Louison Bobet- champion cycliste des premières Trente Glorieuses
Louison Bobet- champion cycliste des premières Trente Glorieuses
Louison Bobet- champion cycliste des premières Trente Glorieuses
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L.Bobet, Mes vélos et moi, Éditions du Lys, 1951, 211 p., titre du premier chapitre.
D.LEJEUNE, LOUISON BOBET… 2
La légende ( ?) familiale dit que Louison roule pour la première fois en vélo à
l’âge de deux ans, dans la rue de la boulangerie familiale, mais la photo
complaisamment publiée dans L’Ouest-Éclair le représente à l’arrêt, le vélo maintenu
par des stabilisateurs ! Louis senior modernise sa boulangerie avec un pétrin
électrique et Louison aide ses parents avant ou après l’école, livrant le pain à bicyclette
à partir de ses dix ans et rangeant les sacs de farine à partir de quatorze ans.
Cependant le sport est d’abord pour lui le football et le tennis de table, dans un club
de ping-pong que son père, très en avance sur son temps, avait fondé en 1933. Il
décroche son certificat d’études primaires à treize ans et est récompensé par un vélo
de course Stella, fabriqué à Nantes et avec lequel il dispute immédiatement sa
première course, le Premier Pas Dunlop, qui en est à sa quinzième édition. Il fait
quelques autres courses cyclistes régionales, s’intéresse, en tant que lecteur, auditeur
et supporter, au Tour de France, mais il préfère toujours pratiquer le ping-pong, sport
dans lequel il brille au niveau national.
Le père de Louison est résistant, Louison l’aide un peu 3 puis est en 1944
conscrit dans un régiment d’infanterie breton ; il combat de décembre 1944 jusqu’à la
capitulation de mai 1945 contre la poche allemande de Lorient depuis un bourg du
Morbihan, où il rencontre sa future épouse, Christiane Tardiff (1922-2016), dont les
1
Louison Bobet, Mes vélos et moi, Éditions du Lys, 1951, 211 p., p. 33.
2
Louison Bobet, Ibid., p. 41.
3
Louison Bobet, Ibid., p. 46-47.
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En 1947, Bobet abandonne dans le Paris-Roubaix mais gagne dans les Boucles
de la Seine, après une échappée d’anthologie, performance qui lui vaut d’être
sélectionné parmi les dix coureurs de l’équipe de France qui sera engagée dans le
Tour de France renaissant (les équipes sont nationales, en effet, pendant les années
50). Le Tour renaît, chargé de l’immense espoir de l’après-guerre, en 1947. Le 13
juillet c’est le départ de Paris du 37e Tour de France et le public populaire renoue avec
l’habitude d’assister au passage de la Grande Boucle, la radio retransmet les étapes,
les journaux dissertent, mais Bobet, qui vient d’abandonner dans le championnat de
France, n’a que 22 ans et il n’est que le coéquipier de René Vietto, le champion
d’avant-guerre (1914-1988) : « domestique du Tour, quel travail ! », écrira Bobet
quatre ans plus tard 2. Pour lui ce premier Tour est « un dur apprentissage » 3, car
une grave chute dans les Gorges du Guil le contraint à l’abandon. Toutefois, deux
succès et une place honorable remportés après une courte convalescence le rendent
sûr de sa vocation de cycliste professionnel et le couple Bobet vend l’épicerie rennaise
fin 1947. Mais les premiers résultats de 1948 sont médiocres.
1
« Je ne suis pas fait pour ce métier de forçat » écrit Louison Bobet dans Mes vélos et moi, op. cit., p. 143.
2
Louison Bobet, Mes vélos et moi, op. cit., p. 76.
3
L.Bobet, Champion cycliste, Hachette, Bibliothèque verte, 1959, 190 p., titre du chap. VIII.
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angine qui le pousse à renoncer au Tour de France. Mais à l’automne, Bobet se venge
sur le sort en remportant le Grand Prix des Nations.
