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Menace Sur Nos Neurones - Alzhei - Roger Lenglet

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PRÉSENTATION

Les maladies du cerveau sont en forte hausse : les victimes d’Alzheimer et de


Parkinson, de plus en plus jeunes, se multiplient et le nombre de personnes
touchées par la sclérose en plaques ou l’autisme prend des dimensions
alarmantes.
Qu’arrive-t-il à nos neurones ? Les principales causes de cette pandémie,
responsable de centaines de milliers de morts chaque année en France, sont
bien identifiées : de très nombreuses études scientifiques démontrent
l’implication de substances chimiques neurotoxiques qui agressent
quotidiennement notre cerveau, y compris celui des fœtus dans le ventre des
mères. Pourtant les industriels continuent à déverser ces molécules dans notre
environnement en toute impunité, via les aliments industrialisés, de nombreux
médicaments, l’eau, l’air…
Dans cette enquête rigoureuse, Marie Grosman et Roger Lenglet révèlent
comment la prévention est paralysée et pourquoi les politiques ne s’attaquent
pas aux causes. Études à l’appui, ils dévoilent les dessous de ce fléau et
proposent des solutions concrètes pour y mettre fin.
MARIE GROSMAN ET ROGER LENGLET

Marie Grosman est agrégée de sciences de la vie et de la Terre. Roger Lenglet,


philosophe et journaliste d’investigation, est aussi l’auteur, chez Actes Sud, de
Nanotoxiques (2014).

Voir la liste des titres des mêmes auteurs en fin d’ouvrage.

© ACTES SUD, 2011


ISBN 978-2-330-02944-9
MARIE GROSMAN
ET ROGER LENGLET

MENACE
SUR
NOS NEURONES

ALZHEIMER, PARKINSON…
ET CEUX QUI EN PROFITENT

ACTES SUD
Nous remercions Anne et Jack pour leur présence bienveillante et leur patience
infinie.
Nous remercions aussi Charlie Brown, André Cicolella, Malou Legrand,
André Picot, Annie Thebaud-Mony, Françoise, Philippe et Marie B.
INTRODUCTION

“N’affolez pas la population. Surtout ne créez pas de panique, ce serait encore


plus catastrophique ! Nous sommes parfaitement conscients du problème,
mais vous ne pouvez pas nous demander de tout résoudre en claquant des
doigts. Nous commençons à mettre en place un plan de prévention, il nous faut
un peu de temps…” Ces paroles qu’un responsable de la prévention des
pollutions et des risques, au ministère de l’Ecologie, nous adressait avec un
regard suppliant, résonnent encore à nos oreilles. Entouré de jeunes femmes
tout aussi soucieuses de nous convaincre, l’homme nous assurait que le
gouvernement agissait discrètement mais efficacement auprès des industriels
pour supprimer un polluant dont le rôle de cofacteur dans la multiplication des
victimes de maladies neurodégénératives de type Alzheimer ne faisait plus
guère de doute. Il paraissait sincère. Nous avions envie de le croire, encore que
le retard pris par les décideurs politiques nous troublait.
C’était en 1999. Depuis, rien n’a changé, mais ce grand administrateur de
l’Etat a brillamment poursuivi sa carrière à la tête d’administrations sensibles.
Après avoir dirigé un grand service de protection contre les risques nucléaires,
puis la prévention des risques chimiques, ses promotions l’ont fait accéder à
de plus hautes fonctions dans un autre ministère, celui de la Santé. Comme la
plupart des hauts fonctionnaires de son rang, il a résisté à tous les
changements de gouvernement et reçu tous les honneurs. A-t-il vraiment cru à
ce qu’il nous affirmait en nous assurant que les services chargés de protéger la
population allaient remédier au “problème” ?
Le problème portait un nom précis : hydroxyde d’aluminium. On le trouve
encore aujourd’hui dans l’eau qui coule d’innombrables robinets. Comme nous
allons le voir, ce neurotoxique est l’un de ceux qui font le plus de dégâts parmi
nos neurones. Il intervient dans de nombreux troubles cérébraux, mais il est
toujours largement présent dans l’eau que nous buvons. Alors que les preuves
scientifiques s’accumulent pour confirmer son rôle dans la pandémie de
maladies neurologiques qui nous frappe, les autorités restent sourdes, comme
si elles redoutaient par-dessus tout les scandales qu’entraînerait la
reconnaissance officielle de ses effets délétères…
L’aluminium n’est pas seul à agresser nos cerveaux. Beaucoup d’autres
substances participent au cocktail funeste. La variété de ces toxiques ne cesse
de s’étendre et comme leurs ancêtres, le mercure et le plomb, connus depuis
l’Antiquité pour leurs effets dévastateurs sur nos facultés mentales, ils
envahissent notre environnement quotidien et sont entrés jusque dans nos
armoires à pharmacie. Même les embryons y sont exposés dans le ventre
maternel avant que leur système nerveux ait pris forme. La diversité de leurs
effets dépasse largement la maladie d’Alzheimer, elle couvre des dizaines
d’affections neurologiques face auxquelles nos dirigeants font preuve d’une
immense hypocrisie.
La situation ne permet plus d’ajourner les questions, y compris les plus
gênantes sur le plan politique et économique. Quelle est la véritable ampleur
des maladies qui assiègent nos cerveaux ? Comment en sommes-nous arrivés
là ? Quelles sont les causes réelles de ces pathologies et leurs mécanismes
d’action ? Comment les neutraliser ?
Nous y répondons avec cette enquête, fruit d’un travail opiniâtre de quinze
ans. Elle nous a menés dans les coulisses de l’expertise, de la recherche et des
décisions gouvernementales, mais aussi auprès des malades et de leurs
associations. Le public saura désormais pourquoi les responsables politiques
préfèrent négliger les causes de l’hécatombe, mettre les moyens publics au
service de l’industrie pharmaceutique et favoriser le développement des
structures privées de prise en charge des malades.
Quel est l’avenir d’une société où l’on se fait ronger le cerveau ? Alors que
les dirigeants laissent le mal empirer et abandonnent le dossier aux affairistes
qui transforment la situation en un vaste marché, l’indignation et la
mobilisation tardent, faute d’accéder aux informations fiables. Ce livre veut y
remédier. Il montre que les solutions concrètes existent pour stopper cette
pandémie et qu’elles seraient infiniment moins coûteuses humainement et
économiquement que de tout miser sur des soins curatifs qui, par définition, ne
s’attaquent pas aux causes. Nous montrons aussi comment chacun, dans sa vie
de tous les jours, peut réduire ses risques individuels.
CES MAUX
QUI RONGENT NOS CERVEAUX
ALZHEIMER, PARKINSON, SCLÉROSE EN PLAQUES,
AUTISME...

Ces maladies font peur, à juste titre : elles s’attaquent à notre cerveau, et elles
ont pris la dimension d’un immense raz-de-marée. Après avoir tardé à
reconnaître l’ampleur de leur propagation, notre société reste comme pétrifiée.
Désemparée.
La maladie d’Alzheimer, qui efface les souvenirs un à un et gomme la
personnalité, conduit irréversiblement à la mort en moins de dix ans en
moyenne. Entre 800 000 et 1 million de Français vivent aujourd’hui avec cette
affection dégénérative qui les détruit inexorablement1. Sa progression est
impressionnante : dans notre pays, 225 000 d’entre nous rejoignent chaque
année le cortège des nouveaux malades2. Entre 2000 et 2011, ce
sont 2 à 3 millions de personnes qui ont suivi le même chemin. La maladie
d’Alzheimer représente aujourd’hui la première cause de dépendance. Nos
structures de prise en charge sont complètement débordées.
La France n’est pas une exception : à l’échelle mondiale, cette maladie a
frappé au cours de la dernière décennie 80 à 90 millions de personnes.
L’équivalent de la population de l’Allemagne, le pays le plus peuplé de
l’Union européenne3. Mais la maladie d’Alzheimer n’est qu’une partie du
problème…
Derrière elle, la deuxième affection neurodégénérative la plus répandue est
la maladie de Parkinson. On dénombre 100 000 cas dans l’Hexagone, avec une
progression de 8 000 à 10 000 malades par an. Dans le monde, 4 millions de
malades sont recensés. Un chiffre objectivement énorme. Les symptômes
physiques sont désormais connus de tous : tremblement, raideur des muscles
et ralentissement des mouvements… Mais ils s’accompagnent souvent aussi
de troubles psychiques qui s’aggravent au fil des ans4. Ces complications
réduisent sévèrement l’espérance de vie des patients5. Certains syndromes
parkinsoniens débordent la maladie de Parkinson proprement dite et présentent
des symptômes neurologiques similaires à ceux de la paralysie supranucléaire
progressive associant démence, perturbation de l’équilibre et ophtalmoplégie
verticale6. Ou les symptômes de l’atrophie multisystématisée (AMS) réunissant
des troubles de l’équilibre, de la coordination des mouvements…
Très alarmante aussi, la sclérose en plaques a pris une ampleur inédite : on
compte 80 000 cas en France et 2 000 nouveaux malades chaque année parmi
les adultes jeunes. La maladie mêle des symptômes variables selon les
personnes tels qu’altération de la mémoire, difficultés de l’élocution, fatigue
extrême, paralysie partielle ou complète, raideur musculaire, troubles de
l’équilibre et de la coordination, troubles urinaires et intestinaux… Elle
commence souvent par une forme qui fait alterner les poussées et les
rémissions et évolue vers un stade plus permanent.
Nous verrons que beaucoup d’autres affections du système nerveux
s’attaquant à nos facultés mentales et à notre autonomie physique ont
également pris des proportions stupéfiantes. Les enfants eux-mêmes n’y
échappent pas7. Le phénomène est mondial et, fait remarquable, les pays
développés sont de loin les plus touchés.
D’où vient donc ce mal neurologique qui prolifère sous de multiples
formes ? Devant sa progression affolante, il serait urgent de regarder ses
causes pour les endiguer au plus vite. Mais notre société tarde curieusement à
s’en donner les moyens et semble refuser d’affronter cette nécessité
élémentaire…
Troublés par la confusion régnant dans la communauté médicale et par les
réponses décevantes du ministère de la Santé peu enclin à aborder les causes
de ces pathologies alors qu’il affiche officiellement l’ambition de développer
la prévention, nous avons décidé de mener l’enquête. Notre trouble a fait place
à l’effarement en constatant que la plupart des chercheurs eux-mêmes,
partenaires scientifiques des autorités sanitaires et politiques, se focalisent sur
des paramètres très éloignés des causes. Ainsi ils retardent l’action préventive
et contribuent à sa paralysie. A les entendre, l’augmentation de l’espérance de
vie, à l’origine d’une proportion grandissante de personnes âgées, expliquerait
l’essentiel de cette épidémie neurodégénérative. Pour le reste, ils renvoient à
des “dispositions génétiques”, lesquelles interviennent pourtant rarement,
comme nous le verrons.
Plus grave encore, il nous est apparu que cette orientation engloutissait la
quasi-totalité des efforts de la recherche, écartant des solutions qui seraient
pourtant moins coûteuses et plus utiles à l’intérêt général. Nous découvrirons
que ce choix, entretenant l’espérance insensée que l’ensemble du problème
sera un jour résolu par de nouveaux médicaments, ne profite qu’à la santé des
cours boursiers de l’industrie pharmaceutique et des entreprises
biotechnologiques.
LA “NOUVELLE HANTISE”

Au milieu des années 1980, on regardait encore ces affections avec une
certaine indifférence, sans imaginer qu’elles étaient en train de devenir l’un
des plus importants fléaux que l’humanité ait jamais affrontés. Même la
maladie d’Alzheimer apparaissait encore peu préoccupante. L’association
France Alzheimer, créée par des familles de malades et des professionnels de
santé en 1985, le rappelle elle-même : “A cette époque, la maladie est encore
inconnue dans la société française, et peu de données fiables existent sur le
nombre de malades.”
Curieusement, c’est l’opinion publique qui, la première, a nourri
l’inquiétude qui allait alerter les médias. En 1994, le quotidien Le Monde
publiait un article sous le titre : “La maladie d’Alzheimer, nouvelle peur des
Françaises”. L’auteur, Franck Nouchi, s’étonnait : “Les temps changent, les
peurs aussi. Interrogées par l’Ipsos sur leurs préoccupations en matière de
santé, les femmes françaises montrent à quel point peut varier, à vingt, voire
dix ans d’intervalle, la manière dont une société appréhende certains sujets
aussi essentiels que ceux liés à l’accroissement de la durée de la vie8.” Le
sondage révélait en effet que la maladie d’Alzheimer était dorénavant celle qui
faisait le plus peur aux Françaises.
Le journaliste concluait à ce sujet que “la maladie d’Alzheimer – pourtant
quasi inconnue, il n’y a pas si longtemps, du plus grand nombre – est devenue
une hantise”. Le ton de l’article laissait transparaître une relative insouciance
de l’auteur montrant que le temps n’était pas encore à l’alarme, bien qu’on
dénombrât 300 000 malades dans l’Hexagone. Il était conforme en cela au
discours des responsables politiques et des leaders du milieu médical qui
avaient déjà pris l’habitude de présenter cette maladie comme le simple revers
du privilège d’une société où l’on meurt de plus en plus vieux. En un mot, le
sondage sur les peurs des Françaises rangeait l’affolante maladie d’Alzheimer
au rayon des fantasmes de l’époque. A ce propos, l’article évoquait aussi que
“la peur d’une maladie liée au vieillissement s’accompagne d’un manque
d’enthousiasme à l’idée de vivre centenaire (56 % ne le souhaitent pas)” et que
“ce sont les 25-34 ans qui souhaitent le plus le recours à l’euthanasie (81 %
d’entre elles y sont favorables) et les plus de 60 ans qui y sont le plus opposées
(22 % d’entre elles y sont hostiles)”. On y apprenait au passage que les
Françaises voyaient l’industrie pharmaceutique comme la source des solutions
à la plupart des questions : “70 % des femmes estiment que l’on aura trouvé
un vaccin contre le cancer dans vingt ans, et 78 % sont du même avis en ce qui
concerne le vaccin anti-sida.”
LES REPÈRES DE LA SENSIBILITÉ COLLECTIVE

Ce décalage entre le regard “savant” et la perception populaire de la maladie


s’explique en partie par la sensibilité collective à certains événements que les
milieux autorisés ne retiennent pas comme significatifs. Réagissant avec
émotion aux faits symboliques, la population n’attend pas les analyses des
experts et les confirmations des autorités pour s’inquiéter et subodorer les
risques. Parfois même, il lui suffit de très peu de chose pour être parcourue
d’une vive appréhension, à la manière des petits poissons qui, massés en
bancs, frissonnent tous ensemble quand l’un des leurs est attaqué. En
l’occurrence, cet événement a eu lieu. Le décès de l’actrice Rita Hayworth,
le 14 mai 1987, a offert aux médias l’occasion de revenir sur la maladie
d’Alzheimer, diagnostiquée chez elle à l’âge de 63 ans après une longue
période de troubles injustement imputés à l’alcoolisme. Qu’une star soit elle-
même touchée intéresse toujours l’inconscient collectif. Une étoile du cinéma
n’a pas seulement pour effet de fasciner, de faire rêver ou de susciter la
jalousie : la vie privilégiée qui est censée la protéger en fait une sentinelle
particulière. Le sentiment s’est répandu sourdement que si cette maladie
l’atteignait, alors elle pouvait toucher tout le monde. C’est l’un des avantages
de la sensibilité de masse sur les expertises épidémiologiques toutes focalisées
sur les grands nombres.
La fille de Rita Hayworth, Yasmin Khan, présidente de la Fédération
mondiale des associations d’aide aux familles des patients victimes de cette
maladie, a fait circuler son témoignage pour sensibiliser l’opinion : “Nous
avions déjà remarqué chez ma mère des troubles de la mémoire et une certaine
désorientation. Je me souviens du jour où je la vis se regardant dans un miroir.
Je me tenais derrière elle. Tout à coup, elle me regarda, se regarda à nouveau,
et me dit : « Qui êtes-vous9 ? ».”
En avril 1989, ce fut Ray Sugar Robinson, considéré comme le plus grand
boxeur de tous les temps, qui s’éteignit à 68 ans, atteint par la mystérieuse
maladie. La presse et les médecins en imputèrent la cause probable aux
innombrables coups reçus sur les rings. Ils ne pouvaient en dire autant des
deux millions d’Américains qui, parallèlement, étaient aussi recensés comme
malades d’Alzheimer. Faute de mieux, on les porta sur le compte du
vieillissement de la population et de la sénilité. L’année suivante, de nouvelles
études établirent que la situation empirait et que le nombre de cas sur le sol
américain se situait entre 2,5 et 4 millions. Cette progression trop rapide pour
traduire le simple vieillissement de la population ne changea pas
l’interprétation dominante.
En 1992, soit à peine trois ans après avoir quitté la Maison-Blanche, Ronald
Reagan fut diagnostiqué. Sa maladie, qu’il rendit officielle dans une lettre
qu’il tint à lire à ses concitoyens en 1994, montra que le mal parvenait
désormais jusqu’au sommet de l’Etat du pays le plus puissant au monde.
L’annonce, bientôt suivie par l’aveu de Nancy Reagan confiant que son mari
ne se souvenait même plus d’avoir été président des Etats-Unis, réveilla des
rumeurs sur d’autres célébrités. L’une d’elles colporta que Frank Sinatra en
était également victime malgré les dénégations de sa famille. Elle s’avéra
exacte. La crainte se renforçait, et la multiplication des malades parmi les
stars au tournant des années 1990-2000 allait encore l’amplifier. Quand la
maladie frappa Charles Bronson et Charlton Heston, ces acteurs taillés dans le
roc incarnant des personnages virils qui bravaient des armées et entretenaient
le mythe de l’invincibilité américaine, l’opinion fut profondément ébranlée.
Leurs muscles et leur détermination n’y pouvaient rien. Charlton Heston, qui
avait interprété l’indestructible Ben-Hur et le prophète Moïse, est apparu
en 2002 sur les chaînes de télévision américaines, déclarant qu’après avoir
ouvert la mer Rouge, il s’avouait cette fois battu.
En Europe, chaque pays dut se résoudre à constater que la maladie
d’Alzheimer violait son propre panthéon. La France compta ses premières
célébrités : Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jean-Pierre Aumont, François
Périer… En 2006, les proches d’Annie Girardot annoncèrent qu’elle en
souffrait depuis des années. Ses premiers symptômes s’étaient déclarés
en 1987, à 56 ans, mais cet aspect ne retint pas l’attention10.
LES MÉDIAS FOCALISÉS SUR LES ESPOIRS DE
TRAITEMENT

Il semblait plus important aux observateurs de répéter que les firmes


pharmaceutiques allaient mettre au point des médicaments efficaces, des
thérapies géniques, voire des greffes de cellules souches, quand ce n’était pas
un vaccin permettant d’éradiquer définitivement la pandémie. De fait, depuis
le début des années 2000, il ne se passait pas un mois sans que la presse
reprenne le communiqué d’un laboratoire annonçant l’imminence d’un remède
efficace, comme en mai 2001 où l’on pouvait lire sous la plume du journaliste
Jean-Yves Nau pourtant connu pour son extrême pondération : “Au vu des
dernières observations faites sur la souris et des résultats préliminaires
obtenus sur l’homme, un large essai multicentrique d’un vaccin contre la
maladie d’Alzheimer va prochainement être lancé dans plusieurs pays dont la
France. Cette initiative laisse pour la première fois espérer la mise au point
d’une thérapeutique efficace contre cette pathologie neurodégénérative
incurable qui touche aujourd’hui 12 millions de personnes à travers le
monde11.” En réalité, ce ne fut ni la première ni la dernière déclaration
fracassante12. Au cours des mois suivants, on annonça des possibilités de
greffes de tissus biologiques, puis des “résultats concluants” d’injection dans
le cerveau de protéines modifiées “capables de stimuler la production de
cellules nerveuses13”.
Les médias français continuaient à reprendre les chiffres
de 300 000 à 350 000 personnes atteintes d’Alzheimer et de maladies
apparentées, chiffre inchangé depuis 1994, année où l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) et les associations de malades avaient organisé la première
journée mondiale Alzheimer, sans que la manifestation ait suscité d’écho. Les
autorités sanitaires elles-mêmes annonçaient toujours 350 000 cas français
lors de la journée Alzheimer de septembre 2000, concédant la survenue de
15 000 nouveaux malades par an. Ces informations confirmaient certes que la
progression dans l’Hexagone était bien réelle, mais de nombreux observateurs
jugeaient encore que ces chiffres étaient surtout le fruit d’un meilleur
recensement. Argument toujours opposable aux études épidémiologiques pour
en relativiser la portée et se rassurer à bon compte. Néanmoins, de plus en plus
de gens comptaient un parent ou un ami directement concerné… L’association
France Alzheimer regroupant la plupart des familles de malades profita de
cette journée médiatisée pour dénoncer publiquement le manque
d’information et les insuffisances des structures d’aide aux patients. L’année
suivante, le jeudi 11 octobre 2001, le gouvernement de Lionel Jospin lançait
officiellement un Plan Alzheimer. Celui-ci consistait, pour l’essentiel, à
améliorer la prise en charge des personnes malades. Des places d’accueil de
jour allaient être créées, et leur coût serait en partie couvert par l’assurance
maladie. L’ampleur des démences neurodégénératives, leur poids humain et
leur dimension économique obtenaient enfin une reconnaissance
institutionnelle. Dans la semaine qui suivit, l’animateur de télévision Jean-Luc
Delarue organisait son émission “Ça se discute” sur le thème : “Comment
vivre avec la maladie d’Alzheimer ?”, avec des patients de moins de 50 ans,
provoquant un vif émoi chez de nombreux téléspectateurs. Mais ces
témoignages ne changèrent pas le discours habituel attribuant la responsabilité
du problème à la vieillesse et aux gènes.
La publication, en 2003, d’une étude de l’Inserm faisant état
de 769 000 personnes touchées par la maladie d’Alzheimer et
de 135 000 nouveaux cas annuels en France aurait dû provoquer un séisme14.
Les chiffres habituels, déjà impressionnants, venaient tout simplement de
doubler ! Pourtant, la presse n’y accorda pas plus de quelques lignes, comme
si le sentiment d’une fatalité s’était déjà installé. L’Inserm révélait au passage
que 100 000 Français en mouraient chaque année, mais l’information fut
reléguée loin derrière les chasses à Sadam Hussein et Yvan Colonna suspecté
d’avoir tué le préfet Erignac. La sonde Galileo s’écrasant volontairement sur
la planète Jupiter le 21 septembre fit elle-même plus de bruit.
L’Inserm continuait quand même à suivre l’évolution de l’épidémie dans
notre pays et, au cours des années suivantes, notait que le nombre de nouveaux
malades grimpait à 150 000 par an. Fait notable, ce suivi faisait ressortir que
la fréquence des cas d’Alzheimer depuis 1988 s’était élevée pour toutes les
tranches d’âge touchées et que 32 000 personnes de moins de 65 ans
présentaient une démence15. Cependant, ni les autorités ni les organismes
officiels ne surent relever l’importance capitale de ces informations.
Ils n’ont pas accordé d’attention non plus à deux études soulignant un
phénomène qui aurait pourtant dû stupéfier tout le monde : alors que le Japon
était beaucoup moins touché par la maladie d’Alzheimer que les autres nations
développées, les cas se multipliaient chez les Japonais émigrant sur le
continent américain, notamment au Brésil et à Hawaii. Les chercheurs
montraient en effet que le taux de prévalence de 2 % chez les habitants du
Japon triplait chez les migrants japonais, rejoignant ainsi la proportion de
malades d’Alzheimer dans la population du pays d’accueil16 ! Ces résultats,
confirmés par d’autres études, nous ont aussitôt alertés sur l’importance du
rôle des facteurs environnementaux. Parallèlement, l’indifférence des
instances officielles à ces publications malgré leur incontestable intérêt
réveilla chez nous le souvenir amer des affaires récentes. Etait-il raisonnable
de soupçonner que le système politico-sanitaire qui avait permis les
hécatombes liées aux contaminations neurotoxiques et aux matériaux
cancérogènes, en particulier aux hormones de croissance et à l’amiante, ait
survécu à l’explosion des scandales ? Après l’ampleur de ces désastres et
devant les perspectives judiciaires qu’ils avaient ouvertes, pouvait-on
imaginer que des ministres de la Santé restaient capables de refouler des
études embarrassantes ? Ne le cachons pas, notre confiance dans les capacités
de nos autorités à se réformer elles-mêmes pour tirer les leçons des fautes
passées n’était pas très grande. La conviction de devoir mettre notre nez dans
ce dossier nous conduisait à nous rapprocher de toxicologues réputés…
Le 21 septembre 2006, à l’issue de la journée mondiale sur la maladie
d’Alzheimer, le Premier ministre Dominique de Villepin annonça sa décision
de faire de la lutte contre cette maladie la grande cause nationale en 2007.
Reconnaissant que “la maladie d’Alzheimer et les maladies liées à l’âge
constituent un enjeu majeur pour notre société”, il affirmait grâce à cette
décision vouloir “franchir une nouvelle étape”. Sa mise en cause judiciaire
dans la diffusion du nom de Nicolas Sarkozy à propos de l’affaire Clearstream
en décida autrement. C’est le nouveau président de la République, élu en 2007,
qui a repris l’annonce de ce projet à son compte, alors que l’Inserm portait son
estimation du nombre de malades à plus de 800 000 cas (voir chapitre III “Le
grand consensus”).
En 2008, quand les chaînes de télévision révélèrent que l’inspecteur
Columbo (Peter Falk) n’avait plus la faculté de poursuivre ses enquêtes, les
journalistes parlèrent de “triste nouvelle” sans marquer le moindre
étonnement. Chacun évoquait encore le vieillissement et les “dispositions
génétiques”, comme s’ils suffisaient à tout expliquer et permettaient de se
convaincre que l’épidémie était désormais inéluctable, sauf à trouver un
vaccin.
DES MALADES DE PLUS EN PLUS JEUNES

Au même moment, Fabienne Piel, une malade alors inconnue, ouvrait un blog
sur Internet et mettait les pieds dans le plat en rappelant humblement que le
grand âge n’avait pas le monopole de la pandémie puisque ses symptômes
s’étaient déclarés alors qu’elle venait de fêter ses 38 ans. Elle soulignait au
passage avec ironie qu’“Aloïs Alzheimer avait évoqué cette pathologie
en 1906 avec une patiente alors âgée de 51 ans…” Quelques mois plus tard, la
jeune femme publiait un livre pour mieux diffuser son témoignage17.
L’animateur de télévision Thierry Ardisson la recevant sur Canal+ martela le
message : “Alzheimer n’est pas un truc qui n’arrive qu’aux vieux18.” Fabienne
Piel put s’indigner publiquement de la relégation complète des jeunes
malades, oubliés des plans officiels et de l’association France Alzheimer. Les
chaînes France 2 et France 5 la recevaient plus tard, et elle saisit l’occasion de
répéter que les jeunes adultes étaient aussi concernés.
Notre interrogation sur les causes des maladies neurologiques nous avait
préparés à réfléchir sur les conséquences de l’interprétation “vieilliste”
entretenue par les autorités. L’une d’elles devait logiquement conduire à
négliger la présence des signes avant-coureurs de la maladie d’Alzheimer chez
les jeunes patients. De fait, les médecins les ignoraient systématiquement.
Par conséquent, il n’était pas difficile de deviner que les signalements
transmis par les cabinets médicaux aux centres régionaux chargés de regrouper
les informations devaient entraîner une large sous-estimation du nombre de
nouveaux cas, même si l’Inserm estimait que plusieurs dizaines de milliers de
personnes de moins de 60 ans en souffraient déjà19. Une autre partie se
trouvait reportée dans les tranches d’âge supérieures simplement parce que le
diagnostic avait été réalisé avec retard. Le Centre national de référence pour
les maladies d’Alzheimer jeunes (CNRMA), créé en 2009, allait confirmer notre
appréhension : “Une caractéristique des patients jeunes est le diagnostic tardif
et l’errance diagnostique, la maladie d’Alzheimer étant souvent considérée
comme une maladie du sujet âgé par le public et le corps médical20.”
En effet, il devenait évident que l’âge n’était pas le facteur déterminant de
la maladie. En 2000, l’“Alzheimer’s Disease Society” (l’équivalent
britannique de France Alzheimer) l’avait déjà noté sans trouver d’écho en
France : “Les chiffres indiquent que de plus en plus de jeunes sont
diagnostiqués malades d’Alzheimer.” En l’état, l’association relevait
que 17 000 adultes de moins de 65 ans étaient touchés en Grande-Bretagne,
dont certains avaient moins de 30 ans21.
LE CERVEAU ASSIÉGÉ

A leur corps défendant, de nombreuses personnalités ont mis en valeur la


progression d’autres maladies neurodégénératives, y compris parmi les adultes
jeunes… En 1984, le peintre surréaliste Salvador Dali, sauvé de sa maison en
flammes, faisait la une de la presse qui révélait son état de confusion mentale
et sa maladie de Parkinson déjà très avancée. Cette maladie étant
spontanément associée à l’idée du vieillard tremblotant et lent, on n’y vit que
la marque d’une sénilité qu’on crut liée aux 80 ans que l’artiste venait
d’atteindre. La vision du boxeur Mohamed Ali affecté dès l’âge de 40 ans d’un
tremblement permanent des mains, d’une lenteur de diction et d’une raideur
des membres signant le syndrome parkinsonien, a troublé plus profondément
le public. Mais cette image n’a pas tout de suite été prise comme le signe de la
propagation de la maladie qui atteignait désormais des jeunes quadras. Elle a
toutefois fait apparaître notre vulnérabilité absolue devant ce mal s’attaquant
au cerveau. En 1996, quand il alluma la flamme olympique à Atlanta, le
champion aux poings autrefois si précis, aux gestes vifs et parfaitement
contrôlés, est apparu cette fois comme l’incarnation d’une fragilité planétaire
face à cette pathologie.
Durant les mêmes années, on découvrait progressivement que le pape Jean-
Paul II en était victime, tout comme le chef palestinien Yasser Arafat et le
dirigeant chinois Deng Xiaoping après Mao Tsé-toung, lui-même décédé des
suites de la maladie en 1976… Cela commençait à faire beaucoup, d’autant
que le monde du cinéma avait complété la liste avec Katharine Hepburn,
Deborah Kerr… En 1997, à l’âge de 61 ans, le chanteur de country Johnny
Cash apprenait qu’il était touché, et les Américains commencèrent à observer
que ce n’était tout de même pas si vieux. L’année suivante, c’était au tour du
comédien Michael J. Fox de déclarer sa maladie de Parkinson, dont le
diagnostic lui avait été révélé à l’âge de… 30 ans. Cette fois, il apparaissait
clairement que l’âge n’entrait pas forcément en ligne de compte. Outre-
Atlantique, son cas a aidé à prendre conscience de la multiplication des
malades parmi des générations plus jeunes, et les prises de parole de l’acteur
pour défendre leurs droits ont contribué à éveiller l’opinion. En France,
l’actrice et humoriste Sylvie Joly a rejoint ce combat en annonçant, dans son
autobiographie parue en octobre 2010, qu’elle avait contracté la maladie et
décidé de la faire connaître plus largement22.
La sclérose en plaques fait aussi de plus en plus parler d’elle avec
ses 2 000 nouveaux malades chaque année dont 70 % ont entre 20 et 40 ans23.
Elle débute même parfois dès l’adolescence. Des artistes ont également
sensibilisé l’opinion en voyant leur vie basculer après avoir consulté leur
médecin pour des fatigues anormales, une somnolence envahissante, un
affaiblissement de la vue ou des réflexes perturbés. En France, la comédienne
Marie Dubois, la violoncelliste Jacqueline du Pré, malade dès l’âge de 28 ans,
ou plus récemment l’humoriste Dominique Farrugia touché au même âge, ont
contribué à la mettre en valeur. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ce sont
des acteurs tels que David Lander, Richard Pryor, Margaret Leighton, touchés
avant l’âge de 40 ans comme des dizaines d’autres comédiens, qui ont éveillé
l’attention. Là encore, le téléspectateur dépourvu de formation en santé
publique en a tiré un plus grand trouble que les hautes instances médicales
accrochées à leurs repères habituels.
Il était devenu manifeste que nos cerveaux subissaient le siège de plus en
plus belliqueux de maladies redoutables. D’autant que d’autres affections
dégénératives des neurones s’ajoutaient au tableau. Telle la sclérose latérale
amyotrophique, affectant près de 1 000 personnes de plus par an en France qui
s’ajoutaient aux 8 000 malades déjà recensés. Principalement des adultes
entre 40 et 65 ans, mais avec une forte progression de la fréquence chez les
personnes plus jeunes. L’augmentation globale de l’incidence est de l’ordre
de 50 % depuis les années 1960, avec des cas qui se révèlent avant l’âge
de 30 ans. Le plus souvent, la maladie commence par se manifester par des
crampes et un déficit musculaire au niveau des petits muscles de la main.
Cette dernière tend à se creuser et à se recroqueviller, pour prendre une forme
dite “en main de singe”. L’évolution se poursuit par une atteinte de l’autre
membre, par une fonte musculaire générale et une paralysie envahissante, avec
des complications respiratoires et, parfois, une démence. La moyenne de
survie est de trois ans, mais certains malades parviennent à survivre beaucoup
plus longtemps, comme le physicien Stephen Hawking. Là aussi, les exemples
de célébrités touchées abondent : le musicien Charlie Mingus, l’acteur David
Niven, Lou Gehrig, l’un des joueurs de base-ball les plus réputés… En France,
parmi beaucoup d’autres, le chanteur Franck Alamo dont le diagnostic fut
annoncé en 2009, à 65 ans, a rappelé l’attention du public sur la maladie.
Même si chacun de ces cas ne suffit pas à provoquer un réveil des consciences,
leur succession finit par provoquer le sentiment qu’il se passe quelque chose
d’anormal. Les études épidémiologiques viendront confirmer que les cas de
SLA se multiplient rapidement. “Son incidence augmente de 200 % environ
tous les vingt ans actuellement”, résume le professeur Vincent Meininger,
directeur du Centre SLA de l’hôpital de la Salpêtrière24.
Les autorités ont continué d’accuser les facteurs de risque “sans
responsable” que sont l’âge et les gènes, et d’inciter la communauté médico-
scientifique à se rapprocher des industriels pour mettre au point de nouveaux
médicaments visant à réduire les symptômes des maladies et à ralentir leur
aggravation. Les partenariats entre les organismes publics de recherche et les
groupes privés se sont multipliés depuis une quinzaine d’années pour mettre
en valeur des prédispositions génétiques dans les différentes pathologies afin
de commercialiser de nouveaux traitements. La quasi-totalité des efforts s’est
ainsi focalisée sur des axes “politiquement corrects” bénéfiques pour
l’industrie pharmaceutique et les équipes scientifiques promptes à passer des
contrats avec elle. Des médicaments furent commercialisés, peu efficaces et
entraînant des effets secondaires redoutables25. Pendant ce temps, les maladies
neurodégénératives continuaient de s’étendre…
Un malheur venant rarement seul, d’autres affections du système nerveux
touchaient de plus en plus de monde. En effet, au-delà des neuropathies
clairement dégénératives, de nombreux autres troubles affectent le cerveau et
ont en commun de frapper une portion grandissante de la population qui
déborde largement sa simple évolution démographique. Ainsi l’autisme,
l’hyperactivité infantile, la dépression, la migraine caractérisée, l’irritabilité
excessive, les pathologies cérébrovasculaires, les tumeurs du système nerveux
central, certaines formes d’épilepsie, la schizophrénie et les atteintes
neuropsychiatriques en général ont pris une dimension ahurissante depuis
quelques décennies26. En 2003, un rapport du Conseil européen du cerveau
(CEC27) soulignait cette inflation des maladies neurologiques et
neuropsychiatriques : 125 millions de personnes en Europe étaient désormais
touchées, soit plus du quart de la population28. Il indiquait que “50 % des
années vécues avec une incapacité sont causés par des maladies du cerveau29”.
On découvrait au passage que ces affections dans les pays européens
induisaient une dépense de 386 milliards d’euros pour la seule année 2004,
soit 35 % des dépenses de maladie. En France, le coût global fut cette année-là
de 30 milliards d’euros, soit un montant très supérieur à celui des dépenses
liées au cancer (12 milliards30) alors que les maladies neurologiques
recevaient quatre fois moins de soutien financier de l’Etat31.
A la même époque, des chercheurs de l’université de Southampton, en
Angleterre, publiaient leurs observations sur l’évolution de la mortalité due
aux maladies neurologiques et psychiatriques (dont Alzheimer, Parkinson et
sclérose latérale amyotrophique) chez les adultes de 45 à 74 ans32. Ils notaient
que le nombre de victimes dans les pays occidentaux avait globalement triplé
en moins de vingt ans, entre 1979 et 199733. Colin Pritchard, un des
responsables de l’étude, s’en est alarmé ouvertement dans ses déclarations à la
presse en précisant : “Ce qui me fait réellement peur, ce n’est pas seulement
que les gens sont plus nombreux mais qu’ils sont de plus en plus jeunes34.”
Anticipant certaines critiques, il a tenu à écarter les contre-arguments
coutumiers qui tendent à rassurer l’opinion : “Nous avons évidemment pris en
compte l’allongement de la durée de la vie et le fait que le diagnostic de ces
maladies s’est amélioré35.”
En France, on n’y accorde pas une attention adaptée, alors que le taux de
décès dus à la maladie d’Alzheimer et à des démences associées est en train
d’augmenter à une vitesse folle. Il a crû de 11,3 % en six ans, de 2000 à 2006.
Ce taux de mortalité étant standardisé sur l’âge, il montre en outre que le
vieillissement de la population n’y est pour rien36. Mais personne ne s’en est
préoccupé hormis les scientifiques qui tiennent les comptes.
Peu de gens se soucient par ailleurs de lire l’étude que deux chercheurs
pourtant réputés, Philippe Grandjean et Philip Landrigan, ont publié
en 2006 dans la revue scientifique internationale The Lancet, soulignant
l’étendue des handicaps qui concernent le système nerveux des enfants, allant
de la paralysie cérébrale à l’autisme en passant par le déficit sensoriel, le
retard mental sévère, l’hyperactivité avec déficit d’attention, la difficulté
d’apprentissage caractérisée37… “Un enfant sur six a une déficience
développementale et, dans la plupart des cas, ces handicaps affectent le
système nerveux”, relevaient-ils. Ils soupçonnaient des substances
neurotoxiques d’être à l’origine d’une grande partie des cas, l’organisme des
enfants étant très vulnérable aux produits chimiques, et encore davantage
l’embryon. Le milieu scientifique y réagit surtout par de violentes attaques,
des pairs estimant que l’analyse n’apportait pas de preuves. Les autorités ne se
montrèrent pas non plus ébranlées. Tous négligeaient le fait que l’étude faisait
écho à des rapports antérieurs envisageant que des polluants
environnementaux puissent expliquer des déficiences du développement du
cerveau38. C’était traiter par le mépris des spécialistes pourtant connus pour
leur sérieux. Philippe Grandjean, professeur de médecine environnementale et
consultant en toxicologie du ministère de la Santé du Danemark, n’était pas du
genre à risquer sa carrière pour défendre des interprétations hâtives. Quant à
son confrère, l’épidémiologiste américain Philip Landrigan, professeur de
pédiatrie et président du département de médecine préventive du Mount Sinai
Medical Center de New York, par ailleurs directeur du Children’s
Environmental Health Center et conseiller principal à l’Environmental
Protection Agency des Etats-Unis, couvert d’honneurs pour ses importantes
publications, il n’avait pas plus envie de mettre en péril sa réputation sur une
simple lubie. Leur travail s’appuyait sur une importante accumulation de
données et d’études. Les auteurs usaient même de termes très prudents,
empreints d’une sagesse de notables initiés aux arcanes du milieu médico-
scientifique et à ses lenteurs, mais leur alerte venait encore trop tôt.
Nous suivions tout cela avec attention, ignorant ce qui se jouait en coulisses.
Bien que nos précédentes enquêtes dans le monde de la santé publique nous
eussent déjà aguerris aux inerties des décideurs politiques et du système de
prévention, diverses pièces du puzzle nous manquaient alors pour comprendre
les attitudes des uns et des autres face à la pandémie neurologique…
LA SCHIZOPHRÉNIE DES AUTORITÉS FRANÇAISES

Alors que les maladies neurodégénératives se déployaient et commençaient à


se banaliser dans le paysage sanitaire, un autre phénomène s’étendait donc
insidieusement : la dégradation de la santé mentale d’une partie grandissante
de la population, avec les enfants en première ligne. En 2002, une enquête de
l’Inserm soulignait qu’en France, 12 % des jeunes souffraient de troubles
mentaux : schizophrénie, autisme (voir encadré ci-dessous), dépression,
hyperactivité et troubles caractérisés de l’attention, anxiété, troubles de
l’humeur39… Les autorités françaises n’y réagirent pas explicitement. Elles
n’exprimèrent pas plus d’inquiétude quand, deux ans plus tard, le professeur
Colin Pritchard et son équipe de recherche en psychiatrie soupçonnèrent que la
multiplication de ces affections était imputable aux agressions neurologiques
de la pollution environnementale40.
Mais toutes ces informations ne passèrent pas inaperçues au sein de la
communauté scientifique, poussant le ministère de la Santé à constituer un
groupe de travail pour gérer le dossier. Ce dernier formula quelques
résolutions pour “sensibiliser les professionnels de la petite enfance”,
améliorer le diagnostic et, surtout, pour accélérer la création de places en
établissement pour les jeunes malades41. Le ministère, plus farouche sur la
question de l’augmentation du nombre de cas et des causes, obtint que cet
aspect soit résumé en quelques lignes auxquelles personne ne s’arrêtera :
“L’augmentation apparente de la prévalence de l’autisme au fil du temps a été
beaucoup débattue. Il est généralement considéré qu’elle serait liée aux
évolutions dans l’utilisation de définitions et de critères diagnostiques plus
larges et à une meilleure détection des cas en population générale, plus qu’à
une réelle progression. La question du rôle de facteurs environnementaux reste
cependant posée42.” Ce texte étrange, dans lequel le ministère nie la
progression et consent à évoquer la question des causes d’une courte phrase,
préfigure la politique qui sera menée jusqu’en 2011. La question, bien qu’elle
“reste posée”, ne sera jamais abordée dans le Plan Autisme, pas plus que dans
le Plan Alzheimer. D’autres études renforceront encore le soupçon sur les
polluants, mais n’auront pas le moindre impact sur le programme. Ce
paradoxe, pour le moins stupéfiant compte tenu des enjeux sanitaires, ajouté à
tous ceux que nous pointions, finissait par nous apparaître comme un véritable
syndrome autistique des autorités répétant indéfiniment le même geste de
dénégation…
Les arguments du gouvernement balayant d’un revers de main la
progression des troubles autistiques n’ont cependant pas convaincu le Comité
national d’éthique. “Les études épidémiologiques européennes, américaines et
japonaises révèlent une augmentation de la prévalence des syndromes
autistiques”, s’alarmait-il en 2007, regrettant le “manque d’études
épidémiologiques en France43”. Contraint de faire une extrapolation à partir
des données les plus récentes recueillies dans les autres pays, le Comité
d’éthique calculait qu’“il y aurait en France de 350 000 à 600 000 personnes
atteintes de syndrome autistique” et que “5 000 à 8 000 nouveau-nés par an
développeront ce handicap”.
L’autisme

L’autisme apparaît généralement avant l’âge de 3 ans, et touche en


moyenne quatre fois plus de garçons que de filles44.
L’autisme infantile a été décrit pour la première fois en 1943 par un
psychiatre américain, Léo Kanner, chez des enfants de 2 à 8 ans. Il
évoquait chez eux une “inaptitude à établir des relations normales avec les
personnes et à réagir normalement aux situations, depuis le début de leur
vie” se caractérisant par des troubles sévères du langage, une coupure du
monde extérieur et des stéréotypies marquées (gestes et comportements
très répétitifs) exprimant un important besoin d’immuabilité face aux
perturbations de l’environnement toutes ressenties comme angoissantes.
Les dénominations et la classification des diverses formes revêtues par
l’autisme ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies45.
Aujourd’hui, les troubles autistiques recouvrent un ensemble de situations
cliniques aux conséquences plus ou moins handicapantes, que l’on
regroupe sous le vocable de troubles envahissants du développement (TED)
ou de troubles du spectre autistique (TSA). Ils sont souvent associés à un
retard mental (sauf dans le syndrome d’Asperger) et à d’autres troubles ou
pathologies : épilepsie, grave anxiété, dépression, déficit de l’attention,
hyperactivité, troubles du sommeil46…

En France, le Plan Autisme 2008-2010 élaboré sous le contrôle du ministère


de la Santé pour identifier les besoins estimait “impossible de répondre de
façon précise à la question du nombre de personnes autistes résidant en
France47”. Mais une expertise de la Haute Autorité de santé (HAS) s’est
efforcée de le faire. Selon elle, près de 0,7 % des moins de 20 ans étaient
atteints en 2009, ce qui représentait 1 jeune sur 14048. Autrement dit,
environ 100 000 jeunes Français étaient touchés49. Les précédentes
évaluations indiquaient une prévalence des troubles autistiques très
inférieure : 0,27 % en 2000 (soit 38 000 jeunes50) et seulement 0,04 % dans
les années 1960-7051. Même en tenant compte d’une définition des troubles
plus exhaustive, la progression apparaissait impressionnante.
L’augmentation spectaculaire et alarmante de la fréquence de l’autisme en
France ne fait donc pas le moindre doute : en moins de cinquante ans, elle a
été multipliée par 17 ! Pourtant, la Haute Autorité de santé (HAS) a vu les
choses d’un autre œil, déclarant que cette augmentation était “en partie
expliquée par la modification des critères diagnostiques, l’amélioration du
repérage par les professionnels des troubles du spectre de l’autisme dans la
population générale, et le développement de services spécialisés”. Cela ne fait
guère de doute, mais nous avons cherché en vain les explications de la HAS sur
“l’autre partie” de l’augmentation, celle qui échappe au progrès du dépistage
et à l’élargissement des critères de l’autisme52. Pourquoi la HAS s’est-elle
exclusivement focalisée sur la première partie ? On ne parvient toujours pas à
comprendre un tel aveuglement devant cette progression des chiffres, quasi
exponentielle. En tout état de cause, ce refus de la HAS de reconnaître
clairement la progression de l’autisme infantile revenait à retarder l’alerte et,
par voie de conséquence, à faire perdre un temps précieux aux actions de
prévention.
L’AUTISME PROGRESSE EN EUROPE ET OUTRE-
ATLANTIQUE

L’excessive réserve des autorités françaises s’explique d’autant plus mal que
les études de nos voisins européens auraient dû les alarmer. En 2009, une
estimation sans ambiguïté révélait une prévalence de 1,57 % au Royaume-
Uni53, soit 1 enfant sur 63. Trois ans plus tôt, une vaste étude norvégienne
portant sur plus de 9 000 enfants avait identifié des troubles autistiques
chez 2,7 % d’entre eux54. Ces chiffres britanniques et norvégiens paraissent
d’ailleurs plus fiables que ceux résultant de l’évaluation française, car ils
tiennent compte des cas non dépistés jusque-là et des évolutions de la
définition des troubles55. Si la France avait adopté la même rigueur, son
résultat serait au moins le double de celui qu’elle a annoncé, soit 1,5 % au lieu
de 0,6 à 0,7 %. On compterait alors 200 000 enfants et adolescents souffrant
aujourd’hui de troubles autistiques dans notre pays.
Pour l’Union européenne, ces affections constituent bien un “problème
émergent de santé publique mettant notre société à l’épreuve, qui réclame une
urgente réponse en santé publique nécessitant détermination, courage et
ressources56”. Les experts européens admettent l’augmentation très
importante des troubles autistiques sur le continent européen au cours des
trente à quarante dernières années, mais ils déplorent la rareté des données et
la disparité des études qui empêchent d’analyser de près cette évolution.
L’Alliance européenne sur l’autisme57, comité d’experts préparant un plan de
santé publique sur ce problème, considère que le poids de l’autisme est devenu
considérable, et ne permet plus de le considérer comme une “maladie rare58”.
Mais, là encore, les pouvoirs politiques semblent paralysés : au-delà du
constat de la flambée de l’autisme, la recherche des causes ne fait étrangement
pas partie de leurs priorités.
Aux Etats-Unis, le suivi épidémiologique des troubles autistiques a
longtemps tardé aussi du fait d’atermoiements difficilement explicables, mais
il a fini par être mis en place, et il est aujourd’hui l’un des plus avancés au
monde. Les chercheurs des Centres de contrôle et de prévention des maladies
(Centers for Disease Control and Prevention) chargés de ce suivi ont
récemment révélé une élévation de la prévalence des troubles de 57 %
entre 2002 et 2006, et estiment qu’environ 730 000 jeunes Américains de
moins de 21 ans en souffrent59. Les experts concluent que cette augmentation
importante et rapide nécessite une urgente mobilisation. Ils recommandent de
se pencher sur les facteurs de risque environnementaux (et leur interaction
avec la susceptibilité génétique) qui contribuent probablement à cette
progression.
La journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, organisée
le 2 avril 2010, n’a pas suffi à susciter l’intérêt du gouvernement français pour
les causes, même si, à cette occasion, il évoquait le lancement d’une étude
épidémiologique. C’était le moins qu’il puisse envisager alors que les
hypothèses les plus basses faisaient état de 300 000 à 500 000 personnes
touchées par l’autisme en France.
Tout en nous demandant ce qui pourrait enfin obliger les autorités politiques
à adopter une attitude à la hauteur des enjeux, il nous paraissait impossible de
ne pas songer à la progression d’autres affections touchant le système
nerveux : les tumeurs cérébrales…
TUMEURS DU SYSTÈME NERVEUX

Les scientifiques ont mis en évidence l’augmentation alarmante des tumeurs


du système nerveux central dès les années 1990. Certes, il s’agit de cancers, et
ce phénomène peut paraître éloigné des maladies neurologiques, mais
plusieurs raisons justifient de s’y arrêter. Le fait qu’ils touchent aussi le
système nerveux et tout particulièrement le cerveau soulève des questions.
Comment négliger cette coïncidence organique tout comme celle de leur
progression durant les mêmes décennies ? Certes, si l’on nie la réalité de
l’augmentation des cancers pour l’expliquer par l’attention accrue des
épidémiologistes, l’amélioration du diagnostic ou le vieillissement de la
population, l’intérêt de ce parallèle tombe. Mais la multiplication des cas de
tumeurs cérébrales chez les jeunes en Europe et aux Etats-Unis ne sont en
aucun cas réductibles à ce genre d’explication souvent entendue. Eva
Steliarova-Foucher, principale auteure du rapport européen sur les cancers
infantiles, apportait en 2004 une conclusion d’une grande fermeté ne se
limitant d’ailleurs pas aux seules tumeurs du système nerveux : “Nos résultats
apportent une preuve évidente d’une augmentation de l’incidence du cancer de
l’enfant et de l’adolescent durant les décennies passées et une accélération de
cette tendance60.”
Un rapport de l’Inserm semblait nous donner raison en décembre 2010 avec
une nouvelle estimation de l’incidence des cancers de l’enfant sur la base d’un
enregistrement national61. Pour la première fois en France, l’enquête porte sur
l’ensemble du pays. Elle souligne l’augmentation de l’incidence des cancers
de l’enfant de moins de 15 ans, particulièrement les tumeurs du système
nerveux central par rapport aux précédentes données62. Pour ce cancer,
l’incidence s’est accrue de 20 % en moins de dix ans, alors que la population
des jeunes de moins de 15 ans est restée stable63. Les tumeurs solides les plus
fréquentes sont celles du système nerveux (31 %). Parmi elles, 23 % sont des
tumeurs du système nerveux central et 8 % des neuroblastomes (tumeurs du
système nerveux sympathique). Avant l’âge de 1 an, la proportion de ces
tumeurs est encore plus large : les neuroblastomes représentent 31 % et celles
du système nerveux central 15 %.
A notre grande surprise, le constat de cette augmentation de 20 % en une
décennie n’a pas suscité une grande inquiétude de la part des rapporteurs, mais
une formule que nous avions déjà rencontrée sur la pandémie neurotoxique :
“Bien qu’on ne puisse pas éliminer formellement une réelle augmentation de
l’incidence de certains types de cancers, l’explication la plus probable est une
amélioration de la méthodologie d’enregistrement, voire une amélioration des
techniques diagnostiques pour les tumeurs cérébrales notamment.” Cette
conclusion dilatoire, en noyant le poisson, faisait de la France une exception
sanitaire au sein des nations industrialisées, en particulier en Europe. Les
auteurs ne cherchaient même pas à expliquer cette spécificité française ni à
donner plus d’allure à cet art consommé d’interpréter les données en
privilégiant systématiquement les hypothèses sympathiques. Le mal rechignait
donc à franchir nos frontières, décidément très étanches aux dossiers sanitaires
embarrassants. Nous étions pourtant décidés à examiner tout cela de plus
près…

1 Voir pages infra 22-26 et 286.


2 La maladie d’Alzheimer représente environ 70 % des démences.
3 En 2009, l’Allemagne recensait 81 millions d’habitants.
4 Dans 20 à 30 % des cas, on relève des troubles cognitifs qui peuvent aller jusqu’à la
démence dans les formes tardives. Et dans 30 à 40 % des cas (surtout les cas précoces),
on relève des troubles anxio-dépressifs. Source : Les Adultes de moins de 60 ans
atteints de maladies neuro-évolutives orientés vers les maisons départementales des
personnes handicapées du Rhône et de la Savoie, Observatoire régional de santé Rhône-
Alpes, septembre 2010.
5 Notamment par infection pulmonaire ou suite à des chutes. Voir aussi index : effets
secondaires des traitements médicamenteux.
6 Paralysie musculaire des yeux qui empêche de les bouger verticalement.
7 Voir chapitre II.
8 Le Monde, 30 septembre 1994.
9 Brochure de la Fédération mondiale des associations d’aide aux familles des patients
victimes de la maladie d’Alzheimer, 1987.
10 Son décès, le 28 février 2011, incitera la presse à reparler de sa maladie.
11 Jean-Yves Nau, “Un vaccin contre la maladie d’Alzheimer”, Le Monde,
12 mai 2001. Finalement, le développement du vaccin sera stoppé devant la découverte
de cas de méningites chez les patients s’étant prêtés aux expérimentations du vaccin.
12 Elisabeth Bursaux, “La thérapie génique et la thérapie cellulaire ont commencé à
faire les preuves de leur efficacité”, Le Monde, 31 décembre 2000.
13 “Espoir de thérapie génique pour la maladie d’Alzheimer”, Le Monde, 14 août 2001.
14 Hanta Ramaroson, et al., “Prévalence de la démence et de la maladie d’Alzheimer
chez les personnes de 75 ans et plus : données réactualisées de la cohorte PAQUID”,
Review of Neurology, vol. 159, no 4, 2003, p. 405-411.
15 Catherine Helmer, Florence Pasquier, Jean-François Dartigues, “Epidémiologie de la
maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés”, Médecine Sciences, no 22, 2006,
p. 288-296.
16 Marie-Florence Shadlen, E. B. Larson, M. Yukawa, “The Epidemiology of
Alzheimer’s Disease and Vascular Dementia in Japanese and African-American
Populations : the Search for Etiological Clues”, Neurobioly of Aging, vol. 21, no 2,
2000, p. 171-181 ; T. Yamada, H. Kadekaru, S. Matsumoto, H. Inada, “Prevalence of
Dementia in the Older Japanese-Brazilian Population”, Psychiatry and Clinical
Neurosciences, vol. 56, no 1, 2002, p. 71-75.
17 J’ai peur d’oublier, Michel Lafon, 2009.
18 Emission “Salut les Terriens”, Canal+, 9 mai 2009.
19 Helmer 2006 et Expertise collective Inserm 2007.
20 CNRMA, introduction à la présentation du Centre (www.centre-alzheimer-
jeunes.com).
21 BBC News, “Alzheimer’s : a Disease of the Young ?”, 10 novembre 2000.
22 Sylvie Joly, C’est votre vrai nom ?, Flammarion, 2010.
23 La SEP est la deuxième cause d’invalidité chez les adultes jeunes après les accidents.
24 Vincent Meininger, “La sclérose latérale amyotrophique” in Déficiences motrices et
situations de handicaps, Association des paralysés de France, 2002.
25 Voir index : médicaments anti-Alzheimer.
26 Colloque “Priorité cerveau : un enjeu national”, 16 septembre 2010.
27 Le CEC, créé en 2002, est composé de fédérations de groupes de patients, dont la
Ligue internationale contre l’épilepsie et la Fédération européenne des associations de
familles de personnes atteintes de maladie mentale (EUFAMI), ainsi que des fédérations
professionnelles de neurologues, et reçoit des financements de la Commission
européenne mais, depuis 2007, la majorité de ses subventions provient des firmes
pharmaceutiques…
28 J. Olesen et M. Leonardi, “Le fardeau des maladies du cerveau en Europe”,
European Journal of Neurology, no 10, 2003, p. 471-477.
29 Ibid., p. 471.
30 Analyse économique des coûts du cancer en France – Impact sur la qualité de vie,
prévention, dépistage, soins, recherche, sous la direction de Franck Amalric, Institut
national du cancer, mars 2007.
31 Cette situation en France et en Europe est restée globalement inchangée en 2011.
32 Colin Pritchard, et al., “Changing Patterns of Adult (45-74 Years) Neurological
Deaths in the Major Western World Countries 1979-1997”, Public Health, 2004, 118,
p. 268-283.
33 Ibid.
34 The Observer, 15 août 2004.
35 Ibid.
36 Pauline Brosselin, et al., “Mortalité liée à la maladie d’Alzheimer et aux maladies
apparentées, France 2006”, Revue d’épidémiologie et de santé publique, vol. 58, no 4,
2010, p. 269-276.
37 P. Grandjean, P. J. Landrigan, “Developmental Neurotoxicity of Industrial
Chemicals”, The Lancet, no 368, p. 2167-2178.
38 Notamment, US National Research Council, Scientific Frontiers in Developmental
Toxicology and Risk Assessment, Washington DC, National Academy Press, 2000. Et P.
Grandjean, R. F. White, “Developmental Effects of Environmental Neurotoxicants”, in
G. Tamburlini, O. von Ehrenstein, R. Bertollini (éd.), Children’s Health and
Environment. Environmental, issue report no 29, Copenhague, European Environment
Agency, 2002, p. 66-78.
39 Expertise collective Inserm, Troubles mentaux. Dépistage et prévention chez l’enfant
et l’adolescent, Inserm, 2002.
40 Colin Pritchard, et al., op. cit.
41 Ministère de la Santé, “Autisme 2005-2006. Nouveau regard, nouvelle impulsion”,
2005.
42 Ibid., p. 15.
43 Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Sur la
situation en France des personnes, enfants et adultes, atteintes d’autisme. Avis, no 102,
11 août 2007.
44 Haute Autorité de santé, Autisme et autres troubles envahissants du développement –
Etat des connaissances. Synthèse élaborée par consensus formalisé, janvier 2010.
45 Charles Aussilloux et Lise Barthélémy, “Evolution des classifications de l’autisme :
leur intérêt et leurs limites actuelles”, Le Carnet Psy, no 75, 2002, p. 21-23.
46 En janvier 2010, la Haute Autorité de santé rappelait que la classification
internationale des maladies de l’OMS (CIM-10) devait maintenant devenir la
classification de référence. Elle comprend huit sous-catégories pour l’autisme, dont
l’autisme infantile, l’autisme atypique, les autres troubles envahissants du
développement, le syndrome de Rett (maladie génétique neurologique touchant les
filles), les autres troubles désintégratifs de l’enfance (l’enfant se développe d’abord
normalement, puis subit une “régression autistique”), le syndrome d’Asperger (ou
autisme de haut niveau : syndrome autistique sans retard mental ni troubles du langage)
… Comme toutes les classifications, celle-ci est artificielle, car ses catégories se
chevauchent partiellement et les symptômes des malades les débordent souvent, mais
elle a le mérite de souligner la diversité des troubles couverts par la notion d’autisme.
47 Ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, Plan
Autisme 2008-2010. Construire une nouvelle étape de la politique des troubles
envahissants du développement et en particulier de l’autisme, mai 2008, p. 9.
48 Haute Autorité de santé, Autisme et autres troubles envahissants du développement –
Etat des connaissances. Argumentaire, janvier 2010. La HAS s’est surtout basée sur
une méta-analyse portant sur 43 études réalisées dans 15 pays, dont 3 études françaises :
Eric Fombonne, “Epidemiology of Pervasive Developmental Disorders”, Pediatric
Research, 65 (6), 2009, p. 591-608.
49 Ibid.
50 Expertise collective Inserm, Troubles mentaux. Dépistage et prévention chez l’enfant
et l’adolescent, Inserm, 2002.
51 HAS, 2010. Synthèse. Ibid.
52 Nous approfondissons les contorsions de la HAS dans le chapitre VI.
53 Simon Baron-Cohen, “Prevalence of Autism-Spectrum Conditions : UK School-
Based Population Study”, The British Journal of Psychiatry, no 194, 2009, p. 500-509.
54 Maj-Britt Posserud, et al., “Autistic Features in a Total Population of 7-9-Year-Old
Children Assessed by the ASSQ (Autism Spectrum Screening Questionnaire)”, Journal
of Child Psycho-logy and Psychiatry, vol. 47, no 2, 2006, p. 167-175.
55 Ainsi, dans l’étude norvégienne, les auteurs estiment que les autres études
minimisent la prévalence des TED à cause des cas non dépistés. Dans leur étude, la
prévalence était plus élevée dans les familles dont les parents avaient préalablement
refusé de participer à l’enquête.
56 Conférence européenne action autisme, “Conférence pour un plan stratégique
européen sur l’autisme”, novembre 2010. www.autism2010.eu/intro.htm
57 European Autism Public Health Alliance (EAPHA).
58 Conférence européenne de Dublin sur l’autisme, 29 novembre 2010.
www.autism2010.eu/eapha.htm
59 CDC, “Prevalence of Autism Spectrum Disorders – Autism and Developmental
Disabilities Monitoring Network, United States, 2006”. Centers for Disease Control and
Prevention 2009. Et www.cdc.gov/ncbddd/autism/data.html
60 E. Steliarova-Foucher, et al., “Geographical Patterns and Time Trends of Cancer
Incidence and Survival among Children and Adolescents in Europe since the 1970s (the
ACCISproject) : an Epidemiological Study”, The Lancet, vol. 11, no 364 (9451),
p. 2097-2105.
61 Brigitte Lacour, et al., “Incidence des cancers de l’enfant en France : données des
registres pédiatriques nationaux, 2000-2004”. Bulletin épidémiologique hebdomadaire,
no 49-50, 28 décembre 2010.
62 Denis Bard, et al., “Cancer : approche méthodologique du lien avec
l’environnement”, Institut national de la santé et de la recherche médicale, 2005.
63 Comparaison des périodes 1990-1999 et 2000-2004.
II
NAÎTRE DANS UN MONDE
NEUROTOXIQUE

On le voit, les courbes épidémiologiques peuvent se prêter à des


interprétations rassurantes même quand elles démontrent qu’une maladie a
pris une ampleur considérable. Il est même possible de leur faire annoncer de
bonnes nouvelles quand tout en elles dessine un sombre pronostic. En
l’occurrence, l’âge des victimes ne laissant aucune place à l’argument du
vieillissement, les chiffres sidérants de la progression des neuropathies et des
tumeurs du système nerveux sont systématiquement traduits comme
l’expression d’une amélioration du diagnostic et des recensements. Autrement
dit, la multiplication des malades devrait nous réjouir puisqu’elle reflète avant
tout le progrès des connaissances…
Fait remarquable, l’épidémiologie n’a jamais autant cédé à cet optimisme
interprétatif depuis qu’elle met en évidence des pandémies d’une gravité sans
précédent et réunissant tous les ingrédients d’un scandale considérable. Notons
que cette tendance trouve toujours ses représentants parmi les auteurs de
rapports officiels et des études de synthèse commanditées par les autorités sur
les sujets les plus explosifs.
Il est regrettable que l’argument optimiste ne soit jamais soutenu par le
moindre effort pour évaluer la part des malades due au progrès du recensement
et identifier si la maladie se propage ou non. L’énormité des enjeux sanitaires
devrait pourtant imposer ce diagnostic comme une priorité. A partir de quelles
proportions ces rapporteurs s’autorisent-ils à considérer qu’un nombre de
malades en augmentation est le reflet d’une fréquence plus grande ? Qui se
soucie de définir cette limite, de manière à mettre en place au plus vite un plan
de prévention si la maladie progresse réellement dans la population ?
En fait, nul ne songe à répondre à ces questions ni même à les poser. La
raison en est simple : l’interprétation rassurante se réduit à un exercice
purement rhétorique et se refuse à approfondir sérieusement des arguments
auxquels les experts ne croient pas eux-mêmes. Il est frappant de constater que
les mêmes auteurs ne se risquent jamais à rappeler les résultats des études
toxicologiques, c’est-à-dire des observations menées directement sur l’homme
(ou des cellules humaines) et sur l’animal… La toxicologie consiste
précisément à évaluer les effets des substances sur les organismes vivants et à
identifier les affections qu’elles peuvent entraîner. Les démonstrations
toxicologiques apportent ainsi un niveau de preuve plus difficile à réfuter ou à
relativiser, même s’il est vrai qu’elles ne consistent pas à dénombrer, comme
l’épidémiologie, les morts et les malades par région ou par pays ni à
interpréter les évolutions des grands chiffres statistiques. Les discours qui se
veulent rassurants brandissent certes volontiers que les expériences menées
sur l’animal ne seraient pas transposables à l’homme, mais c’est méconnaître
les ressources des toxicologues qui ne négligent pas d’étudier les effets des
molécules sur les cellules humaines, et d’observer de près les personnes
exposées aux produits (par exemple dans le cadre de leur profession ou de
contaminations diverses), l’apparition des troubles et leur évolution, le devenir
des substances dans l’organisme à travers une multiplicité d’examens, dont
l’analyse des prélèvements n’est que l’un des outils.
On prend une conscience aiguë de l’impact des substances neurotoxiques en
examinant leurs effets toxicologiques sur l’organisme dès les premières
semaines de développement, c’est-à-dire au stade de l’embryon. Le ventre de
la mère ne suffit pas à le protéger contre les contaminations chimiques, loin
s’en faut. La barrière placentaire empêche de nombreux corps étrangers (la
plupart des virus, bactéries, substances diverses) de pénétrer jusqu’à lui, mais
elle échoue hélas ! à stopper de redoutables poisons, dont une myriade de
neurotoxiques…
MAMANS TOXIQUES

L’extrême vulnérabilité du cerveau de l’enfant aux substances toxiques est


largement sous-estimée. Même ceux qui fixent les réglementations encadrant
les produits chimiques l’oublient souvent. Cette aberration apparaît plus
consternante encore lorsqu’on songe aux séries de conséquences des
agressions chimiques sur l’embryon (les deux premiers mois de la vie in
utero), puis sur le fœtus (jusqu’à la naissance). La succession d’étapes qui
s’enchaînent lors de la formation de l’embryon est d’une importance capitale,
la moindre perturbation pouvant entraîner des conséquences irréversibles sur
l’étape suivante. On parle à ce sujet de “fenêtres de vulnérabilité”, certaines se
réduisant à un jour ou deux. A chacun de ces stades programmés (la
multiplication des neurones, leur migration vers les différentes zones du
cerveau, leur différenciation…), des neurotoxiques peuvent exercer leurs
méfaits, même à dose infime.
Il peut en résulter des malformations graves telles que l’acéphalisme
(absence de cerveau), la microcéphalie (cerveau trop petit), le spina bifida,
c’est-à-dire l’absence partielle ou totale de fermeture du tube neural (le tissu
embryonnaire qui doit se transformer en système nerveux central et
périphérique), etc. Mais le plus souvent, les conséquences n’apparaissent que
plus tard, dans l’enfance, sous des formes plus subtiles : problèmes
psychomoteurs ou déficits cognitifs qu’on ne voit pas toujours immédiatement
allant du problème chronique d’attention relativement discret à l’autisme, aux
troubles de l’ouïe ou de la vue, à l’hyperactivité… Ces atteintes sont de plus
en plus fréquentes.
Des équipes de chercheurs se sont penchées depuis les années 1960 sur
l’impact d’une exposition prénatale aux substances toxiques sur le cerveau en
développement1. Ce domaine d’étude, la “tératologie comportementale”, s’est
d’abord intéressé aux tranquillisants consommés pendant la grossesse, puis
aux effets de toxiques environnementaux tels que le mercure, le plomb,
l’arsenic… Ces substances classées dans les catégories des reprotoxiques,
embryotoxiques, fœtotoxiques ou tératogènes2 sont désormais approfondies
sous l’angle de leurs répercussions plus tardives3. Entre-temps, d’autres
molécules ont rejoint la liste, comme les pesticides, les polychlorobiphényls
(PCB), des composés perfluorés (PFOA4), des retardateurs de flamme bromés
(PBDE5), le bisphénol A…
Hélas ! cette détérioration du développement du cerveau causée par des
polluants industriels n’apparaît jamais dans les études statistiques sanitaires.
Cette indifférence des autorités face à ce désastre touchant les plus vulnérables
a poussé un comité de 24 scientifiques de toutes disciplines (santé
environnementale, biologie du développement, toxicologie, toxicochimie,
épidémiologie, pédiatrie…) à interpeller les décideurs en mai 2007. Dans une
déclaration commune, ils réclament des efforts importants et urgents pour
protéger les embryons, les fœtus et les enfants contre l’exposition aux
substances chimiques6. En vain jusqu’à présent.
Les neurotoxiques peuvent avoir un effet direct sur les gènes et le
développement du cerveau, mais aussi un effet indirect car certains sont par
ailleurs des perturbateurs endocriniens à l’origine de troubles neurologiques.
Le mercure, le plomb, le cadmium, les phtalates, de nombreux herbicides, les
PCB, les PBDE et certains composés perfluorés perturbent le fonctionnement de
la thyroïde, et l’on sait désormais que plus ces substances sont présentes dans
le cordon ombilical, moins le fœtus dispose d’hormones thyroïdiennes. Or une
trop faible quantité de ces hormones provoque une altération irréversible du
développement cérébral. La présence dans l’environnement de substances
antithyroïdiennes, au premier rang desquelles le mercure inhalé, pourrait être
responsable de l’hypothyroïdie maternelle puis fœtale qui mènerait à
l’autisme. En effet, de faibles taux de T3 (la triiodothyronine, une hormone
thyroïdienne) dans le cerveau fœtal à la période cruciale de la migration
neuronale (entre 8 et 12 semaines de grossesse) entraînent des changements
morphologiques cérébraux qui pourraient être en cause7.
MERCURE : LES DENTS DE LA MÈRE

S’invitant à la fête des premiers mois de la vie, non seulement par le biais des
poissons que mange la maman mais aussi par ses “plombages” dentaires et
diverses autres sources, le mercure pose l’un des problèmes les plus aigus pour
l’embryon, notamment pour son cerveau. C’est l’un des neurotoxiques les plus
puissants et les plus répandus. En 2005, reconnaissant que “des doses
relativement faibles suffisent à endommager le système nerveux”, l’Union
européenne a élaboré une “Stratégie communautaire sur le mercure” visant à
“diminuer son impact et ses risques pour l’environnement et la santé
humaine8”. Cette stratégie prévoit de restreindre les utilisations industrielles
et médicales du mercure et de limiter les émissions de cette substance dans
l’environnement. La Commission européenne a entrepris la révision de cette
stratégie en 2010, mais elle s’est finalement résolue à attendre l’adoption d’un
traité international sur le mercure, prévue pour 20139. Cependant, elle a décidé
de se pencher sur le problème du mercure dentaire en entreprenant “une
analyse exhaustive du cycle de vie de cette utilisation” avant fin 2011.
Nous avons la chance d’y participer et d’y représenter la France au titre de
la vice-présidence de l’Alliance mondiale pour une dentisterie sans mercure10.
Mais les lobbies industriels et corporatifs ne baissent pas les bras. Ils
s’activent vivement en coulisse, tout particulièrement les représentants des
dentistes et des laboratoires produisant les amalgames dentaires. Sous leur
pression, les autorités françaises seront les seules à s’opposer à leur
bannissement, arguant qu’une telle interdiction se traduirait par “une
dégradation de la santé de la population11”.
La principale source d’exposition au mercure dans les pays développés est
celle qui s’échappe des “plombages” sous forme de vapeurs inodores. Les
mères transmettent une partie de ce mercure à leur embryon via le placenta et
le cordon ombilical. Il est admis que les plombages maternels représentent la
principale source de l’imprégnation du fœtus et du jeune enfant dans les pays
développés12. Durant la grossesse, c’est surtout le foie du fœtus qui stocke le
mercure, mais il va le relarguer après la naissance. Remis en circulation dans
l’organisme, le neurotoxique atteindra alors le cerveau du nouveau-né où il
s’accumulera. Dès le milieu des années 1990, des autopsies ont montré que
plus la mère porte d’amalgames dentaires, plus le taux de mercure dans le
cerveau du bébé est élevé13. La quantité de mercure présente dans le sang du
cordon ombilical est elle aussi proportionnelle au nombre d’amalgames de la
mère, et l’on retrouve cette relation avec son lait14. Des chercheurs ont même
mis en évidence que la limite recommandée par l’OMS, la “dose hebdomadaire
tolérable provisoire”, était dépassée chez plus de la moitié des nourrissons
allaités par des mères portant en moyenne sept surfaces d’amalgames15.
Or la présence de mercure même en faible quantité perturbe le
développement cérébral de l’enfant et affaiblit ses capacités cognitives : on
observe une association inverse entre la quantité de mercure dans le cordon
ombilical et le quotient intellectuel (QI) des enfants. En 2006, une étude a
comparé deux groupes de mères et mis en évidence que le groupe dont le sang
contenait davantage de mercure avait 3,6 fois plus de risques d’avoir des
enfants souffrant d’un déficit cognitif par rapport au groupe des mères les
moins exposées16. Dans une autre étude portant sur 329 couples mère-enfant
new-yorkais, le QI moyen des enfants se révélait un peu inférieur à 100 pour
une concentration de 7,7 μg/l de mercure dans le cordon. En revanche, les
enfants qui avaient peu de mercure dans le sang ombilical (moins de 0,1 μg/l)
bénéficiaient en moyenne de 15 points de QI supplémentaires17.
Le lien entre une exposition précoce au mercure et le développement d’un
Trouble du déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH) ou d’un syndrome
autistique est aussi très documenté depuis quelques années18. Tous les enfants
exposés in utero au mercure ne sont pas atteints de la même manière. Ce sont
les enfants possédant de plus faibles capacités à se débarrasser des métaux
“lourds”, mécanisme influencé par l’alimentation et divers facteurs
environnementaux et génétiques, qui ont le plus de risques de devenir
autistes19. Des études prenant en compte l’impact des différentes sources de
contamination font ressortir que les mères d’enfants autistes ont été en
moyenne davantage exposées au mercure dentaire pendant leur grossesse, et
que la sévérité de l’autisme est d’autant plus importante qu’elles ont
davantage de plombages20.
Les dents de lait constituent de bons indicateurs de l’imprégnation
mercurielle. Celles des petits autistes contiennent en moyenne deux fois plus
de mercure que celles des enfants en bonne santé21, et la même observation a
été faite pour leur sang22. Selon les chercheurs, la différence d’incidence de
l’autisme dans les deux sexes (les garçons sont quatre fois plus touchés que les
filles) s’expliquerait par la synergie entre mercure et testostérone (l’hormone
mâle), alors que les œstrogènes atténueraient au contraire la toxicité du
mercure23. Enfin, un traitement chélateur24 du mercure permet, en éliminant
une partie du mercure corporel, d’atténuer les symptômes de l’autisme25.

Nous sommes particulièrement exposés à deux espèces de mercure : le


mercure élémentaire et le méthylmercure26. On trouve le premier notamment
dans les baromètres, les vieux thermomètres médicaux (il en reste encore des
millions dans les foyers français, qui sont à l’origine de contaminations quand
ils cassent27) et dans les amalgames qui obturent nos molaires. Le second, le
méthylmercure, dérive du mercure élémentaire après sa transformation par les
micro-organismes. Une petite partie du mercure libéré par les amalgames est
méthylée par les bactéries de la plaque dentaire, de la langue et des intestins,
ce qui lui permet de traverser aisément la barrière gastro-intestinale. Une
partie plus importante se dégage depuis la dent sous forme de vapeurs de
mercure élémentaire que nous inhalons. Ces vapeurs passent alors des
poumons au sang et arrivent rapidement au cerveau, tandis qu’une partie
importante traverse la barrière placentaire.

En 2009, à Nairobi, 140 pays se sont engagés, sous l’égide du Programme


des Nations unies pour l’environnement (PNUE), à élaborer un “instrument
contraignant” pour réduire de façon drastique toutes les utilisations du
mercure. Il devrait imposer des limites sévères aux rejets industriels, en
particulier ceux des cimenteries et des centrales thermiques à charbon. Cette
convention doit être finalisée en… 2013 ! Etonnamment, l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) se cabre devant la volonté du PNUE d’interdire
l’usage du mercure dans les amalgames. Pour quelle raison ? Les arguments
qu’elle avance font trop visiblement écho aux démarches des représentants de
la Fédération dentaire internationale (FDI28). Faut-il voir dans son attitude un
manque d’indépendance par rapport à la corporation des dentistes qui continue
à nier les méfaits du mercure ? Le lobbying de cette corporation est intense
auprès des organismes de régulation sanitaire, et l’OMS est une cible
privilégiée. S’y ajoutent les actions des industries chimique, pharmaceutique
et parapharmaceutique qui commercialisent les matériaux et les produits
qu’utilisent les dentistes. C’est un secret de polichinelle que l’OMS, comme
notre propre cerveau, est une forteresse assiégée par les lobbies les plus
puissants, notamment par l’industrie pharmaceutique et les cigarettiers29. La
direction de l’organisation ne s’en cache d’ailleurs pas. Alors que l’affaire de
la vaccination contre la grippe A-HINI, en 2010, a révélé que l’OMS n’avait pas
pris soin d’écarter ceux de ses experts qui avaient des liens d’intérêt avec les
producteurs de vaccins, allons-nous découvrir que l’industrie chimique et des
fabricants de produits médicaux influencent aussi ses avis en matière de
mercure ? Pour répondre à cette question, nous avons interrogé quelques
acteurs et des responsables de l’OMS, ce qui nous a permis de découvrir
d’étranges pratiques… Mais ne brûlons pas les étapes.
POISSONS OU POISONS ?

Le poisson et les fruits de mer sont aussi à l’origine d’un apport non
négligeable de méthylmercure que notre corps accumule. Sa grande toxicité
pour le fœtus a été amplement démontrée depuis la catastrophe sanitaire de
Minamata (voir encadré page suivante). Son processus de stockage dans les
chairs des poissons carnivores est également bien compris. Une fois déposé au
fond de la mer, le mercure est transformé par des bactéries en méthylmercure,
lequel possède de fantastiques capacités d’accumulation dans les organismes
vivants tout au long de la chaîne alimentaire : c’est le phénomène de
bioamplification. Le neurotoxique polluant le plancton et les petits poissons
finit dans les chairs des gros poissons prédateurs (thons, espadons, requins
mais aussi raie et daurade sauvage…), des coquillages et des crustacés. Ses
concentrations atteignent ainsi des records.
Le drame de Minamata fut à l’origine de nombreux travaux scientifiques sur
les conséquences de l’exposition prénatale au méthylmercure. Une importante
étude épidémiologique, plus récemment, a mis en évidence des perturbations
neurocomportementales (mémoire, attention, langage) à des expositions du
fœtus considérées comme sans danger jusque-là30. Ces résultats ont poussé les
experts de l’OMS à diviser par deux, en juin 2003, la dose hebdomadaire
tolérable provisoire (DHTP) pour le méthylmercure (cette valeur est passée
de 3,3 à 1,6 μg par kg de poids corporel).
Minamata : les enfants d’abord

Le nom de cette petite ville côtière japonaise est à jamais associé aux
conséquences dramatiques d’une industrialisation incontrôlée et
criminelle, responsable de plus de 2 000 décès et de dizaines de milliers de
maladies neurologiques. Au début des années 1950, la tranquille bourgade
semblait prise de folie. Les trajectoires des mouettes devenaient folles, et
les chats se mettaient à “danser” avant de se jeter à la mer devant les
villageois médusés. Une mystérieuse épidémie commençait à se répandre
parmi les familles de pêcheurs. Des mères indemnes donnaient naissance à
des enfants lourdement handicapés, souffrant de paralysies et d’importants
troubles neuropsychiques. Des enfants et des adultes présentaient de graves
troubles sensoriels et des atteintes cérébrales invalidantes, pouvant mener
au coma et à la mort. Très vite, les ingénieurs de la firme Chisso, fabricant
de plastique qui rejetait du mercure inorganique dans les eaux de la baie
depuis les années 1930, allaient découvrir la cause de la mystérieuse
épidémie : la consommation de poissons contaminés par les rejets de
mercure de l’industriel. Mais celui-ci exigea le silence, et la contamination
perdura jusqu’à ce que des chercheurs de l’université découvrent à leur
tour le coupable, trois ans plus tard.

