractions et des douleurs au moment de l’accouche-
ment, ainsi lorsque le Saint béni soit-il voulut faire sortir

la terre à la lumière du monde, les eaux montaient et des-


cendaient, les montagnes s’élevaient, les vallées se creu-
saient. Que fit le Saint béni soit-il ? Il fit sortir du sol des

grondements et des tremblements'^^ et les eaux s’enfuirent,


comme il est écrit : « À ta menace elles prennent la fuite, à
la voix [61b] de ton tonnerre elles se précipitent » (Ps.

104:7) et la terre naquit. Mais elle restait indolente et sale,

comme l’enfant qui naît, indolent comme un mort et sali


par l’accouchement. Et de même que l’on secoue l’enfant
jusqu’à ce qu’il s’éveille et que l’on place près de lui du feu
et un chandelier pour le réchauffer et un miroir pour

41. Voir Pirqé de Rabbi Eliézer, chap. 5.

42. Mefdafea : ce verbe n’a pas un sens certain dans le présent


contexte. Il peut signifier aussi « enduire », « masser ».
46 - LE ZOHAR [ 61 b]

l’éclairer, ainsi fit le Saint béni soit-il avec la terre lors-


qu’elle sortit du sein des eaux. Tout cela est dans un même
verset : « Ton tonnerre grondait dans la sphère, les éclairs
illuminaient monde, la terre frémissait et tremblait » (Ps.
le

77:19). Jusque-là la bouche restait fermée, mais quand

Israël survint, la bouche s’ouvrit sur sa tête dans le ciel, et

ce fut le Sinaï où la Torah fut donnée, alors la Parole prit


forme. Lorsque les Israélites pénétrèrent sur la terre, ce qui
était fermé s’ouvrit et ce qui était ouvert se ferma La
bouche se ferma, la Parole n’étant plus en elle dès que
Moïse disparut. Au contraire de l’homme, le nombril - le
Temple - s’ouvrit, de là il mange ce que mange sa mère,
et boit ce que boit sa mère et le monde entier est nourri du

suc de la terre d’IsraëL^


Ainsi le monde comporte des lieux et des sites supé-
rieurs les uns aux autres. Le jardin d’Eden qui est le bras

droit de l’univers comporte des lieux et des sites supé-


rieurs les uns aux autres, là est l’arbre de vie et l’arbre de
la connaissance du bien et du mal. Dans l’un de ces palais
est une place cachée et dissimulée [aux yeux] de tous et
nul ne connaît son emplacement, à l’exception d’un seul
oiseau qui survient chaque jour à trois reprises et pépie
parmi les arbres du jardin, disant : « L’oiseau même
[trouve une maison], etc. » (Ps. 84:4). Par cet oiseau les
âmes connaissent leurs signes au moment où elles accla-
ment et disent des louanges et au moment où elles étu-
dient la sagesse pour connaître. Puis cet oiseau rentre dans
le palais en question, il se cache et se dissimule et demeure

43. Voir Niddah 30b.


44. Voir Sanhédrin 37a.
45 VoirTaanit 10a.
.

46. Voir Zohar II, 8a. Cet oiseau est un symbole du Messie.
47. À quoi se réfèrent ces signes, le texte ne le dit pas. Peut-être
indiquent-ils leur tour de chant dans le choeur qù elles composent ?
[61b] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 47

inaccessible. Et « rhirondelle » (ibidem) c’est l’âme sainte


qui s’élève vers l’en-haut et qui est affranchie.
Autre dire : « Et l’hirondelle (dror) un nid » (Ps. 84:4).
C’est le Jubilé, car il est marqué : « Vous proclamerez la

libération (dror) » (Lév. 25:10). « Son nid » dans : la

Sagesse d’en haut. Oiseau et hirondelle : l’un est en bas,


l’autre en haut^^ « Où elle dépose ses petits » (Ps. 84:4).

Qui ? Cette « hirondelle », la « cinquantième année », qui a


fait émerger six poussins, ainsi que « l’oiseau ». Le désir de
ces « poussins » se porte sur les deux « autels », l’Autel inté-
rieur et l’Autel extérieur Ils reçoivent de l’Autel intérieur
et donnent à l’Autel extérieur. « Mon Roi et mon Dieu »
(Ps. 84:4) : « mon Roi » c’est l’Autel extérieur; « mon

Dieu » c’est l’Autel intérieur. Le désir de l’Autel extérieur


se porte en permanence vers l’Autel intérieur et jamais il ne
cesse de chanter des cantiques et des louanges, comme il

est écrit : « Cantique des Cantiques, pour Salomon »

(Cant. 1:1). Aussi longtemps que la flamme brûle sur la


mèche et que celle-ci est alimentée, la lumière brille et res-

plendit, et tout le monde en jouit, mais quand la mèche est

sèche et que l’huile lui fait défaut, la lumière disparaît et


nul ne connaît plus rien au sujet de cette lumière De

48. « L’oiseau » se réfère à la sefira Malkhout, « l’hirondelle » à la


sefira Binah, symbolisée aussi par la « cinquantième année ».

49. L’Autel extérieur se réfère à la sefira Malkhout, la Chekhinah,


et l’Autel intérieur se réfère à la sefira Binah.
50. « Pour Salomon » se réfère à la sefira Binah, l’Autel intérieur, à
laquelle la sefira Malkhout adresse ses louanges.
5 1 . Une parabole semblable mais qui se rapporte au processus de
l’émanation est développée par Moïse de Léon, Le Sicle du sanctuaire,
p. 293-294. L’huile qui alimente la mèche est l’influx ontique qui se
déverse depuis la sefira Binah jusqu’à la « lampe », la sefira Malkhout
(la lumière d’en haut), qui elle-même le répand sur les Israélites, quand
ils accomplissaient le service divin.
48 - LE ZOHAR [61b]

même, aussi longtemps que les Israélites étaient organisés


et réglés comme cette mèche, la Lumière d’en haut^^ brû-
lait sur eux et disait un chant sans jamais se taire, à
l’exemple de la lumière sur la mèche qui jamais ne se tait
vis-à-vis de l’en-haut”. Et ce chant est le plus excellent des

chants, le saint des saints La mèche vint à sécher, si l’on


peut dire la Lumière manqua et se déroba, et nul ne la

connaît plus. Salomon gémit et dit : « Souviens-toi de ton


Créateur aux jours de ta jeunesse » (Ecc. 12:1). Arrange-toi
et règle-toi avec les commandements et les bonnes actions
aux jours de ta jeunesse, au temps où ce Luminaire flambe
sur la mèche.
Autre dire. C’est à propos de cette Lumière, quand la

mèche est bien disposée, qu’il dit, se référant à cette


Lumière : « Souviens-toi de ton Créateur », réveille-toi vis-

à-vis du Saint béni soit-il avec un chant, et tu éveilleras

l’amour.
« les jours du malheur » (Ecc. 12:1),
Avant que viennent
au temps où Lune diminue et que le malheur domine.
la

Les jours de ce temps sont des jours où « il n’y a plus de


désir ». « Avant que s’obscurcissent le soleil » (ibidem 2),
c’est le Fleuve qui sort de l’Éden, comme il est marqué :

« Un fleuve sortait de l’Eden » (Gen. 2:10), et il est écrit à

son sujet : « Le fleuve est desséché et tari^^ » (Job 14:1 1).

52 La Chekhinah ou sefira Malkhout.


.

53. Le Zohar compare le vacillement de la flamme qui s’élève de la

mèche d’une lampe à huile à un chant ininterrompu adressé à l’en-haut.


54 Il s’agit du Cantique des Cantiques appelé « saint des saints »
.

du canon biblique par rabbi Akiba dans la Michnah, Yadaïm 3:5. Ce


chant était adressé à la sefira Binah par la Chekhinah.
55 Encore un symbole de
. la Chekhinah, la sefira Malkhout.
56. Sous-entendu : de désir de la Chekhinah (la Lune) envers la

sefira Tiferet ou Yessod (le Soleil), et réciproquement.


57. Ce Fleuve est la sefira Yessod qui ne dispense plus d’influx.
[ 61 b- 6 lc] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 49

« Et la lumière » (Ecc. 12:2) : il s’agit de la lumière que le

Saint béni soit-il avait créée et dont il s’était enveloppé et

c’est sa Droite comme ilmarqué [61c]


est : « Il a ramené
sa droite en arrière » (Lam. 2:3). « La lune » (Ecc. 12:2) :

c’est la Mer qui est remplie par ce Fleuve ainsi qu’il est

dit : « Les eaux disparaissent de la mer, le fleuve est dessé-


ché et tari » (Job 14:1 1). « Et les étoiles » (Ecc. 12:2) : ce
sont les douze constellations qui sont connues d’Elle^^
« Que les nuages reviennent » (ibidem) : ce sont les Princes
des nations du monde Après la pluie » (ibidem) : après
les pleurs des anges officiants, comme il est écrit : « Les
anges de paix pleurent amèrement » (Is. 33:7).
« Au jour où tremblent les gardiens de la maison »

(Ecc. 12:3) : ce sont les gardiens des murailles ainsi qu’il

est marqué : « Sur tes remparts, Jérusalem, j’ai posté des


gardes » (Is. 62:6). « Où se courbent les hommes vigou-
reux » (Ecc. 12:3) : ce sont les « soixante héros qui l’entou-
rent^^ » (Gant. 3:7). « Où les meunières s’arrêtent » (Ecc.
12:3) : ce sont ceux qui mangent les sacrifices Car elles

sont diminuées » (ibidem) les ailes des Vivants « Où

58. D’après Pirqé de Rabbi Éliézer, chap. 3.

59. La sefira Hessed.


60. La Mer (la sefira Malkhout) est remplie par les influx que lui

dispense le Fleuve, la sefira Yessod.


61. La sefira Malkhout dirige le monde des anges, auquel se réfè-
rent « les douze constellations ».
62. Les archanges qui les gouvernent.
63. Une classe d’anges gardiens.

64. Voir par exemple Zohar II, 5a : ces anges sont les héros qui
entourent la Chekhinah et inspirent la terreur.

65. Les sacrifices subissaient un processus de spiritualisation et de


subtilisation progressive et passaient par plusieurs états avant d’arriver
jusqu’au trône divin, et avant d’arriver à lui ils étaient consommés par
une certaine classe d’anges.

66. Voir Haguigah 13b.


50 - LE ZOHAR [61c]

s’obscurcissent celles qui regardent par les fenêtres » (ibi-

dem) : ce sont « les yeux de YHVH qui rôdent par toute


la terre » (Zac. 4:10) et ce sont les sept Yeux de YHVH^^
« Quand se ferment les battants sur la rue » (Ecc. 12:4) :

ce sont les portails qui ont tous été fermés, sauf les portails
des larmes qui n’ont pas été clos'^^ « Quand baisse le bruit
de la meule » (ibidem) : la Tente de David qui est tom-
bée et a été abaissée dans la poussière, et sa voix qui chan-
tait sans cesse un chant d’amour est devenue inaudible.
« Quand faiblissent toutes les filles du chant » (ibidem) :

ce sont les anges répartis dans leur garde pour le chant :

certains chantent durant le jour, d’autres sont des gardes


chantant la nuit. « Quand on redoute lamontée » (Ecc.
12:5) : car « au-dessus d’un grand veille un grand » {ibi-
dem 5:7), et l’un garde l’autre et l’un reçoit de l’autre,

dans l’amabilité le Temple a été


et la sainteté. Lorsque
un jugement sévère s’est
détruit, la malédiction a surgi et
abattu contre lui, et un grand redoute un grand et son
jugement. « Quand on a des transes en chemin » (ibidem),
il est écrit « Lui qui mit un chemin dans la mer et dans
:

les eaux puissantes un chantier » (Is. 43:16). Par ce

Chemin la rosée descendait venant de la Tête du Saint


béni soit-iL^ et toute joie, tout bien, tout agrément passait
par ce Chemin. Quand le Temple a été détruit, rupture

67. Identifiés à l’heptade archangélique principale.


68. Voir Berakhot 32b. Il s’agit de portails célestes qui laissent ou
ne laissent pas passer les prières.

69. Cette « tente » est un symbole de la Chekhinah ou sefira

Malkhout.
70. Il est possible que le « chemin » soit un symbole de la sefira

Yessod, par là passe la « rosée », à savoir l’influx divin, venant des


degrés supérieurs du monde divin.
71. Cette Tête est une structure composée des trois premières sefi-

rot.
[61c] MIDRACH HA-NÉÉLAM - 5I

sur rupture ont jonché ce Chemin, et toute colère, peur,

contrainte, jugement furent sur ce Chemin. « Quand


l’amandier (shaqed) fleurit » (Ecc. 12:5), ainsi qu’il est
dit : « YHVH a veillé le malheur » (Dan.
(vayichqod) sur
9:14) et il est écrit une branche d’amandier »
: « Je vois
(Jér. 1:11). L’amandier pousse en vingt et un jours de
même, du 17 Tamuz au 9 Av [il
y a 21 jours]. Et depuis le

jour où l’amandier fleurit, sa fleur ne donne de fruit qu’au


bout de 21 jours « Quand la sauterelle devient lourde »

(Ecc. 12:5) : le fardeau a été déposé sur les épaules de la


maison de David. « Quand la câpre cesse de faire de l’ef-

fet » (ibidem) : c’est le culte du Temple d’en bas. Et les


hommes gémissent et nul ne leur répond. Pour quelle rai-

son ? « Parce que l’homme va vers sa maison d’éternité »

(ibidem), la Gloire s’est retirée là-haut, tout là-haut, et ils

se lamentent et nul n’y prête attention, parce qu’il s’est

retiré vers la « maison de son éternité », d’où II était

sorti Aussi y a-t-il malédiction, malheur et mort, évé-


nements désastreux dans le monde. Et ils se plaignent et
gémissent chaque jour, comme il est marqué « La mort :

estmontée par nos fenêtres » (Jér. 9:20J. « Avant que se


rompe le fil d’argent » (Ecc. 12:6) : le fil de grâce qui se
déroulait d’en haut vers l’en-bas. « Que l’ampoule d’or se

brise » (ibidem) : elle descendait avec ce fil. Le fil s’est

72. Voir Ecdésiaste Rabba 12:8, et cf. Zohar Hadach (Lamentations)


92a.
73. Ces 21 jours qui séparent les deux jours de jeûne précités sont
consacrés au deuil et à la désolation à cause de la ruine du Temple.
L’amandier fleuri, qui symbolise la rédemption, ne donne son fruit
attendu (le Messie) qu’à l’expiration de cette période d’affliction.
74. Pour d’autres références sur ce retrait divin, voir notre ouvrage,
Les Grands Textes de la cabale. Les rites qui font Dieu, Verdier, Lagrasse,
1993, p. 589-590.
75. Pour l’expression, voir Haguigah 12b.
52 - LE ZOHAR [61c]

brisé, l’ampoule est tombée « Que la cruche se casse à la

fontaine » (ibidem) : car la Torah est oubliée pendant


l’exil, et le puiseur, le prince YophieF^ ne puise plus à la
source de la Torah, alors les fils de l’homme s’égarent en

elle^^ « Que la poulie se brise à la citerne » (ibidem) : il est

donné permission à l’ange destructeur de faire des ravages


chaque jour. « Et que la poussière retourne à la terre telle

quelle était » {ibidem 7) : toutes les âmes se décompose-


ront et le monde se désagrégera, la poussière d’où tout
provient redeviendra ce quelle était, et le monde sera
dévasté, comme il l’avait été « Et que le souffle retourne
à Dieu qui l’a donné » (ibidem) : le monde se renouvellera
comme au commencement, et de ce temps il est écrit :

« Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se


réveilleront » (Dan. 12:2).

76. Le « fil de grâce » est un épanchement de la sefira Hessed,


celui-ci s’est interrompu, en conséquence de quoi « l’ampoule », la

Chekhinah ou sefira Malkhout, est « tombée » dans la poussière, elle

est l’otage des puissances de l’Autre côté qu’elle alimente malgré elle.

77. Dans l’édition de Venise « Yephiphia ». Voir le Targoum


Jonathan ben Ouziel sur Deut. 34:6. Dans Zohar'W, 251a, il est indi-

qué que l’ange Yophiel détient les clés de tous les secrets de la Sagesse,

et qu’il réclame une récompense auprès de Dieu à l’intention des


hommes qui « poursuivent de leur assiduité les maîtres de sagesse ».

Dans son commentaire sur ce passage du Zohar, Moïse Zacuto indique


que la valeur numérique du nom de cet ange équivaut à celui de
« cabale ». Le temps décrit ici est celui où l’ange de la Torah et de la

Sagesse ésotérique n’accomplit plus sa besogne et où les hommes ces-


sent de comprendre la Torah selon son sens mystique, dont cet ange est

le messager.
78. Peut-être une allusion critique discrète au Guide des égarés
(moreh nevoukhim) de Maïmonide, qui interprète la Torah sans l’assis-

tance de la révélation angélique.


79. Voir Roch ha-Chanah 31a.
[ 6 lc- 61 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 53

Rabbi Azaria®° et rabbi [6ld] Maronos^^ s’approchè-


rent et lui donnèrent un baiser sur la tête. Ils citèrent un
verset à son propos : « Un cœur intelligent acquiert la
connaissance et l’oreille des sages cherche la connais-
sance » (Pro. 18:15).

(Fin du Midrach ha-Néélam sur le Cantique des Cantiques)

80. Ce nom est celui d’un maître important dans la littérature rab-

binique.
81. Dans le Talmud, on trouve le nom d’un rabbi Marinos (par ex.
Ketouvot 60a). Ce nom n’apparaît nulle part ailleurs dans le corps du
Zohar.
t il i{nV

I .» v>,t« 'Mi^-'i','
ZOHAR SUR LE CaNTIQUE DES CANTIQUES

Il prit la parole et dit : « Cantique des Cantiques, de


Salomon » (Cant. 1:1). Heureuse la génération parmi
laquelle s’établit la Sagesse d’en haut quand le Saint béni
soit-il veut révéler sur terre ce qui n’a pas été divulgué aux
anges supérieurs Et en quoi consiste-t-elle? Il s’agit des
secrets de la science du Nom gravé d’en haut^^, car les

noms saints ne leur sont pas remis alors qu’ils sont trans-
mis aux sages sur la terre. [Ces anges] entonnent donc une
louange : « YHVH notre Seigneur, que ton Nom est magni-
fique par toute la terre. Toi qui dessus les deux plaças
ta majesté » (Ps. 8:2). « Que ton Nom est magnifique par
toute la terre » : ce sont les secrets gravés des noms saints
qui sont dévoilés sur la terre, et la louange de cet état de
fait se situe « dessus les deux », car toutes les troupes
[célestes] acclament et louent cette prouesse :
qu’est révélé
sur la terre ce qui à eux ne leur est pas révélé.
Voici le secret des secrets du Char supérieur des quatre

82. Le locuteur n’est pas précisé, il pourrait s’agir d’Élie comme le

laisse entendre la suite du texte.

83. Comparez cette formule avec une expression semblable dans


Zohar I, 22a.
84. C’est-à-dire du Tétragramme.
56
- LE ZOHAR [6ld]

noms gravés. Il s’agit du secret des secrets, du Char supé-


rieur des noms Adonay, Tsevaot, YHVH, Ehyeh, secret
:

des quatre noms gravés, des quatre Splendeurs Et chaque


Splendeur est comprise dans l’autre, et le désir de l’une est
de pénétrer l’autre et de se fondre en l’autre. Ces quatre
Splendeurs se distinguent par des noms particuliers : la pre-

mière est appelée Splendeur obscure et non obscure.


Quand on la contemple, aussitôt on suscite l’obscurité, on
la contemple davantage, elle brille et flamboie d’une
lumière et d’une beauté sublime. Sa lumière reste compri-
mée en elle jusqu’à ce qu’une autre lumière la heurte qui
perfore cette lumière et la perce, aussitôt elle se remplit de
cette Splendeur et étincelle de tous côtés. Cette Splendeur
s’inscrit en 72 étincelles qui sont les 72 noms gravés des 70
[membres] du Sanhédrin plus 2 témoins Dès lors cette
Splendeur mêle en elle deux noms^^ et se couronne par
celui-ci : Adonay Alors elle est le Prince de tous les

mondes, et tous les soldats [angéliques], tous les camps des


êtres d’en haut et d’en bas, tous ensemble disent la louange
de ce verset qu’ils entonnent pour la glorifier, et ils réci-

tent le cantique et acclament l’en-haut. Et cette Splendeur

85. Ces quatre « splendeurs » désignent quatre sefirot : Malkhout,


Yessod, Tiferet, Binah.
86. La sefira Malkhout.
87. La sefira Yessod qui est la deuxième Splendeur dont il va être
question bientôt.
Il s’agit du tribunal angélique comprenant
88. Voir Zohar^\, 51b.
72 membres, du grand Sanhédrin terrestre.
à l’instar
89. D’après M. Cordovéro (Or Yaqar, p. 35), ces deux noms sont
YHVH et Adonay dont les lettres sont enchevêtrées (YAHDVNHY).
90. C’est ce nom que porte cette Splendeur, la sefira Malkhout.
du Cantique des Cantiques, qui est considéré
91. Le premier verset
comme étant récité par les anges. Les mots chir ha-chirim (cantique des
cantiques) sont lus avec une vocalisation pour permettre de les
entendre ainsi ; « Chir ha-sarim », à savoir : « Cantique des princes »

(ou des archanges).


[ 61 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 57

quand elle est parfaite est Cantique, Chir du Seigneur,


Prince, Souverain, Yod^^ perfection qui s’est parfaite à par-
tir de tout; « Cantique des degrés », Souverain et Maître
régnant sur tous les soldats et les camps, degrés d’en bas.
Deuxième Splendeur : elle est la Splendeur qui
condense en son sein toutes les couleurs supérieures
cachées Cette Splendeur éblouit les yeux qui sont inca-
pables de la contempler et elle est appelée Vivant et parce

quelle est vivante, elle saisit toutes les Splendeurs supé-


rieures cachées et essaime des splendeurs étincelantes vers
l’en-bas puis elle fait des fruits et des pousses selon leur
espèce. Cette Splendeur vivante est appelée « Vivant des
mondes », elle est le principe des êtres d’en haut et d’en
bas^^ Parce quelle émet des splendeurs étincelantes et
donne des fruits et des pousses selon leur espèce, cette
Splendeur est appelée Tsévaot (Armées Et c’est son désir

92. Le mot chir (cantique) est considéré comme l’acrostiche des


premières lettres des mots : sur (prince), ribon (souverain), plus la lettre
yod.
93. D’après l’en-tête de plusieurs Psaumes, voir par ex. 120:1.
94. La sefira Yessod.

95. Les influx issus de toutes les sefirot supérieures.


96. Le verset d’Exode 33:20 semble se situer à l’arrière-plan de
cette formule « L’homme ne peut me voir et vivre » est lu ainsi
: :

« L’homme ne peut me voir ainsi que le Vivant ». La sefira Yessod est


la limite supérieure de la vision prophétique.
97. Ou encore « le résumé », la « récapitulation » (klala). Ce mot
est souvent Zohar dans des sens quelque peu différents.
utilisé dans le

Sur ce terme voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, Lagrasse,


Verdier, 1996, p. 297, note 1090.
98. La sefira Yessod vivifie aussi bien le Monde d’en haut (la sefira

Binah) que le Monde d’en bas (la sefira Malkhout), d’où son titre de

« Vivant des mondes ». Pour l’expression et l’idée, voir Moïse de Léon,


Le Skie du sanctuaire, p. 190 et les notes 538 et 541.
99. Sur ce nom de la sefira Yessod, voir Moïse de Léon, Le Skie du
sanctuaire, p. 285 et la note 1030, et p. 286 note 1034.
58
- LE ZOHAR 61 cl- 62 a]
[

constant de louer sans cesse la première Splendeur appe-


lée « Cantique ». Et lorsqu’elles sont regroupées ensemble
en une conjonction une sans séparation par une plénitude
de désir, le tout est alors appelé « Cantiques ». Et même
si elle est seule, parce quelle est le principe de tout, elle

est appelée principe des multitudes, principe de toutes les

Splendeurs, en haut et en bas. Nous l’appelons Tout


principe de tout. Elle est la Vie, à son sujet il est écrit :

« L’Arbre de vie au milieu du jardin » (Gen. 2:9). Toute vie


dépend d’elle, d’elle éclosent les Vivants et les Splendeurs
de tous côtés. Le « Cantique » dont nous avons parlé est

appelé Puits, [62a] les Vivants supérieurs y pénètrent,


tandis que la Splendeur appelée Vie s’y déverse, il est écrit

à son propos : « Puits d’eaux vives » (Cant. 4:15). Il est

écrit : « Puits que des princes ont creusé » (Nom. 21:18),


d’après le nom de ces grands d’en haut, les Splendeurs
cachées, qui se rassemblent au sein de cette Splendeur, or
ces derniers ne l’ont creusé que par le biais de celui-là

Troisième Splendeur : c’est la Splendeur qui est la

somme de trois Splendeurs, secret de trois lettres. À cette


Splendeur les Patriarches sont attachés. Il s’agit de celle

qui « court et revient », nul ne peut soutenir son rayonne-


ment, à son propos il est écrit : « Les vivants couraient et

100. La sefira Malkhout.


101. Il s’agit de la deuxième partie du groupe de mots à l’état
construit en hébreu : « cantique des cantiques ». Nous suivons la ver-

sion de Or Yaqar (p. 37). Les éditions imprimées portent : « cantique


des cantiques » et non « cantiques » tout court.

102. Voir supra note 97.


103. Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit., p. 99, note
96 et p. 176.

104. Les sefirot d’en haut.


105. Par le biais du Vivant, de la deuxième Splendeur qui est la

sefira Yessod.

106. La sefira Tiferet.


[62a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 59

revenaient » (Ez. 1:14). Elle reçoit en héritage le legs des


Splendeurs cachées qui ne se manifestent pas Le secret
du nom saint de trois lettres, YHV (Yaho), en dépend.
D’elle la lettre Hé, la quatrième, glane et saisit, c’est ainsi

qu’a été agencé l’ordre parfait. Cette Splendeur « court et


revient » selon le secret de la lettre Vav, et elle se tient au
milieu, entre le haut et le bas : une lettre //é d’un côté en
haut^°^ et une lettre Hé àt l’autre côté en bas"°, et les

Vivants, qui sont le Vav, au milieu. C’est ainsi quelle


« court et revient », elle « court » vers le //éd’en haut"^
pour s’élever vers lui par un désir parfait, et elle « revient »
vers le //éd’en bas pour lui donner ce quelle a glané en
haut. Cette Splendeur est comme le globe oculaire, quand
il est clos et dont le rayonnement « court et revient »,

son désir est de s’élever vers l’en-haut, et aussitôt il s’en


retourne. C’est là le secret de « qui » (acher), il se tient ici

et il se tient là.

Quatrième Splendeur Ehyeh"^. Celle-ci est la

Splendeur enclose, qui ne se montre aucunement. En effet,

107. Les sefirot Hessed, Guevourah, Tiferet.


108. Les trois sefirot supérieures (Keter, Hokhmah, Binah).
109. La sefira Binah.
110. La sefira Malkhout.
111. La sefira Binah.
1 12. La sefira Malkhout.
113. Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit., p. 274-
275, et note 973.
114. Au lieu de « s’élever », la version de l’édition de Cracovie
porte : « contempler ».

1 15. Le « qui » du premier verset du Cantique des Cantiques, « qui


est de Salomon ». Sur ce mouvement de la sefira Tiferet, voir Zohar I,
Ib, à propos de Jacob.
116. La sefira Binah.
1 17. Ce nom tiré d’Exode 3:14 (« Je suis » ou « Je serai ») est ici

attribué à la sefira Binah bien qu’il désigne ailleurs la sefira Hokhmah


ou Keter, voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, p. 279.
6o - LE ZOHAR [62a]

de cette Splendeur enclose les autres Splendeurs sont sor-


ties, et elles se sont déployées et connectées les unes aux
autres. Cette Splendeur ne se dévoile en rien, mais elle se

tient dans la contemplation du cœur, car le cœur la connaît


et la contemple bien quelle n’apparaisse aucunement, et
cela parce que toutes les Splendeurs sortirent d’elle.

Le désir de la Splendeur inférieure est d’entonner une


louange, de contempler ces Splendeurs pour être insérée
parmi elles, de s’élever pour regarder l’Amabilité d’en
haut c’est à ce sujet que le roi David dit « Il est une :

chose qu’à YHVH je demande, celle-là je la cherche, c’est


d’habiter dans la maison de YHVH tous les jours de ma
vie, pour contempler l’amabilité de YHVH et visiter son

Palais » (Ps. 27:4). C’est le secret de « pour Salomon »

(Cant. 1:1), pour le Roi qui possède toute la paix^^^.

Il est écrit : « Je vois là un candélabre tout en or, avec un


réservoir à son sommet ; sept lampes sont sur le [candé-
labre] , ainsi que sept et sept becs pour les lampes qui sont
à son sommet » (Zac. 4:2). À Zacharie a été révélé le secret
118. Comparez avec Moïse de Léon, Fragment sans titrer Ms.
Munich 47, fol. 336a : « Sache que ces choses étant encloses et dissi-

mulées dans le secret de Son être (havayato), l’homme doit scruter les
méditations (ra‘ayoney) de son cœur car l’énigme de Son unité, qu’il
soit exalté, il n’est pas capable de la fixer dans sa raison selon le secret

de la Sagesse comme les autres choses saisissables, telle la lumière du


soleil qui fait miroiter sa splendeur à travers les eaux courant vers son
feu. [...] Il nous faut savoir que parce qu’il est, béni soit-il et exalté
soit-il, très élevé et que son fond est insondable, les pensées s’épuisent
à Le connaître, aussi sera-t-Il reconnu dans les méditations des cœurs. »

119. La sefira Malkhout.


120. Encore une désignation de la sefira Binah.
121. Le roi David correspond à la sefira Malkhout en tant que
symbole de la royauté divine.
122. Sur cette appellation de la sefira Binah, voir Moïse de Léon,
Le Skie du sanctuaire, op. cit.,^. 174.
[62a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 6l

des Candélabres purs, l’un aménagé et l’autre qui illu-

mine « Je vois là un candélabre » c’est le Candélabre :

aménagé par les louanges des couleurs qui s’inscrivent


dans le nom Adonay. Par ce nom, il illumine les êtres d’en
bas et il les nourrit et les alimente comme il faut. « En
or » : secret du Tribunal selon le nom Elohim pour juger
le monde entier, car celui-ci subsiste grâce au jugement
et par ce nom il a été créé - l’ensemble selon le secret de la

Gauche. « Tout (kolah) [en or] » : lorsque [ce Candélabre]


se parfait par le côté de Droite, qui le saisit selon le secret

du Nom saint alors il est une jeune épouse (kalah) sous


le dais nuptial, car tous les mondes se réjouissent avec
amour, dans la miséricorde, dans un assemblage uni. À cet
instant en effet il dispose d’« un réservoir à son sommet ».
Le mot réservoir (golah) est écrit glh [sans il désigne
la Source du juste qui devient un « fleuve dont les canaux »

réjouissent « la ville de Dieu^^^ » (Ps. 46:5) et donne des


fruits et des pousses dans le nom appelé Tsevaot entouré
de douze limites aux quatre points cardinaux « Et sept

123. Le Candélabre aménagé est la sefira Malkhout, qui est dispo-

sée pour recevoir l’épanchement venant du Candélabre lumineux, sym-


bole des sefirot supérieures.
124. Les influx venant des sefirot supérieures.
125. Sur l’or comme symbole de la sefira Guevourah, voir Moïse
de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit., p. 153-154.
126. Voir Zo^^rl, 180b.
127. Le Tétragramme, YHVH, symbole de la miséricorde, à l’op-
posé de Elohim, qui se réfère au jugement.
128. Le verbe galah signifie découvrir, dévoiler. 11 est fait allusion

ici au dévoilement de la sefira Yessod, l’organe masculin, quand elle

s’apprête à se déverser dans la dimension féminine, la sefira Malkhout.


129. La sefira Malkhout.
130. R. Moïse Cordovéro explique : « Ce nom est attribué au
Yessod lorsqu’il produit des fruits dans les tréfonds de la Malkhout »

(Or Yaqar, p. 42).


131. Sur ces douze limites, voir Sefer Yetsirah 5:1.
6i - LE ZOHAR [
62 a- 62 b]

lampes sont sur [le candélabre] » (Zac. 4:2) : il s’agit du


nom supérieur gravé selon le secret des soixante-dix noms
par lesquels le Saint béni soit-il se nomme Ce sont les

sept piliers sur lequel le monde tient « Sept et sept »

(ibidem) : ce sont les inférieurs qui se dressent vis-à-vis des


supérieurs, et tous sont attachés aux « lampes qui sont à
son sommet » (Zac. 4:2). « Sept et sept [62b] becs » (ibi-

dem)^ ce sont sept jours et sept jours, les uns supérieurs, les

autres inférieurs, qui se conj oignent ensemble.


Encore [une explication] : « Sept et sept » se situent tous

en haut, parce que chacun est inclus dans son voisin Et


si tu disais que « six » ce serait mieux puisque chacun est

inclus dans l’autre, celui qui resterait, en qui serait-il


inclus ? En réalité, lorsque tous s’élèvent à douze Celui
qui se tient au-dessus d’eux et qui complète treize est
inclus dans Celui qui se situe au-dessus d’eux et qui est le
degré où tous sont inclus et c’est le Point suprême d’où
tous étaient sortis.
Encore [une explication] : il
y a deux degrés et chacun
est appelé « sept », l’un est leMonde à venir qui est sept
et est appelé « Sept », comme il est écrit « : Il la bâtit en

132. Voir par ex. Nombres Rabba 14:12. Il existe de nombreuses


listes de ces noms, de dates différentes, R. Moïse Cordovéro recopie
l’une d’elles dans son commentaire, voir Or Yaqar, p. 43.
133. D’après Proverbes 9:1, ce sont les sept piliers de la Sagesse.
134. Il s’agit des sept sefirot depuis Hessed jusqu’à Malkhout.
135. Un chiffre impair implique à priori qu’une entité demeure
esseulée.

136. Quand chacune des six sefirot est combinée à sa voisine, on


compte six entités individuelles plus six unités constituées par leur
couple.
137. La sefira Binah.
138. La sefira Hokhmah.
139. Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit., p. 86 et

notre introduction, p. 65 et suiv.


140. La sefira Binah.
[ 62 b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 63

sept ans » (I Rois 26:38). L’autre est le Juste qui est


appelé « Sept » et qui est sept, ainsi qu’il est marqué : « Le
juste tombe sept fois et se relève » (Pro. 24:16). Et ces deux
couronnes sont des « becs pour les lampes » (Zac. 4:2), une
d’un côté, une de l’autre côté. Et bien qu’ils soient en
nombre égal à celui des lampes, néanmoins les plus émi-
nentes sont deux qui sont « sept et sept », car les « becs »

sont auprès de ces « lampes » qui flambent au sommet


de ce Candélabre et ce dernier se met à briller grâce à
leur puissance pour s’élever vers l’en-haut, et lorsqu’il

s’élève, il monte de degré en degré et de couronne en cou-


ronne, jusqu’à ce qu’il se conj oigne totalement à l’en-haut,
c’est le secret de : « Cantique des Cantiques, qui est pour
Salomon » (Cant. 1:1).

Le Cantique des Cantiques a été énoncé par la

bouche d’Elie avec la permission de l’en-haut Cantique


des Cantiques, louange des louanges, adressé au Roi qui
possède la Paix parce qu’il s’agit d’un lieu qui réclame la

joie car il n’est là ni colère ni jugement. En effet, le Monde


à venir est tout entier joie et il réjouit tout, pour cette

14 1. La sefira Yessod.

142. Les sefirot Binah et Yessod.


143. Les sefirot de Hessed à Hod.
144. La sefira Malkhout.
145. Les commentateurs donnent au verbe itgazar (traduit ici par
« énoncer ») le sens d’expliquer, commenter. Voir par exemple
R. Moïse Cordovéro, Fardés Rimonim, 8:6. Ce sens semble bien être
celui que lui confère ici le Zohar, bien qu’il ne soit pas ordinaire.
146. Cette partie du Zohar tst la seule qui contienne explicitement
un long commentaire attribué au prophète Élie, le grand inspirateur
des mystiques juifs médiévaux. Le Zohar considère Élie comme un
ange descendant périodiquement sur terre et prenant une enveloppe
humaine pour y révéler des secrets.
147. La sefira Binah. Pour l’expression voir par ex. Chevouot 35b.
148. Autre appellation de la sefira Binah.
64 - LE ZOHAR [62b]

raison il distribue joie et jubilation à tous les degrés. De


même qu’il faut éveiller un élan de joie dans l’en-haut
depuis ce monde-ci, ainsi il faut éveiller joie et jubilation
depuis la Lune
le monde de
à l’adresse du Monde supé-
rieur mondes subsistent comme cela selon un même
Les
modèle, l’éveil ne monte que de bas en haut.

« Cantique » a pour symbole mille six dans les lettres

gravées du Nom saint, sueur de tous les mondes, tremble-


ment de tous les gouffres du grand abîme ! Si bien que cet
afflux de souffle pénètre dans le premier portaiL” du
côté du Porteur d’yeux muni des cinq cents clés des
Palais. Cela a lieu du Nom saint de douze
dans la gravure
lettres que survolent dix-neuf camps [d’officiants] de feu
brûlant. Le Porteur d’yeux ramasse des braises brûlantes,
des lèvres de feu, et il s’introduit au sein du Palais appelé
Zevoul, Palais où toutes les louanges sont mises en ordre
pour s’élever vers l’en-haut. À ce sujet il est marqué « Oui
:

j’ai bâti une Maison, une résidence (zevoul) pour toi »


(I Rois 8:13). C’est le Palais qui comporte mille six degrés
qui s’élèvent avec les louanges des acclamations, parmi eux
est un degré plus intérieur que tous les autres, où se dis-
tingue l’amour de cette louange, distinction du Point infé-
rieur^”. Et quand il s’est distingué de tous les autres, il

149. La sefira Malkhout.


150. La sefira Binah.
1 5 1 . À savoir les « mille cinq » cantiques chantés par Salomon
selon I Rois 5:12, plus un, le Cantique des Cantiques.
152. Qui est produit par la récitation du Cantique des Cantiques.
153. Il s’agit de l’un des portails des Palais célestes, longuement

décrits dans le Zohar, section Peqoudey.


154. Cet ange a pour nom Tahariel selon Moïse Cordovéro {Or
Yaqar, p. 46).
155. La sefira Malkhout.
[ 62 b- 62 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 65

s’élève vers l’en-haut selon le secret du « Cantique » et il est

appelé « Cantique des Cantiques », il s’élève par-delà toutes

les louanges et il se distingue d’elles toutes.

« Quand on bâtit la Maison, elle était de pierre parfaite,

etc. » (I Rois 6:7). « Quand on bâtit la Maison » :


quand le

Mâle et la Femelle étaient unis ensemble, alors « la pierre


était parfaite », elle était parachevée comme il le fallait. Et
elle n’était parachevée que lorsqu’elle était issue « de la car-

rière » (ibidem), car le Saint béni soit- il la scia, la prépara et


l’orna et l’amena auprès de l’Homme dès lors elle était

« bâtie » et était en tout point parfaite Et lorsqu’ils se


joignaient l’un à l’autre, tous les autres souffles et toutes les
mauvaises espèces s’écartaient de là et ne s’approchaient
plus du Sanctuaire. Ce qu’exprime : « Marteaux, pics,

aucun outil de fer ne fut entendu [62c] dans la Maison


quand on la bâtissait » En effet, tous retournaient
(ibidem).
dans le gouffre du grand Abîme Dès que la sainte
Maison fut construite en bas et que le Palais fut aménagé
sur ses bases, aussitôt le Cantique des Cantiques fut révélé,

car il fallait que le Sanctuaire se conjoigne au Sanctuaire


Lorsque Moïse était dans le désert à cause des péchés

156. D’après Berakhot 61a. Ce qui est dit d’Adam et Eve dans le
passage du Talmud est dit ici de la sefira Malkhout (la Femelle, sym-
bolisée par la Pierre) et de la sefira Tiferet, « l’Homme ». De même que
la femme se trouvait avec Adam dans la position dos à dos en sorte
qu’ils ne pouvaient s’unir, et quelle a été détachée de lui, « sciée », pour
être face à face avec lui, afin de s’unir à lui, de même la sefira Malkhout
a été détachée de l’Homme d’en haut avec laquelle elle fusionnait afin
de pouvoir s’unir à lui pleinement.
157. D’après le verset de la Genèse (2:22) où il est dit que Dieu
« bâtit en femme le côté qu’il avait pris à l’homme ».

158. Le repaire de toutes les forces de l’ Autre côté, de tous les

démons.
1 59. Le Temple d’en bas avec le Temple d’en haut.
66 - LE ZOHAR [62c]

d’Israël, la compagne de Moïse était unie à lui par-der-


rière et le Mâle et la Femelle étaient joints ensemble,

alors « on bâtissait la Maison » (I Rois 6:7), « on bâtissait »


petit à petit. Lorsque Israël franchit le Jourdain, et que
Moïse fut recueilli le Saint béni soit-il la scia, la prépara
dans le sanctuaire de Shilo, jusqu’à ce quelle soit parache-
vée dans la Maison d’éternité et elle se conjoignit au roi

Salomon et les mondes furent face à face, alors « elle était

bâtie en pierre parfaite dès la carrière » (I Rois 6:7). « Dès


la carrière » : auparavant elle n’était pas fixée dans un
unique lieu, mais elle était déracinée puis replantée, dès
lors « elle a été bâtie » comme il convient. Et toutes les

mauvaises espèces et tous les esprits malfaisants furent aus-

sitôt éliminés du monde, sans plus aucune domination,


comme il est écrit : « Marteaux, pics, [aucun outil de fer ne
fut entendu] » (I Rois 6:7) à ce moment, lorsqu’ils furent

tous éliminés du monde, et la Femme demeura avec son


Epoux face à face, alors le Cantique des Cantiques fut
révélé. C’est le « Cantique des Cantiques qui est pour
Salomon » (Cant. 1:1) sans aucun mélange d’aucune sorte.
« Qui est pour Salomon » face à : face, « qui est pour
Salomon », car elle a été déracinée et replantée dans le lieu

auquel toute la paix appartient.

Rabbi Siméon se réjouit. Elie lui dit : Rabbi, énonce tes

paroles, moi je parlerai à ta suite, ainsi par moi et par toi le

160. Cette « compagne » étant la Chekhinah, la sefira Malkhout.


Moïse est l’analogue de la sefira Tiferet.

161. Dos à dos, à savoir de façon imparfaite et incomplète.


162. « Fut recueilli » auprès de ses pères, dans le « sachet des
vivants », après sa mort.
163. Le Temple de Jérusalem.
164. Le mot traduit par « carrière », nasal peut signifier « mobile »,

« déplacée ». C’est ce sens qui est visé ici.


[
62 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 67

sujet sera étayé Permission nous a été donnée de la part

du tout Ancien pour que ces secrets se dévoilent d’en bas

et d’en haut, toi en ce qui concerne ceux d’en bas, moi en


ce qui concerne ceux d’en haut Et par ta vie, rabbi, tu as
une dignité supplémentaire, car toutes tes paroles s’inscri-

ront en haut devant l’Ancien des jours tandis que mes


paroles ne seront pas inscrites en haut mais c’est dans ce
monde-ci que mes paroles s’inscriront par ton intermé-
diaire Tes paroles seront écrites en haut, mes paroles
seront écrites en bas! Heureux êtes-vous les justes dans ce
monde-ci et heureux êtes-vous dans le monde à venir.

Rabbi Siméon prit la parole et dit : « Cantique des


Cantiques qui est pour Salomon » (Cant. 1:1). Il est écrit :

« On s’en va, on s’en va tout en pleurs, portant et jetant la

semence, etc. » (Ps. 126:6). A de nombreuses reprises le


Saint béni soit-il a fait des remontrances à Israël pour qu’ils
reviennent par le repentir auprès de lui, pour qu’ils mar-
chent sur un chemin de droiture afin de s’élever au milieu
d’eux car en effet, lorsque Israël est méritant et suit une
voie de droiture, si
y a élévation du Saint
l’on peut dire, il

béni soit-il avec eux au-dessus de tous les fils du monde, et


tous l’acclament et le louent, et non seulement eux mais
même les êtres célestes d’en haut, tous l’acclament à cause

d’Israël. Plus que cela. Il s’exalte dans Sa gloire grâce à

165. Nous suivons la version de Or Yaqar. Les versions imprimées


portent : « l’exposé sera mené à son terme ».

166. Atiqa dé-kola. Désignation du plus haut degré de l’émanation,


la sefira Keter.
167. La leçon de l’édition de Cracovie propose la formule inverse :

« Moi en ce qui concerne ceux d’en bas, toi en ce qui concerne ceux
d’en haut ».

168. Expression tirée de Daniel 7:9.


169. Même formule plus bas, près de l’appel de note 637.
68 - LE ZOHAR [62c-62d]

Israël véritablement. Mieux encore : même Israël s’exalte

dans la gloire du Saint béni soit-il en haut et en bas.


Viens et vois :
quand Israël est méritant le Trône de
gloire d’en haut s’élève très haut dans les hauteurs, avec
maintes jubilations, avec beaucoup d’amour, et les mondes
se conjoignent dans la joie et tous sont bénis depuis la

Profondeur des Fleuves et tous les mondes sont abreu-


vés, bénis et sanctifiés par de nombreuses bénédictions et
sanctifications, et le Saint béni soit-il se réjouit avec eux
d’une joie parfaite.
Mais quand Israël n’est pas méritant, tout est à l’envers.

