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Ottomans Dossier Web Cle0ebd13

Empire ottoman

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L'essor et le déclin

de l'Empire ottoman
e e
(16 – 20 siècles)

Portrait de Said Effendi, ambassadeur extraordinaire du Sultan auprès du Roi de France, 1742
(Bibliothèque diplomatique numérique)

Centre des Archives diplomatiques de Nantes


2020
 Niveau concerné :
o Classes de 1ère générale, spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques
(thème 2 : « Analyser les ressorts et les dynamiques des puissances internationales »)
 Objectifs disciplinaires
- Histoire / géopolitique : identification des fondements et des manifestations de la puissance à
l’échelle internationale dans les champs diplomatiques, militaire, culturel, économique et financier
 Capacités :

- Confronter des documents, analyser des documents, hiérarchiser et classer des informations,
contextualiser des documents et des informations
 Sources :
- Ambassade de France à Constantinople, 166PO/C et E
- Haut-commissariat français à Constantinople, 36PO/1

Ce dossier peut être utilisé en classe ou lors d’une séance aux Archives diplomatiques. Des activités
pédagogiques basées sur ce corpus de documents peuvent être proposées par le service éducatif.
e
1) L'apogée de l'Empire (XVI siècle)

Contexte historique

1525. François Ier est capturé par Charles Quint à la bataille de Pavie lors d’une tentative pour prendre le
Milanais. Il demande à Louise de Savoie, régente, de rechercher une alliance stratégique avec l’ennemi des
Habsbourg, Soliman le Magnifique.
1529. Soliman (1495-1566) prend la ville de Buda et met le siège devant Vienne. (Une paix est conclue en
février 1568).
1536. D’importants accords commerciaux sont conclus entre la France et la « Sublime Porte. » L’alliance
stratégique contre les Habsbourg entre François Ier et Soliman le Magnifique se renforce. Le pirate œuvrant
pour les Ottomans, Barberousse, peut en 1543 profiter de Toulon pour abriter sa flotte. Il est censé affaiblir
Charles Quint, les Habsbourg et ses alliés en razziant les villes avec son armée de janissaires.
Les Ottomans occupent le bassin oriental de la Méditerranée. Venise est la seule puissance à leur faire face
en Adriatique, en mer Egée, et sur l’île de Chypre.
1570. Prise de Chypre, sous le règne de Sélim II (1566-1574), fils de Soliman et Roxelane. Le pape Pie V crée
la Sainte Ligue dans une bulle de croisade qui comprend : Charles Quint, Venise, Gênes, la Savoie et Malte,
afin de contrer les turcs en Méditerranée. La flotte de la Ligue est commandée par Don Juan d’Autriche (fils
illégitime de Charles Quint).
1571. Les forces chrétiennes (France exclue, car cette dernière veut conserver de bonnes relations
commerciales avec la « Sublime Porte » et surtout contrer la puissance espagnole) et Ottomane s’affrontent
à Lépante. La ligue remporte la bataille mais avec de lourdes pertes ; Chypre reste aux mains des Turcs.
Venise qui connait des difficultés économiques en raison de l’effort de guerre signe une paix séparée,
conclue en septembre 1573 et Philippe II à son tour négocie une trêve avec les Ottomans en 1578.
L’Empire Ottoman est donc une puissance orientale qui entre dans le jeu des puissances européennes au
XVIe siècle, mais au début du siècle suivant, il est fragilisé par des troubles internes.
1623. L'avènement de Mourad IV a lieu dans un contexte d'instabilité politique. D'abord sous la régence de
sa mère, il exerce ensuite le pouvoir par lui-même, mais doit composer avec les rivalités des spahis et des
janissaires. Il parvient à rétablir l'ordre et à imposer un gouvernement autoritaire dans l'Empire comme à
Constantinople. Les fauteurs de troubles sont exécutés. Le sultan mène personnellement les armées et
reprend les territoires perdus face aux Perses (Bagdad, 1638).
1640. À la mort de Mourad IV, son successeur, son frère Ibrahim Ier lui succède, avant d'être assassiné en
1648. C’est alors un enfant de sept ans, Mehmed IV, qui devient sultan. Les grands vizirs se succèdent et les
janissaires sont toujours aussi indisciplinés.
1644. Les galères de l'ordre de Malte attaquent un navire turc transportant le chef des eunuques et peut-
être l'un des enfants du Sultan. Les Vénitiens de Crète abritent le bateau maltais, ce qui aurait poussé le
sultan à les attaquer.
1645-1669. Guerre de Candie, dont les villes sont successivement assiégées avec succès par les Ottomans
(La Canée, Candie). La France envoit des troupes à condition qu'elles combattent sous la bannière
ponitificale, car l'Empire ottoman est officiellement un allié de la France. Après un siège meurtrier (1648-
1669), le conflit se termine par la conquête de la Crète par les Turcs. Sa possession leur sera reconnue en
1699 au traité de Karlowitz (entre l'Autriche, Venise et l'Empire ottoman).
1656. La mère de Mehmed IV fait appel à Mehmed Keuprülü qui, à 75 ans, rétablit en cinq ans la situation
en usant de la manière forte. À sa mort en 1661, son poste est assuré par son fils Ahmed puis d'autres
parents. Cette dynastie de grands serviteurs de l’État ottoman restaure pour un temps la puissance de
l’empire.
1683. Échec du siège de Vienne. L'Empire ottoman fait ensuite face à plusieurs défaites. Les sultans qui
règnent après la déposition de Mehmed IV par les janissaires en 1687 ne parviendront pas à maintenir
l'intégrité de l'Empire.
Documents

Doc. 1. Description détaillée de la ville de Constantinople par M. d’Aramon, ambassadeur du Roi de