Des recommandations plus ou moins sérieuses ont été peu à peu édictées de
par le monde pour protéger les femmes enceintes et les enfants. Les
recommandations européennes passent pour rigoureuses : les femmes ayant
l’intention d’avoir un enfant, les femmes enceintes et celles qui allaitent, de
même que les enfants, ne doivent pas consommer plus de 100 grammes de
gros poissons prédateurs par semaine, et en ce cas ne pas consommer d’autre
plat de poisson31. En France, l’Afssa et l’Inra se sont montrés plus souples en
rédigeant une recommandation conseillant aux femmes enceintes de ne pas
manger plus de 150 grammes par semaine de poissons prédateurs
sauvages32 et d’éviter tout simplement l’espadon, le marlin, la lamproie et le
requin33. Pour une raison inexpliquée, le thon ne fait pas partie de cette liste
d’exclusion bien qu’il atteigne souvent les mêmes taux supérieurs à la valeur
limite. Quant aux enfants de moins de 30 mois, l’Afssa a recommandé de ne
pas dépasser 60 grammes de poissons carnivores par semaine34.
Faut-il supposer que les intérêts défendus par les syndicats professionnels
de la pêche ont été pris en compte ? Malgré un lobby aussi puissant, l’agence
Santé Canada s’est montrée plus avisée en fixant ce seuil pour les femmes
enceintes à 150 grammes par… mois, soit quatre fois moins ! Le consensus
scientifique est encore plus prudent que les instances sanitaires : en 2006, plus
de 1 000 spécialistes du mercure ont recommandé aux femmes enceintes,
allaitantes, et aux enfants, de bannir complètement les poissons prédateurs35.
En revanche, les mêmes observateurs rappellent que les femmes enceintes
devraient manger régulièrement des petits poissons riches en oméga 3 :
sardines, maquereaux, anchois, harengs, etc. L’apport de ces acides gras à
longue chaîne est en effet indispensable au bon développement cérébral et à
celui de la rétine chez le fœtus.
Toutes ces recommandations montrent que la prise de conscience du danger
est en cours, mais elles se traduisent mal dans les pratiques. En 1995, sous
l’injonction de la Commission européenne, le ministère de la Santé a voulu
inviter les médecins généralistes à y sensibiliser les patients, tout
particulièrement les femmes enceintes, en leur destinant une évaluation des
produits contaminés qui mettait en exergue le problème des poissons et des
fruits de mer36. Mais le document, officiellement envoyé aux DDASS37 pour
qu’elles le relayent auprès des cabinets médicaux, semble s’être perdu en
cours de route. Aujourd’hui encore, le corps médical ne paraît pas mieux
informé du problème si l’on en juge par la rareté de ses conseils en la matière.
Faut-il attendre que les poissonniers fassent eux-mêmes ce travail de
sensibilisation, par exemple en dissuadant les clientes enceintes de leur
acheter leurs plus beaux poissons ?
PLOMB STOCKÉ DANS LE SQUELETTE MATERNEL

Le plomb traverse le placenta et peut donc exercer ses effets dès les premiers
stades du développement. Même si la femme enceinte n’est plus exposée au
plomb, elle peut quand même contaminer son fœtus : celui qu’elle a absorbé
auparavant, y compris durant sa propre enfance, est en effet stocké dans ses os
et peut y rester pendant des décennies, jusqu’à sa remobilisation au cours de la
grossesse et de l’allaitement, périodes pendant lesquelles elle puise dans le
calcium osseux38. Les répercussions sur sa progéniture sont parfois sévères et
irréversibles. Une étude américaine sur des enfants de 2 ans a démontré que
plus le squelette de la mère contient de plomb, plus leurs facultés cognitives
sont altérées39.
Depuis l’heureuse interdiction de l’essence au plomb au 1er
janvier 2000 dans les pays de l’Union européenne, la principale source
d’exposition à ce neurotoxique provient des aliments. Fait notable, la
population française y est très exposée par rapport à ses voisins européens,
comme le reconnaissent discrètement le ministère de l’Agriculture et sa
Direction générale de l’alimentation40. Les principaux contributeurs à l’apport
alimentaire en plomb sont les fruits de mer, le pain et les biscottes, les fruits et
légumes, l’eau du robinet, le thé, les boissons alcoolisées ou non alcoolisées,
les sucres et leurs dérivés, chacun apportant entre 5 à 10 % de l’apport total41.
L’un des paradoxes est que ces produits ne viennent pas tous de l’Hexagone,
loin s’en faut. Certains aliments peuvent présenter des teneurs
particulièrement élevées de plomb, comme les moules, les rognons, les
champignons dits “de Paris”… Nos vignerons ont longtemps contribué à cette
exposition en intégrant du plomb à leur vin pour activer sa fermentation et
obtenir une plus grande limpidité, auquel s’ajoutait celui qui provenait des
capsules en feuilles de plomb (interdites en 1993). Aujourd’hui encore, le vin
peut contenir du plomb via la robinetterie en bronze ou en laiton des pompes,
du revêtement des cuves et des tuyaux présents dans les caves de vinification
(chaque pompage “enrichit” le vin de 10 μg/l en moyenne42). Certes, les
femmes enceintes sont aujourd’hui incitées à suspendre leur consommation
d’alcool, mais cela ne réduit pas le plomb déjà fixé dans les os et les graisses.
L’usage intensif du plomb entre la seconde moitié du XIXe siècle et la fin du
XXe siècle a entraîné une importante contamination de l’environnement. Ce
plomb déposé peu à peu sur le sol ne se décompose pas, mais s’accumule. En
plus de ce “bruit de fond”, certaines situations exposent à des quantités
importantes. Des mères subissent des expositions intenses en milieu
professionnel43. Même la vie à la maison est souvent une source de
contamination. Les riverains d’incinérateurs ou d’usines de retraitement de
batteries sont exposés à une atmosphère chargée d’un cocktail de métaux
lourds, dont le plomb, ainsi qu’à des aliments davantage contaminés par le
dépôt de particules de plomb sur les terres agricoles et les jardins (fruits et
légumes feuilles, lait…).
Une étude française sur 1 000 mères de 3 maternités de la banlieue
parisienne montre leur forte imprégnation par le khôl (crayon pour les yeux) et
par des plats à tagine venant du Maghreb. De même, l’inhalation des
poussières provenant des peintures murales au plomb augmente la plombémie
dans le sang des mères exposées44. Signalons aussi que les verres et les carafes
en cristal contiennent environ 25 % de ce métal et en relarguent dans le vin du
fait de son acidité. Les couverts argentés cachent souvent des alliages mêlant
le plomb à d’autres métaux pour les alourdir et s’usent au fil des années. Si
l’on considère le fait que l’argent est aussi un neurotoxique, les couples qui
n’ont pas reçu de ménagères et de cristallerie pour fêter leur mariage ont évité
des “cadeaux empoisonnés”. Ceux qui sont nés avec une cuillère en argent
dans la bouche, en revanche, ont tout gagné.
BIOCIDES ET PESTICIDES

La liste des polluants qui ne se laissent pas arrêter par la barrière hémato-
encéphalique est loin d’être close. Biocides et pesticides font désormais partie
de l’univers familier de l’enfant.
Les biocides servent à éliminer toutes les formes de vie qu’on juge
indésirables (insectes, rongeurs, bactéries, mousses, moisissures…) dans les
jardins, les automobiles, les appartements et sur la peau. Autrement dit, ils
visent à tuer tout ce qui n’est pas humain, à l’exception de l’animal
domestique, pour lequel on a toutefois prévu des répulsifs parfois
neurotoxiques (pour le repousser de certaines zones ou pour éloigner ses
“parasites”). Les biocides entrent dans la composition de nombreux
désinfectants ménagers, produits cosmétiques, pommades, lotions, savons,
shampoings, dentifrices, déodorants… Certains sont diffusés à l’aide de
bombes aérosols ou de diffuseurs permanents, voire sont directement intégrés
dans les vêtements et les cuirs, dans les matériaux de construction, les
meubles, les colles, les caoutchoucs et les peintures. Au total, près
de 300 substances biocides entrent dans la composition de plusieurs dizaines
de milliers de produits. On en trouve jusque dans les emballages alimentaires
au contact de la nourriture, et dans les aliments eux-mêmes notamment sous la
forme de résidus de traitements. L’exposition a lieu aussi au contact des
animaux domestiques portant des colliers répulsifs anti-puces : plusieurs
études ont mis en évidence une élévation du risque de tumeur du cerveau chez
l’enfant en relation avec cette source d’exposition45. Chiens et chats sont
également de très efficaces vecteurs des biocides utilisés au jardin : deux jours
après la pulvérisation d’un herbicide, on retrouve celui-ci dans la maison46.
Devenus omniprésents, ce sont en outre de gros cumulards toxicologiques :
ils entraînent l’apparition de bactéries résistantes et agressent l’organisme en
profondeur car beaucoup sont neurotoxiques, perturbateurs endocriniens,
mutagènes et cancérogènes. Pour commencer à poser des limites, le Parlement
puis le Conseil de l’Union européenne ont voté, en 2010, un projet de
réglementation censé renforcer la sécurité des biocides, applicable à partir
de 2013. Mais ils ont oublié un point clé : la protection des groupes
vulnérables que sont les enfants et les femmes enceintes. Reconnaissant
d’abord que ces substances peuvent gravement endommager le système
nerveux des enfants et perturber le développement de leur cerveau, la
Commission européenne a suggéré, dans une première version de ce projet, de
remplacer les produits biocides par des alternatives plus sûres quand elles
existent. Mais après l’intervention des lobbies industriels, cette exigence a
finalement été écartée.
Les pesticides (insecticides, rondenticides, fongicides, herbicides…) sont
les biocides destinés à l’agriculture intensive, y compris dans sa variante dite
“agriculture raisonnée”. Egalement au nombre de plusieurs centaines de
substances distinctes, les ingénieurs de l’agrochimie les combinent en
d’innombrables produits différents. Pour les désigner de façon plus rassurante,
l’industrie s’efforce d’imposer l’expression “produits phytosanitaires”, voire
“phytopharmaceutiques”, laquelle est rentrée dans le langage réglementaire.
Mais ce traitement sémantique n’enlève rien à leurs propriétés
toxicologiques47. Même l’agriculture biologique a utilisé un insecticide
neurotoxique : la roténone, qui a été complètement interdite en 2011 au niveau
européen.
Les pesticides organophosphorés (tels que chlorpyriphos, malathion,
parathion…) ont été souvent utilisés à dose massive à partir des
années 1970 sur les fruits et légumes, la vigne, dans des lotions anti-poux et
des cosmétiques, puis à partir des années 1980 sur les grandes cultures
(céréales, colza…). Leur première utilité, pour l’industrie de la chimie, est
surtout d’avoir remplacé ceux de la génération précédente – les pesticides
organochlorés (DDT, lindane…) – qui étaient tombés dans le domaine public et
n’offraient donc plus la possibilité d’être exploités en exclusivité avec des
marges aussi confortables48. Ces nouveaux produits présentent d’autres
avantages pour leurs fabricants : alors que les précédents avaient une longue
durée d’action et un fort pouvoir de s’accumuler dans l’organisme, les
organophosphorés ont un effet immédiat plus puissant, mais ils se
décomposent plus rapidement, appelant des traitements fréquents. Ainsi, les
industriels vantent leur plus haute efficacité aux agriculteurs, ils évoquent leur
moindre persistance comme un argument de protection de l’environnement, et
ils augmentent leurs bénéfices par la fréquence des pulvérisations.
LES PESTICIDES NUISENT AU QI DES ENFANTS

Le mode d’action des insecticides vise le plus souvent le système nerveux : ce


sont des inhibiteurs de la cholinestérase. Les organophosphorés, inventés
durant la Seconde Guerre mondiale dans le cadre des armes chimiques,
provoquent une accumulation d’un neurotransmetteur, l’acétylcholine, sur les
synapses et bloquent ainsi la transmission de l’influx nerveux après une brève
période de stimulation. Cet effet paralyse et tue les insectes. Le problème est
que les produits ne font pas vraiment la différence entre ces animaux à sang
froid et les animaux à sang chaud ou l’homme.
Quel est l’impact de faibles doses de ces pesticides sur le cerveau en
développement ? On sait que l’acétylcholine est non seulement un
neurotransmetteur, mais qu’elle joue aussi un rôle déterminant dans le nombre
final de neurones. Une variation d’acétylcholine au début du développement
cérébral peut causer des dommages irréversibles au cerveau49.
Sous le soleil de l’Equateur, des enfants de 6 à 8 ans examinés par une
équipe de chercheurs équatoriens et américains ont révélé des différences de
dextérité, de vivacité, de coordination et de mémorisation “visio-spatiale” très
significatives selon les expositions de leur mère aux pesticides
organophosphorés pendant leur grossesse50. Les mères les plus exposées, qui
travaillaient dans la floriculture intensive où une trentaine de produits étaient
utilisés pour obtenir des fleurs impeccables ornant les salons des maisons
californiennes, ont eu des enfants dont le retard neurocomportemental
atteignait 1,5 à 2 ans par rapport à leurs camarades.
Des chercheurs américains et canadiens ont constaté, en mai 2010, que le
risque de voir apparaître un syndrome d’hyperactivité et d’inattention est
quasi doublé chez des enfants exposés à de faibles doses de pesticides
organophosphorés par rapport à des enfants très peu exposés51. Les enfants ne
sont d’ailleurs pas seuls à payer leur contamination au prix fort, d’autres
enquêtes épidémiologiques montrant qu’elle joue un rôle important dans
l’apparition, à l’âge adulte, de maladies neurodégénératives, comme nous le
verrons52.
Trois études publiées au printemps 2011 dans Environmental Health
Perspectives, la revue de référence mondiale des chercheurs en écotoxicologie,
sont encore venues confirmer les méfaits des pesticides organophosphorés sur
le cerveau en développement se traduisant plus tard par une diminution
significative du quotient intellectuel des enfants53.
Autre calamité, le chlordécone, insecticide organochloré extrêmement
persistant, abondamment utilisé jusqu’en 1993 sur les bananes des Antilles54,
est également un neurotoxique55. Bien sûr, la première source de
contamination des enfants par cette substance s’est faite via les parents
travaillant dans les bananeraies, mais aussi par les bananes elles-mêmes,
largement exportées en France métropolitaine de 1973 à 1993. Un bilan de
l’Inserm, en 2011, a fait ressortir que les terres resteront polluées durant des
siècles. Les enfants antillais y sont encore abondamment exposés par les
légumes racines (ignames, patates douces, carottes) et les produits de la mer.
Sous la pression des médias et de la population, le ministère de la Santé a
mis en place un Plan d’action chlordécone 2008-2010 visant à limiter
l’exposition de la population des Antilles à ce pesticide, et prévoyant une
surveillance épidémiologique des futures malformations congénitales (étude
“Ti-Moun”).
On connaissait depuis longtemps la toxicité envers les animaux à sang froid
de la perméthrine56, un insecticide utilisé pour tuer ou éloigner moustiques,
puces, fourmis, cafards, etc. En revanche, on pensait pouvoir utiliser ce
produit sans se mettre en danger. D’ailleurs, sur les bombes insecticides
contenant cette substance, l’innocuité du produit est constamment vantée :
“Odeur agréable, non toxique !”, “Le geste naturel !”. Or, une autre substance,
le pipéronyl butoxyde, ajouté pour prolonger la durée d’action de la
perméthrine, pose un sérieux problème. Il a été clairement démontré que cet
adjuvant pouvait entraîner des déficits intellectuels chez des enfants de 3 ans
dont les mères en avaient respiré durant leur grossesse57. Il existe pourtant un
produit de remplacement non dangereux, l’huile de sésame.
Les dossiers impliquant les pesticides pullulent. Mais ils ne sont, hélas !,
qu’une partie du problème. Les sources d’exposition aux neurotoxiques dès les
premiers stades de la vie et pendant l’enfance sont si nombreuses qu’elles
auraient dû pousser, depuis longtemps, les autorités à affronter le problème de
leur accumulation. Au contraire, le sujet reste couvert d’un voile de pudeur qui
laisse se multiplier les contaminations les plus lourdes, dont les conséquences
se font sentir longtemps encore après l’interdiction de produits souvent très
persistants, comme on va le voir avec les PCB.
LE LOURD HÉRITAGE DES PCB

Le cas des PCB (polychlorobiphényles), une petite famille de 209 polluants


dérivés du biphényl, est l’un des plus préoccupants. Commercialisés en
quantité industrielle depuis 1929 par Monsanto, rejoint par les grandes firmes
internationales de la chimie et de l’électricité (Bayer, Westinghouse, General
Electric, Rhône-Poulenc, Pechiney…), les PCB ont été utilisés dans les
transformateurs électriques et l’industrie nucléaire, dans les produits de
soudure, les huiles minérales, les plastiques, les peintures, les encres, les
laques, les colles, les insecticides, les papiers pour photocopies, les fours à
micro-ondes… En France, ils se sont faits connaître sous le nom de
“pyralènes” lors des incendies de transformateurs électriques, à Reims, en
janvier 1985, puis l’année suivante à Villeurbanne et à Bastia, où ils avaient
abondamment pollué l’environnement et contaminé des centaines de
personnes. Les PCB ont refait surface dans les affaires impliquant des fumées
d’incinérateurs (les PCB dits “dioxin-like”). Au cours des années 2000, on
reparlait d’eux en découvrant que les poissons du Rhône en contenaient des
taux les rendant souvent inconsommables (jusqu’à 40 fois la dose admissible
de l’OMS), suite aux rejets industriels qui ont durablement contaminé les
sédiments marins et surtout fluviaux.
Les PCB ont été interdits en 1972 au Japon, en 1976 aux Etats-Unis, et
seulement en 1987 en France. Mais on a découvert que le problème n’était pas
résolu pour autant. Les PCB font partie des toxiques qui continuent à nous
empoisonner longtemps, très longtemps après leur dispersion dans
l’environnement. Pour beaucoup d’entre eux, un siècle ne suffit pas à les
dégrader, et certains ont même le pouvoir de perdurer des milliers d’années58.
Malgré le plan national d’élimination lancé en 2001 par le gouvernement
Jospin, suite à une directive européenne, les PCB continuent donc de
contaminer l’alimentation des mères et, de fait, celle de leur embryon.
Fin 2010, l’association Génération future, qui regroupe notamment des
scientifiques pointant les méfaits des pesticides, tentait d’alerter les pouvoirs
publics avec une étude analysant les quatre repas types des enfants (petit
déjeuner, déjeuner, goûter et dîner) composés avec des produits de la grande
distribution59. Les résultats étaient assez désastreux pour intituler leur enquête
“Menus toxiques”. On y retrouvait 44 résidus de PCB, notamment dans le
poisson, le steak, le fromage, le lait et le beurre. En mars 2011, les résultats de
la première enquête française d’imprégnation par des polluants de
l’environnement lancée par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) cinq
ans plus tôt tombaient enfin. Ils révélaient des niveaux d’imprégnation des
Français par les PCB particulièrement élevés, supérieurs à ceux des Allemands
et quatre à cinq fois plus importants que ceux des Américains ou des Néo-
zélandais60.
Or la neurotoxicité développementale des PCB est bien documentée chez le
rat, le singe et plus récemment chez l’enfant61. L’imprégnation corporelle
d’une femme enceinte ou allaitante par des PCB a des conséquences négatives
sur les capacités de mémorisation et d’apprentissage, le développement
psychomoteur, le comportement (hyperactivité) et l’audition de ses enfants.
Les manifestations les plus visibles de cette contamination par les PCB (et
par le méthylmercure et le plomb) concernent encore davantage les
populations inuits : les études révèlent que de nombreux enfants inuits atteints
dans le ventre maternel l’ont été à nouveau par l’allaitement, puis en mangeant
à leur tour du poisson et des mammifères marins. On ne compte plus, parmi
eux, les cas d’altération de la vue et de difficultés cognitives, clairement
imputés à ces substances62.
PBDE, LES NOUVEAUX TOXIQUES

Les enfants n’ont donc pas fini de subir les conséquences de la contamination
massive de notre environnement par les PCB. “On a fait des conneries pendant
cinquante ans, maintenant il faut gérer. C’est la facture à payer des
années 1970”, conclut le toxicologue Jean-François Narbonne63. On aimerait
que cette facture ait servi de leçon. Mais l’exemple des retardateurs de flamme
bromés, c’est-à-dire des produits permettant de retarder l’inflammation des
matériaux traités64, qui sont utilisés de plus en plus massivement depuis une
trentaine d’années dans les équipements électroniques, le mobilier, le textile et
la construction, montre que les erreurs du passé n’instruisent pas toujours les
décideurs. Tout comme les PCB, les PBDE forment une famille de plus
de 200 membres, mais la ressemblance ne s’arrête pas là : ils sont persistants
dans l’environnement, bioaccumulables dans l’organisme, et leur structure
présente des analogies avec celle des hormones thyroïdiennes. En quelques
décennies, ces molécules ont contaminé tous les milieux : les sols, l’air, le
milieu marin, les aliments… Alors que les niveaux d’imprégnation des
humains par les PCB diminuent peu à peu, ceux des PBDE ne cessent
d’augmenter, en particulier chez les jeunes enfants contaminés via le placenta,
le lait maternel et l’air intérieur65, les nourrissons allaités absorbant davantage
de PBDE que les adultes via leur alimentation66 !
La neurotoxicité d’une exposition pré-et post-natale aux PBDE est bien
démontrée. Elle s’exerce à travers la perturbation de la thyroïde, mais aussi
par agression oxydante et en déréglant la sécrétion des neuromédiateurs67. Des
épidémiologistes ont montré que l’exposition aux PBDE de la mère pendant la
grossesse est associée à des perturbations neurocognitives chez les enfants, se
traduisant par une diminution de l’attention et du QI68. On sait aussi que les
femmes enceintes exposées aux PBDE ont des niveaux plus bas de
thyréostimuline, hormone stimulant le développement et la sécrétion de la
glande thyroïde69. Certains mécanismes de l’altération du développement
cérébral sont désormais connus : de faibles doses de PBDE réduisent les
capacités de migration et de différenciation des futurs neurones70.
Comment a-t-on pu laisser des industriels introduire dans notre
environnement quotidien ces tombereaux de molécules dont les scientifiques
soupçonnaient fortement dès le départ les effets délétères sur le cerveau en
développement ? Des mesures bien tardives commencent à être prises pour
limiter peu à peu les usages des PBDE : la Commission européenne a interdit en
2006 leur utilisation dans les nouveaux équipements électriques et
électroniques. Par ailleurs, elle a décidé d’obliger les industriels à remplacer
des PBDE classés dans la catégorie très préoccupante des substances PBT
(persistantes, bio-accumulables et toxiques) à partir de 201571.
UNE FOLLE BACCHANALE

Mais ce n’est pas tout. On dénombre aujourd’hui des centaines d’autres


substances industrielles capables d’engendrer des troubles neurologiques,
notamment d’altérer le développement du système nerveux du fœtus. Parmi
elles, la famille des solvants compte quelques-uns des neurotoxiques les plus
agressifs. Le toluène est l’un de ceux-là. On en compte aussi des dizaines
d’autres, dont l’acétone, le benzène, le chloroforme, le dichoroacétyl, le
diéthylène-glycol, le n-hexane, le méthanol, le styrène, le tétrachloroétane, le
trichloroéthylène, le xylène, le cumène… et bien sûr l’alcool. Des produits très
utilisés, surtout dans le cadre des activités professionnelles où les futures
mères peuvent être exposées à des degrés divers, quand ce n’est pas à la
maison en bricolant avec des colles, des vernis ou des peintures.
D’autres substances ont aussi fait la preuve de leur nocivité sur le petit être
qui va naître, comme l’aluminium, l’arsenic, le manganèse, les
perfluorocarbures (PFC72)… Ces derniers se sont glissés partout autour de
nous : dans les vêtements, les emballages de fast-food, dans l’eau… Et ils se
stockent dans nos organismes pendant des années sans se dégrader. Des
chercheurs américains de l’université de Boston ont montré une corrélation
linéaire entre les troubles de l’hyperactivité avec déficit de l’attention chez les
enfants et l’exposition à un PFC dans le cadre d’une exposition chronique à
faible dose, en examinant des centaines d’enfants de 12 à 15 ans73.
Devant l’inventivité des industriels qui créent sans cesse de nouvelles
molécules, cette liste ne cesse de s’allonger et de soumettre notre descendance
à un cocktail qui fait entrer toutes ces substances en interaction. Les premières
études sur leurs combinaisons montrent que leur pouvoir s’en trouve
généralement multiplié, comme le reconnaissait le service d’information de la
Commission européenne en mars 2010 après avoir fait travailler des
toxicologues internationaux sur le sujet pour mesurer l’ampleur du problème :
“Nous avons aujourd’hui la preuve que diverses associations de produits
chimiques réagissent dans le corps et forment des composés qui sont bien plus
forts que chaque substance prise séparément. Les recherches de l’université de
Göteborg, qui ont été menées en collaboration avec l’université de Londres, au
Royaume-Uni, ont montré que l’effet combiné du cocktail est bien plus
toxique que l’effet des substances chimiques individuellement74.” A la lecture
de ces lignes, les ministres européens de l’Environnement ont demandé à la
Commission européenne de “réviser les procédures d’évaluation des risques
des substances chimiques et [de] modifier la législation existante sur les effets
combinés des produits chimiques75”. Les commissaires de Bruxelles,
visiblement embarrassés par la complexité du sujet, faisaient savoir aux
ministres que “le nombre d’associations de substances chimiques est
impressionnant et il n’est tout simplement pas possible de tester chaque
association76”. Ce qui n’a pas empêché les ministres d’ouvrir le parapluie en
invitant par courrier officiel la Commission à “rédiger de nouvelles
recommandations sur la façon de gérer ces associations sur la base de la
législation existante et d’évaluer les changements législatifs pour 201177”.
Mercure, aluminium, plomb et pesticides font partie des substances qui
associent volontiers leur pouvoir délétère. Elles s’imprègnent durablement
dans l’organisme, entrant en synergie pour finalement perturber ou détruire les
cellules nerveuses78. Leurs effets complémentaires et combinés semblent
favoriser, voire initier, les différents processus qui concourent aux
neuropathies dégénératives et qui peuvent commencer très tôt : stress oxydatif,
affaiblissement des systèmes antioxydants, réactions inflammatoires
chroniques des tissus cérébraux qui conduiront à la formation de plaques
séniles… Le duo mercure-plomb joue à lui seul un rôle déjà menaçant :
“Ensemble, le mercure et le plomb amplifient l’expression de la protéine
précurseur amyloïde, le mercure de son côté stimule en outre la formation de
la bêta-amyloïde insoluble qui joue un rôle crucial dans la pathogenèse de la
maladie d’Alzheimer”, notait une équipe de recherche du département de
physiologie de l’université de Lausanne en 200679. “Un corpus considérable de
preuves suggère que le plomb et le mercure contribuent à l’étiologie des
maladies neurodégénératives et souligne l’importance de prendre des mesures
préventives à cet égard”, concluaient les chercheurs. Une synergie entre les
dioxines et le mercure a aussi été récemment mise en évidence80. D’autres
interactions peuvent survenir entre des médicaments et des substances
toxiques : la consommation d’antibiotiques chez les enfants empêche
l’excrétion du mercure, et de ce fait augmente l’imprégnation mercurielle81.
Les différentes formes d’une même substance peuvent aussi entrer en
synergie. On a pu démontrer, par exemple, que les capacités d’apprentissage
du jeune rat sont plus gravement diminuées si la mère en gestation a été
exposée à de faibles doses de mercure et de méthylmercure plutôt qu’à l’un ou
l’autre82. Ainsi, la proximité avec des industries émettrices de mercure
(incinérateurs, crématoriums, centrales thermiques) augmente l’exposition à la
forme inorganique qui, en venant s’ajouter au mercure apporté par les
amalgames et l’alimentation, potentialise les effets toxiques. Au Texas, il a été
observé une augmentation du taux d’autisme de 2,6 % par millier de livres de
mercure émis dans l’atmosphère par l’industrie83.
Des groupes de recherche toujours plus nombreux se penchent sur le lien
entre les expositions précoces et la survenue à l’âge adulte de maladies
neurodégénératives comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson ou des
troubles psychiatriques graves dès l’enfance. Cette approche a été approfondie
dès 2005 par une équipe de chercheurs américains appartenant à de
prestigieuses institutions scientifiques84, qui se sont appuyés sur un large
éventail d’études menées depuis les années 199085. L’autisme est devenu un
dossier phare à cet égard. Si le rôle du mercure apparaît comme l’un des plus
déterminants, la liste des substances que les scientifiques mettent sévèrement
en cause dans la survenue de cette pathologie prend des proportions
déconcertantes : pesticides86, aluminium87, polluants liés au trafic routier88,
solvants89, phtalates90, fumée de tabac (tabagisme passif ou actif de la
mère91), alcool92, plomb, fluor, PCB, PBDE… On découvre en fait que, tout
comme des cancérogènes différents peuvent concourir à l’apparition d’un
même cancer (ainsi, des dizaines de cancérogènes contribuent au
déclenchement du cancer du poumon), les neurotoxiques conjuguent leurs
effets sur certains mécanismes cérébraux et peuvent engendrer la même
affection qu’un seul d’entre eux à dose relativement élevée. Les perturbations
cérébrales entraînées par la présence de ces substances neurotoxiques sont
souvent communes : agression oxydante et neuroinflammation, diminution des
capacités de méthylation, chute de la production de glutathion (principal
antioxydant cellulaire, très impliqué dans la détoxification du mercure),
perturbation du fonctionnement des mitochondries (les usines énergétiques des
cellules93)… L’erreur serait de s’imaginer que chacune des substances agit
isolément et avec des effets complètement spécifiques. Bien sûr, ce cocktail
s’avère plus ou moins explosif selon la susceptibilité génétique et la capacité
de détoxification des personnes.
Les médecins de l’Académie américaine de pédiatrie, souvent en avance sur
leurs confrères européens, ont visiblement pris conscience de la grande
vulnérabilité des enfants soumis à cette multi-exposition. Ils ont lancé une
alerte officielle en direction du gouvernement américain en avril 2011,
l’exhortant à renforcer la protection maternelle et infantile face à ce danger94.
Ils rappellent que la réglementation sur les substances toxiques (The Toxic
Substance Control Act) date de 1976 et s’est montrée incapable de protéger la
population contre la multitude de produits nocifs déversés sur le marché. En
trente ans, seule une poignée de substances sur des dizaines de milliers a été
réglementée sur le sol américain. Les pédiatres exigent donc une refonte totale
de la loi. Ces révolutionnaires en blouse blanche vont même jusqu’à dénoncer
la croyance en une vie meilleure grâce à la chimie.
DISTILBÈNE, LE RETOUR

Le soupçon de neurotoxicité grandit aussi à l’encontre de certains


médicaments largement consommés. C’est le cas de la thalidomide, de funeste
mémoire, prescrite de 1957 à 1961 comme sédatif et anti-nauséeux aux
femmes enceintes. A l’origine de nombreuses malformations congénitales
(enfants nés sans membres), ce médicament est désormais considéré comme
ayant eu des répercussions intergénérationnelles d’ordre autistique95. Le
misoprostol, un gastroprotecteur longtemps prescrit à la mère pendant la
grossesse96, a lui aussi joué un rôle dans l’augmentation du risque d’autisme
du bébé97, de même que l’acide valproïque98 (antiépileptique, qui peut aussi
provoquer un syndrome parkinsonien chez la mère).
Le distilbène, lui, a fait encore plus de dégâts que l’on croyait. En effet,
cette hormone de synthèse prescrite aux femmes enceintes pour prévenir les
risques de fausses couches, d’hémorragies ou de naissances prématurées,
autorisée de 1940 jusqu’en 1971 aux Etats-Unis (1977 en France et en
Allemagne) malgré son inefficacité rapidement établie, sa cancérogénicité et
d’innombrables cas d’anomalies génitales reconnus, est à nouveau dans le
collimateur… Cette fois, c’est l’impact neurocomportemental à long terme du
médicament qui est en cause, lié à sa molécule synthétique dont le noyau est
benzénique. Aux Etats-Unis, où l’on estime que 4 millions de mères en ont
consommé, une étude publiée en 1983 a relevé un doublement de maladies
psychiatriques chez les descendants des femmes traitées99. Depuis, d’autres
études, chez l’animal et chez l’homme, sont venues confirmer les
perturbations de comportement dans la descendance exposée in utero au
distilbène100.
En France, c’est à la fin des années 1990 que des parents dont les enfants
étaient atteints de troubles psychiatriques ont commencé à suspecter le
distilbène. Ils ont fondé l’association Hhorages101, et lancé une enquête auprès
des mères traitées. Elle permettra de recueillir les témoignages de 1 152 mères
correspondant à 2 570 enfants, dont 1 611 ont été exposés au distilbène (mais
aussi à d’autres hormones féminines) in utero. Les résultats sont effrayants :
parmi les enfants exposés, plus de la moitié ont développé des troubles
psychiatriques à la post-adolescence (schizophrénie, troubles du
comportement alimentaire, troubles bipolaires, dépressions graves…), et
plusieurs se sont suicidés. Les parents ont tenté d’alerter l’Afssaps dès 1999.
Mais on ne peut pas dire que l’agence ait montré beaucoup d’empressement à
reconnaître l’intérêt du dossier présenté par l’association et sa présidente,
Marie-Odile Soyer-Gobillard, qui est par ailleurs directrice de recherche
émérite honoraire au CNRS et ancienne chercheuse de l’Inserm. Il leur a fallu
essuyer de multiples refus avant de réussir à retenir son attention. On peut
même se demander si leur compétence et leurs recherches solidement
argumentées sur le sujet n’ont pas eu pour effet d’effrayer l’Afssaps,
traditionnellement peu encline à voir épinglée la responsabilité de firmes
pharmaceutiques dans des affaires de santé publique. En tout état de cause,
c’est une nouvelle fois une association qui a tiré la sonnette d’alarme et qui a
dû apporter ses propres résultats d’enquête aux autorités sur les effets
secondaires d’un médicament.
L’Inserm a repris et élargi l’enquête pour approfondir le lien entre
l’exposition maternelle au distilbène et la survenue de maladies psychiatriques
chez un millier de mères et leurs descendants102. Le Dr Oussama Kébir,
biologiste moléculaire et membre de l’équipe Inserm, décrit le protocole de
recherches qui “consiste en une prise de sang pour une recherche en génétique,
un entretien avec une psychologue, des tests neurologiques, une empreinte de
main (qui permet de révéler un incident éventuel au cours du développement)
et des questionnaires à remplir103”. En 2010, le chercheur a présenté l’un des
objectifs de l’étude à l’assemblée générale de l’association Hhorages : “Cette
recherche a pour but d’établir un profil clinique des pathologies et de valider
l’hypothèse que le distilbène et/ou d’autres hormones de synthèse ont pu
modifier l’ADN ou une partie de l’ADN des enfants et troubler l’expression de
gène (s) par un phénomène de méthylation104. La relation entre une
méthylation et l’apparition de la maladie mentale est de plus en plus reconnue,
les premiers travaux datent de 2006105.” Il a expliqué la nécessité “d’établir
une méthodologie rigoureuse qui écarte tout autre facteur d’action sur les
gènes que l’exposition in utero aux hormones de synthèse et de repérer les
gènes (dits de vulnérabilité) qui pourraient être concernés. Du point de vue de
la méthode, des comparaisons s’imposent à l’intérieur des fratries, par
exemple comparaison du génome (ensemble des gènes) de la personne atteinte
de troubles psychiques qui a été exposée au distilbène in utero avec celui d’un
membre de la fratrie non exposé, non atteint, pour voir s’il y a une différence
au niveau des méthylations. La participation a été à ce jour de 25 trios : père,
mère, enfant, de 14 couples mère-enfant, et de 26 fratries […]. Les troubles
ont été identifiés : schizophrénie, bipolarité, troubles du comportement
alimentaire, TOC. Une analyse fine est en cours106”.

Distilbène, une histoire sans fin

Le distilbène, censé prévenir les fausses couches, a été prescrit


de 1948 à 1971 aux Etats-Unis. En France, où le lobbying de l’industrie
pharmaceutique a été plus efficace, il a fallu attendre 1977 pour y mettre
fin officiellement. Outre ses effets neurotoxiques, ce médicament est à
l’origine d’atrophies des testicules, d’utérus en “T”, d’affaiblissement de
la qualité du sperme, de stérilité, etc. Une étude parue en 2011 révèle que
le distilbène a des effets tératogènes sur la troisième génération avec une
incidence plus élevée que sur la deuxième. En 2006, la Cour de cassation a
confirmé la responsabilité du laboratoire UCB-Pharma en France pour ces
pathologies et, en 2011, cette firme a dû indemniser un petit-fils
handicapé.

A l’évidence, le ventre maternel n’est plus ce qu’il était. Reflet de son


environnement et de son époque, son enceinte offre une protection très relative
contre les intrus chimiques. Et les échanges nourriciers avec son fœtus portent
la trace funeste de la variété des poisons que la mère n’a pu éviter d’absorber.
Il ne fait aujourd’hui plus le moindre doute que les expositions in utero aux
substances neurotoxiques ont atteint un niveau délétère qui contribue à
l’explosion des affections neurologiques et des perturbations du
développement du système nerveux central. Hélas ! en quittant le ventre
maternel, notre bébé retrouve tous ces compagnons indésirables, et bien
d’autres. Tout d’abord à travers le lait maternel…
ALLAITER, POUR COMBIEN DE TEMPS ENCORE ?

Les polluants se stockant surtout dans les graisses, le lait peut présenter des
taux de contamination élevés. Le problème est si aigu que les plus éminents
toxicologues en viennent à s’interroger sur l’intérêt de l’allaitement dans nos
sociétés industrialisées. Aussi incroyable que cela paraisse, la question se pose
en effet, tant qu’on n’a pas réussi à baisser les taux de contamination du lait en
réduisant les expositions des mères. Expert toxicologue à l’Agence française
de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), Jean-François Narbonne trouve
légitime de s’interroger à ce sujet, notamment au regard des concentrations en
bisphénol A provenant par exemple des revêtements intérieurs des boîtes de
conserve. Une concentration dans le lait maternel parfois beaucoup plus élevée
que celle du lait contaminé par les biberons en plastique ! Le bisphénol A a,
lui aussi, des effets neurotoxiques. En perturbant le fonctionnement de la
thyroïde, il abaisse le taux d’hormones thyroïdiennes, ce qui peut altérer non
seulement le développement du système nerveux du fœtus mais également
celui du jeune enfant à des doses inférieures à la dose journalière
admissible107. Le toxicologue reste encore favorable à l’allaitement maternel,
mais il montre que même un expert habitué à affronter le problème avec la
froide pondération requise par son institution est désormais obligé d’évaluer
son rapport bénéfice-risque, comme s’il s’agissait d’un médicament à mettre
sur le marché ou d’un nouveau produit chimique. Sa réponse révèle un certain
embarras puisque après s’être alarmé des taux effarants de toxiques accumulés
par l’enfant, il s’adoucit devant le sein : “Faut-il conseiller l’allaitement
maternel sachant qu’une partie des substances toxiques de la mère se trouvent
dans le lait ? Si les graisses de la mère sont contaminées, les graisses du lait
seront aussi contaminées. Et l’enfant sera exposé. Pour les contaminants
persistants, l’enfant constitue un stock qui peut représenter 10 % de son stock
à l’âge adulte. Mais l’allaitement maternel présente beaucoup d’avantages, et
les effets toxiques éventuels de ces substances ne constituent pas un risque
important par rapport aux bénéfices. Si l’imprégnation de la mère doit avoir
une répercussion chez l’enfant, ce n’est pas tant au moment de l’allaitement
qu’au cours de la gestation, lorsque le fœtus se développe108.”
De fait, notre société s’est si peu prémunie contre l’invasion des substances
toxiques d’origine industrielle qu’elle a fini par créer une situation
complètement paradoxale : elle a inversé la qualité du naturel en le polluant à
outrance. Comme il est aujourd’hui dangereux de manger trop de poissons
sauvages, du fait de leur teneur en mercure et en PCB (nous avons vu que la
situation est tellement folle qu’il est préférable de consommer du poisson
d’élevage nourri avec des aliments non contaminés109), le lait maternel est en
passe de devenir plus pollué que le lait industriel ! Mais on ne peut pas
promouvoir ce dernier qui, sans présenter les avantages du lait maternel, a un
niveau de contamination comparable à bien des égards, notamment en ce qui
concerne le mercure110. Une étude suédoise soulignant le passage
d’importantes quantités de mercure des amalgames dentaires de la mère vers
son lait concluait fort justement : “Le lait maternel est un aliment unique et
complet pour le nouveau-né. Par conséquent, tous les efforts devraient être
fournis pour empêcher sa contamination par des polluants111.” La même étude
insistait tout particulièrement sur la nécessité d’éliminer l’exposition au
mercure dentaire des femmes en âge de procréer.
Le Réseau environnement santé (RES), rassemblant de nombreuses ONG, des
médecins, des scientifiques et de simples citoyens, a effectué une veille
scientifique (que n’avait pas menée l’Afssa112) et a alerté l’opinion sur les
risques liés à l’exposition précoce au bisphénol A. Un projet d’interdiction de
cette substance dans les biberons par la Commission européenne a été lancé
pour juillet 2011113. Mais le RES demande à la Commission européenne d’aller
plus loin et de protéger l’ensemble des nourrissons (y compris ceux qui sont
allaités) et des fœtus, en abaissant l’exposition maternelle. Les femmes les
plus exposées sont, selon une récente étude américaine, les caissières (qui se
contaminent en manipulant les tickets de caisse) et celles qui consomment au
moins une boîte de conserve par jour (le bisphénol A migre à partir du film
plastique recouvrant l’intérieur des conserves et des canettes114).

En venant au monde, le nourrisson rencontre les molécules neurotoxiques


qui peuplent l’air qu’il respire et qui composent les matériaux avec lesquels il
entre en contact par la peau et la bouche. Ses linges, sa couverture et tous les
textiles qui l’environnent (moquette, rideaux, tissu des fauteuils…)
comportent des neurotoxiques. L’eau qu’il boit, surtout si elle provient du
robinet, n’y échappe pas. Elle peut même représenter l’un des apports les plus
redoutables. Des données du ministère de l’Environnement révèlent que
15 millions de Français reçoivent une eau contenant de l’aluminium, lequel
provient généralement des stations de traitement de l’eau… Les entreprises
chargées de la purifier et de l’acheminer jusqu’à nos maisons traitent en effet
l’eau avec des substances qui ne sont pas toujours très recommandables. Au-
delà des problèmes que pose le chlore, dont le rapport bénéfice-risque repose
tout de même sur l’intérêt de tuer les bactéries115, le problème de l’aluminium
dans l’eau est tout autre : son usage est juste destiné à rendre l’eau plus claire,
quoique dans ce cas la plus grande transparence n’est que la traduction d’une
plus grande contamination chimique ! Usage d’autant plus scandaleux que
l’aluminium est un neurotoxique avéré, qu’il est notamment l’un des facteurs
déterminants de la maladie d’Alzheimer, et que d’autres solutions existent,
comme l’utilisation de sels ferriques dont l’emploi dans certaines villes,
comme à Paris, s’est imposé depuis plusieurs décennies sans alourdir la
facture des usagers. La vérité est que les grandes compagnies qui l’utilisent
toujours rechignent à moderniser leurs installations pour éviter un surcoût,
alors que leurs bénéfices sont gigantesques116. Nous verrons que l’eau contient
aussi un cocktail d’autres neurotoxiques117.
Les phtalates, largement utilisés depuis cinquante ans, notamment dans les
plastiques et les cosmétiques, sont des perturbateurs endocriniens bien connus
qui ont aussi un impact sur le développement du cerveau en perturbant la
thyroïde118. Des études récentes ont mis en évidence une association entre
l’exposition maternelle aux phtalates et des effets neurologiques chez l’enfant,
ou un risque plus élevé de syndrome d’hyperactivité et d’inattention119. Or,
après la naissance, l’exposition concerne au premier chef les plus vulnérables
que sont les prématurés. Le comble est que les phtalates sont présents dans les
poches de perfusion et les cathéters en plastique souple utilisés pour leur
alimentation, ce qui leur permet de migrer dans le liquide de perfusion. Cette
exposition est importante pour des enfants de leur taille. Il est invraisemblable
que l’usage des phtalates dans la fabrication de ces poches ait encore cours. Le
Comité pour le développement durable en santé regroupant des professionnels
du soin a lancé, le 23 juin 2010, une campagne sous le slogan “Les sextoys
sans phtalates existent, pourquoi pas les dispositifs médicaux120 ?” Ils
rappelaient qu’aux Etats-Unis, au Canada, en Suède et en Autriche, les
hôpitaux ont limité, voire éliminé, les phtalates des services de néonatalogie.
Ce faisant, ils songeaient à leurs effets cancérogènes, mutagènes et toxiques
pour la reproduction, oubliant de signaler qu’il s’agit aussi de neurotoxiques.
Le jour même, une députée européenne déposait une proposition de loi pour
réduire l’usage des phtalates dans les établissements médicaux121.
Malgré l’interdiction d’une partie d’entre eux par la Commission
européenne, ils sont encore présents dans certains jouets, dans des revêtements
de sols en PVC et dans les aliments gras (fromages, beurre, lait, viandes…) par
contamination via des emballages et des films alimentaires. Le jeune enfant,
qui marche à quatre pattes et porte tout à sa bouche, en avale des quantités très
importantes au regard de sa petite taille. A cet égard, le formamide, un autre
toxique utilisé dans certains jouets comme les fameux tapis puzzles pour
bébés qui ont fait la une de l’actualité en décembre 2010, n’est qu’un
épiphénomène. La décision de la Commission européenne de l’interdire à
partir de 2013 ne doit pas nous faire oublier la diversité des neurotoxiques et
de leurs emplois.
Rappelons qu’en outre, le petit enfant n’est pas un homme miniature, mais
un organisme différent : par exemple, sa barrière intestinale est moins étanche
aux substances toxiques. De même, sa barrière hématoencéphalique (qui est
censée protéger le cerveau) est immature, c’est-à-dire moins efficace que chez
l’adulte. Par ailleurs, les mécanismes de détoxification ne sont pas encore mis
en place.
UN GOÛT SUCRÉ

L’enfant peut être exposé au plomb contenu dans certaines eaux du robinet, les
vieilles peintures à la céruse, les aliments (notamment ceux conservés dans
des céramiques artisanales), et même les jouets malgré la loi interdisant cet
usage. Chaque année, le père Noël continue d’apporter au pied du sapin des
petites voitures dont la peinture détient des taux très élevés de plomb, comme
l’a révélé la base Rapex de la Commission européenne en 2010.
Le 25 février 2010, prenant le mors aux dents, la Fédération nationale des
accidentés du travail et des handicapés (Fnath) lançait un appel public pour
que le saturnisme soit reconnu comme “grande cause nationale” par les
pouvoirs publics et le Parlement. Encore souvent présent en France,
notamment dans d’innombrables tuyaux de canalisation et dans des peintures
couvrant des murs de logement, le plomb est connu pour ses effets sur le
cerveau depuis… l’Antiquité. “L’Inserm avance le chiffre de 85 000 enfants
qui auraient contracté le saturnisme en raison d’un logement insalubre avec
des peintures au plomb. Les pouvoirs publics connaissent cette situation…”
rappelle la Fnath. Il s’agit pourtant d’une affection grave. Quand ils n’en
meurent pas, les enfants atteints souffrent en effet de séquelles souvent
irréversibles liées aux altérations du système nerveux central. Les capacités
intellectuelles peuvent être sérieusement entamées. Ces enfants voient leurs
chances à l’école et dans la vie “fondre en raison d’une indifférence des
pouvoirs publics et d’une méconnaissance de nombreux acteurs”, accuse la
Fédération qui a rejoint le combat de l’Association des familles victimes du
saturnisme (AVS) mobilisée sur le problème à la fin des années 1990 pour faire
bouger les responsables politiques et sanitaires. Devant leur passivité
inexplicable, ces organisations ont décidé de prendre l’opinion publique à
témoin et de décrire la situation, quitte à se fâcher avec les autorités, en
particulier avec les ministères directement concernés : la Santé, le Logement,
l’Environnement… Sur la présence de plomb dans les peintures murales, par
exemple, elles revenaient sur des incohérences qui semblent nous ramener des
siècles en arrière, avant même le premier ministère de l’Hygiène publique :
“Des enfants subissent des traitements de chélation à l’hôpital pour leur
enlever le plomb de leur sang. Mais le plomb s’est déjà stocké dans leurs os.
Ils sont en général ensuite remis dans leur logement où ils continueront à
s’intoxiquer. Les autorités de santé savent tout cela… Pourquoi ne font-elles
rien ou si peu ? Les ouvriers travaillant dans un environnement fortement
plombé s’intoxiquent et intoxiquent leurs enfants à leur retour du travail.
D’autres enfants respirent les poussières de plomb lorsque des travaux sont
menés dans leur logement. Pour éviter ces intoxications, il faut absolument
mettre sur pied un protocole de travaux contraignant pour éviter une mise en
danger quotidienne. Les pouvoirs publics savent que c’est nécessaire…
Pourquoi ne le font-ils pas ? Certains responsables de départements français
adoptent la politique de l’autruche : ils ne mènent pas de campagne de
dépistage du saturnisme. Les enfants s’intoxiquent sans doute aussi sans que
les autorités sanitaires départementales ne veuillent le voir ou le savoir.
Jusqu’à quand ?” Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, ne leur a pas
répondu. Pas plus que les autres ministres, les préfets, les directions de
l’action sanitaire et sociale…
Il est bon de savoir que le seuil d’alerte pour l’enfant est
de 100 microgrammes par litre de sang. A ce niveau, les autorités sanitaires
doivent obligatoirement intervenir pour soustraire l’enfant à son
environnement. Par contre, si la plombémie se situe juste en dessous de ce
seuil, personne n’intervient et l’enfant n’est même pas suivi médicalement,
alors qu’on sait avec certitude qu’entre 10 et 100 microgrammes, il existe des
risques avérés de troubles psychomoteurs et de diminution des facultés
intellectuelles. Cette attitude est proprement scandaleuse. D’autant que la
communauté scientifique s’accorde pour affirmer qu’il n’existe pas de seuil en
dessous duquel une exposition au plomb est sans danger122. Le retard apparaît
encore plus révoltant quand on songe aux innombrables alertes répétées depuis
le XIXe siècle, en France et dans le monde. Georges Clemenceau exprimait déjà
sa colère en 1904 devant l’Assemblée nationale et dans le journal L’Aurore
pour demander l’interdiction de certains usages du plomb en en déplorant
l’impact sur les enfants.
En fait, on s’est contenté d’ignorer durant plus d’un siècle toutes les
observations concernant les expositions infantiles, pourtant publiées dans
d’importantes revues anglo-saxonnes. A commencer par celles du pédiatre J.
Lockhart Gibson qui, dès les années 1890, signalait une épidémie de troubles
neurologiques graves (convulsions, coma…) touchant des enfants australiens
se plaisant à boire l’eau sucrée qui coulait des vérandas peintes au blanc de
plomb123. C’est précisément ce goût sucré qui pousse encore aujourd’hui les
enfants à sucer les écailles des vieilles peintures au plomb. Aux Etats-Unis,
en 1917, Kenneth Blackfan, un médecin hospitalier de Baltimore, relatait
l’empoisonnement au plomb chez des enfants dont le comportement devenait
grognon, agité, convulsif, puis révélait une encéphalopathie124. Il tirait la
sonnette d’alarme : “Il faut d’urgence prendre des mesures de prévention
énergiques avec les jeunes enfants qui prennent l’habitude de mordiller la
peinture blanche au plomb qui recouvre leurs lits.” La ville de Baltimore
prendra le problème au sérieux et mettra en place… un programme
d’éducation des parents. Le reste du pays continuera de l’ignorer pendant
quarante ans.
Malgré l’existence des centres de Protection maternelle et infantile (PMI) et
un maillage national de médecins pédiatres, les observateurs français ne
découvriront l’existence d’une épidémie de saturnisme infantile qu’à partir de
l’hospitalisation d’un énième enfant intoxiqué en… 1985. Découverte
qualifiée d’“accidentelle”, la pédiatre ayant soupçonné de façon fort
inhabituelle le plomb d’être à l’origine de l’anémie de l’enfant, car elle avait
longtemps exercé en Afrique et avait été confrontée à des empoisonnements au
plomb. Le diagnostic souleva à l’époque la surprise de tous les professionnels
de santé, qui pensaient la maladie tombée depuis longtemps dans les oubliettes
de l’histoire de la médecine. Ce fut ce cas, suivi de nombreux autres, qui
déclencha la mobilisation contre la maladie liée aux logements insalubres,
d’abord à Paris puis dans les autres villes125. Mais vingt-cinq ans plus tard,
notre riche pays compte toujours de nombreux logements aux peintures et aux
canalisations contaminantes. Et il arrive encore qu’on replace les enfants,
après leur hospitalisation, dans le milieu où ils seront à nouveau exposés, faute
de travaux. Quant à l’eau du robinet, les firmes opulentes qui gèrent sa
distribution dans les villes et les villages de France prennent tout leur temps :
sous la pression des instances européennes, elles ne changent que très
progressivement les canalisations en plomb situées dans leur périmètre de
responsabilité, c’est-à-dire de la rue jusqu’aux propriétés. Le reste est laissé au
bon soin des propriétaires, lesquels sont rarement conscients des problèmes
sanitaires tant que la loi ne leur impose pas des obligations.
VACCINS À L’ALUMINIUM ET AU MERCURE POUR LES
BÉBÉS

L’usage de l’aluminium et du mercure dans les vaccins offre un exemple


effarant de cette négligence coupable. En 2010, la mise sur le marché du
Prévenar 13®, un vaccin contre la méningite, la pneumonie et l’otite,
massivement prescrit aux nourrissons de 6 semaines et aux enfants jusqu’à
l’âge de 5 ans, a illustré une nouvelle fois cette indifférence persistante des
structures sanitaires envers les neurotoxiques. L’agence européenne du
médicament a autorisé le vaccin sans exiger du fabricant qu’il utilise un autre
adjuvant que l’aluminium, alors que la substitution est parfaitement possible
et que ce métal est déjà trop souvent présent dans les produits de
vaccination126. Le Prévenar 13®contient 0,5 mg de sel d’aluminium par dose
(la même quantité que sa version précédente, le Prévenar®). En outre, son
schéma vaccinal préconise quatre doses pour chaque nourrisson, en trois
injections plus une en rappel, soit 2 mg au total127.
En 2011, l’Afssaps a fait savoir qu’un “plan de prévention des risques” a été
mis en place sur ce vaccin, sans plus de précision. L’information de l’agence
est si succincte que nous devons aller chercher d’autres documents dans ses
archives pour savoir quels sont les cas d’effets secondaires graves relevés dans
le cadre du recensement des accidents vaccinaux. Nous les trouvons
finalement dans les comptes rendus de réunions successives de la Commission
nationale de pharmacovigilance entre 2005 et 2009 qui réunit les représentants
des firmes pharmaceutiques et les experts de l’Afssaps. On y apprend que plus
d’une centaine de cas dramatiques ont été signalés entre 2001 et 2004 suite à
l’administration du vaccin Prévenar® commercialisé avant le Prévenar 13®128.
Parmi les réactions post-vaccinales graves, la Commission de
pharmacovigilance notait le risque de méningite à pneumocoque (19 %), de
convulsions (12 %), de fièvre (9 %), de mort subite, de troubles du sommeil,
d’irritabilité et de réactions allergiques. On note parmi eux des cas de
syndromes de Kawasaki, inflammation artérielle pouvant être mortelle et se
manifestant en particulier par des signes neurologiques habituellement
reconnus comme spécifiques tels que l’irritabilité, la méningite lymphocytaire
aseptique ou la paralysie faciale129. Nous découvrons à cette occasion que
l’Afssaps avait sollicité en 2003 tous les pédiatres de France pour participer
aux notifications, mais que seuls 14 % d’entre eux ont daigné y consentir130 !
Une importante sous-estimation des cas de réactions sévères permettait donc
de soupçonner que le nombre de cas notifiés n’était que la partie émergée de
l’iceberg.
Une réunion de la Commission nationale de pharmacovigilance,
le 27 janvier 2009, confirmait la fréquence des complications et, au-delà,
signalait 23 cas de décès, dont 11 morts subites, entre le 1er octobre 2004 et
le 31 décembre 2007.
Nous ignorons dans quelle mesure le phosphate d’aluminium que contient le
Prévenar® parmi ses excipients est en cause dans les complications
neurologiques. Mais la neurotoxicité des sels d’aluminium, que des
toxicologues ont fermement pointée depuis plus de trente ans, nous inquiète
particulièrement. S’il est problématique de les incorporer aux vaccins pour
adultes, il devient pour le moins périlleux de les administrer à des enfants, qui
plus est, à des nourrissons. L’EMA justifie leur usage en disant que “le vaccin
est fixé sur un composé aluminium pour favoriser la réponse immunitaire”.
Cette information sommaire que l’agence européenne donne à tous ceux qui
s’interrogent tend à occulter le fait que le rapport bénéfices-risques de
l’aluminium dans les vaccins suscite un large malaise dans la communauté
scientifique.
Environ la moitié des vaccins administrés aux Français contient de
l’aluminium. Les firmes l’intègrent avec la même générosité dans leurs
principaux vaccins destinés aux enfants : coqueluche, diphtérie, méningite,
polio, tétanos, poliomyélite, hépatite B et hépatite A… On peut d’ailleurs se
demander pourquoi certains industriels ont la main plus lourde que d’autres
(jusqu’à quatre fois !) alors que leurs vaccins adjuvantés sont censés avoir une
efficacité similaire. Cette variabilité surprenante, pour ne pas dire irrationnelle
et irresponsable, traduit le flottement des connaissances relatives au rapport
dose-efficacité des sels d’aluminium sur les mécanismes immunitaires.
Le programme vaccinal type des enfants de 2 à 16 mois les amène à
recevoir, proportionnellement à leur poids, des doses d’aluminium très
supérieures aux valeurs limites fixées pour les adultes. Si l’on se réfère aux
repères donnés par l’Académie américaine de pédiatrie, 100 μg par litre de
sang peuvent déjà représenter un danger pour l’homme131. Or, un seul vaccin
suffit parfois à administrer à un bébé une quantité dix fois plus grande que
celle qui l’exposerait à un risque toxique, comme le rappellent le pédiatre
Robert W. Sears et la journaliste Virginie Belle132.
L’industrie pharmaceutique et les autorités justifient l’emploi de
l’aluminium par sa capacité d’accroître la réponse immunitaire de l’organisme
mais ils omettent en général d’aborder le problème de sa neurotoxicité,
pourtant très préoccupante, auquel s’ajoute le pouvoir de l’aluminium de
persister au sein des cellules et d’y exercer durablement ses effets délétères.
Cette persistance inquiète par ailleurs des observateurs qui craignent
précisément qu’en suscitant une réaction immunologique à trop long terme, il
sollicite abusivement l’organisme en surexploitant le système immunitaire.
Les producteurs de vaccins préfèrent oublier qu’ils pourraient employer des
substituts, comme le phosphate de calcium, constituant naturel de l’organisme
plus inoffensif qui a été utilisé jusqu’au début des années 1990, époque où il a
été détrôné par les sels d’aluminium moins coûteux. En choisissant ces
derniers, les industriels ont privilégié le calcul financier sur la prévention
sanitaire, même s’ils rechignent à l’avouer et mettent en avant la formule plus
abstraite selon laquelle l’aluminium présente “le meilleur rapport coût-
efficacité”. Hélas ! ce rapport coût-efficacité ne laisse pas apparaître le coût
humain et économique des affections neurologiques qui en résultent alors que
les études pointant les effets de l’aluminium continuent à s’amasser.
En 2010, Pfizer envisageait que le marché mondial du Prévenar 13®
atteigne 4,5 milliards de dollars, soit à lui seul un cinquième du marché total
des vaccins estimé à 24 milliards de dollars. Un fabuleux gisement
commercial qui n’a pas contribué à ce que les actionnaires s’inquiètent outre
mesure du problème…
L’aluminium n’est pas le seul métal neurotoxique utilisé dans les vaccins.
Le mercure est aussi employé depuis les années 1950, en tant que conservateur
et comme biocide au cours de la fabrication. Le mercure entre pour moitié
dans la composition du thimérosal qui est le conservateur de nombreux
vaccins multidoses. C’est le cas du vaccin contre la grippe A-HINI multidoses
(Panenza® de Sanofi-Pasteur et Focetria® de Novartis) qui a été massivement
prescrit en 2009-2010. Le comble est que le ministère de la Santé a
recommandé cette vaccination avec le Panenza® (en version multidoses) pour
les femmes enceintes et les jeunes enfants. Les experts officiels ont affirmé
que ces vaccins étaient inoffensifs en raison de l’absence d’adjuvants, mais ils
sont restés d’une discrétion absolue sur le fait qu’ils contenaient une quantité
substantielle de mercure, soit 45 μg de thimérosal par dose. Nous avons
calculé qu’une dose de Panenza® a apporté à un jeune enfant six fois la dose
journalière admissible pour le mercure133. Visiblement les autorités sanitaires
craignent de braquer les projecteurs sur l’injection de millions de doses de
mercure alors que de multiples publications scientifiques américaines
suspectent le rôle de cofacteur du thimérosal dans la flambée de l’épidémie
d’autisme et d’autres troubles neurologiques aux Etats-Unis134.
Certaines de ces études ont montré que les nourrissons américains ont reçu,
jusque dans les années 1990, un apport cumulé de mercure supérieur au taux
maximum recommandé par l’EPA. L’American Academy of Paediatrics et le
Service de santé publique américain ont donc recommandé en juillet 1999 le
retrait rapide du thimérosal des vaccins pour les enfants. L’OMS et l’EMA ont
fait aussitôt de même, par “mesure de précaution”, sans toutefois l’interdire.
En 2000, l’Afssaps leur a emboîté le pas, mais elle recula en octobre 2009, à
la veille de la campagne de vaccination contre la grippe A-HINI : “L’existence
du risque neurologique [présenté par le thimérosal] n’est pas établie au plan
scientifique sur la base des études épidémiologiques existantes”, déclarait-elle
dans un avis, tout en reconnaissant que ces études ne permettent pas de
l’écarter135. Au passage, l’Agence concédait qu’“aucune étude relative à
l’éventuel impact sur le développement embryonnaire et fœtal en cas de
vaccination de la femme enceinte n’est disponible”…
Au cœur de l’été qui suivit la tonitruante campagne de vaccination contre la
grippe A-HINI, les centres de pharmacovigilance suédois et finlandais révélaient
la survenue de 12 cas de narcolepsie chez des enfants, un à deux mois après
une vaccination par Pandemrix®, le vaccin de loin le plus utilisé en Europe.
Cette maladie, caractérisée par d’irrésistibles épisodes de somnolence diurne
s’accompagnant d’accès de cataplexie, de pertes brutales de tonus musculaire
et d’un état de fatigue intense, était pour la première fois soupçonnée d’être
liée à une vaccination. Six mois plus tard, le 1er février 2011, l’Institut
national finlandais pour la santé (THL) confirmait le lien de causalité. Soixante
jeunes Finlandais âgés de 4 à 19 ans avaient contracté cette pathologie peu
après la vaccination, pour la plupart après un vaccin Pandemrix®. L’Institut
estimait que la vaccination avait multiplié par neuf le risque de narcolepsie.
En France, l’Afssaps estimait quant à elle que le “lien entre la vaccination
contre la grippe A-HINI et la survenue de narcolepsie n’avait pas été établi”.
LE GAVAGE MÉDICAMENTEUX DES BÉBÉS

L’industrie pharmaceutique ne craint pas d’ajouter d’autres sources


d’exposition aux neurotoxiques. La régurgitation du bébé après la tétée, qu’on
évite traditionnellement en prenant le bébé contre soi et en tapotant
légèrement son dos pour obtenir le rot, a été redéfinie par les firmes. Elles
l’ont médicalisée sous le nom de “reflux gastro-œsophagien du nourrisson”
(RGO) et proposent des médicaments anti-reflux, des laits supplémentés en
agents anti-RGO, des “stimulants de la motilité gastrique” pour “renforcer le
tonus musculaire de l’œsophage et de l’estomac”, des anti-sécrétoires
d’acidité, à prendre quatre fois par jour ou avant chaque repas, des pansements
gastriques contenant de l’hydroxyde d’aluminium, voire des anti-vomitifs
comme la métoclopramide136 (neuroleptique qui prévient le vomissement en
bloquant les zones dopaminergiques du cerveau)… Rappelons que certains de
ces médicaments dont la consommation est rapidement devenue très large ont
d’abord été proposés, lors de leur mise sur le marché, pour des cas de
“régurgitation pathologique”. Ce fut le cas du cisapride, autorisé en 2002, dont
les effets indésirables officiels forment un éventail assez impressionnant :
maux de tête, troubles cardiaques (parfois mortels), vomissements, diarrhées
et nombreuses interactions médicamenteuses137. Des sites santé, financés par
des firmes pharmaceutiques, en font encore la promotion sur Internet, oubliant
de dire aux mamans que l’organisme du nourrisson finit par remédier lui-
même à cette régurgitation après quelques mois, alors que la durée des
traitements les dépasse souvent car ils occultent les signes de la régulation
naturelle.
Les médicaments pour les bébés comportant des substances neurotoxiques
sont innombrables. L’exemple de deux sirops antitussifs (Broncalène
nourrisson® et Hexapneumine nourrisson®) que l’Afssaps a décidé de faire
retirer de la vente, en mars 2011, pour leurs effets secondaires
neuropsychiatriques (convulsions, agitation, somnolence potentiellement
fatale en cas d’encombrement bronchique…) ne doit pas nous laisser croire
que le problème se limite à quelques produits pharmaceutiques. Le fluor,
prescrit depuis l’après-guerre, illustre lui aussi l’inconscience de notre société
dans ce domaine…
DU FLUOR, ENCORE ET ENCORE…

Les lobbies industriels ont promu le fluor à partir des années 1950 en
exploitant le thème de la lutte contre la carie dentaire. L’argument faisant
valoir qu’il contribue à renforcer l’émail des dents a connu un énorme succès
sous la houlette de Procter & Gamble, la première multinationale à s’être
lancée dans la production de dentifrice au fluor. Les industries de la chimie et
du médicament, appuyées par l’Association dentaire américaine (ADA)
représentant les dentistes, ont surfé sur la vague et persuadé les autorités
sanitaires des Etats-Unis et du Canada d’en faire ajouter dans l’eau du robinet,
alors que celle-ci en contient déjà des quantités variables, issues de la
pollution industrielle et de certaines couches géologiques138. Les aliments
peuvent également en être chargés. Même les producteurs de sel les ont imités,
suivis par des marques de chewing-gum. Ensemble, les lobbies dentaire et
pharmaceutique sont parvenus à convaincre l’OMS, les médecins et les
dentistes, qu’il était souhaitable de prescrire des comprimés de fluor aux bébés
avant la poussée de leurs dents, puis même avant leur naissance en le
recommandant aux femmes enceintes avec l’argument qu’il était “bon d’agir
le plus en amont possible”. Mais c’était occulter le fait que le fluor n’a
d’intérêt que s’il ne dépasse pas un seuil extrêmement restreint, seuil au-delà
duquel il exerce ses effets toxiques et entraîne notamment des risques de
fluorose, dont le premier symptôme se manifeste par des taches opaques ou
brunâtres sur l’émail des dents. A un stade plus sévère, l’intoxication
provoque une hypothyroïdie. Par ailleurs, les fluorures (sels du fluor) ont
souvent un impact neurologique direct, à commencer par le fluorure de
sodium, celui que l’on trouve le plus communément dans l’eau de distribution
de nombreux pays, les produits fluorés comme le sel, le dentifrice, les
solutions pour bain de bouche et divers médicaments139. Des pesticides en
contiennent140. L’air peut atteindre des concentrations élevées de fluor dans
les régions industrialisées, comme le souligne l’OMS qui, par ailleurs, signale
que la production et l’utilisation d’engrais phosphatés contribuent de façon
significative à cette pollution141. La combustion de charbon contenant des
fluorures peut aussi l’aggraver.
Des centaines d’études confirment que les intoxications chroniques sont
responsables de troubles neurologiques, malgré les démentis systématiques du
syndicat professionnel des dentistes, l’Association dentaire américaine
exerçant un puissant lobbying en faveur de la supplémentation en fluor.
En 1955, le Dr George L. Waldbott a mis en évidence le rôle des fluorures
dans la fluorose dentaire et osseuse puis, dès 1957, leur neurotoxicité142, ce
qui lui a valu une adversité systématique des producteurs de fluor et des
autorités. En 1979, il publiait une étude143 qui est devenue une référence pour
les toxicologues, établissant l’existence d’une phase de préfluorose, survenant
en lien avec les apports fluorés, caractérisée notamment par des troubles
neurologiques (paresthésie, céphalées, vertiges et troubles de la vision). Même
le prudent toxicologue Robert Lauweris rend honneur à son travail dans son
monumental ouvrage dressant l’état des lieux de la toxicologie industrielle144.
L’action néfaste du fluor sur le cerveau est aujourd’hui établie pour une
grande partie de la communauté scientifique145.
Aux Etats-Unis, les cas de fluorose dentaire sont passés de 23 % à 32 % de
la population des 6-19 ans entre 1986 et 2002146. Ces pourcentages énormes
montrent l’ampleur de la faute commise par les firmes et les autorités qui ont
omis de se soucier de l’addition des multiples sources de fluor. En découvrant
ces résultats, les Américains ont décidé de ne plus prescrire de fluor chez la
femme enceinte et chez les bébés avant l’âge de 6 mois.
En France, les chiffres officiels font état de 2,7 % à 8,8 %, sur la base
d’études publiées en 1998147. Les centres de Protection maternelle et infantile
(PMI) du département de Seine-Saint-Denis ont signalé des cas de fluorose à la
fin des années 1990. Cela a permis de mesurer le cynisme des firmes vendant
les comprimés : les alertes lancées par le département n’ont pas infléchi leur
marketing auprès des médecins, et elles ont continué à les inciter à prolonger
leur prescription sans les mettre en garde148.
En 2002, l’Afssaps a remis un avis instructif au ministère de la Santé où
l’on pouvait lire : “Un certain nombre d’études épidémiologiques ont été
entreprises afin d’évaluer l’efficacité d’une fluoration prénatale. Mais à
l’heure actuelle, aucune étude n’a montré une efficacité statistiquement
significative de la prévention de la carie sur les dents de lait avec une
supplémentation pré- et post-natale, comparée à une supplémentation post-
natale seule.” Cela revenait à dire que l’autorisation donnée aux laboratoires
de faire avaler du fluor aux femmes enceintes et d’y exposer leur embryon ne
reposait que sur du vent, donc sur une inexplicable mansuétude des experts.
En mai 2006, le ministère de la Santé a fait interdire l’incorporation de fluor
dans les compléments alimentaires, suite à un avis de l’Afssaps rendu en 2004.
Cette dernière s’est enhardie à nouveau en octobre 2008, en cessant de
recommander la supplémentation de fluor chez les bébés de 0 à 6 mois, et en
commençant à relativiser le rôle du fluor dans la prévention de la carie
dentaire au regard des autres moyens d’action que sont, entre autres, le
brossage bi-quotidien des dents et un bon équilibre alimentaire. Elle a souligné
par ailleurs que “compte tenu de la diversité des apports en fluor (eau, sel,
dentifrice ingéré par les enfants qui ne savent pas encore bien recracher…),
toute prescription de fluor médicamenteux (gouttes ou comprimés) doit être
précédée d’un bilan personnalisé des apports journaliers en fluor149”. Mieux
vaut tard que jamais. Mais est-ce que les médecins font vraiment ce bilan
personnalisé ?
Notre enquête nous conduit à conclure que les médecins s’en soucient
comme d’une guigne. “Le temps qu’un médecin consacre à chaque patient ne
l’incite pas à faire ce bilan, qui est compliqué et demande des démarches, nous
explique Bernard Topuz, médecin de santé publique. L’absence de formation
sur le sujet et le conformisme des médecins ne les incitent pas à s’en
préoccuper. En fait, le fluor est le cadet de leurs soucis, en dehors sans doute
des lecteurs de la revue Prescrire qui, elle, rappelle régulièrement cette
nécessité…”
Pendant plus d’un siècle, les laboratoires pharmaceutiques ont réussi à faire
croire qu’ils se souciaient sincèrement de la santé publique, et ils ont pris une
place prééminente dans la politique de prévention sanitaire. Les campagnes de
vaccination ont renforcé ce sentiment dans l’opinion publique et chez un grand
nombre de médecins, de même que des opérations de grande envergure comme
la supplémentation en calcium pour “assurer un meilleur développement du
squelette”, ou celle du fluor pour “protéger les dents contre les caries”. Ce
genre de campagne présente pour l’industrie l’intérêt économique de s’inscrire
très durablement dans les pratiques de consommation et d’être rentable à la
fois pour le secteur pharmaco-chimique et pour celui de l’agro-alimentaire. Le
dossier du fluor est l’un des plus exemplaires de cette stratégie.
Les paradoxes des campagnes sanitaires, quand elles sont lancées pour des
raisons purement commerciales, se multiplient. Rappelons, à titre d’exemple,
que la supplémentation en calcium est censée renforcer la solidité des os, alors
même que le fluor diminue leur résistance et favorise ainsi les fractures, en
particulier celles du col du fémur et du poignet. Mais il est vrai que le
fabuleux marché des médicaments contre l’ostéoporose et les ruptures
osseuses n’en a pas souffert.
Le gavage de médicaments dès la naissance illustre la tendance de
l’industrie pharmaceutique à multiplier indéfiniment les occasions d’étendre
ses marchés, en se gardant de s’interroger sur les conséquences globales de
cette surmédication. Le phénomène ne concerne d’ailleurs pas que les bébés.
Comme nous allons le voir, les produits pharmaceutiques destinés à soigner
les troubles neuropsychiques contribuent eux-mêmes à créer des situations
paradoxales, car ce ne sont pas toujours ceux qui font le moins de dégâts sur le
cerveau. Penchons-nous sur les médicaments les plus prescrits aux enfants et
aux adolescents malgré leurs méfaits neurotoxiques…
ENFANTS SOUS MÉTHYLPHÉNIDATE

Le médicament de très loin le plus prescrit pour le trouble du déficit


d’attention et hyperactivité (TDAH) et la narcolepsie150 est le méthylphénidate,
un amphétaminique stimulant le cerveau. En général, il a la propriété d’apaiser
les “hyperactifs” en favorisant leur capacité de concentration. Il est
commercialisé sous le nom de Ritaline®, Concerta®, Quazym® et
Méthylphénidate Rubio®. De plus en plus souvent prescrit aux enfants et aux
ados pour les calmer à bon compte, il a pourtant des effets secondaires mal
contrôlés, dont certains comme les troubles psychotiques et maniaques, les
états dépressifs ou même les tendances suicidaires semblent prendre une
ampleur inquiétante. Il provoque fréquemment aussi d’autres effets
psychiatriques ou neurologiques paradoxaux : nervosité, hyperactivité,
insomnie, somnolence, vertiges, désorientation, agressivité, agitation,
anorexie, anxiété, dépression, irritabilité, dyskinésie (déficit moteur,
incoordination, spasmes), céphalées151… De nombreux chercheurs ont
également mis en évidence le risque de suicide lié au méthylphénidate et à
d’autres traitements médicamenteux du TDAH152. Le suivi de nombreux jeunes
patients TDAH de 2 à 21 ans (traités au méthylphénidate, à la dexamfetamine
ou à l’atomoxétine) pendant treize ans a mis en évidence un risque
significativement plus élevé de suicide chez les enfants et adolescents sous
traitement153. Par ailleurs, le méthylphénidate, à cause de ses effets
pharmacologiques proches des substances stimulantes (augmentation de la
concentration en dopamine dans une partie du cerveau), peut entraîner une
accoutumance et une dépendance154, alors que les enfants et adolescents TDAH
présentent déjà un risque plus élevé que les autres enfants de basculer vers des
addictions155.
Lorsqu’il est associé à d’autres médicaments contenant également du
méthylphénidate, il peut même entraîner des troubles du système nerveux
comme le syndrome de Gilles de la Tourette, les mouvements choréo-
athétosiques156 et le syndrome malin des neuroleptiques (SMN157). On ne parle
ici que des troubles affectant le système nerveux même si le méthylphénidate
est à l’origine de nombreux autres effets158.
Malgré la variété des effets indésirables et des indications officielles
censées limiter les prescriptions, le nombre d’enfants traités avec cette
molécule a considérablement augmenté ces dernières années. Il a doublé en
Allemagne entre 2000 et 2007159. Il a été multiplié par six
entre 2001 et 2006 chez les jeunes Hollandais160. La Suisse enregistre aussi
une progression rapide161. Le record est détenu par les Américains : près
de 5 % des écoliers de 4 à 17 ans sont sous traitement, ce qui
représente 2,5 millions de jeunes162. En France, où les données manquent,
l’Afssaps estime que 18 000 patients par an prennent de la Ritaline® ou
d’autres médicaments contenant du méthylphénidate163.
Devant la croissance rapide des prescriptions de psychostimulants aux
enfants (et, dans une moindre mesure, aux adultes souffrant de TDAH), la revue
Prescrire a régulièrement tenté d’alerter les médecins. En 2006, elle
expliquait que ce traitement doit être un recours de dernière ligne, réservé aux
enfants excessivement perturbés qui en subissent de graves conséquences, et
après échec d’une prise en charge non médicamenteuse164. La même revue
médicale soulignait déjà en 2004 que “le dérapage de la prescription vers des
enfants simplement turbulents expose à des risques disproportionnés165”. Dans
les faits, hélas ! la prescription s’élargit à la demande des institutions, de
nombreux enseignants et de parents.
De son côté, l’EMA (agence européenne du médicament166) a
attendu 2009 pour “examiner” les signalements d’effets indésirables
cardiaques (hypertension, troubles du rythme cardiaque) et neurologiques
(migraine, accidents vasculaires cérébraux) ainsi que les troubles
psychiatriques, l’effet sur la croissance et sur la maturation sexuelle, et les
effets à long terme. L’agence a conclu qu’“aucune restriction d’utilisation des
médicaments contenant du méthylphénidate n’est justifiée”. La distance
considérable entre la position de Prescrire et de l’EMA ne saurait reposer sur
de simples divergences d’interprétations inhérentes à ces études. Qui croire ?
Il est bon de se rappeler que Prescrire a fait preuve d’un plus grand
discernement que l’agence dans d’innombrables dossiers, dont l’affaire
retentissante du Mediator, ce médicament abusivement prescrit comme coupe-
faim, à l’origine de 500 à 2 000 décès en France. Faut-il y voir un rapport avec
le fait que cette revue fonctionne sans publicité et sans le moindre
financement des firmes pharmaceutiques, alors que les avis de l’EMA sont
rendus par des spécialistes qui ont souvent des liens d’intérêts avec celles-ci ?
Le problème a été pointé plusieurs fois par des rapports parlementaires,
notamment par des sénateurs attentifs au problème de l’indépendance des
experts167. Mais l’EMA ne s’en est pas émue.
Il est éloquent que la même agence demande au médecin d’“interrompre le
traitement au moins une fois par an (chez les patients traités depuis plus d’un
an par ce médicament)” et de “déterminer si la poursuite de ce traitement est
nécessaire”, du fait d’un “manque de données sur les risques liés à une
utilisation à long terme du méthylphénidate168”. L’EMA a promis une étude sur
cet aspect169. Mieux vaut tard que jamais. Mais on aurait aimé qu’elle évoque
aussi la nécessité d’évaluer les effets cumulés de la consommation de tous les
médicaments neurotoxiques pris par la population durant des décennies, alors
qu’ils sont innombrables, comme nous allons le découvrir.
Le méthylphénidate a fait un retour sur la scène hexagonale après le
scandale du Mediator qui a suscité un rapport accablant de l’Igas mettant
l’Afssaps sur la sellette170. Soucieuse d’échapper à la tourmente médiatique
due à la découverte de complaisances envers les laboratoires, l’agence du
médicament a tenté de démontrer qu’elle faisait son travail de
pharmacovigilance en rendant public un inventaire de 77 médicaments jugés
assez préoccupants par les autorités pour entrer dans le cadre d’un “suivi
renforcé”. La Ritaline® et ses homologues à base de méthylphénidate
figuraient dans la liste, sans toutefois fournir les précisions qui auraient
permis aux usagers d’en connaître les risques en remontant vers les études que
nous avons citées.
CONTRE LES TOCS INFANTILES : DES
ANTIDÉPRESSEURS NEUROTOXIQUES !