Et néanmoins l’amour du Saint béni soit-il ne s’écarte pas

d’eux, son Trône s’établit sur eux comme une mère sur des
enfants et ne se prive pas de demander pour eux la miséri-

corde. Par cette voix il s’élève dans l’en-haut, parce que Son
agrément va à celui qui plaide en faveur de ses enfants.

D’où le savons-nous ? De Moïse, qui bénéficia d’une éléva-


tion parce qu’il avait plaidé en faveur d’Israël, comme il est
écrit : « Moïse ne savait pas que la peau de son visage
rayonnait » (Ex. 34:29). Quand s’éleva-t-il à cette gloire?

Lorsque Israël pécha [62d] et qu’il avait plaidé en leur


faveur. De la même façon il est écrit : « On s’en va, on s’en

va tout en pleurs » (Ps. 126:6) au sujet des fautes d’Israël.


Que signifie : « Portant et jetant la semence » (ibidem)'^.

C’est le secret du Trône de gloire qui porte le flux de


semence sainte d’en haut pour produire des fruits et des

pousses dans ce monde-ci. Lorsqu’Elle s’élève avec la voix


d’Israël, bien qu’ils ne soient pas méritants, néanmoins le

Saint béni soit-il la hausse et l’abreuve du breuvage issu du

170. La sefira Malkhout.


171. La sefira Binah.
172. Les influx venant des sefirot supérieures.
173. La sefira Malkhout ou Chekhinah, symbolisée par le Trône de
gloire.
[
62 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 69

Fleuve profond et elle se parfait de tous côtés. Alors « on


s’en vient, on s’en vient avec des cris de joie » (ibidem)^ à
cause de cette plénitude, de ces bénédictions et sanctifica-
tions dont Elle est comblée. Au début, « on s’en va, on s’en

va tout en pleurs » (ibidem)^ à cause des fautes d’Israël;


lorsqu’ils se repentent, « on s’en vient, on s’en vient avec

des cris de joie » (ibidem).


Quand Salomon bâtit le Temple et que le Monde infé-
rieur fut parfait à l’image du Monde d’en haut Israël

tout entier était méritant et s’éleva de plusieurs degrés


supérieurs, alors le Trône de gloire fut exhaussé dans la joie,

dans des jubilations nombreuses, dans des exaltations mul-


tiples. À cet instant, « Cantique des Cantiques qui est pour
Salomon » (Cant. 1:1). Elévation dans la joie et descente
dans la joie, tous les mondes dans la joie et union dans la

joie. « Cantique » pour le Saint béni soit-il, « des


Cantiques » pour les êtres d’en haut et d’en bas. « Qui est

pour Salomon », connexion joyeuse de tous les mondes au


Roi qui possède toute la paix

Par la bouche d’Élie ceci a été énoncé : « Cantique des


Cantiques », il est écrit : « YHVH ouvrira pour toi son bon
trésor, etc. » (Deut. 28:12). Quand le Saint béni soit-il créa
le monde, il créa d’abord les Canaux (chitin) supérieurs

qui sont des sources, pour que descendent à travers eux les

pluies de bénédictions et les saintetés sublimes d’en haut.

174. La Binah.
175. La sefira Malkhout.
176 La. sefira Binah.
177. Ce Roi est la sefira Binah voir supra note 122
; .

178 Allusion aux


. cavités qui se trouvaient près de l’autel des sacri-

fices et qui, selon la tradition rabbinique (Yoma 49 a), existent depuis


les six jours de la création. Ces « canaux » ou « fondations » désignent
les six sefirot dites de « l’Édifice », de Hessed à Yessod.
70 - LE ZOHAR [ 62 d]

ils avaient été pris d’abord à la Source de vie au lieu


supérieur d’où ils ont émergé.
En effet, avant que le monde ne soit créé, une volonté
appelée Pensée enclose monta et se manifesta, et tout fiit

déposé dans cette Pensée enclose, tout ce qui fut et ce qui


sera^^^ Puis de cette Pensée monta la volonté de créer le

monde et surgit une Source minuscule comprenant ce qui


est enclos dans la Pensée, et elle n’était pas audible à l’ex-
térieur et ne se manifestait pas, mais par elle il
y a contem-
plation de la Sagesse. À ceux qui ont le cœur sage^^^ elle a été
transmise et n’a pas été transmise parce quelle ne se mani-
feste pas au-dehors. D’elle sortirent cinq Sources plus une
enclose plus une qui rassemble tout^^^. Et ces Sources
étaient là lorsque le monde fut créé, comme il est dit « Au :

commencement (beréchit) Elohim créa » (Gen. 1:1). « Au


commencement » (beréchit) il créa un Canal (bara chit), il
:

s’agit du Canal qui est la Source rassemblant toutes les


Sources pour alimenter les mondes. « Le ciel » : ce sont les
six Sources supérieures d’en haut qui ont pour fonction de
donner à ce Canal. Depuis le jour où le monde a été créé
le Temple fut construit, elles restaient fermées
jusqu’à ce que

179. La sefira Hokhmah ou Keter.


180. La sefira Hokhmah.
181. Les essences primordiales de toutes choses, et en premier lieu
des sefirot.
182. La sefira Binah.
183. Sur la sefira Binah comme « voix inaudible », voir notre
article, « Pensée, Voix et Parole dans le Zohar », Revue d’Histoire des
Religions, 213-4/1996, p. 385-414.
184.Comparez avec Zoharl, 81a « Le secret des secrets a été trans-
:

mis à ceux qui possèdent la sagesse du cœur » (Sitrey Torali). L’expression


« sage de cœur » est empruntée à la Bible, voir par ex. Ex. 35:10, pass.

185. Les sefirot Hessed, Guevourah, Tiferet, Netsah, Hod.


1 86. La sefira Yessod.

1 87. La sefira Malkhout.

188. La sefira Malkhout.


[ 62 d- 63 a] cantique des cantiques - 71

et ne s’ouvraient aucunement. Et si tu dis : Abraham était

pourtant en ce monde, sache qu’il est marqué : « Il


y eut une
famine dans le pays » (Gen. 12:10). Isaac? « Il
y eut une
famine dans le pays, outre la première famine, etc. » (Gen.
26:1). Jacob ? Mais il
y eut une famine dans
est écrit : « Il

tous les pays » (Gen. 41:54). Moïse? Il est marqué à plu-


sieurs endroits : « Qui nous fera manger? » (Nom. 11:4,

18), « Pour faire mourir de faim toute cette assemblée »

(Ex. 16:3), « Là le peuple eut soif d’eau » (Ex. 17:3), « Il n’y


avait pas d’eau dans la communauté » (Nom. 20:2). Josué?
Bien qu’ils soient entrés dans le pays, il est écrit : « La manne
cessa le lendemain, quand ils mangèrent des produits du
pays » (Jos. 5:12). Sur l’époque des juges il est écrit : « Il

advint qu’aux jours où jugeaient les juges il


y eut une famine
dans le pays » (Ruth 1:1). De David, il est marqué y : « Il

eut une famine aux jours de David » (II Sam. 21:1). Pour
quelle raison tout cela ? Parce que lesdits Canaux n’étaient
pas ouverts et que le monde se nourrissait [seulement] d’un
jus péniblement extrait sans aucune ouverture, c’était

comme la sève qui suinte d’un arbre ou d’une pierre et


dégouline vers le sol. Au temps où survint le roi Salomon et
où le Temple fut bâti, où tous les mondes furent sur une
même balance, en haut et en bas, alors le Canal qui reçoit et

rassemble tous les Canaux supérieurs s’ouvrit. Quand s’ou-

vrit-il ? [63a] Au moment où ces Canaux supérieurs s’ouvri-


rent. Dès que ce Canal s’ouvrit, des bénédictions s’échappè-
rent vers le monde. Quand s’ouvrit-il? Lorsqu’un être
tortueux assis à ses pieds fut éloigné de lui. Quand il fut
éliminé, le Canal (chit) devint Cantique (chir^'^^)y et le « bon

189 La puissance de l’Autre


. côté, symbolisée par le Serpent.
190. Le passage de la lettre tav, dont la base est censée évoquer la
forme d’un serpent à la lettre rech, symbolise le passage de la sefira

Malkhout (le Canal) d’un régime à un autre.


72 - LE ZOHAR [63a]

trésor » s’ouvrit. Grâce à la puissance de qui ? Des « cieux »

(Gen. 1:1), qui sont les autres Canaux; et c’est à cela [que

se réfère l’expression] « des Cantiques », car tous s’ouvrirent


et s’organisèrent pour donner de la nourriture à tous les

mondes. Il est écrit alors : « Judah et Israël habitèrent en


sécurité chacun sous sa vigne et sous son figuier » (I Rois
5:5) et il est marqué : « On mangeait, on buvait, on était

joyeux » {ibidem 4:20), car le Canal et les Canaux s’étaient

ouverts et tous les délices d’en haut descendaient vers tous


les mondes. Et tous étaient joyeux de monter auprès du
Monde supérieur afin de glaner des bénédictions et des
délices pour les mondes. Alors en eux s’éveilla une dilection
envers le Roi d’en haut pour que tout soit un sans sépa-
ration. Aussitôt une louange supérieure à toutes les

louanges [fut adressée] au Roi qui possède toute la paix


pour que tout soit dans la joie en haut et en bas. Il est

écrit : « Cantique » (Ps. 65:1) et il est marqué : « Pour toi

le silence est une louange, etc. » {ibidem 2). Le roi David


savait par l’Esprit saint que ce « cantique » était destiné à
être révélé dans le monde, il dit donc le cantique destiné :

à être révélé est « pour toi le silence », il est silencieux car il


n’est pas permis de révéler cette louange, mais cette
louange et ce cantique [seront révélés quand] « Elohim sera

à Sion » (ibidem) lorsque le Temple sera bâti, lui qui cor-


respond au Temple d’en haut, alors « c’est pour toi qu’on
accomplit le vœu » (ibidem).

Rabbi Siméon prit la parole et dit : « Alors Israël chanta


ce cantique (chirah) » (Nom. 21:16), « Alors Moïse et les

enfants d’Israël chantèrent ce cantique (chirah) » (Ex. 15:1).

191. La sefira Binah.


192. Toujours la sefira Binah.
193. Voir supra noit 122.
[63a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 73

Là est la louange de la Femelle, ici est la louange qui


s’élève jusqu’au monde du Mâle^^^. Ici est un secret, car le

corps et le souffle se conj oignent ensemble, corps à corps


et souffle à souffle « Cantique des Cantiques »

(Cant. 1:1) : adhésion d’un corps à un corps ; « Qu’il me


baise des baisers de sa bouche » (Cant. 1 :2) : adhésion d’un
souffle à un souffle. Et tout est conforme au secret de
l’amour d’en haut, pour que tout soit un en une seule
unité. Le secret de l’union est ici : « Cantique » c’est Israël,

qui est chargé du témoignage de l’unité ;


« des
Cantiques » : « YHVH notre Dieu est YHVH » (Deut. 6:4)
et tout est un, en une unité une. Et nous avons traité de
cette unité, or ici est l’unité de tous les mondes. « Qui est

pour Salomon » : secret de « Un ». C’est ce que le roi

Salomon devait unifier dans le secret de l’Esprit saint,


conj oindre tout en une unité une, en une volonté, afin que
l’un adhère à l’autre pour que tout soit un. En effet.

Salomon est le Roi qui possède toute la paix Que signi-

fie ici « qui la possède toute » ? Existe-t-il de nombreuses


« paix » ? En il
y a une unique paix mais elles sont
réalité,

deux. Il
y a une Paix qui est la Paix de la Maison par
laquelle le Mâle est reconnu comme masculin et il y a

194. Dans les versets précités où le mot cantique est féminin (chi-

rah).

195. Dans le premier verset du Cantique des Cantiques, où le mot


cantique (chir) est masculin.
196. Cette louange remonte les échelons sefirotiques et parvient
jusqu’à la sefira Binah appelée monde du Mâle ».
«

197. Cette expression apparaît aussi dans ZoharW, l46b. Voir


Elliot Wolfson, « Anthropomorphic Imageiy and Letter Symbolism in
the Zohar» (en \véhït\x) , Jérusalem Studies in Jewish Thought%, 1990,
p. 155, note 33a.
198. Voir pour cette expression supra, note 122.
199. Il s’agit de la sefira Yessod, qui correspond au sexe masculin,
par elle donc « le Mâle (la sefira Tiferet) est reconnu comme masculin ».
- LE ZOHAR [63a-63b]
74

une autre Paix qui est la Paix des deux côtés celle qui
s’interposa au milieu de ces deux côtés et établit la paix
entre eux, c’est une autre Paix^°^ Cependant, la Paix par
laquelle le Mâle est reconnu comme masculin est le Juste,
et le Roi d’en haut^°^ est appelé à cause de lui : « Roi qui
possède la Paix ». C’est pourquoi toute la louange du
Cantique des Cantiques s’adresse au Roi qui possède toute
la Paix et l’unité
; où s’unifie toute chose se situe en ce lieu-
là parce qu’il collecte l’ensemble du désir de tous les

organes et tous les délices et toutes les sublimes aspira-


tions et il rassemble le tout en son sein. Pour cette rai-

son celui-ci est appelé « Un ». Le roi Salomon par le secret

de l’Esprit saint, lorsque cet Esprit saint reposa sur lui, vou-
lut tout réunir en une volonté parfaite comme il sied, et

tout unifier dans l’amour, dans l’agrément, pour qu’ad-


vienne l’Un, en haut et en bas. À ce sujet un verset déclare :

« YHVH sera un et son nom un » (Zac. 14:9). [63b]

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche, etc. »

(Cant. 1:2). Il est écrit : « Je regardai les Vivants et voici


qu’il y avait une roue à terre, à côté des Vivants, de toutes
les quatre faces » (Ez. 1:15). Ce verset a été énoncé en rela-
tion avec rabbi Eléazar^®^ « Je regardai les Vivants » : secret

200. La Droite et la Gauche, Hessed et Guevourah.


201. Cette Paix correspond à la sefira Tiferet. Elle s’interpose entre

lesdeux pôles opposés et les harmonise. Voir à ce sujet notre article :

« La controverse d’amour dans le Zohar Moment critique de l’éma- :

nation et modèle idéal », La Controverse et ses formes, édition Alain Le


Boulluec, Paris, Le Cerf, 1995, p. 71-97.
202. La sefira Binah.
203. Toujours la sefira Binah.
204. Le désir de tous les « organes », les divers degrés du monde de
l’émanation, aspirent à rejoindre cette sefira qui est leur source.
205. On peut comprendre aussi : « dans l’exposé de rabbi Éléazar ».

Rien ne permet de situer cette attribution qui paraît ici détachée de


[ 63 b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 75

d’Israël l’Ancien soudé dans ses marques à Droite et à


Gauche. Trois inscriptions sont liées l’une à l’autre, Sud,
Est et Nord, YHV, Faces encloses, que l’œil est incapable
de voir, or ici il dit : « Je regardai » ! En réalité, il contem-
plait à travers la lumière qui ne brille pas - comme quel-
qu’un qui fixe un morceau de verre à travers ses yeux clos :

or lorsque des étincelles apparaissent à travers ce verre, une


flamme s’embrase momentanément mais ne persiste pas.
Des étincelles tournoient par instants et une étincelle entre
dans l’autre. L’une d’elles monte et descend et se renforce
au côté Sud^®^ selon le secret de la lettre elle se ren-
force et entre dans le côté Nord^^° et elle tournoie dans ses
liens, puis elle pénètre et s’élève dans le secret de la lettre

et elle se dissimule, ainsi qu’il est dit : « Et Dieu vit

que la lumière était bonne » (Gen. 1:3), car elle rayonne et

flamboie dans les traits de la lettre tet et elle s’y dissimule.


Le secret de cette lettre est caché dans un mystère, d’elle
surgissent toutes les étincelles et la Splendeur qui brille et

tout contexte. À moins que derrière « rabbi Éléazar », le fils de


R. Simeon ben Yohaï, se cache la figure de R. Éléazar de Worms, qui
est l’auteur d’un commentaire sur le Char d’Ézéchiel.

206. Qaftira. Terme zoharique inconnu. Voir X Explication des mots


étrangers dans le Zohar, texte anonyme, édition critique par Boaz Huss,
dans Kabbalah, Journal for the Study ofJewish Mystical Texts, vol. I,

1996, p. 188 et voir sur place notes 185 et 190.


207. La sefira Malkhout, assimilée à une lumière noire. À travers
elle, le processus d’élaboration et de manifestation des sefirot peut être
contemplé. La description qui suit établit un parallélisme entre les phé-
nomènes de photismes, qui se produisent quand les yeux clos sont
éclairés par des lumières s’agitant dans un morceau de verre, et le sys-
tème d’organisation des sefirot.
208. La sefira Hessed.
209. Sans doute la sefira Hokmah.
210. La sefira Guevourah.
211. Sans doute la sefira Binah.
76 - LE ZOHAR [63b]

rayonne Heureux celui qui la voit en rêve^^^ - il s’agit

d’une cour d’où rayonnent des étincelles -, qui s’étire et

se recueille. Une autre [étincelle] monte et descend et se

renforce dans le côté Est^^"^ selon le secret de la lettre tet

et de la lettre yod. Elle s’étend de deux côtés et tournoie


dans quatre : deux en haut, dans l’héritage de Père et
Mère^^^ deux des deux côtés, du côté Sud^^^ et Nord^^^
et elle s’établit en eux tous et elle est le Char supérieur des
quatre côtés « Une roue à terre, à côté des Vivants »

(Ez. 1:15), il s’agit là du Char inférieur comprenant les

quatre côtés. Le Char d’en haut qui est le secret des


quatre côtés émet une lumière issue de trois côtés, l’un
d’eux lui appartient parce qu’en lui s’est conjoint l’héri-
tage de Père et Mère qui étaient deux [à présent] réunis
en un, et les deux [autres côtés] proviennent des deux
côtés [opposés]. Il émet la lumière de l’Est le Char

inférieur dévoile une face vis-à-vis de cette lumière, il la


reçoit et il s’illumine grâce à elle. Et lorsque cette face est
illuminée par cette lumière, cette face prend alors le nom
d’Adonay et elle domine et devient souveraine grâce à la

prévalence de la grande lumière. Et quand cette face


reçoit cette lumière, elle devient comme un Palais qui la

212. La sefira Tiferet.

213. D’après Baba Qama 55a.


214. La sefira Tiferet.

215 Les sefirot Hokhmah et Binah.


.

216. Symbole de la sefira Hessed.


217. Symbole de la sefira Guevourah.
218. La sefira Tiferet est le « Char supérieur », centre de réception
des émanations procédant des quatre sefirot d’en haut précitées.
219. En
forçant un peu le texte on pourrait lire, au lieu de « à
côté » émanant » (etsel).
: «

220. « Char supérieur » dans la version de Or Yaqar. Ce « Char


inférieur » est la sefira Malkhout.
221. L’influx de la sefira Tiferet proprement dit.
[63b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 77

confine en son sein, et à cause d’elle elle devient Seigneur,


Souverain et Autorité
[Le Char supérieur] émet la lumière du Sud^^^ le Char
inférieur dévoile une face vis-à-vis de cette lumière et la

reçoit et il s’illumine grâce à elle. Et lorsque cette face est

illuminée par cette lumière, cette face prend alors le nom


de El et elle domine pour faire du bien au monde avec
amour et pour donner de la nourriture à chacun comme
il convient
[Le Char supérieur] émet la lumière du Nord^^^ le Char
inférieur dévoile une face vis-à-vis de cette lumière et la
reçoit et il s’illumine grâce à elle. Et lorsque cette face est

illuminée par cette lumière, cette face prend alors le nom


d’Elohim et elle domine et s’impose pour juger le monde
selon le jugement et pour rendre justice à quiconque en
a besoin, pour tout mener selon le jugement
Jusqu’ici les faces supérieures et les faces inférieures sont
dans le secret de trois, trois se conjoignent et s’intégrent les

unes dans les autres. Quant à la face restante du Char

222. Ce passage décrit la façon dont la sefira Malkhout, par l’une


de ses facettes, devient la puissance souveraine lorsqu’elle reçoit l’épan-
chement (la « lumière ») propre à la sefira Tiferet (« l’Est »).

223. La sefira Tiferet émet l’influx issu de la sefira Hessed (le

« Sud »).

224. Cf Mekhilta de-rabbi Ishmael, Hachirah, 3.

225. Ce passage décrit la façon dont la sefira Malkhout, par l’une


de ses facettes, devient une puissance bienfaisante, dispensatrice de
bénédictions, lorsqu’elle reçoit l’épanchement (la « lumière ») de la

sefira Hessed (le « Sud ») par le biais de Tiferet (« le Char supérieur »).

226. La sefira Guevourah.


227. Voir Berakhot 60a.
228. Ce passage décrit la façon dont la sefira Malkhout, par l’une
de ses facettes, devient une puissance de jugement, qui assure les

règles et les lois, lorsqu’elle reçoit l’épanchement (la « lumière ») de la

sefira Guevourah (le « Nord ») par le biais de Tiferet (« le Char supé-


rieur »).
78 - LE ZOHAR [63b-63c]

inférieur, tous demandent à son sujet : « la roue » où est-

elle, cette seule face qui reste ? On revient à la charge et


on demande : « Dans quel lieu est-elle » on répond]
? [Et :

« À terre » (Ez. 1:15), afin que les êtres d’en bas ne demeu-
rent pas sans Providence, ne serait-ce qu’un instant. Quand
toutes les trois autres faces se sont intégrées dans cette face,
elle capte [ce qui procède] d’elles toutes et elle se constitue
par elles toutes, et à elle seule elle est comme elles toutes,

afin de prendre soin du bien du monde entier. Or cette


face profère constamment une louange et manifeste sans
cesse un élan envers celles d’en haut qui sont au-dessus
d’elle, et celles [63c] d’en haut au-dessus d’elle manifestent
un élan en direction des entités d’en haut situées au-dessus,
et celles-ci en haut placées au-dessus manifestent un élan
envers l’en-haut et les unes se relient aux autres jusqu’à
l’Infini. Cela a lieu lorsqu’il y a un élan suscité par ces faces
au moyen des sublimes baisers, pour qu’il y ait <adhésion
selon le secret de l’en-haut et pour remplir et alimenter
tous les mondes tout dans la joie, ainsi qu’il est dit :

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche » (Gant. 1:2), et


pour remplir et nourrir tous les mondes afin que tous
connaissent la joie, comme il est dit : « Qu’il me baise des
baisers de sa bouche » (ibidem).

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche » (Gant. 1:2).


Par bouche d’Elie cela a été énoncé. Il est écrit « Et
la :

l’homme connut Ève sa femme, elle conçut et enfanta


Caïn, etc. » (Gen. 4:1). « Et l’homme » c’est le premier

229. Jeu de mots entre « roue » (ophan) et (phen) « où est la face ? ».

230. La face terrestre de la sefira Malkhout, sa quatrième face, celle


qui exerce sa providence sur le monde inférieur.

23 1 Le passage entre crochets obliques ne figure pas dans l’édition


.

de Or Yaqar où il est placé néanmoins entre parenthèses par le copiste


avec l’indication d’une origine imprimée.
[63c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 79

homme, l’empreinte des signes subtils d’en haut^^\ « Il

connut » ce qu’il ignorait concernant [Eve] auparavant, il

sut être face contre face. Quand ils se regardèrent face à face

lors de l’accouplement, il est marqué alors : « Il connut ». Il

connut comment l’abreuver, comment semer en elle une


semence, comment produire des engendrements. Cela pour
le bien, par l’éveil de la Providence dans l’en-bas.
Quand le serpent eut un rapport sexuel avec Eve il jeta

en elle de la boue^^^ et Caïn sortit de cette boue^^"^. Tu


pourrais demander comment il sortit de là, alors qu’il est

écrit : « Et l’homme connut Eve sa femme, elle conçut et

enfanta Caïn » (Gen. 4:1), ce qui implique qu’il venait

d’Adam et non pas de l’Autre côté, tandis que tu affirmes


que le serpent jeta en elle de la boue d’où sortit Caïn. En
fait, bien sûr, ce serpent jeta en elle de la boue et à partir

de cette boue fut infusé en elle un souffle mauvais qui


cognait dans ses entrailles et n’avait pas de corps pour s’y
incorporer et pour paraître dans le monde. Quand Adam
vint à cause de l’impulsion de cette boue et qu’il se conjoi-

gnit à sa femme, il façonna un corps pour ce mauvais


souffle qui était dans ses entrailles, et celui-ci s’y incorpora
et parut dans le monde suivant une ressemblance <diffé-
rente de celle de sa mère^^^ >, provenant de l’en-haut et de

232. Le premier homme est un microcosme qui reflète l’ensemble


des esséités divines. Cette phrase est cependant loin d’être claire et
d’autres versions manuscrites ou imprimées autorisent d’autres traduc-
tions. R. Moïse Cordovéro commente « C’est un exemplaire et une
:

empreinte (defous = typos) des réalités cachées supérieures qui se confi-

gurent et s’intégrent dans le secret de son âme » (p. 62).


233. Voir Chabbat l46a.
234. Voir Pirqé de Rabbi Eliézer chap. 21
235. Les mots entre crochets obliques ne figurent que dans la ver-

sion de Or Yaqar (p. 62). Dans l’édition de Venise, on lit : « selon la

ressemblance du visage de sa mère », à savoir : il ressemblait à sa mère


et non à son père.
8o - LE ZOHAR [63c]

Ten-bas Eve y fut attentive et déclara : « J’ai acquis un


homme de par YHVH » (Gen. 4:1) - avec YHVH. Pour
cette raison, toutes les oeuvres de Caïn relevèrent de cet
autre côté mauvais. Lorsqu’il offrit son sacrifice, il l’apporta

à partir de ce mauvais côté, ainsi qu’il est dit : « Et il


y eut à
la fin des jours (yamim) » (Gen. 4:3) et il n’est pas écrit : « Et
il
y eut à la fin de droite (yamiri^^'^) ». « Et elle continua d’en-
fanter son frère Abel » {ibidem 2). Car bien sûr ce mauvais
souffle s’était renforcé et était devenu puissant dans l’histoire

de Caïn, et la force et la vitalité d’Abel furent brisées, vis-à-


vis de lui il n’était rien^^^ Jusqu’ici tout était dans le côté de
la boue. Dès que par la suite vint et naquit Shet, le monde
se parfuma grâce aux justes et aux fidèles qui seront par la

suite dans le monde Shet (chet) : c’est la fin de l’alpha-


bet Et bien qu’il se soit parfumé, l’être tortueux et
méchant n’avait pas été évincé du monde mais avait été sou-

mis au côté de la Foi, achèvement des lettres. En effet, jus-

qu’ici le monde avait été créé par les lettres de la Torah, mais
ces lettres n’étaient pas au complet avant que naisse Shet.
Quand Shet naquit, toutes les œuvres d’en haut et d’en bas
furent parachevées par le secret des lettres. Alors le monde
se parfuma car son organisation venait d’être achevée.

236. Comparez avec le Midrach ha-Néélam sur Ruth, Zohar


Hadach 83b, et notre traduction, Le Zohar, Livre de Ruth, Lagrasse,
Verdier, 1987, p. 131-132.
237. Voir Moïse de Léon, Le Sicle du sanctuaire, p. 240 et note 809
sur place.
238. Le nom Abel (hevel) signifie « vanité », « buée ». Les éditions
imprimées diffèrent ici de la version de Or Yaqar', elles permettent de
lire : « la force et la vitalité [du mauvais souffle] se brisèrent en Abel,
pour ce dernier elles n’étaient rien », à savoir ; elles s’étaient déjà épui-
sées en Caïn.
239. Voir Pirqé de Rabbi Eliézer chap. 22.
240. Ce nom est fait des deux dernières lettres de l’alphabet
hébreu, un chin et un tav.
[63c-63d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 8l

Désormais lemonde commença à se comporter suivant la


rectitude de ses voies. Ce commencement qui débute part
des lettres qui avaient été abandonnées auparavant. Adam
commence par un aleph et finit par un mem. Et après que
l’alphabet s’acheva par Shet {chin et tav), les lettres retour-
nèrent formerle mot Enosh, avec un aleph comme aupara-

vant,un noun qui se situe après le mem abandonné par


Adam, un chin qui est la première lettre de Shet. Il prit les
lettres de l’un et de l’autre. Le est l’image de
l’homme afin de montrer que de Shet descendent des
générations dans le monde [marchant] sur une voie de rec-
titude, comme il se doit.

Par le secret des lettres tout a été édifié. Les trente-deux


alphabets s’en allèrent jusqu’à ce qu’Israël se tienne sur
le mont Sinaï. Quand Israël se tint sur le mont Sinaï,

[ 63 d] les lettres se rassemblèrent et se cachèrent dans le

sens inverse des alphabets et la Torah émergea consti-


tuée des trente-deux Sentiers du secret de la Sagesse d’en
haut^^^ et l’alphabet s’inscrivit dans douze limites, douze
tribus, excepté deux [lettres] qui les quittèrent et qui sont
het tety celles-ci n’apparurent pas du tout parmi [les

Israélites . Jusqu’à ce qu’ils entrent au début dans le Pays


et qu’il y ait un anathème parmi eux par la faute d’Akan,
alors les deux lettres qui s’étaient retirées d’eux refirent
apparition et elles proférèrent cette proclamation : « Israël

241. Encore une autre lettre du nom Enosh.


242. Voir supra note 18.
243. Selon Moïse Cordovéro, ces 32 alphabets correspondent à
l’ensemble des lettres composant les noms des hommes des premières
générations, de Qénan jusqu’à Terah, père d’Abraham (p. 64).

244. Voir ZoharX, 56a.


245. Ces 32 sentiers sont constitués, selon le Livre de la Création,
des 22 lettres plus les dix sefirot.
246. Voir Yoma 73b.
82 - LE ZOHAR [63d]

a péché (hata) » (Josué 7:1 1). Et ces lettres ne les quittè-

rent plus de génération en génération bien qu ils soient sur


la Terre sainte. Jusqu’à ce que vienne Salomon, qu’il
construise le Temple et que les mondes s’établissent en
haut et en bas selon une unique image. Alors toutes les

lettres se réagencèrent droitement et les deux lettres en


question qui étaient inscrites parmi eux pour le mal s’in-

versèrent pour le bien, elles se retournèrent en tet het


comme il est écrit : « Juda et Israël habitèrent en sécurité
(lavetah) » (I Rois 5:5). Il
y avait la paix parmi toutes les

lettres, sans aucune contestation, et toutes les lettres de


l’alphabet étaient parfaites en haut et en bas. Les lettres
supérieures étaient parfaites en haut, les lettres minuscules
étaient parfaites en bas. Au moment où les chérubins éten-
daient leurs ailes de bas en haut, les lettres s’envolaient de
bas en haut et les lettres [allaient] de haut en bas et péné-
traient l’une en l’autre et fusionnaient les unes dans les

autres par un baiser d’amour. Dès que les lettres s’étaient

conjointes, tous les degrés inférieurs et les degrés supé-


rieurs et tous les mondes se réunissaient ensemble et les

uns embrassaient les autres par un baiser d’amour jusqu’à


ce qu’ils soient tous un et le Saint béni soit-il un, sans
aucune séparation. Tous les baisers d’amour n’ont pas
d’autre fonction que de faire qu’il y ait un unique

ensemble, pour que l’un s’intégre en l’autre sans sépara-


ont pour fonction de faire
tion. Ainsi partout ces baisers
que tout un en un même ensemble, lettres avec lettres,
soit

mondes avec mondes, degrés avec degrés, l’épouse avec


son époux, pour que tout soit un.

« Sa bouche » (Gant. 1:2). Pourquoi « sa bouche » (piy-

houp. Il aurait fallu [écrire] piyv [« sa bouche », sans la


lettre hé\ En . fait, c’est afin d’associer ensemble [l’Epoux et

l’Épouse]. « Sa bouche » (piyhou) : afin de bien montrer


[ 63 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 83

qu’Elle est prête pour être à comme une femme qui


apprête sa bouche pour recevoir un baiser de son époux,
ainsi l’accueil de sa bouche est-il affiché.

« Sa bouche » : ici il faut réfléchir. Si tu dis que les baisers

se situent en haut, tout en haut dans l’Infini, parce qu’il est


dit de manière enclose « qu’il me baise » et « de sa bouche »,

et qu’ensuite le verset s’exprime ouvertement en disant « tes

caresses », il n’en est rien. Les baisers ne dépendent pas là


de l’en-haut, mais de la Femme avec son Epoux. En fait,

avant qu’ils ne soient entrés en contact l’un avec l’autre, [le

verset] s’exprime de manière enclose. Dès qu’ils se sont rap-


prochés et se sont embrassés l’un l’autre par un attachement
d’amour. Elle dit ouvertement « tes caresses », et il n’est pas

écrit « ses caresses », car ils sont joints ensemble dans


l’amour, en une conjonction une, sans aucune séparation.

« Car tes caresses sont bonnes venant du vin » (Gant.


1:2). Le bien ne procède que du côté de la première
Lumière comme il est marqué « Et Dieu vit que la :

lumière était bonne » (Gen. 1:4), et à présent que Tu es

parfait, puisque la Droite s’est associée à la Gauche, « tes

caresses sont bonnes venant du vin », c’est le Vin de la

Torah^^^ qui est joie, « bonnes » du côté Gauche

247. « Elle » c’est la sefira Malkhout, « Lui », c’est la sefira Tiferet.

248. Le passage de la troisième personne du singulier à la deuxième


marquerait le passage d’une expression se référant à une réalité mysté-
rieuse et inaccessible (« il ») à une expression se référant à une réalité

manifestée et accessible (« tu »). Sur le caractère mystérieux attaché à la


troisième personne, voir notre traduction de Moïse de Léon, Le Skie
du sanctuaire, p. 115, note 154.
249. Nous traduisons d’après les exigences du contexte.
250 La . sefira Hessed.
251 . L’influx de la sefira Binah. Pour l’expression, voir Avodah
Zarah 35a.
252 . Y compris du côté Gauche qui est celui de la sefira Guevourah.
- LE ZOHAR [63d-64a]
84

Rabbi Siméon laissa éclater sa joie et dit : Il s’agit bien


là de joie! Car j’ai mérité [d’entendre] toutes ces sublimes
paroles ! Élie lui dit : Rabbi, ouvre ta bouche, car tes pro-
pos sont inscrits en haut alors que les miens sont inscrits en
bas^^^ Heureux êtes-vous les justes devant l’Ancien des
jours dans ce monde-ci et dans le monde à venir.

Rabbi Siméon prit la parole et dit : « Qu’il me baise des


baisers de sa bouche car tes caresses sont meilleures que le

vin » (Gant. 1:2). LaTorah orale s’exprime à l’adresse de la


Torah écrite parce quelle aspire aux baisers de la Torah
écrite [64a], à sa douceur, afin quelles s’unissent l’une à
l’autre par ces baisers. Alors elle entre en controverse avec ses
jeunes suivantes pour qu’ elles se parent avec elle, pour que
toutes soient ornées face à la Torah écrite. Et lorsqu’elle s’est

conjointe et associée à la Torah écrite dans la joie, dans


l’unité, et que l’une embrasse l’autre avec amour, elle se ren-
force par elle et lui dit affectueusement : Combien tes

marques d’affection sont précieuses, plus que ton vin, car


ton amour m’a fortifiée si bien que l’on m’a enivrée du vin
de l’amour pour me fortifier par toi - parure dont s’est

ornée la Torah orale à l’aide de ses jeunes suivantes, afin de


s’unir à la Torah écrite. La Michnah est le sommet de la

Tête, selon le secret de la structure qui lui convient, la


Beraïta est, selon le secret de cette structure, les Hanches et

les Pieds. Le Tronc est dans la structure qui lui sied. Les

253 Voir supra, notes 168, 169 et 637.


.

254 LaTorah orale symbolise la sefira Malkhout,


. la Torah écrite se

réfère à la sefira Tiferet. Sur cette correspondance dans la cabale géro-


naise, voir G. Vajda, Le Commentaire d'Ezra de Gérone sur le Cantique
des Cantiques, Aubier Montaigne, Paris, 1969, p. 370-380.
255 Qui symbolisent les maîtres de la tradition orale qui com-
.

mentent et discutent la « Torah orale », cette controverse interprétative


est considérée comme la confection d’ornements en sa faveur.
256. Le Zohar ne précise pas à quelle partie de la Torah orale se
[64a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 85

jeunes suivantes accourent et la rapprochent en la prépa-


rant : l’une dit « permis », l’autre dit « interdit », et telle est

l’ornementation de la jeune Épouse quand on la pare. L’une


dit, lorsqu’elles la parent, « cet ornement convient ainsi »,

l’autre dit « ce n’est pas le cas ». L’une dit « la parure de la

tête est ainsi liée et serrée » ; l’autre dit « le couvre-chef est


délié de ce côté-ci et lié et serré de ce côté-là ». L’une dit « ce
bijou en or dans ce vêtement-ci est inconvenant, que ce
bijou soit sur celui-là », et l’autre dit « il convient et il sied
qu’ils s’affichent l’un avec l’autre ». Et tout cela est l’agence-

ment et l’ornement de la jeune Épouse De plus, pendant


qu’ elles mettent des garnitures et que le débat se poursuit
lors de l’ornementation. Elle grandit grâce à elles en vitalité,

en magnificence, en couleurs et en proportion. Elle siège


parmi elles dans la gloire et Elle éprouve cent fois plus de
considération envers Elle-même qu’ auparavant. Dès qu’Elle
a été parée grâce à elles, toutes la saisissent par ses ornements
et par les parures de beauté et l’amènent auprès du Roi, la
Torah écrite. Quand la Reine est assise près du Roi avec une
parure de beauté et que le Roi la voit ornée de beauté, cet

réfère le « tronc » ou le « corps » (goufa). Il


y a peut-être une lacune
dans le texte, comme le pense R. Yehoudah Ashlag (commentaire du
Soulam). Mais le mot « corps » pourrait aussi renvoyer à ce qui est
dénommé dans le Talmud « corps de la Loi », référence aux matières
légales les plus importantes traitées dans la guemara. Les différentes
strates de la Torah orale configurent le Chiour Qomah (la forme cor-
porelle) de la Chekhinah - la sefira Malkhout.
257. Dans le paragraphe que l’on vient de lire, les mots sont à
double entente : ils appartiennent à la terminologie rabbinique de l’éla-

boration de la décision légale et se réfèrent en même temps aux gestes


visant à parer une fiancée pour la préparer à un mariage. Ainsi, inter-
dit (assour) = lié, permis (moutar) = délié, invalide (passoul) = inconve-
nant, licite (kasher) = convenable. Les « jeunes suivantes » qui parent
l’Épouse sont ceux qui étudient et discutent la loi orale, lui ajoutant
leur commentaire - ses parures.
86 - LE ZOHAR [64a]

ornement s’exclame en disant au Roi de l’embrasser, car tel


est l’attachement de l’amour pour que l’un se joigne à
l’autre. Qui a provoqué ces baisers et cet amour ? Ce sont les
jeunes suivantes qui l’ont parée. Quand Elle veut faire du
bien, Elle avec le Roi, à ses jeunes suivantes en leur donnant
des cadeaux, à toutes ils les leur donnent ensemble, à toutes
celles qui se disputaient entre elles concernant ses parures

le Roi et la Reine offrent des cadeaux et des présents avec

générosité et amour, pour leur faire hériter un héritage dans


les mille mondes de désirs au sein du monde à venir. Et à
plus forte raison à ceux qui connaissent les secrets de la

Sagesse pour embellir ses parures, car il n’est pas de limite à


l’héritage dont ils hériteront dans le monde à venir. À leur
propos il est écrit : « Pour faire hériter des biens à ceux qui
m’aiment, etc. » (Pro. 8:21).

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche, car tes


caresses sont meilleures que le vin » (Gant. 1:2). Il
ya là

sept mots correspondant aux sept degrés qui se situent


au-dessus d’Elle^^® et ceux-ci correspondent à sept jeunes
filles aptes à lui donner, car elles La parent afin de
du Roi. « Qu’il me
L’introduire auprès baise » : à l’adresse
du Vivant des mondes « des baisers » à l’adresse des
; :

Grâces de David « de sa bouche » à l’adresse d’Israël :

l’Ancien ;
« car sont meilleures » : à l’adresse de la pre-

258. Sans faire de différence entre les avis différents qui tous sont
respectables et utiles.
259. Dans l’original hébreu, ce verset comporte en effet sept mots.
260. Au-dessus de la sefira Malkhout on compte sept degrés, si l’on

part de la sefira Binah.


261. Il s’agit à présent de l’Heptade archangélique qui reflète à un
degré inférieur la structure des émanations sefirotiques.
262. La sefira Yessod.

263. Isaïe 55:3. Allusion aux sefirot Netsah et Hod.


264. La sefira Tiferet.
[64a-64b] CANTIQUE des cantiques - 87

mière Lumière « tes caresses » : à l’adresse d’Isaac^^^,


bien-aimé depuis la matrice « que le vin » : à l’adresse
du Vin d’en haut conservé toujours Les sept jeunes filles

aptes à lui donner de la part de la Maison du Roi, ce sont :

Michaël, Gabriel, Raphaël, Ouriel, Tsadiqiel, Yophiel,


Raziel, et combien de milliers de myriades de gardiens sont
avec eux, ainsi qu’il est dit : « Et des jeunes filles sans
nombre » (Gant. 6:8).
Il
y a ici trois nombres correspondent à
versets dont les

leurs secrets. Le premier « Cantique des Cantiques » :

(Gant. 1:1), qui est le secret du Char, comme il a été dit. Le


deuxième « Qu’il me baise » {ibidem 2), est le secret de
:

sept mots suivant les sept degrés, comme il a été dit. Le


troisième « Oui, tes parfums ont une odeur suave » {ibi-
:

dem 3) [64b] est le secret de dix mots, dix paroles, et c’est le

secret de cette louange afin d’inclure le premier [verset]. Sur


ce secret-là le cantique du Sabbat a été fondé, hormis les

douze derniers [mots] qui constituent une autre louange.


Ici, dans le Cantique des Cantiques, dans le verset

« Nard et safran, etc. » (Cant. 4:14) il


y a sept baisers, cor-
respondant aux sept degrés de ce verset Car les baisers
sont au nombre de sept, il
y a un baiser venant de chaque
degré, ainsi des baisers de Jacob en sept mots sont inclus
:

ses baisers, comme il est écrit : « Jacob embrassa Rachel,


éleva la voix et pleura » (Gen. 29:11^^°), pleur de joie
d’amour, correspondant au mot « que le vin » (Cant. 1:1)
qui est amour de joie, afin de montrer que les baisers sont
dans le secret des Sept. De même quelle est Fille des Sept

265. La sefira Hessed.


266. La sefira Guevourah.
267. Voir Chabbat 137b.
268. La sefira Binah.
269. Les sept sefirot de Binah à Yessod, comme il vient d’être dit.

270. Dans le texte hébreu de ce verset, il


y a en effet sept mots.
88 - LE ZOHAR [64b]

(Bethsabée^^O ainsi toutes ses paroles sont dans Sept. Aussi,


« Satiété de joie près de ta face, etc. » (Ps. 16:1 1), ne lis pas
« satiété » (chové'a) mais « sept^^^ » (chévd), sept joies.

Parmi tous les baisers d’amour il n’est point de baiser


comme ceux qu’éveille ici la Communauté d’IsraëC^^ :

« Qu’il me baise des baisers de sa bouche » (Cant. 1:1).


Bien qu’il y ait sept baisers, comme il a été dit, trois baisers
paraissent ici qui sont les trois baisers apparaissant dans le

verset : « Qu’il me baise », un; « des baisers », qui sont


deux, cela fait donc trois. À présent. Elle réclame [un] de
ces baisers. Le fait qu’Elle dit « des baisers » suppose un
seul baiser, comme il est écrit : « Des baisers » (Cant. 1:1)

et il n’est pas marqué : « baisers », car « baisers » en


implique deux, or parmi ces « baisers », il n’en est qu’un
Et cela il le faut, bien sûr celui qui demande ne doit pas :

demander beaucoup mais un peu, car dès qu’il commence


[à donner], que l’on prenne ce que l’on pourra. Le Saint

béni soit-il, on lui demande peu et il donne beaucoup.


Abraham demanda peu et le Saint béni soit-il lui donna
beaucoup. Il demanda un fils, or qu’est-il écrit ? « Je multi-
plierai ta descendance comme les étoiles du ciel et comme

le sable qui est sur le rivage de la mer, etc. » (Gen. 22:17).


Parce que telles sont les voies du Saint béni soit-il, c’est
pourquoi Elle dit : « Des baisers » et non pas « baisers ».

« Qu’il me baise » (Cant. 1:2) : attachement d’amour


souffle à souffle. En effet, quatre souffles se rejoignent et

271. La sefira Malkhout, désignée par le nom Bethsabée qui signi-


fie « fille des sept », procède des sept sefirot supérieures.