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Cette confiance en soi lui permet de surmonter les résultats du début de saison
1954, moins bons qu’en 1953, et de s’économiser raisonnablement dans le Dauphiné
libéré. Le Tour de France 1954 présente quatre caractéristiques quant à la carrière de
Bobet : la rivalité avec une très bonne équipe suisse, le bon travail d’équipe des
Français, au profit de Louison Bobet, qui une nouvelle fois domine dans l’étape qui
passe à l’Izoard et gagne son deuxième Tour avec plus de quinze minutes d’avance
sur le second, le suisse Ferdi Kübler (1919-2016). Trois semaines plus tard, Bobet
triomphe au Championnat du Monde, à Solingen, en Allemagne. À l’automne 1954,
Bobet quitte Stella pour Mercier, société avec laquelle il crée sa propre marque,
s’attaque en vain au record de l’heure à Milan et fait en course la connaissance d’un
champion cycliste prometteur, professionnel depuis l’année précédente, Jacques
Anquetil, plus jeune de neuf ans que Bobet.
1
Bien mystérieuse (ambigüe si l’on veut…) pour le gamin de sept ans que j’étais (suivi du Tour à la radio…) !
2
Points & Contrepoints, 1955, 120 p.
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que Bobet évitera toujours. Ce chapitre vise implicitement un scandale de dopage qui
vient de se produire. La première dénonciation du dopage se produit lors du Tour de
France 1955, c'est l'affaire Malléjac. Jean Malléjac (1929-2000), deuxième du Tour
1953 derrière Bobet, est, pendant l'édition de 1955, victime en faisant l’ascension du
Ventoux d’un malaise dû à un abus d’amphétamines, ce qui le force à abandonner.
Cet « incident » entraîne l’exclusion de son soigneur, qui est aussi celui du champion
luxembourgeois Charly Gaul. C'est le premier cas d’exclusion pour dopage sur le Tour
de France, mais Malléjac continue sa carrière jusqu’en 1958…
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Cette année 1957, Bobet ressent à nouveau des douleurs à la selle, elles
s’apaisent et il a l’envie de remporter le doublé Grande Boucle-Giro mais il se heurte
à l’ambition d’Anquetil : ni l’un ni l’autre ne veulent courir dans la même équipe, de
France, ils le déclarent en début de saison ! Bobet se bat comme un lion dans le Tour
d’Italie, contre Charly Gaul et Gastone Nencini (1930-1980), qui devance Bobet de…
19 secondes seulement, et dans des circonstances de course très discutables et
discutées. Bobet décide alors de ne pas courir le Tour de France. Quelques places
d’honneur et le départ Le Bert marquent la fin de 1957.
1
et qui voit apparaître Federico Bahamontes, né en 1928.
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(associé au pétrolier BP depuis 1956) pour la formation italienne Ignis, mais il est 2e
du Bordeaux-Paris 1961.
« Bobet incarne le Juste, l’Humain, Bobet nie les dieux, Bobet illustre une
morale de l’homme seul. Gaul est un archange, Bobet est prométhéen, c’est un
Sisyphe qui réussirait à faire basculer la pierre sur ces mêmes dieux qui l’ont
condamné à n’être magnifiquement qu’un homme. […] Bobet est un héros
prométhéen : il a un magnifique tempérament de lutteur, un sens aigu de
l’organisation, c’est un calculateur, il vise réalistement à gagner. »
1
Roland Barthes, Mythologies, Seuil, 1957, 270 p., pp. 115 et 119.
