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Ee - 0411 - 4. Restructuration Du Secteur de L'électricité

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4.

RESTRUCTURATION DU SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ

Ed. de l’OCDE | « Etudes économiques de l’OCDE »

2004/11 no 11 | pages 207 à 245


ISSN 0304-3363

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ISBN 92-64-01635-X
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-etudes-economiques-de-l-ocde-2004-11-page-207.htm
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Pour citer cet article :


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« 4. Restructuration du secteur de l'électricité », Etudes économiques de l’OCDE
2004/11 (no 11), p. 207-245.
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4. Restructuration du secteur de l’électricité

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En 2003, après de longues années de débat, la Russie a entrepris l’une
des réformes les plus ambitieuses et les plus complexes techniquement de l’ère
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post-soviétique, la restructuration de son secteur électrique. Cette réforme impli-


quera la restructuration du monopole électrique géant qu’est RAO UES et l’adop-
tion de la législation indispensable à la création de marchés de la production et
de la vente et à une mise à jour des dispositifs réglementaires relatifs au transport
et à la distribution. On trouvera dans le présent chapitre à une évaluation des
plans de réforme tels qu’ils se présentent aujourd’hui ainsi qu’un certain nombre
de questions qu’il faudra résoudre lors de la mise en application des réformes. Le
chapitre commence par un tour d’horizon du secteur de l’électricité et par une
présentation des plans de réforme (on en trouvera à l’annexe 4.A1 une description
plus détaillée). Suit une analyse des différents aspects de la réforme : d’abord les
problèmes généraux d’application, puis les trois grands problèmes traités dans la
réforme à savoir, l’allocation d’actifs, la création de marchés efficients et la mise en
place de nouveaux dispositifs réglementaires pour les activités en monopole
naturel tels que le transport.
De cette analyse il ressort principalement que la réussite de la réforme
repose sur la conjonction d’une concurrence et d’une réglementation efficaces :
– On ne saurait sous-estimer la nécessité de s’assurer qu’il existe bien, sur
les segments marchands du secteur, une concurrence soutenue fondée
sur des prix économiquement significatifs. Si la réforme laisse subsister
des monopoles locaux ou des pouvoirs de marché, il est bien évident
qu’elle aura manqué la plupart de ses objectifs. De fait, un monopole
verticalement intégré pourrait être préférable, à condition qu’il soit bien
réglementé, à un marché non concurrentiel. Il est donc essentiel que le
morcellement d’UES se traduise par une structure de marché favorable
à la concurrence, et que les règles de marché soient transparentes, sta-
bles et effectivement respectées. Il est essentiel également que les
autorités permettent au marché de fonctionner, même si pour ce faire il
leur faut, à un moment, tolérer des prix de l’électricité plus élevés
qu’elles ne le souhaiteraient.

© OCDE 2004
208 Études économiques de l’OCDE : Russie

– La réforme exige également une réglementation efficace. Un cadre juri-


dique et réglementaire stable et des politiques prévisibles en matière
de tarification, d’accès au réseau, etc conditionnent l’investissement à
long terme, soit l’un des principaux objectifs de la réforme. Le flou de la
législation, la grande marge de manœuvre qu’elle laisse aux autorités
publiques pour la régulation de l’électricité et l’absence dans tous les
plans d’une autorité de régulation forte et indépendante sont autant de
sujets de préoccupation. Les régulateurs actuels manquent de moyens,

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et il n’est pas sûr que la situation s’arrangera avec la réforme. Avec les
structures envisagées à l’heure actuelle, les pouvoirs publics auront du
mal à convaincre de leur volonté de veiller à la stabilité des dispositifs
mis en place1.
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Tour d’horizon du secteur électrique


En Russie, le secteur électrique a bien des points communs avec le sec-
teur du gaz. Il est aussi d’une taille impressionnante, la Russie étant le quatrième
producteur d’électricité du monde. Il est dominé par un monopole public vertica-
lement intégré, RAO UES. Les deux secteurs sont fortement réglementés : il n’y a
ni concurrence sur le marché de gros (qui, en tout état de cause, n’est pas réelle-
ment un marché), ni possibilité pour les consommateurs de choisir leur fournis-
seur. Pour cette raison, mais aussi parce que la tarification repose pour l’essentiel
sur le principe de la majoration du prix de revient (cost plus), ces deux secteurs
se situent parmi ceux qui enregistrent les performances les plus médiocres en
matière de productivité (voir chapitre 2). À l’image de Gazprom, en outre, UES a,
ces dernières années, contribué largement, bien que de moins en moins, à sub-
ventionner le reste de l’économie. Contrairement à Gazprom, toutefois, UES réa-
lise presque toutes ses ventes sur le marché national. Elle ne perçoit pas de
recettes à l’exportation qui pourraient compenser le fait qu’elle subventionne le
marché national. C’est là que réside la deuxième différence entre les deux
monopoles : la direction de Gazprom a résisté longtemps à toute idée de restruc-
turation, alors que la direction d’UES était la première à préconiser le démembre-
ment de la société et la restructuration du secteur. Troisième différence majeure,
UES a une structure plus compliquée et moins centralisée que celle de Gazprom,
qui possède un capital concentré et conserve un strict contrôle de ses principales
filiales. L’État a gardé une participation majoritaire dans UES (52.5 pour cent),
mais la structure quasi féodale de l’entreprise complique sérieusement toute res-
tructuration de la société. Enfin, les efforts de libéralisation du secteur du gaz sont
au point mort, alors qu’un programme ambitieux de réforme du secteur de l’élec-
tricité est actuellement en route.
Le gouvernement russe a créé UES en 1992 en tant que structure transitoire
pour gérer le réseau à haute tension et les plus puissantes centrales électriques

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 209

dans l’attente d’une réforme plus complète du secteur électrique. Parallèlement, des
entreprises électriques régionales verticalement intégrées (appelées énergos) ont
été créées dans presque toutes les régions de la Fédération pour gérer les plus peti-
tes centrales et le réseau basse tension. UES devait détenir au moins 49 pour cent
du capital de chaque énergo et une majorité des actions assorties d’un droit de vote.
En fait, des compromis politiques entre Moscou et les régions ont abouti à une struc-
ture plus complexe. Deux énergos sont restés totalement en dehors du système UES
et ce dernier n’a réussi à garder une majorité de contrôle (de 49 à 100 pour cent) que

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dans 63 entreprises ; dans les 9 restantes, il détient des participations minoritaires.
Du fait de la privatisation, la structure de l’actionnariat d’UES est plus compliquée.
C’est également le cas de celle des énergos, dans lesquels UES, les administrations
régionales et les investisseurs privés ont tous pris des participations. À part ces par-
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ticipations dans les énergos, UES détient l’administration du dispatching central


(TsDU), la Société fédérale du réseau, 36 centrales électriques (dont 9 en construc-
tion), environ 57 établissements de recherche et développement et des parts dans
plus de 70 sociétés de construction, de maintenance et de services (avec des partici-
pations de contrôle dans 35 d’entre elles)2. Ensemble, UES et ses filiales, les éner-
gos, contrôlent 96 pour cent des réseaux haute et basse tension en Russie, ainsi que
72 pour cent de la puissance installée. En 2002, UES a produit 617.7 TWh, soit
69.4 pour cent de toute l’électricité produite en Russie. Il représente également
environ le tiers de l’offre de chauffage. Le système UES assure donc près des trois
quarts de la production électrique du pays. Les centrales nucléaires produisent le
reste. Elles sont gérées par le ministère de l’Énergie atomique (Minatom), sont
entièrement détenues par l’État et par Irkutskénergo et Taténergo, les deux compa-
gnies régionales qui ont conservé leur indépendance pendant les années 90.
Les énergos sont davantage contrôlés par les autorités régionales que
par UES, notamment parce que ce sont les Commissions régionales de l’énergie
(CRE) qui fixent le prix de vente de l’électricité au consommateur final. Ces commis-
sions sont d’ailleurs un levier crucial du pouvoir régional, car elles peuvent faire
varier les tarifs en fonction des clients, ce qui a permis à certaines autorités régiona-
les de mener, au niveau local, des politiques industrielles favorisant certains clients
aux dépens des autres, pour des raisons socio-économiques ou politiques. Les
intermédiaires sur le marché de gros viennent encore compliquer la situation régio-
nale. Ils sont pour l’essentiel contrôlés par les pouvoirs régionaux et à l’origine
d’une forte proportion des défauts de paiement dans ce secteur : UES a rapporté en
2001 que ces grossistes collectaient environ 40 pour cent des recettes mais ne
payaient aux producteurs que 25 pour cent environ de l’électricité acquise3. Ces
grossistes comptent parmi les principaux débiteurs d’UES, mais les gestionnaires
d’énergos détiendraient des participations dans bon nombre d’entre eux. C’est
pourquoi l’une des priorités de la réforme actuelle du secteur énergétique consiste
à limiter la capacité des politiciens régionaux et locaux d’intervenir dans la gestion
du secteur électrique (voir graphique 4.1).

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210 Études économiques de l’OCDE : Russie

Graphique 4.1. Structure du secteur de l’électricité en Russie, 2002

Minatom RAO UES Irkutskenergo


Tatenergo
Production

9 centrales 36 centrales 72 énergos 25 centrales thermiques


nucléaires thermiques et Centrales thermiques et hydrauliques

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hydrauliques et hydrauliques

Réseau à haute tension1


Transport

FOREM
Central de distribution
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Réseau à basse tension (énergos)


Distribution

Distribution

Réseaux urbains et de districts


Consommateurs

Industrie (52 %) et Ménages


Autres utilisateurs (25 %) (23 %)

1. 408 centrales sont reliées au réseau à haute tension.


Source : Estimations de l’OCDE à partir de diverses sources.

Le secteur électrique est fortement réglementé. Il existe plusieurs orga-


nismes publics avec des missions différentes, le Service fédéral des tarifs (SFT)
qui succède à la Commission fédérale de l’énergie (CFE), les CRE et le Service
fédéral anti-monopoles qui a remplacé le ministère chargé de la politique anti-
monopoles (MAP) au début de 20044. Jusqu’en avril 2004, les principales fonctions
de régulation revenaient à la CFE et aux CRE, qui contrôlaient les tarifs de l’élec-
tricité. La CFE assurait la régulation d’une large gamme d’activités et d’entreprises
du secteur. Son rôle le plus visible toutefois consistait à fixer les tarifs sur le mar-
ché de gros fédéral de l’électricité (FOREM), créé en 1996 pour faciliter la redistri-
bution des excédents d’électricité ; cette fonction a été conservée par le SFT qui
succède à la CFE. Cette dernière établissait également le planning annuel de pro-
duction et les plafonds des prix du transport et de la distribution. Les CRE, quant
à elles, règlent les problèmes de régulation au niveau régional, c’est-à-dire
qu’elles établissent les tarifs en vigueur dans leur région (soumis à des plafonds
déterminés par la CFE/SFT) et exercent une gamme de fonctions semblables à

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 211

celles de la CFE/SFT5. Ni le SFT ni les CRE ne sont indépendants. Les décisions


les plus importantes au niveau fédéral sont prises par le gouvernement. Quant
aux CRE, elles dépendent des autorités régionales. La politique de tarification à
ces deux niveaux reste donc fortement politisée : interviennent souvent dans les
décisions des considérations électorales, les impératifs d’une politique sociale ou
d’objectifs d’inflation, sans parler des pressions des lobbies de consommateurs,
plutôt que des facteurs tels que les coûts de production et de distribution. Il y a
peu de concurrence dans le secteur dans sa configuration actuelle, et les consom-

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mateurs n’ont pas le choix de leur fournisseur6. Même le FOREM, le marché de
gros de l’électricité, n’est pas vraiment un marché, puisque les prix sont régle-
mentés. Jusqu’à l’adoption de la législation sur la réforme du secteur de l’électri-
cité début 2003, c’était UES, en tant que propriétaire à 80 pour cent de l’exploitant
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commercial du FOREM et de l’administration du dispatching central, qui régulait


en fait le FOREM. Dans une large mesure, UES contrôlait d’ailleurs l’accès des pro-
ducteurs au FOREM, ce qui lui a valu d’être accusé de favoriser ses propres
producteurs7.
La réforme de la tarification reste un problème épineux. De 1991 à 2000,
les tarifs de l’électricité ont augmenté deux fois moins vite que les prix industriels
à la production8. En outre, les prix effectifs étaient souvent bien inférieurs à leur
valeur nominale, en raison du recours au troc et à d’autres formes de règlement
non monétaire dans le secteur qui a en fait offert d’importantes réductions aux
consommateurs qui, de toute manière, ne pouvaient pas être déconnectés pour
défaut de paiement9. Il est extrêmement difficile d’estimer avec précision dans
quelle mesure le secteur électrique subventionne le reste de l’économie avec ses
prix inférieurs aux coûts, si l’on exclut la subvention représentée par le faible prix
du gaz fourni aux producteurs d’électricité (voir chapitre 3). Les tarifs de l’électri-
cité permettent au secteur de couvrir ses coûts à court terme. Par contre, ils ne
permettent pas de récupérer les coûts en capital, et les estimations des investis-
sements en capital nécessaires dans le secteur varient considérablement, de
2 milliards de dollars à 6 milliards de dollars par an environ10. Toutefois, même le
plus faible de ces chiffres représente environ le double des dépenses réelles en
capital enregistrées depuis 1990. Par conséquent UES a sous-investi entre un mil-
liard de dollars et 5 milliards de dollars par an ces dernières années. En somme,
le secteur de l’électricité a subventionné le reste de l’économie, au prix d’une
dégradation de son appareil de production. Entre 1990 et 2000, le rythme d’amor-
tissement a été, selon les estimations, deux fois plus fort que la formation de
capital11.
Ces dernières années, les autorités sont intervenues pour aligner les tarifs
sur les coûts. Depuis 1999, les tarifs de l’électricité ont augmenté beaucoup plus
vite que l’IPP et l’ICP (voir tableau 4.1), même s’ils restent bien inférieurs aux
niveaux d’avant la crise en termes réels12. Parallèlement, la discipline en matière de
paiement a continué de s’améliorer. Les prix moyens à la production de l’électricité,

© OCDE 2004
212 Études économiques de l’OCDE : Russie

Tableau 4.1. Augmentation des prix à la production réglementés de l’électricité


Décembre/décembre, pour cent
1998 1999 2000 2001 2002 2003

Tarifs moyens de l’électricité 2.2 19.7 41.7 28.8 28.3 n.a.