France de 1547 à 1556 (166PO/A/3, f° 53 à 55)
Des Pachas1 et de leurs officiers
Après il y a quatre ou cinq Pachas lesquels gouvernent tout son Etat et Empire. Le premier fait presque tout
et n’y a que lui qui réfère au Grand Seigneur les causes tant en son Etat que du peuple et qui prend ses
réponses, les autres Pachas ne parlent point à Lui s’il ne les fait appeler.
Chapitre Quels sont les habitants de Constantinople
Le grand Seigneur y a constitué son siège impérial et ordinairement y tient la cour et résidence. La ville est
habitée principalement des Turcs puis des Juifs les (ascendants) des marotz (écriture moderne : marranes)
qui ont été chassés d’Espagne, Portugal et Allemagne, lesquels ont enseigné aux Turcs tous artifice en
main (note : usage de la poudre). Il y a aussi force grecs et plusieurs chrétiens marchands étrangers qui
trafiquent dans les pays de Levant c’est à savoir : vénitiens, florentins, ragusins, bien peu de français et
plusieurs autres, lesquels habitant tous en une petite ( manque ) qu’ils appellent Galata dit Péra.
Du Divan et de ses officiers
Il y a un fort beau lieu dans le palais dudit Grand Seigneur où l’on baille audience a un chacun quatre jours
de la semaine, à savoir
Les samedis, dimanches, lundis, le mardi
Et là sont assis les susdits Pachas et deux Cadilescheys, l’un de la Grèce et l’autre de l’Anatolie nommés
M(essires) des sentences et ces deux bailleurs les sentencent aux choses qui vont par voye en raison et de
justice et eux-mêmes rendent compte au Grand Turc en leurs charges comme aussi font trois desterdary
c’est-à-dire trésorier.
Secrétaire du Divan
Puis il y a les secrétaires qui écrivent lesdits commandements et ordonnances dudit Grand Seigneur, il y a
encore deux capitaines qui se tiennent debout à chaque audience et ont en la main chacun un bâton
d’argent, l’un s’appelle Chiaoux Bassy c’est à savoir capitaine et ceux qui portent les masses, et sont lesdits
porteurs de masses environ trois cents. L’autre s’appelle Capigi l’archicaco c’est-à-dire capitaine et tous les
portiers dudit Grand Turc qui sont en nombre de trois à quatre cents lesquels on nomme Capigy.
Janissaires et Soulachy
Le Juraor Bassy
Puis il y a les capitaines des janissaires, qu’on appela Aga, il commande à tous les janissaires qui sont en
nombre de douze ou quinze mille et sous lui y a environ deux cent caporaux et chacun caporal commande à
cent quatre-vingt ou soixante qui plus que moins de lesdits janissaires qui portent grande obéissance à leur
capitaine, et tous les jeudi de la semaine ledit Aga leur donne audience en sa main, ils ont un sérail audit
Constantinople.
Quand le Grand Turc fait quelque entreprise ou qu’il va d’une ville à une autre lesdits janissaires cheminent
à pieds à l’entour de lui et portent tous l’arquebuse et cimeterre et au gouvernement des chevaux mulets
chameaux dudit seigneur y a deux chefs qu’on appelle Juraor Bassy qui commandent à toutes lesdites
écuries tant à celles qui sont à Constantinople que aux autres qui sont aux autres terres en plusieurs
endroits et y a plus de dix ou douze mille hommes sous eux. Ledit seigneur ayant un nombre infini en
chevaux et chameaux.
Du capitaine Bassa en la mer
Il y a encore à Constantinople un Beyhirbey capitaine général en la mer qui commande aux terres
maritimes et aux îles et à toutes les galères et autres vaisseaux dudit grand seigneur et a sous lui je ne sais
combien de capitaines et saphis, sont obligés d’aller sur la mer ce faisant entreprise [...].

1
Le mot pacha est écrit « bassa » dans le manuscrit.
Et ordre et justice
Et par toutes les villes dudit Grand Seigneur y a deux juges l’un nommé Cadi qui juge les causes civiles et
celui des causes criminelles s’appelle Soubi Bassy ; il n’y a conseiller avocat ni procureur chacun, dit la
raison, sur quoi justice est faite, et viennent en grande police.

Doc. 2. Extrait du « Discours historique sur l’ambassade de Constantinople de Mgr François de Noailles,
évêque de Daqcs et conseiller d’État sous le règne de Charles IX » (166PO/A/3, f° 116-117).
[...] L’évêque de Dacqs fit stipuler dans son traité que la flotte Ottomane tiendrait la mer tous les ans quand
nous aurions la guerre contre l’Espagne sans qu’il soit besoin chaque été d’en solliciter l’armement que le
commandement agirait de concert avec nos généraux et conformément aux ordres de la cour et que toutes
les conquêtes qu’on ferait en Italie sur les Etats du roi d’Espagne nous appartiendraient et se fit rendre par
le même traité tous les esclaves français qui étaient dans toute l’étendue de l’Empire Ottoman. Il assure de
nouveau la conservation des saints lieux de Jérusalem qui étaient de tous temps sous la protection des rois
très chrétiens, et il exigea que les vaisseaux de la République de Raguse ne fussent plus dans les ports de
guerre du seigneur s’ils ne se remettaient sous la bannière de France dont ils étaient soustraits depuis
quelque temps. Le roi reçu la nouvelle de ce traité avec beaucoup de satisfaction [...].