272. Voir Arakhin 13b


273. La sefira Malkhout.
274. À savoir : certains ou l’un de ces baisers.
275. « Des baisers » dans le sens de « un des baisers ».
[64b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 89

deviennent un. L’un donne un souffle à son et prend


le souffle de cet ami auquel il s’est attaché. Il en résulte que
son souffle et le souffle de son ami cela fait deux. Il en va
de même chez son ami. Quatre souffles en résultent donc
qui s’unissent ensemble dans ces baisers

« Des baisers de sa bouche » (Cant. 1:2) : de ces baisers


d’en haut qu’il avait donnés auparavant. Car en effet,

l’amour de joie ne procède que des baisers du Souffle d’en


haut^^^ dans celui d’en bas.
« Sa bouche » (ibidem) :
piyhou et il n’est pas écrit piy.

Que signifie « sa bouche » (piyhou) ? C’est une invitation


adressée au Monde à venir le Roi qui possède toute la

paix^^°. Et c’est l’addition du /?équi s’ajoute à ce mot parce


que tout l’amour du Monde inférieur ne vise qu’à
le Monde supérieur, le Monde à venir. Aussi,
l’union avec
leMonde inférieur éveille tous les compliments envers le
Monde supérieur.
« Car sont meilleures » (Cant. 1:2) : allumage et étincel-

lement des Lampes d’en haut, et toutes les Flammes s’agen-


cent, s’allument et brillent comme il se doit, et c’est cela
« tes caresses » (ibidem), ce sont des Lampes saintes aimantes

supérieures toutes brillent et étincellent de lumière rayon-


nante, ainsi qu’il sied. « Venant du vin » (ibidem) : de la joie

du bon Vin d’en haut^^^ qui illumine les visages et donne de


la joie au cœur et tous les mondes selon leur partage se
réjouissent de cette joie.

276. Hevrey, ou « partenaire ».

277 Voir supra note


. 2.

278. Désignation de la sefira Tiferet ou Yessod.


279 La
. sefira Binah.
280. Voir supra note 122.
281. La sefira Malkhout.
282. Les sefirot.

283. Lépanchement issu de la sefira Binah.


90 - LE ZOHAR [64b-64c]

Viens et vois : les Israélites prennent leur part et se

réjouissent de cette joie, à cause du bon vin qui brille, lim-


pide et serein en suspension au-dessus de sa lie. Tous les

autres peuples ne prennent que de ces ferments situés sous


le vin^^^. Aussi, le Saint béni soit-il leur organisera dans
l’avenir un banquet de ferments Car ces ferments, tous !

de la lie, sont la part du reste des peuples. Quant à Israël,


sa joie est dans ce Vin qui a été conservé et qui sort du

Monde à venir préservé dans ses raisins.

[64c] Une tradition nous enseigne :Qui aperçoit des


raisins en rêve, s’ils sont blancs c’est un bon signe pour lui.

S’ils sont sombres, il a besoin de la miséricorde, car bien évi-


demment il passe en jugement. Pour quelle raison? Parce
que ces raisins blancs sont des raisins qui conservent le Vin
d’en haut, ils ont la couleur blanche de la miséricorde.
Tandis que les raisins rouges sont le côté du jugement, de
couleur rouge. S’il mange ces derniers [en rêve], il est prêt

pour le monde à venir. Pourquoi ? Parce qu’il est passé en


jugement et celui-ci peut l’anéantir et il aura une part dans

le bon vin du monde à venir. S’il boit [en rêve] du vin blanc,
c’est un bon signe pour lui, une joie. Rouge, cela signifie

que le jugement le menace. Lorsque Jacob s’approcha de son


père Isaac, il lui offrit de ce bon vin conservé depuis le

Monde à venir, car il n’est de joie et d’amour que suscités

par ce bon vin. Ainsi, Isaac, qui relevait du côté du dur juge-
ment, il fallait le réjouir par ce bon vin qui venait de loin,
comme il est dit : « Il lui apporta du vin de loin » (Gen.

284. Sur ces images, voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire,


p. 98, note 88.
285. Voir Psaumes 75:9.
286. La sefira Binah.
287. Voir Berakhot 56b.
288. Le mot « de loin » (merahoq) n’apparaît pas dans le texte
[64c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 91

27:25) depuis un lieu élevé, il attira sur lui cette joie pour
le réjouir. Aussitôt la colère s’adoucit et le jugement fort fut

associé à la miséricorde, pour que tout soit comme il sied.

Pour cette raison les Bien-aimés, les Amants d’en haut,


les saintes Lampes, ne brillent qu’à partir de ce Vin. Et qui
est-il? C’est le nom gravé, explicité en 70 lettres. Car ces
saintes Lampes sont le nom saint gravé de 70 noms, cela se

réfère au secret des Raisins qui conservent le Vin d’en


haut^^°, principe de ces 70. Aussi, la joie et l’agrément de
ces baisers ont pour but d’éveiller l’amour depuis le Vin
d’en haut. De cette façon les Lampes brillent et étincellent

à partir de ce Vin, comme il est écrit : « Car sont meilleures


tes amours venant du vin » (Cant. 1:1).

« Oui, par l’odeur, tes parfums sont bons » (Cant. 1:3).


Rabbi Siméon dit : J’ai scruté ce verset, il est enclos en un
secret sublime. « L’odeur » : il
y a odeur et il
y a odeur, et il

existe diverses odeurs. Il est une odeur qui s’élève de bas en


haut comme l’odeur du sacrifice, car il s’agit d’une odeur
qui monte et noue des liens l’un avec l’autre et les enchaîne
l’un à l’autre, jusqu’à ce que tout devienne un unique lien

et<une unique lumière voilà donc une « odeur ». Il est

une autre odeur et c’est le Roi Messie qui est appelé

biblique. Il se peut que la citation se termine avant ce mot et que « de


loin » soit une addition explicative.
289. Les sefirot.

290. L’épanchement de la sefira Binah.


291. Les mots entourés ne figurent pas dans la version de Or Yaqar.
Sur le processus d’unification par les sacrifices des différents degrés du
cosmos et du monde divin dans le Zohar, voir notre ouvrage, Les
Grands Textes de la cabale. Les rites qui font Dieu, Lagrasse, Verdier,
1993, p. 183 et suiv.

292. Qui symbolise la sefira Malkhout. Voir Moïse de Léon, Le


Sicle du sanctuaire, p. 220.
92 - LE ZOHAR [64c]

« odeur », comme il est marqué : « Il aura l’odeur de la

crainte de » (Es. 11:3), et cela est dénommé


Odeur, et elle se lie au secret de l’odeur du sacrifice Et
c’est le secret de : « Feu [sacrificiel], odeur apaisante pour
YHVH » (Lév. 1:9). Le « feu » [du sacrifice] est [une enve-
loppe] extérieure lien, nourriture et lumière des soldats
officiants ignés - ce qui brille se concentre dans ce qui est
brillant L’« odeur » est à l’intérieur de lui et c’est ce qui
se rattache à l’intérieur et illumine, selon le secret de
l’Alliance sainte et elle est appelée Roi Messie qui est
une odeur issue des parfums d’en haut^^^ comme il est

marqué « : Comme l’odeur des parfums ». « Apaisante »

(Lév. 1:9) : Lumière de toutes les Couleurs supérieures.


Beauté d’Israël, magnificence de toute chose ; et elle^°^ est

l’apaisement du Souffle d’en haut^°^ qui réside sur elle et


rayonne en sa direction. « Pour YHVH » (Lév. 1:9), pour

293. Voir Sanhédrin 93b.


294. La sefira Malkhout se lie à l’impulsion produite par les sacri-

fices pour s’élever avec eux vers les degrés supérieurs.


295. Une enveloppe constituée des forces de rigueur (din).
296. Traduction conjecturale de termes propres au lexique zoha-
rique. Sur la conception des sacrifices dans la cabale géronaise à
laquelle leZohar fait de multiples emprunts, voir G. Vajda, Le
Commentaire d'Ezra de Gérone sur le Cantique des Cantiques, Paris,
Aubier Montaigne, 1969, annexe XIV, p. 381-424.
297. La sefira Yessod en tant quelle est liée à la sefira Malkhout.
298. Sur cette appellation de la sefira Malkhout, voir Moïse de
Léon, Le Skie du sanctuaire, Lagrasse, Verdier, 1996, p. 220.
299. La sefira Malkhout est la résultante des influx procédant de
l’ensemble des sefirot supérieures.
300. Cette formule ne figure pas dans la Bible. Peut-être est-ce un
fragment de verset (Gant. 4:10) qui est repris ici partiellement.

301. C’est la sefira Tiferet. Les « Couleurs » se réfèrent à l’ensemble


des sefirot.
302. À savoir : l’odeur, la sefira Malkhout.
303. Ou encore : « le repos ».

304. La sefira Tiferet ou Yessod. Voir Zevahim 46b.


[64c-64d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 93

le Roi de Et tout se lie l’un à l’autre <et s’éclaire


l’un l’autre pour être un dans la joie totale, par le secret

du sacrifice. Et tu peux dire : ce feu [du sacrifice] qui est


concentré à l’extérieur, c’est le « feu » (Lév. 1:9), car à par-

tir de ce feu se condensent de nombreux soldats et de nom-


breux [anges] officiants, les uns par les autres flamboient en
prenant d’innombrables formes, dans d’innombrables
directions. Et tous se rassemblent dans le secret du sacri-

fice, ils reviennent et pénètrent dans ce feu, parce que ce


sont tous <des porteurs de boucliers>, des vecteurs de juge-
ments Et lorsqu’ils reviennent, comme la colère retourne
à sa place lorsqu’elle s’apaise après être sortie des narines
de nombreux soldats et officiants flamboyants regagnent
leur place Il en va de même des soldats et des saints offi-

ciants d’en haut, agents d’apaisement et d’agrément, ils

rayonnent et retournent [64d] à la lumière afin de se lier à


ce et tous les uns avec les autres et l’un dans l’autre en
une même unité.
Il est appelé « feu sacrificiel », secret de l’apaisement,
nourriture et illumination de tous les côtés « Odeur »

(Lév. 1:9) : Point intérieur secret de l’Alliance sainte

305. Sans doute la sefira Binah.


306. Les mots entre crochets ne figurent pas dans la version de Or
Yaqari'^. 73).
307. Le feu du sacrifice attire les anges chargés des jugements et des
châtiments qui retrouvent ainsi la matière ignée dont ils sont constitués.
308. La colère sort du « nez » ou des « narines » de Dieu, selon
l’imagerie biblique.
309. Ils retrouvent leur source de feu dans le feu du sacrifice.

310. La dernière lettre du mot icheh (feu sacrificiel), qui se réfère à


la sefira Malkhout.
311. Ce feu particulier est apaisement pour les anges du jugement
et nourriture et illumination pour les anges supérieurs.
312. Désignation de la sefira Malkhout.
313. La sefira Malkhout quand elle est liée à la sefira Yessod.
94 - LE ZOHAR [64d]

Pourquoi est-il appelé « odeur » ? Parce qu’il est le secret de


l’odeur des Parfums d’en haut saints et dissimulés qui ne se
manifestent pas^^^. Et lorsqu’ils se posent sur lui, il les

hume comme hume


l’odeur de la myrrhe
quelqu’un qui ;

c’est l’Odeur qui s’exhale de myrrhe et ce Point est


la

appelé « odeur qui s’exhale de la myrrhe ». « Apaisante


(nyhoah) » (Lév. 1:9) lieu où le Souffle d’en haut descend
:

(nahat^^^) et où il se pose pour être le Char supérieur


selon le secret des soixante-douze noms^^^ Et Char supé-
le

rieur est tout entier un unique lien. « Pour YHVH »


(Lév. 1:9) :
pour que tout soit dans la lumière, c’est pour-
quoi elle est dénommée « odeur ».

Partout r« odeur » procède d’une exhalaison, elle réside

au-dessus d’un autre degré, inférieur à elle, mais voici une


odeur procédant d’un [degré] supérieur : « À l’odeur, tes

parfums [sont bons] » (Cant. 1:3) : c’est le Point suprême


qui demeure enclos à partir de Celui qui est absolument
caché, qui est totalement inconnu Et ce Point est l’odeur

[exhalée] de Celui qui est un mystère total. Et à cause de


cette Odeur, tous les Parfums et toutes les Senteurs

314. Les sefirot supérieures. Celles-ci s’épanchent dans !’« odeur »,

la sefira Malkhout, qui en est le réceptacle et le produit.

315. Selon R. Moïse Cordovéro, la myrrhe renvoie à la sefira

Binah.
316. Jeu de mots entre nyhoah (apaisant) et (descendre) ; voir
déjà Bahir% 78 (éd. Abrams). La sefira Malkhout est le « lieu » où « des-
cend » et « s’apaise » la sefira Tiferet ou Yessod (le Souffle d’en haut).
317. Voir supra note 218.
318. Des détails sur ces noms et leur formation sont donnés dans
le Bahir% 76 et 79 (éd. Abrams), ou § 107, 1 10 (éd. Margaliot, trad.
J. Gottfastein, Verdier, 1983). Le Zohar puise ici ses dires à cette
source. Voir infra note 562-563, et cf notes 840-841.
319. La sefira Hokhmah.
320. La sefira Keter.

321. Les émanations sefirotiques.


[64d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 95

rayonnent et sont appelés « bons » parce qu elle les main-


tient tous en un unique lien, irradiant ensemble. Si tel

n’avait pas été le cas, ils n’auraient pas été appelés « bons ».

Parce que, quand cette Odeur suprême pénètre mysté-


rieusement au sein du Fleuve profond et le remplit
comme il convient, tous ces degrés sont appelés « bons ».

Que signifie « bons » Qu’ils émettent de la lumière.


?

Rav Hamenouna l’ancien parla en ces termes :

« Certains jours sont appelés “bons^^^”, et il


y a des tefilin

de la tête qui sont les tefilin que met le Saint béni soit-il

et pour cette raison ils sont appelés “bons”, ils brillent sur

la tête de la Sainteté suprême. Partout, les “jours bons”


sont les tefitlin de la tête que met le Saint béni soit-il. La
demi-fête, qui n’est pas appelée “jour bon”, se réfère aux
tefiilin du bras car la Lune^^^ n’a rien d’elle-même, en
dehors de la lumière lui venant du “jour bon^^^”. Les tefi-

lin de la main, qui sont les tefilin du bras, ne brillent qu’à


partir de la lumière des tefilin de la tête. Tefilin de la tête,

“jours bons” ; tefilin de la main, demi-fête. » [Ce maître] a


bien parlé et il en va ainsi. En conséquence, la demi-fête a
une fonction cultuelle, à l’instar du jour de fête, et elle

requiert comme lui de la joie. C’est pourquoi, lors de ces


jours qui sont les tefilin du Maître du monde, il est inter-

dit de mettre d’autres tefilin, car ces jours, qui sont les tefi-

lin d’en haut, résident sur la tête des saints israélites.

Rabbi Eléazar questionna rabbi Siméon son père, il lui

322. La sefira Hokhmah.


323. La sefira Binah.
324.Yamim tovim, littéralement « jours bons », ce sont les jours de
fête chômés du calendrier juif
325. Voir Berakhot 6a.
326. Qui, comme les tefilin du bras, symbolise la sefira Malkhout.
327. Qui, comme les tefilin de la tête, symbolise la sefira Tiferet.
96 - LE ZOHAR [64d-65a]

dit : D’accord pour les tefilin de la tête qui résident sur les

têtes des saints israélites lors des jours de fête. Mais en ce qui
concerne les tefilin du bras, qui sont la demi-fête, comment
les prend-on ? Il lui répondit : Puisque nous les prenons
alors qu’ils sont une « main fatiguée », il est interdit de pra-
tiquer un culte de leur côté et il faut faire régner la joie du
côté des tefiilin de la tête. Le peuple saint entre en contact
avec les tefiilin <du Maître du monde et ils résident sur
eux lors des jours de fête et pendant les demi-fêtes, et il est

interdit d’ôter les tefiilin du Maître du monde <de sur la


tête> et de mettre d’autres tefilin qui en sont en bas la copie
et l’image. [Parabole] : un roi voulut protéger son serviteur.
Il lui dit : Façonne un sceau à l’image de mon sceau, aussi
longtemps que cette image apparaîtra sur toi, tout le monde
te craindra et te redoutera. Ensuite, à cause d’un amour plus
grand par lequel le roi se mit à le chérir [ 65 a], il remit entre
ses mains son propre sceau de cire très éminent dès que ; [le

serviteur] eut entre les mains le sceau très éminent du roi, il

abandonna la copie qu’il en avait faite. Si ce serviteur avait


repoussé le sceau très éminent du roi au profit du sceau qu’il

avait façonné, à l’évidence ce serviteur aurait été passible de


la peine de mort, parce qu’il eût déshonoré le sceau du roi

et eût méprisé sa gloire. C’est pourquoi il est interdit au


peuple saint de repousser le sceau du Roi d’en haut qui
réside sur nous au profit de l’image que nous en avons fabri-

quée. Cela lors des fêtes et des demi-fêtes et à plus forte rai-

son lors du sabbat, car tous résident sur nous. La nuit du


sabbat est les tefilin de la main, le sabbat du jour est les tefi-

lin de la tête. Tel est le dispositif mis en place par le Saint


béni soit-il à l’intention du peuple saint, son aimé. Lors du
temps profane il
y a les tefilin qu’ils ont façonnés, image du

328. Les mots entre crochets ne figurent pas dans la version de Or


Yaqar.
[65a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 97

sceau du Roi, pour qu’ils soient protégés de tous côtés. Lors


du sabbat et des fêtes qui sont vraiment les jours des tefilin
du Maître du monde, on ôte cette image et on met les teft-
lin du Maître du monde. Heureux <ce peuple qui
touche le sceau très éminent du Roi.
Celui qui met les tefilin doit se réjouir à ce propos il
est écrit « Tu te réjouiras dans ta fête » (Deut. 16:14). Avec
:

les tefilin du Maître du monde il faut se réjouir et cette

joie a lieu lors des fêtes et des demi-fêtes au moyen des tefii-

lin de la tête et des tefilin du bras. Lors des jours de fête, à

partir de cette Odeur suprême « tes parfums sont bons »

(Cant. 1:3), tefilin de la tête^^^ Lors des demi-fêtes, « ton


nom est un parfum qui s’épand » (ibidem)^ tefilin de la main,
qui s’élève pour s’unir de façon mystérieuse aux tefilin de la

tête. « Voilà pourquoi les jeunes filles t’aiment » (ibidem) lors


du dernier jour bon de la fête, car alors les tefilin de la main
sont parachevés et brillent en plénitude pour distribuer des
parts à tous, à tous les officiants et soldats d’en haut et à tous
les officiants et soldats d’en bas, aussi « les jeunes filles t’ai-

ment », ce sont les officiants et les soldats d’en haut ;


« les

jeunes filles », ce sont les officiants et les soldats d’en bas.

Rabbi Siméon prit la parole et dit : « Il sentit l’odeur de


ses habits et il le bénit, etc. » (Gen. 27:27). Que vit donc
Isaac, car bien que Jacob lui ait apporté à manger et à boire,
il ne le bénit pas, jusqu’au moment où il huma ses habits. Il

329. Dans la version de Or Yaqaron lit : « le monde » au lieu de


« ce peuple ».

330. Voir Berakhot 30b.


33 1 Lors de
. ces fêtes l’homme ne doit pas mettre ses propres tefi-

lin, ces fêtes faisant elles-mêmes office de tefilin, ce sont elles qui sont
dénommées « tefilin du Maître du monde ». Voir Moèd Qatan 8b.
332. Voir supra note 322 et son contexte.
333. Voir Chabbat 153a.
98 - LE ZOHAR [65a-65b]

faut scruter ce passage. Ces habits en fait n étaient pas ceux


de Jacob, la Torah en porte témoignage : « Les habits
d’Esaü, son fils aîné » {ibidem 15). Or il est marqué ici :

« Codeur de ses habits » {ibidem 27), mais était-ce ses


habits ? Il aurait fallu écrire : « L’odeur des habits », pour-
quoi « de ses habits » ? En réalité, il s’agissait bien de ses
habits à lui, et non de ceux d’Esaü. Et bien qu’il soit écrit
« les habits d’Esaü », ils étaient sur lui des loques De la

même manière, le puits près duquel Jacob s’assit et auprès


duquel Moïse prit place était en ruine chez les autres, dès
que vint Jacob le puits reconnut son maître et les eaux mon-
tèrent vers lui^^^ de même en ce qui concerne Moïse De
cette façon, les habits étaient en loques sur Esaü ; dès que
Jacob les revêtit, les vases reconnurent leur maître. Depuis
le jour où le Saint béni soit-il les façonna, leur odeur ne s’est

pas exhalée jusqu’au moment où Jacob s’en revêtit, alors les

habits retrouvèrent leur forme. Jacob, bien sûr, était l’image


d’Adam et sa beauté lorsque les habits aperçurent l’image
d’Adam, ils émirent une odeur. Trois odeurs lurent ici exha-
lées : la première est « l’odeur de ses habits » (Gen. 27:27),
la deuxième « l’odeur de mon fils » (ibidem), la troisième
« l’odeur d’un champ qu’a béni YHVEî » (ibidem). Et
toutes les trois montèrent vers Isaac quand Jacob s’approcha
de lui. Toutes sont énoncées dans ce verset. « L’odeur de ses
habits », c’est : « Voilà pourquoi les jeunes filles t’aiment »

(Gant. 1:3). « L’odeur de mon fils », c’est : « Tes parfums


sont bons » (Gant. 1:3). « L’odeur d’un champ », c’est :

« Ton nom est un parfum qui s’épand » (Gant. 1:3). [65b]

334 . On peut comprendre aussi, comme le fait R. Margaliot, que


ces habits « étaient sur lui à la suite d’un vol ». Voir Genèse Rabba
65:16.
335. Voir Pirqé de Rabbi Éliézer chap. 36.
336. Voir Exode Rabba 1:32.
337. Voir Baba Metsia 84a.
[65b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 99

Bien sûr elles constituent toutes un unique lien. Et le secret

du sacrifice dont nous avons traité, comme il est dit : « Un


feu [sacrificiel] » (Lév. 1:9), c’est « les jeunes filles f aiment »

(Gant. 1:3) et tout est un unique secret. « Odeur » (Lév.

1:9) : « Ton nom est un parfum qui s’épand » (Gant. 1:3) ;

« apaisante » (Lév. 1:9) : « tes parfums sont bons » (Gant.


1:3) et tout est un. « Pour YHVH » (Lév. 1:9) : c’est « par
l’odeur » (Gant. 1:3). Et tout est une seule parole et un
même secret en un unique lien, ainsi qu’il a été dit.

« Entraîne-moi (machekhéni) à ta suite, courons » (Gant.


1:4). Il est écrit : « Je placerai ma demeure (michkani) au
milieu de vous » (Lév. 26:1 1). Viens et vois : le Saint béni
soit-il plaça sa Ghekhinah au milieu d’Israël pour les cou-
ver comme une mère ses enfants, et pour les protéger de
tous côtés. Aussi longtemps que cette sainte Mère réside
auprès d’eux, le Saint béni soit-il vient loger avec eux. En
effet, le Saint béni soit-il ne l’abandonne jamais et tout
l’amour d’en haut est pour Elle. G’est pourquoi II l’a placée
comme un gage^^^ au sein d’Israël pour qu’ils sachent qu’il
ne les oubliera ni ne les abandonnera jamais. Pour quelle
raison? Parce que ce gage est au milieu d’eux Et Elle dit :

J’étais un gage parmi les êtres un gage


d’en bas, je serai
auprès de Toi et pour monter à Ta rencontre. Moi et mes
enfants « à ta suite, courons » (Gant. 1:4).
« Entraîne-moi » (Gant. 1:4). Revenons en arrière pour
établir un lien avec les propos précédents concernant le

secret du « feu, odeur apaisante » (Lév. 1:9). Au moment où


le désir s’élève d’en bas par le secret du sacrifice, Elle^^°

338. Jeu de mots avec michkan (demeure) et machkouna (gage). Le


Zohar réemploie ici une exégèse du Midrach, voir Cantique Rabba sur
Gant. 1:4.

339. Voir Megilah 29a.


340. La Ghekhinah ou la sefira Malkhout.
lOO - LE ZOHAR [ 65 b]

monte et dit à son Bien-aimé^"^^ « Entraîne-moi », tends la :

main vers Moi pour me recevoir et pour me faire monter du


côté de l’éveil de la Gauche et [tends] ta Droite pour
m’étreindre et c’est ce que signifie « entraîne-moi ». Et ce
« feu » s’adresse à « l’odeur », !’« odeur » à !’« apaisante »,

r« apaisante » à « YHVH », et aussitôt « à ta suite, cou-


rons ». Que signifie « courons » ? Soyons dans l’agrément,
comme il est dit : « Afin quelle soit agréée en sa faveur pour
lui servir d’expiation » (Lév. 1:4), et c’est ce qui est écrit :

« On le fit sortir en hâte de la fosse » (Gen. 41: 14). Que


signifie « on le fit sortir en hâte (vayeritsouhou) » ? Qu’on l’a

attendri (artsou) par de bonnes paroles, par des propos de


bonne volonté car il était triste à cause de cette fosse. Aussi
« courons » (naroutsa), soyons dans l’agrément, d’une
volonté entière comme il se doit. « À ta suite, courons » :

prends l’agrément le premier, et après que Tu l’auras pris.

Moi et toutes mes jeunes filles serons dans l’agrément, aussi


« entraîne-moi ». De là [nous apprenons] que les agréments
et les bénédictions ne se trouvent que dans un lieu où mâle
et femelle sont unis ensemble et pour cette raison
« entraîne-moi » vers Toi au début, afin que Je reçoive un
agrément du lieu où se trouvent tous les agréments. Ensuite,

« à ta suite, courons », nous serons dans l’agrément. Et si Tu


ne m’entraînes pas vers Toi, l’agrément et la volonté d’en
haut ne résideront pas sur Toi, car un mâle sans femelle, les

bénédictions ne s’établissent pas sur lui^^^. Et tout cela à


l’image de ce dont nous avons traité au sujet du secret de

341 La . sefira Tiferet.

342. La sefira Guevourah.


343. La sefira Hessed.
344. D’après Cantique des Cantiques 2:6.
345. Voir Yebamot 62b.
346. Formule maintes fois répétée dans le Zohar, voir par ex. Zohar
I, 55b, 165a, 182a, 233a, III, 5a, 74b, l48a, 296a.
[65b-65c] CANTIQUE DES CANTIQUES - lOI

X aleph. En effet, là se trouvent ces secrets, « un feu, odeur


apaisante pour YHVH » (Lév. 1:9). Et c’est le secret de l’en-

haut et de l’en-bas, et tout le secret de la Foi dépend de lui,

aussi [le alep!^ équivaut-il à un, et tout est aleph. Quand


cette lettre s’envole dans les airs, mille et cent mondes s’élè-

vent et fusionnent en son sein. Et d’autres lettres s’inscrivent

et se gravent à sa suite. Et elle se couronne d’un diadème


gravé qui comprend tous les mondes. Et elle est un aleph,
« un feu, odeur apaisante pour YHVEf » (Lév. 1:9). « Un
feu » : c’est la pointe [du alepl^ qui pend en bas, secret de
tous les soldats et officiants, ceux-ci et ceux-là. « Odeur » :

secret de ce qui est au-dessus de cette pointe et qui est inséré


au milieu « Apaisante » : Char de l’extension centrale
[du alepl^ sur lequel le Souffle d’en haut^"^^ réside. « Pour
YHVH » : Point suprême qui est au-dessus du milieu [du
alepl^ et qui fait tout subsister, et tout est un unique lien. Et
le secret de ce qui se situe en arrière du milieu [du aleph^^^]
dit : « Entraîne-moi à ta suite » (Gant. 1:4) pour me
conjoindre à Toi, pour prendre les bénédictions du Point
suprême qui est au-dessus de Toi. Et lorsque nous serons
mâle et femelle ensemble, dès que Tu auras pris bénédic-
tions et agrément. Moi et la pointe qui pend au-dessous de
Moi « à ta suite, courons », accordons-nous à Ta suite, pour
être une plénitude unique en haut et en bas et constituer un
aleph, chacun selon sa propre perfection. [65c]
« Le roi m’a fait entrer dans ses appartements, etc. »

(Gant. 1:4). Rabbi Siméon pleura à nouveau et dit Qu’il :

nous soit permis à tout le moins de révéler des secrets d’en

haut! La joie règne parce que Sa volonté est que les secrets

347. La sefira Malkhout.


348. La sefira Yessod.
349. La sefira Tiferet.

350. La sefira Hokhmah.


351. La sefira Malkhout.
102 - LE ZOHAR [65c]

d’en haut soient révélés dans cette génération. Il faut


savoir qu’il n’y a pas de lien entre les propos tenus dans ce
verset. Puisqu’il est dit « entraîne-moi », pourquoi ajouter
« le roi m’a fait entrer dans ses appartements » ? Il aurait dû
dire : « Fais-moi entrer dans tes appartements », c’est pour-
quoi « jubilons et réjouissons-nous à cause de toi » (ibi-

dem). En réalité, les êtres d’en haut et d’en bas, ainsi que
tous les mondes, dépendent du secret des lettres. Le lien
entre les lettres est bien tel : il s’agit d’un lien [marquant]
la louange envers la Lumière, car Elle dit, à l’adresse de son
Epoux, le milieu du aleph, « entraîne-moi » avec Toi,
comme il a été dit, et bien qu’Elle ait dit cela. Elle veut se
trouver auprès de Lui, et bien qu’Elle soit au-dessous de
Lui dans un état d’abaissement vis-à-vis du milieu du
aleph et qu’Elle soit couchée sous Lui, Elle dit : Je ne suis
pas dans un tel état, et bien que Je sois vis-à-vis de Toi
dans cet état-là, « le roi m’a fait entrer dans ses apparte-
ments » (Gant. 1:4), Je suis éminente et chérie au regard
du Roi suprême, sans aucun abaissement. En effet, « Il m’a
fait entrer dans ses appartements », en quel lieu? Dans la

lettre hé car l’extension de l’en-haut, le secret du Roi


suprême, est la lettre hé. Et ce qui s’avance vers Lui c’est

Moi. Pour cette raison Je suis grandement prisée et dotée


d’une haute valeur, bien que Je sois dans un état d’infério-
rité par rapport à Toi. Et Je ne me soucie que d’être sou-
mise auprès de Toi et dominée par Toi, ainsi donc, même
si Je vais être davantage soumise à Toi, Moi et mes soldats

« jubilons et réjouissons-nous à cause de toi » (ibidem)^


nous prenons plaisir et joie à être auprès de Toi et à ne pas
nous séparer de Toi, car il n’est de joie et d’agrément
qu’avec Toi ; en effet, il n’est de joie et d’agrément pour
une femme qu’avec son époux, et non pas avec sa mère et

352. Le premier /;éduTétragramme, la sefira Binah.


65 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 103
[

avec son père^”. « Le roi m’a fait entrer dans ses apparte-
ments » (Cant. 1:4) et Je n’ai reçu de joie et d’agrément
qu’avec Toi.

« Le roi m’a fait entrer dans ses appartements »

(Cant. 1:4). Ce sont les chambres du jardin d’Eden. Si tu


objectes : Les chambres du jardin d’Eden Elle est le jardin
!

d’Eden et c’est Elle qui aurait énoncé cela ! En réalité, il

s’agit des « chambres » dont le jardin d’Eden se nourrit et


d’où il tire son nom.

La première chambre est Yah^^^ C’est une chambre et

une salle supérieure qui est sans apparence et sans aucune


couleur si ce n’est quand elle se teinte selon la circonstance
de par la mesure de la Flamme rigide puis celle-ci se
retire dans l’Infini au sein du mystère caché. En cette pre-
mière chambre, lorsque la mensuration se retire, la teinte

de la couleur disparaît et se dissimule et aucune couleur


n’y apparaît plus. Alors aux quatre côtés apparaissent en se
cachant et se cachent en se manifestant les quatre

353. Qui se réfèrent aux sefirot supérieures, Binah et Hokhmah, le

« Roi suprême » et le « Point suprême ».

354 La sefira Malkhout.


.

355 Ce nom se rapporte


. à la sefira Binah.
356. Botsina deqardinouta, ou Lampe perçante, dure. Cette
« Flamme rigide » qui procède de Tlnfini {Zoharl, 15a) agit sur l’éma-
nation en la délimitant et la déterminant sous la forme des sefirot. Elle
est identifiée aussi avec la « ligne de mesure » {qav ha-middah, d’après
Jér. 31:39), voir Zohar Hadach 12b-c, 56d-58d. Sur cette expression,
traduite aussi parfois par « Flamme obscure », voir notre développe-
ment dans Le Zohar, I, Lagrasse, Verdier, 1981, p. 484, et t. II,

Lagrasse, Verdier, 1984, notes complémentaires, p. 549, note 38. Voir


Y. Liebes, Sections ofthe Zohar s Lexicon (en hébreu), Jérusalem, 1976,
p. 151-154, n° 51 , 161-164, n° 6. Et voir Elliot Wolfson, art. cité supra
note 197 , p. 170 ;
« Effacer l’effacement. Sexe et écriture du corps divin
dans le symbolisme kabbalistique », dans Transmission et passages en
monde JwzJf Esther Benbassa (éd.), Paris, Publisud, 1997, p. 72, note 24.
~ LE ZOHAR
104 [65c]

lettres suivantes : Ehyeh (Je serai ^^0- Pourquoi portent-elles


ce nom ? Parce qu elles sont destinées à se révéler depuis
rôdeur qui est au-dessus d’elle. Et tant quelle n’est pas
assez pleine pour éclairer l’en-bas, elle est appelée « Je
serai ». Le signe en est le début de la prophétie de Moïse
car jusqu’à cette époque la Lune^^° ne s’était pas départie
de son voile pour être éclairée par le SoleiL^\ et comme la

Lune était dans les ténèbres, le Soleil jusque-là ne rayon-


nait pas sur elle, et cette Salle supérieure ne se révélait
pas pour briller, car cette Odeur suprême s’était retirée

au sein du mystère de tous les mystères totalement


inconnu alors « Je serai ». Et quand elle retourna à sa
place elle se mit enfin à tout illuminer, alors « qui Je
serai ». À ce moment, en effet, elle fut agencée pour être
remplie à partir d’un minuscule canal qui la pénètre mys-
térieusement Néanmoins par ces noms les Flammes ne
se révélaient toujours pas pour éclairer. Ensuite [apparut]
le troisième « Je serai » {Ehyeh)y celui-ci étant prêt à se
manifester et à épandre des lumières de tous côtés, et c’est
cela « Je serai » : Me voici prêt à me révéler Et ce troi-

357. Nom divin de quatre lettres qui apparaît dans Exode 3:14. Il

se réfère ici à la sefira Binah dans Tun de ses aspects préalables à sa

manifestation.
358. La sefira Hokhmah.
359. Comparez avec Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op. cit.,

p. 279.
360. La sefira Malkhout.
361. La sefira Tiferet ou Yessod.
362. La sefira Binah dont il est essentiellement traité ici.

363. La sefira Hokhmah.


364. La sefira Keter.

365. Allusion à un élément subtil issu de la sefira Hokhmah qui


s’introduit dans la sefira Malkhout pour l’abreuver d’influx ontiques.
Cet élément a une fonction qui rappelle celle de la sefira Yessod à un
niveau inférieur de l’émanation.
366. Exode 3:14, fin du verset.
[65c-65d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 105

sième [« Je serai »] [65cl] est ragencement du Chofar pour


émettre la Voix^^^ Quand cette Voix surgit par la force du

Commencement de la Voix^^^ elle surgit avec la puissance


de Celui qui la fait résonner Ce Commencement de la
Voix est appelé YHVH parce que cette puissance du
Commencement retourne à sa place et ne se révèle pas
comme les autres noms. Lorsque ensuite la Voix s’étendit
en une procession apaisée elle prit le nom de YHVH,

nom qui se révèle.


Ici se trouve le secret des secrets pour ceux qui connais-
sent la Sagesse suprême, mais peu nombreux <sont ceux
qui connaissent ce nom-là! Et bien que nous en ayons
traité dans le Secret des lettres^'^'' et de façon pertinente, les

points-voyelles et les signes de cantillation constituent

367. Voir encore Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire^ p. 281 et

les notes, qui se rapportent à des passages parallèles du Zohar.


368. C’est la sefira Binah (le « chofar »), qui émet la sefira Tiferet

(« la voix »), recelant l’ensemble des émanations. Pour l’ensemble de


cette thématique, voir notre article, « Pensée, Voix et Parole dans le

Zohar», Revue d’Histoire des Religions, 213-4/1996, p. 385-414.


369. Ce « commencement de la Voix » étant la sefira Binah.
370. Celui-ci étant la sefira Hokhmah.

371 Ponctué avec les points-voyelles du nom Elohim, le


.

Tétragramme se rapporte à la sefira Binah.


372 La sefira Tiferet, axe vertical des émanations.
.

373. Ces mots manquent dans la version de Or Yaqar (p. 83).


374. Il est difficile de dire si cette expression se réfère à une section
particulière du Zohar ou si elle a un sens plus général.
375. Le utilise le mot neqoudey (points) pour désigner les

signes de ponctuation vocalique, usage devenu courant au xiii siècle, "

voir E. Gottlieb, Studies in the Kabbala Literature, édité par Joseph


Hacker, Tel Aviv, University Press, 1976 (en hébreu), p. 73, 198;
Y. Liebes {op. cit. supra nott 356), p. 174-175, n° 24; E. Wolfson, art.

cité supra note 197, p. 170-171, note 102.


376. Les teamim, qui sont des marques prosodiques indiquant le

rythme, les pauses, les divers mouvements de la lecture à haute voix du


texte biblique.
io6 - LE ZOHAR [65d]

une tradition de Moïse depuis le Sinaï, [transmise] de


manière ésotérique aux sages de cœur^^^ C’est le secret de :

« Dans le cœur de tout sage de cœur j’ai mis de la sagesse »

(Ex. 31:6). En effet, par le secret des points- voyelles et des


signes de cantillation, ils savaient illuminer les Formes d’en
haut^^^ Ils connaissaient les points-voyelles par lesquels les
lettres sont dirigées et grâce à leur secret ils savaient et
possédaient l’art d’établir une Forme de manière mysté-
rieuse, parce que l’intention et la volonté étaient néces-
saires en ce qui touchait toutes les Œuvres et Formes
sublimes d’en haut. Eux savaient, au moyen du secret de la

forme des points-voyelles, mettre le cœur et la volonté au


diapason de toute Œuvre sans exception. Toutes les formes
composant le Sanctuaire n’étaient rien d’autre que le

secret des lettres minuscules, car il existe de grandes lettres

377. Le Zohar^i^nà. ici position contre l’attribution tardive de ces


signes vocaliques (vers le x^ siècle), et il en fait remonter la tradition à

Moïse. Cependant, cette tradition serait restée cachée pendant long-


temps. L’expression « sages de cœur » désigne les mystiques et les caba-

listes.

378. Ils savaient, au moyen de ces signes, provoquer l’épanchement


des sefirot (les « Formes d’en haut »). Comme on va le voir, ces Formes
se réfèrent plus précisément au Temple céleste et à ses composantes,
qui correspondent aussi à des sefirot ou à leurs différentes facettes.
379. Comparez avec Zohar\^ 15b. Cette hiérarchie, qui situe les

points-voyelles au-dessus des lettres-consonnes apparaît dans la littéra-


ture médiévale, voir les sources indiquées par E. Wolfson dans son
article cité supra (note 197), p. 175, note 124; d’après ce dernier, le

Zohar^ovxt à cette hiérarchie les signes de cantillation qui correspon-


dent à l’intelligence (mais voir ibidem, p. 176, note 127 où il rapporte
des textes parallèles contemporains du Zohar).
380. La concentration consciente et volontaire sur ces Formes par
le biais des mots qui les invoquent suppose la connaissance de leurs
voyelles et des secrets de celles-ci. Le but pratique et théurgique de cette
connaissance - en particulier la construction surnaturelle du tabernacle
et du Temple - est clairement souligné dans les lignes qui suivent.
381. Le sanctuaire mobile du désert.
[ 65 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 107

supérieures et il existe de petites lettres minuscules Les


petites lettres minuscules constituent l’œuvre du
Sanctuaire, les grandes lettres supérieures constituent
l’œuvre de la Sainte Maison du premier Temple. Ceux-ci
n’ont été façonnés pour être consacrés en haut que d’après
une forme déterminée. En ésotérisme, les points-voyelles
des lettres minuscules sont du côté Gauche et les points-
voyelles des grandes lettres supérieures sont du côté Droit,
les uns étant semblables aux autres. Mais ils furent oubliés
du monde. Quand des sages survinrent et reçurent la
lumière de la Sagesse de la part des anciens, qu’ils placèrent
[ces points-voyelles] sur les lettres, en haut les lettres se

mirent en mouvement grâce à eux. C’est pourquoi la

réalisation du Sanctuaire et la réalisation du Temple sui-


vant les formes des points-voyelles étaient parfaites grâce à
l’intention et à la volonté. Les mouvements des signes de
cantillation faisaient subsister l’ensemble par le biais de
Moïse, c’est pourquoi : « Ils apportèrent le Sanctuaire à
Moïse » (Ex. 39:33), car il faisait tout subsister par leur
secret. Parmi les mouvements des signes de cantillation,
certains correspondent au secret de l’en-bas afin de
conduire et de maintenir l’œuvre du Sanctuaire. Certains
autres correspondent au secret de l’en-haut, afin de
conduire et de maintenir l’œuvre du Temple. Le roi
Salomon n’eut pas besoin de [faire usage de] points-
voyelles ni de signes de cantillation, eux-mêmes vinrent
secrètement et silencieusement sculpter en les gravant les

formes du Temple. C’est ce qui est indiqué : « Quand la

382. Voir Zoharl, 3b, 38a, 159a, II, 134a, 174a, 180b, 205b,
228a-b, III, 2a, 220a. Les grandes lettres procèdent de la sefira Binah,
les petites de la sefira Malkhout.
383. À savoir :
pour que les lettres-consonnes soient articulées
grâce aux voyelles.
io8 - LE ZOHAR [65d-66a]

Maison se bâtit » (I Rois 6:7), bien évidemment « elle

était de pierre parfaite, de la carrière » (ibidem). « De pierre


parfaite », et aucune lettre minuscule ne manquait, comme
il en jfiit de l’œuvre du Sanctuaire. « Marteaux, pics, aucun
outil de fer ne fut entendu dans la Maison quand on la

bâtissait » (ibidem) \ « ne fut entendu », bien sûr, c’est son


lieu qui en était la cause, car il était silencieux Pour cette
raison, le rouleau de la Torah qui est l’image du Temple ne
comporte pas de signes de cantillation ni de points-
voyelles puisque tous sont celés à l’intérieur de lui, à l’ins-
tar de l’image du secret du premier Temple au sein duquel
les signes de cantillation et les points-voyelles étaient
enclos.

La poussée de la puissance du Commencement de la

Voix retourna à sa place et ses points-voyelles [se rendirent]

dans les lettres YeHViH, celles-ci étant le secret du nom


Elohim^^^. À cause de ces [points-voyelles] iL^^ porte un
nom manifestant le Dieu Vivant (Elohim Hayyim). C’est
ainsi que les points-voyelles de bas en haut et de haut en
bas, il les saisit et rassembla, puis il retourna à sa place.
<Ensuite> il se déploya en une procession apaisée et les

points-voyelles devinrent semblables [66a] au mystère de


l’en-haut, pour que tout soit un même secret comme il se

doit, lettres et points-voyelles de la même façon. Dans

384. Sous-entendu ;
quand elle se bâtit elle-même. Voir Nombres
Rabba 14:3.
385. Le « lieu » du premier Temple, sa source divine, se trouvait
dans les sefirot les où règne le silence du mystère insai-
plus hautes, là
sissable.

386. Voir supra note 371.


387. LeTétragramme.
388. Voir supra note 372.
[66a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 109

les trois premières lettres y a des points-voyelles, mais


il

le dernier hé n’a aucune lumière par lui-même en


revanche, le yod recèle de la lumière, c’est lui qui projette
du Point
sur [cette lettre] la lumière selon cette figure et
d’après cette image yod - lumière du Point, selon la
:

même figure et suivant un unique secret. Le Vav, qui est au


milieu a comme vertu de faire que tout soit souffle et
corps d’une forme et d’une lumière parfaites, ainsi qu’il
sied. C’est pourquoi ce nom est le nom de la miséricorde,
car les lettres et les points-voyelles sont selon une même
image et un même secret, ils concordent entre eux. Mais
lorsque les lettres et les points-voyelles sont discordants les
uns par rapport aux autres, [ce nom] n’est plus alors sur

une voie de miséricorde car ils se tiennent à l’envers, c’est

le secret du [verset] : « Elle vint entre le camp des Egyp-


tiens, etc. » (Ex. 14:20). Dans le secret des lettres, la signa-

ture du Saint béni soit-il se manifeste de ces trois façons.


Celle qui est à l’envers n’est pas sur une voie de miséricorde
parce que les lettres ont été inversées, et à plus forte raison

quand les lettres sont disposées de manière tout autre. Le


dernier hé n’a rien par lui-même, c’est pourquoi il n’a pas
lui-même de point-voyelle, sauf quand il accomplit une
mission et qu’on lui prête un point-voyelle pour qu’il s’ex-
prime. Et comme on lui prête un point-voyelle, de la

389. DuTétragramme : Y, H, V. Ces trois lettres se réfèrent à l’en-

semble des sefirot, sauf à la dernière, la sefira Malkhout, que le hé dont


on va parler symbolise.
390. Comme la « lune », voir supra note 326.
391. Voir supra note 15. On peut lire aussi « la lumière de la

voyelle » qui se trouve sous le yod. Le jeu de mots est évident.

