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La Divine Liturgie - Commentaires - PÃ Res de Lã Glise

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Hiéromoine Grégoire

du Mont Athos

LA DIVINE LITURGIE
DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
Commentaires à la lumière des Pères de l’Église

Traduit du grec par Bernard Le Caro

É ditions des Syrtes


17A, rue de la Croix-d’Or, 1204 Genève
Titre original : I Theia Leitourgia, scholia

© Hiéromoine Grégoire
© Éditions des Syrtes, 2015, pour la traduction française
© Père Placide Deseille pour les textes liturgiques traduits en franç:

Éditions des Syrtes


17A, rue de la Croix-d’Or
1204, Genève —Suisse
lèl. +41 22 310 19 48-Fax: +41 22 310 17 74
editions@syrtes.ch
www.editions-syrtes.fr
N O TE DU TRA D U CTEU R

Nous suivons ici la traduction des liturgies de l’archimandrite Placide


Deseille {Les divines liturgies de saint Jean Chrysostome, saint Basile le Grand
et la liturgie des Dons présanctifiés, monastères Saint-Antoine-le-Grand et
Solan 2009). En ce qui concerne les textes de l’Ancien Testament, ils sont
traduits et référencés selon la version des Septante. Le texte des rubriques
de la liturgie est celui qui est en vigueur sur la Sainte Montagne de l’Athos ;
des variantes, au demeurant peu importantes, existent dans la pratique des
différentes Eglises orthodoxes locales.
Les mots suivis d’un astérisque sont expliqués dans le glossaire, à la fin
de ce volume.
Nous remercions le hiéromoine Macaire de Simonos Petras pour avoir
bien voulu revoir cette traduction et nous avoir prodigué de précieux
conseils.
Il est nécessaire de comprendre le miracle des Mystères; ce qu’i l est, pourquoi
il a été donné, et quelle est son utilité.
Saint Jean Chrysostome

À l ’immortelle et sainte Table que le Maître a préparée dans la chambre


haute, venezfidèles, prenons part en élevant nos cœurs, car le Verbey estprésent:
nous l ’avons appris du Verbe Lui-même, que nous magnifions.
Canon* du Jeudi saint
AVANT-PROPOS

La divine liturgie est le Christ

Lorsque le Christ a parlé la première fois du mystère de la divine Eucha­


ristie, Il s’est appelé le Pain de vie, qui est descendu du Ciel pour être offert
pour la vie et le salut du monde'. Je suis le pain de vie... qui descend du
Ciel... Je suis le pain vivant qui est descendu du Ciel. Si quelqu’un mange de
ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, que
je donnerai pour la vie du monde (Jn 6, 48-51).
Le Christ est le Pain de Vie qui est descendu des Cieux, par la puissance
de l’Esprit saint. Il est descendu le jour de l’Annonciation dans le sein de
la Vierge toute-bénie, et Celle-ci est devenue la bonne terre, bénie, qui a
enfanté le Pain de la vie12. Le Christ est le Pain de vie qui descend conti­
nuellement des Cieux, par la puissance de l’Esprit saint. Il descend au
moment de l’Annonciation eucharistique dans l’Eglise-Vierge, et la sainte
Eglise devient la bonne terre, bénie, qui enfante le Pain de Vie. Ces événe­
ments de la descente du Christ et de Sa présence dans l’Eglise, nous les
vivons dans la divine liturgie. Car celle-ci est le Christ en nous : Et voici, je
suis avec vous tous lesjours, jusqu’à la Jin du monde (Mt 28, 20).
Puisque la divine liturgie est le Christ avec nous, tout commentaire à
son sujet est en fait une homélie sur le Christ. Les saints Evangélistes et les
Pères théophores nous ont parlé du Christ comme ils Le vivaient lorsqu’il
était près d’eux-mêmes, comme ils Le vivaient dans la divine liturgie. Ce
qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons
vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché,
1. Office de préparation des Dons eucharistiques.
2. Office de préparation à la sainte communion, canon*, 1“ ode*.
concernant la parole de vie —et la vie a été tnanifestée, et nous l ’avons vue et
nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle (1 Jn 1,
1-2). C’est pourquoi, pour rédiger des commentaires de la divine liturgie,
celui qui écrit ces lignes s’est tourné vers ceux qui ont vu la vraie Lumière,
qui ont entendu le Verbe et ont touché la tête immaculée du Maître'. Ainsi,
ce livre est constitué des expériences eucharistiques des saints et présente
la divine liturgie comme ceux-ci l’ont vécue et comme la vit aujourd’hui
notre Eglise. Car même de nos jours, en ces temps difficiles, il y a des
cœurs qui brûlent de Son amour (Le 24, 32) et qui font l’expérience de Sa
présence près de l’Autel, ainsi que des âmes qui, durant la divine liturgie,
concélèbrent avec les anges et les saints, vivant dans le Royaume béni du
Dieu trinitaire.
En lisant les expériences liturgiques des saints que ce livre contient,
certains lecteurs y trouveront une aide pour s’approcher de ceux-ci, c’est-
à-dire du Christ. Aussi, je leur demande de prier avec tous les saints (Ép 3,
18) pour celui qui, dans les rayons de ces saints, a recueilli le miel spirituel
qui délecte et nourrit l’homme-.
Nous voudrions saisir cette occasion pour exprimer une humble prière:
que cette édition contribue à notre meilleure compréhension de la divine
liturgie et à notre plus profonde participation à celle-ci. Et aussi que nous
comprenions tous existentiellement le miracle des Mystères, ce qu’il est, pour­
quoi il a été donné, et quelle est son utilité. En d’autres termes, que nous
comprenions que la divine liturgie est le mystère de l’amour de Dieu, qu’il
a été donné parce qu’il nous a aimés le premier et que nous avons obtenu
le bienfait de devenir participants au Christ et images de Son amour.
Que l’expérience de Son amour nous incite en retour à L’aimer de tout
notre cœur.

Hiéromoine Grégoire12

1. Heures* royales de la fête de la Théophanie, idiomèle* de None.


2. ><Mange du miel, fils, il est bon le rayon, pour que se délecte la gorge: c'est ainsi que tu sentiras
la sagesse en ton âme », Pr 24, 13-14.
IN TRO D U C TIO N

Tu es saint, Tu es toute sainteté, Toi et Ton Fils Unique et Ton Saint-Esprit,


magnifique est Ta gloire, Toi qui as tant aimé ce monde qui T ’appartient, que
Tu as donné Ton Fils Unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas,
mais ait la vie éternelle.
Divine liturgie, prière de l’anaphore*

1. La dernière Cène
et la liturgie des premiers chrétiens

Lors d’un repas pascal judaïque, le Seigneur Jésus-Christ célébra pour


la première fois le mystère de l’Eucharistie, la Cène pascale de l’Eglise.
C’était la dernière Pâque que le Christ célébra avec Ses disciples dui^nt Sa
vie terrestre.
Un jour avant la fête de la Pâque, les disciples demandèrent au Seigneur :
Où veux-Tu que nous préparions le repas pascal? Et II leur répondit: Allez à
la ville chez untel, et vous lui direz: le Maître dit: le temps de ma Passion
est proche ; Je ferai chez toi la Pâque avec mes disciples. Ceux-ci firent ce que
le Seigneur leur avait ordonné et préparèrent le lieu où ils devaient célébrer
ensemble la Pâque (Mt 26, 17-19).
Lorsque les disciples demandèrent au Christ où préparer la Pâque, ils
avaient naturellement en vue la Pâque judaïque. C’est celle-ci qu’ils prépa­
rèrent. «Tandis que la nôtre [la Pâque chrétienne], c’est le Christ qui l’a
préparée. Et non seulement II l’a préparée, mais II est devenu Pâque Lui-
même1. » Lors de la dernière Cène, le Christ a célébré à la fois la Pâque
1. Saint Jean Chrysostome, Sur la trahison de Judas, I, 4, Patrologie Grecque 49, 378-9.
judaïque et la Pâque chrétienne, c’est-à-dire « à la fois la Pâque de la figure
et celle de la réalité. Le Christ a fait précisément la même chose que les
peintres qui, sur leur tableau, tracent les lignes du projet, ajoutent les
ombres et complètent par les couleurs réelles. À la même table, Il esquissa
la Pâque qui était la figure et ajouta la Pâque véritable' ».
Les trois premiers évangélistes et l’apôtre Paul nous donnent la descrip­
tion de la première liturgie : Jésus, prenant le pain et ayant rendu grâces, le
rompit et le donna aux disciples et dit: Prenez, mangez, ceci est mon corps, qui
est donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. Et prenant la coupe, après
avoir rendu grâces, Il la leur donna en disant: buvez-en tous, ceci est mon sang,
celui de la nouvelle alliance, répandu pour beaucoup pour la rémission des
péchés. Faites ceci en mémoire de moi toutes lesfois que vous en boirez. Je vous
le dis en vérité, je ne boirai plus jamais du fru it de la vignejusqu’au jour où je
le boirai à nouveau avec vous dans le Royaume de mon Père (Mt 26, 26-29 ;
Mc 14, 22-25; Le 22, 15-20; 1 Co 11, 23-26).
La description de la première liturgie est en même temps celle de la
synaxe* - l’assemblée - eucharistique des temps apostoliques, si ce n’est
quelle est présidée non plus par le Christ, mais par les saints apôtres, qui
sont les images vivantes du Maître. Ainsi, les premiers chrétiens vivaient la
présence du Christ dans l’Eucharistie et attendaient Son retour en gloire.
La perception de la présence du Sauveur et l’attente de Sa seconde venue
donnaient aux synaxes eucharistiques des premiers chrétiens une atmos­
phère de joie et d’allégresse (Ac 2, 46-47).
Aux temps apostoliques, les agapes* étaient offertes avant la divine
liturgie. Les chrétiens vivaient aussi l’Eucharistie comme un dîner de
l’amour, précisément parce que la Cène mystique était celle de l’amour
ineffable du Christ envers Ses disciples. Cependant, avec le temps, en
raison de certains désordres, la divine liturgie a été séparée des agapes
(1 Co 11, 17 et suiv.).
Lorsque les saints apôtres commencèrent à envoyer des lettres aux
Églises locales, les synaxes eucharistiques débutaient par la lecture de l’une
de ces lettres12 (Col 4, 16; 1 Th 5, 27). Il y avait ensuite le baiser de paix,
dont parle l’apôtre Paul dans ses épîtres (2 Co 13, 12; Rm 16, 16). Puis,
le célébrant bénissait les fidèles : Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ,
l ’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous. Amen
(2 Co 13, 13). Après la bénédiction, on prononçait la prière d’action de
1. Ibid.
2. Lassemblée des fidèles avait lieu le soir, dans la chambre haute d ’une maison (Ac 20, 7 et suite).
grâces et les paroles du Seigneur : Prenez, mangez... Buvez-en tous..., et
la prière d’invocation du Saint-Esprit ou épiclèse*, qui est fondée sur les
paroles du Christ après l’institution du Mystère : lorsque viendra le Paraclet1
(...) Il rendra témoignage de moi (...), Il me glorifiera (Jn 15, 26 ; 16, 14).
Enfin, le Saint Corps du Christ était rompu, puis suivait la communion.
C’est ainsi qu’était célébrée l’Eucharistie aux temps des apôtres.

2. Les premières prières liturgiques

Le deuxième et le troisième siècles furent des périodes de persécutions.


Certaines prières eucharistiques de cette période nous sont parvenues,
comme celles qui se trouvent dans la Didaché12 des douze apôtres et dans la
Tradition apostolique de saint Hyppolite. Il semble qu’il y avait alors encore
une relative liberté dans la formulation des prières liturgiques. C’est ainsi
qu’il est écrit dans la Didaché: « À ceux qui ont le charisme de prophétie,
permettez de rendre grâce autant qu’ils le veulent34.» Quant à saint Justin,
il dit que le célébrant, « selon sa force, élève des prières et des actions de
grâce ' ».
Le début de cette période coïncide avec la séparation définitive entre
l’Eucharistie et les agapes. L’Église passe de l’époque des apôtres, des maîtres
charismatiques et des prophètes, qui rendaient visite aux différentes Églises
locales, à celle des pasteurs permanents. La synaxe eucharistique avait lieu
le matin au lieu du soir, sur les tombes des martyrs. Durant les dernières
années du premier siècle, l’hymne de victoire - le Sanctus - fut ajouté à la
liturgie5.
Dans la Didaché des douze apôtres, qui fut écrite vers l’an 100 après Jésus-
Christ, nous trouvons les premières prières liturgiques : « Au sujet de l’Eu­
charistie, rendez grâce ainsi, d’abord, en ce qui concerne le calice : Nous Te
rendons grâce, notre Père, pour la sainte vigne de David Ton serviteur, que Tu
nous as fa it connaître par Jésus Ton enfant; à Toi soit la gloire dans les siècles.
En ce qui concerne la fraction (du pain) : Nous Te rendons grâce, notre Père,
pour la vie et la connaissance, que Tu nous as données par Jésus Ton enfant; à
Toi soit la gloire dans les siècles. Comme ce pain rompu d ’abord dispersé sur les

1. Le Saint-Esprit.
2. En grec, signifie « enseignement ».
3. Didaché, X, 7, Sources Chrétiennes 248, 183.
4. Saint Justin, Première apologie, I.XVII, SC 507, 311.
5. Saint Clément de Rome, Première Epitre aux Corinthiens, XXXIV, 5-7, SC 167, 157.
montagnes a été recueilli pour devenir un, quainsi Ton Eglise soit rassemblée1
des extrémités de la Terre dans Ton Royaume. Car à Toi est la gloire et la puis­
sance par Jésus-Christ dans les siècles. »
La Didaché poursuit en mentionnant certaines phrases qui constituaient
probablement un dialogue entre le célébrant et le peuple :

Le célébrant : Que vienne la grâce (autre variante : que vienne le


Christ) et que passe ce monde.
Le peuple : Hosanna au Dieu de David.
Le célébrant: Si quelqu’un est saint, qu’il vienne; que si
quelqu’un ne Test point, qu’il se repente: Maranatha (c’est-à-
dire « le Seigneur vient »).
Le peuple: Amen1.

Saint Justin, dans sa Première apologie (écrite vers 150 après Jésus-Christ),
nous donne deux schémas de la divine liturgie. La synaxe eucharistique
commence par les lectures de la Sainte Ecriture, et ensuite le célébrant
enseigne les fidèles. Suivent les prières en assemblée, le baiser de paix,
l’offrande du pain et du vin ainsi que les prières élevées par le célébrant.
Le peuple prononce YAmen, et c’est alors « que ceux qui sont présents
partagent les Dons eucharistiques123 ». Ils sont distribués aux absents par les
diacres. Saint Justin se réfère également à l’invocation du Saint-Esprit, qu’il
appelle « prière du Verbe4 ».
Saint Ignace d’Antioche (martyrisé vers 113 après Jésus-Christ) et saint
Irénée de Lyon (140-202) évoquent moins la forme des prières, mais
s’étendent plus sur la théologie du Mystère. Saint Irénée de Lyon appelle la
sainte anaphore* « invocation de Dieu » ou « parole de Dieu5 ».

Dans la Tradition apostolique de saint Hippolyte (écrite vers 217), nous


avons le dialogue suivant entre le célébrant et le peuple :

Le célébrant : Que le Seigneur soit avec vous tous.


Le peuple : Et avec ton esprit.
Le célébrant : Elevez vos cœurs.
1. En grec, la racine du mot « rassembler » est aussi celle du mot « synaxe » (N.d.T.).
2. Didaché, IX, 1-4 et X, 6, SC 248, 181.
3. Saint Justin, Première apologie, LXVII, 2, SC 507, 307.
4. Ibid ci aussi : Première apologie, XXXIII, 6, SC 507, 219.
5. Contre les hérésies, IV, 18, 5, SC 100, 611 et V, 2, 3, SC 153, 37.
Le peuple : Nous les avons vers le Seigneur.
Le célébrant : Rendons grâce au Seigneur.
Le peuple : Il est digne etjuste.

Ensuite commence la sainte anaphore :

« Nous Te rendons grâce, ô Dieu, par Ton enfant bien-aimé


Jésus-Christ, que Tu nous as envoyé dans les derniers temps
comme sauveur et libérateur et comme ange de Ton conseil
(...), qui, après avoir été livré, souffrit volontairement (...),
prenant le pain, rendit grâce et dit: “Prenez, mangez, ceci
est mon Corps, qui est rompu pour vous.” Il prit de même le
calice et dit : “Ceci est mon sang, versé pour vous ; chaque fois
que vous ferez ceci, vous le ferez en ma mémoire.” »
« Faisant ainsi mémoire de Sa mort et de Sa résurrection, nous
T ’offrons le pain et le calice en Te rendant grâce (...). Et nous
T ’implorons de faire descendre Ton Saint-Esprit sur l’oblation
de la sainte Église. En les rassemblant, accorde à tous ceux
qui participent aux saints [Dons] [qu’ils puissent participer]
à la plénitude du Saint-Esprit pour l’affermissement de leur
foi dans la vérité, afin que nous Te louions et Te glorifions
par Ton Enfant Jésus-Christ, par qui à Toi soient gloire et
honneur au Père et au Fils avec le Saint-Esprit dans Ta sainte
Eglise, et maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.
Amen1. »
Dans l’anaphore de la Tradition apostolique, on distingue déjà^clai-
rement le dialogue, les paroles du Christ, l’anamnèse* et l’invocation
- l’épiclèse - du Saint-Esprit.

3. Les premières liturgies écrites

La divine liturgie, telle que nous la connaissons aujourd’hui, a pris sa


forme au début du IVe siècle. À cette époque, chaque Église locale (par
exemple celles de Jérusalem, Constantinople, Alexandrie) avait développé
son propre formulaire liturgique. C’est ainsi que nous avons les liturgies

1. Les Constitutions apostoliques, 4, SC 11 bis, 47-51 et P. Trembelas, Archai kai charaktir tis chris-
tianikis latreias [Principes et caractère de l’office chrétien], p. 175-176, éditions Sotir, 1962.
de l’apôtre Marc, de Jacques le frère du Seigneur, de saint Clément, de
saint Basile le Grand et de saint Jean Chrysostorne.
Aujourd’hui, dans l’Église orthodoxe, on célèbre les saintes liturgies
suivantes :
1. La liturgie de saint Jacques le frère du Seigneur. Le noyau central
de cette liturgie est d’origine apostolique, tandis que sa forme actuelle
remonte au ivc siècle, avec quelques ajouts ultérieurs. La simplicité lexi­
cale, les lectures de l’Ancien Testament, et les demandes afférentes aux
persécutions des chrétiens, confirment son ancienneté.
Cette liturgie prit forme à Jérusalem, et de là s’étendit à de nombreuses
Eglises locales. Nombreux sont les saints Pères qui en parlent: saint
Cyrille de Jérusalem (qui l’expose sans mentionner le nom de saint
Jacques1)) saint Proclus de Constantinople2, saint Marc d’Éphèse', le
Concile Quinisexte (32Lcanon J et d’autres encore. La liturgie de saint
Jacques est célébrée les jours dédiés à sa mémoire (le 23 octobre et le
dimanche après la Nativité).
2. La liturgie de saint Basile le Grand. Celle-ci nous amène à Césarée
de Cappadoce. Saint Basile le Grand l’écrivit probablement alors qu’il
était prêtre (vers 365), car saint Grégoire le Théologien, se référant à
l’activité de ce saint à ce moment, dit que parmi ses contributions à
l’Église, il y avait les prières liturgiques et les rubriques selon lesquelles
elles devaient être lues\ Cette liturgie fut apportée par saint Grégoire le
Théologien à Constantinople et, de là, elle fut connue aussi à Alexandrie.
De nos jours, elle est célébrée dix fois par an, à savoir les dimanches du
Grand Carême, le Jeudi saint, les paramonies (veilles) de la Nativité du
Christ et de la Théophanie, ainsi que le jour de la fête de saint Basile
(1er janvier).
3. La liturgie de saint Jean Chrysostorne, dont il sera question
maintenant.

1. Catéchèses mystagogiques, 5, SC 126, 147-175.


2. Saint Proclus, Homélie sur la Tradition de la divine liturgie, PG 65, 849B-852B.
3. Saint Marc d ’F.phèse. Sur la sainte Eucharistie, PG 160, 1081 B.
4. Joannou, Canons des conciles œcuméniques, Discipline générale antique, Fond 1, 1, Rome 1961,
p. 165.
5. Saint Grégoire le Théologien, Oraison funèbre de saint Basile, Homélie X LUI, 34, SC 384, 201.
4. Saint Jean Chrysostome et la divine liturgie

La vie du saint

Saint Jean Chrysostome naquit de pieux parents à Antioche, vers 350.


Son père, Secundus, était général, et sa mère, Anthousa, était issue d’une
famille noble. Quelques mois après la naissance du saint, son père décéda
et sa mère se chargea de son éducation.
Très jeune, saint Jean étudia la rhétorique et la philosophie. Saint Mélèce
était alors archevêque d’Antioche et avait une grande estime pour le jeune
homme, qu’il prit auprès de lui, car il « aimait la beauté de son cœur et,
avec un œil prophétique, il prévit le développement du jeune homme1».
À l’âge de dix-huit ans, il fut baptisé et étudia pendant trois ans à l’école
théologique d’Antioche. En 371, il fut tonsuré lecteur et, conformément
à la pratique en vigueur, il lisait au peuple les Saintes Ecritures et les
commentait.
En 372, la mère du saint décéda. Celui-ci réalisa alors le désir qui était
le sien depuis longtemps, à savoir de se retirer dans le désert, où il resta en
tout six ans. Il passa les quatre premières années de sa vie ascétique dans
l’obéissance à un ascète, tandis que les deux années suivantes, il vécut seul
dans des grottes, en pratiquant un ascétisme très rigoureux. Durant ces
deux années, il ne se couchait pas, mais « restait sans sommeil la plupart du
temps, apprenant les Saintes Ecritures12 ». Cependant, le froid extrême et
l’ascèse ébranlèrent sa santé. Il fut donc contraint de revenir à Antioche où,
en 380 - peut-être en 381 - , il fut ordonné diacre par saint Mélèce. Cinq
ans plus tard, il fut ordonné prêtre par le nouvel archevêque d’Antioche,
saint Flavien.
Saint Jean servit comme prêtre à Antioche jusqu’en 397. Par sa prédi­
cation captivante, il enseignait constamment le peuple et l’encourageait
durant les moments difficiles. Sa réputation se répandit au-delà d’Antioche
et de la Syrie. Aussi, tout le monde s’attendait à ce qu’il succédât à saint
Flavien sur le siège épiscopal d’Antioche. Cependant, après le trépas du
patriarche Nectaire de Constantinople, Dieu dirigea les pas de saint Jean
vers la capitale impériale où il fut sacré évêque le 15 décembre 397, puis
intronisé le 26 février 398.

1. Pallade d ’Hélénopolis, Dialogue sur la vie de saint jean Chrysostome, V, 10, SC 341, 109.
2. Ibid.t SC 341, 111.
De nouveaux combats attendaient le saint à Constantinople. Le paga­
nisme faisait encore la guerre à la foi chrétienne. Les hérétiques (ariens,
apollinariens et autres) brisaient l’unité de l’Église. Des clercs indifférents
à leur mission scandalisaient le peuple. C ’est donc dans de telles difficultés
que saint Jean Chrysostome dut accomplir son œuvre. Par les paroles
inspirées émanant de sa « langue d’or », il captivait le peuple, consolait
les affligés, encourageait les désespérés, prêchait le repentir. En actes et en
paroles, il frappait le mal où qu’il se trouvât. Il punissait les clercs indignes
et organisait les œuvres spirituelles et caritatives de l’Église. Il envoya des
missionnaires chez les Goths, en Scythie et en Phénicie. Il institua des
offices nocturnes afin que ceux qui travaillaient pussent y participer.
Une œuvre aussi vaste et particulièrement les sanctions frappant les
clercs indignes furent à l’origine d’énormes oppositions contre lui. Les
ennemis du saint, appuyés par l’impératrice Eudoxie, parvinrent à le faire
destituer et exiler1. Or, cet exil ne dura qu’une journée. Le saint arriva
jusqu’en Bithynie, mais l’opposition du peuple et un événement excep­
tionnel qui survint dans la vie d’Eudoxie effrayèrent celle-ci à tel point
quelle demanda le retour du saint. Celui-ci revint alors dans la capitale, où
le peuple l’accueillit avec des larmes de joie.
Toutefois, ses ennemis ne désarmèrent pas. Par des intrigues et des
calomnies continuelles, ils excitèrent à nouveau la colère d’Eudoxie et
persuadèrent l’empereur de confiner le saint à son palais épiscopal. La nuit
du Samedi saint 404, des événements affligeants se produisirent dans les
églises où ceux qui étaient restés fidèles au saint s’étaient rassemblés. Ainsi,
tandis que l’on préparait le baptême des catéchumènes et la fête de Pâques,
ceux-ci - tant les hommes que les femmes - furent battus par les soldats et
chassés - nus - dehors. Comme le dit le saint, dans les fonts baptismaux,
« les eaux bénies rougirent du sang des blessures... et le très-saint Sang du
Christ, dans un tel tumulte, coulait sur les vêtements des soldats12 ».
Finalement, le 20 juin 404, le saint, après avoir fait ses adieux au clergé,
se livra lui-même à ses ennemis, à l’insu du peuple, et fut conduit en exil
à Cucuse, en Arménie. Après des tribulations inimaginables, tant corpo­
relles que psychiques, qui durèrent plus de trois ans, le saint s’endormit
dans le Seigneur le 14 septembre 407, alors qu’il se dirigeait vers Pityon,

1. Lors du « concile », plutôt du « brigandage » du Chêne en 403.


2. Pallade d ’Hélénopolis, op. cit., IX, SC 341, 199.
un nouveau lieu d’exil. Après avoir communié aux saints Mystères, il
prononça ces paroles qui lui étaient si chères : « Gloire à Dieu pour to u t1! »
En 438 eurent lieu l’invention de ses saintes reliques et leur transfert à
Constantinople. « Elles furent d’abord amenées à l’église du Saint-Apôtre
-Thomas (...), ensuite à l’église Sainte-Irène. Les saintes reliques furent
placées sur le trône épiscopal et la foule s’écria: “Regagne ton trône, ô
saint!” Ensuite, on posa le coffre reliquaire sur un char impérial et on
le conduisit à l’église des Saints-Apôtres. On posa la sainte relique sur la
cathèdre épiscopale et, ô miracle, il dit au peuple: “Paix à tous2!” »
Le cheminement de la vie martyre de saint Jean Chrysostome était
terminé. La vérité triompha encore une fois. Et le saint, pleinement vivant
après sa mort, apportait la paix à tous : à ceux qui étaient ses ennemis et à
ceux qui l’aimaient.

La divine liturgie

La fin de la vie sainte et digne des martyrs de saint Jean Chrysostome a


dirigé nos pas jusqu’au début de sa divine liturgie. À son époque, celle-ci
commençait par l’entrée de l’évêque dans l’église et le don de la paix au
peuple3. Ensuite, le peuple répondait à son tour à l’évêque: « Et à ton
esprit. » Puis on lisait trois lectures bibliques: l’une des Prophètes, l’une
des Épîtres et l’une de l’Évangile4. L’évêque prêchait ensuite la parole de
Dieu, puis l’on récitait les prières pour les catéchumènes et les pénitents.
Après que ceux-ci étaient partis, on fermait les portes de l’église. On lisait
alors les prières pour les fidèles, puis on procédait à la Grande Entrée* et
au baiser de paix. Suivait la sainte anaphore, puis l’hymne de victoire, les
paroles de l’institution et l’invocation du Saint-Esprit. Enfin, on récitait le
Notre Père, qui était suivi de la sainte communion et du renvoi des fidèles.
Outre les prières qu’il avait lui-même écrites, saint Jean Chrysostome
utilisait dans sa liturgie certaines prières plus anciennes. Son biographe,
l’évêque Georges d’Alexandrie, mentionne que, lorsqu’il se trouvait en
1. Théodore, évêque de Trimythonte, Vie de saint Jean Chrysostome, 25, Halkin, p. 31.
2. Saint Nicodème l’Hagiorite, Synaxaire des douze mois, volume III, édition Orthodoxos Kypseli,
Thessalonique, 1982, p. 163 (27 janvier) ; version française in hiéromoine Macaire de Simonos
Petras, Le Synaxaire, Vie des saints de l ’Eglise orthodoxe, tome II, p. 531, Thessalonique, Perivoli
tis Panaghias, 1988.
3. Saint Jean Chrysostome écrit : « Lorsqu’il entre dans l’église, l’évêque ne monte pas sur le trône
avant d ’avoir souhaité la paix à tous les fidèles » (Contre les Juifs, III, 6, PG 48, 870).
4. Saint Jean Chrysostome, Sur la Pentecôte, I, 4, PG 50, 458. Sur les paroles prophétiques, 3, PG
56, 145-146.
Arménie, le saint consacra sept évêques et une multitude de prêtres et de
diacres pour les besoins de l’Eglise locale, « définissant la façon dont ils
devaient chanter et leur enseignant la divine Mystagogie1 ».
De l’étude de l’œuvre du saint, il ressort en conclusion que « le noyau
central du formulaire de la divine liturgie est constitué par une série de
prières qui nous ont été essentiellement transmises comme saint Jean
Chrysostome les a prononcées, en tant qu’évêque de Constantinople12 ».
Tant le contenu que le style témoignent que les prières appartiennent à ce
saint Père de l’Eglise.
La divine liturgie de saint Jean Chrysostome, sous sa forme actuelle, a
fait l’objet d’ajouts postérieurs : un début different, l’hymne Fils Unique et
XHymne des chérubins*. En outre, la lecture des prophètes a été supprimée
et, depuis le v iiic siècle, l’office de la prothèse* a été déplacé avant le début
de la liturgie.
Il est toutefois inutile d’insister sur l’histoire de la composition de la
liturgie. Pour les fidèles, ce qui importe n’est pas par qui et quand ont été
écrites les prières liturgiques, mais de quelle façon, à chaque époque, les
cœurs qui brûlent de l’amour du Christ (Le 24, 32) Le reconnaissent à la
fraction du Pain (Le 24, 35).

Le célébrant

Le témoignage fondamental concernant saint Jean Chrysostome en tant


que célébrant est constitué par ses propres écrits. Le saint, lorsqu’il se réfère
au ministère liturgique du prêtre, nous révèle son expérience liturgique
vécue.
Le véritable célébrant du Mystère eucharistique est le Christ : Celui qui
célébra l’Eucharistie « lors de la dernière Cène est le Même que Celui qui
accomplit maintenant ces Mystères. Nous, prêtres, occupons la place des
serviteurs. Celui qui les sanctifie et les transforme est le Christ3 ». Le célé­
brant est l’instrument du Saint-Esprit, il occupe la place du Christ.
Saint Jean Chrysostome, qui vécut le ministère liturgique à son plus
haut niveau, mentionne que le prêtre « se tient entre Dieu et la nature des
hommes, faisant descendre jusqu’à nous les honneurs du Ciel, et y élevant

1. Georges, archevêque d’Alexandrie, Vie de saint Jean Chrysostome, 59, Halkin, p. 238.
2. Georges Wagner, évêque d’Eudociade, Der Ursprung der Chrysostomusliturgie, Münster,
AschendorfF, 1973, p. 133.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, LXXXII, 5, PG 58, 744.
nos supplications1 ». La célébration de l’Eucharistie place le célébrant dans
le Ciel: « Le trône du sacerdoce est placé dans les Cieux2. » C’est pour­
quoi il est exigé du prêtre une pureté angélique, de telle façon qu’il puisse
exercer l’œuvre que Dieu n’a pas même confiée aux anges. Car « le prêtre
invoque l’Esprit saint, il accomplit le très redoutable sacrifice et touche
constamment le Maître commun de tous3 ».
Le prêtre se trouve sur terre et se meut dans le Ciel. Il se tient avec les
saints anges, il glorifie Dieu avec les archanges, il concélèbre avec le Christ '.
Saint Jean révèle que lors de la divine liturgie, « les puissances célestes
occupent tout le sanctuaire et collaborent avec nous dans la célébration de
l'office" ». Ses contemporains témoignent au sujet du saint que « lors de la
divine liturgie était révélé qui était ce contemplateur du monde invisible.
Car il ne ressemblait pas à un homme revêtu d’une chair mortelle, mais
plutôt à un ange sous forme humaine1' ».
C’est ainsi que les saints célèbrent la liturgie. C’est ainsi que saint Jean
Chrysostome célébrait le « miracle des mystères' ». Devant le saint Autel,
il vivait le mystère de l’amour de Dieu. Il recevait du Ciel l’Amour divin
et l’offrait à ses enfants sur terre. Par conséquent, sa vie, sa parole et son
témoignage fournissent la meilleure exégèse de la divine liturgie. Car celle-
ci - c’est-à-dire le Christ —était sa vie. Et sa vie était une liturgie et une
action de grâces continuelles.

5. Q u’est-ce que la divine liturgie ?

Une récapitulation de toute l ’économie divine*

Tous les éléments sublimes que Dieu accomplit pour ramener l’homme
dans Sa maison après la désobéissance et pour le faire Sien à nouveau, sont
appelés l’économie divine. « L’économie de notre Dieu et Sauveur au sujet1234567

1. Homélie sur Ozias, V, 1 PG 56, 131.


2. Ibid., PG 56, 130.
3. Sur le sacerdoce, VI, 4, SC 272, 317.
4. Saint Grégoire le ’Ihéologien, Homélie, 11, 73, PG 35, 481 AB.
5. Sur le sacerdoce, VI, 4, SC 272, 317.
6. Anonyme, Vie de saint Jean Chrysostome, XIV, Halkin, p. 399.
7. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, XLVI, 2, PG 59, 260.
de l’homme consiste à le relever de sa chute, à le faire revenir de l’état d’ini­
mitié, conséquence de sa désobéissance, à l’intimité de Dieu1. »
Cet événement du salut en Christ, nous le vivons dans la divine liturgie
et nous rendons grâces à Dieu : « Les mystères redoutables qui sont accom­
plis lors de chaque assemblée des fidèles et qui offrent en profusion le salut
sont appelés Eucharistie, car ils constituent le souvenir de nombreux bien­
faits et nous manifestent le point culminant de la divine Providence2. »
La divine liturgie permet en fait de revivre de manière sacramentale ces
bienfaits et elle constitue « la récapitulation de toute l’économie ' ». C’est la
raison pour laquelle, à la fin de la liturgie de saint Basile le Grand, le célé­
brant dit : « Voici consommé et accompli, ô Christ notre Dieu, le mystère
de Ta divine économie. »
Le mystère de l’économie divine a été manifesté simultanément à la
désobéissance de l’homme. Le Maître qui aime les hommes « vit immé­
diatement la chute et la dimension de la plaie, et s’empressa de recourir
au remède afin que la plaie ne s’étendît et ne se transformât en blessure
incurable. Il n’a cessé même un instant de montrer Sa providence pour
l’homme, animé qu’il était par Son amour4 ». Par des œuvres sublimes et
des paroles prophétiques, Dieu a préparé l’homme à participer à la pléni­
tude de la Vie et de l’Amour.
Un certain nombre d’événements et de prophéties de l’Ancien Testa­
ment préfiguraient le mystère de l’Eucharistie.
Le premier d’entre eux fut l’offrande du pain et du vin par Melchisédec
(Gn 14, 18-20), qui était la préfiguration et l’image du Christ, le véri­
table grand-prêtre (cf. Ps 109, 4) et son offrande est l’imitation de celle
du Seigneur. Melchisédec, « mû par un esprit prophétique, avait en vue la
future offrande qui serait faite pour les nations. Pour cette raison, imitant
le Christ qui devait venir, il honorait Dieu en offrant le pain et le vin’ ».
Melchisédec, dans le Saint-Esprit, vit le futur dans le présent et imite ce
qui n’avait pas encore été réalisé.12345

1. Saint Basile, Sur le Saint-Esprit, XV, 35, SC 7 bis, 365.


2. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, XXV, 3 PG 57, 331.
3. Saint Théodore le Stoudite, Antirrhétique, 1, PG 99, 340C.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur la Genèse, XVII, 2, PG 53, 136.
5. Melchisédec, le roi de Salem, c’est-à-dire « roi de la paix », bénit le patriarche Abraham au
retour de sa campagne victorieuse contre le roi d’Elam. Abraham offrit à Melchisédec la dîme
du butin, et celui-ci lui offrit le pain et le vin (He 7, 2); saint Jean Damascène, Sur la foi
orthodoxe, IV, 86, PG 94, 1149C; saint Jean Chrysostome, Sur Melchisédec, III, PG 56, 261.
Une autre préfiguration du sacrifice du Christ et de l’Eucharistie est
le sacrifice d’Isaac par Abraham (Gn 22, 1-14), ainsi que le sacrifice du
prophète Élie (3 R 18, 17-40). La vision d’Isaïe (Is 6, 1-7) se déroule
également dans une atmosphère liturgique: le Seigneur est assis sur un
trône, porté par les séraphins qui chantent l’hymne trois fois sainte, tandis
qu’est offert le sacrifice de l’encens. Selon les saints Pères, une prophétie du
patriarche Jacob (Gn 49, 10-11) et une autre du prophète Malachie (Ml 1,
11) se réfèrent aussi à l’Eucharistie1.
Cependant, l’événement par excellence qui préfigure l’Eucharistie était
la Pâque judaïque. Cette fête était une commémoration continue du salut
des Juifs des mains des Égyptiens et une action de grâces à Dieu inin­
terrompue pour Ses bienfaits. Tous les événements qui se sont produits
lorsque les Juifs s’enfuirent d’Egypte constituaient « des mystères redou­
tables et très profonds. Et s’ils étaient tels en figure, à plus forte raison le
sont-ils en réalité... [car] la réalité est que nous mangeons aussi la Pâque,
le Christ2! ».
Tous ces événements ont préparé l’avènement du Christ. Ainsi, lorsque
vint la plénitude des temps, la Vérité a été révélée, alors quelle n’était
jusqu’alors qu’esquissée. En même temps, les véritables dimensions du
mystère de la divine économie ont été manifestées, car le Christ est la réca­
pitulation de ce mystère.
Dans la divine liturgie, tous les événements de la vie du Christ sont
célébrés de façon sacrée : « Ce qui est accompli durant la divine célébra­
tion sacrée est la figure de la passion salvifique, de l’ensevelissement et
de la résurrection du Christ et de toute Sa venue salvatrice sur terre et
de Son économie divine3. » Dans la divine liturgie, le célébrant, « deyant
l’Autel divin, chante les œuvres sacrées et divines de Jésus-Christ. Ensuite,
il célèbre les divins Mystères et porte devant nos yeux ce qu’il a loué précé­
demment4 ». Devant nous se manifeste la vie du Christ, car « toute la
mystagogie est comme une image unique d’un seul corps, qui est la vie
terrestre du Sauveur3 ».
* * *

1. Saint Justin, Première apologie, XXXIII, SC 507, 213, et saint Jean Chrysostome, Contre les
Juifs, V, 12 PG 48, 902-3.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur L'ÉpîtreauxÉphésiens, XXIII, 2, PG 62, 165-166.
3. Théodore d Andida, Sur les sytnboles et mystères dans la divine liturgie, I PG 140, 417A.
4. Saint Denys PAréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique, III, 3, 12, PG 3, 441C-444A,
traduction de Maurice de Gandillac, Paris 1943, p. 277.
5- Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, 1, SC 4 bis, 63.
Saint Jean Chrysostome écrit que « les yeux de la foi voient ce qui est
invisible1». Ecoutons donc ce que le saint a perçu ainsi dans la liturgie:
La sainte église où est célébrée l’Eucharistie divine est Bethléem:
« Accours à la Bethléem (c’est-à-dire à l’église), où se trouve la maison du
Pain spirituels » Dans peu de temps, dans la chambre haute de Sion, nous
participerons à la Cène mystique avec les disciples. En effet, dans la divine
liturgie « est accomplie la même Cène que celle à laquelle le Christ était
assis. Cette cène eucharistique [que nous célébrons maintenant] n’est en
rien différente de celle-ci1». « Cette sainte église est la chambre haute où
étaient rassemblés le Christ et les disciples. De là, ils partirent pour le mont
des Oliviers \ »
Ensuite, le saint Autel devient le lieu du Crâne et le terrible Golgotha: le
mystère de la divine Eucharistie « est la figure de ce sacrifice [du Golgotha] ;
le sacrifice qui fut offert alors, nous l’offrons maintenant également”’ ».
Après le Golgotha, nous vivons la Résurrection : « Le Mystère accompli à
Pâques n’est en rien supérieur à celui que nous accomplissons maintenant.
C’est un seul et même mystère, c’est la même grâce du Saint-Esprit. C ’est
toujours Pâques'1. »
L’Eucharistie est la Pâque incessante de l’Église. C’est le début du siècle
nouveau qui fait irruption dans l’ancien et le renouvelle. C ’est la présence
charismatique du Royaume à venir: « Tu n’as cessé de tout faire jusqu’à ce
que Tu nous aies élevés au Ciel et nous aies fait don de Ton Royaume à
venir7. » Le Christ nous a accordé dès maintenant le Royaume à venir et
a mis le Ciel à notre portée: « Il nous a rendu le Ciel accessible". » Et ce
qui est encore plus sublime : Il nous accorde de Le recevoir en nous, Lui le
Maître du Ciel.
La divine liturgie est le Mystère du Christ. En elle coexistent ce qui est
proche et ce qui est éloigné, le commencement et la fin. « La Pâque du
Christ apparaît, les époques se réunissent (c’est-à-dire que les distinctions
du temps sont annihilées), l’ordre cosmique s’établit '. » De même que le
Christ est l'Alpha et l ’Oméga., le premier et le dernier, le commencement et
1. Sur les derniers jours, 2, PG 56, 272.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur suint Matthieu, VII, 5, PG 57, 78.
3. Ibid., L, 3, PG 58, 507.
4. Ibid., LXXXII, 5, PG 58, 744.
5. Id., Sur l'Épitre aux Hébreux, XVII, 3, PG 63, 131.
6. Id., Sur I Timothée, V, 3, PG 62, 529-530.
7. Prière de l’anaphore.
8. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, XL.VI, 3, PG 59, 261.
9. Épitre à Diognète, XII, 9, SC 33, 85.
la fin (Ap 22, 13), ainsi la divine liturgie est le rassemblement de l’espace
et du temps dans le Christ et leur transfiguration en espace et en temps
liturgiques.

Une manifestation du Dieu Trinitaire

L’économie divine est la manifestation de l’amour du Dieu Trinitaire


pour l’homme. L’auteur de notre salut est le Verbe de Dieu, le Père s’est
complu dans l’œuvre du Fils, et l’Esprit saint y collabore. « La Théophanie
divino-humaine selon la chair par la toujours Vierge Marie est réalisée par
la volonté du Père, l’incarnation du Fils et la coopération du Saint-Esprit1. »
Le mystère de l’économie divine est une théophanie et, par conséquent,
la divine liturgie - dans laquelle nous revivons ce mystère par grâce -
est aussi une théophanie de la Sainte Trinité. Le célébrant, par la divine
liturgie, « nous révèle la Sainte Trinité’ ».
Depuis le début jusqu’à la fin, la divine liturgie nous aide à vivre le
mystère de la présence de la Sainte Trinité. Le prêtre commence par la
doxologie de la Sainte Trinité : « Béni soit le règne du Père et du Fils et du
Saint-Esprit' ». Suivent les ecphonèses* trinitaires, les trois antiphones*, le
trisagion * que nous chantons à la Trinité vivifiante. Et lorsque s’approche
la sainte anaphore, le célébrant fait descendre sur nous « la grâce de notre
Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père, et la communion du Saint-
Esprit’1. »
Ensuite, nous rendons grâces à Dieu pour tout ce que Son amour a fait
pour nous: « C ’est Toi qui, du néant, nous as amenés à l’existence, qui
nous as relevés après notre chute et qui n’as cessé de tout faire jusqu’à ce
que Tu nous aies élevés au Ciel et nous aies fait don de Ton Royaume à
venir. Pour tout cela, nous Te rendons grâces, à Toi, à Ton Fils Unique et à
Ton Saint-Esprit\ »
Après cette action de grâces, nous supplions le Père d’envoyer le Paraclet
pour consacrer l’offrande du Fils. Le Paraclet vient comme le murmure
d ’une brise légère (3 R 19, 12), Il accomplit la consécration et nous accorde
le Christ. Tout est empli de la lumière du Triple Soleil de la Divinité. Et
nous sommes les hôtes de l’amour Trinitaire.
1. Saint Césaire de Na/.ianze, Dialogue, III, 167, PCi 38, 1129.
2. Saint Grégoire le Théologien, Discours XLIII, 72, SC] 384, 288.
3. Cf. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 401 B.
4. Liturgie de saint Jean Chrysostome.
3. Liturgie de saint Jean Chrysostome.
Nous communions au Saint Corps du Christ et nous devenons le temple
de la Très Sainte Trinité. Car « lorsque une Personne de la Sainte Trinité
demeure en nous, c’est la Sainte Trinité qui est en nous' ». Le corps du
fidèle devient le lieu du séjour du Dieu Trinitaire. Qui reçoit la commu­
nion « a le Christ et le Père et le Paraclet fermement établis en Lui’ ».
A la fin de la divine liturgie, l’âme qui porte en elle le Christ adore avec
gratitude la Sainte Trinité : «Nous avons vu la vraie lumière, nous avons
reçu l’Esprit Céleste; nous avons trouvé la vraie foi, nous adorons l’indivi­
sible Trinité ; car c’est Elle qui nous a sauvés3.»

La réunion du Ciel et de la Terre

La présence du Dieu Trinitaire donne à la synaxe eucharistique ses


dimensions réelles. C’est une réunion du Ciel et de la Terre. L’espace où est
accomplie la sainte anaphore devient le tabernacle [le lieu de séjour] de Dieu
parmi les hommes (Ap 21, 3). Avec l’homme, la création entière glorifie
Dieu, car toutes choses sont appelées par Dieu à former une assemblée
en un lieu, sur l’autel qui se dresse devant Son trône (Ap 8, 3). Dieu, est
appelé « le Beau suressentiel parce qu’il appelle toutes choses à Lui et qu’il
les rassemble toutes en une seule4 ».
La divine liturgie est précisément cette synaxe, ce rassemblement du
cosmos entier et son cheminement vers le Royaume de Dieu. Les saints
Pères appellent l’assemblée des fidèles dans la divine liturgie « syn-ode'’ »
puisque tous les fidèles et le Seigneur cheminent ensemble vers la Jéru­
salem céleste. Cette assemblée démontre que la raison d’être de l’Église
est l’unité des fidèles: « L’Église a été faite pour nous unir. Et c’est ce
que manifeste notre réunion [synodos]6. » Saint Jean Chrysostome s’écrie
avec admiration: « Quel Paradis est semblable à notre réunion7? » Et il
nous exhorte : « Qu’aucun de ceux qui mangent cette Pâque [de la sainte
Eucharistie] ne s’approche de l’Égypte [ce monde vain], mais du Ciel, de
la Jérusalem d’en-haut8. »
1. Saint Athanase le Grand, Lettre l à Sérapion de Thmuis, 20, SC 15, 118.
2. Saint Jean Chrysostome, A Théodore, 1, SC 117, 82.
3. Liturgie de saint Jean Chrysostome.
4. Saint Denys l’Aréopagite, Traité des Noms divins, IV, 7, PG 3, 701C.
5. Littéralement « chemin ensemble ».
6. Saint Jean Chrysostome, Sur la première Épitre aux Corinthiens, XXVII, 3, PG 61, 228.
7. Sur la Pénitence, VIII, 1, PG 49, 336.
8- Sur l Épitre aux Éphésiens, XXIII, 2, PG 62, 166. Voir aussi saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur saint
Jean, XII, PG 74, 708B: « Lors de ces saintes assemblées \synodoisj, nous le disons [paix à tous]
La divine liturgie est la présence du Christ. Sur la sainte Table, « est
présent le Roi de toutes choses' »: le Christ qui « convoque et assemble2
toute la création ’ », rassemble et réunit autour du saint Autel « et rattache
fortement les choses - aussi bien les intelligibles que les sensibles - les unes
aux autres et à Lui-même, par Sa Providence* ».
* * *

Auprès du Christ se trouve la Mère de Dieu. Même avant d’avoir offert


la Cène, le Christ a accompli en la Toute-Sainte - par la puissance du
Saint-Esprit - le mystère de notre salut: «Ton sein est devenu la sainte
Table portant le Pain céleste". » Dans la divine liturgie, la Reine des Cieux
se trouve à la droite du Roi : « Où est le Christ, là se tient aussi la Mère
de Dieu... Car elle est réellement Son trône, et là où est assis le Roi, là
se trouve aussi Son trône6. » Le monde angélique constitue la garde du
Christ. Le Seigneur avance vers le Golgotha, « escorté par les milices des
anges »7. Au moment de l’offrande, les anges glorifient avec nous la bonté
de Dieu.
Le chœur des saints participe également à l’Eucharistie. C’est pourquoi,
pendant la divine liturgie « les noms des Saints sont récités, ce qui montre
leur jonction inséparable dans une unité sacrée et supracosmique avec le
Christ8 ». L’assemblée eucharistique est la fête de la victoire du Christ. Tous
ceux qui ont accompagné le Christ se trouvent avec Lui à ce moment:
« De même que lorsque l’on célèbre la victoire des empereurs, tous ceux
qui ont pris part à la victoire sont également acclamés, de même ici, car
l’accomplissement de la divine liturgie est un temps de victoire9. »
À la divine liturgie sont également présents nos frères défunts, $our
lesquels nous implorons la miséricorde de Dieu. Leur commémoration*

les uns aux autres. » Voir aussi PG 74, 725C : « G’est à juste titre que nous tenons les assemblées
[synodous] à l’église le huitième jour [c’est-à-dire le dimanche] » (ibid).
1. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur Ozias, VI, 4, PG 56, 140.
2. En grec ekklisiazôn.
3. Saint Grégoire de Nysse, Sur l ’Ecclésiaste, 111, PG 44, 649G.
4. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie I, PG 91,6640, traduction française, Paris, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », 2005, p. 81.
5. Matines de la mi-Pentecôte, canon, ode* 5.
6. Saint Grégoire Palanras, Homélie LUI, 21, édition Oikonomou, p. 157.
7. Divine liturgie, hymne des chérubins*.
8. Saint Denys l’Aréopagite, Traité de lu hiérarchie ecclésiastique, 111, 3, 9, PG 3, 347C.
9. Saint Jean Chrysostome, Sur les Actes, XXL 5, PG 60, 170.
lors de la divine liturgie signifie pour leur âme « un grand gain et beaucoup
d’utilité1».
Le ciel et la terre, les anges et les hommes, les vivants et les morts fêtent et
rendent grâce ensemble au Seigneur pour Son amour. « La terre et la mer,
les pays habités et inhabités, chanteront pour l’éternité entière et rendront
grâce pour les bienfaits-’ » qu’ils ont reçus. Tout rend grâce: A Celui qui est
assis sur le trône, et à l ’Agneau*, soient la louange, l ’honneur et la gloire dans
les siècles des siècles. (Ap 5, 13)

6. Les fruits de la divine liturgie

L incorporation du fidèle dans le Christ


Par le mystère de l’Eucharistie, l’homme reçoit le Saint Corps et le
précieux Sang du Christ, et il devient « co-corporel et consanguin avec
Lui ’ ». Le Christ Lui-même, lorsqu’il parle du Mystère pour la première
fois, dit : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi
en lui (Jn 6, 56).
L’homme reçoit le Christ en lui et le Christ reçoit l’homme. Ainsi, Jésus-
Christ devient la demeure de l’homme et, en même temps, Il est chez
Lui dans l’homme. C ’est là la manifestation la plus élevée de l’amour du
Christ pour l’homme. Saint Jean Chrysostome dit: « Il est nécessaire de
comprendre le miracle des Mystères [de la sainte Eucharistie] ; ce qu’il est,
pourquoi il a été donné, et quelle est son utilité. Comme le dit l’apôtre
Paul, nous devenons un corps et les membres de Sa chair et de Ses os (Ép
5, 30)... Afin de ne pas devenir seulement un membre du Christ par un
sentiment d’amour, mais réellement, mêlons-nous à la chair du Christ.
Et cela est obtenu par la nourriture qu’il nous a accordée, voulant nous
montrer le grand amour qu’il a pour nous. Pour cette raison, Il s’est mêlé
à nous et est devenu un corps avec nous, pour que nous soyons unis avec
Lui, de même que le corps est réuni à la tête". »
Le fidèle, par la sainte communion, devient un seul corps avec le Christ,
un mélange, une pâte. Et cela ne se fait pas théoriquement, mais réelle-1234

1. Saint Jean Chrysostome, Sur l Épître aux Philippiens, III, 4, PG 62, 204.
2. Id., Sur le psaume 4 4 , XIII, PG 55, 203.
3. Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques IV, 1, SC 126, 134.
4. Sur saint Jean, XLVI, 2-3, PG 59, 260.
ment et existentiellement. Le Christ, par amour pour nous, « ne s’est pas
contenté de devenir homme, d’être souffleté et immolé, mais II a voulu
outre cela se mêler à nous. Il nous change en Son propre corps, non seule­
ment par la foi, mais aussi en réalité1».
Une autre fois, saint Jean Chrysostome entend le Christ lui dire: « Je ne
me joins pas seulement à toi, mais je pénètre tout ton être, je suis mangé
par toi, je m’amincis peu à peu, afin que la fusion, que l’union soient plus
parfaites. Ce qui est uni demeure dans ses propres limites, mais moi je ne
fais plus qu’un avec toi. Je ne veux pas qu’il y ait quoi que ce soit entre
nous; je veux que les deux ne fassent plus qu’un2. » Entre le Christ et le
fidèle, rien n’interfère. Tout fond dans le feu de Son amour: « Nous et le
Christ sommes un '. »
Seul un saint peut parler avec tant de liberté. Et c’est ainsi que s’expri­
ment réellement les saints:

« Nous devenons membres du Christ —et le Christ devient nos membres,


Le Christ devient ma main, le Christ, mon pied, à moi misérable,
Et la main du Christ, le pied du Christ, c’est moi, malheureux1! »

Les paroles des saints ne sont pas des exercices littéraires qui ont pour
but d’impressionner. Elles sont les épanchements des cœurs qui ont été
inondés par le Christ. Dans ce débordement de Vie et de Lumière, l’homme
entier irradie. Tous ses membres rayonnent. Et le monde, dans lequel vit et
se meut le saint, est rempli de la lumière du Christ. « La lumière du Christ
resplendit pour tous'. »
En offrant à Dieu du pain et du vin, nous offrons le monde, et le monde
devient Eucharistie'’. Par la descente du Paraclet sur nous et sur les Dons
ici offerts, l’homme se sanctifie et la nature est renouvelée. Toutes choses
sont renouvelées : le monde reçoit la bénédiction de Dieu, et l’homme est
christifié. Le monde devient maison de Dieu et l’homme devient christ
selon la grâce.
Nous éprouvons ainsi l’avant-goût du siècle nouveau. Alors, « lorsque
paraîtra le Maître, le chœur des bons serviteurs fera cercle autour de Lui, et
1. Saint Jean Chrysostome, Sur saint Matthieu, LXXXI1, 5, PG 58, 743.
2. Sur I Timothée, XV, 4, PG 62, 586.
3. Sur TÉpître aux Hébreux, VII, 3, PG 63, 58.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes, XV, 141-143, SC 156, 288.
5. Liturgie des Présanctifiés*.
6. Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 2, 3, SC 153, 35.

29
de même qu’il resplendira, eux aussi resplendiront1». Le Dieu-homme, au
centre de l’assemblée des saints, rayonnera de la splendeur divine, comme
un peuple de dieux entourant Dieu, beau Coryphée d ’un beau chœur (Ps 81,
10 .

Le rassemblement de l ’Eglise

Lorsque les fidèles se rassemblent dans un lieu et à un moment défini


pour célébrer la divine Eucharistie, leur assemblée manifeste le mystère
de l’Église. Celle-ci et l’Eucharistie sont le Corps du Christ, elles sont le
Christ même. Par notre incorporation dans l’Église grâce au baptême, le
Christ « nous a constitués comme Son Corps, et [par la sainte Eucharistie],
Il nous a transmis Son propre Corps ’ ».
La Cène Mystique ou dernière Cène est le commencement historique de
la divine Eucharistie et de l’Église. La Cène du Christ est dominée par Son
sacrifice sur la Croix. Celui-ci est le fondement sur Lequel est bâtie l’Église.
Le sang et l’eau qui s’épanchèrent du côté du Maître, lorsque le centurion
Le perça avec la lance, sont les symboles des sacrements du baptême et de
l’Eucharistie. Par le coup de lance dans le côté du Christ, nous avons le
début des deux sacrements et la création de l’Église : « Les soldats percèrent
avec la lance le côté du Maître, duquel s’épancha le sang avec l’eau. Cet
événement a été posé par Dieu comme image et prémices des mystères de
l’Eucharistie et du saint baptême '. » Il sortit du côté de l ’eau et du sang
(Jn 19, 34). « Le sang et l’eau sont le symbole du saint baptême et de
l’Eucharistie. Des deux est née l’Église’. » Les mystères du saint baptême
et de la divine Eucharistie commencent dès la croix du Christ et ces deux
sacrements constituent l’Église.
L’Église naît du Christ et est nourrie par Lui : « Ceux que le Christ a
enfantés - par le saint baptême - Il les nourrit avec Lui-même123456. » Cette
nourriture divine bâtit l’Église et met en évidence quelle est le Corps du
Christ : « Nous fidèles, sommes nourris par le Saint Corps du Christ, nous
nous mélangeons avec Lui. Et nous sommes devenus le Corps unique du

1. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, VI, 23, SC 361, 59.


2. Ibid., IV, 104, SC 355, 353.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur l'Épitre aux Éphésiens, III, 3, PC 62, 27.
4. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, XII, PG 74, 677B.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, I.XXXV, 3, PC 59, 463.
6. ld., Sur Matthieu, LXXXII, 5, PC 58, 744, 743.744.
Christ'. » L’apôtre Paul écrit: Puisqu’i l y a un seul pain, nous qui sommes
plusieurs, nousformons un seul corps, car nous participons tous au même pain
(1 Co 10, 17).

La multitude des fidèles, par la communion à un seul Pain, Celui du


Christ, constitue un corps, l’Église. Ainsi, chaque assemblée eucharistique
est celle de toute l’Église, car l’Eucharistie est le mystère du Christ.
Par l’incarnation du Christ, « l’Église a pris chair2 ». Le Seigneur « vint
à Sa propre maison. Il la trouva sale, souillée, nue, couverte de sang et II
la baigna [par le baptême], l’oignit [avec l’huile et les parfums = par la
Chrismation], la nourrit [par la sainte communion], l’habilla d’un vête­
ment tel qu’il était impossible d’en trouver un semblable: Il devint Lui-
même le vêtement de l’Église et, tenant celle-ci par la main, Il l’éleva dans
les hauteurs3 ». Il la conduit au Royaume céleste où est célébrée la divine
liturgie.

>■Ibid.
Id., Homélie avant l'exil, II, PG 52, 429.
ld., Sur le psaume 5, 2, PG 55, 63.
Dans La splendeur de tes Saints comment pénétrerai-je, moi l'indigne ?
Car si j ’ose entrer dans la chambre nuptiale, ma tunique m ’est un reproche
car elle n’est pas l ’habit de noces, et enchaîné, je serai rejeté par les anges.
Purifie, Seigneur, la souillure de mon âme et sauve-moi, Toi qui aimes
l ’homme.
Matines du Mardi saint

Venez, en cejour insigne de la Résurrection,


communions au fruit nouveau de la Vigne,
communions à la joie divine et au Royaume du Christ,
Le chantant comme Dieu dans les siècles.
Canon de Pâques
I

LA PRÉPARATION DE LA DIVINE LITURGIE

Le rite de cet office divin manifeste, par les mystères qui y sont accomplis
symboliquement, toute cette économie de la condescendance pour nous de notre
véritable Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
Théodore, évêque d’Andida, Protheoria, PG 140, 421AB

1. Le rite du «temps»

Le prêtre qui va célébrer la divine Mystagogie doit au préalable


être réconcilié avec tous et ne rien avoir contre quiconque;
il doit garder son cœur, autant qu’il le puisse, de pensées
mauvaises; depuis le soir précédent, il doit demeurer absti­
nent, et être vigilant jusqu’au temps de l’acte sacré.