La même liste signale aussi des produits massivement prescrits contre le


trouble obsessionnel-compulsif (TOC) de l’enfant et de l’adolescent. La
fluvoxamine (et ses différents noms de marque) est dans le collimateur171. Ses
effets secondaires présentent de nombreuses similitudes avec les autres
médicaments neurotoxiques : confusions, tremblements, céphalées, agitation,
hallucinations, vertiges, anxiété, agressivité, insomnie, risques suicidaires,
fatigues, malaises, convulsions, syndrome malin des neuroleptiques… La
molécule peut aussi provoquer des crises maniaques, des comportements
violents et des troubles sexuels (absence d’orgasme ou éjaculations tardives).
Curieusement, ce n’est pourtant pas pour ces raisons que l’Afssaps l’a
officiellement placée sous “suivi renforcé”, mais pour ses “effets indésirables
sur la croissance et la maturation sexuelle”…
C’est exactement pour le même motif que l’agence a cité dans cette liste la
fluoxétine (Prozac®) qui est également prescrite aux enfants à partir de 8 ans
et aux ados contre les TOCs et la dépression. Ses indications sont un peu plus
larges que pour le précédent médicament, le médecin pouvant aussi en
prescrire contre la boulimie. Les effets indésirables de la fluoxétine sur le
système nerveux recoupent presque entièrement ceux que nous venons
d’évoquer à propos de la fluvoxamine. Même les troubles sexuels sont
identiques. Mais la fluoxétine peut entraîner en outre des attaques de panique
et des phénomènes de dépersonnalisation.
La sertraline (Zoloft®), prescrite dès l’âge de 6 ans ( !) contre les TOCs,
figure sur la liste des médicaments au côté des deux produits précédents. Elle
cumule les mêmes effets secondaires neurologiques avec, en plus, des risques
d’affection endocrinienne comme l’hypothyroïdie, elle-même à l’origine
d’affections neurologiques, et l’hyperprolactinémie, également capable
d’entraîner des dépressions et des troubles du mouvement172.
Au-delà de la sertraline, notons que les antipsychotiques induisent souvent
de l’hyperprolactinémie et de la dyskinésie (mouvements involontaires,
spasmes, incoordination, déficit moteur…), ce qui alarme des chercheurs
américains soulignant parallèlement l’“augmentation remarquable des
antipsychotiques, surtout pour les troubles non psychotiques bien que ces
derniers ne figurent pas dans les indications de ces médicaments173”.
L’industrie et les agences officielles évoquent leur “rapport bénéfices-
risques favorable” pour justifier leur commercialisation, et cela souvent bien
longtemps après que des études complémentaires apportent des démentis en
révélant l’impact neurotoxique de nombreux médicaments. Nous ne pouvons
ignorer non plus des médicaments qui, sans viser à soigner les troubles
neurologiques, contribuent eux aussi à la multiplication des agressions
neuronales…

1 J. Werboff, et al., “Postnatal Effect of Antidepressant Drugs Administered During


Gestation”, Experimental Neurology, no 3, juin 1961, p. 542-555. Il a fallu attendre les
années 1990 pour que cette spécialité scientifique soit clairement conceptualisée.
2 Tératogène : du latin terato, monstre, c’est-à-dire des substances qui génèrent des
malformations.
3 Voir infra p. 49-79.
4 Acides perfluoro-octanoïques.
5 Polybromodiphényléther.
6 Philippe Grandjean, et al., “The Faroes Statement : Human Health Effects of
Developmental Exposure to Chemicals in our Environment”, Basic Clinical
Pharmacoly & Toxicoly, vol. 102, no 2, février 2008, p. 73-75.
7 GC Román, “Autism : Transient in Utero Hypothyroxinemia Related to Maternal
Flavonoid Ingestion during Pregnancy and to Other Environmental Antithyroid
Agents”, Journal of Neurological Sciences, vol. 262, no 1, novembre 2007, p. 15-26.
8 Commission des communautés européennes, “Stratégie communautaire sur le
mercure”, Journal officiel, C 52 du 2 mars 2005.
9 Voir chapitre V.
10 Réseau mondial d’associations scientifiques regroupant des médecins, des dentistes,
des usagers de soins dentaires, des victimes et des juristes. Marie Grosman en est la
vice-présidente pour l’Europe, depuis sa création en mai 2010. Charlie Brown en est le
président mondial.
11 Note des Autorités françaises sur le bilan de la Stratégie Mercure, juillet 2010,
envoyé à la CE.
12 Lubica Palkovicova, et al., “Maternal Amalgam Dental Fillings as the Source of
Mercury Exposure in Developing Fetus and Newborn”, Journal of Exposure
Science & Environmental Epidemiology, vol. 18, no 3, mai 2008, p. 326-331.
13 Gustav Drasch, et al., “Mercury Burden of Human Fetal and Infant Tissues”,
European Journal Pediatrics, vol. 153, no 8, mars 1994, p. 607-610.
14 Dans les pays développés, les amalgames sont la principale source de mercure dans
le lait maternel, avant le poisson. Agneta Oskarsson, et al., “Total and Inorganic
Mercury in Breast Milk in Relation to Fish Consumption and Amalgam in Lactating
Women”, Archives of Environmental Health, vol. 51, no 3, mai-juin 1996, p. 234-241.
15 Sergio L. da Costa, et al., “Breast-Milk Mercury Concentrations and Amalgam
Surface in Mothers from Brasília, Brazil”, Biological Trace Element Research, vol.
106, no 2, août 2005, p. 145-151.
16 Wieslaw Jedrychowski, et al., “Effects of Prenatal Exposure to Mercury on
Cognitive and Psychomotor Function in One-Year-Old Infants : Epidemiologic Cohort
Study in Poland”, Annals of Epidemiology, vol. 16, no 6, juin 2006, p. 439-447.
17 Sally Ann Lederman, et al., “Relation between Cord Blood Mercury Levels and
Early Child Development in a World Trade Center Cohort”, Environmental Health
Perspectives, vol. 116, no 8, août 2008, p. 1085-1091.
18 Joachim Mutter, “Is Dental Amalgam Safe for Humans ? The Opinion of the
Scientific Committee of the European Commission”, Journal of Occupational Medicine
and Toxicology, vol. 6, no 2, 2011.
19 Andrew S. Holmes, et al., “Reduced Levels of Mercury in First Baby Haircuts of
Autistic Children”, International Journal of Toxicology, vol. 22, 2003, p. 277-285.
20 David A. Geier, et al., “A Prospective Study of Prenatal Mercury Exposure from
Maternal Dental Amalgams and Autism Severity”, Acta neurobiologiae experimentalis,
vol. 69, 2009, p. 189-197.
21 James B. Adams, et al., “Mercury, Lead, and Zinc in Baby Teeth of Children with
Autism versus Controls”, Journal of Toxicology and Environmental Health, vol. 70,
no 12, 2007, p. 1046-1051.
22 Mary Catherine DeSoto et Robert Hitlan, “Blood Levels of Mercury Are Related to
Diagnosis of Autism : a Reanalysis of an Important Data Set”, The Journal of Child
Neurology, no 22, 2007, p. 1308-1311.
23 David A. Geier, et al., “The Biological Basis of Autism Spectrum Disorders :
Understanding Causation and Treatment by Clinical Geneticists”, Acta Neurobiologiae
Experimentalis, vol. 70, no 2, 2010, p. 209-226.
24 Le chélateur se fixe fortement au mercure, puis permet son élimination de
l’organisme, par les fèces et l’urine.
25 James B. Adams, et al., “Safety and Efficacy of Oral DMSA Therapy for Children
with Autism Spectrum Disorders : Part B – Behavioral Results”, BMC Clinical
Pharmacology, vol. 9, no 17, 2009.
26 Ou “cation méthylmercurique”.
27 Voir index : thermomètre.
28 Son premier argument est d’évoquer que “dans les bouches trop humides, seul
l’amalgame convient”. Or, s’il est vrai que les autres matériaux supportent mal
l’humidité, il suffit, comme le font communément les dentistes des pays où l’on
n’utilise plus d’amalgame, de placer un film protecteur en caoutchouc au cours de la
pose pour résoudre cette difficulté. Le deuxième argument de l’OMS est de dire que
“l’amalgame représente un gain de temps pour les dentistes”. Il est curieux de voir
l’OMS jouer le rôle d’un syndicat professionnel pour une corporation dont les revenus
sont loin d’être misérables au lieu de faire prévaloir des priorités de santé publique.
29 Comme l’a montré un rapport d’enquête à ce sujet commandé par la direction de
l’OMS. A ce sujet, Roger Lenglet, Lobbying et santé, Pascal-Mutualité Française, 2009.
30 Philippe Grandjean, et al., “Cognitive Deficit in 7-Year-Old Children with Prenatal
Exposure in Methylmercury”, Neurotoxicology and Teratology, no 19, 1997, p. 417-
428.
31 European Commission, Methylmercury in fish and fishery products, avril 2008.
32 Voir la liste de ces poissons au chapitre VII, p. 317.
33 Recommandation fixée à partir de l’étude Consommations alimentaires de poissons
et produits de la mer et imprégnation aux éléments traces, polluants et oméga 3, Afssa
et Inra, 2006.
34 Afssa, 2004.
35 Déclaration de Madison, 2006.
36 Direction générale de la santé, La Diagonale des métaux, 1995. Archives
personnelles des auteurs.
37 Directions départementales des affaires sanitaires et sociales.
38 Le plomb peut aussi être remobilisé à la faveur d’une fracture, d’une ostéoporose…
et provoquer des problèmes neurologiques chez l’adulte, longtemps après une
exposition au plomb.
39 Adel Gomaa, et al., “Maternal Bone Lead as an Independent Risk Factor for Fetal
Neurotoxicity : a Prospective Study”, Pediatrics, no 110, juillet 2002, p. 110-118.
40 Ministère de l’Agriculture, Direction générale de l’alimentation, “Données
d’exposition de la population française aux résidus de pesticides, plomb, cadmium,
arsenic et radionucléides par la voie alimentaire”, Notre alimentation, no 24,
janvier 2000.
41 Jean-Charles Leblanc, et al., “Etude de l’alimentation totale française. Mycotoxines,
minéraux et éléments traces”, ministère de l’Agriculture, Inra, 2004.
42 Cahiers scientifiques et techniques de l’Office international de la vigne et du vin,
1995, p. 140.
43 Voir chapitre V.
44 Chadi Yazbeck, et al., “Intoxication au plomb chez la femme enceinte et le nouveau-
né : bilan d’une enquête de dépistage”, Archives de pédiatrie, vol. 14, no 1,
janvier 2007, p. 15-19.
45 Jennifer R. Davis, et al., “Family Pesticide Use and Childhood Brain Cancer”,
Archive of Environmental Contamination and Toxicology, vol. 24, no 1, janvier 1993,
p. 87-92.
46 Martia G. Nishioka MG, et al., “Distribution of 2,4-D in Air and on Surfaces inside
Residences after Lawn Applications : Comparing Exposure Estimates from Various
Media for Young Children”, Environmental Health and Perspectives, vol. 9, no 11,
novembre 2001, p. 1185-1191.
47 La guerre des mots et des notions fait partie du lobbying incessant que mènent les
lobbies de la chimie et de l’agro-alimentaire pour faire oublier l’agressivité chimique de
ces substances.
48 Les pesticides organochlorés ont aussi été progressivement interdits sous la pression
des scandales liés à leur nocivité (cancérogénicité, bioaccumulation et passage dans le
lait maternel, persistance dans l’environnement…). En 2011, on trouvait encore du DDT
dans le lait maternel.
49 Theodore A. Slotkin, “Cholinergic Systems in Brain Development and Disruption by
Neurotoxicants : Nicotine, Environmental Tobacco Smoke, Organophosphates”,
Toxicology and Applied Pharmacology, vol. 198, no 2, juillet 2004, p. 132-151.
50 Raul Harari, et al., “Neurobehavioral Deficits and Increased Blood Pressure in
School-Age Children Prenataly Exposed to Pesticides”, Environmental Health
Perspectives, vol. 118, no 6, juin 2010, p. 890-896.
51 Maryse Bouchard, et al., “Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder and Urinary
Metabolites of Organophosphate Pesticides”, Pediatrics, vol. 125, no 6, juin 2010,
p. 1270-1277.
52 Voir index : pesticides.
53 Maryse F. Bouchard, et al., “Prenatal Exposure to Organophosphate Pesticides and
IQ in 7-Year Old Children” ; Stephanie M. Engel, et al., “Prenatal Exposure to
Organophosphates, Paraoxonase 1, and Cognitive Development in Childhood” ;
Virginia Rauh, et al., “7-Year Neurodevelopmental Scores and Prenatal Exposure to
Chlorpyrifos, a Common Agricultural Pesticide”, Environmental Health Perspectives,
21 avril 2011.
54 Le chlordécone a été interdit en métropole en 1990 et dès 1976 aux Etats-Unis.
55 Inserm, Bilan d’exposition de la population antillaise au chlordécone,
10 février 2011.
56 Substance de la famille des pyréthrinoïdes amplement utilisée comme insecticide en
milieu domestique et agricole (dans les bâtiments d’élevage). D’autres pyréthrinoïdes
(cyperméthrine, deltaméthrine, etc.) sont épandus comme insecticides sur de multiples
cultures (arbres fruitiers, légumes, céréales, vignes).
57 Megan K. Horton, et al., “Impact of Prenatal Exposure to Piperonyl Butoxide and
Permethrin on 36-Month Neurodevelopment”, Pediatrics, vol. 127, no 3, mars 2011,
p. 699-706.
58 Voir index : PCB et POPs.
59 Ces repas respectaient les principes d’une alimentation équilibrée édictés par le
ministère de la Santé dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS).
60 InVS, Exposition de la population française aux polluants de l’environnement. Volet
environnemental de l’étude nationale, nutrition santé – Premiers résultats, mars 2011.
61 IPCS – WHO, Polychlorinated Biphenyls : Human Health Aspects, Concise
international chemical assessment document 55, World Health Organization Geneva,
2003. Et H. Y. Park, et al., “Neurodevelopmental Toxicity of Prenatal Polychlorinated
Biphenyls (PCBs) by Chemical Structure and Activity : a Birth Cohort Study”,
Environmental Health, no 23, août 2010, p. 9-51.
62 Olivier Boucher, et al., “Prenatal Exposure to Methylmercury and PCBS Affects
Distinct Stages of Information Processing : an Event-Related Potential Study with Inuit
Children”, Neurotoxicology, vol. 31, no 4, août 2010, p. 373-384.
63 Eliane Patriarca, “Les PCB se nichent toujours dans le poisson”, Libération,
12 avril 2010.
64 Les polybromodiphényles éthers (PBDE).
65 Lucio G. Costa, et al., “Polybrominated Diphenyl Ether (PBDE) Flame Retardants :
Environmental Contamination, Human Body Burden and Potential Adverse Health
Effects”, Acta Biomed, vol. 79, no 3, décembre 2008, p. 172-83.
66 Jean-Pierre Antignac, et al., “Exposure Assessment of French Women and their
Newborn to Brominated Flame Retardants : Determination of Tri- to
Deca- Polybromodiphenylethers (PBDE) in Maternal Adipose Tissue, Serum, Breast
Milk and Cord Serum”, Environmental Pollution, vol. 157, no 1, janvier 2009, p. 164-
73.
67 Costa, et al., 2008, ibid.
68 Julie B. Herbstman, et al., “Prenatal Exposure to PBDES and Neurodevelopment”,
Environmental Health Perspectives, vol. 118, p. 712-719, 2010 ; Elise Roze, et al.,
“Prenatal Exposure to Organohalogens, Including Brominated Flame Retardants,
Influences Motor, Cognitive, and Behavioral Performance at School Age”,
Environmental Health Perspectives, vol. 117, 2009, p. 1953-1958.
69 Jonathan Chevrier, et al., “Polybrominated Diphenyl Ether (PBDE) Flame Retardants
and Thyroid Hormone During Pregnancy”, Environmental Health Perspectives, vol.
118, no 10, octobre 2010, p. 1444-1449.
70 Timm Schreiber, et al., “Polybrominated Diphenyl Ethers Induce Developmental
Neurotoxicity in a Human in vitro Model : Evidence for Endocrine Disruption”,
Environmental Health Perspectives, vol. 118, no 4, avril 2010, p. 572-578.
71 Directive européenne RoHS 2002/95/CE et Reach, février 2011.
72 Sur ces produits, voir p. 49.
73 Keith Hoffman, et al., “Exposure to Polyfluoroalkyl Chemicals and Attention Deficit
Hyperactivity Disorder in US Children Aged 12-15 Years”, Environmental Health
Perspectives, vol. 118, no 12, décembre 2010, p. 1762-1767.
74 Service d’information de la Commission européenne, communication
du 30 mars 2010, citée dans Mon combat contre les empoisonneurs, André Aschieri,
avec la collaboration de Roger Lenglet, La Découverte, 2010, p. 54-55.
75 Ibid.
76 Ibid.
77 Ibid.
78 Parmi les synergies amplifiant la nocivité des substances neurotoxiques, celle du
plomb et du mercure commence à être documentée, de même que les synergies entre
métaux et pesticides. Voir notamment Florianne Monnet-Tschudi, et al., “Involvement
of Environmental Mercury and Lead in the Etiology of Neurodegenerative Diseases”,
Reviews on Environmental Health, vol. 21, no 2, avril-juin 2006, p. 105-117.
79 Ibid.
80 John Wen-Cheng Chang, et al., “Simultaneous Exposure of Non-Diabetics to High
Levels of Dioxins and Mercury Increases Their Risk of Insulin Resistance”, Journal of
Hazardous Materials, vol. 30, janvier 2011, p. 749-755.
81 Adams, 2007, op. cit.
82 Anders Fredriksson, et al., “Prenatal Coexposure to Metallic Mercury Vapour and
Methylmercury Produce Interactive Behavioural Changes in Adult Rates”,
Neurotoxicology and Teratology, vol. 18, no 2, mars-avril 1996, p. 129-134.
83 Raymond F. Palmer, et al., “Proximity to Point Sources of Environmental Mercury
Release as a Predictor of Autism Prevalence”, vol. 15, no 1, mars 2009, p. 18-24.
84 Mount Sinai School of Medicine, National Center for Environmental Assessment,
International Longevity Center, New York.
85 Philip J. Landrigan, et al., “Early Environmental Origins of Neurodegenerative
Disease in Later Life”, Environmental Health Perspectives, vol. 113, mai 2005,
p. 1230-1233.
86 Cf. supra, chapitre V.
87 James B. Adams, et al., “The Severity of Autism Is Associated with Toxic Metal
Body Burden and Red Blood Cell Glutathione Levels”, Journal of Toxicology,
août 2009, p. 532-640.
88 Une étude épidémiologique a montré qu’habiter près d’une autoroute pendant la
grossesse augmente le risque d’avoir un enfant autiste : Heather E. Volk, et al.,
“Residential Proximity to Freeways and Autism in the CHARGE study”, Environmental
Health Perspectives, décembre 2010.
89 Gayle C. Windham, et al., “Autism Spectrum Disorders in Relation to Distribution
of Hazardous Air Pollutants in the San Francisco Bay Area”, Environmental Health
Perspectives, vol. 114, no 9, septembre 2006, p. 1438-44 ; Amy E. Kalkbrenner, et al.,
“Perinatal Exposure to Hazardous Air Pollutants and Autism Spectrum Disorders at
Age 8”, Epidemiology, vol. 21, no 5, septembre 2010, p. 631-641.
90 Une enquête sur cette corrélation pointe la responsabilité des phtalates provenant du
revêtement en PVC du sol de la chambre parentale pendant la grossesse. Malin Larsson,
2009, ibid.
91 Malin Larsson, et al., “Associations Between Indoor Environmental Factors and
Parental-Reported Autistic Spectrum Disorders in Children 6-8 Years of Age”,
Neurotoxicology, vol. 30, no 5, septembre 2009, p. 822-831.
92 Melyssa Aronson, et al., “Attention Deficits and Autism Spectrum Problems in
Children Exposed to Alcohol During Gestation : a Follow-Up Study”, Developmental
Medicine and Child Neurology, vol. 39, no 9, sept. 1997, p. 583-587.
93 James Jeffrey Bradstreet, et al., “Biomarker-Guided Interventions of Clinically
Relevant Conditions Associated with Autism Spectrum Disorders and Attention Deficit
Hyperactivity Disorder”, Alternative Medicine Review, no 15 (1), avril 2010, p. 15-32.
Et Martha R. Herbert, “Contributions of the Environment and Environmentally
Vulnerable Physiology to Autism Spectrum Disorders”, Current Opinion in Neurology,
vol. 23, no 2, avril 2010, p. 103-110.
94 Council on environmental health, “Policy Statement – Chemical-Management
Policy : Prioritizing Children’s Health”, Pediatrics, vol. 25, 28 avril 2011, p. 982-991.
95 Kerstin Strömland, “Autism in Thalidomide Embryopathy : a Population Study”,
Developmental Medicine and Child Neurology, vol. 36, no 4, avril 1994, p. 351-356.
Cité par Diane Dufour-Rainfray, et al., “Fetal Exposure to Teratogens : Evidence of
Genes Involved in Autism”, Neuroscience and Biobehavioral Review, vol. 35, no 5,
avril 2011, p. 1254-1256.
96 Désormais déconseillé en France.
97 Marilyn T. Miller, “Autism with Ophthalmologic Malformations : the Plot
Thickens”, Transactions of the American Ophthalmological Society, vol. 102,
décembre 2004, p. 107-122.
98 L’acide valproïque affecte les neurotransmetteurs. Il est également tératogène. A. D.
Rasalam, “Characteristics of Fetal Anticonvulsant Syndrome Associated Autistic
Disorder”, Developmental Medicine and Child Neurology, 2005, 47, p. 551-555.
99 Martin P. Vessey, et al., “Randomized Double-Blind Controlled Trial of the Value
of Stilboestrol Therapy in Pregnancy : Long-Term Follow-Up of Mothers and Their
Offspring”, British Journal Obstetrics and Gynaecology, vol. 90, no 11,
novembre 1983, p. 1007-1017.
100 Paolo Palanza, et al., “Effects of Prenatal Exposure to Low Doses of
Diethylstilbestrol, op’DDT, and Methoxychlor on Postnatal Growth and
Neurobehavioral Development in Male and Female Mice, Hormones and Behavior”,
vol. 40, no 2, septembre 2001, p. 252-265.
101 Hhorages : Halte aux hormones artificielles pour les grossesses.
102 Laboratoire de physiopathologie des maladies psychiatriques (Inserm U894) de
l’hôpital Sainte-Anne, “Influence des hormones sur le développement cérébral pendant
la grossesse, étude des modifications comportementales et biologiques dans des familles
informatives dont les mères ont été exposées aux hormones artificielles lors de
grossesses”, projet Picri (Partenariat institutions citoyens pour la recherche et
l’innovation). L’unité U894 de l’Inserm a reçu pour ce projet l’aide de la Région Ile-de-
France et de l’Agence nationale pour la recherche.
103 Intervention du Dr Oussama Kébir lors de l’assemblée générale de l’association
Hhorages en 2010, compte rendu du 13 mars 2010, p. 5. www.hhorages.com
104 La méthylation est une liaison chimique fixant au gène un atome de carbone et trois
atomes d’hydrogène.
105 Intervention du Dr O. Kébir, loc. cit.
106 Ibid.
107 Elisabeth N. Pearce et Lewis E. Braverman, “Environmental Pollutants and the
Thyroid”, Best Practice & Research Clinical Endocrinology & Metabolism, vol. 23,
no 6, décembre 2009, p. 801-813.
108 Jean-François Narbonne, Sang pour sang toxique, Thierry Souccar Editions, 2010,
p. 222.
109 Infra pages 42-44.
110 Gustav Drasch, et al., “Mercury in Human Colostrum and Early Breast Milk. Its
Dependence on Dental Amalgam and Other Factors”, Journal of Trace Elements in
Medicine and Biology, vol. 12, no 1, mars 1998, p. 23-27.
111 Agneta Oscarsson, et al., “Total and Inorganic Mercury in Breast Milk in Relation
to Fish Comsumption and Amalgam in Lactating Women”, Archives of Environmental
Health, vol. 51, no 3, mai-juin 1996, p. 234-241.
112 Pour l’agence, il n’y avait aucun problème.
113 Malgré les rapports très “rassurants” de l’OMS, de l’Afssa et de l’Efsa.
114 Joe M. Braun, et al., “Variability and Predictors of Urinary Bisphenol A
Concentrations During Pregnancy”, Environmental Health Perspectives, vol. 119, no 1,
janvier 2011, p. 131-137.
115 Il existe néanmoins des procédés de filtration performants qui permettent d’abaisser
considérablement l’usage du chlore, notamment l’ultrafiltration, comme le font même
parfois des petits services municipaux sans grands moyens, et sans faire monter le prix
de l’eau. Signalons au passage que les vapeurs de chlore sont neurotoxiques,
notamment celles que l’on peut trouver dans l’air domestique après utilisation de
produits ménagers. Rappelons que des mélanges ont aussi la propriété de créer des gaz
très dangereux, voire mortels.
116 Sur les marges bénéficiaires des grands opérateurs de l’eau et les secrets des
factures d’eau : L’Eau des multinationales – Les Vérités inavouables, Roger Lenglet et
Jean-Luc Touly, Fayard, 2006.
117 Voir index : eau.
118 Les phtalates se composent d’un noyau benzénique et de deux groupes de
carboxylates.
119 Stephanie M. Engel, et al., “Prenatal Phthalate Exposure Is Associated With
Childhood Behavior and Executive Functioning”, Environmental Health Perspectives,
vol. 118, no 4, avril 2010, p. 565-571. Et Stephanie M. Engel, et al., “Prenatal
Phthalate Exposure and Performance on the Neonatal Behavioral Assessment Scale in a
Multiethnic Birth Cohort”, Neurotoxicology, vol. 30, no 4, juillet 2009, p. 522-528.
120 Ce comité est membre du Réseau environnement santé.
121 Valérie Boyer (UMP).
122 Robert Lauweris, et al., Toxicologie industrielle et intoxications professionnelles,
art. “Plomb”, Masson, 2007.
123 John C. Burnham, “Biomedical Communication and the Reaction to the
Queensland Childhood Lead Poisoning Cases Elsewhere in the World”, Medical
History, vol. 43, 1999, p. 155-172.
124 Kenneth D. Blackfan, “Lead Poisoning in Children With Especial Reference to
Lead as a Cause of Convulsions”, American Journal of the medical sciences, 1917.
125 Anne-Jeanne Laudé et Didier Fassin, Une politique urbaine de santé publique. Les
Débuts de la lutte contre le saturnisme infantile, Les rapports d’étude du Cresp, Inserm,
2004.
126 Sous la forme de sels d’aluminium (phosphate ou sulfate) et d’hydroxyde
d’aluminium.
127 HAS, Commission de la transparence, avis du 10 mars 2010.
128 Wyeth, le laboratoire qui commercialise ce vaccin, a été acquis par Pfizer en 2009.
129 Cette dernière débute habituellement entre le 7e et le 22e jour de la maladie. Le
liquide céphalorachidien est le plus souvent normal.
130 Commission nationale de pharmacovigilance du 29 novembre 2005.
131 Committee on Nutrition, American Academy of Pediatrics, “Aluminium Toxicity in
Infants and Children”, Pediatrics, vol. 97, no 3, mars 1996, p. 413-416. Cité par
Virginie Belle dans Quand l’aluminium nous empoisonne, Max Milo, 2010, p. 58.
132 Robert W. Sears, The Vaccine Book : Making the Right Decision for Your Child,
Little Brown and Company, 2007, cité par Virginie Belle, op. cit., p. 59.
133 DJA calculée à partir de la dose hebdomadaire tolérable provisoire (DHTP) de l’OMS
pour le mercure : 1,6 μg de mercure total/kg.
134 Bernard Shulamit, et al., “The Role of Mercury in the Pathogenesis of Autism”,
Molecular Psychiatry, vol. 7, suppl. 2, 2002, p. 42-43.
Joachim Mutter, et al., “Mercury and Autism : Accelerating Evidence ?”,
Neuroendocrinology Letters, vol. 26, no 5, octobre 2005, p. 439-446.
135 Afssaps, Le Thimérosal, octobre 2009.
136 Les effets indésirables connus de la métoclopramide comportent des symptômes
neurologiques tels que somnolence, lassitude, vertiges, altération de la conscience, et
plus rarement céphalées, insomnie, tendance dépressive, hypertonie, contractions
involontaires de la face et de la mâchoire. Ces derniers effets considérés comme
“généralement réversibles” donnent parfois lieu à des traitements symptomatiques avec
des benzodiazépines…
137 Après quatorze années de commercialisation, en 2002, le Comité européen des
spécialités pharmaceutiques a demandé aux pays de l’Union européenne une restriction
sérieuse de ses indications, et l’Afssaps a demandé à l’industrie pharmaceutique d’en
informer les médecins.
138 Cette pollution provient principalement des industries de la chimie (insecticides,
téflon…), de l’aluminium et du nucléaire. Certaines eaux minérales et eaux de source
en contiennent aussi des taux parfois importants, obligatoirement indiqués sur les
étiquetages. L’OMS rappelle que “des millions de personnes sont exposées à une
concentration excessive de fluor dans l’eau” et que l’évaluation des apports en fluor,
avant toute prescription de cette substance, doit prendre en compte la consommation de
poissons de mer. John Fawell, et al., Fluoride in Drinking-Water, rapport OMS 2006.
139 Fluorocortécoïdes, fluoroquinolones, fluorouracile…
140 Un autre dérivé du fluor est employé comme pesticide (traitement du bois) : le
fluorure de sulfuryle, officiellement répertorié comme perturbateur du système nerveux
central (tableau ACGIH 2006).
141 John Fawell, et al., Fluoride…, op. cit., p. 8.
142 George L. Waldbott, “Tetaniform Convulsions Precipitated by Fluoridated
Drinking Water”, Confinia Neurologica, vol. 17, no 6, 1957, p. 339-347.
143 Georges L. Walbdott, “Preskeletal Fluorosis Near an Ohio Enamel Factory : a
Preliminary Report”, Veterinary and Human Toxicology, vol. 21, no 1, février 1979,
p. 4-8.
144 Robert Lauweris, “Dérivés du fluor”, in Toxicologie industrielle…, op. cit, p. 857.
145 Cohorte NHANES, National Research Council, Neurotoxicity and Neurobehavioral
Effects, Fluoride in Drinking Water, a Scientific Review of EPA’s Standards, 2006.
146 Eugenio D. Beltrán-Aguilar, et al., “Surveillance for Dental Caries, Dental
Sealants, Tooth Retention, Edentulism, and Enamel Fluorosis 1988-1994 and 1999-
2002”, Morbidity and Mortality Weekly Report, vol. 54, no 3, août 2005, p. 1-44.
147 Afssaps, Mise au point – Utilisation du fluor dans la prévention de la carie
dentaire avant l’âge de 18 ans, octobre 2008.
148 R. Lenglet et B. Topuz, Des lobbies contre la santé, Editions Syros, 1998.
149 Afssaps, Mise au point – Utilisation du fluor dans la prévention de la carie
dentaire, op. cit.
150 Tendance pathologique à s’endormir.
151 Des cas ont été rapportés de tics ou d’exacerbation de tics préexistants et
d’hallucinations.
152 Mark E. Bangs, et al., “Meta-Analysis of Suicide-Related Behavior Events in
Patients Treated with Atomoxetine”, Journal of the American Academy of Child and
Adolescent Psychiatry, vol. 47, no 2, février 2008, p. 209-218. Et S. McCarthy, et al.,
“Mortality Associated with Attention-Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) Drug
Treatment : a Retrospective Cohort Study of Children, Adolescents and Young Adults
Using the General Practice Research Database”, Drug safety, vol. 32, no 11, 2009,
p. 1089-1096.
153 Jeanne Elia et Victoria L. Vetter, “Cardiovascular Effects of Medications for the
Treatment of Attention-Deficit Hyperactivity Disorder : What is Known and How
should It Influence Prescribing in Children ?”, Paediatric Drugs, vol. 12, no 3,
juin 2010, p. 165-175. Et Stéphane A. Bélanger, et al., “L’évaluation du risque
cardiaque avant l’utilisation de stimulants chez les enfants et les adolescents”,
Paediatrics & Child Health, vol. 14, no 9, novembre 2009, p. 586-592.
154 Collectif Prescrire, “Amphétaminiques cachés : du sevrage tabagique au diabète”,
Prescrire, 1er octobre 2003.
155 Héloïse Delavenne, Florence Thibaut, “Le trouble déficit de l’attention-
hyperactivité et ses relations avec les conduites addictives”, Psychiatrie, Sciences
humaines, Neurosciences, vol. 7, no 3-4, 2009, p. 116-121. Et Salvatore Mannuzza, et
al., “Age of Methylphenidate Treatment Initiation in Children with ADHD and Later
Substance Abuse : Prospective Follow-Up into adulthood”, Journal of the American
Psychiatric Association, vol. 165, 2008, p. 604-609.
156 Mouvements du corps et gestes incontrôlés permanents, sauf pendant le sommeil.
Nous verrons que dans certaines intoxications à des substances chimiques, notamment
au sulfure de carbone, les atteintes peuvent provoquer un syndrome parkinsonien et des
lésions du néostriatum induisant des mouvements choréo-athétosiques.
157 Le syndrome malin des neuroleptiques (trouble de la conscience avec mutisme ou
stupeur, trouble du système nerveux autonome, hyperthermie, rigidité musculaire et
augmentation du taux sanguin des CPK) touche environ 1 % des patients traités par les
neuroleptiques. Il peut s’installer insidieusement en plusieurs jours et être mortel.
158 Accidents vasculaires cérébraux, troubles cardiaques, infections des voies
respiratoires…
159 Ingrid Schubert, et al., “The Changing Prevalence of Attention-
Deficit/Hyperactivity Disorder and Methylphenidate Prescriptions : a Study of Data
from a Random Sample of Insurees of the AOK Health Insurance Company in the
German State of Hesse, 2000-2007”, Deutsches Ärzteblatt International, vol. 107,
no 36, septembre 2010, p. 615-621.
160 Evan Den Ban, et al., “Trends in Incidence and Characteristics of Children,
Adolescents, and Adults Initiating Immediate- or Extended-Release Methylphenidate or
Atomoxetine in the Netherlands during 2001-2006”, Journal of Child and Adolescent
Psychopharmacology, vol. 20, no 1, février 2010, p. 55-61.
161 Cedric Gumy, et al., “Prevalence of Methylphenidate Prescription among School-
Aged Children in a Swiss Population : Increase in the Number of Prescriptions in the
Swiss Canton of Vaud, from 2002 to 2005, and Changes in Patient Demographics”,
Journal of Attention Disorders, vol. 14, no 3, novembre 2010, p. 267-272.
162 Centers for Disease Control and Prevention, “Increasing Prevalence of Parent-
Reported Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder among Children – United States,
2003 and 2007”, Morbidity and Mortality Weekly Report, vol. 59, no 44,
novembre 2010, p. 1439-1443.
163 “Recommandations de l’agence européenne visant à limiter les risques liés à
l’administration de Ritaline® ou d’autres médicaments contenant du méthylphénidate”,
Afssaps, 23 janvier 2009.
164 Collectif Prescrire, “Hyperactivité avec déficit de l’attention : hallucinations
induites par le méthylphénidate”, Prescrire, septembre 2006.
165 Collectif Prescrire, “Hyperactivité avec déficit de l’attention : gare au dérapage !”,
Prescrire, avril 2004.
166 European Medicines Agency. Jusqu’en 2004, EMEA (European Medicine
Evaluation Agency).
167 Voir, notamment, les enquêtes sénatoriales présidées par François Autain
de 2005 à 2011.
168 “Recommandations de l’agence européenne visant à limiter les risques liés à
l’administration de Ritaline® ou d’autres médicaments contenant du méthylphénidate”,
Afssaps, 23 janvier 2009.
169 Etude encore non disponible au moment où nous rédigeons ce livre.
170 Puis un autre rapport, tout aussi explosif, des professeurs Philippe Even et Bernard
Debré.
171 La fluvoxamine est un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine.
Fœtotoxique et déconseillé chez les jeunes de moins de 18 ans souffrant de dépression
sévère, il est pourtant administré chez l’enfant à partir de 8 ans contre les TOCs.
172 Gerald A. Maguire, “Prolactin Elevation with Antipsychotic Medications :
Mechanisms of Action and Clinical Consequences”, The Journal of Clinical Psychiatry,
vol. 63, suppl. 4, 2002, p. 56-62.
173 Cette augmentation des prescriptions a été de 500 % pour les antipsychotiques
atypiques et de 160 % pour les antipsychotiques en cinq ans, de 1996 à 2000, au Texas.
Paola Laita, et al., “Antipsychotic-Related Abnormal Involuntary Movements and
Metabolic and Endocrine Side Effects in Children and Adolescents”, Journal of Child
and Adolescent Psychopharmacology, vol. 17, no 4, août 2007, p. 487-502.
III
LE GRAND CONSENSUS

Devant la prolifération des nouveaux produits chimiques et des risques


sanitaires qu’ils peuvent faire courir à la population, il aurait été logique que
les décideurs politiques aient à cœur de développer la toxicologie, dont les
moyens ont toujours été très faibles. Les défis actuels de la production
industrielle, tout particulièrement ceux que nous lancent les secteurs de la
chimie, de l’agro-alimentaire, du médicament et des nanotechnologies, nous
placent devant de telles incertitudes et de tels dangers potentiels que la
nécessité de soutenir une politique de prévention à la hauteur des enjeux
devrait s’imposer d’elle-même. Or, depuis que notre société est entrée dans
une phase intense d’ingénierie biologique, chimique et physique, au tournant
des années 1950-1960, elle a toujours permis aux lobbies industriels de faire
pression contre tous ceux qui risquent de porter ombrage à leur production. A
commencer par les toxicologues, ces chercheurs dont le travail est précisément
d’identifier l’impact des différentes substances sur les organismes…
SPACE COWBOYS

“Nous sommes des gêneurs, car nous mettons en exergue des problèmes que
les industriels et les politiques qui les soutiennent trop aveuglément
préféreraient ne pas voir”, nous expliquait le toxicologue Henri Pézerat en
janvier 2009, peu avant de disparaître1. Il nous rappelait que les pouvoirs
publics, en France, venaient de fermer la dernière filière de formation en
toxicologie, celle qui subsistait encore au Cnam. Un comble aux yeux de celui
qui avait lancé l’alerte contre l’amiante et qui travaillait sur la neurotoxicité
de l’aluminium et sur son rôle de cofacteur dans le développement de la
maladie d’Alzheimer2. Plus que tout autre, il était conscient de l’importance
vitale de la toxicologie pour repérer les substances nocives et intervenir le plus
tôt possible. C’était lui également qui, avec André Cicolella3 et un autre grand
toxicochimiste, André Picot, avait dénoncé au début des années 1980 le
laxisme français devant le saturnisme lié à l’eau distribuée par les
canalisations en plomb4. Des gêneurs, donc, non seulement sur le plan
financier pour les industries jamais très promptes à se soucier des dégâts que
peuvent causer leurs produits, mais aussi sur le plan des responsabilités. Henri
Pézerat, directeur de recherche au CNRS et d’une intégrité à toute épreuve, était
capable de s’opposer fermement aux positions officielles rassurantes quand
ces dernières niaient l’état des connaissances scientifiques. C’était aussi l’un
de ceux qui avaient repéré très tôt les failles du programme Reach mis en
place en Europe à partir de 2006 pour évaluer une partie des substances
chimiques et les autoriser ou non. Des failles géantes, obtenues grâce au
lobbying incessant de l’Union des industries chimiques (UIC), des fédérations
des grands groupes de l’agroalimentaire, du pétrole, du médicament et de
l’informatique : les pesticides allaient y échapper, de même que les
nanomatériaux et toutes les substances produites en faible tonnage.
A la fin des années 1990, l’Académie des sciences elle-même s’était émue
de voir la toxicologie ainsi réduite à néant. La vieille institution,
traditionnellement peu réactive, en a fait état dans un rapport qui aurait dû
alerter l’opinion. Il est vrai, son émotion n’était pas dictée par le souci de
protéger la population, mais par celui de “maintenir la France à un niveau de
compétition international” sur ce terrain où le champ libre était laissé aux
“experts étrangers”, c’est-à-dire aux mises en cause de certains produits
nationaux5. Cette analyse n’a pas non plus suscité de réaction officielle des
autorités. “Le résultat, c’est que les industries françaises viennent nous
chercher à présent quand leurs produits sont attaqués par les toxicologues qui
travaillent pour leurs concurrents internationaux”, nous explique Maurice
Rabache, toxicologue à la retraite à qui des industriels ont dernièrement
“demandé de leur former quelques gars à la toxicologie car ils n’en ont plus
pour contre-expertiser des critiques de plus en plus vives6 !” Cela ressemble à
un remake de Space Cowboys, le film de Clint Eastwood où la NASA, face à un
danger imminent, revient piteusement chercher d’anciens astronautes, trop
vite écartés, pour les convaincre de revenir les aider7.
UN TRAIN NOMMÉ ALZHEIMER

Nous courons les manifestations consacrées aux maladies neurologiques pour


comprendre les raisons de ce qui nous apparaît comme un immense
refoulement des causes environnementales. Au début du mois de
septembre 2010, un curieux train se prépare à sillonner la France. Avec
ses 375 mètres de wagons, on ne voit plus que lui. “Il est deux fois plus long
qu’un TGV !” souligne la SNCF. D’ailleurs, la compagnie de chemins de fer ne
l’appelle pas TGV, elle lui a préféré le sigle TTM : “Le Train pour Tout savoir
sur la Maladie”. La Maladie ? La maladie d’Alzheimer8…
“Le TTM transporte une grande exposition et des experts de la maladie
d’Alzheimer chargés de tout expliquer sur le fléau”, nous dit une attachée de
communication. Rien de moins. Selon la SNCF et France Télévisions qui se
présentent comme les organisateurs, ces spécialistes vont “prévenir, informer
et donner des précisions concrètes sur la maladie, mais également faire le
point sur les recherches en cours”.
Le train savant s’arrêtera dans toutes les grandes villes de l’Hexagone. Il
partira de Paris-Est, fera escale à Lille, puis à Mulhouse, Dijon, Lyon, Nice,
Marseille, Montpellier, Toulouse, Nantes, Bordeaux… L’attelage n’oubliera
pas non plus d’informer la population de la région Centre, à Clermont-Ferrand,
avant de remonter dans la capitale, le 21 septembre, pour la journée Alzheimer
qui prendra le relais.
La ministre de la Santé Roselyne Bachelot a tenu à être présente pour lancer
l’événement. Elle inaugure le train devant les caméras, en compagnie de
Bernadette Chirac qui est venue en tant que présidente de la Fondation Claude
Pompidou, partenaire de l’événement. La brochette de personnalités compte
aussi la secrétaire d’Etat aux Aînés, Nora Berra, le président de la SNCF
Guillaume Pépy et les dirigeants de France Télévisions. Les journalistes sont
au rendez-vous, le succès est assuré. Roselyne Bachelot parle de “train
optimiste”, de “train de l’espoir”, de “grande réussite parce qu’il mobilise
l’ensemble des acteurs de l’Alzheimer” ! Elle rend hommage aux “chercheurs
magnifiques qui mettent au point des traitements et, pourquoi pas, des
médicaments qui permettront demain de guérir la maladie” ! Elle souligne les
mérites de Nicolas Sarkozy : “Cette démarche s’inscrit parfaitement dans les
priorités fixées par le président de la République”, le “Plan Alzheimer dégage
un milliard et demi d’euros sur la durée de la mandature du président de la
République qui l’a présenté en 2008”… Les orateurs se succèdent et mettent
en avant le mot “conviviance qui réunit la convivialité et l’espérance, deux
termes qui sont les emblèmes du Train”.
Roselyne Bachelot monte à bord du train. Les caméras la suivent. Sur les
parois du wagon sont accrochées de nombreuses photos de visages, chacune
munie d’un Post-it portant le prénom à ne pas oublier. A leur vue, la ministre
semble avoir trouvé une solution au fléau et ne cache pas son enthousiasme :
“Ah oui, ça, le Post-it, c’est un élément très important du traitement de
l’Alzheimer !” Ses accompagnateurs la regardent, bouche bée, en se
demandant si elle est sérieuse. On passe vite à autre chose.
Pour ajouter une touche “people” attractive, les organisateurs ont embauché
deux stars : l’animateur-comédien Gérard Klein et la romancière Irène Frain.
Au départ de Paris, le 7 septembre 2010, les grandes chaînes de télévision
multiplient les interviews du “parrain” et de la “marraine” qui répètent
gentiment qu’ils sont “solidaires de la cause”. Gérard Klein explique qu’il
parraine le train “sans être personnellement touché” : “J’ai la chance d’avoir
une mère indemne, mais il faut que tout le monde soit conscient, je comprends
très bien les drames que cette maladie entraîne…” Aux journalistes qui lui
demandent si l’on en connaît les causes, il répond : “D’après ce que j’ai appris
grâce au train Alzheimer – je le dis, il est vraiment formidable ce train ! –, ce
seraient des raisons génétiques…”
Dans chacune des grandes villes traversées, les médias régionaux ont déjà
programmé la place du reportage qui saluera l’arrivée du convoi. Des élus
locaux et des préfets tiendront des discours débordant de compassion et
reprenant généreusement les communiqués de presse des organisateurs. Les
téléspectateurs ne pourront ignorer son passage. Ceux qui ne prendront pas le
temps de se déplacer sauront au moins que “la maladie d’Alzheimer et les
maladies apparentées progressent avec l’âge”, que la maladie d’Alzheimer est
devenue “une cause nationale” et que “face à ce fléau, le président Sarkozy a
lancé le 1er février 2008 un plan Alzheimer doté de 1,6 milliard d’euros”. Des
journalistes régionaux de France 3 nous confient qu’ils se contenteront de
suivre le mouvement général : “On ira faire quelques prises de vue du train, et
on fera un montage de quelques extraits d’interviews des notables politiques
sans se poser de questions”, résume l’un d’eux9. “On n’a pas notre mot à dire,
les directeurs régionaux de la chaîne en ont décidé en direct avec le national,
ça fait partie des infos sanctuarisées par le gouvernement”, précise un autre.
Cela signifie-t-il qu’il n’y aura pas de question imprévue ou dérangeante, pas
la moindre distance critique ? “Les directeurs régionaux de France 3 sont tous
issus de nominations politiques”, nous rappelle un journaliste de la chaîne. Ses
confrères des différentes régions confirment ses propos.
Nous ne tarderons pas à découvrir que toutes les chaînes de télévision vont
adopter la même attitude, se contentant de reprendre les communiqués des
organisateurs : “Face au défi que représente la maladie d’Alzheimer, la SNCF et
France Télévisions ont décidé de créer le Train contre la maladie
d’Alzheimer”… La presse écrite se coulera dans le même moule. Pas une tête
ne dépassera.
EXPOSITION SOUS INFLUENCE

“Ben, mon vieux, ils ont mis le paquet sur ce coup-là !” s’exclame un usager
qui découvre le TTM à Paris. Cela fait justement partie de nos interrogations.
Les médias n’évoquent pas le budget, aucun chiffre ne leur a été diffusé, ce qui
nous rend curieux. Le sujet serait-il tabou au regard de la cause défendue ? De
fait, Trains Expos n’a rien communiqué sur cet aspect. Personne ne s’y arrête,
et nos questions sur le financement paraissent fort déplacées alors que tout le
monde s’engage dans le “grand combat collectif contre la maladie”. On nous
regarde comme des casseurs d’ambiance, de tristes sires. Il semble incongru
de vouloir parler d’argent et d’examiner les coulisses quand chacun salue cet
“élan de générosité”, cette “chaîne de solidarité nationale”.
Pourtant, nos yeux tombent sans cesse sur les logos colorés des sponsors,
qui ornent les flancs des wagons, les prospectus et les affiches. Notre regard ne
peut se poser quelque part sans que l’aspect financier revienne nous troubler.
Nous remarquons d’abord le logo de Pfizer, la firme pharmaceutique qui vend
des médicaments contre la maladie depuis 1994, et celui d’Eisai, un autre
laboratoire qui occupe le même marché. Leur envahissante sponsorisation,
nous dit-on, témoigne de leur solidarité. Quant aux conditions qu’ils ont
posées, elles sont gardées secrètes. Ce voile pudique ne nous paraît pas de bon
augure, nous en aurons le cœur net.
En attendant de lever un coin de ce voile, nous espérons que les
organisateurs ont su se garder des dérives habituelles à ce genre de
participation, les laboratoires n’ayant pas coutume de rester indifférents au
contenu des manifestations qu’ils sponsorisent. Ces derniers sont
ordinairement habiles à décrire les mécanismes des pathologies sous un angle
favorable à leur marché. Ainsi orientent-ils les politiques sanitaires mises en
place, en particulier dans le but d’obtenir des investissements publics se
portant préférentiellement sur la recherche de médicaments plutôt que sur la
prévention. Notre inquiétude grandit en découvrant que Nestlé, le géant de
l’agroalimentaire, a également apporté son soutien à travers sa tête de pont,
Nestlé Nutrition, structure qu’il a créée en 2005 pour promouvoir de nouvelles
palettes commerciales dans le domaine des compléments alimentaires,
notamment des “produits performance pour les sportifs” et des “programmes
d’accompagnement de perte de poids”. Les messages de la multinationale sur
les prospectus que nous recueillons soulignent sa nouvelle vocation : “lutter
contre la dénutrition des malades d’Alzheimer”. Alors que nous approchons du
premier wagon, notre crainte s’accentue à leur lecture : “30 à 40 % des
patients Alzheimer perdent involontairement du poids ce qui entraîne une
dénutrition, facteur aggravant majeur de la maladie d’Alzheimer” et “Nestlé
Nutrition, acteur engagé depuis des années dans la recherche en nutrition
clinique, vous donne rendez-vous à bord du Train Alzheimer pour vous
informer et vous donner des conseils pratiques de prévention afin de veiller à
la bonne alimentation de votre proche”. Les organisateurs les ont donc laissés
s’installer à bord ! Ce n’est plus seulement de la sponsorisation mais une
autopromotion dans le cadre d’une campagne de santé publique organisée par
un service également public. Un beau mélange des genres.
La lecture des prospectus nous informe que divers assureurs sponsorisent
également le train, dont AG2R La Mondiale. On trouve aussi Bluelinea, la
société qui vend des bracelets à puce pour les malades qui risquent de perdre
leur chemin, et quelques autres entreprises “philanthropes”… Allons-nous les
retrouver aussi parmi les experts du train ? Décidément, nous sommes de plus
en plus impatients d’apprendre “tout ce qu’il faut savoir” sur la maladie qui
touche près d’un million de personnes en France et qui fait chaque année
entre 100 000 et 225 000 victimes supplémentaires10. Un panneau sur le quai
nous rappelle, au cas où nous l’aurions déjà oublié : “Obtenez toutes les
réponses aux questions que vous vous posez.” Nous grimpons donc dans le
train…
A bord, nous découvrons en grosses lettres que “le train Alzheimer est
équipé par Philips”. Ce message-là non plus, on ne risque pas de l’oublier, il
reviendra dans chaque wagon. Une voix familière nous interpelle aussitôt,
celle de Nicolas Sarkozy : “C’est un engagement personnel auquel je
veillerai…” Elle vient d’un écran de télé qui délivre en boucle une allocution
du président de la République. Il explique que “ce plan s’étendant
de 2008 à 2012 représente un effort cumulé de 1,6 milliard d’euros
(1,2 milliard d’euros pour le médico-social, 200 millions d’euros pour la santé
et 200 millions d’euros pour la recherche)”. Autour de nous, des panneaux
répètent que “la maladie d’Alzheimer est une priorité de santé publique” et
que “le président a décidé de lancer un plan Alzheimer réellement ambitieux
afin de mieux prendre en charge la maladie”. Enfin, voilà un président qui
prend le taureau par les cornes, pourraient penser les visiteurs ignorant que le
plan Alzheimer a été lancé en réalité dès 2001, par le gouvernement de Lionel
Jospin, puis relancé en 2004 sous la houlette de Jacques Chirac, par le ministre
de la Santé et de la Protection sociale, Philippe Douste-Blazy…
D’innombrables photos de personnes âgées couvrent les parois. Des
légendes affichent la définition de la maladie et soulignent l’ampleur de la
pandémie. Les perspectives épidémiologiques font frissonner une dame qui
s’est arrêtée pour les commenter : “800 000 malades, ça fait du monde, et ils
disent que 165 000 nouveaux cas apparaissent chaque année, c’est ça qui est
vraiment effrayant…” Pourtant quelque chose la chiffonne : “Je ne comprends
pas pourquoi ils nous disent depuis des années qu’il y a 800 000 malades alors
que s’il y a 165 000 nouveaux cas par an, ça devrait augmenter. Ils ne savent
pas faire d’addition ou quoi ?” Nous lui expliquons que beaucoup meurent de
l’aggravation de la maladie, certains au bout d’un an, d’autres au-delà de dix
ans, sans compter les malades qui décèdent pour d’autres raisons11. Il est vrai
que le ministère de la Santé lors du premier Plan Alzheimer, en 2001,
annonçait déjà le chiffre de 800 000 malades. Cependant, comme nous l’avons
démontré plus haut, la pandémie avance vraiment et fait de plus en plus de
morts. Les épidémiologistes savent que sa courbe gagne en vitesse, notamment
par l’extension des cas dans les franges de population plus jeunes. Les
panneaux annoncent à ce sujet que 1,3 million de personnes seront touchées
en 2020, et près du double en 2040. En progressant dans le wagon, un malaise
nous gagne : ces informations sont assénées comme s’il fallait déjà se résigner
à l’idée que cette progression est inévitable. Ce fatalisme nous frappe, car il ne
correspond pas à l’état des connaissances scientifiques sur les causes de la
maladie, comme nous le verrons. Et les communiqués ne nous avaient-ils pas
dit que le Train Alzheimer aborderait le volet prévention ?
Les wagons suivants répètent à nouveau que le président de la République a
lancé “un plan réellement ambitieux” et que “ce plan est un effort sans
précédent en faveur de la maladie d’Alzheimer” (sic !). Ils rappellent les
moyens alloués aux jeunes chercheurs et aux médecins. Une recherche
entièrement consacrée à l’amélioration des soins et du diagnostic, comme si
l’on avait définitivement écarté toute idée d’investir sur l’éclaircissement des
causes et les moyens de s’y attaquer. Troublant.
On nous décrit le développement de la maladie : l’apparition des
symptômes, le diagnostic, le traitement qui retarde un peu la perte
d’autonomie, la prise en charge et l’accompagnement par les proches, le
placement en centre, puis la mort du patient.
L’exposition souligne avec force que “l’âge est un facteur de risque”.
L’allongement moyen de l’espérance de vie expliquerait la multiplication des
cas, bien qu’un panneau signale plus loin que l’on compte des victimes de plus
en plus jeunes et que les moins de 60 ans sont d’ores et déjà 30 000 à 50 000.
Il est curieux que les concepteurs de l’exposition n’aient tiré aucune
conséquence de cette extension ni la moindre interrogation, mais il est vrai
qu’ils ne se distinguent pas en cela des autorités, lesquelles ne s’y attardent
jamais. Ils évoquent par ailleurs qu’“être une femme est un facteur de risque”
car “à partir de 85 ans, une femme sur quatre et un homme sur cinq sont
touchés”. Cette manière de présenter les choses incite à confondre les
différences de vulnérabilité de la population et les causes elles-mêmes. En
outre, concentrer l’attention sur une situation qu’on ne peut modifier (être une
femme, être âgé…) en utilisant la même expression de “facteur de risque” que
lorsqu’on parle de facteurs de risques évitables tend à faire passer pour
impossible la prévention qui agirait sur les causes. Pour prendre un exemple
expressif, songerait-on à dire qu’être une femme est un facteur de risque face
au danger du viol et que, dans l’impossibilité d’envisager de faire disparaître
le genre féminin, la prévention doit se concentrer sur le traitement des
victimes pour que leur corps et leur cerveau résistent mieux aux conséquences
de l’agression ? De la même manière, accepterait-on que la prévention des
intoxications chimiques, dont les enfants sont les principales victimes dans
l’environnement domestique, se réduise à investir sur les médicaments
limitant les dégâts ? On pourrait ainsi multiplier les exemples rappelant que la
plus grande vulnérabilité de catégories de population à un risque ne saurait
être évoquée comme “facteur de risque” pour justifier qu’on ne s’attaque pas à
ses causes évitables.
Mais notre visite ne fait que commencer. Sur une modeste borne télévisée,
un professeur de médecine évoque rapidement le rôle du surpoids, du
cholestérol et du diabète parmi les facteurs. Il s’arrête sur “les facteurs
génétiques et familiaux” tout en précisant que ces facteurs ne concernent
qu’un “faible pourcentage de cas”. Faible ? Quel est exactement ce
pourcentage ? Est-il si faible qu’on néglige de l’indiquer ? Pourtant,
l’information est de taille puisqu’elle renverse les fondements mêmes des
orientations prises par les autorités et les institutions qui martèlent depuis des
années que les causes de la maladie sont surtout génétiques ou, ce qui revient
au même, qui mettent systématiquement en avant les découvertes biologiques
brevetables quelle que soit leur importance objective12. A-t-on voulu adoucir
le caractère explosif du message en le rendant imprécis ? Nous ne tardons
d’ailleurs pas à retrouver cette inclination dominante pour les facteurs
génétiques, malgré le “faible pourcentage de cas”, avec un texte en gros
caractères qui nous attend un peu plus loin, en parfaite contradiction avec le
précédent : “La Fondation Plan Alzheimer a déjà réalisé une percée majeure en
septembre 2009, avec la découverte de deux nouveaux gènes (CLU et CR1)
prédisposant à la maladie, élue parmi les plus grandes découvertes
scientifiques de 2009 par la revue La Recherche et Time Magazine.” Hélas ! là
encore, personne ne peut nous dire quel “faible pourcentage” de malades est
concerné par cette “percée majeure”.
Aucune recherche n’est évoquée sur les causes environnementales, comme
si rien de majeur n’avait été découvert en ce domaine. L’oubli est d’autant
plus étonnant qu’une petite liste, parmi les textes initiaux de l’exposition,
signale sommairement ces facteurs : le tabac, les pesticides et “la
consommation d’une eau trop riche en aluminium”. Inutile non plus de
chercher des détails sur ces informations, le train est mutique. On aimerait
pourtant que cette ligne précise ce que signifie “trop riche en aluminium”.
Comment pouvons-nous contrôler les doses et faire en sorte qu’on les
réduise ? Et, en l’absence de précision sur la quantité considérée comme “trop
riche”, que faire de ce message ? Pourquoi les sources de l’information ne
sont-elles pas données pour ceux qui voudraient en savoir plus ? Quant aux
pesticides responsables, quels sont-ils parmi les centaines de substances dites
“phytosanitaires” ? Sont-ils toujours en vente et pouvons-nous les éviter ?
Aucun des interlocuteurs présents dans l’exposition ne sera capable de nous
répondre, ni même de nous orienter vers une personne informée. Curieuse
prévention. Tout au contraire, les nombreux acteurs du Train Alzheimer
présents nieront l’intérêt de ces facteurs et s’empresseront de ramener vers les
facteurs génétiques. Nous ne l’oublierons pas, nous n’avons pas l’intention de
laisser les organisateurs se défiler.
DES EXPERTS DE LA COMMUNICATION
COMMERCIALE !

Nous pénétrons dans le wagon no 4, transformé en un chic écrin blanc où


s’affichent d’énormes logos de Pfizer et de Eisai entre des photos de
chercheurs penchés sur leur microscope et leurs tubes à essais. Les messages
qui nous entourent affirment que les laboratoires pharmaceutiques garantissent
la sécurité des médicaments et que ces derniers ont fait des progrès
considérables. “D’ailleurs, plus on les prend tôt, plus les effets contre la
maladie d’Alzheimer sont efficaces”, explique une jeune femme à un couple
de retraités. Un groupe d’élégantes personnes attend les visiteurs suivants.
L’une d’elles nous accueille avec un grand sourire : “Bonjour, connaissez-vous
les médicaments contre la maladie…” Nous l’interrompons : “Vous êtes une
experte de cette maladie ?” Elle cache son embarras : “Oui, je suis une
personne du laboratoire et j’explique comment nous…” Nous insistons : “Dans
quel secteur ? De la force de vente ?” Elle se raidit et nous toise : “Heu… Qui
êtes-vous ?” Nous expliquons que nous préparons un ouvrage sur les maladies
neurodégénératives et leurs causes. Branle-bas de combat, d’autres membres
de l’équipe ont compris que leur collègue est dépassée, on nous cerne : “Notre
chargée de presse va s’occuper de vous. Vous êtes journalistes, c’est ça ?”
Nous poursuivons : “Et vous, vous êtes médecins ou chercheurs ?” La réponse
se répète, le sourire forcé : “Nous travaillons pour les laboratoires.” Ils
n’entament pas notre pugnacité : “Vous dites travailler pour les laboratoires,
c’est vaste. Vous êtes des chercheurs ou des représentants de la force de vente
de Pfizer ?” Cette fois, leur gêne est visible. Finalement, nous obtenons des
réponses, livrées à contrecœur : “Oui, nous sommes des communicants du
laboratoire, mais tout le monde dans ce train est là pour défendre sa boîte.”
Nous y voilà. Les experts qui devaient “tout nous expliquer sur la maladie”
sont de pauvres diables prêts à réciter des chapelets de formules pour remplir
leur rôle, qui paniquent dès qu’on veut approfondir le sérieux de leurs
informations. “Les médicaments que vous vantez ralentissent vraiment le
cours de la maladie de façon significative et n’entraînent pas d’effets
secondaires graves ?” Réponse : “Heu, vous voulez parler de quoi ?” Nous
continuons : “Vous savez que des études sur le donépézil contestent gravement
le rapport bénéfice-risque de cette molécule ? Vous soutenez que votre
médicament a des effets secondaires acceptables et qu’il n’est pas seulement
symptomatique ?” On nous promet de nous répondre plus tard, “quand la
personne qui pourra répondre reviendra…” Nous restons néanmoins sur place.
Nous avons le temps. En attendant la “vraie spécialiste” qui ne viendra pas,
nous écoutons le Dr Françoise Forette diffusée sur des écrans grand format
faire l’éloge des médicaments de Pfizer : “Les nouveaux médicaments ont
révolutionné totalement la prise en charge de la maladie d’Alzheimer.” Elle
déplore qu’on prescrive ces médicaments “seulement à un patient sur deux”.
Avant de promouvoir l’usage du donépézil, l’éminente doctoresse a longtemps
défendu le Cognex® (tacrine), mis en vente par Pfizer en 1994 malgré sa
toxicité redoutable sur le foie. Sa vertu était considérée comme très discutable
au regard de ses effets secondaires dramatiques, des hépatites fréquentes et,
parfois même, des troubles neurologiques13. Françoise Forette estimait
néanmoins que le médicament était bon et déplorait déjà qu’on ne le prescrive
pas à de plus nombreux patients. Il faut dire que cette gérontologue, alors
membre de la Commission d’autorisation de mise sur le marché (AMM), était
l’experte qui avait supervisé l’essai pour l’industrie, puis signé le dossier
soumis à la Commission en 1994. Des observateurs s’étaient émus de ce qui
ressemblait à un cumul des rôles et à une situation de conflit d’intérêt14.
Devant cette suspicion, Françoise Forette avait fait savoir qu’elle était “sortie
au moment des débats de la Commission d’AMM”, mais il était apparu qu’en
tant que présidente du conseil scientifique de l’influente association France
Alzheimer, qui réclamait l’autorisation du médicament, elle était
omniprésente d’un bout à l’autre du circuit du médicament. Par ailleurs, elle
est aussi présidente du Collectif national Alzheimer, une association créée
en 2007 à la demande du Premier ministre, François Fillon, pour coordonner
32 organisations intervenant sur la maladie : institutions, sociétés savantes,
organisations professionnelles, associations de malades… Au titre de
présidente de ce collectif, Françoise Forette est aussi membre du Comité de
suivi du Plan Alzheimer15.
Aujourd’hui, le médicament vedette est l’Aricept® (donépézil), mis au point
par la firme japonaise Eisai et distribué par Pfizer. Selon le directeur d’Eisai
France, sa toxicité pour le foie est bien moindre que celle de la tacrine. Il est
bon de rappeler tout de même qu’il entraîne beaucoup d’effets secondaires,
pour une efficacité discutée. La revue Prescrire, dont nous avons déjà parlé,
une publication médicale fonctionnant sans publicité (comme la revue
Pratiques), rappelle à ce sujet que le médicament a un “effet modeste”
ralentissant la progression de la maladie pendant quelques mois chez 10 % des
patients. Elle précise qu’“un essai comparatif randomisé (c’est-à-dire avec des
patients tirés au sort) sur une durée de trois ans a montré que le donépézil ne
retardait ni l’entrée en institution ni la perte d’autonomie chez les malades
atteints d’une forme légère à modérée de la maladie d’Alzheimer16”. Quant
aux effets secondaires fréquents, ils sont impressionnants : anoxerie, troubles
neurologiques (vertiges, tremblements, maux de tête, insomnie, agressivité,
hallucinations, agitation, syncopes, aggravation de syndromes
parkinsoniens…), déshydratation, troubles digestifs (diarrhées,
vomissements), incontinence urinaire, fatigue, risques d’interaction
médicamenteuse avec des neuroleptiques et certains traitements cardiaques.
On a même noté parfois des troubles cardiaques, des hépatites, des
convulsions, des hémorragies digestives, des ulcères… En un mot, le rapport
bénéfice-risque semble caricatural. Un groupe de médecins, le Formindep17, a
d’ailleurs formé un recours devant le Conseil d’Etat pour contester le manque
d’indépendance des experts ayant formulé les recommandations officielles de
prescription de la molécule18.
NESTLÉ AU CHEVET DES MALADES

La suite du train nous achemine vers l’équipe de Nestlé, une brigade de la


force de vente ? Une jeune femme nous salue : “Vous vous intéressez à nos
compléments nutritionnels ?” Nous lui confirmons : “Cette campagne nous
étonne, Nestlé étant tout de même un gros vendeur de produits sucrés qui
favorisent le surpoids et divers troubles qui, d’après les informations du
wagon 3, peuvent contribuer à la maladie d’Alzheimer…” Elle est prise de
court. Nous continuons : “Vous faites partie aussi de la force de vente ?”
“Non” répond-elle. “Alors, de quoi ?” Elle hésite puis lâche : “De… D’une
agence, j’ai été embauchée par une agence de communication, mais je ne vois
pas ce qui pose problème…” Derrière elle, un panneau Nestlé explique : “Il
semble que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentant une
perte de poids aient une aggravation de leurs troubles de la mémoire.” On nous
explique l’intérêt des produits de Nestlé Nutrition pour les malades et les
personnes âgées en général qui présentent des risques de dénutrition. Nous
nous retenons de signaler ironiquement que les produits de Nestlé pourraient
servir à soigner les fréquentes anorexies que provoque le médicament vanté
dans le wagon précédent… Sentant notre réserve, la jeune femme pense nous
convaincre par un argument choc : “Nos produits peuvent être remboursés par
la Sécurité sociale qui a reconnu leurs bienfaits.” Est-ce une blague ?
Vérification faite, il faudra s’y résoudre : l’assurance maladie a en effet
enregistré les produits en question sur la liste des médicaments remboursables
dès 5 % de perte du poids du patient.
Nous découvrons ensuite l’espace de l’entreprise Bluelinea. Cette société
internationale vend des “bracelets électroniques alertant une centrale quand les
malades quittent leur périmètre de vie”. Un responsable nous vante ses mérites
et sa supériorité par rapport aux entreprises concurrentes.
Ensuite, un représentant de la compagnie d’assurance AG2R La Mondiale,
qui occupe solidement le marché des services à la personne, nous ouvre les
bras pour nous présenter les actions de son groupe pour combattre la maladie.
Comme nous doutons du désintéressement de l’assureur, il nous affirme
pendant un moment qu’il s’agit d’un groupe “à but non lucratif, comme la
Mutualité Française”. En nous voyant prendre en notes ses propos très
sérieusement, il finit par se rétracter : “Attention, c’est juste l’association
créée par AG2R pour sensibiliser les gens à la maladie d’Alzheimer qui est à
but non lucratif…”
Nos questions sur les causes de la maladie sont toutes écartées d’un revers
de main par nos interlocuteurs. Manifestement, leur préoccupation est ailleurs.
Lorsque nous les poussons sur le terrain des origines de la maladie que l’on
devrait s’efforcer de réduire, ils tiennent des propos pessimistes et nous
renvoient encore aux “facteurs génétiques”. Alors qu’ils se présentent au nom
de la “solidarité du combat contre la maladie”, leur intérêt ne se porte en
réalité que sur leurs propres produits ou services. Les économistes diraient que
la pandémie a créé un “effet d’aubaine”. Qu’on le veuille ou non, cette
maladie est devenue un marché juteux. Est-ce la raison inconsciente qui incite
tout ce monde à épouser l’idée que la maladie a une origine énigmatique qui
va l’installer durablement ? Evoquer la possibilité d’agir sur des causes et de
les prévenir ne pourrait que contrarier ceux qui spéculent sur elle d’une
manière ou d’une autre. Même le tabac, pourtant pointé en tête des causes
pathogènes dans la liste que nous avons lue attentivement, ne leur paraît pas
un facteur digne d’être combattu.
Parmi les sponsors, l’International Foundation for Research on Alzheimer
Disease (Ifrad) apporte aussi sa caution et tente d’élargir sa propre audience
dans l’espace qui lui est dédié. Cette fondation se donne pour mission de
“fédérer les énergies et les compétences afin que la recherche gagne en
efficacité au service de tous”. Son site internet nous en apprendra un peu plus :
“Soutenue par les plus hautes autorités scientifiques mondiales, encouragée
par l’Etat, la Fondation Ifrad a été créée pour promouvoir un projet ambitieux.
Grâce à elle, l’ensemble des acteurs de la recherche sur la maladie
d’Alzheimer disposera d’une plate-forme d’échanges, de bases de données
partagées, d’un centre de Ressources Biologiques unique, d’une vision
internationale… autant d’éléments propres à donner un nouvel élan aux
programmes en cours.” Décidément, les bonnes volontés ne manquent pas.
Nous prenons note des nobles ambitions de l’Ifrad, que nous aurons l’occasion
de retrouver à plusieurs reprises dans notre enquête.
Dans le même wagon, une voix nous enveloppe : “Nous sommes tous
concernés par la maladie d’Alzheimer. Pour un futur sans Alzheimer, aidez la
recherche !” C’est Alain Delon qui, sur un spot télévisé, fait appel aux
donateurs. En l’écoutant, il nous revient que les cigarettes Alain Delon
remportent un grand succès en Asie où, par ailleurs, la prévention contre les
dangers du tabagisme accuse un retard considérable. Manifestement, cet autre
paradoxe n’a pas non plus effleuré l’esprit des organisateurs. Nous
retrouverons l’artiste sur le site internet de l’Ifrad, dans le même exercice :
“Pour un futur sans Alzheimer, aidez la recherche : donnez à la Fondation
Ifrad.”
L’association France Alzheimer fait partie des exposants. Ses représentants
n’expriment pas non plus la moindre curiosité sur les causes de la pathologie,
nous renvoyant eux aussi aux gènes et au “vieillissement de la population”.
Quand nous leur faisons remarquer que le début de l’exposition signale le rôle
de l’aluminium, des pesticides et du tabac, tout en qualifiant les facteurs
génétiques comme faibles, leur réponse est sans appel : “Oh ça, c’est ce qu’ils
disent !” Nous leur demandons quels sont leurs arguments. La réponse devient
une ritournelle : “Ah, les personnes qui pourraient vous l’expliquer ne sont pas
là…”
Nous allons au-devant de la Mutualité Française, qui fédère les mutuelles à
but non lucratif. Elle qui fait toujours valoir son refus de voir la santé
transformée en commerce s’est curieusement laissée embarquer dans ce train
de la marchandisation de la maladie. En l’intégrant à cet attelage, les
organisateurs ont ajouté une petite note désintéressée qui brouille un peu les
cartes. Les personnes présentes à bord pour faire connaître la fédération
mutualiste nous confient leur malaise d’une voix unanime : “Nous n’aimons
pas beaucoup cette promiscuité, mais nous espérons que le public ne nous
confond pas avec les assureurs commerciaux qui sont à côté !” Nous le leur
souhaitons, mais elles se montrent tout aussi incapables de nous parler de
prévention.
Dans un tel contexte, il nous paraît finalement miraculeux que le panneau
évoquant en quelques lignes le rôle des pesticides, de l’aluminium et du tabac
ait pu conserver une place dans le train, même si elle paraît ridiculement
réduite. A l’évidence, son auteur n’avait ni médicaments ni assurance à
vendre. Nous partons à sa recherche… Il s’agit en fait du Dr Véronique
Chabernaud. Les organisateurs lui ont confié la rude mission d’éviter que
l’exposition ressemble à un simple train de commerçants et de lui apporter une
coloration éthique. Une véritable gageure tant les marques avaient pour
objectif de proposer une vision des choses favorable à leur marché.
Véronique Chabernaud ne revendique pas la totalité des choix, elle laisse
même deviner que l’exposition n’est pas le fruit d’une libre objectivité : “Il
fallait que ce soit un train consensuel… Ce qui n’était pas facile avec des gens
qui n’ont aucun souci de la prévention19.” Quand nous la questionnons sur
l’orientation dominante de l’exposition et la place sommaire accordée aux
produits neurotoxiques sur un unique panneau, elle se livre : “C’est le panneau
qui me tenait le plus à cœur !” Elle pratique une ironie désabusée : “On n’est
pas dans un pays où la prévention est encore jugée prioritaire ! Ces facteurs
sont toujours quelque peu escamotés…” Elle enfonce le clou : “Or, ce sont les
facteurs les plus importants et, pour le dire, je m’appuie sur des études
scientifiques solides. Il était hors de question que je fasse ce train sans parler
de prévention. Quant aux gènes, ils ne jouent un rôle que dans un très faible
nombre de cas : 4 % des malades seulement sont concernés. Et même lorsque
les gens ont des lésions spécifiques d’origine génétique, ils ne développent pas
forcément la maladie d’Alzheimer…” Véronique Chabernaud a le mérite
d’être claire.
Pourquoi a-t-elle accepté cette mission et cette place à l’étroit ? Après un
premier parcours en oncologie hospitalière puis au sein de directions de
l’industrie pharmaceutique, elle s’est spécialisée dans le conseil éthique et
marketing pour les entreprises. Son métier l’expose précisément à ce genre de
contorsions. Ce contexte fait ressortir le courage de ses propos : “Quand je
trouve une occasion de dire les choses, je ne la loupe pas. Pour trouver des
recherches sur les facteurs de risque environnementaux, ça a été un cauchemar
car on ne m’a rien communiqué ! On ne m’a pas aidée du tout contrairement à
la recherche sur les gènes et sur les médicaments. Et il est clair que la
recherche sur les causes environnementales n’est pas soutenue… Une
personnalité importante, dont je préfère taire le nom, s’est même étonnée en
disant : « Je ne vois pas pourquoi l’exposition aborde la prévention puisque les
mécanismes de la maladie ne sont pas encore élucidés ! » J’en suis encore
stupéfaite.” Il est en effet très regrettable de confondre ainsi les mécanismes
de la maladie avec ses facteurs déterminants. Pour le Dr Chabernaud, cela
reflète “le manque complet de culture de prévention aussi bien chez les
politiques que les industriels du médicament, et même chez les médecins. Ces
derniers n’ont même pas de formation dans ce domaine, ils sont juste formés
aux soins. Même l’assurance maladie ne fait pas de prévention primaire,
hormis avec les vaccins20 ! Les laboratoires s’en gavent grâce aux
remboursements, et la Sécu laisse le coût humain et économique de cette
attitude s’aggraver ! Les enfants eux-mêmes sont habitués à cette vision
fataliste de la santé qui laisse toute la place aux produits curatifs. Comme me
le disait un jeune récemment : « La santé, c’est prendre des médicaments pour
ne pas être malade. » Or, je voudrais qu’on comprenne qu’avec tout ce qu’on
sait sur les produits toxiques et les autres facteurs environnementaux comme
le surpoids et le diabète, il y a des possibilités d’agir par des mesures efficaces
contre la maladie d’Alzheimer. Cela aurait aussi d’ailleurs des répercussions
importantes sur d’autres fléaux comme le cancer ou les maladies
cardiovasculaires”. Cette femme a décidément compris bien des choses…
Concernant les wagons des sponsors, elle reconnaît que “ce sont les
industriels qui ont fait leur espace commercial à eux. Ils avaient juste
l’interdiction de vendre leurs produits ou services”. Elle tient à rappeler
néanmoins qu’au-delà de cette exposition, “les lobbies industriels ont un poids
évident dans le manque de place accordée à la prévention dans notre système
de santé”. “On sait bien, précise-t-elle, qu’un grand nombre de lobbies
puissants, en particulier ceux du tabac, des pesticides et de l’agroalimentaire,
n’aiment pas qu’on parle de la toxicité de leurs produits. La prévention, ça les
gêne. Même dans l’industrie pharmaceutique, où j’ai longtemps exercé des
fonctions à un haut niveau de responsabilité, la prévention n’est pas la
bienvenue. J’y ai même entendu dire explicitement : « Il ne faut pas faire de
prévention car c’est scier la branche sur laquelle on est assis. » J’y conserve
des amis, et je sais que la profession qu’on exerce peut nous mettre des
œillères. Ceux qui pensent de cette manière n’ont d’ailleurs pas vraiment
conscience des conséquences de leur attitude. Moi-même, il m’a fallu un
temps fou pour le comprendre, j’ai dû passer par des années de formation en
prévention pour en prendre conscience et m’ouvrir à la santé publique.” Elle
aimerait aujourd’hui que tout le monde ouvre les yeux : “Contrairement à ce
qui est répété, la santé ne va pas de mieux en mieux, c’est totalement faux, la
montée des maladies neurologiques le prouve.”
D’autres questions restent en suspens. Comment des services publics
comme France Télévisions et la SNCF ont-ils pu se prêter au jeu du train
Alzheimer ? Mais pourquoi ces deux sociétés s’intéresseraient-elles à la
maladie d’Alzheimer ? Qui a vraiment mis ce train sur les rails ?
LES COULISSES DU TRAIN QUI NOUS MÈNE EN
BATEAU

Officiellement, ce sont France Télévisions et la SNCF qui ont pris la décision


d’organiser cette énorme exposition itinérante. Nous découvrons qu’en réalité,
les choses méritent un regard plus aiguisé. Tout d’abord, c’est Trains Expos,
une entreprise de communication, qui a apporté son savoir-faire21. Les plus
grandes sociétés françaises et internationales ont déjà utilisé ses services pour
promouvoir leurs produits ou redorer leur blason : Disney, Saint-Gobain,
Macif, Mattel (poupée Barbie), Miele, Nestlé, Philips, Sanofi-Aventis… La
société propose à chacune de “composer son train expo à ses mesures pour
présenter ses produits”. Elle a également lancé, en 1990, le Train du Cinéma
sponsorisé par… le cigarettier Philips Morris (Marlboro et Chesterfield) pour
circuler pendant trois semaines dans 16 villes. Ce train aux antipodes de la
santé publique témoigne des relations financières des producteurs de tabac
avec les sociétés de production et de nombreux acteurs depuis plus d’un siècle,
mais il est bon de rappeler que la SNCF, avec l’aval du gouvernement – alors
que tout le monde savait déjà que le tabac tuait 60 000 Français par an –, s’est
montrée capable de s’adonner à ce genre d’exercice22. Pour l’anecdote, la
multinationale sud-africaine du diamant De Beers avait eu recours en 1990 à
ses expos sur rail pour mettre en valeur ses joyaux. Le gouvernement français
avait alors accepté de mettre à sa disposition jour et nuit des soldats de la
Légion étrangère pour surveiller étroitement les diamants exposés.
Comme l’explique un document de la filiale de la SNCF, “les entreprises ont
compris la nécessité d’aller à la rencontre de leurs clients au moyen des Trains
Expos”. En 1987, une multinationale de la chimie, Dow Chemical, y avait
recouru. Mise en cause par les vétérans américains de la guerre du Vietnam
pour avoir produit, avec Monsanto, le fameux agent orange (herbicide
contenant notamment de la dioxine qui les avait rendus malades), Dow
Chemical sortait alors d’une longue procédure judiciaire. L’entreprise avait
trouvé un arrangement financier mettant fin au procès, mais son image s’était
considérablement ternie et la presse internationale continuait de se montrer
attentive aux taux de malformations congénitales toujours élevés dans les
campagnes vietnamiennes23. En 2006, c’était au tour de Saint-Gobain
d’organiser une opération avec Trains Expos pour promotionner les colles et
les enduits de construction de sa filiale Weber et Broutin. Reconnaissons que
Trains Expos sait s’adapter à des commanditaires variés puisqu’il a aussi fait
circuler une exposition sur les méfaits du tabac, en 2007, avec le concours
d’associations de santé publique.
Des expositions ferroviaires ont ainsi été réalisées pour des centaines
d’entreprises, avec le concours de personnalités politiques et de leaders
d’opinion drainant des milliers de journalistes. L’entreprise n’attire pas
toujours autant de visiteurs qu’elle le souhaiterait, mais ces opérations
publicitaires portées par le rail parviennent surtout à toucher, à travers les
reprises de la presse, un public très large.
Nous avons demandé à Michel Fremder, directeur général de Trains Expos,
et ancien chef du département Image à la direction de la SNCF, de nous éclairer
sur le montage financier du Train Alzheimer, c’est-à-dire sur son budget et le
montant versé par chaque co-financeur. Sa réponse a été sans appel : “Cet
aspect fait partie des éléments sur lesquels nous ne communiquons pas. Le
Train Alzheimer est une opération très particulière, un peu citoyenne, et c’est
dans cet esprit qu’il faut la juger…” L’argument est paradoxal dans la mesure
où l’opération engage la SNCF et France Télévisions qui sont deux sociétés de
service public. Et l’idée même qu’il s’agit d’une “démarche citoyenne” devrait
renforcer le principe de transparence dans l’utilisation des deniers publics. Il
s’empresse de nous dire que “ce sont essentiellement les contributions des
grands groupes privés qui ont financé ce projet”. Nous y voyons une raison de
plus pour assumer la clarté. Nous insistons donc, dans un “esprit citoyen”, et il
concédera finalement que “le budget global tourne autour des 800 000 euros”.
Nous lui demandons ce que la SNCF a investi dans ce train. Michel Fremder
répond à reculons, sachant que ce n’est pas dans la vocation de la SNCF
d’organiser ce type d’événement et l’on peut aisément deviner qu’il pourrait
attirer les foudres d’observateurs institutionnels scrupuleux… Il concède
finalement que “la SNCF a mis un budget conséquent24…” Cette fois, il refuse
définitivement d’aller plus loin sur le sujet et se soustrait habilement à nos
autres questions.
Nous sommes surtout curieux de savoir qui a tiré les ficelles depuis le début
de l’opération. Ne parvenant pas à croire que la SNCF et France Télévisions
soient vraiment à l’origine de ce Train Alzheimer, et encore moins convaincus
par sa prétention “citoyenne” ou par un soudain accès de solidarité en faveur
des malades, nous écartons rapidement l’idée que l’initiative a été prise par
Michel Fremder ou par les sponsors. Certes, l’occasion a été donnée à ces
derniers de réaliser une grande opération publicitaire pour leurs produits et
services, tout en inscrivant leur marque dans le paysage institutionnel de la
santé publique, mais nous soupçonnons qu’ils n’en ont été que des
bénéficiaires annexes. Alertés par l’enthousiasme avec lequel l’exposition et
les déclarations aux médias rendaient généreusement hommage à l’“action du
président de la République”, nous remontons la piste de… l’Elysée. Ce que
d’aucuns appelleraient une “théorie du complot” ne tarde pas à se vérifier. De
confidences en vérifications, nous découvrons en effet que c’est précisément
un conseiller direct de Nicolas Sarkozy, le très influent Pr Arnold Munnich,
qui s’est rapproché de la SNCF pour lancer ce projet. Promoteur de la
privatisation des universités et chef d’orchestre de la réorganisation de la
recherche publique en santé, grand artisan de l’articulation de cette dernière
avec les investisseurs industriels privés, dont il est l’ardent défenseur, ce
généticien, biochimiste de formation, membre de l’Académie des sciences et
couvert de distinctions honorifiques, a consacré ses recherches à
l’identification de gènes entrant en jeu dans de nombreuses maladies
neurologiques métaboliques et malformatives encore considérées comme
“rares” mais représentant tout de même des marchés d’avenir colossaux. Son
équipe de recherche a déposé plus de vingt brevets dont les applications
commerciales, notamment en matière de diagnostic pré-natal, concernent
potentiellement le monde entier. L’homme a été nommé conseiller du
président (en santé et en recherche biomédicale) dès l’accession de Nicolas
Sarkozy à l’Elysée, en 2007. Ils se connaissent depuis le début des
années 2000.
L’influent conseiller n’a pas raté son coup. Toutes les télévisions ont fait
écho au Train Alzheimer et rappelé à cette occasion que Nicolas Sarkozy avait
fait du combat contre ce fléau “une priorité nationale”. Dans la presse écrite,
pas moins de 750 articles ont repris le communiqué des organisateurs, sans
une fausse note. Pas la moindre critique n’a été exprimée. Un tel consensus
n’aurait pas été possible sur un sujet plus directement politique. Décidément,
la maladie d’Alzheimer ne fait pas que des malheureux. Elle offre un “effet
d’aubaine” non seulement pour l’industrie pharmaceutique et d’innombrables
laboratoires de recherche génétique mais également pour les conseillers
politiques en quête d’opportunités médiatiques pour leur mentor.
TERMINUS OPÉRA