Hausse de l’IPC 84.5 36.6 20.1 18.8 15.1 12.0
Hausse de l’IPP 23.0 71.4 31.6 10.6 17.5 13.0
Source : Goskomstat RF.

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qui sont tombés à 0.282 rouble par kilowattheure, avaient atteint 0.673 rouble par
kilowattheure fin 2002, soit environ 0.022 dollar, au taux de change en vigueur à
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cette époque13. Les prix de gros ont donc rapidement convergé vers la fourchette
de 0.025-0.030 dollar estimée par la Banque mondiale comme le coût marginal de
long terme de la production électrique en Russie14. Des valeurs également très pro-
ches de la fourchette de 0.023-0.031 calculée par Nash et al. (2002) à partir des esti-
mations haute et basse des besoins d’équipement d’UES. Ces chiffres sont à
comparer au prix réel moyen de l’électricité dans les pays membres de l’OCDE en
2002, soit environ 0.09 dollar pour la clientèle domestique et 0.048 dollar pour
l’industrie15.
La subvention globale fournie aux dépens de la capitalisation du secteur
n’est qu’une partie du problème. La tarification différentielle a produit un sys-
tème complexe de subventions croisées entre les catégories de consommateurs.
À la fin des années 1990, le prix de gros moyen de l’électricité fournie aux ména-
ges représentait moins de la moitié de celui de l’industrie, en dépit du fait que la
clientèle domestique représente le segment du marché le plus cher à approvi-
sionner. Les prix à la production pour les consommateurs agricoles étaient légère-
ment plus hauts mais bien inférieurs à la moyenne pour l’industrie et les
transports. On peut constater sur le tableau 4.2 une nette convergence des prix
ces dernières années, l’industrie et les transports payant à peu près le même prix
de gros, et l’agriculture payant environ 94 pour cent. Même les tarifs demandés à
la clientèle domestique ont augmenté et se rapprochent de la moyenne. Ces chif-
fres, bien sûr, ne portent que sur les prix de gros. Le coût final pour les consom-
mateurs dépend de la manière dont ils sont approvisionnés. L’accès direct au
réseau à haute tension, sans fournisseur intermédiaire, est en général l’option la
moins chère : les consommateurs situés en aval qui doivent passer par des four-
nisseurs d’énergie pour être alimentés par des réseaux à basse tension, paient
beaucoup plus cher (trois fois le prix sur le réseau à haute tension, dans certains
cas). Comme ces réseaux sont en général sous le contrôle des autorités régionales
ou locales, il est difficile de généraliser. La structure des tarifs dépend de la
volonté et de la capacité des autorités concernées de subventionner certains

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 213

groupes de consommateurs. Les ménages sont souvent protégés, mais les petites
entreprises et les entreprises de services, qui sont également tributaires du
réseau à basse tension, paient souvent les tarifs les plus élevés (voir tableau 4.3).
Enfin, il y a un autre système de subventions accordées à des personnes privées
en vertu, soit de considérations sociales soit de leur appartenance à des groupes
particuliers autorisés à bénéficier de ces privilèges (anciens combattants par
exemple)16.
Le relèvement des prix est une bonne nouvelle, mais ne suffit pas à

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résoudre les problèmes du secteur. Après plus d’une décennie de sous-investis-
sement et de décapitalisation effective du secteur de l’électricité, la réforme est
devenue assez urgente. Faute de réforme, on voit mal comment ce secteur pourra
attirer l’investissement nécessaire pour empêcher l’apparition, à moyen ou long
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Tableau 4.2. Prix de gros réglementés de l’électricité, 1996-2002


Fin de période, roubles/kWh
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Prix de gros moyen 0.215 0.254 0.239 0.282 0.416 0.538 0.673
Pour les consommateurs industriels 0.275 0.264 0.257 0.296 0.430 0.548 0.669
Pourcentage du prix sectoriel le plus
élevé 100 100 100 100 100 100 94.9
Pour les producteurs agricoles 0.137 0.161 0.171 0.213 0.334 0.498 0.664
Pourcentage du prix sectoriel
le plus élevé 49.8 61.0 66.5 72.0 77.7 90.9 94.2
Pour les transports … … … 0.273 413 543 0.705
Pourcentage du prix sectoriel
le plus élevé 92.2 96.0 99.1 100
Pour les ménages … 0.113 0.105 0.153 0.235 0.314 0.460
Pourcentage du prix sectoriel
le plus élevé 42.8 40.9 51.7 54.7 57.3 65.2
Source : Goskomstat RF.

Tableau 4.3. Systèmes d’approvisionnement et prix à la consommation,


Samara Oblast’ 2003
(Roubles/kWh)
Nature de l’accès au réseau
Nature de l’achat
Haute tension Moyenne tension Basse tension

Achat direct à l’énergo 0.75 1.11 1.62


Achat auprès d’un fournisseur
intermédiaire 1.40 2.00 2.20
Pertes de transmission (approximation) 4% 8% 12-30 %
Source : Administration chargée de la régulation et de la surveillance du secteur de l’électricité, Samara Oblast’.

© OCDE 2004
214 Études économiques de l’OCDE : Russie

terme, de contraintes de capacité, qui pourraient être parfois très fortes. Pour
l’heure, il existe un fort excédent de capacité, même pendant les pointes, parce
que la consommation d’électricité a fortement chuté au début des années 90 et
qu’elle n’a pas encore retrouvé son niveau antérieur. À 891.3 milliards de kWh en
2002, la production est restée de 17.6 pour cent inférieure à son niveau de 1990.
La puissance totale exploitable est estimée aux alentours de 190 GW, alors que
les pointes de consommation actuelles s’établissent à environ 133 GW17. Le mon-
tant de la capacité en réserve pourrait augmenter si la hausse des tarifs se tradui-

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sait par une consommation plus efficiente. On a déjà pu constater que les
récentes hausses des prix ont incité les entreprises à réduire leur
consommation18. De fait, la production d’électricité n’a augmenté que de 8 pour
cent entre 1999 et 2002, alors que le PIB en termes réels a progressé de 29 pour
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cent pendant la même période. Toutefois, on s’accorde généralement à penser


que la croissance économique rapide va absorber la surcapacité actuelle avant la
fin de la décennie, même si la consommation d’électricité continue de progresser
moins vite que le PIB réel. Les pouvoirs publics s’attendent à ce que la consom-
mation atteigne 1015-1070 milliards de kWh d’ici 201019.
Même si la demande devait en fait stagner, une bonne partie tant des
moyens de production que des infrastructures de réseau est très ancienne et
devra être remplacée ou (ce qui est plus probable) substantiellement rénovée
dans les années qui viennent. On manque d’informations sur l’âge des biens
d’équipement dans ce secteur. Celles dont on dispose renseignent peu. La plu-
part des capacités de production et des infrastructures ont été construites avant
1975 (certaines même dans les années 30), mais une bonne partie a été rénovée
depuis sa mise en service. Les autorités estiment que les immobilisations du sec-
teur sont amorties à environ 65 pour cent (75 pour cent pour ce qui concerne les
réseaux de distribution ruraux) et le gouvernement juge qu’il sera nécessaire
d’installer des moyens de production représentant au moins 121 GW, voire
177 GW d’ici 2010. La plupart de ces nouvelles installations viendront remplacer
des actifs mis hors service20. Cette projection sous-estime probablement la capa-
cité des producteurs d’électricité de rallonger la durée de vie des centrales élec-
triques actuelles. Il existe également plusieurs centrales non terminées dont la
construction a démarré dans les années 80 et au début des années 90 et qui pour-
raient être rapidement mises aux normes de sûreté actuelles et exploitées à
moindre coût, semble-t-il21. Quoi qu’il en soit, le secteur aura assurément besoin
d’investissements substantiels dans les années à venir.
Les incertitudes relatives à la croissance de la demande et au véritable état
des équipements font qu’il est extrêmement difficile d’évaluer le moment précis où
les « ciseaux » de l’offre et de la demande vont se refermer, c’est-à-dire le moment
où les moyens de production ne seront plus capables de satisfaire la demande de
pointe. De nombreux experts russes pensent que ce scénario pourrait se produire à
la fin de la décennie et jugent réellement inquiétant que la réforme ne se déroule

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 215

pas assez vite pour permettre des investissements suffisants avant que de graves
contraintes de capacité ne commencent à émerger. Les autorités russes sont légère-
ment plus positives au sujet de l’équilibre de l’offre et de la demande que les
observateurs indépendants plus pessimistes, mais elles considèrent que le danger
est réel et qu’il existe des régions qui pourraient connaître de graves difficultés au
cours des prochaines années. Les transformations économiques font évoluer les
schémas de consommation de telle manière que les capacités excédentaires se
concentrent toujours plus les régions situées à l’Est de l’Oural, alors que la

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demande évolue plus rapidement à l’Ouest. Ce sont des préoccupations telles que
celles-ci qui ont incité UES et les autorités à lancer une réforme majeure du secteur
en 2001.
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Plans de réforme
L’objectif de la réforme du secteur de l’électricité en Russie est de faire
en sorte que l’offre continue de satisfaire la demande croissante en créant des
conditions qui encourageront aussi bien les investissements dans de nouvelles
installations qu’une efficience accrue de la production et de la consommation. Il
faut donc laisser les prix monter à des niveaux qui reflètent totalement les coûts,
mettre un terme aux subventions croisées et permettre aux mécanismes de mar-
ché de jouer chaque fois que possible. Dans l’ensemble, la stratégie de réforme
du secteur de l’électricité suivie par la Russie laisse transparaître le mode de res-
tructuration des entreprises d’électricité adopté dans de nombreux pays depuis
les 10 ou 20 dernières années 22 . Cette stratégie comprend les principaux
éléments suivants :
– briser le monopole verticalement intégré de la production, du transport
et de la distribution et séparer les activités potentiellement contesta-
bles de celles qui ont une forte composante en monopole naturel ;
– introduire la concurrence dans ces activités autant que possible, notam-
ment à la production et la vente ;
– fixer des tarifs réglementés pour le transport et la distribution, qui sont
des monopoles naturels, de façon à encourager l’efficience, pas unique-
ment pour couvrir les coûts.
Cette stratégie globale figure dans un programme de réforme détaillé qui
comprend deux piliers principaux : un cadre législatif composé de six lois adop-
tées en mars-avril 2003 et un plan de restructuration d’UES, connu sous le nom de
Plan '5+5' (cinq années avant et cinq années après la transition vers le marché)23.
La législation établit les règles fondamentales qui gouverneront tant les marchés
libéralisés que les monopoles publics encore en place après la réforme, alors que
le Plan '5+5' traite essentiellement de la restructuration des actifs (voir à
l’annexe 4.A1 une analyse plus détaillée du plan de réforme). Il existe un lien étroit
entre la législation et le Plan '5+5' car la restructuration d’UES est essentielle à la

© OCDE 2004
216 Études économiques de l’OCDE : Russie

création d’une structure de marché plus concurrentielle durant la transition et est


d’ailleurs imposée par les dispositions de la loi concernant la séparation des acti-
vités d’UES.
Les lois sur l’électricité fournissent le cadre juridique nécessaire à l’éta-
blissement d’un marché de l’électricité et définissent les paramètres du maintien
de la réglementation du transport et de la distribution. La législation impose une
séparation verticale stricte entre les activités contestables (production et vente)
et les activités en monopole naturel (transport, distribution et dispatching). Les