Doc. 3 à 5. Correspondance de François de Noailles, ambassadeur du Roi de France de 1572 à 1575


(166PO/A/3).
Doc. 3. 29 juillet 1571, l’évêque de d’Acq au sieur de Milan, au sujet de la bataille de Lépante (f° 151)
[...] Cependant je vous veux bien avertir que depuis deux jours est venu l’ordinaire de Rome qui conte de
piteuses nouvelles pour ces pauvres Vénitiens car il a assuré la perte de Famagouste, le siège de Candie, la
fortification du port Dellasunda en ladite île de Candie par les Turcs, de 68 galères vénitiennes assiégées au
port de La Canée et pour le comble desdites nouvelles, dit que la plus grande partie de l’armée turque était
devant Corfou, qui est l’entrée du golfe de Venise. Par ainsi voilà tout le pays que ladite seigneurie a en
Esclavonie en grande peur et alarme. L’Abbruze, la Pouille et même la Sicile sont en pareil effroi, de sorte
que messeigneurs de la Ligue ne iront pas loin cette année pour trouver l’armée des Turcs et pour qu’ils ne
feront ni cette année ni la prochaine en grande peine de faire le partage entre eux des conquêtes qu’ils
feront sur le pays du Grand Seigneur ainsi qu’il est porté par les articles de la Ligue. A quoi il y a bien de la
moquerie dont je me rirais tout mon saoul, si les vénitiens n’étaient pas pris en cette farce [...].
Doc. 4. Avis sur la victoire remportée à Lépante contre les Turcs par Don Juan d’Autriche le 7 octobre 1571
(f° 158-159)
[...] 180 galères turques prises, 36 submergées, 60 brulées, 2000 turcs taillés en pièces, 50 000 prisonniers,
14 000 esclaves chrétiens délivrés. Bartan Bassa général de l’armée turque et le fameux Caracosa tué. Du
côté des vénitiens, 16 capitaines de galère tués avec le provediteur Barbarizo. Le général Venier blessé et 5
galères prises.
Doc. 5. 17 novembre 1571, de Dacq à Monsieur de Lisle (f° 162)
[...] Cette victoire est pour leur régnant plus digne de pitié que d’allégresse, et que s’il en gagnaient encore
une ou deux à ce prix ils seraient bien malades vu que Chypre demeure en tout perdu et 5 ou 6 ports en
leur golfe, outre l’excessive dépense qu’ils ont faite et font tous les jours pour cette guerre, pour laquelle ils
sont contraints de mettre sur leur peuple et sur eux-mêmes des impositions extravagantes dont il y a
danger de pis. Voilà comment cette victoire les tiens en plus grand désir et nécessité de la paix que devant
laquelle toutefois ils n’osent demander de peur que leurs collègues qu’ils ne craignent guère moins que
leurs propres ennemis.

Doc. 6. Lettre du Sultan Ahmed fils de Memet III à Henry IV (1608, 166PO/A/3, f° 252-253).
Le plus illustre des princes qui suivent la religion de Jésus, la plus grand et le plus parfait des chrétiens le
possesseur de la majesté et des signes de la gloire, et de la grandeur, l’Empereur de France Henry dont la
fin soit heureuse. A l’arrivée de ce noble signe vous saurez que les ambassadeurs du roi d’Angleterre ayant
représenté au seuil élevé et glorieux de notre Sublime Porte qui est l’asile des puissants rois et des grands
potentats que depuis longtemps les nations qui sont en guerre avec vous avaient eu recours à eux et s’y
étaient soumises pour traiter les affaires quelle avaient dans notre Empire. Nous avons fait insérer cet
article dans leurs capitulations, cependant l’ambassadeur qui réside de votre part à notre Porte qui est
aussi élevée que le ciel a représenté à notre glorieux Empire que les susdites nations ennemies de notre
Porte se sont toujours adressées à vos consuls, et qu’ainsi la représentation des anglais était fausse, et
contraire aux traités qui sont depuis longtemps entre nos ancêtres : sur quoi ayant fait prendre des
informations par des gens habiles, et le fait s’étant trouvé tel qu’il est avancé par votre ambassadeur, nous
qui avons une sincère intention d’affermir les fondements de la paix, et des traités, Finalement soit pour ce
qui regarde les nations ennemies de notre Porte, soit pour l’amitié qui a été entre nos glorieux ancêtres, et
vos prédécesseurs, nous aurons soin de la cultiver, et il n’y a pas la moindre apparence que nous fassions
rien de contraire aux traités. Sachez cela, et ne soyez nullement troublé, et sachez au sujet des
capitulations que les anglais ont surpris de nous par fraude, et soyez constant dans la droiture. La sincérité
et l’amitié que vous nous portez comme vous avez fait jusques à présent.
Écrit au milieu de la lune de Moharram de l’an de l’Égire de Mahomet 1016 sur lequel soient les prières les
plus pures.
À Constantinople la bien gardée

Activités de groupes (3/4) : l’organisation de l’Empire ottoman

Relevez les éléments qui vous permettent d’illustrer l’organisation de l’Empire


Pour vous guider :
A- L’Empereur et les audiences au palais
1-Où siège-t-il? Pourquoi cette ville est-elle stratégique ? Constantinople détroit 2 continents
2-Quels sont les noms qui lui sont donnés dans les textes ? Grand Seigneur, Grand Turc, Sa Hautesse,
l'Empereur Turc (+ recommandations à l'ambassadeur français pour aller saluer le sultan)
3-Quel est le nom donné au lieu où il reçoit ses ministres (Pachas) ? divan
4-Faites un schéma en indiquant les noms et fonctions des officiels et précisez leur nombre lorsque c’est
possible. Quelle peut-être l’impression éprouvée par les ambassadeurs lorsqu’ils sont reçus en audience ?
richesse, puissance, obéissance
B- L’armée et le poids militaire et politique de l'Empire ottoman
1-Relevez les éléments montrant la puissance militaire. flotte, janissaires, nombre, écuries chevaux et
chameaux, ... surveillance du territoire, galères du Grand Seigneur, triomphe sur les Perses
2-Indiquez en quoi l'Empire ottoman peut être considéré comme un allié de poids dans les relations
internationales (la France espère que la menace d'une intervention ottomane fasse reculer l'Autriche)
C- Un Empire cosmopolite et une puissance commerciale
1-De quelles provinces ottomanes est-il question dans les textes ? Pourquoi cela suggère une grande
diversité des peuples ? Grèce, Anatolie
2-Quels sont les différents peuples mentionnés ? Pourquoi certaines minorités sont-elles établies dans
l’Empire ? Turcs, juifs, vénitiens, ...français, autres ; fuite persécution, commerce
3- Les Chrétiens dans l'Empire ottoman : qui sont-ils et comment sont-ils représentés ? Religieux du Levant
(monastères...) + problème des lieux saints (Bethléem) accordés aux Grecs, rapprochement entre le
précédent patriarche de Constantinople et la Porte
4- Une puissance commerciale : comment la Porte contrôle-t-elle le commerce ? Capitulations octroyant
aux marchands étrangers la possibilité de commercer, mais contre imposition (parfois lourde)
2) Déclin et fin de l'Empire (XIXe-XXe siècles)