La préparation du célébrant
Le prêtre est le ministre du mystère du salut de l’homme. Par son minis­
tère, l’homme se sépare du péché et est conduit à Dieu. Car le but du
ministère sacerdotal est « de donner des ailes à l’âme, de la ravir au monde
et de la remettre à D ieu... D ’installer le Christ dans les cœurs par l’Esprit
et, c’est le principal, de diviniser l’hom m e1». Avec l’assistance du célé­
brant, l’homme s’élève à « la béatitude d’en-haut- ». Le ministère sacer­
dotal est l’incarnation de la prédication du prophète : Frères, approchez-vous
des montagnes éternelles! (Mi 2, 9).12
1. Saint Grégoire le Théologien, Discours, II, 22, SC 247, 119.
2. Ibid., IX, 3, SC 405, 309.
Par son ministère, le prêtre manifeste la nouvelle vie que nous a apportée
le Christ, c’est-à-dire Sa propre vie. Et puisque la divine liturgie est le
Mystère par lequel la vie du Christ est offerte aux fidèles, elle est simulta­
nément aussi le centre du ministère sacerdotal.
Les conditions préalables pour que le prêtre s’approche du saint Autel
sont la longanimité et l’amour. C ’est ce que le Christ demande au célébrant
comme, cela va de soi, à chaque fidèle: Si donc tu présentes ton offrande à
l ’Autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse
là ton offrande devant l ’Autel, et va d ’abord te réconcilier avec ton frère; puis
viens présenter ton offrande (Mt 5, 23-24).
Saint Jean Chrysostome est émerveillé par l’amour du Christ: « Quel
amour débordant pour l’homme! Le Christ considère que l’honneur qui
Lui est offert est inférieur à l’amour envers notre prochain... “Que mon
adoration s’interrompe, dit le Christ, afin que soit conservé l’amour envers
ton frère.” » Par ces paroles, le Seigneur veut nous montrer « qu’il estime
beaucoup l’amour et qu’il le considère comme un sacrifice supérieur à tout
autre. Sans ce sacrifice, Il n’accepte pas les autres ». Ainsi, le Christ nous
enseigne que « la sainte Table ne reçoit point ceux qui ont de l’inimitié
entre eux1».
C ’est ainsi que le Pré spirituel rapporte cet événement de la vie de l’évêque
Jean : celui-ci « avait un diacre... qui, un jour de fête, alors qu’il devait célé­
brer, s’emporta et l’insulta en face. Lorsqu’arriva le moment où ils devaient
célébrer et revêtir leurs ornements, le diacre, éprouvant de la honte pour
la parole qu’il avait proférée à l’évêque, ne vint pas concélébrer. Alors,
l’évêque, comme un bon pasteur, partit à la recherche de la brebis perdue,
en disant: “Aujourd’hui, il n’y aura pas de liturgie si le diacre Epiphane ne
vient ici.” Lorsque le diacre vint ensuite, le bon pasteur l’embrassa et se
prosterna devant lui comme s’il était lui-même coupable. Ensuite, après
qu’ils eurent revêtu les ornements, il ordonna que l’on donne au diacre le
rhipide* pour qu’il se tienne auprès de lui lors de la divine liturgie. Après
le congé*, il invita le diacre à déjeuner... et le renvoya en paix. Les parents
de l’évêque murmurèrent à propos de tout cela... Cependant, l’homme
de Dieu les réprimanda en disant: “Vous oubliez que lorsque le Christ
était insulté, Il n’insultait pas (1 P 2, 23; Mt. 5, 39), et lorsqu’il était
frappé, Il ne rendait point les coups... Croyez-moi, mes enfants, lorsque
j’offre le culte non sanglant, avant que je ne commence la prothèse, j’ai
l’habitude d’adresser une supplication à Dieu pour moi et pour vous. Mais
1. Sur Matthieu, XVI, 9, PG 57, 250-251.
aujourd hui, au moment où je commençais la prière, j’omis la supplica­
tion pour moi et pour vous et je priai, demandant à Dieu avec des larmes,
d’avoir pitié du diacre et de lui pardonner. Et je vis immédiatement la
Grâce divine descendant sur l’Autel. Si donc vous voulez être dignes d’une
telle vision, offrez à Dieu le sacrifice non sanglant avec une sincère absence
de rancune, car il n’existe pas d’autre voie qui vous conduise aussi rapide­
ment à Lui'” ».

Mon cœur est prêt, ô Dieu

Avant d’offrir le sacrifice eucharistique, le célébrant doit se sacrifier lui-


même. « Nul n’est digne du Dieu grand, qui est à la fois victime et grand-
prêtre, s’il ne s’est auparavant lui-même offert à Dieu en sacrifice vivant et
saint (Rm 12, 1) (...) ou s’il n’a offert à Dieu un sacrifice de louange et un
esprit contrit (Ps 50, 19) qui constituent le seul sacrifice que Celui qui a
tout donné réclame de nous2. » Ce sacrifice présuppose la pureté d’âme et
de corps du célébrant. Et le Dieu qui est pureté absolue se complaît seule­
ment dans le sacrifice qui est offert par des « mains pures, une âme élevée
et purifiée *».
Si le prêtre s’approche des saints Mystères sans avoir préalablement
sacrifié sa propre personne, il ne s’approche pas de la Lumière Véritable,
mais d’un feu dévorant (He 12, 29). Saint Théognoste écrit à ce sujet:
« Si tu as été jugé digne du sacerdoce divin et vénérable, tu t’es mis dans
l’obligation d’être toi-même immolé par la mise à mort des passions et
des plaisirs et alors tu oseras te joindre au sacrifice vivant et terrible, si tu
ne veux pas être totalement consumé par le feu divin comme une matière
inflammable1. » Nous sacrifions notre propre personne par la mise à mort
des passions, c’est-à-dire par le repentir. C ’est pour cette raison que le saint
conseille le célébrant de la façon suivante : « Après être devenu plus blanc
que neige (Ps 50, 9) en versant des fleuves de larmes, et surtout après avoir
1. Jean Encrâtes et Sophrone le Sophiste : Pré Spirituel, 3‘ édition, Volos, Aghioreitiki Bibliothiki,
1959, « Concernant Jean, évêque d'Amathonte en Chypre », p. 65-66; également le Synaxaire,
op. cit., 12 novembre, p. 138; les rhipides* sont une sorte d ’éventail que le diacre utilisait
jadis pour chasser les insectes qui volaient au-dessus du saint calice. Son symbolisme est lié au
diacre, car les rhipides et les diacres « manifestent les séraphins aux six ailes », saint Germain
de Constantinople, Contemplation, PG 98, 432D.
2. Saint Grégoire le Théologien, Discours, II, 95 SC 247, 212.
3. ld„ Discours, IV, 29, SC 309, 124.
4. Sur le sacerdoce, XIII et XVIII, Philocalie, édition grecque, volume II, p. 257-258; traduction
française in Philocalie des pères neptiques, tome A, Abbaye de Bellefontaine, 2004, p. 620-621.
blanchi ta conscience par la pureté de ta vie, tu pourras alors approcher
les saints Dons comme un saint1. » « Car ceux qui servent le Dieu qui est
toute pureté doivent être saints12. »
Le soir précédant la divine liturgie, le célébrant prépare son cœur, seul,
face au Seigneur. Il expulse de lui tout sentiment de rancune et toute pensée
mauvaise, il se purifie par la continence et il veille dans la prière. Le matin,
à l’église, il demandera la force d’en-haut pour approcher le saint Autel et
pouvoir dire au Seigneur : Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt, je
vais chanter et jouer un psaume en ma gloire (Ps 107, 2).

Lorsque le temps est venu pour la divine Mystagogie, le prêtre


et le diacre sortent du sanctuaire sacré et, faisant une métanie*
devant le trône épiscopal, ils viennent devant la Porte royale et
se prosternent trois fois, chacun disant en lui-même : O Dieu,
aie compassion de moi pécheur, et aie pitié de moi.
Puis le diacre dit : Maître, donne ta bénédiction.
Le prêtre : Béni soit notre Dieu, en tout temps, maintenant et
toujours, et dans les siècles des siècles.
Le diacre : Amen.
Le prêtre : Gloire à Toi, ô notre Dieu, gloire à Toi.
Roi céleste, Paraclet, Esprit de vérité, partout présent et remplis­
sant tout, Trésor de tous biens et Dispensateur de vie, viens et
demeure en nous, purijîe-nous de toute souillure et sauve nos
âmes, Toi qui es bon.
Le diacre : Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de
nous. (3 fois)
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, maintenant et
toujours et dans les siècles des siècles. Amen.
Trinité toute-sainte, aie pitié de nous, Seigneur, purifie-nous de
nos péchés; Maître, pardonne nos iniquités; Saint, visite et guéris
nos infirmités à cause de Ton Nom.
Kyrie eleison (3 fois).
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, maintenant et
toujours et dans les siècles des siècles. Amen.
Notre Père qui es aux deux, que Ton Nom soit sanctifié, que Ton
règne vienne, que Ta volonté soit faite, sur la Terre comme au
Ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain suressentiel. Remets-
1. Ibid. Voir aussi saint Cyrille d’Alexandrie, Sur le culte en Esprit et en Vérité, VII, PG 68, 492A-
2. Ibid.
nous nos dettes comme nous les remettons aussi à nos débiteurs,
et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du
malin.
Le prêtre : Car à Toi appartiennent la royauté, la puissance et la
gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans
les siècles des siècles.
Le diacre : Amen.

Le jour sans soir

Lorsque vient l’heure fixée pour la divine liturgie, le célébrant, avec le


diacre à ses côtés, « prend le temps ».
Le « temps1» est l’appellation d’un bref office qui se déroule devant les
Portes royales de l’iconostase. Il est annonciateur de la divine liturgie. Il
symbolise le temps de l’incarnation du Christ et nous rappelle que le temps
est accompli et que le Royaume de Dieu est proche (Mc 1, 1512345). Ainsi, l’office
du Temps nous prépare à la réception du Roi - le Christ - et à la partici­
pation à la Cène de Son Royaume.
Conformément au plan pré-éternel de Dieu, à un moment défini de
l’histoire, « Celui qui est sans commencement commence, et le Verbe est
incarné’ ». Le Dieu d’avant les siècles devient un « jeune enfant* ». L’An­
cien des Jours vient dans le monde et renouvelle toutes choses : c’est une
vie nouvelle, un Royaume nouveau, un temps nouveau : « Au temps fixé
pour Ta venue sur terre... Ton Royaume éternel et sans commencement
prit un nouveau début’. »
L’événement de l’incarnation du Verbe disjoint le temps et le renouvelle.
Celui qui est hors du temps revêt le temps, le temps accorde l’hospitalité à
Celui qui est au-dessus du temps. La Très Sainte Mère de Dieu devient le
lieu où « la nature se renouvelle ainsi que le temps6 ». Dans le temps renou-

1. Le mot grec kairos signifie plus précisément le temps propice, le moment opportun. Le rite
du « temps » est récent (et est absent des livres slaves, [N.d.T.]). Les anciens manuscrits de la
divine liturgie commencent par la prière de la prothèse: O Dieu, notre Dieu, Toi qui nous as
envoyé lepain céleste... Au XIVe siècle, l’ordonnance du patriarche Philothée de Constantinople
dispose que le prêtre qui va célébrer doit réciter la prière suivante : Seigneur, envoie Ta main des
hauteurs de Ta demeure... (Trembelas, Ai treis Leitourghiai, Athènes, 1935, p. 1).
2. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 401A.
3. Matines de la Nativité, laudes*.
4. Ibid., kondakion*.
5. Ibid., doxasticon* des laudes.
6. Vêpres du 2 juillet, apolytikion*.

37
vêlé, nous vivons le nouvel événement, la victoire de l’amour sur le temps
et sur la mort. « Fêtons la mise à mort de la m ort... le début d’une vie autre
et éternelle, et bondissant de joie chantons Celui qui en est l’Auteur'. »
Après la Résurrection du Christ, la Vie règne au lieu de la mort, et l’éter­
nité domine dans le temps. C ’est cette victoire du Christ que nous fêtons
dans la divine liturgie, qui est une Pâque continuelle. « C ’est toujours
Pâques2. » Pour cette raison, le jour par excellence du Mystère eucharis­
tique est le jour de la Résurrection du Seigneur, le dimanche, le jour qui
symbolise le dépassement du temps, car il est le premier jour de la création
et en même temps le huitième jour du Royaume. Il est le jour « qui n’a pas
de soir, de lendemain ni de fin' », « qui n’a ni commencement, ni fin. Car
ce n’est pas un jour qui n’existe pas à tel moment, qui doit venir à l’exis­
tence et avoir un début ; au contraire, il existait à la fois avant les siècles,
existe maintenant et existera dans les siècles des siècles4 ».
De la Table de Vie « se lève le jour salvifique8 ». C’est le huitième jour,
le jour du siècle à venir qui se manifestera « lorsque ce temps corrompu et
éphémère aura cessé6 ». Le jour de la divine liturgie est le jour du Royaume
qui vient et qui est là (Jn 4, 23). Car dans la divine liturgie, nous vivons les
événements passés et nous rendons grâces pour les biens à venir qui nous
ont déjà été accordés : « Nous Te rendons grâces... pour nous avoir fait don
de Ton Royaume à venir7. »
De même que les prophètes furent les précurseurs de l’incarnation du
Christ et préparèrent les hommes à Le recevoir, le Christ Lui-même est
devenu « précurseur de Son avènement spirituel, en instruisant les âmes,
par Ses propres paroles, à recevoir Son divin avènement visible, qu’il
accomplit toujours, quand il fait passer de la chair à l’Esprit, par la vertu,
ceux qui en sont dignes. Ce qu’il fera également à la consommation des
siècles, en révélant clairement ce qui est caché à tous jusqu’à maintenant8 ».
Ce que le Christ a fait par Son incarnation, nous en faisons l’expérience
de manière sacramentelle dans la divine liturgie. Celui qui est et a toujours
été nous révèle Celui qui vient (Ap 4, 8) puisque la divine liturgie est la
1. Canon de Pâques, 7e ode.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur I Timothée, V, 3, PG 62, 529-530.
3. Saint Basile le Grand, Hexaemeron, II, 8, SC 26 bis, 185.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Discours éthiques, I, SC 122, 182.
5. Saint Jean Damascène, Homélie sur la Dormition, III, 3, PG 96, 757B.
6. Saint Grégoire de Nysse, Sur le psaume 2, V, PG 44, 504D-505A.
7. Sainte liturgie, prière de l'anaphore.
8. Saint Maxime le Confesseur, Centuries sur la théologie, II, 29, PG 90, 1137CD, traduction
française dans Philocalie des pères neptiques, tome A, p. 443.
possibilité pour toute créature raisonnable de vivre « le mystère ineffable
du bien-être éternel*1» avec le Christ.
La divine liturgie est une synaxe, une assemblée: tous les enfants de
Dieu sont rassemblés là où concélèbrent le Ciel et la Terre, le passé, le
présent et le futur. L’assemblée de l’Église s’étend « non seulement à tout
l’univers, mais aussi à tous les siècles2 ».

Ensuite, le prêtre et le diacre disent ces tropaires* avec


componction :
Le prêtre : Aie pitié de nous, Seigneur, aie pitié de nous. N ’ayant
aucune défense à Te présenter, nous T ’offrons cette supplication,
pécheurs que nous sommes, à Toi notre Maître : Aie pitié de nous.
Le diacre : Gloire au Père...
Seigneur, aie pitié de nous; en Toi nous avons mis toute notre
confiance. Ne T ’irrite pas contre nous jusqu’à l ’extrême, ne Te
souviens pas de nosfautes. Mais jette encore lesyeux sur nous dans
Ta miséricorde et délivre-nous de nos ennemis. Car Tu es notre
Dieu et nous sommes Ton peuple, nous sommes tous l ’œuvre de Tes
mains, et c’est Ton Nom que nous invoquons.
Le prêtre : Et maintenant et toujours... Ouvre-nous la porte
de la miséricorde, Mère bénie de Dieu [à ce moment, le diacre
ouvre les Portes royales]. En espérant en Toi, nous ne nous égare­
rons pas. Que par ton intercession, nous soyons délivrés de toute
adversité, car tu es le salut du peuple chrétien.
I___________________ ______ ___ ________________________

La Mère de Dieu : la porte qui regarde vers l ’Orient

La porte que franchit le Christ pour entrer dans le monde est Son
amour pour l’homme. C ’est à cet amour divin que s’adresse saint Syméon
le Nouveau Théologien, afin qu’il devienne aussi pour nous la porte qui
amènera le Christ auprès de nous : « O divine charité, où retiens-tu le
Christ? Où Le caches-tu?... Ouvre-nous, même indignes, entrouvre-nous
Ta porte, que nous voyions nous aussi le Christ qui a souffert pour nous...
Ouvre-nous, toi, devenue Sa porte pour Sa manifestation dans la chair, toi
qui as forcé les entrailles inviolables de la libéralité de notre Maître à porter

1. [bid., 1, 56, PG 90, 1104C, traduction française, op. cit., p. 329.


2. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 44, 3, PG 55, 203.
les péchés de tous... Fixe-toi en nous, que par égard pour toi notre bassesse
reçoive, elle aussi, la visite du Maître1. »
La porte de l’amour que franchit le Christ pour venir dans le monde, a
été ouverte par la Très Sainte Mère de Dieu. Sa sainteté a attiré la miséri­
corde divine pour le genre humain. Par son service dans le mystère de la
divine économie, la Toute-Sainte est devenue la Porte « qui regarde vers
l’Orient12 ». Elle est devenue « la porte tournée vers l’Orient » (Ez 46, 12),
d’où s’est levée la Vie pour les hommes et par laquelle les ténèbres de la
mort ont été dispersées. Le jour de sa nativité, l’Église est en fête, car « la
porte regardant l’Orient3 » est née. Elle « attend l’entrée du grand-prêtre,
celle qui seule a introduit le seul et unique Christ dans l’univers pour le
salut de nos âmes4 ».
La Toute-Bénie est la Porte vierge par laquelle s’est levée la lumière de
la miséricorde divine : « Par toi, miséricordieuse, la nature de l’humanité a
reçu la miséricorde5. » C’est la raison pour laquelle, avant de commencer
la divine liturgie, nous demandons à la Toute-Pure d’ouvrir les portes de
son amour maternel pour que le Christ entre en nous et que nous-mêmes
entrions dans le Christ.

Le diacre: Kyrie eleison (12 fois). Gloire au Père... et


maintenant...
Puis le prêtre et le diacre se signent et s’inclinent trois fois.

La Croix: la gloire du Christ

Le fidèle, en traçant sur lui le signe de la Croix, proclame la victoire du


Christ sur la mort et le diable. La Croix « est devenue la source de grandes
bénédictions et le rempart contre tout danger... La Croix a mis à mort la
mort, elle a détruit la citadelle du diable... et a arraché l’univers entier à la
condamnation6 ». La Croix a « ouvert les portes du Paradis » et a « placé la
nature humaine à droite du trône de Dieu7 ».

1. Catéchèse, I, SC 96, 232.


2. Saint Jean Damascènc, Sur la Nativité de la Mère de Dieu, Homélie II, 7, PG 96, 6890.
3. Vêpres de la Nativité de la Mère de Dieu, 8 septembre.
4. Ibid.
5. Octoèque*, ton 8, mercredi, matines, canon, 61' ode.
6. Saint Jean Chrysostome, Contre les Juifs et les Païens, X, PG 48, 827.
7. Id., Contre lesJuifs, III, 4, PG 48, 867.
Par la Croix, l’amour du Dieu Trinitaire s’est manifesté envers l’homme.
« La Croix est la volonté de Dieu le Père, la gloire du Fils Unique, l’al­
légresse du Saint-Esprit. La Croix est l’ornement des anges, la sûreté de
l’Église, le rempart des saints, la louange de l’apôtre Paul, la lumière de
tout l’univers1. » Pour cette raison, « tous les fidèles tracent continuelle­
ment la forme de la Croix sur la partie la plus noble du corps, le front.
De cette façon, chaque jour, il est tracé sur eux comme sur une colonne
triomphale123». « Les chrétiens qui croient dans le Christ tracent sur eux le
signe de la Croix, non n’importe comment et avec négligence, mais avec
toute attention, soin, crainte, tremblement et en toute piété... Car chacun
reçoit la force et l’aide de Dieu en fonction du respect qu’il éprouve envers
la Croix'. »

Glorifiez Dieu dans vos corps

Nous avons déjà mentionné que le célébrant se préparait spirituellement


et corporellement : il jeûne, il veille, il prie. La préparation de chaque fidèle
doit être semblable. Le corps, comme l’âme, doit se préparer à participer à
l’Offrande eucharistique pour recevoir en lui le grand Visiteur, le Christ.
Le corps ne saurait être un spectateur passif de la divine liturgie, mais il
participe activement à sa célébration.
L’apôtre Paul dit que notre corps est le temple du Saint-Esprit, et il nous
exhorte à glorifier Dieu dans ce temple : Glorifiez donc Dieu dans votre corps
et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu (1 Co 6, 20). Réellement,
dans la divine liturgie, le corps du fidèle devient le lieu où est glorifié le
Seigneur. En mouvement ou non, en paroles ou en silence, nous glorifions
le Seigneur.
À ce moment, le prêtre et le diacre se signent et se prosternent trois
fois. Il y a deux sortes de prosternations ou métanies : les petites (dont
il est question ici) et les grandes. Par les petites, en faisant le signe de
Croix, nous nous inclinons devant le Seigneur ou devant les saints. Par
les grandes, appelées aussi génuflexions, nous nous prosternons à terre. Ce
faisant, la créature vénère humblement la majesté du Créateur.

1. Id., Sur le nom cimetière, II, PG 49, 396-397.


2. Id., Contre lesJuifs et les Païens, IX, PG 48, 826.
3. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Discours, I, 4, Ta evriskomena, Thessalonique, éditions
Zagoraios, 1969, p. 31-32.
L’évangéliste Jean, décrivant la liturgie du Royaume, dit que lorsque
l’Agneau, c’est-à-dire le Christ, prit le livre scellé, les quatre animaux et les
vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l ’Agneau, tenant chacun une
harpe et des coupes d ’or remplies d ’encens, qui sont les prières des saints, qui
chantaient un cantique nouveau (Ap 5, 8-9). Les quatre animaux, selon les
exégètes, symbolisent le monde des anges et les vieillards, l’Église triom­
phante1. Donc, ensemble avec les anges et les saints, nous, fidèles qui
luttons sur terre, adorons l’Agneau, qui par Son sacrifice nous a élevés
jusqu’au Trône de Dieu. Nous nous prosternons à terre, appuyant le front
sur le sol, devenant une terre bonne et propice pour recevoir le Christ
(Le 8, 8).
Le corps coopère à l’adoration de Dieu. Saint Grégoire Palamas, répon­
dant à l’hérétique Barlaam qui affirmait que les énergies conjuguées de
l’âme et du corps deviennent un obstacle à la prière, écrit : « On pourrait
donc dire à celui qui suggère ces choses que celui qui s’applique à la prière
intérieure ne doit plus ni jeûner, ni veiller, ni fléchir le genou, ni se pros­
terner à terre, ni surtout se tenir debout, ni rien faire de tel. » Et cependant,
continue le saint, lorsque nous nous appliquons à la prière, « nous avons
quoi qu’il en soit besoin de la peine corporelle qui vient du jeûne, des
veilles et des autres pratiques semblables2 ».
Par la peine corporelle, notre prière fructifie. Vois mon humilité et ma
peine, et remets tous mes péchés (Ps 24, 18), disons-nous au Christ. Et les
métanies expriment par excellence la peine et l’humilité.

Le prêtre et le diacre, la tête découverte, vont ensuite vénérer


l’icône du Christ, et disent:
Nous nous prosternons devant Ton image immaculée, ô Toi qui es
bon, en implorant le pardon de nos péchés, Christ Dieu, car Tu
as voulu de Ton propre gré monter sur la Croix dans Ta chair,
afin de délivrer de la servitude de l ’ennemi ceux que Tu avais
façonnés. C ’estpourquoi nous Te crions avec action de grâces : Tu
as rempli dejoie tout l ’univers, ô notre Sauveur, en venant sauver
le monde.
Puis, devant l’icône de la Mère de Dieu, ils disent:
Toi qui es la source de la miséricorde, daigne te montrer compa-

1. Arcthas de Césaree, Commentaire de l'Apocalypse, Athènes, 1845, p. 57, 67, 70.


2. Défense des saints hésyclsastes, 2.2.4. et 2.2.6, traduction française Jean Meyendorft, Louvain,
éd. Spicilegium sacrum Lovaniense, 1959, tome I. p. 324 et 330.

42
tissante, ô Mère de Dieu; jette lesyeux sur un peuple qui a péché;
montre, comme toujours, ta puissance. Car, ayant mis en toi
notre espérance, nous te disons notre « Réjouis-toi » comme autre­
fois Gabriel, le chefdes incorporels.
Devant l’icône du saint Précurseur, ils disent:
La mémoire du juste s’accompagne d ’éloges; mais à toi, ô Précur­
seur, le témoignage du Seigneur suffit. Tu as été vraiment le plus
grand des prophètes, car tu fus jugé digne de baptiser dans les eaux
Celui qu’ils avaient seulement annoncé. Aussi as-tu combattu
j courageusement pour la vérité, et tu t ’es réjoui d ’annoncer même
aux captifs des enfers l'apparition du Dieu fa it chair, qui ôte le
péché du monde et nous accorde la grande miséricorde.
| Ils vénèrent ensuite l’icône du saint patron de l’église (ou du
jour de fête), récitant l’apolytikion correspondant.

Par les icônes, nous voyons le Seigneur et les saints


Tandis que nous nous préparons pour la célébration sacrée, nous véné­
rons l’icône immaculée du Seigneur, de la Très Sainte Mère de Dieu, du
vénérable Précurseur, et des autres saints. Les icônes aussi amènent à notre
esprit tout le mystère de l’économie divine. Car « ce qu’est la Sainte Ecri­
ture pour les lettrés, l’icône l’est pour les illettrés. Et ce qu’est la parole pour
l’ouïe, l’icône l’est pour la vue' ».
Selon l’hymnologie de l’Église, la première icône du Seigneur apparut
avec Son incarnation, et la Très Sainte Mère de Dieu fut ainsi la première
iconographe : « Le Verbe incirconscriptible du Père fut circonscrit en s’in­
carnant de toi, Mère de Dieu. Restaurant sous son ancien aspect l’image
souillée [c’est-à-dire l’homme], Il la mêla à la divine beauté. Mais confes­
sant le salut [l’incarnation du Christ], nous le représentons en actes [avec
les saintes icônes] et en paroles [nous le racontons en paroles] ’. »
La parole du saint Évangile et la « parole » des icônes nous aident à vivre
le mystère de l’économie divine : « Tandis que l’œil du corps regarde en
face l’icône, l’œil spirituel du cœur et l’intellect se fixent sur le mystère de
l’économie de l’Incarnation ’. » Par les icônes, nous voyons le Seigneur et
les saints. Nous conversons avec eux. « Les saints apôtres virent le Seigneur
avec les yeux corporels, et d’autres virent les apôtres, d’autres encore virent123

1. Saint Jean Damascène, Défense des saintes icônes, I, 17, PC 94, 1248C.
2. Kondakion du dimanche de l’Orthodoxie.
3. Saint Jean Damascène, Contre les iconoclastes, XIII, PG 96, 1360B.
les saints martyrs. Cependant, j’aspire moi aussi à les voir, par l’âme et
le corps, et à les avoir comme remèdes contre tout mal... Puisque je suis
homme et que j’ai un corps, j’aspire à communiquer et à voir ce qui est
saint de façon corporelle également'. »
Les icônes nous exhortent à la glorification de Dieu. « J’entre dans l’hô­
pital commun des âmes, l’église, tandis que m’étouffent les pensées comme
des épines. Là, la beauté de l’iconographie attire mes yeux et, comme un
pré verdoyant, me réjouit la vue. Et sans que je le comprenne, elle fait naître
dans mon âme la glorification de Dieu. J’ai vu l’endurance du martyr,
la récompense des couronnes, et l’empressement de l’imiter avec zèle me
brûle comme le feu. Je me prosterne et j’adore Dieu par l’intermédiaire du
martyr et je gagne le salut12. »
L’église avec les saintes icônes est le lieu où est accomplie la divine
liturgie. Là, nous devenons contemporains de la Très Sainte Mère de Dieu
et de tous les saints, et nous partageons leur demeure.

Après avoir vénéré les saintes icônes, le prêtre et le diacre


reviennent devant les Portes royales. Le diacre dit: Prions le
Seigneur. Kyrie eleison !
Le prêtre, inclinant la tête, dit la prière: Seigneur, étends Ta
main3 du haut de Ta demeure etfortifie-moi pour ce service que
je vais accomplir, afin que, me tenant sans reproche devant Ton
redoutable Autel, je célèbre le Sacrifice non sanglant. Car à Toi
appartiennent la puissance et la gloire, dans les siècles des siècles.
Le diacre : Amen.
Le prêtre donne le renvoi.

Le sacerdoce: un ministère de service

La célébration du Sacrifice non sanglant est l’œuvre du Grand-Prêtre,


le Christ. Il est la main de Dieu le Père, que le prêtre demande d’envoyer
depuis le Trône paternel: « Il est le Fils tout-puissant et la forte main du
Père4. » Le prêtre, alors qu’il se tient devant le saint Autel, est l’image du

1. Id., Défense des saintes icônes. I, 36, PG 94, I264BC.


2. Ibid., 1,47, PG 94, 1268AB.
3. Ps 143, 7
4. Saint Méthode d ’Olympe, Sur les choses créées, VII, PG 18, 341A.

44
Christ1. « Celui qui transforme les Dons en Corps et Sang du Christ n’est
pas un homme quelconque, mais le Christ Lui-même qui fut crucifié pour
nous. Le prêtre se tient comme une figure du Christ, qui récite ces mots
[que le Christ prononça lors de la dernière Cène], mais le pouvoir et la
grâce appartiennent à Dieu2. »
Dans la divine liturgie, « Le Père, le Fils et le Saint-Esprit accomplissent
tout. Le prêtre prête sa langue et offre sa main3 » pour servir le grand
Mystère. Par conséquent, « le prêtre n’est qu’un serviteur... C ’est réelle­
ment cela, le sacerdoce n’est pas autre chose que le pouvoir d’accomplir la
fonction des [mystères] sacrés1».
Le prêtre demande maintenant au Christ qu’il le fortifie pour accomplir
Son service. En réalité, le Christ n’est pas venu dans le monde pour être
servi, mais pour servir : Moi, cependant, Je suis au milieu de vous comme
celui qui sert (Le 22, 27). Et le service qu’a offert le Christ à l’homme est le
mystère de l’économie incarnée, qui continue par la divine liturgie. Pour
cette raison, dans cette prière, celle-ci est appelée service du Christ.
Le Seigneur est parmi nous comme le servant. Cependant, le Christ
n’a pas servi « seulement dans sa vie terrestre, lorsqu’il est apparu et est
venu avec la faiblesse humaine... mais c’est encore aussi dans la vie future,
lorsqu’il viendra avec puissance et paraîtra dans la gloire du Père... Alors,
de nouveau, Il se ceindra et les fera se mettre à table, et II passera les servir
(Le 12, 37) 3 » .
***

Selon un manuscrit du xm c siècle, le prêtre prend le temps de dire la


prière :
« O Dieu, notre Dieu, qui es invisible aux chérubins, incompréhensible
aux séraphins et inaccessible à toutes les Puissances célestes, Toi qui dans
Ton indicible amour pour les hommes et Ta bonté insondable, T ’es uni
à notre pauvreté et à notre humilité et as accordé la règle du sacerdoce à
nous pécheurs et Tes indignes serviteurs. Toi-même, qui es bon et plein de
miséricorde, renforce-moi, Toi qui aimes les hommes, mon Sauveur, à me
préparer à accomplir le ministère de la Grâce divine. Je ne m’approche pas
1. Saint Maxime le Confesseur écrit à un évêque: « Il t’a échu, Père saint, d’avoir sur terre l’image
de Dieu », Lettre XXX, PG 91,624B.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur la trahison rie judas, I, 6, PG 49, 380.
3. ld., Sur Jean, LXXXVI, 4, PG 59, 472.
4. Saint Nicolas Cabasilas, Explication rie la divine liturgie, XLVI, SC 4 bis, 265.
5. Ici, Sur la vie en Christ, IV, SC 355, 343.
de Ton Autel redoutable et terrible en me confiant en mes propres forces et
en ma pureté, mais en me remettant à l’océan ineffable de Ta compassion.
Car mes péchés ne vaincront pas l’immensité de Tes miséricordes.
« Aussi, je Te prie, Maître Ami des hommes, revêts-moi, Ton indigne
serviteur, de cette tunique sacerdotale et de la Grâce de Ton Esprit Divin
et très saint. Éclaire les yeux de mon intelligence, afin que je puisse voir
l’éclat du flambeau de Ta Grâce, rends ma langue agile, pour que je Te
loue comme il convient, garde mon intelligence de la divagation, fais que
mon esprit soit sans distraction et conserve-moi tout entier dans Ta sanc­
tification et exauce mes demandes, ô Seigneur saint, accepte mon sacrifice,
comme un encens immaculé et un holocauste divin, et accorde-moi la
suavité de Ta splendeur.
« Envoie-moi un ange de lumière pour concélébrer et me renforcer, afin
que je dispense fidèlement Ta parole de véritable sagesse et que je devienne
digne de la participation aux Mystères célestes et immortels, que par eux je
daigne être illuminé dans l’âme et le corps et jouir de Tes dons éternels avec
ceux qui aiment en vérité et qui suivent Tes préceptes. Tu as dit, Seigneur,
que ce que l’on demanderait en Ton nom serait reçu immanquablement
de Ton Père éternel et Dieu. Aussi, moi le pécheur, revêtu de la tunique
sacerdotale, je prie Ta Divinité de me donner ce que j’ai demandé de Toi
pour mon salut.
« Car Tu es l’Ami des hommes et es glorifié avec Ton Père sans commen­
cement et Ton Esprit tout-saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours et
dans les siècles des siècles. Amen1. »

Après le congé, le prêtre et le diacre se tournent vers le peuple


et inclinent leur tête, demandant pardon. Ensuite, ils entrent
dans le sanctuaire, disant chacun: J ’entrerai dans Ta maison;
vers Ton saint temple j ’adorerai, pénétré de Ta crainte1.
Ils s’inclinent trois fois devant le saint Autel ; le prêtre baise
alors l’évangéliaire et l’Autel, tandis que le diacre baise seule­
ment le côté de l’Autel.

1. Trembelas, Ai treis Leitourgiai [Les trois liturgies], op. cit., p. 228-229.


2. Ps S, 8.

4L
Le célébrant entre dans les d e u x

L’édifice de l’église est conçu à l’image du monde entier. La nef est


l’image de la Terre, tandis que le sanctuaire sacré est l’image du Ciel : « Le
monde entier qui a été formé par D ieu... se manifeste avec sagesse comme
une autre église, non faite de main d’homme puisqu’il a pour sanctuaire,
pour ainsi dire, le monde d’en-haut qui appartient aux puissances d’en-
haut et, pour nef, celui d’en-bas qui a été offert à ceux qui vivent des sens,
selon ce qui leur est échu en partage1. »
Maintenant, le célébrant entre dans le sanctuaire, qui symbolise le Ciel
même. C’est là qu’il accomplira son ministère angélique. « C’est pourquoi
le prêtre doit être pur à ce point, comme s’il se tenait parmi les Puissances
angéliques, dans le Ciel même-. »
L’amour débordant de Dieu pour l’homme, qui appelle chaque fidèle à
s’asseoir à la Table de la Vie, appelle maintenant le célébrant à entrer dans
le Saint des Saints et à vénérer, en se prosternant, le saint Autel. Cependant,
l’âme du célébrant n’oserait s’approcher sans crainte du trône de Dieu:
« L’âme sainte et pure dit : Seigneur, c’est à Toi que j’offre continuellement
adoration dans l’église dédiée à Ta gloire, puisque je reçois Ton amour pour
les hommes et je suis gardé par Ta Droite. Car ayant toujours Ta crainte
avec moi, je ne saurais la rejeter, prenant courage dans Ton amour pour les
hommes'. »

L’atelier des dons de l ’Esprit saint

Au milieu du sanctuaire se trouve le saint Autel, que le Seigneur confie


aux Puissances angéliques pour le maintenir pur et saint. Abba Léonce
raconte dans le Pré Spirituel-, « Un dimanche, j’allai à l’église pour commu­
nier. Lorsque j’entrai à l’intérieur, je vis un ange qui se tenait à droite
de l’Autel... et j’entendis une voix qui disait: “Depuis que cet Autel est
consacré, il m’a été confié de rester ici1234.” »

1. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, II PG 91, 669AB, traduction française, Paris, éditions
Migne, collection « Les Pères dans la loi », op. cit., p. 87.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur le sacerdoce, III, 4, PG 48, 642.
3. Saint Atlianase le Grand, Sur le psaume 5, PG 27, 76A.
4. jean Moschos, Pré Spirituel, IV, SC 12, 50.

47
Le saint Autel est « la frontière du Ciel et de la Terre1». C’est « le trône de
la gloire et la demeure de Dieu, l’atelier des dons de l’Esprit saint2 ». C’est
la source du Paradis, qui déverse le don de l’amour du Maître. « Du Paradis
de l’Éden a jailli une source qui se déversait dans des fleuves sensibles.
Depuis la sainte Table jaillit une source qui déverse des fleuves spirituels.
Auprès de cette source ont été plantés... des arbres qui atteignent le ciel.
Des arbres qui ont toujours un fruit mûr et impérissable3. » « De cette
Table sacrée... jaillit une source qui crée des sources spirituelles, une source
qui abreuve les âmes et les élève jusqu’au Ciel4. »
Pendant la divine liturgie, le prêtre constate que « cette Table est pleine
de feu spirituel et, de même que les sources font jaillir l’eau, ainsi celle-ci
a une certaine flamme inexprimable3». Une « flamme rafraîchissant les
saints » célébrants du Christ6.
Lors de la Sainte Cène, la Main immaculée du Maître - le Christ - est
devenue un Autel redoutable et supracéleste. Dans la divine liturgie, les
fidèles s’approchent pour communier, ils approchent - comme les douze
Disciples - de la Main immaculée du Sauveur. Car « les Autels représen­
tent la Main du Sauveur, et nous recevons le Pain de la Table consacrée
comme nous recevons le Corps du Christ de Sa Main toute pure... car II
est Lui-même prêtre, autel et sacrifice7 ».
Le Sacrifice non sanglant est célébré continuellement, en de nombreux
lieux et en des temps différents. Cependant, la présence du Christ Unique
abolit l’espace et le temps. L’Eglise nous invite à accourir avec un désir
ardent à l’unique source de Vie : « Accourez tous comme à une seule église
de Dieu, à un seul Autel, au seul Jésus-Christ8. »

2. L’habillement des célébrants

Le prêtre et le diacre prennent leur sticharion* et font trois


métanies vers l’Orient en disant : O Dieu soispropice au pécheur
que je suis, et aie pitié de moi.
Le diacre s’approche du prêtre, en tenant son propre sticha-
1. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 421C.
2. Saint Symcon de Jhessalonique, Sur le saint temple et sa consécration, CXI, PG 155, 316D.C.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, Xl.VI, 4, PG 59, 261.
4. Saint Grégoire Palamas, Homélie LVI, 8, éd. Oikonomou, p. 209.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur Vincompréhensibilité de Dieu, VI, 4. PG 48, 756.
6. Office de la Dormition de la Mère de Dieu, hirmos* ton 1, ode 8.
7. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, III, SC 355, 258.
8. Saint Ignace d'Antioche, Aux Magnésiens, VII, SC 10, 86.
rion, son orarion* et ses surmanches*, et dit : Bénis, Maître, le
sticharion et l ’orarion.
Le prêtre les bénit par le signe de Croix, en disant : Béni soit
notre Dieu, en tout temps, maintenant et toujours, et dans les
siècles des siècles. Amen.
Le diacre dit : Amen, baise la main droite du prêtre et se retire
dans le diaconicon pour revêtir ses ornements.*3

Les ornements sont saints et transmettent la sanctification

L’homme qui vit hors de l’Église est dépouillé de la Grâce divine.


Pour demeure, il n’a pas la maison de Dieu, mais le lieu de la mort. Il est
semblable au possédé du pays des Gadaréniens, qui ne portait pas de vête­
ments et avait sa demeure non dans une maison, mais dans les sépulcres (Le 8,
27). Par le saint baptême, cependant, l’homme revêt la tunique tissée par
Dieu : Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ (Ga
3, 27).
Le prêtre, après avoir reçu, par le saint baptême, la Grâce divine pour
lui-même, la reçoit ensuite à nouveau par l’ordination pour l’offrir au
monde. Par le mystère du sacerdoce, l’homme devient l’économe de la
Grâce. Ce ministère élevé du célébrant des saints Mystères est figuré par les
saints ornements.
Depuis l’époque de l’Ancien Testament, le caractère sacré des orne­
ments des prêtres est souligné. Le prophète Ézéchiel dit: Que [les laïcs]
n’approchent point des ornements des prêtres avec lesquels ils célèbrent, car ils
sont saints (Éz 42, 14).
Le jour de son ordination, le prêtre revêt pour la première fois « la sainte
longue tunique... et le vêtement sacerdotal de l’Esprit saint1 ». A partir de
ce jour, à chaque fois qu’il se prépare à célébrer, il prend un à un les saints
ornements, les bénit en traçant la Croix, les embrasse et les porte. Par ces
actes, il montre que les ornements sont « saints et qu’ils sont sanctifiés
par la Croix du Christ et, en les revêtant, il transmet la sanctification2 ».
Pour cette raison, celui qui traite les ornements avec respect et les embrasse
« accomplit un acte de foi, et il sera sauvé, tout comme furent sauvés (c’est-

1. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, X, 4, SC 55, 81.


2. Saint Syméon de lhessalonique, Sur la sainte liturgie, LXXXIII, PG 155, 261C.
a-uire ont été guéris) ceux qui saisissaient le pan du vêtement de Jésus1»
(Mt 14, 36).
Les fidèles traitent avec révérence les vêtements du prêtre, car ils sont
sacrés. Et le prêtre, en portant ceux-ci, nous rappelle que, tout en étant de
ce monde, il n’appartient pas seulement à celui-ci. Il se tient entre l’homme
et Dieu, il constitue un pont par lequel nos prières sont élevées vers le Très-
Haut et les dons de Dieu descendent sur nous.

Le prêtre prend son sticharion et le bénit avec le signe de la


Croix en disant : Béni soit notre Dieu, en tout temps, mainte­
nant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.
Il s’en revêt en disant: Mon âme exultera dans le Seigneur,
car II m ’a revêtu d ’un vêtement de salut, et m ’a enveloppé d ’une
tunique d ’allégresse; comme à un époux, Il a ceint mon front
d ’une couronne, et comme une épouse, Il m ’a orné de beauté1.
Maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Le Christ: l ’ornement qui vient du Ciel

Le célébrant est dans la joie, car le Seigneur le revêt du vêtement du salut


et de la tunique d ’allégresse. Il rend grâce au Christ qui est le plus beau des
enfants des hommes (Ps 44, 3), car II le revêt de Sa beauté: Il m’a orné de
bijoux comme une fiancée. L’ornement de la fiancée - l’âme - est le Fiancé
Lui-même, « Le Christ, l’ornement qui est venu du Ciel... la tunique
d’incorruptibilité123 ».
Le Seigneur, par le saint baptême, est offert au baptisé comme vêtement.
« Le Christ est l’ornement qui convient à chaque saint. Il est la tunique de
l’allégresse spirituelle qui nous apporte force et gloire4. » Le sticharion, par
conséquent, est un vêtement commun aux trois degrés du sacerdoce, qui
symbolise la tunique lumineuse du baptême, la Grâce qui est commune à
tous les fidèles.
Le prêtre est membre du corps du Christ, comme l’est chaque fidèle.
Les dons du Saint-Esprit sont offerts de façon égale aux fidèles : « Tout a
été donné de façon égale à nous [les prêtres] et à vous [les laïcs], y compris

1. Ici, Réponses à l ’Archevêque Gabriel, XXIX, PG 155, 880C.


2. Is 61, 10.
3. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Isaïe, V, 5, PC 70, I365D.
4. Ibid., V, 1, PC 70, 1144C.
même les plus grands des biens », comme l’est la participation à la Table
eucharistique1. Cette égalité du célébrant avec les fidèles est soulignée par
le sticharion.
A l’origine, le sticharion était exclusivement de couleur blanche : symbole
de pureté, mais aussi de la hauteur angélique du ministère sacerdotal. Le
sticharion « exprime le vêtement lumineux des anges, car les anges appa­
rurent de nombreuses fois vêtus d’un vêtement lumineux, comme par
exemple celui qui apparut sur le tombeau du Maître, revêtu d’une tunique
blanche (cf. Mt 28,3). Le sticharion figure également le caractère pur et
immaculé de l’ordre sacerdotal*12 ». « Sous la blancheur extérieure pareille
aux anges, le célébrant laisse deviner la beauté intérieure de l’âme345.»
Le célébrant, tel un ange en habits resplendissants (Le 24, 4), attend les
fidèles au saint Autel - le Tombeau vivifiant du Christ - pour les appeler
au Dîner de la Résurrection, au Banquet de l’Eucharistie.

Le prêtre pend ensuite Xepitrachile*, fait le signe de Croix


dessus et embrasse la Croix brodée sur le col de l’ornement et !
dit en le revêtant :
Béni soit Dieu, qui répand Sa grâce sur Ses prêtres; c’est comme
un parfum sur la tête, qui descend sur la barbe, sur la barbe
d ’Aaron, qui descend sur le bord de son vêtement3; maintenant et
toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

L'epitrachile, symbole de la Grâce

L’epitrachile est le symbole de la Grâce de la prêtrise et de la participa­


tion du prêtre au sacerdoce du Christ. Le prêtre « l’utilise lors de chaque
célébration sacrée, car il symbolise la Grâce opérante du Saint-Esprit"2».
La Grâce qui a été donnée au prêtre est comme le parfum particulier, le
symbole de la bénédiction sacerdotale, avec lequel était oint le grand-prêtre
des Juifs (Ex 30, 25-30). De même que celui qui est oint de parfum « a un
visage joyeux, est plein de bonne odeur et répand la joie sur tous ceux qui

1. Saint Jean Chrysostome, Sur la deuxième Epitre aux Thessaloniciens, IV, 4, PG 62, 492.
2. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l ’édifice de l'Eglise, 33, PG 135, 712A.
3. Saint Théognoste, Sur la pratique des vertus, la contemplation et le sacerdoce, XVIII, Philocalie,
volume II, p. 258; traduction française, op. cit., tome A, p. 621.
4. Ps 132, 2.
5. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l'édifice de l'Eglise, XXXIX, PG 155, 713A.
le voient' », ainsi en est-il du prêtre: sur son visage se reflète la Lumière
véritable, et sa présence est pour les fidèles l’occasion de joie spirituelle.
Les paroles du psaume que récite le prêtre lorsqu’il revêt l’epitrachile
(« comme un parfum sur la tête, qui descend sur la barbe ») ont la signi­
fication suivante : « Après que l’Eglise s’est rassemblée et a constitué
une harmonie, alors est précisément offerte fonction du Saint-Esprit...
d’abord sur la tête de l’Église qui est le Christ, et ensuite sur la barbe qui est
la bienséance du visage de l’Église et désigne les apôtres. Enfin, fonction
se communique à l’ensemble du corps, c’est-à-dire à tous ceux qui appar­
tiennent à l’Église et ont revêtu le Christ123.» La Grâce divine, telle l’huile
précieuse, descend depuis la tête de l’Église, qui est le Christ, jusqu’à la
« barbe » qui est le célébrant en tant que successeur des apôtres et atteint
jusqu’à l’extrémité du vêtement que sont les fidèles.
Le prêtre est le lien entre Dieu et les fidèles, c’est-à-dire qu’il devient le
fil conducteur par lequel la Grâce divine atteint le fidèle. C ’est cette réalité
que nous rappelle f epitrachile : la nuque symbolise le Christ, et les franges
qui se trouvent en-bas symbolisent les âmes que Dieu a conférées au prêtre.
Par celui-ci, les fidèles reçoivent la Grâce du Christ.
L’epitrachile manifeste aussi que « le prêtre se trouve sous la tête, le
Christ, et qu’il doit accomplir les célébrations sous Son autorité. Il doit
lui-même se soumettre humblement au joug du Christ et accomplir Ses
œuvres sacrées avec Lui. Il ne doit rien faire sans le Christ' ».
Le prêtre célèbre le mystère de la divine liturgie, c’est-à-dire le mystère
du Christ avec le Seigneur Lui-même : « Ce qui est à Lui, il l’accomplit
avec Lui4. »

Le prêtre prend ensuite la ceinture, la bénit et dit lorsqu’il la


revêt :
Béni soit Dieu, qui m ’a ceint deforce et qui a rendu ma voie irré-
prochable5; maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.
Amen.

1. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 132, PG 55, 385.


2. Saint Athanase le Grand, Sur le psaume 132, PG 27, 524B.
3. Saint Syméon de Ihessalonique, Sur l ’édifice de l'Eglise, XXXIX, PG 155, 713A.
4. Ibid.
5. Ps 17, 33.
Le symbolisme de La ceinture

Conformément à la prière que dit le prêtre, la ceinture symbolise:


d’abord, la puissance de Dieu qui donne de la force au célébrant dans la
divine Mystagogie, deuxièmement la pureté et la chasteté qui doit l’orner.
La ceinture, « étant placée autour de la taille, manifeste la puissance (que
reçoit le prêtre) de Dieu... Elle manifeste la chasteté et la pureté, étant
placée sur les reins1», qui sont considérés comme le centre des désirs, et
elle rappelle ainsi que ceux-ci doivent être mortifiés.
A l’instar du prêtre, chaque fidèle doit être « ceint » pour participer à la
Table du Seigneur. Comme les Juifs mangèrent ceints la première Pâque,
afin d’être prêts pour le cheminement qui les amènerait vers la Terre
promise (Ex 12, 11), ainsi les fidèles aussi « doivent manger [la Pâque,
c’est-à-dire le Christ] ceints, afin d’être prêts pour l’exode, pour le départ
de cette vie... [car] le fait d’être ceint est le signe de l’âme qui se trouve en
état de veille12 ».
Avec le célébrant, tous les fidèles se préparent à participer à la Table du
Seigneur. Veillant avec le luminaire de l’âme allumée, ils attendent l’assem­
blée sacrée du Seigneur, selon Son commandement : Que vos reins soient
ceints, et vos lampes allumées. Et vous, soyez semblables à des hommes qui
attendent que leur maître revienne des noces, afin de lui ouvrir dès qu’i l arri­
vera et frappera. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera
veillant! Amen, Je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table, et s’appro­
chera pour les servir... Vous aussi, tenez-vous prêts (Le 12, 35-40).

Le prêtre trace ensuite le signe de croix sur les manchettes.


Lorsqu’il revêt la manchette droite, il dit: Ta droite, Seigneur,
a été glorifiée dans sa force, Ta main droite, Seigneur, a brisé
l 'ennemi ; par la grandeur de Ta gloire, Tu as brisé l adversaire '.
Et revêtant la manchette gauche, il dit: Tes mains m ’ont
fa it et façonné; donne-moi l ’intelligence, et j ’apprendrai Tes
commandements''.

1. Saint Syméon de Thessalonique, Sur lu sainte Liturgie, LXXX1, PG 155, 260A.


2. Saint Jean Chi ysostome, Sur l'Epître aux Éphésiens, XXI11, 2, PG 62, 166.
3. Ex 15, 6-7.
4. Ps 118, 73.

ça
Le prêtre agit comme la main du Christ

Le symbolisme des manchettes se rapporte à la création de l’homme et


à l’économie divine.

En revêtant la manchette sur sa main gauche, le célébrant dit :


Tes mains mont fa it et façonné, « car, par les Mains du Père,
c’est-à-dire le Fils et le Saint-Esprit, l’homme devient à l’image
et à la ressemblance de D ieu1 » (Gn 1, 26).

Les Mains toutes saintes de Dieu - le Verbe et le Saint-Esprit - ont créé


l’homme, mais celui-ci, plutôt que l’amitié de Dieu, a préféré l’asservisse­
ment au diable. Et il resta captif du diable jusqu’à ce que la Droite du Très-
Haut écrasât les ennemis et brisât les adversaires. Le Christ n’a pas seulement
brisé les forces de l’ennemi, mais élevé l’homme jusqu’au Ciel. La Droite
de Dieu qui a créé toutes choses - laquelle est le Seigneur Jésus-Christ - a
élevé l’homme qui s’est trouvé uni avec elle par la divine incarnation, à
Sa hauteur divine. Ce quelle est de par Sa nature, elle l’a fait de l’homme
(selon la Grâce), c’est-à-dire Seigneur et Roi (c f Ac 2, 3612). L’homme
nouveau, comme le premier créé, est l’œuvre des mains de Dieu.
Les mains mêmes qui ont créé et formé l’homme accomplissent aussi le
Mystère eucharistique. Les manchettes manifestent que « le Christ, par Ses
propres mains, accomplit le Sacrifice sacré de Son Saint Corps et de Son
saint Sang3 ». La main qui offre la paix de Dieu et bénit les Dons offerts est
la main du grand-prêtre - le Christ.
Avant de s’élever dans les Cieux, le Christ a donné aux saints apôtres
et, par eux, aux évêques et aux prêtres, « la grâce créatrice du Saint-Esprit,
par laquelle il convenait que fussent accomplies la re-création et la régé­
nération des hommes qui existèrent et qui existeraient à l’avenir, et même
jusqu’à la consommation des siècles... Il leur confia l’accomplissement de
Son œuvre4 ». Le prêtre agit comme la main du Christ. C ’est pourquoi
saint Jean Chrysostome écrit: « Lorsque tu vois le prêtre te donner les

1. Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 6.1, SC 153, 73.


2. Saint Grégoire de Nysse, Contre Ennome, V, dans l’édition critique, III, 3, 43, Leiden, ed.
Jaeger, I960, p. 123.
3. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l'édifice de l'Eglise, XLII, PG 155, 713CD.
4. Théophane de Nicée, Lettre aux prêtres, III, 6, PG 150, 336C-337A.
saints Mystères, ne pense pas que c’est le prêtre qui fait cela. Crois que la
main qui s’étend [vers toi] est celle du Christ1. »
La Main droite du Très-Haut s’étend dans le temps « sans crépuscule » et
au-delà de l’espace. Elle atteint chaque fidèle et lui offre Sa paix. Elle offre
Son Saint Corps et Son Sang immaculé.

Le prêtre prend alors Yepigonation*, si son rang le lui permet ; il


le bénit et l’embrasse, et dit : Ceins ton épée à ton côté, Puissant,
dans ta splendeur et ta beauté; va, marche en vainqueur et règne,
pour la vérité, la mansuétude et la justice, et ta droite te guidera
vers des actions d ’éclat- ; maintenant et toujours et dans les siècles
des siècles. Amen.

Ceins ton épée à ton côté, Puissant

L’epigonation est un tissu rigide en forme de losange, suspendu à la


ceinture, sur lequel est brodée la Croix ou l’icône de la Résurrection. À
l’origine, c’était un ornement épiscopal mais, par la suite, il a été également
accordé aux prêtres d’un certain rang.
Celui qui a été élu évêque, lors de son sacre, porte l’epigonation pour
la première fois, en tant que confirmation de ses fiançailles avec L’épouse,
l’Église. En effet, l’epigonation « est le symbole de la victoire du Fiancé
Jésus-Christ par la Croix et la Résurrection ’ ». Plus spécifiquement, l’epi­
gonation manifeste « la victoire sur la mort et l’incorruptibilité de notre
nature, ainsi que la grandeur de la puissance de Dieu par rapport à la
tyrannie du diable... Pour cette raison, il a la forme d’un glaive... Ceci est
confirmé aussi par les paroles prononcées par le célébrant lorsqu’il revêt cet
ornement: Ceins ton épée à ton côté, Puissant' ». Par la parole du psaume
prononcée à cette occasion, selon saint Nicodème, « David appelle le
Christ à la guerre contre le diable, afin qu’il nous accorde le triomphe et la
victoire sur celui-ci et nous libère, nous qui étions asservis à sa tyrannie...
Ceins ton épée, dit-il dans Ta beauté et Ta splendeur, afin que par Ton1234

1. Sur Matthieu. L, 3, PG 58, 507.


2. Ps 44, 4-5.
3. Saint Syméon de dhessalonique, Sur les ordinations, 203, PG 155, 412BC.
4. Id., S u ri édifice de l'Eglise, XLI, PG 155, 713BC.
glaive Tu puisses terrifier Tes ennemis, et par la beauté de Ton âme et la
splendeur de Tes vertus Tu puisses attirer Tes amis vers Toi1».
L’epigonation rappelle la victoire du Christ —le grand-prêtre —et le
verset du psaume confirme ce symbolisme. Le Christ règne dans les âmes
de ceux qui se joignent à Lui au Dîner eucharistique, en rayonnant de Sa
beauté.

Le prêtre prend ensuite le phelonior*, le bénit, et le revêt en


disant : « Tes prêtres, Seigneur, se revêtiront de justice, et Tes
saints tressailliront de joie1 »; maintenant et toujours et dans les
siècles. Amen.

Prêtres, revêtez-vous de la justice, le Christ

Le phelonion est le symbole de la justice divine, c’est-à-dire le symbole


du Christ, qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice et notre
sanctification (1 Co 1, 30). « Prêtres, revêtez la justice..., dit saint Grégoire
le Théologien, et prenez la grande tunique immaculée, le Christ, notre
parure1. »
Avant l’incarnation du Verbe, « il était impossible de trouver la justice
sur terre12345». Par l’incarnation du Christ, la justice est descendue des Cieux
« et s’est manifestée pour la première fois aux hommes sous une forme véri­
table et parfaite’ ». Nous qui auparavant étions des condamnés « devînmes
des amis de Dieu et des justes par Sa mort6 ». Par notre participation aux
saints Mystères, « le Christ fait lever dans nos âmes Sa propre justice et Sa
propre vie7 ».
La justice de Dieu est Son amour pour les hommes. Elle a fait de nous
Ses amis par la mort du Christ. C ’est précisément pour cette raison que le
phelonion, qui symbolise la justice divine, « manifeste aussi la Passion du
Christ Sauveur, et c’est Lui que le prêtre imite lorsqu’il le revêt. En d’autres
termes, il imite le Christ qui accomplit la véritable justice par Sa Passion
1. Euthyme Zigabène, Nicodème l’Hagiorite, Commentaire du psaume 150, volume 1, 2‘ édition,
Thessalonique, Orthodoxos Kypseli, 1979, p. 633-634.
2. Ps 131, 9.
3. Discours, V, 30, SC 309, 354.
4. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, I, SC 355, 106.
5. Ibid.
6. Ibid., 107.
7. Ibid.
et la mort sur la Croix... C’est pourquoi le prêtre dit, lorsqu’il le revêt : Tes
prêtres, Seigneur, se revêtiront dejustice, et Tes saints tressailliront dejoie. Car,
réellement, la justice, par la Croix, nous a offert l’allégresse1».
Les prêtres du Seigneur revêtent la justice - le Christ - et débordent de
l’allégresse divine.

Lorsque le diacre s’habille, il dit les mêmes paroles que le


prêtre lorsqu’il revêt le sticharion et les manchettes. Il prend
ensuite l’orarion, l’embrasse et le place sur son épaule gauche,
en disant : Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth, les d e u x et
la Terre sont remplis de Ta gloire1.

Le diacre, ministre des Mystères de Jésus-Christ

Le ministère diaconal trouve son origine à l’époque apostolique (Ac 6,


3-6), et sa tâche revêt un caractère d’assistance lors de la célébration des
saints Mystères. Saint Ignace le Théophore appelle les diacres « servants de
l’Eglise » et « ministres [diakonoi] des Mystères de Jésus-Christ ». Aussi,
il recommande aux fidèles : « Que tous révèrent les diacres comme Jésus-
Christ1*3. » Les ornements du diacre sont le sticharion, les manchettes et l’ora-
rion. Ce dernier est spécifique au diacre et est mentionné pour la première
fois au Concile de Laodicée (IVe s.). Le mot orarion « a pour étymologie le
mot latin os [génitif oris\, qui signifie “bouche”... Ainsi, l’orarion est un
tissu destiné à essuyer la bouche, car lorsque le diacre présentait le saint
calice aux fidèles (...) ceux qui s’en approchaient essuyaient immédiate­
ment leurs lèvres avec l’orarion45».
L’orarion « signifie également le caractère spirituel des anges3». Car le
diaconat constitue une imitation du ministère liturgique des anges. C’est
pourquoi, lorsqu’il prend l’orarion et le place sur son épaule, le diacre récite
l’hymne angélique trois fois saint : Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth.
En vérité, « les diacres avec leur orarion de lin, semblable à de fines ailes,

1. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l'édifice de l'Eglise, XLIII, PG 155, 716AB.


2 .1s 6, 3.
3. Tralliens, 2-3, SC 10, 97.
4. Saint Nicodème i’Hagiorite, commentaire du 221' Canon de Laodicée dans le Pedalion [le
gouvernail, recueil des saints Canons], 6l édition, Athènes, Astir, 1957, p. 429-430. Le saint
signale encore que certains lui donnent pour étymologie le nom latin orare, prier, parce que le
diacre prononce les ecténies* en tenant l’extrémité de l’orarion.
5. Saint Syméon de Thessalonique, Sur les ordinations, 173, PG 155, 381C.
symbolisent les Puissances angéliques qui courent d’un endroit à l’autre1»,
comme des esprits chargés d ’un ministère envoyés en service (He 1, 14).
Le prêtre accomplit l’œuvre du grand-prêtre du Seigneur, et le diacre
nous rappelle que le ministère sacerdotal doit être orné de l’humilité du
Maître. Dans ce sens, l’orarion « nous rappelle l’humilité du Seigneur qui
lava et essuya les pieds des disciples12345» (Jn 13, 4-5).