Le Train achève son périple le 21 septembre, pour passer le relais à la journée


Alzheimer. L’aventure se poursuit en soirée dans les luxueux salons de
l’Opéra-Comique, avec le 6e gala de l’International Foundation for Research
on Alzheimer Disease (Ifrad), qui a participé à l’exposition sur rail. Ils sont
nombreux ce soir-là à vouloir “aider la recherche” : 800 invités se pressent au
raout parisien placé sous le haut patronage de Nicolas Sarkozy, en présence de
la ministre Valérie Pécresse, de la secrétaire d’Etat Nora Berra, de Bernadette
Chirac, des anciens ministres Renaud Donnedieu de Vabres et Henri
Plagnol25… Nous retrouvons le président d’honneur de l’Ifrad, Alain Delon en
personne.
Les chanteurs Laurent Voulzy, Pierre et Alain Souchon, Thomas Dutronc,
Ours et Jane Birkin sont venus prêter leur voix pour cette grande cause
solidaire, puisque l’événement s’intitule “2 Générations chantent pour la 3e”.
Les “heureux privilégiés” côtoient aussi d’autres célébrités, parmi lesquelles
Son Altesse royale la reine d’Egypte Fadila Farouk, Son Altesse royale la
princesse Chantal de France, la princesse Hermine de Clermont-Tonnerre,
Farah Pahlavi (Farah Diba, l’ex-impératrice et épouse du shah d’Iran)… On
peut même croiser le général Hubert Chauchart du Mottay, président des
Gueules cassées, qui en profite pour glisser un chèque de 260 000 euros à la
Fondation et saluer l’épouse du marchand d’armes, Serge Dassault,
accompagnée de son fils Thierry, dont l’épouse Catherine Dassault est
membre du comité d’organisation de l’Ifrad, au côté de Loraine Donnedieu de
Vabres-Tranié (avocate spécialisée en droit de la concurrence) et du banquier
d’affaires et conseiller en placement Philippe Oddo, l’un des dirigeants de
l’Ifrad26. Thierry Dassault, qui fut accessoirement producteur associé chez
Claude Delon Productions, fait partie des sponsors. Les journaux du groupe
Dassault, dont Le Figaro, Le Figaro Magazine et Madame Figaro, rendront
honneur à l’événement.
Toutes ces relations et parentés fortunées réunies sous les ors de l’Opéra
pour ce gala de l’Ifrad laissent songeur et font redouter des conflits d’intérêts
derrière une grande cause nationale. Ce réseau monarchique, militaire et
affairiste attablé autour de la maladie d’Alzheimer sent la Restauration. Notre
République leur abandonne-t-elle la santé publique ? Pour l’heure, continuons
à faire nos provisions…
D’autres bienfaiteurs ont répondu à l’appel : l’assureur Allianz, les cognacs
Jas Hennessy et les champagnes Nicolas Feuillatte, le gestionnaire de maisons
de retraite ORPEA… Ils s’ajoutent à la liste des mécènes avec lesquels l’Ifrad
s’est déjà familiarisée au cours des années précédentes : la Française des Jeux,
Veolia, la Banque Rotschild, les laboratoires pharmaceutiques Janssen et
Eisai, les maisons de retraite Korian…
On aperçoit Bruno Dubois, professeur de neurologie, accessoirement
président du Comité scientifique de l’Ifrad et de l’Association France
Alzheimer, directeur de recherche à l’Inserm et membre du Conseil
scientifique de la Fondation Bettencourt. François Sarkozy, le frère cadet du
président de la République, n’a pas été oublié. Biologiste et pédiatre de
formation, il s’intéresse désormais moins à la santé des enfants qu’à celle des
personnes dont on omet de rappeler l’âge. En avril 2008, il a lancé une chaîne
de TV sur le web, LongeviTV, consacrée “au vieillir jeune et à l’anti-âge”.
Associé d’AEC Parterns, société de lobbying de l’industrie pharmaceutique, il a
conseillé d’innombrables producteurs de médicaments pour leurs
prospections, leurs négociations et leurs stratégies de commercialisation de
nouveaux produits. Il a aussi occupé des fonctions de direction chez Roussel
Uclaf, Aventis Pharma, Hoetch Marion Roussel et, depuis 2005, chez
BioAlliance pharma. Ce dernier groupe investit dans les nanotechnologies, en
particulier avec le brevet Transdrug pour le ciblage intracellulaire des
nouveaux médicaments.
Les initiés reconnaissent le Dr Jean-Elie Henry-Mamou, le médecin
personnel de Nicolas Sarkozy, un membre du Conseil supérieur de
l’audiovisuel, une productrice de télévision… Bien sûr, ce petit “cocktail
dînatoire” n’est pas à la portée de toutes les bourses (le menu est à 300 euros),
bien qu’il soit aux deux tiers déductible des impôts. Quant aux entreprises qui
réservent une “table Silver” de dix convives, elles doivent
débourser 50 000 euros. Leur dépense est 100 % défiscalisable et, à ce prix-là,
une page de pub leur est offerte dans le programme.
Pour ceux qui s’attristeraient de ne pas en être, ils peuvent se consoler en
pensant que nous participons tous un peu à la fête puisqu’une partie de nos
impôts permettra de compenser le manque à gagner pour l’Etat…
Une loterie est organisée “au profit de la recherche sur la maladie
d’Alzheimer”, et l’on incite le public à financer du temps de recherche sous
forme de “minutes” vendues 10 euros l’unité. “L’intégralité des bénéfices de
cette soirée est reversée au profit de la recherche sur la maladie d’Alzheimer”,
indique l’Ifrad.
VEILLE ÉPIDÉMIOLOGIQUE EN VOIE DE
PRIVATISATION

Mais à quoi servira vraiment tout cet argent, et quelles recherches financera-t-
il ? Nous voulons en savoir plus sur les ambitions de la Fondation. Le projet
prioritaire de l’Ifrad est d’associer des responsables des principaux
laboratoires de recherche sur la maladie d’Alzheimer afin de “centraliser en un
même lieu, le Centre national d’information et de recherche sur la maladie
d’Alzheimer (Cnir-Ma), l’ensemble de leurs résultats”, ce qui constitue “une
première en France”.
Une association privée pourrait-elle ainsi gérer un jour le registre national
d’une pathologie représentant un problème majeur de santé publique ? Bigre,
ce serait vraiment une première ! Les registres français de morbidité (registres
des cancers, des malformations congénitales, des cardiopathies
ischémiques…) sont en effet agréés par le Comité national des registres,
organisme public placé sous la double tutelle des ministères chargés de la
Santé et de la Recherche et co-présidé par le directeur de l’Institut de veille
sanitaire (InVS) et le directeur général de l’Institut national de la santé et de la
recherche médicale (Inserm). Le rôle des registres est primordial : il s’agit de
recueillir de façon continue et exhaustive des données à des fins de recherche
épidémiologique et de santé publique. Les registres sont particulièrement
importants pour la surveillance épidémiologique assurée par l’Institut national
de veille sanitaire. Il nous paraîtrait extrêmement choquant qu’une association
privée devienne responsable d’une structure d’utilité publique aussi sensible.
Le projet de “création d’un registre national de patients” figure bien dans
les objectifs de l’Ifrad. Les données proviendraient des études PREAL27 et
Paquid, ainsi que du “Programme hospitalier de recherche clinique réseau de
soins” et de l’étude 3C, alors que leur financement est public. Une chose est
claire : notre cerveau intéresse beaucoup les entreprises d’ingénierie génétique
et pharmaceutique ! Compte tenu de leur vocation commerciale, il est peu
probable qu’elles se serviront de ces données pour développer une politique de
prévention qui aurait pour effet de faire disparaître leur marché. Il est même
prévisible que le système de représentation qu’elles feront prévaloir pour
développer leurs produits aggravera encore la tendance à oublier les causes
environnementales évitables. Mais il se pourrait même qu’en devenant la
prérogative du secteur privé, la mise à disposition des données
épidémiologiques ne permette plus du tout de retrouver la trace de ces
facteurs.
La porosité entre le pouvoir politique et l’affairisme qui s’est développé
autour des maladies neurodégénératives nous semble d’un cynisme sans borne.
Le monde des décideurs politiques et économiques n’a-t-il tiré aucune leçon
des scandales sanitaires qui ont éclaté au cours des dernières décennies ? En
creusant la manière dont les autorités gèrent le dossier des maladies
neurodégénératives, nous allons découvrir que les relations de l’Elysée avec le
monde des laboratoires pharmaceutiques conditionnent littéralement la
politique de santé publique mise en œuvre en France mais aussi en partie au
niveau international. Notre enquête va nous conduire à retrouver quelques
“spin doctors” soucieux de favoriser le lobbying des groupes financiers qui les
soutiennent…

1 Henri Pézerat est décédé le 16 février 2009.


2 Henri Pézerat, “Aluminium dans l’eau et maladie d’Alzheimer”, février 2004,
archives personnelles.
3 André Cicolella est chercheur en santé environnementale et spécialiste de l’évaluation
des risques sanitaires. Il s’est attaché à faire reconnaître en France le statut de lanceur
d’alerte après avoir été licencié par l’Institut national de recherche et de sécurité pour
avoir dénoncé les risques liés aux éthers de glycol. Il est le fondateur et le président du
Réseau Environnement Santé.
4 H. Pézerat, A. Picot et A. Cicolella, Le Plomb ou la santé, Collectif Risques et
maladies professionnelles, Centre universitaire Jussieu, 1982.
5 Académie des sciences-CADAS, Etat de la recherche toxicologique en France, rapport
no 9, 1998.
6 Entretien avec les auteurs, septembre 2004.
7 Réalisé par Clint Eastwood, 2000.
8 Pour l’édition 2011 : www.lepetitsitesante.fr/Agenda/110426_train_alzheimer.pdf
9 Entretiens avec les auteurs, septembre 2010.
10 Catherine Helmer, et al., “Epidémiologie de la maladie d’Alzheimer et des
syndromes apparentés”, Medecine Sciences, vol. 22, no 3, mars 2006, p. 288-296.
11 La durée d’évolution de la maladie d’Alzheimer est de huit à dix ans en moyenne.
La complexité des déclarations de cas et de leur caractérisation donne aussi lieu à des
réajustements.
12 Voir, par exemple, le dossier consacré à la maladie d’Alzheimer sur le site de
l’Inserm. www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-
psychiatrie/dossiers-d-information/alzheimer
13 Crises convulsives, tremblements, vertiges, nausées, céphalées, ataxie, et soupçons
d’insomnies, de somnolence et de confusions mentales…
14 Françoise Forette, conseillère générale d’Ile-de-France (UMP) et conseillère de la
ville de Paris de 2001 à 2008, conseillère d’Etat, membre du comité d’experts du
programme Pensa (Programme d’éducation nutritionnelle du senior actif), membre du
conseil d’administration de la Croix-Rouge française, directrice de la Fondation
nationale de gérontologie, présidente de la Société française de gériatrie et de
gérontologie, coprésidente de l’Alliance pour la santé et l’avenir, directrice de
l’association International Longevity Center France, membre du conseil
d’administration de la Fondation Leroy Merlin, professeur de médecine interne et de
gériatrie à l’université Paris V, présidente du conseil de surveillance de l’hôpital Broca,
membre du conseil éditorial de Aging-Clinical and Experimental Research, etc. De
plus, elle a été directrice du conseil scientifique de l’association France Alzheimer
de 1992 à 2004, membre du comité consultatif d’experts sur la santé des personnes
âgées de l’Organisation mondiale de la santé, membre de 1998 à 2002 de l’unité de
recherche 324 de l’Inserm sur la neuropsychologie du vieillissement pathologique et
normal, conseillère auprès du ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes
âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille, et elle a signé plus
de 230 publications scientifiques.
15 L’association France Alzheimer regroupe 150 000 adhérents et donateurs,
100 associations départementales et 1 500 bénévoles.
16 Collectif Prescrire, “Les médicaments de la maladie d’Alzheimer”, Prescrire, 1er
juillet 2008.
17 Association pour une formation médicale indépendante.
18 Philippe Masquelier, “La recommandation sur la prise en charge de la maladie
d’Alzheimer : la HAS perd la mémoire de ses propres exigences”, 12 mars 2009,
www.formindep.org
19 Entretien avec les auteurs, novembre 2010.
20 La prévention primaire se situe totalement en amont de la maladie pour agir afin de
l’éviter. On la distingue de la prévention secondaire qui intervient pour limiter
l’aggravation ou l’extension de la maladie.
21 Elle se dénommait Trains Forum avant 2000.
22 La loi Evin interdisant la publicité pour le tabac a été votée l’année suivante,
en 1991. L’Etat est resté actionnaire de la SEITA (devenue Altadis) jusqu’en 2008, et
reste toujours “accro” à la taxe sur les ventes de cigarettes.
23 L’agent orange, utilisé pour affamer la population durant la guerre du Vietnam, a
entraîné un fort taux de malformations et un niveau de dioxine problématique dans le
pays. Dow Chemical a dû faire face à une campagne internationale demandant qu’une
partie de ses bénéfices soit consacrée à l’indemnisation des victimes jusque dans les
années 2000. Par ailleurs, Greenpeace rappelle que “depuis 2001, les actifs financiers et
les bénéfices d’Union Carbide (responsable de la catastrophe de Bhopal en 1984) ont
été repris par Dow Chemical” tout en refusant qu’une partie de ces bénéfices soit versée
aux familles des victimes (20 000 morts et 200 000 handicaps graves) et à la
dépollution du site où vivent toujours des personnes.
24 Entretien avec les auteurs, octobre 2010.
25 Membre du Comité exécutif de l’Ifrad, Henri Plagnol a été secrétaire d’Etat (UMP) à
la Réforme de l’Etat dans le gouvernement Raffarin (2002-2004).
26 Membre du comité exécutif de l’Ifrad.
27 Etude PREAL : “Approche multidisciplinaire du diagnostic de la maladie d’Alzheimer
au stade prédémentiel”. Investigateur principal : Pr Bruno Dubois, Inserm U610 à
l’hôpital de la Salpêtrière. L’étude est financée par le Programme hospitalier de
recherche clinique.
IV
EXPOSITION À TOUS LES ÂGES

Après les expositions précoces, notre cerveau continue à subir toutes sortes
d’agressions. Il est certes parvenu à son développement adulte et sa résistance
est plus grande, mais la diversité des risques et le nombre des expositions
augmentent. Certaines provoquent des affections rapidement visibles,
notamment quand il s’agit d’intoxications aiguës, d’autres induisent des
dégradations plus insidieuses préparant à des pathologies tardives. La
manipulation directe des produits chimiques, notamment au travail ou dans le
cadre du bricolage et des activités d’entretien, amplifie considérablement
l’intensité des contaminations et leur répétition. En outre, ce sont désormais
des décennies d’exposition qui vont se succéder sans laisser de répit à
l’organisme, le soumettant à une agression continue et multiple. Décennies
durant lesquelles les substances bio-persistantes, à l’instar du plomb et du
mercure, continuent de s’accumuler et de produire leurs effets. Des effets que
les valeurs limites réglementaires censées nous protéger ignorent le plus
souvent, car elles sont fixées en fonction de tests toxicologiques ne prenant
pas en compte les affections survenant à long terme et n’incluant pas les
“faibles” doses en synergie complexe.
Plus de 100 000 substances différentes figurent sur les listes de l’Union
européenne, dont 10 000 sont produites en quantités supérieures à 10 tonnes
par an et 20 000 en quantités comprises entre 1 et 10 tonnes. L’industrie
chimique de l’Union européenne est longtemps restée la première du monde,
suivie par celle des Etats-Unis avec 28 % de la valeur de la production. C’était
encore le cas au début des années 2000, où l’Union européenne représentait un
tiers de la production mondiale estimée à 1 244 milliards d’euros. Le lobby de
la chimie en a tiré un poids considérable et s’est doté de structures de pression
aux niveaux national et européen pour peser contre les décisions de santé
publique susceptibles de réduire ses marchés. Pour peser plus efficacement
encore, il s’est allié avec tous les grands secteurs. D’autant que les industries
transformant ces substances chimiques en produits manufacturés ou les
utilisant dans le cadre de leur fonctionnement ordinaire couvrent un champ
infiniment plus vaste (agriculture, plasturgie, médicaments, électronique,
produits ménagers, construction…) et contribuent à introduire dans notre
environnement quotidien ces substances en les associant selon des millions de
compositions différentes1.
Pour ne prendre que les substances provenant directement de l’industrie
chimique avant transformation, on estime que leur production annuelle est
passée de 1 million de tonnes dans les années 1930 à 400 millions
aujourd’hui2. Ces quelques données permettent de prendre conscience que
l’industrialisation n’a pas fait que soumettre notre environnement à des
pollutions plus ou moins occasionnelles, mais l’a abondamment imprégné, y
compris dans les zones rurales où le nombre de pesticides utilisés n’a cessé de
croître.
Une part importante de ces substances est neurotoxique et dûment
répertoriée comme telle. En 2006, l’Agence de sécurité sanitaire
environnementale et du travail (Afsset) proposait de considérer en priorité “les
principaux agents neurotoxiques” qu’elle regroupait en une liste qui donne le
vertige : “Aluminium, arsenic inorganique, bismuth, bromures, dérivés
organiques de l’étain, lithium, manganèse, mercure inorganique et organique,
plomb, thallium, des pesticides organochlorés (chlordane, DDT…), des
pesticides organophosphorés, les pesticides carbamates et
anticholinestérasiques, tous les solvants organiques (hydrocarbures,
hydrocarbures halogénés, alcools, cétones, glycols, éthers de glycols, amides,
éthers, esters, etc.), des gaz (acide cyanhydrique, monoxyde de carbone,
phosphine, sulfure d’hydrogène, etc.), des monomères (acrylamide,
méthacrylate de méthyle, styrène, etc.)3.”
Qu’une autorité sanitaire française établisse un tel tableau accessible au
public était un progrès, même s’il y manquait de nombreuses substances que
n’importe quel toxicologue rangerait immédiatement parmi les neurotoxiques
envahissants : les fluorures, les PBDE, les perchlorates, le camphre, des
édulcorants et quelques drogues, dont le tabac et l’alcool4… Sans parler des
neurotoxines bactériennes qui intéressent notamment l’industrie des armes
biochimiques et les firmes pharmaceutiques5. Il y manquait aussi les
nombreuses catégories de médicaments ayant des effets secondaires très
pernicieux sur le système nerveux central, comme nous venons de le voir dans
le chapitre précédent. Conformément aux domaines de compétence auxquels le
législateur l’avait cantonnée, l’Afsset laissait aux experts de l’Afssaps la
responsabilité d’en pointer l’impact, même si ces experts étaient, pour la
plupart, liés aux firmes pharmaceutiques.
ALUMINIUM AU ROBINET, EN PÂTISSERIE OU EN
SAUCE ?

Les étiquetages des aliments ne mentionnent pas toujours sa présence. Quand


ils le font, le consommateur n’est guère plus avancé, car il ignore
généralement ce que signifie “E 173”. En un mot, l’aluminium passe souvent
inaperçu, même quand il est présent en quantité. Ce qui est fréquent, surtout
dans les condiments, les biscuits, les eaux de boisson… Ce masquage
complique la tâche de ceux qui préféreraient l’éviter. Ce neurotoxique puissant
embarrasse terriblement les industriels et les politiques, comme nous allons le
découvrir.
Bien que certaines informations aient commencé à circuler au-delà de la
communauté scientifique, le grand public sous-estime encore son réel impact.
Il faut dire que le ministère de la Santé ne se montre pas très bavard sur le
sujet. Pourtant, les toxicologues le redoutent depuis un demi-siècle et
s’émeuvent de le voir aujourd’hui introduit partout. Il s’agit désormais du
métal le plus utilisé dans l’alimentation industrielle, et on le retrouve même
dans l’eau qui coule du robinet de centaines de millions de personnes dans le
monde. Sa présence est essentiellement due à l’usage des sels d’aluminium par
les sociétés des eaux pour la rendre plus transparente6. En France, entre les
années 1960 et 1990, les Français qui cuisinaient avec une eau du robinet
chargée en aluminium et qui la buvaient se comptaient par dizaines de
millions. Aujourd’hui, compte tenu de l’abandon de l’aluminium dans un
certain nombre de stations de traitement, environ 16 millions continuent à en
recevoir. Les quantités consommées dépassent la norme chez un quart d’entre
eux7.
Ce procédé a été utilisé dans une indifférence quasi complète jusqu’à ce
qu’une rumeur inquiétante commence à circuler parmi les observateurs avertis
et incite certaines grandes villes à l’abandonner subrepticement… En 1978, la
ville de Paris l’a fait remplacer par un traitement à base de fer. L’opération de
substitution, menée avec une parfaite discrétion, est passée inaperçue des
usagers. Le bénéfice, en termes de santé, n’était pas négligeable puisqu’il
faisait tout bonnement disparaître une substance qui contaminait le cerveau
des Parisiens, sans créer de scandale. On venait de constater en effet que l’eau
traitée à l’aluminium provoquait des encéphalopathies et des troubles cognitifs
chez de nombreux patients quand on s’en servait pour préparer les liquides de
dialyse… Des cas relatés dans la littérature scientifique, en 1972, avaient
révélé cette relation et conduit les médecins à noter des effets tels que perte de
mémoire, difficulté de concentration, dépression, hallucinations, troubles
paranoïdes, anomalies électroencéphalographiques, voire décès. Au cours des
années suivantes, l’examen des tissus cérébraux de personnes dialysées
décédées avait aussi fait apparaître un lien entre la durée de dialyse et les
concentrations d’aluminium dans leur matière grise8.
Des autopsies ont montré par la suite des taux élevés dans les os,
l’aluminium ayant, comme le plomb, une tendance à s’accumuler dans le
squelette à la place du calcium, constituant ainsi un “réservoir de relargage”
d’où il se déverse continuellement dans le flux sanguin, contaminant le
système nerveux et fragilisant les tissus osseux9.
En menant une enquête sur les fibres d’amiante intégrées au ciment des
canalisations, en 1995, nous sommes tombés par hasard sur des recherches
internationales sur les effets de l’aluminium dans l’eau de consommation.
Nous avons alors commencé à examiner l’état des connaissances scientifiques
sur son rôle en tant que cofacteur de la maladie d’Alzheimer. Ceci fut
fastidieux, Internet n’étant pas encore développé en France. S’il était
indéniable que les cas se concentraient chez les personnes âgées, nous
constations que de nombreux chercheurs, contrairement au discours des
autorités, ne se laissaient pas aller à considérer que le vieillissement était une
cause de la maladie, mais y voyaient surtout une condition de son apparition,
liée à son développement lent. En effet, le temps de latence de cette pathologie
cachant son évolution insidieuse durant des décennies confirmait que ses
causes initiales se situaient en amont de la vieillesse. Cette dernière pouvait au
mieux être retenue comme un contexte de vulnérabilité plus grande jouant
éventuellement un rôle de cofacteur. Mais, sauf à se laisser bercer, il sautait
aux yeux que vouloir attribuer une telle maladie à l’âge plus ou moins avancé
des victimes était aussi peu pertinent que d’imputer au vieillissement le
mésothéliome (cancer de la plèvre dû à l’amiante) en arguant que cette
pathologie touchait surtout des retraités. Le gouvernement français qui venait
d’interdire l’amiante à l’origine de ce cancer nous suggérait involontairement
ce parallèle en répétant que le temps de latence de la maladie l’avait empêché
d’établir plus tôt son rôle. L’argument était fallacieux, car l’état réel des
connaissances sur les effets de ces fibres aurait dû amener les décideurs
politiques à les interdire bien avant10, mais il avait finalement un mérite : son
hypocrisie montrait que les impostures sanitaires se nourrissent du temps
séparant les causes de leurs effets.
Le 13 octobre 1998, nous remettions un article d’une gravité exceptionnelle
au rédacteur en chef qui dirigeait alors France Soir, Yves Thréard, dont nous
connaissions la détermination sur les problèmes de santé publique11. Le texte
faisait état d’une vaste étude épidémiologique menée en France révélant que
l’aluminium présent dans l’eau du robinet multipliait par deux le nombre des
cas d’Alzheimer quand son taux atteignait 100 microgrammes par litre, ce qui
était fréquent. Le travail de l’Inserm portait sur 75 communes du sud de
l’Hexagone et avait mobilisé toute une équipe de chercheurs durant douze ans.
Le directeur de l’étude, Jean-François Dartigues, enchanté par notre curiosité,
nous avait révélé ce résultat stupéfiant. Il se montrait heureux de nous voir
diffuser ses conclusions, car son équipe les avait vérifiées interminablement :
“Cela fait déjà deux ans que le gouvernement nous fait vérifier nos résultats,
nous tournons en rond. La démonstration est faite !” nous confiait-il. Il était
évident que le ministère de la Santé rechignait à l’idée du scandale qui risquait
d’éclater.
Compte tenu de la gravité de la révélation et de la qualité du travail de
l’Inserm, Yves Thréard n’a pas hésité à consacrer cinq colonnes à la une au
scoop sanitaire12. L’article paraissait dès le lendemain et, comme on pouvait
s’y attendre, toute la presse y fit aussitôt écho, les chaînes de télévision et les
radios en tête. Devant la tempête médiatique, le secrétaire d’Etat à la Santé,
Bernard Kouchner, organisait promptement une conférence de presse dans son
ministère, avenue de Ségur. Accompagné de Daniel Commenges, un des
membres de l’équipe de l’Inserm, le ministre se livrait à un exercice aussi
déconcertant que condescendant, jetant le doute sur la relation rapportée par le
directeur de l’équipe tout en nous accusant de “sensationnalisme”. Absent,
Jean-François Dartigues s’était fait excuser en invoquant un problème
technique. En revanche, son collègue Daniel Commenges trouvait les mots qui
allaient calmer les journalistes : “Notre étude n’en est qu’à un stade
préliminaire. Elle n’a pas encore été publiée et n’est donc pas encore validée
scientifiquement.” La presse a repris ces deux phrases qui auraient mérité
d’être vérifiées. Comment un chercheur peut-il dire d’une étude menée sur une
cohorte suivie depuis douze années, dont deux ont été consacrées à la vérifier,
qu’elle “n’en est qu’à un stade préliminaire”, et alors que le directeur de
l’équipe déclarait exactement le contraire la veille ? Pour le moins, il jouait
sur les mots. Par ailleurs, comment soutenir qu’“elle n’a pas encore été
publiée” alors qu’on en trouve déjà la publication dans la littérature
scientifique internationale ? A moins que cette étrange déclaration traduise
une amnésie grave ou la manifestation d’un syndrome d’Alzheimer déjà fort
avancé, elle mérite d’entrer dans les annales de l’histoire des sciences, au
chapitre sur la pénibilité du métier de chercheur devant les exigences
paradoxales des ministères financeurs.
En effet, cette étude “pas-encore-publiée-donc-non-validée-
scientifiquement” avait déjà fait l’objet d’une publication, en 1996, dans la
revue de référence Epidemiology. On y lit notamment : “Le seuil pour un effet
de l’aluminium est très bas (3,5 microgrammes par litre), et l’on ne peut donc
pas soutenir l’hypothèse que cet effet adviendrait seulement à un niveau
élevé13.” Nous sursautons, car il s’agit en effet d’un taux très faible, alors que
la norme européenne autorise jusqu’à 200 microgrammes. Pourquoi le
chercheur n’a-t-il pas rappelé ce résultat publié ? Il aurait pourtant beaucoup
intéressé les médias présents. Il aurait également pu préciser aux journalistes
que son “stade préliminaire” n’empêchait pas sa rédaction pour l’American
Journal of Epidemiology, une des revues épidémiologiques les plus réputées
au monde14. En nous renseignant auprès de la rédaction de cette revue, nous
apprenons qu’elle a reçu l’étude dès le 8 avril 1999, et nous constatons qu’elle
confirme bien le doublement du nombre des cas d’Alzheimer à partir
de 100 microgrammes d’aluminium par litre. En tout état de cause, le
chercheur sous la houlette du ministre de la Santé a décidément tenu un propos
très en retrait.
Sachant que nous ne venions pas à la conférence de presse de l’avenue de
Ségur pour nous laisser bercer, un petit comité s’est précipité en nous voyant
arriver : un haut fonctionnaire, responsable de la prévention des pollutions et
des risques, accompagné de quelques jeunes femmes du ministère nous ont
pris à part : “N’affolez pas la population. Surtout ne créez pas de panique, ce
serait encore plus catastrophique ! Nous sommes parfaitement conscients du
problème, mais vous ne pouvez pas nous demander de tout résoudre en
claquant des doigts. Nous commençons à mettre en place un plan de
prévention, il nous faut un peu de temps…” L’homme nous a parlé un long
moment pendant que ses accompagnatrices ponctuaient son discours en
opinant de la tête : “Le gouvernement a déjà pris des mesures, en coulisse,
auprès des industriels. Ils sont d’accord pour supprimer l’aluminium, mais il
leur faut changer leurs installations… Ce sera progressif, mais nous y
arriverons… Imaginez ce qui peut arriver si les gens sont pris de panique…”
Ce dernier argument, souvent utilisé par les responsables politiques
embarrassés, produit immanquablement chez les interlocuteurs d’anxieuses
images : des foules livrées à la “psychose collective”, se jetant des ponts ou
improvisant des pendaisons… Sur le coup, on est toujours troublés, et nous
l’étions. Ce directeur était visiblement heureux de nous voir attentifs et, plus
encore, de nous garder hors de la salle où Bernard Kouchner et le chercheur
achevaient leur prestation devant les journalistes. Nous avions encore quelque
naïveté. Depuis, rien n’a changé. Cet homme a vu les ministres passer, et les
opérateurs de l’eau continuent de traiter l’eau avec de l’aluminium un peu
partout en France et dans le monde.
De son côté, Jean-François Dartigues est intervenu dans le journal télévisé
de TF1 : “J’insiste sur le fait qu’il s’agit simplement d’une association
statistique… et qu’on ne peut pas, absolument pas… conclure à une relation
causale sur une seule étude…” Une seule étude ? L’épidémiologiste souffrait
donc lui aussi d’avoir bu trop d’aluminium. Il omettait de dire que les études
internationales étaient déjà nombreuses. Avec le toxicologue Henri Pézerat,
nous avons examiné ses diverses déclarations en les comparant avec ses
propres publications scientifiques dans des revues internationales. Fin
observateur des influences exercées par les ministères sur les chercheurs qui
soulèvent des problèmes fâcheux, le toxicologue concluait : “Cet homme a
reçu des pressions, il tient des propos qui n’ont rien à voir avec les résultats de
ses analyses et des travaux internationaux15.” Henri Pézerat y voyait un “cas
clinique caractérisé” de ce qu’il appelait “la recherche captive”, dont il a
longuement épinglé les dérives dans un travail de longue haleine, avec le
concours de la sociologue Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche
honoraire à l’Inserm, spécialiste des risques industriels16.
La journaliste d’investigation Sophie Le Gall qui a réalisé un reportage
en 2010 sur le sujet apporte des éléments qui vont dans le même sens : elle a
retrouvé un ancien directeur au CNRS, Guy Berton, qui était avec Jean-François
Dartigues, juste avant sa déclaration à TF117. “Bernard Kouchner a appelé
Jean-François Dartigues au téléphone pour lui intimer l’ordre d’aller, le soir
même, à TF1 pour contredire les propos qu’il avait tenus dans l’interview de
France Soir”, explique Guy Berton. Jean-François Dartigues niera les faits,
bien que son ancien confrère précise : “Je lui ai dit qu’il n’était pas le
chercheur du ministre ni du gouvernement, mais qu’il était le chercheur de la
population française et même de la population mondiale. Un chercheur n’a pas
de comptes à rendre à un ministre mais à sa conscience. Sa réponse a été très
simple, je m’en souviens comme si c’était hier, il m’a dit : « Oui, mais moi, si
je veux des crédits l’année prochaine pour mon unité… »”
En juin 2011, Sophie Le Gall nous expliquera que ses relances auprès du
cabinet de Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères, pour
l’entendre à ce sujet ont été écartées en arguant qu’il n’avait pas le temps. Son
équipe de réalisation a dû affronter aussi quelques difficultés. “On a été
attaqué par Veolia en référé, une procédure à effet immédiat pour interdire la
diffusion du reportage. Tout s’est passé en une journée, nous avons plaidé
l’après-midi même devant le juge, alors que le reportage devait passer sur
France 2 le soir même. Finalement, on a gagné, le juge nous a donné raison
une heure avant la diffusion ! Il a reconnu que notre critique portait sur tous
les opérateurs de l’eau qui utilisaient de l’aluminium et que nous ne
cherchions pas à critiquer Veolia en particulier18.” L’action en justice aurait
pu empêcher la diffusion du documentaire sur France 2 si le magistrat n’avait
pas été aussi prompt à rendre son jugement.
Au-delà du comportement des scientifiques qui peuvent craindre de perdre
leurs financements, quelle était la motivation du ministre pour mettre en scène
une conférence de presse aussi périlleuse ? Les autres ministères ne voyaient
certainement pas d’un bon œil la médiatisation d’une étude aussi explosive
portant atteinte à des “intérêts nationaux” de premier plan. L’opinion publique
aurait demandé la raison du maintien de l’usage de sels d’aluminium alors que
les résultats accablants étaient apportés. De plus, les malades et leur famille
pouvaient s’en indigner et demander réparation devant la justice. Sans compter
les répercussions politiques. Des gouvernements auraient été mis en cause,
ainsi que des firmes françaises traitant et distribuant de l’eau dans des grandes
villes du monde entier, y compris dans des pays où les associations de
victimes et leurs avocats sont très procéduriers et disposent du système de
class actions permettant de porter plainte en se regroupant par milliers. On
peut aussi songer aux répercussions pour les laboratoires pharmaceutiques qui
mettent des sels d’aluminium dans des médicaments anti-acides et des
vaccins. Et, ce n’est pas anodin, l’affaire aurait amené le public à s’interroger
sur l’utilisation de cette eau par toute la filière agro-alimentaire, qui de plus
n’hésite pas à ajouter de l’aluminium dans toutes sortes d’aliments,
notamment pour rendre les biscuits plus fondants et les pâtisseries plus
légères. Le plus modeste boulanger aurait pris conscience qu’en préparant sa
farine avec l’eau du robinet, il ajoute à chacun de ses pains une dose
d’aluminium indésirable. Ce dossier est sans doute l’un des plus encombrants
de la république sanitaire. Comme avec les précédentes catastrophes qui
auraient pu être évitées si les politiques avaient eu la volonté de s’opposer au
cynisme économique des grands groupes, la faiblesse des décideurs laisse
pantois.
En 2001, c’est-à-dire deux ans après la conférence affolée de Bernard
Kouchner, Jean-François Dartigues continuait encore à présenter le dossier de
façon surprenante. Par exemple, dans une revue française de gérontologie, il
écrit : “L’hypothèse d’une relation entre aluminium et risque de démence est
ancienne, basée sur la neurotoxicité de l’aluminium19.” Citant des études
internationales20, il rappelle que leurs résultats ont “renforcé la démonstration
du lien Alzheimer-aluminium dans l’eau, malgré les controverses apportées
par d’autres études”. Evoquant enfin les résultats plus récents de son enquête,
J.-F. Dartigues note : “Ils montrent une association entre un taux élevé
d’aluminium (+ de 100 g/litre) et un risque accru de maladie d’Alzheimer,
avec un risque relatif à 221.” Ne nous arrêtons pas sur les 100 grammes qui
substituent au seuil de 100 microgrammes un taux impossible à atteindre, il
s’agit sans doute d’une simple coquille qui s’est malencontreusement glissée
au pire endroit. Mais le chercheur ajoute : “Cependant ces résultats sont
encore préliminaires [sic !], basés sur un petit nombre de cas de malades, et
doivent être confirmés. Si une telle association existe réellement, des mesures
pourraient être prises (modification du traitement de l’eau notamment),
permettant de réduire l’incidence de la maladie d’Alzheimer.”
Etrange série d’affirmations, puisque l’étude en question a porté sur une
vaste cohorte incluant 3 777 personnes de plus de 65 ans suivies pendant huit
ans, et fait ressortir 253 démences dont 182 maladies d’Alzheimer. Les auteurs
de l’étude soulignent la multiplication du risque par 2,33 chez ceux qui
boivent une eau contenant plus de 100 microgrammes/l, et ils précisent que ce
résultat est “hautement significatif”. En somme, Jean-François Dartigues
affirme une chose et son contraire selon qu’il publie des articles scientifiques
à destination des chercheurs ou s’adresse à un public moins exigeant.
Nous l’avons joint en 2009, quand nous avons repris notre enquête sur
l’aluminium pour écrire ce livre. Nous avons demandé au Pr Jean-François
Dartigues pourquoi l’équipe de l’Inserm ne semblait plus travailler sur le
sujet, malgré son importance vitale et les travaux de chercheurs étrangers
confirmant la relation. Pas franchement enchanté de nous voir toujours
opiniâtres sur ce dossier, il nous a répondu d’une voix qui semblait très lasse :
“Vous savez, l’aluminium s’est révélé n’être qu’un cofacteur parmi d’autres,
ne jouant qu’un rôle périphérique… Il n’était pas nécessaire d’approfondir…”
Entre-temps, en 2003, l’InVS et deux agences de sécurité sanitaire ont publié
un rapport prétendant écarter le rôle toxique de l’aluminium apporté par l’eau.
Leur raisonnement était que l’eau de distribution ne représentait qu’une faible
part de l’aluminium apporté par la nature, les ustensiles de cuisine forgés dans
ce métal contaminant les aliments, les sauces en tube et les légumes en boîtes
au contact des conserves en aluminium22. Cette argumentation était aussi
censée démontrer que les études épidémiologiques établissant une corrélation
avec les cas d’Alzheimer étaient dans l’erreur. Au final, elle disculpait les
multinationales traitant l’eau à l’aluminium et les décideurs politiques ayant
fermé les yeux sur cette contamination.
Aguerri par les précédentes affaires de santé publique où il avait dû
longtemps affronter les rapports officiels rassurants, Henri Pézerat a continué
à creuser ce dossier. Connu pour sa grande rigueur, ce directeur de recherche
honoraire au CNRS n’était pas homme à prendre position à la légère sur des
problèmes sanitaires. Son rôle déterminant dans la mise à plat du dossier de
l’amiante en France, et dans la reconnaissance de diverses maladies
imputables à des substances toxiques, l’a fait redouter des ministères pour son
niveau d’exigence et son engagement auprès des malades. Il s’est penché sur
les raisons expliquant pourquoi l’aluminium hydrique (celui qu’on trouve dans
l’eau du robinet) avait un impact neurotoxique plus grand que l’aluminium
présent dans les aliments industrialisés23. Henri Pézerat a analysé le rapport de
l’InVS dans lequel il discernait des signes patents d’aveuglement : “Un des
principes les plus élémentaires de la toxicologie rappelle qu’une même
substance présente des risques différents selon sa biodisponibilité, liée à sa
forme et à son contexte. Or, l’aluminium hydrique présent dans l’eau du
robinet a manifestement une biodisponibilité très supérieure à celle de
l’aluminium ajouté aux aliments. Que la démonstration ait pu ainsi être
apportée d’une forte corrélation entre l’eau contenant ce toxique et la
fréquence des cas d’Alzheimer plaide en faveur de cette biodisponibilité. Il est
inadmissible qu’un rapport officiel nie, en dépit des faits, les résultats des
études et, pire encore, qu’il aille jusqu’à nier la plausibilité même de cette
relation délétère en la qualifiant de « déraisonnable »24.”
Il ne nous cachait pas son indignation : “Les autorités sanitaires veulent nier
coûte que coûte la relation entre l’aluminium dans l’eau du robinet et les
démences de type Alzheimer. Je n’ai jamais constaté un écart aussi scandaleux
entre leur déclaration à la presse et le contenu des études scientifiques qui
apportent des éléments de preuve accablants. Même dans l’affaire de
l’amiante, l’écart n’était pas aussi grand25 !”
Révolté par les communiqués de presse du ministère de la Santé qui
répétaient que l’eau du robinet ne pouvait pas être mise en cause, Henri
Pézerat avait initié, en février 2004, une pétition appelant toxicologues et
épidémiologistes à exiger des autorités qu’elles réduisent immédiatement la
valeur limite de 0,2 mg/l d’aluminium dans l’eau de consommation en la
divisant par quatre et engagent une vigoureuse politique de prévention. On y
lisait notamment : “Depuis une quinzaine d’années, une dizaine d’études
épidémiologiques dans divers pays ont mis l’accent sur un rôle probable de
l’aluminium dans l’eau de boisson. Des enquêtes ont eu lieu en Norvège, en
Ontario, au Québec, en Grande-Bretagne, en Suisse et dans le Sud-Ouest de la
France… Par ailleurs, plusieurs de ces études mettent en évidence un gradient
de risque en fonction de la concentration d’aluminium dans l’eau. On pouvait
semble-t-il s’attendre à ce que prévention et précaution l’emportent et que
suite à l’ensemble des études soit abandonné le traitement de l’eau par des sels
d’aluminium, d’autant que des solutions alternatives existent et sont déjà
fréquemment utilisées, que l’aluminium est un élément non essentiel à la vie,
et que sa toxicité pour le système nerveux ne fait de doute pour personne.
Rappelons en effet que cette neurotoxicité a été mise en évidence lors des
diverses observations en milieux professionnels, la première en 192126…”
Le texte, signé par un groupe de scientifiques où figuraient les noms
d’éminents scientifiques (dont André Picot, Annie Thébaud-Mony, Maurice
Rabache et André Cicolella), n’a pas été relayé par la presse. En revanche, des
journaux à grand tirage ont offert à leurs lecteurs des pages entières de “publi-
reportages” réalisés par les firmes de traitement vantant la qualité de l’eau du
robinet.
Quant aux autorités, elles ont continué d’affecter la plus grande indifférence
vis-à-vis de l’aluminium. Dans le rapport de Joël Ménard préparatoire au Plan
Alzheimer 2008-2012 et remis à Nicolas Sarkozy en novembre 2007, la
question des causes de la maladie d’Alzheimer est balayée d’un revers de
main.
AGRICULTURE INTENSIVE, UN TICKET POUR
PARKINSON AND CO

La France est le premier consommateur européen de pesticides. Nos


agriculteurs en épandent chaque année près de 100 000 tonnes sur les cultures.
Il n’y a donc pas lieu de s’étonner quand, en 2011, la première étude
d’imprégnation de l’Institut national de veille sanitaire montre que les
Français sont particulièrement imprégnés par ces produits : 90 % de la
population est contaminée par les organophosphorés27. Les niveaux moyens de
certains insecticides retrouvés dans leur sang sont trois fois plus élevés que
ceux des Américains28.
L’épidémiologiste William Dab, ancien directeur général de la Santé,
rappelait à l’occasion d’un colloque29, le 13 avril 2011, que si notre pays est
responsable de 5 à 10 % des ventes mondiales des pesticides, il apparaît en
revanche à la traîne en termes de publications scientifiques sur le problème…
Le Laboratoire santé travail environnement (LSTE) d’Isabelle Baldi à
Bordeaux30 est néanmoins reconnu auprès de la communauté scientifique
internationale pour ses études menées sur les agriculteurs de la région,
notamment sur les viticulteurs. Le premier volet de son étude épidémiologique
“Phytoner” chez des ouvriers viticoles girondins, publié en 2000, a montré que
les ouvriers exposés aux pesticides souffraient deux fois plus d’altérations de
leurs performances cognitives et avaient plus de risque de dépression par
rapport à leurs collègues non exposés. Une nouvelle batterie de tests a été
réalisée sur la même cohorte entre 2001 et 2003, et les résultats du deuxième
volet ont été publiés en décembre 2010. Ils confirment la baisse importante et
rapide des capacités cognitives chez les ouvriers exposés. Les auteurs
considèrent que ce déclin cognitif est “particulièrement étonnant compte tenu
de la faible durée de la période de suivi et de l’âge relativement peu élevé des
participants”. Ils évoquent le risque pour ces ouvriers d’une évolution
ultérieure vers une maladie neurodégénérative : en effet, il est bien établi que
les dégradations des performances cognitives sont associées à un risque de
maladie d’Alzheimer31.
Plusieurs équipes avaient auparavant montré un lien entre une exposition
professionnelle aux pesticides et le risque de maladie d’Alzheimer. En 2003,
les chercheurs du LSTE ont mis en évidence, dans une étude de cohorte, que les
plus exposés avaient entre 2,5 et 4 fois plus de risques de développer cette
maladie32. En 2010, des chercheurs américains ont resserré l’enquête autour
de pesticides précis : l’exposition aux organophosphorés augmente
significativement le risque de maladie d’Alzheimer33.
Le corpus scientifique sur la maladie de Parkinson chez les paysans est
encore plus accablant. Les insecticides les plus souvent incriminés sont la
roténone et les organochlorés, pour les herbicides le paraquat et, pour les
fongicides, la famille des dithiocarbamates (manèbe, mancozèbe…). Une
étude de synthèse a montré, en 2000, que les personnes exposées avaient en
moyenne un risque doublé34. Une enquête européenne portant sur cinq pays a
démontré en 2007 l’existence d’une relation dose-effet : plus les agriculteurs
utilisent de pesticides et plus ils augmentent leur risque de maladie de
Parkinson35. En 2009, une vaste étude cas-témoins confirme le doublement du
risque chez les utilisateurs de pesticides36.
Certaines synergies commencent aussi à retenir l’attention des chercheurs.
Une équipe de recherche a révélé, en 2009, l’effet cocktail entre un herbicide
et un fongicide : le paraquat37 et le manèbe38. Vivre à proximité d’un champ
traité avec l’un ou l’autre de ces produits multiplie par 2,3 le risque de
développer une maladie de Parkinson chez les moins de 60 ans, mais par 4,2 si
les deux pesticides sont pulvérisés sur les mêmes parcelles39. Leur
démonstration apporte ainsi la preuve d’un risque environnemental et pas
seulement professionnel lié à l’épandage de pesticides.
Le paraquat n’est interdit dans l’Union européenne que depuis 200740, mais
les fongicides comme le manèbe, le mancozèbe et le métirame sont toujours
couramment utilisés en France sur la plupart des cultures41. Les preuves de
leur implication dans la maladie de Parkinson sont pourtant bien étayées
depuis les années 1980. Des chercheurs français avaient tenté d’alerter
en 2002 sur les risques résultant d’une exposition chronique des agriculteurs à
ces molécules, en faisant la synthèse des études épidémiologiques : outre la
maladie de Parkinson, ils pointaient l’augmentation des troubles
neurocognitifs. Les auteurs signalaient que les conséquences à long terme de
l’exposition à ces produits “devraient faire l’objet d’un programme approprié
de recherche et de surveillance, en particulier du risque lié à des
contaminations professionnelles ou accidentelles42”. Le manèbe est
particulièrement montré du doigt pour la maladie de Parkinson, en raison de la
présence de manganèse, dont on connaît depuis longtemps la responsabilité
dans cette pathologie43.
Alors, qu’attend-on pour en finir avec ces molécules dans l’Union
européenne ? Leur interdiction n’est pas envisagée à ce jour : ces fongicides
ont été inscrits en 2006 sur la liste des substances actives autorisées pour dix
ans. Le nouveau règlement européen, entré en vigueur le 14 juin 2011, affiche
pourtant la volonté de mieux protéger la santé humaine et l’environnement44.
En principe, il interdit désormais les substances actives des pesticides
reconnues ou fortement suspectées d’être cancérogènes, mutagènes ou
toxiques pour la reproduction45. Il prévoit aussi d’exclure les perturbateurs
endocriniens, les POP (Polluants organiques persistants), les PBT (Persistants
bioaccumulables toxiques), les “très persistants” et les “très
bioaccumulables”… L’événement est considérable. Les députés européens
avaient demandé que les pesticides neurotoxiques soient aussi interdits mais,
après une intervention de lobbyistes industriels auprès de la Commission
européenne (CE), la neurotoxicité ne figure finalement pas dans les critères
d’exclusion des molécules46. La CE s’est contentée d’inviter les industriels à y
substituer des produits non neurotoxiques quand ils en auront trouvé la
possibilité technique47, ce qui leur donne encore de longues années pour se
retourner… En fait, ils pourront ainsi continuer de commercialiser des
substances neurotoxiques jusqu’en 2028, au minimum.
Pour obtenir le retrait d’une partie d’entre elles avant cette date, il faudra
trouver celles qui présentent aussi l’un des effets délétères retenus
(perturbations endocriniennes, cancérogénicité, etc.). Ainsi, le manèbe et sa
famille sont, en plus d’être neurotoxiques, des perturbateurs endocriniens. Ces
fongicides devraient donc figurer dans la liste européenne des substances à
interdire selon le nouveau règlement.
Les utilisateurs de pesticides les plus exposés doublent leur risque de
tumeur du cerveau et font plus que tripler celui de gliomes48, ces tumeurs
cérébrales dont le pic de fréquence se situe entre 50 et 60 ans49. Quelques
études, moins nombreuses, indiquent aussi une élévation du risque de sclérose
latérale amyotrophique chez les personnes les plus exposées aux pesticides,
mais ce lien reste à confirmer50.
La promotion des équipements individuels de protection (EPI), masque et
combinaison, a été le cheval de bataille de la Mutualité Sociale Agricole (MSA)
et des chambres d’agriculture ces quinze dernières années. Elles se seraient
montrées plus avisées en dépensant autant d’énergie pour faire baisser les
quantités de pesticides pulvérisés. Deux scientifiques de l’université de
Bordeaux et un inspecteur du travail se sont en effet aperçu que ces EPI sont
non seulement inefficaces, mais qu’en plus ils accroissent le risque de
contamination des agriculteurs. Effarés par ce qu’ils ont découvert et choqués
par “la prudence, voire la frilosité de certains acteurs”, ils ont décidé de
rédiger une note d’alerte adressée aux responsables des six institutions
concernées (seules deux ont répondu), puis de la diffuser largement par
Internet et au sein de divers réseaux de prévention (voir encadré ci-dessous51).

Extraits de la note d’alerte sur l’inefficacité des protections


individuelles

Le traitement des données amène plusieurs réflexions :


– Le port d’un vêtement de protection n’évite pas totalement la
contamination ;
– Lors de la phase de préparation le port d’une combinaison limite en
partie la contamination mais ne l’évite pas totalement ;
– Lors des phases de traitement et de nettoyage, les personnes ayant
porté des combinaisons sont globalement plus contaminées que celles qui
n’en portaient pas.
[…]
Les résultats sont alarmants puisqu’ils mettent en évidence un
phénomène de perméation qui se produit en très peu de temps pour une
large gamme d’herbicides couramment employés en agriculture, en moins
d’une minute les produits purs migrent à l’intérieur de la combinaison et
en moins de 10 minutes pour du produit dilué.
[…]
Après discussion avec des industriels fabricants de combinaisons, il
ressort que les combinaisons recommandées pour l’agriculture ont été
développées initialement pour l’industrie. L’agriculture ne constituant
qu’une niche en matière de vente, l’efficacité des combinaisons n’a pas été
testée vis-à-vis des matières actives contenues dans les produits
phytosanitaires utilisés y compris parmi les plus courants.
[…]
Il est fort probable que la sueur générée par les efforts physiques, ne
pouvant pas s’évaporer car piégée dans la combinaison, puisse favoriser la
pénétration des produits phytosanitaires à l’intérieur de la combinaison. En
ce qui concerne la phase de nettoyage, on peut penser que la pression des
jets d’eau et le ruissellement pourraient favoriser la migration des produits
accumulés sur la surface externe de la combinaison.
[…]
Conclusion
Au-delà du secteur agricole, ce constat alarmant pourrait être mis en
relation avec le nombre croissant des cancers professionnels. En effet, dans
la grande majorité des situations de travail les seuls moyens de protection
mis en œuvre sont les équipements de protection individuelle ; or l’étude
Pestexpo met en évidence l’insuffisance de leur efficacité en situation
réelle. Cette situation problématique implique de fait les institutions
françaises et européennes compétentes en matière de prévention et de
certification.
[…]
Dans la situation actuelle, il est complètement illusoire voire cynique de
penser que c’est à l’utilisateur de produits phytosanitaires de s’assurer que
les protections à sa disposition sont compatibles et efficaces avec les
produits phytosanitaires qu’il utilise. De plus, parce qu’ils décident de
porter des protections, en acceptant l’inconfort thermique et les gênes
associées, les viticulteurs pensent qu’ils sont protégés. Le pire en termes
de prévention comme de protection est alors d’être exposé à des dangers
avérés et se protéger donc se croire protégé alors qu’il n’en est rien.
Bien que les résultats dont nous disposons soient issus de recherches
portant sur la contamination des agriculteurs par des produits
phytosanitaires, nous pensons que les problématiques ici présentées
peuvent être au moins en partie transférables aux activités industrielles. Ne
réduire le problème qu’à l’agriculture serait une erreur.
[…]

Les EPI utilisés par les agriculteurs ont en fait été mis au point pour
l’industrie et n’ont jamais été testés vis-à-vis des matières actives contenues
dans les pesticides. Or, “lors des phases de traitement et de nettoyage, les
personnes ayant porté des combinaisons sont globalement plus contaminées
que celles qui n’en portaient pas”. La sueur générée par les efforts physiques
ne pouvant s’évaporer, elle favoriserait la pénétration des produits
phytosanitaires à l’intérieur de la combinaison.
Il faut imaginer l’inconfort de cette “protection” dans laquelle l’agriculteur
sue à grosses gouttes. Mais c’était pour lui, croyait-il, le prix à payer pour
protéger sa santé. “Le pire en termes de prévention comme de protection est
alors d’être exposé à des dangers avérés, et se protéger donc se croire protégé
alors qu’il n’en est rien”, concluent indignés les lanceurs d’alerte.
Si les employés agricoles sont en première ligne, les jardiniers amateurs
sont aussi concernés par le risque neurologique lié à la pulvérisation des
pesticides. Nous faisons tous les frais du tabou qui a longtemps pesé sur ces
produits qu’on nous présentait comme parfaitement inoffensifs pour
l’homme : en réalité, les personnes qui traitent leurs plantes d’appartement ont
un risque de gliome deux fois plus élevé que les autres52. Et, au-delà des
utilisateurs, compte tenu de l’imprégnation corporelle de toute la population,
il ne fait plus guère de doute que les pesticides apportés par l’alimentation
représentent un facteur de risque supplémentaire dans la soupe chimique que
nous absorbons.
Le 19 mars 2011, le petit bourg tranquille de Ruffec au cœur du vignoble de
Cognac était au centre d’un événement sans précédent. Des paysans et leurs
familles s’y sont donné rendez-vous pour lancer officiellement l’association
Phytovictimes, regroupant des agriculteurs intoxiqués aux pesticides. Paul
François, l’enfant du pays initiateur de cette “Jaquerie” contre les
multinationales, en précise les principaux objectifs : faire toute la transparence
sur les “produits phytosanitaires”, aider les paysans dans leurs démarches
auprès de la Mutualité Sociale Agricole (MSA) pour faire reconnaître leurs
maladies professionnelles et réclamer aux pouvoirs publics une étude
épidémiologique indépendante pour éclaircir le lien de cause à effet entre
certaines maladies et l’exposition aux pesticides. Ce paisible agriculteur
de 47 ans a osé s’attaquer publiquement au géant Monsanto dont il est
désormais la bête noire…
Paul François est bien décidé, avec l’aide de son association, à dévoiler le
scandale de la contamination silencieuse de milliers de paysans. Il fut lui-
même victime en 2004 d’une intoxication aiguë au Lasso, un herbicide53 de
Monsanto (interdit en 2007), à l’origine de symptômes neurologiques :
malaises, vertiges, moments d’absence, pertes de connaissance, difficultés
d’élocution… Les Centres antipoison, sollicités par l’agriculteur, lui ont
étrangement déconseillé d’effectuer des analyses de sang et d’urine. Paul
François, après avoir subi de longues périodes d’hospitalisation ponctuées de
nombreux et coûteux examens, voyant que l’hypothèse de l’intoxication au
Lasso était toujours laissée de côté, a fini par se tourner vers l’association
Toxicologie Chimie d’André Picot. Pour ce toxicochimiste, expert honoraire
auprès de l’Union européenne pour les produits chimiques en milieu de travail,
l’intoxication était l’hypothèse la plus probable. Il n’a pas manqué d’être
étonné par l’attitude incompréhensible des Centres antipoison (CAP).
Paul François, à qui Monsanto a proposé entre-temps un arrangement
financier, a dû aller en justice pour faire reconnaître son atteinte
professionnelle (décision de la cour d’appel de Bordeaux, janvier 2010). Au
cours de la procédure, les experts des Centres antipoison ont carrément accusé
l’agriculteur d’inhaler volontairement du Lasso, comme le rappelle la
journaliste Marie-Monique Robin54. Le toxicologue Jean-François Narbonne,
sollicité pour une contre-expertise, a confirmé l’intoxication de Paul François,
et n’a pas mâché ses mots envers les CAP : “Ils ont au mieux fait preuve d’une
incompétence difficilement croyable, au pire d’une volonté délibérée de ne pas
fournir les preuves de l’implication du produit industriel55.”
Une fois l’intoxication reconnue, l’agriculteur a engagé une action pour
“faute” contre la multinationale devant le tribunal de grande instance de Lyon.
Il veut ainsi démontrer que “Monsanto savait que son produit, interdit
dès 1992 en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, était bien plus dangereux
qu’il ne le laissait entendre56”.
Il en faut, du courage, pour s’attaquer au tabou des expositions
professionnelles des agriculteurs français. Soutenu par François
Veillerette57 et par Marie-Monique Robin58, Paul François est aujourd’hui
sorti de son isolement et poursuit son combat. Il a contribué à lever un coin du
voile qui recouvrait pudiquement les origines des maladies que les
agriculteurs n’osaient s’avouer, sous la pression de leurs fournisseurs et les
pudibonderies de la FNSEA.
LE COIN GOURMAND : BOUES TOXIQUES AU MENU

Les pesticides ne contaminent pas seulement ceux qui les pulvérisent. Le


simple fait de manger nous y expose quotidiennement, à moins de ne remplir
notre assiette que d’aliments cultivés dans notre potager ou répondant aux
normes bio les plus exigeantes59. Des chercheurs américains60 ont évalué
l’exposition aux pesticides organophosphorés via l’alimentation
conventionnelle (issue de l’agriculture intensive) chez des enfants, en incluant
une période de passage à une alimentation “bio”. Cette étude a clairement
démontré la présence importante de métabolites de pesticides
organophosphorés (catégorie de substances qui perturbent le système nerveux)
dans l’urine des enfants quand ils mangeaient des produits issus des circuits
agricoles ordinaires, et la disparition de ces toxiques dès qu’on leur servait
durant quelques jours des aliments cultivés sans substances chimiques. Ces
résultats ont confirmé les conclusions des enquêtes menées précédemment sur
le sujet61.
L’agriculture intensive utilise, depuis les années 1950-1960, une quantité
d’intrants industriels qui posent un réel problème de santé publique. Leur
grande variété a permis aux firmes agro-chimiques de contourner les valeurs
limites imposées à chaque substance. Mais on sait désormais que ces mélanges
accroissent les risques de cancers, en particulier de tumeurs cérébrales, de
même que les risques neurotoxiques.
On doit bien sûr se réjouir que les choses avancent, malgré leur lenteur.
Toutefois, la situation continue à s’aggraver sur d’autres plans. Le législateur
ne semble pas du tout prêt à avancer, par exemple, sur le dossier des boues
toxiques que les agriculteurs épandent dans leurs champs. Des résidus de ces
boues provenant des stations d’épuration d’eau et de certaines industries se
retrouvent de plus en plus dans nos assiettes. Leur épandage dans les champs
où poussent légumes et céréales s’est généralisé avec le concours des gros
agriculteurs qui y voient un apport gracieux d’engrais organiques. Cette
“valorisation agronomique”, pour reprendre une expression des acteurs qui se
prêtent au jeu, concerne en France près de 70 % des boues (soit 700 000 tonnes
par an environ), le reste étant placé en décharge ou incinéré (soit
300 000 tonnes par an)62. Les multinationales du traitement de l’eau ont
requalifié aussi les boues toxiques avec des noms plus séduisants, par exemple
celui de “nutrigalettes”, tout en les reconditionnant dans des sacs sous une
forme moins rebutante. Mais ces entreprises omettent volontiers de rappeler
qu’elles remettent ainsi en circuit les neurotoxiques les plus problématiques :
mercure, plomb, cadmium, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP),
benzène, xylène, toluène, hydrocarbures aliphatiques chlorés (substances
toxiques volatiles utilisées comme solvants), pesticides organochlorés,
carbamates, triazines, esters de phtalates, résidus de détergents, cyanures,
tensioactifs ou agents surfactants, polybromodiphényléthers (PBDE)… S’y
ajoute toute une variété de composés pharmaceutiques63.
Autrement dit, des poisons que les multinationales filtrent logiquement pour
se conformer aux normes sanitaires censées nous protéger atterrissent au final
dans notre assiette. Et une autre partie se retrouve dans nos verres, car les
toxiques s’infiltrent au fil des ans jusqu’aux nappes phréatiques où l’on puise
l’eau de consommation. Ce prodige s’explique par les complaisances du
législateur et des experts officiels qui fixent des valeurs limites à ne pas
dépasser se situant systématiquement au-dessus des taux de pollution
habituels. Les substances dangereuses sont remises dans les sols au contact des
aliments qui en absorbent une partie, qui finit dans notre estomac. Les teneurs
moyennes des boues sont de 90 mg/kg pour le plomb, de 2,5 mg/kg pour le
cadmium et de 2,3 mg/kg pour le mercure64.
Le cadmium est le métal lourd dont les plantes sont les plus gourmandes,
surtout les laitues, les carottes, les épinards et les choux verts65. C’est aussi le
cadmium que l’on retrouve en plus grosse quantité dans le foie et le rein des
moutons pâturant dans les champs qui ont reçu ces épandages66. De façon plus
générale, une augmentation de la teneur en cadmium des abats des ruminants a
été constatée lorsqu’ils consomment des fourrages ou ensilages récoltés sur
ces terrains. Des chercheurs ont démontré l’influence de l’application de boues
d’épuration sur des pâturages réservés à des brebis gestantes : ils ont constaté
une diminution importante du développement testiculaire des fœtus et de leurs
fonctions hormonales, et ils ont souligné les conséquences probables de ces
perturbations sur la vie adulte67.
Le transfert de mercure, de plomb et de cadmium absorbés par les céréales
et les légumes n’est pas non plus négligeable, et l’on peut s’inquiéter tout
particulièrement de leur effet chez l’enfant qui a un coefficient de pénétration
intestinale (50 %) très supérieur à celui de l’adulte (5 à 10 %) dans le cas des
métaux lourds68.
Pratiqué depuis la seconde moitié du XXe siècle, l’épandage des boues
toxiques apparaît comme une aberration au regard des connaissances actuelles
sur les niveaux de contamination de l’homme et sa vulnérabilité à toutes ces
substances. Il est invraisemblable que cette pratique reste autorisée, d’autant
qu’au fil des décennies, l’accumulation des toxiques dans les terres s’aggrave
et qu’il faudra des siècles pour qu’elles s’épurent69.
Le vent et la pluie se chargent aussi d’en disperser les particules,
notamment sur les communes voisines. De même, les animaux de passage
(oiseaux, rongeurs, renards et gibier) participent joyeusement à leur
dissémination. Ce qui n’est pas vraiment amusant quand on sait que ces boues
contiennent par ailleurs des bactéries et des virus susceptibles de transmettre
des maladies infectieuses graves70, dont la poliomyélite, des méningo-
encéphalites71, des trichinelloses72, des encéphalopathies dues aux prions73 et
même le choléra74. Un traitement des boues est normalement prévu pour
neutraliser ces micro-organismes avant les épandages mais, pour des raisons
économiques et techniques, il n’est pas toujours appliqué avec scrupule.
Certaines installations sont trop rudimentaires ou vétustes. Un responsable de
la communication au ministère de l’Agriculture nous a confié qu’il craignait
énormément qu’“un médecin ou un épidémiologiste établisse un jour le lien
entre des cas de maladie infectieuse grave et la consommation de légumes crus
contaminés par ces boues75”. Nous avons noté que sa crainte concernait
l’éventualité qu’on mette en cause le ministère et non le fait qu’il puisse y
avoir des victimes. Quant à l’interdiction de cet usage, elle n’est toujours pas
en vue. En revanche, les exploitants de champignonnières n’ont désormais
plus le droit de cultiver leurs champignons sur ces boues, du fait de leur grand
pouvoir d’absorption des métaux lourds.
Dans les années 2000, les autorités se sont contentées de déconseiller ce
type d’épandage aux agriculteurs et de l’encadrer par une législation qui leur
impose d’entreposer les monticules de boues à une distance minimum
de 3 mètres de la route la plus proche (loi souvent non respectée) et pour une
durée n’excédant pas 10 mois (là aussi, n’importe qui peut faire aisément
constater par huissier la fréquence des transgressions).
SODAS, BONBONS ET CHIPS QUI NOUS ABUSENT

Les additifs que les industriels ajoutent dans les aliments qu’ils préparent sont
des ingrédients que l’humanité n’a pas l’habitude de consommer. Pour la
plupart, il s’agit de substances artificielles provenant de l’industrie chimique
et n’ayant à l’origine aucun rapport avec les aliments. Ces additifs sont trop
nombreux pour être détaillés ici. Pour ne prendre que ceux dont la
neurotoxicité est établie et qui peuvent susciter à ce titre des inquiétudes, leur
liste est si impressionnante que nous devons les rassembler par familles pour
pouvoir les évoquer : acidifiants, affermissants, agents de texture, anti-
agglomérants, antibiotiques, antioxydants, cires, colorants, conservateurs,
édulcorants, émulsifiants, enrobants, épaississants, exhausteurs de goût, gaz…
En fait, pour synthétiser notre propos, nous pouvons dire que, dans leur
immense majorité, les additifs alimentaires contiennent à la fois du plomb, du
mercure, du cadmium, de l’arsenic, de l’aluminium… On y trouve aussi assez
régulièrement des fluorures, des solvants et des hydrocarbures.
Il est naturel de penser que les normes limitant les quantités de ces toxiques
dans les différents aliments industrialisés nous protègent tant il est difficile
d’imaginer que la santé publique puisse être hypothéquée pour profiter à des
intérêts particuliers. Mais ce sentiment est trompeur, car le système de
fixation des valeurs limites, à partir de tests sur des mammifères, ne prend pas
en compte l’accumulation des additifs au fil des décennies. C’est exactement
le même principe que celui que nous avons décrit pour les médicaments.
Comme le rappelle la pharmacologue Lama Soubra dans la thèse de doctorat
sur les additifs alimentaires qu’elle a soutenue en 2008, les tests
toxicologiques réalisés en expérimentation animale pour l’identification des
dangers neurotoxiques consistent essentiellement en “tests de toxicité à court
terme et subchroniques (administration de doses journalières réitérées pour
une durée de 90 jours76)”. Alors que la preuve est aujourd’hui apportée que les
maladies neurologiques dont la progression est la plus inquiétante résultent
d’expositions à très long terme, ces tests sont encore plus sommaires que ceux
qu’on réalise pour évaluer la cancérogénicité des substances dont les délais
sont déjà scandaleusement courts puisqu’ils ne dépassent pas deux ans !
Ce système fait la part belle aux arguments économiques et aux expertises
produites par l’industrie. Par ailleurs, la connaissance des effets synergiques
des additifs est encore moins avancée que celle des médicaments77. On trouve
ainsi, dans les directives européennes qui encadrent le droit agroalimentaire,
des normes habituelles demandant aux producteurs de respecter le tableau
suivant pour chacune de ces substances neurotoxiques : “Arsenic : pas plus de
3 mg/kg. Plomb : pas plus de 10 mg/kg. Mercure : pas plus de 1 mg/kg.
Cadmium : pas plus de 1 mg/kg. Acétone : pas plus de 50 mg/kg.
Dichlorométhane : pas plus de 10 mg/kg78”, etc. Sachant que chaque additif
(par exemple des colorants comme la tartrazine ou l’azorubine carmoisine) les
contient presque tous et que chaque aliment comporte de nombreux additifs, il
devient assez clair que notre système nerveux n’est pas la priorité de
l’industrie alimentaire. D’autant plus que la substance active de l’additif peut
se révéler elle-même neurotoxique indépendamment de ses contaminants,
comme on l’a découvert pour la tartrazine (E102), colorant jaune très
largement utilisé. Celui-ci peut en effet entraîner des troubles de la vue, de
l’insomnie, des effets mutagènes, tératogènes et cancérigènes… En 2007,
l’Agence alimentaire britannique Food Standards Agency a commandé une
expérimentation épidémiologique à des chercheurs de l’université de
Southampton, avec 200 enfants, sur la tartrazine. Les chercheurs ont identifié
que le colorant était à l’origine de troubles déficitaires de l’attention et
d’hyperactivité, en pointant une synergie avec une autre substance, le benzoate
de sodium, un conservateur qui entre souvent dans la composition des boissons
gazeuses, des confiseries et des crèmes glacées79. Les autorités britanniques
ont alerté les instances européennes qui ont pris la décision d’imposer aux
aliments contenant de la tartrazine, notamment des chips, des corn-flakes, des
moutardes, du muesli, des soupes instantanées, des pickles, des bonbons et des
biscuits, de mentionner sur leur étiquetage la formule : “Peut avoir des effets
indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants.” Le règlement
européen impose cette obligation depuis le 20 juillet 2010 pour les produits
alimentaires qui contiennent ce colorant et d’autres qui s’avèrent avoir le
même effet : l’azorubine (E122, colorant rouge), le Sunset yellow (E110), le
Quinoline yellow (E104), l’Allura red (E129) et le Ponceau 4R (E124)80.
D’abord sceptique, l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) a finalement
fait procéder à une étude de synthèse des recherches menées à ce sujet.
Convaincue, elle a recommandé en 2008 une alimentation excluant
conservateurs et colorants pour les enfants, tout particulièrement pour ceux
qui souffrent d’hyperactivité avec déficit d’attention81.
LES OISEAUX SENTINELLES

Nous avons tous en tête l’image tragique d’oiseaux de mer englués par le
mazout des marées noires. Mais au-delà de cette illustration frappante de la
pollution aux hydrocarbures, les oiseaux nous apportent aussi la démonstration
d’une pollution plus insidieuse et plus vaste encore : l’élévation des taux de
neurotoxiques dans la nature. On sait depuis les années 1960 qu’ils peuvent
être imprégnés par des quantités importantes de DDT et de PCB, ce qui a
contribué à faire disparaître certaines espèces. Des observateurs ont ainsi attiré
l’attention sur le fait que les oiseaux sont des “sentinelles” nous avertissant à
leur corps défendant des dangers qui nous menacent82. En mars 2011, l’école
de santé publique d’Harvard l’a confirmé avec la publication d’une étude
montrant que de nombreuses espèces sont aussi gravement contaminées par le
mercure, notamment les albatros à pattes noires du Pacifique. Ces oiseaux leur
ont permis d’apporter la preuve que le niveau de pollution mercurielle s’est
considérablement élevé entre 1880 et les années 2000 : l’analyse de leur
plumage révèle en effet que la concentration en mercure a été multipliée en
moyenne par quatre en cent vingt ans83. Du fait du transfert de la mère vers les
œufs, l’espèce pourrait disparaître.
Grâce aux spécimens conservés dans des musées, les chercheurs ont pu
comparer les liaisons chimiques stables induites dans les plumes des oiseaux
par le mercure accumulé dans leur organisme de l’époque pré-industrielle
jusqu’à aujourd’hui. Cette contamination de l’eau de mer, mais aussi des eaux
douces et des terres, reflète l’importance croissante des rejets de mercure par
l’homme et inquiète les auteurs de l’étude, car le métal continue de
s’accumuler, les pays d’Asie ayant désormais rejoint le cortège des gros
pollueurs.
Nous avons vainement cherché une étude similaire portant sur l’homme.
Nos teneurs en mercure et celles de nos ancêtres seraient-elles moins
instructives que celles des oiseaux ? Certes, l’humain ne possède pas de
plumage, mais sa pilosité et ses os permettraient des analyses collectives
remontant sur plusieurs générations. La possibilité existe, comme l’ont
démontré des mesures sur des restes de cheveux et sur le squelette de
personnalités des siècles passés. En 2005, une équipe de chercheurs dirigée par
le médecin légiste et paléopathologiste Philippe Charlier a mesuré les taux de
mercure contenus dans les cheveux, les poils et les os d’Agnès Sorel, la
maîtresse officielle du roi de France Charles VII, enterrée en 1449 à Loches. Il
a montré qu’elle est morte d’une intoxication au mercure84. “A cette époque,
les sels de mercure servaient comme traitement vermifuge et étaient utilisés
pour faciliter l’accouchement”, explique Philippe Charlier. “Or on sait que la
dame souffrait d’une infection parasitaire intestinale, d’après nos examens, et
était enceinte. Mais là, il y a vraiment une dose excessive donnée par accident
ou volontairement”, ajoute le professeur qui n’exclut pas un empoisonnement
criminel. Comme nous l’avons vu, le mercure sera aussi utilisé dans divers
remèdes comme antiseptique et contre la syphilis, et depuis la moitié du XIXe
siècle dans les “plombages” dentaires au mercure. Autant d’usages
spécifiquement médicaux qui compliqueraient une investigation
épidémiologique historique sur l’homme retraçant ses expositions.
DES AMPOULES “LONGUE DURÉE” À BANNIR AU PLUS
VITE

Au début, tout le monde s’est félicité de la volonté politique de Bruxelles


d’interdire, à l’horizon 2012, les vieilles ampoules à filament, énergivores et
fragiles, au profit des ampoules fluocompactes censées consommer moins
d’énergie et durer dix fois plus longtemps. L’argument écologique a fait long
feu. Sous la pression du public et seulement après avoir autorisé leur
commercialisation, les autorités ont reconnu qu’elles contenaient du mercure.
La chose était d’ailleurs facilement vérifiable puisque la directive européenne
de 2003 interdisant l’usage du mercure dans les équipements électriques et
électroniques faisait une exception pour les ampoules fluocompactes
jusqu’à 5 000 microgrammes et dans les tubes néons85 !
Les mêmes autorités s’empressaient d’affirmer qu’il s’agissait d’une très
faible quantité. Voulaient-elles endiguer l’inquiétude grandissante à bon
compte, ou était-ce une information objective ? Nous avons utilisé notre
appareil J405, un analyseur de mercure dans l’air, justement employé dans
l’industrie de collecte d’ampoules et d’ustensiles polluants, pour faire le point
à ce sujet en vérifiant de près les vapeurs mercurielles qu’elles dégagent
lorsqu’on les brise. Notre test a porté sur une série d’ampoules vendues dans
des grandes surfaces et de plusieurs marques différentes. Le résultat parle de
lui-même : chaque ampoule contient des milliers de microgrammes de
mercure et libère, au cours des douze secondes qui suivent leur bris, entre
126 et 152 microgrammes/m3. Soit 100 à 150 fois la valeur limite de l’OMS.
Selon les autorités françaises, en cas de casse d’une ampoule, il suffit
d’aérer la pièce une quinzaine de minutes pour éliminer tout danger. Or, ce
conseil aurait mérité d’être détaillé : les vapeurs de mercure étant plus lourdes
que l’air, elles ont tendance à rester près du sol, et ouvrir simplement une
fenêtre peut se révéler insuffisant. Il convient de faire un courant d’air, si
possible en libérant les autres ouvertures que recèle la pièce. Plus les fenêtres
sont réduites, plus il est impératif de les tenir ouvertes un bon moment. Inutile
de rappeler qu’il faut quitter la pièce durant l’opération et ne surtout pas
utiliser l’aspirateur pour récupérer les débris, car ce dernier contaminerait
l’appartement en recrachant des vapeurs de mercure à chaque nouvel usage. En
fait, il faut procéder de la même manière qu’en cas de bris de thermomètres au
mercure : le mieux est de placer les morceaux dans un sac poubelle en les
recueillant sur un papier sans les toucher, de le fermer et de le placer hors de
la maison.
Pour éviter que les consommateurs jettent les ampoules usées n’importe où,
la loi impose aux producteurs d’organiser la collecte des ampoules usées, mais
aucune protection n’est prise contre le risque de casse dans ces cartons ouverts
à l’air ambiant des magasins. Et le taux de récupération ne dépasse pas 30 %,
selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
L’échec est à l’aune de la collecte des piles au mercure qui, elle aussi, se
révèle catastrophique alors qu’une simple pile-bouton86
contient 20 000 microgrammes de mercure.
Nous contactons les producteurs d’ampoules pour obtenir des explications.
A la direction de Philips France, leader du marché des ampoules, Christophe
Bresson nous affirme aussitôt que “le groupe s’efforce de diminuer le plus
possible les taux, raison pour laquelle nos ampoules sont les moins chargées
en mercure87”. Nous lui présentons le taux de 124 microgrammes recrachés
dès les premières secondes que nous avons mesuré sur des ampoules de sa
marque pour savoir ce qu’il en pense. Sa voix se délite : “Ça ne me dit pas
grand-chose, je ne suis pas un spécialiste de ce point précis… Mais certaines
ampoules produites chez Philips se limitent à 1,4 milligramme de mercure.”
Nous lui faisons remarquer que cela fait 1 400 microgrammes : même en
divisant cette quantité par 28 m3 (volume moyen d’une chambre d’enfant),
cela représente 50 fois la norme OMS et 170 fois la norme de l’EPA aux Etats-
Unis !
L’homme tient à nous dire que “Philips va très rapidement remplacer les
ampoules au mercure par la solution LEDs”. Il nous rappelle que la
réglementation européenne a d’ailleurs fixé la date de 2015 pour les retirer du
marché. Soit, mais depuis combien de temps s’expose-t-on au mercure des
lampes ? Au cours de notre échange, il nous apprend que “les néons
contiennent du mercure depuis toujours” et que “les ampoules fluocompactes
ont été mises sur le marché dès 1980”, soit bien avant que les industriels et les
autorités invitent le public à s’en protéger. Nous attirons son attention sur le
fait que l’éclairage public, qui représente la bagatelle de 35 millions de
lampadaires en Europe, dont près de 3 millions en France, est assuré par des
lampes au mercure. Il reconnaît que ce système a été mis en place dès les
années 1950. Or, il y a eu beaucoup de casse, notamment quand elles explosent
ou lors de leur remplacement (tous les cinq ou six ans en moyenne), même si,
nous assure-t-il, “les collectivités locales se montrent beaucoup plus
responsables que les particuliers en termes de récupération des lampes hors
d’usage”. Ce qui n’est pas négligeable, car une simple lampe de 125 W
d’éclairage public contient 19 000 microgrammes de mercure.
Les ouvriers travaillant sur les chaînes de production des ampoules,
notamment dans des pays de l’Est, telle la Pologne, ou en Chine, sont
couramment exposés à des doses aiguës, tout particulièrement à Foshan,
capitale mondiale de la production d’ampoules fluocompactes, comme l’a
signalé Le Quotidien du Peuple relatant de nombreux cas d’intoxication au
cours des années 200088. L’émission télévisée “Envoyé Spécial” de
France 2 rappelait l’insuffisante protection des salariés dans ces usines
en 201189. Il faut d’ailleurs savoir qu’en France, le tableau de reconnaissance
des maladies professionnelles intègre depuis 1919 les ouvriers travaillant dans
les entreprises produisant des ampoules et des ustensiles contenant du mercure
(baromètres, thermomètres, tensiomètres…). Ce qui pèse sur le budget des
employeurs obligés de cotiser au fonds Accidents du travail-maladies
professionnelles de l’assurance maladie. De même, les ouvriers qui fabriquent
ou manipulent les luminaires et les enseignes lumineuses, notamment celles
qui ornent les devantures des magasins, sont souvent victimes d’intoxications
mercurielles, notamment quand le verre casse.
Les unités de production d’ampoules de Philips, comme celles de ses
concurrents, se concentrent aujourd’hui essentiellement en Chine. Christophe
Bresson tient à nous dire que “grâce à sa Charte d’éthique, [notre] groupe
garantit que les règles de sécurité protégeant l’environnement et les ouvriers
sont appliquées”. Mais il est difficile de vérifier la véracité de ses propos, car
les usines en question se montrent peu disposées à laisser visiter leurs sites.
Les multinationales de l’éclairage se voient souvent reprocher d’avoir
délocalisé leurs unités de production pour profiter d’une main-d’œuvre moins
coûteuse, sans syndicat et peu exigeante sur la sécurité sanitaire. Nul doute
que ces raisons aient exercé un attrait, mais il ne faut pas oublier que les
géants industriels cherchent à être au cœur du plus grand marché mondial de
lampes au mercure. “La Chine est passée directement du non-éclairage
électrique à l’éclairage par ampoules fluocompactes, le marché est fabuleux et
nous produisons logiquement au plus près de nos consommateurs les plus
nombreux, sans compter le fait que les Chinois sont les principaux producteurs
de mercure de la planète”, nous confie le responsable d’un grand groupe. Nous
découvrons que l’industrie des ampoules ne prend même pas la peine
d’informer les consommateurs chinois des précautions à prendre. Un
sentiment d’indignation nous traverse. Simon Pradinas, un observateur averti
des évolutions économiques et culturelles du pays, partage notre réaction en
lançant une mise en garde éclairée : “Les industries qui croient pouvoir
profiter de la population chinoise en la traitant avec mépris commettent non
seulement une faute sanitaire mais une énorme erreur : quand la Chine
s’éveillera à la santé publique et aux possibilités de procès pour mise en
danger de la vie d’autrui ou non-respect du principe de prévention, les
contentieux se paieront en proportion du marché90.” De fait, la législation
européenne et l’état du savoir constituent des preuves formelles que les
industriels occidentaux n’ignorent rien du danger de leurs produits.
Discrètement, devant l’intensification du débat public en Europe, les
industriels ont décidé d’en sortir et programmé une stratégie de conversion
progressive vers une alternative moins problématique : les ampoules à LEDs
(Diodes électro-luminescentes). Selon les confidences de sources proches des
producteurs, ce seraient les autorités politiques qui auraient demandé aux
industriels d’opérer une transition douce en maintenant sur le marché une
production d’ampoules fluocompactes pour ne pas provoquer de “crise” et
pour éviter qu’on découvre publiquement leur faute colossale.
CE MERCURE QUE NOUS RESPIRONS À LONGUEUR DE
JOURNÉE

