Consentement Impot - Dissertation
Consentement Impot - Dissertation
Consentement Impot - Dissertation
(dissertation)
INTRODUCTION
L’impôt est le mode de financement de l’Etat, des collectivités locales et, dans une moindre
mesure, des organismes de Sécurité sociale. Il consiste dans un prélèvement, à la fois obligatoire et
sans contrepartie directe, d’une partie des ressources d’une personne. Si la manière forte a été, au
départ, utilisée pour procéder à sa levée, les individus se sont, progressivement, accoutumés à l’idée
de s’acquitter de leur dette fiscale. Ce consentement fiscal a pris deux formes au cours de l’histoire.
Il s’est, d’abord, agit d’un consentement à l’impôt, c’est-à-dire d’une acceptation sociale du
principe de l’impôt. Prenant naissance dans les temps les plus reculés de l’humanité, les origines de ce
principe se confondent avec celles de l’impôt et de l’Etat et relèvent de déterminismes tant
économiques que religieux. Plus tard, à cette légitimité « primitive » se substituera une légitimité
moderne, c’est-à-dire d’ordre républicain.
Ce consentement social à l’impôt est, toutefois, apparu comme insuffisant à mesure que les
sociétés se développaient. Aussi, le consentement fiscal s’est dédoublé pour donner naissance à une
acceptation politique et juridique de l’impôt : le consentement de l’impôt. Sur un plan politique, ce
consentement suppose que la levée du prélèvement soit, explicitement, acceptée par ceux sur qui en
retombe la charge ou par leurs représentants. Sur un plan juridique, il se traduit par le principe de
légalité fiscale, c’est-à-dire le monopole accordé au Parlement pour décider de la création, de la
suppression ou de la modification d’un impôt.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, le consentement à l’impôt (I) et
d’analyser, dans une seconde partie, le consentement de l’impôt (II).
I – UN CONSENTEMENT SOCIAL : LE
CONSENTEMENT A L’IMPOT
Le consentement fiscal est, avant tout, un consentement à l’impôt, c’est-à-dire une
acceptation de son principe. Cette acceptation, de nature sociologique, a des origines anciennes (A) et
a fait l’objet, ces derniers siècles, de théories visant à la légitimer (B).
L’impôt apparait, alors, ici, comme intimement lié à l’apparition de l’Etat. Ces deux
phénomènes se nourrissent, d’ailleurs, mutuellement : l’Etat marque la domination nécessaire à la
réalisation du prélèvement, mais, en retour, l’impôt consolide les rapports de domination par le
développement d’une armée et d’une administration qu’il permet.
Le sacrifice fiscal, c’est-à-dire l’impôt, ne serait, alors, rien d’autre qu’une illustration moderne
de ce processus. A la coupure hommes / dieux, serait venue se substituer la coupure hommes / Etat.
Ce dernier serait devenu le nouveau visage de cette séparation et bénéficierait, à présent, des attributs
Le consentement fiscal (dissertation) 4
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des dieux. Le sacrifice se serait, ainsi, laïcisé sous la forme de l’impôt, tout comme les relations
d’échange et de soumission qui caractérisaient la césure hommes / dieux.
L’impôt et l’Etat doivent, donc, leur apparition à ce double mouvement. L’évolution des
sociétés humaines ces derniers siècles a, toutefois, conduit à renouveler l’approche du consentement
à l’impôt ayant accompagné ce processus.
Plus près de nous, cette conception a connu un regain d’intérêt sous l’appellation de principe
d’équivalence. Cette approche, développée par les tenants américains du Public Choice, assimile la
prise de décision dans le cadre du secteur public à celle propre aux marchés : ainsi, la répartition de
l’impôt se ferait en fonction de l’utilité que chacun retire de la consommation des services collectifs
ainsi financés et le « contribuable client » ne paierait le prix demandé que s’il considère que celui-ci
est inférieur à l’avantage qu’il peut retirer du service. Cette position, qui regarde l’impôt comme un
« prix », fait, toutefois, l’objet de nombreuses critiques. Plusieurs arguments sont invoqués :
notamment, le citoyen n’a pas une réelle possibilité de choix de la nature et de la quantité de services,
le « prix » n’est pas librement déterminé et de nombreux services ne sont pas traduisibles en termes
monétaires (par exemple, la défense, la culture ou la justice). Pire même, cette théorie impliquerait,
en ce qui concerne les dépenses de caractère social, que les plus démunis soient plus imposés que les
plus riches.
Cette nouvelle approche repose sur l’idée qu’une société forme un tout dont les éléments sont
en interrelations. Si l’un de ces éléments vient à montrer quelque faiblesse, c’est l’ensemble qui s’en
trouve lui-même affaibli. Aussi, il convient de veiller à répartir correctement les richesses si l’on veut
éviter des dysfonctionnements. Appliquée à la fiscalité, cette thèse conduit à vouloir tenir compte de
la capacité contributive des contribuables et à instituer une progressivité de l’impôt : autrement dit, le
sacrifice demandé doit être fonction de la situation économique et financière des citoyens. Elle tend,
également, à regarder la fiscalité comme un instrument de redistribution et d’égalisation.
Cette approche est consacrée par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du
Citoyen de 1789 au terme duquel « pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses
d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre
les citoyens à raison de leurs facultés ». Elle s’est, par la suite, trouvée renforcée lorsqu’à la
proportionnalité (même taux quelle que soit la base d’imposition) a été adjointe une progressivité de
l’impôt, c’est-à-dire une charge fiscale qui évolue à la hausse en fonction de l’élévation du revenu.