Contexte historique

Au XIXe siècle, l’Empire ottoman cherche à se moderniser tout en faisant face à plusieurs menaces. A partir
de 1839, le sultan Abdulmejid Ier ouvre l’ère des Tanzimat (« réorganisation »). Inspirées par le modernisme
européen, les réformes cherchent à donner une structure administrative et juridique moderne à l’État
ottoman et à renforcer son efficacité. Face à la montée des revendications des minorités ethniques ou
religieuses, l’égalité des droits et la liberté de culte sont proclamés en 1856, mettant théoriquement fin à la
domination musulmane. L’économie s’ouvre au monde et des investissements importants sont consentis
pour créer des infrastructures et des industries, dans un territoire qui n’a pas pris part à la révolution
industrielle. Il faut pour cela faire appel au financement des puissances européennes : l’Empire entre ainsi
dès les années 1850 dans le cercle vicieux de l’endettement.
L’ouverture de l’Empire permet aux Européens d’y étendre leur influence. Sur le plan économique, ils
prennent grâce à la dette le contrôle d’une part grandissante des ressources de l’État, et s’implantent par le
biais des banques et des entreprises industrielles. Sur le plan territorial, les appétits déjà anciens des
puissances s’aiguisent. La France et la Grande-Bretagne s’emparent des possessions les plus lointaines de
l’Empire, de l’Algérie (1830) à la Tunisie (1881) et à l’Egypte (1882). En Europe, puissances soutiennent les
revendications nationales des populations chrétiennes. Après l’autonomie accordée à la Serbie dès 1816, la
Grèce devient indépendante en 1830, et la Roumanie devient autonome en 1859.
L’année 1876 semble marquer l’apogée de la modernisation, avec l’accession au trône du sultan Abdulhamid
II, qui octroie une constitution et crée un parlement. La défaite de 1878 face à la Russie met rapidement fin
à cette libéralisation du régime. Le traité de Berlin accorde en effet l’indépendance à la Serbie et
l’autonomie à la Bulgarie, tandis que la Bosnie est occupée par l’Autrice-Hongrie. La Roumanie devient
totalement indépendante en 1881. Face à ces échecs, le sultan réagit en mettant fin au régime
constitutionnel et en instaurant un régime despotique sur les territoires que l’Empire contrôle encore. Avec
ces défaites successives, le sentiment national turc s’affirme, doublé d’une hostilité croissante à l’égard des
populations chrétiennes. En Anatolie, les Arméniens sont particulièrement visés et subissent entre 1894 et
1897 des massacres qui font plus de 200.000 morts.
Le régime d’Abdulhamid suscite une opposition de plus en plus importante dans l’ensemble des
communautés. En 1908, une révolution est déclenchée dans la partie européenne de l’Empire et porte au
pouvoir le Comité « Union et progrès », ou parti « Jeune-Turc. » Il se propose de restaurer les libertés
constitutionnelles et de renforcer l’État ottoman. Celui-ci subit pourtant de lourdes défaites lors des guerres
balkaniques (1912-1913), qui aboutissent à la perte de presque toutes ses possessions européennes. Les
idéaux démocratiques des Jeunes-Turcs cèdent le pas à un fort ressentiment national turc et à un régime
dictatorial.
Bien qu’affaibli, l’Empire entre en guerre aux côtés de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie et de la Bulgarie en
octobre 1914. Les Arméniens, présentés comme l’ennemi intérieur allié de la Russie et des Occidentaux,
sont arrêtés, déportés et massacrés : au moins 1,2 million d’entre eux périssent entre 1915 et 1917. À partir
de 1917, son armée ne peut résister à la pression des armées alliées. Face à la débâcle de ses alliés
européens, l’Empire doit accepter l’armistice de Moudros le 30 octobre 1918.
Les Jeunes-Turcs abandonnent le pouvoir, laissant un gouvernement très affaibli négocier la paix avec les
Alliés. Le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920, réduit l’Empire à une partie de l’Anatolie et à
Constantinople, plaçant une large partie de son territoire sous contrôle européen. Un mouvement
nationaliste refuse ces conditions et se rebelle contre le gouvernement du sultan. Mustapha Kemal, général
et héros de la Première Guerre mondiale prend la tête de ce mouvement, qui établit sa capitale à Ankara.
L’armée de Kemal combat victorieusement les Grecs, les Arméniens et les Français de Turquie et reprend le
contrôle de l’Anatolie. En position de force, le gouvernement kémaliste contraint en novembre 1922 le
sultan. Seul maître du pays, le régime kémaliste négocie avec les Alliés le traité de Lausanne, qui assure
l’indépendance de la Turquie. La république de Turquie, État national unifié, est proclamée le 29 octobre
1923, mettant définitivement fin à l’Empire ottoman.
Chronologie