Ensuite, le prêtre et le diacre vont tous deux se laver les mains,


chacun disant : Je me laverai les mains parmi les innocents, et je
ferai le tour de Ton Autel, Seigneur, afin d ’entendre le son de Ta j
louange et de raconter toutes Tes merveilles. Seigneur, j'ai aimé j
la beauté de Ta demeure et le lieu où réside Ta gloire. Ne fais pas |
périr mon âme avec les impies, ni ma vie avec les hommes avides
de sang. Ceux dont les mains sont chargées d ’iniquités ; leur main
droite est pleine de présents. Pour moi, j ’a i cheminé dans l ’inno­
cence: délivre-moi, Seigneur, et aie pitié de moi. Mon pied se
tient dans la droiture; dans les églises, je Te bénirai, Seigneurs

Je me laverai les mains parmi les innocents

L’homme qui vit dans le péché sans se repentir ne peut glorifier le


Seigneur. Il est une terre étrangère à Dieu. Comme les Juifs ne pouvaient
chanter un cantique du Seigneur sur une terre étrangère (Ps 136, 4), de
même l’homme qui se trouve sous l’empire des passions ne peut louer
les merveilles de Dieu. « Si la loi mosaïque commandait le silence à des
captifs, devenus esclaves des hommes en terre étrangère, combien plus
doivent observer le silence ceux qui sont esclaves du péché et vivent une
vie étrangère à Dieuh » Réellement, « le péché est une aliénation à l’égard
de Dieu' ».
Le célébrant du Seigneur a le sentiment que par sa vie, bien des fois,
il a blessé l’amour de Dieu. Et bien qu’il ait reçu la rémission des péchés
par la confession, il se sent indigne de louer les merveilles de Dieu. La
sensibilité spirituelle du célébrant est exprimée dans la prière de la sainte
anaphore : « Qui serait donc capable de parler de Ta puissance, de faire
1. Saint Sopluone de Jérusalem, Commentaire liturgique, VII, PG 87C, 3988AB.
2. Saint Isidore de Péluse, Lettres, I, 136, PG 78, 272C.
3. Ps 25, 6-12.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur l'Épitre aux Romains, VI, 6, PG 60, 440.
5. Saint Grégoire de Nysse, Contre Eunome, II, PG 45, 545B.
entendre toutes Tes louanges ou de raconter toutes les merveilles que Tu fis
au cours des âges1? »
Nous devons nous approcher du saint Autel avec des « pensées puri­
fiées12 ». C’est précisément cette pureté que symbolise le lavement des
mains. Cet acte « signifie cela : en ayant la conscience, l’esprit et le cœur
purs, qui sont les mains de notre âme, approchons de la sainte Table avec
crainte et douceur345». C ’est avec les mains que nous accomplissons toute
œuvre. Étant donné, en conséquence, que « les mains sont le symbole de
l’action, en les lavant nous faisons allusion au caractère pur et irrépro­
chable de nos actions1».
Se référant à l’usage des chrétiens de son époque, qui se lavaient les
mains alors qu’ils entraient dans l’église, saint Jean Chrysostome demande:
« Nous laverions-nous les mains lorsque nous entrons dans l’église, mais
non le cœur ? Les mains parlent-elles ? C ’est l’âme qui prononce les paroles
de la prière, et c’est elle que Dieu regarde... Prier avec l’esprit non lavé est
le pire de tous les maux3. » « Ceux qui ont part à la célébration des très
saints Mystères doivent être entièrement purs des derniers phantasmes qui
encombrent leur âme, et célébrer les mystères divins aussi proches que
possible de la pureté même de ces mystères. Ainsi seront-ils illuminés par
les claires visions divines6 » du Mystère eucharistique.
L’œuvre de la purification de notre âme est accomplie par le Christ,
si nous le voulons, de la même façon qu’il le fit lors de la dernière Cène
lorsqu’il ceignit le linge et lava les pieds des disciples. A cette occasion, Il
dit clairement à Pierre qui, par pieuse déférence envers le Christ, n’accep­
tait pas qu’on le lavât : Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec Moi
(Jn 13, 8). Il n’y a de place à la Cène eucharistique, avec le Christ, que
pour ceux qui ont accepté avec un humble respect que le Maître accom­
plisse en eux la purification de l’esprit et du cœur: « Si quelqu’un ne s’est
pas lavé et purifié, par la grâce du Christ, de la souillure du péché et des
fautes, il ne participera pas à la vie qu’accorde le Christ et ne goûtera pas
au Royaume des Cieux. Car ce n’est pas aux impurs qu’il est permis de

1. Liturgie de saint Basile.


2. Matines du Lundi saint, laudes.
3. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 424C.
4. Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques, V, 2, SC 126, 148.
5. Sur Jean, LXXIII, 3, PG 59, 399-400.
6. Saint Denys LAréopagite, Traité île la hiérarchie ecclésiastique, III, 3, 10, PG 3, 440AB,
traduction de Maurice de Gandillac, p. 275.
pénétrer dans les demeures célestes, mais à ceux qui ont la conscience pure
par l’amour envers le Christ1. »
À chaque fidèle qui s’approche pour participer à la divine liturgie et
communier, le Seigneur dit: Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec
moi. Cela veut dire que si tu ne t’approches pas préalablement de moi
avec le repentir du fils prodigue, pour que Je te reçoive à nouveau dans
ma Maison, tu ne peux avoir part à la Table des noces royales, la divine
liturgie. Il convient donc que nous approchions du Mystère du lavement
de l’âme, c’est-à-dire la confession.
Ainsi, purs d’âme et de corps, nous pourrons nous rassembler autour du
saint Autel pour entendre les hymnes angéliques et y ajouter notre action
de grâces. Nous pouvons raconter les œuvres de l’amour de Dieu. En recon­
naissant notre dette pour tous les bienfaits que nous avons reçus de Dieu,
« nous Lui offrons l’Eucharistie et nous recevons la communion, rendant
grâce parce qu’il a délivré le genre humain de l’erreur et, tandis que nous
n’avons plus d’espoir et que nous étions sans Dieu dans le monde, Il a fait
de nous Ses frères et Ses cohéritiers’ » (Ep 2, 12; Rm 8, 17).
Avec l’âme pleine de reconnaissance, nous racontons les œuvres
de l’amour et de la sagesse de Dieu, laquelle accomplit « les grandes
merveilles » : « Par la mort est venue la vie et par le péché, la justice. Par
la malédiction est venue la bénédiction et par le déshonneur, la gloire123. »
Rendant grâce pour tout cela, nous nous approchons du trône de la Grâce.

3. L’office de la préparation des Dons eucharistiques (prothèse)

Le diacre va ensuite à la sainte prothèse et prépare les vases


sacrés. Il place le discos* sur la gauche, le saint calice sur la
droite, et les autres instruments à côté.

Le calice et le discos

Deux vases sacrés sont utilisés au cours de la divine liturgie: le saint


calice et le saint discos, la patène. Dans le saint calice est versé le vin offert
et sur le saint discos est placé le pain également offert.

1. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, IX, PG 74, 117 B.


2. Saint Jean Chrysostome, Sur la première Épitre aux Corinthiens, XXIV, 1, PC, 61, 199.
3. Saint Grégoire de Nysse, Sur le Cantique des cantiques, VIII, PG 44, 948C.
Le symbolisme du saint calice a été révélé par le Christ Lui-même, qui
a appelé Son sacrifice sur la Croix le calice, que le Père Lui avait donné à
boire (Jn 18, 11). Après la crucifixion du Christ, le calice de la mort est
devenu calice de bénédiction (1 Co 10, 16) et de salut pour l’homme (Ps
115, 4). Le discos est aussi lié à la Passion immaculée du Christ: « Le
discos est le lit mortuaire, sur lequel est placé le Corps du Seigneur1. » A
la fois, il symbolise « le Ciel - c’est pour cette raison qu’il est rond - et il
contient le Maître du Ciel2 ».
A l’époque apostolique, les vases sacrés étaient faits de verre ou d’un
métal de qualité quelconque, ou encore de bois. Avec le temps, et principa­
lement en raison de l’arrêt des persécutions, les chrétiens commencèrent à
offrir aux églises des vases sacrés en argent ou en or. Cela était naturellement
une expression de dévotion envers le Christ. Mais, outre celle-ci, le Christ
nous appelle à aimer Ses frères. Il nous demande d’embraser nos cœurs
avec le feu de l’amour, de les rendre tout resplendissants et dorés, et de les
Lui offrir. « Car Dieu n’a pas besoin de vases en or, mais d’âmes en or », dit
saint Jean Chrysostome. Si tu veux donc montrer ton amour envers Dieu
et honorer Son sacrifice, « Offre ton âme, pour laquelle II a été sacrifié.
Fais-en de l’or. Autrement, si le vase est en or, tandis que l’âme reste pire
qu’un pot en plomb ou en terre cuite, où sera ton profit?... L’Eglise n’est
pas une fonderie d’or ou une orfèvrerie, mais la fête des anges’ ». Afin que
nous puissions participer à cette festivité angélique, il faut que nos âmes
soient plus pures et plus brillantes que les vases sacrés. Car « ces [vases] ne
participent pas au Christ qui est en eux, ils ne ressentent rien. Mais quant à
nous, nous participons. Alors, tandis que tu ne tolérerais pas que fût utilisé
un vase malpropre, approcherais-tu avec une âme malpropre’ ? ».
La Table de la Sainte Cène n’était pas faite d’argent, pas plus que le
calice utilisé par le Christ n’était d’or, mais « ils étaient cependant saints
et redoutables, car ils étaient pleins de l’Esprit saint’ ». Ce qui rend saints
et sacrés les vases liturgiques n’est pas le matériau précieux avec lequel ils
ont été fabriqués, mais la Grâce du Saint-Esprit qui les sanctifie. Pour cette
raison, avant d’utiliser de nouveaux vases sacrés, l’Église les consacre par
un office particulier durant lequel l’évêque oint le calice et le discos avec
le saint chrême, symbole des dons de l’Esprit saint. Ensuite l’évêque lit la
1. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 397B.
2. Saint Syméon de Thessalonique, Sur la sainte liturgie, 85, PG 155, 264C.
3. Sur Matthieu, L, 3, PG 58, 508.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur LEpitre aux Ephésiens, III, 4, PG 62, 28-29.
5. Id„ Sur Matthieu, L, 3, PG 58, 508.
prière: « Maître Christ notre Dieu, envoie.Ton Esprit saint sur ce nouveau
calice, bénis-le, sanctifie-le et rends-le parfait1. »
Les vases sacrés sont avant tout bénis et sanctifiés par leur usage dans
le Mystère de l’Eucharistie. Saint Syméon de Thessalonique, se référant à
l’usage de son époque, selon lequel les prêtres, lors de la Grande Entrée,
tenaient chacun un calice, écrit : « Les fidèles doivent s’agenouiller devant
les prêtres, en raison également des vases sacrés, même si certains d’entre
ceux que tiennent les prêtres sont vides. Car tous les vases sacrés sont sanc­
tifiés, puisque les Dons précieux sont célébrés en eux:. » Nous tous, célé­
brants et fidèles du Christ, révérons et honorons les vases sacrés, sachant
que leur vue seule nous sanctifie.

Le prêtre et le diacre font trois métanies devant la prothèse en


disant chacun : Ô Dieu, soit propice au pécheur queje suis, et aie
pitié de moi (trois fois).
Le prêtre : Prépare-toi, Bethléem, l ’Eden s’ouvre à tous. Apprête-
toi, Ephrata', car, dans la grotte, l ’Arbre de Vie a fleuri de la
Vierge. Son sein est devenu un paradis spirituel, où est planté
l arbre divin, par qui nous vivrons si nous en mangeons, au lieu
d ’en mourir comme Adam. Le Christ naît pour relever l ’image
de Dieu autrefois déchue"’.

Prépare-toi Bethléem

Le prêtre et le diacre, devant la sainte prothèse, sont prêts à commencer


la célébration du sacrifice non sanglant. C’est là que les fidèles apportent
les fruits de leur labeur - le pain et le vin - qui sont placés devant Dieu.
De ces offrandes - les prosphores* - le célébrant choisit le pain qui sera
utilisé pour la liturgie.
La prothèse, c’est-à-dire l’autel latéral destiné à la préparation des Dons,
symbolise Bethléem et la grotte où naquit le Christ. C ’est pourquoi l’icône
de la Nativité est représentée habituellement dans la cavité qui se trouve1234

1. Grand F.uchologe*, « Office de consécration d ’un nouveau discos et d ’un nouveau calice »,
Athènes, Astir, 1980, p. 482-483.
2. Sur l'édifice de l'Église, 78-79, PG 155, 729BC. Saint Syméon ajoute: « [les prêtres] tiennent ces
vases en l’honneur des Dons divins, et aussi afin que tous soient sanctifiés, à la fois ceux qui les
voient et ceux qui les approchent ».
3. Ephrata signifie en hébreu « lieu de la fécondité », cest l’autre nom de Bethléem (N.d.T.).
4. Apolytikion de l’avant-fête de la Nativité du Christ.
au-dessus de cet autel. Et de même que Bethléem est situé près de Jérusalem
et du Saint-Sépulcre du Seigneur, la prothèse se trouve près du saint Autel.
Sa position dans le coin du sanctuaire signifie également « la pauvreté de la
première venue du Christ, la modestie du lieu et la discrétion de la grotte »
où II naquit'.
Bethléem fut le lieu où Dieu apparut dans la chair (I Tm 3, 16). C ’est
pourquoi l’apparition liturgique du Christ commence à la prothèse.

Le prêtre prend la prosphore et la lance* et les élève toutes


deux jusqu’à son front. Avec grande crainte et componction, il
lève ses yeux vers le ciel et dit : lu nous as rachetés de la malédic­
tion de la loi par Ton précieux Sang; cloué sur la Croix et percé
par la lance, Tu as fa it jaillir pour les hommes l ’immortalité. O
notre Sauveur, gloire à Toi2.
_ ----- . ________ _ __ __ _______________________ I

Tu nous as rachetés de la malédiction de la loi

Dans le tropaire précédent, le prêtre se référait à la Nativité du Christ. Il


se réfère maintenant à Sa Crucifixion. Le Christ est né pour être crucifié:
C’est pour cela que je suis venu à cette heure (Jn 12, 27), l’heure de la Passion
et de la Croix. Par Son sacrifice sur la Croix, le Christ a racheté l’homme de
la malédiction de la loi et lui a accordé la liberté du Saint-Esprit : « Quand
le Christ fut m ort... alors nous avons reçu la liberté et l’adoption filiale*. »
«Car le Père a accepté la réconciliation; le Fils a réconcilié; et l’Esprit
saint est le don fait à ceux qui viennent d’être promus amis. Le premier a
affranchi; le second fut la rançon payée pour nous affranchir; et l’Esprit
est la l i b e r t é »
Lorsque le célébrant élève la prosphore, cela rappelle la montée du Christ
sur la Croix et révèle l’amour qu’il nous a offert. Le pain de la prothèse
a pour signification « la richesse vertigineuse de la bonté de Dieu, car le
Fils de Dieu est devenu homme et s’est donné Lui-même en sacrifice et
offrande... pour la vie et le salut du monde’ » (Jn 6, 51).
I .....~ ]
Le diacre : Maître, donne la bénédiction.1*35
1. Saint Symcon de Thessalonique, Consécration. 137, PG 133, 348A.
1. Apolytikion du Vendredi saint.
3. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, I, 64, SC 333, 133.
4 .Ibid.. 11,32, SC 355, 160.
5. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PC! 98, 397A.
Le prêtre : Béni soit notre Dieu, en tout temps, maintenant et
toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

L’offrande du pain et du vin

Par la divine liturgie, Dieu offre Sa vie à l’homme. Cependant, parce


qu’il ne veut pas que le don Divin soit réalisé seulement comme une grâce,
Il reçoit une certaine offrande de l’homme, afin « que la grâce paraisse un
échange, que l’infinie miséricorde ait quelque élément de justice1». Ainsi,
la divine liturgie est l’offrande de Dieu à l’homme et l’offrande de l’homme
à Dieu.
Le rite de la prothèse ou de la préparation des saints Dons, qui commence
maintenant, est l’offrande de l’homme à Dieu. Le célébrant reçoit les pros-
phores offertes par les fidèles et met à part celle qui sera dédiée au mystère
de l’Eucharistie et consacrée.
La divine liturgie est une icône de la vie du Christ. Le Christ naquit et
fut dédié à Dieu comme le premier-né et les prémices de la nouvelle créa­
tion. Sa Très pure Mère et Joseph L’amenèrent à Jérusalem pour Le présenter
au Seigneur (Le 2, 22). Pour cette raison, le pain et le vin « ne sont pas tout
de suite portés à l’Autel et offerts en sacrifice. Cela viendra plus tard, après
avoir été d’abord dédiés à Dieu, puis devenus et appelés Dons précieux2 ».
L’office de la prothèse symbolise la nativité du Christ et Sa réception dans
le Temple par saint Syméon le Théodoque.
Le corps est maintenu en vie par la nourriture. Ce n’est pas par consé­
quent un hasard si nous offrons celle-ci à Dieu et ce particulièrement dans
le mystère de l’Eucharistie. Dieu commanda « à ceux à qui II devait donner
la vie éternelle - je veux dire Son corps et Son sang vivifiant - d’offrir, au
préalable, des aliments de la vie périssable1». Lors de la Cène mystique, le
Christ offrit Son Saint Corps et Son Saint Sang sous la forme de pain et
de vin. Par cet acte, Il nous enseigna à utiliser aussi le pain et le vin dans la
divine liturgie, qui sont les deux éléments fondamentaux de l’alimentation
de l’homme. Les offrandes des Juifs étaient également constituées par de la
nourriture (produits de la terre, animaux, etc.). Cependant, ce n’était pas
seulement la nourriture des hommes, mais aussi des animaux. Le pain et le
vin sont exclusivement la nourriture de l’homme.123

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, IV, SC 4 bis, 76.


2. Ibid., Il, SC 4 bis, 72.
3. Ibid., IV, SC 4 bis, 76.
Le Christ se décrivit Lui-même comme le Pain de vie et la vigne véritable
(Jn 6, 48; 15, 1)- « H s’appelle Pain de vie, car II constitue notre vie, tant
la présente que la future'. » Le Christ est la nourriture qui vient du Ciel, la
nourriture du Royaume : « Puisque, par le Christ, nous avons été appelés
au Royaume des Cieux... il n’y a pas maintenant de manne de l’Ancien
Testament pour nous... Il existe le Pain qui vient du Ciel, c’est-à-dire le
Christ, qui nous accorde la nourriture pour la vie qui est perpétuelle2 » et
éternelle.
Dans les Dons précieux réside notre espoir et la certitude de la résur­
rection. « De même que le bois de la vigne, après avoir été couché dans la
terre, porte du fruit en son temps, et que le grain de froment, après être
tombé à terre et s’y être décomposé, resurgit multiplié... et puis [le pain et
le vin] en recevant la parole de Dieu, deviennent l’Eucharistie, de même
nos corps qui sont nourris par cette Eucharistie, après avoir été couchés
dans la terre et s’y être décomposés, ressusciteront en leur temps, lorsque le
Verbe de Dieu les gratifiera de la résurrection’. »
Dans la divine liturgie, lorsque nous offrons le pain et le vin, nous
offrons à Dieu toute notre vie, à l’instar de la veuve de l’Évangile qui, en
offrant une piécette, a mis tout ce quelle avait pour vivre (Le 21, 4). Et Dieu
nous offre en retour toute Sa vie, « afin que nous recevions vie pour vie,
l’éternelle pour la temporelle4 ». Dieu ne demande qu’une seule chose : que
nous fassions notre offrande avec une intention pure, de telle façon quelle
soit acceptable. Car il nous faut « témoigner en tout notre reconnaissance
au Créateur, en Lui offrant, dans une pensée pure et une foi sans hypo­
crisie, dans une espérance ferme, dans une charité ardente, les prémices de
Ses propres créatures’ ».

Le pain et le vin, symboles de l ’unité

Les dons que l’homme offre à Dieu, le pain et le vin, symbolisent l’unité
de l’Église.
Saint Jean Chrysostome évoque le symbolisme du pain. Partant des
paroles de l’Apôtre parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs mus ne sommes
qu’un corps (1 Co 10, 17), il pose la question : « Qu’est-ce que le pain? » Et12345
1. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, XLVI, 1, PG 59, 258
2. Saint Cyrille d’Alexandrie, Sur Jean, III, 6, PG 73, 517CD.
3. Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 2, 3, SC 153, 37.
4. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, IV, SC 4 bis, 76.
5. Saint Irénée, Contre les hérésies, IV, XVIII, 4, SC 100, 607.
il répond : « Le Corps du Christ. Et que deviennent ceux qui y participent ?
Le Corps du Christ. Non plusieurs corps, mais un seul. De même que le
pain, composé de tant de grains, est un seul pain, malgré le fait que les
grains ne soient apparents nulle part bien qu’ils existent... ainsi nous nous
unissons entre nous avec le Christ. Car tu ne te nourris point d’un corps
et l’autre d’un autre, mais tous se nourrissent du même. C ’est pourquoi
l’apôtre Paul a ajouté: Tous, nous participons à ce pain unique' » (1 Co 10,
17).
Certaines prières liturgiques anciennes expriment également cette unité
des fidèles, qui est soulignée par l’utilisation du pain : « Comme ce pain
fut dispersé au-dessus des montagnes et, rassemblé, il devint un, ainsi
rassemble Ta sainte Eglise de chaque peuple, de chaque contrée, de chaque
ville, de chaque village et de chaque maison et fais-en une seule Eglise
catholique vivante12. »
Le vin est aussi le symbole de l’unité des fidèles : il est le mélange prove­
nant du pressage de nombreux raisins rassemblés de différentes vignes.
L’offrande, par l’homme, du pain et du vin au Créateur, exprime encore
l’unité de toute la création dans un mouvement de gratitude. Nous avan­
çons vers le saint Autel et le monde chemine avec nous : le monde que nous
tenons dans nos mains, le monde que nous représentons nous-mêmes.
L’homme - et l’homme seul - a été créé pour participer au monde intel­
ligible et sensible. Il est un microcosme. Et le monde entier est une image
de l’homme: il est un macro-anthropos, un homme en grandes lettres.
L’homme et le monde glorifient ensemble le Père commun et Créateur.
Toute la création sert dans le mystère de l’Amour qui est offert.

Le prêtre prend ensuite la prosphore et trace dessus trois fois le


signe de croix avec la lance, en disant chaque fois : En mémoire
de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
Et le diacre ajoute : Maintenant et toujours et dans les siècles des
siècles. Amen.

1. Sur la première Epître aux Corinthiens, XXIV, 2, PG 61, 200.


2. Euchologe de saint Sérapion de Thmuis XIII/1, Prière de l’offrande, également dans Didaché, IX,
4, SC 248, 177.
La célébration de la mémoire du Christ

La divine liturgie est célébrée de deux façons : par la parole et par l’ac­
tion. Par la parole des lectures et des prières, nous entendons le Christ
Lui-même ou encore des paroles Le concernant. Dans les actions accom­
plies, nous Le voyons. « Il fallait... que nous voyions en quelque manière
l’extrême pauvreté du Riche par excellence, la venue ici-bas de Celui qui
habite en tous lieux, les opprobres du [Dieu] béni, les souffrances de l’im ­
passible; de quelle haine II a été l’objet et combien II a aimé, jusqu’où
s’est humilié l’infiniment Grand, quelles souffrances II a endurées, quelles
actions II a accomplies pour préparer cette Table devant nous1. »
Par la parole et par faction, la divine liturgie célèbre l’anamnèse de la
vie du Christ : En mémoire de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ,
dit trois fois le prêtre, tandis qu’il trace avec la lance le signe de Croix sur
la prosphore.
Lors de la première célébration du Mystère, le Christ prit dans Ses mains
le pain et après avoir rendu grâces au Père, Il le rompit et le donna à Ses
disciples en disant Ceci est mon Corps qui est donné pour vous (Le 22, 19).
Ensuite, Il appela Son saint Sang le sang de l ’alliance qui est répandu pour
beaucoup (Mt 26, 28). « Il témoigne encore par ces paroles qu’il s’en va
mourir et c’est pour cela qu’il parle de “Testament”. » Ainsi, « par les saints
Mystères, Il rappelle aux disciples qu’il sera immolé et, lorsqu’ils sont assis
à table, Il parle de la Croix12 ».
Avant d’être crucifié, le Christ célébra la liturgie (Le 22, 19-20) —la
mémoire de Sa Passion sur la Croix. Et II nous a donné de le faire nous
aussi : de « nous rappeler des faits qui semblent ne signifier que la faiblesse :
la Croix, la passion, la mort34». On peut se demander pourquoi, « après
avoir dit Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, Il n’a pas ajouté... J’ai ressus­
cité des morts, ou : J’ai guéri des lépreux, mais seulement : ... mon Corps
qui est rompu pour vous, mon Sang qui est versé pour vous ? Pourquoi
donc mentionne-t-Il non point Ses miracles, mais Ses souffrances ? C’est
que celles-ci sont plus nécessaires que ceux-là... Les unes sont la cause
même de notre salut... tandis que les miracles ont été accomplis pour
qu’on ajoutât foi au Seigneur comme étant véritablement le Sauveur3 ».

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, I, SC 4 bis, 66.


2. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, LXXXII, 1, PG 58, 738, 737.
3. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, Vil, SC 4 bis, 85.
4. Ibid, p.87.
lcs miracles sont la confirmation de la Divinité du Christ, la Passion nous
offre le salut et le Christ Sauveur.

Le prêtre plonge la lance dans le bord droit de l’empreinte du


sceau, et dit en tranchant: Comme une brebis, il fu t mené à
l ’immolation. Du côté gauche: Comme un agneau sans tache,
muet devant celui qui le tond, ainsi il n ’ouvre pas la bouche.
Le long du bord supérieur: En son humilité, on lui a refusé
toute justice. Le long du bord inférieur: Et sa génération, qui la
racontera ?
Le diacre : Elève, Maître.
Le prêtre enlève l’Agneau en disant : Car Sa vie est enlevée de la
Terre'. Puis il dispose l’Agneau sur le discos.

Un récit actif de la Passion

Le célébrant détache maintenant l’Agneau de la prosphore et le place sur


le discos en récitant la prophétie d’Isaïe qui se réfère à la Passion du Christ.
Le prêtre, avec la lance, grave sur l’Agneau d’une certaine façon « la Passion
et la mort du Christ », car ce que le prêtre fait maintenant « est comme un
récit en action de la Passion et de la mort du Christ12 ».

1) Comme une brebis, il fu t mené à l ’immolation


Cette phrase du prophète Isaïe se rapporte à la Passion, lorsque le Christ
« s’offre comme un sacrifice et une offrande à Dieu pour nos péchés. Il
est appelé Agneau de Dieu (Jn 1, 29) et brebis (Is 53, 7)34». Il est l’Agneau
immaculé qui est sacrifié pour la brebis perdue, l’homme (Mt 18, 12).
Le sacrifice du Christ sur la Croix fut préfiguré dans la Pâque judaïque
par l’immolation de l’agneau. Les Juifs utilisaient l’agneau comme un
animal sacrificiel « en raison de son innocence, et parce que la toison était
le vêtement de l’antique nudité [des premiers créés, après la désobéissance].
En outre, le Christ, la victime sacrifiée pour nous, est et est appelée vête­
ment d’incorruptibilité" » {cf. Rm 13, 14). La nudité du Maître sur la
Croix vivifiante est devenue le vêtement d’incorruptibilité de l’homme.

1. Is 53, 7-8.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, VI, SC 4 bis, 81.
3. Saint Basile le Grand, Sur le psaume 28, 5, PG 29, 296B.
4. Saint Grégoire le Théologien, Discours, XLV, 13, PG 36, 640C.
2) Comme un agneau sans tache, muet devant celui qui le tond, ainsi il
n’ouvre pas la bouche
Le silence du Christ lors de la Passion signifie qu’il a accepté volon­
tairement Sa crucifixion : Je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne
me l'ôte, mais je la donne de moi-même (Jn. 10, 17-18). Le Christ, par
Sa propre volonté, « a enduré la Croix pour nous. Car II s’est offert Lui-
même, comme une sainte victime, à Dieu le Père1».
Le Christ se tait devant les grands-prêtres et devant Hérode (c f Mt
26,63 et Le 23,9). Il se tait devant Pilate: Jésus ne lui fit aucune réponse
(Jn 19, 9). Mais Pilate interprète Son silence comme le mépris à l’égard
de sa propre personne. « Car il ne comprenait aucunement le mystère du
silence du Christ. »

3) En son humilité, on lui a refusé toute justice


Le silence et l’humilité du Christ ont servi de prétexte à ce qu’il fût privé
de la justice: le jugement Lui a été refusé. Et l’injuste sentence de condam­
nation a mené le Christ sur la Croix.
Par l’incarnation, le Christ sest dépouillé, prenant la condition de serviteur,
Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix
(Ph 2, 7-8). Depuis le trône paternel, le Christ chemina sur la voie de
l’humilité et arriva jusqu’à la Croix. « Plus sa dignité était sublime, plus son
humilité a été profonde... Quel mystère ineffable qu’il se fasse esclave! Je
sens que les expressions me font défaut. Mais qu’il subisse volontairement
la mort, c’est plus grand. Or, il y a quelque chose de plus grand et de plus
merveilleux encore. Q u’est-ce donc?... C ’est la mort sur la Croix... Une
mort honteuse et maudite. Maudit est quiconque, disait l’Écriture, qui est
pendu au bois12 » (Dt 21, 23; Ga 3, 13).
Le Christ est l’Amour. Depuis le sommet de la Croix, Il a montré la
hauteur de l’amour et la profondeur de l’humilité.

4) Et sa génération, qui la racontera ?


Par le mot génération, le prophète Isaïe comprend le mystère de l’engen­
drement pré-éternel du Christ. On se demande: « Qui pourrait, ne serait-
ce qu’un tant soit peu, exposer le mode d’existence de l’Unique engendré?
Quelle langue peut raconter la génération ineffable du Fils par le Père? »
1. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, V, 1, PG 73, 721 A.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur l ’l:pître aux Pbilippiens, Vil, 3, PG 62, 232.
Que le Christ fût né du Père, « nous le savons et nous croyons. Mais le
mode de Sa génération est un mystère inaccessible à toute intelligence' ».

5) Car Sa vie est enlevée de la Terre


Le prêtre détache l’Agneau et le place sur le discos. Ce mouvement nous
rappelle la parole du Christ : Et moi, lorsque j ’aurai été élevé de la Terre,
j ’attirerai tous les hommes à moi (Jn 12, 32).
Le sacrifice du Christ a été offert pour tout l’univers. Saint Jean
Chrysostome écrit: « Pourquoi est-il immolé sur un gibet élevé et non
sous un toit ?... Parce que la nature de l’air a été purifiée lorsque le Christ,
l’Agneau, fut crucifié dans les hauteurs. La terre le fut également, car elle
était arrosée par le sang qui coulait de Son côté... Ce fut en dehors de la
ville et des murailles, pour nous apprendre que c’était un sacrifice universel,
une offrande pour la Terre entière3. » L’agneau pascal était sacrifié par les
Juifs secrètement et exclusivement pour eux-mêmes. Le Christ ouvre Ses
bras sur la Croix afin d’embrasser et de sanctifier l’univers tout entier: « Tu
as étendu Tes mains sur la Croix, ô Miséricordieux, Tu as rassemblé les
nations qui s’étaient éloignées de Toi, afin de glorifier Ta grande bonté3. »
Lorsque l’apôtre Philippe s’approcha du char appartenant au ministre
de la reine des Ethiopiens, celui-ci lisait les paroles du prophète Isaïe que
le célébrant vient de réciter. A cette occasion, l’apôtre, commençant par ce
passage, lui annonça la bonne nouvelle de Jésus (Ac 8, 32-35). Maintenant, le
célébrant en utilisant les mêmes paroles tirées d’Isaïe, commence la bonne
nouvelle de l’office eucharistique du Christ.1234

Le diacre : Immole, Maître.


Le prêtre immole, c’est-à-dire qu’il incise verticalement
l’Agneau renversé, en disant : Est immolé l ’Agneau de Dieu qui
enlève le péché du monde, pour la vie et le salut du monde\
Le diacre : Crucifie, Maître.
Et le prêtre fait une autre incision dans l’Agneau, horizontale­
ment, de telle façon que l’incision forme une croix, en disant:
Lorsque Tu fus crucifié, ô Christ, la tyrannie a été détruite; le

1. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jeun, V, PG 73, 712CD.


2. Sur lu Croix et le Paradis, 1,1, PG 49, 400.
3. Octoèque, matines du mercredi, ton 1, cathisme*. Voir également matines du Samedi saint,
thrènes*, l re stance: « Autrefois, c’est en cachette qu’ils immolaient l’Agneau; à présent, c’est
en plein jour que Tu es immolé, ô Sauveur, purifiant toute la création. »
4. Jean 1, 29 et VI, 31.
pouvoir de l ’ennemi a étéfoulé: ce n ’est ni un ange, ni un homme,
mais Toi le Seigneur même qui nous a sauvés: gloire à Toi'.

L’Agneau de Dieu est immolé

Le prêtre continue en paroles et en actes le récit de la Passion du Christ :


Est immolé l ’Agneau de Dieu. « Le véritable Agneau, la victime imma­
culée, est conduit pour nous tous à l’immolation, pour enlever le péché du
monde... pour abolir la m ort... et pour devenir le commencement de tout
bien pour la nature humaine... la source de la vie éternelle, le fondement
de notre reformation selon Dieu, le commencement de la piété et de la
justice, la voie vers le Royaume des Cieux... Puisque nous avons vécu dans
de nombreux péchés, et pour cette raison étions débiteurs envers la mort et
la corruption, le Père a donné Son Fils en rançon pour nous... Il est mort
seul pour tous, pour que nous vivions tous en Lui:. »
Par la crucifixion du Seigneur a été ébranlée la tyrannie du diable et a
pris racine la « connaissance de Dieu ». Maintenant, « on rend un culte à
la Sainte Trinité consubstantielle, la Divinité incréée, le seul vrai Dieu, le
Créateur et Seigneur de toutes choses. Les vertus sont pratiquées, l’espé­
rance de la résurrection a été donnée par la Résurrection du Christ, les
démons tremblent, eux qui naguère avaient soumis les hommes. Et le plus
merveilleux, c’est que tout cela a été accompli par la Croix, la Passion et la
mort3 ».

L’Ancien Païssios4 (t 12.7.1994) de bienheureuse mémoire disait:


« Alors que j’étais ecclésiarque5- c’était mon obédience —la chose suivante
m’est survenue. Lorsque les mots L’Agneau de Dieu est immolé furent
prononcés, je vis l’Agneau sur le discos s’agiter comme une brebis que l’on
immole. Comment pourrais-je m’approcher une autre fois! C’est pour­
quoi les prêtres ne doivent pas découper la prosphore à l’avance. Lorsqu’ils
disent ces mots, ils doivent prendre la lance et inciser la prosphore. »1

1. Octoèque, matines du vendredi, ton 1, cathisme, Is 63, 9.


2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, 11, PG 73, 192B-D.
3. Saint Jean Damascène, Exposé de la foi orthodoxe, IV, 77, PG 94, 1108GD-1109A.
4. Voir à son sujet: hiéromoine Isaac, L’Ancien Païssios de la Sainte Montagne, Lausanne, L’Age
d’Homme, collection « Grands Spirituels orthodoxes du XX' siècle », 2009. (N.d.T.).
5. Moine chargé de l’entretien de 1 église, d'assister le célébrant dans le sanctuaire et du bon
déroulement des offices (N.d. T.).
Cette expérience bouleversa tant l’Ancien qu’il ne voulut jamais recevoir
la grâce du sacerdoce.

Le diacre dit: Transperce, Maître. Et le prêtre perce l’Agneau


avec la lance sur le côté droit, en disant : Lun des soldats Lui
perça le côté de sa lance et, aussitôt, il en jaillit du sang et de
Teau. Celui qui Ta vu a rendu témoignage, et son témoignage est
véridique'.

Et aussitôt, il en jaillit du sang et de Teau

Au moment où le célébrant perce l’Agneau avec la lance, il représente le


soldat romain qui utilisa sa lance pour percer le très Saint Corps du Christ
sur la Croix, et il en sortit du sang et de Teau. On dit de saint Théodose
le Nouveau (mémoire le 7 août) que lorsqu’il arriva à ce moment de sa
première liturgie, il était si ému qu’il demanda à renoncer au sacerdoce’.
Le côté du Christ « fit jaillir du sang mélangé à de l’eau. Dieu a disposé
cet événement comme une sorte d’image et de commencement de la béné­
diction mystique (c’est-à-dire de la divine Eucharistie) et du saint baptême.
Car en réalité, le saint baptême appartient au Christ et a été institué par
Lui, et la force du mystère de la divine Eucharistie a germé de Son Saint
Corps3 ».
Les deux mystères jaillissent du Christ et créent l’Église: « Cette eau
et ce sang sont le symbole du baptême et des mystères [l’Eucharistie]. Or
c’est de ces deux sacrements qu’est née l’Église... C ’est de Son côté par
conséquent que le Christ a formé l’Église, comme II a formé Ève de la côte
d’Adam4*(Gn 2, 21-22). » « Et de même que, pendant le sommeil d’Adam,
la femme fut façonnée, ainsi, le Christ mort, l’Église fut formée de son
côté3. »
A l’instant de souffrance suprême et de la mort vinrent la joie suprême
et la vie: « Tu fus percé au côté, afin de faire jaillir pour moi des torrents
de vie6. » Le côté du Maître vivifie l’homme: « De Ton côté transpercé par

1. Jn XIX, 34-35.
2. Archimandrite G. Paraskevopoulos, Erminevtiki epistasia epi tis theias Leitourgias [Interpréta­
tion de la divine liturgie], Patras, 1958, p. 32.
3. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean. XII, PG 74 , 677B.
4. Saint Jean Chrysostome, Catéchèses baptismales, III, 17, SC 50, 161.
5. Id., Éloge de Maxime, III, PG 51, 229.
6. Matines du Vendredi saint, Béatitudes.
là lance, Tu épanchas la vie sur la Vie (c’est-à-dire Ève, c f Gn 3,20), qui
m’exila de la vie du Paradis et Tu me vivifias avec elle'. »
Du côté vivifiant du Maître naît et est vivifiée l’Église, le Paradis spiri­
tuel de Dieu.

Le diacre verse suffisamment de vin et d ’eau dans le calice,


disant : Bénis, Maître, la sainte union.
Et le prêtre les bénit, en disant :
Bénie soit l ’union de Tes saints [Dons], en tout temps, mainte­
nant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

La sobre ivresse

Le vin et l’eau que verse le diacre dans le calice symbolisent le sang et


l’eau qui jaillirent du côté du Christ.
Saint Jean Chrysostome souligne que « le fondement des biens de notre
salut [c’est-à-dire l’Eucharistie] est accompli par le vin2 ». Mais la mauvaise
intention, dit le saint, peut changer le vin en cause d’ivrognerie. Or, dans
la liturgie, « le calice spirituel ne provoque pas l’ivresse, ... il ne ruine pas
la force, mais il la réveille... C’est une ivresse d’un genre nouveau, qui
produit la force... Car il jaillit de la pierre spirituelle’ », le Christ (1 Co 10,
4).
Cette ivresse arrache l’homme aux choses matérielles et le conduit dans
un état divin : « Une extase prend place, un mouvement depuis les choses
matérielles jusqu’à ce qu’il y a de plus divin4. » Le calice eucharistique
provoque « la sobre ivresse », celle qui provoque l’état de vigilance et rend
l’homme participant à la vie éternelle. Car « qui a goûté cette ivresse,
échange l’éphémère contre l’immortel, et prolonge son séjour dans la
maison de Dieu tous les jours de sa vie5 (Ps 22, 6) ».
Ici, nous exprimons notre gratitude à la Mère de Dieu, car c’est d’Elle
que vint le Christ, qui nous offre le vin du salut : « Comme une vigne non
cultivée, ô Vierge, tu as produit la plus belle grappe, qui fait jaillir pour
nous le vin salvifique apportant l’allégresse aux âmes et aux corps. Aussi,

1. Matines du Samedi saint, thrcncs, 1 stance.


2. Saint Jean Chrysostome, Sur la Genèse, XXIX, 3, PG 53, 265.
3. lit. Contre ceux qui s'enivrent, II, PG 50, 436.
4. Saint Grégoire de Nysse, Sur le Cantique des cantiques, V, PG 44, 873B.
5. Id„ Sur l ’Ascension, PG 46, 692B.
te bénissant comme la cause de tous biens, nous te crions toujours avec
l’Ange: Réjouis-toi, Pleine de grâce1. »

Le prêtre prend dans ses mains la même prosphore, ou une


seconde, et découpe avec la lance la petite partie triangulaire
du sceau en disant: En l ’honneur et mémoire de notre toute
bénie et glorieuse Souveraine, la Mère de Dieu et toujours Vierge
Marie. Par ses prières, agrée, Seigneur, ce sacrifice sur Ton Autel
céleste.
Puis, enlevant avec la lance la parcelle de la Mère de Dieu, le
prêtre la place à droite de l’Agneau et dit : A ta droite se tient la
Reine, en vêtements tissés d ’or, parée de couleurs variées*1234

La Reine s’est tenue à Ta droite

Dans l’office du Temps, que nous avons évoqué plus haut, le célébrant a
demandé à la Mère de Dieu, bénie par-dessus tout, de devenir la porte qui
mène à la Vie. Maintenant, par le célébrant, nous demandons sa très sainte
intercession, afin que notre offrande soit acceptée.
La Mère de Dieu est l’Autel immaculé sur lequel est offert le Sacri­
fice eucharistique. Elle est le lieu où son Fils Unique repose par les saints
Mystères’. Car « Où donc ailleurs le Christ, cette nouvelle Victime,
devait-il toujours se trouver, si ce n’est en Celle qui Lui donna naissance...
puisqu’un autre lieu plus saint que Celui-ci ne pourrait exister'1» ?
La Mère de Dieu est le lien du Ciel et de la Terre, Elle se tient entre
l’homme qui offre un sacrifice de louange (He 13, 15) et Dieu qui reçoit
l’offrande. Du Christ, la tête du corps de l’Église, jaillit tout don parfait
(Je 1, 17) ; et par la Mère de Dieu, qui est la nuque du Corps, le don divin
parvient aux fidèles, les membres du Corps. « La Mère de Jésus, qui porte
directement la tête, le Christ, est une médiatrice entre la tête et le Corps
de l’Eglise. D ’une certaine façon, Elle est le lien qui joint les deux comme
une nuque... Par conséquent, comme la tête [le Christ] est la seule voie qui

1. Matines du 5 janvier, canon, 3e ode, theotokion* du cathisme.


2. Ps 44, 10.
3. Liturgie des Dons présanctifiés’, prière après l’Entrée: «Jette les yeux sur nous. Tes indignes
serviteurs, qui nous tenons, comme devant Ion trône de chérubins, devant Ton saint Autel,
sur lequel repose Ton Fils Unique, notre Dieu, par les mystères redoutables qui y sont dépo­
sés... »
4. Théophane de Nicée, Theotokos, p. 146.
mène au Père... cette sainte nuque [la Mère de Dieu] est aussi une voie, la
seule qui mène chacun à la tête de to u t1 », le Christ.
* * *

Par son ministère dans la divine économie, la Mère de Dieu est devenue
la bienfaitrice de toute la création. Le Ciel et la Terre, les hommes et les
anges ont reçu la bénédiction de la Mère de Dieu. La Vierge « a fait se
lever la lumière même pour les anges et elle leur a donné la possibilité de
devenir plus sages et plus purs qu’avant, de connaître mieux la bonté et la
sagesse de Dieu... De cette façon, la Vierge a créé un ciel nouveau et une
terre nouvelle. Ou bien, plutôt, c’est Elle-même qui est la nouvelle terre et
le nouveau ciel2 » (Ap 21, 1).
Il y a deux raisons pour lesquelles nous considérons la Vierge comme
nouvelle terre et nouveau ciel. Premièrement, parce qu’Elle a contenu en
son sein « Celui que les Cieux immenses ne peuvent contenir ' ». Deuxiè­
mement, en raison de sa pureté. En conséquence, il est clair que « ce que
le prophète David appelle “le Ciel du Ciel” et qui, comme il le souligne,
se rapporte uniquement au Dieu unique, disant le Ciel du Ciel est au
Seigneur (Ps 113, 24) est la Vierge bénie'1».
Si, cependant, la Vierge était « le Ciel du Ciel » alors quelle vivait sur
terre, au Ciel, sa place est analogue. La Très Sainte Mère de Dieu est la
Reine du Ciel. Pour cette raison, la toute-sainte dormition était une solen­
nelle célébration du Ciel, présidée par le Christ Lui-même. Saint Jean
Damascène dit, en s’adressant au Christ : « Descends, descends, ô Souve­
rain, viens payer à Ta Mère la dette qu’Elle mérite pour T ’avoir nourri...
Adresse-lui un doux appel : Viens, ô belle, ma bien-aimée (Ct 2, 10)... Tu
m’as fait part de tes biens : viens jouir avec moi de ce qui m’appartient :
approche et partage la puissance royale avec Celui qui, né de toi, vécut avec
toi dans la pauvreté5. »
La joie du Ciel ne connaissait pas de limite lorsqu’il reçut la Reine.
L’hymnographe de l’Église célébra l’événement : « A ta rencontre, au chant
des hymnes, en une solennité pleine d’allégresse, les puissances s’avancent,
semblant dire: Quelle est celle-ci, qui monte dans tout son éclat, qui
apparaît comme l’aurore, belle comme la Lune, resplendissante comme le
1. Ibid., p. 128-132. Jn 14, 6 : Nul ne vient au Père que par moi.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Sur la Dormition. IV, PO 19, 498.
3. Annonciation, petites vêpres, stichcre* du lucemaire.
4. Saint Nicolas Cabasilas, Sur la Dormition, IV PO 19, 498.
5. Sur la Dormition, 111,4, SC 80, 191.
Soleil ?... Le Roi t’a introduite dans sa chambre... (Ct 8, 5 ; 6, 10 ; 1,4)...
Tu es parvenue jusqu’au trône royal de ton Fils Lui-même, que tu vois de
tes propres yeux. Tu te réjouis et te tiens près de Lui... Tu bénis le monde,
tu sanctifies tout l’univers1. »
Le célébrant, alors qu’il place la parcelle de la Mère de Dieu à droite
de l’Agneau et prononce le verset du psaume A Ta droite se tient la Reine,
manifeste l’honneur que le Christ rend à Sa Très-Pure Mère : « Telle une
Reine en ses habits brodés d’or, resplendissants par l’éclat de l’Esprit, ô
Toute-Pure, ton Fils t’a placée à Sa droite12. »

; Prenant ensuite une troisième prosphore, ou utilisant la


même, le prêtre prélève sur elle neuf parcelles réparties sur
trois rangées, qu’il place à la gauche de l’Agneau, en disant:
En l ’honneur et la mémoire des très grands chefs des ordres angé­
liques Michel et Gabriel et de toutes les puissances célestes et
incorporelles.

Les saints anges assistent le prêtre

Les puissances célestes exercent également leur ministère dans l’œuvre


de l’économie divine. Pour cette raison, le célébrant place, à la gauche de
l’Agneau, une parcelle en leur honneur.
Avant l’incarnation du Verbe, les anges connaissaient confusément le
mystère du Christ. Par l’incarnation du Verbe, Dieu a été manifesté dans
la chair et a été vu des anges (I Tm 3, 16). « Lorsqu’il s’est revêtu de chair,
Il devint visible aux anges... Auparavant Son essence était invisible pour
eux34.» Le mystère de l ’économie divine caché depuis les siècles en Dieu (Ép 3,
9) a été d’abord manifesté aux saints anges. Ensuite, ceux-ci le révélèrent
aux êtres humains. « Ce sont les anges d’abord qui furent initiés au mystère
divin de l’amour de Jésus pour les hommes et ce fut par eux que la grâce de
cette connaissance nous fut communiquée \ »
L’archange Gabriel visita le prêtre Zacharie pour annoncer la naissance
du Précurseur qui, selon les paroles du prophète, était un messager devant la
1. Saint Jean Damascène, Sur la Dormition, I, 11, SC 80, 111, 113.
2. Octoèque, ton 6, matines du dimanche, canon de la Mère de Dieu, 8‘ ode, 1er tropaire, traduc­
tion française, Prière des Eglises de rite byzantin. Dimanche. Office selon les huit tons, tome III,
éd. Chevetogne, 1972, p. 471.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, XV, 2, PG 39, 98.
4. Saint Denys l’Aréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique, IV, 4, SC 58 bis, 99.
face du Seigneur (Mt 11, 10 ; Ml 3, 1). Le même archange visita la Mère de
Dieu pour lui annoncer « qu’en Elle s’accomplirait le mystère théarchique
de l’ineffable incarnation1». À nouveau, un ange visita Joseph afin de lui
dire que la Vierge avait conçu de l’Esprit saint et portait en elle le Sauveur
du monde (Mt 1, 20).
Enfin, lorsque le Christ naquit à Bethléem, un ange du Seigneur visita
les bergers, car ils s’étaient purifiés par leur vie, dans la paix et la quiétude’,
et leur annonça la bonne nouvelle. Et soudain sejoignit à l ’ange une troupe
nombreuse de l ’armée céleste, qui louait Dieu en disant: Gloire à Dieu au plus
haut des Cieux et sur la terre paix, aux hommes bienveillance (Le 2, 13-14).
* * *

Maintenant, dans la Bethléem liturgique - la prothèse - là où est célébré


le mystère de l’incarnation du Verbe, les anges du Seigneur apparaissent aux
célébrants dont l’âme est pure, à l’instar des bergers. Il y avait un ancien
« qui était pur et saint. Alors qu’il accomplissait la prothèse, il voyait les
saints anges se tenir à sa droite et à sa gauche’ ».
Lors de chaque liturgie, une troupe nombreuse de l ’armée céleste (Le 2, 13)
est présente, glorifiant Dieu comme jadis à Bethléem. On rapporte au sujet
du saint évêque Niphon de Constantiane ‘ que, durant la Grande Entrée,
il voyait une multitude d’anges accompagnant le prêtre, « chantant avec
joie des hymnes ineffables. Et lorsque le prêtre déposait les Dons précieux
sur la sainte Table, les anges la couvraient de leurs ailes. Alors, deux chéru­
bins venaient et se tenaient à la droite du célébrant, et deux séraphins à sa
gauche’ ».
Au moment de l’anaphore, « les anges assistent le prêtre, toute l’armée
des célestes puissances chante des louanges à haute voix, en remplissant
tout l’espace qui est autour de l’Autel, pour faire honneur à Celui qui est
sacrifié123456 ».
***

1. Ibid.
2. Ibid.
3. Jean Moschos, Pré Spirituel, 199, SC 12, 271.
4. Mémoire le 23 décembre.
5. Enas askitis episkopos [Un évêque ascète], 3‘ édition, monastère du Paraclet, Oropos, Attique,
2000, p. 214.
G. Saint Jean Chrysostome, Sur le sacerdoce, VI, 4, PG 48, 681.
LA D IV IN E L IT U R G IE D E S A IN T JE A N C H R Y S O S T O M F .

Dans la liturgie sont accomplis les mystères dans lesquels les anges
désirent plonger leur regard (1 P 1, 12). Ils sont présents comme ministres et
servants, mais seul le prêtre peut célébrer la divine Mystagogie : « Lorsque
le prêtre pur et digne... entre dans le sanctuaire sacré pour célébrer la
liturgie, il est entouré invisiblement par une grande foule d’anges incor­
porels et divins, qui le servent durant toute la liturgie avec beaucoup de
révérence. Mais bien que les anges servent le prêtre durant la liturgie, ils ne
peuvent la célébrer eux-mêmes sans prêtre... Ainsi, le prêtre ressemble à
quelque grand officier de l’Empereur, tandis que les anges sont semblables
à Ses soldats et Ses serviteurs1. »

Le prêtre détache ensuite les huit autres parcelles, en disant:


En l ’honneur du vénérable et glorieux prophète et précurseur
Jean-Baptiste, des saints et glorieux prophètes Moïse et Aaron,
Elie et Elisée, David etJessé, des trois saints Enfants et du prophète
Daniel, et de tous les saints prophètes.
Des saints, glorieux et illustres apôtres Pierre et Paul, et de tous
les saints apôtres.
De nos Pères parmi les saints, les grands hiérarques et docteurs
universels Basile le Grand, Grégoire le Théologien et Jean
Chrysostome, Athanase et Cyrille, Jean le Miséricordieux,
patriarches d ’Alexandrie, Nicolas de Myre, Spyridon de Trimy-
thonte, Grégoire Palamas, Denis d ’Egine, Nectaire de Pentapole,
des saints Pères théophores des sept Conciles et de tous les saints
hiérarques.
Du saint premier martyr et archidiacre Etienne, des saints et
grands martyrs Georges le Victorieux, Démètre le Myroblite,
Théodore Tyron et Théodore le Stratilate. Des saints hiéromartyrs
Ignace, Polycarpe, Charalambos, Eleuthère et Côme d ’Etolie. Des
saintes martyres Thècle, Catherine, Barbara, Irène, Euphémie,
j Cyriaque, Marine, Parascève et de toutes les saintes Martyres.
De nos Pères saints et théophores Antoine, Euthyme, Sabbas
le Sanctifié, Arsène, Païssios, Pimène, Sisoès, Éphrem et Isaac
les Syriens, Maxime le Confesseur, Jean Damascène, Syméon
le Nouveau Théologien, Denis d ’Olympe, Jean le Russe, Séra­
phin de Sarov, Nicolas Planas, Arsène de Cappadoce. Des saints
Pères athonites Pierre, Athanase, Maxime, Nicodème, Silouane
1. Hésychaste anonyme, Niptiki Theoria [Contemplation neptique], Thessalonique, Orthodoxos
Kypseli, 1979, p. 197-198.
et Sabbas. Des vénérables femmes Marie d ’Égypte, Théoctiste, :
Synclétique, Macrine, et de tous nos vénérables Pères et Mères.
Des saints thaumaturges et anargyres Côme et Damien, Cyr et
Jean, Pantéléimon et Hermolaos, Samson et Diomède, Mocius
et Anicet, Thallelaios et Tryphon, et de tous les saints anargyres.
Des saints et justes aïeux de Dieu Joachim et Anne, Zacharie et
Elisabeth, Joseph le Fiancé (des saints du jour et du saint patron
de l’église, s’ils n’ont pas été déjà commémorés) et de tous les
saints. Par leurs prières, visite-nous, ô Dieu.
De notre Père parmi les saints Jean Chrysostome, archevêque de
Constantinople (ou Basile le Grand, archevêque de Césarée de
Cappadoce, si c’est sa liturgie qui a été célébrée).

L’assemblée des saints


Dans la divine liturgie, l’assemblée des saints est présente avec le Christ,
et les fidèles font l’expérience de la manifestation de la communion des
saints.
Après avoir placé l’Agneau qui est offert sur le discos, le célébrant détache
des parcelles en l’honneur et en mémoire des saints. « Cela manifeste que
les saints sont inséparablement unis au Christ, dans une union sacrée qui
n’est pas de ce monde1. » « Parce que les saints ont lutté avec le Christ, ils
reçoivent une gloire et une élévation plus grande par ce Mystère redou­
table, c’est-à-dire par la communion dans ce sacrifice salvateur. Et plus
nous les commémorons, plus ils nous réconcilient avec le Christ et nous
unissent avec Lui’. »
L’Eglise est « l’assemblée des saints ’ » et la liturgie est le mystère par excel­
lence qui assemble toute l’Église « dans une voie divine de vie commune ' »,
dans un « chœur unique et homogène’ ». Dans la liturgie, nous sommes
avec tous les saints.
Le chœur des saints a accompli le but de la divine économie: « Dieu
le Verbe s’est incarné, a enseigné, a accompli des miracles, a souffert, est
mort; afin que les hommes soient transférés de la Terre au Ciel et qu’ils

1. Saint Denys l’Aréopagite, Imité de la hiérarchie ecclésiastique, III, 3, 9, PG 3. 437C, traduction


de Maurice de Gandillac, p. 275.
2. Saint Syméon de ThessaIonique, Sur la sainte liturgie, XCIV, PG 155, 281C.
3. Saint Isidore de Péluse, Lettres, 2246, PG 78, 685A.
4. Saint Denys l’Aréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique, III, 3, 1, PG 3, 428B.
5. Ibid., III, 5, PG 3.432B.
deviennent héritiers du Royaume de l’au-delà'. » Le chœur des saints est la
preuve que le Royaume de Dieu nous a déjà été accordé : l’Église, « avec les
chœurs innombrables quelle a députés au Ciel comme pour le coloniser, a
déjà réellement hérité du Royaume des Cieux2 ».
Nous rendons grâces au Seigneur pour les biens qu’il a accordés aux
saints, car nous ressentons ceux-ci comme les nôtres. De même, nous
ressentons les dons que Dieu leur a donnés comme nôtres également. Et
avec les saints, nous rendons grâce au Donateur, offrant nos propres dons.
* * *

Dans la divine liturgie, nous vivons le mystère de l’Église, car chaque


communauté eucharistique est un seul troupeau qui offre d'une seule bouche
et d ’un seul cœur (Ac 4, 32 et Rm 15,6) ses dons au seul Pasteur. Nous nous
nourrissons du Saint Corps du Christ, de la sainte communion, et l’Église
se manifeste comme le Corps du Christ. « Nous nous nourrissons de celui-
ci, nous nous mélangeons à celui-ci, et nous sommes devenus nous aussi
le Corps du Christ3. » La communion au Saint Corps du Christ constitue
la communion et l’unité de l’Église : « De même que nous participons au
Saint Corps du Christ, nous devenons aussi Corps du Christ4. »
La communion de l’Amour divin crée la communion de l’amour des
saints. Ainsi, la vie de chaque saint est prolongée continuellement dans le
temps. Car avant de passer la porte de la mort, les saints ont communié
à la nourriture qui est un remède d’immortalité. Et par la mort, ils sont
entrés dans la Vie.

Ensuite, prélevant une autre parcelle, le prêtre dit: Souviens-


Toi, Maître ami des hommes, de tout l ’épiscopat orthodoxe,
de notre archevêque N ..., de l ’ordre vénérable des prêtres, du
diaconat en Christ, de tout le clergé et de l ’ordre monastique, et
de nous nos frères que, par Ta compassion, Tu as appelés à Ton
service, Maître plein de bonté. Et, prélevant une parcelle, il la
place en dessous de l’Agneau, Il commémore alors l’évêque
qui l’a ordonné s’il est encore en vie, ainsi que les vivants qu’il
désire, en les nommant, prélevant des parcelles et les plaçant
de la même façon en dessous de l’Agneau.
1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, Il.IX, SC 4 bis, 285.
2. Ibid., X, SCI 4 bis, 97.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, LXXXII, 5, PG 58, 743-744.
4. Nicolas de Méthone, À ceux qui hésitent, PG 135, 512C.
Prenant ensuite une autre prosphore, il dit: En mémoire et
pour la rémission des péchés des bienheureux fondateurs de cette
sainte église. Puis il fait mémoire de l’évêque qui l’a ordonné,
s’il est au nombre des défunts, et des autres personnes décé­
dées qu’il veut nommer. Et il conclut en disant : Et de tous nos
pères et frères orthodoxes qui se sont endormis dans l ’espérance
de la résurrection à la vie éternelle, Seigneur, ami des hommes.
Et il place des parcelles pour ceux qu’il a commémorés sur le
discos. De même, le diacre commémore également ceux qu’il
souhaite, vivants et défunts, tandis que le prêtre prélève des
parcelles pour eux.
Enfin, le prêtre dit: Souviens-Toi, Seigneur, de mon indignité,
et pardonne-moi toute offense volontaire et involontaire. Prenant
ensuite l’éponge*, il ordonne sur le discos les parcelles, en sorte
quelles y demeurent en sécurité, sans risque de tomber.

Souviens-Toi, Maître ami des hommes


Lorsque le célébrant enlève une parcelle de la prosphore pour un frère
vivant, « puisqu’elle est placée près du saint Pain, lorsque Celui-ci devient
le Corps du Christ au cours de la liturgie, elle est aussi sanctifiée immé­
diatement. Et lorsqu’elle est placée dans le calice, elle est unie avec le saint
Sang. C’est pourquoi elle transmet la grâce divine à l’âme de celui pour qui
elle est offerte. Il se produit ainsi une communion spirituelle [entre cette
personne et le Christ]. Si [la personne commémorée] est de celles qui sont
pieuses ou qui ont péché et se sont repenties, celle-ci reçoit invisiblement
la communion du Saint-Esprit dans son âme1».
Après avoir commémoré les vivants, le célébrant continue par la commé­
moration des défunts. Ceux-ci ne peuvent s’aider eux-mêmes et attendent
de nous que nous leur montrions notre amour.
La première façon d’aider les défunts est les prières des saints qui
atteignent même l’enfer. Dans la vie de saint Macaire l’Égyptien, il est dit
que le saint rencontra dans le désert le crâne d’un prêtre païen et entendit
une voix qui en émanait, lui disant : « Chaque fois que tu as de la compas­
sion pour ceux qui sont en enfer et que tu pries pour eux, ils reçoivent un
peu de consolation2. »

1. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l'édifice de l ’Église, CIII, PG 155, 748D-749A.


2. Sentences des Pères, série alphabétique, Macaire 38, traduction Solesmes, 1981, p. 186.
La deuxième façon de les aider est la divine liturgie. Nos frères défunts
ne sont pas privés de la sanctification que la communion accorde aux
vivants. « Le Christ se communique aussi à eux, d’une manière que Lui
seul connaît1. » Dans la divine liturgie, les âmes des défunts « reçoivent la
rémission des péchés par les prières des prêtres » et par la grâce des Dons
précieux qui ont été sanctifiés123.
Saint Jean Chrysostome écrit: « Aussi n’est-ce pas en vain que les saints
apôtres ont décrété que la mémoire des défunts devait être faite devant
les saints et redoutables mystères. Ils savaient quel profit, quelle utilité il
en résulterait. Lorsque tout le peuple fidèle est debout, les bras étendus
[en prière], lorsque le corps sacerdotal entier est présent et le redoutable
sacrifice [le Christ] est en leur milieu, comment Dieu ne serait-il pas fléchi
par les prières que nous adressons en leur faveur5» et ne les aiderait-Il pas ?
Aussi, « n’ayons cesse d’aider les défunts et d’offrir la divine Eucharistie
pour eux. Car devant nous se trouve la propitiation du monde entier, le
Christ4 ».

Au moment où le prêtre commémore les vivants et les morts, chaque


fidèle peut aussi mentionner sa famille et ceux qui lui sont chers. Sur la
Sainte Montagne de l’Athos, le célébrant sonne une clochette, de telle
façon que ceux qui sont présents puissent commémorer qui ils souhaitent
et ce au même moment que le prêtre enlève une parcelle pour ces derniers.
La commémoration, lors de la divine liturgie, est l’un des plus grands
bienfaits que nous puissions recevoir de nos frères ou que nous puissions
leur offrir. Le Christ se trouve crucifié devant nous, et nous puisons du
courage dans l’exemple du larron, pour demander : Souviens- Toi de nous,
Seigneur, dans Ton Royaume (Le 23, 42).