392. Les deux premières lettres duTétragramme sont semblables à


la première et à la dernière.

393. Il se rapporte à la sefira Tiferet, la colonne centrale, l’axe ver-

tical des émanations.


IIO - LE ZOHAR [66a]

même manière on lui prête des lettres qui sont le secret

d’en haut, afin qu’il mène cette mission à son terme.

Deuxième chambre. C’est la chambre et la salle de


Droite en laquelle une vision qui se dissimule et se
est

cache. Dès quelle a émergé et brillé en fonction d’une cir-


constance, elle se cache aussitôt. « El », pourquoi porte-
t-elle ce nom? Le aleph (E) est le secret de la première
Lumière qui est incluse dans deux Lumières aussi le
aleph est-il un. De là commence le rayonnement et l’effu-
sion des Lumières dans toutes les directions. Pour cette
raison elle est la première de toutes les lettres, leur com-
mencement à elles toutes. Principe de trois qui sont un,
trois Lumières font partie de la lettre aleph^^^ dans un bras
d’un côté et dans un autre bras de l’autre côté ; un vav est
au milieu qui réunit ces deux bras. Cette dimension
médiane est nécessaire entre les deux bras de sens opposé,
parce quelle les retient et qu’à elle seule elle est comme les
deux ensemble. Aleph feu d’un : côté, eau d’un autre côté,
le souffle s’interpose au milieu et retient les deux côtés et

tout est un^^^


De plus, cet aleph se déploie et se constitue de leur
somme à eux tous^°®, et dès qu’il est composé de la plénitude

394. Ce nom se rapporte à la sefira Hessed.


395. La sefira Hessed.
396. Les deux sefirot précédentes semble-t-il, Hokhmah et Binah.

397. Des diverses émanations, les sefirot.

398. La version de Or Yaqar^ont « la lettre hé». La lettre aleph


comporte trois traits juxtaposés (appelés ici bras) et ceux-ci renvoient
aux sefirot Hessed, Guevourah, Tiferet (les trois lumières qui sont un).
Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, Lagrasse, Verdier, 1996,
p. 256-257.
399. Le feu renvoie à la sefira Guevourah, l’eau à la sefira Hessed,
le souffle à la sefira Tiferet.
400. La sefira Hessed procède et la sefira Tiferet advient.
[66a] CANTIQUE DES CANTIQUES III

des deux côtés, par l’éveil d’en bas il s’éveille envers sa


Femelle et le aleph se renverse [et devient] un autre
secret Il prend sa Femelle au-dessous de lui et ils se

conjoignent ensemble, aussitôt le Point suprême se pose


au-dessus de lui, ce qui montre que la Lumière d’en haut,
le Point initiaL°^ avec Chekhinah supé-
le secret de la

rieure ne s’établit où Mâle et Femelle


que dans un lieu

sont réunis ensemble. « Au commencement Elohim créa


eth » (Gen. 1:1). Il y a ici quatre aleph, le Mâle et la
Femelle s’unissent ensemble dans ces quatre mots en :

chaque mot est un aleph qui est masculin et en chaque mot


est une lettre qui est féminine. Dans le livre de Rav

Hamenouna commencement) c’est


l’ancien, Beréchit (au
Adam et son épouse; bara (créa) c’est Abraham et sa
femme Elohim; (Dieu) c’est Isaac et sa femme ; eth c’est
Jacob et sa femme. Si tu dis que eth est toujours féminin
viens et vois : aleph est masculin, tav féminin, tous les deux
fusionnent ensemble et le féminin apparaît en plénitude,
comprenant le secret de toutes les lettres. Ainsi, bien que
eth soit féminin, il est dans le secret de la fusion avec le

masculin. Il
y a donc quatre couples ici et à chaque fois le

aleph est un mâle qui s’unit à sa femelle en une autre lettre.

La « Cité des quatre » porte ce nom parce que quatre


grands chefs du monde sont réunis. Le lamed est la

401. Il change de position et se dispose pour être face à face avec sa


Femelle, la sefira Malkhout.
402. La sefira Hokhmah.
403. La sefira Hokhmah, qui est masculine.
404. La sefira Binah, qui est féminine.
405. Alors qu’il vient d’être dit qu’il est à la fois masculin et fémi-
nin (Jacob et sa femme).
406. La ville d’Hébron.
407. Les quatre couples précités qui sont ensevelis dans la grotte de
Makpéla, le « tombeau des patriarches ».
II2 - LE ZOHAR [66a-66b]

Tour [66b] qui vole dans l’air parce qu’il est un grand
Roi"^®^. Pour cette raison il est appelé El, haut et milieu

ensemble haut et début de la Providence^”, début de


toutes les lettres ensemble. El : le aleph prend auprès de lui
le soutien de cette Tour qui vole dans l’air et avec elle il

acquiert un nom.

Trente-deux sentiers sortent de la Torah^’^ ils sont le

secret des dix Paroles^” et des vingt-deux lettres de la

Torah, tous ont émergé du secret du Point suprême


L’ensemble des dix Paroles sont incluses dans le secret de la

Torah qui est le Roi d’en haut'^^^ secret de la Torah


écrite"^”, le Monde à venir. Les vingt-deux lettres se
déploient et se mettent à briller depuis le début de la pre-

mière Lumière par le secret de l’unification, car là les

lettres sont [prêtes] à se manifester et à partir de là les

lettres brillent. Et le Aleph, mystère de toutes les lettres,

atteint le secret de l’Un.

408. Voir Sanhédrin 106b. Comparez avec Moïse de Léon, Le Sicle

du sanctuaire, op. cit., p. 260.


409. C’est la sefira Binah.
410. Le « haut » se référant à la sefira Binah, le « milieu » à la sefira
Tiferet.
41 1. Le « début de la Providence » désigne la sefira Hessed.
412. Le lamed, la sefira Binah.
413. De la Torah primordiale, la sefira Hokhmah. Sur ces sentiers,
voir le Livre de la Création 1:1.
414. L’ensemble des dix sefirot.

415. La sefira Hokhmah.


416. La sefira Binah.
417. La sefira Binah est identifiée ici à la Torah écrite, sans doute à
un stade de dévoilement initial, quand « l’écriture » n’est pas encore
révélée. Voir la suite du passage.
418. La sefira Hessed.
[66b] CANTIQUE DES CANTIQUES - II3

Troisième chambre, Elohim^^^ C’est une splendeur


rouge étincelant comme l’or"^^®. Splendeur qui parfois
rayonne et est bonne, et parfois s’obscurcit dans les
ténèbres et ne rayonne plus comme l’or. Elohim : secret de
l’éveil envers la Femelle, en ce côté-ci Ce nom a trait au
secret des secrets pour ceux qui connaissent la Sagesse, car

ce nom est masculin et l’éveil envers la Femelle par ce nom


éveille tout. Et sans l’éveil [provoqué] par ce nom, le

Juste ne se réveillerait pas. Et bien que [ce nom] soit tout

entier jugement et que le Juste soit du côté Droit son


éveil à lui ne se produit que par le côté Gauche. Adam
abandonna ce côté-ci et se laissa éveiller par le rebut de l’Or
qui sort de la saleté de ses scories

Elohim : E est mâle, lohim est l’éveil du Juste, et c’est la

circoncision avec la déchirure, sans aucun côté de


Prépuce Et cela est effectif quand ce nom est évoqué
pour le bien, comme : « Elohim évoqua son alliance » (Ex.

2:24), car l’Alliance s’éveilla. Et selon ce secret, « Elohim

419. Ce nom se rapporte à la sefira Guevourah.


420. Sur comme symbole de la sefira Guevourah (à cause de sa
l’or

couleur regardée comme étant rouge), voir déjà Bahir% 35, 38 (éd.
Abrams). Voir suprcL, note 125 et infra note 680.
421. Le côté Gauche. La sefira Guevourah émet des influx de
vigueur et de puissance considérés comme des forces qui déclenchent
le désir de la sefira Tiferet ou Yessod envers la sefira Malkhout.
422. La sefira Yessod.

423. Qui est le côté opposé où domine la sefira Hessed.


424. La faute d’Adam consista en ce qu’il délaissa la sefira
Guevourah (« l’or ») et ne reçut les influx que des « scories », à savoir
des puissances ténébreuses de l’Autre côté impur qui dérivent de cet
« or ».

425. Les quatre dernières lettres du nom Elohim sont en hébreu


l’anagramme du mot milah, « circoncision ». Le « prépuce » est un
symbole de l’Autre côté.
426. La sefira Yessod.
II4 - LE ZOHAR [66b]

visitera d’une visite » (Gen. 50:24). Dans [le domaine de]


l’Autre côté, laTorah témoigne de son jugement puisque de
là procède le Prépuce Parfois la Femelle hérite de ce
nom"^^® afin que le monde soit jugé par le secret du Prépuce,
lorsque cet Elohim se renforce en haut, que ce Prépuce dur-
cit et que la déchirure n’est plus'^^^ Ainsi donc, [ce nom] est

pour le bien grâce à la déchirure, car alors le Prépuce est

déchiré et éliminé, et se dévoile le secret de l’Alliance


sainte Et tout est dans le secret d’Elohim. En effet, cette

couleur se transforme de multiples façons, parfois comme


ceci, parfois comme cela, et c’est suivant le secret d’Elohim.
Elohim ce sont trois noms. L’un estElohim Vivant, qui
est Dieu vivant et Roi du monde Elohim de la frayeur
d’Isaac^^^ Dans le dernier Elohim là se déploie l’Elohim
de la frayeur d’Isaac. Sa providence est pour « sa moitié vers
la mer orientale (El Ha-YaM) » (Zac. 14:8) précisément, et
pour « sa moitié vers la mer occidentale » (ibidem) vers « la \

mer occidentale (El Ha-YaM) » précisément, car il est

appelé par ce nom^^"^. Et parce qu’il émerge de ^en-haut^^^


il a la permission d’intégrer la Droite en son sein, et

427. De même que les « scories » précitées procédaient de « l’or ».

428. Il arrive en effet que le nom Elohim désigne la sefira

Malkhout et non la sefira Guevourah.


429. La déchirure étant, lors de la circoncision, l’acte qui consiste
à éliminer totalement le prépuce.
430. La sefira Yessod apparaît et se lie à la sefira Malkhout.
431. Voir Jérémie 10:10. Il s’agit de la sefira Binah.
432. La sefira Guevourah. Les mots « Frayeur d’Isaac » constituent
un nom divin dans la Genèse, voir 31:42.
433. La sefira Malkhout.
434. Elohim comme étant composé de deux mots, eltx. hayam
est lu

(avec un changement de vocalisation), il signifie alors « vers la mer ».


435. La sefira Guevourah procède de la sefira supérieure Binah.
436. La sefira Hessed. Voir Zohar I, 244a, trad. dans Le Zohar,
t. IV, p. 175.
[66b-66c] CANTIQUE DES CANTIQUES - II5

quand la Droite a été intégrée en son sein, il est alors dans


la joie et saisit la Mer d’en bas"^^^ sous la tête, comme il est

écrit : « Sa gauche est sous ma tête » (Cant. 2:6), alors il est

appelé Elohim, car il se rend vers la « mer occidentale ».


Et c’est cela la troisième chambre issue du Roi d’en haut^^^

Quatrième chambre, image de Jacob l’Ancien selon le

secret de YHV, qui prend l’héritage du Père et de la Mère^^^


et qui grandit au milieu d’eux et marche devant eux. La règle
de pudeur universelle l’exige, à l’image de l’ordre des lettres
du Maître de tout"^^^. Comme est agencé YHVH, le mâle a
pour règle de placer toujours sa femelle devant lui [66c] afin

de veiller sur elle et de lui épargner soupçon et jalousie, et


pour ne pas jeter les yeux sur une autre femme. Y est mâle,
H femelle, dans YH la femelle est devant le mâle, afin qu’il
la contemple constamment. Le fils^^ marche devant sa mère
pour la dissimuler aux regards [afin de protéger] son hon-
neur et l’honneur de son père. Tu en as un signe dans [le ver-

set] : « C’est un fils fécond, Joseph » (Gen. 49:22), comme


il est écrit : « Ensuite s’avancèrent Joseph et Rachel » (Gen.
33:7), Joseph est donc devant sa mère. <Jacob> prit sa

437 La sefira Malkhout.


.

438. La « mer occidentale » (littéralement « la dernière mer ») se


rapporte à la sefira Malkhout (associée à l’ouest), et la « mer orientale »
(littéralement « la mer primordiale ») évoquée plus haut dans le verset
se rapporte à la sefira Binah.

439 Désignation de
. la sefira Binah.
440. Il s’agit de la sefira Tiferet.

441. Le Père c’est la sefira Hokhmah, la Mère c’est la sefira Binah.


442. Ainsi dans nom YHV (Yaho), les deux premières symboli-
le

sent les sefirot Hokhmah et Binah (Père et Mère) et la dernière, le V,


symbolise la sefira Tiferet, « Jacob l’Ancien », qui fait figure de fils héri-
tier et se situe devant les deux précédentes.
443. Auquel correspond la lettre Vav.

444. Voir Genèse Rabba 78:10.


ii6 - LE ZOHAR [66c]

femme et la plaça devant lui pour que ce soit elle qui soit
sans cesse sous son regard et nulle autre [femme] . C’est ce
qui est écrit : « Constamment les yeux de YHVH ton Dieu
sont sur elle » (Deut. 11:12), car Elle"^"^^ ne s’écarte pas de
Son regard ne serait-ce qu’un instant. Tel est l’ordre des
saintes lettres de manière que cet agencement soit identique

en haut et en bas. Ces lettres prirent forme selon leur gra-


phie lorsqu’elles sortirent à l’extérieur par la puissance et la

force du Chofar. Alors, quand elles sortirent par la puissance


et la force du Chofar partir de la poussée qui façonna
un son constitué de feu, de souffle et d’eau les lettres se

matérialisèrent et furent tracées selon leur figure, chacune


selon ce qui lui convenait, et elles s’établirent à leur place.
Les lettres étaient auparavant enfouies au sein du Chofar,
sans aucun tracé visible; dès quelles émergèrent, elles se
matérialisèrent toutes et elles furent tracées selon leur image,
chacune selon ce qui lui convenait, en fonction de ce
qu’exige le secret des points-voyelles. « Ses appartements »

(Cant. 1:4) : ce sont des chambres mystérieuses « Il m’a


fait entrer » (ibidem) :
parmi ces lettres, pour être au milieu
d’elles à l’intérieur d’une matrice en une même unité. Et
tout cela pourquoi ? « Pour jubiler et nous réjouir en toi »

(ibidem), pour que nous ayons de la joie « en toi ».

445. La sefira Malkhout.


446. De la sefira Binah.
447. Extériorisant ainsi les forces de jugement (le « feu »), de misé-
ricorde (le « souffle ») et de grâce (!’« eau »).

448. Référence aux quatre « chambres » qui viennent d’être évo-


quées.
449. La sefira Malkhout est introduite au sein des lettres encore
insérées dans la sefira Binah, leur « matrice », étape ultime de son élé-
vation le long des degrés émanatifs (les « chambres »). Le mot que nous
traduisons par « matrice » (petera) est orthographié de diverses façons,
souvent fautives, dans les éditions imprimées (gouftera ou gaftera).
Nous suivons toujours la version de Or Yaqar.
[66c] CANTIQUE DES CANTIQUES - II7

Par la bouche d’Élie ceci a été énoncé : « Entraîne-moi à


ta suite, courons » (Gant. 1:4). Il est écrit : « Dieu créa
rhomme à son image, etc. » (Gen. 1:27). Lorsque le Saint
béni soit-il créa l’Homme ainsi que le dirent les compa-
gnons heureux sont-ils, deux Figures furent créées avec
les grandes lettres d’en haut et avec les petites lettres d’en
bas. Les grandes lettres d’en haut étaient alignées correcte-
ment en ce qui concerne le Mâle. Les petites lettres d’en bas
étaient en ordre inverse en ce qui concerne la Femelle Les
grandes lettres d’en haut étaient correctement alignées
concernant Mâle a (aleph), b (heit), g (guimel), d {dalet),
le :

et ainsi de suite, tel que les lettres doivent aller selon une

voie rectiligne vis-à-vis du Mâle. Les petites lettres d’en bas


étaient en ordre inverse, à l’envers vis-à-vis de la Femelle :

t (tav), ch (chin), r (rech), q (qouf), et ainsi de suite


comme il convient en ce qui concerne la Femelle, qui était
derrière, nœud des tefilin appelé « derrière », ainsi qu’il est

dit : « Derrière et devant tu m’as formé » (Ps. 139:5); « der-


rière » pour la Femelle, « devant » pour le Mâle. Et c’est ce

qui est écrit : « Tu verras mes arrières » (Ex. 33:23), c’est la

Femelle qui était par-derrière. Et lorsque la Femelle fut

450 Il est traité ici de l’émanation de l’Homme d’en haut, la forme


.

divine anthropomorphe qui constitue la structure des sefirot (le Chiour


Qomah). La création de l’homme d’ici-bas est un reflet, sur un plan
inférieur, de cette formation initiale. Cet Homme d’en haut comporte

deux flgures, une face masculine et une face féminine, chacune étant
constituée d’une série de lettres.

451 Voir Berakhot 61a.


.

452 Voir E. Wolfson (art.


. cité supra Viox.ç, 197), p. 174, qui renvoie à
Zohar, I, 3b, 38a, 159a, II, 132a, 134a, 174a, 180b, 205b, 228a-b, III,

2a, 220a et sur les 22 lettres au sein de la Chekhinah, voir ZoharW., 21 2b.
453 Dans. l’ordre inverse de l’alphabet, de la dernière à la première
lettre.

454 Nous suivons


. les versions imprimées. La version de Or Yaqar
est plus brève et moins répétitive.
ii8 - LE ZOHAR [66c]

maquillée car le Roi d’en haut^^^ l’orna pour que les

lettres retrouvent leur place [dans l’alphabet] comme il sied,


il les introduisit dans les chambres [du Mâle] pour qu elles
soient mises en ordre, et les lettres furent réordonnées.
Chaque lettre de la Femelle appelait une lettre du Mâle et

toutes les lettres sans exception furent recombinées en mâle


et femelle. Chaque lettre appelait et disait : « Entraîne-moi
à ta suite, courons » (Cant. 1:4). Quand elles furent réagen-
cées pour s’unir, elles furent organisées selon le secret de a,

t, b, , et elles furent disposées face à face. Lorsque la

Femelle veut paraître en la présence [du Mâle] Elle déclare ,

qu’Elle vient d’être enjolivée au gré de la Mère"^^® et que


toutes les lettres se sont réarrangées, c’est pourquoi « Le roi

m’a fait entrer dans ses appartements » (Cant. 1:4). « Le roi

m’a fait entrer dans ses appartements » pour être parée et

pour être ornée comme il faut. Et tout cela parce que « nous
jubilons et nous nous réjouissons à cause de toi (bekha) »

(Cant. 1:4) - les vingt-deux lettres signes sublimes; et


c’est cela bekha (« à cause de toi »), et c’est le secret de :

« Auxquels tu as juré à cause de toi (bekha) » (Ex. 32:13).

455. D’après BerakhotGlz qui raconte qu’Eve fiit peignée par Dieu
avant d’être présentée à Adam.
456. La sefira Binah.
457. Cette série composée comme suit la première
de lettres est :

lettre est suivie de deuxième de l’avant-dernière et ainsi


la dernière, la

de suite, de manière à ce que l’alphabet dans le sens normal et l’alpha-


bet dans l’ordre inverse soient combinés et qu’ ainsi se forment des
couples de lettres constitués d’une lettre provenant du Mâle et d’une
lettre issue de la Femelle. Voir E. Wolfson (art. cité supra note 197),
p.174 « Cette troisième structure [...]
: est appelée ailleurs dans le

Zohar “principe de toutes les lettres” et “secret du nom saint” (II,

132b), car toutes les lettres y sont contenues, les lettres masculines et
les lettres féminines, qui sont les fondements de la Torah identifiée

dans Zohar [. .] au nom de Dieu. »


le .

458. La sefira Binah.


459. La valeur numérique du mot bekha est 22.
[66c-66d] CANTIQUE DES CANTIQUES - II9

« Par le vin célébrons ton amour » (Cant. 1:4). Puisque


nous nous sommes unis ensemble dans notre joie, donnons
à chacun une part de notre joie et abreuvons-les, ainsi qu’il

est dit : « Qu’il se rappelle toutes tes offrandes » (Ps. 20:4).


« Par le vin » (Cant. 1:4) :
par notre joie, du côté de ce
qui réjouit tout.

« Ceux qui sont droits t’aiment » (Cant. 1:4). « Ceux


qui sont droits » : ce sont les lettres qui sont restées [à
l’écart]. Quelles sont-elles? Mem, noun, tsadé, péh, kaf^^\

car parmi toutes les lettres aucune n’est appelée « ceux qui
sont droits » (mécharim) hormis celles-ci [66d]. [Les lettres]

qui se sont dédoublées se rectifient (mécharim) l’une par


l’autre : le mem par le mem final, le noun par le noun final,

le tsadé^ 2s le tsadéïvccA, le péh par le péh final, le ^/^par le

kaf^vcsA. Elles se rectifient les unes les autres, une lettre par
l’autre. En effet, les vingt-deux lettres sont incluses « en
Toi » (bekha), celles qui sont restées [à l’écart], [appelées]
« ceux qui sont droits », « t’aiment » (Cant. 1:4), afin de
fusionner avec Toi parmi ces vingt-deux lettres. Celles qui
sont « ceux qui sont droits » (ibidem) sont des lettres dissi-
mulées et enfouies au sein du Monde supérieur Quand
la première Lumière a été mise de côté, ces lettres ont été
cachées. Adam en eut connaissance. Mais, après qu’il eut

péché, elles furent cachées comme auparavant, jusqu’à ce


que vînt Abraham et qu’il les connût par l’Esprit saint qui

résidait sur lui. Après quoi il en fit hériter Isaac, comme il

est écrit : « Abraham donna tout ce qui lui appartenait à

460. Épanchement de la sefira Binah.


461. Ce sont les cinq lettres finales de l’alphabet hébreu, qui redou-
blent certaines lettres de cet alphabet. Elles ne sont pas comptées dans
la série des vingt-deux lettres et forment un groupe distinct.

462. La sefira Binah.


463. La sefira Hessed.
120 - LE ZOHAR [66d]

Isaac » (Gen. 25:5). Isaac en fit hériter Jacob, Jacob en fit

hériter Joseph, et lorsque Joseph mourut et que les enfants


d’Israël furent en exil, ces lettres se cachèrent et disparurent
à nouveau. Jusqu’à ce que les Israélites se tiennent près du
mont Sinaï et que la Torah fût remise à Israël, alors les
lettres se révélèrent et les Israélites les connurent avec clarté,

selon le secret des saints noms gravés. Jusqu’à ce qu’ils


pèchent. Quand ils eurent péché elles s’éclipsèrent,
comme il est écrit : « Les fils d’Israël se défirent de leurs
parures à partir du mont Horeb » (Ex. 33:6). Moïse, Josué
et les soixante-dix Anciens les connurent et par elles ils

entrèrent dans le Pays. Lorsque le Temple fut bâti et que ce


Cantique fut révélé, ces lettres furent inscrites parmi les

vingt-deux lettres, secret de bekha, et c’est : « Ceux qui sont


droits t’aiment » (Gant. 1:4). Et il est écrit : « C’est toi qui
établis ceux qui sont droits » (Ps. 99:4), « Et ton palais
comme le bon vin va vers mon bien-aimé pour ceux qui
sont droits » (Gant. 7:10), tous ces [versets] se réfèrent au
secret de ces lettres, à celles qui sont appelées « ceux qui
sont droits ». Et ces lettres sont des couronnes cachées au
sein du Monde à venir Toutes sont des sources en cas-
cade à l’intérieur de la Pensée dans la gravure des secrets
des noms saints, dans la gravure de mâle et femelle, afin
d’être en harmonie ensemble, car il n’est pas parmi toutes
les lettres d’accord mutuel pour être l’une en l’autre,
excepté comme chez celles-ci.

Encore [une explication]. « Ceux qui sont droits »


(Gant. 1 :4) ce sont YH, dont l’amour commun va vers le

V ; ils sont en parfaite harmonie et ont le même désir à

464. Allusion à la faute de la confection d’un veau d’or.


465. La sefira Binah.
466. La sefira Hokhmah.
[66d] CANTIQUE DES CANTIQUES - I2I

l’égard du V. Aussi, « Entraîne-moi » (Gant. 1:4) vers toi,

pour de toi, car YH sont les lettres saintes d’en


être auprès

haut, V se joint à elles et constituent le saint Nom


le ils

supérieur YHV. Le H qui s’installe au-dessous du [V] et n’a


rien de lui-même comme désir de s’élever vers lui pour
s’unir à lui, mais il ne monte qu’avec une permission et il

dit : « Entraîne-moi », pour être avec toi pleinement uni.


« Le roi m’a fait entrer dans ses appartements » (Gant.
1:4) et il m’a ornée de toutes sortes de parures d’une
sublime beauté afin d’être avec toi. Aussi, « Jubilons et
réjouissons-nous à cause de toi » (ibidem), moi mes
et tous

ornements lorsque je serai près de toi dans une union


sans faille.

« Gélébrons ton amour » (Gant. 1:4). Gomme il a été


dit, faisons boire tout un chacun et réjouissons-les par ce
Vin"^^® qui réjouit tout et ne cessons pas de les faire se réjouir

car « ceux qui sont droits t’aiment » (ibidem), et eux"^^^ n’ar-


rêteront pas de te faire des dons parce qu’ils « t’aiment »

pour te donner, pour t’abreuver et pour t’éclairer.

Rabbi Siméon dit : S’il plaît au maître, [je dirais] qu’il est

écrit pourtant : « Tu as établi ceux qui sont droits »

(Ps. 99:4). Si ceux-ci sont YH, qui pourrait les orner hormis

467. Pour l’expression qui désigne la situation de la sefira


Malkhout, voir supra, note 326.
468. Ces « ornements », qui justifient le « nous » du verset, se réfè-
rent aux anges qui entourent la sefira Malkhout et sont assimilés aux
suivantes d’une reine.
469. Toutes les puissances angéliques.
470. Voir supra note 460.
471. Les sefirot Hokhmah et Binah, que les lettres YH précitées
désignent.
472. À« toi » la sefira Malkhout auquel le discours du Cantique
des Cantiques s’adresse ici.
122 - LE ZOHAR [66d-67a]

FAncien de tous les anciens totalement inconnu or Celui


qui est inconnu et qui est caché et dissimulé, n’est pas
dénommé « tu », alors qu’il est marqué et dit ici : « Tu as

établi ceux qui sont droits » (ibidem).


[Élie] lui dit : Il a été indiqué que les lettres n’ont pas de
forme matérielle avant d’émerger à l’extérieur dès
quelles sont sorties, elles se matérialisent et se mettent en
ordre, de sorte que le Saint béni soit-iT^^ soit dénommé par
ces lettres, c’est pourquoi « Tu as établi ceux qui sont
droits » (Ps. 99:4). Dès qu’ elles parviennent à ce lieu appelé
« tu^^^ », « ceux qui sont droits » se mettent en ordre. Pour
cette raison, le désir [du est de se conjoindre à ces
lettres pour qu’ elles constituent ensemble un Nom com-
plet. Mais avant que ses aspects à Elle n’aient été arran-

gés Elle ne se conjoint pas à ces lettres pour que toutes


forment un Nom complet. C’est pourquoi [67a] Elle dit
en ses parures de beauté : « Entraîne-moi à ta suite, cou-
rons » (Cant. 1:4), Elle et ses aspects Le roi m’a fait

entrer dans ses appartements, jubilons et réjouissons-nous »

473. La première sefira, Keter, qui est au-dessus de YH, lettres qui
se réfèrent à Hokhmah et Binah.
474. De la sefira Binah.
475. La sefira Tiferet.

476. La sefira Tiferet.

477. La lettre finale du Tétragramme qui se rapporte à la sefira

Malkhout.
478. Les lettres YHV, qui forment le nom Yaho, les trois premières
du Tétragramme.
479. Les « aspects » ou « côtés » de la sefira Malkhout sont les

diverses puissances angéliques dont elle se « pare » pour se manifester

ou pour s’approcher de la sefira Tiferet.

480. Le verset (et le suivant) comporte un premier verbe au singu-


lier suivi d’un verbe à la troisième personne du pluriel, ce qui indique
que la sefira Malkhout parle d’abord d’elle-même seule et inclut
ensuite ses « parures de beauté ».
[ 67 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 123

(ibidem). Elle et ses aspects. Parce qu Elle se pare de la

beauté de ses ornements pour se conjoindre [aux trois


lettres] afin Nom soit complet en une même unité.
que le

Car quand Elle s’élève, le Nom est alors complet, secret du


nom YHVH Elohim^®^ Et si tu dis :
quand Elle s’élève
pour se conjoindre, alors le Nom complet est YHVH et

rien de plus, où donc se trouve le secret de Elohim ? En


réalité, quand le Nom est dans sa complétude. Elle intègre
l’en-haut et l’en-bas, l’en-haut dans le nom de YHVH,
l’en-bas dans le nom de Elohim, alors Elle est complète à
tous égards.

Il est écrit : « Le roi Salomon sera béni » (I Rois 2:45).


Pourquoi est- il Salomon », c’est
appelé ainsi ? En fait, « roi

le Roi qui possède nombreux passages


la paix^^^, or dans de
il est écrit « le roi » simplement, et non pas « le roi

Salomon ». De vrai, « le roi » simplement désigne la


Maison de David, tandis que « le roi Salomon » se rapporte
au Roi qui possède la paix. « Béni » (ibidem) :
parce qu’à
cette époque les bénédictions ne cessaient de s’épancher en
haut et en bas. « Béni » (ibidem) : car toutes les bénédic-
tions jaillissaient de là^®^ pour bénir tous les mondes et

toutes les lettres s’illuminaient, toutes en une même unité,


dans une plénitude parfaite. Alors la dernière lettre du
Nom saint hérita de ce nom-là pour être dénommée elle

aussi « béni », comme est marqué « Béni soit YHVH,


il :

Dieu, etc., David mon père » (I Rois 8:15), c’est la dernière


lettre du Nom saint qui est appelée elle aussi « béni ». Car

48 1 Voir Genèse Rabba


. 13:1.
482. La sefira Binah.
483. De la sefira Binah. À propos du jeu de mots sur « bénédic-
tion » (berakhah) et « citerne d’eau » (bereykhah), en filigrane dans ces
lignes, voir Genèse Rabba 39:11.
- LE ZOHAR [67a]
124

lorsqu’elle est appelée « », toutes [les lettres] forment


un Nom complet comme il se doit, et tous les mondes sont
bénis depuis la Source de vie"^^^ et ce Nom est en haut et en
bas, parfois en haut, parfois en bas. Heureux es-tu peuple
saint, à toi les saints secrets sublimes sont dévoilés !

Quand les lettres du Nom saint se conj oignent, le V


descend pour attirer le H du bas vers le haut, pour consti-
tuer une même unité, alors [l’ensemble des] lettres de l’al-

phabet descendent et montent. Le aleph descend vers le

tav pour l’attirer à lui, pour qu’ils se conjoignent l’un à


l’autre. Le beit monte vers le chiriy de bas en haut, car il est

attiré depuis l’en-bas et désire être couronné par son


époux. Le aleph est le secret de la lettre qui veut rele-

ver l’Epouse grâce aux cantiques qu’Elle suscite en bas


quand Elle est parée. Et II lui tend la main pour l’attirer

auprès de Lui, et les lettres se congratulent les unes les

autres au moment où Elle lui dit : « Entraîne-moi » (Gant.


1:4). Alors le aleph qui est le V descend vers le tav pour
l’attirer à lui. Quand Elle dit « à ta suite, courons » (ibi-

dem), le beit monte et court après le chin qui est le V, enfin


Elle entre dans les appartements du Roi'^®^ qui sont trois

points et des chambres et des couloirs au milieu de


chambres. Telle est la lettre chin, trois points et des couloirs

à l’intérieur. Au moment où Elle dit : « Jubilons et réjouis-


sons-nous à cause de toi » (Gant. 1:4), le guimel smYitm

484. Le roi David, qui symbolise la dernière lettre du


Tétragramme, le H (la sefira Malkhout).
485. La sefira Binah. Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire,
Lagrasse, Verdier, 1996, p. 92-93 note 61.
486. La sefira Tiferet.

487. La sefira Malkhout.


488. Dans la sefira Binah.
489. Akhsadrin, excedra.
[67a-67b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 125

pour s’attacher à la lettre rech, dès lors la joie et l’agrément


régnent parmi les vingt-deux lettres qui ont été complétées
par la lettre guimel. Et la lettre rech se découvre [la tête]

devant elle pour recevoir d’elle sans aucune honte. Et Lui


s’attache à Elle et se déverse en Elle avec satisfaction.

Lorsqu’Elle dit : « Rappelons ton amour venant du vin »

(Cant. 1:4), Elle se souvient que les [agents] du Prépuce


pénètrent au sein des [saintes] troupes afin de troubler la

joie en prenant part à la sainte liesse. Et quand Elle s’aper-


çoit que l’impureté saisit les traînes du Sanctuaire Elle se

fait aussitôt toute petite afin de ne lui octroyer qu’un jus


pressé et réduit, comme ce qui suinte de la pierre. Alors le
dalet"^^^ donne à la lettre qoufti la lettre qouf^'^^ s’allonge
avec joie pour prendre une part au Sanctuaire. Puisque
cette Epouse qui est sainte a dû donner quelque chose à
l’impureté. Elle a fait d’Elle un dalet [67b] qui ressemble
,
à
quelqu’un ne retenant pas grand-chose en lui, ainsi est-Elle

pauvre et cela il le faut. Tu en as un signe [dans ce ver-


set] : « Jacob dit à ses fils : Qu’avez-vous à montrer »

(Gen. 42:1) que vous êtes fortunés et riches, les impies de


ce pays sont en face de vous, montrez-vous donc affamés et

misérables ! s’est montrée en état de


Et cela parce qu’Elle
joie quand Méchant a vu le dalet. La lettre qoufstst éti-
le

rée comme un serpent déployant <sa queue> vers lui et [ce


Méchant] l’a forcé joyeusement pour téter le Sanctuaire.
Celui-là accourt aussitôt pour se mêler à la joie partout où
il la voit. Pour cette raison, à chaque occasion de joie il faut
multiplier les puissances [protectrices] afin qu’il ne puisse

490. La sefira Malkhout.


49 1 Qui représente
.
la sefira Malkhout dans son état de réduction
et de pauvreté.
492. La qlipah, la « coquille ».

493. Sur le rapprochement entre la lettre dalet et le mot dal,

pauvre, voir Chabbat 104a.


126 - LE ZOHAR [ 67 b]

pas accuser. De la même façon, partout où il


y a une per-
sonne en deuil il faut multiplier les puissances, car il se
trouve là mais il ne peut pas accuser et sa puissance est bri-

sée Quand Elle dit : « Ils sont droits » (Gant. 1:4) et


qu Elle évoque Tune des lettres parmi ces « droits », surgit
aussitôt une lettre puissante dont la queue s’étend vers le
bas de cinquante coudées, à l’image de ce lieu où Aman a
été pendu et c’est la lettre tsadé finale. Dès que le

Serpent lève les yeux et qu’il voit cette pendaison qui


approche, il se détache vite du Sanctuaire et s’enfuit. Puis
l’Epouse va à la rencontre de son <Bien-aimé> en passant
de la lettre dalet\ la lettre hé, et Elle se rend auprès de Lui ;

la joie est alors parfaite de tous côtés, sans aucun accusateur


autre et sans aucun trouble.
Ici il faut réfléchir. Au moment où Elle dit « Entraîne-
moi » (Gant. 1:4), Il est aleph et Elle est tav et au moment
où Elle dit « à ta suite, courons » (ibidem). Elle est beittt II
est chin. Quand Elle dit « jubilons et réjouissons-nous à
cause de toi » (ibidem). Il est guimel et Elle est rech. Et
lorsque vient le Serpent, quand elle dit « car tes caresses
sont bonnes venant du vin » (Gant. 1:2), Elle est daletçx

cet Accusateur est qouf. Geci étant [dit], pourquoi les

494. R. Moïse Cordovéro commente : « “Il faut multiplier les puis-


sances” :
une foule nombreuse, de sorte que le jeune époux,
qu’il y ait

la jeune épouse ou l’endeuillé ne demeurent pas seuls, afin de ne pas

être lésés [par l’Autre côté] Plus il y a de monde et mieux c’est, ainsi
.

ils ne seront pas lésés en haut par l’Accusateur dans la mesure où nom-
breux sont ceux qui se réjouissent, le mérite des foules est le plus fort,
et il n’est pas capable de troubler la joie des multitudes parce qu’ils
recèlent de nombreux mérites et il lui est impossible d’attrister tout le

monde. Il arrive l’inverse dans un cas contraire, que Dieu nous pré-
serve. De plus, il se soumet lorsqu’il voit qu’il ne peut s’imposer, il n’a

plus rien à rétorquer lorsqu’une foule nombreuse s’adonne à un com-


mandement » (p. 99).
495. Voir Esther 5:14.
[ 67 b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 127

lettres sont-elles interverties de place en place ? Il change


pour d’autres lettres et Elle change pour d’autres lettres ?

En réalité, au moment où Elle dit « entraîne-moi » (Gant.

1:4), aucune lettre ne l’entraîne excepté le aleph, qui est


une lettre qui brille du côté de la première Lumière, secret
de la Droite, car la Droite la rapproche sans cesse et la

saisit pour l’entraîner vers l’en-haut ; pour cette raison II est

aleph et Elle est tav, car Elle s’orne de tous côtés afin de
s’élever dans l’en-haut, louant et glorifiant pour éveiller

l’en-haut. Et quand Elle dit : « à ta suite, courons » (ibi-

dem), toutes ses troupes [célestes] intérieures, qui consti-


tuent un corps Elle les prend avec Elle, et Elle est une
maison pour recevoir ses troupes et les introduire auprès du
Roi, ainsi qu’il est dit : « Après elle te sont amenées des
vierges, ses compagnes, etc. » (Ps. 45:15). C’est ainsi
qu’Elle est un et qu’il se couronne d’un chin et II

ouvre les Palais, qui sont les chambres du Roi pour la

recevoir et pour la faire entrer auprès de Lui. Au moment


où Elle dit : « Jubilons et réjouissons-nous à cause de toi »

(Gant. 1:4), c’est la joie du Juste qui est invitée à provo-


quer sa joie, ainsi II est guimel^t Elle est rech. Toute seule
Elle se pare et Elle se découvre la tête vis-à-vis de Lui

496. La sefira Hessed (la Droite) attire constamment la sefira

Malkhout. Pour la formule, voir Sanhédrin 107b.


497 Cette
. catégorie d’anges constitue le corps d’apparition de la
Chekhinah et ils sont organisés suivant une structure anthropomorphe.
498. La lettre beittst aussi en hébreu le mot « maison ».
499. La sefira Binah ces « chambres » se réfèrent aux sefirot situées
;

au-dessous d’elle.

500. La sefira Yessod.


501. À cette étape de son approche du Bien-aimé, la Chekhinah
n’est plus parée par ses suivantes mais elle procède seule au soin de sa
beauté.
502 Au. lieu de « se découvre la tête », la version de Or YaqarXït :

« elle s’éveille » ou « s’excite ».


128 - LE ZOHAR [67b-67c]

pour prendre la joiecomme une femme qui se


de ce lieu
découvre la tête pour coucher avec son époux. Au moment
où Elle dit « car tes caresses sont bonnes venant du vin »

(Gant. 1:2), l’Accusateur s’approche, et dès qu’Elle le voit


Elle se fait misérable selon le secret de la lettre dalet^ afin

qu’il ne souille pas le Sanctuaire. Et cet Accusateur étend sa


queue joyeusement pour recevoir quelques délices de la

joie, ainsi est-il qouf. Jusqu’à ce qu’Elle dise : « Ceux qui


sont droits » (Gant. 1:4), que se révèle le tsadé^inA et que
cet Accusateur s’enfuie. Puis Elle resurgit, passant de la

lettre dalet à la lettre hé^ alors « ceux qui sont droits » se

révèlent. Hé-tsadéct sont « ceux qui sont droits » ; vav-péh


ce sont « ceux qui sont droits ». C’est ainsi que les lettres se

substituent les unes aux autres de place en place et de degré


en degré, et tout cela suivant le secret des lettres de la
Torah. Heureux le peuple saint qui est attaché au Roi d’en
haut, tout a été arrangé en sa faveur.

[67c] Rabbi Siméon se réjouit. Elie lui dit : Rabbi,


ouvre tabouche et tes paroles brilleront devant l’Ancien
des jours Rabbi Siméon ouvrit [la bouche] et dit :

Plairait-il au maître que je lui pose une question? Il lui dit :

Rabbi, en quoi consiste un lien d’autorité parmi les signes


rayonnants ? Il lui dit : C’est ce qui est écrit : « Entraîne-
moi504.
à ta suite, courons » (Gant. 1:4). En effet, là où va
l’autorité du Roi suprême là tous se rendent et sont
entraînés à sa suite À présent rabbi, énonce tes paroles
et fourbis tes armes.

503. Voir supra note 168.


Comparez avec les formules initiales de Zohar\, 15a.
505. L’ensemble des sefirot dépendent étroitement de l’Émanateur
suprême qui en détermine toutes les orientations.
[ 67 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 129

Il ouvrit [la bouche] et dit : « Entraîne-moi à ta suite,

courons. Le roi m’a fait entrer dans ses appartements »

(Cant. 1:4). Il est écrit : « Psaumes, de David, quand il était

dans le désert de Juda » (Ps. 63:1). Viens et vois : le Saint


béni soit-il prenait plaisir en David plus qu’en tous les rois

du monde, comme il a été dit « J’ai choisi David pour


: être

à la tête de mon peuple Israël » (I Rois 8:16). Pour quelle


raison ? Parce que David, depuis le temps où il marchait
derrière les troupeaux dans le désert, contemplait là-bas,
dans le désert, l’œuvre artistique du Saint béni soit-il et il

récitait des louanges en disant : « Lorsque je vois tes cieux,

l’œuvre de tes doigts, etc. » (Ps. 8:4). Quelle en est la rai-

son ? Parce que la nuit tous les fils du monde sont couchés
endormis sur leur lit, tandis que lui était assis dans le désert
et contemplait les cieux, la lune, les étoiles, les constella-
tions et les œuvres célestes, et il disait : « Lorsque je vois tes

cieux, etc. » (ibidem)^ et il est écrit : « YHVH notre


Seigneur, ton nom resplendit sur toute la terre » {ibidem
10). Et constamment il redoutait, louait et exaltait le Saint
béni soit-il. Après quoi il prit la fuite devant son beau-père,
et lors de tous les revers qu’il subit, il louait et priait le Saint
béni soit-il. Or étant parvenu dans le désert de Juda, pour-
suivi par le roi Saül, un cantique, comme il est mar-
il récita

qué « Psaumes, de David, quand il était dans le désert de


:

Juda » (Ps. 63:1), dans un endroit où il était pourchassé. Et


que dit-il ? « O Dieu, mon Dieu, c’est toi que je recherche,
etc. » (Ps. 63:2). « Dieu », « mon Dieu », « Toi », voilà trois
noms. « Dieu » (Elohim) c’est le degré [de David], la cou-
ronne de royauté « Mon Dieu » c’est la tête sur laquelle
cette couronne repose et c’est une colonne sur laquelle
tient le monde entier, comme il est écrit : « Le juste est le

506. La sefira Malkhout.


507 La . sefira Yessod.
130 - LE ZOHAR [67c]

pilier du monde » (Pro. 10:25). « Toi » c’est la Droite d’en


haut^°^ ainsi qu’il est marqué : « Tu es prêtre à jamais » (Ps.

1 10:4). Ainsi donc y a trois degrés ici « Dieu », «


il : Mon
Dieu », « Toi ». « C’est toi que je recherche » (Ps. 63:2) et je
te rends visite chaque jour sans exception.
« Mon âme a soif de toi » (Ps. 63:2), comme quelqu’un
qui est assoiffé de boisson tel je suis, mon âme a soif de Ta
présence, ma chair brûle de désir pour Toi, pour que l’âme
et la chair soient attachées à Toi. « Comme une terre aride,
altérée, sans eau » (ibidem), que signifie « sans eau » ? C’est
le fait qu’il n’y a pas là-bas la lumière de la Torah, le rayon-
nement de la lumière d’en haut. « Ainsi dans le [lieu] saint

je te contemple » (Ps. 63:3). Pour quelle raison? En réalité,

« ainsi dans le [lieu] saint je te contemple », bien que je sois

dans ce désert, dans un lieu qui est dans cet état, moi je Te
regarde pour m’attacher à Toi et je languis après Toi pour
voir Ta puissance et Ta gloire. Il en va comme il est écrit :

« Entraîne-moi à ta suite, courons » (Cant. 1:4), au temps


où Tu m’entraînes à ta suite, nous tous nous prenons plai-

sir à être avec Toi.