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propriétaires des actifs dans les composantes monopolistiques du marché seront
autorisés à détenir des actifs de production et de vente seulement dans certaines
circonstances. Trois identités spécialisées seront chargées du marché, de l’exploi-
tation du système et des infrastructures de transport. La Société fédérale du
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réseau (FSK) s’occupera du réseau à haute tension. L’administrateur du marché


(ATS) facilitera les échanges d’électricité, et le gestionnaire du réseau s’occupera
du dispatching de l’électricité et coordonnera l’exploitation et la maintenance du
réseau et des moyens de production. L’électricité et la chaleur deviendront des
biens échangeables librement sur des marchés de gros et de détail pour l’électri-
cité et sur un seul marché pour la chaleur. Il y a aura aussi un mécanisme de rému-
nération de la capacité. Les prix seront fixés librement, en fonction de l’offre et de
la demande, sur les segments concurrentiels des marchés de l’électricité. Les prix
réglementés des fonctions de monopole naturel, comme le transport seront fixés
de telle manière que l’opérateur puisse non seulement récupérer le coût payé
mais obtenir une rémunération du capital investi.
Le Plan '5+5' de restructuration d’UES doit être mis en œuvre d’ici 2008.
UES sera morcelé. Ses actifs de production seront répartis entre dix producteurs
de gros (gencos) organisés par type de centrale, soit six producteurs thermiques
et quatre producteurs hydrauliques. Un des producteurs hydrauliques relèvera
directement du gestionnaire de réseau pour les besoins de la stabilité du sys-
tème. Dans la plupart des pays, le régime serait contractuel, mais il paraît sensé,
étant donné l’environnement contractuel peu favorable qui existe en Russie, que
le gestionnaire de réseau ait un contrôle direct de cette capacité de production
dédiée. Les actifs de transport d’UES ont déjà été transférés à la FSK, qui doit
également prendre le contrôle des lignes à haute tension n’appartenant pas au
système d’UES (soit par acquisition soit par location). Les activités de dispatching
d’UES ont été transférées au gestionnaire de réseau, qui a également repris les
centres de dispatching des énergos. La FSK et le gestionnaire de réseau ont été
créés comme des filiales à 100 pour cent d’UES, sachant que ces dernières
deviendront en fin de compte des entreprises totalement séparées. Le plan pré-
voit aussi la restructuration des énergos, dont les activités de production, de
transport, de distribution et de vente seront d’abord dissociées en vue d’un
regroupement ultérieur en unités spécialisées plus importantes plutôt qu’en
petits monopoles locaux. À la fin du processus, les actifs des anciens énergos

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 217

auront été réorganisés en 14 entreprises de production territoriales, cinq sociétés


de distribution interrégionales et un plus grand nombre de sociétés de commer-
cialisation.
La mise en œuvre de la législation et du Plan '5+5' devra être achevée
d’ici 2008 ou 2009, après quoi la structure du secteur ressemblera à celle présen-
tée au graphique 4.2. L’État continuera de détenir 100 pour cent des moyens de
production nucléaire du pays et du capital du gestionnaire du réseau. Il aura une
majorité qualifiée (75 pour cent + 1 action) de FSK indéfiniment24 et gardera des

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participations majoritaires dans les entreprises de production hydraulique, au
moins jusqu’à la fin de la période transitoire. Il conservera également des partici-
pations de 52 pour cent (sa participation actuelle dans UES) dans les sociétés de
distribution interrégionales, la société holding mise en place pour gérer les parti-
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cipations d’UES dans des systèmes énergétiques isolés et les autres actifs d’UES.
Toutefois, sa participation au capital des producteurs exploitant des centrales
thermiques et des producteurs territoriaux passera en-dessous de 50 pour cent.
Dans certains cas, ces sociétés pourront être entièrement privatisées. La libérali-
sation du marché de gros aura lieu à une date fixée par le gouvernement, mais pas
avant le 1er juillet 2005. Le marché libéralisé comprendra des contrats bilatéraux à
long terme, un marché la veille pour le lendemain et un marché d’ajustement
heure par heure. À quelques exceptions près (voir ci-après), le segment de la
vente d’électricité sera également libéralisé, tandis que le transport et la distribu-
tion sur les réseaux à haute et à basse tension seront réglementés, parce qu’il
s’agit de monopoles naturels, la tarification choisie étant en cost plus.
La législation consacrant la réforme comprend plusieurs éléments visant à
assurer une transition sans heurts :
– Un marché à l’essai, représentant entre 5 et 15 pour cent du total du mar-
ché de l’électricité, a été lancé en novembre 2003 afin de tester la fiabi-
lité des structures et dispositifs réglementaires25. Des marchés de gros
« pilotes » totalement libéralisés pourraient être créés en temps utile
dans une ou plusieurs régions avant la libéralisation totale.
– Pendant trois ans, après la libéralisation du marché de gros, des
« fournisseurs désignés » fourniront l’électricité aux ménages et aux
prestataires de services municipaux à un tarif réglementé. Ces prix
seront fonction du prix moyen sur le marché de gros, la différence entre
le tarif domestique et le prix sur le marché de gros s’estompant d’année
en année26.
– Trois ans avant la fin de la période de transition, il reviendra aux auto-
rités régionales et fédérales d’approuver ou d’interdire la mise hors ser-
vice des centrales de cogénération, qui alimentent les ménages et
l’industrie en chaleur et eau chaude. Le sort de ces centrales pose un
problème dans le cadre de la réforme (voir ci-après).

© OCDE 2004
218 Études économiques de l’OCDE : Russie

Graphique 4.2. Structure du secteur de l’électricité en Russie, 2008-09

Holding RAO UES


Quatre produc- • Participation de l’État
Centrales Six
teurs hydrauli- dans des systèmes
nucléaires producteurs 14 gencos
ques de gros énergétiques isolés
(appartenant à thermiques territoriaux
(gencos) • Parts de l’État résiduelles
100 % à l’État) (gencos)
(appartenant • Parts de l’État dans des
Production

majoritairement fournisseurs désignés


à l’État)

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Marché de gros
Administrateur du marché
Dispatching
Gestionnaire du
réseau (contrôlé à
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100 % par
l’État)
Transport

Réseau à haute tension


Société fédérale du réseau
(75 % + 1 détenus par l’État)
Distribution

Réseau à basse tension


(Cinq sociétés de distribution interrégionales)

Sociétés commerciales
(y compris les fournisseurs désignés)
Industrie et autres utilisateurs
Fourniture

Ménages

Source : OCDE, à partir de diverses sources.

Toutefois, certains aspects de la transition restent à éclaircir. Les modali-


tés et le planning de la libéralisation du reste du marché de gros relèvent des
pouvoirs publics et constituent peut-être la source la plus importante d’incerti-
tude concernant cette réforme.
Globalement, la démarche adoptée pour la réforme est satisfaisante.
L’argument en faveur d’une séparation verticale est, semble-t-il, d’autant plus per-
tinent pour l’électricité que pour le gaz, qu’il est encore plus difficile pour le régu-
lateur d’empêcher la discrimination dans le secteur électrique. Les conséquences
économiques potentielles d’une discrimination sont, de plus, considérables, tout
comme le sont les avantages économiques potentiels d’une concurrence plus
intense à la production. Malgré la complexité technique de ce problème et les

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 219

conflits parfois âpres entre les différents lobbies qui cherchent à influencer le pro-
cessus, les autorités ont conçu un cadre de réforme impressionnant qui tient
compte à la fois des caractéristiques du secteur russe de l’énergie et des leçons
tirées de la libéralisation des marchés de l’électricité ailleurs. Le programme de
réforme fixe une direction claire, tout en conservant la souplesse nécessaire pour
procéder aux ajustements nécessaires pendant la mise en œuvre de la restructu-
ration en fonction des réactions du secteur. La réforme a été conçue pour éviter
les chocs économiques sur le secteur électrique et sur les consommateurs. En

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outre, bien que certains jugent la réforme trop lente, le rythme de changement
observé depuis 2001 soutient avantageusement la comparaison avec celui des
réformes réalisées dans d’autres pays. Dans la mesure où le débat qui suit va se
concentrer sur les écueils et les problèmes qui pourraient se présenter lors de la
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mise en place de la réforme, il importe de souligner d’emblée l’exploit accompli


par les autorités qui sont parvenues à concevoir et mettre en route une réforme
complète du secteur de l’électricité.

Mise en œuvre
La complexité du plan de réforme et la durée prolongée prévue pour sa
mise en œuvre témoignent de la volonté des autorités russes de procéder avec la
prudence qui s’impose et de tirer les leçons de l’expérience de la libéralisation
du secteur électrique à l’étranger. Parmi ces leçons, il ressort clairement que les
détails techniques du plan ont une grande importance. C’est pourquoi les autori-
tés russes ont pris tout le temps nécessaire et mis tout en œuvre pour les maîtri-
ser. Toutefois, la complexité du plan et la durée de la transition font redouter que
l’objectif de la réforme ne soit déformé ou, du moins fortement altéré, par l’inter-
vention de groupes de pression pendant la période de mise en œuvre. La législa-
tion prévoit que les pouvoirs publics prennent un grand nombre de décisions
fondamentales à un stade ultérieur. Il s’agit notamment du choix du moment et de
l’ampleur de la libéralisation, des règles régissant l’accès au réseau, du fonction-
nement du marché et de la prévention de la discrimination. Le Plan '5+5' laisse
également de nombreuses questions ouvertes, notamment les mécanismes spé-
cifiques de démembrement des 'gencos' et la création des 'gencos' territoriales.
Ce flou dans les lois et le Plan pourrait néanmoins présenter des avantages, au
sens où il laisse aux autorités la liberté d’adapter et d’ajuster la réforme à mesure
qu’elle se déroule. Or, ce pourrait bien être nécessaire pour la mise en œuvre
d’une réforme aussi complexe et ambitieuse. Toutefois, cela signifie aussi que les
batailles les plus difficiles sont, pour la plupart, à venir.
Le risque que des groupes de pression ne dénaturent la réforme pendant
sa mise en œuvre est d’autant plus grand que la restructuration des actifs et la
création de l’architecture du secteur libéralisé s’effectueront en parallèle. Ces
deux éléments sont indispensables à la réforme, mais leur réalisation simultanée

© OCDE 2004
220 Études économiques de l’OCDE : Russie

complique le processus. La valeur des actifs à réaffecter lors du démantèlement


d’UES dépendra souvent des institutions et des règles qui seront finalement éta-
blies pour régir le marché. Les acteurs en compétition pour le contrôle d’actifs
seront donc fortement incités à manœuvrer pour obtenir ce qu’ils veulent de la
déréglementation et de la conception du marché. La campagne de plusieurs
entreprises industrielles russes pour acquérir de larges blocs d’actions d’UES
avant la restructuration en est l’une des preuves les plus flagrantes. Certains grou-
pes industriels ont déjà fait l’acquisition d’importantes participations dans cer-

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tains 'énergos'. Au début de 2004, le secteur privé russe détenait environ 32 pour
cent d’UES, contre 5 pour cent à la mi-2000.
Les prises de participation dans UES par les industriels russes ont mar-
qué un temps fort du processus de réforme, mais leur signification est ambiguë.
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Elles sont sans aucun doute une manifestation de la conviction que la réforme de
l’électricité allait, après bien des retards, être réalisée. Autre fait encourageant,
ces groupes de pression puissants devaient acquérir d’importantes participations
dans UES pour influer sur le processus. Au départ, ils espéraient apparemment
acquérir des avoirs spécifiques, hors du cadre de la restructuration. Lorsque ces
ventes ont été interdites au mois de septembre 2002, les industriels ont été pris
d’une frénésie d’achat d’actions. Toutefois, leur comportement a révélé l’exis-
tence d’un fossé entre les plans des pouvoirs publics et les attentes du secteur
privé quant aux résultats de la réforme. Un grand nombre de groupes, voire la
majorité, semblent être essentiellement concernés par l’intégration verticale, leur
objectif étant de s’assurer le contrôle d’actifs clés en amont et en aval de leur acti-
vité première afin de se protéger au cours de la réforme27. On observe donc une
grande confiance quant à l’avancement de la réforme, mais peu de conviction que
le résultat sera un marché qui fonctionne de façon satisfaisante28.
Le défi à relever par les autorités consiste à s’assurer que les questions
en suspens sont résolues conformément aux objectifs globaux de la réforme. Dans
certains cas, les calendriers de mise en œuvre devront être modifiés. Il n’est pas
souhaitable de laisser la réforme traîner, mais certains retards peuvent être inévi-
tables. Le calendrier de mise en œuvre est extrêmement ambitieux, mais pas
irréaliste : il concorde en effet avec l’expérience de la libéralisation des secteurs
électriques dans les pays de l’OCDE, qui, en général, a duré de 5 à 10 ans29. Si les
évaluations plus pessimistes de l’état des moyens de production sont correctes, il
faudra faire en sorte que les tarifs de l’électricité augmentent suffisamment pour
attirer des investissements significatifs avant la fin de la décennie.