Dieu au milieu des dieux

Avec l’Agneau et les parcelles assemblées sur le saint discos, nous avons
une image de l’Église. Auprès du Christ et de Sa Sainte Mère, avec les
anges et les Saints, nous vivons l’événement de l’Assemblée eucharistique
de l’Église dans son universalité : « Nous voyons Jésus Lui-même et toute

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XLII, SC 4 bis, 241.


2. Ibid., XL.V, 255.
3. Sur l'Épître aux Philippiens, III, 4. PG 62, 604.
4. Sur la première Epitre aux Corinthiens, XLI, 5, PG 61, 361.
Son Église une, L’ayant en son milieu, Lui qui est la véritable lumière...
Sa Mère est à droite... Les saints et les anges sont à gauche, tandis qu’en
dessous nous avons la pieuse assemblée des fidèles. Et c’est le grand mystère :
Dieu au milieu des hommes, ou plutôt au milieu des dieux (Ps 81, 1), ceux
qui sont menés à la déification par Celui qui est véritablement Dieu par
nature, qui s’est incarné pour etix. C ’est aussi le Royaume à venir, la cité de
la vie éternelle: Dieu avec nous, vu et partagé1. »
Lors de la divine liturgie, nous voyons sur le discos « l’assemblée de
Dieu » que « le Fils, a Lui-même et par Lui-même réunie12 ». Le Christ
nous a rassemblés dans la liturgie de Son Royaume.

Ensuite, le diacre prend l’encensoir et dit au prêtre: Bénis,


Maître, l ’encens. Et le prêtre le bénit, en disant la prière de
l’encens: Nous T ’offrons l ’encens, ô Christ notre Dieu, comme
un parfum d ’une spirituelle suavité. L’ayant agréé sur Ton Autel
céleste, envoie-nous en retour La grâce de Ton très saint Esprit.

Lorsque l ’âme devient un encensoir

Le Seigneur tout-puissant dit par Son prophète Malachie : Du lever du


soleil à son coucher, Mon Nom a été glorifié parmi les gentils; en tout lieu
on brûle en Mon Nom de l ’encens et on ojfre un sacrifice pur (Ml 1, 11).
« Q uand... cette prédiction a-t-elle été accomplie ? Quand a-t-on brûlé en
tout lieu de l’encens devant le Seigneur ? Quand Lui a-t-on offert un sacri­
fice pur? », demande saint Jean Chrysostome; et de répondre: « Ce n’est
qu’après la venue du Christ. » Le sacrifice pur est la divine Eucharistie.
Lorsque l’on compare le sacrifice judaïque à l’offrande de l’Eucharistie, on
comprend que « le nouveau sacrifice est le seul pur ; car il est offert non par
la fumée et l’odeur des viandes, ni par le sang et le prix du rachat, mais par
la grâce de l’Esprit-Saint3 ».
L’encens qu’utilise maintenant le célébrant est la préfiguration de la
descente du Saint-Esprit sur les Dons offerts : « La fumée odorante signifie
la bonne odeur de l’Esprit saint4. » Lorsque le célébrant encense, « il
honore Dieu par l’offrande et la bonne odeur de l’encens, et montre que

1. Saint Syméon de Thessalonique, Sur la sainte liturgie, 94, PG 155, 285AB.


2. Saint Irénée, Contre les hérésies, III, 6.1, SC 211, 69.
3. Contre les Juifs, V, 12, PG 48, 903.
4. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 400C.
LA D IV IN E L IT U R G IE D E S A IN T JE A N C H R Y S O S T O M E

ce qu’il accomplit, il l’accomplit ensemble avec l’Esprit saint1 ». « L’encens


qui se consume tout en répandant une fumée odorante montre la grâce de
l’Esprit saint... c’est en même temps une vive lueur et un parfum spirituel
qui pénètrent les sens, soit comme lumière visible pour les cœurs purs, soit
comme bois de vie qui crucifie les désirs de la chair, ce bois qui parfume
l’univers*23. »
Saint Jean Chrysostome nous propose d’allumer notre âme par le zèle
divin afin que, par la prière, l’âme devienne elle-même un encensoir:
« L’encens est bon de lui-même et odoriférant, mais pour qu’il répande
sa bonne odeur, il faut qu’il soit en contact avec le feu; de même la prière
est bonne en soi, mais elle est meilleure et plus odoriférante quand elle est
offerte avec ferveur et une âme ardente ; quand l’âme devient un encensoir,
où s’allume un feu dévorant... Embrasez d’abord votre cœur par l’empres­
sement, avant d’y meure la prière3. »
Dans la liturgie de saint Jacques, le célébrant supplie le Christ de le
rendre digne de se tenir devant le saint Autel avec une âme et un corps déga­
geant une bonne odeur: « Maître Seigneur Jésus-Christ, Verbe de Dieu,
qui volontairement T ’es offert à Dieu le Père comme un sacrifice immaculé
sur la Croix, qui es le charbon en deux natures qui, porté par des pincettes,
a touché les lèvres du prophète et qui a ôté ses péchés : touche aussi les sens
de nous autres pécheurs, purifie-nous de toute souillure et présente-nous
purs à Ton saint Autel afin de T ’offrir un sacrifice de louanges. Reçois aussi
cet encens de nous Tes indignes serviteurs comme un parfum de bonne
odeur; parfume la mauvaise odeur de nos âmes et de nos corps, et sanc-
tifie-nous par la puissance sanctifiante de Ton Esprit tout-saint45.»

Le diacre : Prions le Seigneur. Affermis, Maître. Le prêtre prend


l’astérisque*, le présente au-dessus de l’encensoir tenu par le
diacre et le place sur l’Agneau, disant: Voici que l ’astre vint
s’arrêter au-dessus de l ’endroit où était l ’E nfant avec Marie Sa
Mère"'.
Le diacre : Prions le Seigneur. Revêts de beauté, Maître. Le prêtre
encense le premier petit voile et en couvre l’Agneau et le discos
en disant : Le Seigneur règne, Il s’est revêtu de beauté, le Seigneur
L Saint Symcon de Thessalonique, Sur la sainte liturgie, 95, PG 155, 285C.
2. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Discours éthique, XIV, 3, SC 129, 430.
3. Sur le psaume 140, 3, PG 55, 430-431.
4. Prière de l’encens de la liturgie de saint Jacques.
5. Mt 2, 9-11.
s’est revêtu de puissance, Il a mis une ceinture à Ses reins. Car II
a affermi l ’univers, et il ne sera pas ébranlé'.

Le Seigneur règne, Il s’est revêtu de beauté

Avant l’incarnation du Christ, « la nature humaine était asservie au


diable, au péché et à la m ort... Le diable trompait, le péché immolait et la
mort enterrait2 ». Le Christ s’est incarné pour nous libérer de la tyrannie
du diable et du péché et pour nous accorder la liberté du Saint-Esprit : « Le
genre humain s’est soumis à la tyrannie de Satan, après s’être éloigné, par
la chute, du Royaume de Dieu : c’est pourquoi le Fils Unique de Dieu est
venu sur terre, afin de soumettre à nouveau notre race sous Son sceptre et
c’est ce qui s’est produit3. » C ’est ainsi que s’est accomplie la prophétie du
psalmiste : Le Seigneur règne, Il s’est revêtu de beauté. Car « la beauté de Dieu
est le nom donné au salut du genre hum ain1».
Le psalmiste ajoute : Le Seigneur s’est revêtu de puissance, Ll a mis une
ceinture à Ses reins. Quelle est la puissance dont s’est revêtu et s’est ceint le
Christ Roi lorsqu’il s’est incarné? Il s’agit de Son très Saint Corps. Celui-
ci est devenu le vêtement qu’il portait. Le psalmiste « appelle le Corps du
Christ Lui-même Son vêtemenP ». Lorsqu’il se vêt et se ceint, cela symbo­
lise « la destruction des puissances hostiles [du diable], que le Christ a
accomplie, ayant pris la forme, d’une certaine façon, d’un guerrier6 ». La
très sainte chair du Christ est devenue pour Lui un vêtement, un manteau
et une ceinture. « Par ce vêtement et cette ceinture, Il vainquit le diable
puissant. Il arracha à ses mains les captifs et les libéra, enchaînant le diable
lui-même. Et pour nous qui avons été sauvés, la chair du Sauveur est
devenue la puissance de Dieu7 » (1 Co 1, 18).
Le Christ a vaincu et a affermi l ’univers, c’est-à-dire l’Église, sur la pierre
véritable et inébranlable qu’il est Lui-même. L’Eglise bondit de joie pour la
victoire du Christ, et fête solennellement Son Royaume. Cette fête solen­
nelle et universelle est la divine liturgie.
1. Ps 92, 1.
2. Saint Jean Ghrysostome, De ce q u il n'y a qu'un législateur pour l'Ancien et le Nouveau Testament,
III, PG 56, 402.
3. Saint Athanase le Grand, Sur le psaume 92, PG 27, 408A.
4. Ibid.
5. Saint Jean Ghrysostome, De ce qu'il n'y a qu'un législateur pour l'Ancien et le Nouveau Testament,
III, PG 56, 403.
6. Saint Athanase le Grand, Sur le psaume 92, PG 27, 408A.
7. Saint Nicolas Cabasilas, Sur la Dormition, VII, PO 19, 502-503.
I. A D I V I N E L I T U R G I E D E S A I N T J E A N C H R Y S O S T O M E

Le diacre : Prions le Seigneur. Couvre, Maître. Le prêtre présente


le second petit voile au-dessus de l’encensoir et en couvre le
calice, disant : Ta vertu, ô Christ, a couvert les deux, et la Terre
est remplie de Ta louange'.
Le diacre : Prions le Seigneur. Protège, Maître. Le prêtre présente
le troisième voile, c’est-à-dire l’aër**, au-dessus de l’encensoir et
en couvre le discos et le calice, disant: Protège-nous à l ’ombre
de Tes ailes, chasse loin de nous tout ennemi et adversaire1, donne ,
la paix à notre vie, Seigneur. Aie pitié de nous et du monde qui
est Tien, et sauve nos âmes, Toi qui es bon et ami des hommes.

Ta vertu, ô Christ, a couvert les deux, et la Terre est remplie de Ta louange

Le célébrant couvre les Dons offerts « avec les voiles précieux... C’est
qu’en effet la puissance du Dieu incarné était restée voilée jusqu’au temps
fixé des miracles’ ». Les Dons offerts restent couverts depuis cet instant
jusqu’à la récitation du Credo. Le fait de les couvrir nous rappelle que
« Jésus n’était pas connu de tous depuis le début et que, bien qu’incarné, Il
n’a cessé de cacher Sa Divinité et Sa providence... Il n’est connu que dans
la mesure où II se révèle Lui-même4 ».
Durant les trente premières années de Sa vie sur terre, le Christ ne s’est
pas manifesté. Et lorsque plus tard, on Lui dit: Manifeste-toi au monde,
Jésus a répondu : Mon temps n’est pas encore venu (Jn 7, 4-6). Car le temps
du Christ est celui de Son sacrifice5.
***

La vertu de Dieu qui a couvert les cieux se trouve dans Son amour pour
les hommes. Et la plus grande preuve de cet amour est les dons que nous
procurent le baptême et l’Eucharistie. Qu’est-ce qui peut être comparé à
ces grands dons ? « Que des hommes deviennent dieux et fils de Dieu, que
notre nature reçoive l’honneur dû à Dieu, et que la poussière soit élevée
à une si haute gloire quelle obtient même honneur et même divinité que
1. Ha 3, 3.
2. Ps 16, 8.
3. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XI, SC 4 bis, 101.
4. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l ’édifice de l ’Église, LXVII, PG 155, 729C.
5. Le Christ dit par saint Jean Chrysostome: « Pour moi, ce sera mon temps, lorsque le temps de
la Croix sera venu » {SurJean, XLVIII, 2, PG 59, 271).
la nature divine elle-même... La voilà, je pense, la vertu de Dieu qui a
couvert les deux1. »
Lorsqu’il couvre les Dons précieux, le célébrant récite la parole prophé­
tique qui a été accomplie lorsque le Christ est devenu homme. Et il
demande au Seigneur qu’il accorde Sa protection et Sa miséricorde au
monde entier.

Le diacre : Bénis, Maître. Le prêtre prend l’encensoir et encense


| trois fois la prothèse en disant chaque fois : Béni sois-Tu, ô notre
\ Dieu, car tel a été Ton bon plaisir. Gloire à Toi.
Le diacre ajoute à chaque fois : En tout temps, maintenant et
toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

La bénédiction de Dieu et la bénédiction de l ’homme

Le livre de la Genèse dit que Dieu a béni la création, l’homme et le


temps (Gn 1, 22-28 ; 2,3). Ayant reçu la bénédiction de Dieu, l’homme
devait rendre le don en glorifiant Son saint nom. Cependant, le péché ne
l’a pas seulement empêché de glorifier son Créateur, mais a transformé la
bénédiction de Dieu en malédiction. Or, à nouveau, le Père qui aime les
hommes n’a pas abandonné Sa créature, mais envoie au monde la Béné­
diction, le Christ : « Par la maladie de la désobéissance, Eve a instauré la
malédiction; mais toi, ô Vierge Mère de Dieu, tu as fait fleurir pour le
monde la bénédiction’. »
Le Christ, la Bénédiction du Père, nous a libérés de la malédiction, étant
devenu pour nous malédiction (Ga 3, 13). Saint Jean Chrysostome dit : « De
même que [le Christ] s’est humilié pour te relever, qu’il est mort pour te
rendre immortel, ainsi II est devenu malédiction afin de te combler de Sa
bénédiction'. »
Lors de la divine liturgie, nous recevons le Christ, la plénitude de toute
bénédiction, et nous Lui rendons grâces, en bénissant. Mais la bénédic­
tion que nous célébrons est un nouveau don de Dieu. « Celui qui bénit
Dieu gagne quelque chose pour lui-même, ajoutant à sa propre gloire sans
donner à Dieu en aucune façon. Dieu, au contraire, en nous bénissant,123

1. Saint Nicolas Cabasilas, l.a Vie en Christ, I, SC 355, 101.


2. Octoèquc, ton 4, matines du lundi, canon, hirmos de la 9e ode.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 44, 4, PG 35, 188-189.
nous rend plus glorieux... de sorte que, dans les deux cas, le profit est pour
nous-mêmes1. »
Le Christ souhaite que notre vie entière soit une liturgie continuelle
pour nous offrir Ses bénédictions. Aussi, « faisons donc tous nos efforts
pour vivre de telle façon et pour montrer un tel zèle pour la vertu, que tous
ceux qui nous verront élèvent des hymnes de bénédiction à Dieu notre
Maître. Dans Sa bonté et Son amour pour les hommes, Il veut être glorifié
par nous; ce n’est pas qu’il en reçoive le moindre accroissement de gloire;
Il n’a besoin de rien, mais II veut que nous Lui fournissions nous-mêmes
l’occasion de nous montrer plus d’amour12 ».
Nous commençons chaque office et sacrement par la doxologie (la béné­
diction) de Dieu, parce que c’est par eux que nous recevons Sa grâce. Nous
recevons plus encore Sa grâce à la divine liturgie, car nous recevons le
Christ Lui-même, la bénédiction de Dieu le Père. C’est cette bénédiction
adressée à Dieu que l’apôtre Paul a en vue lorsqu’il appelle la coupe de
l’Eucharistie la coupe de bénédiction (1 Co 10, 16).
La Très Sainte Mère de Dieu, par son ministère dans le mystère de
l’incarnation du Verbe, est devenue l’instrument de la glorification de
la Sainte Trinité ; « En toi, le mystère de la Trinité est chanté et glorifié,
Immaculée3. » De la même façon, par son ministère dans le mystère de
l’incarnation eucharistique du Verbe, le célébrant devient l’instrument par
lequel est glorifié le Triple Soleil de la Divinité : il encense trois fois, et
bénit chaque fois le nom de Dieu le Père, qui a bien voulu dispenser à
l’homme Ses bienfaits par le Fils dans le Saint-Esprit. Avant même que
ne commence la divine liturgie, l’homme fait l’expérience de l’amour de
Dieu. Il Le bénit spontanément et Le glorifie. Et lorsque commence la
célébration du Mystère, l’homme entre dans le Royaume béni du Père, et du
Fils, et du Saint-Esprit.

Le diacre prend l’encensoir et dit: Sur cette offrande sainte et


sacrée des Dons précieux, prions le Seigneur.
Le prêtre dit ensuite avec un cœur contrit la Prière de
l’Offrande:
O Dieu, notre Dieu, Toi qui nous as envoyé le Pain céleste, nour­
riture du monde entier, notre Seigneur et Dieu, Jésus-Christ,

1. td., Sur le psaume 113, 5, PC 55. 311.


2. ld„ Sur la Genèse, XXIX, 7, PG 53. 271.
3. Fête de la Nativité de la Mère de Dieu, 8 septembre, canon des matines, 6' ode.
Sauveur, Rédempteur et Bienfaiteur pour nous bénir et nous sanc­
tifier, Toi-même, bénis cette offrande et reçois-la sur Ton saint
Autel supracéleste. Souviens-Toi, dans Ta bonté et Ton amour
pour les hommes, de ceux qui l ’ont offerte, et de ceux pour qui ils
l ’ont offerte, etpréserve-nous de toute condamnation quand nous
célébrons Tes divins mystères. Car Ton Nom très honoré et magni­
fique est sanctifié et glorifié, Père, Fils et Saint-Esprit, mainte­
nant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.
\ Et le prêtre donne le congé.

Du Père par le Fils dans le Saint-Esprit


Le Christ est le Pain céleste, le Pain de la vie éternelle' (Jn 6, 41, 54).
Le fait que la communion au Pain de vie ait pour fruit la vie éternelle
« démontre clairement que le Pain vient du Ciel, c’est-à-dire de Dieu le
Père’ ». Le Christ nous le confirme: C ’est mon Père qui vous donne le véri­
table pain du Ciel (Jn 6, 32). Le symbole de l’assentiment du Père à l’of­
frande du Fils est le voile par lequel le célébrant couvre les Dons offerts et
qui est appelé l’aër. Cet assentiment est également révélé par les paroles du
Christ à Pilate : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’i l ne t’avait été donné
d ’en-haut (Jn 19, 11). L’expression donné d ’en-haut signifie l’assentiment
du Père à la passion du Fils et veut dire en même temps que le Fils accepte
volontairement Son sacrifice sur la Croix*.
Par l’office de la prothèse, l’Église nous prépare au mystère de la théurgie
trinitaire: le Christ est offert, le Père donne Son assentiment et le Très-saint
Esprit - qui est symbolisé par l’encens - prépare l’entrée du Grand Roi.
Tout se produit et vient « du Père, par le Fils, dans le Saint-Esprit4 ».

Le diacre encense la prothèse, puis l’Autel en en faisant le tour


(en forme de croix), le sanctuaire et le peuple, disant à voix
basse les tropaires :
Au tombeau avec Ton corps, aux enfers avec Ton âme, comme
Dieu au Paradis avec le bon larron, Tu siégeais sur le trône avec
le Père et l ’Esprit, ô Christ emplissant l ’univers, Toi que nul ne
peut cerner.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit.
1. Office de préparation à la sainte communion, canon, P1ode.
2. Saint Cyrille d’Alexandrie, Sur Jean, IV, 3, PG 73, 596A.
3. Ibid., XII, PG 74 , 641 AB.
4. Ibid., X, 2, PG 74 , 336A.
lJLus beau que le Paradis en vérité, plus brillant que toute demeure
de roi, ô Christ, nous est apparu Ton sépulcre vivifiant. Il est la
source de notre résurrection.
Et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.
Réjouis-Toi, demeure sanctifiée, divin tabernacle du Très-Haut:
Mère de Dieu, c’est par toi que nous est donnée la joie et nous
crions: tu es bénie entre lesfemmes, Souveraine immaculée'.
Et il remet l’encensoir à sa place.
i_____________ _________________________________________

L’église entière est encensée


L’encensement, par le célébrant de l’Autel, du sanctuaire et de toute
l’église, avant de commencer la célébration d’un sacrement ou tout autre
office, constitue un usage très ancien’. Cela se fait également avant la
divine liturgie.
Selon saint Syméon de Thessalonique, le célébrant encense « en forme
de croix la prothèse et la sainte Table, et ensuite tout le sanctuaire. De
cette façon, il montre que la transmission des dons de Dieu commence
en premier lieu depuis le sanctuaire sacré, et de là se poursuit dans le reste
de l’église. Par ailleurs, certains célébrants encensent aussi toute l’église et
le peuple, ce que rapporte saint Denys. Il dit qu’avant la divine liturgie,
toute l’église est encensée, en commençant et en finissant par le saint Autel.
Car Dieu est le commencement et la fin des biens, et l’Autel est le trône
et la place de Dieu' ». En encensant de cette façon, le célébrant « mani­
feste la grâce, le don et la bonne odeur du Saint-Esprit qui est répandue
depuis le Ciel sur le monde par Jésus-Christ et qui par le Christ est montée
au Ciel4 ». Les trois tropaires susmentionnés que le célébrant récite tandis
qu’il encense se rapportent à la Résurrection du Christ, le mystère que nous
vivons à chaque liturgie. Le premier tropaire, particulièrement, nous intro­
duit dans l ’espace et le temps liturgiques. Le Christ, qui est avec nous, est
le Dieu incirconscrit, qui emplit toutes choses. Pour cette raison, l’espace
de la divine liturgie est l’infini, et son temps est l’éternité. C ’est dans cet
espace et dans ce temps que le célébrant nous accueille en nous encensant.
L’encensement à ce moment rappelle l’usage des peuples d’Orient de
recevoir leurs hôtes en leur oignant la tête avec une huile parfumée (Le 7,
1. Compiles, semaine de Pâques.
2. Saint Denys l’Aréopagite, Truité de la hiérarchie ecclésiastique, 3, 2, PG 3, 425B, traduction de
Maurice de Gandillac, p. 264.
3. Sur la sainte liturgie, 96, PG 155, 288C.
4. Ibid., 289A.
46). Le Christ, par le célébrant, nous reçoit dans Sa maison, où nous
sommes invités au Banquet eucharistique.

Au moment de commencer la divine liturgie, le diacre, tenant


l’orarion et inclinant sa tête devant le prêtre, dit : Voici le temps
d ’agir pour le Seigneur', Maître saint, bénis.
Le prêtre pose sa main droite sur la tête du diacre, en disant:
Béni soit notre Dieu en tout temps, maintenant et toujours, et
dans les siècles des siècles.
Le diacre : Amen. Prie pour moi, Maître saint.
Le prêtre : Que le Seigneur dirige tespas pour toute œuvre bonne-.
Le diacre : Souviens-toi de moi, Maître saint.
Le prêtre: Que le Seigneur Dieu se souvienne de toi dans Son
Royaume-, en tout temps, maintenant et toujours, et dans les
siècles des siècles.
Le diacre : Amen.
Le prêtre s’incline trois fois, et dit d ’une humble voix : Gloire à
Dieu dans les hauteurs, et paix sur terre, bienveillance parmi les
hommes (trois fois). Ensuite :
Seigneur, Tu ouvriras mes lèvres et ma bouche annoncera Ta
louange (deux fois). Seigneur, Seigneur, ouvre-nous la porte de
Ta miséricorde '.
\ Et ils commencent ainsi la divine liturgie.

Voici le temps d ’agir pour le Seigneur

Alors que nous nous préparons à commencer la divine liturgie, le temps


du Christ s’approche. C’est ce que nous rappelle le diacre à ce moment,
tandis qu’il s’adresse au célébrant et dit: Voici le temps d ’agir pour le
Seigneur. Il est temps de céder notre place au Seigneur, afin qu’il devienne
Lui-même le célébrant de l’office que nous offrons, qu’il l’accepte et que,
par celui-ci, Il nous soit donné Lui-même.
Lorsque l’on proposa au Christ de monter à la fête des Tabernacles, Il
répondit: Je n’y monterai pas, car mon temps n’est pas encore accompli (Jn 7,1

1. Ps 118, 126.
2. 2 Tm 2, 21.
1 Le 23, 42.
4. I.c 2, 14; Ps 30. 17; l e 13, 24.
8). Mon temps n’est pas encore accompli, « c’est-à-dire le moment de la
Croix et de la m ort1». C ’est ce temps que nous vivons dans la divine liturgie.
Le temps du Christ est aussi Sa gloire à venir, dont les fêtes juives étaient
l’ombre et la préfiguration. C ’est ainsi que le Christ dit: « Je ne viens pas à
cette fête [juive]... car rien ne me réjouit en elle. J’attends plutôt le temps
de la véritable festivité, qui n’est pas encore arrivé. C’est alors, lorsque
viendra mon temps, que je serai avec mes disciples, me réjouissant dans
la splendeur des saints, et je brillerai de l’éclat suprême dans la gloire du
Père’. » La divine liturgie est la préfiguration de ce temps du Royaume de
Dieu à venir
Que le Seigneur dirige tes pas pour toute œuvre bonne, dit le prêtre au
diacre. L'œuvre bonne par excellence est la liturgie, par laquelle Dieu - le
Bien primordial - œuvre à notre salut. Le Christ nous a dit: Mon Père,
jusqu’à présent, est à l ’œuvre et moi aussi je suis à l ’œuvre (Jn 5, 17). Par
la liturgie, Dieu continue l’œuvre de la création : Il recrée l’homme et le
monde. La divine liturgie est l’œuvre du Seigneur: Voici le temps d ’agir
pour le Seigneur.12

1. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, X LVIII, 2, PG 59, 271.


2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, IV, 5, PG 73, 644A.
II

LA D IV IN E LITURGIE

O Seigneur notre Dieu... En ôtant les voiles des symboles énigmatiques [les
paroles et les actions] qui enveloppent ce rite sacré, montre-nous distinctement
celui-ci et inonde nos yeux spirituels de Ta lumière infinie.
Liturgie de saint Jacques, prière de l’anaphore

1. L’ecténie de paix et les antiphones

Le prêtre, élevant le saint Évangile et traçant avec celui-ci le


signe de la Croix sur l’Autel, dit: Béni soit le Royaume du Père
et du Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles
des siècles.
Le chœur répond : Amen.

La liturgie transforme la Terre en Ciel


Par l’incarnation du Christ, le mystère du Dieu Trinitaire a été révélé aux
hommes. « Et puisque ce qui est accompli dans la divine liturgie est une
initiation sacramentelle à l’incarnation du Seigneur, il convenait que dès
son commencement rayonnât et fût annoncée la Sainte Trinité1. » C ’est
pourquoi le prêtre commence avec cette doxologie trinitaire : Béni soit le
Royaume du Père et du Fils et du Saint-Esprit. La divine liturgie est la révé­
lation du Royaume béni du Dieu Trinitaire.
1. S a i n t G e r m a i n d e C o n s t a n t i n o p l e , Contem plation , P G 9 8 , 401 B.
La divine liturgie, comme manifestation du Royaume, est en même
temps le mystère de la présence du Christ sur terre, car celle-ci est le
Royaume. Le Christ demande par la bouche de saint Jean Chrysostome:
« Qu’est-cc que le Royaume de Dieu? » Et II répond: « Ma présence1. »
Cette présence du Christ est célébrée dans la divine liturgie. Durant sa
célébration, le Christ « apparaît dans les saints Mystères mêmes2 ».
La présence liturgique du Christ, à savoir le Mystère eucharistique,
« transforme la Terre en Ciel... Ce qu’il y a de plus précieux dans le Ciel,
il te le montre ici-bas sur terre...: le Seigneur même des anges et des
archanges' ». L’église, où se rassemblent les fidèles pour rendre grâces au
Seigneur, est « le séjour des anges, le séjour des archanges, le palais de Dieu,
le Ciel lui-même'' ».
« Avant l’incarnation du Verbe de Dieu, le Royaume des Cieux était
aussi éloigné de nous que l’est le Ciel de la Terre. Cependant, lorsque le Roi
des Cieux est venu parmi nous et a daigné s’unir à nous, alors le Royaume
des Cieux s’est approché de nous tous (Mt, 4, 17) S » Par l’incarnation du
Christ s’est ouverte la porte du Royaume et, par la divine liturgie, nous la
franchissons. Dans la divine liturgie, nous avons un avant-goût des biens
royaux. Car la divine liturgie est la Table du Royaume, et ceux qui y parti­
cipent passent, par la mort, « d’une Table à une autre Table, de celle qui est
encore voilée à celle qui est déjà dévoilée6 ».
Tous ceux qui participent à la divine liturgie cheminent vers le Royaume
qui commence à se manifester.

La Croix est le symbole du Royaume

Au moment où le prêtre glorifie le Royaume de Dieu, il trace avec le


saint Évangile le signe de la Croix sur l’Autel. La première parole de la
divine liturgie est une doxologie, le premier acte est la Croix. La divine
liturgie est le Royaume de Dieu, que l’on atteint par la Croix.
La Croix est la preuve que le Christ est le seul véritable Roi. Le larron
qui fut crucifié à la droite du Christ proclame - « il fait de la théologie » -
du haut de la Croix: « La Croix est le symbole du Royaume. J ’appelle le
1. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, XLI, 2, PC, 57, 447.
2. Id., Sur l ’Imompréhensibilité, IV, 4, SC 28 bis, 259.
3. Id., Sur ht première Épitre aux Corinthiens, XXIV, 5 PG 61, 205.
4. Ibid., XXXVI, 5, PG 61, 313.
5. Saint Grégoire Palamas, Homélie, XXXI, 6, PC, 151,392C.
6. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie eu Christ, IV, SC 355, 335.
Christ Roi, précisément parce que je Le vois être crucifié; car le propre
d’un roi est de mourir pour ses sujets. Le Christ a dit : Le bon pasteur donne
sa vie pour ses brebis (Jn 10, 11), donc le bon roi aussi donne sa vie pour ses
sujets. Et parce qu’il a donné Sa vie, je L’appelle Roi : souviens-Toi de moi,
Seigneur, dans Ton Royaume'. »
***

Avant que le Christ ne fût crucifié, « la croix signifiait le châtiment,


mais maintenant elle est devenue objet d’honneur. Auparavant symbole
de la condamnation, elle est maintenant fondement de notre salut2 ». Par
la Croix, nous avons trouvé la voie qui mène au Royaume : « Grâce à elle,
nous n’errons plus dans les déserts, car nous connaissons la véritable voie ;
nous n’habitons plus hors du palais royal, car nous avons trouvé la porte3. »
Le Royaume de Dieu nous a été accordé par la Croix : « C ’est elle qui
nous a ouvert le Paradis, qui était fermé... Car le Christ a dit [au larron] :
Aujourd’hui, tu seras avec moi au Paradis4 (Le 23, 43). »
La Croix du Christ n’est pas seulement la voie qui mène au Paradis
et la porte qui y introduit, mais elle est aussi le « magnifique paradis de
l’Église5 ». Elle est l’arbre de la vie nouvelle et incorruptible, qui nourrit
les fidèles :

« L’arbre de l’Éden apporta jadis l’amertume,


tandis que l’arbre de la Croix fit fleurir une vie suave ;
car Adam, en mangeant, glissa dans la corruption,
mais nous, en nous rassasiant de la chair du Christ,
nous sommes vivifiés et déifiés mystiquement,
recevant l’éternel Royaume de Dieu6. »
***

Le Christ est le Souverain du Royaume qui est venu et qui vient. Il est
venu par la Croix et vient avec la Croix. Car lorsque viendra la fin, alors
apparaîtra le signe du Fils de l ’homme (Mt 24, 30), c’est-à-dire la Croix.
Lorsque la lumière de ce monde s’éteindra définitivement, alors le signe de
1. Saint Jean Chrysostome, Sur la Croix et le larron, I, 3 PG 49, 403.
2. Ibid.
3. Ibid.
4. Ibid., 401.
5. Dimanche de l’adoration de la Croix, stichère des vêpres.
6. Octoèquc, ton 8, mercredi matin, cathisme.
la Croix rayonnera comme un nouveau soleil. Et, « de même qu’à l’entrée
d’un roi dans une ville, ses soldats marchent en avant portant sur leurs
épaules ses étendards, et annoncent par avance son entrée' », ainsi, lors
du second avènement, « lorsque le Seigneur descendra des Cieux, Il sera
précédé par la multitude des anges et des archanges, portant la Croix sur
leurs épaules et nous annonçant Son entrée royale123».
La Croix du Christ est la voie, la porte et l’annonciatrice du Royaume
de Dieu.

Les fidèles ajoutent l ’A m en

Les fidèles scellent la doxologie prononcée par le prêtre, en chantant


Amen5.
Par cette réponse, les fidèles acceptent cette vérité qui est exprimée
dans l’ecphonèse du célébrant, et souhaitent goûter les biens du Royaume
Trinitaire.
Les fidèles « ajoutent Am en , et par cette seule acclamation font tout
ce que leur dit le prêtre4 ». Cette conclusion de chacune des ecphonèses
du prêtre manifeste que ce qui « manque à la perfection des prêtres est
complété par l’action du peuple, et Dieu accepte les petits avec les grands
(Ps 113, 21), dans l’unité de l’esprit. Car l’assemblée ecclésiale elle aussi
croit que ses propres prières sont reçues [par Dieu] lorsqu’il les joint à celles
des prêtres5 ».
Par l’acquiescement des fidèles, la bénédiction du prêtre monte vers
l’Autel supracéleste. Les fidèles participent activement à la divine liturgie
qui, à chaque instant, confirme son appellation : elle est en effet l’œuvre
du peuple6.

Le diacre dit : En paix, prions le Seigneur. Le chœur répond à


chacune des demandes : Kyrie eleison.

1. Saint Jean Chrysostome, Sur la Croix et le larron, I, 4, PG 49, 404.


2. Ibid.
3. Amen est un mot hébreu signifiant « vraiment », « qu'il en soit ainsi ». Saint Jérôme compare le
chant de YAmen au tonnerre du ciel (Sur l ’Epitre aux Galates, PL 26, 355B).
4. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XV, SC 4 bis, 124.
5. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur la première Épitre aux Corinthiens, PG 74, 893B.
6. Le mot grec leitourgia est composé de leitos, qui signifie commun, public, et du mot erçon, à
savoir Pacte, l’action, l’œuvre. Par conséquent liturgie signifie l’œuvre, l'action commune du
peuple.
Immédiatement après la glorification du Royaume de Dieu, notre mère
l’Église nous enseigne comment prier de façon liturgique : accomplissons
en paix nos demandes au Seigneur. En paix, prions le Seigneur.
Le chemin qui mène à la divine liturgie est la paix de l’âme. Sans elle,
nous ne pouvons vivre la liturgie : « Sans la sérénité des pensées, l’intellect
ne peut pénétrer dans le secret des mystères1. » La participation réelle dans
le Mystère eucharistique est analogue à notre sérénité intérieure : « Autant
le cœur obtient la sérénité grâce à son éloignement du souvenir des choses
extérieures, autant l’intellect devient capable de recevoir la connaissance
et l’émerveillement grâce à la compréhension des pensées et des réalités
divines2. »
Toutefois, la véritable paix de l’âme est offerte là où est célébrée la sainte
anaphore, sur l’Autel céleste : « En-haut se trouve la paix véritable. » Et
nous cheminons vers l’Autel en paix. « Recherche la paix... Acquiers un
intellect serein et un état de l’âme calme, sans agitation ni trouble... afin
d’acquérir la paix de Dieu qui dépasse toute intelligence (Ph 4, 7) comme
gardienne de ton cœur3. »
***

Le fait que l’homme soit l’image de Dieu signifie que la nature humaine
a été créée « pacifique, paisible, calme, attachée étroitement à Dieu et à elle-
même par le lien de l’amour4 ». La paix que l’homme a reçue comme don
de Dieu, il en jouit en vivant auprès de Lui, en vivant une vie vertueuse.
Car « rien d’autre n’apaise autant notre âme que la connaissance de Dieu et
l’acquisition de la vertu5 ». Cependant, le péché a apporté à l’homme et au
monde la confusion et le trouble. « Car le mal, par nature, est disloquant,
versatile, multiforme et diviseur6. » Par le péché, l’homme est devenu l’en­
nemi de lui-même et de Dieu. Au point où l’homme en était venu, seul le
Christ pouvait l’aider, l’apaiser : « Le Christ Lui seul réconcilie avec Dieu,
1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, V, traduction française du père Placide Deseille, mo-
nastèrc Saint-Antoine-le-Grand, 2006, p. 87.
2. Ibid.yXXIII, p. 182.
3. Saint Basile le Grand, Sur le psaume 33, 10, PG 29, 376BC.
4. Saint Maxime le Confesseur, Centurie IIIsur la théologie, 46, traduction française in Philocalie
des pères neptiques, op. cit., p. 466.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 4, 11, PG 35, 57.
6. Saint Maxime le Confesseur, Centurie IIIsur la théologie, 49, traduction française in Philocalie
des pères neptiques, op. cit., p. 467.
Lui seul produit cette paix de l’âme1. » Pour cette raison précisément, « le
Dieu qui aime l’homme est devenu homme, afin de réunir à Lui-même la
nature des hommes, et pour que celle-ci cesse de se maltraiter, soulevée et
divisée surtout contre elle-même12 ».

La paix que le Christ a apportée par Son incarnation, nous la gagnons


par le repentir: « Par le flot incessant des larmes, l’âme obtient la paix
des pensées. Par cette paix des pensées, elle est élevée jusqu’à la pureté de
l’intellect. Et par cette pureté de l’intellect, l’homme en arrive à voir les
mystères de Dieu3. » Les larmes de repentir sont le commencement du
chemin. Elles sont le premier degré de l’échelle qui nous élève à la contem­
plation des divins Mystères. Le deuxième degré est la paix de l’âme.
Lorsque nous L’approchons par la pénitence, le Christ nous amène là
où règne Sa paix: Va en paix (Le 7, 50). Il nous envoie dans Sa sainte
demeure, l’église, qui est « l’inviolable asile de la paix » de Dieu. Là, notre
âme, guidée par le Grand-Prêtre - le Christ - s’exerce dans le Saint-Esprit
à la contemplation de Dieu. Cette contemplation est « paisible et exempte
de tout trouble4 ».
La divine liturgie est le Mystère de la paix de Dieu: « Ce Mystère est
le Mystère de la paix5. » Car la divine liturgie est notre rencontre avec le
Christ qui est la véritable paix de l’homme6.

Le diacre dit : Pour la paix qui vient d ’en-haut et le salut de nos


âmes, prions le Seigneur.

Le Christ est notre paix

Après nous avoir montré par la première demande la façon de prier,


l’Église nous enseigne maintenant ce que nous devons demander en
1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, 44, SC 4 bis, p. 252.
2. Saint Maxime le Confesseur, Centurie III sur la théologie, 47, traduction française in Philocalie
des pères neptiques, op. cit., p. 466.
3. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques. IX, 1, traduction française du père Placide Deseille,
op. cit., p. 112.
4. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, XXIII, PG 91,697D, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la Foi », 2005, p. 131.
5. Saint Jean Chrysostomc, Sur Matthieu, 1., 3, PG 58, 508.
6. Octoèque, doxasticon du 6‘ évangile des matines.
premier lieu : la paix de Dieu et le salut de nos âmes! C ’est ce que le Christ
nous a appris en disant : Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et sa
justice (Mt 6, 33). Réellement, « le salut des âmes signifie le Royaume de
Dieu, et la paix qui vient d’en-haut signifie la justice1 ». La justice de Dieu
est la vie vertueuse. C ’est la vie que l’homme a méprisée par la chute, et qui
lui a été donnée à nouveau comme don par Celui qui a étéfait pour nous...
justice de Dieu et sanctification (1 Co 1, 31).
Par Sa nativité, le Christ a apporté sur terre la véritable paix, comme
le chantèrent les saints anges: Gloire à Dieu dans les hauteurs et paix sur
terre, bienveillance parmi les hommes (Le 2, 14). Les saints anges ont gardé
la place qui leur avait été donnée « et ils sont en paix avec Dieu. Car ils
ne transgressent en rien Sa volonté, mais restent stables dans la justice et
la sanctification. Tandis que nous, malheureux, avons élevé nos désirs en
opposition à la volonté du Maître et avons adopté une attitude d’inimitié
envers Lui. Cela a été détruit par le Christ, car II est notre paix, et par Sa
propre Personne, Il nous a réunis avec Dieu le Père, expulsant le péché...
Le Christ est donc devenu pour nous paix et bienveillance12 ».

La réconciliation du Ciel et de la Terre a été réalisée par le Christ : Dans


le ChristJésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches grâce au sang
du Christ. Car c’est Lui qui est notre paix, Lui qui des deux peuples n’en a fa it
qu’un, détruisant la barrière qui les séparait... pour créer en Sa Personne les
deux en un seul homme nouveau, faire la paix, et les réconcilier avec Dieu en
un seul corps, par la Croix: en Sa Personne, Il a tué la haine. Alors, Il est venu
proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin et paix pour ceux qui étaient
proches (Ép 2, 13-17).
Le Christ est devenu homme et a offert aux hommes la paix de Dieu.
Sur la sainte Table « le Christ se trouve immolé. Pour qui et pourquoi a-t-Il
été immolé ? » demande saint Jean Chrysostome. Et de répondre : « Pour
mettre en paix le Ciel avec la Terre, pour te rendre ami des anges, pour te
réconcilier avec le Maître de toutes choses. Pour faire de toi un ami, toi
l’ennemi et l’adversaire... C ’est pour que tu aies la paix avec ton frère que
ce Sacrifice a été institué3. »
Par la grâce du sacrifice du Christ qui procure la paix, nous pouvons
dépasser les obstacles qui nous séparent du Royaume de la paix : « Lorsque

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XII, SC 4 bis, 108.


2. Saint Cyrille d’Alexandrie, Sur Luc, II, PG 72, 493CD-496A.
3. Sur ta trahison de Judas, I, 6, PG 49, 381-382.
nous revenons de l’ivresse des passions et que nous nous dressons contre
la malice et le règne tyrannique du diable... c’est alors que nous recevons
invisiblement en nous la présence pleine de paix du Christ, le Roi paisible
et doux1. » Lorsque l’homme atteint le pays de l’impassibilité, son intellect
« est mystiquement édifié par la paix, et devient la demeure de Dieu2 ».
La paix de Dieu transforme l’homme en temple. Et Dieu s’installe dans
l’homme. Le lieu où II réside, c’est la paix, et Sa demeure est en Sion (Ps 75,
3).

Pour la paix du monde entier, la prospérité des saintes Eglises de


Dieu et l ’union de tous, prions le Seigneur.

La paix du monde entier

Nous fidèles avons tous pour Père commun le Seigneur, et sommes


membres de Sa famille spirituelle, l’Église. Avec les yeux de l’amour nous
serrons nos frères dans nos bras, aussi loin soient-ils, et nous supplions le
Seigneur pour eux. « Tels sont les yeux de l’amour: ni l’éloignement ne les
gêne, ni le temps ne les flétrit ’. » L’amour est « source de feu4 », et il « a
l’essor de la flamme’ », c’est-à-dire qu’il imite le mouvement rapide de la
flamme. L’amour parcourt le monde entier, s’étend au monde entier.
Dans la même demande, nous demandons au Seigneur de jouir des
fruits de Sa paix : la prospérité des Églises locales, l’unité de tous dans Sa
vérité. La paix a pour fruit la prospérité des saintes Eglises de Dieu. Dans
la paix de Dieu, le navire de l’Église navigue stablement vers le port non
agité du Royaume. C’est pour cette raison que, dans la divine liturgie, nous
demandons : « Souviens-toi, Seigneur, de Ton Église Sainte, Catholique et
Apostolique... pacifie-la... Par la puissance de Ton Esprit saint, hâte-toi de
mettre un terme aux révoltes des hérésies... Accorde-nous Ta paix et Ton
amour, Seigneur notre Dieu6 ».

1. Saint Maxime le Confesseur, LettreXLIII, PG 91, 640AB.


2. Id., Centurie 1 sur la théologie, 53, PG 90,1104A, traduction française, Philocalie, op. cit., tome
A, p. 429.
3. Saint Jean Chrysostome, Lettre XXXVI, PG 52, 630.
4. Saint Jean Climaque, [.'Echelle sainte, Trentième Degré, 37, PG 88, 1160B, traduction fran­
çaise, op. cit., p. 309.
5. Saint Jean Chrysostome, Lettre CCXXII, PG 52, 734.
6. Liturgie de saint Basile, prière après la Consécration.
Le fruit de la paix est l’unité en Christ. La paix « est la force qui unit
toutes choses, qui engendre et qui produit toute concorde et toute cohé­
sion' ». L’apôtre Paul souligne également la force unifiante de la paix. Il
écrit : frères, conservez l ’u nité de l ’Esprit par le lien de la paix (Ep 4, 3). Réel­
lement, « il ne peut y avoir unité de l’Esprit dans l’inimitié et la discorde...
L’apôtre Paul écrit cela car il veut que les fidèles soient unis les uns aux
autres. Il ne nous demande pas seulement de vivre en paix, de simplement
nous aimer, mais d’être tous un, une seule âme: ».
La confusion et le bruit, principalement comme états intérieurs de
l’homme, disloquent l’intellect. « L’esprit agité ne saurait en aucune façon
s’unir à Dieu... De même que la paix unifie la multitude, de même l’agi­
tation fait de l’individu une multitude’ », c’est-à-dire qu’il le divise. La
paix nous unit entre nous, elle nous unit aussi avec Dieu. C’est pour cette
raison que nous demandons au Seigneur : « Seigneur, Tu nous as donné la
paix, la concorde entre nous. Donne-nous aussi la paix, l’unité indivisible
avec Toi, afin qu’étant en paix avec le Saint-Esprit que Tu plaças en nous
lorsque au commencement Tu nous créas, nous soyons inséparables de Ton
amour '. »
Par ce lien de la paix aimante, saint Jean Chrysostome nous exhorte à
nous unir entre nous et avec Dieu. « Noble lien ! Servons-nous-en pour
nous unir entre nous et avec Dieu’. » Ce lien ne tourmente pas ceux qu’il
lie. Il ne les gêne pas. Au contraire, il leur donne de se sentir plus libres que
« ceux qui sont en liberté », et leur « apporte beaucoup d’aisance6 ». Unis
les uns aux autres par le lien de la paix et de l’amour, nous, fidèles, parve­
nons, par la divine liturgie, à l’espace de l’amour de Dieu.

Celui qui demande la paix, demande le Christ

Dans le monde où nous vivons, nous voyons souvent « l’océan de cette


vie s’emporter7 », mais nous ne ressentons pas la présence du Christ, le
Prince de la paix. Notre vie ressemble à un cheminement dans les ténèbres1234567

1. Saint Denys l’Aréopagite, Truité des notas divins, XI, 1, PG 3, 948D, traduction de Maurice de
Gandillac, p. 164.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur l ’Épitre aux Éphésiens, IX, 3, PG 62, 72-73.
3. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XII, SC 4 bis, 111.
4. Saint Isidore de Péluse, Lettres, 1, 122, PG 78, 264C.
5. Sur l ’Épitre aux Ephésiens, IX, 3, PC, 62, 73.
6. Ibid.
7. Octoèque, ton 6, hirmos 3 de la 6‘ ode du canon des matines.
épaisses. De forts vents contraires soufflent en nous. Nous nous heurtons
aux vagues, sans ressentir aucune consolation, ni divine, ni humaine. Nous
expérimentons ainsi ce que décrit saint Grégoire le Théologien : « C’est la
navigation dans la nuit; de lumière, nulle part, le Christ d o rt1. »
C’est dans cet état que nous arrivons à la maison de Dieu. Là, nous ressen­
tons que « l’Église du Christ est la paix sereine*12 ». Et lorsque commence la
divine liturgie, nous demandons de toutes nos forces la paix qui vient des
hauteurs, la paix de l’âme, la paix du monde. En demandant la paix, en
réalité nous demandons le Christ Lui-même : « Celui qui recherche la paix,
recherche le Christ, car II est la paix345.»

Pour cette sainte Maison et ceux qui y entrent avec foi, piété et
crainte de Dieu, prions le Seigneur.

L’église est le Ciel sur Terre

Chaque fois que nous pénétrons dans la maison de Dieu, « nous entrons
dans un palais céleste... A l’intérieur règne le calme et il est plein de
mystères ineffables ' ». Là, dans le palais divin, est célébré le mystère du
Royaume de Dieu. « Toute chair mortelle se tait'1» avec piété, afin que le
mystère du Verbe de Dieu soit entendu.
Dans la maison de Dieu, au moment de la divine liturgie, toutes choses
sont illuminées par la lumière du Christ. Il est l’éclair qui part de l ’Orient et
se montre jusqu’en Occident (Mt 24, 27). Et la voûte du ciel liturgique - la
maison de Dieu —brille de la lumière du Christ : « La lumière du Christ
resplendit pour tous6. »
Tous les hommes et toutes choses sont illuminés par le Christ, et les
âmes de tous sont remplies de sérénité et de joie. Car la lumière du Christ,
alors quelle est aveuglante comme l’éclair, est en même temps consolante
comme une brise fraîche; « Lumière joyeuse de la sainte gloire7. » Cette
Lumière transforme l’église en un port serein pour l’âme.

1. Saint Grégoire de Nazianze, Lettres, L.XXX, PG 37, 153G, traduction française, collection
« Belles Lettres », Paris, 1964, tome I, p. 103.
2. [.es Constitutions apostoliques, II, 20, PG 1, 637A.
3. Saint Basile le Grand, Sur le psaume 33, 10, PG 29, 376G.
4. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur Ozias, IL 1, PG 56, 109.
5. Hymne des chérubins du Samedi saint.
6. Liturgie des Présanctiliés.
7. Hymne des vêpres.
Saint Jean Chrysostome écrit: « De même qu’un port où ne pénètre
ni vent ni tempête procure aux navires qui y sont ancrés une sécurité
profonde, telle est la maison de Dieu; elle arrache les hommes qui y
entrent aux affaires du monde, comme à une tempête, et elle leur donne
la possibilité de s’y tenir et d’entendre la parole de Dieu dans la sérénité
et la sécurité. Ce lieu est le fondement de la vertu et l’école de la vie spiri­
tuelle... Dès le premier pas dans ce sacré parvis, on est délivré des soucis
du monde. Avance dans l’église et une fraîcheur spirituelle t’enveloppe,
une paix profonde provoque la crainte en toi et t’enseigne comment vivre
spirituellement. Elle élève ta pensée, te fait oublier les choses et les affaires
de la vie présente, et t’emporte de la Terre jusqu’au Ciel. Et si même l’on
retire tant de profit à venir à l’église en dehors de l’assemblée liturgique,
qu’en est-il donc... lorsque les saints apôtres y prêchent l’Évangile, lorsque
le Christ se dresse au milieu, lorsque Dieu le Père agrée les mystères qui y
sont accomplis, lorsque le Saint-Esprit apporte Sa propre joie1! »
L’église est le paradis de la présence du Maître. C ’est ce que souligne
encore saint Jean Chrysostome : « Quel paradis est semblable à votre assem­
blée? On ne trouve point ici un serpent qui tend un piège, comme le fit
le diable aux premiers-créés (Gn 3, 1-13), mais Jésus-Christ, qui introduit
au mystère12. » Le Christ, par Sa présence, transforme l’église en paradis, et
nous introduit dans Ses Mystères.
* * *

L’église nous accorde tous ces dons, parce quelle est la maison de Dieu.
Elle est « le ciel terrestre, dans lequel demeure et marche le Dieu céleste3 ».
Par la cérémonie de la dédicace, l’église devient ciel : « C ’est en ce jour que
Ta gloire inaccessible est venue sur le temple qui a été érigé, en en faisant
un ciel45.» Après cette cérémonie, « nous n’appelons plus » l’église « pure­
ment et simplement maison, mais sainte maison, parce quelle a reçu la
sanctification du Père Saint, par le Fils Très-Saint, dans l’Esprit saint, et elle
est la Maison de la Sainte Trinité^ ».

1. Réprimande à ceux qui sont absents, I, PG 51, 145.


2. Sur la pénitence, VIII, 1, PG 49, 335-336.
3. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 384B.
4. Canon de l’office de dédicace d’une église, ton 1.
5. Saint Syméon de Thessalonique, Dédicace, 128, PG 155, 336B.
L’homme est un temple christophore

À l’homme a été donnée par le Créateur, comme une bénédiction parti­


culière, la possibilité de devenir Son temple : « Seule de toutes les choses
visibles, la nature humaine peut être véritablement un temple de Dieu et
un Autel1. » Cette possibilité lui a été restituée par le Christ lorsqu’il fut
recréé: « Chaque chrétien au temps présent [après l’incarnation du Christ]
est maison et temple de Dieu, parce que le Christ demeure en lui’. » Aussi,
toute notre vie doit être telle que le Seigneur Lui-même habite en nous.
« Afin que nous soyons Ses temples, et que Lui soit en nous notre Dieu12345.»
Dans la sainte maison de Dieu, les fidèles reçoivent le don sanctifiant du
Paraclet et sont transformés en un matériau béni avec lequel est construite
l’Église, car celle-ci « n’est rien d’autre que la maison qui a été construite
avec nos âmes'1». Nous, les fidèles, sommes « les pierres du temple du Père,
préparés pour l’édifice que construit Dieu le Père3 ».
L’un des Pères apostoliques mentionne la vision suivante qu’il reçut:
« Six jeunes gens, venus avec des myriades d’autres hommes, bâtissaient
une grande tour sur les eaux. Ils plaçaient telles quelles dans la construc­
tion toutes les pierres retirées du fond de l’eau, car d’avance, elles s’agen­
çaient et s’emboîtaient parfaitement aux jointures avec les autres pierres;
elles se soudaient si bien entre elles qu’on ne voyait pas les joints67... »
Alors, l’Église, sous la forme d’une vénérable dame, apparut et interpréta
la vision : « La tour que tu vois construire, c’est moi, l’Église... La tour est
construite sur les eaux, parce que votre vie a été sauvée par l’eau [lors du
déluge et du saint baptême]. La tour a été érigée par la parole du Nom tout-
puissant et glorieux... Les six jeunes gens sont les anges... Et les pierres,
ce sont les apôtres, les évêques, les docteurs, les diacres qui ont marché
selon la sainteté de Dieu... Les uns sont morts, les autres vivent encore.
Et toujours ils se sont accordés entre eux, ont maintenu la paix entre eux.
C’est pour cela que dans la construction de la tour leurs joints sont bien
agencés et que l’édifice paraissait bâti d’un seul bloc'. »
* * *

1. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, V, SC 361, 21.


2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur le culte en Esprit et en Vérité, X, PG 68, 656C.
3. Saint Ignace d ’Antioche, Aux Ephésiens, XV, SC 10, 73.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur l'Epître aux Ephésiens, X, 2, PG 62, 78
5. Saint Ignace d ’Antioche, Aux Ephésiens, IX, SC 10, 64.
6. Hermas, Le Pasteur, Vision III, 2-5, SC 53 bis, 105.
7. Ibid.
Par la sainte communion, l’homme tout entier devient un « temple chris-
tophore1» et chacun des membres de son corps est une partie du temple
du Christ. La Table eucharistique « nous fait demeurer dans le Christ, et
le Christ, en nous. Car II dit: Il demeure en moi, et je demeure en lui (Jn
6, 56)... Le Christ est à la fois pour nous habitant et habitation: heureux
sommes-nous d’une telle habitation! Heureux sommes-nous d’être l’habi­
tation d’un tel Hôte- » !
Saint Maxime le Confesseur dit que l’homme est une « église mystique ».
Le corps est la nef, l’âme est le sanctuaire et l’intellect est l’Autel : « Par son
intellect comme par l’Autel, il convoque un silence indicible et mélodieux,
le. silence célébré par de nombreux hymnes, ce silence de la grande voix
imperceptible et inconnaissable de la Divinité; et autant que l’homme
le peut, selon la théologie mystique, il l’accompagne et devient tel qu’il
convient que soit celui qui est jugé digne de la visite de Dieu et qui est
marqué du signe de sa fulgurante splendeur *. »
L’église fait face à l’Orient, « afin que nous tournions notre regard vers
le Paradis1234 », à l’imitation du Paradis de l’Éden qui avait été planté du
côté de l ’Orient (Gn 2, 8). Alors que nous naviguons sur l’océan de la vie,
nous nous dirigeons vers la Lumière sans soir. Le Christ est la Lumière qui
éclaire les justes dans leur cheminement. « Ils parviendront à la vie éter­
nelle resplendissants de cette lumière en courant alors vers cette lumière
qui les a accompagnés tout le temps5. »
Nous nous hâtons vers la Jérusalem céleste. Là où il n’y aura plus de nuit;
et ils [les serviteurs de Dieu] n’auront besoin ni de lampe ni de lumière, parce
que le Seigneur éclairera les saints (Ap 22, 5). Là où définitivement et irré­
vocablement, Dieu est le temple des saints : Je ne vis point de temple dans
la ville, car le Seigneur Dieu tout-puissant est son temple, ainsi que l ’Agneau
(Ap 21, 22).

Pour notre archevêque N ..., pour l ’ordre vénérable des prêtres,


pour le diaconat en Christ, pour tout le clergé et le peuple, prions
le Seigneur.

1. Saint Jean Chrysostome, A Théodore, I, 1, SC 117, 81.


2. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christy IV, SC 361, 267.
3. Mystagogie, IV, PG 91, 672BC, traduction française, éd. Migne, collection « Les Pères dans la
foi », op. cit, p. 90-91.
4. Saint Athanase le Grand, Au Préfet Antiochus, XXXVII, PG 28, 620B.
5. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, IV, SC 333, p. 353.
Celui qui préside à la place de Dieu

Lorsque pour la première fois le Mystère eucharistique fut célébré, le


célébrant était l’Auteur de notre salut, le Christ notre Maître. Après Son
ascension, Sa place à l’assemblée eucharistique a été occupée par les douze
apôtres, et après eux, par les évêques qu’ils avaient ordonnés. Comme avec
le temps les Eglises locales se multipliaient, les presbytres commencèrent à
célébrer la divine liturgie sur l’ordre des évêques. La continuité est ininter­
rompue, et ainsi le célébrant de chaque liturgie est le successeur du Christ.
Cette continuité se voit particulièrement dans la personne de l’évêque
qui est assis « sur le trône du Christ, afin de prendre soin et de diriger
avec piété Son Église1». Dans sa personne, nous voyons le Christ: « Nous
devons regarder l’évêque comme le Seigneur Lui-même123.» La présence de
l’évêque à la divine liturgie, ou son assentiment à la célébration de celle-ci,
est l’assurance de l’authenticité du Mystère : « Que cette Eucharistie seule
soit regardée comme légitime, qui se fait sous [la présidence de] l’évêque
ou de celui qu’il en aura chargé *. »
Au début de l’époque byzantine, la divine liturgie commençait par la
Petite Entrée* actuelle : le premier acte liturgique était l’entrée de l’évêque
dans l’église. Ensuite, celui-ci revêtait les ornements pontificaux au centre
de l’église, comme cela se produit souvent de nos jours, notamment dans
l’Église russe. La vêture de l’évêque figure l’événement de l’incarnation
du Verbe. De même « que le Verbe de Dieu, étant sans chair, revêtit la
sainte chair de la sainte Vierge45», ainsi l’évêque revêt ses saints orne­
ments, qui « signifient l’incarnation du Christ et [les traits distinctifs] de
l’incarnation4 ».
L’évêque est le messager « qu’envoie le Maître de maison - le Christ -
pour administrer Sa maison6 ». Il entre dans la maison de Dieu pour accom­
plir l’œuvre du Christ: ramener la brebis égarée dans le troupeau unique
de l’Église. L’omophore*, l’ornement spécifique de l’évêque, symbolise « le
salut et le rappel (...) de la brebis égarée7 » (Mt 18, 12). C’est pourquoi il

1. Saint Clément de Rome, Homélie, III, 60, PG 2, I49B.


2. Saint Ignace d ’Antioche, Aux Ephésiens, VI, SC 10, 63.
3. Id., Aux Smyruiotes, VIII, SC 10, 139.
4. Saint Hippolyte de Rome, Sur le Christ et l'Antichrist, IV, PG 10, 732B.
5. Saint Syméon de Thessalonique, Sur la sainte liturgie, L.XXXII, PG 155, 256B.
6. Saint Ignace d’Antioche, Aux ÉphésiensH I, SC 10, 63.
7. Saint Syméon de Thessalonique, Sur la sainte liturgie, LXXXII, PG 155, 260C.
dit en le revêtant : « Prenant sur Tes épaules, ô Christ, la nature égarée, Tu
es monté au Ciel et Tu l’as offerte au Dieu et Père'. »
L’entrée de l’évêque dans l’église, son accueil par les fidèles qui se sont
déjà rassemblés, sa vêture au centre de l’église, soulignent la signification
particulière de la présence de l’évêque dans la divine liturgie. La pratique
liturgique nous révèle que l’évêque est l’image vivante du Christ, celui qui
est béni, qui vient au nom du Seigneur (Mt 21, 9). Et les fidèles qui sont
réunis dans l’église sont l’Israël de la grâce qui reçoit le Messie.
Pendant la divine liturgie, l’évêque est « celui qui tient la place de Dieu »
et les prêtres « tiennent la place de l’assemblée des apôtres- ». La liturgie est
la Cène Mystique elle-même à laquelle, avec le Christ et les apôtres (que
nous voyons en la personne de l’évêque et des prêtres), sont présents tous
les fidèles. /
Les fidèles ressentent la grandeur du ministère sacerdotal et les dangers
auxquels sont exposés les célébrants. Et parce qu’ils connaissent la puis­
sance de la prière commune, ils prient le Christ pour l’évêque. Saint Jean
Chrysostome dit à ce sujet : « Si le premier venu s’avisait de vous recom­
mander de prier individuellement pour le salut de votre évêque, chacun de
vous s’excuserait comme si ce fardeau surpassait ses forces ; mais lorsque,
réunis tous ensemble, vous entendez le diacre vous adresser la même
invitation et vous dire: “Prions pour l’évêque...” vous ne refusez pas de
vous rendre à cette injonction, et vous offrez au Ciel une prière fervente,
connaissant le pouvoir de votre réunion ’. »
C’est sur cette puissance des prières communes que s’appuient les fidèles
et qu’ils osent prier le Seigneur pour ceux qui se tiennent « près de la nature
bienheureuse et pure4 ». Seigneur, aie pitié de notre père l’évêque, de Tes
prêtres, et de Tes évêques.