« Le roi m’a fait entrer dans ses appartements »

(Cant. 1:4). Ce sont les chambres du jardin d’Eden. Car une


tradition nous enseigne : lorsque le Saint béni soit-il créa le
premier homme, il prit de la poussière [qui se trouvait sur le

site] du Temple, et il le créa à partir d’elle Puis il insuffla

dans ses narines une âme de vie et de là il lui ouvrit la porte


du jardin d’Éden et il le fit pénétrer dans les soixante-dix
salles des saints Palais, et il lui façonna dix dais [nuptiaux]

508. La sefira Hessed.


509. Jeu sur le mot courir (naroutsah) qui est rapproché de la
racine ratson, vouloir, prendre plaisir.
510. Voir Genèse Rabba 14:8.
511. Voir Baba Batra 75a.
[ 67 c- 67 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - I3I

à l’image de ces dais que le Saint béni soit-il est destiné à


façonner pour les justes dans le jardin d’Éden. Les anges
officiants dansaient devant lui^^^ et il se réjouissait là-bas. En
cet endroit le Saint béni soit-il fit défiler devant lui tous les

esprits et toutes les âmes destinés à être dans le futur au sein


des fils de l’homme [67d] qui sortiront de lui^^^ Quand ce
fut le tour du roi David, [Adam] vit que ce dernier ne dis-

poserait d’aucune vie^^"^. Il dit devant Lui : Souverain du


monde, qui est celui-ci pour lequel je ne vois aucune vie ? Si

bien que le Saint béni soit-il lui répondit : C’est le roi


David. Dès que le premier homme vit cela, il lui offrit

soixante-dix ans de sa propre vie, qui furent les soixante-dix


années que dura la vie du roi David. Et chacun des organes
[d’Adam] sans exception lui donna du sien. Soixante-dix ans
manquèrent donc à Adam parmi les mille ans [qui lui
avaient été attribués ^^^].

Il est écrit : « Entraîne-moi à ta suite, courons » (Gant.


1:4). Les lettres du Nom saint étaient gravées en haut et en
bas. Quand ces lettres-ci [d’en bas] ressortirent et s’élevè-
rent vers les autres lettres, tous les saints officiants s’ébran-
lèrent dans leur mouvement avec crainte et honte, parce
qu’il n’y en a pas de plus puissantes que les lettres d’en
haut. De là nous apprenons que les fils du monde qui
n’éprouvent pas de honte n’ont pas de part dans le monde

512 Voir Pirqé de Rabbi Éliézer chap. 12.


.

513 Voir Avodah Zarah 5a.


.

514. Voir Pirqé de Rabbi Éliézer c\i 2ep. 19, Nombres Rabba 14:1 1,
Midrach Psaumes 92. Et voir Moïse de Léon, Le Sicle du sanctuaire, op.
cit., p. 214 et les notes sur place. Sur la doctrine de la réincarnation des

âmes en filigrane dans ce passage, voir le texte de Moïse de Léon cité


par G. Scholem dans La Mystique juive, les thèmes fondamentaux, Paris,
Cerf, 1985, p. 220, note 4l (manuscrit Schocken, fol. 86a).
515 Adam, d’après
. la Bible, vécut en effet 930 ans.
132 - LE ZOHAR [67d]

à venir. Tous les hommes au front dur qui étaient parmi les
Israélites, lorsqu’ils contemplaient les lettres du Nom saint

[inscrit] sur le fronteau du diadème de sainteté du grand


prêtre, voyaient leur cœur se briser et examinaient leurs
actions, parce que le fronteau tenait par miracle, si bien que
quiconque le regardait avait honte de ses actes Les lettres

du Nom saint de YHVH qui était gravé sur le fronteau,


brillaient, ressortaient et étincelaient, quiconque contem-
plait ce fronteau voyait des lettres qui faisaient saillie et sa

face tombait à cause de la peur de son Seigneur, et son


cœur se brisait vis-à-vis du Saint béni soit-il.

Il en allait de même de l’encens :


quiconque respirait

cette fumée lorsque la colonne du degré de la fumée mon-


tait, son cœur se trouvait éclairci avec netteté et lumière,

avec joie et agrément, pour servir son Seigneur, et elle écar-

tait de lui la boue et l’ordure du penchant au mal, il n’avait

plus qu’un seul cœur à l’égard de son Père céleste. Parce


que bien sûr l’encens brise le penchant au mal de tous
côtés. Et de même que le fronteau tenait par miracle, ainsi

l’encens, car il n’est rien au monde qui brise l’Autre côté


mieux que l’encens. Viens et vois, il est écrit « Moïse dit à :

Aaron Prends la cassolette, etc. » (Nom. 17:1 1) en effet,


: ;

il n’est de brisure de l’Autre côté que par l’encens, parce


qu’il n’est pas [d’objet] de joie ou d’amour devant le Saint
béni soit-il comparable à l’encens, qui a la capacité d’effa-

cer les enchantements et les choses mauvaises de la maison.


L’odeur et la fumée de l’encens que les hommes confec-
tionnent effacent cet acte^^^ à plus forte raison l’encens lui-

même. Cette chose une alliance contractée devant


est le

Saint béni soit-il :


quiconque examine et lit chaque jour le

516. Voir Zevahim 88b.


517. Il avait la mine défaite, il perdait sa superbe.
518. La sorcellerie.
[ 67 d- 68 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 133

passage [biblique] relatif à l’encens, est sauvé de toutes les

pratiques de sorcellerie du monde et de toutes les mau-


vaises rencontres de la mauvaise pensée et du dur juge-
ment, ainsi que de la mort. Et il ne subira aucun dommage
ce jour-là, car l’Autre côté ne pourra le dominer. Il doit
quant à lui se concentrer sur sa [lecture]

Rabbi Siméon dit : Si les hommes savaient combien est

éminent le passage relatif à l’encens devant le Saint béni


soit-il, ils en saisiraient chaque mot et l’élèveraient en dia-
dème une couronne d’or. Quiconque
sur leur tête, telle
s’adonne à son étude pour examiner l’œuvre de l’encens et
pour s’y concentrer chaque jour, a une part dans ce
monde-ci et dans le monde à venir et il élimine la mort de
sur lui et de sur le monde entier ; il est sauvé de tous les

jugements de ce monde-ci et des mauvais côtés et des juge-

ments de la géhenne ainsi que du jugement de l’ Autre


royaume Dans cet encens, lorsque la fumée s’élevait en
colonne, le prêtre voyait les lettres du secret du Nom saint
emportées dans les airs et élevées vers l’en-haut à travers
cette colonne. Après quoi de nombreux chars saints l’en-

touraient de tous les côtés, jusqu’à ce qu’il monte et

réjouisse Celui qui se réjouit. Cet encens nouait des liens

sublimes [68a] et des organes descendaient pour atti-

rer le degré inférieur vers l’en-haut. C’est alors qu’Elle


disait : « Entraîne-moi à ta suite, courons » (Cant. 1:4),
parce que l’encens noue des liens en haut et en bas.

519 Allusion aux démons.


.

520. Ou « de l’Autre Malkhout », à savoir de l’équivalent de la


sefira Malkhout dans le monde parallèle de l’impureté et du mal.
52 1 Voir supra note 29 1
.

522. Les sefirot d’en bas.


523 La
. sefira Malkhout.
134 - LE ZOHAR [68a]

Il ouvrit [la bouche] et dit : « Tu feras un autel pour


faire fumer l’encens, etc. » (Ex. 30:1). Ce verset il faut le
scruter car il
y avait deux autels [dans l’enceinte du
Temple] : un autel des holocaustes et un autel de l’encens
parfumé, l’un à l’extérieur, l’autre à l’intérieur. L’autel de
l’encens se situait au-dedans. Pourquoi est-il appelé
« autel » alors que l’on n’y offrait pas d’offrande, et que
l’autel porte ce nom à cause de cette fonction ? C’est parce
qu’il efface et entrave de nombreux mauvais côtés. L’Autre

côté en question était entravé à l’instar du veau entravé


pour l’oblation de ;
la même façon l’Autre côté était ligoté

de manière à ne plus pouvoir dominer et à ne plus être un


accusateur, pour cette raison [ce lieu] est appelé « autel ».

Quand l’Autre côté voyait monter la colonne de fumée


d’encens, il était vaincu, prenait la fuite et ne pouvait plus
s’approcher du Sanctuaire. Il était ainsi découragé et nul
autre ne se mêlait à la joie de l’en-haut hormis le Saint béni
soit-il seuL^^. Nul autre côté n’en jouissait et l’Autre côté
n’y avait aucune part comme il en allait des autres sacrifices
et holocaustes, parce qu’il avait une part de tous les autres
sacrifices et il s’approchait d’eux, tandis qu’en ce qui
concerne l’encens, nul ne s’y attachait ni ne s’en approchait

excepté le Saint béni soit-il seul. Tous les mauvais côtés


fuyaient et les côtés saints s’approchaient et se liaient
membre à membre l’un à l’autre, chacun comme il lui sied.
Et comme [l’encens] est tellement prisé, cet autel intérieur

ne se situe pas ailleurs qu’au sein [du Temple], car c’est

l’autel où se trouvent les bénédictions, aussi est-il caché au


regard Qu’est-il écrit au sujet d’Aaron? « Il se tint

debout entre les morts et les vivants, etc. » (Nom. 17:13),


car il entrava l’Ange de la mort qui ne pouvait aucunement

524. Pour l’ensemble du passage comparez avec Zoharl, 219a.


525. VoirTaanit 8b.
[68a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 135

ni dominer ni exécuter le jugement. Le signe suivant a été

remis entre nos mains :


partout où l’on énonce avec
concentration et consentement du cœur le récit de l’en-

cens, la mort ne règne pas en ce lieu et l’on ne subit aucun


dommage, le reste des peuples et les autres degrés ne peu-
vent s’approcher [des Israélites]

Qu’est-il écrit au sujet de Jacob ? « Il se fit ainsi des trou-


peaux à lui seul » (Gen. 30:40). De là nous apprenons qu’il

détacha l’ordure du Sanctuaire et qu’il plaça sa part à lui

ainsi que tous les chars qui lui convenaient avec le secret de
la sainte Foi « Qu’il ne mit pas avec les troupeaux de
Laban » (ibidem) : il mit de côté la part du reste des

peuples pour qu’ils ne se mélangent pas avec la sainte Foi.

« Les bêtes les plus robustes (hameqoucharot) » {ibidem A\) :

ce sont celles qui sont liées par un lien solide pour qu’à
elles ne se mêlent pas le reste des peuples qui jamais ne se
lient à elles. Il en va ainsi de l’encens, car à cet encens tous
les saints chars du secret de la Foi étaient liés ; et tous les

organes d’en haut et d’en bas étaient reliés les uns aux
autres pour former ensemble une unité parfaite afin de
s’élever dans l’unité comme il se doit. En revanche, tous les

officiants du reste des peuples se dispersaient et se sépa-


raient les uns des autres. Pour cette raison Israël est appelé

« peuple un» (II Sam. 7:23), car ils constituent une unité

et une chaîne unique, aussi sont-ils dénommés « bêtes


robustes (hameqoucharot^^^ » (Gen. 30:41), ce qui n’est pas
le cas du reste des peuples.

Il est interdit de faire fumer l’encens en dehors de l’autel

526. Terme qui peut désigner aussi bien la sefira Malkhout que
l’ensemble des sefirot.

527 . « Lien » se dit qecher en hébreu, d’où le jeu de mots avec le

vocable biblique.
528. Il faut lire ce mot comme signifiant « reliés entre eux ».
136 - LE ZOHAR [68a-68b]

et dans un autre instrument que la cassolette. Celui qui est


poursuivi par le jugement a besoin de cet encens et doit se
repentir devant son Seigneur car c’est une aide pour éloi-

gner de lui les jugements. Ainsi les jugements certes se déta-

chent de lui, pourvu qu’il soit coutumier de ce fait [68b] :

évoquer [l’encens] deux fois par jour, le matin et le soir,

comme il Aaron fera fumer sur lui l’encens aro-


est écrit : «

matique, chaque matin » (Ex. 30:7) et il est marqué « Et :

quand Aaron fera monter les lampes entre les deux soirs, il
fera fumer, etc. » {ibidem 8) et tel est le fondement du ;

monde d’en bas et le fondement du monde d’en haut. Là


où l’on n’évoque pas chaque jour le récit de l’encens, les

jugements d’en haut s’appesantissent ainsi qu’une grande


pestilence, et le reste des peuples y prédomine parce qu’il est
écrit : « Encens perpétuel devant YHVH, dans toutes vos
générations » (ibidem). Sans cesse [l’encens] perdure devant
YHVH davantage que toutes les autres [pratiques] cul-
tuelles

« Entraîne-moi » (Cant. 1:4). A propos des lettres du

Nom saint. Quand deux noms se réunissent ensemble, for-


mant un nom complet, YHVH Elohim le premier nom
attire à lui le deuxième nom. Quant à ce qui est dit :

« Entraîne-moi à ta suite, courons » (ibidem), et il n’est pas

écrit : « Je vais courir », c’est parce que de nombreux chars


et de nombreux tribunaux sont associés et joints à ce nom
appelé Elohim, pour cette raison il est marqué : « À ta

suite, courons. » Nombreux sont ceux qui sont associés à

529. Y compris après la destruction du Temple. Dans le Ms. de la

BN de Paris 797, fol. 128a- 128b, un passage narratif est ici interpolé
qui a été imprimé dans Zoharl, 101a (Midrach ha-Néélam)‘, voir notre
traduction dans Le Zohar, t. II, Lagrasse, Verdier, 1984, p. 69.
530. Voir Genèse Rabba 13:3.
[68b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 137

ce nom qui demeure totalement un nom unique. Car dès


que le premier nom attire l’autre nom, tout est alors un
ensemble unique, et les êtres d’en haut et d’en bas sont
tous des degrés liés les uns aux autres, pour constituer tous
ensemble une unique chaîne, une unique conjonction et

une unité parfaite.

« Le roi m’a fait entrer dans ses appartements » (Gant.


1:4). Il s’agit du saint Roi d’en haut”^; « ses apparte-
ments » ce sont les Chambres supérieures et les saintes

Salles des chars d’en haut. La première Chambre est une


lumière qui brille du côté Droit, une lumière qui rayonne
d’un bout du monde à l’autre, une lumière où toutes les

lumières sont incluses, une lumière aux quatre couleurs


gravées aux quatre coins du monde, qui est appelée El
Gadol (Dieu grand). La lumière qui prend en premier
première Salle et la première Chambre, et c’est
c’est la la

lumière qui s’unit en premier au secret appelé YHVH.


La deuxième Chambre est la lumière de l’obscurité

qui émerge du côté de la première lumière. Et c’est une


lumière rouge qui s’obscurcit. C’est elle qui est appelée
Elohim, elle se situe dans le côté Gauche afin d’être reliée
à la première lumière. Ce sont deux Salles qui se lient et se
conjoignent l’une à l’autre, car à ces Salles-ci Celle d’en
bas s’attache et le Roi d’en haut la fait entrer dans ces
Chambres saintes. [Elle dit] Moi et toutes, au moment où

531. La sefira Binah.


532. Les sefirot qui succèdent à la sefira Binah.
533. La sefira Hessed.
534. D’après « le grand prêtre se sert le premier » (Yoma l4a). C’est
la sefira Hessed qui reçoit la première l’influx venant des sefirot supé-
rieures.

535. La sefira Guevourah.


536. La sefira Malkhout.
- LE ZOHAR
138 [68b-68c]

nous sommes liées ensemble par un lien unique, « Jubilons


et réjouissons-nous à cause de toi » (Cant. 1:4). « Jubilons
et réjouissons-nous » en ces vingt-deux lettres de l’alphabet
appelées « en toi » (bakh), ainsi qu’il est dit : « À qui tu as
juré par toi-même (hekha^^'^) » (Ex. 32:13), « Par toi
(bekha) Israël bénira » (Gen. 48:20).
Ab, gd, hv, zh, ty, kl, mn, s, pts, qr, cht, voilà les vingt-

deux lettres de l’alphabet. Et elles se combinent en vingt-


deux alphabets selon le secret des noms gravés dans leurs
noms sublimes, et elles sont appelées bekha.
« Jubilons et réjouissons-nous à cause de toi »

(Cant. 1:4). « De toi » (bekha), bien sûr, car l’Alliance


sainte ramasse toutes les lettres, secret de bekha Ab, gd, :

hv, zh, ty, kl, mn, s, pts, qr, cht,

Achb, gtd, hqv, zrh, tpy, ktsl, msn, zr. Akatriel Yah
Tsevaot siège sur un trône élevé et exalté”^ et toutes les

cohortes des princes des armées d’en haut, à sa droite sont


vie, à sa gauche sont mort^'^®. Et le trône repose sur quatre
piliers. Le pilier de droite [est fait de] quatre flammes brû-
lantes de lettres.

Bcha, dtg, vqh, hrz, ypt, Itsk, nsm, 'zr, yhv, c’est le secret

et le mystère du premier pilier parmi les quatre piliers pré-


cités sur lesquels le trône s’appuie, selon le secret des lettres
de l’alphabet. Et il y en a douze [68c] dans chaque pilier,
pour que chacun d’eux tienne sur douze colonnes de sou-
tien, afin que le trône repose sur eux. Le pilier de gauche
correspond à un autre secret : tach, rbq, tsgp, ds, nhm, Ivk,

kzy, thy, hvy, voilà le secret et le mystère du pilier gauche. Et


le trône est agencé au-dessus d’eux, d’après le secret et le

537. Voir supra note 459.


538. La sefira Yessod.
539. Pour la formulation, voir Berakhot 7a.
540. Voir Pirqé de Rabbi Éliézer chap. 4.
[68c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 139

mystère des douze soutiens. Or


y en avait neuf! En réalité,
il

trois lettres se combinent suivant une certaine combinaison


de ce côté-ci et de ce côté-là vers trois côtés. Elles montent
et descendent puis elles se dissimulent dans le secret de
YHV, marque du Nom saint gravé. YHV, YHV, YHV sont
cachés dans le premier pilier, qui est le pilier de droite.
YHV, YVH, HYV sont cachés dans le pilier de gauche, afin
que le trône soit complet selon le secret des vingt-deux
lettres de l’alphabet que l’Alliance sainte rassemble et

recueille en son sein d’après le secret de bekha (« en toi »),

aussi « Jubilons et réjouissons-nous en toi » (Gant. 1:4).

« amours venant du vin » (Gant. 1:4), du


Rappelons tes

vin de laTorah^'^^ « Tes amours » ce sont les soixante-dix


intendants qui entourent le saint Trône Ge sont de
grands princes qui recueillent le jugement issu de ce
« vin » ; à ce propos il est écrit : « Je te ferai boire d’un vin
mêlé d’épices (Gant. 8:2). Ges « amours » sont au
nombre de soixante-dix et ce sont :

Michaël, Gabriel, Raphaël, Nouriel, Qedoumiel,


Malkiel, Tsadqiel, Padaël, Toumiel, Hassidiel, Tsouriel,
Ramaël [ou Raziel], Yophiel, Satouriah, Gazriel, Lehamiel,
Hezqiel, Rahatiel, Qedachiel, Ghavniel, Gadhasiel,
Oumiel, Qadamiel, Hakhamiel, Ramaël, Qadachiel, Aniel,
Azriel, Pouriel, Hakhamiel, Mavniel, Qaniel, Gadiel,
Tsourtaq, Ophafiel, Rakhamiel, Sansaniyah, Vadargazriah,
Vadargavyah, Rassasiel, Romiel, Saniyah, Tahariel, Azriel,
Gadiyah, Ghemiel [ou Samiel], ‘Inaël, Tasouriayh, Danaël

541. Pour l’expression voir Avodah Zarah 35a. Ce « vin » symbo-


lise l’épanchement procédant de la sefira Binah.
542. La sefira Malkhout. Voir Pirqé de Rabbi Éliézer 24.
543 Les épices symbolisent
. les influx de jugement (din).
140 - LE ZOHAR [68c]

[ou Ranael], Tsouriyah, Kessissiyah, ‘Iriel, Samkiel,


Maroniyah, Kamaniyah, Yerouyel, Tatroussiyah, Houniel,
Zakhariel, Vaariel, Datiel [ou Retiel], Gadiel, Barael,
Ahaniel

[Dans d’autres livres, on trouve la liste suivante] :

Michaël, Gabriel, Raphaël, Nouriel, Qedoumiel,


Malkiel, Tsadqiel, Padaël, Toumiel, Hassadiel, Tsouriel,
Ramaël, Yophiel, Satouriel, Gazriel, Vadariel, Lehariel,
Hezqiel, Rahamiel, Qadachiel, Chavniel, Barqiel, Ahayiel,
Haniel, Le’ariel, Malkiel, Chavniel, Rahasiel, Roumiel,
Qedoumiel, Qadamaël, Hakhamiel, Ramaël, Qadachiel,
A.niel, Azriel, Hakhamiel, Mahaniel, Qaniel, Gadiel,

Tsourtaq, ‘Ophafiel, Rakhamiel, Sansaniyah, Vadargaziyah,


Rassassiel, Doumiel, Saniyah, Tahariel, Ya azriel, Neriyah,
Samkiel, ‘Inaël, Tasiryah, Ranaël, Tsouriah, Pessisyah, ‘Iriel,

Samkiel, Maroniyah, Qanouniyah, Yerouel, Tatroussiyah,


Houniel, Zakariel, Vaariel, Daniel, Gadiel, Beriel,

Ahaniel

Ces soixante-dix sont ceux qui entourent le saint Trône,


ils sont appelés « amours ». Ils brillent et rayonnent à partir
des Amours supérieurs qui brillent et rayonnent à partir
du Mystérieux et Retiré d’en haut^^^. A leur sujet il est

544. La liste de noms d’anges qui précède ne comporte que


soixante-cinq noms. La liste qui suit, issue d’une autre version, en
comporte bien soixante-dix. Notons que plusieurs noms sont répétés
plusieurs fois, sans doute à cause de différences dans leur prononcia-
tion ou de variations dans leur orthographe qui nous échappent à pré-
sent.

545. Dans son commentaire, R. Moïse Cordovéro explique la


fonction et la situation de chacun de ces anges de manière détaillée ( Or
Yaqar,p. 110-117).
546. Les sefirot.

547. La première sefira semble-t-il, ou encore la sefira Binah.


[68c-68d] CANTIQUE DES CANTIQUES - I4I

écrit : « Car tes amours sont bonnes venant du vin » (Gant.


1:2). « Tes amours » : ce mot les désigne tous dans un
unique ensemble, ceux d’en bas à partir de ceux d’en haut,
et tous brillent et rayonnent à partir du Vin conservé
Les supérieurs dissimulés sont appelés Vivants cachés car ils

« courent et reviennent » (Ez. 1:), et ils brillent à partir du


Monde supérieur, du Monde à venir Ceux d’en bas
brillent et rayonnent à partir de la lumière cachée et dissi-

mulée [que ceux d’en haut] émettent. Et tous « à partir du


vin », à partir des soixante-dix noms qui sont des lumières
cachées En effet, c’est à partir de ces soixante-dix [noms]
intérieurs que les [68d] soixante-dix [anges] qui entourent
le saint Trône dans l’en-bas rayonnent et brillent, c’est ce

que signifie « venant du vin » : venant des Lumières supé-


rieures, le Vin de la Torah. Et ces [noms] sont des Lampes
sublimes qui illuminent les Faces et les Lampes Et ce
sont les soixante-dix noms par lesquels le Saint béni soit-il

est nommé suivant le secret et le mystère de l’alphabet


constitué de vingt-deux lettres. Parmi elles il
y a dix [lettres]

supérieures, gd, hv, zh, ty. Les douze autres prennent


tour à tour de multiples aspects, elles tournent dans les

lettres mais jamais ne changent. Le Vin de la Torah de là

548 La . sefira Binah.


549. Expression empruntée au Talmud, qui parle de « vin conservé
dans ses grappes depuis les six jours de la création », voir Berakhot 34 b
et Sanhédrin 99 a,
550. La sefira Binah qui illumine l’ensemble des sefirot (les Vivants
cachés).
551. Le mot vin (yayin) a une valeur numérique de 70 , d’où le jeu
de mots sous-jacent.
552. Ces soixante-dix noms constituent autant d’influx ou de
branches attachées à la sefira Binah.
553 L’ensemble des
. sefirot.

554. Voir Nombres Rabba 13 15 : .

555. La sefira Binah.


142 - LE ZOHAR [68d]

se répand, non qu’il sorte de ces lettres-ci, mais [il procède]


de leur [origine] mystérieuse. Car toutes les lettres ont
émergé du Point suprême dissimulé et inaccessible,
secret et principe de la Torah ; là les lettres n’avaient pas
de forme graphique jusqu’à ce quelles pénètrent au sein
du Palais caché Les lettres en ressortirent à l’état liquide,

puis elles se cristallisèrent. Alors le Nom saint fut gravé


dans le secret des lettres dans les lettres par lesquelles le

ciel et la terre furent créés, un nom gravé sublime de qua-


rante-deux lettres Dès que les lettres se stabilisèrent dans
leur agencement monde se maintint, elles s’orga-
et que le

nisèrent en soixante-douze noms appelés « vin »,


soixante-dix noms par lesquels le Saint béni soit-il est
nommé, et ceux-ci sont « vin » :

VHV, YLY, SYT, ‘LM, MHCH, LLH, AKA, KHT,


HZY, ALD, LAV, HH’, YZL, MBH, HRY, HQM, LAV,
KLY, LW, PHL, NLK, YYY, MLH, HHV, NTH, HAA,
YRT, CHAH, RYY, AVM, LKB, VCHR, YHV, LHH,
KVQ, MND, ANY, H’M, RH’, YYZ, HHH, MYK, WL,
YLH, SAL, ‘RY, ‘CHL, MYH, VHV, DNY, HHCH,
‘MM, NNA, NYT, MBH, PVY, NMM, YYL, HRH,
MTSR, VMB, YHH, ‘NV, MHY, DMB, MNQ, AY’,
HBV, RAH, YBM, HYY, MVM^'^^

556. La sefira Hokhmah.


557. Voir supra note 97.
558. Littéralement : « les lettres n’y étaient pas inscrites ».

559. La sefira Binah.


560. Le nom divin acquit une forme graphique avec des lettres dis-
cernables.
561. Voir Qidouchin 71a.
562. Le passage brutal du nombre 70 au nombre 72 reste inexpli-

qué. Voir supra note 318.


563. Cette liste le Bahir, § 79 (éd. Abrams), qui
apparaît déjà dans
en est la source. Ici encore R. Moïse Cordovéro explique longuement
et en détail la fonction de ces noms dans Or Yaqar (p. 118-128).
[68d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 143

« Je suis noire et belle » (Cant. 1:5). La Lampe de


l’ouest quand domine et se tient auprès d’elle la Lampe

de l’est l’une noire, l’autre blanche, comme elle est belle

en cette lumière blanche ! En effet, la lumière d’une lampe


est faite de deux lumières réunies ensemble. Celle d’en bas
est noire, celle d’en haut est blanche. L’une domine l’autre,

la lumière blanche domine la noire. Et néanmoins, comme


elle est belle Dans le dispositif situé au-dessous d’elle, on
!

trouve de nombreux éléments mèche, lanterne, huile et :

elle se dresse avec une éminente grandeur, belle en cette


lumière blanche. Ainsi sont les « filles de Jérusalem »

(Cant. 1:5), ce sont les agencements d’en bas^^^ qui se tien-

nent au-dessous d’elle dans sa magnificence. « Comme


les tentes de Qédar, comme les toiles de Salma » (ibidem),
les premières sont noires, les secondes blanches.

« Je suis noire et belle » (Cant. 1:5). Il est écrit : « Initie

(hanokh) le jeune selon sa voie, même devenu vieux il ne


s’en écartera pas » (Ps. 22:6). Lorsque le Saint béni soit-il
créa l’homme, il le créa à l’image de l’en-haut : ses

membres, ses organes, tout était conforme au secret de


l’en-haut. Il le fît descendre sur terre au milieu du jardin
d’Éden que le Saint béni soit-il avait créé sur la terre dans
un endroit caché et dissimulé, qui est à l’image et qui a la

forme de ^en-haut^^^ comme il est écrit : « YHVH Elohim


prit l’homme et il le déposa dans le jardin d’Eden pour le

cultiver et le garder » (Gen. 2:15). « Il le déposa dans le

564. La sefira Malkhout.


565. La sefira Tiferet.
566. Les anges.
567. De la sefira Malkhout, la Bien-aimée qui est « noire et belle ».

568. Pour d’autres précisions sur le jardin d’Eden terrestre et pour


l’ensemble du passage, voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op.
cit., p. 129-138 et les notes sur place.
144 ~ le zohar [68d-69a]

jardin d’Eden », sans précision supplémentaire parce


que tout est conforme à un même secret. Tu pourrais dire
que, dans le jardin d’Eden d’en-haut, il
y a plusieurs
enceintes et plusieurs murailles tout autour, séparant divers
officiants supérieurs et esprits saints, alors que là, dans le

jardin d’Eden terrestre, on ne trouve pas ces divisions. Or


si tu dis que, parce qu’il est à l’image de l’en-haut, il le

pourvut de multiples esprits et âmes de justes, et dans ce


cas, avant qu’il n’y ait de justes dans le monde, ce jardin
d’Eden d’en bas n’était pas à l’image de l’en-haut, sache
qu’en réalité, il est bien sûr à l’image et selon le modèle de
l’en-haut depuis le jour où le monde a été créé. Et avant
même que l’homme soit créé, plusieurs [ 69 a] rangées de
divisions d’anges éminents l’entouraient, il n’était pas sans

garde, parce qu’en tous les Palais de là-bas il


y avait des
puissances qui le gardaient. Avant que les esprits prennent
corps pour venir dans ce monde-ci - esprits et âmes desti-

nés à entrer dans ce monde-ci - tous étaient là-bas avant


que l’homme ne soit créé. Jusqu’à ce jour, avant qu’ils ne
commencent à s’introduire dans ce monde-ci, les esprits
destinés à être déposés dans ce monde-ci sont tous là-bas.

Et ces esprits et ces âmes montent et descendent, ils sortent


du jardin d’Éden d’en haut et descendent dans le jardin
d’Eden d’en bas où ils revêtent des habits semblables aux
corps de ce monde-ci. Ils s’adonnent à l’étude de la Torah
pour connaître et contempler à travers ce vêtement la gloire

de leur Seigneur, chacun selon la mesure qu’il est destiné à

atteindre dans ce monde-ci. Celui dont l’état est beau et


convenable en ce vêtement et si son effort d’étude est satis-

faisant, on l’élève dans l’en-haut devant le saint Roi, en cet


habit conforme à ce monde-ci, et il se tient devant lui et le

Saint béni soit-il se réjouit à cause de lui, comme il est

569. Sans indiquer s’il s’agissait du jardin d’en haut ou d’en bas.
[ 69 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 145

écrit : « Par la vie de YHVH devant qui je me tenais » (II

Rois 5:16) avant que je n’aille dans le monde. Certains


habits pareils aux corps de ce monde-ci sont revêtus par des
esprits. Si tel corps est destiné à abandonner l’esprit saint
et à se laisser dévoyer par un esprit mauvais, cet esprit saint
s’envole de ce vêtement et ce dernier est traîné à l’extérieur

du jardin d’Eden. En effet, chaque lundi et chaque mer-


credi l’esprit mauvais de la « femme de prostitution »

(Os. 1:2) déambule tout autour du jardin d’Eden. Certains


vêtements sont attirés par cet esprit mauvais et le désir de
cet esprit mauvais se porte sur eux. Et comme un esprit
saint était descendu et l’avait revêtu, il ne demeure pas à
l’intérieur et il s’envole loin de lui, remontant dans les hau-
teurs. Ce vêtement est entraîné par cet esprit mauvais qui
le fait sortir à l’extérieur, et il
y reste jusqu’à ce que vienne
l’homme [qui lui correspond], qu’il s’en revête, qu’il le fasse
descendre dans la géhenne et qu’il soit jugé en son sein
chaque jour. Quant à cet esprit de sainteté qui s’était
envolé de ce vêtement, il monte dans l’en-haut et rentre
dans un dépôt, jusqu’à ce que, de ce pécheur, naisse un fils

ou un descendant qui fasse redescendre cet esprit de sain-


teté et qu’il devienne parfait en lui comme il se doit^^°.
Après quoi ce pécheur jouit du repos et il est épuré il

remonte [de la géhenne] puis se revêt d’un autre habit. Il

se tient sur le seuil du jardin d’Eden et aperçoit l’esprit


saint qu’il avait abandonné, paré de gloire et de lumière et

il a honte devant lui. De même, il regarde la gloire des


autres justes et il éprouve de la honte et pleure sur ses actes.

570. Allusion à la transmigration des esprits dans le corps des des-


cendants pour s’y corriger et se parfaire. Cette conception est dévelop-
pée par le Zohar au sujet du commandement du lévirat. Voir Le Zohar,
Livre de Ruth, dont c’est le motif principal.
571. Metsafstefa : peut être compris aussi comme « émerger », ou
« siffler ».
146 - LE ZOHAR [69a-69b]

Quand le Saint béni soit-il créa le premier homme, il le

fit entrer dans le jardin d’Eden en un habit de gloire [fait]

de la lumière du jardin d’Éden, et il le paracheva avec un


esprit et une âme sainte, pour qu il soit parfait en tout. Lui
et sa femme se promenaient dans le jardin d’Eden, les

anges célestes les entouraient, les réjouissant par de mul-


tiples délices et plaisirs Il lui ouvrit un dépôt et lui mon-
tra toutes les générations suivantes, chaque génération en
particulier Il voyait les images de l’en-haut et les images
de l’en-bas à travers la lumière du Miroir qui les éclairait.

La « femme de prostitution » descendit ainsi que celui qui


la chevauche et la domine celui qui « manque de
cœur^^^ » et qui dévoie tout le monde. Ils aperçurent la

gloire éminente qui était en Adam et sa femme. La


« femme de prostitution » s’enhardit grâce à la force et à la
puissance de celui qui la domine et elle s’approcha d’Ève.
Elle commença à la séduire usant de multiples tentations et
de maintes douces paroles, jusqu’à ce quelle soit charmée,
après quoi Adam se laissa fasciner. Alors ses habits s’envo-

lèrent loin de lui et l’âme resplendissante du Miroir d’en


haut le quitta et ils demeurèrent entièrement nus, lui et

sa femme. Dès qu’il pensa au repentir [ 69 b] après qu’il eut

été chassé du jardin d’Eden et qu’il se fut installé à l’exté-


rieur, le Saint béni soit-il eut pitié de lui et il lui façonna
d’autres vêtements d’une nature telle qu’ils conviennent à
l’usage de ce monde-ci. Ensuite il copula à l’extérieur [du

572 Thème récurrent dans


. la littérature juive ancienne, littérature
apocalyptique et midrachique.
573. Voir Avodah Zarah 5 a.
574 Cette
. « femme de prostitution » est assimilée au Serpent pri-
mordial, son cavalier est assimilé à l’ange mauvais Samaël.
575. L’expression est empruntée aux livres des Proverbes, voir par
ex. 6:32.

576. La sefira Malkhout semble-t-il.


[ 69 b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 147

jardin] et il engendra des fils. La splendeur de Tâme supé-


rieure qui s’était envolée loin de lui était montée dans l’en-
haut et fut mise en réserve dans un trésor qui est le

Réservoir Jusqu’à ce qu’il engendre des fils et qu’Hénoch


naisse dans le monde. Dès que vint Hénoch, cette splen-
deur d’en haut, l’âme sainte descendit en lui et Hénoch fut

dans cette grandeur éminente qu’Adam avait abandon-


née C’est ce qui est écrit : « Hénoch marcha avec Dieu,
etc. » (Gen. 5:22). Ensuite le Saint béni soit-il dut le reti-

rer de ce monde-ci et recueillir l’esprit saint de l’en-bas


et de l’en-haut, et tout fut rassemblé dans cet esprit, cet
esprit saint étant constitué de l’en-bas et de l’en-haut,
chaque espèce dans le monde entier suivit son espèce
Dès qu’il fut recueilli, il devint un intendant dans ce
monde-ci et dans le monde supérieur dans ce monde-
:

ci du côté du concentré qui avait été recueilli de ce


monde-ci, et dans le monde supérieur du côté du concen-
tré qui avait été recueilli d’en haut. À chaque époque sans

577. Ou le « corps » des âmes, celui dont parle le Talmud, Yebamot


62a.
578. Hénoch est présenté dans ce passage comme un nouvel Adam.
Voir sur ce motif Moché Idel, « Hénoch c’est Métatron », en annexe
dans Le Livre hébreu d’LLénoch, Lagrasse, Verdier, 1989, p. 393-394.
579. À cause du déluge qui approchait.
580. Le « concentré » extrait du monde d’en bas, du meilleur de
l’humanité, fut recueilli dans l’esprit d’Hénoch lors de son élévation et
de sa transfiguration. Celui-ci résume et récapitule à cet égard toute
l’humanité vertueuse. Les méchants aussi suivirent « leur espèce », mais
le Zohar ne précise pas ici le sort de leur esprit.
581. Hénoch devint l’ange Métatron. Voir note 578.
582. Kelilou, forme nominale de itkelilou ou parfois kelilou (ras-

sembler, concentrer, recueillir), qui désigne le résultat de l’action en


question, l’objet constitué par ce qui a été réuni, extrait, intégré. Cette
forme nominale est rare dans le Zohar (voir I, 13b), et elle est absente
des corpus rabbiniques classiques. Ce mot se réfère à la quintessence
extraite de l’en-haut ou de l’en-bas.
148 - LE ZOHAR [ 69 b]

exception où il
y a des justes et des fidèles dans le monde,
ce concentré qui avait été recueilli auprès des êtres d’en bas
du d’Hénoch se renouvelle, alors il est « jeune », selon
côté
le secret du renouvellement de la Lune C’est le secret
de « Initie (hanokh) le jeune selon sa voie, même devenu
:

vieux il ne s’en écartera pas » (Ps. 22:6). Que signifie


« selon sa voie » ? Selon la voie d’Hénoch, pour cheminer
sur cette voie de vérité, sur un sentier de droiture et de per-
fection. « Même devenue vieille » (ibidem) : cette image
d’Hénoch, depuis le temps où il fut intégré à cette sainteté,
ne dis pas quelle est âgée de tant d’années et quelle a été
retirée de ce lieu, ce n’est pas le cas ; en réalité à chaque fois

qu’il y a des justes et des fidèles dans le monde, ce concen-


tré [issu] de ce côté se renouvelle, et cette image apparaît

vraiment comme un jeune homme et elle n’est pas retirée

de là-bas. Et grâce à ce concentré, les êtres d’en bas héritent


de du breuvage sublime et l’héritage de la sainte
la rosée

Grandeur descend en ce monde. C’est ainsi que « Je suis


noire et belle » (Gant. 1:5), « je suis noire » du côté de l’en-
bas, « et belle » je le suis du côté du concentré de l’en-haut.

« Je suis noire » lorsque je vois tant de pécheurs qui irritent


le Seigneur de toute chose et que je les nourris par le côté
de ce concentré d’en bas qui est en moi, [mais je suis]

« belle » du côté de l’en-haut. « Filles de Jérusalem » (ibi-

dem) bien que Jérusalem et le Temple soient un, le


:

Temple est doté de plus de saintetés, de plus de noblesses.


Le Temple est une chose et Jérusalem est une chose, la mai-
son du Saint des Saints se situe à l’intérieur d’eux car elle
est l’intimité d’eux tous. Ainsi, au moment où la Reine

583. La sefira Malkhout.


584. Terme qui se rapporte, selon R. Moïse Cordovéro, à la sefira

Hokhmah.
585. La sefira Malkhout.
[69b-69c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 149

se pare [de bijoux] et veut s’approcher de son Époux et

qu’Elle s’est ornée, Elle dit à ses foules « Je suis noire » du


:

côté d’en bas, « et belle » <du du concentré d’en bas


côté
au nom de ren-haut^^^>, parce qu’il est écrit « Vous qui :

êtes attachés à YHVH votre Dieu » (Deut. 4:4), les


Israélites sont attachés à Elle par cette parure plus que qui-
conque.

« Je suis noire et belle » (Cant. 1:5). Élie lui dit : Rabbi,


toutes ces paroles étaient inscrites dans les hauteurs en ton
nom avant même que tu ne viennes au monde. À présent,
toutes se trouvent renouvelées comme à l’origine et elles
sont toutes scellées par le sceau de cire du Roi.

Il ouvrit [la bouche] et dit : « Dieu dit : Qu’il y ait des


luminaires dans le ciel » (Gen. 1:14). Ce ver-
firmament du
set a été énoncé compagnons en ont traité, et il est
et les

bien tel [qu’ils ont dit]. Néanmoins, pourquoi est-il écrit


du quatrième jour? En
cela lors effet, c’est dès le deuxième
jour que la Lune^^^ aurait dû être lacunaire puisque la

géhenne fut créée ce jour-là et comme elle avait été créée


à ce moment, la Lune aurait été lacunaire à cause d’elle,
pourquoi donc en est-il question le quatrième jour? Il

convient encore de poser [69c] la question suivante : si la

diminution de la Lune s’est produite le quatrième jour, cela


s’oppose à ce qu’une tradition nous enseigne : le mariage
d’une vierge a lieu exclusivement le quatrième jour^^°. Le

586. La sefira Tiferet.


587. Nous suivons la version de Or Yaqar. Dans les versions impri-
mées, on lit : « davantage encore par le concentré du côté de Ten-haut ».

588. La sefira Malkhout.


589. Voir Pessahim 54a.
590. Voir Ketouvot 2a.
150 - LE ZOHAR [69c]

jour de la diminution de la Vierge d’IsraëP^^ il ne sied pas


qu une autre vierge connaisse la plénitude, car il n est de
plénitude pour une femme qu’en son époux. Cependant,
le deuxième jour lors duquel la géhenne fut créée. Elle
n’était pas encore en état. Elle surgit en effet du deuxième
jour qui est Obscurité et Elle fut créée à partir d’elle à ce

moment, comme il est marqué : « Il a mis une limite à


l’obscurité, etc. » (Job 28:3), et le comportement de cette
Obscurité est qu’« elle sonde la limite de toute fin » (ibi-

dem). Quand donc ? Après quelle s’est établie à sa place, or


elle ne s’établit pas à sa place avant que la Lune ait été

réduite le quatrième jour. La Lune est en effet le quatrième


pied du Trône d’en haut Et parce qu’Elle est le qua-
trième jour vis-à-vis des trois autres piliers son oeuvre a
été énoncée le quatrième jour, car alors Elle se diminua
elle-même et sa lumière s’obscurcit. C’est pourquoi une
vierge prend consistance le quatrième jour afin d’attester la
consistance de la Lune. Et quand une vierge se marie un
quatrième jour et quelle prend consistance en bas, un
héraut se dresse en haut et appelle : « Ne te réjouis pas à
mon sujet, ô mon ennemie, si je suis tombée, je me relève-
rai » (Michée 7:8). Ce qui implique que le jour même de
la chute a lieu le relèvement puisqu’il est écrit : « je suis

tombée, je me relèverai ».

591. Autre désignation de la sefira Malkhout. Expression tirée de


Deutéronome 22:19 et des Prophètes (par ex. Jérémie 18:13, 31:3,
pass.).

592. Allusion à la sefira Guevourah.


593. Selon le Zohar, le mot « limite » se réfère à la sefira Malkhout.
594. Une structure composée des sefirot spécifiées dans la note sui-
vante.
595. Du Trône d’en haut, qui sont les sefirot Hessed, Guevourah
et Tiferet.

596. Voir Nombres Rabba 13:5.


[69c] CANTIQUE DES CANTIQUES - I5I

« Dieu dit :
Qu’il y ait des luminaires » (Gen. 1:14), [au
mot meorot, « luminaires », une lettre] manque parce
qu’une place a été donnée à l’Autre côté pour qu’il s’im-

pose. Et la lumière de la Lune a été couverte telleune noix


dont la coquille recouvre le noyau de tous côtés et la
coquille se consolide à l’extérieur et le Prépuce sur
l’Alliance Pour cette raison la lumière de l’en-haut s’est

obscurcie.

<Et Elle dit : « Je suis noire et belle, filles de


Jérusalem » (Gant. 1:5) à l’adresse des foules [angéliques]
qui ne faisaient pas partie de ses parures parmi les intimes.
Aux intimes qui l’ont ornée Elle ne dit pas cela, mais
quand Elle se rend au dehors Elle parle en ces termes au
reste des foules. Aux intimes qui connaissent ses parures et
qui l’ont ornée de multiples embellissements sublimes. Elle
leur dit : « Qu’il me baise » (Gant. 1:1), comme je me suis

convenablement arrangée pour recevoir des baisers du Roi !

À ceux du dehors qui ignorent ses parures Elle dit qu’Elle


est noire du côté des êtres d’en bas, du côté du concentré
de l’en-bas, pour qu’ils ne la regardent pas d’un mauvais
œil en portant accusation sur ces êtres inférieurs. [Ces
anges] n’éprouvent en effet de jalousie qu’à l’égard des êtres
d’en bas; lorsque les êtres d’en bas occupent une haute
position, ils les jalousent plus que tout, et si tu dis qu’il n’y
a pas de jalousie parmi eux, entre eux effectivement il n’est

pas de jalousie, mais envers les autres il


y en a! Et parce
qu’Elle est comme une mère sur ses fils à l’égard d’Israël, le

597. Voir Jer. Taanit 4:3. Dans ce mot le vav est défectif.

598. Le Prépuce désigne l’Autre côté, l’Alliance se rapporte à la

sefiraMalkhout dans son lien avec la sefira Yessod.