Restructuration des actifs


Le Plan '5+5' est relativement détaillé, mais il reste à mettre au point les
mécanismes d’affectation des actifs d’UES et des énergos dans le cadre de la res-
tructuration. Il avait été initialement prévu que tous les actionnaires d’UES rece-

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 221

vraient simplement des actions de toutes les entreprises lui succédant


proportionnellement à leur participation dans UES. Cette approche, générale-
ment considérée comme le moyen le plus sûr de préserver les droits des action-
naires minoritaires pendant la restructuration, a été critiquée à plus d’un titre. Les
petits actionnaires se seraient retrouvés avec un grand nombre de petites partici-
pations dans les sociétés succédant à UES et cet effet de dilution risquait de les
rendre plus vulnérables qu’auparavant étant donné les interrogations qui pèsent
sur la qualité du gouvernement d’entreprise. La loi exige une séparation stricte

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des activités de production et de transport, ce qui signifie qu’aucune entité issue
de l’éclatement d’UES n’est autorisée à détenir à la fois des actifs de production
et des actifs de transport, sauf dans des circonstances particulières. Toutefois, si
le principe de proportionnalité était strictement appliqué, les entreprises nées
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d’UES se retrouveraient entre les mains des mêmes propriétaires et dans les
mêmes proportions, du moins au départ. En outre, l’État souhaite accroître ses
participations dans les entreprises d’infrastructure (essentiellement la FSK et le
gestionnaire de réseau) et simultanément se dégager de la production. La plupart
des investisseurs privés veulent le contraire, concentrant leurs avoirs dans les
activités de production. Cela concerne tout particulièrement les principaux grou-
pes industriels russes, qui ont exercé de fortes pressions pour assouplir le prin-
cipe de proportionnalité après avoir commencé à acquérir des actions d’UES à la
fin 2002.
Il semblerait aujourd’hui que le démantèlement sera réalisé par étapes.
Lors de la première étape de restructuration, tous les actionnaires d’UES auront le
droit d’échanger leurs actions UES contre une participation équivalente dans les
entreprises nées de la restructuration. Les participations dans les gencos qui
échappent à la règle de proportionnalité, notamment les parts de l’État, seront
alors mises en vente dans le cadre d’une enchère, où l’acquisition pourra se faire
en contrepartie d’actions ou d’espèces (certaines participations pourraient n’être
acquittées qu’en actions). De ce fait les investisseurs qui n’exercent pas leur droit
au prorata qui leur est alloué pendant la phase 1 pourront, pendant la phase 2,
utiliser leurs actions UES pour acquérir des actifs particuliers. Les autorités sou-
haitent permettre aux investisseurs qui ne possédaient pas d’actions d’UES de
participer aux enchères, au motif qu’en limitant les enchères aux actionnaires, on
risque de créer un oligopole de l’électricité dominé par un petit nombre de
grands groupes industriels. Selon toute probabilité, les nouveaux investisseurs
devront payer une prime significative, prime qui pourrait être calculée d’après le
cours moyen de l’action UES sur une période donnée avant les enchères. De cette
manière, les intérêts des actionnaires UES seront protégés.
La restructuration en deux étapes devrait permettre à l’État d’accroître sa
participation dans FSK des 52 pour cent (pourcentage auquel il a droit) aux
75 pour cent plus 1 action exigés par la loi. Elle facilitera également l’augmenta-
tion de la participation de l’État dans le capital du gestionnaire de réseau. En

© OCDE 2004
222 Études économiques de l’OCDE : Russie

encourageant la diversification de l’actionnariat dans les gencos, elle peut aussi


favoriser la concurrence dans le secteur et donner plus de sens à la séparation
verticale qu’impose la loi. Toutefois, la participation de l’État dans tous les actifs
résiduels d’UES va augmenter du fait des enchères. De ce fait, l’État se retrouvera
en possession de nombreux actifs dont il ne veut pas, notamment des moyens de
production qui n’intéressent pas les investisseurs. Ces actifs se trouveront, pour
certains, dans des zones où l’État restera en position dominante, le Grand Nord et
l’Est du pays par exemple. D’autres seront vraisemblablement des moyens de

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production non rentables, de second rang, que les autorités pourraient continuer
à gérer pour des raisons politiques et sociales. Il y a là une source éventuelle de
conflit d’intérêts, étant donné le contrôle qu’a l’État sur le dispatching via le ges-
tionnaire du réseau. Il pourrait être préférable de mettre ces actifs sous cocon
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(sans nécessairement les mettre hors service) afin de se prémunir contre d’éven-
tuelles contraintes de capacité ou contre l’exercice de pouvoirs de marché par
certains producteurs.
On ne sait pas très bien exactement comment les « gencos territoriales »
et les sociétés de distribution interrégionales seront créées au moment de la res-
tructuration des énergos. Le Plan '5+5' prévoit un processus en trois étapes pour
morceler les énergos puis fusionner leurs actifs de production dans de nouvelles
sociétés. Ce processus pourrait prendre jusqu’à quatre ans. Un délai trop impor-
tant entre le démantèlement des énergos et la constitution des nouveaux énergos
pourrait présenter un risque en termes de gouvernement d’entreprise, les ex
énergos étant remplacés par des centaines de sociétés beaucoup plus petites,
dont l’actionnariat serait très statique et dont les dirigeants auraient davantage de
liberté par rapport à l’État. Plus la phase de transition sera longue et plus on court
le risque de voir des initiés acquérir des actifs en priorité30. Diverses propositions
ont été avancées pour accélérer cette transition, et il semble désormais que les
gencos territoriales, au moins, seront constituées par un processus légèrement
plus rapide de création simultanée (voir annexe 4.A1). Quelle que soit la solution
choisie, il serait bon d’opter pour une transition aussi courte que possible, sans
compromettre pour autant les droits des actionnaires. Cela vaut pour la formation
des gencos, des sociétés de distribution interrégionales comme des gencos terri-
toriales. Une bonne gestion de la restructuration aurait, en outre, l’avantage de
renforcer la confiance des investisseurs, surtout les investisseurs étrangers, qui
pourraient redouter que des groupes d’entreprises bien informées ne manipulent
le processus et ne dominent le secteur après la restructuration. On y verra donc
une occasion importante d’asseoir la crédibilité de la réforme.
On aurait tort d’exagérer le risque que la restructuration ne dégénère en
bataille incontrôlée pour l’acquisition d’actifs. On a évoqué à ce propos les conver-
sions de créances en actions par une procédure d’enchère dans les années 90,
mais ces craintes sont tout à fait exagérées. On peut néanmoins s’attendre à des
tentatives moins visibles de transactions par des initiés et à des manipulations des

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 223

procédures. La meilleure façon de limiter les abus, quelle que soit la solution rete-
nue en fin de compte pour la restructuration d’UES et des énergos, sera de veiller à
ce que les procédures de cession d’actifs soient normalisées, transparentes et rela-
tivement simples. Assurément, la complexité et l’opacité sont la porte ouverte à la
corruption, et, du coup, toute transaction exceptionnelle risque d’apparaître abu-
sive même si en réalité elle ne l’est pas. Si l’on veut écarter tout risque de manipu-
lation des procédures de restructuration, il conviendra de respecter
scrupuleusement la transparence et notamment de diffuser les informations sur les

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bénéficiaires effectifs et sur les relations entre les parties prenantes et de révéler,
le cas échéant, toute transaction par des initiés31. À l’évidence, il faut en priorité
limiter les tentatives de détournement du processus, sans surestimer l’importance
de ces tentatives. Résoudre la question de l’actionnariat sera en soi une avancée.
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D’autres secteurs en Russie ont du attendre que soient réglées les acquisitions
d’actifs pour voir l’investissement reprendre et la restructuration avancer. Il pour-
rait en aller de même avec le secteur électrique à condition que les règles du mar-
ché soient bien conçues et que les abus les plus graves de position de monopole
local et les autres formes de pouvoir de marché soient combattus.

Production et vente : créer des marchés concurrentiels


Les plans de réforme révèlent une prise de conscience bienvenue de la
nécessité de restructurer les marchés de manière à faciliter la concurrence. Les six
producteurs thermiques auront tous à peu près la même taille (en termes de
puissance installée), le même parc de centrales et des immobilisations d’âge
identique. Les gencos seront également disséminés sur le territoire afin d’éviter
les concentrations sur certains marchés. Les gencos territoriales prévues seront de
tailles plus variées (en raison de la décision de les structurer autour de groupes
de régions contiguës), mais elles ont été également organisées de façon à éviter
des concentrations excessives de pouvoir de marché dans certaines zones de prix
particulières. En outre, les pouvoirs publics restent déterminés à faire en sorte
que la restructuration d’UES ne se traduise pas par une structure de marché oligo-
polistique. Enfin, la loi stipule qu’aucune personne morale ou aucun groupe de
personnes morales apparentées ne peut détenir plus de 35 pour cent du total de
la puissance installée dans n’importe quelle zone d’application des prix de gros.
Ces entités peuvent être soumises à une réglementation de leurs prix ou contrain-
tes à un démembrement32.
Toutefois, malgré les préoccupations des autorités concernant les dangers
de création d’un oligopole privé, l’importance de l’État dans le secteur de produc-
tion d’électricité pourrait en fait présenter la plus grande menace pour la concur-
rence. Peu importe que les centrales nucléaires soient dans le giron de l’État,
puisqu’elles fonctionnent en base et n’ont pas vraiment d’impact sur la formation
des prix. Il existe bien d’autres moyens de production appartenant à l’État qui pro-

© OCDE 2004
224 Études économiques de l’OCDE : Russie

duiront de l’électricité à un coût relativement élevé de toute manière et qui ne pose-


ront de problème que s’ils sont appelés en priorité pour des raisons politiques ou
sociales. Le fait que l’État contrôle environ 40 GW hydrauliques est une autre affaire.
La production hydraulique a les coûts marginaux de court terme les plus bas de tous
les moyens de production non nucléaires. De ce fait, elle ne peut pas directement
déterminer le prix marginal. Toutefois, on pourrait l’utiliser indirectement pour gérer
le prix marginal : en proposant de manière judicieuse de la puissance hydraulique, il
est possible de prendre la place d’autres installations plus chères dans l’ordre

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d’appel des groupes, ce qui ferait baisser le prix de gros. Cette manœuvre pourrait
être très efficace pour contrer l’exercice de pouvoirs de marché par les producteurs
privés. Cependant, utilisée de façon trop agressive, elle risque de faire chuter globa-
lement les prix et de décourager les investissements nécessaires dans de nouvelles
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capacités. Les autorités devraient résister à la tentation d’utiliser les centrales


hydrauliques pour freiner les hausses de prix. Il faudrait inciter les dirigeants des
trois sociétés hydrauliques non liées au gestionnaire de réseau à exercer leurs activi-
tés sur une base commerciale saine en leur donnant toute liberté pour le faire, plutôt
que de les encourager à jouer le rôle d’instruments quasi réglementaires. À long
terme, si l’on privatise le reste des actifs de production de l’État, ce dernier sera
moins tenté, mais aussi moins en mesure, de gérer le marché à sa manière.
Les projets de mise en place d’un système de rémunération de la capa-
cité présentent des risques similaires. Cette rémunération destinée à améliorer la
sécurité de la fourniture en s’assurant de la disponibilité d’une capacité suffisante
constitue une forme d’assurance contre une défaillance éventuelle du marché, ou,
dans le cas de la Russie, de réassurance, dans la mesure où les autorités détien-
dront une capacité de production suffisante pour avoir une marge de réserve
confortable. Le problème tient au fait que, en l’absence de critères clairs concer-
nant l’appel des groupes en question, le gestionnaire de réseau peut les faire
fonctionner trop tôt, faussant ainsi les signaux de prix envoyés par le marché et
les incitations à investir dans de nouvelles capacités33. La rémunération de la
capacité risque également d’encourager les producteurs à exploiter le système en
manipulant leurs déclarations de disponibilité afin d’être davantage rémunérés.
Parce qu’elle offre une source de revenu aux producteurs historiques, qu’ils ven-
dent de l’électricité ou non, la rémunération de la capacité risque aussi d’interdire
l’entrée de concurrents34. La conception d’un tel système de rémunération devra
donc tenir compte de la nécessité de réduire toute distorsion des incitations à
investir ou du fonctionnement du marché.
Il est essentiel dans ce contexte de bien appréhender trois propriétés
physiques particulières de l’électricité : elle ne peut pas être stockée (hormis
l’eau dans les réservoirs) si ce n’est à des prix exorbitants ; l’offre et la demande
doivent s’équilibrer à tout moment ; et la demande tend à être inélastique à très
court terme, dans la mesure où la plupart des consommateurs n’ont pas les infor-
mations ni les moyens leur permettant de réagir rapidement à un changement de

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 225

prix. En d’autres termes, même un marché de l’électricité qui fonctionne bien à


toutes les chances d’être beaucoup plus volatil que la plupart des autres marchés
de biens. Certes, les défaillances du marché et les situations impliquant un pou-
voir de marché sont possibles, mais la volatilité des prix n’est pas en elle-même
un problème. Et de fait, elle peut être une source d’information vitale permettant
de déceler les points où apparaissent des contraintes sur le système et de déter-
miner les nouveaux investissements nécessaires. Pour qu’un secteur libéralisé
fonctionne efficacement, les autorités doivent donc être prêtes à tolérer cette vola-

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tilité, même si cela signifie qu’il faudra parfois accepter de fortes hausses de prix.
En d’autres termes, l’État devra s’abstenir d’utiliser les actifs qu’il détient ou des
instruments tels que l’application d’un prix-plafond, prévue par la législation, pour
brouiller inopinément les signaux que le marché envoie. L’une des manières d’évi-
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ter cette situation consisterait à s’appuyer davantage sur le droit de la concurrence.