Le dossier du mercure mérite qu’on s’y attarde un peu. Logiquement, la


toxicologie permet de définir des valeurs limites à ne pas franchir. En 1995,
l’EPA américaine a fixé à 0,3 microgramme par mètre cube la dose de vapeurs
de mercure à ne pas dépasser dans l’air pour protéger la population contre les
risques d’atteinte du système nerveux central et périphérique. En 2001,
l’Agency of Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR) a renforcé cette
recommandation en l’abaissant à 0,2 microgramme. Plus récemment, en 2010,
le Pr Mark G. Richardson, médecin responsable des évaluations des risques
liés au mercure, au ministère de la Santé canadien, a déposé un rapport auprès
des autorités américaines pour les alerter : il soulignait que plus de 67 millions
d’Américains dépassaient le seuil de 0,3 microgramme du fait de leurs
amalgames dentaires, et préconisait de diviser par dix la valeur limite, comme
l’imposaient déjà certaines instances officielles régionales91. Il justifiait cette
demande pressante en rappelant que les amalgames constituent la principale
source d’exposition de la population générale et qu’ils libèrent du mercure à
longueur de journée durant des décennies, lequel, comme on l’a vu,
s’accumule dans le cerveau, les reins, le foie… Il insistait sur l’exposition du
fœtus et de l’enfant via le cordon ombilical et le lait maternel, qui s’accroît
avec le nombre d’amalgames maternels. Aussi, compte tenu de la grande
vulnérabilité du cerveau en développement, le Pr Richardson exhortait les
autorités sanitaires américaines à interdire l’amalgame.
Au-delà de l’impact neurologique, le Pr Richardson évoquait une étude
épidémiologique réalisée par une équipe norvégienne du prestigieux National
Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) venant de mettre en
évidence un risque quadruplé de fente palatine (“bec-de-lièvre”) chez les
enfants dont la mère a reçu des amalgames en début de grossesse92.
Dans le cadre des négociations du Traité international sur le mercure93, le
gouvernement américain a pris fermement position, en avril 2011, pour la
suppression à terme de l’amalgame dans le monde et pour une réduction
immédiate de son usage. Par cet engagement, le gouvernement a infligé un
démenti cinglant à son organisme officiel, la Food and Drug Administration
(FDA), très liée à l’Association dentaire américaine (ADA), et qui joue
habituellement les équilibristes entre compromissions et timides avancées. Il
va probablement faire basculer les négociations internationales vers l’arrêt du
mercure dentaire.
Cette nouvelle volonté gouvernementale est l’aboutissement d’une
sensibilisation croissante des Américains aux risques liés au mercure dentaire,
grâce au travail de fond de quelques associations très actives94. Barack Obama
a lui-même joué un rôle déterminant quand il était sénateur dans l’Illinois, en
mettant en place la législation visant à réduire l’exposition environnementale
au mercure, qui prévoit entre autres l’interdiction des exportations du mercure
élémentaire95. Pour sa campagne présidentielle, le Plan Obama/Biden
2008 pour une Amérique en bonne santé insistait sur une approche préventive
des maladies comprenant la réduction de l’exposition aux toxiques, le premier
visé étant le mercure.
Pour des raisons inexpliquées, l’OMS se contente toujours, en 2011, de
préconiser une limite d’exposition aux vapeurs de mercure de 1 microgramme
par mètre cube d’air, c’est-à-dire 30 fois au-dessus de la limite que
recommande le Pr Richardson…
Les Français qui portent des amalgames subissent-ils, comme leurs
homologues américains, des taux d’exposition supérieurs
à 0,3 microgramme/m3 ? Dès 2003, le Dr Jean-Jacques Melet, spécialiste du
dossier, a rédigé un courrier adjurant Philippe Duneton, le directeur général de
l’Afssaps, de mesurer ces vapeurs dans un échantillon de la population96. Pour
toute réponse, l’Afssaps a simplement publié un rapport en 2005 où elle
affirme : “Depuis longtemps, il est établi que la libération de vapeurs de
mercure à partir des amalgames dentaires est ralentie par la présence d’une
couche d’oxydes en surface97.” Et d’ajouter : “Il semble que la présence de
film liquide tel que le film salivaire limite la libération de vapeurs de mercure
au sein de la cavité buccale98.” Sur la base d’une curieuse étude menée par le
milieu dentaire, l’Afssaps déclare qu’“il faudrait environ 530 amalgames pour
atteindre des concentrations de mercure urinaire égales à 30 microgrammes
par gramme de créatinine pour lesquels on a pu observer un effet
biologique99”. Nous voilà tous rassurés, à moins d’effectuer un calcul
élémentaire : un amalgame comporte en moyenne 1 gramme de mercure, ce
qui signifie qu’on pourrait avoir une bonne livre de mercure dans la bouche
avant d’observer le moindre effet : cette estimation incroyablement optimiste
paraît tout bonnement extravagante. On peut remarquer au passage que
l’Afssaps s’exprime avec des unités de mesure qui rendent très confuse
l’interprétation de ses propos. Cela rappelle le souvenir des autorités sanitaires
françaises qui, après le passage du nuage de Tchernobyl sur la France, avaient
choisi de s’exprimer avec des unités de mesure ne correspondant pas aux
standards compréhensibles.
LES RÉVÉLATIONS DE NOTRE DÉTECTEUR DE
MERCURE

Pour en avoir le cœur net, nous contactons une entreprise spécialisée dans la
fourniture d’instruments de mesure des produits dangereux dans l’air que nous
respirons. Elle nous procure un appareil permettant d’évaluer avec une grande
précision la quantité de vapeurs de mercure par mètre cube d’air : l’analyseur
Jerome J405, le plus performant du domaine100. Nous procédons, durant
plusieurs jours, à une série de mesures pour évaluer celles que dégagent les
amalgames dentaires dans la bouche d’une cinquantaine de personnes. Les
taux relevés tournent en moyenne autour de 2 à 3 microgrammes/m3 chez les
porteurs d’amalgames ! Les limites fixées par les organismes de santé
publique sont explosées. Or, les émissions mercurielles grimpent encore
beaucoup plus haut quand les personnes mâchent un aliment, par exemple du
chewing-gum. Après cinq minutes de mastication, les taux sont souvent
multipliés par trois, parfois par dix ! Nous relevons des teneurs qui dépassent
les 15 microgrammes/m3 chez plusieurs personnes qui possèdent une dizaine
d’amalgames101. Ces valeurs sont 15 à 16 fois plus élevées que la valeur
limite de l’OMS, 75 fois supérieures à celle de l’ATSDR et 500 fois supérieures à
celle préconisée par le Pr Richardson tenant compte des connaissances
récentes sur la neurotoxicité des vapeurs de mercure.
En revanche, le détecteur de vapeurs de mercure indique zéro chez les
personnes qui ne portent pas d’amalgames mais des obturations en céramique
ou des composites à base de résines. Il repère des traces de mercure de l’ordre
de 0,50 microgramme/m3 chez quelques-unes qui ont fait retirer récemment
leurs amalgames et dont les glandes salivaires ou les composites peuvent
retenir encore du mercure pendant quelques mois, voire quelques années.
Il faut rappeler que, depuis 1998, le dentiste qui enlève des amalgames doit
respecter des précautions scrupuleuses, contrairement aux mauvaises pratiques
que l’on constate encore trop souvent. Cette année-là, le Conseil supérieur
d’hygiène publique de France (CSHPF), placé sous l’autorité du gouvernement,
a édicté une liste de recommandations à ce sujet. On peut y lire notamment :
“Il ne faut pas placer des amalgames dentaires au voisinage d’autres
restaurations métalliques, afin d’éviter tout risque de corrosion. Le fraisage et
le polissage de l’amalgame, entraînant une volatilisation du mercure, doivent
toujours être réalisés sous refroidissement, aspiration et champ opératoire. La
pose et la dépose d’amalgame augmentant sensiblement la libération de
mercure, il est prudent de les éviter pendant la grossesse et l’allaitement. La
mastication de gomme à mâcher augmente transitoirement la libération de
mercure par les amalgames ; leur consommation fréquente doit être évitée par
les porteurs de nombreux amalgames102.” Ces précautions que des dentistes
oublient, voire repoussent âprement quand on les leur rappelle, ont
manifestement indisposé une partie de la profession. Le patient doit parfois
faire preuve de courage et de diplomatie pour les convaincre de les appliquer.
Elles restent indispensables, même si le lobby dentaire s’est ensuite activé
auprès des autorités politiques pour leur faire accomplir d’étonnantes
contorsions, comme nous le verrons au chapitre sur le lobbying.
Dans l’avis qu’il a rendu en 1998, le CSHPF a aussi demandé aux dentistes de
se protéger eux-mêmes. La lecture des mesures qu’il énonce à ce sujet est
instructive : “Afin de limiter au maximum la concentration de mercure dans
l’atmosphère des cabinets dentaires, il faut :
1. Informer les professionnels et leurs employés de la toxicité du mercure et
de la nécessité de respecter les règles d’hygiène et les bonnes pratiques.
2. Utiliser les nouveaux amalgames (dits non γ2) en capsules prédosées, afin
de limiter tout risque de contamination. Les capsules d’amalgame doivent être
stockées dans un endroit frais et ventilé.
3. Travailler dans des locaux ventilés ; le cabinet doit être aéré plusieurs
fois dans la journée. S’il y a un dispositif de climatisation avec filtrage d’air,
il faut respecter les consignes du fabricant pour l’entretien régulier des filtres.
4. Proscrire tapis, moquettes, rideaux et tissus muraux dont la
décontamination est impossible.
5. Condenser l’amalgame par les moyens classiques (fouloir), et ne pas
utiliser de condensateur à ultrasons afin d’éviter la formation d’aérosols.
Il est vivement conseillé aux professionnels de s’équiper rapidement d’un
séparateur d’amalgame, l’arrêté du 30 mars 1998, relatif à l’élimination des
déchets d’amalgame issus des cabinets dentaires, rendant obligatoire la
récupération de l’ensemble des déchets d’amalgame dans un délai de trois
ans103.”
On peut évidemment s’étonner que ces recommandations pour la protection
des cabinets dentaires ne s’appliquent pas aux poumons des patients qui, eux,
respirent 24 heures sur 24 les vapeurs qu’émettent les amalgames placés dans
leur bouche. Toutefois, le CSHPF conclut en soulignant qu’“il est nécessaire
d’étudier l’opportunité de soumettre les matériaux d’obturation à un régime
d’autorisation préalable à leur mise sur le marché”. Cette procédure qui aurait
permis de soumettre l’amalgame aux mêmes tests d’évaluation que les
médicaments n’aurait pas été du luxe, mais elle ne sera jamais mise en place.
Le lobby dentaire, bien organisé et tenant en respect le législateur, est parvenu
à maintenir le “plombage” dans un no man’s land toxicologique104. En 2011,
les amalgames sont toujours mis sur le marché sans tests de toxicité cellulaire.
La demande de bon sens du CSHPF est restée ignorée par l’Afssaps dont les
recommandations, en 2005, sont en net recul. Il faut dire que les amalgames
seraient recalés dès la première évaluation, le mercure étant cytotoxique à très
faible dose, génotoxique, immunotoxique et neurotoxique. Les “plombages”
sont donc commercialisés avec un simple “marquage CE” : cela signifie qu’on
leur fait subir un test rudimentaire de corrosion en salive artificielle, sans
même les mettre en présence d’autres restaurations métalliques, ce qui
accroîtrait la corrosion comme c’est le cas dans la bouche de nombreuses
personnes. Pas non plus de choc thermique, de grincements ou de brossage de
dents, ni de plaque dentaire qui in vivo élèvent substantiellement la corrosion
donc la libération de mercure, ou sa transformation en méthylmercure.
Comment expliquer qu’un matériau contenant des éléments aussi toxiques
puisse continuer à être implanté chez des millions de personnes sans avoir
jamais passé le moindre test de toxicité avant sa mise sur le marché ? Notre
enquête permettra d’y répondre en nous penchant sur les pratiques de lobbying
de la corporation105. Mais auparavant, regardons comment la communauté
scientifique appréhende le rôle du mercure dans l’augmentation du risque de
maladies neurodégénératives. Nous examinerons ensuite à la loupe les dégâts
du mercure et des autres toxiques parmi nos neurones…
DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES QU’ON PRÉFÈRE
IGNORER

Nous avons vu que les études montrant une relation entre le nombre
d’amalgames et la quantité de mercure présente dans le cerveau sont
nombreuses, de même que celles établissant un lien entre cette exposition et
divers troubles neurologiques. Signalons aussi qu’une importante enquête
épidémiologique portant sur 20 000 personnes a montré qu’en moyenne,
chaque amalgame supplémentaire augmentait le risque de sclérose en plaques
(SEP) de 24 %106. Ce lien entre SEP et amalgames est suspecté depuis les années
1970107, quand la grande similitude entre la répartition géographique de la
carie et celle de la SEP avait été remarquée. Dans les années 2000, plusieurs
études cas-témoins sont venues confirmer cette association108.
Le mercure est également un des principaux métaux suspectés dans le
déclenchement de la sclérose latérale amyotrophique (SLA). La littérature
scientifique concernant cette maladie du motoneurone au très sombre
pronostic est cependant nettement moins abondante. Dans une revue récente de
la littérature, une exposition au mercure est le premier facteur de risque
rapporté pour cette neurodégénérescence, suivi du plomb, des solvants et des
pesticides organophosphorés109.
C’est sans doute pour la relation entre exposition à faibles doses de mercure
et maladie d’Alzheimer que le corpus scientifique est le plus impressionnant.
Le cerveau et le sang des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer
contiennent plus de mercure inorganique que ceux des personnes non
atteintes110. L’exposition à de faibles doses de mercure élémentaire entraîne
dans le cerveau un ensemble de perturbations cellulaires caractéristiques du
syndrome Alzheimer : les trois marqueurs de cette pathologie (accumulation
de protéine β – amyloïde, hyperphosphorylation de la protéine Tau et
formation d’amas de neurofibrilles111) ont été clairement associés à une
exposition au mercure lors d’expérimentations112.
Tous les porteurs d’amalgames sont exposés aux vapeurs de mercure, mais
seules les personnes possédant des mécanismes de détoxication peu efficaces
ont un risque élevé de développer la pathologie113. Ces mécanismes de
détoxication sont en partie sous la dépendance des gènes de l’apolipoprotéine
E, molécule impliquée dans l’élimination du mercure stocké dans le
cerveau114. Mais il est important de souligner que, même si l’on ne possède
pas de gènes protecteurs, la maladie a peu de chance de se développer si les
expositions toxiques sont réduites : c’est par exemple le cas des populations
d’Afrique noire qui possèdent une forte susceptibilité à la maladie
d’Alzheimer et qui ont pourtant moins de risques de la développer (même à
des âges vénérables115). Il existe donc une forte probabilité pour que le
mercure des amalgames soit l’un des cofacteurs étiologiques majeurs de la
maladie d’Alzheimer (et des autres pathologies neurodégénératives).
CHAMP DE BATAILLE AU CŒUR DU CERVEAU

Pesticides, mercure, plomb, aluminium, solvants, PCB, PBDE… Les progrès de


la biochimie du cerveau et de la toxicologie ne cessent de confirmer les dégâts
qu’y provoquent les substances neurotoxiques. Ils nous permettent aujourd’hui
de comprendre d’un peu plus près comment elles agissent sur nos neurones et,
tout d’abord, la manière dont elles parviennent jusqu’à eux. Suivons donc
celles qui sont devenues, malgré nous, nos compagnes intimes…
Une barrière enveloppe le cerveau pour le protéger contre les substances
toxiques apportées par le sang : la barrière hémato-encéphalique (BHE116). Ce
filtre ne laisse entrer, en principe, que les nutriments et l’oxygène
indispensables au fonctionnement du cerveau, très énergivore. Il doit stopper
toute substance susceptible de perturber son fragile équilibre, en particulier les
xénobiotiques (substances étrangères). Il interdit aussi l’entrée du cerveau à la
plupart des micro-organismes pathogènes. Son étanchéité est assurée par la
présence de “jonctions serrées” entre les cellules de la BHE. Les substances
candidates à l’entrée dans le sanctuaire cérébral doivent donc traverser les
cellules, et pour cela posséder une petite taille et un caractère lipophile (c’est-
à-dire “aimer les graisses”, être solubles dans les corps gras ou lipides). Ce qui
est le cas, hélas ! du mercure élémentaire (baromètres, thermomètres,
amalgames, ampoules…), de nombreux pesticides (paraquat, dieldrine,
roténone, organophosphorés…), des PCB, des PBDE et des solvants organiques
lipophiles, pour ne citer que les intrus les plus préoccupants.
D’autres substances ont leur propre sésame pour s’immiscer incognito dans
le cerveau. Le plomb, bien que lipophile, entre surtout par les canaux ioniques
du calcium117. Le méthylmercure leurre les gardes-barrière en se liant à un
acide aminé soufré (la cystéine) pour former un couple qui mime un autre
acide aminé essentiel soufré (la méthionine). L’aluminium préfère franchir le
seuil en prenant le bras de la transferrine (protéine de transport du fer) qui
dispose d’une invitation permanente (il s’agit en fait de sa complice habituelle
pour pénétrer partout dans l’organisme).
Quand il se présente sous la forme de poussière, l’aluminium contourne
l’entrée principale pulmonaire en empruntant la voie intra-nasale, comme les
parfums, la cocaïne et divers polluants présents dans l’air. Ils traversent la fine
muqueuse qui tapisse l’intérieur du nez, remontent le long du nerf olfactif,
pénètrent dans le bulbe olfactif et, de là, gagnent le cerveau. Cet “escalier de
service” devient, par les temps qui courent, très encombré. Seules les plus
petites particules sont capables d’emprunter cette voie, comme les particules
dites “ultra-fines” (PUFS) et les nanoparticules118, quoiqu’on y croise aussi les
vapeurs de mercure et des solvants119…
Devant la profusion des produits mis en circulation, la barrière hémato-
encéphalique (BHE) ressemble de plus en plus à un péage d’autoroute
débordé… De plus, une partie d’entre eux infligent à la BHE des dégradations
qui diminuent son étanchéité face à divers toxiques ayant tendance à accélérer
le processus neurodégénératif. Parmi les saboteurs, on reconnaît le plomb120,
le mercure (inorganique et organique)121, l’aluminium122, l’alcool123, des
composants du tabac dont la nicotine124, des pesticides125, des nanoparticules
métalliques126, les radiations non ionisantes127 (lignes à haute tension,
téléphones mobiles, appareils électriques domestiques et professionnels…)…
Comme mentionné plus haut, l’enfant, et a fortiori le fœtus, possèdent une
BHE immature plus perméable que celle de l’adulte. Par ailleurs, l’action
synergique de toxiques à très faibles doses peut perturber son fonctionnement :
c’est le cas par exemple lors d’une exposition in utero au cocktail d’arsenic,
de plomb et de cadmium qui, ensemble, s’entendent à merveille pour abuser
les douaniers hémato-encéphaliques128.
Une fois arrivés sur place, les polluants exercent leurs effets délétères par
divers moyens, souvent intriqués, et encore mal connus pour beaucoup d’entre
eux. Ils attaquent préférentiellement les cellules nourricières qui entourent les
neurones (cellules gliales), plus rarement les neurones, et réagissent avec des
molécules, enzymes ou neuromédiateurs. Les atteintes peuvent être
périphériques et concerner le corps cellulaire des neurones, ce qui engendre
des neuropathies, ou bien leur axone au niveau des fibres nerveuses. Ainsi, des
arsénites (utilisés en agriculture jusqu’en 2001), des solvants comme l’hexane,
l’acrylamide129, des organophosphorés et des carbamates entraînent la
dégénérescence des axones, donc des paralysies ou des insensibilités
(polynévrites)130.
Au sein des cellules du cerveau, les toxiques peuvent modifier l’expression
des gènes et engendrer diverses perturbations métaboliques susceptibles de
priver les neurones d’oxygène, de les soumettre à un stress oxydatif, etc131.
Les insecticides organophosphorés et les carbamates ont pour effet, par
exemple, d’inhiber une enzyme, l’acétylcholinestérase, dont le rôle essentiel
est de dégrader l’acétylcholine, un neuromédiateur de la plaque motrice. Du
coup, ce dernier s’accumule au niveau de la synapse, et les influx nerveux se
succèdent sans contrôle, créant un état d’hyperexcitabilité qui endommage les
neurones et provoque des céphalées, parfois même un coma mortel. Le
mercure, lui, empêche la recapture par les cellules gliales d’un autre
neuromédiateur excitateur, le glutamate, qui s’accumule alors dans l’espace
synaptique et entraîne la destruction des neurones par nécrose132. Ce
mécanisme est impliqué dans la maladie d’Alzheimer133 et dans la sclérose
latérale amyotrophique134.
De nombreux neurotoxiques engendrent une agression oxydante du tissu
cérébral, aujourd’hui bien démontrée. Le phénomène se présente quand la
production de molécules oxydantes (dont les radicaux libres) dépasse les
capacités antioxydantes. Cet excès de radicaux libres peut résulter, par
exemple, de la présence d’ions métalliques (fer, cuivre…), ou d’un épuisement
des défenses antioxydantes, comme c’est le cas avec le mercure qui induit une
chute du glutathion, acteur entre autres de la protection contre l’oxydation135.
D’autres métaux induisent une agression oxydante, tels que l’aluminium via le
fer, le manganèse (maladie de Parkinson), le plomb (maladie de Parkinson,
sclérose latérale amyotrophique…). On retrouve d’ailleurs dans ce registre
agressif nos habitués : pesticides, solvants lipophiles, composants du tabac,
alcool, PUFS, nanoparticules, rayonnements non ionisants et ionisants… Le
stress oxydant est un important facteur d’accélération du vieillissement
cérébral, et entraîne le phénomène de mort neuronale observé dans les
maladies neurodégénératives (Alzheimer, sclérose latérale amyotrophique et
Parkinson).
Le phénomène de neuro-inflammation, qui est une réponse immunitaire aux
agressions, semble également jouer un rôle dans la neurodégénérescence.
L’inflammation cérébrale chronique (due, par exemple, à l’accumulation de
mercure et de plomb) peut mener à la neurodégénérescence, comme pour les
maladies d’Alzheimer et de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique, la
sclérose en plaques, l’épilepsie, la dépression136… Le manganèse engendre
dans le tissu cérébral des perturbations au niveau de la machinerie énergétique
de la cellule (mitochondries), un stress oxydatif et une neuroinflammation, qui
peuvent tous contribuer à une neurodégénérescence conduisant à la maladie de
Parkinson137. Le mercure a aussi ces trois impacts, mais il perturbe de plus le
mode d’action du glutamate et du calcium. Par cette inflammation, il mène à
la production de plaques séniles, caractéristiques entre autres de la maladie
d’Alzheimer138. Le mercure inhibe par ailleurs fortement l’activité de deux
enzymes essentielles (la protéine kinase et la glutamine synthétase), blocage
typique qu’on retrouve dans la maladie d’Alzheimer. Le mercure peut aussi
provoquer d’autres dégâts qu’on retrouve dans la même maladie : à dose
infime, il détruit la tubuline (un des constituants du “squelette” des neurones),
laissant des amas de neurofibrilles139, l’un des principaux marqueurs de cette
démence140. Ces multiples impacts expliquent que le mercure soit considéré
comme un facteur de risque dans plusieurs maladies : maladies d’Alzheimer et
de Parkinson, SLA, SEP, autisme141…, ce qui n’exclut en rien, bien sûr, le rôle
de tous les autres cofacteurs que nous avons vus.
DES DÉCENNIES DE DÉNI : “MENTEURS COMME DES
ARRACHEURS DE DENTS”

Le cabinet du dentiste se trouve donc aux premières lignes de l’intoxication au


mercure. Comment les dentistes ont-ils pu fermer les yeux pendant si
longtemps et continuent-ils à le faire ? Ils se croient souvent bien informés par
leur presse professionnelle bien qu’elle ne soit pas plus indépendante de leurs
grands annonceurs que celle des médecins. Leur objectivité en souffre quand
ils veulent défendre l’innocuité des produits qu’ils placent dans notre bouche.
Faute de prendre le temps de se plonger dans les études scientifiques au lieu de
se contenter du digest rassurant des agences sanitaires et de leurs leaders
d’opinion, ils restent généralement inconscients des risques auxquels ils
exposent leurs patients, négligeant même le fait que leur corporation en paye
le prix fort par des maladies professionnelles en surnombre142. L’histoire de
leur relation au mercure en offre l’illustration la plus remarquable.
“Vif-argent”, c’est ainsi que les Romains appelaient ce fascinant métal, en
raison de ses reflets et de sa fluidité étonnante143. Des siècles plus tard, il prit
officiellement le nom de mercure. Une étymologie rêveuse le relie au nom de
la planète et au dieu romain des voyages aux sandales ailées. De fait, les
vapeurs de mercure sont de grandes voyageuses…
La médecine a utilisé le mercure au cours des siècles passés comme
purgatif, antiseptique intestinal, pour réduire les douleurs dentaires des
bébés144, pour traiter la syphilis145, et même comme produit de jouvence146.
Ce qui abrégeait bien des vies. Mais quand les médecins appréciaient un
produit, même le plus délétère, ils se persuadaient facilement de ses bienfaits,
en attribuant la mort éventuelle du patient à sa “constitution fragile” plus
aisément qu’au médicament prescrit147.
Au Moyen Age, les alchimistes se sont vainement acharnés à transformer le
mercure en or, mais ce sont finalement des dentistes qui, entre 1840 et 1860,
ont remplacé l’or par le mercure pour obturer les caries en le mélangeant à
d’autres métaux148. L’invention de cet alliage bien meilleur marché que l’or
leur permettra d’élargir leur clientèle au-delà des rares patients pouvant se
payer l’aurification149.
Bien que la toxicité du mercure fût alors établie, ces pionniers raillèrent
leurs confrères plus prudents et défièrent la principale organisation
professionnelle dentaire de l’époque qui, craignant des conséquences
sanitaires, avait décidé d’exclure les praticiens osant en poser. Les dentistes
exclus créèrent des associations concurrentes, comme l’Association dentaire
américaine (ADA), très favorable à l’amalgame et liée financièrement aux
fabricants. Ils parvinrent à devenir majoritaires, et l’ADA prit le pouvoir,
imposant la thèse de l’innocuité des amalgames. Pourtant, des médecins
établirent un lien entre des maladies de leurs patients et leurs amalgames. Ils
en appelèrent au Congrès, comme le Dr Payne qui rédigea en 1874 un
retentissant article dans le journal médical de Chicago : “Certains
des 12 000 dentistes des Etats-Unis se livrent à cette intoxication, et je
réclame la coopération de la société médicale d’Etat en tant que gardienne de
la santé publique pour obtenir une loi du Congrès édictant que placer toute
substance toxique dans les dents est une infraction pénale qui met la
population en danger150.” Mais l’affaire engageait déjà trop de notables et de
fournisseurs, sans compter les perspectives de contentieux explosifs.
Le lobby dentaire prit notamment argument de la pandémie de caries au
cours de la seconde moitié du XXe siècle, parallèlement à la consommation de
sucre, pour banaliser l’usage de l’amalgame dans tous les pays industrialisés.
Les utilisations du mercure, qui ne concernaient jusque-là qu’une petite partie
de la société, se sont ainsi généralisées à l’ensemble de la population à partir
des années 1950-1960. Aujourd’hui, 15 à 17 tonnes de mercure sont placées
chaque année dans la bouche des Français.
Comme nous l’avons montré tout au long de cet ouvrage, la neurotoxicité du
mercure est l’une des plus étudiées. On comprend dorénavant par quels
mécanismes une exposition chronique au mercure peut contribuer à des
pathologies neurodégénératives151. Or, le mercure échappé des amalgames
sous forme de vapeurs (mercure élémentaire) est en grande partie inhalé et
passe dans le sang, ou remonte le long du nerf olfactif, et se retrouve
rapidement dans le cerveau. Aussitôt oxydé en cation mercurique, il se lie
fortement à des protéines et s’accumule alors peu à peu dans le tissu cérébral
pour des années voire des décennies152.
Ce sont deux chercheurs canadiens, Murray Vimy et Fritz Lorscheider, qui
ont, en 1989, fait considérablement avancer les connaissances sur le circuit des
faibles doses de mercure : ils ont posé à une brebis des plombages contenant
du mercure radioactif153 et ont ainsi pu voir le métal pénétrer rapidement dans
l’organisme par l’estomac et l’intestin, les poumons et même par la mâchoire.
Sur l’écran de radiographie, des masses sombres montraient l’accumulation
continue de quantités substantielles de mercure dans les organes au cours du
mois qui a suivi la pose des plombages. Le marquage radioactif apportait la
“signature” de l’origine dentaire du mercure mesuré dans les différents
organes. Tous les organes se révélèrent imprégnés à des degrés divers, y
compris le cerveau. L’article a paru dans FASEB, la publication officielle de la
Société américaine de biologie expérimentale154. Les Dr Vimy et Lorscheider
ont aussitôt effectué la même expérience avec des brebis gravides : en deux
jours, ils ont vu le mercure radioactif affluer dans le placenta puis dans le sang
du cordon ombilical et s’accumuler peu à peu dans les organes du fœtus,
particulièrement dans l’hypophyse, le cortex cérébral (la “substance grise”) et
la thyroïde155. L’hypophyse156 du fœtus contenait des quantités de mercure
mille fois supérieures à la concentration sans risque de l’EPA. La preuve était
ainsi apportée que le mercure dentaire s’accumulait dans une partie du cerveau
du fœtus chez les mammifères.
Les représentants de la profession dentaire prétendirent alors que la brebis
n’était pas un bon exemple du fait de sa physiologie trop éloignée de celle de
l’homme et de sa dentition de ruminant soumise à une mastication incessante.
L’équipe scientifique a aussitôt repris le même protocole expérimental avec
des singes, et obtenu des résultats comparables157. D’autres chercheurs ont
finalement démontré, quatre ans plus tard, en 1994, qu’il en allait de même
chez les humains158. De plus, des études d’autopsie ont permis de vérifier chez
l’homme les observations de Vimy. Elles ont montré que la quantité de
mercure accumulée dans le cerveau dépend du nombre de plombages : ceux
qui possèdent plus de douze surfaces d’amalgames ont dix fois plus de
mercure dans leur substance grise que ceux qui en ont moins de trois159.
Les autorités dentaires professaient jusqu’au milieu des années 1980 que le
mercure restait enfermé de façon étanche dans les plombages. Après les
démonstrations que nous venons d’évoquer, apportant les preuves de son
exfiltration, les instances professionnelles ont pris l’habitude de dire que des
“quantités infinitésimales” de mercure s’en échappent, et que celles-ci sont
très vite évacuées de l’organisme qui, de la sorte, se trouverait exposé à des
niveaux de mercure trop faibles pour entraîner des troubles. Nous avons vu,
avec un détecteur de vapeurs de mercure certifié par des professionnels de la
prévention, que les taux de vapeurs mercurielles dans la bouche des porteurs
d’amalgames confirmaient les études scientifiques. Il nous a même été donné
de retrouver le double d’un film montrant la démonstration de ce détecteur au
cours d’une réunion de médecins et de membres du conseil de l’ordre des
dentistes, dans les années 1980160, réunion qui s’est soldée par une vive
émotion, ces derniers se disant inquiets du retentissement que cette
démonstration aurait devant des médias161. Cela n’a rien changé à leur
principal argument : “Les amalgames ont plus de cent cinquante ans, et s’ils
étaient dangereux, cela se saurait !”
Nous avons retrouvé l’un des protagonistes de cette réunion, le Dr Gilbert
Crussol. Il nous en retrace des détails croustillants : “Le Pr Marcel Rivault,
membre du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes et membre de
l’Académie dentaire, m’a contacté, à la fin des années 1980, exprimant le désir
de visionner des documents sur le mercure que j’avais ramenés des USA, de
chez le Dr Huggins et d’autres spécialistes au cours de nombreux voyages.
Surpris et honoré de la visite d’une sommité de la profession, je le vis assis
devant un écran pour analyser une à une toutes mes bandes vidéo et tous mes
documents. Le Pr Marcel Rivault ayant été l’un de mes professeurs, je
connaissais ses immenses qualités professionnelles, mais ce jour-là, je
découvris sa curiosité sans limite, son courage, un homme incorruptible.
Bouleversé et convaincu que ma position à l’égard du mercure était supportée
par de solides documents scientifiques, il a organisé dans les locaux du
Conseil national des chirurgiens-dentistes une conférence au cours de laquelle
nombre de ces documents furent projetés. Le transport des écrans, des
magnétoscopes ne fut pas une partie de plaisir, mais je pensais ainsi que le Pr
Marcel Rivault que nous arriverions à convaincre une assistance
majoritairement composée de présidents de conseils de l’ordre régionaux. Une
édifiante démonstration avec le détecteur de vapeurs mercurielles fut
effectuée. Peine perdue, nous avons entendu dans la salle des réflexions du
genre : « Il ne faut pas que cela se sache… » Et le Dr Marcel Rivault fut
remplacé par un partisan du mercure… Les évidences scientifiques ne pèsent
rien au regard de la puissance de l’argent et de la corruption. Nous avions
également filmé l’événement avec les pauvres moyens de l’époque162.”
LES DENTISTES ET LEURS ASSISTANTES

La folie des dentistes a-t-elle remplacé celle des chapeliers qui autrefois
travaillaient le chapeau avec du mercure163 ? Les dentistes et leurs assistantes
sont aujourd’hui parmi les professions les plus exposées à ce toxique.
Environ 35 000 dentistes français et presque autant d’assistantes sont
concernés. Près de 80 % d’entre eux continuent à poser des amalgames164, ce
qui représente le plus grand nombre de travailleurs exposés à cette substance.
Ils l’ignorent souvent eux-mêmes, bien que leur contamination soit plus élevée
que celle de la population générale, notamment au niveau du cortex cérébral et
de l’hypophyse, comme l’ont démontré des études d’autopsie dès 1989165.
Ils inhalent les vapeurs de mercure qui s’échappent lors des actes de pose,
de retrait et de polissage des amalgames. Divers “points chauds” en émettent
aussi dans le cabinet dentaire, comme le rappelle un rapport destiné aux
médecins du travail qui suivent la profession : “Des déchets d’amalgames
restent dans les différents dispositifs du fauteuil, les tuyaux d’aspiration, le
crachoir, les filtres, et continuent d’émettre des vapeurs de mercure en grandes
quantités.” Le document a été établi par l’Institut national de recherche et de
sécurité (INRS) en 2003, un organisme qui n’est pas du genre à exagérer les
risques166. L’INRS souligne par ailleurs que la mise en place de séparateurs
d’amalgames (obligatoires depuis 2001), destinés à limiter les rejets de
mercure dans l’environnement, est finalement à l’origine d’une “importante
pollution des cabinets en raison de leur manque d’étanchéité”.
Plusieurs études ont, depuis les années 1990, mis en évidence l’excès de
troubles et de pathologies notamment neurologiques chez les professionnels
dentaires. Ils souffrent davantage d’éréthisme mercuriel : instabilité
émotionnelle, fatigue excessive, état dépressif, pertes de mémoire, dépression,
troubles de la concentration167. D’autres symptômes neurologiques
complètent ce tableau : tremblements, troubles visuels, neuropathie
périphérique… Une étude britannique a révélé que la profession compte même
un des taux de suicide les plus élevés du Royaume-Uni, surtout chez les
hommes168.
On observe aussi chez les dentistes une diminution significative des
performances psychomotrices et de la dextérité manuelle les obligeant parfois
à arrêter d’exercer leur métier169. Une étude vient de comparer les symptômes
observés chez une centaine de dentistes et autant de praticiens non exposés au
mercure : les dentistes souffrent 15 fois plus de pertes de mémoire que leurs
confrères (31,1 versus 2,1 %), 4 fois plus de dépression, de troubles de
l’humeur et d’insomnie, et 3 fois plus d’anxiété170. L’importance des
symptômes neurologiques dépend de la quantité d’amalgames posés par les
dentistes171.
Les dentistes et assistantes ont aussi deux fois plus de cancers cérébraux
(glioblastomes et gliomes) que la population générale, alors que le risque
d’autres cancers n’est pas plus élevé172. Enfin, le mercure est la substance qui
accroît le plus le risque de neurinome acoustique (tumeur bénigne du nerf
auditif) des dentistes et des assistantes173.
Le gouvernement norvégien, alerté par les publications scientifiques
internationales des quinze dernières années mettant en évidence les
perturbations neuropsychologiques chez le personnel dentaire, a publié
en 2007 un rapport officiel sur ce sujet174. Il insiste sur les perturbations
cognitives observées chez les assistantes dentaires : elles ont plus de
problèmes de mémoire, de concentration, de sommeil et de fatigue
inexpliquée, ainsi que de symptômes neurologiques. Le gouvernement
norvégien a déclaré publiquement que le personnel des cabinets dentaires a
souffert pendant des années de troubles cognitifs dus à leur exposition
professionnelle au mercure, reconnaissant ainsi officiellement une carence de
la veille sanitaire. La Norvège est le premier pays à avoir interdit, en
janvier 2008, les amalgames.
On imagine mal qu’en France, les assistantes dentaires et les dentistes, le
plus souvent ignorants des risques encourus, ne soient pas victimes des mêmes
problèmes de santé. On peut craindre aussi que bien peu de dentistes
respectent la circulaire interdisant aux femmes enceintes la manipulation du
mercure (circulaire du ministère chargé du Travail du 02/05/1985), ou encore
la directive 92/85/CEE demandant à l’employeur d’aménager le poste de travail
afin d’éviter l’exposition au mercure de la travailleuse. Le rapport de l’INRS
n’a pas fait l’objet d’une grande diffusion parmi les dentistes.
On peut d’ailleurs noter une bizarrerie : l’équipe qui a rédigé ce rapport
pour le moins alarmant comporte deux des experts du groupe de travail sur
l’amalgame constitué par l’Afssaps, dont le rapport est, lui, extrêmement
rassurant. Contrairement à celui de l’INRS, il est constamment mis en avant par
l’ordre et les syndicats pour affirmer que les amalgames ne sont pas
dangereux. Du coup, dentistes et assistantes ne pensent pas à se protéger du
mercure émis par les amalgames, malgré la teneur affolante des fiches de
sécurité envoyées par les fabricants. Celles de Septalloy et Securalloy, deux
amalgames de la firme française Septodont, leader mondial de la pharmacie
dentaire, sont pourtant riches d’enseignement. Elles alertent sur un “risque
d’effets létaux aigus toxiques avec des symptômes d’intoxication par
inhalation” et sur un “danger d’effets cumulatifs”. On y lit en effet : “Cette
préparation est susceptible de s’accumuler dans le corps humain en cas
d’absorption répétée.” Il est donc recommandé d’“éviter l’inhalation des
vapeurs”, de “prévoir une aspiration des vapeurs à la source d’émission”,
d’“éliminer le produit et son récipient comme un déchet dangereux”, de
“conserver le récipient bien fermé et dans un endroit bien ventilé” et “En cas
d’inhalation, transporter le patient à l’air libre et le garder au chaud et au
repos.” Ouf !
Deux pictogrammes illustrent sa toxicité : une tête de mort pour prévenir les
hommes et un poisson échoué au bord d’un cours d’eau pour illustrer le risque
pour l’environnement. La notice d’un autre fabricant, Dentsply, qui produit les
amalgames Dispersalloy®, précise que “le mercure est reconnu comme causant
des malformations du fœtus ou des troubles de la reproduction” et que “les
personnes souffrant de maladie rénale, de maladie respiratoire chronique, de
maladie de foie ou de peau peuvent avoir un risque élevé d’exposition à cette
substance175”.
La firme Septodont est familière à certains experts176. En effet, au moins
trois dentistes membres du groupe de travail de l’Afssaps sur l’amalgame,
auteurs, en 2005, de ce fameux rapport rassurant, ont ou ont eu des
collaborations rémunérées par ce fabricant. Ces liens d’intérêt ne sont pas
exactement ce que l’on attend pour assurer la sérénité d’une expertise sur un
sujet aussi lourd de contentieux. Combien d’affaires comme celles du
Mediator dorment-elles encore dans les placards de cette agence ? On peut
espérer que sa nouvelle direction aura à cœur de ressortir ce dossier pour le
réévaluer selon les nouvelles règles.
De son côté, l’INRS insiste sur la mise en place de techniques de prévention
collective (mise sous hotte aspirante des principales sources de mercure),
apparaissant davantage comme un pis-aller que comme une véritable
possibilité de protection des travailleurs. Il paraît pourtant évident que la seule
solution permettant d’abaisser l’exposition au mercure des dentistes et des
assistantes est le remplacement de l’amalgame par des matériaux non
toxiques, la mise en place de protocoles rigoureux pour tout travail sur des
amalgames anciens (retrait, pose de couronne…) protégeant les praticiens et le
patient, et le contrôle des émissions de vapeurs de mercure issues des déchets
stockés au cabinet.
Malgré le grand nombre de publications scientifiques soulignant les
affections des dentistes et des assistantes liées au neurotoxique, le rapport
officiel du SCENIHR (Scientific Committee on Emerging and Newly Identified
Health Risks177), publié en 2008, fait toujours autorité dans l’Union
européenne, alors qu’il affirme que “l’incidence d’effets secondaires rapportés
[dans cette profession] est très faible” et que les amalgames ne semblent pas
présenter de risques, même pas chez les femmes enceintes et leur fœtus178…
Le fait que cette expertise ait été rédigée par quatre dentistes pro-amalgames
(dont le Français Michel Goldberg) aurait-il pu influencer dans le « bon sens »
ses conclusions ? On est médusé de constater que les publications de dentistes
représentent la moitié des références citées et que les études les plus gênantes
ont été ignorées.
Concernant les traitements des personnes contaminées, le rapport de l’INRS
indique que des traitements chélateurs (DMSA) peuvent faire régresser les
symptômes, même s’il n’est pas rare que des séquelles neurologiques
persistent. Cependant, les dentistes français (et a fortiori les assistantes)
victimes de leur exposition professionnelle au mercure ont de grandes
difficultés à faire reconnaître leur maladie professionnelle. C’est le cas par
exemple d’un dentiste très handicapé par une neuropathie périphérique (donc
ne pouvant plus exercer), maladie pourtant bien recensée dans les
conséquences d’une exposition mercurielle en cabinet dentaire. Ce dentiste a
témoigné auprès des experts de l’Afssaps et a accompli de multiples
démarches pour faire reconnaître son affection, en vain. Les neurologues n’ont
pas voulu effectuer un “test de mobilisation” avec un chélateur qui aurait mis
en évidence l’imprégnation des organes. En effet, le sang des personnes
exposées de façon chronique contient peu de mercure : celui-ci s’est accumulé
dans les organes, et seul un chélateur peut le déloger. Ce dentiste a dû faire, de
sa propre initiative, ce test dans un laboratoire allemand agréé, lequel a révélé
l’intoxication, mais les médecins français ont refusé cette analyse.
Les déchets d’amalgames retirés de la bouche des patients sont classés par
l’Union européenne parmi les déchets dangereux179 et comme substance
dangereuse prioritaire180. La loi impose désormais aux dentistes de ne plus les
jeter à la poubelle, mais de les stocker dans des contenants hermétiques qu’une
société agréée prend en charge. Les amalgames sont donc interdits de poubelle
mais pas de bouche.
Les dentistes sont-ils assez sensibilisés ? Au cours de notre enquête, nous
avons constaté qu’ils sont encore souvent persifleurs quand on aborde le sujet.
Quant au soin qu’ils apportent à la récupération des déchets d’amalgames, des
progrès restent à accomplir. Une dentiste du Pas-de-Calais nous confie que des
confrères plus soucieux de leur porte-monnaie que de l’environnement jettent
les surplus de mercure dans la nature pour diminuer leur coût de recyclage…
“Certains balancent les déchets d’amalgames dans les toilettes”, nous souffle-
t-elle.
USINES, CRÉMATORIUMS ET INCINÉRATEURS

Abordons maintenant un des chapitres les plus macabres. L’air porte des
particules et des gaz qui ont un rôle important dans l’empoisonnement des
neurones, en passant notamment par les nerfs olfactifs qui conduisent au
cerveau181. On a vu que l’air de nos maisons n’est pas très recommandable.
La pollution venue de l’extérieur complète le tableau : vapeurs de benzène
venant du garage ou des stations d’essence proches, effluves de
perchloréthylène émis par les pressings, solvants issus des peintures,
antifongiques projetés sur les façades ravalées et les toitures, émanations de
centaines de milliers de sites pollués qui régurgitent quotidiennement les gaz
délétères confessant un siècle d’enfouissement incontrôlé de déchets
industriels182… A elles seules, les milliers d’usines à gaz qui ont alimenté les
entreprises et les foyers français jusque dans les années 1970 ont laissé
d’invraisemblables quantités de polluants neurotoxiques et cancérogènes dans
les sols, souvent en plein centre-ville, y compris à Paris183. Benzène, toluène
et xylène ont gorgé ces terrains qui, depuis la fermeture des usines, ont vu
pousser des logements, quand ce ne sont pas des écoles, des stades ou des
squares. Le Stade de France à Saint-Denis a été construit sur l’un de ces sites
sans qu’on s’en préoccupe assez tôt. “En 1993, lors des travaux de
terrassement, la pollution s’est révélée si grave que le préfet a dû exiger le
traitement de plusieurs dizaines de milliers de tonnes de terre qui contenaient
trop de cyanure et d’hydrocarbures volatils”, explique Frédéric Ogé, le
chercheur au CNRS qui a conçu la méthode d’inventaire des sites
potentiellement pollués pour le ministère de l’Environnement184. Il note que
cette coûteuse décontamination “n’a pas empêché une nouvelle contamination
du site quand la nappe phréatique polluée s’étendant sous le stade est remontée
et a imprégné une nouvelle fois la pelouse après des pluies abondantes” !
On a longtemps cru qu’avec le temps, les produits retournaient à l’état de
poussière neutre en se dispersant dans les sols. En fait, cette idée se révèle
naïve, souligne le chercheur : “Certains polluants, se dégradant, donnent lieu à
des dérivés chimiques plus toxiques et plus résistants. Des produits enfouis
sous terre peuvent migrer perfidement durant des décennies, voire un siècle et
plus, pour ressurgir des dizaines de kilomètres plus loin. Ils peuvent aussi
prendre une forme gazeuse et se frayer un chemin vers la surface jusqu’à l’air
libre. Les pluies contribuent à les faire voyager et les font partiellement
remonter185.” On ne sort pas indemne d’un échange avec Frédéric Ogé. Même
le ministère de l’Environnement qui lui a demandé de l’aider à faire
l’inventaire des sites concernés, dans les années 1990, s’est affolé devant les
cartes qu’il dressait, et s’est longtemps refusé à les rendre officielles186. Il en
comptait entre 350 000 et 400 000, pendant que le ministère diffusait
en 1998 un rapport faisant état de 900 sites pollués. De son côté, l’Allemagne
reconnaissait déjà pour son compte un chiffre comparable à ceux du chercheur.
Nous avons tenté avec lui de faire figurer sur une carte de France standard
(type Michelin) ces sites douteux. Mais on s’est vite aperçu
que 400 000 points la noircissent complètement. Il en va de même de la carte
d’Allemagne. Seules les cartes à l’échelle locale peuvent en rendre compte,
comme celles que le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) a
réalisées pour concrétiser cet inventaire187. A l’est du Rhin comme à l’ouest,
nous payons tous l’inconscience de générations de politiques habitués à
déléguer aux acteurs économiques les problèmes de santé publique.
Les riverains d’installations polluantes toujours en activité cumulent les
peines. Au-delà des incinérateurs qui, malgré le renforcement récent des
normes, restent des sources de pollution atmosphérique, les fonderies, les
usines chimiques et les sites de retraitement des déchets toxiques (batteries,
ordinateurs, ampoules, piles…) ont recraché durant cinquante ans et plus des
fumées saturées de métaux lourds, et certaines le font encore en dépit des lois.
Leur direction a pris l’habitude de menacer de fermer les industries en cas de
sanctions. Menaces qu’elles mettent d’ailleurs à exécution quand on veut les
contraindre à dépolluer leur site ou à assumer les réparations dues aux
victimes, comme la multinationale Metaleurop et son usine de Noyelles-
Godault (Pas-de-Calais) qui, sans préavis ni indemnité, a laissé sur le
carreau 830 salariés un matin de janvier 2003, indifférente aux rodomontades
des élus et aux accusations de “patron voyou”. La firme Métal Blanc à Bourg-
Fidèle (Ardennes), condamnée en septembre 2010 pour mise en danger de la
vie d’autrui188 après avoir gravement contaminé la population aux métaux
lourds et au manganèse, en offre un autre exemple. Cette usine rejetait à elle
seule des dizaines de tonnes de plomb par an dans l’atmosphère189, auxquelles
s’ajoutaient des quantités de mercure et de cadmium transportées aux quatre
vents, imprégnant la chaîne alimentaire190. Comme d’innombrables industries
polluantes, les usines de Métal Blanc ont essaimé aussi dans la banlieue des
grandes villes191. L’affaire est emblématique de la gigantesque contamination
neurotoxique de l’air due à leurs rejets. La condamnation de Métal Blanc
obtenue après une longue procédure judiciaire n’a été possible que grâce à
l’exceptionnelle opiniâtreté de quelques habitants regroupés en association192.
Rares sont les gens qui ont le courage d’affronter les agressions et les
quolibets incessants que la présidente de l’association, Denise Schneider, a dû
essuyer193. La mobilisation d’experts indépendants a également été
déterminante pour révéler le niveau ahurissant des intoxications des habitants,
mais les tabous administratifs et politiques auxquels ils se sont longtemps
heurtés montrent a contrario combien il est difficile de faire le bilan de cette
vaste contamination à l’échelle nationale194.
L’usine Citron, à Rogerville près du Havre, a pris un chemin similaire. Cette
entreprise dont la maison mère est basée en Suisse était censée traiter les
déchets dangereux (boues toxiques, piles, solvants, ampoules au mercure,
catalyseurs…). Elle en a brûlé beaucoup dans des conditions très suspectes,
tout en amassant à l’air libre des dizaines de milliers de tonnes de déchets
chargés en métaux lourds, benzène, hydrocarbures, manganèse et lithium.
Autant de substances qui aiment chahuter nos neurones. Le soleil et les
intempéries se chargeront de les dégrader, à moins que l’Etat ne verse lui-
même les 10 à 22 millions d’euros pour faire le nettoyage, ce qu’il fera
probablement en partie. Après avoir recraché pendant des années des panaches
de particules et des nuages toxiques sur les riverains et au-delà, l’entreprise
s’est aussi délestée de ses 110 salariés. Il lui a suffi de cesser de payer ses
cotisations Urssaf pour être mise en liquidation judiciaire en décembre 2010,
énième épisode d’une longue série de condamnations pour des expositions
dangereuses aux produits chimiques. Malgré les multiples procès-verbaux
dressés contre Citron (dont certains pour “défaut de contrôle des rejets en
mercure” et “absence de traçabilité des déchets”), la préfecture de Seine-
Maritime lui a paradoxalement accordé, en avril 2007, l’autorisation de tripler
ses capacités. Sans la mobilisation de l’association Ecologie pour Le Havre
(EPH) et une procédure lancée par France Nature Environnement auprès de la
cour administrative d’appel, elle aurait ainsi pu stocker jusqu’à 490 000 tonnes
de résidus toxiques.
Il faut dire que les collectivités territoriales et le gouvernement ont toujours
soutenu l’usine : le conseil régional lui accordant des subventions, le maire du
Havre (alors Antoine Ruffenacht) assurant l’opinion de la qualité de ses
prestations et le préfet se dressant contre les opposants en intervenant même
directement auprès du Coderst195 pour obtenir cette extension196… Ce préfet,
Jean-François Carenco, est d’ailleurs très apprécié pour son efficacité
puisqu’il est ensuite devenu le directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo, au
ministère de la Ville, avant d’être nommé préfet de la région Rhône-Alpes.
Annie Leroy, l’énergique présidente de l’association EPH, nous montre que
les analyses sur les émissions de métaux lourds de l’usine indiquent qu’elles
n’ont pas contaminé seulement le site197. Elle nous rappelle que “les
dépassements de normes ont été fréquents ; et les accidents aussi : en 2000,
par exemple, un incendie sur le site a dégagé un gros nuage qui est allé jusqu’à
Honfleur, que les gens ont vu arriver sans savoir que faire”. Ils n’en savent pas
beaucoup plus depuis son passage. “On a découvert fin 2010 que l’entreprise
donnait n’importe quoi en termes de résultats d’analyses. Cela a été acté par la
Drire”, note-t-elle198. “On s’est aperçu notamment qu’ils n’ont pas de
mâchefers ordinaires199 mais du mâchefer difficilement recyclable à cause de
ses métaux lourds. 90 000 tonnes sont entreposées sur le site. En urgence,
l’Ademe a dégagé 1,6 million d’euros pour sécuriser ces mâchefers, mais les
rejets de mercure restent très préoccupants.”
Mieux vaut aussi ne pas habiter près d’un crématorium. Ces installations où
l’on incinère les morts connaissent une activité sans précédent avec la
demande croissante de crémations200. Aussi surréaliste que cela paraisse, cette
mode est devenue aujourd’hui assez importante pour entraîner la
multiplication des crématoriums et susciter l’inquiétude des pouvoirs publics :
leurs fumées transportent en effet des quantités étonnantes de dioxines et de…
mercure ! Ainsi en janvier 2010, Sophie Delaporte, directrice générale adjointe
du ministère de la Santé, a signé un arrêté pour réduire ces polluants que
rejettent leurs cheminées201. Si l’on sait que les tissus organiques produisent
des dioxines en se carbonisant, d’où provient donc le mercure présent dans les
fumées ? Des amalgames dentaires carbonisés… L’arrêté a fixé l’échéance
de 2018 pour procéder à la mise en place des filtres qui permettront aux
exploitants de respecter la limite prévue de 0,2 mg/m3 de mercure. Le délai est
d’une grande souplesse, et l’on reste très loin de la limite de 0,001 mg/m3 dont
l’OMS recommande l’application immédiate, sans parler de la valeur-cible de
0,00005 mg/m3 qu’elle préconise de viser à l’avenir…
“Pour le moment, seuls sept crématoriums fonctionnent avec un filtre sur
les 143 qui couvrent la France, ce qui est scandaleux”, nous confie Michel
Kawnik, président de l’Afif (Association française d’information funéraire),
une organisation soutenue par des professionnels des pompes funèbres qui
aimeraient insuffler de l’éthique dans leur secteur202. “Tous ces crématoriums
se contentent de recueillir les particules les plus grosses qui retombent dans un
bac à poussière”, précise-t-il. “En libérant le mercure issu des alliages
dentaires des personnes incinérées, les crématoriums empoisonnent
littéralement les habitants, sans oublier les dioxines et les fumées des produits
de traitement des cercueils”, déplore Michel Kawnik sans craindre de déplaire
au lobby confortablement assis sur le marché des crémations et de nos ultimes
demeures destinées au feu.
Il n’est pas le seul à s’en alarmer, comme le montre le livre blanc que des
professionnels ont remis à la Commission européenne en juin 2008203.
Relevant des cas d’intoxication au mercure chez le personnel des
crématoriums et soulignant le coût de l’installation de filtres à mercure
(lesquels exigent une technique sophistiquée qui multiplie par trois le prix
d’un four), ces derniers préconisent de rémunérer des dentistes pour retirer les
amalgames avant l’incinération.
L’idée semble tout droit sortie d’un film d’épouvante. Et pourquoi ne pas,
pendant qu’on y est, créer une nouvelle profession qui pourrait attirer les
jeunes gothiques désœuvrés : dentistes croque-morts ? Il nous semble moins
dément d’interdire tout simplement les plombages.
En février 2010, Airparif, la structure chargée de surveiller la qualité de
l’air en Ile-de-France pour le compte des collectivités publiques, a procédé à
des analyses du mercure à proximité du crématorium du Père-Lachaise dans
le 20e arrondissement de Paris. On apprenait à cette occasion que “le mercure
n’avait jamais été mesuré dans l’air francilien204”. Airparif estimait
finalement qu’au Père-Lachaise, les taux relevés étaient négligeables205. Mais
il ne disait pas pourquoi il avait choisi de faire ses prélèvements sur ce
crématorium qui, depuis 2008, est précisément l’un des sept à être équipé d’un
filtre !
LES PARTIES FINES DES PARTICULES

Les particules ultrafines (Pufs), promptes à se faufiler au fond de nos narines,


sont celles qui méritent la plus grande attention. Les fumées domestiques et
industrielles en sont chargées, de même que celles qu’éructent les tuyaux
d’échappement des véhicules (les moteurs Diesel au premier chef). Habiter au
bord d’une route, a fortiori près des carrefours ou des rocades où les normes
de qualité de l’air ne sont pas respectées, aggrave bien sûr les expositions.
Depuis des décennies, le problème des Pufs n’est plus seulement lié aux pics
de pollution : ces particules constituent un “bruit de fond” permanent qui
embarrasse les politiques. Elles aussi apportent leur concours aux agressions
qui se sont multipliées sous notre crâne, et les preuves scientifiques de leur
implication dans de nombreux cas d’Alzheimer exigeraient une action
publique de grande envergure. En effet, après avoir remonté le long du nerf
olfactif, les Pufs traversent sans grande difficulté la barrière hémato-
encéphalique et profitent de leur taille microscopique pour s’installer au cœur
des cellules du cerveau où elles peuvent commettre leurs forfaits, surtout
quand elles y pénètrent en nombre206.
Leur plus forte concentration s’observe dans les transports urbains,
notamment à l’intérieur des véhicules, contrairement à l’illusion commune d’y
être un peu à l’abri207 : on y compte en moyenne deux fois plus de Pufs qu’à
l’extérieur. Mais l’atmosphère du métro est de loin la pire : on y relève des
taux jusqu’à dix fois plus élevés que ceux de l’air extérieur208. Ces chiffres
donnent la mesure de l’inconséquence de notre société qui contraint une
grande partie de la population à vivre dans des quartiers à forte densité de
circulation et à emprunter tous les jours le métro.
Le 28 juillet 2010, Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie,
présentait le bilan de la qualité de l’air lors d’une conférence de presse. Elle se
félicitait, bien sûr, des efforts de son gouvernement et de certains “progrès
notables”, notamment en ce qui concernait le plomb et le benzène. Elle
reconnaissait cependant un problème : “Le point le plus négatif, c’est qu’on
n’arrive pas vraiment à améliorer la situation, voire elle se dégrade pour tout
ce qui est des particules, dioxydes d’azote et l’ozone.” Et elle livrait les
derniers chiffres de l’OMS : “42 000 morts prématurées en France chaque année
du fait de problèmes de qualité de l’air”, précisant que ces décès étaient
attribués aux “particules en suspension” (catégorie qui inclut les Pufs, voir
encadré, p. 219-220), soit 5 % de la totalité des décès. Ainsi, la présence de
particules fines dans l’air fait dix fois plus de morts chaque année que les
accidents de la route209 ! C’était la première fois qu’un ministre divulguait des
chiffres aussi catastrophiques en France. En 2002, le nombre de décès
prématurés imputables à l’exposition passée aux particules fines chez les plus
de 30 ans était déjà apparu comme suffocant avec “seulement” 6 500 morts210.
Au printemps 2011 paraissaient les premiers résultats d’Aphekom, vaste
programme européen coordonné par l’InVS, concernant 39 millions d’habitants
dans 12 pays et 25 villes. Il confirmait que l’air de nos grandes villes est
particulièrement pollué aux particules fines211. Près des axes routiers, leur
concentration est bien plus élevée, mais les chercheurs n’ont pas osé calculer
le nombre d’années perdues par les habitants des quartiers situés près du
boulevard périphérique, où la concentration en particules fines tourne en
moyenne autour de 30 microgrammes par mètre cube212.
Hélas ! pas plus l’InVS que l’OMS n’ont songé à prendre en compte les décès
liés aux atteintes neurocérébrales des particules. Ainsi l’OMS, consciente que
“les particules en suspension ont plus d’effets sur la santé que tout autre
polluant”, ne relève leur impact qu’en termes d’affections respiratoires, de
cardiopathies et de cancers pulmonaires213. Pourtant, les effets délétères de la
pollution atmosphérique sur le cerveau sont pointés depuis les années 1980, en
particulier chez des garagistes exposés aux particules émises par les moteurs
Diesel214. Le lien entre les maladies neurodégénératives et l’exposition aux
particules fines de la pollution urbaine a été établi chez le chien215, puis chez
l’homme216, après autopsie d’adolescents et de jeunes adultes décédés
accidentellement et habitant à Mexico, comparés à des habitants de villages à
l’atmosphère plus préservée. Les jeunes de Mexico, encore indemnes de
symptômes neurologiques de leur vivant, possédaient un cerveau présentant
tous les stigmates d’une maladie d’Alzheimer ou de Parkinson en devenir
(production de ROS217, altération de la réponse inflammatoire aboutissant à
une neuroinflammation chronique, dépôt de protéine amyloïde β42 et de α-
synucléine…).
Les particules fines, outre leur toxicité directe, exercent une partie de leurs
effets neurotoxiques via les métaux qu’elles transportent sur leur surface218 :
véritables “chevaux de Troie”, elles sont capables de faire franchir sans
encombre la barrière hématoencéphalique à leur néfaste chargement de
manganèse, de mercure ou de plomb.
Alors que les particules émises par les véhicules sont clairement identifiées
dans ces processus, les années se succèdent sans que les autorités politiques
prennent des mesures à la hauteur des enjeux. Même les pics de pollution se
banalisent, comme le rappellent les titres des dépêches AFP et de la presse :
“Pays de la Loire : pollution aux particules” (AFP, 01/02/2011) ; “Agen :
nouveau pic de pollution de l’air” (Sud-Ouest, 4 mars 2011) ; “Forte pollution
en Haute-Garonne” (AFP, 04/03/2011) ; “Haute-Normandie : pic de pollution”
(AFP, 17/03/2011) ; “Alerte à la pollution aux particules et limitations de
vitesse” (Le Progrès, 25/03/2011) ; “Ile-de-France : pollution aux particules
fines” (AFP, 25/03/2011) ; “Nouvelle alerte à la pollution aux particules fines
dans la région lyonnaise” (Le Progrès, 24/03/2011)…

Préoccupantes particules

Désignées sous l’acronyme PM pour “particulate matter”, les particules


fines sont classées selon leur taille. Seules celles dont le diamètre est
inférieur à 10 μm sont réglementairement mesurées dans le cadre de la
surveillance de l’air.
On distingue :
– les particules grossières, dont le diamètre est compris
entre 10 et 2,5 μm (PM10) ;
– les particules fines, d’un diamètre compris entre 2,5 et 1 μm (PM2,5) ;
– les particules très fines, d’un diamètre inférieur à 1 μm (PM1) ;
– les particules ultrafines (Pufs), d’un diamètre inférieur à 0,1 μm
(PM0,1).
Les Pufs sont aussi des “nanoparticules”, puisque leur diamètre est
inférieur à 100 nm.
La taille des particules détermine leur aptitude à pénétrer plus ou moins
profondément dans les poumons et à traverser les barrières biologiques,
donc leur dangerosité. Plus elles sont fines, et plus l’impact sanitaire est
important, notamment sur le cœur et le cerveau.

Composition chimique

La composition chimique des Pufs est extrêmement variable et complexe.


Ces particules sont souvent formées d’un “cœur” de carbone élémentaire
sur lequel sont adsorbés différents composés. Parmi ceux-ci, on trouve du
carbone élémentaire, des composés minéraux (carbonates de calcium et de
sodium…), des composés inorganiques (sulfates et nitrates), des composés
organiques (hydrocarbures aromatiques polycycliques, quinones…), des
métaux issus de la sidérurgie ou rejetés par les incinérateurs (plomb,
mercure…), etc.

Origine des particules fines et ultrafines

En milieu urbain, ce sont les installations de chauffage et le transport


routier qui constituent les principaux émetteurs de particules fines et
ultrafines. Ainsi, la contribution des transports aux PM2,5 atteint 43 % en
Ile-de-France. Les particules Diesel peuvent représenter jusqu’à 87 % de
ces émissions particulaires. L’évolution récente des moteurs Diesel
(injection sous pression permettant d’obtenir une combustion lors du
stockage d’effluents, au cours des labours, par la combustion de produits
pétroliers…
Les particules fines issues des activités agricoles sont émises lors
d’épandages (d’engrais, de boues…), plus complète) conduit à la formation
de particules plus fines.

Références

Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la


Mer, Bilan de la qualité de l’air en France en 2009, juillet 2010.
Afsset, Pollution par les particules dans l’air ambiant, rapport
d’expertise collective, mars 2009.
Institut national du cancer, Risques de cancers et particules fines, coll.
“Fiches repère”, 2009.
Valérie Pernelet-Joly, “La composition chimique des particules
atmosphériques : quels composants participent à la nocivité des
particules ?” Extrapol, no 35, septembre 2008.

Depuis des années, nous assistons ainsi à un rituel immuable : nous sommes
appelés à un comportement “responsable” lors de pics de pollution toujours
plus nombreux et, si possible, à nous terrer chez nous. Les pouvoirs publics ne
se donnent même pas les moyens d’imposer la réglementation en vigueur. Les
bilans de la qualité de l’air en Ile-de-France nous en apportent la
démonstration. La qualité de l’air quotidienne y reste insatisfaisante pour
certains polluants, plus particulièrement au cœur de l’agglomération
parisienne et à proximité du périphérique. On estime qu’environ 3 millions de
Franciliens sont potentiellement exposés à des niveaux de pollution qui ne
respectent pas la réglementation et qui de plus marquent une certaine stabilité,
indiquait le bilan d’Airparif en février 2010. Quant au seuil de l’OMS, de trois
jours de dépassement par an, il était déjà enfoncé pour toutes les stations
franciliennes dès le début du mois de février219 !
On semble n’avoir pas encore pris conscience que près de 12 millions de
Franciliens sont concernés par un dépassement du seuil de l’objectif de qualité
pour les particules fines (30 μg/m3)220. Face à cette situation, l’association
“Respire le périph’ !” tente de mobiliser les habitants. Elle a recensé tous les
établissements publics situés dans une des zones les plus polluées de la
capitale, entre les boulevards des Maréchaux et le périphérique (la
concentration journalière en particules fines peut y atteindre 76 μg/m3 !221).
Elle y a dénombré 20 crèches, 10 écoles maternelles, 22 écoles élémentaires,
11 collèges, 13 lycées, 2 hôpitaux et 27 stades, mais aussi de nombreux
logements HLM.
La France, en infraction avec la réglementation européenne depuis 2005 du
fait de son laxisme vis-à-vis des Pufs, a plusieurs fois été mise en demeure par
la Commission européenne de respecter ses obligations en matière de qualité
de l’air. Après un avertissement de Bruxelles (juin 2010), la France a présenté
son “plan particules” en juillet 2010. Mais on était loin du compte. Estimant
que “la France n’a pas pris à ce jour de mesures efficaces pour remédier au
problème”, la Commission européenne a décidé, en mai 2011, de la poursuivre
devant la Cour européenne de justice.
Comment en est-on arrivés là ? Près des grands axes, près de 70 % de la
pollution particulaire est imputable aux moteurs Diesel. Les véhicules neufs
ne sont équipés de filtres à particules que depuis 2005, et compte tenu de la
lenteur de renouvellement du parc automobile, il faudra attendre quinze à
vingt ans pour voir disparaître les véhicules les plus polluants : combien de
maladies d’Alzheimer et de Parkinson seront finalement imputables à la
politique de promotion des véhicules Diesel ?
NANOFOLIES

Comme si les Pufs ne suffisaient pas, les nanoparticules issues des


nanotechnologies ont fait leur entrée dans notre vie quotidienne. Ces nouveaux
procédés d’assemblage atome par atome, précis au nanomètre près (un
millionième de millimètre), permettent de fabriquer des matériaux aux
propriétés extraordinaires, infiniment plus solides, plus légers ou plus
extensibles que tous ceux connus à ce jour. Ces nanomatériaux sont déjà
commercialisés à travers un bon millier de produits, y compris dans des
vêtements, des articles de sport, des cosmétiques et des produits alimentaires.
Les industriels n’ont pas attendu que des toxicologues se penchent sur les
nanotechnologies pour s’y investir, ils ont même clairement contourné le
règlement Reach qui oblige les entreprises à faire évaluer la toxicité des
substances mises sur le marché. Du même coup, ils ont mis l’opinion devant le
fait accompli et évité qu’un obstacle se dresse devant ce fabuleux marché.
Cette leçon qu’ils ont cru bon de tirer après la mobilisation contre les OGM les
a conduits à prendre de grands risques avec la santé de la population. Et ce pari
est en train de mal tourner.
“Certaines nanoparticules peuvent voyager le long des nerfs olfactifs et
pénétrer directement dans le cerveau tout comme elles réussissent à franchir
les barrières cellulaires.” Voilà ce que notait l’Afsset, en 2006, dans un avis
alertant ses ministères de tutelle (Santé, Environnement, Travail) où elle
attirait aussi l’attention des autorités sur leur cancérogénicité et leur pouvoir
mutagène222. C’était son premier rapport sur les nanomatériaux. Elle n’a cessé
ensuite de répéter ses alertes sur la nocivité de ces particules ultrafines
manufacturées, mettant ainsi clairement le gouvernement face à ses
responsabilités.
L’Afsset y signalait aussi que des effets sur les neurones ont été repérés,
notamment, le pouvoir qu’ont les nanos de faire migrer vers le cerveau les
cellules cancéreuses qui, à l’origine, s’étaient développées dans d’autres
organes223. L’agence recensait les études menées à leur sujet et proposait des
priorités urgentes. Elle expliquait que les nanoparticules, du fait même de leur
taille, pouvaient “échapper aux mécanismes de défense de l’organisme ou les
endommager224”. L’agence déplorait, outre des essais toxicologiques
insuffisants, l’absence d’études épidémiologiques aussi bien sur la population
que sur les salariés exposés.
En 2010, le HCSP (Haut conseil de santé publique) rejoignait à son tour les
alertes de l’Afsset en remettant au ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, un
nouveau rapport qui soulignait la toxicité du nano-argent et des nanotubes de
carbone225. Les études, soulignait-il, “mettent en évidence un passage des
nanoparticules d’argent226 à travers les barrières pulmonaire et digestive vers
le sang, une distribution systémique et une accumulation faible mais
détectable dans le foie, les reins, la rate, le cerveau et le cœur227”. Les
expériences démontrant ce pouvoir de pénétration avaient certes été conduites
sur des rats, puisqu’il reste interdit d’utiliser l’homme comme cobaye, mais le
rongeur est l’un des meilleurs modèles à ce sujet. On y lisait également que les
nanos ne se contentaient pas de faire du tourisme dans les cellules : “Les
études récentes sur des cellules provenant de différents tissus (cellules
souches, respiratoires, intestinales, hépatiques, nerveuses, fibroblastes,
macrophages) montrent une capacité d’accumulation intracellulaire, un stress
oxydant, une génotoxicité et une cytotoxicité par apoptose (mort cellulaire
programmée228).”
D’autres expertises en Europe sont arrivées aux mêmes conclusions,
permettant aux députés écologistes du Parlement européen de prendre
l’initiative d’un projet de résolution réglementaire affrontant clairement le fait
que “les nanomatériaux sont de nature à présenter de nouveaux risques
majeurs229”. Le texte de ce projet en donne quelques détails : “Il est avéré que
les nanotubes de carbone provoquent exactement le même type de lésions que
l’amiante, que les nanograppes de carbone causent, à faible concentration, des
lésions cérébrales chez les poissons, et que le nano-argent stérilisant contenu
dans les bas et collants se mélange aux eaux usées, créant ainsi de nouveaux
risques dans les stations d’épuration230.” Le rapport du Parlement exprime une
indignation compréhensible : “Quand on sait que les nanoparticules peuvent
traverser la barrière sang-cerveau, comment est-il envisageable de
commercialiser des crèmes solaires qui n’offrent pas la garantie d’avoir été
testées, sachant qu’elles peuvent réagir différemment que les crèmes
traditionnelles231 ?”
On y lit aussi le regret que “dans le cadre de Reach, il n’a toujours pas été
possible de s’accorder sur des orientations visant à identifier les
nanomatériaux, laissant ainsi aux agents économiques le soin de prendre les
décisions importantes concernant l’enregistrement”. Ceci nous permet de
comprendre que le Parlement européen a jusqu’ici laissé aux industriels la
liberté de faire ce qu’ils voulaient.
LES NEURONES DANS LA RONDE DES ONDES

Les substances chimiques ne sont pas les seules à assiéger notre cerveau.
Depuis les années 1960, celui-ci baigne dans un brouillard électromagnétique
de plus en plus dense que les spécialistes ont surnommé l’“électrosmog”. Ce
brouillard invisible est en effet devenu plus “épais” au cours des quarante
dernières années avec la prolifération des rayonnements électriques et
magnétiques apportés par les émetteurs, les postes de radio, les téléviseurs232,
les antennes sur nos toits captant les ondes envoyées tous azimuts par les
antennes-relais et les satellites… La multiplication des lignes électriques
(surtout des lignes à haute tension) et des appareils électroménagers a aussi
intensifié ces champs car, contrairement à ce que l’on croit d’ordinaire,
l’électricité participe elle aussi à cette profusion d’ondes (aspirateur,
réfrigérateur, machine à laver, cafetière électrique, chaîne hi-fi, lampes,
ampoules fluocompactes et spots halogènes, perceuse, ponceuse…). Plus
récemment, les télécommandes, les écrans de jeux vidéo, les fours à micro-
ondes, les ordinateurs et les téléphones sans fil ont encore augmenté la
quantité d’ondes qui nous traversent.
Brouillard électromagnétique

Le développement exponentiel des réseaux sans fil a grandement contribué


à accroître l’exposition domestique aux champs électromagnétiques
d’hyperfréquence. Qu’ils soient de type WPAN233 (Bluetooth, etc.), WLAN234
(Wi-Fi), et bien sûr le réseau cellulaire mobile ou WWAN235 (WiMax236,
GSM…), ces réseaux véhiculent des ondes radioélectriques. Les cartes RFID,
ces cartes magnétiques permettant de prendre les transports en commun,
d’entrer dans son bureau, de passer au restaurant d’entreprise ou encore à
un péage d’autoroute, émettent aussi des ondes, dans la gamme des
radiofréquences.
Les ondes électromagnétiques transportent de l’énergie à la vitesse de la
lumière sous la forme d’un champ électrique associé à un champ
magnétique. On les classe communément en fonction de leur fréquence et
de leur longueur d’onde qui déterminent en partie leur nocivité. On
distingue :
– les ondes d’extrêmement basses fréquences (ELF : extremely low
frequency) émises par le réseau des lignes électriques, les caténaires, les
appareils électroménagers, les transformateurs, les moteurs, etc. ;
– les ondes de radiofréquences (RF) émanant des ordinateurs, de la TV, de
la radiodiffusion, des radios balises ou phares, etc ;
– les ondes d’hyperfréquences ou micro-ondes (HF), issues de la
téléphonie mobile et de tous les réseaux sans fil, des radars, des satellites,
des fours à micro-ondes…

L’exposition à ces rayonnements commence avant même la conception : les


cellules sexuelles y sont sensibles (par exemple, à ceux du portable placé dans
la poche), tout comme le fœtus que l’utérus maternel ne suffit pas à
protéger237. Elle se poursuit dans la chambre du bébé, qui subit le
rayonnement important de l’interphone (“babyphone”) chargé de veiller sur
son sommeil. Aujourd’hui, nous sommes immergés jour et nuit dans des
champs électromagnétiques.
En quittant notre foyer, les choses ne s’arrangent pas. D’autres champs
électromagnétiques se superposent et s’interpénètrent, nous passons d’une
antenne relais à l’autre, près des lignes à haute et moyenne tension, des
stations émettrices… Dans les lieux publics, nous sommes entourés de
mobiles. Dans le train, le tram ou le métro, tractés directement au contact des
réseaux électrifiés, l’effet “cage de Faraday” brouille les champs et multiplie
les ondes pulsées. Au bureau, ça continue. A l’usine aussi, où de nombreux
salariés sont exposés à des sources de forte intensité lorsqu’ils utilisent des
soudeuses ou des presses haute fréquence, des électrolyseurs, des fours à
induction ou à vulcanisation, des transformateurs… Ces ouvriers sont les plus
exposés avec les techniciens qui interviennent sur les lignes à haute tension ou
qui travaillent dans les télécommunications (radios, radars, émissions
satellitaires, stations hertziennes…).
L’envahissement est tel que les “zones blanches”, c’est-à-dire vierges de
champs électromagnétiques, sont désormais extrêmement rares. La situation
devient très pénible pour les personnes atteintes d’un syndrome d’intolérance
aux champs électromagnétiques se caractérisant par des démangeaisons, de
l’eczéma, une sensation de chaleur, des accès de fatigue, des nausées, des
troubles digestifs, des céphalées, des difficultés de concentration, des pertes de
mémoire238… Ces personnes dites “électrosensibles” ont d’abord été exposées
à d’importants rayonnements, puis leur seuil de tolérance aux ondes a peu à
peu diminué. Leurs troubles ne sont toujours pas reconnus officiellement en
France : la plupart des médecins se retrouvent démunis, et certains invitent
leurs patients à consulter un psychiatre pour calmer leur inquiétude jugée
irrationnelle. Pourtant, de nombreuses expérimentations sur des animaux ont
mis en évidence la neurotoxicité des ondes électromagnétiques239. Des
personnes souffrant de ce syndrome sont suivies à l’hôpital Georges Pompidou
par le Pr Dominique Belpomme240 qui juge “scandaleux le retard de la France
à reconnaître le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques241”.
La Grande-Bretagne reconnaît l’électrosensibilité depuis 2005, et la Suède
considère officiellement cette atteinte comme un handicap physique. L’OMS a
été saisie au printemps 2011 par les associations européennes regroupant des
personnes électrosensibles, d’une demande de reconnaissance officielle de leur
pathologie et de celle liée à l’hypersensibilité chimique. Ces associations vont
pouvoir participer aux groupes de travail sur l’évolution de la classification
internationale des maladies (CIM) de l’OMS afin d’y inclure les deux maladies.
Le très discret Institut national de recherche et de sécurité (INRS),
habituellement réticent à lancer des alertes précoces sur des risques
controversés, a lui-même exprimé son inquiétude en 2002 : “Quels sont les
effets sur la santé des champs et ondes électromagnétiques ? Une interrogation
préoccupante compte tenu de l’importance de la population concernée. Lignes
à haute tension, chauffage par induction et diélectrique, écrans de
visualisation, fours à micro-ondes, radars, radiotéléphones portables…
envahissent nos vies.” Une décennie plus tard, la pollution électromagnétique
s’est encore fortement aggravée. Devant l’inertie des pouvoirs publics, des
associations comme Robin des Toits, Priartem, Criirem ou Next-
up242 s’efforcent de diffuser les études scientifiques qui appellent au plus vite
des mesures de santé publique, mais le poids des opérateurs paralyse toujours
le système de prévention.
Les premières études soulignant les risques inhérents aux rayonnements
électromagnétiques sont pourtant anciennes. Elles ont commencé dès les
années 1930 avec les ondes pulsées des radars, suspectées d’engendrer le
“syndrome de la maladie des micro-ondes” chez les personnes les plus
exposées. Depuis lors, d’innombrables études ont été publiées, et le rythme
s’est accéléré au cours des trois dernières décennies. Cependant, les industriels
bénéficient d’une mansuétude sans borne et continuent de nourrir la
controverse en finançant des publications perpétuant le doute. En 2007, une
équipe de l’université de Berne a analysé 59 études sur le sujet et montré
que 89 % de celles qui bénéficiaient d’un financement public relevaient au
moins un effet négatif sur la santé alors que celles qui étaient financées par le
secteur des télécoms n’en comptaient que 33 %. Les chercheurs estimaient
donc avec raison que “l’interprétation des résultats des études sur les effets
des radiofréquences devrait tenir compte du financement243”. Surtout quand
les intérêts financiers en jeu sont gigantesques et que s’y ajoutent les craintes
de contentieux judicaires.
Comme cela arrive dans la plupart des risques sanitaires, le risque
professionnel est très documenté. Les travailleurs exposés à des ondes
extrêmement basse fréquence (techniciens des compagnies d’électricité,
soudeurs…) ont un risque connu de maladie d’Alzheimer doublé244, voire
quadruplé pour les plus exposés245. Ils ont aussi un risque deux à trois fois
plus élevé de sclérose latérale amyotrophique selon la durée d’exposition246.
Des chercheurs estiment que ces résultats peuvent être extrapolés à la
population générale247, ce qui a semblé peu émouvoir les autorités sanitaires
et les pourvoyeurs d’ondes. Le risque de cancer (leucémie mais aussi tumeurs
cérébrales) lié aux mêmes champs émanant des lignes à haute tension a été
mis en évidence depuis longtemps248. Le Centre international de recherche sur
le cancer (CIRC/OMS) a classé ces expositions dans le groupe 2B (cancérigènes
possibles pour l’homme) en 2001 en raison d’un lien suspecté avec les
leucémies de l’enfant.
Malgré l’importance de la littérature scientifique, le rapport de l’Afsset sur
les “champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences” évoquait
seulement en 2010 que “l’hypothèse de l’implication de ces champs dans les
pathologies neurodégénératives (Alzheimer et sclérose latérale
amyotrophique) ne peut être écartée”. L’Agence se contentait de préconiser
une meilleure évaluation de l’exposition de la population à ces champs,
l’identification des situations d’expositions professionnelles majeures et
mineures et la réalisation d’études épidémiologiques portant sur des
conditions d’expositions professionnelles ou particulièrement importantes249.
C’est maintenant surtout pour le risque lié à l’usage des téléphones mobiles
et à la présence d’antennes-relais (ondes d’hyperfréquences) que la
controverse scientifique est la plus vive. Les opérateurs continuent à nier en
bloc l’existence du moindre risque, mais la vérité progresse. Il est démontré
que l’usage des téléphones cellulaires a deux types d’effets sur le cerveau : des
effets thermiques (élévation de la température) et des effets biologiques. Ce
sont ces derniers, non pris en compte par l’OMS pour la fixation des normes
limites d’exposition, qui sont potentiellement dangereux. Signalons par
ailleurs que les valeurs seuils définies par l’OMS et la Commission européenne
ont été “calculées” par un organisme privé au statut d’ONG, l’ICNIRP250,
souvent dénoncé pour sa proximité avec les industries concernées (ainsi, en
mai 2011, un de ses experts consultants, le Pr Ahlbom, lié à l’industrie des
télécommunications, a dû se retirer du groupe d’experts du CIRC).
En 2007, un groupe d’experts internationaux indépendant lançait un gros
pavé dans la mare en publiant en ligne le rapport BioInitiative, 650 pages qui
faisaient le point sur le sujet251. Travaillant dans les plus prestigieuses
universités et les plus grands instituts (Columbia University, Karolinska
Institute, European Environmental Agency…), ils ont compilé plus de
2 000 études sur les risques liés aux ondes électromagnétiques. Ils en ont tiré
la conviction que les effets sur les fonctions cognitives et neurophysiologiques
et sur le comportement sont assez bien établis, et cela pour des puissances
inférieures aux recommandations. Par ailleurs, ils ont mis en évidence une
élévation significative du risque de tumeur du cerveau (gliome) et du nerf
acoustique (neurinome) au bout de dix ans d’utilisation d’un portable, risque
décuplé si le téléphone est toujours utilisé du même côté. Les utilisateurs de
portable accroissent alors respectivement de 310 % et de 200 % leur risque
pour ces deux tumeurs.
Leur rapport alerte également sur le risque de maladie d’Alzheimer lié à une
exposition à long terme aux champs magnétiques très basse fréquence (ELF),
pour lesquels il existe un haut niveau de preuves épidémiologiques. Cette
exposition augmente en effet la production cérébrale de la protéine β-
amyloïde, dont un taux élevé est un facteur de risque de la maladie, et une
chute de la sécrétion de la mélatonine, une hormone protectrice. On retrouve
les résultats observés en milieu professionnel.
Un an plus tard, une importante étude de synthèse du chercheur suédois
Lennart Hardell confirmait l’élévation du risque de gliome et de neurinome du
côté où est utilisé le téléphone252.
LES ONDULATIONS DE L’OMS