Pour cette ville, toute ville et toute contrée, et pour lesfidèles qui
y demeurent, prions le Seigneur.1234

1. Office de l’Ascension, premier canon, 7' ode.


2. Saint Ignace d ’Antioche, Aux Magnésiens, VI, SC 10, 85.
3. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur l ’obscurité des prophéties, II, 5, PG 56, 182.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur le sacerdoce, III, 5, PG 48, 643.
Les chrétiens soutiennent le monde

L’amour selon Dieu est universel: il embrasse tous les hommes, tous les
lieux, tous les temps. « L’amour parfait... aime tous les hommes de façon
égale1. » C ’est cet amour qu’imite notre sainte Eglise, et elle souhaite que
nous, fidèles, le vivions. Le débordement de cet amour est la prière pour la
ville où nous habitons, pour toute ville et toute contrée.
Les chrétiens « résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des
étrangers domiciliés... Ils passent leur vie sur la Terre, mais sont citoyens
du Ciel... Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent... En un
mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde.
L’âme est répandue dans tous les membres du corps comme les chrétiens
dans les cités du monde... Les chrétiens soutiennent le mondeJ ».
Les chrétiens étant l’âme du monde, ils doivent se réjouir de la joie des
hommes et compatir à leurs maux. Ils doivent aimer les hommes plus qu’ils
n’aiment leurs parents selon la chair. Car « les saints se montraient vrai­
ment pères et surpassaient, par leur charité et leur amour pour ce peuple,
tous ceux à qui la nature a donné le nom de père' ».
* * *

Saint Jean Chrysostome a montré cet amour paternel aux villes dont il
était le père comme, par exemple, Antioche. Ses homélies sur les statues
constituent la preuve de son amour pour cette ville. Lorsque, au début de
l’an 387, à l’occasion de la perception d’un impôt particulièrement lourd
ordonné par l’empereur Théodose, la population d’Antioche, hors d’elle,
brisa les statues impériales, l’empereur supprima alors tous les privilèges de
la ville et menaça de la raser jusque dans ses fondations. Plusieurs notables
furent tués, des biens confisqués, la crainte et la terreur se répandirent
partout. Ceux qui le pouvaient s’enfuyaient, mais la plupart de ceux qui
étaient restés furent emprisonnés, torturés et tués.
C’est alors que l’évêque de la ville, Flavien, avancé en âge et malade,
partit à Constantinople, malgré un hiver rude, pour calmer la colère de
l’empereur. Dans la ville était resté Jean Chrysostome, encore prêtre en ce123

1. Saint Maxime le Confesseur, Centurie I sur la charité, 71, PG 90, 976B, Philocalie, traduction
française, op. cit., tome A, p. 380.
2. Épître à Diognète, V-VI, SC 33, 63-67.
3. Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur Isaïe, VII, 3, PG 56, 80.
temps, vers lequel affluait le peuple. « La place publique est vide et l’église
est remplie1», dit le saint, qui console les foules effrayées.
Lorsqu’une Cour de Justice fut instituée, constituée de légats de l’empe­
reur, pour mettre en examen les coupables, alors, de nombreux moines
«qui peuplaient les montagnes voisines (...) s’empressèrent de quitter
leurs grottes et leurs cavernes et accoururent de partout, comme des anges
descendus du Ciel, et l’on eût dit qu’Antioche était devenue un véritable
paradis, parce qu’on rencontrait partout ces pieux anachorètes ; leur présence
seule consolait ceux qui souffraient2 ». Lorsque, finalement, on apprit que
la mission de l’évêque Flavien avait réussi, l’empereur ayant accordé son
pardon au peuple, saint Jean Chrysostome fêta le salut de la ville avec
l’évêque et les fidèles : « Béni soit Dieu qui daigne aujourd’hui nous faire
célébrer cette sainte fête dans la joie et dans l’allégresse... Rendons grâces
au Dieu qui aime les hommes (...) et admirons Sa puissance, Sa bonté, Sa
sagesse, et le soin qu’il a montré pour la ville3. »
C’est ainsi que les saints aimaient et aiment leur ville et toute ville et
toute contrée. Aussi, efforçons de les imiter, particulièrement pendant la
divine liturgie.

Pour la clémence des saisons, / 'abondance desfruits de la terre, et


pour des temps de paix, prions le Seigneur.

Que la création se réjouisse

Par cette demande, nous demandons au Seigneur d’étendre la bénédic­


tion de Son amour à l’air, à la terre, à toute la création. Nous demandons
que la création entière chemine sur la voie que lui a assignée le Créateur.
Le monde visible a été créé par Dieu comme un Royaume pour l’homme.
Celui-ci est « le roi des choses terrestres et le sujet du Roi des Cieux1234 ». La
vue même du monde et notre vie en celui-ci donnent à l’homme « une
grande réjouissance, et éveillent en son cœur un sentiment de reconnais­
sance5 » envers Dieu. L’homme reçoit de Dieu le monde comme une
bénédiction et le lui offre en retour avec action de grâces (« Eucharistie »).
L’homme est donc le roi et le prêtre du monde de Dieu.
1. Sur les statues, IV, 1, PG 49, 59.
2. Ibid., XVII, 1, PG 49, 172-173.
3. Ibid., XXI, 1, PG 49, 211.
4. Saint Grégoire le Théologien, Discours XXXVIII, 11, SG 358, 126.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur la Genèse, XIII, 4, PG 53, 109.
Cette coexistence pacifique de l’homme avec Dieu et le monde fut
rompue par la désobéissance des premiers créés. La Terre, qui fut créée
comme quelque chose de très bon (Gn 1,31), devint corruptible. L’homme
cessa d’être le roi et le prêtre du monde, et devint sujet à la corruption et à
la mort. Sa relation avec lui-même, le monde et Dieu, changea. L’homme
qui était le maître du monde, devint son esclave : « Il devint inférieur à
ces choses dont il avait été créé pour être leur supérieur1. » « Lorsqu’Adam
sortit du Paradis, toute la création tirée par Dieu du néant, à sa vue, refu­
sait désormais de se soumettre au transgresseur: le soleil ne voulait pas
luire, la lune ne supportait pas de paraître, les astres hésitaient à se faire
voir de lui, les sources n’allaient plus jaiilir, les fleuves refusaient de couler,
l’air méditait de se replier sur lui-même et de ne pas donner le souffle au
révolté [c’est-à-dire Adam] ; les fauves et tous les animaux de la terre, en le
voyant dépouillé de sa gloire antérieure, le prirent en dédain et tournèrent
toute leur sauvagerie contre lui; le ciel était déjà comme en mouvement
pour s’abattre sur lui avec justice et la terre s’impatientait de le porter sur
son dos12. » Mais l’amour de Dieu pour l’homme intervient dans cette
catastrophe véritablement cosmique : « Il retient tous les êtres par un effet
de Sa propre puissance ; avec miséricorde et bonté, Il suspend l’assaut des
créatures conjurées. Du même coup II les soumet toutes, comme avant, à
l’homme. Il veut que la création, assujettie à l’homme en vue de qui elle
a été créée, en devenant corruptible pour [l’homme] corruptible, lorsque
celui-ci sera restauré à nouveau et deviendra spirituel, incorruptible et
immortel, quelle aussi, alors, soit délivrée de sa servitude... et quelle soit
restaurée avec lui, devienne incorruptible et toute spirituelle3 » (Rm 8,
20-21). Cette intervention de Dieu, pleine d’amour pour l’homme, limita
les conséquences de la révolte de l’homme. L’homme et le monde devaient
alors attendre la venue bénie du Seigneur.
* * *

Tant que la paix de Dieu était absente, le monde avait cessé d’être le
« cosmos », c’est-à-dire un ornement de Dieu: « Dès qu’il cesse d’être en
paix, il a aussi cessé d’être cosmos4. » Cependant, avec la venue du Christ,
la paix divine revint sur le monde, qui devint à nouveau ornement de Dieu.

1. Saint Maxime le Confesseur, Ambigua, PG 91, 1356A.


2. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Traités théologiques et éthiques, 1, 2, SC 122, 191.
3. Ibid.
4. Saint Grégoire le Théologien, Discours, VI, 14, SC 405, 159.
Le monde créé est également invité à la fête de la nouvelle création : « Que
la création se réjouisse, que la nature danse1... Dansez, montagnes, car le
Christ est né’! » Dans le Christ Jésus, le monde et l’homme coexistent en
paix.
Toutefois, le résultat de l’économie divine dans le Christ n’est pas seule­
ment le retour de l’homme et de la création à leur état antérieur à la chute.
C’est aussi la montée jusqu’au lieu où le Christ est assis à la droite de Dieu
(Col 3, 1).
La divine liturgie est le Mystère par lequel la paix du Christ s’étend à
toute la création. C’est pour cette raison que nous demandons maintenant
à Dieu que cesse le désordre catastrophique de la nature, que la terre donne
ses fruits à l’homme, et que le monde entier soit en paix conformément au
commandement divin : « Les deux qui se meuvent sous Son gouvernement
Lui obéissent dans la paix. Le jour et la nuit accomplissent la course qu’il
leur a assignée... Le soleil, la lune et le chœur des astres... évoluent à l’in­
térieur des limites qui leur sont fixées... Les saisons du printemps, de l’été,
de l’automne et de l’hiver se succèdent pacifiquement l’une à l’autre1. »
C’est cette bénédiction que nous demandons au Seigneur d’élargir:
« Accorde-nous un climat tempéré et favorable. Donne à la terre les
paisibles ondées nécessaires à sa fertilité ". »

Pour les navigateurs, les voyageurs, les malades, ceux qui souffrent,
les captifs, et pour leur salut, prions le Seigneur.

Ceux qui peinent et portent un lourdfardeau

Dans cette demande, nous prions le Christ pour tous ceux qui voyagent
en mer, sur terre ou dans les airs. Nous prions pour les malades, ceux qui
souffrent, ceux qui sont en captivité. Pour eux tous, nous demandons au
Seigneur que les peines qu’ils supportent dans leur vie deviennent une voie
vers Son Royaume.
Le Christ invite ceux qui sont fatigués et chargés à s’approcher de Lui
pour recevoir le repos. Il les invite à l’église et à la divine liturgie, car « dans
la maison de Dieu se trouve la joie des affligés, l’allégresse des attristés, la1234

1. Office de l'Annonciation, doxasticon des laudes.


2. Office de la Nativité, laudes.
3. Saint Clément de Rome, Epître aux Corinthiens, 1, 20, SC 167, 133-137.
4. Liturgie de saint Basile, prière après la consécration.
consolation des tourmentés, le repos des fatigués. Car le Christ dit : Venez
à Moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et Je vous donnerai du repos
(Mt 11, 28). Que peut-on souhaiter de plus que ces paroles ? Qu’y a-t-il de
plus agréable que cette invitation ? Lorsque le Seigneur t’invite à l’église, Il
t’invite à une fête. Il t’exhorte à te reposer de tes labeurs... Quelle préoc­
cupation ineffable, quelle invitation céleste1»!
Ceux qui, parmi nous, sont affligés et fatigués et répondent à l’invita­
tion du Christ font l’expérience du repos que procurent Son amour et Sa
présence paternels. Nous vivons les paroles de saint Grégoire le Théolo­
gien : « L’âme qui peine se trouve près de Dieu12345.» Cette présence du Christ
nous est donnée par excellence dans la divine liturgie.

Pour que nous soyons délivrés de toute tribulation1', colère, péril et


nécessité, prions le Seigneur.
Secours-nous, sauve-nous, aie pitié de nous et garde-nous, ô Dieu,
par Ta grâce.

Pour que nous soyons délivrés de toute tribulation

Lorsque, pour la première fois, l’homme a goûté au péché et au plaisir


qui l’accompagne, il a goûté en même temps à l’amertume de la souffrance
et de la douleur : « A cause du plaisir entré dans la nature à l’encontre de
la raison, la douleur est entrée ensuite, comme une suite logique... Car la
peine naturelle suit inexorablement le plaisir contre nature\ »
Dieu a permis que l’homme éprouvât la souffrance afin que fût soignée
la plaie résultant du péché : « Aussitôt le péché commis, Dieu a permis la
mort et la douleur, ce n’était pas tant pour punir celui qui avait péché que
pour procurer un remède à un maladeh » Ce qui nous semble être une
punition est en réalité un remède divin : « Cela nous semble un châtiment,
une vengeance, d’entendre cette parole : Tu mangeras ton pain à la sueur de
ton front (Gn 3, 19) ; mais en réalité, c’est un avertissement et une leçon,
c’est le remède aux blessures qui nous viennent du péché6. »

1. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur Ozias, I, 1, PG 56, 98.


2. Discours, XVII, 5, PG 35, 972B.
3. Ps 33, 5.
4. Saint Maxime le Confesseur, Centurie VIsur la théologie, 35 et 37, PG 90, 1320AB, Philocalie,
traduction française, op. cit., tome A, p. 518.
5. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, 1, SC 355, 121.
6. Saint Jean Chrysostome, Sur Priscille et Aquila, I, 5, PG 51, 194.
C’est comme cela que les saints acceptaient les afflictions et les tribu­
lations dans leurs vies: comme un remède divin. Un remède qui soigne
la maladie du péché et qui rétablit la santé de l’âme chez l’homme. C ’est
pourquoi ils appellent les afflictions source de la vertu : « Les commande­
ments de Dieu s’accomplissent dans les afflictions et les restrictions1. »
Aussi, les saints nous exhortent : « Supporte tes afflictions. Car, au milieu
de celles-ci, les vertus croissent et se nourrissent, comme les roses au milieu
des épines’. » Aux yeux du Seigneur, « les tribulations que l’on supporte
pour Lui sont plus précieuses que toutes les prières et tous les sacrifices, et
l’odeur de la sueur quelles nous font répandre Lui est plus agréable que
tous les parfums3 ».
Par les afflictions, nous sommes libérés des péchés, et « si nous avons fait
quelque chose de bien, nous faisons que ce bien brille d’un éclat encore
plus vif'1». Avançons de cette manière vers le Royaume de Dieu, dans
lequel il nous faut entrer par beaucoup de tribulations (Ac 14, 22). Certes, il
est vrai que tout châtiment semble d ’abord un sujet de tristesse et non de joie;
mais il produit plus tard pour ceux qui ont été ainsi exercés un fru it paisible de
justice (He 12, 11). Au début, nous passons par la tristesse de l’affliction,
mais si nous acceptons avec patience la peine éphémère, nous recevons par
la suite le fu it paisible : la paix du Christ entre dans notre vie.
L’apôtre Pierre pose la question: Quelle gloire y a-t-il à supporter de
mauvais traitements pour avoir commis des fautes ? Mais si vous supportez la
souffrance lorsque vous faites ce qui est bien, c’est une grâce devant Dieu. Et
c’est à cela que vous avez été appelés, parce que le Christ aussi a souffert pour
vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez Ses traces (1 P 2, 20-21).
En supportant sans murmurer les tribulations qui se produisent dans notre
vie, nous devenons les imitateurs de la Première victime de l’injustice, le
Christ.

Les saints ont aimé les afflictions, car ils savaient que s’ils les accep­
taient sans murmurer, elles deviendraient la porte du Royaume de Dieu.
Ils savaient cependant aussi que, si les afflictions accordent le Royaume à
ceux qui sont spirituellement forts, elles peuvent devenir cause de déses-
1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, XXVII, traduction française du père Placide Deseille,
op. cit, p. 207.
2. Saint Nil l’Asccte, Chapitres d ’exhortation, XCII, PG 79, 1257A.
3. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, LVI, op. cit., p. 363.
4. Saint Jean Ghrysostome, Sur le psaume 141, 3, PG 53. 446.
poir pour les faibles. Et la demande d’être délivrés des afflictions semble
concerner les faibles et non les plus forts.
L’Ancien Païssios disait que « celui qui est spirituellement sain prend
plaisir à sa maladie. Celui qui est malade (spirituellement) souffre ». On
dit de l’Ancien Philarète, higoumène du monastère athonite de Konsta-
monitou, que l’un de ses moines le trouva un jour, assis sur son tabouret,
attristé. « Que se passe-t-il, Père ? », lui demanda-t-il. Et lui de répondre : « Je
n’ai eu aucune épreuve aujourd’hui, mon enfant, Dieu m’a abandonné! »
Saint Jean Chrysostome considère que la seule calamité est le péché.
Quant à toutes les autres adversités qui atteignent les hommes, il consi­
dère quelles en portent seulement le nom, sans en avoir le contenu: ce
sont « des noms vides de sens1». Cependant, le saint, par cette demande,
nous exhorte à supplier Dieu de nous délivrer des afflictions. Car il est
préférable d’être privés des couronnes que l’on donne aux combattants,
plutôt que l’affliction nous conduise au désespoir. Il est préférable que
nous reconnaissions notre faiblesse spirituelle et que nous attendions tout
de la grande miséricorde du Seigneur.
* * *

Une grande foule de toute nation et de toute race prend part à la liturgie
céleste décrite par l’évangéliste Jean dans le livre de l’Apocalypse : Ce sont
ceux qui viennent de la grande tribulation ; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont
blanchies dans le sang de l ’Agneau. C ’est pour cela qu’ils sont devant le trône de
Dieu, et le serventjour et nuit... L’Agneau qui est au milieu du trône lespaîtra
et les conduira aux sources des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de
leurs yeux (Ap 7, 14-17).
La grande tribulation est cette vie. Alors qu’ils traversent la vallée des
afflictions, les fidèles participent à la divine liturgie. Par la grâce du très
saint Sang du Christ, ils blanchissent la robe de leur âme et ils arrivent
vêtus de blanc à l’Autel céleste. Là, au milieu d’eux, est l’Agneau, le Christ.
Son amour les paît et transforme les larmes de la grande tribulation en un
torrent d’eau vivifiante.

Pour que nous soyons délivrés de toute colère

L’arrogance de l’homme qui pèche et ne se repent pas attire la colère de


Dieu. En parlant de « colère de Dieu », il ne faut pas comprendre quelque
1. Sur les statues, V, 2. PG 49, 70.
passion de la part de Dieu, mais la punition de l’homme. « Même lorsque
Dieu châtie, Il est à l’abri des passions, puisqu’il fait cela sans colère, mais
avec beaucoup d’amour pour l’homme et de sollicitude1. » Dieu sait qu’il
est de l’intérêt d’un homme orgueilleux de rester dépourvu de tout bien
et de toute vertu: « La colère de Dieu, c’est la suspension du don des
charismes divins, infligée pour son bien à toute intelligence qui s’élève, qui
s’enfle et qui s’enorgueillit des biens qui lui sont donnés par Dieu, comme
s’ils venaient de ses propres actions droites'. » Par la pédagogie de Sa colère,
Dieu conduit l’orgueilleux à « se resserrer et à s’humilier' ». L’homme peut
aussi apprendre sa faiblesse, purifier son cœur de l’abcès de la jactance, et
recevoir à nouveau la grâce de Dieu.
Par cette demande, nous supplions Dieu de connaître notre faiblesse et
de nous humilier nous-mêmes, avant que ne vienne sur nous Sa punition
pédagogique et qu’il ne nous abandonne pas.

Pour que nous soyons délivrés de tout péril

Chaque jour, nous découvrons de nouveaux dangers qui menacent notre


vie. Nous entendons sans cesse parler de catastrophes naturelles, guerres,
accidents et crimes qui ont lieu dans diverses parties du monde. Cela nous
conduit dans l’incertitude, l’inquiétude, l’anxiété. Nous ne nous sentons
pas en sécurité même dans nos maisons. Une crainte continuelle règne
dans l’âme de l’homme contemporain. Il ignore qui, quand et comment il
se trouvera en danger.
Dans ce monde troublé, nous ne ressentons la sérénité et la sûreté que
lorsque nous nous approchons de Dieu avec la confiance d’un petit enfant.
C’est ce qu’Abba Isaac nous exhorte à faire : « Approche-toi de Dieu avec
une âme de petit enfant et marche ainsi en Sa présence, pour que tu sois
digne de bénéficier de cette providence paternelle que les pères ont pour
leurs petits enfants. Il est dit Le Seigneur garde les petits enfants (Ps 114, 6).
Un petit enfant s’approche d’un serpent, le prend par le cou, et le serpent
ne lui fait aucun m al... Il reste assis, nu, un jour de froid, de gel et de givre,
et il n’en subit pas de dommage, parce que son corps innocent est couvert123

1. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 7, 6, PG 55, 90.


2. ld., A Théodore, IV, SC 117, p. 96.
3. Saint Maxime le Confesseur, À Tltalassios, 52, PG 90, 492A (Philocalie, Centurie Vsur la théo­
logie, X, 9, traduction française, op. cit., tome A, p. 494).
d’un autre vêtement invisible, tissé par cette providence secrète qui protège
ses tendres membres, pour que rien de nuisible ne puisse s’en approcher1. »
Nous demandons au Seigneur de nous montrer comment nous pouvons
éviter tout danger, c’est-à-dire de nous accorder la confiance du petit enfant
envers son père.

Pour que nous soyons délivrés de toute nécessité

Par cette demande, nous demandons d’abord au Seigneur d’être déli­


vrés de toutes ces circonstances qui nous conduisent par la nécessité à une
situation quelconque, voire même, par la contrainte, sur la voie de Dieu.
Car Dieu souhaite « que rien qui mène à la sanctification n’advienne par
la force, mais par la libre inclination de l’âme2 ». Sans la liberté, il n’existe
pas de vie spirituelle : « Toute chose qui se produit par la coercition n’est
pas vertu '. »
Nous demandons aussi d’êtres délivrés des différentes nécessités ou
besoins matériels. L’homme moderne les ressent particulièrement car,
tandis qu’il vit dans une société qui satisfait, comme nulle autre aupara­
vant, ses exigences matérielles, il vit le drame des « besoins » interminables.
Il en satisfait un, et deux nouveaux se présentent à lui.
Les différents « besoins » restreignent la liberté de l’homme. Saint Jean
Chrysostome dit: « Plus vous vous créez de besoins, plus vous diminuez
votre liberté. Délivrons-nous donc de cette cruelle servitude, et mettons-
nous enfin en liberté. Pourquoi nous inventons-nous des chaînes innom­
brables et diverses ? » Et il continue : « Il est vraiment souhaitable et enviable
d’avoir rompu tous ces liens, afin de pouvoir conquérir la cité d’en-haut1234. »
Par cette demande, nous demandons au Seigneur que tous ces liens
des nécessités qui nous asservissent soient coupés. Avec le psalmiste, nous
supplions le Christ: délivre-moi de mes nécessités (Ps 24, 17).

Que vos cœurs ne soient pas troublés

La divine liturgie est la présence du Christ ressuscité. Nous nous rassem­


blons à l’église, nous entourons le Tombeau vivifiant, c’est-à-dire l’Autel, et

1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, XIX, 1, 67, traduction française, op. cit., p. 147-148.
2. Saint Méthode d’OIympe, Le Symposium des Vierges, III, 13, SC 95, 121-123.
3. Saint Jean Damascène, Sur les deux volontés du Christ, XIX, PG 95, 14913.
4. Sur Jean, LXXX, 3, PG 59, 437-438.
nous désirons ardemment voir le Christ, L’entendre, nous en approcher et
devenir, à l’instar des Disciples, participants à Sa table (Jn 21, 13).
Nous ne sommes pas, malheureusement, les myrophores qui courent
au tombeau du Maître avec des cœurs embrasés de l’amour et du désir
divins. Ce n’est pas l’intrépidité de l’amour qui nous conduit à la maison
de Dieu, mais la crainte des dangers qui nous menacent. Nombre de fois,
nous constituons un rassemblement de disciples effrayés et anxieux, dont
les espoirs pour le Royaume des Cieux sont vacillants. Un rassemblement
de fidèles dont les portes des cœurs sont fermées à l’amour suprarationnel
qui animait les âmes des myrophores. Celles-ci, à chaque époque, ferment
leurs yeux aux dangers, tandis que les gens de peu de foi ferment leurs
cœurs à l’Espoir.
Dans cette assemblée apparaît le Christ. Comme un fiancé, Il sort du
Tombeau et vient parmi nous. Il entre dans nos cœurs, les portes étant
fermées (Jn 20, 19). Sa présence disperse nos craintes. Son amour nous
donne Sa paix : Que votre cœur ne se trouble point... Je vous donne ma paix
(Jn 14, 1,27).

Faisant mémoire de notre Toute-Sainte, Immaculée, Bénie par­


dessus tout, glorieuse Souveraine, la Mère de Dieu et toujours
vierge Marie, et de tous les saints, confions-nous nous-mêmes,
confions-nous les uns les autres, confions toute notre vie au Christ
notre Dieu.
Le chœur: [Très Sainte Mère de Dieu sauve-nous.] A Toi,
Seigneur.

Confions-nous au Christ notre Dieu

Les saints savent de par leur propre expérience que « l’âme qui, avec foi,
s’est confiée à Dieu une fois pour toutes et a reçu, à travers de nombreuses
expériences, le goût de Son secours, ne se soucie plus d’elle-même, mais elle
reste sans parole, dans l’émerveillement1». Cependant, se confier entière­
ment à Dieu n’est pas chose facile. Nous y parvenons « lorsque notre cœur
ne nous accuse pas... lorsque pour prendre soin des intérêts du Christ,
nous méprisons les nôtres12 ». Pour cette raison, nous demandons l’aide de

1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, LXII, p. 250, traduction française, op. cit., p. 393.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XIV, SC 4 bis, 119.
la Très Sainte Mère de Dieu et de tous les Saints. Car c’est cela que signifie
ici le mot « faisant mémoire » : « invoquer, demander1».
Il y a cependant une autre raison pour supplier la Très Sainte Mère de
Dieu : le fait de confier nos vies au Seigneur est quelque chose d’analogue
à sa propre consécration à Dieu. De la même façon que la Très-Pure à l’âge
de trois ans a été consacrée au Seigneur pour devenir Son trône vivant,
chaque fidèle s’offre au Seigneur pour devenir Sa propre demeure. Le jour
de son Entrée au Temple, la Mère de Dieu y est allée « pour être consa­
crée à l’habitation du roi de toutes choses123». Dans la divine liturgie, le
célébrant nous exhorte à nous consacrer au Christ, pour qu’il demeure en
nous. Il nous appelle à être, comme la Mère de Dieu, « l’habitation admi­
rable et belle de Jésus ’ ».

Le prêtre lit à voix basse la prière suivante: Seigneur notre


Dieu, dont la puissance est incomparable et la gloire incompré­
hensible, dont la miséricorde est sans mesure et l ’amour pour les
hommes indicible, Toi, Maître, dans Ta compassion, jette un
regard sur nous et sur cette sainte maison, et répands sur nous et
! sur ceux qui prient avec nous l ’abondance de Ta miséricorde et de
Ta compassion, puis à haute voix : Car à Toi conviennent toute
gloire, honneur et adoration, Père, Fils et Saint-Esprit, mainte-
\ nant et toujours, et dans les siècles des siècles, et le chœur chante
Amen.

L’amour ineffable de Dieu pour l ’humanité

Dans la première prière de la divine liturgie, le prêtre s’adresse à Dieu


Lui-même. « Et de même que lorsque tu jouis d’une grande amitié avec
quelque personne importante, tu vas près d’elle et tu lui parles confiden­
tiellement, ainsi en est-il avec le prêtre. Ayant la liberté de parole envers
le Christ, en raison de la grâce et de la dignité du sacerdoce, il s’approche
de Lui et Lui dit tous ses secrets en privé, c’est-à-dire avec une voix très
attentive, calme et basse. Car c’est ainsi que le prêtre dit les prières, et cela
manifeste deux choses : premièrement l’extrême grandeur de la Personne

1. Ibid.
2. Office de 1 Entrée au Temple de la Mère de Dieu (21 novembre), doxasticon de la litie*.
3. Ibid., apostiche*.
avec laquelle il dialogue, et deuxièmement, l’amour pur et la grande liberté
que le prêtre a envers Lui1. »
* * *

L’amour de Dieu pour l’homme et Sa miséricorde dépassent les mesures


et les paroles humaines. Ce qui manifeste la mesure de l’amour divin pour
l’homme est l’événement de l’incarnation du Verbe de Dieu: « Dans Ton
ineffable et incommensurable amour des hommes, Tu t’es fait homme sans
subir aucun changement ni mutation123» ; « Nous avons été l’objet de Son
incarnation, et c’est pour notre salut qu’il a aimé l’homme au point de
naître et d’apparaître dans un corps humain '. »
L’amour de Dieu pour l’homme est illimité dans ses dimensions et noble
dans son caractère. Nous recevons de Dieu, non une simple compassion
humaine, mais l’amour d’un roi et d’un maître: « De même en effet que
l’amour de Dieu est indicible... de même aussi la façon avec laquelle II
nous approche et œuvre pour notre bien est merveilleuse et ne convient
qu’à Dieu qui fait des merveilles45.»
Dieu nous aime de façon exclusive et veut que nous L’aimions de la
même manière: «Ainsi de toutes parts, Il nous tourne vers Lui, et ne
nous laisse porter notre esprit vers aucun autre objet, ni nous éprendre
d’aucun autre être... Par une contrainte admirable et une tyrannie pleine
d’amour, vers Lui seul II attire, à Lui seul II unit. Telle est, je pense, la
contrainte dont II usa pour pousser ceux qu’il appelait vers Sa demeure et
Son banquet, quand II disait à Son serviteur: Contrains-les d’entrer, afin
que ma demeure soit remplie (Le 14, 23)' ».
Dieu prépare la Table de Vie et appelle l’homme à s’y asseoir. Cependant,
Son amour pour l’homme a un espace illimité. Les Pasteurs de l’Eglise, qui
invitent les hôtes, Lui disent : Maître, on a fa it ce que Tu as ordonné, et il y a
encore de la place (Le 14, 22). C ’est la place de Son noble amour, qui reste
vide aussi longtemps qu’il existe des hommes qui refusent d’entrer dans Sa
maison et de s’asseoir à Son Banquet. Tant qu’il en sera ainsi, le mystère de

1. Hésychaste anonyme, Niptiki Theoria [Contemplation neptique], op. cit., p. 199-200. L’expé­
rience spirituelle de ce saint anonyme est une réponse à la question que l’on se pose aujourd’hui
sur la façon de lire certaines prières durant la liturgie, à savoir à voix basse ou haute.
2. Liturgie de saint Jean Chrysostome, prière de l'hymne des chérubins.
3. Saint Athanase le Grand, Sur l ’incarnation du Verbe, IV, SC 199, 277.
4. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, 1, SC 355, 92.
5. Ibid., p. 89-90.
Son amour envers l’humanité se manifestera. Le Bon Pasteur cherchera la
brebis perdue, l’Amour recherchera la drachme perdue (Le 15, 4-10).

Et l’on chante le premier antiphone avec le refrain* : Par les


prières de la Mère de Dieu, Sauveur, sauve-nous.

L 'âme est une musicienne accomplie

La psalmodie ou le chant est l’une des trois façons par lesquelles nous
nous adressons au Seigneur. Nous chantons les hymnes sacrées, nous lisons
les prières, nous entonnons les réponses et les lectures.
La psalmodie aide particulièrement lorsque nous luttons pour commu­
niquer avec le Christ, comme le dit saint Jean Chrysostome : « Il n’est
rien qui élève tant l’âme... qui l’aide à vivre spirituellement, qui lui fasse
mépriser tout ici-bas, comme une mélodie harmonieuse et les accents
mesurés d’un divin cantique... Le chant spirituel des psaumes est d’une
grande utilité, d’un grand profit; il nous procure une abondante sanc­
tification, il peut devenir le fondement de toute la vie spirituelle, parce
que leurs paroles purifient nos âmes, et que l’Esprit saint ne tarde pas à
descendre dans l’âme qui le chante'. » Le saint ajoute encore: « Celui qui
chante authentiquement (c’est-à-dire avec attention) renouvelle son âme et
devient le temple de l’Esprit saint12. »
Pour que l’âme qui chante attire la grâce du Saint-Esprit, il ne suffit pas
que la mélodie soit chantée conformément aux règles musicales, mais elle
doit s’élever d’une même voix avec les mélodies angéliques. Pour le chant
ecclésial, on ne peut faire reproche « ni à la vieillesse, ni à la jeunesse, ni à
la rudesse dans la voix, ni à l’inexpérience du rythme. Ce qu’on y cherche,
c’est la sobriété de l’âme, la vigilance de la pensée, la componction du cœur,
la solidité de la raison, et une conscience purifiée3 ». « Chantez un psaume
pour le Seigneur, vous Ses saints », dit le prophète David (Ps 29, 5). « Ceux
qui peuvent chanter à Dieu sont ceux qui élèvent leur psalmodie avec un
cœur pur, ceux qui sont saints et observent les commandements de Dieu,
car ils suivent les rythmes spirituels comme il convient4. »

1. Sur le psaume 41, 1, PG 55, 156-157.


2. Id., Sur ce qu’il n ’y a qu’un seul législateur de l ’Ancien et du Nouveau Testament, 3, PG 56, 402.
3. Id., Sur le psaume 41, 2, PG 55, 158.
4. Saint Basile le Grand, Sur te psaume 29, 3, PG 29, 312C.
. Nous pouvons glorifier le Seigneur sans cesse: « L’âme est un musicien
excellent, c’est un artiste ; son instrument, c’est le corps qui lui tient lieu de
cithare, de flûte et de lyre... Mais Dieu, qui veut t’apprendre que toi, tu
dois toujours Le glorifier et Le bénir, a pris soin d’unir l’instrument et l’ins­
trumentiste (c’est-à-dire le corps et l’âme) dans une union constante1. »
Dans l’Église orthodoxe, nous n’utilisons pas les instruments de musique
dans l’office. Chaque fidèle est un instrument de musique créé par Dieu et
en même temps un musicien. Si celui-ci (l’âme) conserve l’instrument ( le
corps) dans sa pureté et l’utilise correctement, ils élèvent ensemble l’hymne
de louange agréable à Dieu au Créateur. Car l’hymne sacré « est engendré
par la piété de l’âme, il est nourri par la bonne conscience, et il est accepté
par Dieu dans les Cieux12 ».
* * *

Dans l’office liturgique, la psalmodie est généralement antiphonée, c’est-


à-dire que les hymnes sont chantés alternativement par deux chœurs. Saint
Ignace le Théophore introduisit le premier les chants antiphonés dans
l’Église d’Antioche lorsque, « dans une vision, il vit les anges chantant les
hymnes à la Sainte Trinité de façon antiphonée34». De même que les saints
anges, l’homme a aussi été créé pour glorifier Dieu. Selon saint Grégoire le
Théologien, l’homme est « une créature (qui répond) de façon antiphonée
aux anges'1». Les anges d’une part, et les hommes de l’autre, forment deux
chœurs pour chanter sans cesse leur Créateur.

Voici l ’Agneau de Dieu

Dans son intégralité, la divine liturgie est le mystère de la vie du Christ.


En conséquence, chacun de ses moments permet de revivre une période
particulière de la vie du Seigneur. Les versets des antiphones, qui sont
extraits du Psautier, « signifient les débuts de l’avènement du [Sauveur]
lorsqu’il était présent sur la Terre... mais le monde ne Le connaissait pas
(Jn I, 10); ils signifient la période antérieure à Jean-Baptiste, avant que
la lampe [c’est-à-dire le Précurseur] fût allumée (Jn 5, 35). A ce moment-
là, il y avait encore besoin des textes prophétiques. Mais plus tard, Celui

1. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur lu Semaine sainte et sur le psaume 145,3 , PG 55, 522.
2. Id„ Homélie après qu’il eut été ordonné prêtre, 1, PG 48, 694.
3. Evêque Georges d'Alexandrie, Halkin, p. 156.
4. Poème dogmatique, XXXII, PG .37, 513, 35.
qui était prophétisé se montra Lui-même et alors II n’eut plus besoin de
prophètes: Jean le Baptiste Le montrait présent en personne1». «Les
psaumes sont chantés comme un prélude de la Mystagogie » sacrée et nous
préparent spirituellement : « ils sont une sorte de purification préalable et
de préparation12 » à la divine liturgie. Les psaumes accomplissent l’œuvre
du Baptiste: ils préparent la voie du Seigneur (Mt 3, 3) et nous appellent
à Le recevoir. Et lorsqu’il vient dans l’assemblée eucharistique, ils nous Le
montrent: Voici l ’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1, 29).
Aussi, Venez, exultons pour le Seigneur, acclamons Dieu notre sauveur (Ps 94,
1).

Le diacre: Encore et encore, prions le Seigneur. Secours-nous,


sauve-nous, aie pitié de nous... « Faisant mémoire de notre
Toute-Sainte, Immaculée... »
Le chœur: [Très Sainte Mère de Dieu sauve-nous], A Toi,
Seigneur.

Encore et encore, prions le Seigneur

La divine liturgie est le cheminement de l’homme en vue de rencontrer,


de voir Dieu, et de communier avec Lui. Dans ce cheminement, chaque
pas est simultanément fin et commencement.
Encore et encore... Ce n’est pas la répétition des demandes précédentes.
C’est la recherche de nouvelles expériences. Le bien « qui est obtenu
chaque fois est assurément plus grand que tout ce qui a été obtenu aupa­
ravant. Toutefois, ce bien ne limite pas la recherche; plutôt, pour ceux
qui montent vers les hauteurs, la fin de ce qui a été déjà trouvé devient
le point de départ pour obtenir des choses plus élevées. Ainsi, celui qui
monte n’arrête jamais, parce que chaque point de départ donne lieu à un
nouveau point de départ. En montant, l’âme passe par des états toujours
plus élevés et chemine vers ce qui n’a pas de limites3 ».
Encore et encore... Nous ne nous lassons jamais de dire les mêmes paroles
au Seigneur et de demander les mêmes choses. Et lorsque Son amour nous
les offre, nous voyons qu’elles ne sont pas identiques à celles dont nous
disposons déjà. Nous sommes convaincus que, tout en nous trouvant dans

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XVIII, SC 4 bis, 138.


2. Ibid., XVI, 6, SC 4 bis, 131.
3. Saint Grégoire de Nysse, Sur le Cantique des cantiques, VIII, PG 44, 941C.
ce monde, il y a toujours la possibilité pour nous de nous approcher plus
près de la paix de Dieu, de l’amour de la Mère de Dieu, de la communion
des saints. Car plus le corps et l’âme se purifient du péché, plus la grâce de
la divine liturgie nous est offerte abondamment.

Après la petite ecténie, le prêtre dit à voix basse la prière:


Seigneur notre Dieu, sauve Ton peuple et bénis Ton héritage;
garde la plénitude de Ton Eglise; sanctifie ceux qui aiment la
beauté de Ta maison; Toi-même, glorifie-les en retour par Ta
divine puissance, et ne nous abandonne pas, nous qui espérons
en Toi.
Puis à voix forte : Car à Toi appartient laforce, à Toi conviennent
la royauté, la puissance et la gloire, Père, Fils et Saint-Esprit,
maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles.
Le chœur répond: Amen. Et on chante le deuxième anti­
phone, avec le refrain : Par les prières de Tes saints, sauve-nous,
Seigneur'.

Pour partager l ’héritage des saints

Par le baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu. Nous n’avons


pas été simplement libérés du péché, mais nous avons gagné des biens
infinis. Nous étions auparavant captifs du diable, tandis que maintenant,
« nous sommes des hommes libres et citoyens de l’Eglise. Ceux qui naguère
étaient dans la honte du péché sont maintenant dans l’assurance et la
justice. Ils sont non seulement libres, mais saints ; non seulement justes,
mais fils ; non seulement fils, mais héritiers ; non seulement héritiers, mais
frères du Christ12 ».
Lorsque l’Eucharistie est célébrée, nous nous rassemblons à l’église « où
se trouvent tant de frères, où est le Saint-Esprit, et où Jésus et Son Père sont
parmi nous3 ». Lors de la divine liturgie, nous nous tenons devant le saint
Autel avec joie, en rendant grâce au Père qui nous a rendus capables d ’avoir
part à l ’héritage des saints dans la lumière (Col 1, 11-12).
1. Après avoir demandé l’intercession de la Mère de Dieu dans le premier antiphone, nous sup­
plions maintenant « tous ceux qui ont été agréables à son Fils » (saint Germain de Constan­
tinople, Contemplation, PG 98, 404D). Ce refrain figure dans les anciens manuscrits, et est
utilisé encore aujourd’hui sur la Sainte Montagne.
2. Saint Jean Chrysostome, H uit catéchèses baptismales, SC 50 bis, 153.
3. Id., Sur ceux qui ont déserté l'Assemblée, 2, PG 51, 70.
Cependant, par la divine liturgie, nous ne devenons pas seulement héri­
tiers du Christ. Le Christ Lui-même devient l’héritage de tous les fidèles:
« Celui qui est assis dans les hauteurs, à la droite du Père, en ce moment
même est tenu dans les mains de tous1. » « C’est là ce que le Dieu ami
des hommes fait Lui aussi à l’égard de l’âme qui vient à Lui et Le désire
avec ardeur... Lui-même devient l’héritage de l’âme, et l’âme l’héritage du
Seigneur-, »

Gloire au Père... Et maintenant...


O Fils Unique et Verbe de Dieu, Toi qui es immortel, Tu as
daigné, pour notre salut, t ’incarner de la Sainte Mère de Dieu
et toujours vierge Marie, sans changer Tu t ’esfa it homme, et Tu
fus crucifié, Christ Dieu;par la mort Tu as terrassé la mort, Toi,
l ’Un de la Sainte Trinité, qui es glorifié avec le Père et le Saint-
j Esprit, sauve-nous'.

Le Dieu qui n’est point orgueilleux


Le Fils Unique et Verbe de Dieu est Celui qui est accessible, « le Sans-
orgueil' ». « Celui qui surpasse toute intelligence, qui défie toute pensée...
consentit à se faire homme, à se revêtir de cette chair formée de terre et
de boue, à descendre dans le sein d’une vierge, à y demeurer pendant neuf
mois, à se nourrir de lait, en un mot, à passer par tout ce qui est propre
aux humains’. »
Saint Jean Chrysostome ressentait particulièrement la grandeur de la
condescendance divine : « Il [le Christ] a consenti à quitter le sein de son
Père pour prendre une forme d’esclave, à subir toutes les entraves d’un
corps... à grandir peu à peu, à être circoncis, à offrir le sacrifice, à souffrir la
faim, la soif, la fatigue et enfin la m ort... Voilà tout ce qu’il a accepté pour
notre salut, ce Créateur de toutes choses... Ce Dieu immuable qui a tout
appelé du néant à l’existence, dont les regards font trembler la terre {f. Ps
103, 32), dont la gloire éclatante ne peut être contemplée par les chéru­

1. ld., Sur le sacerdoce, III, 4, PG 48, 642.


2. Saint Macaire d ’Egypte, Homélies spirituelles, XLVI, 3-4, PG 34, 793C-796A, traduction fran­
çaise du père Placide Deseille, op. cit., p. 339-340.
3. Le tropaire O Fils Unique... « a été introduit par l’empereur Justinien » (Théodore d ’Andida,
Protheoria, XII, PG 140, 433C).
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses, II, SC 113, 340.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur Père, si cela est possible, III, PG 51, 37.
bins... a consenti pour nous et pour notre salut, à devenir homme1! »
Notre Seigneur Jésus-Christ, pour notre salut, a daigné s’incarner de la Très
Pure Mère de Dieu et combattre le diable homicide. En tant qu’homme,
il mena le combat que nous aurions dû nous-mêmes mener, mais nous en
étions incapables. Et comme Dieu, il remporta la grande victoire : « Dieu
s’approprie le combat livré pour les hommes, parce qu’il est également
homme; de même, l’homme [Jésus-Christ] triomphe du péché, étant pur
de tout péché, parce qu’il est également Dieu. De cette façon, notre nature
est affranchie de la honte et ceint la couronne de la victoire, car le péché a
été abattu’. »
Le Christ a triomphé du diable, du péché et de la mort. Pour cette
raison, l’assemblée des fidèles chante avec gratitude l’hymne joyeux de la
victoire.

Le diacre : Encore et encore...


Secours-nous, sauve-nous...
Faisant mémoire de notre Toute-Sainte, Immaculée, Bénie par­
dessus tout, glorieuse Souveraine...
Le chœur: [Très Sainte Mère de Dieu, sauve-nous]. A Toi,
Seigneur.
Le prêtre, à voix basse, récite la prière suivante : Toi qui nous
as accordé ces prières communes et unanimes, Toi qui as promis
que lorsque deux ou trois seraient réunis en Ton Nom, Tu exau­
cerais leurs demandes, Toi donc, maintenant encore, accomplis les
demandes de Tes serviteurs, selon qu’il leur est utile, nous accor­
dant, en ce monde, la connaissance de Ta vérité, et nous faisant
don, dans le siècle à venir, de la vie éternelle.
Puis à voix forte : Car Tu es un Dieu bon et qui aime les hommes,
et nous Te rendons gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant
et toujours et dans les siècles des siècles.
Le chœur: Amen. Et on chante le troisième antiphone, avec le
refrain : Sauve-nous, Fils de Dieu, merveilleux dans les Saints,
nous qui Te chantons: Alléluia!12

1. Sur la Genèse, XXIII, 6, PG 53, 205.


2. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, I, SC 355, 119.
LA D IV IN E L IT U R G IE D E S A IN T J E A N C H R Y S O S T O M E

Les prières communes et unanimes

L’Église est une communion d’amour, et cela est manifesté par les prières
communes et unanimes que nous accorde le Seigneur. L’église matérielle
aussi, comme lieu de rassemblement des fidèles, exprime la communion
de l’amour. « L’Église a été faite, non pour diviser ceux qui s’y rassemblent,
mais pour unir ensemble ceux qui sont divisés, et c’est ce que manifeste
l’assemblée eucharistique1» qui prend place dans l’église.

Cette unité d’amour des fidèles est témoignée dans les descriptions des
assemblées eucharistiques des premiers chrétiens. Le jour du Seigneur « tous
(...) se réunissent dans un même lieu. On lit les mémoires des apôtres »,
dit saint Justin le martyr, au n c siècle. « Ensuite, nous nous levons tous et
nous prions ensemble... Puis du pain avec du vin et de l’eau est offert. A
nouveau, le célébrant, fait monter au Ciel les prières et les actions de grâces
au Seigneur selon ses forces, et tout le peuple répond par l’acclamation:
Amen1. »
***

L’assemblée liturgique porte le nom de syn-ode (littéralement, un


« chemin ensemble »), et cela signifie que tous ensemble nous cheminons
et marchons sur la même voie, cette voie étant le Christ (Jn 14, 6). Les
fidèles qui, avec le célébrant offrent le Sacrifice non sanglant, même s’ils ne
sont que deux ou trois, constituent « le corps entier de l’Église, qui d’une
seule âme et d’une seule voix élève sa prière à Dieu’ ».
Le Christ a promis que, là où seraient assemblés deux ou trois fidèles en
Son nom, Il serait présent parmi eux, Il entendrait leurs prières communes
et accomplirait leurs demandes (Mt 18, 19-20). Toutefois, il arrive souvent
que nous nous réunissions au nom du Christ et que nous demandions
quelque chose de Son amour, mais sans recevoir de réponse à notre
demande. Saint Jean Chrysostome explique pourquoi cela se produit.
Lorsque le Seigneur parle de l’assemblée des fidèles en Son nom, Il ne veut
pas simplement dire un « rassemblement », mais II recherche principale­
ment l’amour en Christ des fidèles entre eux, comme, plus généralement,
la vertu. Le saint dit : « Si tu demandes ce qui est pour ton avantage, si tu123

1. Saint Jean Chrysostome, Sur la première Epître aux Corinthiens, XXVII, 3, PG 61, 228.
2. Première Apologie, LXVII, SC 307, 309-311.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur l'obscurité de l ’Ancien Testament, II, 4, PG 56, 182.
contribues à ce qui t’est demandé, si tu vis de façon apostolique et dans
la concorde et l’amour envers ton prochain, tes prières seront entendues;
car le Seigneur aime les hommes1. » Notre effort d’exprimer l’amour par
notre façon de vivre produit des fruits s’il est entrepris pour l’amour du
Seigneur. « Car l’amour qui a pour fondement le Christ est stable, fort et
inépuisable’. »
C’est de cet amour, qui s’appuie sur le Christ, que se nourrissent les âmes
unanimes des fidèles, ce que souligne saint Jean Chrysostome : « On peut,
il est vrai, prier à la maison, mais on ne peut y prier aussi efficacement qu’à
l’église, où la multitude des Pères est si nombreuse ; où une prière puissante
s’élève à Dieu d’un seul cœur. Vous ne serez pas exaucé, en priant seul le
souverain Seigneur, comme si vous le faisiez avec vos frères. Vous trouverez
ici ce que vous ne trouvez pas dans vos maisons : l’union des cœurs et des
voix des fidèles, le lien de la charité, la prière dés prêtres**345.»
***

Le Seigneur, qui nous a accordé les prières communes et unanimes, est


Lui-même le « chant » des fidèles. Saint Ignace écrit : « Ainsi, dans l’accord
de vos sentiments et l’harmonie de votre charité, est chanté Jésus-Christ.
Que chacun de vous aussi, vous deveniez un chœur, afin que dans l’har­
monie de votre accord, vous deveniez déiformes par grâce [imitateurs de
Dieu] dans l’unité, vous chantiez d’une seule voix par Jésus-Christ un
hymne au Père, afin qu’il vous écoute et qu’il vous reconnaisse par vos
bonnes œuvres, comme les membres de Son Fils... et que vous participiez
toujours à DieuL »
De l’assemblée des fidèles est offerte, d’une seule voix, « une seule prière,
une seule supplication, un seul esprit, une seule espérance dans la charité,
dans la joie irréprochable3 ».

2. L’entrée avec l’Evangile et les lectures sacrées

Pendant que le troisième antiphone est chanté, le prêtre et le


diacre font trois métanies devant l’Autel. Le prêtre prend le
saint évangéliaire et le remet au diacre. Ensuite, faisant le tour

1• Id., Sur Matthieu, LX, 2-3, PG 58, 587.


2.Ibid., PG 58, 588.
3. Id., Sur l ’incompréhensibilité de Dieu, III, 6, SC 28 bis, 221.
4- Aux Éphésiens, IV, SC 10, 60.
5- Id., Aux Magnésiens, VII, SC 10, 85.
de l’Autel, ils sortent du sanctuaire par la porte nord, précédés
du porte-cierge.
Le diacre : Prions le Seigneur.
Le prêtre prononce à voix basse, la prière de l’Entrée:
Maître, Seigneur notre Dieu, toi qui as établi dans les d e u x des
ordres et des armées d'anges et d'archanges pour le service de Ta
gloire, fais qu’avec notre entrée se fasse aussi l ’entrée des saints
anges qui, avec nous, concélèbrent et glorifient Ta bonté. Puis à
voix forte: Car à Toi conviennent toute gloire, honneur et adora­
tion, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans
les siècles des siècles, Amen.
Lorsqu’ils sont parvenus devant les portes saintes, le diacre
élève son orarion et dit : Bénis, Maître, la sainte Entrée.
\ Et le prêtre répond : Bénie soit l ’entrée de Tes saints, maintenant
et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.
I Puis, à voix forte, le diacre dit : Sagesse, Debout.
Le chœur chante : Venez, adorons et prosternons-nous devant
le Christ. Sauve-nous, Fils de Dieu, Toi qui es admirable en Tes
saints [le dimanche: Toi qui es ressuscité d ’entre les morts; aux
fêtes du Seigneur et de la Mère de Dieu, on chante les versets
propres à la fête, les jours ordinaires : Toi qui es admirable en
Tes saints], nous te chantons: Alléluia.

Les anges se mêlent aux hommes

Jusqu’au vu1siècle, la divine liturgie commençait par l’Entrée du saint


Évangile. Le célébrant revêtait ses ornements dans la sacristie, y prenait
l’Évangéliaire et, accompagné des fidèles, entrait dans l’église1. Si un
évêque célébrait, il entrait également à l’église à ce moment et revêtait ses
ornements épiscopaux devant les fidèles.
L’Entrée avec l’évangéliaire est appelée Petite Entrée et signifie « la venue
du Fils de Dieu et Son entrée dans ce m onde’ ». De même, l’entrée de
l’évêque dans l’église « porte la figure et l’image de la première venue en ce12

1. Une indication claire que les fidèles entraient à ce moment avec le célébrant dans l’église se
trouve dans la prière de l’entrée de l’Euchologe, le plus ancien, qui remonte au v 11ic siècle :
« Bienfaiteur et Créateur de toute la création, accepte l’Eglise qui s’approche... » Cette prière
était lue devant la porte de l’église, et le célébrant bénissait ensuite celle-ci, en disant : « Bénie
est l'entrée de Tes saints. » « Euchologe Barberini Gr 336 », éditions Parenti et Velkovska,
Rome 1995, p. 25.
2. Saint Germain de Constantinople, « Contemplation », PG 98, 405C.
monde, par la chair, du Fils de D ieu... Par Sa venue aussi, Il réintègre la
nature humaine dans la grâce du Royaume1 ». Maintenant, par la divine
liturgie, le Christ nous appelle à partager Sa Table dans Son Royaume.
L’entrée des fidèles dans l’église, qui dans les temps anciens, avait lieu à
ce moment, précisément avant celle de l’évêque, signifie leur « passage du
vice et de l’ignorance à la vertu et à la connaissance2 ». L’homme change
son orientation : le centre de sa vie devient la divine liturgie. Ainsi, l’en­
trée du fidèle dans l’église pour l’Assemblée n’est pas un simple symbole,
mais un acte: c’est l’entrée dans la vie du Christ. C’est la communion de
l’homme à la vie du Dieu-homme.
Conformément au déroulement actuel de la divine liturgie, le prêtre
prend sur l’Autel l’évangéliaire, qui représente le Christ, l’élève à la hauteur
de sa tête, de telle façon que son visage soit couvert par Celui qui vient - le
Christ - et il entre dans la nef. Le cierge allumé qui précède le saint Evan-
géliaire symbolise le Précurseur, saint Jean Baptiste, qui est la lampe qui
brûle et qui luit (Jn 5, 35).
Le diacre s’exclame: Sagesse, Debout. C’est pour ainsi dire: Je vous
annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d ’une grande
joie (Le 2, 10). Les fidèles vivent l’apparition miraculeuse des anges qui eut
lieu à Bethléem : Et soudain il se joignit à l ’ange une multitude de l ’armée
céleste, louant Dieu (Le 2, 13). Ce qui s’est produit à Bethléem se renou­
velle également au cours de la divine liturgie: « Les anges se mêlent aux
hommes; car là où se montre le Roi, là aussi son armée est en faction’. »
Par la prière de l’Entrée, le prêtre demande que nous vivions le mystère
de la présence des anges et de leur concélébration dans la divine liturgie:
que nous le vivions comme nos Pères théophores. Il est dit dans la vie de
saint Spyridon que « lorsqu’il célébrait, les saints anges étaient présents et
concélébraient avec lui. Lorsqu’il disait Paix à tous! Ceux-ci répondaient en
dehors du sanctuaire, mélodieusement: Et avec ton esprit! Ils répondaient
de la même façon aux autres paroles du prêtre1». Saint Jean Chrysostome
rapporte également, au sujet d’un vénérable vieillard, qu’il « avait été rendu
digne au moment [de la divine liturgie] de voir apparaître soudain une
multitude d’anges avec des vêtements d’une blancheur éclatante ; ils entou-
1. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, VIII, PG 91, 688C, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la toi », op. cit., p. 113-114.
2. Ibid., IX, PG 91, 689A, traduction française, op. cit., p. 115.
3. Office de la Théophanie, litie.
4. l.e Synaxaire, Vie des Saints de l'Église orthodoxe, par le hicromoine Macaire de Simonos Petras,
édition Indikros 2012, tome II, p. 435.
raient l’Autel, la tête inclinée vers le bas, comme des soldats en prése
de leur roi1».

Le chœur chante les tropaires et les kondakia du jour.


Le diacre : Prions le Seigneur.
Le chœur : Kyrie eleison.
Le prêtre : Car Tu es saint, ô notre Dieu, et nous Te rendons
gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours,
Le diacre : Et dans les siècles des siècles.
Le chœur: Amen. Et il chante l’hymne du Trisagion: Saint
Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous2 (trois fois).
Le prêtre dit à voix basse la prière du Trisagion : O Dieu saint,
Toi qui reposes dans les saints, qui es loué par les séraphins qui
chantent trois fois “Saint”, qui es glorifié par les chérubins et
adoré par toutes les Puissances célestes; Toi qui as amené toutes
choses du néant à l ’existence; Toi qui as créé l ’homme à Ton
image et à Ta ressemblance, et qui Tas orné de tous les dons de Ta
grâce; Toi qui accordes à ceux qui les demandent, sagesse et intel­
ligence, qui ne méprises point le pécheur, mais qui as institué la
pénitence pour le salut; Toi qui nous as rendus dignes, nous, Tes
humbles et indignes serviteurs, de nous tenir, à cette heure encore,
devant la gloire de Ton saint Autel et de T ’offrir l ’adoration et
la glorification qui Te sont dues; Toi, Seigneur, reçois également
de notre bouche de pécheurs l ’hymne du Trisagion, et visite-nous,
dans Ta douce bienveillance. Pardonne-nous toute faute volon­
taire ou involontaire, sanctifie nos âmes et nos corps, et accorde-
nous de Te servir dans la sainteté tous les jours de notre vie, par
lesprières de la Sainte Mère de Dieu et de tous les saints qui T ’ont
été agréables depuis le commencement du monde. Car Tu es saint,
ô notre Dieu, et nous Te rendons gloire, Père, Fils et Saint-Esprit,
maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.
Ensuite, selon les usages, le prêtre et le diacre chantent égale­
ment le Trisagion alternativement, faisant trois inclinations
devant le saint Autel.
Après cela, le diacre dit au prêtre: Veuille bénir, Maître. Le
prêtre va à l’autel de prothèse en disant: Béni soit Celui qui12

1. Sur le sacerdoce, VI, 4, SC 272, p. 317-319.


2. Is 6, 3, Ps 41, 3.
vient au nom du Seigneur'. Et revenant, alors que le prêtre se
tourne vers le trône élevé2, le diacre dit: Bénis, Maître, le trône
élevé.
Le prêtre : Bénis sois-Tu sur le trône de gloire de Ta royauté,
Toi qui es assis sur les chérubins', en tout temps, maintenant et
toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Une fête commune des d e u x et de la Terre

« Lors de la sainte Entrée, les anges entrent dans le sanctuaire avec le


Christ. Après l’entrée, les anges et les hommes chantent l’hymne trois fois
saint : Saint Dieu, c’est-à-dire Dieu le Père ; Saint Fort, c’est-à-dire le Fils
et Verbe de Dieu - Il est fort, car II a lié le diable qui avait sur nous le
pouvoir de la mort, Il l’en a dépouillé par la Croix, et II nous a donné la
vie et le pouvoir ainsi que l’autorité de terrasser le démon. Saint Immortel,
c’est-à-dire le Saint-Esprit, le Donateur de vie, par Lequel toute la création
est préservée et crie : Aie pitié de nous... Le Trisagion est dit trois fois, car
la triple appellation “saint” s’applique à chacune des trois Personnes de
l’unique Divinité : chacune d’entre elles est sainte, et forte et immortelle4. »
L’hymne du Trisagion « a été emprunté en partie aux anges ; et il est
également tiré du livre des Psaumes du prophète [David]. Il a été réuni en
un seul chant par l’Église du Christ, qui l’a dédié à la Sainte Trinité. Saint,
répété trois fois, est l’acclamation des anges (Is 6, 3), tandis que les paroles
Dieu, fort et immortel sont empruntées au bienheureux David, quand il
dit: Mon âme a eu soif du Dieu fort et vivant (Ps 41, 3). Recueillir et réunir
ces deux acclamations et y ajouter la supplication : aie pitié de nous, cela a
été le rôle de l’Église... : il fallait montrer, d’une part, l’accord entre l’An­
cien Testament et le Nouveau ; d’autre part, que les anges et les hommes
sont devenus une seule Église, un chœur unique5 ».
Pendant la divine liturgie, nous participons au chœur des anges, nous
chantons avec les séraphins. Pour cette raison, saint Jean Chrysostome
nous exhorte : « Considère qui chante avec toi, et ce sera suffisant pour
t’amener à la vigilance. Cela devrait être suffisant quand tu te rappelles
que, bien que revêtu d’un corps et lié par la chair, tu as été jugé digne de
1. Ps 117, 26.
2. Désigne le trône de l’évêque (N.d.T.).
3. Dn 3, 54-55 [Hymne des Trois Knfants]. Ps 98, 1.
4. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 408C-409A.
5. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divitie liturgie, XX, SC 4 bis, 146-148.
louer le Seigneur de tous, ensemble avec les Puissances incorporelles'. »
Ensemble avec les Puissances angéliques nous, pécheurs et faibles, élevons
l’hymne du Trisagion. « Comme les dons du Christ sont admirables ! Dans
les Cieux en-haut, les armées angéliques Le glorifient. En bas, dans les
saintes églises, les hommes chantent et imitent la doxologie angélique.
En-haut, les séraphins chantent avec force l’hymne du Trisagion. En bas,
la multitude des fidèles élève la même hymne. Une même fête solennelle
est partagée par le Ciel et la Terre : une seule action de grâces, une seule
réjouissance, une seule psalmodie joyeuse. Car cette fête a été établie par
la condescendance indescriptible du Seigneur, rassemblée dans l’unité par
le Saint-Esprit, et l’harmonie de sa musique a été accomplie par la volonté
du Père. Le rythme harmonieux de ses chants vient du Ciel ; et comme il
est mû par la Sainte Trinité —comme par quelque plectre - il produit une
mélodie plaisante et bénie, le chant angélique, l’harmonie perpétuelle12. »
Le Ciel et la Terre se meuvent ensemble vers l’Autel. Toute la création,
visible et invisible, est rassemblée en un seul lieu et célèbre la fête, louant
ensemble le Seigneur.