Ainsi, s’établissent les deux grands mouvements théorisant le consentement à l’impôt. Ils
tentent, tous deux, de donner une légitimité moderne au phénomène fiscal afin d’en expliquer
l’acceptation par le corps social. Cette légitimité est, toutefois, apparue comme insuffisante au fil du
temps, ce qui a provoqué l’émergence de la nécessité d’un consentement politique et juridique : c’est
le consentement de l’impôt.
II – UN CONSENTEMENT POLITIQUE ET
JURIDIQUE : LE CONSENTEMENT DE
L’IMPOT
Le consentement de l’impôt signifie que la levée du prélèvement doit être explicitement
acceptée par ceux sur qui en retombe la charge ou par leurs représentants. Ce consentement, qui
fonde la légitimité politique de l’impôt, fait l’objet d’une traduction sur le plan politique (A) et sur le
plan juridique au travers du principe de légalité fiscale (B).
Afin d’éviter des révoltes fiscales, la levée de ces impôts est soumise à l’approbation des Etats
généraux. Ceux-ci se réunissent pour la première fois sous Philippe le Bel en 1302. Pendant la Guerre
de Cent ans, ils autorisent la levée des quatre impôts créés, d’abord de manière provisoire, puis de
façon permanente. Est, ainsi, transposé en France le principe du consentement de l’impôt né en
Grande-Bretagne, même si celui-ci n’est appliqué que de manière limitée puisque les Etats généraux
ne se réunissent que sur convocation du Roi et de manière non permanente. Par la suite, confronté à
la hausse des besoins et à l’hostilité des parlements de Paris et de province, le Roi ne parvient pas à
réformer le système. Les Etats généraux ne seront, alors, plus réunis de 1614 à 1789, marquant, ainsi,
l’effacement, temporaire, du principe du consentement de l’impôt.
Le principe ne sera réaffirmé que lors de la Révolution de 1789. Ainsi, après s’être déclaré
Assemblée nationale le 13 juin 1789, le tiers état édicte, par un décret du 17 juin 1789, que toutes les
contributions sont illégales et nulles parce que non consenties. Dorénavant, aucune levée d’impôt ne
peut s’effectuer si elle n’a pas été préalablement décidée par l’assemblée représentative. Ce décret
est repris par l’article 14 de la Déclaration de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater par
eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir
librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Est, ainsi, posé le principe selon lequel la levée du prélèvement doit être, explicitement,
acceptée par ceux sur qui en retombe la charge ou par leurs représentants. Ce principe, d’ordre
politique, fonde la légitimité moderne de l’impôt. Il se traduit, sur le plan juridique, par le principe de
légalité fiscale.
Sur le second point, le Conseil constitutionnel accorde une protection accrue au principe de
légalité fiscale. Ainsi, dans plusieurs de ses décisions, il a posé de manière très nette l’intangibilité du
principe de légalité fiscale, allant même jusqu’à affirmer le droit du Parlement à légiférer dans les
matières relevant du domaine réglementaire, notamment la mise en œuvre des textes législatifs. Par
ailleurs, la Haute juridiction contraint le Parlement à exercer pleinement le pouvoir fiscal qui est le
sien, ce qui limite l’intervention du pouvoir règlementaire.
Pour autant, le principe de légalité fiscale fait l’objet de multiples atteintes aujourd’hui.
En premier lieu, bien que le Parlement dispose, seul, du pouvoir de légiférer en matière fiscale,
la V° République offre au Gouvernement une place de choix quant à la question fiscale. Plusieurs
éléments militent en faveur d’un tel constat. Le premier, d’ordre général, est lié au parlementarisme
rationnalisé qui conduit à encadrer, strictement, la fonction de légiférer du Parlement. Le deuxième
tient au fait que, si l’initiative de la loi fiscale peut être le fait tant du Parlement que du Gouvernement,
la pratique démontre que les textes fiscaux émanent, le plus souvent, du second. D’ailleurs, d’un point
de vue technique, la plupart des textes fiscaux sont préparés par l’administration, en l’occurrence la
Direction de la législation fiscale. Enfin, le dernier élément impose de constater que, pour être
appliquée, la loi fiscale ne se suffit que rarement à elle-même. Elle doit, en effet, être appliquée par le
pouvoir réglementaire et, surtout, commentée par l’administration fiscale. Il s’agit, là, de ce que l’on
nomme la doctrine administrative dont l’objectif est d’assurer une application homogène de la loi. Il
s’ensuit que, dans les faits, les agents de l’administration fiscale « appliquent » plus souvent
l’interprétation qui est donnée de la loi fiscale que la loi fiscale elle-même.
En second lieu, certains domaines de la fiscalité font l’objet d’une harmonisation européenne,
le droit communautaire ayant, en vertu de l’article 55 de la Constitution, une autorité supérieure à
celle des lois. Tel est, principalement, le cas de la fiscalité indirecte. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
est, ainsi, l’impôt le plus harmonisé, ce qui se traduit par l’unification des règles d’assiette et
l’encadrement du nombre et de la valeur des taux de TVA. Les accises font, également, l’objet d’une
harmonisation, notamment s’agissant de leur champ et de leur assiette. La fiscalité directe est, elle,
harmonisée dans une moindre mesure : cela concerne, essentiellement, les législations qui ont une
incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur. Enfin, la législation
fiscale française est contrainte par les principes de non-discrimination et de libre circulation inscrits
dans les traités européens. L’ensemble de ces normes européennes limitent, alors, les choix du
Parlement en matière fiscale.
C’est, ainsi, que si la décision fiscale relève toujours du choix politique du Parlement, elle
s’organise, de nos jours, sur la base d’un processus qui fait intervenir une multitude d’autres acteurs.
Le consentement de l’impôt n’est donc pas un principe absolu, tout comme le consentement à l’impôt
qui peut être affecté, selon les périodes, par des mouvements de contestation du système fiscal.