Bien des mesures intégrées à la réforme pour combattre des comportements
opportunistes éventuels laissent transparaître en filigrane la faiblesse des autori-
tés de la concurrence en Russie et ne seraient pas nécessaires si le droit de la
concurrence était complet, bien formulé et efficacement mis en application.
Aux premiers stades de la libéralisation, il ne sera peut-être pas difficile
de s’en tenir à cette politique, car les prix pourraient tout à fait chuter après
l’ouverture du secteur à la concurrence. Après tout, le système est en surcapacité,
même au moment des pointes de la demande. Il y a également des possibilités
d’améliorer la productivité, les dispositifs réglementaires actuels ne permettant
pas un dispatching économiquement très efficient. Toutefois, les prix devront
finalement augmenter, et beaucoup, pour atteindre les niveaux où il devient inté-
ressant d’investir dans la capacité de production. La courbe des prix ainsi décrite
et qui se caractérise par chute initiale et des hausses ultérieures, a été observée
sur d’autres marchés de l’électricité libéralisés35. C’est lorsque les prix commen-
cent à remonter que les autorités doivent éviter d’intervenir pour les faire baisser
artificiellement, ce qui aurait pour effet de brouiller les signaux indiquant un
besoin d’investissement. En outre, s’il veut attirer des investissements privés
substantiels dans le secteur, l’État doit être en mesure de s’engager par avance et
de façon crédible à intervenir le moins possible.
Les investisseurs hésiteront à entrer sur le marché s’ils pensent que les
autorités vont intervenir lourdement pour empêcher les prix de grimper. Et de
fait, ils hésiteront probablement à s’engager sur un marché où l’autorité de régula-
tion, le contrôle des infrastructures et le gros des moyens de production se trou-
vent entre les mains de l’État. Un engagement précoce et crédible de l’État à se
retirer des activités de production après la fin de la transition constituerait un
signal rassurant pour les investisseurs. Un autre signal important serait de clarifier
les règles de plafonnement des prix, et de préciser que ces plafonds seront fixés
à des niveaux très élevés et ne seront utilisés que dans des circonstances tout à
fait exceptionnelles. En général, la création d’une autorité de régulation puissante

© OCDE 2004
226 Études économiques de l’OCDE : Russie

et indépendante, ayant un mandat clair et des règles précises, déchargerait sen-


siblement les autorités de l’obligation de s’engager à ne pas intervenir lourde-
ment sur le marché. En l’absence de régulateur, ces autorités auront du mal à
convaincre les investisseurs de la stabilité du cadre juridique et réglementaire
mis en place aujourd’hui. Les investisseurs, de leur côté, peuvent redouter de se
trouver exploités si ce cadre est modifié après leur entrée sur le marché.
Dans la réforme, la vente d’électricité doit être ouverte à la concurrence.
Les fournisseurs interviennent pour le compte des consommateurs trop petits

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pour accéder aux marchés de gros par eux-mêmes. Pour protéger la population
aux premiers stades de la réforme, la législation prévoit la désignation de
« fournisseurs désignés », qui exerceront leurs activités sur des marchés régionaux
spécifiques et pourront acheter jusqu’à 35 pour cent de l’électricité produite par
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les producteurs à des prix réglementés afin de les revendre aux ménages36. Ces
fournisseurs doivent desservir tous les clients qui s’adressent à eux pour un prix
égal au prix de gros plus une commission réglementée pour l’approvisionnement.
Il peut y avoir plusieurs « fournisseurs désignés » dans un même sujet de la Fédé-
ration, mais leurs zones de desserte ne peuvent se chevaucher ni franchir les fron-
tières entre sujets de la Fédération. Il est probable qu’il y aura un fournisseur
désigné dans chaque sujet de la Fédération et qu’il s’agira probablement de
l’entreprise commerciale émanant de l’énergo local.
Ces dispositions comportent le risque que des « fournisseurs désignés »
puissent, avec le soutien implicite des autorités régionales (qui auront probable-
ment d’importantes participations au capital de ces sociétés), établir des monopo-
les de facto régionaux. En outre, rien dans la législation n’interdit aux producteurs de
détenir des sociétés de commercialisation. Bien qu’autorisant certains gains d’effi-
cience, cette situation pourrait se révéler quelque peu problématique étant donné
que la finalité de ses sociétés de commercialisation est justement de représenter
les consommateurs auprès des producteurs. Tant que les consommateurs peuvent
effectivement choisir leurs fournisseurs, cela ne devrait pas poser de problème,
mais il convient de s’assurer que les producteurs ne se servent pas de leur partici-
pation dans les sociétés de commercialisation pour neutraliser la concurrence sur
les marchés locaux. En outre, la décision de créer des sociétés de vente au détail
ad hoc pour servir les petits consommateurs réglementés présente un risque qui
est de laisser ces fournisseurs dépérir, faute d’incitation à innover ou à répercuter
les avantages de la réforme sur les petits consommateurs. Cela pourrait également
rendre plus difficile l’introduction ultérieure de la liberté de choix du consomma-
teur et pérenniser la tarification réglementée et les avantages acquis.

Transport et distribution : régulation des monopoles


L’efficience du marché de gros dépendra dans une large mesure de la
capacité du réseau de favoriser la concurrence. En dépit de l’âge de nombreuses

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 227

lignes, le réseau à haute tension semble se trouver globalement en bon état. UES
et la FCK essaient de résorber les goulets d’étranglement et de supprimer les fai-
blesses du réseau. Dans l’ensemble, les capacités de transport sont encore très
supérieures aux besoins, mais il faudra probablement supprimer de nouveaux
goulets d’étranglement pour que le marché de gros libéralisé puisse fonctionner.
Les représentants du ministère de l’Énergie ont laissé entendre qu’il était urgent
d’investir 2.3 milliards de dollars dans le réseau mais, d’après des analystes
indépendants, la situation est moins dramatique pour plusieurs raisons. Premiè-

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rement, les actifs existants sont dans de nombreux cas très mal exploités 37 .
Deuxièmement, certains observateurs se font une trop haute idée de la façon
dont le réseau doit fonctionner pour que le marché fonctionne correctement (il
n’est ni nécessaire ni efficient d’éliminer les différentiels de prix géographiques).
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La question vitale qui se pose est la suivante : comment seront prises les déci-
sions concernant le développement du réseau après la période transitoire. Les
schémas de production et de consommation vont sans doute changer radicale-
ment après la libéralisation, et il faudra non seulement réévaluer les besoins
d’investissement dans le réseau mais également déterminer quelle est la solution
la plus efficiente : la production locale ou la construction de nouvelles lignes élec-
triques. Sachant que la valeur d’un actif de production peut varier considérable-
ment selon que l’on a investi ou non dans le réseau, on mesure l’ampleur des
pressions qui peuvent s’exercer ou des conflits qui risquent de naître.
Le système de tarification choisi aura un impact primordial crucial sur la
manière dont les décisions relatives aux investissements dans le réseau pourront ou
devront être prises. Le marché libéralisé doit normalement reposer, dans les pre-
mières phases, sur une tarification zonale, selon laquelle les prix sont fixés pour cha-
que zone du marché et moyennent le coût de la congestion sur les nœuds
concernés. En tant qu’approche transitoire, c’est une stratégie sensée, qui devrait
refléter plus exactement les coûts et les contraintes que toute autre forme de tarifica-
tion, hormis la tarification nodale, plus difficile à mettre en œuvre, surtout avec des
participants qui n’ont guère d’expérience de la gestion des risques associés. À long
terme, toutefois, le passage à une tarification nodale pourrait apporter d’importants
avantages : un fonctionnement plus efficient du marché à court terme et des investis-
sements plus rentables à plus long terme. Parce qu’elle révèle la rareté relative de
capacité de transport en tout point du réseau, la tarification nodale donne les
signaux les plus clairs sur les points où apparaissent des contraintes et incite par là
même à engager des investissements bien localisés38. En attendant la tarification
nodale et si elle n’est pas adoptée, les désaccords concernant les moyens les plus
rentables d’éliminer les contraintes de transport risquent d’être monnaie courante.
C’est pourquoi il est si important de bien concevoir le dispositif dans lequel seront
prises les décisions stratégiques relatives aux montants et à l’orientation des inves-
tissements à consentir à long terme sur le réseau.

© OCDE 2004
228 Études économiques de l’OCDE : Russie

À l’heure actuelle, la FSK est chargée de formuler des propositions pour


les investissements sur le réseau. Le programme de maintenance ne prête pas à
controverse et on procède à l’élimination de certains goulots d’étranglement. Il y
a encore des différences de coûts importantes qui pourraient être réduites en
construisant quelques nouvelles lignes ou en rénovant les lignes existantes. Cer-
tains investissements ont été imposés au niveau national par la construction de
nouveaux raccordements ferroviaires39. Si la FSK conserve la responsabilité de ces
décisions, il est possible qu’elle privilégie, pour lever les contraintes, des solu-

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tions relevant à proprement parler du réseau, alors que la création de nouvelles
capacités de production ou même des interventions sur la demande seraient plus
efficaces. Les plans de création d’interconnexions très longues, en particulier,
devront être examinés avec attention avant de consentir de lourds investisse-
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ments. Renforcer le réseau et lever les contraintes de transport interrégional


devraient à la fois favoriser la concurrence et renforcer la fiabilité du réseau, mais
on peut douter de l’efficience d’interconnexions sur de très longues distances40.
Dans un secteur libéralisé, le gestionnaire de réseau serait le mieux
placé, semble-t-il, pour prendre les décisions concernant les investissements
dans le réseau. Il détiendra les informations nécessaires pour fonder ses déci-
sions et échappera aux conflits d’intérêts que risquent de connaître les autres par-
ticipants au marché. S’il lui est confié une mission de service public bien conçue,
le gestionnaire de réseau peut prendre en charge la planification des investisse-
ments dans le réseau ou se voir attribuer des compétences élargies pour résoudre
les contraintes de transport, ce qui lui permettra d’opter pour les solutions les
plus rentables. Quel que soit l’organisme chargé de cette planification stratégi-
que, sa mission doit être minutieusement formulée de sorte qu’il puisse recher-
cher des solutions efficientes qui répondent aux besoins du marché tout entier. Il
faut également exiger qu’il consulte régulièrement les organismes publics intéres-
sés et des acteurs du secteur privé et qu’il respecte la transparence dans ses acti-
vités de planification. Pourtant, en fin de compte, c’est le passage à la tarification
nodale qui semble le meilleur moyen de garantir des décisions économiquement
efficientes concernant les investissements dans les infrastructures.
L’avenir du réseau à basse tension paraît plus sombre. À l’heure actuelle,
il est prévu de déposséder les énergos de leurs actifs sur le réseau à basse ten-
sion pour ensuite les regrouper en cinq distributeurs inter-régionaux. Les modali-
tés restent à éclaircir. Il s’agit de savoir si les distributeurs interrégionaux pourront
attirer l’investissement nécessaire. Une bonne partie du réseau à basse tension
est en triste état, et les nouvelles entreprises risquent d’avoir un actionnariat dis-
persé et des structures de gestion fragmentées. Sachant que cette composante du
système sera un monopole naturel réglementé, il semblerait justifié de mettre en
place un mécanisme parallèle à la restructuration d’UES par lequel l’État se défe-
rait de ses participations dans les moyens de production des énergos contre une
augmentation de ses participations au réseau à basse tension, qui pourrait alors

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 229

tomber pour l’essentiel dans le giron de l’État. Cette démarche faciliterait son
intégration avec le réseau à haute tension tant du point de vue des investisse-
ment que de l’exploitation41. Elle éloignerait également le risque d’une réintégra-
tion verticale due au fait qu’une bonne partie des actionnaires possèdent de
fortes participations dans les entreprises de distribution et de production. Le sort
du réseau à basse tension a jusqu’à présent peu attiré l’attention, mais il compte
au moins autant pour le client ordinaire que le réseau à haute tension. Qui plus
est, d’après les projets actuels, les régions seront libres de fixer les tarifs de distri-

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bution dans une fourchette dont les maxima et minima seront définis par le CFE42.
On risque alors de voir les régions s’efforcer de maintenir des tarifs le plus bas
possible, au risque même de sous-investir, puisque les distributeurs ne leur
« appartiendront plus » et que les recettes tirées d’une augmentation des tarifs
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pourront être investis dans d’autres régions.