Le trône élevé

Dans le chant de l’hymne trois fois saint, le célébrant et les fidèles se


sont identifiés aux ordres angéliques dans l’œuvre de la glorification de
Dieu. Maintenant, le prêtre, se déplaçant de l’autel de la prothèse vers le
trône élevé, imite les ordres angéliques qui volent des deux ailes autour
du Trône de Dieu, et qui Le glorifient par des « doxologies qui ne cessent
jamais3 ». Ainsi, ce n’est pas seulement par l’hymne angélique du Trisagion,
mais aussi par les mouvements angéliques que nous vivons la réalité de la
concélébration du Ciel et de la Terre.
En allant à l’autel de la prothèse, le célébrant glorifie le Seigneur qui
vient dans notre monde : Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur. Le
Seigneur est Celui qui est béni et le Fils du Dieu béni (Mc 14, 61). Nous
Le bénissons et nous Le glorifions, et cela ne signifie pas que « nous Lui
ajoutions quelque chose mais que nous-mêmes gagnons quelque chose de
grand4 ». Nous bénissons le Christ, c’est-à-dire que nous Lui offrons une
1. Saint Jean Chrysostome, Sur l ’Incompréhensibilité de Dieu. IV, 5, SC 28 bis, 261 ; Sur Matthieu,
XIX, 3, PG 57, 277.
2. Id., Homélie sur Ozias, I, 1, PG 56, 97-98.
3. Liturgie de saint Basile, prière de l’anaphore.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 134, 7, PG 55, 399.
bonne parole (Ps 44, 2). Et Lui-même, réciproquement, offre Sa propre
personne qui est la bonne Parole et le Bien : « le Verbe Bon » qui est né du
Père1.
* * *

De l’autel de la prothèse, le célébrant va au trône élevé situé à l’est de


l’Autel, qui symbolise le trône de Dieu. « Le trône élevé signifie que Jésus
est assis au-dessus des deux12. » Ce symbolisme est souligné également par
la doxologie prononcée par le célébrant : Béni sois-Tu sur le trône de gloire de
Ta royauté. En même temps, le célébrant imite les chérubins qui bénissent
Dieu : Bénie soit la gloire du Seigneur, du lieu de Sa demeure (Ez 3, 12).
La divine liturgie terrestre est une représentation vivante de la liturgie
céleste. Après cela,je regardai, et voici, il y avait une grandefoule, quepersonne
ne pouvait compter, de toutes nations, de toutes tribus, de tous peuples, et de
toutes langues. Ils se tenaient devant le trône et devant l ’Agneau, revêtus de
robes blanches, et des palmes dans leurs mains. Et ils criaient d ’une voixforte,
en disant: Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l ’Agneau.
Et tous les anges se tenaient autour du trône, des vieillards et des quatre êtres
vivants; ils se prosternèrent sur leur face devant le trône et ils adorèrent Dieu,
en disant : Amen ! La louange, la gloire, la sagesse, l ’action de grâces, l ’honneur,
lapuissance et laforce soient à notre Dieu, aux siècles des siècles! Amen ! (Ap 7,
9-12).

Ensuite, le lecteur dit: Prokimenon*de l ’Epître.


Le diacre: Soyons attentifs. Et le lecteur lit les versets du
prokimenon.
Le diacre : Sagesse.
Le lecteur déclame le titre de la lecture apostolique.
Le diacre : Soyons attentifs.
Le lecteur lit l’Épître du jour, tandis que le diacre encense le
sanctuaire, les principales icônes et le peuple.
Lorsque le lecteur a terminé, le prêtre dit : Paix à toi, lecteur. Et
YAlléluia est chanté avec ses versets.

1. Saint Athanase le Grand, Homélie III contre les Ariens, 67, PG 26, 464C.
2. Saint Syméon de Thessalonique, Consécration, 135, PG 155, 345B.
L'annonce préalable de la venue du Christ

Avant de lire l’Épître, le lecteur déclame le prokimenon parce que celui-


ci nous introduit dans le mystère de la Parole1.
Le prokimenon symbolise « la révélation des divins mystères par les
prophètes, et l’annonce préalable de la venue du Christ Roi12 ». Des versets
des psaumes sont utilisés comme prokimena parce qu’ils évoquent par
excellence les miracles de l’économie divine.
Dans les temps anciens, le prokimenon était un psaume entier, chanté
par les fidèles, divisés en deux chœurs. L’agrément des chants du proki­
menon, comme celui de toutes les hymnes, manifeste « le plaisir qui fait
percevoir les biens divins, ce plaisir qui élève les âmes au pur et bienheu­
reux amour de Dieu34». Fortifiées par le plaisir divin, nos âmes « oublient
les labeurs passés de la vertu et elles retrouvent leur jeunesse en présence
du vigoureux désir des biens divins et incorruptibles qui leur manquent
encore1».
La psalmodie purifie le cœur et illumine l’intellect pour recevoir le
message du salut. Par leur contenu sacré, « les chants ont harmonieuse­
ment préparé nos âmes aux mystères que nous devons progressivement
célébrer, lorsqu’ils nous ont mis à l’unisson des chants divins et nous ont
ainsi accordés non seulement aux réalités divines, mais avec nous-mêmes...
Alors, ce qui dans les psaumes sacrés est résumé ou obscur, est élargi par des
images et des explications plus nombreuses et plus claires par les lectures
des textes sacrés des saints apôtres5 ».
Les versets du prokimenon, par la flamme de leur poésie et l’ardeur de
leurs paroles, nous préparent à écouter la parole de Dieu. Et la parole du
Nouveau Testament éclaire celle, prophétique, de FAncienne Alliance.

1. Le prokimenon (•<qui précède »), qui est chanté ou lu avant la lecture des prophéties, de l’Êpître
ou des péricopes évangéliques, est composé de versets psalmiques, qui ont un rapport avec la
lecture qui suit. Saint Marc d’Ephèse, Explication de l'office ecclésiastique, PG 160, 1189D.
2. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 412A.
3. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, XI, 24, PG 91,689C, traduction française, éd. Migne,
collection <• Les Pères dans la loi », op. fit., p. 117.
4. Ibid., PG 91, 708A, traduction française, op. cit., p. 140.
5. Saint Denys l’Aréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique, 111, 3, 3, PG 3, 432AB, traduc­
tion française de Maurice de Gandillac, op. cit., p. 268.
Nous avons contemplé Sa gloire

Toute la première partie de la divine liturgie est résumée dans ces paroles
de saint Jean le Théologien : Et le Verbe a étéfa it chair; et II a habité parmi
nous, et nous avons contemplé Sa gloire, gloire qu’i l tient de Son Père comme
Fils Unique, plein de grâce et de vérité (Jn 1, 14).
Les lectures de la Sainte Ecriture « nous font connaître la manifestation
du Seigneur, telle quelle se fit peu à peu, après Sa première apparition [aux
hommes]. En effet, la première ostension de l’Évangile [lors de la Petite
Entrée], livre fermé, représente la première apparition du Sauveur [dans
le Jourdain], alors que, tandis que Lui-même gardait le silence, le Père Le
.montrait... Mais ici [dans les lectures sacrées], ce qui nous est signifié, c’est
Sa manifestation la plus parfaite, au cours de laquelle II se mêlait à la foule,
en public, et se faisait connaître Lui-même, non seulement par Ses propres
paroles, mais encore par celles qu’il enseignait à Ses apôtres à dire, en les
envoyant aux brebis perdues de la maison d ’Israël (Mt 10,6). Voilà pourquoi
on lit aussi bien les écrits apostoliques que l’Évangile lui-même1 ».
Au moyen des lectures, nous faisons l’expérience du mystère de l’Incar­
nation de la Parole. Par la sainte anaphore sont célébrées l’offrande et la
communion du Verbe. Les lectures sont la parole de Dieu : la théologie.
Quant à l’anaphore, elle est l’œuvre divine de l’amour : la théurgie, l’opé­
ration de Dieu. Et « c’est dans l’opération de Dieu que culmine et s’achève
la Parole de Dieu12 ». Par la parole et l’action divines, dans toute la divine
liturgie, nous entendons, voyons le Christ, et communions avec Lui.

Louez Dieu !

La joie des fidèles pour la manifestation du Verbe de Dieu qui a lieu lors
de la lecture de l’Évangile est exprimée par l’hymne Alléluia, qui signifie
« Louez Dieu ». Le mot même et la façon d’exécuter la mélodie montrent
qu’il s’agit d’une exclamation de louange et de joie. C ’est une salutation
joyeuse au Seigneur alors qu’il vient à l’assemblée de Ses enfants.
La véritable joie a été apportée au monde par le Christ. « Il ne saurait y
avoir de joie pour l’homme si le Seigneur n’était pas venu, puisque c’est le
Christ seul qui nous a apporté la joie et que, si certains se sont réjouis avant

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XXII, SC 4 bis, 157.


2. Saint Denys l’Aréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique, PG 3, 432B, traduction française
de Maurice de Gandillac, op. cit., p. 269.
que le Christ fût venu sur la Terre, cette joie provenait d’une initiation à
Son mystère : ainsi, Abraham tressaillit de joie à la pensée d ’entrevoir mon
jour; il l ’entrevit et en fu t heureux' (Jn 8, 56). » « Le Christ est l’allégresse
qui jaillit dans nos âmes lors des assemblées liturgiques’. »
Devant le saint Autel, les fidèles font l’expérience de la présence du
Christ et se réjouissent, à l’instar des milices angéliques. « Parce que [les
milices angéliques] servent sans cesse autour du Trône royal de Dieu, elles
sont continuellement dans la joie, dans la félicité éternelle, la joie inces­
sante. Elles sont emplies de joie, dansent et glorifient sans cesse. Car se
tenir devant cette gloire divine et être illuminé par l’éclat dont elle rayonne
est leur joie, leur allégresse, leur ravissement et leur gloire’. »
Tout comme les saints anges, nous nous réjouissons de la venue du
Christ qui est « la joie de tous4 », et nous chantons spontanément : Alléluia,
alléluia, alléluia.

Le diacre : Prions le Seigneur. Kyrie eleison.


Le prêtre dit la prière :
Fais briller dans nos cœurs, Maître qui aime les hommes, la pure
lumière de Ta divine connaissance, et ouvre les yeux de notre
esprit pour que nous comprenions Ton message évangélique. Mets
aussi en nous la crainte de Tes bienheureux commandements, afin
que, foulant aux pieds tous les désirs de la chair, nous menions
une vie selon l ’esprit, ne pensant et n’agissant que d ’une façon
qui Te plaise. Car Tu es l ’illumination de nos âmes et de nos
corps, Christ Dieu, et nous Te rendons gloire avec Ton Père sans
commencement et Ton très saint, bon et vivifiant Esprit, mainte­
nant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.1234

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explicatioti de la divine liturgie, XIX, SC 4 bis, 142.


2. Saint Basile le Grand, Lettre, 243, 2, PG 32, 905B, traduction française, Paris, collection
« Belles Lettres », 1966, tome III, p. 69.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur Ozias, I, 2, PG 56, 100.
4. Kondakion du Samedi de Lazare. Ce triple Alléluia est appelé Alléluiarion et est chanté habi­
tuellement comme refrain à certains versets des psaumes. Dans les temps anciens, YAlleluia-
rion était constitué d'un psaume entier, avec Alléluia pour refrain après chaque verset (comme
nous chantons maintenant, par exemple, le Ps 135 : Confessez le Seigneur, car II est bon). De nos
jours, le diacre encense pendant ce triple Alléluia. L’offrande de l’encens est faite en raison de
« la grâce de l’Esprit donnée par l’Évangile au monde entier » (saint Syméon de Thessalonique,
Sur l ’édifice de L’Église, 68, PG 155, 724C).
La Lumière de la connaissance de Dieu

Par l’incarnation du Seigneur, l’obscurité spirituelle qui régnait sur


la Terre a été dissipée et la Lumière véritable a brillé. « La Sainte Écri­
ture appelle habituellement nuit le temps précédant la venue du Christ,
pendant lequel... l’obscurité de l’ignorance régnait sur la Terre. Tandis
quelle appelle jour le temps de la venue de notre Sauveur, pendant lequel
nous avons été illuminés, alors que nous avons reçu la Lumière de la véri­
table connaissance de Dieu dans nos esprits, et nous voyons maintenant le
Soleil de la justice avec les yeux de notre âme1. »
Avant que ne commence la lecture du saint Évangile, nous demandons
au Seigneur la Lumière de la connaissance divine car, comme Soleil de
Justice, Il l’accorde à nos âmes. « La connaissance est appelée lumière dans
la mesure où elle est communiquée par la Lumière divine. Le grand apôtre
Paul l’affirme : Dieu qui a dit: la Lumière brillera du sein des ténèbres a
fait briller la lumière dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de
la gloire de Dieu (2 Co 4, G)... Vois-tu ? La lumière de la connaissance est
communiquée par la Lumière de la grâce12. »
La connaissance divine est exprimée de deux façons : premièrement, elle
est inhérente au fait que Dieu nous connaît comme les Siens et partici­
pants de Sa grâce, conformément à la parole apostolique vous avez connu
Dieu, ou plutôt vous avez été connus de Dieu (Ga 4, 9). Deuxièmement, elle
est conférée par ce que Dieu nous révèle. Par cette révélation, le Christ
illumine nos cœurs et nous accorde la véritable vie, car la connaissance
de Dieu engendre la vie : « Tel est le commencement de la vie bienheu­
reuse : la véritable connaissance de Dieu - Te connaître, dit Salomon, est
la racine de l ’immortalité (c f Sg 15,3)—de même que l’ignorance de Dieu
[par le premier créé] introduisit la mort à l’origine3. » Saint Isaac le Syrien
demande : « Qu’est-ce que la connaissance ? » Et il répond : « C’est la sensa­
tion de la vie immortelle4. »
La connaissance divine est la force qui nous fait acquérir la vie incor­
ruptible, et la vie éternelle est la connaissance de Dieu, selon la parole du
Seigneur: La vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu,
et Celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ (Jn 17, 3). Et ces deux choses —la
1. Saint Cyrille d’Alexandrie, Sur l'adoration en Esprit et en Vérité, III, PG 68, 268D.
2. Saint Grégoire Palamas, Défense des saints hésychastes, I, 3, 3, traduction française de Jean
Meyendorff, op. cit., tome I, p. 110.
3. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, 2, SC 355, 153.
4. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, XXXVIII, traduction française, op. cit., p. 274.
connaissance de Dieu et la vie —nous les demandons dans la divine liturgie,
car elles y sont offertes comme nourriture et boisson. L’un des textes litur­
giques les plus anciens énonce : « Nous Te rendons grâces, notre Père, pour
la vie et la connaissance que Tu nous as fait connaître par Jésus Ton enfant ;
à Toi soit la gloire dans les siècles1. » Nous rendons grâces pour la vie et la
connaissance que le Christ nous accorde.
Depuis la hauteur de la Croix vivifiante, de l’arbre de vie, le Christ a
ouvert la porte du Paradis et nous y a introduits - Il nous a introduits dans
la divine liturgie, où l’arbre de la connaissance et l’arbre de vie sont plantés,
fleurissent et offrent leur fruit (Gn 2, 9).
***

Pour entrer dans la joie du Seigneur, dans la divine liturgie, il nous faut
piétiner les désirs charnels. C ’est précisément ce que demande le célébrant
dans la prière avant la lecture du saint Evangile : Mets aussi en nous la crainte
de Tes bienheureux commandements, afin que, foulant aux pieds tous les désirs
de la chair, nous menions une vie selon l’esprit. L’homme qui est ami des
plaisirs refuse l’invitation du Christ à participer au banquet de Son amour.
Car « lorsque l’intellect de l’homme est porté à la sensualité de ce monde,
il est impuissant et inerte pour les œuvres de Dieu. Et il ne participera
pas à la fête divine et céleste1234». En outre, « Dieu le Père ne donne pas aux
impurs [la bénédiction] de connaître le Christ, ni n’offre la grâce très utile
du Saint-Esprit à ceux qui ont appris à s’écarter dans des transgressions
inconvenantes, car il ne convient pas de déverser le parfum très précieux
dans la boue’ ».
Quand, par la grâce du Christ, nous vainquons les désirs charnels, le
Seigneur transforme toute notre existence. Le corps et l’âme deviennent
les sources des forces spirituelles. « Une fois que le corps a brûlé dans la
fournaise de l’ascèse et a été trempé dans l’eau des larmes (...), immergé
dans le silence et la sérénité de la paix intérieure, il est empli avec une autre
force... celle du Saint-Esprit (...). Lorsque l’âme a fait de son corps un tel
collaborateur... elle change ses mouvements corporels en combats spiri­
tuels... Elle quitte le corps et entre dans la nuée de la théologie '. »

1. Didaché IX, 3, SC 248, 177. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, XI, 3, PC 74, 484D.
2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur l'adoration en Esprit et en Vérité, IV, PG 68, 313C.
3. Id., Sur Jean, IV, 3, PG 73, 605D.
4. Nicétas Stéthatos, IIIe centurie sur la Connaissance spirituelle, 39, Philocalie, tome III, p. 335-
Lorsque les désirs charnels sont surpassés, nous pouvons mener une vie
spirituelle et connaître le Seigneur qui aime les hommes. Saint Grégoire
le Théologien nous appelle à la hauteur de la théologie : « Tu veux devenir
un jour théologien et digne de la Divinité ? Garde les commandements,
progresse par l’observance des préceptes, car la pratique sert de marchepied
à la contemplation1» des mystères spirituels.

Approchons de l ’Epoux avec nosflambeaux

Nous avons demandé au Christ qu’il nous illumine de la lumière de la


connaissance de Dieu, car II est l’illumination de nos âmes et de nos corps.
Cette lumière du Christ est symbolisée par la lumière des cierges et des
veilleuses que nous allumons lors de la divine liturgie et des autres offices.
L’éclairage dans l’office, en particulier avec des lampes qui brûlaient
d’une huile pure, constituait une loi de Dieu donnée à Moïse: Ordonne
aux fils d ’Israël de te procurer pour le luminaire de l ’huile d ’olive, limpide
et vierge, afin qu’une lampe soit allumée à perpétuité (...) dans la tente du
témoignage... Elle brûlera du soir au matin devant le Seigneur. C ’est une loi
immuable pour vous d ’âge en âge (Lv 24, 2-3).
L’utilisation de l’éclairage dans la divine liturgie commence dès les
temps apostoliques. Les Actes des apôtres mentionnent que lorsque l’apôtre
Paul célébrait l’Eucharistie à Troas, de nombreuses lampes étaient allu­
mées dans le lieu de l’assemblée (Ac 20, 8). Saint Nicodème l’Hagiorite
explique pourquoi nous illuminons l’église : « Premièrement, pour la gloire
de Dieu, Lui qui est la véritable lumière qui illumine chaque homme.
Deuxièmement, pour que se dissipent les ténèbres de la nuit et que nous
éprouvions une consolation. Troisièmement, comme un signe de joie et
d’allégresse... Quatrièmement, en l’honneur des Martyrs et des Saints...
Cinquièmement, comme allusion à la lumière de nos bonnes oeuvres... et
sixièmement, pour le pardon de nos péchés12. »
Saint Syméon le Nouveau Théologien écrit à ce propos : « Ce que te
montrent les lampes, par leur signification, c’est la lumière intelligible.
De même, en effet, que l’église, cette magnifique demeure, est illuminée
par la multitude des lampes, de même la demeure de ton âme, bien plus
précieuse que ce temple, doit être illuminée intérieurement et éclairée à

1. Discours, XX, 12, SC 270, 83


2. Sur le canon de Pâques, ode 5, Thessalonique, Orthodoxos Kypseli, 1995 volume 11, p. 303-304,
note 106.
fond par toutes les vertus spirituelles... Quant aux pensées qui prennent
forme de lumière, le nombre de chandeliers où brûle le feu visible t’en
donne une idée ; comme eux, chacune d’elles doit briller sans qu’une seule
pensée obscure s’attarde dans la maison de ton âme; absolument toutes
au contraire doivent briller dans le feu de l’Esprit qui les consume sans
cesse1. »
Dans l’assemblée eucharistique, le Seigneur vient comme l’Époux au
milieu de la nuit~ de cette vie. Il nous a Lui-même donné le cortimande-
ment de L’attendre avec les lampes de nos âmes allumées : Gardez vos lampes
allumées (Le 12, 35). Aussi, l’Église nous incite à aller à la rencontre de
l’Époux pour fêter - avec les milices angéliques - la Pâque eucharistique:

« Flambeaux en mains, approchons du Christ


sortant du tombeau comme l’Époux,
et avec les ordres festifs [des anges]
célébrons la Pâque salvatrice de Dieu*12345.»

Le diacre dit au prêtre: Bénis, Maître, celui qui va annoncer


l ’Evangile du saint et glorieux apôtre et évangéliste N ...
Le prêtre le bénit en disant: Que Dieu, par l ’intercession du
saint et glorieux apôtre et évangéliste N ..., t ’accorde d ’annoncer
Sa parole avec grande puissance'', pour l ’accomplissement de
l ’Evangile de Son Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ.
Le diacre: Amen, amen, amen. Qu’il me soitfa it selon taparole\

Nous voyons et nous entendons le Christ

Lors de la Petite Entrée, le célébrant a couvert son visage avec l’Évan-


géliaire pour que le visage montré symboliquement aux fidèles soit celui
du Christ. Maintenant, par la lecture de l’Évangile, le célébrant prête sa
bouche au Verbe de Dieu, afin que les fidèles entendent Sa voix. Nous
voyons le Christ dans la personne du célébrant et, dans la voix de celui-ci,
nous L’entendons.

1. Discours éthique. XIV, 3, SC 129, 428.


2. Matines du Lundi saint, apolytikion.
3. Matines de Pâques, canon, 5‘ ode.
4. Ps 67, 12.
5. Le 1, 38.
Étant donné que « l’Évangile est la présence du Fils de Dieu1», nous
voyons et nous écoutons, par la lecture évangélique, le Christ qui nous
appelle au repentir afin d’entrer dans Son Royaume. Nous Le voyons
et nous L’écoutons par nos sens spirituels. Nous avons les yeux de la foi
ouverts et, pour cette raison, nous Le voyons plus clairement que ceux qui
L’avaient vu dans la chair mais sans foi. En effet, « les yeux de la foi voient
ce qui n’est pas vu’ ».
Saint Jean Chrysostome qui, comme tous les Pères théophores, a vu l’in­
visible et entendu l’indicible, nous assure que seuls sont les sens véritables
ceux de la foi. Commentant les paroles du Christ: Heureux vos yeux parce
qu’ils voient et vos oreilles parce quelles entendent (Mt 13, 16), il écrit: « Le
Christ n’appelle pas heureuse la vue extérieure [c’est-à-dire corporelle], car
celle-ci ne voit pas d’elle-même les miracles, mais la vue intérieure. Les Juifs
virent un aveugle [guéri] et dirent: “C ’est lui, ce n’est pas lui” (Jn 9, 8). Tu
les entends douter... Tandis que nous, qui n’étions point présents, nous ne
disons pas : “C’est lui, ce n’est pas lui”, mais : C’est lui ! Comprends qu’être
absent ne nuit en rien lorsque l’on a les yeux de la foi, alors qu’être présent
ne sert à rien lorsque l’on en est dépourvu; car en quoi a servi aux Juifs
de voir le Christ ? A rien. N ’avons-nous pas vu plus clairement qu’eux*123? »

Le Seigneur, lorsqu’il enseignait aux Juifs, parlait en paraboles car,


comme II l’a dit : Tandis qu’ils voient mes miracles, ils ne veulent pas voir, et
tandis qu’ils écoutent mon enseignement, ils ne veulent pas entendre (Mt 13,
13). Les fidèles voient et entendent le Christ et ils Le suivent, parce qu’ils
connaissent Sa voix, bien que de nombreux siècles se soient écoulés depuis
Sa venue selon la chair. Par les sens de la foi, les fidèles vivent le mystère du
siècle nouveau : Si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous
ne Le connaissons plus de cette manière. Si quelqu’un est en Christ, il est une
nouvelle création (2 Co 5, 16-17).

Ensuite, le prêtre dit, devant les Portes royales : Sagesse. Debout.


Ecoutons le saint Evangile. Paix à tous.
Le choeur : Et à ton esprit.

1. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 412D.


2. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur Dans les derniers jours, II, PG 56, 272.
3. Ibid., PG 56, 273.
Élevons notre esprit au-dessus de ce qui est terrestre

L’exhortation du célébrant à écouter debout le Seigneur signifie: «ce


n’est pas avec nonchalance, mais avec ferveur et avec un respect total, que
nous devons avoir cet entretien [avec Dieu], qu’il s’agisse de prêter nos
regards, nos oreilles ou nos lèvres à quelqu’un des rites sacrés. La première
marque de cette ferveur, de cette piété, c’est l’attitude droite du corps...
car c’est l’attitude des suppliants ; telle est l’attitude des serviteurs qui
ont l’esprit entièrement attentif au moindre signe de leur maître, prêts
à courir à leur office dès qu’ils auront saisi l’ordre donné... Ne sommes-
nous pas nous-mêmes les suppliants de Dieu pour nos intérêts les plus
importants1? ».
Les paroles Debout, écoutons le saint Evangile ont aussi une signification
plus spirituelle : « Elevons notre intellect et nos œuvres au-dessus de ce qui
est terrestre et nous comprendrons la manifestation des biens divins12. »
La plus belle occasion pour le diable de dérober les biens que nous offre
la lecture sacrée lui est donnée par notre paresse : « Ce trésor spirituel [de
la Sainte Écriture] est inattaquable et, lorsqu’il est placé dans le coffre-fort
de notre intellect, il devient imprenable à toute machination, sauf si nous
donnons, par paresse, quelque occasion à celui qui veut nous l’enlever.
Car notre ennemi, le diable, lorsqu’il voit amassée la richesse spirituelle,
s’effarouche et grince les dents. Il veille sans cesse pour trouver l’occasion
opportune d’enlever quelque chose de ce que nous gardons en nous. Mais
il n’a pas d’autre occasion, si ce n’est notre paresse. Pour cette raison, nous
devons continuellement veiller et repousser ses assauts3 ».
La lecture du saint Evangile nous conduit à la cité du Royaume céleste.
L’Évangéliste que nous écoutons est le guide qui nous conduit à cette cité.
Entrons-y avec sobriété et vigilance. Car « cette cité est royale et toute
glorieuse... Ouvrons donc largement les portes de notre esprit, ouvrons
notre ouïe et, avec beaucoup de crainte, comme il convient de pénétrer
dans le vestibule, vénérons le Roi de cette cité... N ’entrons pas en elle avec
bruit et trouble, mais dans le silence mystique... Car il ne s’agit pas de la
lecture des lettres de quelque roi terrestre, mais du Seigneur des anges4 ».

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XXI, SC 4 bis, 153.


2. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 412D.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur la Genèse, V, 1, PG 53, 48.
4. Ibid., Sur Matthieu, I, 8, PG 57, 23-24.
Je vous donne ma paix

Par la bouche et la main du célébrant, le Christ donne Sa paix au fidèle


qui lutte contre les passions: Je vous donne ma paix (Jn 14, 27). « Je serai
encore avec vous, même si je suis absent corporellement... et je vous
élèverai au-dessus de tout trouble... Une force divine s’élèvera en vous
et, tandis que l’intellect sera sans soucis et que le cœur sera serein, je vous
guiderai vers la révélation de ce qui est plus élevé que l’intellect humain1. »
Cette force divine qui se lève dans nos âmes est la paix de Dieu qui, dans
la divine liturgie, devient notre guide pour la compréhension du mystère
de l’Amour divin.
La paix offerte par le célébrant signifie « la grâce de l’impassibilité que
Dieu donne aux saints, en récompense des labeurs de la vertu. De telle
façon que, libérés de la guerre [avec les forces du diable], ils réorientent les
puissances de leurs âmes vers la culture spirituelle- ».
* * *

Le peuple répond au célébrant: Avec ton esprit. Par cette parole, il


souhaite également la paix de Dieu à son pasteur et père.
L’intellect de l’homme a besoin de la paix de Dieu. Car « ce ne sont pas
les choses en soi qui nous agitent et nous troublent, mais bien la maladie
de notre pensée. Sinon, il faudrait nécessairement que tous les hommes
fussent dans le trouble. Nous naviguons tous sur la même mer123 » de la
vie. « Si nous nous\tenons donc prêts à toute sorte d’événements, nous ne
serons nullement exposés aux hivers rigoureux et à la tempête, mais nous
jouirons toujours d’un calme parfait4 », dit saint Jean Chrysostome. C’est
une sérénité semblable que le même saint demande à ceux qui écoutent
l’Évangile : « Je demande de vous cette sérénité qui doit être trouvée dans
l’intellect et dans l’âme5. »

Le diacre : Lecture du saint Evangile selon saint N ...


Le chœur : Gloire à Toi, Seigneur, gloire à Toi.
Le prêtre : Soyons attentifs.
1. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, X, PG 74, 304D.
2. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, XII, PG 91, 692A, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. cit., p. 118.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, III, 2, PG 59, 38.
4. Ibid.
5. Ibid. I, 2, PG 59, 27.
Le diacre lit l’Évangile du jour et, lorsqu’il a terminé, le prêtre
bénit le diacre en disant: Paix à toi, qui as proclamé le saint
Evangile.
Le chœur : Gloire à Toi, Seigneur, gloire à Toi.

L’Evangile du Royaume

La parole qui révèle aux hommes le mystère de la divine économie est


appelée Evangile (= la bonne nouvelle), car il s’agit de l’annonce joyeuse
de la descente de Dieu sur terre pour sauver l’homme : Voici, je viens vous
annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple...
Il vous est né aujourd’h ui... un Sauveur qui est le Christ Seigneur (Le 2, 10).
Jésus-Christ est l’annonce joyeuse de l’Évangile: « Il est l’évangile de notre
salut1. » Par conséquent, l’Évangile est la parole relative au Verbe de Dieu.
Méditant sur le mystère de l’incarnation du Seigneur et tous les dons qui
en résultent, saint Jean Chrysostome explique pourquoi leur énumération
est appelée « Évangile » : « Qu’est-ce qui pourrait être égal à ces annonces
joyeuses ? Dieu sur la Terre, l’homme au Ciel. Tout est devenu un : les anges
chantent avec les hommes, les hommes communiquent avec les anges et
les autres Puissances célestes. Quel spectacle plus grand et plus divin, que
de voir une guerre prolongée cesser ; Dieu réconcilié avec les hommes ; le
diable confondu ; les démons en fuite ; la mort vaincue ; le Paradis ouvert ; la
malédiction détruite ; le péché banni ; l’illusion pourchassée ; la vérité réta­
blie; la parole divine semée et fructifiant de toutes parts; la vérité rétablie;
la parole divine semée et fructifiant de toutes parts ; la vie du Ciel introduite
sur la Terre12. » C ’est pourquoi l’évangéliste a appelé « Évangile » - bonne
nouvelle - le récit de la vie du Christ. Car « tout le reste, tout ce que les
hommes croient être des biens ne sont que vanité et que mensonge... mais
ce que les pêcheurs nous annoncent est avec raison appelé “Évangile” ; non
seulement parce qu’ils nous promettent des biens stables, immuables, et
surpassant ce dont nous sommes dignes, mais encore parce que nous en
jouissons sans aucune peine. Car ce n’est ni par nos travaux, ni par nos
peines que nous sont procurés ces biens... Ce n’est que par le seul amour
de Dieu à notre égard que nous avons reçu tout cela3 ».

1. Saint Cyrille d ’Alexandrie, A la très pieuse Impératrice, PG 76, 1328 B.


2. Sur Matthieu, I, 2, PG 57, 15-16.
3. Ibid.
Les fidèles réfléchissent à tous ces biens et, avant que ne commence
encore la lecture évangélique, glorifient avec gratitude le Seigneur: gloire
à Toi, Seigneur, gloire à Toi! La même doxologie scelle aussi la fin de la
lecture.
* * *

Saint Maxime le Confesseur, interprétant de manière eschatologique la


lecture évangélique, dit quelle « sous-entend la fin du monde. Car après
la lecture du saint Evangile, l’évêque descend de son trône, et les célé­
brants renvoient et éloignent les catéchumènes ainsi que tous ceux qui sont
indignes de la contemplation divine des Mystères qui seront présentés ».
La lecture du saint Evangile manifeste donc « ce qui est écrit : l’Évangile du
Royaume sera proclamé dans le monde entier... et alors viendra la fin1»
(Mt 24, 14).
Pendant l’assemblée eucharistique, le Christ descend en gloire « comme
le signifie la descente de l’évêque du trône épiscopal2 ». Par le renvoi des
catéchumènes et de ceux qui sont indignes de participer au Mystère, nous
avons déjà la préfiguration du Jugement redoutable. Le Mystère eucharis­
tique qui est célébré par la suite est l’avant-goût du Royaume et de la joie
éternelle des fidèles qui participeront, dans sa pleine réalité, au Festin du
Royaume.

3. L’ecténie et la Grande Entrée

Alors le diacre, se tenant devant les Portes royales et faisant


face au sanctuaire, dit l’ecténie : Disons tous, de toute notre âme
et de tout notre esprit, disons.
Le chœur répond à chaque demande: Kyrie eleison (3 fois).
Seigneur tout-puissant, Dieu de nos Pères, nous T ’en prions,
exauce-nous et aie pitié de nous.
Aie pitié de nous, ô Dieu, selon Ta grande miséricorde, nous T ’en
prions, exauce-nous et aie pitié de nous.
Nous Te prions encore pour les chrétiens pieux et orthodoxes.
Nous Te prions encore pour notre archevêque N. N.
Nous Teprions encore pour nosfrères, prêtres, hiéromoines, hiéro-
diacres, moines, et pour toute notre fraternité dans le Christ.
1. Mystagogie, XIV, PG 91, 692D-693A, traduction française, éd. Migne, collection « Les Pères
dans la foi », op. cit., p. 120.
2. Ibid., XXIII, PG 91,700B, traduction française, op. cit., p. 142.
Nous Te prions encore pour obtenir miséricorde, vie, paix, santé,
salut, protection, pardon et rémission des péchés des serviteurs de
Dieu, tous les chrétiens pieux et orthodoxes, ceux qui habitent ou
qui visitent cette ville et cette paroisse, les épitropes et les membres
de cette sainte Eglise.
Nous Te prions encore pour les bienheureux fondateurs de cette
sainte église (ou ce saint monastèrej, et pour tous nos pères etfrères
orthodoxes qui se sont endormis avant nous, et qui reposent pieu­
sement ici et en tout lieu.
Nous te prions encore pour ceux qui offrent des dons et font le
bien dans cette sainte et très vénérable église, pour ceux qui y
travaillent, qui y chantent, etpour tout lepeuple qui nous entoure
et qui attend de Toi une grande et abondante miséricorde.
Ecphonèse : Car Tu es un Dieu miséricordieux et qui aime les
hommes, et nous Te rendons gloire, Père, Fils et Saint Esprit,
maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.
Le chœur: Amen.

Le Christ est l'abîme de la miséricorde


Cette suite de demandes est appelée « ecténie instante1».
Nous accourons auprès du Christ et nous demandons sans cesse Sa misé­
ricorde, à l’instar de la Cananéenne (Mt 15, 21-28) : « Aie pitié de moi ; je
n’ai pas de bonnes œuvres, je n’ai pas la confiance que donne une bonne
vie pour Te parler, j’ai recours à la pitié, je me réfugie dans le port ouvert
aux pécheurs, je me réfugie auprès de la miséricorde, là où il n’y a pas de
tribunal, où se trouve, sans examen, le salut12 », dit saint Jean Chrysostome,
qui poursuit : « Voyez encore la sagesse de la femme ! Elle ne s’adresse pas à
Jacques, elle ne fait pas de prières à Jean, elle ne s’approche pas de Pierre...
Je n’ai pas besoin d’intermédiaire, le repentir parle pour moi, et je vais droit
à la source même. Si le Christ est descendu, s’il a revêtu notre chair, c’est
pour que moi aussi je m’entretienne avec Lui... Aie pitié de moi. Il s’agit
d’une courte parole, mais elle obtient un immense océan de salut. Aie pitié
de moi. C ’est pour cela que Tu es venu près de moi ; c’est pour cela que Tu
as revêtu une chair semblable à la nôtre, c’est pour cela que Tu es devenu
1. L’ecténie instante, dans les temps plus anciens, était plus étendue que maintenant. Les fidèles
formulaient des demandes pour les Eglises locales et pour toutes les classes de fidèles: les
vivants, les morts, les malades, les pénitents, etc. On trouve une telle ecténie dans la divine
liturgie de l’apôtre Jacques, le frère du Seigneur.
2. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur la Cananéenne, IV, I’G 52, 452.
ce que je suis. En haut, le tremblement [des anges] ; en bas, la confiance
[de la femme1] ! »
De même que la Cananéenne, nous aussi, même si nous n’entendons
pas la réponse du Christ à nos demandes, même si nous ne sommes pas
dignes de Sa miséricorde, nous Le supplions à genoux : Seigneur aie pitié!
Le Christ est venu sur terre pour nous faire miséricorde. Le mystère
de Sa venue sur terre est appelé miséricorde et vérité: « Miséricorde: car
alors que nous nous trouvions dans l’état le plus misérable, que nous
étions Ses ennemis et en révolte contre Lui, Il ne nous a pas, à cause de
Son immense bonté et amour, regardés avec indifférence; Il ne s’est pas
contenté de compatir à notre malheur... mais II nous a rendus dignes de
Son Royaume... C ’est donc pour ces motifs que l’œuvre rédemptrice est
désignée par le nom de miséricorde. Et elle est ensuite appelée vérité (Ps 91,
3) parce que tout l’Ancien Testament était orienté vers elle, comme le sont
des ombres et des figures vers la réalité123.»
Le Christ est l ’abîme de la miséricorde. Nous accourons là, sûrs de trouver
la miséricorde, car elle se trouve auprès de Lui (Ps 129, 7). Le Christ est « la
source et le trésor de l’amour pour les hommes, qui jaillit sans s’épuiser' ».
Il est « l’océan insondable de l’amour pour les hommes4 ».
Le Christ, qui est l’océan de l’amour pour les hommes, a accordé le
mystère de l’Eucharistie comme moyen d’entrée dans le Royaume des
Cieux. Lorsque ce Mystère est célébré, l’entrée dans le Royaume est
ouverte. Et « le Seigneur se montre plein de pitié et de compassion, quand
nous nous tournons complètement et résolument vers Lui. »5 Celui qui
est « puissant dans la miséricorde et bon dans la force6 » nous attend à Son
assemblée, pour que nous Le rencontrions et que nous demandions Sa
miséricorde. Et II nous fait miséricorde et s’offre à chacun de nous car, par
Son incarnation, « Il s’est entièrement uni à l’homme pour donner le salut
à l’homme entier7 ».

1. Ibid.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de ta divine liturgie, XVII, SC 4 bis, 135.
3. Vêpres du 25 janvier, theotokion des apostiches*.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 120, 3, PG 55, 376.
5. Homélie de saint Macaire, 4, 16. Trad. française, op.cit, p. 113.
6. Première prière des vêpres.
7. Saint Jean Damascène, Sur la foi orthodoxe, III, 50, PG 94, 1005B.
Kyrie eleison

Après chacune des demandes adressées à Dieu par le célébrant, les fidèles
chantent trois fois Kyrie eleison, « Seigneur aie pitié ». « Implorer Dieu de
Sa miséricorde, c’est demander Son Royaume, ce Royaume que le Christ a
promis de donner à ceux qui le cherchent, en y ajoutant par surcroît toutes
les autres choses dont nous avons besoin (Mt 6, 33) ; et voilà pourquoi
les fidèles se contentent de cette supplication comme ayant une portée
globale1. »
Seigneur aie pitié : « C’est là une supplique de condamnés qui, privés de
toute excuse et n’ayant aucune justification à faire valoir, lancent à leur juge
ce cri suprême, comptant, pour obtenir ce qu’ils demandent, non point
sur la stricte justice, mais sur la bonté du juge. Or, c’est là le fait de gens
qui rendent témoignage au juge de son immense bonté, et à eux-mêmes de
leur propre perversité : ce qui est précisément un acte ici de gratitude, et là
de confession123.» Par la demande de la miséricorde divine, nous montrons
encore que nous ne nous fions pas à nos œuvres :

« Pour moi, Tu le sais, Maître, jamais je n’ai compté


sur mes œuvres ou mes actions pour le salut de mon âme :
C’est en Ta miséricorde, Toi qui aimes les hommes, que je me suis réfugié,
dans la confiance que Tu me sauveras gratuitement, ô très Compatissant,
Que tu me prendras en pitié, Toi qui es Dieu, comme jadis la pécheresse
Et comme le fils prodigue quand il dit : J ’ai péché.
Dans cette foi j’ai couru, dans cette confiance, je suis venu à Toi ’. »
***

Le Seigneur nous a révélé une façon par laquelle nous pouvons rece­
voir avec certitude Sa grande miséricorde: en pardonnant à nos frères;
« Aimons-nous l’un l’autre et nous serons aimés de Dieu. Montrons de la
mansuétude l’un envers l’autre, et Dieu montrera de la mansuétude pour
nos péchés. Ne rendons pas le mal pour le mal que l’on nous a fait (Rom
12, 17), et nous ne serons pas punis en fonction de nos péchés. Car nous
trouvons le pardon de nos fautes dans le pardon de nos frères. Et la grâce
de Dieu se trouve cachée dans notre miséricorde envers le prochain...

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XIII, SC 4 bis, 115.


2. Ibid., XII, p. 109.
3. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes, XLII, 48-54, SC 196, 40.
Voici que le Seigneur nous a accordé le moyen du salut et nous a donné
éternellement le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1, 12). Dans notre
volonté se trouve notre salut1. »

Le diacre : Catéchumènes, priez le Seigneur.


Le chœur après chaque demande : Kyrie eleison.
Le diacre : Fidèles, prions pour les catéchumènes.
Afin que le Seigneur leur fasse miséricorde.
Qu’I l leur enseigne la parole de vérité.
Qu’I l leur révèle l ’Evangile de justice.
Qu’I l les unisse à Son Eglise sainte, catholique et apostolique.
Sauve-les, aie pitié d ’eux, secours-les et garde-les, ô Dieu, par Ta
grâce.
Catéchumènes, inclinez la tête devant le Seigneur.
Le chœur : Devant Toi, Seigneur.
Le prêtre dit cette prière à voix basse : Seigneur notre Dieu, Toi
qui demeures dans les hauteurs et regardes ce qui est humble, Toi
qui, pour le salut du genre humain, as envoyé Ton Fils Unique,
notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, jette les yeux sur Tes servi­
teurs les catéchumènes qui inclinent la tête devant Toi, et rends-
les dignes, au temps convenable, du bain de la nouvelle naissance,
du pardon de leurs péchés et du vêtement de T incorruptibilité ;
unis-les à Ton Eglise sainte, catholique et apostolique, et compté­
es parmi le troupeau que Tu as élu.
A voix forte : Afin qu’eux aussi glorifient avec nous Ton Nom très
glorieux et magnifique, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et
toujours, et dans les siècles des siècles.
Le chœur : Amen.

Les catéchumènes
C’est ainsi que l’on appelle ceux qui ont entendu parler du Christ et
ont exprimé le désir d’être baptisés. Lors de la période qui précède le saint
baptême, l’Eglise, par un enseignement approprié, prépare les catéchu­
mènes pour devenir ses membres. Cet enseignement s’appelle catéchèse et
celui qui le dispense, catéchète.
Lors des temps apostoliques, la catéchèse était très brève. Il s’agissait
habituellement d’une simple homélie, semblable à celle de l’apôtre Pierre
1. Saint Maxime le Confesseur, Discours ascétiques, XLII, PG 90, 953AB.
le jour de la Pentecôte (Ac 2, 14-40). La catéchèse systématique des
néophytes avait lieu alors après le saint baptême.
Dans la période post-apostolique, la catéchèse était bien plus longue.
Les Constitutions apostoliques mentionnent une catéchèse de trois années :
« Celui qui doit être catéchisé le sera pendant trois ans. Celui qui est zélé
et montre de l’empressement en cette circonstance [c’est-à-dire pour le
saint baptême], qu’on le reçoive [plus tôt], car on ne juge pas d’après le
temps, mais d’après la conduite' » avec laquelle le catéchumène s’approche
du saint baptême. La Tradition apostolique de saint Hyppolite mentionne
également une catéchèse de trois années12.
D ’aucuns peuvent se demander pourquoi dire cette ecténie lorsqu’il n’y
a plus de catéchumènes. Saint Syméon de Thessalonique répond : « Il y
a toujours des catéchumènes dans l’Église. Il s’agit en premier lieu des
enfants des fidèles qui ne sont pas encore baptisés et qui, après la naissance,
ont reçu les prières sacrées. Ils ne sont ni devenus fidèles, ni n’ont reçu le
baptême3. »
***

Les catéchumènes n’ont pas encore la familiarité avec Dieu. Ils ont
besoin de l’assistance et de l’intermédiaire des fidèles. Pour cette raison, le
célébrant demande que l’on prie pour les catéchumènes. L’Église, telle une
mère aimante, « exhorte toute l’assemblée des fidèles à prier pour les caté­
chumènes, bien que ceux-ci soient encore étrangers. Certes, ils n’appar­
tiennent pas encore au Corps du Christ, ils ne participent pas aux saints
Mystères, ils sont encore séparés du troupeau spirituel... Ils se tiennent
hors des demeures royales, loin de l’enceinte sacrée. Aussi les éloigne-t-on,
quand arrive le moment des redoutables prières [de la sainte anaphore].
Je t’exhorte donc à prier pour eux, afin qu’ils deviennent tes membres et
qu’ils cessent d’être des étrangers et des profanes4 ». Nous demandons au
Christ de faire miséricorde à Ses serviteurs catéchumènes. Nous deman­
dons qu’il leur enseigne en personne, par les lèvres du catéchète, la parole
de vérité. Qu’Il leur révèle YEvangile de justice, c’est-à-dire Lui-même,
et qu’il les fasse membres de Sa sainte Église. Cela doit se produire au

1. Les Constitutions apostoliques, VIII, 32, SC 336, 239.


2. La Tradition apostolique, XVII, SC 11 bis, 73.
3. PG 155, 725-727.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur la deuxième Epitre aux Corinthiens, II, 5, PG 61,399.
moment approprié pour la renaissance spirituelle: selon les termes de la
liturgie, au moment convenable.
Cependant, le catéchumène ne doit pas retarder le saint baptême par
indifférence. L’Église, avec un amour redoublé, l’invite: «Tu te trouves
hors du Paradis, toi le catéchumène, tu participes à l’exil de notre ancêtre
Adam. Cependant, alors que maintenant s’ouvre peu à peu la porte, entre
dans le Paradis duquel tu es sorti. Ne tarde point, de peur que n’inter­
vienne la mort et que la porte te soit obstruée... Dépouille le vieil homme,
comme un vêtement sale qui est plein de honte en raison des nombreux
péchés... Reçois le vêtement de l’incorruptibilité que le Christ a déplié et
qui te l’offre. Ne refuse pas le don, pour ne pas offenser le Donateur1. »
Les catéchumènes doivent être illuminés et régénérés par le saint
baptême. Notre Église prie pour eux et les invite à la véritable Vie.

Le diacre : Tous les catéchumènes, sortez; catéchumènes, sortez;


tous les catéchumènes, sortez; qu’aucun catéchumène ne reste.
Tous lesfidèles, encore et sans cesse, en paix, priez le Seigneur.
Le chœur: Kyrie eleison.
Le diacre : Secours-nous, sauve-nous, aie pitié de nous et garde-
nous, ô Dieu, par Ta grâce.
Le chœur: Kyrie eleison.
Le diacre : Sagesse.

Le renvoi des catéchumènes

Le renvoi des catéchumènes est un acte d’amour de l’Église pour protéger


ceux qui ne sont pas encore nés dans le Christ. Les catéchumènes sont les
« embryons » qui sont portés par la Mère Église. Par la catéchèse, ils sont
façonnés; ils prennent forme et avancent vers « l’accouchement divin », le
baptême’.
L’apôtre Paul, sachant que la parole de Dieu concernant les mystères
de la foi pouvait nuire aux faibles, plutôt que de leur être utile, écrivit
aux fidèles de Corinthe : C ’est du lait que je vous ai fa it boire, non de la
nourriture solide (1 Co 3, 2). D ’autant plus, les catéchumènes doivent être
nourris avec des aliments facilement digestibles : l’Église permet « aux caté­
chumènes d’écouter les paroles sacrées des psaumes et la divine lecture des
1. Saint Grégoire de Nysse, À ceux qui retardent le baptême. PG 46, 417CD-420C.
2. Saint Dcnys l’Aréopagite, Traite de la hiérarchie ecclésiastique, III, 3, 6, PG 3, 433B.
Saintes Écritures. Ils ne sont pas admis pourtant à la célébration et à la
contemplation des Mystères qui viennent ensuite1».
***

Les fidèles sont les pierres vivantes qui constituent la maison spirituelle
de l’Église (1 P 2, 5). « Ils sont élevés jusqu’en-haut par la machine de
Jésus-Christ, qui est la Croix, se servant comme câble de l’Esprit-Saint;
la foi les tire en-haut, et la charité est le chemin qui les élève vers Dieu2. »
Les catéchumènes n’ont pas encore reçu le saint baptême - la corde avec
laquelle l’homme s’élève au sommet du mont Thabor - ni n’ont acquis la
foi, c’est-à-dire le lien qui unit l’homme avec le Saint-Esprit. Aussi, la porte
de l’amour - la voie qui conduit à Dieu - est encore fermée pour eux.
L’Offrande est le Festin du Royaume. Tous ceux qui n’ont pas porté le
vêtement de noces qui est offert lors du baptême sont éloignés du lieu où
est célébrée l’Eucharistie. Seuls restent pour recevoir le Christ ceux qui
ont reçu le sceau du don du Saint-Esprit. Ceux-ci prendront part au festin
de noces du Royaume pour jouir de la contemplation de Dieu et de la
communion aux saints Mystères.

Le prêtre déploie Vileton* (corporal) sur l’Autel et, à voix basse,


récite la première prière pour les fidèles : Nous Te rendons grâce,
Seigneur, Dieu des Puissances, car Tu nous as accordé de nous
tenir maintenant encore devant Ton saint Autel et de nous pros­
terner en implorant Tes miséricordes pour nos péchés et pour les
ignorances de Ton peuple. Accepte, ô Dieu, notre prière; rends-
nous dignes de T ’ojfrir nos prières, nos supplications et nos sacri­
fices non sanglants pour tout Ton peuple; et rends-nous aptes, par
la puissance de Ton Saint-Esprit, nous que Tu as établis pour
ce ministère, à T ’invoquer en tout temps et en tout lieu, sans
encourir de condamnation ni de reproche, avec le témoignage
d ’une conscience pure, afin que, nous exauçant, Tu nous sois
propice, dans Ta grande bonté.
(A voix forte) : Car à Toi conviennent toute gloire, honneur et
adoration, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours, et
dans les siècles des siècles.
Le chœur : Amen.

1. Ibid., PG 3, 432C.
2. Saint Ignace d ’Antioche, Aux Ephésiens IX, SC 10, 65.
Rends-nous dignes

La chasteté et la pureté de l’âme du prêtre sont les conditions préalables


pour qu’il célèbre les saints Mystères sans condamnation. Autrement, « en
mêlant les ténèbres à la lumière, la fétidité au parfum, celui-ci aura assu­
rément en partage le malheur et la perdition en raison de ce sacrilège1».
Saint Jean Chrysostome dit que l’âme du prêtre doit être plus pure que les
rayons du soleil : « Réfléchis quelles doivent être les mains, instruments de
tels Mystères, quelle langue doit être celle qui élève les paroles de l’invo­
cation du Saint-Esprit! Et l’âme qui a reçu tant de grâce du Saint-Esprit,
combien doit-elle être plus sainte et plus pure que tout autre chose’! »
Toutefois, la pureté qui est exigée du célébrant des Mystères est en
substance un don du Saint-Esprit et de l’amour du Christ. Cette vérité
est exprimée aussi dans la prière correspondante de la liturgie de saint
Basile : Rends-nous aptes à ce ministère par la puissance du Saint-Esprit. Le
prêtre rend donc grâce au Seigneur car II l’a rendu digne d’accourir vers
Ses entrailles de miséricorde et il Le supplie de le rendre digne d’offrir
le sacrifice eucharistique. Le Seigneur, qui est l’abîme de la miséricorde,
prend pitié de Son célébrant lorsque celui-ci à son tour se distingue par
« l’abîme de l’humilité12345». Cette humilité rend le prêtre digne de célébrer la
sainte anaphore. C ’est pourquoi saint Théognoste conseille au célébrant:
« Humilie-toi comme si tu étais une brebis destinée à l’abattoir, considé­
rant réellement tous les hommes comme supérieurs à toi » et « considère-
toi comme poussière et cendres (Gn 18, 27)" ».
Par l’humilité, le prêtre prend conscience qu’il se trouve devant l’Autel
à la place du Christ. De même que lors de la Cène Mystique, le Seigneur
était le célébrant du Mystère qui est le salut du monde, ainsi, dans la divine
liturgie également, c’est Lui qui « accomplit tout et transmets » les saints
Mystères au fidèle.
L'Amen que chante le peuple à la fin de la première prière des fidèles
signifie qu’eux aussi, à l’instar du célébrant, ressentent la sublimité du
ministère sacerdotal : « C ’est pourquoi tout le peuple qui se trouve à l’exté­

1. Saint Théognoste, Sur l'action et lu contemplation, et sur le sacerdoce, 49, Philocalie, tome II,
p. 264, 265, traduction française, op. cit., tome A, p. 627.
2. Sur le sacerdoce V1, 2 et 4, SC 272, 309, 317.
3. Saint Théognoste, 62, Philocalie, tome II, p. 267, traduction française, op. cit., tome A, p. 631.
4. Saint Théognoste, 70, 16, p. 269, 258, traduction française, ibid.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur la première Épitre aux Corinthiens, XXVII, 4, PG 61, 229.
rieur du sanctuaire sacré aussi compatit et prie avec le prêtre1. » Cet Amen
affirme la solidarité du fidèle avec le combat et l’angoisse du célébrant.

Le diacre: Encore et sans cesse, en paix, prions le Seigneur.


Secours-nous, sauve-nous et aie pitié...
Le prêtre récite la seconde prière pour les fidèles : De nouveau et
sans cesse, nous nous prosternons devant Toi et nous Te supplions,
Ditu bon qui aime les hommes, de considérer favorablement
notre prière, de purifier nos âmes et nos corps de toute souillure
de la chair et de l ’esprit, de nous accorder de nous tenir devant
Ton saint Autel sans être accusés ni condamnés. Accorde à ceux
qui prient avec nous un accroissement de vie, de foi et d ’intelli­
gence spirituelle; donne-leur de T ’adorer toujours avec crainte et
amour, de communier à Tes saints Mystères sans blâme ni offense
et d ’être jugés dignes, un jour, de Ton céleste Royaume.
À voix forte : Afin que, toujours gardés par Ta puissance, nous Te
rendions gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours,
et dans les siècles des siècles.
Le chœur : Amen.

Fais briller le vêtement de mon âme

Chaque fois que nous tombons aux pieds du Seigneur avec componc­
tion, nous avons la sensation de tenir ferme, car nous ne nous appuyons
pas sur nos jambes malades (la confiance en soi, l’orgueil), mais sur Sa
grâce, à laquelle mène l’humilité.
Lorsqu’à nouveau et de nombreuses fois nous nous prosternons devant
le Seigneur, nous nous tenons sans condamnation devant l’Autel redou­
table. Ainsi, nous tombons aux pieds du Christ afin qu’il purifie nos
âmes et que nous puissions nous présenter sans être accusés ni condamnés.
Nous nous prosternons humblement devant le Christ, Lui demandant un
accroissement de vie, de foi et d ’intelligence spirituelle, pour comprendre que
celui qui vit véritablement dans l’humilité vit dans la grâce de Sa présence
continuelle.
***

1. Samonas, évêque de Gaza, Discussion avec Ahmed le Sarrasin, PG 120, 825C.


Alors que s’approche le moment de la Consécration et de la sainte
communion, nous ressentons qu’il nous faut être intégralement purs pour
recevoir le Christ. Car il n’est pas possible qu’avec le même corps, nous
servions le Christ et le diable. Saint Jean Chrysostome demande: « Tu ne
trembles pas, mon ami, à la pensée de regarder avec les mêmes yeux et ce
lit au théâtre, où se jouent les drames abominables de l’adultère, et cette
Table sacrée où les redoutables Mystères sont célébrés ? D ’écouter avec les
mêmes oreilles les immondes propos d’une courtisane et les révélations
d’un prophète ou d’un apôtre ? De recevoir dans le même cœur de mortels
poisons, et le Sacrifice redoutable et saint1? »
Il nous faut lutter pour garder purs le corps et l’âme : « Que la pensée de
ce Sacrifice si grand te porte à embellir les membres de ton corps. Réfléchis
à ce que saisit ta main, et ne la laisse frapper aucun de tes frères... Ce n’est
pas seulement ta main qui saisit, c’est encore ta bouche qui reçoit les dons
du Ciel, et garde ta langue de toutes paroles injurieuses, impudiques, blas­
phématoires, parjures... Alors souviens-toi que ton cœur reçoit ce redou­
table Mystère, n’intrigue jamais contre ton prochain ; et que ton âme reste
exempte de toute méchanceté. Tu pourras ainsi préserver et ton oreille et
tes yeux... Tu es convié à des noces, mon ami, n’y entre pas avec une robe
souillée; mais prends un vêtement digne de la solennité (Mt 22, 2-14)123. »
L’habit de noces, c’est-à-dire l’éclat de l’âme, est un don de l’Époux qui
nous appelle à Son Festin. Cette splendeur, nous la demandons au Christ
en disant : Fais briller le vêtement de mon âme\ Après l’avoir reçu, nous Lui
demandons de le garder propre de toute souillure de la chair et de l ’esprit.