1798-1801. La campagne de Napoléon Bonaparte en Egypte met à mal l’alliance franco-ottomane. L’Egypte
s’émancipera de la tutelle turque en 1841.
1808. Septembre. La charte de l’alliance (Sened-i ittifak), signée entre le sultan Mahmud II et les chefs
féodaux reconnaît le pouvoir des provinces face à l’administration centrale.
1826. Juin. Mahmud II supprime l’ordre des janissaires, qui sont massacrés, et réorganise l’armée sur le
modèle européen.
1827. Octobre. La flotte ottomane est détruite à Navarin par l’alliance anglo-russo-française, engagée aux
côtés des Grecs dans la guerre de libération nationale déclenchée en 1821.
1830. Indépendance de la Grèce, autonomie de la Serbie et fin de la suzeraineté sur l’Algérie après le
débarquement français à Sidi-Ferruch.
1839. 3 novembre. L’« édit auguste » inaugure la période de réformes radicales dites Tanzimat («
réorganisations ») : il établit que tous les sujets de l’empire sont égaux devant la loi, supprime l’affermage
de l’impôt et institue le service militaire. L’esclavage est aboli en 1847.
1853-1856. La guerre de Crimée oppose la Russie (protectrice des lieux saints) à la France (qui la réclame au
nom des capitulations), au Royaume-Uni et à l’Empire ottoman.
1876. Décembre. Le sultan Abdülhamid II promulgue une Constitution monarchique et convoque un
Parlement. Il les suspend en 1878 pour rétablir le pouvoir absolu.
1876-1878. Conflit russo-turc, et défaite des Ottomans. Le traité de San Stefano (mars 1878) entérine
l’hégémonie russe sur les Balkans et le Caucase. Il est modifié par le traité de Berlin (juin 1878), qui
accentue le démembrement de l’empire.
1881. Décembre. Les finances et les douanes de l’empire, confronté à une grave crise économique, sont
placées sous tutelle internationale.
1882-1883. Le Royaume-Uni établit un protectorat sur l’Egypte, la France sur la Tunisie.
1908. Juillet. Révolution des Jeunes-Turcs. Abdülhamid II est contraint de rétablir la Constitution de 1876,
avec un Parlement élu.
1912-1913. A l’issue des deux guerres balkaniques, la Turquie perd presque toutes ses possessions dans les
Balkans et cesse d’être une puissance européenne.
1913. 23 janvier. Coup d’Etat mené par les Jeunes-Turcs Ahmet Cemal, Ismaïl Enver et Mehmet Talaat, qui
instaurent un régime dictatorial. Ils décident l’année suivante d’engager la Turquie aux côtés de l’Allemagne
dans la première guerre mondiale.
1915-1916. Le régime entreprend la déportation et le massacre de centaines de milliers d’Arméniens
ottomans (génocide arménien).
1916. 16 mai. Les accords secrets Sykes-Picot, conclus entre la France et le Royaume-Uni, planifient le
partage des possessions arabes de l’Empire ottoman. La « grande révolte arabe » contre les Turcs éclate le
mois suivant.
1918. 30 octobre. Armistice de Moudros et capitulation turque. Les Alliés occupent les pourtours de
l’Anatolie. Les troupes grecques investissent la région de Smyrne (Anatolie) en mai 1919 et massacrent les
populations civiles.
1920. 23 avril. Mustafa Kemal, à la tête du mouvement de résistance contre les occupants, est choisi par la
Grande Assemblée nationale, réunie à Ankara, pour diriger un gouvernement provisoire.
10 août. Le traité de Sèvres entérine le démembrement de l’Empire ottoman et réduit la Turquie à la seule
Anatolie occidentale. Kemal rejette le traité et lance la guerre d’indépendance contre les Grecs (soutenus
par les Britanniques), qui prend fin en 1922.
1922. 30 octobre. Après avoir établi une Constitution provisoire en janvier 1921, Kemal abolit le sultanat.
1923. 24 juillet. Le traité de Lausanne supprime celui de Sèvres et fixe les frontières de ce qui constitue pour
l’essentiel la Turquie actuelle. Les Grecs se retirent des territoires qu’ils occupaient, à la faveur d’un échange
de populations.
29 octobre. Proclamation de la République turque, dont Kemal est élu président. Ankara en devient la
capitale.
1924. 3 mars. Abolition du califat, des tribunaux musulmans, des établissements d’enseignement religieux
et du ministère de la charia. Démis de son titre, le dernier calife ottoman, Abdülmecid II, s’exile en France.
30 avril. Adoption de la nouvelle Constitution, qui institue un régime parlementaire à une seule Chambre.
Le vrai pouvoir exécutif est détenu par le président de la République, qui contrôle aussi le parti unique, le
Parti républicain du peuple (CHP), fondé par Kemal en septembre 1923.
1925. Février-avril. Les autorités répriment sévèrement une révolte kurde en Anatolie et mettent en place
une administration militaire au Kurdistan turc.
1926. Entrée en vigueur du nouveau code civil. Calqué sur la législation suisse, il supprime notamment la
polygamie et donne aux femmes les mêmes droits que ceux des hommes. Le nouveau code pénal s’inspire,
quant à lui, de l’Italie mussolinienne.
1928. Abandon du calendrier islamique au profit du calendrier grégorien, abolition de l’islam comme
religion d’Etat et adoption de l’alphabet latin à la place de l’alphabet arabe (« révolution des signes »).
Source : Le Monde Diplomatique