Réformes connexes
L’impact final de la restructuration du secteur électrique sera aussi forte-
ment dépendant de l’évolution de deux autres secteurs, le gaz et la chaleur. Les
perspectives de réforme du secteur du gaz naturel ne sont pas bonnes (voir
chapitre 3). Autrement dit, le marché de gros de l’électricité pourra voir le jour dans
un environnement caractérisé par un prix artificiellement bas du principal combusti-
ble, le gaz. À court terme, il est possible que cela n’ait pas d’importance. À moyen
et à long terme, par contre, cette situation pourrait fausser l’évolution du marché de
l’électricité. Maintenir les prix du gaz à un niveau trop faible trop longtemps pour-
rait favoriser un surinvestissement dans les moyens de production faisant appel au
gaz. En revanche, l’absence de contrats à long terme d’approvisionnement en gaz
sur le marché national pourrait avoir l’effet inverse – elle est considérée comme une
raison majeure pour ne pas investir dans une production reposant sur le gaz.
La cogénération assure près de 32 pour cent de l’électricité produite43.
Les centrales de cogénération sont considérées comme relativement rentables
pour une production mixte, mais très peu rentables s’il s’agit de ne produire que
de l’électricité. Toutefois, leur importance en tant que sources de chaleur est telle
qu’elles occupent une position assez privilégiée dans l’ordre d’appel des centra-
les sur le marché de gros libéralisé. D’ailleurs, la loi prévoit des mesures limitant
les possibilités de les fermer pendant la période transitoire ou dans les trois ans
qui suivront l’ouverture du marché de gros. Après la libéralisation, les prix de
l’électricité produite par ces centrales seront libres, et ces installations ne
devraient pas rencontrer de difficulté sur le marché de l’électricité étant donné
leur position privilégiée dans l’ordre d’appel des groupes (qui traduit bien leur
importance sociale en tant que producteurs de chaleur). Quoi qu’il en soit, les
tarifs de la chaleur resteront réglementés localement, ce qui laisse entrevoir une
intervention des autorités locales pour soutenir par les tarifs le secteur malade de

© OCDE 2004
230 Études économiques de l’OCDE : Russie

la chaleur, une perspective bien réelle. Or, en maintenant des tarifs très bas pour
la chaleur, ces autorités risquent de faire porter par les consommateurs d’électri-
cité une part croissante des coûts de la production de chaleur. La tentation de
subventionner la production de chaleur par la production électrique sera d’autant
plus forte que le secteur du chauffage, en grande partie sous le contrôle d’autori-
tés locales à court d’argent depuis 1992, est de tous les secteurs d’infrastructure le
plus malade44.

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Répercussions sociales
À l’évidence, les ménages pourront encore un certain temps profiter
d’une électricité artificiellement bon marché. Les tarifs domestiques ne seront
pas autorisés à grimper trop fort pendant et immédiatement après la période
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transitoire. Les ménages continueront à payer leur électricité moins cher que la
clientèle industrielle, bien qu’il revienne plus cher de les alimenter. Cela étant, la
consommation domestique est relativement faible, tant par comparaison avec les
niveaux enregistrés dans les pays occidentaux qu’en pourcentage de la consom-
mation totale d’électricité (tableau 4.4). La charge supportée par l’industrie n’est
donc probablement pas si lourde qu’on pourrait s’y attendre en se référant à la
situation en Occident. Quoi qu’il en soit, il faudra abandonner, selon un calendrier
préétabli, les subventions accordées aux ménages russes par le biais des faibles
prix de l’énergie. La majeure partie de la clientèle domestique peut payer son
électricité plus cher. D’après les statistiques officielles de 2002, les ménages rus-
ses ont en moyenne dépensé 0.8 pour cent de leur revenu en électricité. La fac-
ture totale payée par les ménages pour l’électricité, le gaz et la chaleur
représentaient en moyenne 2.3 pour cent environ de leur revenu, soit un chiffre
légèrement inférieur aux 2.5 à 4.0 pour cent qui caractérisent les économies les
plus avancées de la zone OCDE 45 . Or, ces dernières années, les revenus des
ménages ont augmenté plus vite que leurs factures d’électricité. Le fait est que
les dépenses énergétiques des Russes sont faibles parce que les tarifs le sont et
non parce que les revenus sont élevés. De très fortes hausses des tarifs de l’élec-

Tableau 4.4. Structure de la consommation d’électricité


Pour cent
Russie, 2002 Moyenne OCDE, 2001

Industrie 52.7 39
Ménages 23.0 31
Transports 7.7 1
Agriculture 6.8 1
Autres 9.8 28
Source : Goskomstat RF, AIE/OCDE Statistiques énergétiques des pays de
l’OCDE.

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 231

tricité, du gaz et de la chaleur en peu de temps pourraient faire sombrer des pans
entiers de la population dans la pauvreté énergétique (définie comme le fait de
dépenser plus de 10 pour cent de son revenu disponible pour s’approvisionner
en énergie)46. En ce qui concerne la clientèle domestique, la transition vers une
tarification de l’énergie qui reflète pleinement les coûts ne sera vraisemblable-
ment pas rapide.
Demeure la question de la redistribution, d’autant plus pertinente que
les inégalités de revenus sont très prononcées en Russie. D’après les statistiques

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officielles, les 10 pour cent les plus pauvres en 2002 représentaient déjà 5.5 pour
cent de la facture totale d’électricité, de gaz et de chaleur. Ils seront les plus tou-
chés par des hausses des tarifs. Toutefois, ce n’est pas un argument pour continuer
d’utiliser des tarifs peu élevés comme mesure d’aide sociale, car ce serait une
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mesure non seulement inefficiente mais socialement régressive puisque les


ménages plus aisés consomment généralement plus d’électricité. La meilleure
solution consisterait bien sûr à prévoir des subventions ciblées sur les ménages
les plus démunis. Il faut savoir cependant que ces subventions ciblées exigent
des mécanismes de gestion et d’attribution plus élaborés que ce qui existe
aujourd’hui. La solution qui vient ensuite consisterait à facturer très peu cher la
première tranche de 50 à 100 kWh consommée par chaque ménage pour ses
besoins essentiels et de récupérer le coût de cette mesure en appliquant au reste
de la consommation des tarifs supérieurs à la moyenne établie d’après le prix de
revient47.

© OCDE 2004
232 Études économiques de l’OCDE : Russie

Notes

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1. À l’issue de la réorganisation des organes exécutifs fédéraux opérée en mars 2004, le
Service fédéral des tarifs, qui règlemente les prix de l’électricité a été rattaché au
ministère du Développement économique et du Commerce. Bien que ce ministère
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soit un fervent défenseur de la réforme du secteur de l’électricité, cette configuration


n’a rien de satisfaisant en tant architecture de régulation à long terme du secteur.
2. Voir Renaissance Capital (2004 : 102) et le site web de RAO UES : http://www.rao-ees.ru/
ru/investor/obsh/show.cgi?c_str_finvnew.htm.
3. Tompson (2002 :942).
4. Comme on l’a vu au chapitre 3, la CFE doit être également réorganisée dans le cadre
de la restructuration des organes exécutifs fédéraux entreprise en mars 2004. Au
moment de la rédaction de la présente Étude, le ministère chargé de la Politique anti-
monopoles avait déjà été transformé en Service fédéral anti-monopoles, alors la CFE
n’avait pas encore été réorganisée.
5. Pour une description plus détaillée des activités de la CFE et des CRE, voir AIE
(2003a:20).
6. Le marché de gros '5/15' créé à l’occasion de la réforme de l’électricité constitue une
exception et est évoqué ci-après.
7. L’entreprise nucléaire Rosénergoatom notamment s’est plainte de discrimination.
8. AIE (2003a :22).
9. On en trouvera une analyse plus détaillée dans OCDE (2000:83-112) et OCDE
(2002:121-32). Voir également Woodruff (1999).
10. Pour l’estimation la moins élevée, voir Arthur Andersen (2001) ; la plus élevée émane
de Nash, et al. (2002). Voir également OCDE (2002:136).
11. « Prezidentu sovetuyut » (2001).
12. C’est vrai tant des indices des prix à la consommation que des indices des prix à la
production : les tarifs moyens de l’électricité fin 2002 atteignaient 286 pour cent des
niveaux de décembre 1997. Les mesures correspondantes de l’ICP et de l’IPP étaient
respectivement de 543 et de 361.
13. Le prix moyen pour les ménages a été estimé à 0.016 USD/kWh ; voir AIE (2003c:401).
14. Pryadilnikov (2003:8). Ce chiffre correspond aux estimations que plusieurs experts
russes ont communiquées aux responsables de la présente étude.
15. AIE (2003b:I.70-1).
16. Les particuliers appartenant à ces groupes protégés paient en général environ 50 pour
cent des tarifs payés par les autres.

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 233

17. AIE (2003a:7, 14). Goskomstat indique pour la puissance installée, le chiffre de
214.9GW en 2002, un montant plus ou moins constant depuis 1990. Le chiffre beaucoup
moins élevé pour la puissance opérationnelle s’explique par le faible niveau des
dépenses de maintenance et d’investissement pendant cette période.
18. Golikova (2002).
19. Energeticheskaya strategiya (2003 :35).
20. Energeticheskaya strategiya (2003 :36).
21. Il n’est pas certain cependant que ces centrales, une fois terminées, seront rentables

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sur un marché de l’électricité libéralisé. Certains observateurs sceptiques pensent
qu’une partie d’entre elles au moins seront des gouffres financiers.
22. Voir AIE (2001) : AIE (2002:213-14).
23. Les principales lois sont « la loi sur l’électricité » (Ob elektroenergetike, 2003) et « la
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loi portant application de la loi sur l’électricité » (Ob osobennostyakh). Les obstacles à
l’application de ces deux lois fondamentales ont été levés en modifiant quatre autres
textes législatifs. Voir l’annexe 4.A1 pour une analyse plus détaillée.
24. Afin de protéger les droits des actionnaires minoritaires, la loi russe sur les sociétés
par actions exige des majorités qualifiées de plus de 75 pour cent des actions assorties
de droits de vote pour les décisions particulièrement importantes, telles que celles
concernant l’émission de nouvelles actions. Voir « Ob aktsionernykh » (2001).
25. « Ob osobennostyakh » (2003), art. 6.
26. « Ob osobennostyakh » (2003), art. 6.
27. La plupart des industries se situent, bien sûr, en aval du secteur électrique et font en
sorte, par conséquent, de s’assurer une fourniture à bas prix. Toutefois, certains pro-
ducteurs de charbon, de gaz et d’autres combustibles sont également intéressés par
des participations dans les sociétés productrices d’électricité.
28. Cela peut signifier aussi que certains acteurs espèrent en fait que le marché ne fonc-
tionnera pas bien, offrant ainsi à ceux qui seront bien positionnés la possibilité d’exer-
cer des pouvoirs de marché.
29. Voir AIE (2001:29-64).
30. Renaissance Capital (2003:2-5).
31. En 2003, UES a adopté une règle exigeant des initiés de l’entreprise d’obtenir un
accord avant toute transaction concernant des actions UES. En avril 2004, toutefois, la
société a décidé de publier tous les trimestres des informations sur les transactions
opérées par des initiés sur des actions UES, car elle était parvenue à la conclusion que
la règle d’origine était inefficace. Il est significatif que la société ait établi un lien expli-
cite avec le problème des transactions avec des personnes apparentées. Même s’il y a
toujours lieu de s’inquiéter, cette dernière mesure est bienvenue. Voir Vedomosti,
29 avril 2004.
32. « Ob elektroenergetike » (2003), art. 25.6.
33. L’AIE (2004a:3) évoque ce problème à propos du mécanisme de rémunération de la
capacité adopté à titre transitoire en Suède.
34. AIE (2001:96).
35. Sur l’expérience scandinave lire, par exemple, Sillantaka (2002:7-10). Sur d’autres
marchés, les prix ont d’abord fortement baissé après la libéralisation notamment en
Australie, en Allemagne, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande (voir 2001:50-2).

© OCDE 2004
234 Études économiques de l’OCDE : Russie

36. Voir annexe 4.A1 ; ces prix réglementés seront liés aux prix de gros déterminés par le
marché ; l’écart entre les deux devrait diminuer avec le temps.
37. Mosenénergo, par exemple, possède des équipements à haute tension qui ne sont
pas intégrés au réseau et sont utilisés, à l’heure actuelle, pour la distribution.
38. AIE (2001 :105-110).
39. Voir AIE (2002 :200) et « Energeticheskaya strategiya » (2003:36).
40. AIE (2002:200).
41. Renaissance Capital (2003:2).