Et le chœur chante l’hymne des chérubins: Nous qui mysti­


quementfigurons les chérubins et chantons à la vivifiante Trinité
l ’hymne trois fois sainte, déposons maintenant tout souci du
monde. Afin de recevoir le Roi de toutes choses, invisiblement
escorté des armées angéliques. Alléluia, Alléluia, Alléluia4.
1. Sur David et Saül, III, 2, PG 54, 696-697.
2. Saint Jean Chrysostome, Catéchèses aux catéchumènes, II, 2 PG 49, 233-234. Les laïcs rece­
vaient alors la communion comme le clergé le fait actuellement, c’est-à-dire que le Saint Corps
du Christ leur était d ’abord donné dans leurs mains, puis ils buvaient ensuite le saint Sang au
calice.
3. Matines du Lundi saint, exapostilaire*.
4. Selon l’historien byzantin Georges Cédrinos, à partir du règne de l’empereur Justin II (vers
574), « ... Il a été décrété que l’hymne des chérubins serait également chanté » [PG 12L748B].
La phrase pasan nyn biotikin (« déposons maintenant tout souci du monde »), contrairement
à l’usage grec moderne pasan tin biotikin (« déposons tout souci du monde ») est attesté par
LA D I V I N E L I T U R G I E D E S A I N T J E A N C H R Y S O S T O M E

L’hymne des chérubins

La Grande Entrée est le nom donné à une suite d’hymnes, de prières,


d’actions accomplies par le célébrant et le peuple. Celle-ci commence par
l’hymne des chérubins et la lecture de la prière correspondante.
L’Église nous appelle à nous préparer pour recevoir le Roi de gloire, qui
entre dans la Ville sainte, afin d’y être crucifié pour le monde. Elle nous
appelle à cheminer avec le Christ sur la voie du martyre et à nous tenir
près de Lui auprès de la Croix avec Sa Mère Toute-Sainte et Son Disciple
bien-aimé.
A ce moment - maintenant - est-il dit dans l’hymne, déposons tout
souci du monde, car il s’agit de recevoir le Roi de toutes choses. Efforçons-
nous de sortir du monde des choses de la vie, pour réussir à entrer dans
l’espace de l’offrande du Christ. Saint Jean Chrysostome nous exhorte:
« Les mages sont sortis de Perse pour aller adorer le Christ (Mt 2, 1-2).
Eloigne-toi aussi des choses du monde et chemine vers le Christ1. »
L’amour envers Dieu est la force spirituelle qui nous aidera à nous élever
au-dessus des choses du monde : « Quiconque est embrasé de l’amour de
Dieu ne supporte plus dès lors de voir tout ce qui tombe sous les yeux de
la chair ; armé d’autres yeux, des yeux de la foi, il se représente toujours les
choses de l’au-delà et il y fixe ses pensées ; il va et vient sur la Terre, comme
s’il vivait dans le Ciel... Il brûle de courir sur la route de la vertu et de
monter de la Terre au Ciel, laisse en-bas tous les objets visibles, uniquement
appliqué à sa course, ne s’arrêtant jamais, ne se laissant jamais distraire,
quoi que puissent voir les yeux de son corps » dans son cheminement*12.
Nous sommes impatients d’atteindre la cime du Golgotha et, pour
pouvoir célébrer la fête du Christ, nous quittons les soucis du monde.
« Car la véritable fête est là où l’on s’occupe du salut de son âme, et où la
paix et la concorde régnent dans la cité, où ont été retranchées toutes les
préoccupations de la vie... La véritable fête est là où régnent le repos et le
calme, la charité et la joie, la paix et la douceur3. » Nous déposons chaque
tous les manuscrits et les traductions anciennes de la divine liturgie. D’autres hymnes chantés
au lieu de l’hymne des chérubins mettent l’accent, de la même façon, sur le caractère sacré
de cet instant: « Maintenant, les puissances des Cieux... » [liturgie des Présanctifiés] ; « A Ta
Cène mystique, fais-moi communier aujourd'hui » [Jeudi saint]. I. Fountoulis, « Réponses à
des questions liturgiques », II, 5e édition, Athènes, Apostoliki Diakonia 2006, Réponse 199»
p. 136-138.
1. Sur L'incompréhensibilité de Dieu, VI, 4, PG 48, 734.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur la Gencse, XXVIII, 6, PG 33, 259.
souci de la vie entre les mains du Christ, ou plutôt nous Lui remettons
toute notre vie. Et II soulève notre fardeau et monte sur le Golgotha, se
préoccupant des besoins de notre vie, comme II nous le dit par la bouche
d’Abba Isaac: « Si vous ne vous souciez que du Royaume des Cieux, je ne
vous laisserai pas privés de ce qui est nécessaire à votre nature corporelle,
mais tout cela vous sera donné par surcroît. Je ne vous laisserai pas en souci
de ces choses (Mt 6, 33) '. »
Saint Jean Chrysostome nous assure que « l’âme qui n’a pas appris
à mépriser les choses insignifiantes et les soucis quotidiens de la vie ne
pourra admirer ce qui est céleste12 ». Et comme il a lui-même goûté les biens
célestes, le saint nous exhorte: Frères, « que personne n’entre à l’église avec
des soucis, des distractions ou des craintes de la vie quotidienne. Entrons-y
tous après avoir laissé tout cela au dehors, devant le seuil de la porte exté­
rieure de l’église. Car nous entrons dans le palais céleste, nos pieds foulent
des lieux qui resplendissent de lumière3 . »
C’est en ces lieux célestes que l’Ange gardien du père Tikhon - un ascète
russe de la Sainte Montagne - transportait celui-ci au moment de l’hymne
des chérubins . Dans le peu de grec qu’il connaissait, cet ascète russe racon­
tait: « Au moment de l’hymne des chérubins, l’Ange gardien m’élève. Une
demi-heure après, il me descend. » À la fin de cet état d’extase, le saint de
Dieu réalisait qu’il se trouvait encore au cours de la divine liturgie et qu’il
devait continuer. Lorsqu’on lui demandait: « Père, qu’as-tu vu et entendu
pendant cette demi-heure? » Il répondait: « Les chérubins et les séraphins
qui glorifient Dieu4. »
***

Escorté des armées angéliques, le Seigneur entre dans la Ville sainte pour
être sacrifié. L’Église nous invite à vivre ce mystère de l’amour extrême du
Christ dans un silence complet: « Que fasse silence toute chair mortelle,
quelle se tienne immobile, avec crainte et tremblement, et que rien de
terrestre n’occupe sa pensée, car le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs,
s’avance pour être immolé et donné en nourriture aux fidèles, précédé des

1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, IV, 1, traduction du père Placide Deseille, op. cit.,
p. 77.
2. Sur la componction, II, 2, PG 47, 414.
3. Homélie sur Ozias, II, 1, PG 56, 108-109.
4. Le saint hiéromoine Tikhon (t 23.9.1968) a vécu de nombreuses années sur le Mont Athos
dans le kellion de la Sainte Croix, près du monastère de Stavronikita. L’auteur l’a connu per­
sonnellement.
chœurs angéliques, avec toutes les Principautés et les Puissances des Cieux,
les chérubins aux yeux innombrables er les séraphins aux six ailes, qui se
couvrent la lace, et qui chantent l’hymne: Alléluia, Alléluia, A llé lu ia »

Pendant que le chœur chante l’hymne, le prêtre dit à voix basse


la prière de l’hymne des chérubins : Aucun de ceux qui sont liés
par les passions on les plaisirs charnels n'est digne de s'avancer,
de s’approcher de Toi et de T ’offrir la liturgie, ô Roi de Gloire;
car Te servir est une chose grande et redoutable, même pour les
Puissances célestes. Et pourtant, dans Ton ineffable et incommen­
surable amour des hommes, Tu t ’esfa it homme sans subir aucun
changement ni mutation, Tu es devenu notre Grand-Prêtre et
Tu nous as confié le ministère de ce sacrifice liturgique et non
sanglant, Toi, le Maître de toutes choses. Car Toi seul, Seigneur
notre Dieu, commandes aux créatures du ciel et de la terre, Toi
qui sièges sur un trône de chérubins, Toi le Seigneur des séraphins
et le Roi d ’Israël, Toi qui es le seul Saint et qui reposes dans les
saints. Je T ’en supplie donc, Toi qui seul es bon et secourable :jette
un regard sur moi, Ton serviteur pécheur et inutile ; purifie mon
âme et mon cœur de toute mauvaise conscience : par la vertu de
Ton Saint-Esprit, rends-moi apte, moi qid suis revêtu de la grâce
du sacerdoce, à me tenir devant Ta sainte Table que voici et à y
offrir en sacrifice Ton corps saint et immaculé et Ton précieux
sang. Je m ’approche donc de Toi, la tête inclinée, et je Te supplie:
ne détourne pas de moi Ta face, ne me rejette pas du nombre de
Tes enfants, mais daigne agréer que ces dons Te soient offerts par
moi, Ton serviteur pécheur et indigne. Car c’est Toi qui offres
et qui es offert, qui reçois et qui es distribué, Christ notre Dieu,
et c’est à Toi que nous rendons gloire, ainsi qu’à Ton Père sans
commencement et à Ton Esprit très saint, bon et vivifiant, main­
tenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Seigneur, Tu offres et Tu es offert


Parallèlement aux fidèles qui se préparent pour l’Offrande du Christ, les
célébrants se préparent aussi pour une suite de prières et d’actions.
La première est la prière de l’hymne des chérubins. Par elle, le célébrant
i: — rrrandeur divine du Mystère quil
LA D IV IN E L IT U R G IE

est appelé à servir. Malgré son indignité, il s’avance vers le saint Autel,
parce qu’il ne compte pas sur sa pureté et sa sainteté personnelles, mais
sur la miséricorde de Dieu. Il s’appuie sur l’océan de l’amour divin pour
1homme. Car c’est par un amour ineffable envers l’homme que le Christ
s est incarné, a été crucifié et nous a accordé le Mystère du sacrifice non
sanglant. Le Christ est venu et a été offert sur le Golgotha une seule fois,
mais II vient aussi et est offert toujours, lors de chaque divine liturgie. Il est
Celui qui offre et est offert, qui reçoit [l’offrande] et est distribué aux fidèles
comme nourriture vivifiante.
Jésus-Christ est l’auteur du mystère de notre salut. Ce fait est le fonde­
ment sur lequel s’appuie le mystère de la divine liturgie. « Nourricier, Il est
aussi nourriture ; Il est Celui qui donne le pain de la vie, et II est Lui-même
ce qu’il donne. Il est vie pour ceux qui vivent, chrême (parfumé) pour ceux
qui respirent, vêtement pour ceux qui veulent se couvrir. Et certes, par
Lui nous avons la faculté de marcher, c’est Lui qui est la route, et c’est Lui
encore le gîte d’étape et le terme (Jn 14, 6) »
Dans le mystère du sacrifice non sanglant, « le Christ est le Sacrifié, Il
est le Prêtre, Il est l’Autel, Il est Dieu, Il est homme, Il est le Roi, Il est
le Grand-Prêtre, Il est la brebis, Il est l’Agneau. Par amour pour nous, Il
devient tout pour chacun de nous, afin de devenir notre vie de multiples
façons (1 Co 12, 6 ’) ». Le débordement de l’amour divin a apporté au
monde le débordement de la vie divine.
Le Christ devient tout pour chaque homme. Il est le Prêtre qui offre le
Sacrifice, l’Agneau qui est offert, le Dieu qui reçoit l’offrande et le Dieu-
homme qui est distribué aux communiants pour la vie éternelle. Nous
recevons le Don et rendons grâce au Seigneur qui nous L’offre: « Nous Te
rendons grâces, Seigneur, Dieu de notre salut, pour tous les bienfaits dont
Tu combles notre vie, afin que nous regardions toujours vers Toi, Sauveur
et bienfaiteur de nos âmes ’. »

Lorsque le prêtre a achevé la prière, il dit trois fois l’hymne des


chérubins de la façon suivante: Nous qui mystiquement figu­
rons les chérubins et chantons à la vivifiante Trinité l ’hymne trois
fois sainte, déposons maintenant tout souci du monde.
Le diacre : Afin de recevoir le Roi de toutes choses, invisiblement

r Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, I, SC 355, 89.


Saint Épiphane, Contre les hérésies, II, I, hérésie 55, PG 41,980C.
k3.Siv;>
escorté des armées angéliques. Alléluia, Alléluia, Alléluia.
Ensuite, le prêtre encense le sanctuaire, les icônes du Seigneur et
le peuple. Tandis qu’il encense, il dit : Ayant contemplé la résur­
rection du Christ... [si c’est un dimanche]. Venez, adorons...
et le psaume 50 jusqu’au verset: alors Tu agréeras... Ensuite,
les célébrants, après s’être prosternés trois fois devant le saint
Autel, et avoir baisé l’antimension*, disent ces trois tropaires
de componction: J ’ai péché devant Toi, Sauveur, comme le fils
prodigue; reçois-moi, Père, repentant, et aie pitié de moi, ô Dieu.
Je Te crie. Christ Sauveur, avec les paroles du Publicain : Purijie-
moi comme celui-ci et aie pitié de moi, ô Dieu'.
Ensuite, chacun se prosterne devant ses concélébrants et dit:
Pardonnez-moi, pères et concélébrants. Et ils s’inclinent égale­
ment devant le peuple, demandant pardon. Ensuite, ils vont
vers l’autel de la prothèse, et s’étant prosternés trois fois devant,
ils embrassent les saints Dons couverts, en disant: ô Dieu sois
propice au pécheur que je suis et aie pitié de moi1.

Ajin de recevoir le Roi de toutes choses


Afin de tenir en ses mains les Dons précieux, le célébrant doit ressentir
profondément en lui le repentir et approcher l’Autel comme le Fils prodigue
(Le 15, 21).
Le psaume de repentir que récite le célébrant tandis qu’il encense, les
tropaires de componction, la vénération du saint Autel et de l’autel de la
prothèse, la demande de pardon adressée à Dieu, aux concélébrants et au
peuple, tout cela est la manifestation d’un cœur contrit (Ps 50, 19). Par son
exemple, le célébrant montre aux fidèles la route du repentir et il « figure
le Précurseur et Baptiste Jean qui, le premier, a commencé à prêcher en
disant: Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est proche (Mt 3, 2)’ ». Le
célébrant nous exhorte à préparer la voie du Seigneur (Mt 3, 3), c’est-à-dire
celle qui conduira le Christ Roi vers nos âmes. Et cette voie est celle de
la pénitence. Ainsi, le peuple et le célébrant reçoivent dans le repentir le
Christ qui vient.
Par le repentir, nous nous sanctifions et, ensuite, lorsque le Christ entre
dans notre assemblée, nous sommes rendus dignes des saints Mystères:123

1. Octoèque, ton 2, lundi soir.


2. Le 18, 13.
3. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 401A.
« Si quelqu’un est saint, qu’il s’approche ; mais celui qui ne l’est pas, qu’il le
devienne par la pénitence' », disait le célébrant lorsqu’il appelait les fidèles
à communier. Le Christ nous offre Sa vie. Celui qui « est tout entier un feu
inaccessible, que les anges ne peuvent soutenir: » est offert comme nourri­
ture aux fidèles. Et chacun d’entre eux, « avec joie et avec crainte, reçoit le
feu et est indiciblement couvert de rosée3 ».
Le péché a enfanté la mort, mais le repentir ouvre la voie de la Vie : « Car
le péché, c’est la mort, et quel est l’homme qui mourra par le péché et de
lui-même ressuscitera? Personne, assurément1. » Nous accourons donc par
la pénitence au Christ, qui est sans péché et qui est la Résurrection et la
Vie. Le repentir est la sortie du péché et l’entrée dans la divine liturgie,
dans laquelle la vie est offerte : « Sors du pays de Charran, la terre du péché,
ô mon âme, hâte-toi d’habiter la terre d’où jaillit la vie incorruptible et
éternelle1. »
***

Selon le plus ancien texte liturgique qui nous est connu, le célébrant dit
après la sainte communion : « Que vienne la grâce et que passe ce monde". »
C’est dans cet espace de la Grâce que nous conduit la divine liturgie. C’est
là que saint Maxime le Confesseur veut que nous arrivions. Pour ce grand
initié des mystères célestes et mystagogue des fidèles, la Grande Entrée est
« le commencement et le préambule de l’enseignement nouveau qui sera
délivré dans les Cieux au sujet de l’économie de Dieu en notre faveur; il
sera aussi la révélation du mystère de notre salut, mystère qui réside dans
l’inaccessible sanctuaire du secret divin » - un enseignement qui concerne
l’acte du sacrifice du Maître.

Ensuite, le diacre dit au prêtre: Elève, Maître.


Le prêtre place l’aër sur les épaules du diacre en disant : Elevez1234567

1. Les Constitutions apostoliques, VII, 26, SC 336, 57.


2. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes, XXII, 36, SC 174, 172.
3. Prière préparatoire à la sainte communion de saint Syméon le Nouveau Théologien, « Office
de la communion », Petit horologion, traduction du père Placide Deseille, monastère Saint-
Antoine-le-Grand, 2009, p. 150.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses, XXIII, 2, SC 113, 18.
5. Grand cation de saint André de Crète, V ode, traduction française in La Voie orthodoxe, « Feuil­
lets liturgiques de la cathédrale de l’Exaltation-de-la-Sainte-Croix », Genève, 201 2, p. 81.
6. DiducheX, 6, SC 2u8, 181.
7. Mystagogie, XVI, PG 91,693C, traduction française, éd. Migne, collection « Les Pères dans la
foi », op. cit., p. 122.
vos mains vers les choses saintes et bénissez le Seigneur'.
Ensuite, le prêtre prend le discos recouvert du voile et le
donne au diacre, tandis qu’il prend lui-même le calice égale­
ment recouvert d ’un voile, disant : Dieu est monté au milieu des
acclamations, le Seigneur, au son de la trompette-.
Lorsque le chœur a terminé la première partie de l’hymne des
chérubins, le diacre et le prêtre sortent par la porte nord et
procèdent à la Grande Entrée, tandis que le diacre dit: Que le
Seigneur Dieu se souvienne de vous tous dans Son Royaume, en
tout temps, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.
Le chœur: Amen. Et lorsque le prêtre et le diacre entrent par
les portes royales dans le sanctuaire, le chœur achève l’hymne
des chérubins.
Le prêtre dépose ensuite le calice sur l’antimension et, prenant
le discos du diacre, il le place à la gauche du calice en disant:
Le noble Joseph, ayant descendu de la Croix Ton corps immaculé,
l ’enveloppa d ’un linge propre avec des aromates, lui rendit les
honneurs funèbres et le déposa dans un sépulcre neuf.
Le diacre : Fais du bien, Maître.
Et le prêtre encense les saints Dons, disant trois fois la fin du
dernier verset du psaume 50 : Alors on offrira dejeunes taureaux
sur Ton autel, suivi par et aie pitié de moi, ô Dieu.

Le transfert des Dons précieux

Lors de la Petite Entrée, le célébrant a couvert son visage avec le saint


Évangile pour symboliser le Christ qui est venu et a prêché. Lors de la
Grande Entrée, le célébrant couvre son visage avec les Dons offerts, en
allusion au Christ qui monte sur le Golgotha pour y être sacrifié.
Le prêtre se dirige vers l’autel de la prothèse et, après avoir vénéré les
saints Dons, les élève « avec beaucoup de respect à la hauteur de sa tête, et
sort (du sanctuaire). Il les porte ainsi pour les introduire à l’Autel, faisant
à cet effet à travers la foule une lente et solennelle procession dans la nef.
Les fidèles se prosternent sur son passage avec respect et vénération... Le123

1. Ps 133, 2.
2. Ps 46, 6.
3. Apolytikion du Samedi saint.
célébrant avance dans un cortège de lumières et d’encens, et c’est ainsi qu’il
entre dans le sanctuaire1».
L’hymne des chérubins, les flambeaux, les rhipides, toute la solennité de
la Grande Entrée nous aident à vivre l’événement de la venue du Christ.
Tout cela manifeste « l’entrée des saints et de tous les justes, qui entrent avec
le Saint des Saints et sont précédés invisiblement par les Puissances chéru-
biniques, les milices angéliques, les chœurs des incorporels et les ordres
des êtres immatériels chantant les louanges et constituant une escorte au
Christ, le Grand Roi qui vient pour le sacrifice mystique-2 ».
Le Christ, accompagné par les milices angéliques, entre dans le Saint
des Saints tenant notre vie entre Ses mains immaculées, la vie du monde
entier. Les Dons précieux sont l’homme et le monde qui, par le Christ,
reviennent à Dieu. La Grande Entrée symbolise ce retour, cette consécra­
tion de l’homme et du monde à Dieu.
***

L’Église nous exhorte à déposer m a in te n a n t to u t so u ci d u m o n d e . Nous


confions donc toute notre vie au Christ sacrifié qui la conduit par la mort
à Sa Résurrection. Toutefois, tandis que l’offrande de notre vie au Christ
n’est qu’une image de la mort, « notre régénération est une vie véritable’ ».
Lorsque le célébrant accomplissait l’office de préparation des dons, la pros-
comédie*, nous avons déposé toute notre vie dans les Dons précieux : nos
peines et nos joies, nos ennemis et nos amis, les vivants et les défunts sont
maintenant dans les mains du Christ. Et II nous offre tous à Dieu le Père.
Au moment présent, nous demandons au Christ: S o u v ie n s -T o i d e m o i,
Seigneur, d a n s Ton R o y a u m e (Le 23, 42). Nous Lui demandons qu’il se
souvienne de nous dans Son Royaume, c’est-à-dire qu'il nous tire de
l’oubli (leth e ) de la mort pour nous placer dans la vérité (a -le th e ia H) et la
Vie, qui n’est autre que Lui-même, afin que nous puissions nous aussi nous
souvenir de Lui par le mystère de Son anamnèse, la divine liturgie.
***
1. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , XXIV, SC 4 bis, p. 163. Jusqu’au
v f siècle, le transfert des Dons eucharistiques à l’Autel s'effectuait simplement: les diacres
choisissaient parmi les offrandes des fidèles - les prosphores - celles qui convenaient et les
transféraient au sanctuaire, où ils les transmettaient à l’évêque. C ’était alors - pendant le
chant de l’hymne des chérubins - que la préparation des Dons était accomplie.
2. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 420A.
3. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , IV, SC 4 bis, 77.
4. Le grec «AljOtLa, qui signifie « vérité » est la forme négative de la même racine Af|Oq qui
signifie « oubli » ; les deux sont reliés au verbe Aav0dvo>, échapper à, être ignoré de (N u l. T).
Le transfert des Dons précieux depuis la prothèse jusqu’à l’Autel « mani­
feste l’entrée du Seigneur à Jérusalem depuis Béthanie1». Le Roi des Rois
entre dans la Ville sainte. Le célébrant devient l’ânon sur lequel aucune
passion n’a jamais été assise (Le 19, 30), et est jugé digne pour cela de porter
le Roi de gloire. Les fidèles, au lieu d’étendre leurs vêtements (Le 19, 36),
s’étendent eux-mêmes devant Lui - ils se prosternent sur le sol. Et préparés
spirituellement, ils reçoivent le Christ:

« Portant des palmes en esprit et l’âme purifiée,


louons fidèlement le Christ comme les enfants,
criant à pleine voix au Maître:
Béni es-Tu Sauveur qui est venu dans le monde
sauver Adam de l’ancienne malédiction...
O Verbe, Toi qui as disposé toutes choses pour notre utilité, gloire à Toi123.»

L e n o b le Joseph a y a n t d escen d u d e la C r o ix Ton corps im m a c u lé .

La déposition des Dons précieux sur l’Autel et la fermeture des Portes


royales sont les derniers actes de la Grande Entrée.
Le prêtre, en plaçant le calice et le discos sur la sainte Table dit le tropaire :
« Le noble Joseph, ayant descendu de la Croix Ton corps immaculé... » Le
discos, où se trouve l’Agneau offert, symbolise les mains des saints Joseph
et Nicodème « qui ensevelissent le Christ5». L’aër, c’est-à-dire le voile qui
recouvre les Dons précieux, est le symbole du linceul dans lequel Joseph a
enveloppé le Corps immaculé du Christ, tandis que l’encens rappelle les
aromates utilisés pour Son ensevelissement. Enfin, la fermeture des Portes
royales symbolise le scellement du Sépulcre vivifiant.
Le célébrant accomplit l’œuvre des saints qui ont enseveli le Christ. Avec
un cœur contrit, il contemple avec eux, à ce moment, Celui qui « se revêt
d e lu m iè re c o m m e d ’u n m a n te a u » (Ps 103, 2). Il entonne « une lamentation
pleine de tendresse et dans les larmes », il dit: « Malheur à moi, très-doux
Jésus ! En Te voyant suspendu sur la Croix tout à l’heure, le Soleil se couvrit
de ténèbres, la Terre chancela d’effroi et le voile du temple se déchira. Mais
maintenant, je Te regarde, Toi qui volontairement as subi la mort pour
moi. Comment T ’ensevelirai-je, mon Dieu? Comment T ’envelopperai-je

1. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 420D.


2. Dimanche des Palmes, matines, 1er cathisme.
3. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 42IC.
d’un linceul? De quelles mains toucherai-je Ton corps tout pur? Quels
chants ferai-je entendre en l’honneur de Ton trépas, ô compatissant? Je
magnifie Tes souffrances ; je chante Ta sépulture, ainsi que Ta résurrection,
en Te criant : Seigneur, gloire à Toi ' ! »
Chaque chrétien doit imiter saint Joseph qui « prit le corps de Jésus
et L’enveloppa dans un linceul propre, Le plaça dans un tombeau neuf »
(Mt 27, 59-60), c’est-à-dire dans un homme renouvelé. Que chacun donc
prenne soin avec zèle de ne pas pécher, afin de ne pas manifester de dédain
envers Dieu qui habite en lui et de ne pas le chasser de son âmef L’âme
de chaque chrétien devient « un nouveau tombeau » qui doit recevoir le
Corps immaculé du Christ.

Ensuite, le prêtre dit au diacre: S o u v ie n s -to i d e m o i, fr è r e


e t concélébrant. Le diacre répond : Q u e le S e ig n e u r D ie u se
so u v ie n n e d e to n sacerdoce d a n s S o n R o y a u m e , en to u t tem ps,
m a in te n a n t e t to u jo u rs e t d a n s les siècles des siècles.
Puis, le diacre dit en inclinant la tête : P rie p o u r m o i, m a îtr e
sa in t.
Le prêtre répond : L ’E s p r it- S a in t v ie n d r a s u r to i e t la p u issa n c e
d u T rè s-H a u t te c o u v rira d e son o m b r e \
Le diacre: C e m ê m e E sp rit concélébrera a ve c n o u s to u s les jo u r s
d e n o tre vie. S o u v ie n s -to i d e ynoi, m a îtr e sa in t.
Le prêtre : Q u e le S e ig n e u r D ie u se so u v ie n n e d e to i d a n s S o n
R o ya u m e, m a in te n a n t e t toujours, e t d a n s les siècles d e siècles.
Le diacre : A m e n . Et il baise la main du prêtre et sort à l’empla­
cement habituel pour dire l’ecténie.

L e S a in t- E s p r it concélèbre

Alors que le Christ entre dans la Ville sainte, le Paraclet fait de même
Son entrée. Lors de la Grande Entrée, avec les Puissances angéliques et
les Saints, « Le premier à entrer en même temps lors du Sacrifice non
sanglant et du culte spirituel est le Saint-Esprit. Nous Le voyons avec les
yeux de notre intellect dans le feu, l’encens et la fumée odoriférante. Le feu
signifie la Divinité, tandis que la fumée odoriférante signifie Sa présence

1- Apostiches, doxasticon, vêpres du vendredi Saint.


2. A p o p h te g m e s des Pères d it d ésert, Série systématique, X, 134, SC 474, 103.
3- Le 1,35.
qui est venue invisiblement et nous parfume par le culte mystique et non
sanglant1». Le Christ est le célébrant du salut de l’homme, dans l’Esprit
saint: « La visite du Christ? L’Esprit la devance aussi: Sa présence dans
la chair? L’Esprit en est inséparable... L’intimité avec Dieu s’établit par
l’Esprit saint’. »
Dans l’Eglise, tout est don du Paraclet: « C ’est l’Esprit saint qui opère
notre montée dans le Royaume des Cieux, notre retour dans l’adoption
filiale. C’est Lui qui nous donne la confiance d’appeler Dieu n o tre Père, de
participer à la grâce du Christ, d’être appelés enfants de lumière, d’avoir
part à la gloire éternelle, en un mot d’être co m b lés d e to u tes les bénéd ictio n s
(Rm 15, 29), en ce siècle et dans le siècle à venir'. »
Maintenant, le prêtre invoque le Saint-Esprit et prie pour qu’il recouvre
de Son ombre le diacre par Sa grâce. Et celui-ci dit en réponse au prêtre:
C e m ê m e E s p r it concélébrera a v e c nous.
Le Paraclet in tercèd e p o u r n o u s a ve c des g ém isse m e n ts in effa b le s (Rm 8,
26). Il intercède pour nous, et nos prières constituent Son don. N i d ne
p e u t d ir e : Jésus est le Seigneur, si ce n ’e st p a r l ’E s p r it s a in t (1 Co 12, 3). L’évé­
nement même de l’Assemblée eucharistique est un don du Saint-Esprit:
« C ’est le Paraclet qui convoque l’Eglise pour s’assembler et entendre l’en­
seignement*. » Dans l’assemblée de l’Église, le Paraclet concélèbre avec le
prêtre et révèle le Christ aux fidèles: l’Esprit tout-saint les guide et les
conduit par la main avec sagesse « à la connaissance parfaite, face à face, et
à l’initiation au grand Dieu et Sauveur de tous, le Christ' ».
***

Les saints ressentent la concélébration du Saint-Esprit et voient physi­


quement Son ombre les recouvrir. Le P ré s p ir itu e l rapporte le fait suivant:
« A dix milles de la ville d’Égée en Cilicie, il y a un domaine appelé
Mardaros. Là se trouve l’église de saint Jean-Baptiste. Un saint ancien,
hiéromoine, y habitait. Il était de grand mérite et plein de vertus. Un jour
donc les habitants de ce domaine vont trouver l’évêque à son sujet et lui
disent: “Renvoie ce moine, parce qu’il nous est à charge; le dimanche,
il lui arrive de commencer la liturgie à trois heures de l’après-midi, et il
n’observe pas l’ordre établi pour la sainte assemblée.” L’évêque ayant pris
1. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 420AB.
2. Saint Basile le Grand, T ra ité d u S a in t-E s p r it, XIX, 49, SC 17 bis, 419-421.
3. Ib id ., XV, 36, SC 17 bis, 371.
4. I d ., S u r le p s a u m e 4 8 , I, PG 29, 433A.
S 9 a in r M o v im ^ U C ' ™ f U -------* -------- / - J : ..........r», -70 a
à part le moine lui dit: “Bon moine, pourquoi fais-tu ainsi? Est-ce que tu
ignores les règles de la sainte Église?” Le moine répondit : “Ce que tu dis là,
seigneur, est bien vrai... mais je ne sais que faire. Car après la fin de l’office
des matines du dimanche, je m’assois près du saint Autel ; et jusqu’à ce que
j’aie vu l’Esprit saint couvrir de son ombre le saint Autel, je ne commence
pas la divine liturgie...” L’évêque, admirant la vertu de l’ancien, donna
des explications aux habitants du domaine et les renvoya apaisés et louant
Dieu1. »

4. L’ecténie de la proscomédie et le Credo

Se tenant devant les Portes royales et face au sanctuaire, le


diacre entonne l’ecténie : A cco m p lisso n s n o tre p r iè r e a u S eig n eu r.
Le chœur : K y rie eleison. Et de même après chaque demande.
Le diacre : P o u r les p r é c ie u x d o n s ic i offerts, p r io n s le S eig n eu r.
P o u r cette sa in te m a iso n e t p o u r c e u x q u i y p é n è tr e n t a v e c f o i,
p ié té e t c ra in te d e D ie u , p r io n s le S eig n eu r.
P o u r q u e n o u s soyons d élivrés d e to u te tr ib u la tio n , colère, p é r i l e t
nécessité, p r io n s le Seig n eu r.
S ecours-nous, sa u v e -n o u s, a ie p i t i é d e nous, g a r d e -n o u s ô D ie u ,
p a r Ta grâce.
D e m a n d o n s a u S e ig n e u r q u e to u te cette jo u r n é e so it p a rfa ite ,
sa in te, p a is ib le e t sans péché.
Le chœur : A ccorde-le, S eig n eu r. Et de même après chacune des
demandes qui suivent.

L a p e r fe c tio n sans f i n

La vie quotidienne, avec ses dangers, ses inquiétudes, ses différentes


afflictions et épreuves, ne reste pas à l’extérieur de la divine liturgie. Dans
l’espace spirituel, l’homme ne perd pas sa dimension matérielle: l’âme et le
corps sont emplis de la paix de Dieu.
Par les supplications que le célébrant commence maintenant à formuler,
nous demandons au Seigneur que le jour présent soit paisible, que l’Ange
gardien soit un Ange de paix, que le monde entier jouisse de la paix et que
la fin de notre vie soit paisible. Dans la divine liturgie, la paix de Dieu
devient l’hymne que chantent les fidèles: « Paix bien-aimée! Douce réalité
et doux nom ... Paix bien-aimée! Objet de mes soins et de ma fierté1! »
* * *

La vie spirituelle est un cheminement continuel vers la perfection. Ce


cheminement est réellement continuel parce que la vertu n’a pas de fin:
« La vertu n’a qu’une limite, l’illimité123.» Et le but ultime de la pratique des
vertus, l’absence de passions, est la perfection qui n’a pas de fin. C’est « la
parfaite perfection des parfaits toujours à parfaire ’ ».
Cette définition de la perfection est expliquée par saint Éphrem : « Les
impassibles, insatiablement tendus de tout leur être vers la cime du dési­
rable, font de la perfection un état qui n’a pas de fin... L’impassibilité est
parfaite, si l’on prend pour mesure la puissance humaine. Mais elle est
inachevée, dès lors quelle se dépasse elle-même par ce qu’elle ajoute chaque
jour, et quelle s’élève continuellement dans ses montées vers Dieu45.»
Saint Macaire d’Égypte se réfère à la perfection spirituelle et aux fruits
quelle offre à l’homme : « Dès que l’âme est parvenue à la perfection
spirituelle, c’est-à-dire dès quelle a été parfaitement purifiée de toutes les
passions, unie par une communion ineffable et mêlée à l’Esprit Paraclet...
elle devient toute lumière, tout œil, tout esprit, toute joie, toute suavité,
toute allégresse, toute charité, toute compassion, toute bonté et toute
douceur (cfi Ga 5, 22) \ »
Lors de la synaxe eucharistique, nous demandons la perfection, car
celle-ci « provient des dons théarchiques et perfectionnants6 » du Mystère
eucharistique.
1

Le diacre: D e m a n d o n s a u S e ig n e u r u n a n g e d e p a ix , g u id e
fid è le , g a r d ie n d e nos A m es e t d e nos corps.

1. Saint Grégoire le Théologien, D isco u rs, XXII, 1, SC 270, 218.


2. Saint Grégoire de Nysse, L a V ie d e M o ïse, I, SC 1 bis, 50.
3. Saint Jean Climaque, L 'É ch e lle sa in te , XXIX, 4, PG 88, 1148 G, version française du père Pla­
cide Deseille, op. c it., p. 301.
4. Saints Calliste et Ignace Xanthopoulos, S u r c e u x q u i ch oisissent d e v iv r e d a n s l ’h é sy c h ia , LXXX-
VII, traduction française in P h ilo c a lie d es pères n e p tiq u e s , tome II, Paris 1995, p. 629.
5. Saint Macaire d ’Égypte, H o m é lie s , XVIII, 10, traduction française, op. cit., p. 221.
6. Saint Denys PAréopagite, T r a ité d e la h ié ra rc h ie ecclésiastique, III, 1, PG 3, 424D, traduction
de Maurice de Gandillac, p. 263.
L ’A n g e g a r d ie n

Depuis le moment de son baptême, chaque fidèle est protégé par un


Ange gardien. Le célébrant adresse au Seigneur cette supplication pour
chaque baptisé : « Attelle à sa vie un ange de lumière. » Le Seigneur même
a parlé des anges gardiens lorsqu’il a dit au sujet des petits enfants : L eu rs
a n g e s... v o ie n t c o n tin u e lle m e n t la fa c e d e m o n Père q u i est d a tis les d e u x
(Mt 18, 10).
Le prophète David nous assure que L ’a n g e d u S e ig n e u r é ta b lira son ca m p
(Ps 33, 8). Et saint Basile
a u to u r d e ce u x q u i L e c r a ig n e n t e t i l les d élivre ra
interprète ainsi ce verset : « Auprès de chacun qui a cru dans le Seigneur se
trouve continuellement un ange, si nous ne le chassons pas par nos œuvres
mauvaises. De même que la fumée éloigne les abeilles et qu’une mauvaise
odeur chasse les colombes, le péché lamentable et fétide éloigne l’Ange
gardien de notre vie. Si tu as dans ton âme des œuvres dignes de la protec­
tion angélique... Dieu placera près de toi des protecteurs et des gardiens
et t’entourera d’une garde angélique. Et sois attentif à la puissance de la
nature angélique: un ange est semblable à une armée entière... Comme
les murs des villes sont construits autour d’elles et empêchent les attaques
ennemies de tous côtés, de la même façon l’ange te protège de tous les
côtés comme un rempart1. »
Lorsque saint Macaire vint à Constantinople, il rencontra un jour un
noble jeune homme qui pleurait près d’un lieu de perdition. Il avait caché
son visage dans ses mains et se lamentait de telle façon que l’on eût dit
que le Ciel pleurait avec lui. Saint Macaire s’approcha et lui demanda de
lui expliquer la cause de sa tristesse. Et celui-ci lui répondit: « Glorieux
servant de Dieu, je suis par nature un Ange. Comme chaque chrétien
reçoit de Dieu un ange au moment de son baptême, la protection de cet
homme m’a été confiée. }e suis très affligé cependant lorsque je le vois
pécher, comme maintenant, alors qu’il se trouve dans ce lieu de perdition.
Comment ne me lamenterais-je pas sur l’image de Dieu qui a été réduite
à de telles ténèbres ? » Le saint lui dit : « Mais pourquoi ne l’admonestes-tu
pas? » L’ange lui répondit alors: «Je n’ai pas le droit de m’en approcher.
Car depuis qu’il a commencé à pécher, il est l’esclave des démons, et je n’ai
aucune autorité sur lui12. »

1. S u r le p s a u m e 3 3 , 5, PG 29, 364BC.
2. Saint Macaire d’Égypte, PG 34, 221AC.
Par cette demande du célébrant, nous demandons donc au Seigneur
que notre vie soit telle, quelle n’éloigne pas notre Ange gardien. Car il est,
après le Seigneur, l’espoir de notre salut:

« Après Dieu, j’ai placé tout l’espoir de mon salut en toi,


ô mon Ange, mon protecteur et mon secours.
Fais commune intercession pour moi auprès de Dieu,
en prenant avec toi les chœurs des anges
comme co-intercesseurs et secoureurs1. »

Le diacre : D e m a n d o n s a n S e ig n e u r le p a r d o n e t la rém issio n d e


nos p éch és e t d e nos fa u te s .
D e m a n d o n s a u S e ig n e u r ce q u i est b o n e t u tile à nos âm es, a in si
q u e la p a i x p o u r le m o n d e .

C e q u i est u tile à nos â m es

Les biens et les choses utiles à notre âme que nous demandons au
Seigneur ne sont pas ceux que les hommes de ce monde appellent « bonnes
et utiles ». Car « les fidèles ont de l’utile une autre opinion que le vulgaire1
2».
Le chrétien sait que l’âme existe et qu’il y a une autre vie et voit tout sous
le prisme de l’éternité.
Néanmoins, puisque nous, chrétiens, ne connaissons pas, bien des fois,
ce qui est utile à nos âmes, nous demandons au Christ de nous donner ce
qu’il juge utile. Saint Jean Chrysostome dit: « Toi-même, tu ne sais pas ce
qui est dans ton intérêt, contrairement à Dieu qui le sait très bien. Bien
des fois, tu demandes des choses nuisibles et dangereuses; aussi, Dieu, qui
s’intéresse à ton salut, ne prête pas attention à la demande, mais se préoc­
cupe dans chaque cas de ton intérêt '. » Ainsi, le fidèle ne s’afflige pas s’il ne
reçoit pas ce qu’il a demandé, car il croit que le Seigneur est Celui « qui,
dans la profondeur de Sa sagesse, dispose toute chose avec amour pour
l’homme et distribue à tous ce qui leur est utile ' ». Aussi, qu’il reçoive une
réponse à sa demande ou non, il rend grâce et glorifie Son amour.

1. Saint Jean d ’Euchaïtes, canon à l’Ange gardien, 9l ode.


2. Saint Jean Chrysostome, S u r la d e u x ie m e E p îtr e a u x C o r in th ie n s , II, 8 PG 61, 404.
* u 14S 6 PC SS. S26.
Si nous ne recevons pas de Dieu ce que nous demandons, la raison en
est que nous demandons une pierre et non pas le Pain de vie (cf. Mt, 7,
9) : « Que toutes tes demandes soient spirituelles et tu recevras imman­
quablement1», souligne saint Jean Chrysostome. Le Seigneur Lui-même
nous exhorte à ne pas demander des choses insignifiantes car, comme II
nous l’a assuré, u n e seule chose est u tile (Le 10, 42). Et nous demandons
à Dieu, dans la divine liturgie, le Pain céleste, le Christ. Il est le seul qui
nous soit profitable (le mot grec sy m -p h e re i signifie littéralement « porter
ensemble ») : Il nous porte tous près du Père céleste.

Le diacre : D e m a n d o n s a u S e ig n e u r d a ch ever le reste d e n o tre vie


d a n s la p a i x e t la p én ite n c e .
D e m a n d o n s a u S e ig n e u r u n e f i n d e vie ch rétien n e, sans d o id eu r,
sans h o n te, p a isib le , e t u n e défense v a la b le d e v a n t le red o u ta b le
tr ib u n a l d u C hrist.
F a is a n t m é m o ire d e n o tre T o u te -S a in te , Im m a c u lé e , B é n ie p a r ­
dessus t o u t . ..
Le chœur: [Très S a in te M è r e d e D ie u , sa u v e -n o u s ], A Toi,
S eig n eu r. *Il

L a m o r t: le c o m m e n c e m e n t d ’u n e vie m e ille u re

L’homme qui vit dans l’Église ne craint pas de regarder la mort en face.
Il s’y est préparé par le repentir et par la divine liturgie, il vit dès à présent
la vie future. Un tel homme sait que le temps qui suit le repentir « est plein
de contentement et d’allégresse, que la joie de son cœur se rit de la mort et
que l’enfer ne la domine pas, parce quelle [la joie] ne connaît pas de fin2 ».
Pour ceux qui se sont véritablement repentis et ont aimé le Christ, la
mort n’est pas l’entrée dans les ténèbres de l’inexistence, mais le portail
de la chambre nuptiale du Maître, l’enfantement à la vie nouvelle. Saint
Ignace le Théophore, alors qu’il était sur le chemin de Rome, où il avait
été condamné à être jeté aux lions, écrivit aux chrétiens de cette ville qui
s’efforçaient de faire annuler la sentence de condamnation : « Il est meil­
leur pour moi de mourir pour le Christ Jésus que de régner sur les extré­
mités de la Terre... C ’est Lui que je cherche, qui est mort pour nous ; Lui
que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche.
1- S u r M a tth ie u , XXIII, 4, PG 57, 312-313.
2. Saint y--’ . . ' / ' . vvn 1 1 -Î oo
Pardonnez-moi, frères; ne m’empêchez pas de vivre, ne veuillez pas que je
meure. Celui qui veut être à Dieu, ne le livrez pas au monde, ne le séduisez
pas par la matière. Laissez-moi recevoir la pure lumière; quand je serai
arrivé là [près de Dieu], je serai un homme [de Dieu1]. » Pour les saints, ce
que nous appelons vie est la mort, et la prétendue mort conduit à la vie:
« Il est bon que je me couche loin du monde, et que j’aille vers Dieu, pour
me lever en Lui12. »
***

Nous lisons dans le P a te r ik o n , au sujet de la dormition d’un Ancien:


« Dans la région d’Arselaon habitait Abba Michel. Lorsqu’il devint grave­
ment malade et fut sur le point de mourir, il dit à son disciple Eustathe:
“Mon enfant, apporte-moi de l’eau pour me laver les mains et que je
reçoive la communion.” Après avoir communié, il lui dit: “Tu sais, mon
enfant, que ce lieu est dangereux et escarpé en raison de la pente raide où
se trouve la tombe, et si je meurs en-haut, tu prendras des risques pour me
faire descendre et m’enterrer. Aussi, aide-moi et nous pourrons descendre
lentement.” Lorsqu’ils descendirent, l’Ancien pria, embrassa son disciple et
lui dit: “Sois en paix, mon enfant, et prie pour moi.” Et après s’être étendu
dans la tombe, il partit vers le Seigneur plein de joie et d’allégresse345!»
Les saints qui ont « accompli la liturgie de [leur] vie"' » partent, pleins
de paix, vers le Seigneur. Ils s’approchent de la mort « pleins de joie et
radieux" », car celle-ci est « le commencement d’une vie meilleure, le
prélude d’une existence plus spirituelle, le passage d’un état inférieur à un
état supérieur6789». Pour les saints, la mort est « le commencement et la voie
du changement pour le meilleur" ».
Le monde est « sujet au changement... et à la corruption par le passage
du temps" ». Mais la mort conduit le saint à « une stabilité continuellement
en mouvement et à une forme de mouvement sans changement générée
éternellement autour de l’inchangé, le seul et unique Dieu3 ».

1. A u x R o m a in s , VI, SC 10, 115.


2. I b id ., II, SC 10, 111.
3. S e n ten ces des Pères d u S in a ï, Thessalonique, monastère du Sinaï, 1988, p. 184.
4. Samedi avant la Pentecôte, vêpres, stichère.
5. Saint Jean Chrysostome, S u r M a tth ie u , XXXVIII, 4, PG S-7, 433.
6. Id ., S u r le h ié r o m a r ty r B a b yla s, I, PG 50, 329.
7. Saint Grégoire de Nysse, S u r P u lc h é rie , PG 46, 877A.
8. Saint Maxime le ( lonfesseur, À Thalassios, LXV, PG 90, 760 A.
9. Ib id .
Tandis que le diacre récite l’ecténie, le prêtre dit à voix basse la
prière suivante de la proscomédie:
Seigneur, Dieu tout-puissant, Toi, le seul Saint, Toi qui reçois le
sacrifice de louange de ceux qui T ’invoquent de tout leur cœur,
accepte aussi notre prière de pécheurs et fais-la parvenir à Ton
saint Autel; rends-nous aptes à T ’offrir des dons et des sacrifices
spirituels pour nos propres péchés et pour les ignorances du peuple.
Et rends-nous dignes de trouver grâce devant Toi, afin que notre
sacrifice Te soit agréable et que Ton Esprit de grâce, Ton Esprit
bon, vienne demeurer sur nous et sur ces dons que nous Teprésen­
tons, ainsi que sur tout Ton peuple.
A voix forte : Par les miséricordes de Ton Fils Unique, avec Lequel
Tu es béni, ainsi que Ton Esprit très saint, bon et vivifiant, main­
tenant et toujours et dans les siècles des siècles. Le chœur : Amen.

Péchés et ignorances
Par cette prière, qui est appelée « Prière de l’offrande » (proscomédie),
le célébrant supplie le Seigneur de le rendre digne d’offrir les saints Dons
pour ses propres péchés et pour les ignorances du peuple.
Ce n’est naturellement pas un hasard si cette prière appelle le même fait
- le péché - par deux noms : péché et ignorance. Les péchés du peuple sont
appelés ignorances. Donc, la liturgie est offerte à Dieu pour les péchés du
prêtre et pour tout ce que le peuple a commis par ignorance.
Nous sommes tous pécheurs. Mais tandis qu’il est possible que le peuple
pèche par ignorance, celle-ci n’est point permise au prêtre. Même les
plus insignifiants des péchés du prêtre sont grands « non par leur nature
même, mais ils sont aggravés par la dignité sacerdotale de celui qui ose les
commettre1». Comme Dieu le dit aux Israélites, lorsque le Grand-Prêtre
pèche, cela est comme si tout le peuple péchait (I.v 4, 1-3). C ’est pourquoi,
dans ce cas, il est prescrit que le même sacrifice propitiatoire soit offert que
dans le cas où « la communauté tout entière d’Israël pèche par ignorance »
(Lv 3, 13-14). Cela signifie que « les plaies spirituelles d’un prêtre exigent
plus d’assistance que celles d’un autre homme, et qu’il faut autant pour sa
guérison que pour celle de toute une nation2 ».
Le célébrant, comme être humain, liépar les désirs charnels, offre la sainte
anaphore pour lui-même et les ignorances du peuple (He 9, 7). Seul le Christ
1- Saint Jean Chrysostome, S u r le sacerdoce, VI, 1], PG ■18, 687.
2. Ib id .
fut sans péché, Lui qui nous a purifiés de tout péché. I l a p a r L u i- m ê m e
p u r i f ié nos p échés (He 1,3). C ’est précisément pourquoi le célébrant tombe
aux pieds du Seigneur et Le supplie que le Saint-Esprit demeure dans le
cœur des fidèles, afin que le Sacrifice soit acceptable devant Sa Face.

Le prêtre : P a ix à tous.
Le chœur : E t à to n esprit.

La paix prépare la voie de l ’amour

Lorsque, dans les temps anciens, la divine liturgie commençait par


l’entrée de l’Évangile et les lectures sacrées, le premier acte du prêtre était
d’offrir la paix. Ensuite, le célébrant le faisait plusieurs fois. Il le fait aussi
aujourd’hui : « Lorsqu’il lit le saint Évangile, lorsqu’il donne la bénédiction
ou annonce le baiser de paix et après avoir accompli le Sacrifice, le célé­
brant dit : Paix à tous'. »
Les prêtres prononcent ces paroles « depuis le commencement du
Mystère... Car être en paix entre nous et avec Dieu doit être compris
comme la source et le commencement de tout bien2 ». Lorsque nous
sommes en paix, nous sommes près de Dieu. Et tant que nous sommes
près de Lui, nous recevons toujours plus Sa paix. Le Fils et Verbe de Dieu
vient en nous et « rend notre cœur serein3 ».
Le célébrant offre la paix de Dieu « parce quelle est la mère de tous les
biens... Elle prépare la voie à l’amour’ ». Vraiment, « le plus important
pour nous est la paix du Christ qui apporte avec elle, telle sa sœur, l’amour
entre nous15».
Nous recevons la bénédiction de la paix et cheminons vers l’amour. Nous
parcourons ce chemin pour rencontrer le Christ, qui est Paix et Amour.

Le diacre: Aimons-nous les uns les autres, afin que, dans un


même esprit, nous confessions :
Le chœur : Le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Trinité consubstan­
tielle et indivisible.
Et le baiser de paix est échangé entre les concélébrants.1234
1. Saint Jean Chrysostome, S u r l E p î t r e a u x C olossiens , III, 4, PG 62, 322-323.
2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r J e a n , XII, 1. PG 74, 708BC.
3. Office de la Pentecôte, matines, canon, ode 1.
4. Saint Jean Chrysostome, S u r l ’E p îtr e a u x C olossiens , III, 4, PG 62, 322.
L e baiser d e p a i x

Après la consécration des saints Dons, nous communierons au Christ.


Cependant, nous ne pouvons pas avancer pour nous unir à Dieu si nous
ne sommes pas unis avec ceux qui cheminent avec nous vers le Royaume.
Si le Christ n’est pas parmi nous, Il n’entrera pas en nous. Par conséquent,
la communion d’amour des fidèles vient d’abord, afin que puisse suivre la
sainte communion aux Dons eucharistiques. C’est pourquoi le célébrant
nous exhorte : A im o n s -n o u s les u n s les autres.
L’amour entre nous est aussi la condition préalable pour confesser notre
foi: « Aimons-nous les uns les autres, afin que, dans un même esprit,
nous confessions. » Nous sommes les images du Dieu Trinitaire et, pour
confesser véritablement la T r in ité in d iv is ib le ,. nous devons aussi ne pas être
divisés entre nous, c’est-à-dire vivre dans l’amour.
Toutefois, il est impossible de parvenir à l’amour envers le prochain
tant que notre âme est partagée entre Dieu et le monde. Le désir des biens
matériels devient la cause de querelles et de divisions entre nous et nos
frères. « Car il esr impossible à ceux qui demeurent divisés avec eux-mêmes
de se réunir pour atteindre le Dieu un, et de communier à l’union dans la
paix avec Lui. Si, au contraire, grâce aux lumières qui nous viennent de la
contemplation et de la connaissance de l’Un, nous parvenons à nous réunir
et à nous unifier de façon vraiment divine, il ne nous adviendra plus jamais
de succomber à la diversité de ces convoitises qui nous divisent1. » C’est de
ces convoitises que se créent l’attachement aux biens matériels et l’hostilité
envers notre semblable.

La réponse des fidèles à l’exhortation A im o n s -n o u s les u n s les a u tres est un


acte: le baiser de paix. Dans la communauté liturgique, parmi les convives
de la Cène, « le très divin baiser est accompli de façon sacrée2 ». Le baiser
de paix n’est pas un simple symbole liturgique, mais une expérience litur­
gique, un acte sacré. Le baiser liturgique n’est pas une im a g e de l’amour
qui unit les fidèles mais l ’e xpérience de cette unité. C ’est le lien de l’unité
1- Saint Denys l’Aréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique. III, 3, 8, PG 3, 437A, traduction
de Maurice de Gandillac p. 273.
2- Ibid. Les Constitutions apostoliques décrivent comment ie baiser de paix était accompli dans
les temps anciens: « Les clercs donnent le baiser à l’évêque, les laïcs hommes entre eux, les
femmes entre elles » (SC 336, 175). De nos jours, le baiser de paix est échangé par les prêtres
LA D I V I N E L I T U R G I E D E S A I N T J E A N C H R Y S O S T O M E

de ceux qui offrent le culte spirituel; il les unit entre eux et avec le Verbe
de Dieu.
Le baiser de paix, commenté de façon eschatologique, symbolise « la
concorde de pensée et d’esprit... grâce à laquelle ceux qui en sont dignes
sont amis dans l’intimité de Dieu le Verbe... Car la bouche [avec laquelle
le baiser est donné] est le symbole du verbe [car par la bouche, nous nous
exprimons avec les mots] et c’est selon elle, plus que tout, que tous ceux
qui ont part à la raison en tant qu’ils sont des êtres rationnels font corps
avec tous [les autres] et avec le premier et unique Verbe et cause de toute
parole1».
Chaque action dans la divine liturgie est un événement quotidien trans­
figuré. Le baiser de paix prend des dimensions nouvelles : « Nous sommes
un temple du Christ. Lorsque donc nous donnons le baiser à l’autre, nous
embrassons le portique et l’entrée du temple1234.» La matière est sanctifiée
et la chair reçoit la bénédiction du Saint-Esprit. Un ancien disait: « De
nombreuses fois, alors que le diacre disait Donnez-vous les uns les autres un
saint baiser, je vis le Saint-Esprit sur les lèvres des frères *. »
Le baiser liturgique est la manifestation de l’amour: « Le baiser est un
signe que les âmes sont devenues comme une seule et bannissent toute
rancune'. » Il exprime encore l’unité des fidèles: « ce baiser unit les âmes
entre elles et il garantit pour elles l’absence de tout ressentiment567». Il
exprime encore l’unité des fidèles: « Cet embrassement unit les âmes des
fidèles, et nous transforme tous en un seul corps'1» et en membres du
Christ. Les fidèles s’unissent par le lien de l’amour et édifient le corps du
Christ (Ép 4 , 12) : « L’amour édifie, et cela se produit alors que les fidèles
sont soudés ensemble, unis entre eux, et constituent ensemble’ » le Corps
de l’Église.
1. Saint Maxime le Confesseur, M y sta g o g ie , XVII, PG 91, 696A, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. c it ., p. 123. « Verbe », « rationnel » et « logique », tous
ces mots proviennent de la même racine en grec, AÔyoç (Logos) qui outre l’usage johannite
(Jn 1, 1 et 14) qui indique le Dieu depuis l’éternité - le Verbe créateur, qui a été incarné en
l’homme Jésus-Christ, transmet la faculté humaine donnée par Dieu de pensée et d ’expression
rationnelle. La concorde véritable entre les « êtres » rationnels et leur union avec Dieu n’a pas
lieu seulement par les mots, mais en premier lieu par les pouvoirs rationnels de l’âme.
2. Saint Jean Chrysostome, S u r la d e u x iè m e E p îtr e a u x C o r in th ie n s , XXX, 2, PG 61, 606.
3. S e n ten ces d es P ères d u désert, volume IV (Panorama Thessalonique, Ie r on H e sych a stirio n to Gene-
sio n tis T h eo to ko u , 1999), p. 362.
4. Saint Cyrille de Jérusalem, C atéchèses m ysta g o g iques , V, 3, SC 126, 149.
3. Saint Jean Chrysostome, S u r la tra h is o n d e J u d a s , I, 6, PG 49, 382.
6. Ibid.
7. S u r l ’É p îtr e a u x É p h ésien s, XI, 4, PG 62, 85.
Dans son interprétation eschatologique, le baiser de paix « préfigure et
esquisse à l’avance ce qui adviendra conformément à la foi et à l’amour
même, au temps de la révélation des indicibles biens à venir, à savoir la
concordance de pensée, l’unanimité d’opinion et l’identité de sentiment
qui existeront mutuellement entre tous1».

Le diacre: Les portes. Les portes ! Avec sagesse, soyons attentifs.


Et le prêtre élève l’aër et l’agite doucement au-dessus des saints
Dons tandis que le Credo est lu ou chanté.
Le peuple : Je crois en un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur
du Ciel et de la Terre, de toutes les choses visibles et invisibles. Et
en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils Unique de Dieu, né du
Père avant tous les siècles; Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai
Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a
été fait. Qui pour nous hommes et pour notre salut est descendu
des deux, sest incarné du Saint-Esprit et de la Vierge Marie et
s’estfait homme; Qui a été crucifiépour nous sous Ponce Pilate, a
souffert et a été enseveli; Qui est ressuscité le troisième jour selon
les Ecritures; Qui est monté aux d e u x et est assis à la droite du
Père; Qui reviendra avec gloire juger les vivants et les morts, et
Son règne n ’aura pas de fin. Et en l ’Esprit-Saint, Seigneur, vivi-
ficateur, Qui procède du Père, Qui est adoré et glorifié avec le
Père et le Fils, Qui a parlé par les prophètes. Et en l ’Eglise, une,
sainte, catholique et apostolique. Je confesse un seul baptême pour
la rémission des péchés. J ’attends la résurrection des morts et la vie
du siècle à venir. Amen.

Les portes, les portes!

Après le renvoi des catéchumènes, on fermait les portes de l’église.


Ensuite, les diacres et les sous-diacres se tenaient près des portes, de telle
façon qu’au moment de l’anaphore, ni les fidèles ne puissent sortir, ni les
infidèles ou hérétiques ne puissent entrer. Il est dit dans Les Constitutions
apostoliques: « Les portes seront gardées, pour qu’il n’entre aucun infidèle
ou non-initié. S’est-il introduit un frère ou une sœur venant d’une autre

1. Saint Maxime le Confesseur, M ysta g o g ie, XVII, PG 91, 693D-696A, traduction française,
éd. Migne, collection « Les Pères dans la foi », op. cit., p. 123.
contrée, avec des lettres de recommandation, le diacre examinera leur
situation et vérifiera... s’ils n’ont pas été souillés par une hérésie1. »
De même que l’église a des portes, que nous devons surveiller afin que
n’entrent pas des non-initiés, de la même façon l’homme, qui est le temple
vivant de Dieu, a pour porte les sens, qu’il doit garder en ce moment sacré,
afin que le péché n’y entre pas. En effet, nous pouvons pécher de multiples
façons : par la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher, la langue et la pensée.
Et c’est alors que s’accomplit la parole du prophète : L a m o r t est m o n té e p a r
vos fe n ê tre s (Jr 9, 21). C ’est pourquoi le célébrant ordonne: « Les portes,
les portes! Avec sagesse, soyons attentifs », ce qui signifie: « Lorsque nous
sommes présents à la divine liturgie, nous devons nous garder purs de tout
regard lascif, de la condamnation de nos frères, d’un langage grossier et de
paroles vaines, d’un rire incontrôlé et de tout mensonge... C’est alors que
nous nous tenons b ien et avec cra in te de Dieu à la divine liturgie12. »
La fermeture des portes de l’église désigne la fermeture des sens et l’éloi­
gnement de notre intellect des pensées terrestres. Ainsi, libéré des images
de ce monde vain, l’homme parvient à la contemplation des états divins.
Le Verbe conduit l’âme « à la vision des réalités intelligibles3 ».
Dans la perspective eschatologique du monde, la fermeture des portes
de l’église « manifeste la fugacité des réalités matérielles ; elle manifeste
aussi, après cette redoutable exclusion et le jugement plus redoutable
encore, l’entrée future de ceux qui en sont dignes dans le monde intelli­
gible, c’est-à-dire dans la salle des noces du Christ et l’abolition complète
de l’influence trompeuse des perceptions sensibles4 ».

L ’é n u m é r a tio n des d o n s d e D ie u

Après la fermeture des portes, les fidèles réunis autour de la Table du


Seigneur confessent leur foi dans le Dieu Trinitaire et dans Son amour.

1. II, S7, 38, SC 320, 321. Dans la liturgie des constitutions apos­
Les C o n s titu tio n s a p o sto liq u es,
toliques, le diacre dit immédiatement après le baiser de paix: « Plus aucun catéchumène, plus
aucun auditeur, plus aucun infidèle, plus aucun hétérodoxe! >• (VIII, 12, SC 336, 177). Le
développement de cette prescription est l’exclamation: « Les portes, les portes! ■>Par consé­
quent, cette exclamation avait, et doit encore avoir, un but concret.
2. A g h io s M a x im o s o G ra iko s, o P b o tis tis to n R oson [Saint Maxime le Grec, l’Illuminateur des
Russes], Athènes, Armos, 1991, p. 123.
3. Saint Maxime le Confesseur, M ysta g o g ie, XIII, PG 91, 692B, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi -, op. oit., p. 119.
i. Ib id ., XV, PG 91,693C, traduction française, op. cit., p. 122.
La foi droite est une condition préalable à la célébration du Mystère
eucharistique.
Le C redo est l’énumération des dons de Dieu et l’expression de la
gratitude de l'homme. Devant les dons divins que nous avons reçus du
Seigneur, nous ne pouvons rien offrir d’autre « que de confesser Ses si
grands bienfaits et Lui rendre grâces pour eux1». La confession du C redo
signifie « l’action de grâces mystique qui sera prononcée dans le temps à
venir pour les raisons et les modes extraordinaires par lesquels nous avons
été sauvés, raisons et modes de la Providence de Dieu dont la sagesse est si
grande pour nous: ».

5. La sainte anaphore

Le diacre : T en o n s-n o u s bien. T en o n s-n o u s a ve c cra in te. Soyons


a tte n tifs à o jfr ir en p a i x la sa in te a naphore.
Le chœur: M isé ric o rd e d e p a ix , sacrifice d e louange.

T en o n s-n o u s a ve c cra in te

Par la sainte anaphore, qui commence maintenant, nous arrivons au


moment le plus sacré de la divine liturgie. Aussi, le diacre nous appelle
à prêter attention à la façon dont nous nous tenons, tant pour ce qui
concerne notre âme que notre corps. « Tenons-nous bien. Tenons-nous
avec crainte. » Du temps de saint Jean Chrysostome, l’exclamation était
quelque peu différente: « Debout, tenons-nous droits3. »
Saint Jean interprète la signification de cette exhortation comme suit: il
nous faut « élever nos pensées qui rampent à terre, bannir la paralysie spiri­
tuelle qu’apporte le souci des affaires temporelles, afin de pouvoir présenter
nos âmes droites devant Dieu... Pense près de qui tu es, avec qui tu vas
invoquer Dieu - c’est avec les chérubins... Aussi, nul ne saurait prendre
part à ces hymnes sacrés et mystiques avec indolence... Au contraire après
avoir banni toute pensée terrestre et être monté tout entier au Ciel, que
chacun offre l’hymne très-sainte au Dieu de gloire et de majesté, comme
1. Saint Jean Chrysostome, S u r la G enèse , IX, 5, PG 53, 80.
2. Saint Maxime le Confesseur, M ystagogie, XVIII, PG 91, 696B, éd. Migne, collection « Les
Pères dans la loi », traduction française, p. 124.
3. L’exclamation correspondante dans les constitutions apostoliques est la suivante: « Tournés
vers le Seigneur, tenons-nous debout avec crainte et tremblement, pour l’oblation » {Les C o n s ti­
tu tio n s a posto liq u es, VIII, 12, SC 336, 177).
LA D I V I N E L IT U R G I E D E S A IN T JE A N C H R Y S O S T O M E

s’il se tenait devant le trône même de gloire et volait avec les séraphins.
C’est pourquoi le diacre nous exhorte à nous bien tenir à ce moment. En
d’autres termes à nous tenir avec crainte et tremblement, pleins de sobriété
et de vigilance1».
La divine liturgie est appelée « anaphore », qui signifie en grec faire
monter, offrir, parce que nous-mêmes et nos précieux dons sommes offerts
(élevés) vers Dieu. Et il faut « nous tenir avec révérence et avec crainte à
l’heure redoutable de l’anaphore, car quelle que soit la disposition de l’âme
ou quelles que soient les pensées que chacun a en ce moment-là devant
Dieu, c’est dans la même disposition qu’il est élevé vers le Seigneur12 ».
Les Dons précieux ne sont pas simplement offerts sur l’Autel terrestre,
mais ils sont élevés à l’Autel supracéleste. Et nous sommes tous appelés
à nous élever jusqu’à l’espace de la paix inébranlable. Le passage vers cet
espace doit avoir lieu en paix. « Une grande paix et une grande quiétude
sont nécessaires34» à ce moment et en ce lieu. Lorsque la sainte anaphore
est offerte sur l’Autel supracéleste, les Puissances angéliques se tiennent
avec crainte et tremblement. Elles couvrent leurs visages avec révérence et
chantent l’hymne au triple Soleil Divin.