Le démembrement de l’Empire ottoman

Source : https://www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/Empire_ottoman/136521
Documents
Doc. 7. Extrait du tableau de la dette ottomane, communiqué par le directeur de la Banque ottomane
(1879, 166PO/E/374).
Garanties Total nominal des emprunts
convertis en livres turques
1854 Tribut d’Egypte 3 300 000
1855 Surplus du tribut d’Egypte 5 500 000
Prélèvement sur les contributions indirectes
1871 Surplus du tribut d’Egypte 6 270 000
1877 Tribut d’Egypte 5 500 000
1858 Douanes et octroi de Constantinople 5 500 000
1860 Douanes de Syrie, Salonique, Smyrne. Revenus 2 240 942
de Der Abbat, Yanina, Arlonia, Larissa, Bosnie,
Herzégovine, Soulina, Candie, Chypre, Brousse.
Droits sur les soieries d’Andrinople. Droits sur
les huiles de Mételin, Karassi, Smyrne. Droits
sur les tabacs de Samsoun, Anatolie &
Roumélie. 1/8 sur les salines en général. Taxes
indirectes de Salonique, Varna, Philippopoli.
1862 Droits sur les tabacs, timbres et patentes. 1/8 8 800 000
sur les salines sen général.
1863 1° Revenus généraux de l’Empire non engagés 6 600 000
dans les emprunts précédents
1864 2° Prélèvement sur les contributions indirectes 2 200 000
3° Excédent sur les douanes affectées à
l’emprunt 1862
1865 Moutons de Roumélie et Archipel. Minerai 6 600 000
extrait des mines de Focat [...].
1869 1° à 5° Dimes des iles de l’Archipel, d’Alep, 24 444 442
Adana, Syrie, Yanina, Trébizonde et des
provinces de Koudavendighiar, Bosnie sauf Nori
Bazar, Aïdin et Mentéché, Koniah
6° Revenus de Bagdad
7° L’excédent de la taxe sur les moutons
1873 1° Dimes du vilayet du Danube Est, d’Erzeroum, 30 555 558
Tripoli de Barbarie, Crète, Diarbékir, Scutari
2° Taxe sur les moutons d’Anatolie [...]
3° ¼ du Verghis de l’Empire, excédent du
produit de la régie du tabac de Constantinople
4° Dimes du vilayet d’Angora
Bons du 1° Dimes du vilayet du Danube 12 238 820
Trésor 2° Taxe sur les moutons d’Anatolie
1872
Lots turcs 34 848 000
1869
Dette 1ère émission 40 000 000
générale 2ème émission 22 252 395
3ème émission 44 000 000
Doc. 8. Tableau de répartition des populations des vilayets d'Erzeroum, Van, etc., dressé par le patriarcat arménien de Constantinople (fin des années 1880, 166PO/E/123).
Doc. 9. Tableau statistique « subjectif » du vilayet de Vasbouragan (Van) et de ses dépendances, dressé par le patriarcat arménien de Constantinople (fin des années 1880,
166PO/E/123).
Doc. 10. Lettre des représentants des villages grecs de l’arrondissement de Nihalitzi (Nord-Ouest de
l’Anatolie) à l’ambassadeur de France (1880, 166PO/E/123).