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42. ‘Ob elektroenergetike’ (2003), art. 21.4.
43. ‘Energeticheskaya strategiya’ (2003:40).
44. ‘Energeticheskaya strategiya’ (2003:41).
45. Voir AIE (2004b:54).
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46. OTAC (2003:9).


47. Siner and Stern (2000/2001).

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 235

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Restructuration du secteur de l’électricité 237

Annexe 4.A1

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Plan de réforme du secteur de l’électricité

La réforme actuelle du secteur de l’énergie de la Russie est un processus complexe qui


implique de profondes modifications de la législation et de la réglementation ainsi que la
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transformation en société du monopole de l’électricité RAO UES. Le plan de réforme prévoit


d’éclater le monopole existant, verticalement intégré, qui assure la production, le transport
et la distribution, et de séparer les activités potentiellement contestables de celles qui
constituent pour une large part un monopole naturel. La production et la vente d’électricité
doivent être ouvertes à la concurrence, les consommateurs pouvant choisir leur fournisseur
et les prix étant déterminés par le jeu de l’offre et de la demande. Le transport et la distri-
bution, qui sont des monopoles naturels, continueront d’être étroitement réglementés et
contrôlés pour l’essentiel par l’État. Lorsque le processus de réforme sera terminé, en 2008
ou 2009, 68 des 77 systèmes énergétiques régionaux de la Russie se seront ouverts au jeu du
marché ; les neuf dernières régions ont des systèmes énergétiques totalement indépen-
dants des sept grands systèmes interrégionaux existant actuellement. Dans ces régions,
l’introduction de la concurrence n’est pas jugée faisable à l’heure actuelle et les monopoles
régionaux verticalement intégrés resteront en activité, sous la réglementation de l’État. La
présente annexe dresse un tableau d’ensemble des principaux éléments du plan de réforme
en l’accompagnant d’un calendrier approximatif de mise en œuvre.

Le cadre législatif
Les grandes lignes de la réforme ont été exposées en juillet 2001 dans un décret gou-
vernemental confirmant les “Principales orientations de la réforme du secteur énergétique
dans la Fédération de Russie”1. L’année suivante, le gouvernement fédéral a soumis à la
Douma d’État six projets de loi concernant la restructuration du secteur de l’électricité, dont
deux sont des textes totalement nouveaux et quatre des textes de lois fédérales existantes
modifiés. Ces six projets de loi, après quelques modifications relativement importantes, ont
pris force de loi en mars-avril 2003. Les deux nouvelles lois, « loi sur l’électricité » et « loi
portant application de la loi sur l’électricité », sont les principaux éléments du train de mesu-
res législatives2. Elles constituent le cadre législatif dans lequel doit s’inscrire le développe-
ment d’un marché de l’électricité et définissent les paramètres régissant le maintien d’une
certaine réglementation de la production et de la distribution d’électricité par l’État. Leurs
principales dispositions sont les suivantes :
– L’électricité et la chaleur sont des biens librement échangeables. Les textes prévoient
trois marchés pour ces produits : des marchés de gros et de détail pour l’électricité et
un marché pour la chaleur. Néanmoins, la législation ne précise pas les mécanismes
qui permettront de créer un marché de gros concurrentiel pour l’électricité, pas plus
que les dispositions qui permettront aux producteurs et aux consommateurs d’opérer
cette transition. La libéralisation du marché de gros interviendra à une date fixée par

© OCDE 2004
238 Études économiques de l’OCDE : Russie

le gouvernement, mais pas avant 2005. La législation prévoit la libéralisation progres-


sive du marché de gros, avec, dans un premier temps, l’ouverture totale à la concur-
rence des marchés d’une ou plusieurs régions, la deuxième étape étendant le
processus au reste du pays.
– Les deux lois autorisent la création des diverses entités spécialisées prévues par le
plan de réforme, notamment la société fédérale du réseau (FSK), qui doit gérer le
réseau à haute tension ; l’administrateur du marché (ATS), qui doit faciliter les échan-
ges d’électricité, et le gestionnaire du réseau qui doit contrôler le fonctionnement du
système et le dispatching de l’électricité. Ces entités existaient en fait avant l’adop-

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tion de la législation, mais les nouvelles lois donnent une base juridique à leurs acti-
vités. La FSK et le gestionnaire du réseau sont actuellement des filiales à 100 pour
cent d’UES, mais ils deviendront ultérieurement des entreprises totalement
indépendantes ; l’ATS est organisé sous forme de coopérative sans but lucratif gérée
par les participants au marché (actuellement 50 pour cent des membres du conseil
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d’administration sont des représentants de l’État, mais cette situation évoluera avec
la restructuration).
– Ces textes de loi disposent que les prix doivent être fixés librement, en fonction du
jeu de l’offre et de la demande, dans les segments concurrentiels des marchés de
l’énergie. Ils précisent les cas dans lesquels les prix ne seront pas fixés par le marché
(en cas, par exemple, de l’existence de monopoles locaux dans des régions isolées).
La liste des cas non soumis au libre jeu du marché est exhaustive. Autrement dit, les
autorités n’ont pas le pouvoir de réglementer les prix dans les cas non prévus par la
législation. Celle-ci prévoit la création de marchés au comptant (un marché la veille
pour le lendemain et un marché d’ajustement heure par heure) dans le secteur de
l’électricité et la mise en place de contrats bilatéraux à long terme entre les fournis-
seurs et les consommateurs d’électricité.
– La « loi sur l’électricité » stipule que des tarifs réglementés des fonctions de mono-
pole naturel telles que le transport seront fixés à des niveaux assurant la couverture
des coûts et un certain rendement du capital investi. De l’avis de certains, la formule
qui sera utilisée pour fixer les tarifs de distribution pourrait et devrait être plus clai-
rement précisée.
– La législation autorise la création d’un marché « à l’essai », représentant entre 5 et
15 pour cent du marché total de l’électricité en attendant la libéralisation intégrale du
marché de gros afin de tester la fiabilité des nouvelles structures et réglementations.
Ce marché a été lancé en novembre 2003. Néanmoins, les textes de loi ne donnent
guère de détails sur les premières dispositions à prendre pour ouvrir à la concurrence
le marché de gros. La principale question est de savoir quand et comment le marché
à l’essai sera élargi pour couvrir l’ensemble de la capacité de production et des
consommateurs d’électricité du pays.
Les modifications apportées aux autres textes de loi visent généralement à lever des
obstacles à la mise en œuvre de ces textes fondamentaux :
– Les modifications apportées à la loi sur la réglementation des tarifs par l’État visent à
donner une base législative au remplacement des tarifs réglementés dans tous les
segments du secteur de l’électricité par la libre fixation des prix dans certains seg-
ments, les tarifs demeurant réglementés dans les autres (à savoir, le transport, la dis-
tribution et le dispatching). Les modifications donnent également pouvoir au
gouvernement de déléguer la fixation des tarifs à un organe de réglementation et de
définir les principes de la formation des prix dans les secteurs de la chaleur et de

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 239

l’électricité ainsi que les méthodes à utiliser pour fixer les tarifs dans les segments
réglementés du secteur3.
– Les modifications à la loi sur les monopoles naturels retirent la production d’électri-
cité de la liste des activités soumises à réglementation. Le dispatching opérationnel
de l’électricité et le transport de l’électricité et de la chaleur ont été ajoutés à la liste
des activités de monopole naturel. Une nouvelle clause a été également ajoutée pré-
voyant l’accès non discriminatoire aux infrastructures4.
– Il a été nécessaire de modifier le Code civil pour donner une base légale aux contrats

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qui prévoient que les compagnies productrices d’énergie ne contrôlent pas effective-
ment le réseau de distribution auquel le consommateur est relié. Il a été également
nécessaire d’éliminer les restrictions au droit de la compagnie distributrice d’inter-
rompre les approvisionnements en électricité et en chaleur en cas de non-paiement5.
– Les modifications apportées à la loi sur les économies d’énergie ont simplement
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transféré des commissions énergétiques régionales aux administrations régionales


certains pouvoirs (et la responsabilité correspondante) concernant la fixation des
tarifs6.
La mise en œuvre de la réforme du secteur de l’électricité exigera vraisemblablement
l’adoption de 40 à 50 textes réglementaires. Les plus importants concernent notamment les
règles du marché de gros et de détail, la définition des zones de tarification du marché de
gros et les règles régissant l’accès non discriminatoire au réseau, la gestion opérationnelle
(dispatching), les liens internes au système entre les compagnies du réseau, et les activités
de l’ATS. Tout aussi importantes sont les règles et les procédures pour l’évaluation des actifs
des réseaux. La loi stipule que les tarifs doivent être fondés sur une forme ou une autre de
réglementation définissant le taux de rendement. La définition de la base du taux – en
d’autres termes, la définition des actifs du réseau à prendre en compte et la façon dont ils
seront évalués – est donc déterminante. Étant donné que le réseau a été largement créé
sous l’ère soviétique, il est extrêmement difficile de l’évaluer ou de déterminer le montant
(et le moment) des investissements qui seront nécessaires pour le remplacer, l’améliorer ou
l’élargir.

Restructuration des actifs


L’industrie nucléaire mise à part (voir plus loin), la restructuration des actifs du secteur
énergétique sera largement guidée par le plan de restructuration « 5+5 » adopté par RAO
UES (cinq années avant et cinq années après la transition vers le marché). La restructuration
des entreprises interviendra à deux niveaux : restructuration des actifs directement détenus
par RAO UES – le réseau à haute tension, l’administration centrale de dispatching et les cen-
trales dites « fédérales » – et restructuration des filiales régionales d’UES, les énergos. Ces
deux processus sont techniquement et juridiquement complexes, mais ce sont les énergos
qui posent de loin le problème le plus difficile, étant donné la diversité du taux de partici-
pation d’UES dans le capital de chacun d’eux et celle de la compositions du reste de leur
actionnariat. L’attitude des propriétaires d’énergos à l’égard du processus de restructuration
varie sensiblement selon les cas. L’achèvement de la restructuration des entreprises devrait
aboutir à la liquidation de RAO UES elle-même, même si cette entité pourrait en fait conti-
nuer d’exister (peut-être après une certaine réorganisation) comme holding pour les der-
niers actifs du secteur énergétique appartenant encore à l’État. Parmi ceux-ci figureront les
participations dans des fournisseurs désignés, dans certains énergos qui ne seront pas écla-
tés, et dans d’autres actifs non essentiels ou services dépendant de RAO UES.

© OCDE 2004
240 Études économiques de l’OCDE : Russie

La restructuration « fédérale »
La restructuration des actifs fédéraux d’UES entraînera l’apparition de dix nouvelles
grandes compagnies de production de gros dans le courant de 2004, mais il faudra attendre
l’étape suivante de la réforme pour que leur capital soit totalement restructuré. Les produc-
teurs de gros (gencos) seront organisés par type de centrale : six regrouperont la capacité de
production thermique et quatre regrouperont les centrales hydrauliques d’UES. Un des pro-
ducteurs hydrauliques relèvera directement du gestionnaire de réseau pour les besoins de
la stabilité du système. Les gencos de gros doivent être à peu près tous de même taille et

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avoir le même parc de centrales, et on leur a attribué des actifs « fédéraux » de production
répartis sur l’ensemble du pays pour éviter des concentrations géographiques de pouvoir de
marché. De fait, la loi dispose qu’aucune entité juridique, ou groupe d’entités associées, ne
peut posséder plus de 35 pour cent de la capacité installée de production dans une quel-
conque zone donnée de prix de gros. Si ce seuil est dépassé, les autorités peuvent imposer
une réglementation des prix ou décréter le dégroupage.
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La FSK contrôle déjà le réseau haute tension d’UES et doit également prendre le
contrôle des lignes à haute tension n’appartenant pas au système UES (soit par acquisition,
soit par location). Les activités de dispatching d’UES ont été transférées au gestionnaire de
réseau, qui a également repris les centres de dispatching des énergos. Le rétablissement
d’un dispatching centralisé, qui avait partiellement disparu pendant les années 90, doit être
considéré comme l’un des tout premiers succès de la réforme.
La principale question qui reste à régler concernant la restructuration au niveau fédéral
est le mécanisme d’affectation des actifs des nouvelles entités aux actionnaires d’UES. Il
avait été initialement prévu une distribution simple au prorata : chaque actionnaire devait
recevoir des actions de toutes les nouvelles entités en proportion exacte de sa participation
à UES avant la restructuration. Comme on l’a vu au chapitre 4, ce principe ne sera plus tota-
lement respecté. On prévoit que pendant la première étape de la restructuration, tous les
actionnaires d’UES auront le droit d’échanger leurs actions UES contre une participation équi-
valente dans les entreprises nées de la restructuration. Les participations dans les gencos
qui échappent à la règle de proportionnalité, notamment les parts de l’État, seront alors
mises en vente dans le cadre d’une enchère, l’acquisition pouvant se faire en contrepartie
d’actions et d’espères. Les détails précis de ces ventes aux enchères, y compris le poids
relatif à accorder aux espèces et aux actions, restent à déterminer. Ces dispositions doivent
permettre aux investisseurs privés de concentrer leurs avoirs dans les entités de production,
tout en donnant au gouvernement un moyen relativement peu coûteux d’accroître ses avoirs
dans la FSK et le gestionnaire du système pour les porter aux niveaux prévus par la loi – res-
pectivement 75 pour cent plus une action et 100 pour cent.