599. Les mots entre crochets obliques manquent dans la version de
OrYaqari'p. 136).
152 - LE ZOHAR [69c-69d]

parement le plus beau et le plus ravissant de tous, qui


relèvedu côté du concentré de Ten-bas et grâce auquel Elle
monte dans l’en-haut, Elle le retire face à ses foules du
dehors pour qu elles ne jalousent ni n’accusent Israël. C’est
pourquoi « Ne me regardez pas car je suis noirâtre » (Gant.
1:6), ne regardez pas ce parement parce que « je suis noi-
râtre ». Mais parmi tous ses parements, il n’en est point de
plus beau ni de plus ravissant en éminence, qui la fasse
monter auprès du Saint, que ce parement issu du côté du
concentré de l’en-bas. Tout cela Elle le dit à ses foules et
non à son Bien-aimé, c’est ainsi qu’Elle leur dit : « Je suis
noire et belle » (Gant. 1:5).

Encore [une explication] : « Je suis noire » du côté de


l’en-bas, et « belle » de votre côté, vous « filles de
Jérusalem », car mon embellissement dépend de vous, vous
qui êtes les saintes foules [angéliques] . Pour cette raison ne
regardez pas cet embellissement venant du côté des êtres
d’en bas. Il en va en tout point comme d’une mère auprès
de ses fils, car nombreux sont les accusateurs qui se dres-
sent là, et s’ils venaient à regarder cet embellissement issu
du concentré de l’en-bas et voyaient combien il est ravis-

sant etcombien il convient pour s’élever grâce à lui vers

l’en-haut, [ces foules angéliques] en arriveraient à accuser


et à rappeler les péchés d’Israël ;
elles les accuseraient et
L’empêcheraient de monter dans l’en-haut s’unir à son
Epoux. G’est pourquoi [Je suis] « comme les tentes de
Qédar » (Gant. 1:5), du côté des êtres d’en bas, «comme
les toiles de Salma » (ibidem) de votre côté. Aussi, ne me
«

regardez pas car je suis noirâtre » {ibidem 6), ne me regar-


dez pas du tout à cause de mes parures qui proviennent des
êtres d’en bas. En effet, [69d] à cause d’eux le SoleiT®° s’est

600. La sefira Tiferet ou Yessod.


[ 69 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 153

irrité contre Moi, et pas seulement lui mais aussi « les fils

de ma mère se sont irrités contre moi » (ibidem), les Pères


du monde quand ils virent ma noirceur du côté des
êtres d’en bas. Si tu demandes est-il convenable de s’ex-
:

primer ainsi ? Eh bien oui, c’est convenable pour deux


raisons : la première à cause du chemin de paix, afin
quelles n’accusent pas Israël ses fils; la seconde pour
qu’ elles ne l’empêchent pas de monter, de s’unir à son
Époux et d’en retirer du contentement. En effet, tout cela
concerne la Lune, car à l’époque où [F Autre côté] couvre la
lumière de la Lune, le Soleil ne s’approche plus d’Elle, à

l’exception d’un unique fil de grâce célestielle qui


s’épanche sur Elle, perçant cette coquille et brisant sa puis-
sance et lui donnant beauté et magnificence. Et Elle dit :

« Je suis noire » (Gant. 1:5) du côté du Prépuce, « et belle »

du côté de ce fil qui s’épanche sur Moi.

Encore [une explication] : « Noire » : du côté de


l’Obscurité d’en haut^°^ lorsqu’elle se renforce, comme il

est écrit : « Car voici l’obscurité recouvre la terre » (Is.

60:2). « Et belle » (Gant. 1:5) du côté de la première


Lumière ainsi qu’il est dit : « Car j’habite dans les
ténèbres » (Michée 7:8) du côté de la Gauche, « YHVH est
ma lumière » (ibidem), du côté de la Droite.

« Ne me regardez pas car je suis noirâtre » (Gant. 1:6).


Elle dit à ses foules :
Quelle confusion est-ce pour vous !

60 1 Les
. sefirot Hessed, Guevourah, Tiferet.
602. Ce que dit la Bien-aimée est une sorte de mensonge ou de
ruse pour détourner l’attention des accusateurs angéliques potentiels
en leur faisant croire à sa « noirceur ».

603. Voir Haguigah 12b.


604. La sefira Guevourah.
605. La sefira Hessed.
- LE ZOHAR [69d]
154

Aussi ne « me regardez pas » au moment où ce côté me


recouvre, vous ne pourrez pas être éclairés par Moi ni ne
pourrez contempler de quelque façon que ce soit ma
lumière.
« Les fils de ma mère se sont irrités contre moi »

(Gant. 1:6). Le SoleiL®^ s’est retiré dans l’en-haut et a été


recueilli, et les « fils de ma mère^°^ » se sont retirés en haut,
c’est pourquoi le Prépuce domine. Quant à vous, « ne me
regardez pas » (ibidem), vous ne pourrez pas voir et
contempler ma lumière de quelque façon que ce soit. « Ils

ont fait de moi une gardienne de vigne » (Gant. 1:6), parce


que le Prépuce est auprès de Moi et qu’il se nourrit de Moi
pour donner [des nourritures] à ses foules et aux officiants

des autres peuples. « Ma vigne à moi je ne l’ai pas gardée »


(Gant. 1:6), ce sont Mes saintes foules que Je ne peux
nourrir à cause de ce côté. À présent il faut réfléchir. Qui
s’occupe d’un cantique, comment peut-il énoncer des
plaintes et des récriminations au début d’une louange ? En
réalité bien sûr, la première raison tient dans le secret du
Gantique et tout est dans l’Écriture.

Par la bouche d’Élie ceci a été expliqué. « Je suis noire et


belle, etc. » (Gant. 1:5). Il est écrit : « Belle cime, joie de
toute la terre, mont Sion, profondeur du nord, cité du
grand roi » (Ps. 48:3^*^^). « Belle cime » : beauté de la cime
de l’Arbre de vie^‘° correspondant au secret du concentré de

606. À savoir FAutre côté, le Prépuce.


607. La sefira Tiferet ou Yessod.
608. Les « fils » de la sefira Binah (la mère), à savoir les sefirot

Hessed, Guevourah, Tiferet.


609. Pour une autre exégèse de ce verset, voir Zoharl, 206b, trad.
dans Le Zohar, tome IV, p. 31
610. Dans F Arbre des sefirot renversé, F Arbre de vie se réfère à la

sefira Tiferet, sa cime représente la sefira Yessod.


[69d-70a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 155

toutes les lettres. Car lorsque les lettres se gravent et s’ins-

crivent dans l’Arbre de vie, toutes les lettres montent et

s’impriment dans une seule lettre et elles se concentrent


dans cette lettre. Et dès qu’ elles s’y sont concentrées, elle les

fait ensuite toutes émerger. Cette lettre est la plus éminente


de toutes. Cette lettre ne génère pas d’autre marque hors
d’elle parce quelle est concentrée en elle-même, et elle ne
laisse pas de trace hormis mystère et repli. Quelle est-elle ?

C’est la lettre yod, qui est un simple point, sans aucune


autre empreinte. Toutes les lettres laissent une autre trace à
l’endroit où elles sont écrites et cette marque reste sur le

blanc de ces lettres, hormis le yod qui est un simple point,


sans blanc par ailleurs. L’Épouse^" dans ses parures hérite de
ce point. Elle est un unique point au milieu de ses puis-

sances et de ses officiants et Elle est appelée yod, point


unique. Dès qu’Elle accède à ce nom et est dénommée yod.
Elle s’orne d’une parure sublime et Elle dit : « Je suis noire »
(Cant. 1:5), Je ne laisse pas de place en Moi-même pour y
accueillir d’autres en ce moment-ci, car J’ai pris le nom de
yod 2&n de monter dans l’en-haut. Ainsi donc « Je suis noire
et belle » comme la structure supérieure, en tête de tous les

degrés Par celle-ci Je me suis concentrée en Moi-même


pour monter dans l’en-haut et Je n’ai à présent pas l’espace

d’un autre déploiement pour Me manifester. Me voilà


cachée sans autre apparence dans le secret d’un simple
point, pour qu’un point monte vers un point. Et parce que
Je suis noire sans extension d’un autre espace, « Ne me
regardez pas » (Cant. 1:6), vous n’avez pas du tout le droit
de me regarder, vous ne pourrez pas M’apercevoir [70a] car
Je suis dans le mystère et le repli selon le secret d’un unique
point en lequel aucun espace n’est reconnaissable. Toutes les

611 La
. sefîra Malkhout.
612 La
. sefîra Hokhmah à laquelle le « point » renvoie.
156 - LE ZOHAR [ 70 a]

lettres ont en une autre place dans le blanc, sauf la


effet

lettre yod qui n a aucune extension pour se rendre visible,

c’est ce que signifient les mots « Ne me regardez pas car je


:

suis noirâtre » (Gant. 1:6), de tous les côtés il n’y a pas en


Moi d’espace blanc ni d’autre lieu par lequel d’autres pour-
raient s’insérer en Moi. « Comme les tentes de Qédar » (ibi-

dem) qui se dissimulent dans les montagnes et ne sortent


pas dehors, « telle est ma colombe, [ma parfaite dans les

fentes du roc » (Gant. 2:14), point au milieu de ses foules.


« Comme les toiles de Salma » (Gant. 1:5). Les « toiles de
Salma » sont réunies ensemble dans une seule lettre, et en
cette lettre elles ne se montrent aucunement. Elles sont six

et elles sont cinq^^^, c’est le secret des mots « Cinq toiles

seront assemblées » (Ex. 26:3) sans aucune séparation, plus


une^'^ qui les réunit et qui est cachée et dissimulée, et c’est
une lettre unique ne comportant pas de blanc d’un autre
endroit. Celle-ci est la lettre vav qui ne laisse aucune place
en laquelle un autre principe eût pu apparaître, mais tout
est enclos en son sein. De même le point précité est sans

blanc d’un autre endroit, et tout est inclus en lui. Et qu’est-


ce qu’il concentre en lui-même ? Six autres côtés.

« Comme les tentes de Qédar » (Gant. 1:6). Il s’agit

d’une autre lettre qui comporte tous les autres degrés et qui
n’a pas de blanc d’un autre endroit, tout y est inclus : c’est

la lettre zaïn. Cette lettre est « les tentes de Qédar ». « Les


toiles de Salma », c’est la lettre vav. Ainsi donc le zaïn signi-
fie que les enfants de Qédar sont sans cesse en guerre plus

613. Ce mot n’apparaît pas dans le texte de la Bible. Il ne figure pas


dans la version de Or Yaqar.
614. Les sefirot Hessed, Guevourah, Tiferet, Netsah, Hod, Yessod.
La sefira Tiferet les englobe toutes, d’où le chiffre cinq.

615. Qui représente la sefira Tiferet.


[ 70 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 157

que toutes les autres nations et dans le futur ils mèneront


une guerre à la fin des jours contre toutes les nations du
monde. Aussi, « Je suis noire » (Gant. 1:5) c’est le yod^
comme il a été dit, qui ne comporte pas de blanc d’un
autre endroit, et tout est inclus en lui. « Comme les tentes
de Qédar » (Gant. 1 :6) c’est la lettre zaïn, qui est semblable
en ce quelle ne comporte aucun blanc d’un autre endroit
et tout est inclus en elle. « Comme les toiles de Salma »

(ibidem)^ telle est la lettre vav, qui n’a pas de blanc d’un
autre endroit et tout est inclus en elle. Néanmoins, bien
que ces deux-là, « les tentes de Qédar » et « les toiles de
Salma » soient encloses et n’aient pas d’autre blanc, elles ne
sont pas encloses et cachées comme la lettre yod c’est pour-
quoi « ne me regardez pas » (Gant. 1:6), ainsi qu’il a été
indiqué. Si tu dis :
Qu’en est-il de la lettre noun ? Celle-ci
sortit de la lettre vav^^'^ qui s’est déployée en incluant mâle
et femelle, mais parce quelle a émergé de la lettre vav elle

n’entre pas en compte par elle-même. En conséquence, ces


deux-là {vavtx. zai7i\ sont noires à l’intérieur d’elles-mêmes
et le principe de ces intimes est en leur propre sein, elles ne
comportent pas de blanc d’un autre endroit qui aurait
rendu visibles les « tentes de Qédar » et les « toiles de
Salma ». Parmi toutes les lettres il n’en est pas comme la

lettre qui est enclose de tous ses côtés.

« Belle cime » (Ps. 48:3), c’est la cime de l’Arbre de vie^^^

qui émerge de la lettre vav^ ensuite elle est englobée dans la


lettre yod^^"^ : dès quelle épanche toutes les bénédictions en

616. Le mot zaïn signifie armure ou armement.


617. Le noun final a la forme d’un allongé.
618. Voir supra nott 610.
619. La sefira Malkhout, qui a hérité cette lettre, un point mysté-
rieux, de la sefira Yessod.
- LE ZOHAR
158 [ 69 a]

un même ensemble, elle s’intégre dans la lettre yod et tout


devient un seul point et c’est la « joie de toute la terre »

(ibidem). Après quelle a été englobée en ce point, tout


devient « mont Sion » (ibidem) - tout est un unique point.
Bien quelle soit petite et qu’aucune autre extension ni
blanc ne s’y manifeste pour que d’autres y puissent être
inclus, elle est la « cité du grand roi » (ibidem) et ce grand
Roi^^^ est élevé et règne sur toutes ses troupes, ces dernières
pénètrent au sein de ce point qui est yod. Et celui-ci est
« une petite ville ayant peu d’habitants » (Ecc. 9:14), car il

ne comporte pas de blanc d’un autre endroit pour intégrer


et laisser pénétrer d’autres [entités] en son sein. « Un grand
roi vint contre elle » (ibidem) : c’est la lettre lamed(\m est

la Tour qui vole dans l’Air limpide saisissable, parce qu’il

y a un autre Air qui n’est aucunement saisissable et ne se


laisse pas connaître Mais, bien que cette lettre soit un
grand Roi au-dessus de toutes les lettres, elle pénètre au
sein de cette petite lettre noire ne comportant aucun blanc
d’un autre endroit. Celle-ci la rassemble à l’intérieur d’elle
et la concentre, puis elle la roule en une lettre qui est le tet.

Le tetéxzii un lamed, et à cause de ce roulement qui l’a fait

tourner en rond, elle est devenue un tetàzns un cercle


« Il bâtit pour elle de grands pièges » (Ecc. 9:14) pour

620. Les sefirot Yessod et Malkhout fusionnent pour ne former


qu’un unique « point » appelé « point de Sion », comme il va être dit.

621. La sefira Binah.


622. Emprunt à Rachi sur Sanhédrin 106b. Désignation de la
sefira Binah. Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire^ op. cit., p. 198
note 914.
623. « L’air saisissable » désigne la sefira Hokhmah, « l’air insaisis-

sable » la sefira Keter. Voir Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, op.

cit., p. 89 note 41 et p. 85 note 25.


624. Selon R. Moïse Cordovéro, la lettre ré”? désigne la sefira Yessod
(Or Yaqar, p. 142).
[69a-70b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 159

qu attrape celui qu Elle veut dans [70b] sa trappe,


comme il est dit : « Parce qu elle est un piège et un filet »

(Ecc. 7:26). « Il bâtit pour elle » (Ecc. 9:14), « pour elle »

précisément, en sa faveur, pour sa gloire, pour lui donner


la domination sur ceux qui sont passibles des multiples
peines de mort infligées par un tribunal, des multiples
peines d’amende, des multiples châtiments ; celui qui s’in-
troduit auprès de ce point est passible d’une sanction sup-
plémentaire à cause de ce point. Le roi Salomon perdit son
royaume à cause de ce point, royaume qui fut divisé en
deux et donné à d’autres, et cela bien que ce soit la plus
petite des lettres et quelle soit seulement un unique point.
C’est ainsi qu’à ce moment-là le yod monta devant le saint
Roi et il dit en sa présence Voilà que le roi Salomon a:

fait de moi un menteur Quel yod}. Le yod du verset


! :

« Qu’il n’ait pas de nombreux (yarbeh) chevaux [...] qu’il

n’ait pas de nombreuses (yarbeh) femmes [...] de l’argent

et de l’or qu’il n’en ait pas en trop grande quantité (yar-


beh) » (Deut. 17:16-17). Le Saint béni soit-il lui dit :

Salomon périra, et mille autres, mais toi tu ne seras pas


arraché de ta place. À cet instant, le qouf^^^ quitta la pré-
sence du Saint béni soit-il qui l’exila de son royaume, et il

s’en alla comme un simple particulier Il allait procla-


mant avec la lettre qouf\ « Je suis l’ecclésiaste (qohelet)^ j’ai

été roi sur Israël à Jérusalem » (Ecc. 1:12). Ainsi donc, « Il

bâtit pour elle de grands pièges » (Ecc. 9:14) pour attraper

625. Ce « Elle » se rapporte à la « ville » et au « point » qui se réfè-


rent à la sefira Malkhout.
626. D’après Exode Rabba 86:1 et Lévitique Rabba 19:2.
627. Cette lettre, comme il a été dit plus haut, représente l’Autre
côté, le Serpent.
628. Pour cet épisode de la vie du roi Salomon, voir la postface de
notre traduction du Targoum sur l’Ecclésiaste, L’Ecdésiaste et son double
araméen, Lagrasse, Verdier, 1990, p. 117 et suivantes.
i6o - LE ZOHAR [70b]

à cause d’Elle du monde dans leurs péchés. Et si tel


les fils

fut le sort du roi Salomon qui fut pris dans ces pièges, à
bien plus forte raison en va-t-il ainsi du reste des hommes.
C’est pour cette raison qu’Elle dit : « Je suis noire » (Gant.
1:5), comme il a été indiqué. Aussi, « ne me regardez pas »

{ibidem 6), vous ne pourrez pas me contempler et vous


introduire en Moi parce que « je suis noirâtre » (ibidem),
tout cela comme il a été indiqué.

« Les fils de ma mère se sont irrités contre moi » (Gant.


1:6), ils m’ont comprimée dans ce point afin que nul autre
ne pénètre en mon sein. Ceux-là se sont déployés et se
sont agencés selon leur structure comme il sied, ils se sont
agencés et déployés dans la lettre vav qui émerge du Point
suprême et ils se sont organisés dans leur structure
comme il convient. Ils se sont agencés, se sont déployés et

se sont gravés dans la lettre chin qui en est sortie. Ils se sont
agencés, se sont gravés et se sont déployés dans la lettre
noun. Ils se sont agencés, se sont gravés et se sont déployés

dans la lettre tsadé. Mais moi Je n’ai pas d’extension vers un


côté quelconque dans le monde, et ils ne m’ont pas laissé

d’autre place pour vous inclure.

« Ils ont fait de moi une gardienne de vignes »

(Gant. 1:6), car Je suis un point unique qui garde les autres
lettres qui ont été inscrites en moi et Je les conserve. Je me

rends en effet auprès de toutes les lettres et elles se

déploient en moi, de moi elles se déploient. « Ma vigne à


moi je ne l’ai pas gardée » (Gant. 1:6), parce que moi Je
n’ai pas d’extension ni de branche vers tel ou tel côté. Si

629. Les « fils » de la « mère », les sefirot émanées de la sefira

Binah.
630. La sefira Hokhmah.
[70b-70c] CANTIQUE DES CANTIQUES - l6l

J’avais étendu des branches Je vous aurais rassemblés en


mon sein. Mais « je ne l’ai pas gardée », Je n’ai pas étendu

de branches vers un côté du monde quelconque. « J’ai

gardé », retenu mes branches. Cette lettre est la Maison


d’Israël qui l’a héritée du Point suprême comme il est

écrit : « Car la vigne de YHVH des armées c’est la maison


d’Israël » (Es. 5:7). Aussi, « Ma vigne à moi je ne l’ai pas
gardée », car Je n’ai pas étendu de branches vers un côté du
monde quelconque pour vous saisir. Je suis moi « une gar-

dienne de vignes » (Cant. 1:6), envoyant et déployant des


branches vers toutes les [autres] lettres et à partir de moi
elles se mettent en ordre, tandis qu’en ma lettre à moi Je
n’ai pas étendu de branches, c’est pourquoi « ne me regar-
dez pas » (Cant. 1:5), vous ne pourrez pas me contempler
et vous introduire en mon sein. Et tout cela parce quelle
est le /déconcentré dans son unité <pour s’élever dans l’en-

haut et Elle n’a pas besoin que l’on s’introduise en Elle, car

Elle est dans son unité point intérieur au milieu de ses


foules [angéliques], mais toutes ses foules éprouvent le désir
de s’approcher d’Elle. Dès qu’Elle a prononcé ces mots.
Elle monte et se dérobe à elles afin de s’ébattre dans l’en-

haut. Quand Elle monte et que ses foules doivent la laisser,

c’est chose pénible pour Elle^^^, parce que ses foules ne la

quittent pas même un seul instant. Lorsqu’Elle est dans


cette lettre Elle se concentre en son sein dans son unité
et Elle énonce ces mots; alors [70c] ses foules sont forcées

de la quitter et Elle leur échappe et monte dans l’en-haut.

631. La sefira Malkhout.


632. La sefira Hokhmah.
633. Ou « dans sa solitude ». Ces mots ne figurent pas dans la ver-

sion de Or Yaqar (p. 143).


634. Dans la version de Or Yaqar, on lit « pénible pour elles », au
pluriel, le sujet étant alors les « foules » d’anges.

635. La \tmt yod.


i 62 - LE ZOHAR [ 70 c]

Dès qu Elle est montée dans Ten-haut, Elle dit à l’adresse


de son Bien-aimé : « Raconte-moi, ô toi que mon âme
aime, où tu mènes paître [le troupeau], où tu le fais gîter à
midi, etc. » (Gant. 1:7).
Rabbi Siméon se réjouit. Il dit : S’il plaît au maître,
celui qui a commencé à parler qu’il termine! <Puisque j’ai

pris plaisir aux paroles du maître, celui-là doit terminer ce

qu’il a commencé [à dire] [Elie] lui dit : Rabbi, tes

paroles qui se gravent et s’inscrivent en haut, dis-les


d’abord. Mes paroles qui se gravent et s’inscrivent en bas^^^,
je les énoncerai ensuite. Toi ouvre la bouche, et tes paroles

répandront la lumière.

Rabbi Siméon prit la parole et dit : « Raconte-moi, ô toi

que mon âme aime, etc. » (Gant. 1:7). Voici ce que j’ai

expliqué :
partout où il est écrit « raconte », « racontez »,

« et il raconta », il s’agit toujours de narrations et il faut les


scruter. Il est marqué ici « raconte-moi », il s’agit d’un
secret de la Sagesse Si tu dis : nombreux sont dans la

Torah [les récits] qui ne recèlent aucun secret de la Sagesse,

comme dans ce verset : « Il nous a seulement raconté que


les ânesses étaient retrouvées, quant à l’affaire de la royauté,
il ne la lui raconta pas » (I Sam. 1:16). [Sache] que même
ces [narrations] se référaient à un secret de la Sagesse, car si

tel n’avait pas été le cas, d’où Samuel aurait-il su si [les

ânesses] avaient été retrouvées ou pas. « L’affaire de la

royauté » c’est la Sagesse supérieure en haut et en bas et les

secrets du Saint béni soit-il.

« Raconte-moi, ô toi que mon âme aime » (Gant. 1:7).

636. Les mots entre crochets obliques ne figurent pas dans la ver-

sion de Or Yaqar{^. 143).


637. Voir plus haut près de l’appel de note 169.
638. La sagesse ésotérique, la cabale.
[ 70 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 163

Il est écrit : « Dieu dit : Que les eaux de dessous le ciel

s’amassent, etc. » (Gen. 1:9). Quand le Saint béni soit-il


décida de créer la terre, il prit de la neige de sous le trône
de gloire et il la jeta au milieu des eaux et celles-ci se conge-
lèrent à cet endroit La terre était un morceau de glace au
milieu des eaux et elle y était dissimulée et elle était au sein
des ténèbres dans l’obscurité. Lorsqu’il dit : « Que les eaux
de dessous le ciel s’amassent en un seul lieu » (Gen. 1:9),
les Sources déversèrent et épanchèrent les eaux d’en
haut*^^^ sur le lieu du Fondement du monde Alors la

terre qui était dissimulée au milieu de l’en-bas fut embel-


lie et remise en état pour apparaître. Car si le lieu précité
n’avait pas été restauré, la terre ne serait pas apparue, or ce
lieu n’est restauré par l’épanchement des eaux supérieures
que pour [en] donner à la Femelle Quand il fut restauré
en sa faveur, aussitôt « le sec apparut » (ibidem) \ elle se

montra dans ses beaux atours. De là nous apprenons que la

femme ne se montrera pas dans ses beaux atours et dans ses

parures sauf quand elle est avec son époux, alors elle appa-
raîtra et se mettra à son avantage comme il se doit. Alors
« Dieu appela le sec terre » (Gen. 1:10). Au début elle était
sèche car elle n’avait pas l’apparence et la forme requise
pour produire des fruits et des plantes. Au moment où il

dit : « Que les eaux de dessous le ciel s’amassent en un seul


lieu » (Gen. 1:9), bien évidemment, toute joie, toute jubi-
lation, toute restauration prit place. Dès que tout le relève-
ment fut parachevé. Elle monta aussitôt auprès du Mâle*^^^

639. Voir Pirqé de Rabbi Éliézerop, op. cit., chap. 3.


640. Les sefirot supérieures.
641. Les influx divins.
642. La seflra Yessod.
643. La seflra Malkhout.
644. À savoir la « terre », la seflra Malkhout.
645. La seflra Yessod ou Tiferet.
164 ~ LE ZOHAR [70c-70d]

et Elle dit : « Raconte-moi, ô toi que mon âme aime où tu


mènes paître [le troupeau], où tu le fais gîter à midi »

(Cant. 1:7). « Où » « Où » (eykhah) deux fois, allusion à


deux destructions la destruction du premier Temple et

la destruction du deuxième Temple. C’est pourquoi « Où


tu mènes paître [le troupeau] » lors de la destruction du
premier Temple, « où tu le fais gîter » lors de la deuxième
destruction. En effet, notre joie est bonne et valable, mais
au milieu de cette joie je dois pleurer à cause de deux
Sanctuaires, l’un est le Sanctuaire d’en haut, l’autre le

Sanctuaire d’en bas. « Pourquoi serai-je comme une


errante » (Cant. 1:7) ? S’il n’y avait pas ces deux époques où
Je vais devoir clamer « Eykhah! », « pourquoi (chalamah)
serai-je », Je serai en paix (chalom) sans aucun exil, en paix
près de mes fils dans l’en-bas. « Comme une errante
Cotyah) », ainsi qu’il est marqué : « 11 est enveloppé Coteh)
d’un manteau Sam. 28:14), à savoir Je serai envelop-
» (1 :

pée d’une chemise de sainteté célestielle qui est le saint


Nom YaH. « Pourquoi serai-je » - Je serai en paix dans
toute la plénitude de l’en-haut. « Comme une errante
(ke^otyah) » : comme enveloppée (keoteh) par Yah, afin de
jouir de toute la plénitude de l’en-haut. « Près des trou-
peaux de tes compagnons » (Cant. 1:7) : ce sont les saints
degrés qui tous sont semblables à l’en-haut. [70d]
C’est alors qu’il lui répond, commençant par un mot qui
est le dernier de ce cantique, en ces termes : « Si tu ne le sais

pas, ô la plus belle d’entre les femmes » (Cant. 1:8), si tu ne


sais pas à quoi se rapportent ces deux « Eykhah »

« Eykhah », « sors donc » (ibidem)^ sors et vois « les talons


des brebis » (ibidem), pour quelle raison il
y aura destruction

646. Eykhah est aussi le premier mot du livre des Lamentations


(qui lui donne son titre) et qui signifie dans ce contexte « hélas ».

647. Les sefirot.


[ 70 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 165

du premier Temple et du deuxième, et tu sauras pourquoi :

« À cause des demeures des bergers » (ibidem)^ car dans le


futur ils négligeront la Torah, à l’époque du premier Temple
et du deuxième Temple

« Raconte-moi, ô toi que mon âme aime » (Gant. 1 :7) :

toi l’aimé de mon âme « raconte-moi » le secret de la

Sagesse; « où tu fais paître » (ibidem), où donc Tu me veux


par rapport à toi^"^^ ? Que Je sois près de toi dans la joie et

que Je sois avec toi. Car à l’époque où Je serai avec toi


« pourquoi (chalamah) serai-je », Je serai en paix (chalom)

tel le noyau d’une noix qui s’enveloppe de tous les palais

qui sont en lui, comme il est écrit : « Tu sauras aujourd’hui


et tu rappelleras à ton cœur que c’est YHVH qui est
Elohim dans le ciel en haut et sur la terre en bas, il n’en est
point d’autre » (Deut. 4:39).

Heureux sont ceux qui s’adonnent à la Torah pour


connaître le mystère de leur Seigneur. Ils connaissent et
scrutent les secrets supérieurs. Parce que, quand un homme
quitte ce monde, même de ce fait, tous les jugements de
l’univers se détachent de lui. De plus, on ouvre pour lui les

treize portails des mystères du baume pur^^° dont la Sagesse


d’en haut dépend. Ce n’est pas tout, le Saint béni soit-il le

grave sur le vêtement royal où toutes les images sont ins-

crites. Et le Saint béni soit-il s’ébat avec lui dans le jardin


d’Eden et lui fait hériter deux mondes, ce monde-ci et le
monde à venir.
Voici la sagesse dont l’homme a besoin :
premièrement

648. Voir Nedarim Sla.


649. Le mot paître en hébreu (tiréh) est audacieusement assimilé
ici à l’araméen taréy, qui signifie vouloir.
650. VoirTaanit 25a. Allusion aux 13 attributs de miséricorde.
i66 - LE ZOHAR [70d]

il doit connaître et scruter le mystère de son Seigneur.


Deuxièmement il doit connaître son propre corps et
savoir qui il est, comment il a été créé, d’où il vient, où il
va, comment a été agencée la structure du corps, et com-
ment il est destiné à comparaître en jugement devant le

Roi de tout. Troisièmement il doit connaître et scruter les


secrets de son âme^^^ :
qu’est-ce quelle est cette âme qui est
en D’où vient-elle ? Pourquoi est-elle venue dans ce
lui ?

corps,une goutte pourrie*^”? Car aujourd’hui ici, et


demain dans la tombe Quatrièmement il doit scruter ce
monde et connaître l’univers dans lequel il se trouve et par

quoi il peut être réparé. Enfin [il scrutera] les secrets supé-
du monde d’en haut afin de connaître son Seigneur.
rieurs

L’homme scrutera tout cela à travers les secrets de la Torah.


Viens et vois :
quiconque se rend dans ce monde-là sans
connaissance, même s’il possède de nombreuses bonnes
oeuvres, on le rejette de tous les portails de ce monde-là.
Sors et vois ce qui est écrit ici : « Raconte-moi »

(Gant. 1:7), dis-moi les secrets de la Sagesse d’en haut,


comment Tu mènes paître et diriges le monde supérieur.
Enseigne-moi les secrets de la Sagesse que j’ignore et que je
n’ai pas étudiés jusqu’à maintenant, de sorte que je
n’éprouve pas de honte au milieu des degrés supérieurs
parmi lesquels je vais pénétrer, car jusqu’ici je ne les avais

pas contemplés.
Viens et vois. Qu’est-il mxarqué ? « Si tu ne le sais pas, ô
la plus belle d’entre les femmes » (Gant. 1:8) : si tu viens

651. On pourrait traduire aussi : « se connaître lui-même ». Sur la

connaissance de forme corporelle de l’homme comme voie d’accès à


la

la connaissance de Dieu, voir Moïse de Léon, Le Sicle du sanctuaire, op.


cit., p. 83 note 20.
652. Voir encore Moïse de Léon, ibidem, note 19.
653. Emprunt à Avot 3:11.
654. Emprunt à Berakhot 28b, pass.
[70d-71a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 167

sans connaissance et que tu n as pas scruté la Sagesse avant


d’être arrivé ici, que tu ne connais pas les secrets du monde
d’en haut, « sors donc » (ibidem), tu n’es pas apte à péné-
trer ici sans connaissance ;
« sors donc sur les talons des bre-
bis » (ibidem) et tu obtiendras la connaissance parmi ces
« talons des brebis » - ceux que les hommes foulent du
talon mais qui connaissent les sublimes secrets de leur
Seigneur avec eux tu sauras scruter et connaître.
;

« Et fais paître tes chevrettes » (Gant. 1:8) : ce sont les


petits enfants de la maison de leur maître, les enfants qui
sont à l’école et apprennent la Torah. « Près des demeures
des bergers » (ibidem) :
près des synagogues et des maisons
d’étude où ils apprennent la Sagesse d’en haut, et bien
qu’ils ne la comprennent pas, toi tu la connaîtras à travers
les paroles de sagesse qu’ils énoncent.

Il est écrit : « Dieu créa^^^ les deux grands luminaires,


etc. » (Gen. 1:16). « Et Dieu créa
les deux » : au début
lumières compagnons
étaient équivalentes, ainsi que les

l’ont enseigné. Et nous avons expliqué que ces deux


lumières partageaient même secret, adhéraient l’une à
le

l’autre et étaient sur une même balance de sorte qu’ elles


étaient toutes deux dénommées [71a] « grands », comme
nous l’avons indiqué. Cela n’implique pas que la Lune
était au début grande et élevée mais tant que la Lune

655. Ces sages méprisés sont sans doute les cabalistes contempo-
rains de la rédaction du Zohar.
656. Dans la version massorétique de la Genèse, au lieu de « créa »
(vayivra) on lit « fit » (vayaas). Cette leçon dissidente se retrouve éga-
lement dans les Pirqé de Rabbi Eliézer chap. 50 et dans le court
Midrach intitulé Retirât Moshe.
657 Celle du Soleil (la sefira Tiferet ou Yessod) et celle de la Lune
(la sefira Malkhout).
658. Voir Pirqé de Rabbi Éliézer, op. cit., chap. 6.
i68 - LE ZOHAR [71a]

demeurait avec le Soleil en un même secret, à cause de lui


elle était appelée, avec lui, « grands » la queue d’un lion
:

est un lion et elle est appelée lion. La Lune dit devant le


Saint béni soit-il : Est-il possible qu’un seul Roi se serve de
deux couronnes en même temps? Non, l’une à part et
l’autre à part'^^^ Il lui dit : Je constate que tu désires être la
tête des renards. Va et fais-toi petite, et bien que tu sois
leur tête, tu seras diminuée par rapport à ce que tu étais.

C’est ce que dit la Lune « Raconte-moi, ô toi que mon


:

âme aime, où tu mènes paître [le troupeau] » (Gant. 1:7),


comment est-il possible pour toi de diriger le monde avec
deux couronnes en même temps. « Où tu le fais gîter à

midi » (ibidem) : la Lune en effet n’est pas apte à briller et

il t’est impossible de diriger [le monde] avec deux cou-


ronnes ensemble, avec la Lune et le Soleil- qu’est-ce que
la lumière de la Lune « à midi » ? Aussi, il t’est impossible
d’utiliser deux couronnes en même temps.
« Pourquoi serai-je comme une errante » (Cant. 1:7) ?

Alors Je serai moi enveloppée à midi, lorsque la lumière et


l’ardeur du Soleil iront en augmentant. Je serai couverte de
honte devant lui et Je ne pourrai pas servir devant toi.
Quant à toi, comment pourras-tu diriger [le monde] en te

servant de deux couronnes à la fois ?

Le Saint béni soit-il lui dit : Je t’ai comprise Va ! et fais-

toi petite, « Si tu ne le sais pas, ô la plus belle d’entre les

femmes » (Cant. 1:8), car tu as dit qu’il m’était impossible


de conduire le monde avec deux couronnes à la fois, va et
fais- toi petite, tu seras donc la tête des renards.
« Sors donc sur les talons des brebis » (ibidem) : sors et

sois la tête de ces foules et soldats [angéliques] d’en bas,


fais-les paître et conduis-les et sois roi de tous les êtres

inférieurs, dirige chacun d’eux comme il lui sied et règne

659. Voir Houiin 60a.


71 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 169
[

pendant les nuits. Bien sûr, sors et fais-toi petite, telle est

la chose qui te convient.

Élie lui dit : Rabbi, heureux ton partage car les mystères
de ton Seigneur illuminent ta face comme la lumière du
soleil. C’est pourquoi toutes les paroles de ta bouche sont
gravées dans l’en-haut et je me réjouis de les avoir enten-
dues de ta bouche. Heureux es-tu dans ce monde-ci et heu-
reux es-tu dans le monde à venir. Ce discours était en sus-
pens devant le saint Roi car il n’était pas révélé à tous les

soldats d’en haut. Qui est celui qui le révèle maintenant


dans ce texte biblique ? C’est toi, dont le partage est heu-
reux dans ce monde-ci et dans le monde à venir !

Par la bouche d’Elie a été énoncé : « Raconte-moi, ô toi

que mon âme aime » (Cant. 1 :7) : dès qu’Elle s’est retirée

dans l’en-haut et qu’Elle s’est dérobée loin de ses puissances

et de toutes ses foules, selon le secret de la lettre yod. Elle

dit : « Raconte-moi, ô toi que mon âme aime » (ibidem),


toi qui es l’aimé de mon âme, « où mènes-tu paître » (ibi-

dem) puisque Je :
suis un simple point sans aucune exten-
sion, m’étant concentrée en moi-même et que Je ne peux
ni glaner ni donner. Et c’est cela qu’Elle dit à son aimé
parce qu’Elle est assise repliée sur Elle-même en un unique
point, et Elle désire qu’il s’introduise en Elle, comme il est

écrit : « Un grand roi vint vers elle » (Ecc. 9:14), bien


qu’Elle soit la plus petite des lettres. Aussi, depuis le jour
où le Temple a été détruit, le Saint béni soit-il a promis
qu’il n’entrerait pas en Elle dans l’en-haut avant que les

Israélites n’y entrent dans l’en-bas ainsi qu’il est mar-


qué : « Le Saint est au milieu de toi et je n’entrerai pas dans

la ville » (Os. 1 1:9). Il est écrit ici « dans la ville » et il est

660. VoirTaanit 5a.


170 - LE ZOHAR [71a-71b]

écrit là-bas : « une petite ville » (Ecc. 9:14), parce qu’Elle


est la lettre yod, la plus petite de toutes.
« Pourquoi serai-je comme une errante » (Gant. 1:7),
concentrée en moi-même, car Je n ai aucune extension, de
quelque côté que ce soit. Parce qu Elle est enclose de tous
les côtés, davantage que le reste des lettres.

« Si tu ne le sais pas, etc., sors pour toi » (Gant. 1:8) :

étends-toi de tous côtés et glane délices et plaisirs par cette


extension [71b]. Et en quoi consiste cette extension? Elle
devient comme une cabane servant aux gardiens des trou-
peaux de moutons et c’est la lettre hé. G’est ce que signifie

« Sors pour toi » (ibidem). Il n’est pas écrit « sors » mais


« sors pour toi », ainsi qu’il est marqué : « Elargis l’espace
de ta tente, déploie les toiles de tes habitations, etc. »

(Es. 54:2). Gar au début tu n’étais qu’un simple point noir


ne comportant aucun autre espace. Elle était en réalité
enfermée en elle-même à présent qu’Elle s’est élevée et
;

s’est unie à son Époux, ce dernier lui dit « Sors pour toi » :

(Gant. 1:8). « Élargis l’espace de ta tente » (Es. 54:2),


déploie ton être et tout de suite « fais paître tes chevrettes »
(Gant. 1:8), tu pourras glaner plaisirs et délices. En effet,

au moment où Elle est un simple point et monte dans l’en-

haut, et où ce Roi supérieur descend à sa rencontre pour


pénétrer en Elle, Il heurte ce point qui se déploie de tous
côtés, et ce point devient la lettre héox se parachève à tous
égards, et Elle glane délices et plaisirs. Il lui déclare alors :

« Fais paître tes chevrettes » (Gant. 1:8), va, nourris et sus-


tente toutes tes troupes, grandes et petites.
« La plus belle d’entre les femmes » (Gant. 1:8) : simple
point entre toutes les lettres, il n’est pas de beauté parmi les

lettres hormis la lettre yod. Par ce point toutes les lettres

sont remises en état et il est leur beauté à elles toutes, il

n’est pas une seule lettre qui ne marche sans ce point-là. Il

est en elles toutes et toutes sont en lui. Elle est belle et elle
[71b] CANTIQUE DES CANTIQUES - I7I

est la beauté d’elles toutes. C’est quelle procède d’un lieu


enclos suprême, tête de tous les degrés d’en haut^‘^\ et en
[ce point] est la tête de tous les degrés inférieurs d’en bas,
pour cette raison [il est dit :] « La plus belle d’entre les

femmes » (Gant. 1:8), la beauté d’elles toutes.

Mais encore : « La plus belle d’entre les femmes »

(Cant. 1:8) ; il est écrit « d’entre les femmes », d’entre les


lettres qui sont féminines. Et qui est-Elle? C’est la lettre hé,

car alors Elle est l’extension et la beauté de tout, pour


mener paître, pour distribuer des parts à toutes ses troupes
d’en haut. C’est pourquoi « Sors pour toi » (ibidem) de cet
enfermement, car tu es concentrée et enfermée en toi-

même. « Pour toi », pour toi-même et pour ton avantage.


Et tout a lieu dans le secret des lettres.

Il est écrit : « Elohim dans ses châteaux forts est connu


en tant que citadelle » (Ps. 48:4). En effet, lorsque le « grand
662
roi 48 3 ) précité vient auprès d’Elle et l’entraîne
(pg
-

dans l’en-haut pour pénétrer en Elle, Il la heurte en ce


point. Dès qu’il a heurté ce point. Elle se déploie et s’ouvre
de tous côtés et Elle devient la lettre hé, porte des Palais dans
toutes les directions, pour que le « grand roi » y pénètre,
alors « Elohim est dans ses châteaux forts », dans cette
ouverture des Palais, par la lettre hé II se fait connaître. Cet
Elohim Vivant prend ce nom pour nourrir et distribuer des
parts à tous. Alors « il est connu en tant que citadelle » (Ps.

48:4), pour être une citadelle pour les êtres d’en bas et pour
verser à tous des bénédictions, à la manière de l’ en-haut.

Quand le Saint béni soit-il voulut créer le monde, toutes


les choses de l’univers montèrent dans la Pensée ainsi que
tous les degrés supérieurs et inférieurs. Pourquoi ce nom de

661. La sefira Hokhmah, le Point suprême.


662. La sefira Binah.
172 - LE ZOHAR [71b-71c]

Pensée C’est parce quelle était un point unique enclos,


qui tenait dans une pensée. En effet, un simple point, on ne
sait pas dans quelle direction il va se déployer ni ce qu’il y
aura à partir de lui, ni vers où tendra son cheminement. Et
ce point-là est la tête de toutes les volontés et de toutes les
pensées du monde. Tout était enfermé en lui et ne se laissait
pas connaître, jusqu’à ce que cette Pensée se déploie et
devienne une extension dans telle et telle direction. Dès que
cette Pensée se fut déployée dans cette extension, tout ce qui
était enclos se manifesta davantage. Non pas quelle se révé-
lât pour se laisser connaître, mais la direction du chemine-
ment de cette réalité impénétrable se dévoila. Et elle sortit
du mystère de la Pensée, car elle*^'^'^ ne tenait plus dans la
Pensée et elle ne portait plus ce nom, mais elle prit un
[autre] nom pour se manifester et elle devint une Voix silen-
cieuse Et qui est-elle? C’est la lettre /?équi est un instru-
ment [servant] à faire sortir toutes les choses encloses qui
étaient au sein de la Pensée. Ici c’est à l’inverse du processus
qui a lieu en bas. En bas, le grand Roi^^*^ heurte ledit point
inférieur quand il est fermé, et il va vers lui [ 71 c] en étant
dans le secret de la lettre qui a émergé de ce supé-
rieur Ce vavàoïvQ, qui sortit de lui, heurte ce point et en
fait surgir tout ce qu’il avait glané en haut, et il se déploie et

s’ouvre dans tous les sens et il devient la lettre En haut,

663. Qui se réfère à la sefira Hokhmah.


664. Il s’agit de la Pensée : c’est la Pensée (la sefira Hokhmah) qui
sort d’elle-même.
665. La sefira Binah.
666. La sefira Binah.
667. La sefira Malkhout.
668. La sefira Tiferet.

669. De la sefira Binah.


670. Le second hé du Tétragramme appelé aussi hé inférieur se
réfère à la sefira Malkhout dans son état d’épanouissement. C’est le

processus de son émergence qui est décrit ici.


[ 71 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 173

ce qui heurte la lettre hé supérieure est le Point unique


suprême et impénétrable. Dès qu’il l’a heurtée il s’extério-

rise et toutes les choses encloses qui y étaient se révèlent et


surgissent au dehors. Ainsi est connue cette Pensée qui était

impénétrable et inconnaissable. De la même façon, quand


le vav\\&mx.ç. le point d’en bas^^^ il en fait sortir aussitôt

toutes les puissances, les officiants, les troupes, les lumières


et les fleuves profonds d’en haut. Ils lui disent alors : « Et
fais paître tes chevrettes près des demeures des bergers »

(Cant. 1:8) :
prends des lumières et des nourritures, distri-

bue-les à toutes ces puissances et donne-les-leur. « Près des


demeures des bergers » (ibidem) : ce sont les bergers qui sont
les conducteurs du monde pour leur donner domination
et force, chacun selon ce qui lui revient. Et tout cela grâce
au déploiement de ce point qui était fermé auparavant.