Constantinople le 16 juin 1880,


A Son Excellence,
Monsieur Tissot
Ambassadeur de la République Française à Constantinople,
Excellence,
Nous soussignés représentants des villages grecs Kemeriente, Serian et Kirmikir de l'arrondissement de
Nihalitzi du Vilayet de Brousse nous prenons la liberté de soumettre à votre Excellence ce qui suit en la
suppliant de vouloir bien accorder aide et appui.
Une bande de circassiens de cent cinquante familles environ a occupé nos champs arbitrairement le 25
mars de l'année courante ; ils se sont emparés de nos semences, ils s'en sont servi et se comportent depuis
comme maîtres de nos terres.
Après les vigueurs d'un hiver rigoureux et d'une misère inouïe nous n'attendions que la belle saison pour
nous dédommager. L'invasion des circassiens ayant mis le surcroît à nos malheurs, nous a réduit au
désespoir. Notre misère est au complet. La moisson approche et ce seront les circassiens qui s'en
empareront s'ils ne seront pas éloignés de nos terres. Nous ne pouvons rien contre eux, nous n'osons même
sortir de chez nous, nos envahisseurs étant trop connus pour que nous leur opposions la résistance.
Nos démarches auprès du gouvernement Impérial ont été infructueuses jusqu'aujourd'hui.
Pendant deux mois nous nous sommes adressés mainte fois soit au Ministère de l'intérieur soir au
gouverneur de Brousse. Nous avons été admis à faire valoir nos droits ; on n'a pas pu que les reconnaître,
mais sans s'empresser en même temps de faire éloigner les envahisseurs et nous rendre nos propriétés.
Nous venons à Constantinople, on nous renvoie à Brousse ; nous allons à Brousse, on nous renvoie à
Constantinople et ce va et vient continue depuis deux mois.
Excellence ! Nous ne pouvons plus, nous sommes ruinés et notre désespoir est arrivé à la dernière
extrémité.
Daignez bien prendre pitié de nous ! Après dieu c'est à la bienveillance et la puissante volonté de votre
Excellence que nous espérons.
Nous avons l'honneur d'être de votre Excellence les très humbles et très obéissants serviteurs.
[cachets des villages]
Le représentant du village Kermeriente : Démétrisu Hadji Enthimiou
Le représentant du village de Serian : Cristodoulos Eustratiou
Le représentant du village Kirmikir : Hadji Strati Yoannou
Par procuration J. Polizetti
Doc. 11. Lettre des représentants de communautés grecques de Lesbos à la commission internationale
des réformes (1880, 166PO/E/123).
Lesbos le 25/6 août 1880
À l'honorable Commission internationale des réformes
Abrégé traduit de la requête en grec ci-joint
Nous soussignés notables des différentes communes de "Lesbos" avons l'honneur de soumettre, au nom
des habitants de cette îl, à la haute commission internationale des réformes, la présente requête convaincus
que les vœux qui y sont exprimés seront l'objet d'un bienveillant examen et favorablement accueillis.
La population de l'île de Lesbos s'élève à 120 mille âmes environ, dont 13 mille à peine musulmans et les
autres grecs orthodoxes. Les principales occupations des habitants sont l'agriculture et l'éducation du bétail,
le commerce et la navigation étant concentrés entre les mains de quelques personnes seulement.
Si l'île toute entière était cultivée, elle pourrait nourrir une population beaucoup plus nombreuse, mais
malheureusement les terres les plus fertiles, appartenant aux racoufs restent incultes, tandis que les
chrétiens, ne possédant que les endroits montagneux stériles, leur travail ne leur donne pas les moyens
d'existence de sorte qu'ils sont souvent obligés d'aller les chercher ailleurs, notamment en Asie Mineure. La
population cependant supporterait avec résignation sa pauvreté, effet de la stérilité du seul, si sa condition
n'était pas rendue insupportable par des impôts écrasants et par un mode de perception défectueux voire
même vexatoire, grâce aux procédés des agents du fisc.
Si l'on devait juger par le chiffre des impôts payés et l'aisance de certaines personnes, on serait tenté de
croire que l'île renferme des grandes ressources et que ses habitants y vivent dans un état de prospérité
relative. Mais en réalité c'est tout le contraire qui arrive. La richesse de quelques personnes est due au
commerce et à la banque, tandis que le peuple qui n'a que la terre pour le nourrir; est voué à la pauvreté.
Les insulaires émigreraient en masse sur le territoire voisin de l'Asie Mineure, s'ils espéraient y trouver
quelque sécurité ; il est vrai que quelques bandes de brigands, qui ont visité, dans ces derniers temps, notre
île ont été rigoureusement poursuivis par la population. Mais les voleurs ne cessent de ravager nos champs,
de voler nos bestiaux et nos récoltes. Sûrs de l'impunité ils jouissent du fruit de leurs exploits au milieu de la
plus complète quiétude. Il n'y a pas, en effet, ni gendarmerie pour les arrêter, ni tribunaux pour les juger.
Autrefois il y avait au moins dans toute l'île quelque chose qui ressemblait à une police ; mais depuis
quelques années il n'y a pas un agent de police pour veiller à la sécurité publique. Les quelques zaptiés que
possède l'île se trouvent sans la capitale et les chefs-lieux, et ils sont employés par l'autorité locale à la
perception des impôts. Si quelque particulier s'adresse à eux, ils entendent se faire payer chèrement leurs
services de sorte que l'on préfère se laisser dépouiller plutôt que d'avoir recours à eux. L'état de la justice
est encore plus déplorable, si c'est possible que celui de la police. Cela tient surtout à l'insuffisance de
tribunaux. Il n'y en a qu'un, en effet dans le Capitale. Si donc quelqu'un a besoin de s'adresser à la justice, et
a le malheur de ne pas habiter la capitale, il doit parcourir une grande distance, la plupart du temps ne dure
pas moins de quinze heures.
Cet état de choses est encore empiré par l'introduction de nouveaux règlements dont une fausse
interprétation a conduit l'autorité locale à confondre les attributions de la justice avec celles de la police et
à supprimer celle-ci. Ajoutez à cela que l'énormité des frais judiciaires ne permet pas au pauvre insulaire de
s'adresser au seul tribunal chargé de la distribution de la justice et dont la composition suffit pour donner
une idée de la manière dont il procède dans l'accomplissement de sa tâche.
A côté d'un Cadi, qui en a la présidence et qui connaît que le Chéri et encore très imparfaitement siègent
des juges ignorants, directement nommés par l'autorité et jugeant dans une langue inconnue de presque
tous les habitants.
Nous ne prétendons certes pas à une prospérité égale à celle dont jouissent les nations civilisées ; nous
n'exigeons pas des avantages que les gouvernements européens prodiguent à leurs sujets, tels que voies de
communication, protection du commerce et de l'industrie, encouragement de l'agriculture par la création
de banques agricoles, extension de l'instruction publique à toutes les classes de la population ; tout cela est
du luxe pour nous, auquel nous n'osons même pas rêver non pas que nous ne sachions pas les apprécier,
mais parce que nous en croyons la réalisation impossible.
Le gouvernement, en effet, de Sa Majesté Turque le Sultan ne nous reconnaît pas le droit de solliciter une
amélioration quelconque de notre condition ; il ne nous trouve bons qu'à payer de très lourds impôts, sans
nous permettre d'espérer que la moindre somme soit dépensée au profit du pays.
Jusqu'aujourd'hui toutes les fois que le gouvernement a décidé en principe quelque amélioration ce n'a été
que pour trouver un prétexte d'augmenter les charges des contribuables. C'est ce qui est arrivé pour la
construction de routes, qui a bien commencé pour justifier de nouvelles impositions, mais qui est toujours
restée au même point, tandis que rien n'est fait pour améliorer les voies de communication, il nous est en
quelque sorte interdit d'utiliser celles dont nous a gratifié la nature, en assujettissant aux mêmes droits que
ceux qui sont perçus pour l'importation de l'étranger les marchandises qui sont transportées de l'une à
l'autre rive des deux grands golfes qui s'avancent dans l'intérieur de l'île. Cette communication par mer est
d'autant plus nécessaire que l'île est absolument dépourvue de ponts et de routes. C'est ce qui explique
aussi que des droits de péage aient existé de tous temps entre ces deux golfes ; que disions-nous des ponts,
ports, fontaines et autres travaux d'utilité publique ?
Nous préférons que nos bêtes soient décimées en tombant chaque jour dans les précipices plutôt que de
souhaiter d'en avoir sous le système actuel. Les conduits d'eau sont aussi dans un triste état et cela doit être
alors que les legs apportés par les testateurs à leur construction et leur entretien sont dévorés par les
puissants mahométans qui en ont l'administration, et le peu d'eau que nous ayons sert à arroser les cours et
les jardins de ces derniers, tandis que la ville a soif.
En outre les vastes forêts, qui fournissent aux habitants du bois de chauffage et de construction, sont livrées
tous les étés pour les chevriers aux flammes sans que l'autorité fasse rien pour les empêcher. Cela suffit,
pour ne pas multiplier les exemples, à démontrer que les habitants de l'île sonr aujourd'hui beaucoup plus
malheureux qu'ils ne l'étaient, il y a vingt ou trente ans : en effet tandis que d'une part le prix de l'huile, le
principal produit de l'île, a considérablement baissé et continue de baisser, d'autre part le prix du sel, dont
l'emploi pour les olives est indispensable, a sensiblement haussé par suite des droits exagérés auxquels il
est assujetti, nous n'hésitons pas à dire que notre condition est devenue intolérable sans que nous ayons en
compensation la sécurité de notre vie, notre honneur et notre fortune.
Cet état de choses ne cessera certes jamais tant que toutes les branches de l'administration de l'île seront le
monopole d'une minorité mahométane et que l'élément chrétien, qui est dix fois plus nombreux et
supérieur sous les rapports en sera exclu.
S'il existe aujourd'hui dans l'île quelque œuvre utile, elle n'est due qu'à l'initiative des particuliers. La preuve
en est le développement par toute l'île de l'instruction publique, pour laquelle le gouvernement ne dépense
même pas un centime, et qui est entièrement due à l'amour pour le travail et pour le bien de la population
grecque.
Chaque village a son école communale ; les bourgs ont en plus des écoles helléniques supérieures. La
Capitale possède en dehors de son excellente école hellénique, un gymnase, dont les élèves sortant sont
admis de plein droit à l'Université d'Athènes. Tous ces établissements sont entretenus par la générosité
publique et la sueur de la population grecque qui toute pauvre qu'elle est, est avide de progrès.
Indépendamment des écoles et des églises, elle pourvoit aussi à l'entretien d'un hôpital à la capitale, où
sont soignés tous les souffrants sans distinction de rac ni de religion.
Persuadés que notre sort sera amélioré par les soins de l'honorable commission internationale, nous avons
l'honneur de lui présenter cette requête et de la supplier de ne pas oublier ce petit coin de l'Orient chrétien
et de ne pas l'exclure des bienfaits de ses travaux.
Nous avons l'honneur d'être avec le plus profond respect,
Suivent les signatures des communautés et leurs scellés.
Lesbos le 25 août 1880
Doc. 12. Lettre de Damad Mahmoud Pacha, beau-frère du sultan Abdulhamid II et leader en exil du Parti
jeune-turc (vers 1900, 166PO/E/127).
Doc. 13. Télégramme de M. Dutasta, ambassadeur de France à Berne, à M. Pichon, ministre des Affaires
étrangères (Documents diplomatiques français. Armistices et paix (1918-1920), vol. 1, Bruxelles, Peter Lang,
2014, p. 127-128).