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Retraite et reconversion
Le 15 décembre 1961, Louison Bobet est victime d’un très grave accident de la
route dans une Peugeot 404 conduite par son frère Jean, près de Montry (Seine-et-
Marne) : fractures du fémur et de la cheville, opération, soutien massif par le public qui
envoie 150 000 cartes postales en trois jours au siège de Radio-Luxembourg,
rééducation, notamment à l’Institut de thalassothérapie de Roscoff (Finistère). Après
avoir tenté de reprendre l’entraînement au top niveau, Bobet se résout à mettre un
terme à sa carrière (20 août 1962). Après avoir été approché pour participer à la
création de la station de sports d’hiver d’Avoriaz, près de Morzine (Haute-Savoie), il
choisit de créer un centre de thalassothérapie à Quiberon, en vendant les forêts
jurassiennes, dans lesquelles il avait investi (c’était dans l’air du temps), et en faisant
des emprunts bancaires. Les travaux commencent fin 1962 et le centre ouvre en mai
1964, inauguré par deux ministres, celui de la Santé (Raymond Marcellin) et le
secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, Maurice Herzog 1, le vainqueur de
l’Annapurna. Bobet est directeur à Quiberon mais de surcroît actionnaire de six autres
centres de soins et cures.
Les affaires marchent, une claire sélection sociale s’opère à Quiberon et Bobet,
retrouvant une tendance manifestée dès les années 50, s’oriente vers une certaine
peopolisation : entrée à l’UDR, le parti gaulliste, et au conseil municipal de Quiberon,
achat d’un avion, avec lequel il traverse l’Atlantique, en compagnie de son fils Philippe,
pilote professionnel, remariage 2 le 27 juillet 1967, avec Marie-Josette Laroche (MJB),
actionnariat dans l’hôtellerie… Évincé de celui de Quiberon, Bobet ouvre un nouveau
centre de thalassothérapie, à Biarritz, en 1979. Avec l’homme d’affaires self-made
man, périgourdin et haut en couleurs, fondateur d’Europe n° 1, Sylvain Floirat (1899-
1993), il crée un autre centre de thalassothérapie, dans l’hôtel Byblos de Saint-Tropez,
propriété de Floirat ; Bobet en épouse ensuite (21 avril 1982) la belle-fille et filleule,
Françoise Jaquillard, qui devient donc sa troisième femme. Avec Floirat Bobet
entreprend la construction d’un nouveau centre de thalassothérapie, près de Marbella
en Espagne. Très affaibli par une affection rénale puis un kyste au cerveau, Louison
1
Cf. D.Lejeune, « Les vainqueurs de l'Annapurna », L'Histoire, n° 105 (nov. 1987), pp. 18-26.
2
Bobet avait divorcé de sa première femme l’année précédente.
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Bobet meurt le 13 mars 1983 à 58 ans, à Biarritz, d’un cancer, il est enterré à Saint-
Méen-le-Grand. Son père mourra quelques mois plus tard, le 9 novembre 1983.
1
Cf. D.Lejeune, La France des Trente Glorieuses, 1945-1974, Armand Colin, 2015, collection « Cursus », 192 p.
2
Cf. Bertrand Le Gendre, 1962, l’année prodigieuse, Denoël, 2012, 297 p.
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Bibliographie :
- presse, sportive et nationale
- Louison Bobet, Mes vélos et moi, Éditions du Lys, 1951, 211 p.
- Louison Bobet, Champion cycliste, Hachette, Bibliothèque verte, 1959, 190 p.
- Louison Bobet & Raymond Le Bert, En selle, Points & Contrepoints, 1955, 120 p.
- Jean Bobet, Louison Bobet. Une vélobiographie, Gallimard, 1958, réédition, La
Table ronde, 2003, 223 p., réédition, 2016, 229 p.
- Jean Bobet, Demain, on roule…, La Table ronde, 2004, 239 p.
- R.Ichah, Louison Bobet, Éditions PAC, 1981, 173 p.
- Jean-Paul Ollivier, La Légende de Louison Bobet, Flammarion, 1984, 275 p.,
réédition, Les Éditions de l’Aurore, 1992, 280 p., réédition, Glénat, 1998, 280 p.
- Jean-Paul Ollivier, Louison Bobet, Palantines, 2009, 255 p. Texte avec une
iconographie abondante