Rabbi Siméon se réjouit et dit : Dans le passé, avant que


ne soient énoncées et révélées ces choses du Cantiques des
Cantiques, je pleurais et j’étais triste. À présent que ces
choses ont été révélées, je me réjouis et je clame : heureux
mon partage pour avoir assisté à cela! De plus, ces choses
sublimes d’en haut ont été dévoilées ici par l’entremise du
maître

« À une cavale parmi les chars de Pharaon je te com-


pare, ma compagne » (Cant. 1:9). Rabbi Siméon prit la
parole et dit : « Il prit six cents chars d’élite, etc. »

(Ex. 14:7). Viens et vois : la sagesse des Egyptiens consistait


en ce que tout ce qu’ils faisaient, ils l’accomplissaient en se
référant à la Sagesse d’en haut. Pharaon était le plus savant,

671. La sefira Malkhout.


672. Les anges qui assurent la conduite du monde, les princes des
nations.
673. À savoir Élie.
- LE ZOHAR [71c]
174

car on n intronisait pas de roi en Égypte s’il n’était le plus

savant de tous. Il est donc écrit « Il prit : » (ibidem), il prit


tout grâce à la Sagesse, il prit en sa faveur le conseil de la
Sagesse. Il se dit : Ce peuple comprend six cent mille

hommes. Il se rendit dans ses appartements, fouilla dans


tous les types de recettes magiques qu’il possédait et
façonna des emblèmes fascinants et confectionna des
charmes, puis il prit six cents chars sélectionnés. « D’élite »

(ibidem) : à savoir les plus efficaces des sortilèges, chargés


de toutes sortes de magies et de sorcelleries, en référence au
secret d’en haut relevant de l’intendant [angélique] affecté
sur les [Égyptiens]. Puis il mit en marche les « six cents
chars d’élite » équipés de charmes et de sorcelleries, qui
avaient été sélectionnés contre Israël. Chaque char égyptien
sans exception était équipé de ses sortilèges et de ses
charmes magiques. Il n’y avait pas de savant en Égypte qui
ne fût équipé de charges de magies et de sortilèges. « Avec
des troisièmes sur chacun d’eux » (Ex. 14:7). Que sont ces
« troisièmes » ? En fait, les charmes y étaient gravés
divers
trois par trois et les noms impurs étaient des séries de trois
lettres, toutes gravées dans des armoiries ornées, à la
manière de l’en-haut, pour être pour lui des armes orne-
mentées contre Israël. Le ketiv est « sur l’Épouse » Çal
kalah^^^). En effet, il prit conseil « sur l’Épouse » afin d’ex-
terminer Israël. Tous [ces « troisièmes »] étaient divers

674. Segimin, hapax, mais il faut peut-être corriger en signim, que


le emprunter à Cantique Rabba
paraît 1:9 : « Dieu leur enleva
[aux Égyptiens] leurs emblèmes. »
675. Qesirin, hapax, peut-être d’après qésar, césar.

676. Au lieu du qerey d’Exode 14:7 qui porte 'al koulo (sur cha-
cun). Cependant, dans la version massorétique, il n’y a pas de diffé-
rence entre ketiv (le texte tel qu’il est écrit) et qerey (le texte tel qu’il
doit être lu, après correction). Le Zohar s&mhXt se fonder sur l’absence
du vav après le kaf^om proposer son exégèse.
[71c-71d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 175

blindages contre l’Épouse qui se déplaçaient en avant


d’Israël. Aussitôt : « YHVH fit s’obstiner le cœur de
Pharaon [. .
.] et il se lança à la poursuite des fils d’Israël. Et
les fils d’Israël sortaient la main levée » (Ex. 14:8). Il n’est

pas écrit « d’une main levée main levée », il» mais « avec la

s’agit de la main au sujet de laquelle il est marqué « Israël :

vit la grande main » {ibidem'iX), cette « grande main » est

la « main levée ». À cet instant, le Saint béni soit-il grava

dans cette « main » toutes les images, tous les soldats et

toutes les forces des Égyptiens, à la manière de ces sorti-


lèges et de ces charmes qu’ils avaient confectionnés quand
ils étaient venus avec cette magie. Cette « main » était gra-
vée à l’encontre de ces magiciens, et [leur magie] se brisa
contre l’image qui était gravée sur cette main. C’est ce qui
est écrit : « Ta droite, YHVEi, resplendit de vigueur, ta
droite, YHVH, écrase l’ennemi » (Ex. 15:6) [71d]. Et à
cause de cela « je te compare » (Cant. 1:9), j’ai gravé en toi
des images et des formes à la manière des cavales de
Pharaon.
Jusqu’ici [s’étend l’explication du verset] . Cependant,
elle n’est par reliée au contexte. En effet, qu’est-ce que cela
vient faire par rapport au verset précédent, et par rapport
au secret de l’amour et de la joie de ce Cantique ? Que veu-
lent dire ici les cavales de Pharaon et en quoi [le Bien-
aimé] lui répondit-il ? En réalité cependant, tout est lié à

un même secret. « À une cavale parmi les chars de


Pharaon » (Cant. 1:9). Revenons à notre propos initial.

Lorsque le Saint béni soit-il la chargea d’être la tête de


toutes les troupes et officiants d’en bas. Elle loua sans cesse
à partir de ce moment, sans se taire un instant, et toutes ses

troupes récitèrent continuellement une louange et jamais

677. Symbole de la sefira Malkhout, la bien-aimée du Cantique


des Cantiques, l’Épouse dont il vient d’être question.
176 - LE ZOHAR [71d]

ils ne se turent. Ce cantique d’amour débuta quand Elle


sortit d’Égypte. Toutes les armées d’en haut et d’en bas se

tenaient devant Elle, alors l’amour de la louange com-


mença envers l’ en-haut. Les chevaux de Pharaon et ses
chars courant derrière Israël, Elle entonna une louange
d’amour envers l’en-haut. Mais le Saint béni soit-il ne vou-
lait pas de cette louange à ce moment-là, ainsi qu’une tra-
dition nous l’enseigne d’après le verset : « Que l’un ne
s’approche pas de l’autre toute la nuit » (Ex. 14:20). Il la fit

donc taire, interrompant le cantique d’amour qu’Elle avait


commencé.
Sors et regarde une épouse qui languit d’amour pour
:

voir son époux, lorsqu’elle l’aperçoit, l’amour quelle


éprouve envers lui prend son élan et elle commence à le

complimenter. Si lui ne veut pas de ce compliment, il

réduit au silence l’élan d’amour quelle a initié, mais com-


ment son cœur et sa volonté pourraient-ils se taire ? Quand
les chevaux et les chars de Pharaon s’enfoncèrent dans la

mer, et que les Israélites virent les exploits et les miracles


que le Saint béni soit-il avait accomplis pour eux, ils se

mirent sur la terre à chanter un cantique pour Elle, et le

Saint béni soit-il les agréa, comme il est écrit : « Alors


Moïse et les fils d’Israël chantèrent ce cantique à YHVH »
(Ex. 15:1). Plus tard, quand le puits réapparut, les Israélites
chantèrent un cantique pour Elle, comme il est marqué :

« Alors Israël chanta ce cantique » (Nom. 21:17). Josué


vint et il chanta un cantique pour Débora et Baraq
Elle.

vinrent et ils chantèrent un cantique pour Elle. Quand


Salomon eut construit le Temple et que tous les mondes
furent sur une même balance Elle déclencha l’amour et
un cantique dans l’ en-haut et Elle dit les paroles éminentes

678. Voir Sanhédrin 39b.


679. À savoir : en harmonie.
[ 71 d- 72 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 177

de louange d’amour que voilà pour Lui. Alors Lui, à


et

cause de l’amour et du désir de l’Epouse, voulut lui rappe-


ler le silence qu’il lui avait imposé en refusant son cantique.
Il prit la parole et dit : « À une cavale parmi les chars de
Pharaon » (Cant. 1:9) : lorsque ces chevaux et ces chars de
Pharaon approchaient et poursuivaient Israël, « je t’ai fait

taire (dimitikh) ma compagne » (ibidem), je t’ai imposé le

silence. Dimitikh [signifie « je t’ai fait taire »], comme


dans Aaron garda le silence (vayidorn) » (Lév. 10:3),
: «

« Soleil sur Gabaôn, arrête-toi (dom) » (Josué 10:12).

Néanmoins cela était nécessaire, car à ce moment-là et jus-


qu’à présent, les fils et les troupes terrestres ainsi que tous
tes ornements, n’étaient pas complets comme il se doit, et

tu n’étais pas couronnée par eux ainsi qu’il sied à ta consti-


tution. Mais maintenant, « elles sont charmantes tes joues
avec des boucles » (Cant. 1:10) : comme sont charmants
tous tes ornements et comme ils sont beaux « avec des
boucles », car ils ont déjà reçu la Torah, la Torah écrite et la

Torah orale, et tu t’es couronnée par eux, ce que tu n’avais

pas fait auparavant. C’est pour cette raison que « je t’avais

fait taire, ma compagne » (Cant. 1:9) et que je n’ai pas


voulu de ton cantique et de l’éveil de ton amour, parce que
tu étais « nue, complètement nue » (Ez. 16:7) et tu n’étais
pas arrangée avec des ornements, mais à présent comme
sont belles tes parures Je prends plaisir en toi et dans
! les

paroles de ton cantique. « Ton cou » (Cant. 1:10) - voilà


que tu possèdes un Temple sur la terre semblable à toutes
les formes supérieures, et de nombreux justes et fidèles

pénètrent en son sein. Maintenant que tu f es couronnée


de tes parures [72a] et de leur plénitude, toutes les Sources
d’en haut, tous les degrés et les organes sont pour toi, pour
t’accueillir et pour t’arranger avec de sublimes ornements.
Aussi « nous te ferons des boucles d’or » (Cant. 1:11);
« nous te ferons » bien sûr, il n’est pas écrit « je te ferai »
178 - LE ZOHAR [72a]

mais « nous te ferons », du sommet du Point suprême jus-


qu’au Fondement inférieur, nous te parerons et nous te
ferons à partir du côté de où se situe l’éveil de
l’amour. « Avec des pointes d’argent » (ibidem)^ à partir du
côté de la Droite Cela pour montrer que l’élan d’en
haut ne s’éveille et n’opère une restauration à son intention
que lorsqu’Elle a été d’abord remise en état par les restau-
rations menées dans ce monde-ci. Dès que les restaurations
opérées dans ce monde-ci ont été effectuées en Elle conve-
nablement, les restaurations menées d’en haut sont effec-

tuées en Elle et on lui donne « des boucles d’or avec des


pointes d’argent » (Gant. 1:11). Des « boucles » (tourey),

ainsi qu’il est marqué : « Le tour (tor) d’Esther, fille

d’Abihaïl » (Esth. 2:15). En conséquence, lorsque les che-


vaux de la cavalerie de Pharaon poursuivaient [Israël], « je

t’ai fait taire » (Gant. 1:9) pour que tu ne loues ni n’éveilles


l’amour à mon sujet, tes parures en bas n’ayant pas d’exis-
tence. A présent le moment est venu, car « elles sont char-
mantes tes joues avec des boucles, etc. » (Gant. 1:10) et évi-
demment « nous te ferons des boucles d’or, etc. »

{ibidem W) et nous t’ornerons impeccablement, chacun


suivant ses voies. Les paroles [du Gan tique des Gan tiques]
sont donc bien liées entre elles.

« À une cavale parmi les chars de Pharaon, etc. »

(Gant. 1:9). Il est écrit : « YH^/H marchait devant eux, le

jour dans une colonne de nuée, etc. » (Ex. 13:21). Lorsque


le Saint béni soit-il les fit sortir d’Egypte, ils ne voulaient pas
marcher dans un désert sur un chemin aride car ils étaient
habitués à l’Egypte qui était comme un jardin d’Eden,
comme il est dit : « Gomme le jardin de YHVH, comme le

680. La sefira Guevourah. Voir supra notes 125 et 420.


68 1 La . sefira Hessed.
[ 72 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 179

pays d’Égypte » (Gen. 13:10). Ils traversaient alors un lieu

aride, un lieu désolé sans habitations. Que fit le Saint béni


soit-il? Il envoya au-devant d’eux la Chekhinah qui se

déplaçait au milieu de toutes sortes de splendeurs, de toutes


sortes de choses désirables, et ils couraient derrière Elle pour
voir [cela] avec désir. Pour cette raison ils couraient après
Elle et se déplaçaient et n’étaient pas retardés. Le Saint béni
soit-il agit ainsi pour eux, car de cette façon la sanctification

de son Nom ne fut pas arrêtée près de la mer, il voulait être


glorifié parmi tous les peuples de la terre. De même qu’ils

marchaient avec empressement, ainsi fit Pharaon avec sa


cavalerie et ses chevaux, les poursuivant dans la précipitation

pour que ses chars ne soient pas retardés en chemin. Que


fit-il ? Il prit des juments et des étalons et plaça les femelles

devant et les mâles derrière ; les mâles couraient après les

femelles et les femelles couraient devant les mâles, les uns et


les autres courant avec empressement. Cela le Pharaon le fit

avec sagesse pour poursuivre Israël avec célérité. Dès qu’il

fut en contact avec eux il voulut leur faire la guerre. Il prit

les juments et les attacha à l’arrière et il mit les étalons


devant elles afin que ses chars fassent halte. C’est ainsi qu’il

est marqué d’abord : « YHVH marchait devant eux le jour »


(Ex. 13:21) et ensuite il est écrit : « L’Ange de Dieu qui mar-
chait devant le camp d’Israël se déplaça et marcha derrière
eux » {ibidem 14:19). « Il se déplaça » afin que les Israélites

fassent halte et soient protégés. Et les flèches, les catapultes,


les pierres, les javelots qu’ils lançaient sur les Israélites ne les

atteignaient pas^®^. C’est ce qui est écrit : « Immobilisez-vous


et vous verrez le salut de YHVH » (Ex. 14: 13). Voilà pour-
quoi je t’ai « fait arrêter (Cant. 1:9), de la même façon
[qu’avait fait Pharaon avec sa cavalerie]

682. Voir Mekhilta Bechalah, 14:19.


683. Encore une autre manière de lire les mots « je te compare ».
i8o - LE ZOHAR [72a-72b]

Quand les foules [d’Israélites] eurent traversé [les eaux]


et que le monde entier vit tous ces miracles et ces exploits
que le Saint béni soit-il avait faits sur la mer, aussitôt « elles

sont charmantes tes joues avec des boucles » (Gant. 1:10),


les Israélites s’étant parés du secret de la Foi, comme il est
écrit : « Ils crurent en YHVH et en Moïse son serviteur »
(Ex. 14:31). Et Israël reçut la Torah sur le mont Sinaï, la
Torah écrite et la Torah orale, alors tout fut remis en état,

l’en-haut et l’en-bas comme il convient.

« Elles sont charmantes tes joues avec des boucles »

(Gant. 1:10). Viens et vois : tous les aspects intérieurs et


toutes les pensées et les volontés du monde qui sont dedans
le cœur, toutes sont visibles sur le visage. Par son visage, on

connaît qui est l’homme, si ses œuvres sont bonnes, si elles

sont mauvaises, comme il est dit : « L’aspect de leur visage


[72 b] témoigne contre eux » (Es. 3:9). Maintenant que
toutes les restaurations de l’Epouse ont été convenable-
ment effectuées, par des remises en état valables, par des
remises en état opérées par de bonnes œuvres, en consé-
quence « elles sont charmantes tes joues » (Gant. 1:10),
sans aucune honte. Tout cela se produisit lorsque le Temple
fut construit, tous les mondes étaient dans la joie, l’en-haut
et l’en-bas, les visages furent alors convenablement agencés,
<face à face ils s’unirent comme il sied^^'^>. « Tes joues », et

il n’est pas marqué « ton visage » parce que c’est tout un,
cependant les « joues » sont rehaussées par le bruissement
et la parole pour qu’on les contemple. G’est pourquoi ce
cantique est plus parfait à présent qu’à toute autre époque
de l’histoire.

684. Ces mots ne figurent pas dans la version de Or Yaqar (p. 161).
685. De la lecture de la Torah qui vient d’être donnée au Sinaï.
[72b] CANTIQUE DES CANTIQUES - I8l

Il est écrit : « Et voici une parole de YHVH adressée à


lui : Ce n’est pas celui-là qui héritera de toi mais celui qui
sortira de tes entrailles, lui, héritera de toi » (Gen. 15:4).
Comment se fait-il qu Abraham, qui marchait dans la per-
fection auprès du saint Roi, ne crut pas dans la parole du
Saint béni soit-il. Il lui dit qu’il aurait des fils, comme il est

marqué : « À ta descendance je donnerai ce pays »

(Gen. 12:7), après quoi [Abraham] dit : « Voici qu’un des


gens de ma maison héritera de moi » {ibidem 15:3).
Penche-toi sur le début du passage. Qu’est-il écrit ? « Je vais
m’en aller sans avoir eu d’enfant » {ibidem 2) et il est mar-
qué : « Voici que tu ne m’as pas donné de descendance et

qu’un des gens de ma maison héritera de moi » {ibidem 3).

En réalité, au début Abraham crut dans le Saint béni soit-


il puis il se mit à scruter les astres et les constellations et il

constata qu’il n’aurait pas de fils. Cela parce que jusqu’à ce


moment-là encore il n’était pas attaché à l’adhésion de son
Seigneur. Dès qu’il est écrit : « Il le fit sortir dehors »

(Gen. 15:5), il le fit sortir de cette voie et il le rapprocha de


Lui, de son culte, pour qu’il connaisse les autres voies de la
Sagesse ; il le fit sortir de ces horoscopes des constella-
tions lui dit
et Abram n’enfante pas. Abraham
il :

enfante Ce qu’exprime « On ne t’appellera plus du :

nom d’ Abram ton nom sera Abraham car je te fais père


;

d’une multitude de nations » (Gen. 17:5). Quelle en est la

raison? Parce qu’il n’est pas de lettre, parmi toutes les

lettres, appropriée à l’enfantement, excepté la lettre hé.

Cette lettre est appropriée pour générer des fruits et des


plantes davantage que toutes les autres lettres, c’est pour-
quoi elle est ouverte de tous les côtés. Si tu dis : il n’était

686. Tiyourey, sur ce mot rare dans le Zohar, voir notre traduction,
Le Zohar, tome III, p. 280, note 1 (I, fol. 194b, tayerd).

687. Voir Genèse Rabba 44 :10.


i 82 - LE ZOHAR [72b]

pas nécessaire d’ajouter cette lettre à Abraham car elle ne


lui revenait pas, le partout est féminin, laisse-la donc à
Sarah, qu elle soit inscrite en son sein. En fait il
y a deux hé,
l’un supérieur, l’autre inférieur. L’un est le Monde du
Mâle^®^ l’autre le Monde inférieur qui est le Monde de la
Femelle Dès que le ajouté à Abra/^am, la première
Lumière dans laquelle ce s’était enveloppé émergea
et produisit des fruits. Et Abraham fut marqué par le degré
supérieur qui fut sien, par la puissance de ce hé d’en haut,
caril n’est pas de puissance et de force pour cette première

Lumière en dehors du hé. C’est pourquoi cette première


Lumière prit avec elle la lettre hé^^^ et elle s’établit dans

son degré, s’élevant ainsi pour être génératrice d’engendre-


ments.
Deux lettres sont inscrites ici [dans le nom Abraham]
qui correspondent au Monde supérieur ce sont le hé et
le mem mem relève en effet du Monde supérieur.
[final] . Le
Quelle différence y a-t-il entre la lettre mem et la lettre hé,
puisque toutes deux sont du Monde d’en haut En fait, ?

quand tout est enclos au sein de la Pensée supérieure et que


le Point n’est pas déployé, renfermant en lui tous les sen-
tiers supérieurs et les lettres closes, tout est contenu dans
la lettre mem. Tous ces sentiers et lettres supérieurs enclos
étaient donc concentrés dans cette lettre-là. Dès qu’il y eut
volonté de se révéler et d’émettre des engendrements, la

lettre mem fermée s’ouvrit et elle devint la lettre hé. L’une


n’est pas différente de l’autre, si ce n’est que la seconde

688. La sefira Binah.


689. La sefira Malkhout.
690. La sefira Hessed.
691. Le hé d’en haut, la sefira Binah.
692. La sefira Hessed qu Abraham représente.
693. La sefira Binah.
694. Toujours la sefira Binah.
[ 72 b- 72 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 183

s’ouvre pour émettre des engendrements et se révéler en


silence. En effet, cette lettre ne se révèle pas ni n’est énon-
cée, et bien quelle soit dans le silence, elle se dévoile dans
la bouche Par conséquent, lorsqu’elle se révèle et s’ouvre,
elle est prête à engendrer. Toutefois, tant quelle n’est pas
dans la situation d’ouverture du hé, tout est enclos en elle,
dans la lettre mem. [ 72 c] Après s’être ouverte elle produit
des engendrements dans la lettre hé. Ces engendrements ne
sortent pas à l’extérieur si ce n’est à travers un organe.
Membre saint qui est orné*^^^ par la dernière lettre hé [du
Tétragramme] en pénétrant en elle. D’une lettre hé 'As sor-
tent et dans une lettre hé ils entrent à travers cet
organe orné par le dernier hé. Au moment où s’ouvre et est

ajoutée cette lettre, le supérieur, alors il s’orne de désir et


cet organe, le Juste du monde est orné par lui. Aussi,
lorsque cet organe est paré de désir, un hé lui est ajouté.

Mais quand cet organe est sans désir et que le mem est

seuF®^ cela montre qu’il n’est pas prêt à engendrer. C’est le

secret de Abr-am mem (= organe + mem) celui-là


: ever y

n’engendre pas car le mem est fermé et n’est pas prêt à


engendrer. Lorsqu’un hétst ajouté, ce mem s’ouvre, un hé
est inséré et il se tient prêt en cet organe à produire des
engendrements, ce qui est le secret d’Abra-ham ever ham, :

lui engendre et produit des pousses. C’est pourquoi Abram

695. La Pensée et le Point désignent la sefira Hokhmah.


696. L’ensemble des sefirot.

697. La lettre hé, symbole de la sefira Binah, est dépeinte comme


un son inarticulé, un simple souffle inaudible.
698. La sefira Yessod, qui correspond au sexe masculin.
699. D’autres versions portent : « qui durcit pour elle ».

700. De la sefira Binah les influx émergent.


701. Au sein de la sefira Malkhout entrent ces influx.
702. La sefira Yessod.

703. Sans héipïts de lui.


~ LE ZOHAR 72 c]
184 [

n’enfante pas, Abraham enfante : cet organe ne se pare pas


avant que survienne le hé. Partout le hé se tient prêt pour
les engendrements et les fruits, c’est ainsi que le nom
[d’une personne] détermine [son destin] Et d’où savons-
nous que cet organe ne se pare que grâce au hé"^. C’est qu’au
temps où son nom était Abram cet organe n’a pas été cir-
concis et n’a pas été paré. Après la venue du hé, cet organe
fut paré et il fut circoncis pour produire des rejetons à l’in-

térieur du dernier hé. Tant que le Monde supérieur était

enclos dans la lettre mem [finale], cet organe n’était pas

en état et le Prépuce demeurait sans circoncision. Le


degré inférieur demeurait à cause du Prépuce dans la

lettre dans la misère. Quand le Monde supérieur


est enfermé en lui-même selon le secret de la lettre mem, le

Monde inférieur est dans la misère selon le secret de la


lettre dalet. Lorsque le Monde supérieur s’ouvrit et que la

lettre mem devint un hé, alors l’Alliance fut remise en


état et le Prépuce fut éliminé. Et dès que cette Alliance fut
restaurée, ces deux lettres sortirent et d’autres lettres entrè-

rent. Ces deux qui sortirent étaient d-m (le « sang »). Toute
circoncision d’où ne sort pas le sang (dam) n’est pas une
circoncision. [Les lettres du mot sang] sont ainsi éliminées
et deux autres [lettres] entrent : à la place de la lettre mem,
entre la lettre hé\ à la place de la lettre dalet, entre la lettre
hé. Alors tout est prêt pour enfanter. C’est le secret de :

« Pour rendre vaste l’empire et la paix est sans fin, sur le

704. Voir Berakhot 7b.


705. La sefira Binah.
706. La sefira Yessod.
707. L’Autre côté.
708. La sefira Malkhout.
709. Symbole de la sefira Malkhout en situation de pauvreté
{dalout misère).
710. La sefira Yessod en tant qu’elle est liée à la sefira Malkhout.
[ 72 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 185

trône de David et sur son royaume, pour l’établir et le sou-


tenir » (Es. 9:6). Le mot lemarbeh (pour rendre vaste) com-
porte un grand mem, en voici le secret quand pour la :

lettre mem l’empire est vaste, à savoir que sa sublime gran-


deur s’est déployée car elle s’est ouverte et est devenue un
hé, alors « la paix est sans fin ». Qu’est-ce que « la paix » ?

En réalité, la Paix c’est l’organe en question, le Fondement


du monde d’où a été éliminé le Prépuce, celui-là même
qui est appelé « fin de toute chair ». Et certes, la « paix
est sans fin » puisque celle-là a été éliminée, et la paix s’éta-

blit « sur le trône de David et sur son royaume pour l’éta-

blir et le soutenir par le droit et par la justice » (ibidem). Et


tout cela lorsque le mem est écarté et s’ouvre, alors le

Prépuce est enlevé et le dalet est ôté, ainsi qu’il a été dit.

C’est le secret de : « Voici le sang de l’alliance que YHVH


a conclue » (Ex. 24:8), car il faut faire sortir le « sang »

(d-m) de l’alliance ces deux lettres-là. Selon ce secret.


Abraham c’est ever h-m - organe + hé-mem, car la lettre
mem s’est ouverte afin que cet Organe copule avec le
Monde d’en bas^^^ Pour cette raison Isaac ne sortit pas
avant que le Prépuce ne soit ôté de ce saint organe
sublime Ainsi donc, tout ce que le Saint béni soit-il fait

sur terre est conforme au secret de la copulation dans son


mode célestiel, pour montrer qu’il a bien fait émerger tous
les noms selon la suprême Sagesse, conformément au secret

de l’en-haut, tout comme il convient.

711. La sefira Yessod.

712 D’après une expression de Genèse


. 6:13. Cette « fin de toute
chair » désigne l’Autre côté.
713. Du pénis au cours de la circoncision.

714. La sefira Yessod.

715 La . sefira Malkhout.


716. Isaac ne naquit pas avant qu’Abraham se fût circoncis.
iS6 - LE ZOHAR [72c-72d]

« Et voici que cette parole de YHVH lui [advint] : Ce


n’est pas celui-là qui héritera de toi » (Gen. 15:4). Pour
quelle raison [Eliézer en aurait-il été capable] ? Parce qu’il
était [72d] un « serviteur intelligent ». [Abraham] dit
alors : « Voici que tu ne m’as pas donné de descendance et

qu’un des gens de ma maison, etc. » (Gen. 15:3). Parce


qu’il avait scruté les horoscopes et avait observé qu’il n’en-
gendrerait pas. Lorsque Abraham se circoncit, il se par-
acheva pleinement avec la lettre hé qui s’était ouverte à par-
tir de la lettre memy et la lettre dalet aussi [devint un hé \

Alors Abraham pénétra sur le sentier de la Sagesse et il

s’écarta de l’autre chemin des astres et des constellations.

Viens et vois. Tant qu’il y avait un prépuce en lui, car il

n’était pas circoncis, le Saint béni soit-il ne se révélait à lui

qu’en vision, parce que leMonde supérieur était enfermé


dans la lettre mem et que le Monde inférieur était misé-

reux dans la lettre dalet. Dès que le Monde supérieur s’ou-


vrit par la lettre héy qu’ Abraham eut ôté ce Prépuce et que
le Monde inférieur se fut débarrassé de ce dalety il est mar-
qué : « YHVH lui apparut » (Gen. 18:1). Tout dès lors se

révéla, et ce qui auparavant n’était pas s’ouvrit De la

même façon exactement, aussi longtemps que des justes et

des fidèles se multiplient de par le monde, tout se révèle et

717. Expression tirée de Proverbes 17:2, qui poursuit « Le servi- :

teur intelligent dominera sur le fils éhonté et parmi les frères il parta-

gera l’héritage. »

718. La sefira Binah.


719. La sefira Malkhout.
720. Avant de se manifester, le monde supérieur (la sefira Binah
encore sous la forme d’un mem fermé) « n’existe pas », « n’est pas » à

proprement parler. Voir à ce sujet Moïse de Léon, Le Skie du sanc-


tuaire, op. cit., introduction, p. 45 et suivantes et note 90, p. 68 pour
des références à divers passages du Zohar. Sur la circoncision voir
encore ibidem, notes 18 et 499.
[ 72 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 187

s’ouvre. À l’époque où le roi Salomon bâtit le Temple et où


tous les Israélites étaient des justes et des fidèles, reposant
dans la quiétude comme du vin sur sa lie^^^ tout s’ouvrit et
ce Cantique se révéla en haut et en bas. De ce moment il

est écrit : « À une cavale parmi les chars de Pharaon je te


compare, ma compagne » (Gant. 1:9). De même que les

chevaux des chars de Pharaon étaient équipés de toutes


sortes d’armes de combat, ainsi étais-tu revêtue de nom-
breuses armes de combat pour faire la guerre Et de
même que les chevaux de Pharaon étaient chargés de mul-
tiples instruments de combat, de pierres, de flèches, de
catapultes, de poignards, tous appareillés pour mener com-
bat, ainsi toi, je t’avais équipée de tous types d’armes de
guerre, pour mener des combats, pour que je sois sanctifié

par toi aux yeux de tous et pour lutter contre eux. À pré-
sent je te vois autrement accoutrée, avec de nombreuses
parures seyantes, avec de nombreuses belles parures. « Elles

sont charmantes tes joues avec des boucles » (Gant. 1:10),


avec deux hé, car tout s’est ouvert pour toi et s’est révélé. Le
supérieur se réjouit en toi, il resplendit vis-à-vis de toi et
s’est ouvert. Et toi tu f es débarrassée de la lettre dalet et tu
es entrée dans la lettre hé. Ges deux [hé] « sont charmants »

et se sont parfaits à ton intention, car ces deux hé sont des


« boucles » (tourim), laTorah écrite et laTorah orale. « Ton
cou avec des rangées de perles » (Gant. 1:10) : des parures
célestielles issues de toutes les Sources qui se sont mises
en état pour toi. G’est ce qu’il Lui rappelle avec une grande
affection et un grand amour car Son désir est pour Elle, et

pour la consoler et parler à son cœur, pour lui montrer un

721. Voir Meguilah 12b.


722. Toi la Bien-aimée, la sefira Malkhout.
723. Contre les Égyptiens qui poursuivaient Israël.

724. De toutes les sefîrot.


i88 - LE ZOHAR [72d]

grand amour. C’est pourquoi II lui dit : « Des boucles d’or,

etc. » {ibidem 1 1). À partir de maintenant, il faut t’ajouter


beauté sur beauté, parures sur parures.

Il est écrit : « YHVH dit à Moïse : Monte vers moi à la


montagne et restes-y; je te donnerai les tables de pierre, la

Torah commandement que j’ai écrits pour les ins-


et le

truire » (Ex. 24:12). Ce verset a été commenté par les


compagnons Néanmoins, « Monte vers moi à la mon-
tagne » - heureux le partage du serviteur que son maître
élève à ses côtés sur son char, ainsi qu’il est dit « Monte :

vers moi à la montagne » (ibidem)^ « à la montagne »

(- haharah), bien sûr, car il aurait fallu écrire « la mon-


tagne (= hahar^^^) ». « Et restes-y » (ibidem) : ici fut remis
à Moïse ce qui ne lui avait pas été transmis auparavant, car
le nom^^^ du saint Char lui fut remis entre les mains. Si tu

dis qu’il est écrit pourtant : « Ote tes sandales » (Ex. 3:5),

effectivement il lui ordonna de se séparer totalement de sa


femme mais une autre compagne ne lui avait pas été
remise jusqu’à présent. C’est au moment où le Saint béni
soit-il lui dit « restes-y » qu’il lui transmit le Nom gravé
et qu’il l’inscrivit sur terre auprès de Moïse. Au début,
quand il était en Égypte, il avait inscrit en lui le nom
Elohim, comme il est écrit : « Vois, j’ai fait de toi un

725. Voir Berakhot 5a.


726. Sans le hé\ la présence de cette lettre, considérée comme en
surnombre par le Zohar, implique qu’il est fait référence à la sefira
Malkhout, le « char » du Maître sur lequel Moïse est invité à monter.
727. Le ZoharXix. le mot cham (là-bas, restes-y) comme s’il s’agissait
du mot chem, « nom ».
728. Voir Yebamot 62a.
729. Une compagne céleste, la Chekhinah.
730. Le ZoharXit cette expression comme signifiant « YHVH est :

le nom. »
[72d-73a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 189

Elohim pour Pharaon » (Ex. 7:1). Ce nom avait certes été

inscrit en lui au commencement de son activité prophé-


tique [73a]. Dès qu’il fut hissé à une autre élévation, le
Saint béni soit-il inscrivit en lui son Nom véritable afin
qu’il s’élève au-dessus du nom Elohim qui était en lui au
départ. Maintenant il inscrit en lui son saint Nom pour
qu’il soit accouplé en lui au premier nom et pour qu’il y ait

sur terre un nom complet, à la manière de l’en-haut :

YHVH Elohim, qui est le nom complet Le nom com-


plet était à l’époque de Moïse présent sur terre. Elohim :

Compagne; YHVH
c’est sa : c’est le saint Nom en lui.

Tant que ce Nom-là n’avait pas été gravé en Moïse, le nom


Elohim ne s’accouplait pas à lui. Dès qu’il est écrit :

« Monte vers moi à la montagne » (Ex. 24:12), il lui fut

donné permission de s’asseoir sur le Trône du Roi^^^


Quand le Roi lui donna son Trône, il lui donna son Nom
même, ainsi qu’il est écrit « Et restes-y » (ibidem) - il le
:

mit à sa place à tous égards. Moïse monta de deux degrés


à ce moment-là, ce que jamais aucun homme n’avait
obtenu en ce monde le Trône du Roi lui fut donné et le
:

Roi lui remit son Nom - heureux partage que celui de


Moïse !

« Je te donnerai les tables de pierre » (Ex. 24:12). Il a été


enseigné que « tables de pierre » doit s’entendre simple-
ment mais en réalité elles sont toutes deux des clés qui
furent remises à Moïse cela ressort des mots : « Je te

731. Voir Genèse Rabba 13:3.


732. Ce Trône est la sefira Malkhout.
733. Selon le sens littéral.

734. Les clés de la connaissance; selon R. Moïse Cordovéro, le

ZoharXit le mot « pierre » (even), comme heven ou havanah, qui signi-


fie intelligence, compréhension. C’est ce jeu de mots qui serait à l’ar-

rière-plan de l’exégèse.
190 - LE ZOHAR [ 73 a]

donnerai » - « à toi » bien évidemment En efïet, quand


il obtint le Nom « Et restes-y » (ibidem) et que lui fut
transmis le Trône du Roi, Il le couronna alors à tous égards

pour qu’il devienne une structure parfaite, une structure


d’en haut^^^
« La Torah et le commandement » (ibidem) : ce sont les
deux Bras^^^, de part et d’autre Que j’ai écrits » (ibi-

dem) : ce sont les deux Jambes . « Pour les instruire »

(ibidem) : c’est le degré du Fondement unique d’où


émergèrent tous les signes de cantillation pour conduire
l’en-bas ; tout cela fut transmis à Moïse afin qu’il soit cou-
ronné par la forme du mystère de l’en-haut, pour que les
deux Noms gravés, qui constituent le Nom complet
soient sur terre. À ce sujet le roi David dit : « Venez
contempler les œuvres de YHVH qui a mis des dévasta-
tions (= chamot) sur la terre » (Ps. 46:9). Ne lis pas chamot
mais chémot(=^ des noms^Q. Ce sont les deux noms qui
sont les Noms gravés et qui deviennent le Nom complet
pour qu’il y ait un Nom complet à la manière de
sur terre
l’en-haut. Dès que vint Salomon et que le Temple fut

735. Selon l’exégèse du Zohar, l’insistance sur le mot « à toi » signi-

fie que ces tables (ou ces clés de la connaissance) n’ont été destinées et
remises qu’à Moïse et non au reste du peuple. Ce ne sont donc pas seu-
lement des tables de pierre au sens littéral qui furent données à Moïse,
mais un savoir ésotérique particulier qui lui était réservé. Voir Nédarim
38a.
736. En la personne de Moïse, c’est le monde divin dans son inté-
gralité qui trouve à se manifester dans l’histoire humaine.
737. Les sefirot Hessed et Guevourah.
738. Ces Bras sont disposés à droite et à gauche du Nom (le

Tétragramme), qui se rapporte à la sefira Tiferet, située au milieu.

739. Les sefirot Netsah et Hod.


740. La sefira Yessod.

741. Qui est YHVH-Elohim.


742. Voir Berakhot 7b.
[73a] CANTIQUE DES CANTIQUES - I9I

construit, il est écrit : « Salomon s’assit sur le trône de


YHVH comme roi » (I Chro. 29:23). Alors ce Trône fut

couronné en haut et en bas et il s’éleva dans un cantique


en direction de l’en-haut. Dès qu’il se fut élevé dans un
cantique, le Roi lui tendit la [main] droite pour l’ac-

cueillir et le reçut entre ses bras et lui dit des mots


il

d’amour. ordonna que lui soient donnés des cadeaux,


Il

des présents et une grande gloire, et il déclara « Nous te :

ferons des boucles d’or avec des pointes d’argent » (Cant.


1:11). « Des boucles d’or » : ce sont les signes de cantilla-
tion parce qu’ils indiquent la façon de faire bouger [les

lettres], soit à droite soit à gauche. Pourquoi sont-ils appe-


lés « boucles » (toreyp. Parce que, quand arrive le tour (tor)

et le moment pour ce degré-là de lui donner par le


biais du Fondement il lui imprime une marque pour
la faire se mouvoir et pour la conduire sur la voie où il faut

743 La sefira Malkhout.


.

744 La sefira Hessed.


.

745 Un commentaire de ce
. verset qui le rattache au motif des
lettres et des signes de ponctuation se trouve chez R. Todros
Aboulafia, Chaar ha-Razim, éd. M. Oron, Jérusalem, Mossad Bialik,

1989, p. 73, et voir sur place les sources et parallèles mentionnés note
163, et chez R. Isaac ibn Sehoulah dans son commentaire sur le

Cantique des Cantiques éd. par A. Green, Jérusalem Studies in Jewish


Thought, 6, 1987, p. 419. Voir E. Wolfson (art. cité supra note 197),
p. 177 note 126. Comparez
, aussi avec le commentaire de R. Joseph
de Hamadan, Sefer Tashak, ed. J. Zwelling, Ann Arbor, UMI, 1975,
p. 50.
746. La sefira Binah ou la sefira Tiferet, le « Roi » précité.

747. De donner un influx à la sefira Malkhout, que symbolise le


« Trône ». Nous gardons la forme féminine des pronoms, comme le fait
le Zohar, pour bien marquer le caractère féminin du degré en question.
748. De la sefira Yessod.
749 Rechimou, terme
. très chargé dans le vocabulaire de la cabale
théosophique. En l’occurrence, la « marque » est un des signes de can-
tillation.
192 - LE ZOHAR [73a-73b]

qu Elle aille. De même, quand arrivent le tour et le


moment où un autre degré doit s’épancher sur Elle, il lui
imprime une marque d’une autre modulation pour la faire
se mouvoir et se déplacer selon la voie de cette même
modulation. [Il est écrit] concernant ce secret : « Droites
sont les voies de YHVH » (Osée 14:10) - ce sont les mou-
vements indiqués par les signes de cantillation, chacun sui-

vant ce qui lui sied.

« Boucles d’or » (Gant. 1:11) :


parce que les signes de
cantillation sont suspendus aux lettres comme les boucles
ornées pendent aux oreilles. Ainsi du talchah^^^ et des autres

mouvements des boucles et des anneaux constituant les


parures des lettres. Des mots sans signes de cantillation et
donc dépourvus de mouvements seraient comme les oreilles
d’une jeune épouse sans boucles et sans ornements, dému-
nies de parure. Des mots sans points-voyelles seraient
comme une femme sans vêtements, qui ne peut aller nulle
part dans le monde. Ainsi, les parures des lettres sont les
signes de cantillation et les indications vocaliques, les uns et
les autres [73b] sont des ornements et des vêtements <pour
ces lettres. Ainsi les « boucles d’or » ce sont les voyelles et^^^>

les signes de cantillation. Et s’il est dit qu’ils sont en « or »,

c’est parce qu’ils proviennent de la Tête du Roi^^^ afin de

750. Ou telicha dans les éditions imprimées ; c’est le nom de deux


teamim (signes de cantillation indiquant le rythme de la lecture chan-
tée des versets de la Bible). Le « grand telicha » indique une disjonction
et se place toujours sur la première lettre d’un mot. Le « petit telicha »

indique une conjonction et se place toujours sur la dernière lettre d’un


mot. Ce signe a la forme d’un anneau. Dans la version de Or Yaqar, on
lit « tartsah talchah », ce qui pourrait signifier « telicha droit », mais
cette expression ne semble pas faire sens.

751. Les mots entre chevrons ne figurent pas dans la version de Or


Yaqar.
752. Des trois sefirot supérieures, Keter, Hokhmah, Binah.
[ 73 b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 193

donner savoir et intelligence à toutes les lettres. En consé-


quence, tous relèvent du même secret.

Points-voyelles et signes de cantillation sont deux degrés


[distincts], les uns et les autres sont indispensables à Tagen-
cement des lettres. Les lettres sont inscrites dans les mys-
tères sublimes, toutes sont en effet sorties du secret de la
Sagesse à travers les trente-deux Sentiers qui surgirent de
la Sagesse Or toutes ces lettres sont gravées ici-bas et

la Torah orale les reçut en héritage. Et lorsqu’elles toutes


surviennent dans le but de la parfaire selon le mystère des
lettres, ellesy forgent des points-voyelles et des signes de
cantillation, ainsi qu’il a été dit, aussi, « Nous te ferons des

boucles d’or avec des pointes d’argent » (Gant. 1:11).

Il
ya ici de hauts secrets pour ceux qui connaissent les

mesures. Toutes les lettres sont inscrites dans le mystère de


l’en-haut et elles sont dénommées « corps de la Torah »

parce qu’ elles sont prêtes à enseigner et à faire connaître les

plus éminents secrets. Les points-voyelles sont sortis du


secret du Cerveau afin de maintenir les lettres dans leur

753. Un jeu de mots est à l’arrière-plan du présent développe-


ment « or » se dit zahav en hébreu, mais ce vocable est lu comme s’il
:

était composé de deux mots, zeh hav, « celui-ci donne ».

754 « Sagesse d’en haut » précisent les éditions imprimées. Il s’agit


.

de la sefira Hokhmah.
755. Ces Sentiers comprennent les dix sefirot et les vingt-deux
lettres de l’alphabet. L’expression se trouve au tout début du Livre de

la Création.

756. Au sein de la Torah écrite.

757 Dans . le sens rabbinique ancien, cette expression désigne les


sujets les plus importants de la Loi. Le Zohar à cette expression
un sens différent: « corps de la Torah » désigne les récits bibliques (III,

152a) et ici ces lettres, en tant que réservoirs d’une âme, se réfèrent au
sens ésotérique assimilé aux voyelles et aux signes de cantillation.
758. La sefira Hokhmah.
- LE ZOHAR [73b]
194

état ;
par un seul point- voyelle un mot est modifié : il fait

passer le mot d’une signification à une autre.

La Flamme rigide lorsqu’elle cogna l’Air limpide


dans le Cerveau, cogna et ne cogna pas, elle parvint tout
près de ce Cerveau et s’en retira, elle parvint et ne parvint
pas. Alors ce coup retentit dans les lettres à travers le

Cerveau et les lettres furent ponctuées Si tu dis que les

points-voyelles sont une invention des scribes. Dieu nous


préserve ! Car même si tous les prophètes du monde étaient
comme Moïse qui reçut la Torah du mont Sinaï, ils n’au-
raient pas le droit d’inventer ne serait-ce qu’un petit point
dans une seule lettre, même dans la plus petite lettre de la
Torah Dès que ce coup se fut apaisé dans le Cerveau, au
sein de l’Air limpide saisissable - car il existe un Air lim-
pide absolument insaisissable alors que celui-ci est saisis-

sable - lorsque ce coup sublime se fut donc apaisé dans


le Cerveau, alors tous les mouvements de cantillation sur-
girent. Ces signes de cantillation sont comme les mors
des chevaux qui les dirigent sur une voie rectiligne, à droite

et à gauche, au gré des signes de cantillation : marche,


arrêt, ralentissement, accélération, démarche fière ou

759. Voir supra note 356 et voir infra note 815.


760. Il s’agit de « l’Air limpide saisissable », comme nous l’appre-
nons dans les lignes qui suivent, expression qui se réfère à la sefira

Hokhmah. Sur cette expression, voir Moïse de Léon, Le Sicle du sanc-


tuaire, Lagrasse, Verdier, 1996, p. 85 et les références de la note 25, et

voir encore Mark Verman, The Books of Contemplation. Médiéval


Jewish Mystical Sources, Albany, State University of New York Press,
1992, p. 153-156.
761. Ou « furent vocalisées ».