Restructuration des énergos


Les énergos doivent être restructurés en 14 compagnies territoriales de production,
cinq compagnies interrégionales de distribution et de nombreuses compagnies de vente.
Leur taille variera davantage que celle des compagnies de gros, parce qu’ils doivent être
organisés sur une base territoriale, les actifs de production ou de distribution des énergos
étant réunis en groupes de régions contiguës. Bien que la restructuration d’un petit nombre
d’énergos « pilotes » soit déjà en cours, les mécanismes qui seront utilisés pour procéder à
cette restructuration font encore l’objet de vives discussions. Le plan 5+5 prévoit un proces-
sus à plusieurs étapes dans le cadre duquel on séparera les activités de production, de
transport, de distribution et de vente de chaque énergo. Ces nouvelles entités seront au
départ contrôlées par une compagnie de gestion unique dans la région desservie par

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 241

l’énergo considéré. Les actifs du réseau haute tension doivent être transférés à la FSK et les
actifs de dispatching au gestionnaire du réseau. Les actifs de production et de transport
seront alors regroupés pour constituer des unités plus importantes, fonctionnellement spé-
cialisées (genecos territoriaux et compagnies interrégionales de distribution) plutôt qu’en
petits monopoles locaux. Les compagnies de vente ne seront pas amalgamées de la même
manière, et l’on prévoit que ces activités seront ouvertes à la concurrence.
D’aucuns considèrent qu’il faudra sans doute trois à quatre ans après le début de la res-
tructuration pour que les nouvelles compagnies soient consolidées avec une action unique,
dans la mesure notamment où les investisseurs minoritaires seront tout à fait en mesure de

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bloquer le processus jusqu’en 2005, année où la loi permettra d’accélérer plus facilement le
rythme de la restructuration des énergos « réticents ». La restructuration des énergos exigera
la tenue de douzaines de réunions d’actionnaires, dont chacune pourra être un champ de
bataille potentiel sur les plans juridique, commercial et politique7. Étant donné la longueur
et la complexité de ce processus, les investisseurs conserveront encore pendant un laps de
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temps non négligeable des avoirs dans un très grand nombre de petites entreprises, dont
l’actionnariat serait probablement très statique. À cela s’ajoute le risque de voir des initiés
acquérir des actifs en priorité, étant donné la difficulté de contrôler les dirigeants d’un aussi
grand nombre de très petites compagnies.
Ces craintes ont suscité d’autres propositions pour la restructuration des énergos. Les
dirigeants de la SMUEK, filiale de l’UES qui gère quatre énergos dans la région de la Volga,
proposent d’organiser les actifs des énergos en grands holdings interrégionaux avant d’écla-
ter les différentes activités de ces entités pour constituer des holdings interrégionaux de
production, distribution et vente. Elles deviendraient alors des compagnies indépendantes
de production, de distribution et de vente. David Herne, qui présidait alors le Comité de
restructuration d’UES, a proposé un système de création simultanée à la fin de 2003. Selon
cette proposition, les énergos régionaux qui constituent la base d’une compagnie territoriale
de production ne seraient pas éclatés par type d’activité pendant la première phase. Les
assemblées générales d’actionnaires de tous les énergos en cause voteraient à la place plus
ou moins simultanément pour créer la nouvelle compagnie territoriale de production (TGK)
sur la base de leurs actifs. L’UES ne participerait pas au vote parce qu’elle est un actionnaire
majoritaire de la quasi-totalité des énergos couverts par le système de création simultanée.
Une majorité des autres actionnaires devrait donc être persuadée de soutenir la restructu-
ration. Des offres de swap seraient alors faites aux actionnaires d’UES et aux actionnaires des
énergos, leur permettant de détenir directement une participation dans la TGK. Enfin, cha-
que TGK organiserait deux ventes aux enchères, l’une pour céder à ses actionnaires la partie
de son capital qui échappe à la règle de proportionnalité, et la seconde liquider les éven-
tuelles participations restantes d’UES. Au bout du compte, la TGK appartiendrait directe-
ment aux anciens actionnaires des énergos et d’UES8.
Quelle que soit la solution choisie, il serait bon d’opter pour une transition aussi courte
que possible, sans compromette pour autant les droits de propriété des investisseurs. Cela
vaut pour la formation des gencos et des sociétés interrégionales de distribution comme
pour celle des gencos territoriaux.

Création d’une compagnie de production d’énergie nucléaire


En avril 2002, le gouvernement a transformé le holding public Rosenergoatom, créé en
1992 sous la tutelle du ministère de l’Énergie atomique (Minatom), en une compagnie de
production d’énergie atomique contrôlant la totalité des centrales nucléaires opération-
nelles de Russie ainsi que celles en construction. Rosenergoatom contrôle également les
diverses entreprises de soutien et les filiales liées au secteur de l’énergie atomique. Les

© OCDE 2004
242 Études économiques de l’OCDE : Russie

installations elles-mêmes sont organisées en « succursales » de la société mère, tandis que


les entreprises de soutien sont des filiales à 100 pour cent. La réorganisation a placé la cen-
trale nucléaire de Leningrad, jusque là gérée séparément et directement par Minatom, sous
le contrôle de Rosenergoatom. Il faut souligner que la réorganisation de Rosenergoatom n’a
été liée à aucun plan de privatisation ; l’industrie nucléaire doit au contraire rester à 100 pour
cent sous le contrôle de l’État.

La transition vers le marché

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La première phase de la réforme a déjà été marquée, on l’a vu, par la mise en place du
marché d’essai 5/15, la participation des consommateurs étant dans un premier temps stric-
tement volontaire. À cette exception près, les tarifs restent réglementés aussi bien par
l’autorité fédérale du marché de gros (FOREM) que par les responsables régionaux. Le mar-
ché de gros doit être totalement ouvert au jeu de la concurrence dans une ou plusieurs
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régions pilotes au cours de la période 2004-05, avant la transition à un marché de gros libé-
ralisé dans l’ensemble de la Russie d’Europe et de la Sibérie, transition qui doit intervenir
à un moment qui sera déterminé par le gouvernement mais pas avant le 1er juillet 2005. Le
passage à la libéralisation pourrait en fait être progressif, les différentes régions ou groupes
de régions suivant la ou les régions pilote(s) et s’ouvrant par étapes. La législation n’oblige
pas le gouvernement à procéder à la libéralisation radicale du marché de gros. Néanmoins,
les autorités devront à un moment ou un autre indiquer que le marché a été libéralisé et que
la période de transition est achevée, un certain nombre de dispositions de la législation se
référant soit à la période de transition, soit à des périodes spécifiques à partir de la fin de la
période de transition.
La période de transition précédant la libéralisation du marché de gros sera néanmoins
marquée par un certain nombre de modifications importantes du secteur, dont certaines ont
déjà été mises en œuvre :
– De nombreuses relations intra-sociétés qui existaient jusqu’à présent au sein de RAO
UES sont désormais placées sur une base contractuelle. Malgré les coûts qui en résul-
tent, on connaît ainsi beaucoup mieux la façon dont le secteur fonctionne, et les per-
sonnes concernées sont contraintes de préciser plus clairement leurs besoins et leurs
engagements.
– La formation des prix, bien qu’encore réglementée, doit être modifiée pour tenir
compte de la nécessité de fixer des tarifs distincts pour la production, le transport, la
distribution, les services du gestionnaire du réseau et de l’administrateur du marché,
et les services de vente. On aura ainsi une base pour élaborer les tarifs après que la
période de transition aura pris fin conformément aux grandes lignes illustrées au
graphique 4.A1.1.
– Les activités de dispatching sont désormais placées sur une base commerciale, bien
que les centrales de cogénération qui fournissent à la fois de la chaleur et de l’électri-
cité doivent continuer d’avoir une place privilégiée, en raison de l’importance de leur
production de chaleur.
Comme on l’a vu au chapitre 4, la libéralisation intégrale des marchés de détail prendra
un peu plus de temps que celle du marché de gros. Des fournisseurs spécialement désignés
fourniront de l’électricité aux ménages et aux responsables des services communaux à des
tarifs réglementés pendant trois ans après la fin de la période de transition. Ces tarifs tien-
dront compte de l’évolution du prix moyen sur le marché de gros, la différence entre les prix
pour les ménages et le prix sur le marché de gros se réduisant d’année en année. Il pourra
exister plus d’un fournisseur désigné dans un sujet donné de la Fédération, mais leurs

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 243

domaines de service précis ne pourront se chevaucher, pas plus qu’ils ne pourront dépasser
les frontières séparant les différents sujets de la Fédération. On prévoit que dans la plupart
des cas, un seul fournisseur désigné existera dans chaque sujet de la Fédération, et sera le
plus souvent le département de l’ancien énergo chargé de la vente. Cette évolution ne va
pas sans risques. De tels fournisseurs désignés doivent disposer de monopoles locaux qui
sont soutenus par les autorités régionales et ne seront donc guère incités à faire preuve
d’innovation. Ceci pourrait réduire très sérieusement la mesure dans laquelle les utilisateurs
de détail bénéficieront de la libéralisation.

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Graphique 4.A1.1. Formation des prix de l’électricité


après la libéralisation du marché

Marché de gros
1. Prix à la production. Déterminé par le marché sur la base de l’offre et de la demande sur le
compartiment au comptant du marché de gros.
2. Prix sur le marché de gros. Prix à la production plus paiements liés à la capacité. Les
dispositions à cet égard restent à préciser. Ce mécanisme pourrait ne pas s’appliquer à la
totalité de la production.

Transport
3. Prix pour l’industrie à haute tension. Les complexes industriels ayant directement accès au
réseau haute tension acquitteront le prix du marché de gros plus le prix du transport fixé par
l’organe de réglementation.

Distribution
4. Prix pour l’industrie à basse tension. Les utilisateurs industriels qui n’ont pas accès au réseau
haute tension mais qui ne font pas appel aux compagnies de distribution acquitteront le tarif
industries haute tension plus le tarif de distribution fixé par l’organe de régulation.

Fourniture Fourniture
5. Tarifs pour les ménages. Pendant les 6. Tarifs pour les autres
3 premières années suivant l’ouverture consommateurs. La plupart des
du marché, les ménages recevront autres consommateurs devraient avoir
l’électricité de « fournisseurs désignés » le choix de leur fournisseur, les tarifs
dont les tarifs seront réglementés. étant déterminés par le marché.

Source : OCDE, à partir de différentes sources.

© OCDE 2004
244 Études économiques de l’OCDE : Russie

Encadré 4.A1.1. Principales étapes de la réforme


du secteur de l’énergie

2001-03
– Publication de la décision du gouvernement concernant la réforme
(11 juillet 2001)

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– Adoption de la législation concernant la réforme de l’électricité
– Approbation du plan de restructuration « 5+5 » pour RAO UES
– Organisation de FSK, ATS et du gestionnaire du réseau
– Lancement du marché d’essai (5-15 pour cent)
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– Lancement des restructurations pilotes des énergos (Tulaenergo, Bryanske-


nergo, Kalugaenergo, Orelenergo)

2004-05
– Création de FSK et du gestionnaire du réseau à partir de RAO UES
– Achèvement de la réorganisation des énergos pilotes
– Réorganisation des autres énergos aboutissant à la création de gencos terri-
toriaux et de compagnies interrégionales de distribution
– Création de compagnies de production de gros
– Lancement d’un marché pilote totalement ouvert à la concurrence dans une/
plusieurs région(s)
– Fin de la période de transition

2006-08
– Fonctionnement des marchés de gros et de détail libéralisés
– Augmentation de la participation de l’État dans FSK et réduction de sa par-
ticipation dans les actifs de production.

© OCDE 2004
Restructuration du secteur de l’électricité 245

Notes

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1. ‘Osnovnye napravleniya’ (2001).
2. ‘Ob elektroenergetike’ (2003); ‘Ob osobennostyakh’ (2003).
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3. ‘O gosudarstvennom regulirovanii’ (2003).


4. ‘O estestvennykh monopoliyakh’ (2003).
5. ‘Grazhdanskogo’ (2003).
6. ‘Ob energosberezhenii’ (2003).
7. De fait, les restructurations pilotes d’énergos ont été contestées dès 2002, pratique-
ment dès le début du processus.
8. Une forme de création simultanée est d’ailleurs intervenue pour la constitution des gen-
cos territoriaux, bien que l’on n’ait encore que peu de détails à ce sujet. Voir le communi-
qué de presse d’UES sur l’assemblée du conseil d’administration du 23 avril 2004 sur le
site web de la compagnie http://www.rao-ees.ru/ru/news/pr/show.cgi?pr230404sd.htm.

© OCDE 2004

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