Berne, le 27 octobre 1918


Le ministre de Turquie, Fouad Selim Bey, a dit dans une conversation avec un confident intime, que le
gouvernement turc se remet complètement entre les mains des Alliés et souhaite seulement que, dans les
conditions de paix qui lui seront imposées, l'Entente « sauve les apparences » en ménageant les droits
théoriques de souveraineté de la Turquie.
Le gouvernement turc acceptera donc toutes les déclarations d'autonomie, toutes les délimitations de
zones d'influence, toutes les réformes d'ordre militaire, judiciaire, administratif, financier [...].
« Dans les années qui ont précédé la guerre, dit (Fouad Selim), la Turquie a demandé à l'Europe de lui
tendre une main secourable. Seuls les Allemands ont répondu à notre appel. Nous avons fait cette guerre
contre notre vœu et chaque jour nous a rendu la collaboration plus pénible et plus répugnante. On peut
affirmer qu'en Turquie, les Allemands ne comptent qu'un allié, Enver Pacha. Leur conduite au cours de la
guerre a été celle de l'égoïsme le plus brutal. Ils nous ont traités en esclaves... Nous avons beaucoup
attendu de la chute du tsarisme, de la renonciation des Russes à Constantinople. Nous comptions que
l'Entente procéderait à la révision de ses « buts de guerre » et nous offrirait ainsi une occasion de
manifester nos sentiments et d’ébranler la dictature d'Enver. Cet espoir a été déçu. Déçu aussi celui que
nous fondions sur l'entrée en guerre de l'Amérique. Nous avons en Amérique beaucoup d'ennemis, mal
informés... ».
Fouad Selim redoute les ambitions de l'Italie en Asie Mineure, à Smyrne, en Syrie, en Terre Sainte. Les
prétentions grecques l'émeuvent moins, mais lui semblent aussi inadmissibles. Il voudrait que les seules
trois grandes puissances eussent mission de « réorganiser la Turquie » : la France, l'Angleterre, les Etats-
Unis.
Doc. 14. Note sur la situation à Kharpout (Est de l’Anatolie), transmise par le Patriarchat arménien de
Constantinople (8 septembre 1919, 36PO/1/10).
Activités de groupes (3/4) : l’affaiblissement de l’Empire ottoman

En vous aidant du contexte historique et de la chronologie, classez les documents dans une frise
chronologique que vous construirez en la simplifiant et précisez les éléments qui relèvent de la dépendance
à l'Europe et / ou de la contestation de la légitimité du Sultan.

Vous pourrez ensuite rédiger une synthèse en une page sur le sujet : « Comment expliquer le déclin et la fin
de l'Empire Ottoman entre le XIXe et le XXe siècles ? »

I- Dépendance Europe (colonisation/pertes territoriales, finances)


II- Contestation Sultan (revendications autonomistes, critiques )

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