L’étude Interphone était une des plus vastes et ambitieuses enquêtes


épidémiologiques qui devait enfin apporter la réponse à la question : l’usage
du téléphone mobile augmente-t-il le risque de cancer ? Lancée en grande
pompe en 1999 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC),
elle a mobilisé une trentaine de scientifiques de 13 pays (dont la France)
et 14 000 volontaires, pour un budget de 19 millions d’euros. Dans chaque
pays, les chercheurs devaient comparer des malades et des témoins pour
déterminer si les premiers avaient davantage utilisé leur téléphone. Le
regroupement des résultats allait donner à l’enquête une puissance sans
précédent. Mais sa publication a été reportée de mois en mois sous prétexte
d’“homogénéisation” des données. En fait, devant les résultats montrant un
excès de tumeurs cérébrales, les chercheurs se sont disputés âprement : un
groupe attribuait cet excès à l’existence de biais, et un autre estimait que le
risque était bel et bien démontré. Les différents pays ont finalement décidé de
publier séparément leurs résultats. Au terme de cette incroyable saga, une
partie de l’étude est parue en mai 2010253, confirmant les conclusions du
rapport BioInitiative : il existe un risque accru de tumeurs cérébrales
(gliomes) chez les “gros utilisateurs”, c’est-à-dire ceux qui ont utilisé un
téléphone mobile pendant… une demi-heure quotidienne sur dix ans.
Beaucoup se reconnaîtront. Tant de gens entrent dans cette catégorie qu’on se
demande pourquoi l’étude a utilisé cette expression. Ces “gros utilisateurs”
ont un risque de gliome supérieur de 40 %, et même de 87 % pour le gliome
temporal (partie du cerveau la plus proche du téléphone).
Mais en arrivant à la conclusion générale de l’étude (la partie la plus
médiatisée par les journalistes pressés), le lecteur est surpris de lire un propos
extrêmement rassurant : “On n’observe aucune augmentation du risque de
gliome ou méningiome avec l’utilisation de téléphones mobiles. Il est suggéré
un risque accru de gliomes pour un haut niveau d’exposition, mais les biais et
les erreurs empêchent toute interprétation causale. Les effets possibles d’une
utilisation intense à long terme de téléphones mobiles demandent de pousser
les investigations.” Les déclarations à l’AFP de la coordinatrice de l’étude, le
Dr Elisabeth Cardis (qui depuis a quitté le groupe de travail), ne sont pas d’une
éblouissante clarté : “L’étude ne met pas en évidence un risque accru, mais on
ne peut conclure qu’il n’y a pas de risque, car il y a suffisamment de résultats
qui suggèrent un risque possible”, ce qui permet à de grands médias de titrer
“Pas de risque accru de cancer avec les portables”. Les journalistes les plus
attentifs pointeront, eux, l’incroyable fiasco de la “grande étude Interphone”.
Les risques potentiels pour les enfants et les adolescents ont été exclus de
l’étude, ceux-ci ne seront examinés que dans le cadre d’une autre enquête dont
la publication est prévue pour 2016254… si tout se passe bien. On peut
s’étonner que les autorités n’aient pas commencé par eux. Le cerveau
immature est beaucoup plus vulnérable aux ondes : sa conductivité est plus
grande, car il contient plus d’eau et il se laisse bien plus envahir par un champ
électromagnétique qu’un cerveau adulte255. Ces utilisateurs assidus et
précoces de téléphones portables présentaient, de toute évidence, une plus
grande urgence. Destinés à s’y exposer tout au long de leur vie, ils risquent de
subir un grand nombre d’effets cumulatifs.
Les chercheurs redoutent un désastre sanitaire en termes de tumeurs
cérébrales et de maladies neurodégénératives, d’autant que l’utilisation du
mobile a continué de croître. Depuis la fin de l’enquête Interphone (2004),
l’usage des mobiles a progressé de 46 %, et les risques si difficilement avoués
sont à l’évidence sous-estimés. Pour le neurochirurgien suédois Leif Salford,
spécialiste des tumeurs cérébrales, “nous sommes les cobayes de la plus vaste
et la plus néfaste des expérimentations256”.
Quelle est la position des agences sanitaires et des autorités françaises ?
En 2001, l’Afsset a publié une expertise qui se voulait très rassurante257. Un
journaliste d’investigation, Eric Giacometti, révélait finalement l’intrusion des
firmes de téléphonie dans les résultats, preuves à l’appui258. Suite à cette
affaire, le Pr Denis Zmirou qui avait dirigé le rapport a démissionné de
l’Agence, juste avant qu’un rapport de l’IGAS ne discrédite définitivement
l’expertise en soulignant la légèreté du choix des experts et en dénonçant des
liens d’intérêt que certains entretenaient avec des opérateurs téléphoniques259.
Pierre Aubineau, directeur de recherche au CNRS de Bordeaux, un éminent
spécialiste de la barrière hémato-encéphalique (BHE), a mis en évidence les
effets nocifs des ondes électromagnétiques sur celle-ci. Chez des rats exposés,
il a observé des ruptures dans la BHE, à l’origine du passage de substances
indésirables et de la survenue de phénomènes inflammatoires et de mini-
œdèmes dans la région du cerveau proche du téléphone (pour des niveaux de
dose absorbée compris entre 0,5 et 3 watts/kg, puissances fréquemment
observées en téléphonie mobile260). Ces résultats ont depuis été confirmés par
plusieurs études261.
En 2009, le groupe de travail Radiofréquences de l’Afsset a rendu son
rapport d’expertise collective sur les radiofréquences et les hyperfréquences. Il
reconnaissait cette fois de façon incontestable les effets cellulaires des
expositions : apoptose (suicide des cellules neuronales), stress oxydatif…
L’agence recommandait d’abaisser au maximum l’exposition de la
population262.
Le ministère de la Santé recommande désormais d’utiliser un kit mains
libres, de téléphoner avec modération, d’être vigilant dans les zones de
mauvaise réception (la puissance d’émission peut être multipliée par mille),
de conseiller aux enfants un usage modéré du téléphone, d’éviter de téléphoner
en se déplaçant, etc. En revanche, le ministère ne demande pas la révision à la
baisse des valeurs limites d’exposition, ni de mesure d’interdiction du portable
pour les jeunes enfants, ni d’abaissement du taux d’émission des appareils. De
son côté, le Sénat a voté en 2009 l’interdiction du téléphone portable dans les
écoles et les collèges et le relèvement à 14 ans du seuil d’interdiction de la
publicité en matière de téléphonie mobile (il était auparavant de 12 ans).
En mai 2011, le Conseil de l’Europe a créé l’événement en adoptant une
résolution clamant haut et fort la nocivité des téléphones portables et exigeant
rapidement une baisse importante de la valeur limite d’exposition263. Il y
demande aussi la reconnaissance médicale spécifique de
l’ElectroHyperSensibilité et demande la mise en place de zones blanches. Il
préconise une approche résolument protectrice de la population et
l’interdiction non seulement des téléphones portables dans les écoles mais
aussi des technologies sans fil. Pour la première fois, un rapport officiel prend
la mesure de l’urgence de réduire l’ensemble des expositions aux différents
types d’ondes. Le Conseil de l’Europe propose aussi de s’attaquer aux conflits
d’intérêts des experts et des décideurs…
Quelques semaines plus tard, le CIRC/OMS organisait à Lyon la réunion
d’évaluation du risque cancérogène des radiations non ionisantes (comprenant
les téléphones mobiles, les micro-ondes et les radars), alors que la totalité de
l’étude Interphone n’était pas encore publiée. Il s’agissait, après analyse de la
littérature scientifique, de classer les rayonnements électromagnétiques dans
un des cinq groupes de cancérogènes264. Les implications sont bien sûr
gigantesques en termes de santé publique, car les autorités sanitaires doivent
prendre en compte la classification du CIRC qui fait autorité. Mais des
associations (notamment Next-Up) ont découvert que trois représentants de
l’industrie des télécoms (Mobile Manufacturers Forum, GSM Association…)
avaient prévu d’y participer et que des experts liés aux industriels faisaient
partie du groupe de travail. Elles ont dénoncé publiquement les liens d’intérêt
de ces experts avec l’industrie, et des médias européens s’en sont fait l’écho.
Un des experts, le Pr Anders Ahlbom de l’Institut Karolinska de Stockholm,
aurait ouvert un cabinet de consultants à Bruxelles avec son frère, un lobbyiste
travaillant pour TeliaSonera (principal opérateur de téléphonie mobile
suédois). Sept ONG représentant des scientifiques et des médecins, dont le
Réseau environnement santé, ont dénoncé ces graves anomalies et réclamé les
déclarations d’intérêt des experts mandatés par le CIRC. Peu avant la réunion,
le Pr Ahlbom a été débarqué du groupe de travail. Sur la liste des participants
enfin publique, on peut voir qu’un expert français a perçu jusqu’en 2009 plus
de 100 000 euros de la Fondation Santé et Radiofréquences, qui n’est autre
qu’une structure financée à 50 % par l’Etat et à 50 % par les industriels
(Bouygues Telecom, Orange France, SFR, Alcatel-Lucent, Ericsson France,
Motorola, TDF et Towercast).
Le 31 mai 2011, la déclaration du Dr Jonathan Samet qui présidait le groupe
de travail du CIRC/OMS a fait l’effet d’une bombe : “Les preuves, qui continuent
à s’accumuler, sont suffisamment solides pour arriver à une conclusion et à la
classification 2B. Cette conclusion signifie qu’il peut y avoir un risque, donc
que nous devons surveiller de près le lien entre les téléphones portables et le
risque de cancers265.” L’OMS a donc décidé de classer les rayonnements des
téléphones mobiles dans le groupe 2B, c’est-à-dire “possiblement
cancérigènes”. Les autorités sanitaires devront en prendre acte et fixer des
mesures de protection des populations.
Les compagnies d’assurance ont compris l’ampleur du risque bien avant les
décideurs. Depuis les années 2000, de grandes compagnies refusent d’assurer
les entreprises contre ce risque. Ainsi Axa exclut, depuis le 1er janvier 2007,
“les dommages de toute nature causés par les champs et ondes
électromagnétiques” dans un contrat de responsabilité civile266. Les
réassureurs (sociétés qui couvrent les assureurs) ne sont pas moins inquiets.
Un des plus importants d’entre eux, la Lloyds, a publié fin 2010 un rapport
d’évaluation des risques sanitaires liés aux téléphones mobiles267. Six mois
avant l’avis du CIRC, ils relevaient “un risque accru de certains cancers du
cerveau” et une exposition des enfants “supérieure aux limites
recommandées”. Ils craignent qu’une compagnie puisse être condamnée “pour
avoir caché les preuves de la dangerosité des CEM”. Pour la Lloyds, “la
comparaison entre l’amiante [et] les CEM est évidente” : comme pour
l’amiante, le danger des CEM a pu être sous-estimé et “pourrait croître de façon
exponentielle pendant de nombreuses années”.

1 Tous ces acteurs économiques soutiennent activement le lobbying de la chimie, à la


fois par des coalitions intervenant au plus haut niveau de la décision politique, comme
la Table ronde des industriels, et par le biais des commissions fixant les normes
sanitaires où siègent leurs représentants permanents.
2 “Les principales sources de pollution chimique”, Le Monde du 1er juin 2007.
3 On apprécie bien sûr l’expression “etc.” par laquelle l’Afsset ponctue ses listes en
pensant probablement que le public auquel elle s’adresse saura les compléter. “Les
principaux agents neurotoxiques” in Pathologies – Troubles neurologiques,
janvier 2006, Afsset.
4 La neurotoxicité de chacune de ces substances dépend, bien entendu, de leurs formes
et du contexte d’exposition.
5 Dont les toxines du bacille du charbon, de Clostridium sordellii, de Clostridium
botulinum, toxine botulique), la toxine diphtérique, la toxine tétanique, l’anatoxine-a, la
saxitoxine…
6 Ce procédé intervient lors de la phase de floculation destinée à capturer les particules
argileuses présentes dans l’eau.
7 Henri Pézerat, “Aluminium dans l’eau et maladie d’Alzheimer”, Fondation Henri
Pézerat, février 2004.
8 De même, les concentrations d’aluminium s’avéraient plus importantes dans le
cerveau de ceux qui avaient développé des encéphalopathies que chez les autres
dialysés quelle que soit la durée de leur dialyse. Cf. A. C. Alfrey, “Dialysis
Encephalopathy”, Kidney Int, vol. 18, février 1986, p. 53-57.
9 Notamment E. Nieboer, et al., “Health Effects of Aluminium : a Critical Review with
Emphasis in Drinking Water”, Environ. Rev., vol. 3, 1995, p. 29-85.
10 Comme l’ont montré les approfondissements historiques de ce dossier par la justice
et le rapport de l’Inserm 1996 sur l’amiante (citant une montagne d’études établissant le
lien depuis longtemps). A ce sujet : L’Affaire de l’amiante, La Découverte, mai 1996.
Et Le Dossier de l’air contaminé, Le Pré aux Clercs, août 1996.
11 Yves Thréard avait déjà publié quelques-unes des enquêtes que nous avions menées
avec Albert Drandov, dont celle qui révélait que la direction de l’INRS avait caviardé
une étude de ses chercheurs sur les salariés de Péchiney exposés à des fumées au cours
du processus de production d’aluminium (dit procédé Soderberg), et fait disparaître la
trace de victimes d’affections neurodégénératives en surnombre et de cancers. France
Soir du 25 septembre 1998. Les inspecteurs de l’Igas, saisis à cette occasion par
Martine Aubry alors ministre des Affaires sociales, avaient confirmé ce scandale.
Contrôle de l’INRS, rapport confidentiel de l’Igas, no 99062, mai 1999, archives
personnelles des auteurs.
12 R. Lenglet et A. Drandov, “Eau du robinet – Danger”, France Soir,
14 octobre 1998.
13 H. Jacqmin-Gadda, D. Commenges, L. Letenneur, J.-F. Dartigues, “Silica and
Aluminium in Drinking Water and Cognitive Impairement in the Elderly”,
Epidemiology, no 7, 1996, p. 281-285. Les auteurs de l’étude signalent que la présence
de silice dans l’eau peut avoir un effet protecteur vis-à-vis de l’aluminium.
14 V. Rondeau, D. Commenges, H. Jacqmin-Gadda et J.-F. Dartigues, “Relationship
between Aluminium and Silica Concentrations in Drinking Water and Alzheimer’s
Disease : an 8-Year Follow-Up Study”, American Journal of Epidemiology, no 152,
juillet 2000, p. 59-66.
15 Entretien avec Henri Pézerat, décembre 2000.
16 A ce sujet, voir par exemple : Henri Pézerat et Annie Thébaud-Mony, “La recherche
captive”, Sciences Sociales et Santé, vol. 3, no 2, juin 1985. Les études d’Annie
Thébaud-Mony sur ce sujet sont devenues la ligne de force de son activité. A l’occasion
du dossier de l’aluminium, Henri Pézerat a été amené à approfondir sa critique de la
recherche captive (voir ouvrage à paraître fin 2011, Annie-Thébaud-Mony, et al.,
Santé-travail, de quoi parlons-nous ? Approches critiques internationales).
17 Reportage de Sophie Le Gall, “Du poison dans l’eau du robinet”, France 3,
18 mai 2010.
18 Entretien avec les auteurs, 6 juin 2011.
19 Jean-François Dartigues, et al., “Epidémiologie des démences”, Gérontologie et
société, 2/2001 (no 97), p. 75-90.
20 Martyn, et al. (1989), Flaten (1990), McLachlan (1996) dont les résultats
renforçaient la démonstration du lien Alzheimer-aluminium dans l’eau, malgré les
controverses apportées par d’autres études (Forster, et al., 1995 ; Martyn, et al., 1997).
21 Ibid.
22 Surtout les produits comportant des aliments acides tels que la tomate, les épinards,
l’oseille, les jus de fruits… Et ceux mélangés avec du vin blanc, par exemple.
23 Henri Pézerat, “Aluminium dans l’eau et maladie d’Alzheimer”, février 2004,
Fondation Henri Pézerat.
24 Conférence de presse d’Henri Pézerat au siège de la Mutualité Française, Paris,
2004.
25 Entretien avec les auteurs, novembre 2003.
26 Archives personnelles des auteurs.
27 InVS, Exposition de la population française aux polluants, op. cit.
28 Il s’agit des pyréthrénoïdes.
29 Troisième colloque international de l’Appel de Paris organisé par Dominique
Belpomme et l’Artac, “La santé des enfants et l’environnement”, 12-13 avril 2011 à
l’Unesco, Paris.
30 Laboratoire santé travail environnement (LSTE), Institut de santé publique
d’épidémiologie et de développement, Bordeaux.
31 Isabelle Baldi, et al., “Neurobehavioral Effects of Long-Term Exposure to
Pesticides : Results from the 4-Year Follow-Up of the PHYTONER Study”, Occupational
and Environmental Medicine, novembre 2010.
32 Isabelle Baldi, et al., “Neurodegenerative Diseases and Exposure to Pesticides in the
Elderly”, American Journal of Epidemiology, vol. 1, no 157, mars 2003, p. 409-414.
33 Karen M. Hayden, et al., “Occupational Exposure to Pesticides Increases the Risk of
Incident AD : the Cache County study”, Neurology, vol. 11, no 74, mai 2010, p. 1524-
1530.
34 Amit Priyadarshi, et al., “A Meta-Analysis of Parkinson’s Disease and Exposure to
Pesticides”, Neurotoxicology, vol. 21, no 4, août 2000, p. 435-440.
35 Finlay D. Dick, et al., “Environmental Risk Factors for Parkinson’s Disease and
Parkinsonism : the Geoparkinson Study”, Occupational and Environmental Medicine,
vol. 64, no 10, 2007, p. 666-672.
36 Caroline M. Tanner, et al., “Occupation and Risk of Parkinsonism : a Multicenter
Case-Control Study”, Archives of Neurology, vol. 66, no 9, septembre 2009, p. 1106-
1113.
37 Famille des ammoniums quaternaires, avec le diquat.
38 Famille des dithiocarbamates (mancozèbe, dithianon…).
39 Sadie Costello, et al., “Parkinson’s Disease and Residential Exposure to Maneb and
Paraquat from Agricultural Applications in the Central Valley of California”, American
Journal of Epidemiology, vol. 15, no 169, avril 2009, p. 919-926.
40 Voir index : paraquat.
41 Le manèbe a été réinscrit en 2006 sur la liste des substances actives autorisées pour
dix ans en Europe. Il devrait être interdit en 2016 en raison de ses propriétés de
perturbateur endocrinien.
42 Ikram Debbarh, et al., “Human Neurotoxicity of Ethylene-Bis-Dithiocarbamates
(EBDC)”, Revue Neurologique, Paris, vol. 158, no 12, 2002, p 175-180.
43 Henrique Ballalai Ferraz, et al., “Chronic Exposure to the Fungicide Maneb May
Produce Symptoms and Signs of CNS Manganese Intoxication”, Neurology, vol. 38,
1988, p. 550-553.
44 Règlement CE no 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché
des produits phytopharmaceutiques.
45 Catégories 1A et 1B, c’est-à-dire cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la
reproduction, avérés ou probables pour l’homme.
46 Cette confidence nous a été faite par un expert du ministère de la Santé. Entretien
anonyme, juin 2011.
47 Règlement CE no 1107/2009, op. cit.
48 Tumeurs cérébrales issues du tissu de soutien des neurones ou glie.
49 Dorothée Provost, et al., “Brain Tumours and Exposure to Pesticides : a Case-
Control Study in Southwestern France”, Occupational and Environmental Medicine,
vol. 64, no 8, août 2007, p. 509-514.
50 Marc G. Weisskopf, et al., “Prospective Study of Chemical Exposures and
Amyotrophic Lateral Sclerosis”, Journal of Neurology Neurosurgery and Psychiatry,
vol. 80, no 5, mai 2009, p. 558-561.
51 Alain Garrigou, Isabelle Baldi et Philippe Dubuc, “Apports de l’ergotoxicologie à
l’évaluation de l’efficacité réelle des EPI devant protéger du risque phytosanitaire : de
l’analyse de la contamination au processus collectif d’alerte”, note d’alerte, mai 2008.
52 Dorothée Provost, et al., “Brain Tumours and Exposure to Pesticides…”, op. cit.
53 L’herbicide contenait de l’alachlore et du monochlorobenzène.
54 Marie-Monique Robin, Notre poison quotidien, La Découverte, 2011.
55 Marie-Noëlle Bertrand, “Un agriculteur contre Monsanto”, L’Humanité,
16 avril 2009.
56 “Première victoire dans le bras de fer”, Charente Libre, 29 janvier 2010.
57 Porte-parole et fondateur du Mouvement pour le droit et le respect des générations
futures (MDRGF, devenu en 2010 Générations futures), vice-président de la Région
Picardie en charge du dossier Environnement, alimentation, santé, et auteur de
Pesticides, le piège se referme (2002) et de Pesticides. Révélations sur un scandale
français (2007) avec Fabrice Nicolino.
58 Journaliste auteur du Monde selon Monsanto (2008) et réalisatrice de Notre poison
quotidien, documentaire dans lequel Paul François est interviewé.
59 La norme AB est aujourd’hui la plus draconienne.
60 Lu Chensheng, et al., “Dietary Intake and its Contribution to Longitudinal
Organophosphorus Pesticide Exposure in Urban/ Suburban Children”, Environmental
Health Perspectives, 15 janvier 2008.
61 Par exemple, Kristin S. Schafer, et al., “Pesticides in our Bodies and Corporate
Accountability Pesticide”, Chemical Trespass, Action Network North America,
mai 2004.
62 En Belgique, 90 % des boues toxiques sont épandues dans les champs agricoles,
contre 65 % en Espagne, 55 % aux Etats-Unis, 45 % en Suisse et 40 % en Allemagne.
63 Sven E. Jørgensen, et al., “Drugs in the Environment”, Chemosphere, vol. 40, no 7,
2000, p. 691-699. En Europe, un seuil de concentration maximal en produits
pharmaceutiques a été fixé à 10 μg/kg de terre, mais sans tenir compte de la spécificité
des molécules.
64 Ademe, Bilan entre les micropolluants organiques, éléments traces métalliques,
paramètres agronomiques, pH et matières sèches des boues de stations d’épuration
d’effluents urbains, données de janvier 1998 à avril 2000, Ademe, 2002.
65 Ademe, “Audit environnemental et économique des filières d’élimination des boues
d’épuration urbaines”. Annexe “Analyse sanitaire, économique et aspects emploi”,
Ademe, Agence de l’Eau du Rhin-Meuse, 1998.
66 J. M. Wilkinson, et al., “Accumulation of Potentially Toxic Elements in the Body
Tissues of Sheep Grazed on Grassland Given Repeated Applications of Sewage
Sludge”, Animal Science, no 72, 2001, p. 179-190.
67 C. Paul, et al., “Cellular and Hormonal Disruption of Fetal Testis Development in
Sheep Reared on Pasture Treated with Sewage Sludge”, Environmental Health
Perspectives, vol. 113, no 11, 2005, p. 1580-1587.
68 Béatrice Petit, Actualisation des connaissances sur les éléments biologiques et
minéraux persistants dans les boues des stations d’épuration. Impact sur la santé
publique, thèse de médecine vétérinaire, Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, 2007,
p. 41.
69 Ibid, p. 39-40.
70 Nicolas Elissalde, Evaluation des risques sanitaires liés à la valorisation
agronomique des boues de stations d’épuration, thèse de médecine vétérinaire, ENV
Nantes, 2001. Et Cnitv-Ademe, rapport d’activité du 01/11/2004, cellule de veille
sanitaire vétérinaire sur les épandages des boues d’épuration.
71 Par Nægleria fowleri et Acanthamœba spp.
72 Des cas sont constatés chez des agriculteurs, surtout attribués à la consommation de
gibier sauvage mal cuit et de cheval. Chez l’homme, les larves de Trichinella spiralis
prolifèrent dans le tube digestif, franchissent la barrière intestinale pour migrer dans
tout l’organisme. Leurs localisations dans le cerveau et les yeux provoquent
encéphalites et cécité. Après trois semaines, le syndrome neurologique peut se
développer (vertiges, paraplégie, méningo-encéphalite). En France, 2 400 cas ont été
signalés depuis 1975. Auparavant, la trichinellose était exceptionnelle en France, selon
le Centre national des Trichinella. En 2003, 13 cas ont été observés.
73 Le prion est à l’origine de la fameuse épidémie de la “vache folle” (encéphalopathies
spongiformes bovines) et de sa transmission à l’homme (variante de la maladie de
Creutzfeld Jacob). Cet agent pathogène peut se trouver dans les boues provenant des
eaux usées des abattoirs ou des équarrissages.
74 Notamment, Béatrice Petit, Actualisation des connaissances sur les éléments
biologiques et minéraux persistants…, op. cit.
75 Archives personnelles des auteurs.
76 Lama Soubra, Evaluations scientifiques des risques toxiques liés à certaines
substances chimiques (additifs alimentaires) et contaminants (mycotoxines), thèse de
doctorat de l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (Agro
Paris Tech), février 2008, p. 29.
77 Voir index : synergie.
78 Directive 2008/128 établissant des critères de pureté spécifiques pour les colorants
pouvant être utilisés dans les denrées alimentaires, CE du 22 décembre 2008.
79 Donna McCann, et al., “Food Additives and Hyperactive Behaviour in 3-Year-Old
and 8/9-Year-Old Children in the Community : a Randomised, Double-Blinded,
Placebo-Controlled Trial”, The Lancet, vol. 370, no 9598, 3 novembre 2007, p. 1560-
1567.
80 Règlement (CE) no 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil
du 16 décembre 2008.
81 “ADHD and Food Additives Revisited”, AAP Grand Rounds, février 2008.
82 Rachel Carson, Silent spring, Houghton Mifflin, 1962.
83 Facteur trois à cinq. Cf. Vo Anh-Thu, “Temporal Increase in Organic Mercury in an
Endangered Pelagic Seabird Assessed by Century-Old Museum Specimens”, PNAS,
18 avril 2011, p. 1-6.
84 Dépêche AFP, 2 avril 2005. L’étude a mis en évidence des taux considérables de
mercure, mais elle n’a toutefois pu trancher en faveur de l’empoisonnement ou d’une
intoxication médicale.
85 Directive 2002/95/CE du Parlement européen et du Conseil du
27 janvier 2003 relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances
dangereuses dans les équipements électriques et électroniques, Journal officiel no
L 037 du 13 février 2003, p. 19-23.
86 Petites piles en forme de disque de l’ordre du centimètre délivrant un courant faible
sur une longue durée.
87 Entretien avec les auteurs, avril 2011.
88 Cité par Marie Grosman et André Picot, dans “Mercure : l’Union européenne
progresse, la Chine régresse !”, Préventique Sécurité, no 110, mars-avril 2010, p. 33-
36.
89 “Envoyé Spécial”, France 2, 28 avril 2011.
90 Entretien avec les auteurs, mai 2011.
91 Cette division par dix était déjà adoptée par la section californienne de l’EPA
depuis 2008. La valeur limite de 0,3 microgramme/m3 avait été fixée en examinant
l’impact sanitaire de l’exposition d’ouvriers de l’industrie du chlore exposés au
mercure. Or, entre-temps, des études ont montré que leur exposition concomitante au
chlore avait diminué, par synergie, l’absorption pulmonaire du mercure, entraînant une
sous-estimation de la toxicité de ce dernier. Mark Richardson, et al., Mercury Exposure
and Risks from Dental Amalgam Part 1 : Updating Exposure, Rexaming Reference
Exposure Levels, and Critically Evaluating Recent Studies, rapport
du 8 novembre 2010, SNC-Lavalin Environment, Ontario.
92 Présentation du Dr Lisa DeRoo, épidémiologiste au National Institute of
Environmental Health Sciences (NIEHS), à la Société de recherche épidémiologique
pédiatrique et périnatale (Society for Pediatric and Perinatal Epidemiologic Research),
juillet 2010. In Mark Richardson, et al., ibid.
93 Voir p. 50.
94 Notamment Consumers for Dental Choice, Mercury Policy Project et International
Academy of Oral Medicine and Toxicology.
95 Elle doit prendre effet en 2013.
96 Courrier en recommandé avec AR, adressé à Philippe Duneton par l’association
“Non au mercure dentaire”, le 4 mars 2003.
97 Afssaps, Le Mercure des amalgames dentaires, rapport 2005, p. 15.
98 Ibid.
99 Ibid., p. 21.
100 Jerome J405, Arizona Instrument.
101 Ce nombre d’amalgames est assez fréquent. Certaines personnes en ont jusqu’à une
douzaine.
102 CSHPF, Avis relatif à l’amalgame dentaire, 19 mai 1998. Depuis 2005, les
recommandations du CSHPF sont remplacées par celles de l’Afssaps.
103 Ibid.
104 Voir index : amalgame, dentiste et plombage.
105 Voir index : dentiste.
106 M. Bates, et al., “Related Articles, Health Effects of Dental Amalgam Exposure : a
Retrospective Cohort Study“, International Journal of Epidemiology, vol. 33, 2004,
p. 894-902.
107 W. Craelius, “Comparative Epidemiology of Multiple Sclerosis and Dental Caries”,
Journal of Epidemiology & Community Health, vol. 32, 1978, p. 155-165.
108 C. W. McGrother, et al., “Multiple Sclerosis, Dental Caries and Fillings : a Case-
Control Study”, British Dental Journal, vol. 187, 1999, p. 261-264. D. Bangsi, et al.,
“Dental Amalgam and Multiple Sclerosis : a Case-Control Study in Montreal”,
International Journal of Epidemiology, no 27, 1998, p. 667-671.
109 Frank O. Johnson, “The Role of Environmental Mercury, Lead and Pesticide
Exposure in Development of Amyotrophic Lateral Sclerosis”, Neurotoxicology, vol. 30,
no 5, septembre 2009, p. 761-765.
110 Björkman, et al., “Mercury in Human Brain, Blood, Muscle and Toenails in
Relation to Exposure : an Autopsy Study”, Environmental Health, vol. 6, 2007, p. 30 ;
C. Hock, et al., “Increased Blood Mercury Levels in Patients with Alzheimer’s
Disease”, Journal of Neural Transmission, vol. 105, no 1, 1998, p. 59-68.
111 Ces amas de neurofibrilles résultent de la destruction par le mercure du squelette
neuronal.
112 C. C. W. Leong, et al., “Retrograde Degeneration of Neurite Membrane Structural
Integrity of Nerve Growth Cones Following in vitro Exposure to Mercury”, Neurologic
Report, vol. 12, 2001, p. 733-737 ; G. Olivieri, et al., “Mercury Induces Cell
Cytotoxicity and Oxidative Stress and Increases Beta-Amyloid Secretion and Tau
Phosphorylation in SHSY5Y Neuroblastoma Cells”, Journals of Neurochemistry, vol. 71,
2000, p. 231-236 ; J. Mutter, et al., “Alzheimer’s Disease : Mercury as Pathogenetic
Factor and Apolipoprotein E as a Moderator”, NeuroEndocrinology Letters, vol. 25,
no 5, 2004, p. 331-339.
113 J. Mutter, et al., “Does Inorganic Mercury Play a Role in Alzheimer’s Disease ? A
Systematic Review and an Integrated Molecular Mechanism”, Journal of Alzheimer’s
Disease, vol. 22, 2010, p. 35-374.
114 M. Grosman, A. Picot, “Facteurs environnementaux et maladie d’Alzheimer : le
mercure fortement suspecté”, Médecine & Longévité, vol. 1, septembre 2009, p. 12-21.
115 M.-F. Shadlen, et al., “The Epidemiology of Alzheimer’s Disease and Vascular
Dementia in Japanese and African-American Populations : the Search for Etiological
Clues”, Neurobiology of Aging, vol. 2, no 2, 2000, p. 171-181.
116 La BHE est formée d’une couche de plusieurs types de cellules reliées entre elles
par des jonctions serrées étanches. De même, la barrière hémato-médullaire sépare la
moelle épinière du sang.
117 Les canaux ioniques sont des protéines permettant le passage d’ions, de molécules
ou d’atomes chargés.
118 Voir index : nanoparticules et puf.
119 P. Stortebecker, “Mercury Poisoning from Dental Amalgam Through a Direct
Nose-Brain Transport”, The Lancet, 27 mai 1989.
120 L. Struzyńska, et al., “Lead-Induced Abnormalities in Blood-Brain Barrier
Permeability in Experimental Chronic Toxicity”, Molecular and Chemical
Neuropathology, vol. 31, no 3, août 1997, p. 207-224.
121 T. Toimela, et al., “Development of an in vitro Blood-Brain Barrier Model-
Cytotoxicity of Mercury and Aluminum”, Toxicology and Applied Pharmacology, vol.
15, no 195, février 2004, p. 73-82.
122 G. W. Zheng, “Neurotoxicity of the Brain Barrier System : New Implications”,
Journal of Toxicology – Clinical Toxicology, vol. 39, no 7, 2001, p. 711-719.
123 James Haorah, et al., “Ethanol-Induced Activation of Myosin Light Chain Kinase
Leads to Dysfunction of Tight Junctions and Blood-Brain Barrier Compromise.
Alcoholism”, Clinical and Experimental Research, no 29, 2005, p. 999-1009.
124 Brian T. Hawkins, et al., “Nicotine Increases in vivo Blood-Brain Barrier
Permeability and Alters Cerebral Microvascular Tight Junction Protein Distribution”,
Brain Research, no 1027, 2004, p. 48-58.
125 D. K. Parran, et al., “Chlorpyrifos Alters Functional Integrity and Structure of an in
vitro BBB Model : Co-Cultures of Bovine Endothelial Cells and Neonatal Rat
Astrocytes”, Neurotoxicology, vol. 26, no 1, janvier 2005, p. 77-88.
126 H. S. et A. Sharma, “Nanoparticles Aggravate Heat Stress Induced Cognitive
Deficits, Blood-Brain Barrier Disruption, Edema Formation and Brain Pathology”,
Progress in Brain Research, vol. 162, 2007, p. 245-73.
127 G. R. Ding, et al., “EMP-Induced Alterations of Tight Junction Protein Expression
and Disruption of the Blood-Brain Barrier”, Toxicology Letters, vol. 196, no 3,
juillet 2010, p. 154-160.
128 A. Rai, et al., “Characterization of Developmental Neurotoxicity of As, Cd, and Pb
Mixture : Synergistic Action of Metal Mixture in Glial and Neuronal Functions”,
Toxicological Science, vol. 118, no 2, décembre 2010, p. 586-601.
129 Substance synthétique utilisée dans la fabrication des polymères (plastiques) et se
formant au cours de la cuisson des aliments.
130 Deborah G. Graham, “Neurotoxicants and the Cytoskeleton”, Current Opinion in
Neurology, vol. 12, no 6, décembre 1999, p. 733-737, et David J. Read, et al.,
“Organophosphates Induce Distal Axonal Damage, but not Brain Oedema, by
Inactivating Neuropathy Target Esterase”, Toxicology and Applied Pharmacology, vol.
15, no 245 (1), mai 2010, p. 108-115.
131 Elles peuvent aussi induire des dysfonctions mitochondriales (les mitochondries
sont les “usines énergétiques” des cellules).
132 Neil Brookes, “In vitro Evidence for the Role of Glutamate in the CNS Toxicity of
Mercury”, Toxicology, vol. 4, no 76, décembre 1992, p. 245-256 ; Lysette Mutkus, et
al., “Mercuric Chloride Inhibits the in vitro Uptake of Glutamate in GLAST – and GLT-
1-Transfected Mutant CHO-K1 Cells”, Biological Trace Element Research, vol. 109,
no 3, mars 2006, p. 267-280.
133 Julien Praline, et al., “ALS and Mercury Intoxication : a Relationship ?”, Clinical
Neurology and Neurosurgery, vol. 109, no 10, décembre 2007, p. 880-883.
134 Heidi S. Walton, et al., “Glutamate-Glutamine Cycling in Alzheimer’s Disease”,
Neurochemistry International, vol. 50, no 7-8, juin 2007, p. 1052-1066.
135 Gloria Olivieri, et al., “Mercury Induces Cell Cytotoxicity and Oxidative Stress and
Increases Beta-Amyloid Secretion and Tau Phosphorylation in SHSY5Y Neuroblastoma
Cells”, Journal of Neurochemistry, vol. 74, no 1, janvier 2000, p. 231-236.
136 Florianne Monnet-Tschudi, et al., “Involvement of Environmental Mercury and
Lead in the Etiology of Neurodegenerative Diseases”, Reviews on Environmental
Health, vol. 21, no 2, avril-juin 2006, p. 105-117 ; Philippe Taupin, “Adult
Neurogenesis, Neuroinflammation and Therapeutic Potential of Adult Neural Stem
Cells”, International Journal of Medical Sciences, no 5, 2008, p. 127-132.
137 Dejan Milatovic, et al., “Oxidative Damage and Neurodegeneration in Manganese-
Induced Neurotoxicity”, Toxicology and Applied Pharmacology, vol 15, no 240,
octobre 2009, p. 219-225.
138 Florianne Monnet-Tschudi, ibid.
139 Clement C. Leong, et al., “Retrograde Degeneration of Neurite Membrane
Structural Integrity of Nerve Growth Cones Following in vitro Exposure to Mercury”,
Neuroreport, vol. 26, no 12 (4), mars 2001, p. 733-737. Vidéo de l’université de
Calgary montrant la destruction de la tubuline : http://commons.ucalgary.ca/mercury/
140 L’effet du mercure sur les enzymes et la tubuline s’explique par sa très forte
affinité avec le soufre. Il se fixe sur les acides aminés soufrés constituant ces protéines,
bloquant leur activité (enzymes) ou les détruisant (tubuline), ce qui entraîne la mort
neuronale.
141 Michael N. Bates, et al., “Health Effects of Dental Amalgam Exposure : a
Retrospective Cohort Study”, International Journal of Epidemiology, août 2004, vol.
33, no 4, p. 894-902 ; Joachim Mutter, et al., “Mercury and Autism : Accelerating
Evidence ?”, Neuro Endocrinology Letter, vol. 26, no 5, octobre 2005, p. 439-446.
142 Voir index : dentiste.
143 Ou hydrargyrum. C’est de ce nom que vient le symbole de l’élément mercure, Hg.
144 J. Mutter et D. Yeter, “Kawasaki’s Disease, Acrodynia, and Mercury”, Current
Medicinal Chemistry, vol. 15, 2008, p. 3000-3010.
145 R. Neghina et A. M. Neghina, “Medical Controversies and Dilemmas in
Discussions about the Illness and Death of Mihai Eminescu (1850-1889) Romania’s
National Poet”, Medical Problems of Performing Artists, vol. 26, no 1, mars 2011,
p. 44-50 ; K. Weismann, “Neurosyphilis, or Chronic Heavy Metal Poisoning : Karen
Blixen’s Lifelong Disease”, Sexually Transmitted Diseases, vol. 22, no 3, mai-
juin 1995, p. 137-144.
146 Voir p. 202-208.
147 La “fragilité constitutionnelle” a, par exemple, servi d’argument durant des siècles
quand les prescriptions d’extraits ou d’infusion de tabac emportaient des patients. Voir
à ce sujet Lobbying et santé, op. cit.
148 L’amalgame a été inventé au début du XIXe par un Français, Auguste Taveau, mais
a commencé sa carrière aux Etats-Unis.
149 La cavité était remplie peu à peu par de petites quantités d’or.
150 Dr J. Payne, “Intoxication par le sublimé corrosif généré dans la bouche par les
obturations des dents à l’amalgame”, Chicago Medical Journal, 1874, in The Dental
Cosmos, vol. 16, p. 213-214.
151 Voir chapitre “Champ de bataille au cœur du cerveau”.
152 J. A. Weiner et Magnus Nylander, “The Relationship between Mercury
Concentration in Human Organs and Different Predictor Variables”, The Science of the
Total Environment, vol. 30, no 138 (1-3), septembre 1993, p. 101-115.
153 Ajout d’un isotope radioactif du mercure : Hg-203.
154 Leszek J. Hahn, Murray J. Vimy, Franz L. Lorscheider, et al., “Dental « Silver »
Tooth Fillings : a Source of Mercury Exposure Revealed by Whole-Body Image Scan
and Tissue Analysis”, The FASEB Journal, vol. 3, no 14, décembre 1989, p. 2641-2646.
155 Murray J. Vimy, Yoshimi Takahashi, Franz L. Lorscheider. “Maternal-Fetal
Distribution of Mercury (203Hg) Released from Dental Amalgam Fillings”, The
American Journal of Physiology, vol. 258, no 4, avril 1990, p. 939-945.
156 Importante glande endocrine située à la base du cerveau, responsable de la
sécrétion de plusieurs hormones (hormone de croissance, gonadotropines…).
157 L. J. Hahn, et al., “Whole-Body Imaging of the Distribution of Mercury Released
from Dental Fillings into Monkey Tissues”, FASEB Journal, vol. 4, no 14,
novembre 1990, p. 3256-3266.
158 Comme nous l’avons vu p. 39.
159 Gianpaolo Guzzi, et al., “Dental Amalgam and Mercury Levels in Autopsy
Tissues : Food for Thought”, The American Journal of Forensic Medicine and
Pathology, vol. 27, no 1, mars 2006, p. 42-45.
160 Archives personnelles des auteurs.
161 Ibid.
162 Entretien avec les auteurs, 10 avril 2011.
163 Origine de la fameuse expression “travailler du chapeau”.
164 “Faites-vous encore des amalgames ?”, enquête parue dans le journal Dentoscope
du 10 mai 2006.
165 Magnus Nylander, et al., “Mercury Accumulation in Tissues from Dental Staff and
Controls in Relation to Exposure”, Swedish Dental Journal, vol. 13, no 6, 1989, p. 235-
243.
166 Valérie Schach, et al., Le Risque mercuriel dans les cabinets dentaires : histoire
ancienne ou futur proche ?, rapport de l’INRS, 2003.
167 Valérie Schach, 2003, ibid.
168 Howard Meltzer, et al., “Patterns of Suicide by Occupation in England and Wales :
2001-2005”, The British Journal of Psychiatry, vol. 93, no 1, juillet 2008, p. 73-76.
169 A. C. Bittner Jr, et al., “Behavioral Effects of Low-Level Exposure to Hg Among
Dental Professionals : a Cross-Study Evaluation of Psychomotor Effects”,
Neurotoxicoly and Teratology, vol. 20, no 4, juillet-août 1998, p. 429-439.
170 Masoud Neghab, et al., “Symptoms of Intoxication in Dentists Associated with
Exposure to Low Levels of Mercury”, Industrial Health, vol. 14, no 49 (2), avril 2011,
p. 249-254.
171 Ibid.
172 Anders Ahlbom, “Dentists, Dental Nurses, and Brain Tumours”, British Medical
Journal, vol. 292, no 8, mars 1986, p. 662.
173 Martin Prochazka, et al., “Occupational Exposures and Risk of Acoustic
Neuroma”, Occupational and Environmental Medicine, novembre 2010, vol. 67, no 11,
p. 766-771.
174 Rapport en ligne : badn.org.uk/Default.asp?
c=11&sc=0&a=100456&rs=&apg=1&r=&rt.
175 “Mercury is a chemical known to the State of California to cause birth defects or
other reproductive harm. Persons with kidney disease, chronic respiratory disease, liver
disease, or skin disease may be at increased risk from exposure to this substance”.
DENTSPLY/International DENTSPLY/Caulk. Dispersalloy®, Dispersed Phase Alloy
(Capsules). Safety Data Sheet. Date of Last Revision 10/10/09.
176 Afssaps, Le Mercure des amalgames dentaires, octobre 2005.
177 Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux.
178 Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks (SCENIHR),
The Safety of Dental Amalgam and Alternative Dental Restoration Materials for
Patients and Users, 6 mai 2008.
179 Décision 2000/532/CE6 de la Commission.
180 Annexe X de la directive-cadre sur l’eau (2000).
181 G. Oberdörster, et al., “Translocation of Inhaled Ultrafine Particles to the Brain”,
Inhalation Toxicology, vol. 6, no 6-7, juin 2004, p. 437-445.
182 Les premières réglementations fixant un cadre aux enfouissements de déchets
chimiques issus de l’industrie sont apparues dans les années 1970, sans que les
contrevenants soient d’ailleurs sérieusement sanctionnés en cas d’infraction. A ce sujet :
Frédéric Ogé et Pierre Simon, Sites pollués en France, Librio-Flammarion, 2004.
183 Frédéric Ogé, ibid.
184 Ibid., p. 23.
185 Ibid., p. 18.
186 Entretien avec les auteurs, octobre 2004.
187 Base de données Basias, BRGM. http://basias.brgm.fr/
188 Cour de cassation, 21 septembre 2010, no 09-86258.
189 Source : Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’équipement
(Drire).
190 Ibid. Et J.-J. Melet, Rapport préliminaire sur l’impact des polluants émis par
l’usine Métal Blanc de Bourg-Fidèle (Ardennes) sur l’environnement et la santé
animale et humaine, réalisé à la demande de l’avocat de la partie plaignante et des
experts H. Pézerat et A. Picot, janvier 2003.
191 Métal Blanc était installé dans la banlieue parisienne jusqu’en 1968.
192 Association de protection et de défense de Bourg-Fidèle.
193 Sénat, Risques chimiques au quotidien : éthers de glycol et polluants de l’air
intérieur. Quelle expertise pour notre santé ?, rapport de M.-C. Blandin, Office
parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, 23 janvier 2008.
194 Notamment Henri Pézerat, Guy Huel, André Picot et Jean-Jacques Melet.
195 Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Les Coderst
ont remplacé en 2006 les Conseils départementaux d’hygiène.
196 A ce sujet, le dossier très documenté d’Olivier Guichardaz, “Usine Citron : le
naufrage après des années de complaisance de l’Etat”, Environnement & Technique,
no 303, janvier-février 2011.
197 Entretiens avec l’auteur, avril 2011.
198 Rapports annuels de la Drire/Dreal.
199 Scories retirées des fours après l’incinération des déchets.
200 Le crématorium de Strasbourg, par exemple, incinère désormais une dizaine de
personnes décédées par jour. En 2007, on a compté 141 000 crémations en France.
201 Arrêté du 28 janvier 2010 relatif à la hauteur de la cheminée des crématoriums et
aux quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés dans l’atmosphère,
J. O. no 0039 du 16 février 2010, texte no 22, p. 2883.
202 Entretien avec Michel Kawnik, président de l’Afif, juin 2011.
203 “La dépollution des crématoriums”, chapitre II, Livre blanc de la crémation,
juin 2008.
204 Airparif, “Premières mesures de mercure dans l’air francilien”, Airparif, no 35,
février 2011.
205 De l’ordre de 1,7 nanogramme/m3.
206 On retrouve cet “effet de groupe” avec les nanoparticules. Voir p. 223-224.
207 H. S. Adams, et al., “Fine Particle (PM2,5) Personal Exposure Levels in Transport
Microenvironments, London, UK”, The Science of the Total Environment, vol. 279,
no 1-3, 2001, p. 29-44.
208 Ibid.
209 4 273 décès en 2009.
210 Afsse, Impact sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine. Rapport 1.
Estimation de l’impact lié à l’exposition chronique aux particules fines sur la mortalité
par cancer du poumon et par maladies cardio-respiratoires en 2002 avec projections
d’ici 2020, mai 2004.
211 Institut de veille sanitaire, “Aphekom Project 2008-2011, Improving Knowledge
and Communication for Decision Making on Air Pollution and Health in Europe”,
mars 2011.
212 Airparif, “La qualité de l’air en Ile-de-France en 2010”, mars 2011.
213 Ibid. L’OMS estime que 2 millions de personnes dans le monde en meurent chaque
année, et 400 000 dans les pays de l’Union européenne.
214 L. K. Jensen, et al., “Organic Brain Damage in Garage Workers after Long-Term
Exposure to Diesel Exhaust Fumes”, Ugeskr. Laeger, vol. 151, 1989, p. 2255-2258.
215 Michelle L. Block, et al., “Nanometer Size Diesel Exhaust Particles Are
Selectively Toxic to Dopaminergic Neurons : the Role of Microglia, Phagocytosis, and
NADPH Oxidase”, The FASEB Journal, 18, 2004, p. 1618-1920.
216 Lilian Calderón-Garcidueñas, et al., “Long-Term Air Pollution Exposure Is
Associated with Neuroinflammation, an Altered Innate Immune Response, Disruption
of the Blood-Brain Barrier, Ultrafine Particulate Deposition, and Accumulation of
Amyloid β42 and Synuclein in Children and Young Adults”, Toxicologic Pathology,
vol. 36, 2008, p. 289-310 ; Michelle L. Block, et al., “Air Pollution : Mechanisms of
Neuroinflammation & CNS Disease”, Trends Neuroscience, no 32, 2009, p. 506-516.
217 ROS : espèces réactives oxygénées générant une agression oxydante.
218 Dans le langage des toxicochimistes, cette propriété nommée “adsorption” consiste
en la fixation de molécules de gaz ou de liquide sur une surface solide, mettant en jeu
des liaisons plus ou moins fortes.
219 Airparif. “La qualité de l’air en Ile-de-France en 2010”, mars 2011.
220 Ibid.
221 Ibid.
222 Afsset, Avis relatif aux effets des nanomatériaux sur la santé de l’homme et sur
l’environnement, 2006.
223 Ibid.
224 Afsset, Avis relatif aux effets des nanomatériaux…, op. cit., p. 136.
225 A ce sujet, l’ensemble des rapports de l’Afsset de 2006 à 2010.
226 Le nano-argent est le nanomatériau le plus employé. Il est déjà présent dans des
centaines de produits de consommation courante : désinfectants, déodorants, vêtements,
emballages alimentaires, traitements de surface des réfrigérateurs, peintures,
revêtements muraux, électroménager et informatique…
227 Haut conseil de la santé publique, Recommandation de vigilance relative à la
sécurité des nanoparticules d’argent, 12 mars 2010, p. 1.
228 Ibid.
229 Commission de l’environnement, de la santé et de la sécurité alimentaire, Projet de
rapport sur les aspects réglementaires des nanomatériaux, Parlement européen,
19 janvier 2009. Il donnera lieu à la résolution adoptée par le Parlement européen le
24 avril 2009.
230 Ibid. Ce passage disparaîtra du texte de la résolution adoptée le 24 avril 2009.
231 Ibid. Ce motif disparaîtra également de la résolution.
232 Les écrans à tube cathodique émettent beaucoup plus de rayonnement que les
écrans plats.
233 WPAN (Wireless Personal Area Network) : réseau personnel sans fil.
234 WLAN (Wireless Local Area Network : réseau local sans fil) est plus connu sous le
nom Wi-Fi.
235 WWAN (Wireless Wide Area Network) : réseau étendu sans fil.
236 WIMAX (Worldwide Interoperability for Microwave Access) : mode de transmission
et d’accès à Internet haut débit plus efficace que le Wi-Fi et portant sur une zone
géographique étendue.
237 L. Roushangar, J. S. Rad, “Ultrastructural Alterations and Occurrence of Apoptosis
in Developing Follicles Exposed to Low Frequency Electromagnetic Field in Rat
Ovary”, Pakistan Journal of Biological Science, vol. 15, no 10, décembre 2007,
p. 4413-4419.
238 Olle Johansson, “Electrohypersensitivity : State-of-the-Art of a Functional
Impairment Electromagnetic”, Biology and Medicine, vol. 25, 2006, p. 245-258.
239 Olle Johansson, ibid.
240 Dominique Belpomme, cancérologue à l’université Paris-Descartes, président de
l’ARTAC, association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse.
241 Entretien avec les auteurs, mars 2011.
242 Priartem : Pour une réglementation des antennes relais de téléphonie mobile.
Robin des Toits : association nationale pour la sécurité sanitaire dans les technologies
sans fil.
Criirem : Centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements.
Next-up : ONG de défense de l’environnement naturel, contre les irradiations des
champs électromagnétiques.
243 Anke Huss, et al., “Source of Funding and Results of Studies of Health Effects of
Mobile Phone Use : Systematic Review of Experimental Studies”, Environmental
Health Perspectives, vol. 115, no 1, janvier 2007, p. 1-4.
244 Ana M. García, et al, “Occupational Exposure to Extremely Low Frequency
Electric and Magnetic Fields and Alzheimer Disease : a Meta-Analysis”, International
Journal of Epidemiology, vol. 37, no 2, avril 2008, p. 329-340.
245 Niclas Håkansson, et al., “Neurodegenerative Diseases in Welders and Other
Workers Exposed to High Levels of Magnetic Fields”, Epidemiology, vol. 14, no 4,
juillet 2003, p. 420-428.
246 David A. Savitz, et al., “Magnetic Field Exposure and Neurodegenerative Disease
Mortality Among Electric Utility Workers”, Epidemiology, vol. 9, no 4, juillet 1998,
p. 398-404.
247 Zoreh Davanipour, “A Case-Control Study of Occupational Magnetic Field
Exposure and Alzheimer’s Disease : Results from the California Alzheimer’s Disease
Diagnosis and Treatment Centers”, BMC Neurology, no 9, juin 2007, p. 7-13.
248 Enrico Pira, et al., “Carcinogenic Risk of Extremely-Low-Frequency
Electromagnetic Fields : State of the Art”, La Medicina del Lavoro, vol. 85, no 6,
novembre-décembre 1994, p. 447-462.
249 Afsset, Comité d’experts spécialisés (CES), “Agents physiques, nouvelles
technologies et grands aménagements-Champs électromagnétiques extrêmement basses
fréquences”, mars 2010.
250 International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection.
251 BioInitiative Working Group, BioInitiative Report : a Rationale for a Biologically-
based Public Exposure Standard for Electromagnetic Fields, 31 août 2007.
www.bioinitiative.org
252 Lennart Hardell, et al., “Meta-Analysis of Long-Term Mobile Phone Use and the
Association with Brain Tumours”, International Journal of Oncology, vol. 32, no 5,
mai 2008, p. 1097-1103.
253 The Interphone Study Group, “Brain Tumour Risk in Relation to Mobile Telephone
Use : Results of the Interphone International Case-Control Study”, International
Journal of Epidemiology, vol. 39, no 3, juin 2010, p. 675-694.
254 Lancée officiellement en février 2011 pour une durée de cinq ans, l’étude
internationale Mobi-Kids doit rechercher l’existence éventuelle d’un lien de cause à
effet entre les technologies de communication sans fil (notamment le téléphone
portable) et les tumeurs cérébrales chez des jeunes de 10 à 24 ans dans une douzaine de
pays.
255 Leeka Kheifets, et al., “The Sensitivity of Children to Electromagnetic Fields”,
Pediatrics, vol. 116, no 2, août 2005, p. 303-313.
256 Cité dans le documentaire de Sophie Le Gall, “Mauvaises ondes”, diffusé
le 18 mai 2011 sur France 3.
257 Denis Zmirou, et al., Rapport sur la téléphonie mobile et la santé, Afsset,
avril 2001.
258 Eric Giacometti, “Un bien curieux rapport officiel”, Le Parisien, 17 avril 2003.
259 IGAS/IGE. Evaluation des méthodes de travail scientifique de l’Afsse, janvier 2006.
260 Travaux effectués dans le cadre du programme Comobio (COmmunication MObile
et BIOlogie) soutenu par le ministère de la Recherche.
261 H. Nittby, et al., “Increased Blood-Brain Barrier Permeability in Mammalian
Brain 7 Days after Exposure to the Radiation from a GSM-900 Mobile Phone”,
Pathophysiology, vol. 16, no 2-3, août 2009, p. 103-112.
262 Afsset, Groupe de travail radiofréquences, Mise à jour de l’expertise relative aux
radiofréquences, rapport d’expertise collective, 15 octobre 2009.
263 Jean Huss, rapporteur, “Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur
effet sur l’environnement”, rapport de la Commission de l’environnement, de
l’agriculture et des questions territoriales, Conseil de l’Europe, 6 mai 2011.
264 Groupe 1 : cancérogène reconnu ; groupe 2a : cancérogène probable ; groupe 2b :
cancérogène possible ; groupe 3 : non classé ; groupe 4 : probablement pas
cancérogène.
265 CIRC, communiqué de presse no 208, “IARC Classifies Radiofrequency
Electromagnetic Fields as Possibly Carcinogenic to Humans”, 31 mai 2011.
266 Ian Hamel, “Les mauvaises ondes des compagnies d’assurances”, Bakchich Info,
15 avril 2009.
267 Equipe des risques émergents de la Lloyds, Electromagnetic fields from mobile
phones : recent developments, Lloyd’s emerging risks team report, novembre 2010,
version 2.0.
UNE INDUSTRIE DU SOIN
QUI AGGRAVE LE PROBLÈME

Nous avons vu dans les chapitres précédents que les enfants, dès leur
conception, sont massivement soumis à des médicaments contenant des
molécules peu recommandables, comme le méthylphénidate, les fluorures, le
mercure ou l’aluminium (pour ne citer que celles-là), mais il ne s’agit hélas !
que d’un début. D’autres produits pharmaceutiques nous exposent en effet tout
au long de notre vie à des substances capables d’endommager les neurones.
Le comble est que peu d’observateurs se posent sérieusement la question de
l’impact sur notre cerveau des quantités importantes de médicaments que nous
consommons, alors que ceux qui provoquent des effets neurologiques
indésirables ne se comptent plus. Ils envahissent en effet les pharmacies, car
les experts de la commission d’AMM (Autorisation de mise sur le marché),
chargés d’évaluer les dossiers des laboratoires avant la commercialisation de
chaque médicament, n’ont jamais été d’une grande sévérité au sujet de leur
neurotoxicité, comme en témoigne la liste de ceux que nous allons aborder.
Les effets secondaires neurotoxiques des médicaments comptent parmi les
plus fréquents. C’est l’étonnante découverte que nous avons faite en calculant
la prévalence des différents effets indésirables répertoriés dans les résumés
officiels des caractéristiques des produits pharmaceutiques (RCP1). De fait,
environ un quart des notices des médicaments signale des effets indésirables
comportant un ou plusieurs des troubles neurologiques suivants : céphalées,
vertiges, troubles sensoriels, somnolence, irritabilité, troubles de l’orientation
et de la concentration, confusion, dépression, tremblements… De façon
également significative, bien que moins fréquente, elles signalent très
régulièrement des effets tels que l’hyperactivité, l’envie suicidaire, les
hallucinations, le délire, le syndrome parkinsonien…
On peut s’inquiéter que les autorités sanitaires n’aient pas pris la mesure du
problème et qu’elles n’en aient pas examiné les conséquences au regard de la
consommation globale des produits pharmaceutiques. Tout se passe comme si
leurs effets profonds sur l’organisme, cumulés durant toute l’existence,
n’existaient pas. Les centres de pharmacovigilance régionaux qui recueillent
des données sur les effets secondaires des médicaments se concentrent
exclusivement sur les effets à court terme des produits pris isolément ou dans
le cadre d’interactions simples. Ils ne se préoccupent jamais des effets de
l’ensemble des médicaments consommés depuis la naissance et des épidémies
iatrogènes2 qui pourraient en découler discrètement.
DES NEUROLOGUES AVISENT LES… NEUROLOGUES

Et pourtant… “La plupart des symptômes et signes rencontrés en neurologie


peuvent être induits par des médicaments.” Cette affirmation ne sort pas de la
bouche d’un exalté en croisade contre les prescripteurs, mais d’un aréopage
d’une dizaine de neurologues et de professeurs distingués qui l’ont rédigée, en
1999, à l’intention des étudiants en neurologie pour les initier au problème des
effets des médicaments sur le système nerveux central3. Le phénomène est si
prégnant qu’ils conseillent, devant tout patient présentant une affection
neurologique, de commencer par rechercher s’il a pris des médicaments et
d’examiner le rôle que ceux-ci peuvent avoir joué dans l’apparition de la
maladie. “La bonne règle est de penser systématiquement à une pathologie
iatrogène”, déclarent-ils tout en recommandant de ne pas se contenter des
effets indésirables signalés sur les notices. Selon eux, cette “bonne règle” est
pourtant loin d’être appliquée par tous les médecins. Même les neurologues,
dans le cadre de leurs consultations, sous-estiment souvent la question. Les
auteurs les mettent en garde contre la négligence traditionnelle sur ce point :
“Notre éducation et notre culture médicales ne conduisent pas à rechercher
systématiquement, devant toute pathologie, une étiologie médicamenteuse.”
La remarque est éloquente compte tenu de la fréquence de cette cause et du
nombre de médicaments concernés. Qu’on en juge…
C’est le cas, par exemple, des benzodiazépines, ces psychotropes largement
prescrits depuis les années 1960 contre l’anxiété, l’insomnie, les spasmes,
l’agitation… Ces dernières sont désormais sur la sellette pour leurs effets sur
le comportement pouvant engendrer un syndrome confusionnel, des “passages
à l’acte” violents sur autrui et des suicides, ainsi qu’une dépendance, de la
dépression et des symptômes proches de ceux d’Alzheimer et de Parkinson.
Les déficits chroniques de la mémoire et des fonctions cognitives qu’ils
entraînent ne font même plus l’ombre d’un doute chez les neurologues.
Les tranquillisants et les somnifères sont entrés dans les habitudes de
nombreux usagers dès les années 1960-1970, dans toutes les catégories d’âge.
Les antidépresseurs les ont ensuite rejoints, d’autant plus largement
consommés qu’ils sont prescrits dans un tiers des cas en dehors des indications
prévues par l’AMM, sans parler de l’automédication4. Ces drogues qui
permettent souvent de “supporter l’intolérable” entraînent des effets bien
caractérisés comme l’hyperexcitation, les pertes d’attention et la somnolence
(responsable d’un surcroît d’accidents domestiques, professionnels et sur la
route). Mais elles minent aussi profondément les comportements et
interagissent avec l’alcool, le tabac et… les autres médicaments.
En 1998, avec le Dr Bernard Topuz, nous dénoncions ce sourd laminage :
“Les troubles psychiques graves provoqués par les psychotropes sont beaucoup
plus nombreux qu’on ne le pense. En effet, même si ces médicaments sont
normalement prévus pour améliorer l’état psychique des patients, ils
provoquent eux-mêmes fréquemment toutes sortes de dérèglements plus ou
moins graves et durables5.” Le psychiatre Edouard Zarifian tentait de
sensibiliser l’opinion à ce sujet et dénonçait le silence des autorités laissant à
l’industrie pharmaceutique le soin de procéder elle-même à la
pharmacovigilance des effets secondaires psycho-pathologiques de ces
substances6. Nous l’avions interrogé à ce sujet pour savoir si le ministère de la
Santé réagissait à ses alertes. Malgré sa bonne humeur naturelle, il déplorait
une absence complète de réactivité et s’était montré pessimiste. Les “produits
à traiter les malheurs de la société”, pour reprendre son expression,
représentaient un marché en pleine expansion avec des perspectives de gains si
prodigieuses que nul ne songeait à les obscurcir par des considérations
sanitaires.
PSYCHOTROPES POUR TOUTES LES ÉMOTIONS

La proportion de la population qui avale des médicaments psychotropes n’a


cessé de croître depuis le milieu du XXe siècle. Les Français sont d’ailleurs les
champions du monde en ce domaine7. Environ cinq millions d’entre eux, de
l’enfant à l’adulte âgé, en consomment de manière chronique, et neuf millions
“occasionnellement”. Des observateurs y voient le symptôme d’une
complaisance particulièrement forte du corps médical et des autorités de
l’Hexagone envers les laboratoires. Pour autant, les différences entre nations
ne doivent pas nous faire oublier que la population des pays riches n’a jamais
avalé autant de médicaments qu’aujourd’hui. En outre, la famille des
psychotropes n’a cessé de grandir et, à présent, les laboratoires présentent des
“palettes commerciales” visant les neurones sous tous les angles. Il est vrai
que la demande d’une réponse purement médicale aux malaises profonds que
génère notre société est très forte. Les laboratoires y répondent activement par
des substances de plus en plus diverses censées mieux cibler les troubles, ce
qui génère encore davantage de profit. La progression des affections
neuropsychiques et des milliards investis dans le développement du marché
des médicaments psychotropes fait le reste. En outre, ces médicaments contre
les affections neurologiques engendrent souvent d’autres désordres
neurologiques. Un cercle vicieux s’est installé que les laboratoires ne
cherchent pas à rompre.
En attendant que les commissaires européens veuillent bien découvrir ce
problème et réfléchir aux limites souhaitables qu’il faudrait imposer à
l’industrie pharmaceutique, cette dernière fait preuve d’une inventivité sans
borne pour trouver de nouvelles occasions d’accroître ses ventes, notamment
en étendant la médicalisation de tous les aspects de la vie quotidienne. La
gamme des médicaments pseudo-innovants ne semble connaître aucune limite,
et les laboratoires n’hésitent plus à inventer systématiquement de nouvelles
maladies pour créer des marchés et convaincre les bien-portants de se soigner.
Cette méthode porte un nom, le “disease mongering8” qui consiste pour
l’essentiel à requalifier des émotions communes ou des troubles naturels en
les présentant comme pathologiques. Nous avons vu comment les firmes ont
redéfini la régurgitation du nourrisson, mais on doit également au “disease
mongering” l’invention du “syndrome métabolique” qui, comme nous
l’explique la pharmacologue Laure Lechertier, est “une nébuleuse de troubles,
un syndrome artificiel”. Elle évoque aussi le “syndrome des jambes sans
repos” et la timidité requalifiée en “phobie sociale9”. Aux Etats-Unis, les
firmes n’ont pas hésité à redéfinir le libertinage comme pathologie sexuelle et
la crainte du chômage en “phobie de perdre son travail”. De même,
l’agressivité au volant, la crainte de l’échec lors des examens, le “trouble du
juré” lié au fait d’avoir mal vécu la responsabilité d’être membre d’un jury,
l’affrontement de l’épreuve de la séparation et le stress de la relation sexuelle
ont rejoint les tableaux cliniques appelant des prescriptions. Près
de 300 situations de ce type sont ainsi entrées dans le Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders (DSM), la bible des psychiatres
américains, qui est devenu la référence mondiale de la profession. Une
multitude de médicaments y répond désormais, agissant sur le cerveau pour
aplanir les émotions et réaliser le rêve de l’industrie du médicament : attacher
des produits à chaque frémissement de nos neurones et à tous nos gestes. Nous
sommes entrés dans l’ère des pilules en alternance qui se “nécessitent
mutuellement” : celles pour s’endormir et celles pour se tenir éveillé, pour
être plus performant puis se reposer, se concentrer puis rêver10…
MÉDICAMENTS CÉRÉBROTOXIQUES

Au-delà des craintes concernant la “tranquillisation chimique” de la


population stressée, quels sont donc les dégâts biologiques que cette
consommation massive de neuroleptiques, antidépresseurs, anxiolytiques et
somnifères entraîne à moyen et long terme ? Certains dommages sont déjà
connus : “Il est clairement démontré que les antidépresseurs modifient les
fonctions cognitives et notamment mnésiques”, notent nos professeurs de
neurologie11. Leur remarque n’est pas un point de détail et soulève la question
de savoir si ces modifications peuvent être considérées comme de simples
“dommages collatéraux” ou si elles s’accompagnent d’effets insidieusement
irréversibles. Ce point mérite un approfondissement : “D’une façon générale,
un syndrome d’intoxication anticholinergique12 commun aux antidépresseurs,
aux antiparkinsoniens et à certains neuroleptiques a pu être décrit, comportant
une diminution de la mémoire des faits récents et une désorientation
temporospatiale13.” Ce syndrome est lié à la prise de médicaments qui
agissent sur le cerveau en réduisant les effets de médiation de l’acétylcholine,
un neurotransmetteur essentiel aux processus de mémorisation, comme le
montrent les troubles mnésiques des démences de type Alzheimer et leur
réponse aux médicaments inhibiteurs de la cholinestérase.
Tremblements, difficulté de concentration, confusion mentale et
hallucinations peuvent aussi accompagner le syndrome d’intoxication
anticholinergique qui apparaît fréquemment dans les unités de soins
postopératoires où sont utilisés “de nombreux médicaments provoquant une
inhibition de la transmission cholinergique centrale : opiacés,
benzodiazépines, phénothiazine, butyrophénones, kétamine, étomidate,
profonol, oxyde nitré (MEOPA), anesthésiques halogénés inhalés ou
cimétidine14”.
Beaucoup d’autres remèdes possèdent des propriétés anticholinergiques. On
en trouve parmi ceux que l’on prescrit contre l’acidité gastrique, les allergies,
l’hypertension artérielle, l’incontinence urinaire… D’innombrables
médicaments sont ainsi concernés, même ceux qui ont un effet
anticholinergique faible ou modéré, car leur addition et la durée des
traitements constituent un réel problème. Des chercheurs américains se sont
penchés sur les effets de ce cumul. Le Dr Kaycee Sink, de la Wake Forest
University à Winston Salem (Caroline du Nord), et ses collègues ont évalué
les capacités cognitives et fonctionnelles de plus de 3 000 personnes âgées. Ils
ont pu constater que 40 % d’entre elles prenaient un ou plusieurs
anticholinergiques et que leurs facultés physiques et mentales s’en trouvaient
significativement dégradées15. Confirmant par des études complémentaires
que les médicaments aux propriétés anticholinergiques étaient associés à un
risque accru de déclin cognitif chez les personnes âgées, ils ont recommandé à
la communauté médicale, en 2008, de mieux réguler leur prescription16.
La scopolamine, prescrite pour prévenir le mal des transports et le vertige,
indiquée en soins palliatifs contre des encombrements salivaires et certaines
douleurs digestives ou gynécologiques, peut provoquer des amnésies et des
délires hallucinatoires. Cette substance qui euphorise tout en neutralisant la
conscience a été utilisée comme “sérum de vérité” durant les années 1940, et
elle a suscité toutes sortes de forfaits sur des victimes qui perdent leur volonté
et le souvenir de ce qu’elles ont subi. Son mécanisme d’action est désormais
assez bien connu : “La scopolamine entrave l’apprentissage et le codage de
l’information dans la mémoire à long terme17.” Bien que la scopolamine
puisse laisser des séquelles psychiatriques, sa prescription a été très large et
elle perdure, y compris dans le traitement de la maladie de Parkinson.
Egalement anticholinergique, le trihexyphénidyle a connu un succès
similaire, souvent associé à la prescription de neuroleptiques, malgré ses
effets sur la mémoire : “Le trihexyphénidyle affecte les acquisitions récentes,
ce que démontre la pratique neurologique quotidienne18.”
Avec la scopolamine, on compte une cinquantaine de substances
pharmaceutiques capables d’engendrer des psychoses, dont l’amantadine
(prescrite entre autres contre la grippe chez l’enfant et chez les personnes
âgées, contre les fatigues chroniques et dans le traitement anti-Parkinson),
l’amfépramone chlorhydrate (contre l’obésité), la phénmétrazine téoclate
(contre l’obésité), la ratinidine chlorhydrate (anti-reflux œsophagien et contre
les ulcères), le zolpidem hémitartrate (antiparkinsonien et contre l’insomnie),
etc. D’autres médicaments n’en sont encore qu’au stade de la suspicion.
Mais les psychoses et les paralysies aiguës de la mémoire sont
spectaculaires tandis que, comme le reconnaissent les neurologues, les effets
durables insidieux échappent pour l’essentiel à l’œil du praticien le mieux
exercé, surtout lorsque les traitements ont cessé depuis longtemps. Rares sont
ceux qui prennent en considération le cumul des divers médicaments
consommés au fil des mois ou des années. Par ailleurs, alors qu’il est déjà
difficile, dans le cadre d’une consultation individuelle, de reconnaître et
d’établir le rôle d’un seul médicament dans l’apparition d’un symptôme
neurologique (il s’installe souvent de façon progressive et ambivalente), on
peut comprendre qu’il est très compliqué d’identifier le rôle d’un ensemble de
molécules pharmaceutiques dans la longue durée, d’autant que
l’épidémiologie sur ce versant reste pour ainsi dire au point mort. Une des
rares études menées sur les effets neurotoxiques des médicaments sur la
population se cantonne, hélas ! aux neuropathies périphériques et aux
médicaments prescrits dans la période du signalement19. Elle est d’un grand
intérêt, mais reste tributaire des notifications que les médecins ont pris le
temps de faire, et elles sont notoirement en dessous de la réalité. Les auteurs
notent : “Nous avons analysé les notifications spontanées de neuropathie
périphérique dans la Banque française de pharmacovigilance sur une période
de dix ans. Nous avons retrouvé 1 110 notifications entre janvier 1995 et
avril 2005. Elles concernaient des patients de prédominance masculine (60 %)
avec un âge moyen de 53,6 ans.” Ils soulignent que 530 de ces neuropathies
(48 %) étaient sévères, et signalent les classes de médicaments le plus souvent
en cause : “Les médicaments dermatologiques ont été à l’origine de
neuropathies « graves » dans 85,7 % des cas. Les médicaments imputés étaient
par ordre décroissant : les anti-infectieux (43,6 %), les antinéoplasiques et
immunomodulateurs (15,9 %), les médicaments du système cardiovasculaire
(14,8 %), les médicaments du système nerveux central (7,9 %), puis les
médicaments des voies digestives et du métabolisme (4,8 %). Les principes
actifs le plus souvent retrouvés étaient par ordre décroissant : stavudine
(198 cas), didanosine (134), lamivudine (124), thalidomide (57), ritonavir
(55), zalcitabine (53) et amiodarone (47).” On aimerait que ce travail, trop peu
cité, rappelle aux prescripteurs l’intérêt de déclarer systématiquement les
effets indésirables médicamenteux aux centres régionaux de
pharmacovigilance. Ces notifications, comme le soulignent les auteurs,
permettraient d’améliorer “l’approche de la fréquence relative des
médicaments suspects et l’alerte concernant des médicaments auparavant non
tenus pour responsables”.
Le problème de l’effet insidieux lié aux faibles doses à long terme des
molécules pharmaceutiques cumulées (y compris celles qui sont prises
sporadiquement à l’occasion de maladies bénignes) semble si complexe et
difficile à étudier qu’il ne retient pas l’attention en tant que tel, même s’il est
hautement probable que nos neurones se passeraient bien de cet assaut
récurrent ou quasi permanent. De plus, l’approche globale de la neurotoxicité
des médicaments relève d’une recherche en prévention qui ne représente aucun
marché potentiel pour les firmes ni aucun brevet pour les chercheurs.
La sous-estimation de ce problème est pourtant criante. Même quand la
neurotoxicité d’un médicament est parfaitement établie et qu’elle est
puissante, la communauté y reste souvent indifférente. L’affaire du Mediator®
ne pouvait nous apporter un meilleur exemple de cette attitude. Les médias et
le corps médical se sont focalisés sur les valvulopathies et les cas
d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) qu’a engendrés ce médicament
alors qu’il méritait de faire aussi scandale pour son grave impact
neuropsychiatrique qui aurait dû conduire à l’interdire rapidement. Comme l’a
rappelé, en 2011, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales
(Igas) sur le Mediator®, de nombreux cas d’effets psychiques graves liés à sa
consommation et significatifs d’atteintes des neurones étaient régulièrement
signalés aux centres de pharmacovigilance depuis des années (psychoses, états
maniaques, troubles paniques, asthénie, somnolence, malaise, désorientation,
stupeur…) alors que le résumé officiel des caractéristiques du produit est resté
longtemps silencieux à ce sujet. Les inspecteurs de l’Igas estimeront
qu’“en 2005, les effets indésirables neuropsychiatriques, les cas de
valvulopathies et les HTAP auraient dû conduire à suspendre l’autorisation de
mise sur le marché de ce produit20”. Et l’opinion publique ignore toujours
l’effet neurotoxique du Mediator®, un dérivé amphétaminique.
En 2011, le Bulletin d’information pharmacologique du CHU de Toulouse
recommandait d’éviter le Vectarion® (almitrine, un stimulant de la
respiration), le Zyban® (bupropion, prescrit dans le sevrage tabagique) et le
Parlodel® (romocriptine, prescrite dans l’inhibition de la lactation),
notamment pour leur neurotoxicité. Le premier présente un “risque bien connu
de neuropathies graves” pour un service médical jugé faible. Le second, un
dérivé amphétaminique, comporte “des effets indésirables « graves » (troubles
tensionnels et psychiatriques dont suicides)” alors que son intérêt médical
présente “une efficacité modeste, dans tous les cas inférieure à celle de la
nicotine21”. Le troisième est écarté pour un risque d’accidents “rare mais bien
démontré” de types thrombotiques et neuropsychiatriques (convulsions,
hallucinations…).
Une encyclopédie entière serait nécessaire pour évoquer tous les
médicaments susceptibles de perturber nos neurones. Y figurerait, parmi
beaucoup d’autres, le Roaccutane®, un médicament contre l’acnée sévère que
le laboratoire Roche déclare “sûr” tout en jugeant plus sûr encore de constituer
des provisions financières pour faire face aux nombreux litiges en cours,
depuis que son médicament est accusé d’être à l’origine de suicides22. On y
trouverait aussi l’amiodarone (surtout prescrit contre les tachycardies), la
telbivudine (contre l’hépatite B chronique), la ciclosporine et le tacrolimus
(prescrits dans des maladies de la peau, la polyartrite rhumatoïde et dans la
prévention des rejets de greffes) alors que ces deux derniers produits sont
connus pour provoquer des atteintes neurologiques chez 10 à 30 % des
patients23. De même, la télithromycine, un nouvel antibiotique prescrit dès
l’âge de 12 ans contre les angines et les pharyngites, qui peut provoquer
confusions, hallucinations et pertes de connaissance24…
Tant de produits sont passés entre les mailles du filet qu’on est surpris
quand les autorités interdisent certains d’entre eux. Ainsi, en 2010, la
Commission européenne d’AMM donnait un avis défavorable à l’ixapépilone
(Ixempra®) utilisé dans le traitement des cancers du sein compte tenu des
neuropathies et des troubles hématologiques graves et fréquents qu’il pouvait
entraîner25. Notons toutefois que ce médicament qui présente également des
risques pour le fœtus reste commercialisé sur le Net, du fait que la FDA
américaine l’a autorisé en 2007 et n’est toujours pas revenue sur sa décision.
Cette encyclopédie comporterait une grande partie de la liste
des 77 médicaments faisant l’objet d’une “surveillance renforcée”, publiée
en 2011 par l’Afssaps dans les remous du scandale du Mediator®. En effet, les
produits dont la neurotoxicité est officiellement dans le collimateur de
l’Agence sont le Champix® (sevrage tabagique) au motif de “risque de
troubles psychiatriques et conduites suicidaires” et le Zyban® (sevrage
tabagique) pour “Risque de troubles psychiatriques, dépression, suicide” ; le
Cymbalta® (contre les troubles d’anxiété généralisés, la dépression, les
douleurs neuropathiques…), suspecté d’un “risque de trouble suicidaire” ; le
méthylphénidate (Ritaline®, Concerta® et Quasym® contre les troubles
d’hyperactivité chez les enfants de plus de 6 ans) pour “risques
neuropsychiatriques, cardiovasculaires et effet possible sur la croissance et la
maturation sexuelle” ; le Zypadhera® (épisodes maniaques, récidives de
trouble bipolaire, schizophrénie) pour “troubles neurologiques” ; le Trivastal®
(déficit pathologique cognitif et neurosensoriel chronique du sujet âgé, sauf
Alzheimer et démence) pour “risque de somnolence et d’attaque de
sommeil”) ; le Vastarel® (contre les crises d’angine de poitrine, les vertiges et
les acouphènes), notamment pour ses “risques identifiés de syndromes
parkinsoniens” ; le Valdoxan® (contre les épisodes dépressifs majeurs
caractérisés) qui peut provoquer de l’anxiété et des comportements
suicidaires… Le Stilnox® et ses génériques (somnifères) y figurent juste au
titre des risques de dépendance qu’ils entraînent, mais il faut rappeler qu’ils
peuvent entraîner de l’amnésie, de l’agressivité ou de la confusion.
L’ÉTRANGE APATHIE DES INSTITUTIONS