762. Voir supra note 377.


763. « L’Air limpide insaisissable » se rapporte à la sefira Keter. Voir
supra note 760.
764. Méteg : ce mot judicieusement choisi désigne aussi bien les
mors ou les freins d’un cheval qu’un accent tonique.
73 b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 195
[

humble Les lettres n’ont pas le droit d’aller d’un côté ou


de l’autre si ce n’est avec une autorisation, suivant la gui-

dance que leur imposent les signes de cantillation. Grâce à


eux la Parole se fait entendre afin que l’on marche sur une
voie de droiture. Ainsi donc les lettres surviennent pour
que l’on marche suivant le secret de ces deux [séries] , selon
les points-voyelles et les signes de cantillation ensemble.
C’est le secret [du verset] : « Pommes d’or sur ciselures
d’argent, telle une parole dite à propos » (Prov. 25:11).
« Pommes d’or » : ce sont les signes de cantillation et de
mouvement. « Sur ciselures d’argent » : ce sont les points-
voyelles. « Telle une parole dite à propos » : aucun mot
n’est comme il doit être si ce n’est grâce à ces deux [séries]

et pour cette raison : « Nous te ferons des boucles d’or,


etc. » (Gant. 1:11).

11 est écrit : « Elohim dit : Faisons l’homme à notre


image, selon notre ressemblance, et qu’il domine, etc. »

(Gen. 1:26). Ce verset a été expliqué par les compa-


gnons et il est vrai que le Saint béni soit-il énonça ceci à
l’adresse des officiants d’en haut, il les consulta pour créer
Adam comme un roi parmi ses soldats. Mais il faut se
demander s’il s’agit du secret de l’en-haut, si cet Elohim est

l’Elohim Vivant, secret du Monde supérieur ou s’il s’agit

d’Elohim en tant que secret du Monde inférieur Si

Elohim est le secret du Monde supérieur, comment « fai-


sons » peut-il se rapporter à ce côté-ci et à celui-là ? En réa-

lité, bien sûr, tout est selon une unique forme et un unique
secret. Adam est constitué de tous les côtés, son secret est

en eux tous. 11 existe par le secret d’Elohim et il n’existe pas

765. Élévation ou abaissement de la voix.

766. Voir par ex. Sanhédrin 38b.


767. La sefira Binah.
768. La sefira Malkhout.
196 LE ZOHAR [73b-73c]

par le secret des autres noms, c’est ce qui est marqué :

« Elohim créa l’homme à son image, à l’image d’Elohim »


(Gen. 1:27). « À son image », « à l’image », pourquoi est-il

question de deux « images » ? Au vrai, l’une se réfère au


Mâle, l’autre à la Femelle. Il
y a ici deux Elohim, l’un mâle,
l’autre femelle. « À son image » : mâle; « À l’image
d’Elohim » : femelle. Ainsi donc, « Elohim créa [73c]
l’homme à son image », Monde supérieur
c’est le « à

l’image d’Elohim », c’est le Monde inférieur Et c’est le


secret de « faisons », un principe unique, comme nous
l’avons dit.
Au moment où Adam fut créé, toutes les lettres se maté-
rialisèrent et se dessinèrent. Au moment où un esprit fut
insufflé en lui, les points-voyelles émergèrent et ils s’établi-

rent dans les lettres. Au moment où il fut parachevé par


l’intelligence et la connaissance les mouvements et les

signes de cantillation surgirent et prirent place sur les

points-voyelles et les lettres. L’agencement du secret de


l’homme est identique de tous les côtés des mondes selon ;

le secret de l’homme tout a été mis en place, comme il a été


dit, et il n’est pas d’homme hormis par tous ces agence-
ments

769. La sefira Binah, le monde du Mâle.


770. La sefira Malkhout, le monde de la Femelle.

771. Comme l’indique E. Wolfson (art. cité supra, note 197),


p. 175 note 122, ou l’intellect et les
la relation entre l’intelligence

signes de cantillation (té’amim) apparaît déjà dans un commentaire


rabbinique sur Néhemie 8:8, voir J. Meguilah 4:1 (74d), Genèse Rabba
36:8, Meguilah 3a, Nedarim 37b. Voir aussi ZoharW, 205b.
772 Tenoué dé-tdamey.
.

773. Voir Y. Liebes {op. cit. supra, note 356), p. 174, 176, où il

considère que ce passage est une interpolation appartenant en fait au


Tiqouney Zo har, et voir E. Wolfson (art. cité note 197), p. 175, note
123, qui conteste cette réattribution.
[ 73 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 197

Elle lui dit : Rabbi, ouvre ta bouche et tes paroles res-

plendiront car une permission d’en haut a été remise


entre tes mains. Il ouvrit [la bouche] et dit : « Au com-
mencement Elohim créa le ciel et la terre » (Gen. 1:1).
Nous avons commenté ce verset à plusieurs reprises
Mais viens et vois le secret du principe dont nous avons
parlé, à savoir : si tous les fidèles prophètes de l’histoire
venaient et accédaient dans leur prophétie à la hauteur de
la prophétie de Moïse, ils ne pourraient pas inventer même
un seul point de la Torah. Pour quelle raison ? Parce que les

lettres n’ont d’autre origine qu’un unique petit Point


lettres qui sont les constituants de la Torah. Or les lettres

n’ont pas le droit de se déplacer dans un sens ou un autre


excepté par le biais des points-voyelles. Toutes les lettres

sont comme un corps sans âme^^^; lorsque les points-


voyelles adviennent, ce corps se redresse sur ses bases, alors
il est écrit : « Adam devint une âme vivante » (Gen. 2:7).
Tous émergèrent du secret d’un unique Point. Au moment
où les lettres sortirent du sein du Monde à venir elles se

matérialisèrent selon le secret de l’Homme et elles étaient

un corps sans âme, jusqu’à ce que le Point suprême se


mette en branle et qu’il pénètre mystérieusement à l’inté-

rieur du Monde à venir. Après quoi tous les points-voyelles


jaillirent de ce Point afin de faire tenir les lettres sur leurs

bases. C’est ce que signifie : « Au commencement Elohim


créa » : le « commencement » c’est le Point suprême par

774. Comparez avec Berakhot 22a.


775. Il est possible de considérer cette formule comme une allusion
à d’autres passages du Zohar rédigés antérieurement, ce qui est une
indication supplémentaire du caractère tardif de la rédaction du Zohar
sur le Cantique des Cantiques.
776. La sefira Hokhmah.
777. Voir Judah Halévy, Le Kouzari, 4, 3.

778. De la sefira Binah.


198 - LE ZOHAR [ 73 c]

lequel « Elohim créa^^^ » et organisa tous les points-

voyelles, ces parures des lettres, secret du « ciel et de la


terre ». Si n avait été ce « commencement », secret du Point
suprême, les lettres n’auraient pas été ponctuées et elles
auraient été inconsistantes.
Viens et vois. « Au commencement » : avec ce « com-
mencement », secret du Point suprême, « Elohim créa » :

par la puissance de ce Point les lettres émergèrent et elles se

dessinèrent selon leurs structures afin de constituer le secret

d’un Corps doté d’organes particuliers mais sans âme.


C’est pourquoi il est écrit « créa », l’Ame n’étant pas sortie

à destination du Corps pour qu’il se dresse sur ses bases.

Dès que le Point suprême se mit en branle vis-à-vis du


Monde à venir pour émettre les voyelles de l’Ame, il est

écrit : « Elohim dit : Que la lumière soit » (Gen. 1:3) ; les

lettres se mirent à briller grâce aux voyelles de l’Ame.


« Lumière » : c’est le premier Point qui brille à partir du
Point suprême qui est inaccessible et inconnaissable. Et
ce Point, qui brille à partir de cette clôture, est le point-
voyelle appelé holam car il brille au-dessus de toutes les

lettres à cause de la gloire du Point impénétrable. Et


comme toutes les lettres se sont rassemblées dans les cinq
cents parasanges du Monde à venir ce point brilla à cinq

779. « Elohim » se rapportant ici à la sefira Binah.


780. Comparez avec un texte d’ Abraham Aboulafia rapporté par
E. Wolfson : « Sache que tous les organes de ton corps sont combinés
comme la forme d’une combinaison de lettres, les unes avec les autres »

(p. 156 de l’article cité supra 197).


781. La sefira Binah.
782. La sefira Hokhmah.
783. La voyelle holam est en effet placée au-dessus des lettres.

784. Cette mesure de la sefira Binah a une valeur symbolique : elle

désigne l’ensemble des sefirot concentrées en elle avant leur émanation.


Cette valeur est traditionnellement associée à la longueur de l’Arbre de
vie, qui mesure « cinq cents ans de marche ».
[73c-73d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 199

reprises. C’est le secret [des versets] : « Elohim dit :


Que la
lumière soit! » (Gen. 1:3), « Et la lumière fut » (ibidem),
« Elohim vit que la lumière était bonne » {ibidem 4),
« Elohim sépara la lumière des ténèbres » (ibidem),
« Elohim appela la lumière jour » {ibidem 5).
« Que la lumière soit » : c’est le point holam\ « et la

lumière fut » : c’est un autre point appelé chourouq. En


effet, le premier point appelé holam brille en haut et avant
qu’il ne se prolonge pour briller en bas, il était fermé.

Quand il s’est allongé il a brillé au milieu [des lettres] ,


selon
le secret du chourouq^^\ « Elohim vit que la lumière était

bonne » : c’est le hiriq lorsqu’il brille en bas Lorsque les

points-voyelles ont émergé pour illuminer le Corps la

Lumière primordiale qui est le holam a brillé en haut et

s’est établie à la tête du Corps et il donna [73d] de la

lumière à toute la tête : au visage, aux yeux, à la lumière de


la tête, à tous les éléments de la tête. Le chourouq s’installa

au milieu et émit une lumière pour sustenter le Corps


« depuis ce qui paraissait ses reins jusqu’en haut » (Ez.

1:27), dans tous ses secrets. Le hiriq s’installa en bas et il

donna de la lumière et de la consistance « depuis ce qui


paraissait ses reins jusqu’en bas » (ibidem), dans toutes ses

structures et ses secrets, alors Elohim vit que la lumière


«

était bonne » (Gen. 1:4). Lorsque le Corps des lettres se

para de ces points-voyelles, on trouve écrit « Elohim sépara :

la lumière des ténèbres » {ibidem 4). Toujours la séparation


(havdalah) [se fait] par la Bras gauche où est l’Obscurité

785. Qui représente la sefira Tiferet.


786. Cette voyelle représente la sefira Malkhout.
787. Le corps composé de lettres de TAnthropos divin, la structure
des sefirot.
788. La sefira Binah.
789. La sefira Guevourah. Allusion à la cérémonie de la havdalah,
à la fin du sabbat, une coupe de vin y est tenue de la main gauche.
200 - LE ZOHAR [73d]

et celle-ci est appelée ségol et il illumina le point ségol pour


éclairer du sein de l’Obscurité les lévites
« Elohim appela la lumière jour » {ibidem 5). C’est le

point- voyelle tséréo^i brille et s’établit dans le Bras droit


et le pare de toutes les parures qui lui sont destinées. Et
lorsque la Femelle s’attache à la Droite et à la Gauche et

quelle se pose entre elles, deux points- voyelles, le tséré&t le

ségol s’attachent à Elle, mais dans une position différente et

inversée, car ils ne s’établissent pas en Elle de cette façon.


Le tséré se retourne et l’illumine sous une autre forme
dépourvue de base dans le Mâle^^^ et c’est le chéva. Le ségol

se retourne et l’illumine sous une autre forme, et c’est le

chourouq aux trois points. Et pour montrer l’affection du


Mâle envers la Femelle, que Lui et Elle sont un, parfois le
Mâle les illumine De là se déploient les points-voyelles
en direction de tout le reste des organes de lettres consti-
tuant le Corps
« Elohim dit :
Qu’il y ait un firmament au milieu des
eaux » (Gen. 1:6), c’est le point- voyelle patah, expansion de
lumière qui brille dans le côté du Mâle, au côté Gauche, et
elle illumine ce côté. À présent la Droite et la Gauche et la

Gauche et la Droite fusionnent et se substituent l’une à


l’autre. « Les eaux » sont, à Droite, dans le secret de ce

790. Les lévites représentent la classe d’Israélites qui sont les agents
de la puissance de la Guevourali.
791. La sefira Hessed.
792. La sefira Malkhout.
793. La sefira Tiferet ou Yessod.
794. On peut comprendre autrement cette phrase et lire, comme
le propose le commentaire du Soulam : « Et pour montrer l’affection
du Mâle envers la Femelle, Lui et Elle sont tous deux mêmes [portent
les mêmes points-voyelles] au temps où le Mâle l’illumine ». Mais cette

lecture est un peu forcée et implique des corrections conjecturales.


795. Le corps divin anthropomorphe constitué des lettres-organes
est ainsi animé par les points-voyelles qui deviennent son âme.
[73d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 201

point-voyelle que le tséré illumine. Dans le côté de la


Droite deux eaux ont été distinguées, cela a été enseigné.
Pour cette raison, les deux points du tséré prennent posi-
tion pour correspondre aux deux eaux. Tune en haut,
Pautre en bas, ainsi qu’il apparaît dans le point-voyelle
chéva. Après quoi, dès que ce « firmament » s’est mis à
briller, lui qui est le point-voyelle patah, ce point-voyelle
pénètre entre les deux points du tséré, « entre les eaux et les

eaux » (ibidem), et il les sépare et les prend pour lui. Alors


il
y a de l’eau dans le côté Gauche, dans le point-voyelle
patah. À ce sujet [il est dit] : « YHVH ouvrira (yiptah) pour
toi son bon trésor, etc., pour donner la pluie, etc. » (Deut.
28:12), car les eaux sont du côté du patah.
Le firmament s’étend encore depuis le côté Droit et
pénètre dans le du point-voyelle
côté Gauche, au milieu
ségol, et un qamats se forme. Alors la Gauche entre dans la

Droite et l’une et l’autre fusionnent. Droite dans Gauche


et Gauche dans Droite.

« Elohim dit Que les eaux s’amassent » (Gen. 1:9). Le


:

mot « eaux » est écrit plus haut à cinq reprises « Qu’il y ait :

un firmament au milieu des eaux » {ibidem 6), « Qu’il


sépare les eaux d’avec les eaux » (ibidem), « 11 sépara les eaux,
etc., d’avec les eaux » {ibidem 7). Ces cinq occurrences [du
mot] « eaux » correspondent à deux points-voyelles qui sont
cinq : tséré ségol- tséré àtux. et ségol Ces cinq-là
prennent position à Droite et à Gauche. La Femelle pénètre
entre Droite et Gauche et reçoit ces points-voyelles pour
qu’ils lui donnent la Connaissance en plénitude. Mais ils ne
prennent pas position en Elle de cette façon, ils se retour-

nent en Elle en formation allégée : le tséré retourne en Elle


et devient le point-voyelle chéva, en formation allégée. Le

796. Ces deux voyelles sont en effet constituées respectivement de


deux points et de trois points.
202 - LE ZOHAR [73d-74a]

ségolst retourne en Elle et devient le point-voyelle chourouq


en formation allégée. Toujours la femme a une connaissance
légère ils ne pouvaient donc pas prendre position en Elle
de sorte qu Elle ait une Connaissance pleine, ainsi qu ils

sont en haut, mais ils se retournèrent en Elle en formation


allégée et sa Connaissance se trouva être légère. De même
que les deux points- voyelles tsérétt ségol sont cinq, de même
en Elle le chéva et le chourouq sont cinq, mais sans aucune
stabilité

« Que les eaux s’amassent » (Gen. 1:9) - que ces cinq


[se rassemblent] en un unique point [74a] qui est le point-
voyelle hiriq^‘^‘^, situé sous le firmament, le qamats. Toutes
les eaux de ce côté-ci et de ce côté-là, tous les cinq points-
voyelles, s’établissent en ce point-voyelle. Et celui-ci prend
position et illumine l’Alliance sainte qui est dans le Mâle.
Celle-ci hérite donc de toute la lumière des cinq points-
voyelles. Dès quelle a tout hérité, la Femelle se met à
briller pour produire des fruits et des pousses, comme il est

écrit : « Que la terre produise de la verdure, etc. » (Gen.


1:1 1) - par la puissance de ce point- voyelle situé en bas qui
génère en Elle des fruits et des pousses.
« Elohim dit :
Qu’il y ait des luminaires au firmament
du ciel » (Gen. 1:14), c’est le point-voyelle hataf-qamats
dont la lumière brille à la manière de la Lumière primor-
diale le point- voyelle holam. Tant quelle ne brillait pas

797. Maxime tirée de Chabbat 33b.


798. La Femelle est constituée d’un corps de lettres et de voyelles
comparable au corps de lettres constituant le Mâle, mais avec un
moindre degré de plénitude et de stabilité.

799. Dans les éditions imprimées, au lieu de hiriq il est marqué


chourouq.
800. La sefira Yessod, l’organe sexuel masculin en tant qu’il est lié

à la sefira Malkbout.
801. La sefira Malkbout brille à la manière de la sefira Binab.
[ 74 a] CANTIQUE DES CANTIQUES - 203

avec stabilité, à sa manière, elle était un luminaire lacu-


naire qui ne brillait pas de façon stable comme le holam,
bien quelle ait la même forme que lui.

« Elohim dit : Que les eaux pullulent du pullulement de


l’âme vivante » (Gen. 1:20). Cela se réfère au secret du
point-voyelle chéva-ségol. En effet, le ségol fait fusionner
l’eau dans le feu. Les pullulements qui pullulent de cette
« âme vivante » : cette Connaissance qui lui a été donnée
des deux côtés est légère sur Elle, et elle est appelée « pul-
lulement » de « l’âme vivante », pullulement qui pullule,
émerge et se rend dans tous les points-voyelles.
Viens et vois : ce chéva est appelé « prompt à faire jus-

tice » (Es. 16:5), tel est bien son nom. Pour cette raison,
l’âme de cette Vivante est appelée chourouq de trois points.
Au moment où la lettre vav se retira d’Elle, Elle laissa

s’échapper la Connaissance et ce qu’Elle avait pris en haut,


comme il a été dit, et, à la place de la lettre vav, le chourouq
émergea, c’est ainsi qu’il en va partout.
En résumé, tous les points-voyelles ont pour fonction
d’illuminer les lettres, à l’instar de l’œuvre du ciel et de la

terre et de la totalité des mondes. Les lettres n’ont ni


consistance ni lumière si ce n’est grâce à l’illumination des
points-voyelles, et tous ont été transmis au Sinaï dans le
secret de la Torah, qui reflète le mystère de l’en-haut. Et
tout est structure de l’homme comme il a été dit.

« Elohim dit : Faisons l’homme à notre image, selon


notre ressemblance » (Gen. 1:26). Il est écrit : « De YHVH

802. Allusion à l’absence d’une lettre, le vav, dans le mot meorot


(luminaire) du verset précité. Sur la déficience de la Lune voir supra
notes 55, 326, 360, 588.
803. Sur cette expression-clé {tiqouna de-adam), voir Moïse de Léon,
Le Skie du sanctuaire, Lagrasse, Verdier, 1996, p. 297 et note 1087.
204 “ LE ZOHAR [74a]

dépendent les pas de l’homme qu’il affermit et son chemin


lui plaît » (Ps. 37:23). Viens et vois : lorsque le Saint béni
soit-il créa le monde d’en haut et le monde d’en bas, tout
avait une même forme, pour que l’un soit pareil à l’autre.

Quand le Saint béni soit-il voulut créer l’homme ici-bas, il

voulut le faire selon la conformation des deux mondes.


Tous les secrets de l’en-haut et de l’en-bas - tout est en
l’homme. La sphère de la tête située sur le corps est
conforme au secret du monde d’en haut, avec les diverses

structures de la Tête Le corps est conforme au secret du


Corps dont les degrés correspondent aux différents
organes situés sous cette Tête. Les jambes et les pieds cor-
respondent aux degrés inférieurs comme il lui sied pour
être semblable à l’en-haut. Toutes les images supérieures et

inférieures ont été gravées en l’homme par le Saint béni


soit-il afin qu’il soit parfait à tous égards. Viens et vois :

« De YHVH dépendent les pas de l’homme qu’il affermit »

(Ps. 37:23) : lorsqu’un homme plaît au Saint béni soit-il,

tous ses pas et toutes ses voies se trouvent parfaits devant


Lui, et Lui les parfait, comme convient. « Et son
chacun il

chemin lui plaît » (ibidem), même en ce qui concerne les


affaires de ce monde-ci. En outre, « De YHVH dépendent

les pas de l’homme qu’il affermit » si un homme place sa :

conscience, sa volonté et son cœur auprès du saint Roi


pour suivre la voie qu’il a pratiquée, le Saint béni soit-il se

plaîten lui comme si elle était la sienne propre.


Au moment où les lettres sortirent du sein du secret
d’en haut, comme a été dit, et qu’ elles se furent matéria-
il

lisées et dessinées à l’image de l’homme, peu après les

804. Qui comprend les trois premières sefirot.


805. Qui comprend la sefira Tiferet ainsi que les membres supé-
rieurs, les sefirot Hessed et Guevourah.
806. Les sefirot inférieures, Netsah, Hod, Yessod, Malkhout.
[74a-74b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 205

points-voyelles émergèrent. Il insuffla ainsi dans les

[lettres] un souffle de vie et les lettres se dressèrent comme

un homme qui se lève sur ses pieds par la sustentation


d’un souffle. Après que les points-voyelles eurent pris posi-
tion sur qu elles leur eurent donné une âme, il
les lettres et

fallait qu’il soit pourvu de connaissance et d’intelligence,

qu’il soit animé de mouvement et qu’il donne nourriture

<et force à autrui, et c’est cela [74b] « à notre image,


selon notre ressemblance » (Gen. 1:26). Ainsi que nous
l’avons établi, « à notre image » c’est le secret du Monde
supérieur « selon notre ressemblance » c’est le secret du
Monde inférieur
Autre dire. « À notre image » : ce sont les mouvements
un perfectionnement
des signes de cantillation, qui sont
et un complément de connaissance et d’intelligence
afin d’acquérir le savoir pour contempler l’en-haut, en ce
qu’il est clos et ne se révèle pas. Tel un roi^“ plein d’intel-
ligence et de science qui ne fait pas un mouvement d’un
côté ou de l’autre sinon avec sagesse, intelligence et

connaissance, ainsi de la même façon, les mouvements des


signes de cantillation se déplacent avec sagesse, intelli-
gence et connaissance, comme il convient. Et c’est cela « à
notre image ». « Selon notre ressemblance » : ce sont les

807. Ces mots ne figurent pas dans la version de Or Yaqar.


808. La sefira Binah.
809. La sefira Malkhout.
810. Voir plus haut note 771.
81 1. La comparaison entre les signes de cantillation et l’action d’un
roi se trouve aussi dans Zoharl, 15b; elle est attribuée par R. Todros
Aboulafia à un enseignement de R. Elhanan de Corbeil « La ponc- :

tuation est le monde du mouvement met en branle le


[vocalique] qui
monde des lettres comme un roi qui s’anime en même temps que ses
troupes et ses soldats » {Chaar ha-Razim, éd. M. Oron, Mossad Bialik,
Jérusalem, 1989, p. 75), et voir sur place les sources et les parallèles
indiqués note 171.
2o6 - LE ZOHAR [74b]

secrets des points-voyelles, eux qui sortirent d’une image


unique du Point suprême de cette image enclose qui
n’apparaît pas ; et puisqu’ils sortirent du Point unique, ces
points-voyelles furent appelés « ressemblance », forme du
Point suprême. Si tu parles des lettres, il n’en va pas de
même. En effet, [des lettres] il n’y a pas d’image en haut,
et leur forme n’en dépend pas puisque ce n’est qu’ après
être sorties du secret du Monde supérieur qu’ elles se maté-
rialisèrent et se dessinèrent, ce qui n’était pas le cas aupa-
ravant. Car il n’est aucune image ni dessin dans l’en-haut,
c’est pourquoi il n’est pas connaissable et nul ne le connaît
de quelque façon. Le commencement insondable qui se
révèle tout en restant inconnaissable est un Point fermé.
Et ce Point ne se laisse pas connaître et ne se révèle pas et
nul n’en connaît rien. Or les lettres ne s’y dessinèrent pas
et ne dépendent pas de l’en-haut, car il n’est là-bas aucune
forme. Ainsi donc, « selon notre ressemblance » ce sont les
points-voyelles ;
« à notre image » ce sont les mouvements
[des signes de cantillation] qui sont la plénitude de tout.

Il un secret pour ceux qui connaissent les mesures.


ya ici

Oîi sont en l’homme les mouvements [des signes de can-


tillation] qui sont la plénitude de tout ? En réalité, c’est le

secret de « à notre image », il s’agit des images de l’homme


à l’intérieur et à l’extérieur. À l’intérieur ce sont l’intelli-
gence, la connaissance et la sagesse. À l’extérieur c’est

l’image (tsoulma) qui marche avec lui et conduit l’homme


en le protégeant pour qu’il soit préservé de tout [danger ^^^].
Tant que ces images sont en l’homme, l’homme est complet

812. La sefira Hokhmah.


813. Ce tselem est une sorte de double angélique de chaque indi-
vidu, comparable au corps astral des néoplatoniciens. Il est parfois assi-

milé à son ombre.


[ 74 b] CANTIQUE DES CANTIQUES - 207

à tous égards. Il en va de même pour tous les secrets

sublimes de l’en-haut. C’est le secret des mots : « De


YHVH dépendent les pas de l’homme qu’il affermit »

(Ps. 37:23), pour qu’il se déplace suivant Ses motions par


ces mouvements des signes de cantillation. « Et son chemin
lui plaît » (ibidem) :
par ces points-voyelles. « De YHVH » :

de Lui ce secret a été tiré pour que tout ce qui est en bas
soit conforme à un unique mystère.

« De YHVH dépendent les pas de l’homme qu’il affer-


mit »(Ps. 37:23), comme le azla^ le maqpa, le chofar

holekh^^'', qui sont « les pas de l’homme », et chacun est

parfait comme il lui faut être, et c’est ce que signifie « qu’il

affermit ». Les autres mouvements [des signes de cantilla-

tion], ceux dont il est écrit : « et son chemin lui plaît » (ibi-

dem) et qui indiquent le redressement, la marche, l’arrêt, la

mélodie joyeuse, le silence, le prononcé d’un jugement,


sont tous connaissance et intelligence permettant de se
mouvoir selon Ses motions comme il se doit.
Le zarqa est mélodie joyeuse lorsque la Flamme : rigide
pénètre la fente qui est dans l’Air limpide insaisissable®^^,
elle donne joie et jubilation, et elle lance (zariq) de loin®^^,

pour faire résonner de joie Celui qui est inconnaissable et


qui est totalement insaisissable, qui demeure dans son état
et ne se laisse pas connaître, jusqu’à ce qu’il soit plus

814. Noms de divers té’amim, signes de cantillation prosodiques


qui se trouvent autour des lettres du texte biblique dans son édition
ponctuée.
815. Littéralement « dans le coup », dont il a été question plus
haut, voir supra note 759 et suivantes.

816. Désignation de la sefira Keter.

817. Le complément d’objet a été volontairement omis par l’auteur


de ce texte. Il s’agit de la « semence » constituée des essences primor-
diales des sefirot. La jubilation dont il est question a une connotation
sexuelle qui s’attache ici au processus primordial de l’émanation.
208 - LE ZOHAR [74b-74c]

proche dans rintelligence. Ainsi [opèrent] tous les mouve-


ments [mélodiques] chacun , comme il sied.

Avant que n adviennent ces mouvements [mélodiques],


l’ensemble des organes du Corps ne pouvaient se mou-
voir. En effet, tous les organesdu Corps sont subdivisés en
lettres, vingt-deux lettres qui se matérialisent sous la forme
d’articulations et d’organes. Douze organes sont des arti-
culations mobiles, mais ces douze ne se meuvent pas
comme il faut, sinon par le secret de douze mouvements

[mélodiques] qui tous font se mouvoir ces articulations. Il

existe d’autres mouvements [mélodiques] dont la fonction


est de donner intelligence, sagesse et connaissance à l’en-
semble du Corps, faisant se mouvoir tout le Corps, pour
dispenser de la joie en haut et en bas [74c], le tout comme
il convient.
Vingt-deux lettres sont le principe du mystère du
Corps. Toutes <furent réparties dans les organes du

Corps, et par le secret des lettres le Corps a été parfait :

<aleph, guimeU vavy zaïn^ tet, yod, lamed, noun, ‘aïn, péh,
tsadé, chin^^^>. Restèrent d’autres lettres au nombre de
dix : <beit, dalet, hé, het, kaf, mem, samekh, qouf, réch,
tav>. Douze lettres sont premières car elles sont les

organes qui charpentent l’ensemble du Corps, de sorte


que chaque organe soit à sa place. [Et cela] bien que,

parmi elles, certaines lettres paraissent féminines, d’autres


paraissent masculines. Comme le aleph masculin, le beit

féminin, le guimel masculin, le dalet féminin, le hé fémi-


nin, le vav masculin. Ainsi de toutes les autres lettres,
parmi elles certaines font partie du Mâle, certaines font

818. Le Corps divin anthropomorphe ou plutôt, comme on le voit


ici, anthropographe.
819. Voir supra note 97.
820. Ces mots ne figurent pas dans la version de Or Yaqar (p. 180).
821. Cette liste de douze lettres figure dans la version deOr Yaqar.
[ 74 c] CANTIQUE DES CANTIQUES - 209

partie de la Femelle. Si tu dis : si tel est le cas, comment


Adam a-t-il été bâti par le secret des vingt-deux lettres ? En

effet, lorsque Ton examine et que Ton sélectionne les


lettres nécessaires au Mâle et qui apparaissent en lui, il
n en est pas plus de douze, correspondant aux douze
organes. En réalité, bien sûr, l’ensemble des lettres font
partie du secret du Mâle, y en a vingt-deux, lettres
et il

masculines et lettres féminines. Tous les organes en effet


glissent dans des articulations car l’un est inclus en l’autre

et l’un entre dans l’autre. Celui qui entre est mâle, celui
qui le reçoit en son sein est femelle. En chaque organe il
y
a donc mâle et femelle, l’un pénétrant l’autre comme le

mâle la femelle. Pour cette raison, toutes les lettres se rap-


portent au secret du mâle et de la femelle. Toutes les

lettres ont besoin l’une de l’autre et doivent se conj oindre


l’une à l’autre, <aleph heit, guimel dalet^ hé vav^^^> l’une
entrant dans l’autre comme le mâle dans la femelle.

Vingt-deux autres lettres font partie de la Femelle, en


bas, et ce sont les petites lettres En effet, lorsque le Mâle
s’unit à la Femelle par le désir de toutes les lettres de la

totalité des organes se portant vers la Femelle, Il projeta en


Elle le secret des lettres dans ses eaux à Elle après quoi
les deux ont été congelés à savoir les lettres se sont
matérialisées et d’autres lettres sont apparues semblables à
celles [du Mâle]. Ainsi donc il existe un alphabet de
<grandes> lettres supérieures, et il existe un alphabet de
lettres minuscules.
Le aleph est [égal à] un et il est le secret de l’Un, il émer-
gea [néanmoins] et se matérialisa selon le secret de trois

822. Cette liste figure dans la version de Or Yaqar (p. 181).


823. Voir supra notes 382 et 452; cf. ZoharW, 212b.

824. Les eaux ou semences féminines.


825. Voir Zoharl, 16b.
210 - LE ZOHAR [74c]

organes supérieurs qui se conj oignent ensemble et qui


sont un et pourtant il n’est qu’un unique organe. En voici
la raison :
quand le aleph émergea et fut placé en tête il

sortit à l’image des autres qui avaient besoin de lui pour se


conj oindre à lui, et lorsque le aleph émergea, il ressemblait
aux deux autres degrés qui avaient besoin d’être avec lui,

qui sont la Gauche et le Milieu Tous étaient unis


ensemble et apparaissaient dans sa forme. Dès que ces deux
autres organes furent existenciés et furent établis à leur

place, le aleph se retourna et s’établit en son lieu en tête,

dans le côté Droit. Comment fit le Saint béni soit-il?


Lorsque les lettres émergèrent, la première lettre qui sortit,

la tête de toutes les lettres, était le aleph. Que fit le Saint


béni soit-il? Il s’enveloppa de cette lettre et il créa les
Cieux. Par cette lettre, le Saint béni soit-il créa le secret de
l’Unité qui est trois degrés et ce sont les Cieux secret de
l’un, ainsi que nous l’avons enseigné et cela a été dit.

Puisque les Cieux furent créés selon ce secret, ils n’étaient


pas encore gelés ni coagulés car ils étaient cachés à l’inté-
rieur des Eaux^^\ secret de la lettre aleph qui est à Droite.
Après qu’ils furent gelés, de ces Eaux la lettre vav émer-
gea et elle se dessina dans une figure qui la matérialisa

selon la forme de l’homme. Malgré cela, rien ne manquait

826. Les sefirot Hessed, Guevourah, Tiferet.


827. La sefira Hessed (le aleph) étant la première émanation sortie

de la sefira Binah.
828. La Gauche c’est la sefira Guevourah, le Milieu c’est la sefira

Tiferet.
829. Ou « émanés ». Sur cette expression très importante, voir
Moïse de Léon, Le Skie du sanctuaire, Lagrasse, Verdier, introduction,

p. 39-40.
830. La sefira Tiferet qui unit en elle les sefirot Hessed et

Guevourah et assure leur harmonie.


831. La sefira Hessed.
832. La sefira Tiferet.
[74c-74d] CANTIQUE DES CANTIQUES 2II

à la forme de la lettre aleph^^^, et elle retourna et s’établit


dans son lieu. La lumière de cette lettre commença à
rayonner du début du monde jusqu’aux confins du
monde. Sa lumière se dissimula [ensuite] dans une autre
lettre et elle fit de cette lettre un beit en cachant en son sein
sa lumière, et cette lumière fut dissimulée en elle. Depuis
ce temps, elle se cache et se dissimule et ne sort plus vers le

monde si ce n’est par un minuscule canal qui en transporte


un filament et c’est à partir de lui que le monde est

nourri et qu’il se maintient dans l’être. À partir de cette


lettre tout a été construit, à partir de cette lettre tout est
nourri. Par cette lettre [74d] le Saint béni soit-il protège
Israël et il brise ses ennemis devant eux, comme il est écrit :

« Ta droite, YHVH, resplendit de vigueur, ta droite,


YHVH écrase l’ennemi » (Ex. 15:6). Quand ils commirent
des péchés on trouve écrit « Il a ramené sa droite en
:

arrière » (Lam. 2:3). Dès cet instant les Israélites furent exi-

lés hors du Pays et leurs ennemis les dominèrent.


Le aleph s’établit dans le Bras, grâce au secret de la force
et de la puissance des deux autres côtés qui le renforcè-
rent, tandis que lui est le Bras droit. Le l’intégra en son
sein et le recueillit comme une femelle à l’intérieur de
laquelle pénètre un mâle, c’est ainsi que toutes les lettres

sont l’une mâle, l’autre femelle. Le aleph se déploya vers


d’autres lettres et fut pleinement parachevé en prenant
deux autres degrés, (a)l-ph^^^, pour qu’ils soient sa pléni-

tude. C’est le secret de : « Camperont près de lui la tribu »

d’Untel (Nom. 2:5,27), ceux qui « campent près de lui »

833. Malgré les sefirot qui émanèrent d’elle.

834. Allusion au « fil de grâce » {hessed) qui se déroule d’en haut


vers ce monde, d’après des textes rabbiniques, voir Haguigah 12b.
835. Les sefirot Guevourah etTiferet.
836. Le aleph comprend dans son nom deux autres lettres, un
lamed et un péh.
212 - LE ZOHAR [74cl]

sont deux degrés en un. Tant et si bien que les lettres s’éle-

vèrent au nombre de soixante myriades, selon le nombre


des tribus d’Israël qui sont douze et atteignent le nombre
de soixante myriades. Ainsi les lettres, lorsqu’elles se distri-

buent s’élèvent à soixante :

,fp ,r\tù ,pî pi

.in ,pii>

Telle est la somme des lettres atteignant soixante


myriades, afin qu’il y ait plénitude dans le mystère des
lettres à travers la totalité des organes.
Restèrent encore des lettres et celles-ci sont douze :

mem fermé, noun, tsadé long, péy kaf, il s’agit des autres
lettres doubles [appelées] mntspk. Elles s’élèvent au nombre
de douze lettres. Et lorsque toutes les lettres sont devenues
pleines, elles s’élèvent au nombre de soixante-douze
secret du saint Nom par lequel le Saint béni soit-il se fait
appeler. Le nombre des Israélites est de soixante-dix per-
sonnes plus deux lettres qui sont des témoins au milieu
d’eux et sont intégrées en eux, ce sont YH, comme il est

écrit : « C’est là que montent les tribus, les tribus de YaH,


témoignage pour Israël » (Ps. 122:4). C’est le secret de :

« Les Rubénites » (Nom. 26:7), « les Siméonites {ibi-

dem I4), cela a été enseigné et ensemble ils s’élèvent au

837. Dans les versions imprimées, au lieu de « se distribuent » on


lit « sont pleines ».

838. Les noms des vingt-deux lettres de l’alphabet écrites de façon


explicite comprennent soixante lettres.

839. Les soixante précédentes plus les douze.


840. Les soixante-dix descendants de Jacob qui sont parvenus en
Égypte, d’après Exode 1:5.
841. Les noms de famille des tribus d’Israël dans ce passage com-
portent un yod comme lettre initiale et un hé comme lettre finale, soit

le nom divin de deux lettres YH, ce qui complète leur nombre et le fait

passer de soixante-dix à soixante-douze.


842. Voir Qidouchin 60b.
[ 74 d] CANTIQUE DES CANTIQUES - 213

nombre de soixante-douze. Il en va de même de l’alphabet


dont toutes les lettres s’élèvent au secret de soixante-douze
pour que toutes soient le secret du Corps parfait,
lettres,

mystère de l’homme, énigme du Char d’en haut, intrigue


du saint Nom gravé. C’est pourquoi toutes les lettres s’élè-

vent par l’élévation du Char d’en haut, avec leurs formes


et leurs corps, afin que tout soit un unique mystère
comme il se doit. L’ensemble des lettres, lorsqu’elles se

CO nj oignent et se gravent dans leurs gravures selon le secret

des soixante-douze lettres gravées, elles deviennent toutes


un unique corps

843. Ces réflexions du Zoharsm la structure organique des lettres

et des sefirot ont inspiré un commentaire de R. Moïse Cordovéro sur


l’anatomie, dont un passage au moins mérite d’être traduit ici : « Qui
connaît le nom de soixante-douze [lettres] suivant son parcours dans
ses canaux de lettre en lettre et dans la lettre elle-même de partie en
partie, comprendra la nature de ses nerfs, de ses vaisseaux, et de toute
sa créaturalité, il s’agit d’une science merveilleuse si nous la méritons,
avec l’aide de Dieu. C’est la science de l’anatomie humaine suivant la

voie de la vérité qui dépend de l’anatomie du Nom, de ses lettres, de


ses canaux, de ses ramifications et pareille sera la nature des sections de
la Torah pour celui qui connaît la science de son anatomie ; il contem-
plera aussi les âmes d’Israël liées l’une à l’autre [...]. Le Saint béni soit-

il connaît l’anatomie de leur âme et des liens qui les unissent, vers Lui
s’élèvent nos prières, qu’il nous fasse mériter de goûter au charme de la

douceur de son secret » (p. 184). À la suite de ces propos, le commen-


tateur annonce qu’il se propose de rédiger un opuscule consacré à la

science anatomique pour montrer « combien est prodigieuse l’anato-


mie de l’homme, du Nom de soixante-douze [lettres] et de la Torah
dans ses divisions ; avec l’aide de Celui qui gratifie les misérables, je
serai aidé par l’esprit de sa sainteté et maintenu en vie, avec l’aide du
Ciel. »
Lettres de l’alphabet Lettres finales

aleph khaf final 1

beit a mem final ou fermé D

guimel noun final 1

dalet 1 peh final

hé n tsadé final ou long Y


vav

zaïn T

het n

tet D
»
yod Points voyelles

khaf D

lamed holam (son o)

mem hiriq (son i)


.

noun 2 chourouq à 3 points ...

samekh 0 ségol (son é)

'ayin V tseré (son é) ..

peh D chéva (son e)


J

tsadé chéva-ségol

qouf ? qamats (son a)


T

*1
rech hataf-qamats
t:

chin patah (son a) _

tav n chourouq (son ou) 1


Table des matières

Introduction

Rabbi Siméon ben Yohaï et le prophète Elle 8


Le Cantique des Cantiques et la cabale espagnole ii
Le Cantique des Cantiques dans le Zohar 75
Les dix sefirot et l alphabet hébreu 1$
Les guerres magiques ip
Les bien-aimés du Cantique des Cantiques 20
Un livre pour le salut de Lâme 21
Qui a écrit le Zohar sur le Cantique des Cantiques? 26
Le genre littéraire de l’ouvrage 27
Les surcommentaires - un brefaperçu ....30

Le Midrach ha-Néélam 30
L’édition du texte 31

Zohar sur le Cantique des Cantiques

Midrach ha-Néélam 35

Zohar sur le Cantique des Cantiques 55

Tableau des lettres et des voyelles 213


Collection « Les Dix Paroles

UECCLÉSIASTE ET SON DOUBLE ARAMÉEN. Qohélet et son targoum


Jacob ben Isaac Achkenazi de Janow. LE COMMENTAIRE SUR LA TORAH
Tseenah ureenah
Rafael Hiya Pontrémoli. LE MEAM LOEZ. Livre d’Esther

LETALMUD. Traité Moed Katan


LETALMUD. Traité Haguiga
LETALMUD. Traité Makkot
AGGADOTH DU TALMUD DE BABYLONE. Ein Yaakov
MIDRACH RABBA. Génèse, tome I
CHAPITRES DE RABBI ÉLIÉZER. Pirqé de rabbi Éliézer

COMMENTAIRES DU TRAITÉ DES PÈRES. Pirqé avot


par M. Maimonide, Rachi, R.Yona, le Maharal de Prague, R. Hayim de Volozyne

LE ZOHAR (6 volumes)
Génèsé Tomes
: I, II, III, IV. Le livre de Ruth. Le Cantique des cantiques
LE LIVRE HÉBREU D’HÉNOCH. Livre des palais

LE BAHIR. Le livre de la clarté


Moïse de Léon. LE SICLE DU SANCTUAIRE
R. Moïse Hayyim Luzzatto. LE PHILOSOPHE ET LE CABALISTE
Obadia et David Maïmonide. DEUX TRAITÉS DE MYSTIQUE JUIVE
Le traité du puits ét le guide du détachement
Moïse Cordovéro. LE PALMIER DE DÉBORA
Moïse Cordovéro. DOUCE LUMIÈRE. Or né ‘érab
LA ’

Joseph de Hamadan. FRAGMENT D’UN COMMENTAIRE SUR LA GENÈSE


LETTRE SUR LA SAINTETÉ. La relation de Thomme avec sa eemme
Rabbi Hayyim de Volozhyn. L’ÂME DE LA VIE. Neeesh hahayyim
Juda Hallévi. LE KUZARI. Apologie DE LA RELIGION MÉPRISÉE

Moïse Maïmonide. LE GUIDE DES ÉGARÉS


L’ESPRIT DE GRÂCE. Introduction À la philosophie de maïmonide
Nahmanide. LA DISPUTE DE BARCELONE
Gershom Scholem. SABBATAÏ TSEVI. Le MESSIE MYSTIQUE 1626-1676
Charles Mopsik. LES GRANDS TEXTES DE LA CABALE
Ephraïm Urbach. LES SAGES D’ISRAËL
Conceptions et croyances des maîtres du Talmud

Josy Eisenberg, Adin Steinsaltz. LE CHANDELIER D’OR


Les fêtes juives dans l’enseignement de Rabbi Chnéour Zalman de Lady
CÉLÉBRATIONS DANS LA TOURMENTE
La résistance spirituelle dans les ghettos et les camps de concentration
Imprimerie des Presses Universitaires de France
73, avenue Ronsard, 41100 Vendôme
Imprimé en France
pour Verdier Editeur
Février 1999 — N“ 46 232
Si le Cantique des Cantiques est considéré par la tradition

juive comme le saint des saints parmi les ouvrages du canon


sacré, Le Zohar sur le Cantique des Cantiques est l’une des plus

belles sections de l’ensemble du Zohar - peut-être la plus belle.

L’ouvrage développe le thème de l’amour et de la rencontre


selon diverses variations qui vont de l’humain au divin.
Des éclairages profonds et originaux sur les lettres hébraïques
et le mystère de la création forment une part substantielle
de son contenu.
Il se présente comme un dialogue entre rabbi Siméon ben Yohaï
et le prophète Elie. Les enseignements de la tradition

cabalistique qu’il révèle et met en forme n’ont souvent pas


d’équivalent dans les autres strates du Zohar, ce qui lui confère
une importance historique et doctrinale indispensable

à la compréhension de l’ensemble du corpus ésotérique juif

Traduction de l’araméen et de l’hébreu


ANNOTATION ET INTRODUCTION PAR ChARLES MoPSIK

9 782864 323099
ISBN : 2-86432-309-5
98 F

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