L’Afssaps annonçait, le 17 février 2011, la suspension du Fonzylane® et de ses


génériques (buflomédil), souvent prescrits en cardiologie et en angéiologie, et
également cités dans cette liste pour leur “toxicité cardiaque et neurologique”.
Comment accepter que les autorités aient attendu des décennies après sa mise
en vente pour l’interdire ? La revue Prescrire, au grand dam des firmes
pharmaceutiques, avait souligné en 1994 le fait que le bénéfice clinique du
buflomédil n’était pas démontré. Puis elle était revenue à la charge à plusieurs
reprises, au regard de ses effets secondaires redoutables26. Ses effets
indésirables, déjà remarqués dans les années 1990, revêtaient une gravité ne
laissant plus de place au moindre doute, depuis que, en 2005, le centre de
pharmacovigilance de Lyon, centralisant les données nationales, avait
recensé 188 notifications d’effets indésirables graves et une série
de 8 à 16 décès entre ces deux dates. En découvrant les résultats, Prescrire
avait demandé qu’on avertisse les patients et qu’on retire le produit du
marché. De son côté, en 2006, la commission de transparence de la Haute
Autorité de santé (HAS) rendait un avis sur le buflomédil estimant qu’il ne
présentait pas d’intérêt thérapeutique.
Pourquoi ce médicament est-il resté sur la liste des médicaments
remboursés encore pendant des années, et pour quelle raison n’a-t-il été
suspendu qu’en février 2011 ? Le 1er janvier 2011, la rédaction de la revue
médicale a haussé le ton, informant les médecins que l’Afssaps avait été
avertie par sa Commission nationale de pharmacovigilance de “plusieurs
dizaines de cas d’effets indésirables graves avec ce médicament, dont
plusieurs mortels” entre 2007 et 2009. Il était clair depuis longtemps que tout
retard dans la décision ne ferait qu’ajouter encore des drames. “Il faut le
retirer du marché, tonnait Prescrire. Combien de victimes faut-il encore aux
firmes concernées ou à l’Afssaps pour décider de retirer ce médicament du
marché27 ?”
Pour une fois, cette publication indépendante allait être entendue. Il est vrai
que le contexte chauffé à blanc par l’affaire du Mediator® ne laissait plus
guère la possibilité à l’agence de reculer devant un avertissement aussi
limpide. On peut espérer que les familles endeuillées et les patients touchés
qui saisiront la justice pour que des responsabilités soient établies contribuent
par leur démarche à améliorer la réactivité du système.
Les aspects financiers du dossier méritent d’être soulignés. En avril 2010, le
remboursement du médicament a été abaissé à 15 % (ce qui restait aberrant),
mais celui-ci a quand même coûté 13 millions d’euros à l’assurance maladie
obligatoire et 5 millions d’euros de ticket modérateur rien que sur
l’année 2010. Il lui a coûté beaucoup plus durant les décennies précédentes,
alors que les gouvernements n’ont cessé de se lamenter sur son déficit. On se
demande pourquoi les syndicats co-gérant la branche maladie de la Sécurité
sociale ne se sont eux-mêmes jamais montrés pugnaces contre ce genre
d’aberration et n’ont pas dénoncé le système d’autorisation qui creuse son
fameux déficit. Quant aux mutuelles qui ont remboursé l’énorme reste-à-
charge pendant la même période, elles n’ont commencé à s’en désolidariser
qu’après des décennies de paiement aveugle, assumant une dépense colossale
au détriment des cotisations de leurs assurés. S’il n’est jamais trop tard pour
bien faire, il est tout de même dommage qu’elles aient attendu des lustres pour
bouger sérieusement. Il est vrai qu’au lieu de se doter d’un pôle de contre-
expertise indépendant, comme a su le faire la revue Prescrire malgré des
ressources financières infiniment plus faibles, les mutuelles sont trop
sagement restées dans l’attente des décisions de l’agence du médicament et du
comité économique, tout en émettant sporadiquement des critiques sur le
manque d’indépendance des experts. Cette attitude paradoxale, fort coûteuse
pour elles-mêmes et l’ensemble de la collectivité, reste encore inexpliquée,
tout comme celle des assureurs en général.
On trouve aussi, parmi la liste des 77 médicaments de l’Afssaps, les vaccins
hépatite B (Genhevac®, Engerix B®, HBVaxPro®, Twinrix®, Infanrix Hexa®,
Fendrix®) pour “risque d’atteintes démyélinisantes, maladies auto-immunes et
myofasciites à macrophages”, autrement dit pour des risques d’atteintes du
système nerveux central particulièrement graves.
Tous ces éléments concourent légitimement à s’interroger sur l’impact dans
la population générale de la consommation de médicaments, devenue massive
depuis les années 1960, et dont la progression ne semble pas devoir s’arrêter.
Les études renforçant le soupçon se multiplient à un rythme de plus en plus
rapide. Il est devenu très difficile de toutes les lire, même en se concentrant
des mois entiers sur le dossier. Néanmoins, certaines nous frappent, comme
celle que la pharmacologue Danièle Bentué-Ferrer et ses confrères ont
consacrée aux causes iatrogènes des syndromes parkinsoniens, notamment
chez les patients traités en psychiatrie28. “Les schizophrènes représentent la
population la plus ciblée par le risque de développer un syndrome
parkinsonien. L’incidence de cette pathologie médicamenteuse peut atteindre
plus de 85 % dans les services de psychiatrie et 76 % chez la personne âgée de
plus de 60 ans (sous neuroleptiques)”, notent-ils. “La fréquence d’apparition
d’un syndrome parkinsonien après exposition à un neuroleptique varie
entre 15 et 60 % selon le médicament et la nosologie, les neuroleptiques retard
étant le plus souvent incriminés.”
LE TABOU DES ADJUVANTS

Alors que nous écrivons ces lignes, le journal Le Monde nous ramène
cruellement au problème des adjuvants vaccinaux. Il fait écho à une enquête
finlandaise officielle sur les enfants et adolescents de 4 à 19 ans vaccinés
contre la grippe A-HINI. L’étude conclut que le Pandemrix® (du laboratoire
GSK) multiplie par neuf le risque de faire une narcolepsie29 . Le principal
symptôme de cette maladie neurologique est de sombrer dans le sommeil à
n’importe quel moment de la journée sans pouvoir y résister. L’institut
national de la santé et du bien-être finlandais a commenté cette étude en
expliquant que sur 60 enfants et ados chez qui la maladie avait été
diagnostiquée en 2009-10, 52 avaient été vaccinés avec ce produit dans les
deux mois précédant les premiers symptômes. Le même phénomène a eu lieu
en Suède. L’Afssaps a reconnu, en avril 2011, que 25 cas de narcolepsie se
sont déclarés en France après vaccination contre la grippe A-HINI : 23 après
injection de Pandemrix® et 2 après Panenza®30.
Quels ingrédients du vaccin pourraient être responsables de cette maladie
neurologique ? Le Pandemrix® contient plusieurs ingrédients neurotoxiques :
de l’éthylmercure sous forme de thimérosal, de l’hydroxyde d’aluminium
mais aussi l’adjuvant ASO3 (composé de vitamine E et de squalène31). Le rôle
de l’ASO3 est d’amplifier considérablement la réponse immunitaire, ce qui
permet de diviser par dix la quantité d’antigènes à mettre dans le vaccin, dans
une optique de production massive, rapide et surtout plus économique. La
plupart des cas survenus en Europe ou au Canada sont consécutifs à un vaccin
contenant cet adjuvant32. L’ASO3 induirait une réponse auto-immune chez des
patients prédisposés génétiquement : les 20 000 neurones fabriquant un
neuromédiateur (orexine) impliqué dans la régulation de la veille et du
sommeil sont alors détruits33. L’atteinte est donc irréversible.
Outre-Atlantique, avant d’autoriser le Pandemrix®, la FDA avait pris soin, en
février 2009, d’auditionner longuement le représentant de la firme GSK, le Dr
Vaughn. Celui-ci brandissait alors le spectre d’une pandémie de grippe
“cataclysmique” pour caser son vaccin. Poussé dans ses retranchements, il
reconnaissait toutefois que GSK ne possédait qu’une “expérience très limitée
sur le profil de sécurité de l’ASO3”, ne l’ayant testé que sur 300 enfants34. On
peut regretter que l’Agence européenne n’ait pas fait preuve de la même
vigilance. En France, les autorités ont été jusqu’à dégager l’industrie
pharmaceutique de toute responsabilité en cas d’effets indésirables. Les
familles dont les enfants souffriront à vie de cette pathologie invalidante ne
pourront pas les attaquer.
Parmi les effets secondaires neurologiques des vaccinations figurent au
premier rang ceux liés au vaccin contre l’hépatite B, comme nous l’a rappelé,
en 2011, la liste-surprise de l’Afssaps, après des années de grande discrétion.
Les dernières données de pharmacovigilance établies par l’Agence française
couvrent la période de 1980 (début de la commercialisation des vaccins anti-
hépatite B) à 2006. Elles ont été citées par le Revhab35 lors de son audition
auprès de la Mission d’information sur le Mediator et la pharmacovigilance,
le 7 avril 2011, afin de faire comprendre aux parlementaires que d’autres cas
d’inertie de l’agence sont aussi “inexplicables”, vu le nombre attesté des
victimes. Bien que l’Inserm ait démontré une sous-déclaration importante36, le
nombre d’affections neurologiques notifiées, documentées et retenues par
l’Afssaps en lien avec le vaccin en France, reste impressionnant : 1 396 cas
d’affections démyélinisantes centrales, dont 1 174 scléroses en plaques
(53 chez des enfants de moins de 15 ans) ; 108 cas d’atteintes démyélinisantes
périphériques ; 57 cas de sclérose latérale amyotrophique, tous mortels ; et
entre 500 à 800 cas de myofasciite à macrophages (voir ci-dessous). Toutes
ces atteintes neurologiques sont pour le moins troublantes. On aimerait que les
autorités nous éclairent sur leurs causes exactes avant que l’opinion ne regarde
toutes les campagnes de vaccination avec angoisse.
Les nombreux cas de myofasciite à macrophages renforcent
considérablement le soupçon sur le rôle des adjuvants. Cette maladie peut être
qualifiée d’“émergente” puisque le premier cas a été découvert en 1993 et
qu’elle a été décrite pour la première fois en 1998 dans un article du Lancet37,
par une équipe de médecins français38. Pathologie invalidante, se déclenchant
après une vaccination, elle est une forme nouvelle de myopathie
inflammatoire caractérisée par des douleurs musculaires et articulaires, une
fatigue chronique, des céphalées, des douleurs abdominales, et même des
déficits cognitifs39. En 1999, des études du Groupe de recherche sur les
maladies musculaires acquises et dysimmunitaires (Germmad) ont mis en
évidence la présence d’inclusions de sels d’aluminium dans les macrophages,
dans la zone d’injection. Adjuvant de nombreux vaccins40, ce neurotoxique est
suspecté depuis lors d’être à l’origine de la maladie.
En 2010, l’équipe Inserm du Pr Romain Gherardi a démontré chez des
rongeurs qu’une partie des microparticules d’aluminium injectées migre
jusque dans le cerveau41. Cette migration a toujours été niée par certains
défenseurs de l’adjuvant qui interviennent dans les médias, tels que le Pr
Pierre Bégué : “L’aluminium, quand il est injecté, reste là où il est injecté42.”
Pour lui, “la polémique n’existe pas” et les “dangers annoncés ne sont ni
connus ni reconnus43”. Cet honorable académicien serait tout de même plus
convaincant s’il développait ses arguments et les publiait dans des journaux
scientifiques à comité de lecture. Tout comme Anne Castot, chef du
département de la surveillance du risque à l’Afssaps, qui considère
qu’“aujourd’hui, nous n’avons pas de preuve et d’argument solide”, tout en
rappelant que “l’Afssaps reste vigilante sur le sujet44”.
Le rôle des adjuvants dans les vaccins pose assurément un sérieux
problème, comme dans l’ensemble des médicaments d’une manière générale.
Une soixantaine de médicaments contient de l’aluminium à des doses
significatives, principalement les vaccins et les anti-acides. Plus
de 300 médicaments contiennent des fluorures. Et beaucoup contenaient du
mercure jusque dans les années 1980. Il est urgent que l’épidémiologie se
penche en toute indépendance sur leur responsabilité dans l’explosion des
affections neurologiques.
L’“EFFET COCKTAIL” DES POTIONS

On dénombre de nos jours environ 8 000 médicaments commercialisés faisant


l’objet d’une fiche dans le Vidal. Ces médicaments de marque déclinent, dans
des combinaisons variables, entre 1 000 et 1 500 substances de synthèse (c’est-
à-dire non naturelles). On peut voir dans cette floraison exponentielle de
produits pharmaceutiques le signe d’un progrès médical mais, jusqu’en 2011,
celui-ci n’a pas été accompagné par la volonté de distinguer clairement, dans
cette exubérante pharmacopée, les produits qui sont utiles, et de repérer les
effets à moyen et long terme de la surconsommation de médicaments ainsi que
les synergies avec les autres facteurs…
Les synergies neurotoxiques sont souvent importantes entre médicaments,
boissons et alimentation. Ces synergies sont aussi conditionnées en partie par
le sexe, l’âge et l’équilibre organique des personnes : des reins ou un foie
perturbés réduisent le pouvoir d’élimination des toxiques et des substances
médicamenteuses susceptibles d’interagir. De même, les agressions ayant déjà
stressé les neurones ou entraîné des lésions donnent aux neurotoxiques un plus
grand pouvoir délétère.
Malgré l’indifférence à peu près complète des autorités, la toxicologie a
identifié depuis longtemps des synergies déterminantes apportées par certains
produits alimentaires et des polluants capables de modifier l’impact des
produits pharmaceutiques. Par exemple, la contamination par le plomb (dont
celui qu’apportent les aliments les plus pollués45), les hydrocarbures
aromatiques polycycliques et les PCB freinent le métabolisme de détoxification
des médicaments. Les médicaments eux-mêmes peuvent réduire la capacité de
l’organisme à se débarrasser de substances polluantes. “Un bon nombre de
médicaments, en se liant aux protéines sériques, déterminent les conditions du
transport, de la distribution et de l’excrétion de substances toxiques, et
peuvent induire ou inhiber les enzymes détoxifiantes”, explique la chercheuse
en biomédecine, Spomenka Telisman46.
Les interactions peuvent devenir explosives, même avec des médicaments
en vente libre, comme les anti-acides contenant de l’hydroxyde d’aluminium,
que des millions de personnes avalent pour combattre les remontées acides et
les brûlures d’estomac. Ces derniers sont redoutables quand ils se mélangent à
des aliments ou des boissons apportant leur propre acidité, comme les jus de
fruits, les épinards ou la tomate, nous confie anonymement un toxicologue qui
travaille pour des firmes pharmaceutiques : “Ce surcroît d’acidité accentue la
migration de l’aluminium à travers la paroi gastro-intestinale et, in fine, son
passage dans le sang et sa progression vers le cerveau. Les taux de passage
sont très élevés, c’est inadmissible47.”
On a pu mettre en évidence, au début des années 1990, qu’un produit
apparemment aussi anodin que le jus de pamplemousse pouvait inhiber la
capacité de l’organisme à se débarrasser des médicaments. De manière
générale, les déséquilibres alimentaires constituent un fond de carence ou de
surdosage en éléments nutritifs qui rend l’organisme plus vulnérable à la
neurotoxicité. La dénutrition fragilise le système nerveux central et peut y
laisser des lésions qui le rendent très vulnérable, tout comme les tissus
adipeux (graisses) contribuent à maintenir dans le corps des substances
apportées par des médicaments ou d’autres xénobiotiques48, et les relarguent
dangereusement lors des régimes amincissants. Certains polluants dits
“obésogènes” aggravent d’ailleurs le développement des tissus adipeux,
comme les PCB, les pesticides organo-chlorés, les hydrocarbures polycycliques
et les phtalates, contribuant ainsi à la rétention des autres neurotoxiques.
Rappelons qu’un sujet à jeun absorbe 60 % des sels solubles de plomb qu’il
avale (fréquents dans les médicaments ayurvédiques49), alors que mélangés à
un bol alimentaire, ces sels ne sont plus absorbés qu’à 8 %50.
Il va de soi que le nombre de personnes consommant des psychotropes tout
en s’accordant des libertés avec les boissons alcoolisées a considérablement
grandi à partir des années 1960 et 1970. Ces décennies ont pris de plein fouet
l’explosion des sources de contamination, notamment avec l’arrivée de légions
de pesticides et de centaines de nouvelles molécules chimiques,
l’intensification de l’usage du plomb (carburants51), la multiplication des
substances médicamenteuses et des campagnes de vaccination, la pose
massive d’amalgames au mercure… Ces décennies ont également vu
progresser les cas de perturbations thyroïdiennes d’origine médicale,
l’application de plus en large de traitements anticancéreux qui sont souvent
neurotoxiques52…
Le phénobarbital, largement prescrit contre les troubles du sommeil et
comme sédatif depuis les années 1940, est un médicament barbiturique qui
ralentit l’activité du cerveau et dont on sait aujourd’hui qu’il a dû entrer dans
des synergies délétères. Sa responsabilité a été établie, dans les années 1970,
dans des cas d’hémorragies cérébrales et de retards mentaux chez les enfants
de mères traitées53. On a découvert au cours des deux décennies suivantes
qu’il était aussi à l’origine de troubles cognitifs chez des adultes ayant été
exposés in utero54. En mars 2001, la France l’a finalement interdit sauf dans le
traitement de l’épilepsie et chez les animaux.
Nous savons tous que les médicaments ne sont pas des produits anodins,
mais leur banalisation, l’habitude des prescriptions, l’automédication
familiale et les campagnes publicitaires tendent à nous le faire oublier. Mise
en place souvent dès l’enfance, l’habitude de prendre des produits
pharmaceutiques prend des proportions grandissantes en vieillissant, pour
devenir franchement ahurissante au troisième et au quatrième âge. La Haute
Autorité de santé (HAS) note qu’“au-delà de 70 ans, une personne sur deux
consomme de façon prolongée des médicaments anxiolytiques ou
hypnotiques”. La HAS rappelle par ailleurs que les femmes âgées
consommeraient “deux fois plus de psychotropes que les hommes55”. De façon
générale, on estime que les personnes âgées absorbent cinq à dix médicaments
par jour et qu’elles y laissent souvent leur santé, dont celle de leurs neurones,
alors qu’on pourrait aisément diviser ce chiffre, même chez les patients ayant
plusieurs pathologies, comme le suggère la HAS56.
Il est grand temps de se poser sérieusement la question de l’impact
neurologique du cocktail pris tout au long de la vie et de ses liens potentiels
avec les neuropathies. En fait, le problème ressemble à celui qui émerge avec
l’ensemble des expositions chimiques. L’interrogation sur l’impact des doses
multiples cumulées sur une vie et sur l’“effet cocktail” de milliers de
substances réagissant entre elles est très récente. Les études officielles sur les
synergies des substances chimiques (hors produits pharmaceutiques) datent
des années 2000-2010 et sont encore à l’aube de ce qui apparaît comme un
champ de recherche sanitaire quasi inédit. Bien que le même problème dût être
clairement posé concernant le médicament, il reste à peine formulé. La
Commission européenne qui s’est emparée du dossier de l’effet cocktail des
produits chimiques en 2006 a manifestement oublié celui des médicaments.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises à ce sujet, car le cocktail
pharmaceutique que nous avalons tout au long de notre vie revient aussi là où
personne ne l’attendait…
MÉDICAMENTS NEUROTOXIQUES AU ROBINET

L’eau, source de vie, est-elle en train de devenir un poison ? Cette question


aurait paru saugrenue il y a encore quelques années. Elle devient désormais
incontournable. La formule chimique de l’eau que nous avons tous apprise à
l’école – H2O – est devenue parfaitement introuvable en pratique. S’il fallait
écrire la composition de l’eau que nous buvons de nos jours, un tableau entier
n’y suffirait plus, car il faudrait aligner environ 3 000 molécules différentes
dont une grande partie est d’origine industrielle. Et la liste continue de
s’enrichir chaque mois de nouvelles molécules…
A eux seuls, les résidus médicamenteux que l’on y trouve imposent
d’affronter le problème. En effet, au-delà de la présence d’aluminium et
d’innombrables autres substances indésirables (chlore, fluorures, plomb,
mercure, aluminium, benzène, pesticides…), une simple gorgée d’eau prise au
robinet nous fait avaler aussi des molécules d’antidépresseurs, de
neuroleptiques, d’anxiolytiques, d’antidouleurs, d’antibiotiques, de
contraceptifs, de bêtabloquants, d’hormones, d’antiparasitaires… C’est le
résultat de notre propre consommation de médicaments et de leur excrétion
quotidienne dans les urines et les selles. S’y ajoutent les résidus
médicamenteux provenant des excrétions des animaux d’élevages intensifs.
Leur évacuation dans les eaux usées semble les éloigner de nous, mais les
stations d’épuration et les centres de traitement ne les éliminent pas
complètement, d’autant que les boues de stations d’épuration reviennent dans
nos verres puisqu’elles sont de plus en plus souvent épandues dans les champs
agricoles d’où elles rejoignent aussi les nappes phréatiques. De fait, notre
organisme n’accumule plus seulement ces molécules par le biais des
traitements que les médecins prescrivent mais, à dose continuelle, simplement
en buvant et en cuisinant avec l’eau qui coule dans nos éviers.
Le premier congrès européen sur les pathologies environnementales,
organisé par l’Union régionale des médecins libéraux (URML) en octobre 2009,
à Rouen, a attiré l’attention sur ce problème. Selon leur nature, 10 à 90 % des
composés médicamenteux sont rejetés dans les effluents, sur les terres
cultivées, et coulent en partie de nos robinets.
Les conséquences de la contamination continue des eaux de boisson par de
faibles doses de multiples médicaments sont encore peu connues. Il est
cependant légitime de s’interroger sur les effets à long terme de la
consommation quotidienne de ce cocktail invisible, sans oublier les probables
potentialisations avec celles que nous avalons volontairement et avec les
autres polluants environnementaux.
Bien que les Français soient les champions européens de la consommation
de médicaments et les recordmans mondiaux de psychotropes57, tous les pays
riches sont concernés, comme l’a rappelé l’Anses en 201158. Cette
contamination de l’eau commence à être bien documentée à l’échelle
mondiale. La Suède montre l’exemple : prenant conscience des risques
sanitaires qui pourraient affecter la population, ce pays a mis en place
depuis 2003 un système de classification des médicaments prenant en compte
leur devenir dans l’environnement. A cette fin, l’industrie pharmaceutique doit
fournir aux autorités suédoises des données précisant la persistance, le
potentiel de bioaccumulation et l’écotoxicité de leurs produits, ainsi que
l’évaluation des risques pour la population. Il serait souhaitable que ce
système serve de modèle aux autres pays.
En France, les résidus les plus fréquents sont la carbamazépine (anti-
épileptique) et l’oxazépam (anxiolytique) dont la présence est liée à l’ampleur
des prescriptions mais aussi à leur biopersistance. On y trouve aussi des
antidépresseurs, des hormones contraceptives, des produits de chimiothérapie,
du fluor, de l’aspirine… L’Afssaps et l’Anses qui ont annoncé, en
février 2011, les résultats d’une enquête détaillant cette pollution
pharmaceutique ne se sont pas réellement prononcées sur le danger. Saisies
par la Direction générale de la santé, elles confessent qu’elles en sont encore
au stade où elles “travaillent à la définition d’une méthodologie générale pour
l’évaluation de ces risques59”. Mais, en attendant, elles se veulent rassurantes
en estimant que les médicaments dans leur ensemble ne sont présents qu’à des
teneurs inférieures de mille à un million de fois par rapport à celles des
traitements, tout en reconnaissant que ces molécules présentent souvent la
particularité d’être encore biologiquement actives. L’Anses concède que “la
question des risques sanitaires liés à ces substances est en particulier posée” et
rappelle qu’“actuellement, il n’existe pas de limite de qualité pour les résidus
de médicaments dans les eaux, et les réglementations, européenne et française,
ne prévoient pas de les rechercher60”.
On sait pourtant déjà depuis des années qu’elles entraînent une réduction de
la faune aquatique et une féminisation de plusieurs espèces. Ce sont en effet
des perturbateurs endocriniens et des toxiques de la reproduction. On
soupçonne aussi les résidus d’antibiotiques d’être en partie responsables d’un
renforcement des phénomènes de résistance à ces médicaments. Un projet de
maîtrise des résidus médicamenteux dans l’eau a été lancé dans le cadre du
Plan national Santé Environnement 2 (PNSE) 2009-2013.
Qu’en est-il des interactions des nombreuses substances neurotoxiques
introduites dans l’eau et de leur synergie avec les rejets médicamenteux,
lesquels datent au moins de la période des Trente Glorieuses où la
réglementation sur les rejets pharmaceutiques des laboratoires eux-mêmes
était quasi inexistante ? En attendant de recevoir d’éventuels éclairages des
autorités sanitaires, on est en droit d’exiger que les décideurs réduisent cette
pollution en fixant, sans plus tarder, des normes de rejets industriels. Et qu’ils
revoient de fond en comble le système de gavage médicamenteux qui continue
de s’aggraver.
USTENSILES AU MERCURE

Peu de gens ont conscience de la fréquence des usages du mercure dans les
médicaments, les ustensiles médicaux et l’ensemble des produits de soin.
Nous avons déjà vu que l’amalgame dentaire comporte 50 % de mercure61,
mais on est surpris d’en découvrir aussi dans des collyres, gélules, comprimés,
sérums, poudres, pommades, herbes médicinales… On en trouve tout autant
dans les cosmétiques, comme conservateurs de fards et de crèmes
démaquillantes pour les yeux, de crèmes éclaircissantes pour la peau et de
produits de maquillage courants comme les crayons noirs pour les yeux,
certains hennés pour tatouages… Même nos amis les animaux ne sont pas
épargnés, comme le rappelait en 2011 le rapport du Programme des Nations
unies pour l’Environnement constatant la présence du mercure dans de
nombreux produits vétérinaires62.
Comme nous l’avons signalé plus haut, de nombreux vaccins contiennent
également du mercure ou des dérivés. Bien que la responsabilité de la
substance ait été évoquée dans certains accidents dus au vaccin contre
l’hépatite B et dans diverses réactions post-vaccinales, l’Afssaps n’a pas émis
d’interdiction. Toutefois, en 1999, elle a invité les laboratoires
pharmaceutiques à “remplacer le plus rapidement possible ce conservateur63”.
Le serial-killer de nos neurones se trouve même dans des ustensiles et des
appareils médicaux comme les électrodes, les tensiomètres, les sondes
gastriques… La moindre fissure de l’ustensile permet aux vapeurs
mercurielles de contaminer l’air ambiant, a fortiori s’il se casse. Dans un
“document d’orientation stratégique”, en 2005, l’OMS relève qu’“il existe
diverses études qui montrent que le matériel médical contenant du mercure
finit tôt ou tard par se briser. S’il est répandu en petites quantités sur une
surface lisse et non poreuse, le mercure métallique peut être éliminé sans
risque et sans difficulté moyennant l’utilisation d’une technique appropriée.
Toutefois, il peut arriver que des billes de mercure se logent dans des fissures
ou adhèrent aux matériaux poreux comme les tapis, les étoffes ou le bois et
soient alors extrêmement difficiles à éliminer. Lorsque du mercure a été
répandu, des traces peuvent rester sous les chaussures. Si ces souillures sont
mal nettoyées et éliminées, les patients qui sont déjà affaiblis et le personnel
soignant risquent une exposition dangereuse”. L’OMS souligne ce danger
insidieux : “Faute d’un nettoyage convenable, du mercure répandu même en
très petite quantité, par suite notamment de la rupture d’un thermomètre, peut
provoquer une contamination de l’air intérieur qui dépasse la limite
recommandée et avoir de sérieuses conséquences sur le plan sanitaire64.”
L’emploi de ces appareils est d’autant plus regrettable que les mêmes
existent sans mercure et qu’ils ne sont pas plus chers malgré leur égale
précision, notent par ailleurs les auteurs du document. Les thermomètres
traditionnels, dont il reste des millions d’exemplaires dans nos armoires à
pharmacie, ont été interdits à la vente en France en 199965. Jusqu’à cette
interdiction, on comptait en moyenne quatre à cinq millions de thermomètres
cassés chaque année dans les services hospitaliers et les maternités. Souvent,
les infirmières stockaient les débris dans des bols à l’air libre au lieu de les
jeter, afin de les comptabiliser et de grouper les commandes à renouveler, et
elles ne se souciaient pas de ramasser les gouttes de mercure glissant sous les
lits ou dans les draps.
De graves intoxications et même des décès sont liés au bris d’un
thermomètre, d’un tensiomètre ou d’un baromètre. La littérature médicale
recense des situations catastrophiques66… Hélas ! l’intoxication mercurielle
ne se présente pas souvent à l’esprit des médecins. Les symptômes peuvent les
induire en erreur en suggérant des problèmes passagers ou, dans des cas plus
graves, une “régression autistique” (perte des réflexes, prostration, irritabilité,
mauvais accès au langage…) qui débouche sur une psychiatrisation. Il est
probable que de nombreux cas sont passés ainsi par des soins complètement
inadaptés alors qu’une simple chélation aurait pu sauver le malade. Le
problème ne date pas d’hier et aurait dû conduire les autorités à imposer des
ustensiles médicaux sans mercure depuis longtemps. Il est assez significatif
qu’il ait fallu attendre 1999, en France, pour qu’on demande aux
professionnels du soin de stopper l’usage des thermomètres au mercure,
malgré des alertes très claires des années auparavant, notamment dans la
prestigieuse revue scientifique The Lancet67.
Le problème continuera à se poser tant que la population restera cantonnée
dans l’ignorance des dangers des ustensiles qui restent dans ses tiroirs et tant
que le mercure ne sera pas banni de tous les appareils susceptibles de traîner
dans des services. “On en retrouve même dans les établissements scolaires,
notamment pour les travaux pratiques de physique ou de chimie, sans que les
enseignants et les élèves aient pris conscience des précautions à prendre”,
comme nous l’explique le toxicologue André Picot qui a tenté d’alerter les
autorités à ce sujet68. Le problème se pose d’ailleurs dans tous les pays.
En 2010, une revue médicale turque signalait le drame survenu dans une
famille où une lycéenne avait rapporté un peu de mercure de l’école. Son
évaporation dans l’habitation a trouvé sa sanction dès le lendemain : sa sœur
de 14 mois en est morte, et sa mère de 36 ans a été hospitalisée en urgence69.
Les médecins qui signent l’article concluent : “L’éducation publique sur les
dangers d’empoisonnement par le mercure est d’une importance vitale pour la
santé de la communauté.”
Combien de contaminations donnant lieu à des symptômes insidieux restent
non diagnostiquées et sont traitées comme de vulgaires migraines ou des
fatigues appelant des petits remontants, voire interprétées comme des troubles
psychiatriques sans cause connue ? En effet, la recherche d’une intoxication
mercurielle, à l’instar des intoxications par des produits industriels, ne fait pas
partie des réflexes les mieux intégrés par les médecins, surtout quand le
patient ne présente que des signes cliniques atypiques, ceux qui tels la fatigue,
le mal de tête, l’irritabilité ou la dépression, peuvent être attribués à diverses
causes bien qu’ils forment précisément les symptômes de la plupart des
contaminations neurotoxiques. Il reste étonnant que la toxicologie industrielle
ne soit pas encore enseignée durant les études de médecine. Même les
médecins du travail, qui devraient être logiquement plus prompts à rechercher
les expositions aux produits toxiques manipulés dans les entreprises, les sous-
estiment souvent.
Les autorités sanitaires ne se sont toutefois jamais souciées de mettre en
garde le public, même après l’interdiction de la vente des thermomètres, alors
que d’innombrables familles en ont conservé. Dès cette époque, nous avons
demandé à plusieurs reprises au ministère de la Santé de diffuser un
avertissement pour informer le public contre ce risque et recommander les
bons gestes, mais rien n’a été fait malgré les promesses que nous avons alors
reçues70. Les autorités n’ont même pas cherché à sensibiliser les médecins à
ce problème et à la nécessité de procéder à des analyses mercurielles dans ce
type de cas. La communication officielle pour justifier l’interdiction des
thermomètres à mercure s’est même appuyée sur l’unique argument d’éviter
“la pollution de l’environnement”, évitant ainsi de créer un scandale et faisant
passer cette mesure pour une initiative purement écologique.
Stockholm, 5 juin 2010. Nous arrivons dans la capitale suédoise pour
participer aux négociations internationales du traité sur le mercure, sous
l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Nous
représentons la branche européenne de l’Alliance mondiale pour une
dentisterie sans mercure. L’enjeu est immense. Prenant enfin conscience de
l’extrême dangerosité du mercure, plus de 120 pays se sont engagés à en
interdire la plupart des usages. La source majeure d’exposition dans les pays
développés provient des amalgames dentaires. Mais l’augmentation rapide de
l’incidence des caries dans les pays en développement fait craindre que ceux-
ci ne constituent le prochain marché des plombages. Le PNUE va devoir prendre
position sur ce problème.
De nombreux lobbies industriels s’agitent pour éviter une réglementation
contraignante qui les obligerait à utiliser des techniques meilleures mais qui
rognerait leurs profits. Leurs délégations sont impressionnantes : le Conseil
international des mines et métaux, le Conservatoire international des
industries pétrolières, l’Association internationale des industries des engrais,
le Groupe international des associations nationales de fabricants de produits
agrochimiques… Présents aussi, le Conseil international des industries
chimiques et sa branche européenne sont venus pour peser de tout leur poids
en faveur des fabricants de produits vinyliques, les cimentiers Calcia et
Lafarge qui en rejettent lors de la production de ciment, et toute la filière de la
chimie… A l’œuvre aussi, des officines de lobbying comme Entreprises pour
l’environnement qui représente des multinationales concernées par le
problème du mercure : les géants de l’informatique qui en mettent dans les
lampes d’écrans plats d’ordinateurs, Veolia Environnement qui, à l’instar des
autres compagnies des eaux, n’a pas envie qu’on remette en cause les boues
d’épuration contaminées livrées aux agriculteurs… En revanche, les firmes
pharmaceutiques n’ont pas eu besoin de se déplacer : étonnamment, les
médicaments et les désinfectants encore utilisés par l’industrie
pharmaceutique ne sont pas à l’ordre du jour de ces négociations alors qu’ils
comptent pour beaucoup dans les apports de mercure. La Fédération dentaire
internationale (FDI) a sorti ses ergots. Elle ne représente pas seulement la
corporation des dentistes, contrairement à ce que croient beaucoup de
professionnels : la FDI tire des profits financiers de l’amalgame, à travers des
contrats de partenariats avec les fabricants et les vendeurs. Cette fois, elle est
vraiment inquiète : la Norvège, le Danemark et la Suède l’ont déjà banni, et
d’autres pays s’apprêtent à les imiter. Devant l’enjeu, la FDI a monté un petit
“lobby-maison”, le DATT (Dental Amalgam Task Team), composé de membres
de la FDI de tous les pays. La plupart des publications que cite le DATT sont
signées par des dentistes rémunérés par les fabricants d’amalgames. Elles
paraissent dans des revues dentaires, elles-mêmes financées par ces fabricants.
Le plus troublant est de les retrouver en priorité dans les expertises officielles,
comme celle de la Commission européenne et de son Comité scientifique des
risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) ou celle de l’Afssaps.
La FDI sait se jouer des institutions. En mars 1997, elle a organisé une
sidérante opération de lobbying qui porte encore ses fruits aujourd’hui : elle a
mis en scène une “conférence de consensus” dans les locaux de l’OMS, à
Genève. Il s’agissait en fait de onze dentistes nommés par différents pays,
dont la France, habitués à défendre les amalgames, affiliés à la FDI ou
membres de l’Association dentaire américaine. La France était représentée par
deux leaders d’opinion de la corporation, Germain Zeilig et Michel Goldberg.
Alors qu’il ne s’agissait aucunement de scientifiques ni d’ailleurs de
spécialistes de la toxicité du mercure, leur rapport concluait sans surprise que
“les amalgames ne sont pas plus dangereux que les autres matériaux dentaires,
sont sans danger et efficaces71”. En France, Germain Zeilig a aussitôt présenté
le texte comme “le rapport de l’OMS”, y compris devant les caméras de
télévision, sous le titre de “Consensus Statement on Dental Amalgam”. Le
ministre de la santé, Bernard Kouchner, l’a lui-même cité à plusieurs reprises
comme “le dernier rapport de l’OMS” pour calmer les patients. La presse
professionnelle, elle aussi, a répété l’“information rassurante” aux praticiens.
Il fallait oser. En fait, l’OMS n’a jamais validé ces conclusions ni même songé
à le faire. C’eût été comme entériner l’avis des représentants de Pernod-Ricard
pour évaluer les risques liés à l’alcool.
Nous avons découvert cette supercherie en mai 1998, en reconstituant la
manière dont le rapport avait été réalisé. Le responsable de la section bucco-
dentaire de l’OMS, le Dr G. Pakhomov, nous a confirmé dans un entretien qu’il
s’agissait d’un pur trucage : “L’OMS n’a jamais dit qu’il n’y a pas de risque
avec l’amalgame. Le Pr Zeilig semble faire la pluie et le beau temps en
France, mais il n’est absolument pas autorisé à brandir publiquement ce texte
au nom de l’OMS, alors qu’il a été rédigé par des auteurs extérieurs nommés
par leur gouvernement respectif.” Malgré cette ferme mise au point, que nous
avons rappelée sur des plateaux de télévision et dans la presse écrite, le
document a eu un glorieux avenir. En France, des ministres de la Santé
successifs et des parlementaires y ont souvent fait référence dans leur réponse
aux questions d’élus alarmés. On peut encore en trouver des extraits dans le
rapport de l’Afssaps sur le sujet, en 2005. En revanche, le véritable rapport de
l’OMS, Le mercure inorganique, qui a établi en 1991 que les amalgames
représentaient la source majeure d’exposition au mercure, est resté dans les
tiroirs. Finalement, quelques mois après la rencontre de Stockholm, où nous
avons pu défendre notre analyse auprès des instances onusiennes, nous
apprenons que le PNUE a placé l’amalgame sur la liste C, celle des produits
dont l’usage doit être arrêté. En mai 2011 le Conseil de l’Europe,
représentant 47 Etats européens, a pris clairement position de son côté contre
l’usage de l’amalgame dans une résolution adoptée à l’unanimité.

1 Les RCP sont établis sous l’autorité de l’Afssaps.


2 Pathologie iatrogène : maladie provoquée par un traitement médical.
3 Pr Gilles Géraud, et al., “Les effets indésirables neurologiques causés par les
médicaments”, in Traité EMC Neurologie, Editions Scientifiques et Médicales Elsevier
SAS, 1999.
4 Source : Observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments.
5 Roger Lenglet et Bernard Topuz, Des lobbies contre la santé, Syros et La Mutualité
Française, 1998, p. 50-51.
6 Edouard Zarifian, Mission générale concernant la prescription et l’utilisation des
médicaments psychotropes en France – CREDES, ministère de la Santé, 1996. Et
Edouard Zarifian, Le Prix du bien-être, Odile Jacob, 1996.
7 Source : Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
8 Voir aussi : Jörg Blech, Les Inventeurs de maladies – Manœuvres et manipulations de
l’industrie pharmaceutique, Actes Sud, Babel, 2008.
9 Entretien avec les auteurs, mars 2011.
10 Roger Lenglet et Bernard Topuz, Des lobbies contre la santé, op. cit.
11 Pr Gilles Géraud, et al., op. cit.
12 Les manifestations les plus spectaculaires de ce syndrome provoqué par les
médicaments perturbant les neurones sont une peau sèche qui peut paraître rouge, une
intensification de la soif, une hyperthermie, une dilatation des pupilles et un délire
hallucinatoire. Les pharmacologues le désignent aussi volontiers comme le “syndrome
d’Alice au Pays des Merveilles” : “Sec comme un os, chaud comme un lièvre, rouge
comme une betterave, fou comme un chapelier.”
13 Ibid.
14 Bulletin d’information du CAPP (Contact avis pharmaceutique et pharmacologique),
no 44, 2007.
15 Kacee M. Sink, et al., “Dual Use of Bladder Anticholinergics and Cholinesterase
Inhibitors : Long-Term Functional and Cognitive Outcomes”, Journal of the American
Geriatrics Society, vol. 56, no 5, 2008, p. 847-53. Et Agence de presse médicale
internationale, dépêche du 6 mai 2008.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 Ibid.
19 Geneviève Durrieu, et al., “Neuropathies médicamenteuses : analyse de la Banque
française de pharmacovigilance de 1995 à 2005”, La Presse Médicale, vol. 37, no 6,
cah. 1, 2008, p. 935-942.
20 Igas, Enquête sur le Mediator®, janvier 2011, p. 83.
21 En patch ou en gomme à mâcher. Bulletin d’information pharmacologique du CHU
de Toulouse, BIP31 fr 2011, 18, (1), 1-1.
22 Les Echos, 15 février 2011, p. 23.
23 Wolf O. Bechstein, “Neurotoxicity of Calcineurin Inhibitors, Impact and Clinical
Management”, Transplant International, vol. 13, 2000, p. 313-326.
24 Prescrire, no 316, p. 115.
25 Prescrire, no 315, p. 19-20.
26 “Troubles neuropsychiques par surdosage en buflomédil chez des insuffisants
rénaux”, Prescrire, vol. 21, no 222, 2001, p. 758.
27 “Buflomédil : encore trop d’accidents cardiaques et neurologiques mortels”,
Prescrire, vol. 31, no 327, 2011, p. 21.
28 Danièle Bentué-Ferrer, et al., “Syndromes parkinsoniens secondaires : causes
iatrogènes”, in Les Syndromes parkinsoniens atypiques et secondaires, sous la direction
de François Tison, Masson, 2006.
29 Le Monde, 4 février 2011.
30 Onze concernent les moins de 16 ans.
31 Lipide présent en grande quantité dans l’huile de foie de requin. L’homme en
produit aussi naturellement.
32 Yves Dauvilliers, et al., “Post-HINI Narcolepsy-Cataplexy”, Sleep, vol. 133, no 11,
novembre 2010, p. 1428-1430.
33 Personnes du groupe HLA DQB1*0602.
34 Cité par l’excellent site Pharmacritique. www.20minutes-blogs.fr
35 Réseau vaccin hépatite B : association de défense des victimes d’effets secondaires
graves et irréversibles du vaccin anti-hépatite B créée en 1997.
36 Dominique Costagliola, Etude capture-recapture sur les 449 cas de sep survenus en
post-vaccinal entre le 4 octobre 1984 et le 31 décembre 1998, Inserm SC4 et Afssaps.
37 Romain Gherardi, et al., “Macrophagic Myofascis : an Emerging Entity”, Groupe
d’études et de recherche sur les maladies musculaires acquises et dysimmunitaires
(Germmad) et de l’Association française contre les myopathies (AFM), The Lancet, vol.
352, no 91, août 1998, p. 347-352.
38 Fondateurs du Groupe de recherche sur les maladies musculaires acquises et
dysimmunitaires (Germmad). Notamment le Pr Patrick Chérin de l’hôpital de la
Salpêtrière, président du Germmad, et le Pr Romain Gherardi de l’hôpital Henri-
Mondor.
39 Maryline Couette, et al., “Long-Term Persistence of Vaccine-Derived Aluminum
Hydroxide is Associated with Chronic Cognitive Dysfunction”, Journal of Inorganic
Biochemistry, vol. 103, no 11, novembre 2009, p. 1571-1578.
40 Principaux vaccins contenant de l’aluminium : vaccins contre les hépatites A et B
(vaccins Hevac B Pasteur®, Genhevac B Pasteur®, Engerix B20 adulte®,
Recombivax®, Havrix®, Twinrix adulte®, vaccin Twinrix enfant®), Tetavax®, vaccin
tétanique Pasteur® (retiré), vaccin D T. Pasteur®, vaccin D TC P. Pasteur®, D T. Vax®, D
T. Coq®, Tetracoq 05®, Vaxicoq®, Revaxis®…
41 Pr Romain Gherardi, “Biopersistence and Biodistribution of Particules Injected into
Muscles : Application to Vaccine Alum Safety”, Congrès international sur la sécurité
des vaccins, Montego Bay, 3-7 janvier 2011.
42 Marion Sauveur, “Vaccins : l’aluminium est-il nocif ?”, 13 octobre 2010,
www.europe1.fr
43 Interview dans Topsante.com du 11 octobre 2010.
44 Marion Sauveur, op. cit.
45 Voir index : plomb.
46 Spomenka Telisman, “Les effets de l’âge, du sexe et d’autres facteurs”, in
Encyclopédie de sécurité et de santé au travail, Jeanne Mager Stellman, Bureau
international du travail, 2000.
47 Entretien avec les auteurs, avril 2011.
48 Substances étrangères à l’organisme.
49 Employés dans la pharmacopée traditionnelle indienne à base d’herbes médicinales.
50 Spomenka Telisman, Encyclopédie de sécurité et de santé au travail, op. cit.,
fiche 33.19.
51 Le tétraéthyle de plomb, additif ajouté à l’essence comme anti-détonnant, n’a été
interdit dans l’Union européenne qu’en 2001.
52 Par exemple, la vincristine et la cisplatine donnent lieu à des neuropathies
s’aggravant longtemps après l’arrêt des traitements et laissant régulièrement des
séquelles invalidantes. Les anticancéreux plus récents ont généralement une
neurotoxicité beaucoup plus légère et considérée comme réversible.
53 Journal of Pediatrics, vol. 95, 1979, p. 361-365.
54 The Journal of the American Medical Association, vol. 274, 1995, p. 1518-1525.
55 Haute Autorité de santé, “Améliorer la prescription des psychotropes chez les
personnes âgées”, 2011.
56 El Semman Ousseid, et al., “Etude des événements iatrogènes médicamenteux dans
une population de patients âgés poly-pathologiques”, Revue de Gériatrie, vol. 36,
janvier-février 2011.
57 Les Français consomment en moyenne 1 500 comprimés par habitant chaque année.
58 Anses, Campagne nationale d’occurrence des résidus de médicaments dans les eaux
destinées à la consommation humaine. Ressources en eaux brutes et eaux traitées,
rapport du 19 janvier 2011.
59 Anses, communiqué du 10 février 2011 à l’occasion de la sortie du rapport
Campagne nationale d’occurrence des résidus de médicaments dans les eaux destinées
à la consommation, ibid.
60 Ibid.
61 UNEP, Toolkit for Identification and Quantification of Mercury Releases, Reference
Report Revised Inventory Level 2 Report, Including Description of Mercury, Source
Characteristics, version 1.1, janvier 2011, p. 206.
62 Ibid.
63 Dépêche AFP, juillet 1999.
64 “Document d’orientation stratégique”, OMS, Département de santé publique et
environnement, eau assainissement et santé, 2005.
65 Vente interdite par arrêté du 24 décembre 1998 applicable à partir du 1er mars 1999.
Mais ces thermomètres restent encore autorisés dans d’autres pays.
66 C. Bonhomme, et al., “Investigation d’une intoxication au mercure”, BEH,
28 mars 1995 ; S. Cloarec, et al., “Hypertension artérielle due à un empoisonnement
mercuriel : importance du captopril dans le diagnostic”, Archives de pédiatrie, vol. 2,
no 1, janvier 1995, p. 43-46 ; F. Mansotte, et al., “Investigation d’une intoxication au
mercure en Seine-Martime”, BEH, 6 avril 1999.
67 Karl Ernst von Mühlendahl, “Intoxication from Mercury Spilled on Carpets”, The
Lancet, vol. 22-29, no 336, décembre 1990, p. 1578.
68 Entretien avec les auteurs, mai 2011. Le Sénat a abordé ce problème dans le rapport
Risques chimiques au quotidien : éthers de glycol et polluants de l’air intérieur. Quelle
expertise pour notre santé ?, tome 2, juin 2006, rapporteure Marie-Christine Blandin,
éditions du Sénat.
69 Sezgin Sarikaya, et al., “Acute Mercury Poisoning : a Case Report”, BMC
Emergency Medicine, vol. 10, no 7, mars 2010.
70 Archives personnelles.
71 “WHO”, Consensus Statement on Dental Amalgam, 1997.
VI
FAIRE DE L’ARGENT
AVEC LES CERVEAUX MALADES

Le 18 mai 2011, la foudre tombe sur le paisible petit monde des prescripteurs
de médicaments anti-Alzheimer : la Haute Autorité de santé (HAS) crée la
surprise en annonçant le retrait de sa recommandation qui incitait les
médecins à prescrire ces médicaments. Les conséquences attendues sont
colossales : c’est la Haute Autorité qui, depuis sa création en 2004, fixe les
bonnes pratiques de prescription et qui demande leur remboursement par
l’assurance maladie. Que s’est-il donc passé ?
Si la puissante HAS a décidé de retirer sa recommandation sur les
traitements Alzheimer, c’est parce qu’elle était dans le collimateur du Conseil
d’Etat, suite à une procédure menée par la modeste association de médecins
Formindep1. Cette dernière a assorti son action judiciaire d’une demande
d’astreinte de 15 000 euros par jour de retard. Du jamais vu pour une
institution de ce niveau.
Dans le communiqué de presse qui accompagne sa décision, la HAS rappelle
non sans embarras que “l’affaire Mediator a marqué un tournant dans le
paysage sanitaire français et impose à tous de renforcer les efforts de
transparence et de gestion des conflits d’intérêts”. C’est précisément parce que
la HAS a été mise en cause sur ce point qu’elle est revenue sur sa
recommandation. Elle ne respectait pas les principes qu’elle avait elle-même
édictés, explique le Formindep. Ce dernier n’hésite pas à parler de
“recommandations sous haute influence industrielle”. Il révèle qu’on prescrit
dans notre pays jusqu’à six fois plus de médicaments anti-Alzheimer qu’à
l’étranger. Ceci s’explique d’autant plus mal que leur efficacité est très
contestée.
Après avoir rappelé que seule “l’impartialité des experts constitue une
garantie du caractère scientifique des recommandations”, l’association
dénonce les conflits d’intérêts des experts qui les ont formulées : “Certains de
ces experts entretenaient des liens d’intérêts majeurs avec les laboratoires qui
commercialisent les produits faisant l’objet de cette recommandation2.” Ainsi,
le médecin qui a présidé le groupe de travail de la HAS sur la maladie
d’Alzheimer, le Dr Florence Pasquier, a reconnu des liens financiers avec
plusieurs fabricants de médicaments anti-Alzheimer. La HAS n’a donc pas
respecté ses propres règles qui stipulent de ne pas confier la présidence des
groupes de travail à “une personne ayant un conflit majeur d’intérêt3”.
Ces relations incestueuses ne seraient pas rares au sein de la Haute Autorité.
Le Formindep a décidé de focaliser ses attaques sur deux recommandations :
outre celle relative à la maladie d’Alzheimer, il dénonce ses recommandations
portant sur le traitement du diabète de type 2. Mais il semble que beaucoup
d’autres pourraient être révisées. En attendant, la HAS a annoncé la mise en
chantier de nouvelles recommandations après l’été, une fois la réévaluation
des médicaments anti-Alzheimer effectuée par la Commission de la
transparence en juillet 2011.

Les médicaments anti-Alzheimer

Depuis que la tacrine (Cognex®) a été retirée du marché en 2004 du fait de


sa grande toxicité hépatique4, les firmes l’ont remplacée par quatre
nouveaux médicaments. Trois d’entre eux inhibent l’activité de
l’acétylcholinestérase, enzyme dégradant l’acétylcholine,
neurotransmetteur cérébral impliqué dans les processus d’apprentissage et
de mémoire. Il s’agit du donépézil (la molécule de référence), de la
rivastigmine et de la galantamine, respectivement commercialisés sous les
noms d’Aricept® (laboratoires Eisai-Pfizer), d’Exelon® (Novartis) et de
Réminyl® (Janssen).
Le quatrième médicament, la mémantine, bloque les récepteurs du
glutamate. Ce neuromédiateur excitateur permet l’acquisition de nouvelles
informations, mais chez les malades Alzheimer, le glutamate se trouve en
trop grande quantité et devient alors toxique. Synthétisée et brevetée par
Eli Lilly, la mémantine est commercialisée en Europe par Lundbeck sous
la marque Ebixa®.
DES EXPERTS INFLUENTS

Les conflits d’intérêts permettent-ils d’expliquer l’étonnante autorisation


délivrée à des médicaments dont le rapport coût/efficacité apparaît
catastrophique à de nombreux experts, en particulier à la revue Prescrire ?
Même les syndicats de médecins généralistes, MG France et Union
généraliste, qui n’ont pas l’habitude de critiquer les firmes pharmaceutiques,
se mettent à dénoncer le remboursement par la Sécurité sociale de
“traitements inefficaces, voire dangereux, contre la maladie d’Alzheimer”. Le
président de MG France, le Dr Claude Leicher, considère que “tous les essais
cliniques ont démontré que les médicaments anti-Alzheimer n’amélioraient
pas de façon significative l’état de santé des patients5”. Pour expliquer la
persistance de la prescription de ces traitements, le Dr Claude Bronneur,
coprésident de l’Union généraliste, évoque “les conflits d’intérêts entre les
spécialistes qui prescrivent ces produits et les laboratoires pharmaceutiques.
Les médicaments anti-Alzheimer sont relativement chers, alors les
laboratoires se donnent les moyens d’encourager les médecins à les
prescrire6”. De fait, le remboursement des médicaments anti-Alzheimer a
coûté en 2009 plus de 262 millions d’euros selon l’Assurance maladie
(l’Union généraliste avance même la somme de 400 millions d’euros par an).
Comment est-ce possible ?
DES MÉDICAMENTS ANTI-ALZHEIMER TRÈS
CONTESTÉS

Jusqu’en 2006, rien ne semblait pouvoir déranger les laboratoires


confortablement assis sur les centaines de millions d’euros par an accumulés
grâce aux quatre produits. Mais en janvier de cette année-là, l’agence
gouvernementale britannique de surveillance des médicaments, le Nice
(National Institute for Clinical Excellence), a jeté un gros pavé dans la mare7.
Son responsable, Andrew Dillon, enjoignait son gouvernement à refuser le
remboursement des médicaments anti-Alzheimer, car de nouvelles études
venaient de confirmer leur piètre efficacité8. Les firmes pharmaceutiques
portaient aussitôt l’affaire devant la justice britannique, qui confirmait
l’évaluation de l’agence.
En France, la position du Nice a provoqué des réactions outrées parmi les
experts craignant de voir les autorités françaises suivre l’exemple britannique.
Leur principal porte-voix, Bruno Dubois9, neurologue à La Salpêtrière et
directeur scientifique de France Alzheimer, estimait que dérembourser ces
médicaments serait un “fantastique recul”. Sa plaidoirie a contourné la
question de leur efficacité : “Ces médicaments ont eu un impact considérable
pour médicaliser l’Alzheimer. Jusque-là, il n’y avait pas de démarche
médicale, pas de filière de prise en charge des malades et des familles. La
question que pose brutalement le Nice, c’est à partir de quand va-t-on laisser
quelqu’un mourir de sa maladie ? Si on va vers le déremboursement, le risque
est de détricoter tous les réseaux mis en place autour des malades.” Ces
arguments ont été repris par d’innombrables médecins et observateurs
convaincus que, même si ces médicaments ne sont pas bons, il faut continuer à
les rembourser et les prescrire. Faut-il comprendre que sans l’argent qui va
aux firmes pharmaceutiques, il n’est pas possible d’avoir une démarche
médicale et de mettre en place une filière de prise en charge des malades ? Et
pour ne pas “détricoter les réseaux”, faut-il continuer à prescrire aux malades
des médicaments inefficaces et aux effets secondaires parfois gravissimes ?
Le Pr Bruno Dubois a reçu pour ses divers travaux médicaux des
rémunérations de plusieurs firmes : Eisai, Servier, Novartis et Rhône-
Poulenc10. Le rappel réglementaire de ses conflits d’intérêts à la fin d’une
publication internationale, en avril 2011, nous apprend qu’il est toujours
consultant d’Eisai (qui commercialise, avec Pfizer Aricept®, le médicament
vedette de la maladie d’Alzheimer), d’Affiris (qui développe avec GSK un
vaccin contre la maladie d’Alzheimer) et de Pierre Fabre (qui s’implique dans
la recherche sur la maladie d’Alzheimer11). Il est par ailleurs membre du
bureau scientifique chez Eli Lilly (qui fabrique la mémantine), Bristol-Meyers
Squibb (qui développe plusieurs molécules sur la maladie), Roche, Pfizer et
GE Healthcare (qui développe des tests de diagnostic précoce de la maladie).
La note précise qu’il reçoit aussi des fonds pour son institution de la part de
Novartis, Roche et Eisai. Bien sûr, tout cela est très légal et ne permet
aucunement de contester l’honnêteté et les grandes compétences de cet
éminent professeur. Mais ce type de liens est de nature à pouvoir influencer
(ou paraître influencer) l’avis de ceux qui en bénéficient, et c’est précisément
pourquoi leur déclaration est désormais obligatoire pour tout médecin qui
diffuse auprès des médias des informations d’ordre médical ou qui participe
aux expertises de l’Afssaps. De l’avis de tous les observateurs non rémunérés
par l’industrie pharmaceutique, il est aussi nécessaire que la loi évolue et que
les agences se dotent d’experts sans liens d’intérêt.
L’efficacité des médicaments anti-Alzheimer est contestée depuis des
années. Déjà en 2003, la Cour des comptes jugeait “onéreux” et “d’intérêt
limité” l’usage de ces médicaments. L’équipe de la revue Prescrire a tenté
d’alerter régulièrement les médecins et les autorités sur l’inefficacité des
traitements12. En 2005, une équipe allemande analysait les 22 essais cliniques
ayant évalué les trois médicaments inhibiteurs de l’acétylcholinestérase sur le
marché (le donézépil, la rivastigmine et la galantamine). Les chercheurs
concluaient : “En raison de ces lacunes méthodologiques et du peu d’efficacité
clinique, on doit s’interroger sur les recommandations d’utilisation des
anticholinestérasiques dans la maladie d’Alzheimer13.”
Nous avons vu que de nombreux médicaments peuvent entraîner des dégâts
parmi nos neurones induisant des dégradations de la mémoire et des
syndromes parkinsoniens, et que les traitements chimiques de la maladie de
Parkinson n’étaient pas dénués d’effets indésirables graves14. Qu’en est-il de
la dangerosité des médicaments anti-Alzheimer ? Sont-ils aussi anodins que la
HAS l’affirme ? Les effets indésirables des trois médicaments
anticholinestérasiques et de la mémantine sont bien documentés depuis des
années15. Les effets secondaires de la mémantine sont surtout neurologiques :
hallucinations, vertiges, céphalées, fatigue, confusion et parfois convulsions16.
Mais ce médicament peut aussi entraîner une bradycardie (ralentissement du
rythme cardiaque17). Les anticholinestérasiques peuvent induire une foule
d’effets indésirables. En 2005, l’équipe allemande que nous avons citée en
recensait une partie dans le British Medical Journal18, et la revue Prescrire
faisait le point sur le sujet dès 200619. Parmi les troubles très fréquemment
rencontrés au cours des traitements (plus de 10 % des patients), on note les
nausées, la perte de poids, l’anorexie, les maux de ventre, les céphalées et les
vertiges, la somnolence… Les troubles fréquents (entre 1 et 10 % des patients)
sont l’agitation, la confusion, les hallucinations, l’agressivité, la dépression,
les tremblements, la fatigue, les chutes et blessures, l’incontinence et les
infections urinaires… Enfin, les effets indésirables peu fréquents (entre 1 % et
un pour mille) comptent des troubles cardiovasculaires éventuellement
mortels (bradycardie, infarctus du myocarde, fibrillation auriculaire, accident
cérébrovasculaire, blocs auriculoventriculaires…), des hémorragies gastro-
intestinales, une rupture de l’œsophage, des convulsions, etc. Ces
médicaments exposent aussi à une déshydratation, notamment en cas de
canicule.
Concernant la galantamine (Reminyl®), non seulement le traitement ne
retarde pas la survenue de la maladie chez les patients atteints de troubles
cognitifs légers (donc à haut risque de maladie d’Alzheimer), mais surtout le
taux de mortalité est quatre à cinq fois plus élevé chez les patients traités que
chez les témoins sans médication20. Pourtant, les firmes pharmaceutiques
semblent fortement désireuses de multiplier leurs consommateurs en
élargissant les traitements à l’immense vivier des personnes considérées
comme “pré-Alzheimer”. Un groupe d’experts, emmenés par le Pr Bruno
Dubois, propose une redéfinition de la maladie qui permet de poser un
diagnostic très précoce de la maladie d’Alzheimer grâce à l’utilisation de
biomarqueurs. Il suffira alors que les patients présentent des troubles
épisodiques de la mémoire et au moins un biomarqueur positif (visible par IRM
ou par analyse du liquide céphalorachidien) pour qu’on puisse leur proposer le
traitement : le nombre de patients sous médication devrait donc rapidement
exploser.
Au-delà des nombreux effets indésirables des quatre médicaments anti-
Alzheimer se pose le problème des multiples interactions médicamenteuses
auxquelles sont exposés les patients. On sait que près de six malades
d’Alzheimer sur dix sont polymédiqués (plus de cinq médicaments leur sont
prescrits). L’association d’un anticholestinérasique avec un atropinique
(atropine et scopolamine ; médicaments de l’incontinence urinaire, résultant
souvent du traitement anti-Alzheimer ; certains antiparkinsoniens,
antispasmodiques et antitussifs…) est fréquente : elle concerne environ un
tiers des patients. Elle est pourtant illogique, car les effets
anticholestinérasiques s’opposent aux effets atropiniques. Cette association
aggrave fortement la perte cognitive des malades et induit des troubles du
comportement et des problèmes psychiatriques (hallucinations, agitation,
irritabilité, délire, attaques de panique, état confusionnel…). L’ajout d’un
ralentisseur du rythme cardiaque (bradycardisants : bétabloquants ou
inhibiteurs calciques) peut induire des troubles du rythme et de la conduction
cardiaque, et entraîner des syncopes. D’autres interactions exposent à des
effets indésirables parfois très graves, mais leur sous-notification apparaît très
probable à l’équipe de la revue Prescrire.
La plus problématique est sans conteste l’association avec des
neuroleptiques. Plus du tiers des médicaments consommés par les malades
sont, en sus des traitements visant la maladie d’Alzheimer, des neuroleptiques,
des anxiolytiques, des hypnotiques ou des antidépresseurs. Parmi les
événements indésirables observés chez ces patients, le quart consiste en des
affections du système nerveux (syndrome extrapyramidal, parkinsonisme
médicamenteux, somnolence, hypersomnie, vertiges) et des affections
psychiatriques (angoisse, cauchemars, troubles du comportement,
hallucinations, agitation21). Le problème atteint de telles proportions que la
HAS a lancé un “programme AMI” (Alerte maîtrise iatrogénie) dans le cadre du
Plan Alzheimer 2008-2012. Les malades Alzheimer français sont en moyenne
cinq à sept fois plus traités par des neuroleptiques que la population du même
âge. Or, selon les données de la HAS, les conséquences sont dramatiques : au
bout de quelques semaines de traitement, on déplore 10 décès et 18 accidents
vasculaires cérébraux pour 1 000 patients traités.
À QUI PROFITENT LES MÉDICAMENTS ANTI-
ALZHEIMER ?

Les atteintes cérébrales ont ouvert un marché prodigieux aux firmes


pharmaceutiques : 4,3 milliards de dollars de ventes en 2009 pour la seule
prescription de médicaments anti-Alzheimer. En 2010, elles s’efforçaient
d’étendre leur gamme de produits – les quatre médicaments – aux dizaines de
millions de malades dans le monde, sachant que ce chiffre était promis à une
progression quasi exponentielle puisque les projections prévoient un
doublement tous les vingt ans22. Elles misent dorénavant sur les 65,7 millions
de personnes qui devraient consommer leur palette de médicaments en 2020,
et sur les 115,4 millions de cas en 205023. La précision des chiffres est
effrayante, mais l’industrie du soin y voit au contraire un motif de
réjouissance : les dividendes des actionnaires sont assurés de battre des
records, même en temps de crise. “Je rappelle quand même un chiffre : les
Anglais ont montré que 1 livre investie dans la recherche en neurologie, ça
rapporte 0,39 livre par an, et ça, à perpétuité !”, soulignait André Syrota, le
directeur général de l’Inserm (organisme public), devant les patrons de
l’industrie pharmaceutique, au colloque Innovation en santé,
le 10 décembre 2009. Il n’y a pas beaucoup de placements qui ravissent autant
les investisseurs. Un rapport de 39 %, c’est même supérieur à ce que
permettent d’engranger les médicaments contre les maladies cardiovasculaires
qui rapportent pourtant des intérêts de 37 % par an. Le directeur de l’Inserm
ajoutait : “Et dans le cadre du plan de relance américain, les National
Institutes of Health (NIH24) qui n’avaient jamais que 30 milliards de dollars
annuels ont reçu 10 milliards supplémentaires…”
Quelques mois plus tôt, le 5 juin 2009, André Syrota et Nicolas Sarkozy
avaient invité les dirigeants des firmes pharmaceutiques au palais de l’Elysée.
Le président de la République tenait à leur présenter la fine fleur de la
recherche en neurosciences travaillant pour des organismes publics (Inserm,
CNRS, CHU…) : “Je voulais que vous rencontriez de grands médecins, de grands
chercheurs français tous prêts à travailler avec vous ! J’ai voulu associer à
cette journée les cinq acteurs majeurs de l’industrie pharmaceutique française,
européenne et mondiale qui forment le G5 : Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi-
Aventis et Servier.” Les chercheurs avaient déjà compris qu’ils devaient
désormais accepter de définir des axes de recherche en concertation avec les
industriels et passer des contrats avec eux. Nicolas Sarkozy était en verve : “Il
nous fallait nous réorganiser ! Nous réformer en profondeur. Restructurer
notre recherche publique, qui compte tant de talents et dont les potentialités
sont très grandes. Il a fallu professionnaliser nos structures de valorisation. Il
faut le faire encore. Il faut apprendre à mieux coopérer avec la recherche
privée…”
En deux ans, depuis son élection le 6 mai 2007, le nouveau président de la
République n’a pas chômé pour jeter les bases de cette alliance, comme il le
rappelait lui-même aux invités lors du raout élyséen organisé sous le titre un
peu pompeux de “1ères Rencontres internationales de la recherche en
neurosciences” : “J’ai annoncé le 1er février 2008 le lancement du Plan
Alzheimer français : 1,6 milliard d’euros sur cinq ans. Le Plan prévoit la
création d’une Fondation de coopération scientifique à laquelle plusieurs
entreprises du G5 et du LIR25 se sont immédiatement associées. C’est pour
parler des maladies du système nerveux, et notamment d’Alzheimer, que vous
êtes réunis. C’est un défi politique, sociétal, économique, sanitaire sans
précédent. Nous voulions vous faire connaître les meilleures équipes de
recherche françaises dans le domaine des neurosciences. Nous voulions vous
faire connaître les plateformes nationales, comme Neurospin, MIRCen et
l’Institut du cerveau et de la moelle. Nous voulions vous faire connaître le
Crédit impôt recherche. Savez-vous qu’en France, maintenant, il y a le
système fiscal le plus attractif au monde ? Mais, en plus du plaisir qui est le
mien de vous accueillir, je dois vous dire que j’ai aujourd’hui un autre motif
de satisfaction… Vous êtes conviés, non plus par l’un des multiples
organismes ou agences qui composaient le paysage atomisé de la recherche
biomédicale française il y a de cela, chère Valérie26, moins de deux ans. Non,
vous êtes conviés aujourd’hui à l’initiative de l’Inserm et d’André Syrota, son
président, par l’Alliance des sciences du vivant et de la santé27. L’Alliance
fédère désormais tous les acteurs publics de la recherche biomédicale
française, Inserm, le CNRS, le CEA, l’Inra et l’Institut Pasteur.”
Cette restructuration a été dessinée par Elias Zerhouni, un radiologue
distingué qui, après avoir été consultant de Ronald Reagan à la Maison-
Blanche, a dirigé les National Institutes of Health (NIH) aux Etats-Unis,
de 2002 à 2008, à la demande de George W. Bush. Il a toujours été favorable
au rapprochement de la recherche publique et privée. Sous sa direction, les NIH
ont surtout investi dans la recherche génétique. En septembre 2008, le New
York Times saluait son départ imminent en le présentant comme le
“gestionnaire de la stagnation budgétaire qui a réduit la recherche partout dans
les Etats et démoralisé les scientifiques28”. Les Américains se rappelaient
aussi qu’il avait dû, suite à des investigations lancées par le Congrès des Etats-
Unis, interdire aux scientifiques des NIH de se mettre en situation de conflit
d’intérêt en arrêtant d’être consultants pour les entreprises pharmaceutiques et
de matériel médical. Aujourd’hui président de la recherche et du
développement de Sanofi-Aventis dans le monde, élu membre de l’Académie
française de médecine en 2010 et bénéficiaire de la Chaire d’innovation
technologique Liliane Bettencourt du Collège de France (chaire créée
en 2007), Elias Zerhouni dirige par ailleurs l’université des sciences et
technologies du roi Abdallah (Kaust), en Arabie Saoudite, et il possède de
nombreux brevets dans les domaines de l’imagerie médicale, dont l’IRM. Un
secteur très intéressé par les diagnostics des affections du système nerveux
central. Nicolas Sarkozy lui a décerné la Légion d’honneur en 2008 et ne se
cache pas d’avoir appliqué toutes les propositions qu’Elias Zerhouni a réunies
dans le rapport qu’il lui a remis la même année29.
Le collectif français Indépendance des Chercheurs a fait savoir peu après, à
l’occasion des manifestations nationales des scientifiques contre cette
réforme, qu’il redoutait que les conflits d’intérêts se multiplient dans les
milieux de la recherche à la faveur de ces rapprochements30. Il citait
également une annexe du Conseil scientifique du CNRS soupçonnant que ce
rapport ait été “rédigé directement sous les ordres de l’Elysée31”.
En fait, l’Elysée s’était lui-même tenu au plus près des grandes lignes du
Plan Innovation tracées par le Leem, le syndicat qui regroupe les géants de
l’industrie pharmaceutique. Le Leem a mis ce Plan dans les mains de Nicolas
Sarkozy et de ses ministres dès le lendemain de l’élection présidentielle
de 2007. Les conseillers dont Nicolas Sarkozy s’est entouré dès le
17 mai 2007, en tête desquels le Pr Arnold Munnich, ont aussi joué un rôle clé
dans la mise en place de ce nouveau dispositif. On ne peut qu’être frappé par
les proximités d’Elias Zerhouni et d’Arnold Munnich. Tous deux militent pour
une recherche publique articulée aux projets des acteurs privés. Tous deux
voient d’un bon œil l’immixtion des grandes entreprises dans les programmes
des universités. Tous deux ont accordé la priorité des investissements à la
recherche génétique32. Tous deux font partie de l’élite biomédicale la plus
influente que l’industrie peut regarder avec les yeux de Chimène. Tous deux
ont l’habitude de travailler dans des équipes qui déposent de nombreux brevets
qui concernent l’industrie du soin et du diagnostic33. Tous deux ont su se faire
apprécier des chefs d’Etat et mis leurs compétences au service de leur
politique très libérale. Tous deux désespèrent les scientifiques convaincus que
le métier de chercheur n’est pas le même que celui d’entrepreneur. Tous deux
siègent dans les académies, etc. Bien entendu, leur honnêteté n’est pas en
cause, et leurs liens d’intérêts avec certains secteurs de la recherche et de
l’industrie ne signifient pas que leur jugement en soit automatiquement
influencé. Mais cela n’écarte pas la question du conflit d’intérêts qui, comme
le rappelle le rapport Sauvé remis au président de la République
le 26 janvier 2011, commandé par Nicolas Sarkozy lui-même, ne dépend pas
de la moralité de la personne concernée : “Un conflit d’intérêts est une
situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé
d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt,
par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant
de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial
et objectif de ses fonctions34.” Ce rapport, qui a fait tousser de nombreuses
personnalités, indique clairement que sont concernés, entre autres, ceux “dont
les missions ont trait aux questions économiques et financières, qu’il s’agisse
des cabinets des membres du gouvernement ou des conseillers de la présidence
de la République35”.
UNE RECHERCHE AFFAIRISTE

Il n’est pas interdit non plus de s’interroger sur l’instrumentalisation de la


recherche publique dorénavant permise aux industriels et sur la destination
finale de l’argent de la collectivité alloué aux projets. On peut se demander si
tout cela ne favorisera pas l’affairisme plutôt que la protection de la santé
publique. Concernant la maladie d’Alzheimer, aucun responsable politique
n’ose poser la question de l’opportunité réelle d’investir des milliards d’euros
dans un domaine pharmaceutique qui ne fait que maintenir l’attrait des
spéculateurs pour des firmes alors que l’espoir de concevoir un médicament
sérieux est mis en doute par de nombreux spécialistes. Ces milliards ne
pourraient-ils pas être utilisés pour une prévention qui, actuellement, reste
quasi inexistante, ou pour mettre en place des actions contre les causes les plus
facilement évitables ? Il est frappant que, dans son discours à l’adresse des
chercheurs et des dirigeants d’entreprise réunis sur le problème des maladies
neurologiques, Nicolas Sarkozy n’ait pas prononcé une seule fois le mot
prévention. Mais qui aurait pu avoir envie de l’éclairer sur le sujet parmi ses
conseillers ? Il n’est même pas sûr qu’un seul ait eu la culture toxicologique et
épidémiologique pour le faire.
En 2010, le président de la République recevait à nouveau les dirigeants des
laboratoires pharmaceutiques lors des 2es Rencontres internationales de la
recherche biomédicale. Nicolas Sarkozy les accueillait avec chaleur : “Je suis
très heureux de vous retrouver, un an – jour pour jour – après notre dernière
rencontre. J’ai tenu à recevoir, ensemble, les patrons de la recherche et du
développement des laboratoires internationaux de recherche pharmaceutique,
et ceux du Leem qui regroupe les entreprises du secteur pharmaceutique
opérant en France. Nous étions convenus, vous vous en souvenez, de faire le
point au bout d’un an. Vous, pour me dire ce que vous aviez fait. Moi, pour
vous dire où nous en sommes. Pour vous convaincre que la France change. Et
pour vous inviter à porter sur cette France un regard nouveau. La recherche en
santé est la première priorité de notre recherche. Les industries de santé sont
un axe majeur de la compétitivité de la France. La France est le premier
producteur de médicaments de l’Union européenne. L’industrie
pharmaceutique se situe au second rang des dépenses intérieures de R & D des
entreprises de notre pays. L’an passé, c’était pour parler des maladies du
système nerveux que nous étions réunis. Cette réunion a été, je le sais, un
succès. Sept partenariats sont en cours d’élaboration. Un accord de
coopération scientifique ambitieux entre l’Alliance des sciences de la vie et de
la santé et Sanofi-Aventis a été signé. Douze essais ont été lancés dont un essai
clinique de dimension internationale mené par Roche et dirigé par le Pr Bruno
Dubois. Deux autres contrats, également signés par Roche, concernent le
diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer…” A nouveau, le mot
prévention était oublié.
L’industrie pharmaceutique vit donc des jours heureux. Ses gros
actionnaires et ses dirigeants (qui sont souvent les mêmes) se frottent les
mains à proportion du volume de médicaments vendus et tout particulièrement
de l’optimisation des courbes de ventes des traitements lourds pour les
prochaines années, c’est-à-dire du nombre de malades en affection longue
durée. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’ils rêvent de voir s’accroître
encore le nombre de victimes, ce qui serait d’un cynisme difficilement
imaginable. Nul ne peut douter de leur affliction en voyant l’explosion des
maladies cérébrales, malgré l’enrichissement miraculeux qu’elle génère. Pour
autant, il ne leur vient pas à l’idée de menacer leurs bénéfices en évoquant les
causes évitables de la maladie pour que le gouvernement agisse à la source. Ce
n’est pas de l’industrie pharmaceutique qu’il faut attendre cette démarche qui
ferait disparaître ses clients, pas plus d’ailleurs que de la recherche qu’elle
finance, quand bien même ses collaborateurs sont de plus en souvent des
équipes de chercheurs appartenant à la sphère publique financée par l’Etat. Il
en va de même des chaînes de maisons de retraite médicalisées et de
l’ensemble de la filière qui prospère sur ce type de maladies. C’est aux
décideurs politiques et administratifs d’imposer un programme de prévention
qui, de fait, réduira le cortège des malades, même s’il doit faire baisser les
quantités de médicaments vendus et déprimer les investisseurs qui ont choisi
de placer leurs fonds dans les groupes proposant des assurances santé et des
structures de prise en charge, tels que Médéric36, Orpea, Korian, DVD (Domus
Vi et Dolcéa), Colisée Patrimoine Group, ACPPA…
Or, nos décideurs politiques ne semblent pas du tout prêts à développer cette
démarche. Tout au contraire, on les voit soutenir les investissements privés et
imposer une orientation des missions de services publics vers le secteur privé
dans tous les domaines de la recherche et du soin, favorisant le processus
actuel se greffant sur la pandémie au lieu de l’enrayer. Certes, il est important
d’accompagner médicalement les malades, mais il est tout aussi urgent
d’éviter leur multiplication.
Ainsi, les conseillers en santé les plus proches du gouvernement sont de
farouches partisans de la recherche génétique qui permet de multiplier les
brevets, autrement dit de susciter la commercialisation de médicaments ou de
biotechnologies lucratives. Nicolas Sarkozy lui-même a choisi comme
principal conseiller un généticien dont l’équipe de recherche possède moult
brevets, Arnold Munnich. Ce fervent défenseur de la privatisation de la
recherche, malgré ses innombrables diplômes et distinctions, semble négliger
les montagnes d’études mettant en valeur le rôle des facteurs
environnementaux et l’intérêt de promouvoir au plus vite les axes de cette
recherche. Les politiques attendent-ils que les entreprises aient trouvé
comment transformer la prévention en argent pour enfin la soutenir ?
D’ailleurs, non contents de faire de l’argent avec des maladies du cerveau
qu’ils ne guérissent pas, les laboratoires s’efforcent d’étendre la
consommation de médicaments neuropsychiatriques à l’ensemble de la
population. Comme nous l’avons vu, le disease mongering “pathologise” des
troubles naturels bénins et des problèmes sociaux. Une autre voie de cette
médicalisation consiste à faire croire à un maximum de personnes que la
population qui se croit mentalement indemne souffre à son insu des prémices
de maladies graves, ou qu’elle est condamnée à en souffrir un jour. L’exemple
de la “maladie bipolaire” mérite à cet égard un commentaire incisif. Nous
avons assisté, dans des hôpitaux psychiatriques, à Paris et en province, à des
conférences animées par des internes devant des salles combles où les
médecins hospitaliers affirmaient systématiquement qu’une “immense partie
de la population souffre de maladie bipolaire sans le savoir” et qu’il était
“criminel de ne pas leur prescrire de médicaments pour prévenir l’aggravation
de leur état”. On pouvait aussi les entendre soutenir avec le même aplomb que
“la créativité et la maladie bipolaire ont des liens proches”, que “les artistes
les plus célèbres et les grands hommes sont en général des malades bipolaires
traversant de façon tout à fait typique des états excessifs de tristesse alternant
avec de grands moments de joie ou d’exaltation…” Et de citer tous les grands
noms de l’histoire de la musique, de la peinture et de la littérature, sans
oublier les grands chefs militaires et politiques, les P.-D.G. célèbres… Le
premier effet de cette fresque édifiante était, pour les personnes réunies (les
patients, leurs proches et les curieux), d’y trouver le signe qu’ils appartenaient
sans doute à leur façon à la cohorte des génies.
Sur quelles bases ces médecins psychiatres s’appuyaient-ils pour convaincre
leur auditoire ? La classification de la maladie dans le DSM-V, l’ouvrage de
référence de la majorité des psychiatres, et des photocopies de textes rédigés
par des firmes pharmaceutiques pour promotionner leurs médicaments37…
Si les maladies du cerveau enrichissent ceux qui en ont fait un marché, elles
représentent en revanche une tragédie pour les malades et leurs proches,
auxquels s’ajoute le coût ruineux pour la collectivité. Ce poids budgétaire ne
dérange pas les multinationales de l’assurance, bien au contraire : ils voient
dans l’assurance maladie obligatoire un concurrent qui, s’il disparaissait ou
s’ouvrait au privé, leur permettrait de décupler leurs bénéfices. Les
employeurs en général y voient une charge dont ils aimeraient pouvoir se
passer. Plus le déficit s’aggrave, plus il devient un argument pour remettre en
question le système solidaire de la Sécurité sociale38.
En France, le paradoxe est que les firmes vendant les médicaments anti-
Alzheimer profitent de la solvabilité assurée par la Sécurité sociale (entre 262
et 400 millions d’euros39) tout en contribuant à la mettre en péril. En Europe,
le coût total de la maladie d’Alzheimer (et syndromes apparentés) était de
160,3 milliards d’euros en 2008. Il se situe maintenant
entre 160 et 200 milliards d’euros (soit près de 1,5 % du produit intérieur brut
de l’Union européenne), dont 45 % en coûts directs, 55 % en coûts indirects40.
Le coût annuel moyen par personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est de
l’ordre de 22 194 euros, dont 9 925 euros en coûts directs et 12 270 euros en
coûts indirects41.
A l’échelle européenne, le coût global de la prise en charge des maladies du
cerveau est de l’ordre de 390 milliards d’euros par an, dont 55 milliards
d’euros pour la seule maladie d’Alzheimer42. Pour la collectivité, s’y ajoutent
les frais non calculés qui sont liés aux effets secondaires (problèmes
psychiques et hépatiques) et le remboursement des soins hors médicaments :
consultations, soins à domicile, maisons de retraite médicalisées… La dépense
n’est pas seulement scandaleuse, elle est criminelle car elle prive les autres
priorités de santé publique de l’argent qui permettrait de sauver des vies.
Surtout, n’allez pas décevoir les investisseurs en leur annonçant que les
causes de la maladie sont identifiées et que les citoyens parviendront peut-être
à convaincre les politiques de s’attaquer sérieusement à ces cofacteurs.
D’ailleurs, ils ne voudront pas vous croire. Cette perspective ne fait pas partie
de leurs plans, et l’engouement général qui s’est emparé du secteur interdit de
songer à un tel cauchemar. La remarque ferait l’effet d’une parole déplacée et,
au mieux, l’objet d’une pichenette ironique, comme nous l’avons souvent
entendu dans les congrès très consensuels, y compris à bord du Train
Alzheimer où nous avons troublé la fête. Personne n’a envie d’entendre parler
de prévention, et encore moins des véritables causes. Pour protéger ce tabou,
le mot d’ordre le plus souvent répété est : “La maladie d’Alzheimer n’a pas de
causes connues hormis le vieillissement de la population.” Quant aux espoirs
de guérison, ils sont entièrement placés dans le génie génétique et les
médicaments…
Cette concorde générale autour de la puissante logique spéculative des
multinationales du soin n’a pas la vertu de répondre aux besoins de traitement
des malades et encore moins à la nécessité de la prévention. Enregistrer des
dividendes fabuleux sur le marché de ces maladies ne se traduit pas par une
amélioration de l’état de la population. Bien au contraire, engouffrant l’argent
public de la recherche, du soin et de l’accompagnement, tous ceux qui
s’enrichissent avec ce “secteur formidablement porteur” ne font qu’enliser
notre société face au fléau. Pis : en accentuant la marchandisation des
maladies du cerveau et en siphonnant le budget national, ils anémient encore
plus la prévention qui pourrait faire reculer le commerce des produits
délétères.
Il serait bien sûr injuste d’attribuer aux seules impulsions de Nicolas
Sarkozy le piège dans lequel nous sommes tombés. Les orientations ont été
prises depuis longtemps, même si ce dernier se vante d’avoir amplifié et
accéléré le mouvement. Ses relations étroites avec les dirigeants des grands
groupes privés intervenant dans le secteur de la santé et sa sympathie pour les
thèses généticiennes outrancières attribuant plus volontiers les problèmes aux
gènes qu’au parcours de vie ne l’aident sans doute pas à regarder la richesse
des études scientifiques. Certains observateurs en santé considèrent même
qu’il ne jouit pas de la liberté de jugement critique qui devrait être la sienne.
Eléna Pasca, fondatrice de Pharmacritique, un site internet qui a acquis une
réputation internationale pour la qualité de ses analyses, considère qu’il n’est
pas le mieux placé pour définir une bonne politique de santé publique : “Lui-
même ancien avocat d’affaires de Jacques Servier, il a décoré ce dernier de la
grande croix de la Légion d’honneur en juillet 2009. Dans le discours qu’il a
prononcé à cette occasion, tout à la gloire de ce modèle à suivre par toute
entreprise française, il a rappelé qu’il considérait que la législation était trop
contraignante pour les affaires et l’administration trop tatillonne avec les
fleurons de l’industrie pharmaceutique française, dont les médicaments
seraient tellement contrôlés que c’en était dissuasif pour la bonne marche de
l’économie… Le Mediator, trop contrôlé ? Les Américains n’en ont pas voulu,
ils n’ont pas non plus homologué l’Acomplia de Sanofi, qui a dû être retiré, et
bien d’autres spécificités de la florissante industrie pharmaceutique française.
Non seulement le droit des affaires n’a rien de contraignant mais, à l’inverse
d’autres pays, la France manque cruellement de lois permettant de dissuader
comme de réprimer les abus des industriels, les produits défectueux, les
manquements à la loi sur la publicité, etc. Les Etats-Unis ont (entre autres) le
False Claims Act et même la loi RICO, édictée pour lutter contre la mafia, pour
punir les abus de l’industrie pharmaceutique ; il existe aussi une législation
permettant de protéger les lanceurs d’alerte. Rien de tel en France. Nous
avons… des chartes de bonne conduite, volontaires et non contraignantes.
Autrement dit, tout comme les médecins, les firmes s’autorégulent. Et on est
priés de les croire sur parole… C’est un signe patent de faillite des puissances
publiques, qui sont la seule instance régulatrice légitime43.”
L’orientation de la recherche sur les maladies neurologiques est la même
que celle sur le cancer, comme nous le signale la spécialiste des risques
industriels Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche honoraire à
l’Inserm : “Tout est orienté sur la thérapeutique et la génétique, qui alimentent
les laboratoires, ainsi que sur l’imagerie médicale, jamais sur la prévention.
On contraint les chercheurs à s’enfermer sur la recherche des prédispositions
génétiques. Pendant ce temps-là, l’exposition aux cancérogènes est
complètement ignorée. Elle dérange, les décideurs ne veulent pas qu’on s’y
intéresse44.”
LES PEURS BIEN CHOISIES DU MINISTÈRE DE LA
SANTÉ

Parallèlement à l’invasion des affections neurologiques, une série de scandales


sanitaires a mis en exergue de nouvelles maladies neurodégénératives touchant
tout particulièrement les enfants et les adolescents au cours des dernières
décennies. Des pathologies dont l’émergence est clairement liée à des dérives
effarantes de l’offre de soins et des produits de santé, qu’ils soient
synthétiques ou fabriqués à partir de prélèvements organiques.
L’affaire de l’hormone de croissance contaminée a attiré l’attention
générale sur la maladie de Creuzfeldt-Jakob (MCJ), maladie neurodégénérative
irréversible, et sur les dysfonctionnements du système sanitaire lui-même. La
dérive de France-Hypophyse qui, pour accroître ses bénéfices, collectait les
hypophyses sur des cerveaux de cadavres sans appliquer des règles de sécurité
pourtant impératives et la désinvolture à peine croyable de l’Institut Pasteur
qui en extrayait l’hormone sans réaliser la stérilisation nécessaire, sont
apparues singulièrement proches des pratiques de la transfusion sanguine
française qui avaient conduit au scandale du sang contaminé, notamment par
des prélèvements sans contrôle dans les prisons. Les deux affaires sont entrées
en résonance avec la faillite des contrôles sanitaires et les embarras des
autorités dans la fameuse affaire de la “vache folle” et de la transmission à
l’homme d’une variante de la MCJ, en 1996. L’alimentation des bovins avec
des farines animales obtenues à partir de collectes de carcasses infectées et
traitées à moindre coût avait, une nouvelle fois, révélé les risques insensés que
prennent les autorités quand elles abandonnent l’évaluation et la gestion des
risques aux acteurs privés (industriels, lobbyistes, affairistes, leaders
d’opinion du monde médical…). Ces scandales dont les principales victimes
ont été des enfants avaient pour dénominateur commun la recherche effrénée
du profit par des responsables ayant insidieusement substitué une entreprise
commerciale au service public de collecte.
Ces dossiers portés à la une des médias ont permis de découvrir que les
autorités sanitaires avaient tout bonnement laissé ces milieux fortunés jouer
avec notre santé, et que cette désinvolture s’était soldée par des centaines de
morts. En France, l’affaire de l’hormone de croissance s’est conclue
(provisoirement hélas !) par 120 décès constatés, soit plus de la moitié des cas
dans le monde. En Europe, celle de la “vache folle” a officiellement
fait 273 morts, la France ayant été le deuxième pays le plus touché
avec 25 décès (soit environ 10 % des décès à l’échelle européenne) après le
Royaume-Uni (170 décès).
Des observateurs estimèrent que l’on avait inutilement créé une “psychose”
à propos du bœuf. Ils faisaient peu de cas de l’ampleur qu’aurait pu prendre,
sans la pression de l’opinion publique, la contamination de la chaîne
alimentaire des viandes par la protéine prion, l’agent neurotoxique alors
inconnu qui avait profité des mauvaises pratiques industrielles pour prospérer.
Au cours de la même année 1996, l’éclatement du scandale de l’amiante a
aggravé la fracture entre l’opinion publique et les responsables politiques et
industriels. Pour le moins, il confirmait leur capacité à laisser se perpétrer de
véritables massacres tout en déléguant la gestion des dossiers à des cercles
d’initiés et aux industriels eux-mêmes. L’affaire a montré jusqu’à quels
sacrifices de vies humaines pouvaient aller ces derniers simplement pour ne
pas nuire à des marchés. Ce fut aussi l’occasion de s’apercevoir qu’ils ne
manquaient pas de relais actifs au sein même du monde scientifique et
médical pour présenter la situation sous un angle favorable aux industries.
Après un siècle de mensonges et de dissimulation, on reconnaissait enfin
officiellement que les fibres d’amiante étaient à l’origine d’une hécatombe
depuis un siècle, que celle-ci progressait encore dans l’Hexagone
avec 2 000 morts chaque année par cancer broncho-pulmonaire et
mésothéliome (cancer de la plèvre). Le lanceur d’alerte Henri Pézerat
avertissait d’ailleurs qu’on passerait rapidement à 3 000 morts par an et plus,
ce qui s’est avéré45.
Les ministères de la Santé et du Travail négligeaient encore de rappeler la
capacité des fibres les plus fines de voyager vers d’autres organes comme le
larynx, l’intestin, les ovaires, les reins, le cœur, le foie, la rate, les glandes
surrénales, le pancréas, la prostate, la thyroïde et… le cerveau46. Les études
mettant en valeur cette pérégrination jusqu’à nos neurones ont pourtant
commencé de paraître dès les années 198047. La confirmation a été apportée
que des tumeurs du cerveau pouvaient être retrouvées chez “ceux qui ont reçu
une forte accumulation d’amiante dans les yeux et le système respiratoire
supérieur (nez, larynx, trachée48…)”. Les fibres ne sont d’ailleurs pas les
seules à voyager. La migration des cellules malignes depuis la plèvre ou
directement du nez aux tissus cérébraux y provoque ce que les scientifiques
ont convenu d’appeler un “mésothéliome du cerveau49”.
En 1997, la série infernale allait continuer avec une autre affaire : celle du
vaccin anti-hépatite B contenant de l’aluminium et du mercure, substances
adjuvantes souvent utilisées par l’industrie pharmaceutique dans les vaccins et
d’autres médicaments malgré leur neurotoxicité connue depuis longtemps.
Devant la multiplication de scléroses en plaques et les observations de
neurologues constatant la proximité de la vaccination et l’apparition de la
maladie, le ministère de la Santé acceptait d’indemniser les professionnels de
santé victimes du vaccin, soit 123 personnes. Il se limitait aux personnels
soignants au motif qu’eux étaient obligés de se faire vacciner. Il évitait, par
ailleurs, de dénoncer les produits, c’est-à-dire de mettre sur la sellette les
industriels et les experts qui avaient autorisé leur commercialisation. Mais de
nombreux spécialistes critiquèrent la campagne de vaccination, voyant dans sa
généralisation à l’ensemble de la population un abus inadmissible, qui plus est
appuyé par des messages publicitaires trompeurs. Pour ces derniers, une
vaccination ciblée sur les groupes à risque aurait limité les inconvénients
sanitaires et la dépense publique.
Au cours des années suivantes, les procès intentés par des victimes ont
confirmé l’imputation au vaccin hépatite B d’effets secondaires neurologiques
et l’obligation de dédommager des plaignants. Malgré les recours
systématiques devant les juridictions supérieures, les décisions de justice ont
été maintenues par la Cour de cassation et par le Conseil d’Etat. En 2008,
Marie-Odile Bertella-Geffroy, juge du pôle judiciaire de santé publique,
ouvrait une nouvelle étape : après dix ans d’instruction, de perquisitions,
d’expertises et la constitution de 27 parties civiles (des familles endeuillées et
des victimes souffrant d’effets neurologiques attribués au vaccin), elle mettait
en examen des dirigeants des firmes SmithKline Beecham et de Pasteur
Mérieux MSD pour “tromperie sur les contrôles, les risques et les qualités
substantielles d’un produit ayant eu pour conséquence de le rendre dangereux
pour la santé de l’homme”. La firme Pasteur Mérieux était en outre mise en
examen, en tant que personne morale, pour “homicide involontaire” suite à la
mort de Nathalie Desainquentin, à 28 ans, d’une sclérose en plaques contractée
peu après l’injection du vaccin50.
A l’automne de la même année, une étude française dirigée par le professeur
Marc Tardieu (hôpital Kremlin-Bicêtre, AP-HP) consolidait les accusations en
révélant un risque accru, chez l’enfant, de premier événement démyélinisant et
de sclérose en plaques après l’injection du vaccin Engerix B. Publiées par
Neurology, les conclusions de l’équipe du Pr Tardieu étaient immédiatement
contestées par les services du ministère de la Santé, tout particulièrement par
le Comité technique des vaccinations. Pour son président Daniel Floret, “si on
torture les chiffres, on finit toujours par les faire parler51”. Et la Direction
générale de la santé (DGS) faisait savoir qu’elle suivrait l’avis du Haut conseil
de santé publique (HCSP) recommandant un maintien de la politique vaccinale
anti-hépatite B chez l’enfant. Le directeur de la DGS, Didier Houssin, annonçait
qu’un groupe d’épidémiologistes se penchait sur cette étude et que son compte
rendu serait examiné par la commission de pharmacovigilance de l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Malgré les dénégations des autorités, une jeune femme atteinte de sclérose
en plaques après avoir été vaccinée contre l’hépatite B portait plainte et
obtenait, en juin 2009, la condamnation du laboratoire GlaxoSmithKline, jugé
responsable par le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) des conséquences
résultant de la défectuosité du vaccin Engerix B, à lui verser près
de 400 000 euros. Le jugement, quinze ans après le lancement de la
vaccination, était suivi avec attention par d’autres malades, plus
de 1 500 patients signalés aux autorités comme victimes d’effets secondaires
graves de la vaccination, dont la majeure partie a été atteinte par une sclérose
en plaques. On dénombrait aussi des cas de sclérose latérale amyotrophique,
de fibromyalgie52 et d’affections auto-immunes, comme la polyarthrite. Des
centaines de plaintes étaient en cours d’instruction. En décembre 2010, les
députés se mobilisaient pour “réparer l’injustice faite aux sapeurs-pompiers
ayant développé une grave maladie (sclérose en plaques ou autres maladies
auto-immunes) à la suite d’une vaccination contre l’hépatite B effectuée dans
le but d’accéder à cette fonction53”…
Devant les tribunaux, les autorités faisaient cause commune avec les firmes
pharmaceutiques produisant les vaccins, dans la continuité de leur attitude de
soutien actif aux campagnes de vaccination massives. Elles allèrent jusqu’à les
appuyer pour nier les liens entre les produits et les affections neurologiques
apparues après leur administration. Les victimes abandonnées à leur sort n’ont
eu que le soutien de la justice pour se défendre, sans même recevoir celui de la
communauté médicale, elle-même prompte à se réfugier derrière les doutes
émis par les experts de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé (Afssaps) et ceux de l’industrie.
Le 8 février 2011, dans la foulée du scandale du Mediator, les vaccins anti-
hépatite B (Engerix B®, Genhevac®, Twinrix® enfant et adulte, HBVaxPro®,
Infanrix Hexa® et Fendrix®) ont été placés discrètement “sous surveillance
renforcée” par l’Afssaps, du fait de “risque d’atteintes démyélinisantes,
maladies auto-immunes et myofasciites à macrophages54”. L’Agence semble
enfin reconnaître le lien entre les vaccins contre l’hépatite B, SEP et
myofasciite à macrophages, mais précise que l’examen des données est en
cours.
Entre-temps, d’autres scandales mettaient en cause des médicaments
inutiles et dangereux. Des médicaments trop vite autorisés par les experts et
trop longtemps maintenus sur le marché malgré leurs effets délétères
connus… Le Staltor® et le Cholstat®, retirés du marché en 2001 après avoir
tué 52 patients. Le Vioxx, commercialisé jusqu’en septembre 2004 alors qu’il
avait déjà fait des dizaines de milliers de morts aux Etats-Unis et en Europe.
Le Mediator, responsable de nombreuses complications cardiaques et à
l’origine de 500 à 2 000 décès en France… Pour ne parler que de ceux-là, car il
en existe beaucoup d’autres, comme nous l’avons vu, tout particulièrement des
médicaments qui, malgré leurs effets neurotoxiques graves et leurs usages
aberrants, restent commercialisés et massivement prescrits. A ces différentes
occasions, l’opinion publique entendait à nouveau parler des experts des
agences du médicament qui, en France et en Europe, avaient dans leur
immense majorité des liens d’intérêt avec les laboratoires pharmaceutiques
sous la forme de participations financières, de contrats de travail ou de
subventions.
Lors du scandale de la vaccination massive contre le virus de la grippe A-
HINI, outrancièrement promotionnée par la ministre de la Santé Roselyne
Bachelot en 2010, il est apparu que le Groupe d’expertise et d’information sur
la grippe (Geig), régulièrement consulté par le ministère et se présentant
comme une structure indépendante, était “financé à 100 % par cinq
laboratoires pharmaceutiques qui produisent des vaccins contre la grippe55”.
Le public a découvert à cette occasion que les conseillers qui composaient ce
groupe avaient eux-mêmes des liens d’intérêts avec les firmes. En particulier
son directeur général, Bertrand Verwee, par ailleurs directeur marketing du
département vaccin de Sanofi-Pasteur-MSD. Le Pr Bruno Lina, qui avait
accompagné Roselyne Bachelot pour lancer la campagne de vaccination
devant la presse en déclarant qu’il était “très important de se faire vacciner”,
vaut que nous lui prêtions attention, car c’est l’un des conseillers directs dont
la tête porte tant de casquettes qu’on ne distingue plus au nom de quels
intérêts il intervient : professeur de médecine au CHU de Lyon, en même temps
expert auprès du ministère de la Santé pour le risque pandémique, membre du
comité de lutte contre la grippe (organisme officiel rattaché au même
ministère), conseiller de Margaret Chan, la directrice de l’OMS pour le risque
pandémique, collaborateur des laboratoires Roche, Sanofi, GSK, Bio-
Mérieux… et accessoirement inventeur de brevets56 à vocation vaccinale et
commerciale.
Roselyne Bachelot, après être passée en mars 2010 sous les “fourches
caudines” et néanmoins très émoussées d’une commission d’information de
l’Assemblée nationale plus courtoise que véritablement curieuse, a dû se
soumettre aux questions nettement plus mordantes des sénateurs. Alors que les
députés s’étaient contentés de l’auditionner dans le cadre d’une commission
d’information, elle affrontait cette fois une commission d’enquête. La
différence n’est pas négligeable : en principe, devant une commission
d’enquête, les réponses des personnalités interrogées les engagent
juridiquement. Autrement dit, elles ne peuvent plus “botter en touche” ou
mentir sans risquer de devoir en répondre devant la justice. Le sujet de cette
commission sénatoriale était : “Le rôle des firmes pharmaceutiques dans la
gestion par le gouvernement de la grippe HINI”. Formulation sans ambiguïté
annonçant des questions sur l’indépendance de ses conseillers vis-à-vis de
l’industrie pharmaceutique.
François Autain (Parti de gauche), qui partageait la présidence de la
commission avec Alain Milon (UMP), l’a d’ailleurs interrogée à ce sujet dès
qu’elle a prêté serment de “dire toute la vérité, rien que la vérité”. Le sénateur
s’est montré très ferme : “Dans ce domaine, le ministre de la Santé doit
montrer l’exemple. Malheureusement, je suis obligé de constater que ce n’est
pas toujours le cas. Alors vous me permettrez de poser une première question :
y a-t-il des membres de votre cabinet qui ont ou qui ont eu des liens d’intérêts
avec l’industrie pharmaceutique dans un passé récent, c’est-à-dire au cours des
derniers cinq ans ? La réponse est rapide, c’est oui ou c’est non.” Hésitante,
Roselyne Bachelot a gagné du temps : “Puis-je vous faire porter cette réponse
par écrit ? Les membres de mon cabinet sont quand même un certain nombre
et il faut que je radiographie leur CV, je ne l’ai pas en tête complètement…”
Nous avons contacté le Sénat pour savoir si la ministre avait bien envoyé sa
réponse. Mais si nous avons pu vérifier que le secrétariat de la commission
d’enquête a bien reçu son courrier, il n’est pas autorisé à en communiquer le
contenu. Dès lors que Roselyne Bachelot n’a pas donné de réponse immédiate
lors de l’audition, l’information a pris “un caractère non public”. Voilà qui est
bien dommage.
Il était difficile de lui refuser ce délai, mais on peut s’étonner de la formule
“je ne l’ai pas en tête complètement…” Ne pas se souvenir de tous ne
l’empêchait pas de répondre, car le sénateur François Autain ne lui demandait
pas d’être exhaustive, mais simplement de dire si “des membres” avaient des
liens. Et il était alors connu que c’était bel et bien le cas. Ce que n’a pas
manqué de rappeler le sénateur, citant l’exemple des “membres du comité
technique de vaccination dont nous avons appris les liens d’intérêts, après que
la presse a publié des articles, fin novembre 2009, alors que, encore une fois,
la loi vous imposait de le faire bien avant. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?”
L’homme a franchi le seuil de l’accusation : “Autre indice qui montre que
vous ne vous précipitez pas pour appliquer la législation sur l’indépendance de
l’expertise, les membres du comité de lutte contre la grippe, que vous avez
créé par décret en 2008, sont tenus, conformément à l’article L. 1421-3-1 du
Code de la santé publique, de déclarer leurs liens directs et indirects. Vous les
ont-ils adressés au moment de leur nomination ? Sinon, leur en avez-vous fait
la demande ? Pourquoi ne les avez-vous pas rendus publics dès 2008 comme la
loi vous l’impose ? Voilà une question qui mérite une réponse un peu plus
argumentée et plus complète que celle que vous venez de faire à l’instant.”
Cette fois, la ministre a laissé percer son trouble : “Si la loi existe, elle doit
être appliquée et je serai… je suis extrêmement ferme sur le sujet.” Didier
Houssin, le directeur général de la santé qui l’accompagnait, lui souffla un mot
dans l’oreille, et elle se reprit aussitôt : “La déclaration a été faite il y a
plusieurs mois.” Elle aurait pu ajouter que c’était très précisément au
lendemain des premières enquêtes de la presse.
Un peu plus tard, François Autain pointait l’évolution récente de la
définition communiquée aux médecins des symptômes permettant d’identifier
les cas de grippe A-HINI : “Cette définition a été considérablement élargie aux
termes d’une nouvelle rédaction permettant de considérer comme atteinte de
cette grippe toute personne ayant le nez qui coule, des courbatures et 38 degrés
de fièvre. De mauvais esprits pourraient relever la coïncidence entre cette
définition modifiée et les recommandations élargissant aussi les indications de
prescription de l’oseltamivir [vendu sous la marque Tamiflu®], pour en
conclure que le but recherché était de faciliter l’écoulement de stocks en voie
de péremption.”

1 Association pour une formation médicale indépendante.


2 Philippe Masquelier, “HAS et conflits d’intérêts : le Formindep saisit le Conseil
d’Etat”, 18 mars 2009. www.formindep.org
3 Jeanne Lenzer, “Doctors’Group Files Legal Charges against Nine French Doctors”,
British Medical Journal, vol. 338 b, 2009, p. 2347.
4 Voir chapitre III.
5 Marie Conquy, “Alzheimer : 260 millions d’euros par an pour des médicaments
inutiles”, France Soir, 7 février 2011.
6 Ibid.
7 National Institute for Health and Clinical Excellence, Donepezil, Galantamine,
Rivastigmine (Review) and Memantine for the Treatment of Alzheimer’s Disease
(Amended), novembre 2006.
8 Il s’agit des études Sign 2006, Nice 2006 et des méta-analyses Cochrane 2006. Par
exemple : C. Loy et Schneider, “Galantamine for Alzheimer’s Disease and Mild
Cognitive Impairment”, Cochrane Database of Systematic Reviews, vol. 25, no 1 :
CD001747, janvier 2006.
9 Bruno Dubois est professeur à la faculté de médecine Pitié-Salpêtrière où il est
responsable du Centre des maladies cognitives et comportementales, de l’Institut de la
mémoire et de la maladie d’Alzheimer (IM2A) et de l’équipe Inserm Cognition,
imagerie et maladies du cerveau. Il est par ailleurs coordinateur du Centre mémoire de
ressources et de recherche (CMRR) de la région Ile-de-France et président du Comité
scientifique de l’Association France Alzheimer et de l’Ifrad (International Fund Raising
for Alzheimer’s Disease, voir chapitre III). Il est de plus président du groupe de
réflexion sur les évaluations cognitives (Greco), expert à l’Afssaps et membre de
l’European Alzheimer’s Disease Consortium (EADC).
10 Afssaps – Déclarations publiques d’intérêts des rapporteurs auprès de la commission
de la transparence pour les années 1999, 2000 et 2001 (art. R. 163- 17 du Code de la
Sécurité sociale).
11 Marilyn S. Albert, Steven T. DeKosky, Dennis Dickson, Bruno Dubois, et al., “The
Diagnosis of Mild Cognitive Impairment Due to Alzheimer’s Disease :
Recommendations from the National Institute on Aging and Alzheimer’s Association
Workgroup”, Alzheimer’s & Dementia, avril 2011, p. 1-10.
12 Articles parus dans la revue Prescrire en 1998 : “Donépézil, un intérêt modeste dans
la maladie d’Alzheimer” ; en 1999 : “Rivastigmine, pas mieux que le donépézil” ;
en 2004 : “Donépézil au long cours : pas d’intérêt dans la maladie d’Alzheimer” ;
en 2003 : “Mémantine – Ebixa. Une évaluation médiocre et un intérêt incertain dans la
maladie d’Alzheimer” ; en 2006 : “Rivastigmine (Exelon). Démence et maladie de
Parkinson : non merci !”
13 H. Kaduszkiewicz, et al., “Cholinesterase Inhibitors for Patients with Alzheimer’s
Disease : Systematic Review of Randomised Clinical Trials”, British Medical Journal,
vol. 331, 2005, p. 321-327.
14 Voir chapitre IV.
15 “Les médicaments de la maladie d’Alzheimer. Efficacité modeste, effets indésirables
parfois graves, voire mortels, nombreuses interactions médicamenteuses”, Prescrire, 1er
juillet 2008.
16 “Maladie d’Alzheimer : gare aux interactions avec les anticholinestérasiques”,
Prescrire, vol. 26, no 269, février 2006, p. 111-115.
17 A. Gallini, et al., “Does Memantine Induce Bradycardia ? A Study in the French
PharmacoVigilance Database”, Pharmaco-epidemiology and Drug Safety, vol. 17, no 9,
septembre 2008, p. 877-881.
18 H. Kaduszkiewicz, et al., op. cit.
19 Prescrire, février 2006, op. cit.
20 Janssen-Cilag, “Reminyl®1 (Galantamine bromhydrate). Informations importantes
sur la sécurité d’emploi liées aux résultats finaux d’études cliniques menées dans les
troubles cognitifs légers (MCI)”, 21 octobre 2005.
21 Haleh Bagheri, “Prévalence des effets indésirables médicamenteux chez les patients
atteints de la maladie d’Alzheimer : études PEIMA”, Bulletin d’informations sur le
médicament du service de pharmacologie clinique du CHU de Toulouse, vol. 1, no 18,
2011, p. 9.
22 “Alzheimer’s Drug Market to More than Triple to $13.3 Billion in 2019 in Top
Seven Markets, Fuelled by New Biologic Agents”, The Pharma Letter,
10 septembre 2010.
23 Ibid.
24 Les NIH disposent de 27 instituts et centres de recherche et de financement
avec 27 000 employés. Environ 80 % de leur budget (30 à 40 milliards de dollars/an)
abonde 325 000 chercheurs aux Etats-Unis et dans le monde.
25 Structure associant les laboratoires internationaux de recherche (LIR).
26 Il s’agit de Valérie Pécresse, alors ministre de la Recherche et des Universités.
27 Aviesan.
28 New York Times, 24 septembre 2008.
29 Déclaration de Nicolas Sarkozy lors des 1res Rencontres internationales des
neurosciences, Elysée, 5 juin 2009.
30 Collectif Indépendance des Chercheurs, “Dislocation accélérée du CNRS et de
l’Inserm”, 27 novembre 2008, blog du Collectif.
31 Conseil scientifique du CNRS, séance des 17 et 18 novembre 2008, annexe 4.
32 Le Pr Arnold Munnich dirige l’unité Inserm “Handicaps génétiques de l’enfant” à l
hôpital Necker-Enfants malades.
33 Notamment, pour l’équipe du Pr Arnold Munnich, des brevets sur des gènes jouant
un rôle dans certaines déficiences mentales et neurologiques, et dont l’identification
peut être commercialisée comme indicateurs précoces. Son équipe a découvert une
vingtaine de gènes responsables de maladies héréditaires graves et incurables :
amyotrophie spinale infantile (neuromusculaire), achondroplasie (nanisme), maladie de
Hirschprung (intestin), maladie de Stargardt (rétine)…
34 Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie
publique, Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, Commission présidée par
Jean-Marc Sauvé, janvier 2011.
35 Ibid., p. 73.
36 Dont le directeur général est Guillaume Sarkozy, frère de Nicolas Sarkozy. A ce
sujet et concernant le rôle des frères du président de la République dans la stratégie de
grands groupes financiers et pharmaceutiques, voir le site internet Pharmacritique.
37 Archives personnelles des auteurs.
38 Le déficit de la Sécurité sociale pour 2011 atteindra la barre des 10 milliards
d’euros.
39 Sources : Sécurité sociale pour le premier chiffre. Syndicats des médecins
généralistes pour le second chiffre.
40 D’après Impact socio-économique de la maladie d’Alzheimer et des maladies
apparentées en Europe, étude réalisée par le groupe socio-économique du projet
EuroCoDe (European Collaboration on Dementia), projet financé par la Commission
européenne dans le cadre du programme d’action communautaire en santé publique
2003-2008, initié et coordonné par Alzheimer Europe et soutenu par la Fondation
Médéric Alzheimer.
41 Ibid.
42 Source : intervention de Nicolas Sarkozy lors des 1res Rencontres internationales des
neurosciences, op. cit.
43 Entretien avec les auteurs, juin 2011.
44 Entretien avec les auteurs, mars 2011.
45 R. Lenglet, L’Affaire de l’amiante, La Découverte, 1996.
46 Giuseppe Miserocchi, et al., “Translocation Pathways for Inhaled Asbestos Fibers”,
Environ. Health, janvier 2008.
47 K. Schwechheimer, et al., “Brain Metastases in Malignant Fibrous Mesothelioma.
Case Report and Review of the Literature”, Acta Neuropatholica, vol. 60, no 3-4, 1983,
p. 301-304.
48 Y. Omura, “Asbestos as a Possible Major Cause of Malignant Lung Tumors
(Including Small Cell Carcinoma, Adenocarcinoma & Mesothelioma), Brain Tumors
(i.e. Astrocytoma & Glioblastoma Multiforme), Many Other Malignant Tumors,
Intractable Pain Including Fibromyalgia, & Some Cardio-Vascular Pathology :
Safe & Effective Methods of Reducing Asbestos from Normal & Pathological Areas”,
Acupunct Electrother Res., vol. 31, no 1-2, 2006, p. 61-125.
49 Elles seront approfondies et largement confirmées au cours des années 2000. Par
exemple : “Un risque accru de cancer du cerveau peut être associé à l’exposition à
l’amiante”, expliquent les chercheurs S. Y. Pan, A. M. Ugnat et Y. Mao, in Canadian
Cancer Registries Epidemiology Research Group, “Occupational risk factors for brain
cancer in Canada”, Journal of Occupational and Environmental Medecine, vol. 47,
no 7, juillet 2005, p. 4-17.
50 Dans son audition du 7 avril 2011 auprès de la Mission d’information sur le
Mediator et la pharmacovigilance, l’Association REVAHB (qui regroupe les victimes du
vaccin anti-hépatite B) “déplore le blocage actuel par le procureur du parquet de la Cour
d’appel de Paris des dossiers de victimes s’associant à cette plainte, empêchant la juge
d’ordonner des expertises et de poursuivre son travail d’investigation pour ces nouveaux
dossiers”.
51 AFP, “Hépatite B : un des vaccins augmenterait le risque de sclérose en plaques”,
25 septembre 2008.
52 Maladie chronique se caractérisant en particulier par des douleurs musculaires et
tactiles, ainsi qu’une fatigue persistante.
53 Assemblée nationale, proposition de loi visant à étendre l’indemnisation des sapeurs-
pompiers vaccinés contre l’hépatite B depuis l’entrée en vigueur de la loi
du 18 janvier 1991, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 1er
avril 2010.
54 Afssaps, “Fiche Classe de médicaments sous surveillance renforcée. Vaccins anti-
hépatite B”, 8 février 2011.
55 Pierre Fabre, GSK, Sanofi-Pasteur-MSD, Novartis et Solvay. “Les multiples
casquettes du professeur Lina”, Le Parisien, 29 octobre 2009.
56 Notamment les variants de HPIV-2, CIB : C07H21/00 ; C07K14/115 ; C07K16/10 ;
(+13) et C07K14/115 ; C12N7/01 ; C07H21/00 ; (+18).
VII
QUE FAIRE ?

Même si les démarches collectives sont absolument nécessaires pour bien


réduire les expositions aux neurotoxiques et améliorer notre environnement en
général, qu’il soit citadin ou rural, des actions individuelles sont possibles.
Commençons par celles-ci.
Compte tenu de la prolifération de substances nocives pour notre cerveau, il
est illusoire d’espérer supprimer toutes les expositions, sauf à vivre en
cultivant son jardin “bio”, dans une éco-construction d’un éco-village de
montagne situé dans une zone blanche (sans rayonnements
électromagnétiques)… Sur ce dernier point, les personnes souffrant
d’hypersensibilité chimique multiple et/ou d’intolérance aux rayonnements
électromagnétiques n’ont pas d’autre choix pour conserver une bonne qualité
de vie.
Sans adopter une solution aussi radicale, le souci de réduire les expositions
peut bien sûr conduire à des choix de vie tels que vivre hors des villes, voire
dans un cadre rural préservé. Cela simplifie évidemment les précautions à
prendre au quotidien. Pour la plus grande partie de la population qui ne peut
pas faire ce choix, il est possible de prendre des précautions judicieuses. Il
nous apparaît inutile d’insister ici sur des comportements addictifs qui
accroissent l’exposition aux neurotoxiques, comme le tabagisme et la
consommation excessive d’alcool ou d’autres drogues.
LIMITER L’INHALATION DES SUBSTANCES
NEUROTOXIQUES

“Le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé est reconnu à chacun”
depuis 1996 par le Code de l’environnement (article L. 220-1). Ce droit
reconnu est rarement appliqué. Cependant, on peut tenter de limiter les dégâts
en attendant que les autorités fassent leur travail et permettent à la population
de respirer un air sain.
Il faut éviter le voisinage des grandes voies de circulation (périphérique,
carrefours, boulevards…), d’un incinérateur, d’un crématorium ou de toute
installation industrielle polluante, de décharges ou de déchetteries. Il est
souhaitable de choisir son habitation à distance des sols potentiellement
pollués par d’anciennes entreprises, ce qui est désormais possible en
consultant la banque de données Basias, créée par le BRGM et accessible au
public par le Net1.
De manière générale, l’air de la campagne est meilleur à condition d’éviter
la proximité d’usines, des zones d’agriculture intensive et d’épandages
d’engrais, de boues d’épuration ou de pesticides (donc les champs des grands
cultivateurs). Ceux qui habitent près de ce type d’exploitation ont tout intérêt à
ne pas s’exposer au vent quand il rabat les gaz ou les aérosols. Lors de
l’épandage des pesticides, il convient de rester chez soi et de fermer les
fenêtres, a fortiori quand il est réalisé par hélicoptère ou par avion.
Il faut bien sûr éviter toute activité physique intense comme le jogging dans
une atmosphère polluée, car la quantité d’air inhalée est alors multipliée
par 10 ou 15 (cette recommandation est régulièrement faite lors des pics de
pollution atmosphérique).

L’air domestique est en général très pollué. Mais il est plus facile
d’influencer la qualité de cet air que celle de l’atmosphère extérieure. Il peut
être pollué par des neurotoxiques émis par les matériaux de construction
(produits de traitement du bois, vieilles peintures au plomb…), le mobilier
(PBDE, composés organiques volatils…) et par les biocides, pesticides, solvants
et produits d’entretien utilisés. Il peut contenir de grandes quantités de
particules fines générées par diverses combustions : cigarette, encens, bougies,
chauffage au bois, chauffe-eau, cuisinière et chauffage au gaz, cuisson à feu
vif des aliments, ou par l’utilisation intensive d’une imprimante. Des
particules fines présentes dans l’air extérieur peuvent aussi s’inviter dans la
maison.
Pour abaisser la concentration en particules fines de son habitation, il est
important de limiter les combustions, d’avoir une puissante hotte aspirante au-
dessus de la cuisinière et d’aérer après la préparation du repas. Les feux de
cheminée ont bien sûr un charme irremplaçable et sont une source
d’apaisement efficace, mais il faut savoir que leur fumée contient beaucoup de
particules fines, ce qui implique d’avoir un bon tirage et d’aérer efficacement
en cas d’enfumage. Si vous possédez un poêle, mieux vaut l’équiper d’un filtre
à particules (FAP) et, là aussi, aérer souvent les pièces. S’équiper d’un système
de ventilation pourvu d’un FAP n’est pas une mauvaise idée. Pour dépoussiérer
les meubles, le plumeau traditionnel n’est pas judicieux : utilisez de
préférence un chiffon humide. Quant à l’aspirateur, il faut savoir qu’il
recrache les particules les plus fines, celles qu’il faut précisément éviter… La
quantité de poussières relarguée est néanmoins très variable selon le type
d’appareil. Ce paramètre est aujourd’hui indiqué au consommateur sur
l’emballage ou la notice. Les plus performants de ce point de vue ne sont pas
nécessairement les plus chers… La revue Que Choisir ? en a fait l’un de ses
critères de comparaison.
Soyez vigilant sur le mobilier acheté, fuyez les bois agglomérés et les
contreplaqués. Evitez tout emploi de biocides et de pesticides, à commencer
par les colliers anti-puces, qui peuvent entraîner des atteintes neurologiques
chez l’animal domestique et les humains qui les prennent souvent dans leurs
bras. L’usage de solvants, y compris la pose de vernis à ongles, est à bannir à
l’intérieur. L’application de peintures appelle une aération non seulement
pendant les travaux mais régulièrement durant les semaines et les mois qui
suivent. Des produits “écologiques” permettent de réduire ces expositions. En
cas de vieilles peintures au plomb, il convient de les recouvrir ou, mieux, de
les faire enlever par une entreprise agréée.
L’air du métro est de loin le plus pollué aux particules fines. Les transports
en bus sont vraiment préférables, surtout pour des trajets que l’on fait tous les
jours. L’atmosphère des véhicules Diesel contient aussi une quantité non
négligeable de particules fines.
L’atmosphère professionnelle, bien que réglementée, dépasse souvent les
taux autorisés. Les normes d’exposition sont encore trop laxistes. Il est utile
de rappeler que tout salarié peut exercer son droit de retrait face à des
situations à risque, en l’occurrence en cas d’exposition chimique suspectée de
dépasser les normes. Pour les en protéger, les femmes enceintes doivent être
changées de poste aussitôt la grossesse connue (l’idéal serait de pouvoir
anticiper, car les premières semaines constituent une période à haut risque).
Dans l’agriculture, on a vu que les équipements individuels de protection
pouvaient être déficients. Il est important d’utiliser un tracteur équipé d’une
cabine filtrante. Songez aussi que passer au bio est encore la meilleure
solution.
Les situations les plus risquées se trouvent fréquemment dans les “petits
métiers” qui passent de nombreuses heures dans les vapeurs neurotoxiques et
sont bien peu suivis par la médecine du travail : restaurateurs de tableaux,
artisans émailleurs, plombiers (soudures), employés de pressings (exposés au
perchloréthylène), les dentistes et assistantes exposés au mercure, les
techniciens de laboratoire inhalant des substances ou des médicaments
neurotoxiques…
RÉDUIRE L’INGESTION DES SUBSTANCES
NEUROTOXIQUES

On a vu que divers aliments contiennent des neurotoxiques, suite aux


traitements ou contaminés par les emballages, les tubes ou les boîtes de
conserve. Pour limiter l’apport de pesticides, on peut acheter des aliments
issus de l’agriculture biologique ou de productions locales de saison pas ou
peu traitées2. D’une manière générale, il est bon de rappeler que tous les
aliments qui sont passés par des étapes de transformation industrielle
comportent des additifs qui sont mauvais pour le cerveau.
Rappelons que les principales sources de métaux “lourds” sont :
– Méthylmercure : les coquillages, les poissons de fin de chaîne alimentaire
(espadon, thon, raie, roussette…)
– Plomb : les abats (rognons, foie), les champignons de Paris, les fruits de
mer, le thé, le pain, les fruits et légumes… Pour ces derniers, le bio est
toujours la meilleure solution.
– Cadmium : les céréales, les fruits et légumes secs, les coquillages, les
champignons… Au risque de nous répéter, le bio est là aussi indiqué si l’on
veut limiter le cadmium.
– Aluminium : il est souvent ajouté dans le sel, les biscuits et les pâtisseries
industrielles. Il vaut mieux préférer des sels non traités, comme celui de
Guérande, et les produits de l’artisan boulanger. L’idéal reste bien sûr de les
préparer soi-même.
Les PBDE s’invitent dans les poissons fumés et les coquillages, les
viennoiseries, le beurre, les viandes3…
Les PCB sont surtout apportés par les poissons gras ou mi-gras : saumon,
maquereau, bar, sardines, ce qui est fâcheux car les poissons gras contiennent
des acides gras oméga 3 indispensables4. Il n’est donc pas question de s’en
passer. De façon générale, ce sont les petits poissons qui posent le moins de
problème.

Pour limiter la contamination des aliments par le bis phénol A (BPA) et les
phtalates, évitez le contact alimentaire avec les plastiques (récipients et films
étirables), et limitez la consommation de conserves et de cannettes
(recouvertes d’un film de BPA). Ne jamais faire réchauffer ses repas dans des
récipients en plastique ou son eau dans une bouilloire composée de ce
matériau. Jetez vos casseroles en aluminium. N’utilisez pas de papillotes
d’aluminium pour faire cuire des aliments acides (tomates, citrons, vin
blanc…), car l’acidité augmente la dissolution de l’aluminium.
Les poêles et casseroles antiadhésives revêtues de perfluorés (téflon) sont à
éviter, de même que l’utilisation de vaisselle colorée (notamment la vaisselle
décorée du Maghreb, qui contient souvent du plomb), surtout si les aliments
sont acides.

Liste européenne des poissons carnassiers les plus contaminées par


le méthylmercure

Baudroies (lottes), loup de l’Atlantique, bonite, anguille et civelle,


empereur, hoplostète orange ou hoplostète de Méditerranée, grenadier,
flétan de l’Atlantique, marlin, cardine, mulet, brochet, palomète, capelan
de Méditerranée, pailona commun, raies, grand sébaste, voilier de
l’Atlantique, sabre argent et sabre noir, dorade, pageot, requins, escolier
noir ou stromaté, rouvet, escolier serpent, esturgeon, espadon, thon.

L’eau de boisson se prête également à des choix. Il faut se renseigner auprès


de sa mairie, qui a pour obligation l’affichage des analyses d’eau potable.
Mais les données affichées sont souvent discutables. Pour en avoir le cœur net,
le mieux est de faire effectuer des analyses par un laboratoire indépendant, en
se regroupant pour diviser le coût. L’eau du robinet qui contient des quantités
d’aluminium au-dessus de 0,50 microgramme n’est pas recommandée par les
toxicologues qui, en France, se sont mobilisés sur le sujet. Même problème
pour les pesticides : une analyse vous permettra soit de décider de la bannir
soit de la boire plus tranquille. Nous avons vu que l’eau du robinet contient
néanmoins beaucoup d’autres molécules neurotoxiques, ce qui compose un
cocktail inquiétant. Si vous choisissez de boire de l’eau en bouteille, sachez
que l’eau minérale à la différence de l’eau de source (moins chère) contient
généralement une dose importante de certains minéraux qui ne sont pas faits
pour être consommés à longueur d’année. Le bon principe est de varier les
eaux.
Il est bon de vérifier que son système d’adduction d’eau ne comprend plus
de tuyauteries en plomb. Sinon réclamez à la régie ou à l’entreprise privée de
venir enlever les vieux tuyaux. En attendant, faire couler l’eau avant
consommation et ne prélever que de l’eau froide au robinet limite la
contamination. Cependant, si votre eau a un niveau de calcaire assez élevé, ce
dernier recouvre les tuyaux et constitue alors une protection.
LIMITER L’EXPOSITION AUX ONDES
ÉLECTROMAGNÉTIQUES

Les rayonnements électromagnétiques peuvent aussi être réduits par des


réflexes simples. Il vaut mieux éviter le voisinage des lignes à haute tension,
de radiodiffusion et des antennes de radiotéléphonie. En cas d’inquiétude, il
est possible de faire mesurer leur intensité dans son logement. Ce diagnostic
permettant d’évaluer la pollution électromagnétique du lieu de vie peut vous
inciter à la diminuer.
Pour le téléphone et l’Internet, il est important de privilégier les appareils
avec fil. Les meilleures ondes étant celles qui ne sont pas émises, il faut
penser à éteindre son mobile et débrancher les appareils électriques à chaque
fois que possible. Il est facile d’abaisser son exposition aux ondes de son
téléphone mobile. Le site de l’INPES a mis en ligne “8 gestes simples pour se
protéger des ondes5” : protéger particulièrement les enfants ; téléphoner avec
une oreillette (de préférence filaire) ; privilégier les SMS ; éloigner le téléphone
de l’oreille dans les secondes qui suivent la numérotation ; éviter de
téléphoner lors des déplacements (train, voiture…) ; ne pas téléphoner dans les
zones de mauvaise réception ; éloigner le téléphone des implants
électroniques ; s’informer sur le DAS (débit d’absorption spécifique) de son
téléphone mobile. Lors d’un achat, il est important de choisir un téléphone
avec un DAS le plus bas possible. La multiplication des personnes
électrosensibles devrait nous inciter à réduire les appels dans les lieux publics
afin de ne pas les incommoder.
Il existe des moyens pour réduire l’intensité des champs électromagnétiques
domestiques : mise à la terre, utilisation de câbles blindés, vérification du bon
branchement des prises de courant, etc. La chambre est la pièce où il faut
essayer de réduire au maximum l’électrosmog, particulièrement celle des
enfants. Eloignez l’interphone, l’ordinateur ou le téléviseur jusqu’à au moins
deux mètres du lit. Evitez de placer le lit à proximité de lignes montantes ou
de boîtes à fusibles. Il suffit parfois d’éloigner une lampe de chevet et un
radioréveil pour abaisser l’exposition nocturne (une lampe mal branchée émet
un champ électrique supérieur quand elle est éteinte). On peut aussi utiliser un
bloc multiprises qui coupe l’alimentation électrique de tous les appareils
raccordés dès que le bloc principal est éteint, ou bien installer un déconnecteur
automatique de réseau.
L’installation (obligatoire) des “compteurs communicants” Linky de ERDF
chez les particuliers est très critiquable. Des associations comme Robin des
Toits, Criirem ou Next-up se sont mobilisées contre cette volonté qui n’a pas
fait l’objet du moindre débat public. Dotés d’un module radiofréquence (RFID,
GPRS, GSM, Wi-fi…) ou CPL, ces compteurs “intelligents” émettent en
permanence des ondes. Par ailleurs, leur déploiement induira une pollution
issue du réseau électrique entier qui fera antenne. L’installation de ces
compteurs nécessitera en outre une augmentation du nombre d’antennes-relais.
Les personnes électrosensibles doivent souvent se fabriquer un baldaquin en
tissu protecteur pour s’isoler complètement des ondes des voisins (cage de
Faraday). Il est possible aussi de placer des rideaux en tissu spécial (contenant
du métal) qui arrêtent les ondes électromagnétiques.
FAIRE UN “BON USAGE” DES MÉDICAMENTS

Prendre un médicament n’est jamais anodin : à défaut de pouvoir s’en passer,


il faut éviter leur surconsommation. En effet, la plupart des médicaments sont
symptomatiques, et il est préférable de rechercher la cause du trouble ou de
l’affection au lieu de vouloir seulement en atténuer les conséquences. Avant
toute prise de médicament, il est impératif de lire les notices pour connaître
les éventuels effets neurotoxiques du traitement et les interactions à éviter. Il
est également bon de s’informer aux meilleures sources, indépendantes de
toute publicité. Bref, il est important d’avoir une distance critique et de suivre
son traitement en l’analysant. Les revues Prescrire et Pratiques sont
indépendantes et fonctionnent sans publicité des laboratoires. Elles
contribuent chacune à leur manière à exercer son regard critique et apportent
des informations précieuses sur la démarche médicale, les droits du patient et
l’intérêt réel des différents traitements. Les plus aguerris peuvent aller
rechercher à la source des informations sur les essais cliniques dans la base de
données Medline, à condition de rester vigilants (de nombreuses études sont
financées par les industriels) et… de lire l’anglais6.
LIMITER L’EXPOSITION AUX NEUROTOXIQUES
PRÉSENTS DANS LES SOINS DENTAIRES ET LES
VACCINS

Il faut apprendre à ne pas prendre pour parole sacrée tout ce que dit le
praticien. Refuser la pose d’amalgames (ou “plombages”) est un droit et,
compte tenu des nombreuses études scientifiques existantes, une précaution
très sage. Pensez à limiter votre exposition au mercure lors d’une dépose ou de
tout travail sur un amalgame (par exemple pour la pose d’une couronne).
Veillez au respect des recommandations de l’Afssaps (hélas ! en retrait par
rapport aux recommandations antérieures du CSHPF) : utilisation d’une digue
(un rectangle en caoutchouc qui évite la projection de particules d’amalgames
dans la bouche), d’un aspirateur chirurgical et d’un refroidissement à eau ; pas
de couronne métallique à proximité d’un “plombage” ; pas de dépose
d’amalgame pendant la grossesse et l’allaitement. Si possible, réclamez des
précautions supplémentaires : utilisation d’un masque au charbon pour limiter
l’inhalation des vapeurs de mercure (à placer sur le nez et les yeux), pas de
fraisage dans l’amalgame, mais un détourage pour diminuer la vaporisation du
mercure. Il ne faut pas hésiter à changer de dentiste, même plusieurs fois, pour
trouver un de ceux qui sont sensibilisés au problème (ils existent !).
Les composites contiennent du bisphénol A, toxique aussi, mais sa toxicité
est sans comparaison avec celle du mercure métallique. Pour l’instant, le
matériau idéal est la céramique (zircone), mais il est onéreux.
Concernant les vaccins, il faut regarder leur composition et éviter ceux qui
contiennent de l’éthylmercure (thiomersal ou thimérosal). Il est souhaitable
bien que plus difficile d’éviter les sels d’aluminium, encore présents dans de
nombreux vaccins. La prise répétée d’anti-acides contenant des sels
d’aluminium pose également un problème et doit vous inciter à approfondir
l’origine de votre acidité pour le traiter à la racine.
Ne vous habituez pas à consommer un médicament pour résoudre tous les
troubles naturels que vous traversez et qui passent spontanément. Il convient
aussi de ne pas imposer ou transmettre une telle habitude aux proches,
notamment aux bébés et aux enfants.
RECHERCHER LES CAUSES DE SA MALADIE

Bien peu de médecins français sont aujourd’hui formés au diagnostic


d’intoxications chroniques d’origine environnementale, même si celles-ci ne
sont pas rares, comme le saturnisme ou l’éréthisme mercuriel. Le diagnostic
est de toute façon délicat quand on a affaire à des intoxications au long terme à
l’origine de troubles non spécifiques et de maladies chroniques : l’exposition
est souvent conjointe, avec des synergies entre toxiques ; les symptômes
peuvent varier d’un individu à l’autre, en fonction des susceptibilités
individuelles ; les effets sont souvent décalés dans le temps. Contrairement à
une intoxication aiguë, il est rare que l’on puisse mettre en évidence le ou les
coupables directement dans le sang ou les urines. Le diagnostic repose en
général sur l’analyse de biomarqueurs : inhibitions enzymatiques, anomalies
de la réponse immunitaire, profil des porphyrines urinaires, présence de
protéines de stress, d’adduits d’ADN… Il comprend aussi un questionnaire sur
le mode de vie donc d’exposition à des toxiques, y compris passée,
professionnelle, etc. Les établissements de soins refusent encore souvent de
rechercher les causes toxicologiques des troubles, et orientent les patients vers
la psychiatrie.
Pour limiter l’errance médicale, il est utile de rechercher les conseils
d’associations de patients indépendantes du lobby pharmaceutique et
s’attaquant aux causes. C’est souvent par ce canal qu’on peut avoir
connaissance de médecins chercheurs qui n’ignorent pas l’étiologie des
toxiques. Il ne faut pas hésiter à se renseigner en Suisse et en Allemagne. Ces
pays sont en général plus avancés dans ce domaine.
SE DÉTOXIFIER

La détoxification des métaux repose le plus souvent sur des chélations : les
chélateurs chimiques sont des molécules munies de “pinces” (chélateur vient
du grec khêlê, “pince”), capables de se fixer fortement au métal, puis de
l’éliminer par l’urine ou les fèces. Cependant, peu d’entre eux sont capables de
traverser la barrière hémato-encéphalique, et par ailleurs, leur usage n’est pas
anodin. Ainsi, les métaux peuvent se déposer dans les reins et y faire des
dégâts. Il s’agit donc d’être très prudent. Des traitements associent
d’éventuelles chélations, des programmes nutritionnels adaptés aux
intolérances liées aux intoxications, etc. Il est grand temps que les médecins
exigent d’être formés en toxicologie. Des scientifiques ont mis en place des
formations qui leur sont destinées (Association Toxicologie Chimie, Réseau
Environnement & Santé, etc.), ce qui devrait au passage mettre de l’ordre dans
le marché délirant de la “détoxification” et de ses charlataneries en tous
genres…
LES ACTIONS COLLECTIVES

Les précautions individuelles et l’action collective ne s’excluent pas, mais


doivent au contraire se nourrir mutuellement. Il ne faut pas rester isolé et ne
pas hésiter à rejoindre des associations locales et nationales mobilisées sur les
questions de santé environnementale afin de faire progresser la prévention.
Face aux multiples risques neurotoxiques, et avant même d’obtenir
l’interdiction des substances les plus nocives et leur substitution par des
substances beaucoup moins toxiques, il est important de définir des “plans de
gestion des risques” visant à limiter au plus tôt les émissions et les expositions
les plus préoccupantes. Sans actions collectives, la législation et les normes de
protection resteront le fruit des pressions des industriels.
L’action collective peut aussi permettre d’obtenir plus de représentants au
sein du conseil d’administration des agences sanitaires afin, là aussi, de ne pas
laisser les représentants industriels influer sur les décisions sans contre-
pouvoir. Les associations sont une force de proposition et de contrôle. Elles
ont un rôle clé à jouer pour améliorer l’expertise et la soustraire aux conflits
d’intérêt, développer des dispositifs d’expertise pluraliste avec des experts
compétents et indépendants et avec la participation (active et non seulement
consultative) de citoyens.
L’action associative permet aussi de travailler avec des experts
toxicochimistes et épidémiologistes afin de développer une expertise
indépendante de l’industrie et du gouvernement7. Elle doit servir à mettre en
place une veille et un système d’alerte sanitaires plus réactifs, faisant circuler
plus largement les informations scientifiques, ainsi que le fait avec beaucoup
de compétence le Réseau Environnement & Santé (RES) avec son site et sa
newsletter8. Par ailleurs, ces actions aident l’administration à repenser aux
dossiers de santé publique qu’elle oublie parfois au fond des placards. Elles
contribuent à une plus grande transparence et à un équilibre dans la
représentation des acteurs. Il est possible de se mobiliser aujourd’hui pour
exiger que les parlementaires accordent autant de temps à écouter les
associations que les acteurs industriels et financiers.
L’action collective facilite aussi les actions en justice. Il faut obtenir la
possibilité de se réunir en “class action” pour porter plainte collectivement
contre les responsables de l’empoisonnement collectif aux neurotoxiques. Il
s’agit là d’un levier important pour obtenir des moyens d’investigation
(expertises judiciaires) et pour faire respecter les droits des citoyens. Les
réseaux associatifs ont aussi plus de poids auprès des médias pour faire
connaître les problèmes de santé publique.
Ainsi, à la fin des années 1990, un procès regroupant 1 500 patients
allemands qui avaient porté plainte contre un gros fabricant d’amalgames, la
firme Degussa, a fait trembler les fabricants. Le procureur de Frankfort s’est
appuyé sur un important travail d’expertise des toxicologues de l’université de
Kiel, l’équipe du Dr Wassermann9 : les chercheurs ont examiné les données
scientifiques internationales mais aussi les documents saisis chez le fabricant.
Leurs conclusions ont été consignées dans un rapport explosif que le
gouvernement allemand a d’abord tenté de garder confidentiel. Pour les
toxicologues, il ne faisait aucun doute que les risques à long terme liés au
mercure dentaire étaient démontrés depuis les années 1930, et que les
ingénieurs de Degussa les connaissaient. Par ailleurs, le procès a fait
apparaître qu’un collabotateur de cette firme avait déjà mis en garde la
direction contre les dangers des amalgames dès 1955. Les médecins des
plaignants ont témoigné de la régression de nombreux symptômes
neurologiques après la dépose des plombages.
Le jugement a fait frissoner en Allemagne. Degussa a dû renoncer pour
toujours à fabriquer des plombages et verser 1 200 000 marks
(environ 600 000 euros) à des fins de recherche sur des produits dentaires sans
danger. Désormais, “les dentistes doivent avertir leurs patients du risque
présenté par les amalgames ; le dentiste qui omet ou minimise cette obligation
d’information s’expose à en subir les conséquences légales”. Et “quiconque
dans le futur estimerait pouvoir renoncer à mettre en garde par une
information suffisante les patients serait pénalement responsable, que ce soit à
titre de fabricant ou de médecin, des dégradations de santé subies par ses
clients ou ses patients. La responsabilité pénale des caisses de remboursement
reste en discussion.”
Après un tel procès, il paraît incroyable que les amalgames n’aient pas été
interdits en Allemagne. Mais le lobby dentaire y est aussi actif qu’en France.
Ce dernier a dû céder sur un point important : une notice d’information sur la
toxicité des amalgames est désormais affichée dans les cabinets des dentistes
et ces derniers doivent épargner au maximum les enfants et les femmes
enceintes.
Quant à l’équipe du Pr Wassermann, responsable de l’expertise
toxicologique, elle a été étrangement remerciée pour l’excellence de son
travail : l’unité indépendante a été démantelée en 2000.

1 http://basias.brgm.fr
2 Par exemple en s’inscrivant dans une Amap (Association pour le maintien d’une
agriculture paysanne) qui distribue des paniers de fruits et légumes locaux.
3 Nicolas Buckenmeier, et al., Projet d’évaluation des risques sanitaires : les
PolyBromo Diphenyl Ethers, Ecole des hautes études en santé publique, avril 2010.
4 Jean-Charles Leblanc, Etude Calipso, Afssa Inra, 2006.
5 http://lesondesmobiles.fr/
6 http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/
7 C’est ce qu’ont fait avec succès des associations comme la Criirad ou le Criirem par
exemple, et bien sûr le Réseau environnement santé.
8 http://reseau-environnement-sante.fr/ Par exemple, grâce à son travail de fond et
d’alerte sur le bisphénol, le RES a permis de faire rapidement avancer ce dossier.
9 O. Wassermann et alii, Weitz M. Alsen-Hinrichs C. Kieler Amalgamgutachten 1997.
Institut für Toxikologie, Christian Albrechts-Universität Kiel. 2 Aufl. 1997.
CONCLUSION

Au milieu des années 1990, les gouvernements n’imaginaient pas encore que
les maladies neurodégénératives pourraient devenir un jour une priorité de
santé publique. Le scandale du sang contaminé était encore présent dans tous
les esprits. Des observateurs attentifs à cette affaire et aux procès qui
l’entouraient ont parlé de “défaite de la santé publique1”. La formule résonnait
fort : en mettant en cause le système sanitaire lui-même au lieu de s’en tenir
aux responsables directs, elle semblait même provocatrice. Puis, lorsque le
scandale de l’amiante lui a succédé, on a commencé à manquer de mots pour
qualifier le décalage entre les éléments de preuve de sa toxicité et l’attitude
docile des gouvernements envers les exploitants. Aujourd’hui, devant les
nouvelles pandémies qui touchent le cerveau, alors que le scandale n’a pas
encore explosé, l’anomie est si grande qu’elle a presque privé chacun de sa
capacité à penser autrement qu’en répétant les formules attribuant le mal au
vieillissement de la population. Il suffit pourtant, pour avancer, de regarder de
près la littérature scientifique accumulée sur le sujet sans se laisser
impressionner par son abondance. Elle permet par ailleurs de comprendre une
partie du puzzle infernal qui s’est mis en place.
Nous en avons réuni les pièces essentielles au cours de cette longue enquête
menée sur des années. Enquête qui nous a conduits à identifier les raisons qui
ont provoqué cette situation dans les pays industrialisés. Les molécules
neurotoxiques ont envahi notre vie. Omniprésentes, elles concurrencent
largement les microbes. Les aliments industrialisés, les médicaments, l’eau, la
terre et l’air en sont saturés. Mais, à la différence des bactéries, nous avons vu
qu’elles sont beaucoup plus habiles à pénétrer sous notre crâne où elles
prennent leurs aises parmi nos neurones. Les mères elles-mêmes
empoisonnent involontairement le cerveau de leur enfant pendant qu’il se
forme dans leur ventre, préparant les maladies neuronales dont il souffrira des
années ou des décennies plus tard. De sorte que les nouvelles maladies
chroniques du cerveau progressent à pas de géant. Elles ressemblent en cela
aux cancers qui ont longtemps avancé de façon insidieuse avant que le raz-de-
marée ne devienne visible2.
Des acteurs importants de notre société sont apparus comme les
protagonistes déterminants du fléau. Des responsables publics et des dirigeants
de grands groupes ayant refusé de voir objectivement les vérités qui risquaient
de bouleverser les habitudes politiques les plus confortables et de mettre en
péril les représentations biomédicales fondant les principaux investissements
économiques des multinationales, de l’Etat et d’une grande partie de la
recherche.
Une hécatombe sur fond de spéculation, telle est la formule qui peut
résumer la situation dans laquelle les autorités se sont laissées enfermer. Nos
responsables sont tombés dans le double piège de la marchandisation des
maladies du cerveau et de la paralysie de la prévention pour satisfaire à la
bonne santé des grandes entreprises. L’hypocrisie, les bas calculs et
l’ignorance ont fait le reste. Notre société moderne est ainsi devenue une
société neurotoxique.
Nul besoin d’une théorie du complot pour montrer la manière effarante dont
les complaisances et les aveuglements ont laissé la pandémie se développer
jusqu’ici, et comprendre comment ces attitudes se sont articulées les unes aux
autres pour se structurer en un système redoutable. Ce processus s’est étalé sur
un demi-siècle de prolifération de substances chimiques, de lobbying
industriel, d’indulgences calculatrices et de refoulement des questions de santé
publique embarrassantes. Nous avons pointé le rôle joué par les décideurs
politiques et des autorités sanitaires qui, pour l’essentiel, ont abandonné la
prévention à des cercles d’experts trop souvent liés aux entreprises à l’origine
des risques et à celles qui en tirent profit. Le secteur de la chimie et celui du
médicament qui sont aux deux bouts de la chaîne ont une lourde responsabilité
dans cet engrenage. En imposant encore leur logique qui paralyse la
prévention contre le risque chimique et qui réduit la pharmacovigilance à une
veille partielle, pour ne pas dire sommaire, ils se destinent à des sanctions
douloureuses. Des sanctions judiciaires et économiques qui, suite à des
procédures d’associations de victimes ou lancées par des services publics,
pourraient bien être beaucoup plus sévères que celles qui ont fini par frapper
les industries du tabac en 1994 aux Etats-Unis. Et, parallèlement, se préparent
des sanctions plus souterraines, d’ordre culturel : l’opinion publique n’est
versatile qu’en surface, l’imaginaire collectif se structure sur la mémoire
profonde qui accumule les indignations jusqu’à se détourner complètement de
ce qui est associé à des malfaisances. Les laboratoires pharmaceutiques,
l’industrie chimique et les entreprises d’innovation biomédicales qui
incarnaient autrefois les idées de progrès scientifique et d’humanité achèvent
de se discréditer aujourd’hui avec leurs dérives sans limite. En témoignent
simplement les paroles échangées au quotidien entre gens ordinaires.
Les représentants des grands groupes ont beau exploiter jusqu’à la corde la
promesse de vaccins miraculeux et de médicaments du futur censés
“révolutionner la médecine”, les abus finiront de détourner les foules vers
d’autres repères.
La création, à la fin des années 1990, des agences de sécurité sanitaire3,
officiellement chargées de produire une expertise indépendante, a eu au moins
le mérite de rappeler que les industriels ne s’y résignent pas facilement.
“Quand on les chasse par la porte, leurs lobbyistes jouant les experts
reviennent par les fenêtres”, résume André Aschieri, le père de l’Afsset4. Les
politiques n’ont pas donné à ces agences (dont c’était pourtant la vocation) les
moyens d’une réelle indépendance : ils se sont gardés de leur offrir un corps
d’expertise propre qui aurait pu éviter tout lien d’intérêt avec les secteurs
concernés, en tête desquels les lobbies de la chimie, du médicament et de
l’agro-alimentaire.
Le mélange des genres entre l’affairisme, l’expertise et la recherche a
littéralement endigué la prise en compte des données scientifiques qui
échappent aux injonctions lucratives et aux perspectives de brevets.
L’identification des causes, bien qu’elle soit abondamment documentée et
qu’elle impose sans retard des décisions majeures pour réduire les expositions
aux produits neurotoxiques, est littéralement refoulée par les grands décideurs.
Des inspecteurs généraux de l’Igas (Inspection des affaires sociales), dans
un rapport sur l’expertise sanitaire qu’ils ont remis aux autorités politiques en
mai 2011, préconisent d’ouvrir cette expertise aux structures associatives et,
surtout, de mieux encadrer la place des industriels5. Dans la foulée, l’Igas a
mis en ligne sur son site six rapports consacrés à l’expertise sanitaire. La
volonté de transparence est à l’honneur ! Elle suggère même d’écarter
purement et simplement les représentants industriels des collectifs d’experts
et de ne plus les consulter qu’en tant que sujets externes. De même, “les
représentants des industries de santé à l’Afssaps et à la HAS” qui y siègent en
tant que membres ou invités lui paraissent devoir être évités. Ce serait là, en
effet, l’occasion de limiter un peu l’instrumentalisation des structures
d’évaluation des risques liés aux produits industriels et des politiques de santé.
La Sécurité sociale et les mutuelles n’auraient plus, in fine, à supporter la
charge indue du système aveugle dans lequel elles aussi se sont laissées
enfermer en dédaignant trop longtemps les vertus préventives d’une
toxicologie et d’une épidémiologie indépendantes.
Nous avons maintenant les éléments en main pour sortir notre société
neurotoxique de l’impasse terrifiante où elle s’est engagée. Mais il faudra pour
cela que des forces citoyennes se mobilisent et contraignent les politiques à
accepter la démocratie sanitaire qu’il faut bâtir ensemble. Cela passera
forcément par une remise en question d’un système de santé exclusivement
centré sur l’approche thérapeutique. Comme nous le notions avec André
Aschieri, en 2000 : “Nous avons hérité d’un système de santé entièrement
tourné vers la médecine curative et n’accordant qu’une part ridicule à la
prévention ; au point qu’on a pu qualifier le ministère de la Santé de ministère
de la Maladie6.” C’est un énorme défi. Nous savons aujourd’hui qu’il sera plus
difficile à relever que celui de la révolution pasteurienne. Contre ceux qui le
traitaient de paranoïaque et se refusaient à croire que des microbes invisibles
étaient une menace omniprésente, Louis Pasteur a redéfini la médecine
moderne et la prévention autour des notions de bactéries et de virus. Peu
d’esprits étaient alors capables d’en évaluer les enjeux. C’est l’un des grands
paradoxes de l’histoire de la santé publique que de devoir maintenant affronter
les monstres économiques qui sont nés de cette révolution et s’en sont nourris.

1 La formule était sous toutes les plumes, suite à la publication de l’ouvrage apprécié
d’Aquilino Morelle, La Défaite de la santé publique, Flammarion, 1996.
2 Sur ce phénomène et ses enjeux : André Cicolella, Le Défi des épidémies modernes –
Comment sauver la Sécu en changeant le système de santé, La Découverte, 2007.
3 Elles ont été mises en place sous la poussée des lanceurs d’alerte, des associations de
victimes et de l’opinion bouleversée par les catastrophes sanitaires à répétition. Voir à
ce sujet le livre d’André Aschieri, Mon combat contre les empoisonneurs, avec la
collaboration de R. Lenglet, La Découverte, 2010.
4 Entretien avec les auteurs, janvier 2011.
5 Igas, Expertise sanitaire – Rapport de synthèse, avril 2011.
6 A. Aschieri, La France toxique, avec la collaboration de R. Lenglet, La Découverte,
2000.
MOTS CLÉS THÉMATIQUES
(utiles pour une recherche spécifique)
acétylcholine
additifs alimentaires
agent orange
alcool
aliments
allergies
aluminium
amalgame
amiante
ampoules fluocompactes
anticholinestérasiques
antidépresseurs
antioxydant
anxiolytique
arsenic
assistante dentaire
asthme
atropine
autisme
autopsie

barrière hématoencéphalique (BHE)


benzène
biocides
bisphénol A (BPA)
boissons
boues de stations d’épuration

cabinet dentaire
cadmium
cancer
cancérigène
carbamates
carie
cellules gliales
chlordécone
chlore
chlorpyriphos
cholinestérase
colles
colorants
composés perfluorés (PFOA)
composites
conflits d’intérêt
conservateurs
crématorium

DDT
dentiste
dents
dépression
détoxication
diesel
dioxine
distilbène (DES)
donepezil
dose journalière admissible (DJA)

eau
effet cocktail
effets indésirables
effets secondaires
engrais
épandage
épilepsie
éréthisme mercuriel
éthers de glycol
éthylmercure
exposition précoce
expositions domestiques
expositions professionnelles

fluorures
fongicides
fours à micro-ondes
fruits
fruits de mer

Galantamine
glioblastomes
gliomes
glutathion
grossesse

herbicides
hormones
hydrocarbures aromatiques polycycliques
hyperphosphorylation

immunotoxique
imprégnation
incinérateurs
insecticides
intoxication
irradiations

lait
lait maternel
laitues
lampe
lasso
légumes
Liens d’intérêt
lignes à haute tension
lindane
lobbies
lobbying

maladie d’Alzheimer
maladie de Parkinson
maladies cardiovasculaires
maladies neurodégénératives
maladies professionnelles
malathion
malformations congénitales
manganèse
mediator
médicaments
médicaments anticholinergiques
mémantine
mémorisation
mercure
métaux lourds
méthylmercure
méthylphénidate
mutagène

nanomatériaux
nanoparticules
neurinomes
neurodégénérescence
neurofibrilles
neuroleptiques
neuromédiateurs
neurones
neurotoxiques
nucléaire

ondes électromagnétiques
organochlorés
organophosphorés
ozone

paralysie
paraquat
parathion
Particules ultrafines (Pufs)
peintures
perfluorocarbures (PFC)
persistance
perturbateurs endocriniens
pesticides
pharmacovigilance
phtalates
phytopharmaceutiques
placenta
Plan National Santé Environnement (PNSE)
plomb
plombages
poisson
poissons
polluants organiques persistants (POP)
polybromodiphényles éthers ou retardateurs de flamme bromés (PBDE)
Polychlorobiphényls (PCB)
Prévenar
prévention
prion
produits phytosanitaires
protéine Tau
psychose
quotient intellectuel (QI)

reprotoxique
Réseau Environnement Santé (RES)
ritaline
rivagstigmine
roténone

saturnisme
sclérose en plaques
sclérose latérale amyotrophique (SLA)
scopolamine
solvants
stations d’épuration
stress oxydant
synergie

tabac
tabagisme passif
tacrine
Tchernobyl
téléphones mobiles
thermomètre
thon
thyroïde
traitement antipuces
traitement chélateur
travail
triazines
troubles de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDHA)
troubles psychiatriques
tumeurs cérébrales

vaccin
vache folle
vagues de chaleur
vapeurs de mercure
viande

xénobiotique
DES MÊMES AUTEURS
MARIE GROSMAN ET ROBERT LENGLET

Menace sur nos neurones. Alzheimer, Parkinson… et ceux qui en profitent,


Actes Sud, 2011.

MARIE GROSMAN

“Intégration de la dimension éducation à la santé dans les programmes des


sciences de la vie et de la terre” (avec Faralli et al.), CRDP Aix-Marseille,
2002.
“Facteurs environnementaux et maladie d’Alzheimer : le mercure fortement
suspecté” (avec A. Picot), Médecine & Longévité, Masson Elsevier, vol. 1,
no 1, septembre 2009.
“Mercure : l’Europe progresse, la Chine régresse” (avec A. Picot),
Préventique scientifique, no 110, mars-avril 2010.
“Les dangers du mercure” (avec A. Picot), Encyclopédie médicochirurgicale,
Masson Elsevier, à paraître (2012).

ROGER LENGLET

L’Affaire de l’amiante, La Découverte, 1996.


Les Ignorances des savants (avec T. Ivainer), Maisonneuve et Larose, 1996.
Des Lobbies contre la santé (avec B. Topuz), Syros-Mutualité Française, 1998.
Repenser l’offre de soin – pour une véritable politique de santé publique,
L’Atelier-Mutualité Française, 2000.
L’Eau de Vivendi (avec J.-L. Touly, P. Lefrançois), 2004.
L’Industrie du mensonge, préface et compléments pour J. Stauber et S.
Rampton, coll. “Contre-feux”, Agone, 2004.
Sites pollués en France. Enquête sur un scandale sanitaire (avec F. Ogé), coll.
“Librio”, Flammarion, 2004.
Le Dico de la santé – Déchiffrer le vocabulaire médical au quotidien. (pseud.
Pierre Simon ; avec M. Langre), coll. “Librio”, Flammarion, 2005.
Les Drogues (pseud. Pierre Simon ; avec W. Lowenstein et al.), coll. “Librio”,
Flammarion, 2005.
Bataille pour sauver notre santé (avec A. Aschieri), La Découverte, 2006.
Silence, on intoxique ! – Face aux lobbies, la longue bataille pour sauver
notre santé (avec A. Aschieri), La Découverte, 2006. L’Eau des
multinationales, Les vérités inavouables (avec J.-L. Touly), Fayard, 2006.
Profession corrupteur, La France de la corruption, Jean-Claude Gawsewitch
Éditeur, 2007.
Cocktail d’enfer (avec S. Pradinas), Éditions Pascal-Mutualité Française,
2008.
L’Argent noir des syndicats (avec J.-L. Touly), Fayard, 2008.
Lobbying et santé ou comment certaines industriels font pression
contre l’intérêt général, Éditions Pascal-Mutualité Française, 2009.
Europe Écologie : miracle ou mirage ? (avec J.-L. Touly), Éditions First, 2010.
Nanotoxiques, Actes Sud, 2014.
Ouvrage réalisé
par le Studio Actes Sud

Ce livre numérique a été converti initialement au format EPUB par Isako


www.isako.com à partir de l'édition papier du même ouvrage.
Sommaire

Couverture

Présentation

Marie Grosman et Roger Lenglet

Menace sur nos neurones

Remerciements

INTRODUCTION

I - CES MAUX QUI RONGENT NOS CERVEAUX

ALZHEIMER, PARKINSON, SCLÉROSE EN PLAQUES, AUTISME...

LA “NOUVELLE HANTISE”

LES REPÈRES DE LA SENSIBILITÉ COLLECTIVE

LES MÉDIAS FOCALISÉS SUR LES ESPOIRS DE TRAITEMENT

DES MALADES DE PLUS EN PLUS JEUNES

LE CERVEAU ASSIÉGÉ

LA SCHIZOPHRÉNIE DES AUTORITÉS FRANÇAISES

L’AUTISME PROGRESSE EN EUROPE ET OUTRE-ATLANTIQUE

TUMEURS DU SYSTÈME NERVEUX

II - NAÎTRE DANS UN MONDE NEUROTOXIQUE

MAMANS TOXIQUES

MERCURE : LES DENTS DE LA MÈRE


POISSONS OU POISONS ?

PLOMB STOCKÉ DANS LE SQUELETTE MATERNEL

BIOCIDES ET PESTICIDES

LES PESTICIDES NUISENT AU QI DES ENFANTS

LE LOURD HÉRITAGE DES PCB

PBDE, LES NOUVEAUX TOXIQUES

UNE FOLLE BACCHANALE

DISTILBÈNE, LE RETOUR

ALLAITER, POUR COMBIEN DE TEMPS ENCORE ?

UN GOÛT SUCRÉ

VACCINS À L’ALUMINIUM ET AU MERCURE POUR LES BÉBÉS

LE GAVAGE MÉDICAMENTEUX DES BÉBÉS

DU FLUOR, ENCORE ET ENCORE…

ENFANTS SOUS MÉTHYLPHÉNIDATE

CONTRE LES TOCS INFANTILES : DES ANTIDÉPRESSEURS


NEUROTOXIQUES !

III - LE GRAND CONSENSUS

SPACE COWBOYS

UN TRAIN NOMMÉ ALZHEIMER

EXPOSITION SOUS INFLUENCE

DES EXPERTS DE LA COMMUNICATION COMMERCIALE !

NESTLÉ AU CHEVET DES MALADES

LES COULISSES DU TRAIN QUI NOUS MÈNE EN BATEAU


TERMINUS OPÉRA

VEILLE ÉPIDÉMIOLOGIQUE EN VOIE DE PRIVATISATION

IV - EXPOSITION À TOUS LES ÂGES

ALUMINIUM AU ROBINET, EN PÂTISSERIE OU EN SAUCE ?

AGRICULTURE INTENSIVE, UN TICKET POUR PARKINSON AND CO

LE COIN GOURMAND : BOUES TOXIQUES AU MENU

SODAS, BONBONS ET CHIPS QUI NOUS ABUSENT

LES OISEAUX SENTINELLES

DES AMPOULES “LONGUE DURÉE” À BANNIR AU PLUS VITE

CE MERCURE QUE NOUS RESPIRONS À LONGUEUR DE JOURNÉE

LES RÉVÉLATIONS DE NOTRE DÉTECTEUR DE MERCURE

DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES QU’ON PRÉFÈRE IGNORER

CHAMP DE BATAILLE AU CŒUR DU CERVEAU

DES DÉCENNIES DE DÉNI : “MENTEURS COMME DES ARRACHEURS


DE DENTS”

LES DENTISTES ET LEURS ASSISTANTES

USINES, CRÉMATORIUMS ET INCINÉRATEURS

LES PARTIES FINES DES PARTICULES

NANOFOLIES

LES NEURONES DANS LA RONDE DES ONDES

LES ONDULATIONS DE L’OMS

V - UNE INDUSTRIE DU SOIN QUI AGGRAVE LE PROBLÈME

DES NEUROLOGUES AVISENT LES… NEUROLOGUES


PSYCHOTROPES POUR TOUTES LES ÉMOTIONS

MÉDICAMENTS CÉRÉBROTOXIQUES

L’ÉTRANGE APATHIE DES INSTITUTIONS

LE TABOU DES ADJUVANTS

L’“EFFET COCKTAIL” DES POTIONS

MÉDICAMENTS NEUROTOXIQUES AU ROBINET

USTENSILES AU MERCURE

VI - FAIRE DE L’ARGENT AVEC LES CERVEAUX MALADES

DES EXPERTS INFLUENTS

DES MÉDICAMENTS ANTI-ALZHEIMER TRÈS CONTESTÉS

À QUI PROFITENT LES MÉDICAMENTS ANTI-ALZHEIMER ?

UNE RECHERCHE AFFAIRISTE

LES PEURS BIEN CHOISIES DU MINISTÈRE DE LA SANTÉ

VII - QUE FAIRE ?

LIMITER L’INHALATION DES SUBSTANCES NEUROTOXIQUES

RÉDUIRE L’INGESTION DES SUBSTANCES NEUROTOXIQUES

LIMITER L’EXPOSITION AUX ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES

FAIRE UN “BON USAGE” DES MÉDICAMENTS

LIMITER L’EXPOSITION AUX NEUROTOXIQUES PRÉSENTS DANS LES


SOINS DENTAIRES ET LES VACCINS

RECHERCHER LES CAUSES DE SA MALADIE

SE DÉTOXIFIER

LES ACTIONS COLLECTIVES


CONCLUSION

Mots clés thématiques (utiles pour une recherche spécifique)

DES MÊMES AUTEURS

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