M isé ric o rd e d e p a ix , sacrifice d e lo u a n g e

À l’exhortation du célébrant invitant les fidèles à offrir la sainte anaphore


en p a ix , ceux-ci répondent : nous l’offrons en paix et dans l’amour envers
le Seigneur et nos frères. Nous offrons la m isérico rd e d e p a ix . Nous offrons
la m iséricorde, c’est-à-dire l’amour, qui est le fruit de la paix. En effet,
« lorsque nulle passion ne trouble l’âme, rien n’empêche celle-ci d’être
remplie de miséricorde1 ».
Dieu nous dit par le prophète Osée que l’offrande de notre amour
envers Lui et nos frères est préférable au sacrifice offert sans amour : Je veux
la m iséricorde e t n o n le sacrifice (Os 6, 6). En outre, « tous les commande­
ments de l’Ancien Testament concernant les sacrifices et les holocaustes
sont contenus dans le commandement de la miséricorde et de l’amour5 ».

1. S u r T in c o m p r é h e n s ib ilité d e D ie u , IV, 5, PG 48, 734.


2. Saint Anastase du Sinaï, H o m é lie s u r la sa in te sy n a x e , PG 89, 833BC, traduction française in «
Trois Homélies », Introduction, traduction et notes de Hiéromoine Nicolas (Molinier), Ortho­
doxie, Gerf, Paris 2013, p. 33.
3. Saint Jean Chrysostome, S u r la N a t i v i t é d e J é s u s-C h r ist, VII, PG 49, 361.
4. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , XXVI, SC 4 bis, 171.
5- Saint Basile le Grand, S u r Isaïe, I, T l , PG 30, 172C.
LA D IV IN E L IT U R G IE

Aussi, il est impossible d’offrir le sacrifice de la glorification de Dieu avant


d’avoir offert celui de notre amour. Le sacrifice qui est offert avec amour
est celui qui est agréable à Dieu. C’est un sacrifice qui glorifie et loue Son
amour: c’est u n sacrifice d e louange.
Les fils du Royaume, dont le trait distinctif est la paix, offrent la m isé ri­
corde d e p a i x e t le sacrifice d e louange. « La m iséricord e envers chacun qui se
trouve dans l’adversité et qui a besoin d’aide. Mais c’est une m isérico rd e de
paix. Lorsque nous aimons la paix envers tous, lorsque nous avons détruit
toute inimitié et conflit avec tous, alors nous offrons le véritable sacrifice
de louange1. »
C’est ce sacrifice que nous demande Dieu : Im m o le p o u r D ie u u n sa cri­
fic e d e lo u a n g e (Ps 49, 14). « C’est-à-dire un sacrifice d’actions de grâces,
d’hymnes sacrés, de glorifications par les actes... Vis de telle façon que
ton maître soit glorifié. C’est aussi ce que le Christ nous enseignait par
ces paroles: Q u e votre lu m iè re luise d e v a n t les h o m m e s, a fin q u ’ils v o ie n t
vos b o n nes œ uvres, e t q u ’ils g lo r ifie n t votre Père q u i est d a n s les d e u x (Mt 5,
16)... Que ta vie soit donc telle que ton maître en soit glorifié, et tu auras
offert un sacrifice parfaitf »
Le chrétien fidèle sait quel sacrifice est agréable au Seigneur et il s’adresse
à Son amour par ces mots : « Je t’offrirai la glorification de mon cœur,
depuis l’autel de mon âme. Et je célébrerai pour toi le sacrifice de louange,
qui est préférable à des myriades d’holocaustes. Je le célébrerai pour Toi le
Dieu parfait '. »
Dans la divine liturgie, nous offrons le sacrifice d e lo u a n g e par excellence.
Par le Christ, nous les fidèles offrons sans cesse à D ie u u n sacrifice d e louange,
c’e st-à-dire le f r u i t d e lèvres q u i confessent S o ft n o m (He 13, 15). Lors de la
sainte anaphore, les fidèles offrent des « prières, des hymnes, des actions de
grâces, car tel est le fruit des lèvres »... Et « confesser Son nom », « c’est
l’action de grâces à Lui rendues, en mémoire de tout ce qu’il a souffert
pour nous ' ».
Le Seigneur aime ce sacrifice d e lo u a n g e, car c’est là que se trouve la voie
du salut de l’homme : C ’e st le sacrifice d e lo u a n g e q u i m e r e n d g lo ire ; te l est le
ch em in p a r le q u e l J e m o n tr e r a i à l ’h o m m e le s a lu t d e D ie u (Ps 49, 23). « La

1. A g h io s M a x im o s o Graikos, o P h o tistis ton R oson [Saint Maxime le Grec, l’IUuminateur des


Russes], op. cit., p. 125.
2. Saint Jean Chrysostome, S u r le psaume 4 9 , S, PG 55, 248.
3. Saint Basile le Grand, Sur le psaume 115, 5, PG 30, 113B. L’holocauste (c’est-à-dire que l’animal
sacrifié était brûlé tout entier sur l’autel) était le sacrifice le plus parfait dans la loi de Moïse.
4. Saint Jean Chrysostome, S u r l'É p îtr e a u x H é b r e u x , XXXIII, 4, PG 63, 229-230.
communion au Corps et au Sang du Maître est à juste titre appelée S a lu t de
D i e u . .. parce quelle a été donnée comme rédemption des péchés1». Lors
de la liturgie, nous offrons à Dieu un sacrifice de justice, et Dieu nous offre
Son salut, c’est-à-dire le Christ (Le 2, 30).

Le prêtre: Q u e la g râ ce d e n o tre S e ig n e u r Jé su s-C h rist, l ’a m o u r


d e D ie u le Père, e t la c o m m u n io n d u S a in t- E s p r it so ie n t a vec
vous to u s 1.
Le chœur : E t a ve c to n esprit.

U n d o n tr in ita ir e

Lors de la divine liturgie, nous devenons participants aux dons de la


Sainte Trinité : de la source, qui est l ’a m o u r d e D ie u le Père, par la voie et la
porte, qui est la grâce d u S e ig n e u r J é su s-C h rist , vient la c o m m u n io n d u S a in t-
E s p r it sur l’assemblée de l’Église et sur chaque fidèle individuellement.
Cette prière nous « concilie les bienfaits de la Sainte Trinité... du Fils,
elle nous souhaite la grâce-, du Père, l ’a m o u r ; de l’Esprit-Saint, la c o m m u ­
n io n . Le Fils s’est donné Lui-même comme Sauveur à nous qui non seule­
ment ne Lui apportions rien, mais qui avions à Son égard des dettes de
justice (...). Le Père, Lui, par les souffrances de Son Fils, s’est réconcilié
avec le genre humain et a comblé d’amour ceux qui étaient Ses ennemis:
voilà pourquoi Ses bienfaits envers nous sont désignés sous le nom d’am our.
Enfin, Celui qui est riche en m iséricord e (Ép 2, 4) se devait de communi­
quer Ses propres biens à ceux qui d’ennemis étaient devenus Ses amis : c’est
ce que fait le Saint-Esprit descendu sur les apôtres ; c’est pourquoi Sa bonté
pour les hommes est appelée c o m m u n io n *123 ».
La divine liturgie est la communion de l’homme à la grâce du DieuTrini-
taire. La vie qui est offerte à l’homme et le vivifie est un don de la Sainte
Trinité: « Dieu nous accorde la vie par le Christ dans l’Esprit saint4. » En
1. Saint 1lésychius de Jérusalem, cité par Saint Nicodème l’Hagiorite, E r m in e ia eis tous 1 5 0 psal-
m o tts [Commentaire sur les 150 psaumes,], Thessalonique, Orthodoxos Kypseli, 1979, p. 720.
2. 2 Co 13, 13.
3. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , XXVI, SC 4 bis, 171, 173. Saint
Nicolas explique pourquoi cette prière est nécessaire, alors que tous les biens ont été donnes
aux êtres humains lorsque le Christ était déjà venu sur terre: « C ’est manifestement afin que,
les ayant reçus, nous ne les perdions pas, mais que nous persistions à les garder jusqu au bout.
Aussi le prêtre ne dit-il pas : “Q u’ils vous soient donnés à tous”, puisque ces biens ont déià été
donnés, mais “Qu’ils soient avec vous tous”. »
général, chaque bénédiction divine qui vient sur l’homme est un don de
la Sainte Irinité. Car tout ce qui est de « la Trinité est indivisible, et là où
se trouve la communion du Saint-Esprit se trouve aussi celle du Fils ; et où
se trouve la grâce du Fils se trouve aussi celle du Père et du Saint-Esprit1 ».
Aussi, « il y a un seul et même don et puissance du Père, et du Fils et du
Saint-Esprit2 ».
***

La réponse du peuple « Et avec ton esprit » à la bénédiction du célé­


brant montre que les fidèles participent activement à la célébration de la
divine liturgie. Saint Jean Chrysostome dit de façon caractéristique: « Le
célébrant ne touche pas les dons, qui se trouvent devant lui, avant d’avoir
invoqué sur vous la grâce du Seigneur et que vous lui ayez répondu : E t avec
ton esp rit , cette réponse même vous rappelant... que les dons offerts ne
sont nullement l’ouvrage de l’homme, mais que c’est la grâce de l’Esprit,
qui est présente et descend sur tout, qui prépare ce sacrifice mystique'. »

Le prêtre : T enons h a u t les cœurs.


Le chœur : N o u s les a v o n s vers le S eig n eu r.

L e m ira c le d e la tra n sfig u ra tio n litu r g iq u e

Le récit évangélique de la Transfiguration du Christ mentionne que Jésus


p r it a vec L u i Pierre, J a c q u es e t J e a n , e t I I les e m m e n a seuls à l ’é ca rt s u r u n e
(Mc 9, 2). C’est la même chose
h a u te m o n ta g n e. I l f u t tra n sfig u ré d e v a n t e u x
qui se produit lors de la sainte anaphore, qui est le miracle de la Transfigu­
ration liturgique: la grâce d e n o tre S e ig n e u r J é su s-C h rist nous « prend » du
monde où nous vivons, et nous « élève » [en grec a n a p h e re i —verbe qui est
dérivé du nom a n a p h o ra , l’anaphore] sur la haute montagne de l ’a m o u r d u
D ieu e t Père , où est célébré le mystère de la c o m m u n io n du Saint-Esprit.
Lorsque Dieu demanda au patriarche Abraham le sacrifice d’Isaac, Il
lui dit: P ren d s to n e n fa n t, to n f i ls chéri, to n Isaac, q u e tu a im e s ta n t ; va
en la h a u te terre, e t là, ojfre-le en holo ca u ste (Gn 22, 2). C’est sur cette
terre que le célébrant nous exhorte à monter nous aussi, pour offrir l’ana-
phore eucharistique. Imitons alors le patriarche Abraham, qui n’a laissé ni

1. Saint Jean Chrysostome, S u r la d e u x iè m e É p îtr e a u x C o r in th ie n s , XXX, 2, PG 61, 608.


2. Id ., S u r J e a n , LXXXVI, 3, PG 39, 471.
ses serviteurs, ni ses animaux s’approcher du lieu du sacrifice. Saint Jean
Chrysostome donne l’explication suivante: « Toi non plus, ne souffre pas
qu’aucune passion servile, ignoble, t’accompagne [sur le lieu de la sainte
anaphore] ; va tout seul sur la montagne que gravit Abraham, où il n’est
permis à rien d’autre de monter... Que rien ne vienne te troubler en cet
instant; élève-toi au-dessus du ciel même1. » « Gardant nos cœurs dans les
hauteurs e; tournés vers Dieu, observons cette merveilleuse vision, c’est-à-
dire notre nature humaine coexistant éternellement avec le feu immatériel
de la Divinité123.»
Tenons haut les cœurs, dit le prêtre. Par le mot haut, il nous indique le lieu
où se produit la rencontre de l’âme qui aime Dieu avec le Fiancé, le Christ.
Ce lieu n’est pas déterminé. Il s’agit d’une échelle divine, qui s’appuie sur
le saint Autel et dont le sommet est inaccessible à la vue de l’homme. Un
mouvement perpétuel caractérise les saints. Ils se meuvent depuis l’Autel
jusqu’à la contemplation de la lumière incréée et reviennent à l’Autel, qui
est rempli de lumière. Car sur celui-ci le Christ, la Lumière du monde,
pose « Son corps illuminateur ' » pour la nourriture et la vie du monde.
L’âme s’élève sans cesse. Et plus elle s’élève, plus elle aspire à prendre de
la hauteur. L’ascension embrase son désir et la nourriture de l’Eucharistie
augmente sa faim de contemplation mystique. Saint Syméon le Nouveau
Théologien, qui a contemplé la beauté de la lumière incréée et a été nourri
par la nourriture de l’incorruptibilité, utilise une image unique : « Je ne sais
ce qui me réjouit davantage, la vue et le charme des purs rayons du Soleil,
ou bien de boire et de goûter le vin qui (coule) en ma bouche. Je voudrais
dire que c’est le second, et le premier m’attire et m’apparaît plus doux:
et lorsque je me tourne vers le premier, voilà qu’à son tour la douceur du
goût m’est encore plus suave, et je ne peux ni me lasser de regarder, ni me
rassasier de boire. Car lorsque je crois avoir bu tout mon soûl, voilà que
la beauté des rayons qui en jaillissent redouble ma soif, et je me trouve à
nouveau altéré4. »
L’âme s’élève pour rencontrer Dieu. Et la peine quelle se donne lui
donne des forces. Elle découvre en elle de nouvelles puissances, alors
quelle gravit le Thabor liturgique: «Elle s’élève toujours davantage»,
dans « un mouvement ascensionnel qui n’a pas de cesse, où elle trouve

1. S u r la d e u x iè m e E p îtr e a u x C o r in th ie n s , V,
4, PG 61, 432, 433.
2. Saint Grégoire Palamas, H o m é lie X X L PG 131, 285B.
3. Ib id .
4. ld ., D éfe n se des s a in ts hésychastes, I, 3, 25, Meyendorff, op. cit., tome I, p. 165.
toujours, dans ce quelle a réalisé, un nouvel élan pour voler plus haut1 ».
L’homme déraisonne alors : il ne demande pas à Dieu de Le voir comme il
le peut lui-même, mais comme II est vraiment, jusqu’à rassasier son désir.
Et l’amour divin pour l’humanité satisfait son désir de cette vision de Dieu
en montrant que cette requête est impossible : car « la véritable contempla­
tion de Dieu a pour caractéristique que celui qui lève les yeux vers Lui ne
cesse jamais de Le désirer1234».

« Nous les avons vers le Seigneur », répondent les fidèles au célébrant. Par
cette réponse, ils l’assurent qu’ils sont déjà montés « jusqu’aux hauteurs...
jusqu’au trône de D ieu1». Leurs cœurs sont dans les hauteurs, où le C h r is t
est assis à la d ro ite d e D ie u (Col 3, 1).

Le prêtre : R e n d o n s grâces a u S eig n eu r.


Le chœur : I l est d ig n e e t ju ste .

R e n d o n s grâces a u S e ig n e u r

Nous sommes maintenant prêts à procéder à l’offrande du sacrifice. Le


mode d’offrande est notre action de grâces au Seigneur, et c’est ce que
souligne maintenant le célébrant. Le Christ Lui-même a enseigné ce mode
eu cha ristiq ue, d’action de grâces, de l’accomplissement du Mystère : « Jésus
prit du pain ; et, après a v o ir re n d u grâces, Il le rompit, et le donna aux
disciples, en disant: “Prenez, mangez, ceci est mon corps, qui est donné
pour vous... ” Il prit ensuite la coupe ; et, après a v o ir r e n d u grâces, Il la leur
donna, en disant: “Buvez-en tous” (Mt 26, 26-27 ; Le 22, 19)'!. »
Le meilleur moyen pour garder les dons de Dieu, est de nous en souvenir
et de rendre grâces à leur sujet. « Les redoutables Mystères qui sont célébrés
dans chaque assemblée de l’Église et dont jaillit un salut abondant s’ap­
pellent “Eucharistie” [c’est-à-dire, action de grâces] parce qu’ils constituent
le souvenir d’une infinité de bienfaits, nous manifestent le point culmi­
nant de la divine Providence, et nous préparent à rendre grâces à Dieu de
multiples façons... C ’est pour cette raison que le prêtre, au moment de ce
sacrifice, nous exhorte à rendre grâces à Dieu pour le monde entier, pour

1. C atéchèses XXIII, SC 113, 24.


2. Saint Grégoire de Nysse, L a V ie d e M o ïse , II, SC 1, 262.
3. Saint Méthode d ’OIympe, B a n q u e t , 8, 10, PG 18, 133 A.
4. Saint Jean Chrysostome, S u r M a tth ie u , LXXXII, 1, PG 58, 738.
le passé et le présent, pour tout ce qui s’est passé et tout ce qui se passera.
Car cette action de grâces nous libère de la Terre et nous transporte dans le
Ciel, et fait que d’hommes nous devenions des anges1. »
Nous rendons grâces à Dieu pour Ses bienfaits, et l’Eucharistie elle-
même est un nouveau bienfait de Dieu, car tout en n’ajoutant rien à ce
qu’il est, « Il nous rend plus intime avec Lui1234».

I l est d ig n e e t ju s t e

A l’exhortation du prêtre de rendre grâces au Seigneur, les fidèles


répondent: C ela est d ig n e e t ju s te . Leur réponse signifie qu’ils ont donné
leur assentiment à la célébration de la divine Eucharistie : « Une fois que
les fidèles ont donné leur adhésion et répondu I I est d ig n e e t ju s te , le prêtre
offre alors l’Eucharistie à Dieu'. »
La réponse des fidèles manifeste l’unité du corps du Christ. Elle montre
aussi que leur présence est nécessaire à la célébration du Mystère. « L’action
de grâces à Dieu est commune également, car ce n’est pas le prêtre seul qui
rend grâces, mais le peuple tout entier. En effet, le prêtre prend la parole
en premier et continue l’Eucharistie, après que les fidèles ont préalable­
ment convenu que cela est juste et légitime '. » Lors de l’Eucharistie, c’est
le peuple entier qui participe et qui chemine avec le célébrant.
Dans notre marche vers la vie nouvelle, nous chantons le cantique
nouveau avec les saints : ... les q u a tr e êtres v iv a n ts e t les v in g t-q u a tr e vieillards
se p r o s te r n è r e n t d e v a n t l ’A g n e a u ... E t ils c h a n ta ie n t u n c a n tiq u e n o u vea u , en
d is a n t: Tu es d ig n e d e p r e n d r e le livre, e t d ’e n o u v r ir les sce a u x; ca r Tu as été
im m o lé , e t Tu as racheté p o u r D ie u p a r Ton sa n g des h o m m e s d e to u te tribu,
d e to u te langue, d e to u t p e u p le , e t d e to u te n a t i o n . .. J e regardai, e t j ’en ten d is la
v o ix d e b ea u c o u p d ’a n g e s ... Ils d is a ie n t... L ’A g n e a u q u i a été im m o lé est digne
d e recevoir la p u issa n ce, la richesse, la sagesse, la fo rce, l'h o n n e u r, la gloire, et
la lo u a n g e ... E t les q u a tr e êtres v iv a n ts d is a ie n t: A m e n ! E t les vieillards se
p r o s te r n è r e n t e t a d o rè re n t (Ap 5, 8-14).

Le prêtre (à voix basse) : I l est d ig n e e t j u s te d e Te ch a n ter, d e Te


bénir, d e Te louer, d e Te ren d re grâces, d e T ’a d o re r en to u t lieu

1. Ib id ., XXV. 3. PG 57, 331.


2. Ib id .
3. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu r g ie , XXVII, SC 4 bis, 173.
4. Saint Jean Chrysostome, S u r la d e u x iè m e E p îtr e a u x C o r in th ie n s, XVIII, 3, PG 61, 327.
d e Ton em p ire. C a r Tu es le D ie u in effa b le , in co m p ré h en sib le ,
in visib le , insaisissable, to u jo u rs e x is ta n t e t to u jo u rs le m ê m e , Toi,
Ton F ils U n iq u e e t Ton S a in t-E s p r it. C ’e st Toi q u i, d u n é a n t,
n o u s as a m e n é s à l ’e xistence, q u i n o u s as relevés après n o tre c h u te
e t q u i n ’a s cessé d e to u t f a i r e j u s q u ’à ce q u e T u n o u s aies élevés a u
C ie l e t n o u s aies f a i t d o n d e T on R o y a u m e à ven ir.
P o u r to u t cela, n o u s Te re n d o n s grâces, à Toi, à T on F ils U n iq u e
e t à Ton S a in t-E s p r it, p o u r to u s les b ie n fa its ré p a n d u s s u r nous,
c o n n u s d e n o u s o u in c o n n u s, m a n ifestés o u cachés.
N o u s Te re n d o n s grâces aussi p o u r cette litu rg ie, q u e T u as d a ig n é
recevoir d e nos m a in s, b ien q u e T ’a ssistent des m illie rs d ’a r ­
changes, des m y ria d e s d anges, les c h é ru b in s e t les séra p h in s a u x
s ix ailes, a u x y e u x in n o m b ra b le s, se te n a n t d a n s les h a u te u r s e t
ailés.

P o u r to u t cela, n o u s Te rettdons grâces

La sainte anaphore nous révèle la providence aimante et continuelle de


Dieu pour l’homme : C ’est Toi q u i, d u n é a n t, n o u s as a m e n é s à l ’e xistence,
q u i n o u s as relevés après n o tre c h u te e t q u i n a s cessé d e to u t f a i r e j u s q u ’à ce
que Tu n o u s aies élevés a u C ie l e t n o u s aies f a i t d o n d e Ton R o y a u m e à venir.
Au début, Dieu a amené l’homme à l’existence (à « l’être »). Ensuite, par
le plan entier de l’économie divine, Il a restauré celui-ci à l’existence bien­
heureuse (« le bien-être »). Enfin, Il lui offre Son Royaume, c’est-à-dire
l’existence bienheureuse éternelle (« le bien-être éternel »).
Saint Maxime écrit qu’aux créatures rationnelles « a été accordé premiè­
rement le principe de l’existence, imbriqué avec leur essence. Deuxième­
ment, il leur a été donné le principe de la vie bienheureuse [bien-être],
conformément à leur libre choix... Et troisièmement, il leur a été donné
abondamment et selon la grâce le principe de l’existence éternelle [l’éternel
bien-être]1».
Donnant une interprétation allégorique à la création du monde, le
même saint dit: « Le sixième jour est l’accomplissement total des énergies
naturelles des actifs qui pratiquent la vertu. Le septième jour est l’achève­
ment et le repos des pensées naturelles des contemplatifs qui reçoivent la
connaissance ineffable. Le huitième jour est le changement d’ordre, qui
fait passer dans la déification ceux qui en sont dignes... Le sixième jour
signifie la raison de l’existence (l’être) des êtres. Le huitième jour mani­
1. A m b ig u a , 154, PG 91, 1392A.
feste le mystère ineffable du bien-être éternel des êtres1. » « Le huitième
et premier, ou plutôt, le jour sans fin, est la venue de Dieu, manifeste et
pleine de lumière... Dieu accordera [alors] l’existence éternelle et bénie [le
bien-être éternel] par la communion avec Lui-même, car c’est Lui seul qui,
littéralement, existe, et existe éternellement, et existe dans la béatitude123.»
La communion de l’homme avec le Créateur est la seule façon d’être éter­
nelle et bienheureuse. C’est la déification de l’homme et son entrée dans
le Royaume céleste.
C ’est la sainte anaphore qui nous manifeste ce cheminement ascendant
de l’amour de Dieu envers sa création suprême.
***

Mû par Son amour, Dieu a créé le monde et l’homme « car il fallait que
le bien se répandît et se propageât ' ». 11 a créé l’homme et l’a placé près
de Lui, afin qu’il chante et loue Sa gloire. Et lorsque l’homme chuta par le
péché, Dieu le releva et l’éleva au Ciel.
Le Christ est devenu homme, et « Il n’a point cessé de tout faire et de
tout souffrir, jusqu’à ce qu’il eût ramené à Dieu, et rendu ami de Dieu
l’homme, qui était son ennemi... Le Christ, d’une certaine façon, a pris
une offrande choisie [les prémices] de la nature humaine, et l’apporte en
don à Dieu le Maître... Et comme dans un champ couvert d’une riche
moisson, on prend quelques épis, on en compose une gerbe qu’on offre
à Dieu, et que par cette légère offrande on attire Sa bénédiction sur le
champ tout entier: de même Jésus-Christ, par la chair unique [dont il
s’était revêtu], et par les simples prémices de notre nature, a fait bénir toute
notre race... Il a offert au Père les prémices de notre nature; et le Père a
tellement approuvé cette offrande, tant par égard pour la dignité de Celui
qui la présentait qu’en considération de la pureté de l’offrande elle-même,
qu’il l’a reçue de Ses propres mains, et l’a placée à Ses côtés, en lui disant:
Siège à ma droite (Ps 109, 1). A quelle créature Dieu a-t-Il dit: Siège à ma
droite? À celle qui avait entendu de Sa bouche ces paroles : Tu es terre et tu
retourneras en terre (Gn 3, 19)... Examine dans quel abîme était descendu
l’homme, et à quel comble de gloire il est monté! Il est impossible de

1. Saint Maxime le Confesseur, C e n tu r ie s s u r la th éo lo g ie , I, 55-56, PG 90, 1104BC, traduction


française in P h ilo c a lie , op. c it ., tome A, p. 429.
2. I d . M m b i g u a , 154, PG 91, 1392D.
3. Saint Grégoire le Théologien, D isc o u rs, XXXVIII, 9, SC 358, 120.
descendre plus bas que n’était descendu l’homme, ni de monter plus haut
que ne l’a élevé Jésus-Christ 1! ».
Nous rendons grâces à Dieu pour tout ce que nous savons et tout ce
que nous ignorons, pour Ses dons manifestes et ceux qui sont inapparents.
Pour Sa providence à chaque moment de nos vies. « Je Te rends grâces,
Maître, Seigneur du Ciel et de la Terre... de ce que, avant qu’advinssent
le jour et l’heure où Tu avais ordonné que je fusse produit, Toi-même, Toi
le seul immortel, le seul tout-puissant, le seul bon et ami des hommes,
descendant de Tes saintes hauteurs sans sortir du sein paternel mais incarné
et enfanté de la Sainte Vierge Marie, Tu m’aies d’avance restauré et vivifié,
Tu m’aies affranchi de la chute ancestrale en me frayant d’avance le retour
aux Cieux. Ensuite, après m’avoir produit et fait peu à peu grandir, Tu
m’as Toi-même renouvelé en me restaurant par Ton saint baptême, Tu
m’as orné du Saint-Esprit, Tu m’as assigné comme gardien un ange de
lumière... Mais tous ces [bienfaits], je Te le confesse, Seigneur Dieu, je
n’en ai plus fait aucun cas... mais je me suis rejeté, malheureux, dans la
fosse et la fange de l’abîme de mes pensées et actions honteuses et, arrivé à
ce point, j’ai succombé aux [brigands] qui y étaient cachés... Et si même je
me réjouissais d’être entraîné avec eux, Toi, au contraire, Tu ne supportais
pas, Maître, de me voir, à ma honte, traîné et bousculé, mais Tu t’es ému de
compassion, mais Tu as eu pitié... Et Tu m’as tendu Ta main immaculée12. »
Nous rendons grâces à Dieu pour tout. Nous Lui rendons grâces pour la
divine liturgie elle-même, qu’il accepte de nous. Dieu aurait pu ordonner
que ce soient les Puissances célestes qui célèbrent dignement l’Eucharistie
divine. Néanmoins II daigne que nous hommes accomplissions cette oeuvre
et accepte l’Offrande de nos mains impures.
Nous rendons grâces à Dieu pour l’Eucharistie divine. Et après l’Eucha­
ristie, Il nous donne plus de grâce encore: « La reconnaissance de celui qui
reçoit incite le donateur à faire de plus grands dons34. » Et la chaîne bénie
continue : grâce —action de grâces —grâce... Nous devenons conscients de
la grâce qui nous inonde: car l’homme qui est reconnaissant envers Son
créateur « sera le réceptacle de Sa bonté et l’instrument de Sa glorifica­
tion 1». Nous rendons grâces et glorifions Son saint nom d’innombrables
fois :
1. Saint Jean Chrysostome, S u r l ’A scen sio n , 2-3, PG 50, 445-447.
2. Saint Syméon le Nouveau Théologien, A c tio n d e grâces, II, SC 113, 330-334.
3. Saint Isaac le Syrien, D isc o u rs ascétiques, XXX, 1, traduction française du père Placide Deseille,
op. cit., p. 221.
4. Saint Irénée, C o n tr e les hérésies, IV, 11.2, SC 100, 501.
LA D I V I N E L I T U R G I E D E S A I N T J E A N C H R Y S O S T O M L

« Ô Dieu très-bon, dans ma chute, Tu m’as pris en pitié,


Tu as daigné descendre jusqu’à moi;
et par Ta crucifixion, Tu m’as relevé,
afin que je Te crie : Saint le Seigneur de gloire,
incomparable en Sa bonté1. »

Le prêtre (à voix forte) : E n t o n n a n t l ’h y m n e d e victo ire, c h a n ­


ta n t, c ria n t, c la m a n t e t d is a n t :
Le chœur: S a in t, sa in t, s a in t est le S e ig n e u r S a b a o t h L e C ie l
e t la Terre s o n t re m p lis d e Ta gloire. H o s a n n a a n p lu s h a u t des
d e u x . B é n i so it C e lu i q u i v ie n t a u N o m d u S eig n eu r. H o s a n n a
a u p lu s h a u t des d e u x - .

L ’h y m n e d e vic to ire

Le sceau que nous appliquons sur les prosphores - le pain de l’oblation


destiné à la divine liturgie - porte les lettres IE XE N I KA, signifiant
« Jésus-Christ vainc » et annonce la victoire du Christ. Et l’hymne que
nous chantons en offrant la prosphore exalte aussi cette victoire, et c’est
pourquoi nous l’appelons l’hymne triomphale. C’est l’hymne de triomphe
et de profonde gratitude au Seigneur des pouvoirs angéliques, qui est
« l’incorruptibilité qui a conquis la mort'1».
L’hymne de victoire associe l’hymne angélique, qu’entendit Isaïe
lorsqu’il fut appelé à la dignité prophétique, et celui avec lequel le peuple
accueillit le Dieu-homme dans la Ville sainte, « alors qu’il y venait pour Sa
Passion volontaire12345». En chantant cette hymne lors de la divine liturgie,
nous imitons les anges et en même temps le peuple de la Ville sainte. Nous
louons et glorifions le Triple Soleil de la souveraineté du Seigneur, et nous
recevons « le Roi des rois », qui « vient pour être immolé et être donné en
nourriture aux fidèles6 ».

1. Octoèque, ton 1, matines du dimanche, canon, 3e ode, traduction française in D im a n c h e . Office


selon les h u i t tons, éd. Chevetogne, op. l i t ., p. 192.
2. S a b a o th : circonlocution hébraïque, signifiant « [Seigneur] des Armées ».
3. Is 6, 3 ; Mt 21,9.
4. Saint Méthode d ’OIympe, B a n q u e t III, 7, SC 95, 107.
5. Lundi Saint, matines, laudes.
LA D IV IN E L IT U R G IE

Saint Jean Chrysostome compare X h y m n e d e victo ire que nous chantons


à la divine liturgie et le c a n tiq u e d e vic to ire que chantèrent les Juifs lorsqu’ils
furent libérés de la tyrannie des. Egyptiens1. La comparaison montre que le
cantique de victoire « est bien au-dessus du leur... Ce n’est pas la défaite
de Pharaon, mais celle du diable... Ce ne sont pas des armes sensibles dont
on s’est emparé, mais c’est le mal qui a péri... Ce n’est pas nous qui nous
dirigeons vers la Terre promise, mais nous quittons la Terre pour le Ciel.
Nous ne mangeons pas la manne, mais nous nous nourrissons du corps du
Maître. Nous buvons, non pas l’eau qui coule du rocher, mais le sang qui
jaillit du côté du Christ- ».
***

Le sens de l’hymne de victoire sur les lèvres des Puissances angé­


liques, comme elles le chantaient autour du saint trône de Dieu, était
double. C ’était une doxologie au Dieu Trinitaire et, en même temps, une
prophétie : « Ce chant n’est pas seulement une louange, mais une prophétie
des biens que recevra la Terre... T oute la Terre est re m p lie d e S a g lo ire (Is 6,
3)... Quand donc la Terre a-t-elle été remplie de sa gloire ? Lorsque cette
hymne est descendue sur terre, lorsque les hommes ont chanté avec les
puissances célestes et qu’ils riont plus fait entendre qu’un même chant,
retentir qu’une même louange1234.» Sur nos propres lèvres, la signification
de l’hymne de victoire est analogue. C’est une doxologie pour la victoire
du Christ qui s’est déjà réalisée, et une prophétie sur la seconde et dernière
venue du Vainqueur. C ’est la bonne nouvelle de la venue finale du Fils
de l’homme, précédée de la Croix, signe de Sa victoire : « Alors, toutes les
nations et tous les peuples de tous les siècles se prosterneront devant Lui,
offriront le culte sans émettre d’objection, et il existera une merveilleuse
symphonie de louange; les saints chanteront des hymnes, comme ils l’ont
toujours fait, tandis que les impies feront des supplications par nécessité.
Alors, réellement, l’hymne triomphale sera chantée par tous d’une même
voix: par les vainqueurs et par les vaincus*. »
De même que le Christ vainqueur est C e lu i q u i est, q u i éta it, e t q u i v ie n t
(Ap 1, 4), Sa victoire a existé, existe et existera sans interruption. De la
même façon, l’hymne de célébration de Sa victoire sera chantée impertur­

1. C h a n to n s p o u r le S e ig n e u r, c a r I I s ’est c o u v e r t d e g lo ire, Ex 15, 1-19.


2. Saint Jean Chrysostome, S u r le p s a u m e 4 6 , 2, PG 55, 210.
3- Id ., H o m é lie s u r O z ia s , VI, 3, PG 56, 138.
4. Saint Grégoire de Nvsse. S u r la S a in te P â a u e. TTT. PG 4G
bablement. Dans la liturgie céleste, il y aura un mouvement constant des
anges et des hommes autour de Dieu, lesquels loueront la Divinité une en
trois personnes1.

L a d o xo lo g ie c o m m u n e des anges e t des h o m m e s

L’hymne trois fois sainte est la manifestation de l’unité du Ciel et du


monde terrestre. Les anges et les hommes glorifient ensemble le Seigneur.
Parlant de l'hymne de victoire, saint Jean Chrysostome demande:
« Reconnaissez-vous cette voix ? Est-ce la nôtre ou celle des séraphins ? C’est
à la fois la nôtre et c’est celle des séraphins, car le Christ a détruit le m u r de
sép a ra tio n d e l ’i n i m i t i é (Ép 2, 14) ; il a fait régner la paix sur la Terre et dans
les Cieux (Col 1, 20)... D ’abord cette hymne n’était chantée que dans le
Ciel ; mais quand le Seigneur eut daigné descendre sur la Terre, Il nous a
apporté cette mélodie. Voilà pourquoi l’évêque, quand il se tient debout
à cette table sainte... ne se contente pas de nous inviter à pousser cette
acclamation: il commence par nommer les chérubins, par faire mention
des séraphins, puis il nous exhorte tous à unir nos voix dans ce cri qui
provoque tant de crainte et de tremblement; après avoir élevé notre pensée
au-dessus de la Terre, en nous rappelant ceux qui chantent avec nous, on
dirait qu’il crie à chacun de nous: tu chantes avec les séraphins, tiens-toi
debout avec les séraphins, avec eux déploie les ailes, avec eux voltige autour
du trône royah. »
Dans la liturgie du Royaume, les ordres angéliques apparaissent comme
q u a tr e êtres v iv a n ts rem p lis d ’y e u x d e v a n t e t derrière. L e p r e m ie r être v iv a n t est
se m b la b le à u n lio n , le sec o n d être v iv a n t est se m b la b le à u n veau, le troisièm e
être v iv a n t a la fa c e d ’u n h o m m e , e t le q u a tr iè m e être v iv a n t est se m b la b le à un
aigle q u i vole. Les q u a tr e êtres v iv a n ts o n t ch a c u n s ix ailes, e t ils s o n t remplis
d ’y e u x to u t a u to u r e t a u -d e d a n s. Ils n e cessent d e d ir e j o u r e t n u i t : S a in t, saint,
s a in t est le S e ig n e u r D ie u , le T o u t-P u issa n t, q u i éta it, q u i est, e t q u i v ie n t!
(Ap 4, 6-8).
Les quatre animaux aux nombreux yeux symbolisent les Puissances angé­
liques et toute la création. Le roi des oiseaux (l’aigle), le roi des animaux
domestiques (le bœuf), le roi des animaux sauvages (le lion) et le roi de la
création (l’homme) chantent jour et nuit l’hymne triomphale au Seigneur12

1. Saint Maxime le Confesseur, M ysta g o g ie, XIX, PC! 91. 696C, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. r it., p. 126.
2. S u r O z u ts , VI, 3, PC 56, 138.
tout-puissant: « c h a n ta n t e s t l'aigle; c r ia n t est le bœuf; c la m a n t est le lion;
d is a n t est l’homme1 ». La création entière participe à la glorification de
Dieu.
***

Le Ciel et la Terre se sont maintenant unis. Les anges, les hommes et la


création matérielle, le monde intelligible, rationnel et matériel chantent
ensemble l’hymne de la victoire du Dieu-homme: :

« 11 est vraiment digne et juste, approprié et salutaire de Te louer, de


Te chanter... Toi que chantent les Cieux et les Cieux des Cieux et toutes
leurs puissances, le Soleil et la Lune et tout le chœur des étoiles, la terre, la
mer et tout ce qui y vit, la Jérusalem céleste, l’assemblée des élus, l’Église
des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les Cieux, les esprits des
Justes et des Prophètes, les âmes des Martyrs et des apôtres, les anges, les
archanges, les Trônes et les Dominations, les Principautés et les Autorités
et les redoutables Puissances, les chérubins aux innombrables yeux et les
séraphins aux six ailes... avec des lèvres qui ne cessent [leur hymne] et des
théologies qui ne sont jamais silencieuses, chantant l’hymne de victoire à
Ta gloire majestueuse avec une voix vibrante, clamant, glorifiant, criant et
disant : Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth '. »

Ceux qui ont des sens spirituels peuvent percevoir la participation de


toute la création dans l’hymne de louange. Nous lisons dans le Pré Spiri­
tuel que, au mont Sinaï, la montagne où Dieu marcha, « le jour de la
Pentecôte, une liturgie était célébrée sur la sainte cime. Lorsque le prêtre a
dit: “Chantant l’hymne de victoire à Ta gloire majestueuse avec une voix
vibrante’’, toutes les montagnes ont répondu d’un rugissement terrible,
répétant trois fois : Saint, saint, saint. Ce rugissement et son écho durèrent
environ une demi-heure. Cependant, ce rugissement n’a pas été entendu
par tous, mais par ceux seuls qui avaient des oreilles pour entendre (Mt 11,
15) l’hymne des anges1».1234

1. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 429D.


2. Saint Maxime le Confesseur, M y sta g o g ie , XIII PG 91, 692C.
3. Liturgie de saint Jacques.
4. Jean Moschos, Pré s p ir itu e l, édition Volos, 1939, p. 60. L’exclamation « Chantant l’hymne de
victoire » est rapportée sous sa formulation dans la liturgie de saint Jacques. Il est probable que
c’était la liturgie qui était célébrée le jour de la Pentecôte au vT siècle sur le Sinaï. « Sentences
des Pères du Sinaï », Thessalonique, monastère du Sinaï, 1988, p. 60.
Le prêtre (à voix basse) : Nous aussi, avec ces bienheureuses puis­
sances, ô Maître ami des hommes, nous nous écrions et disotis :
Tu es saint, Tu es très saint, Toi, Ton Fils Unique et Ton Esprit-
Saint. Tu es saint, Tu es très saint, magnifique est Ta gloire, Toi
qui as tant aimé ce monde qui T ’appartient que Tu as livré Ton
Fils Unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais
ait la vie éternelle'. Et Lui, étant venu et ayant accompli tout
Ton dessein sur nous, la nuit où II fut livré —ou plutôt se livra
Lui-même —pour la vie du monde1, ayant pris du pain dans Ses
mains saintes, pures et immacidées, ayant rendu grâces, l'ayant
béni, sanctifié, rompu, Il le donna à Ses saints disciples et apôtres
en disant:
À haute voix : Prenez, mangez, ceci est mon corps, rompu pour
vous, en rémission des péchés '.
Le chœur: Amen.
Le prêtre : Il prit de même le calice après le repas, en disant:
A haute voix : Buvez-en tous, ceci est mon sang, celui du Nouveau
Testament, répandu pour vous et pour la multitude, en rémission
des péchés'.
Le chœur : Amen.

Dieu a tant aimé le monde

L’ampleur du don que Dieu le Père a offert au monde manifeste celle


de Son amour : Toi qui as tant aimé ce monde qui T ’appartient, que Tu as
livré Ton Fils Unique. Il a donné Son Fils Unique au monde livré à la mort
afin que la vie puisse à nouveau venir. « Ce n’est pas qu’il ne pouvait nous
racheter d’une autre façon, mais en cela II nous enseignait la surabon­
dance de Son amour. Par la mort de Son Fils Unique, Il nous rendait [de
nouveau] proches de Lui, et s’il avait eu quelque chose de plus précieux
encore, Il nous l’aurait donné, pour qu’ainsi notre race devienne Sienne’. »12345

1. Jn 3, 16.
2. Jn 6, 51.
3. Mi 26, 26; 1 Co 11, 24.
4. Mt 26, 2 7 - 2 8 ; Le 22, 20.
5. Saint Isaac le Syrien, D isc o u rs a scétiq u es, 81, 5, traduction du père Placide Deseille, op .
p. 471.
« C ’est ainsi que Dieu a aimé le monde (Jn 3, 16). Voyez quels prodiges
renferme ce mot: C ’est ainsi! L’évangéliste Jean, faisant comprendre la
grandeur de ce qui va suivre, dit c’est ainsi et c’est pourquoi l’Écriture
commence de cette façon. Donne-nous donc, ô saint Jean, l’explication de
ces mots c’est ainsi, dis-nous l’étendue, la grandeur, l’excellence d’un pareil
bienfait. C'est ainsi que Dieu a aimé le monde, au point de nous donner son
Fils Unique. Chaque mot a une grande signification1... » « Car ces paroles
lia tellement aimé et Dieu, le monde, montrent l’excès de l’amour divin. En
effet, elle était grande la distance entre Dieu et le monde ou, plutôt, elle
était immense. Dieu, l’immortel, Celui qui est sans commencement, qui a
une grandeur infinie, a aimé des hommes formés de terre et de poussière,
chargés d’une multitude de péchés, qui ne cessaient de contrevenir à Sa
divine volonté, des ingrats2. »
Le sacrifice du Christ est la manifestation de l’amour divin : L’amour de
Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé Son Fils Unique dans
le inonde, afn que nous vivions par Lui. Et cet amour consiste, non point en ce
que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’i l nous a aimés et a envoyé Son Fils
comme victime expiatoire pour nos péchés (1 Jn 4, 9-10).

Le sacrifice du Christ est accompli

Lors de la Sainte Cène, le Christ célèbre de façon sacramentelle Son


sacrifice sur la Croix. Il offre Son saint Sang et, en L’appelant le sang de la
Nouvelle Alliance [ou nouveau Testament], « Il montre encore qu’il s’en
va mourir, et c’est pour cela qu’il parle de “Testament”. Il nous remet
en mémoire le précédent Testament [l’Ancien] qui avait été aussi scellé
et consacré avec le sang (He 9, 18-21) ' ». Lors de la dernière Cène, nous
voyons le passé (l’Ancien Testament), le présent (le Nouveau Testament) et
le futur (Sa mort imminente), coexistant dans la personne du Christ.
Dans la divine liturgie de saint Jacques, avant la consécration des saints
Dons, le peuple chante avec componction : Nous annonçons Ta mort,
Seigneur, et nous confessons Fa Résurrection. La divine Eucharistie est l’expé­
rience sacramentelle du sacrifice du Christ. Pendant la célébration, « le
Maître Christ est présent, Sa mort est accomplie, ce redoutable Sacrifice1».

Saint Jean Chrysostome, Sur la Genèse, XXVII, 1 PG 53, 241.


2- Id., Sur Jean , XXV 11, 2, PG 59, 159, Gn 18. 27 : Je suis poussières et cendres.
3. Id., Sur M atthieu, L.XXXII, 1, PG 58. 738.
A. Id., Sur G VVT 11 ""
Saint Jean Chrysostome dit: « Respectez cette Table, la Victime qui est
dessus, c’est-à-dire le Christ immolé pour nous1. »
Le Seigneur, pour nous, a été livré à la mort ou, plutôt, Il s’est livré
volontairement (Mt 26, 21). Dans l’Écriture, « il est dit qu’il a été trahi,
mais il est également écrit qu’il s’est livré lui-même8 » (Ép 5, 2). Le Christ
« a souffert la mort à notre place et pour nous, volontairement, alors qu’il
aurait pu éviter la Passion123 ». La nuit de la dernière Cène, le Christ a été
livré aux grands-prêtres par Judas, ou plutôt II se livra Lui-même - pour la
vie du monde.
Lors de la dernière Cène, le Christ offre déjà aux disciples Son Corps très
saint rompu et Son Sang répandu. D ’une façon impénétrable pour l’esprit
humain, Il anticipe les événements de la trahison et de la Croix. En offrant
aux Douze Son Saint Corps comme nourriture, « Il montre clairement
que le sacrifice de l’Agneau a déjà été accompli45». La Cène est appelée
mystique, car elle nous a révélé le Sacrifice salvifique et nous a initiés à lui.
La divine Eucharistie « n’est pas une image ou une figure de sacrifice,
mais un sacrifice véritable'' », car le Christ est sacrifié et offert pour les
fidèles. Saint Jean Chrysostome dit : « Tu t’approches d’un sacrifice saint et
redoutable... Le Christ est immolé devant toi67.»
Le sacrifice du Golgotha et celui de la divine Eucharistie sont un, car
« nous offrons toujours le même Christ, et non pas aujourd’hui un agneau,
demain un autre; non, mais toujours le même. Pour cette raison, le sacri­
fice est unique... Le sacrifice qui fut alors offert, nous l’offrons aussi main­
tenant, lui qui ne peut jamais s’épuiser^ ». Le Christ « est sans cesse immolé
pour sanctifier ceux qui Le reçoivent8 ».
***

La divine Eucharistie est le Mystère de la mort du Christ sur la Croix.


Aussi, lorsque nous participons au Mystère, nous goûtons les fruits du
sacrifice du Christ.

1. l é .. S u r l 'É p itr e a u x R o m a in s, VIII, 8, PG 60, 465.


2. Saint Grégoire le Théologien, H o m é lie 4 5 , 27, PG 36, 66(1 G.
3. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r J e a n , VI, PG 73, 1049B.
4. Saint Grégoire de Nysse, S u r la P â q u e , I, PG 46, 612C.
5. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , XXXII, SG 4 bis, p. 205.
6. S u r la T ra h iso n île ju d a s , I, 6, PG 49, 381.
7. Saint Jean Chrysostome, S u r l'E p itr e a u x H é b r e u x , XVII, 3, PG 63, 131.
8. Office de préparation à la sainte communion, canon, 9‘ ode.
Par la Croix du Christ, « la mort a été abolie, la résurrection a été
accordée, les portes du Paradis ont été ouvertes... nous sommes devenus
les enfants de Dieu1». L’homme a été libéré de l’esclavage du diable et sa
beauté première a été restaurée: « Du jour où II est monté sur la Croix, où
il est mort et ressuscité, la liberté des hommes a été établie, leur figure et
leur beauté [celle des premiers-créés] ont été constituées^ » L’homme et le
monde ont été sanctifiés pour tous les siècles : « Quelques gouttes de sang
recréent le monde entier123. »
Sur le saint Autel, nous voyons la racine qui fait germer l’Arbre de Vie
l’amour de Dieu pour l’homme. Nous nous demandons: « Quel amour
pourrait égaler celui-là?... Quelle mère fut si tendre, ou quel père si affec­
tueux ? Qui a aimé quelque personne bien aimée d’un amour aussi fou4567? »
Sur la Table de la Vie, nous rencontrons le Père aimant, qui « par les
souffrances de Son Fils s’est réconcilié avec le genre humain et a comblé
d’amour ceux qui étaient Ses ennemis4 ». L’amour divin est en même temps
la racine et en même temps le fruit de la Croix.

La Cène mystique et la divine Eucharistie

La divine Eucharistie est le prolongement sacramentel de la Cène


mystique. Ce n’est pas sa répétition formelle, mais il s’agit de la même
Cène mystique, car c’est le même Christ qui offre et qui est offert. Saint
Jean Chrysostome dit : « Croyez que même maintenant, c’est la Cène à
laquelle le Christ était présent... Celle-ci n’est en rien différente de ce
Mystère sacré... Car c’est Lui qui offre l’un et l’autre'’. » Le saint est caté­
gorique, car ce qu’il dit jaillit de l’expérience de sa sainte vie : « Celui qui a
accompli le Mystère lors de la Cène, c’est Lui qui accomplit maintenant le
mystère de la divine liturgie... Cette sainte Table est la même que celle de
la Cène mystique et ne lui est inférieure en rien . »
La présence du Christ, la lumière qui brilla lors de la Cène brillent aussi
à chaque Cène eucharistique. « Le Christ est présent maintenant égale­

1. Saint Jean Damascène, Sur la foi orthodoxe, IV, 84, PG 94, 1128D-1129A.
2. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, II, SC 355, 170.
3. Saint Grégoire le Théologien, Discours, XLV, 29, PG 36, 664A.
4. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, VI, SC 361, 32.
5. Id., Explication de la divine liturgie, XXVI, SC 4 bis, p. 172.
6. Sur saint Matthieu, L, 3, PG 58, 307.
7. Ibid., I.XXXII, 3, PG 38, 744.
ment; Lui qui a dressé cette Table, c’est Lui qui la dresse maintenant1. »
Ayant offert en sacrifice Sa propre Personne, le Christ « n’a pas cessé son
sacerdoce, mais II célèbre perpétuellement pour nous cette liturgie123» et
intercède pour nous auprès de Dieu.
Le sage Salomon a parlé prophétiquement de la Cène de la vie: La
Sagesse a édifié pour elle une maison... et a dressé sa table. Elle a envoyé ses
serviteurs, conviant à boire autour de son cratère, disant... Venez, mangez de
mon pain; buvez du vin que j ’ai mêlé pour vous... pour régner dans l ’éternité
(Pr 9, 1-6). Ce dont parle Salomon « sont les symboles de ce qui s’accom­
plit maintenant dans la divine liturgie... Le Dieu généreux est prêt [à être
offert], les dons divins se trouvent devant nous. La Table mystique est
dressée. Le calice vivifiant est plein. Le Roi de gloire invite à la Cène, le Fils
de Dieu reçoit les invités... La Sagesse enhypostasiée de Dieu le Père, qui a
bâti pour Elle un temple non fait de main d’homme, distribue Son Corps
sous la forme de pain et offre Son Sang vivifiant sous la forme de vin. Quel
mystère redoutable!... Quelle condescendance incompréhensible! Quelle
compassion insondable’! ».
Participer à la Cène du Christ consiste à voir et à goûter Son amour:
Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon (Ps 33, 9). L’évangéliste Jean
commence sa description de la Cène mystique en disant que c’est là l’ex­
pression de l’amour sans borne du Christ envers les disciples : Avant la
fête de Pâque, Jésus... ayant aimé les Siens qui étaient dans le monde mit le
comble de Son amour pour eux (Jn 13, 1). Et après s’être donné Lui-même
comme nourriture d’immortalité, Il transmit le nouveau commandement
d’amour: Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les
autres; comme Je vous ai aimés (Jn 13, 34). Il révèle ensuite la grandeur et
le caractère de Son amour pour nous. Il explique le premier comme (Jn 13,
34) par un deuxième : Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés (Jn 15,
9).
Lorsque nous participons à la Cène de l’Eucharistie, nous participons à
la Cène de l’Amour divin et sommes appelés à demeurer en lui.

Le prêtre (à voix basse) : Faisant mémoire de cet ordre du


Sauveur et de tout ce qui a été fait pour nous, de la Croix, du
tombeau, de la résurrection au troisième jour, de l ’ascension aux

1. Saint Jean Chrysostome, S u r la tra h is o n d e J u d a s , I, 6, PG 49, 380.


2. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu r g ie , XXVIII, SC 4 bis, 178.
3. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r la C è n e m y s tiq u e , PG 77, 1017CD.
deux, de la session à la droite, du second et glorieux avènement :
(à voix forte) : Nous T ’offrons ce qui est à Toi, de ce qui est à Toi,
en toutes choses et pour tout'.
Le chœur : Nous Te chantons, nous Te bénissons, nous Te rendons
grâces, Seigneur, et nous Te prions, ô notre Dieu.

La mémoire du Christ

Après avoir offert à Ses disciples Son Saint Corps et Son précieux Sang, le
Christ leur donna le commandement : Faites ceci en mémoire de moi (Le 22,
19). Il nous a ainsi enseigné que faire Sa mémoire n’est pas procéder à une
simple pensée, mais est un acte: la célébration du mystère de Sa Cène.
Toutefois, afin que nous ne considérions pas Sa mémoire comme un simple
symbole, Il dit clairement : Prenez, mangez mon corps... Buvez mon Sang.
Ces paroles du Christ et le souvenir de toute la divine économie nous
mènent à l’offrande eucharistique: « Faisant mémoire de cet ordre du
Sauveur et de tout ce qui a été fait pour nous... Nous T ’offrons ce qui
est à Toi, de ce qui est à Toi. » Dans la divine liturgie, « la mémoire des
œuvres sacrées du Christ est renouvelée sans cesse* 23» par les paroles et les
actions. Par la divine Eucharistie nous accomplissons exactement ce qu’ac­
complit le Christ. Nous offrons la sainte anaphore « en commémoration
de Sa m ort5». Nous ne pensons pas simplement au sacrifice du Christ,
mais nous le vivons : « Le sacrifice qui fut offert alors [par le Christ], nous
l’offrons aussi maintenant, le sacrifice n’est jamais épuisé... Nous accom­
plissons toujours le même sacrifice4. »
L’une des raisons pour lesquelles le Seigneur a institué la divine Eucha­
ristie est que nous vivions Sa mémoire, parce que cela nous mène à l’action
de grâces : « Le Christ a dit Faites ceci en mémoire de moi (Le 22, 19), nous
révélant la cause en vertu de laquelle II nous a transmis ce mystère... nous
montrant que rien que cette cause suffisait pour nous mouvoir à la piété.
Car la pensée que ton Maître a souffert pour toi te rendra plus philo­
sophe », c’est-à-dire plus spirituel5. C ’est du souvenir des bienfaits que

1.1 Ch 29, 14.


2. Saint Denys l’Aréopagite, T ra ité d e la h ié ra rc h ie ecclésia stiq u e , III, 3, 3.12, PG 3, 44 IC, traduc­
tion de Maurice de Gandillac p. 277.
3. Saint Jean Chrysostome, « Sur l’Épître aux Hébreux », XVII, 3, PG 63, 131.
4. Ib id .
5. Id ., S u r la p r e m iè r e E p itr e a u x C o r in th ie n s, XXVII, 4, PG 61, 230. Dans les écrits patristiques,
le ternie « philosophie » signifie la vie spirituelle.
jaillit l’Eucharistie et c’est l’Eucharistie qui nous rend plus philosophes. Elle
nous rend encore plus amis du Christ, qui est la Sagesse de Dieu (1 Co 1,
24).
Le Christ, par les lèvres de saint Jean Chrysostome, explique le sens de
cette mémoire : « De même que vous célébriez la Pâque judaïque pour vous
rappeler les merveilles qui eurent lieu en Egypte, célébrez de même celle-ci
[Ma Pâque] pour vous souvenir de moi. » « Comme Moïse avait dit: Ceci
vous servira d ’une mémoire éternelle (Ex 12, 14) ; de même Jésus-Christ
dit à ses disciples : Faites ceci en mémoire de moi, jusqu’à ce que je vienne
(1 Co 11,26)'. »
Étant donné que nous vivons l’attente du Christ, la divine liturgie, le
Mystère de Sa mémoire, est l’avant-goût du Royaume à venir.

La mémoire du Royaume du Christ

Le Christ a dit lors de la Sainte Cène: Je vous le dis, je ne boirai plus


désormais de cefruit de la vigne, jusqu’au jour où j ’en boirai du nouveau avec
vous dans le Royaume de mon Père (Mt 26, 29). En conséquence, la divine
liturgie, qui est l’avant-goût du Banquet du Royaume, unit la dernière
Cène au Royaume de Dieu. Dans l’espace de temps compris entre la Cène
Mystique et le Royaume à venir, la divine liturgie est célébrée, c’est-à-dire
la mémoire vivifiante de la Cène, de tout ce qui a été fa it pour nous, et du
Royaume lui-même.
Dans la divine liturgie, nous vivons les choses à venir comme étant déjà
présentes. Nous nous souvenons de façon sacramentelle de tout ce qui a eu
lieu et de tout ce qui n’a pas encore été accompli, et nous qualifions tout
cela par les mots « ce qui a été fait » : «Faisant mémoire (...) de tout ce qui
a été fait pour nous, de la Croix, du tombeau, de la résurrection au troi­
sième jour, de l’ascension aux Cieux, de la session à la droite, du second et
glorieux avènement », nous offrons le Sacrifice eucharistique.
Par la divine liturgie, nous pénétrons dans un autre temps qui n’est pas
mesuré par les divisions : du passé, du présent et de l’avenir. Le futur (c’est-
à-dire le Royaume à venir) jette de la lumière sur le passé, et est offert à
nous comme un présent lumineux. Ainsi, dans la divine liturgie, les choses
premières et dernières, le commencement et la fin, l’Alpha et l’Oméga sont
présents simultanément. « Cette vie à venir a été comme déversée dans la1

1. S u r s a in t M a t th i e u , LXXXII, 1, PG 58, 739.


présente et mêlée à elle1. » Nous attendons la résurrection des morts et
nous vivons déjà au Ciel : « Ce Mystère transforme la Terre en Ciel12. »
Dans la grâce de la divine liturgie, les choses à venir ont été accomplies,
car le Christ est « au-dessus de l’espace et du temps et des propriétés des
événements3 ». Dans la divine liturgie, nous vivons le mystère du Christ,
qui est venu, viendra et est maintenant (Jn 4, 23).

Nous T ’offrons ce qui est à Toi, de ce qui est à Toi

L’homme a reçu le monde des mains de Dieu comme un don rempli des
bénédictions divines. Il veut exprimer sa gratitude et, n’ayant rien à offrir
en retour, il retourne à Dieu Son propre don. Ainsi, le monde qui était le
véhicule de l’amour Divin pour l’homme revient maintenant à Dieu, et
devient l’instrument de la gratitude de l’homme envers Dieu.
Nous offrons à Dieu le don qu’il nous a donné, le marquant du sceau
de notre gratitude. Le labourage du sol, l’ensemencement, la moisson, le
pétrissage du pain, le foulage des raisins sont le sceau de l’homme sur le
monde donné par Dieu. Le pain de froment, le vin pur, l’huile vierge sont
le monde qui revient à Dieu, chargé des peines, des soucis, des joies et des
espérances de l'homme.
Cependant, ce don de Dieu n’est ni la seule, ni la plus grande béné­
diction qu’il nous accorde. En effet, si, par la première création, Dieu a
manifesté Son amour à l’homme, lui offrant le monde comme don, dans la
nouvelle création II a manifesté Son amour, offrant comme don à l’homme
Sa propre Personne! C’est pourquoi maintenant, dans le Sacrifice nouveau,
nous offrons à Dieu l’offrande même dont II nous a fait don, celle du
Christ.
Les Dons que nous apportons à l’Autel ont la capacité d’exprimer notre
gratitude pour Son amour, qui a été manifesté à la fois lors de la création à
l’origine du monde et dans la nouvelle création en Christ. Ces mêmes dons
sont encore la preuve de la liberté que nous a accordée le Christ en s’offrant
Lui-même en rançon pour la multitude (Mt 20, 28). C ’est exactement ce
que dit le prêtre au Christ, dans la liturgie de saint Grégoire le Théologien,

1. S??int Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, 1,1, SC 355, 79.


2. Saint Jean Chrysostomc, Sur la première Epître aux Corinthiens, XXIV, 5, PG 61, 205.
3. Clément d ’Alexandrie, Les Stromates, II, 6, 1, SC 38, 37.
peu avant la consécration : « Je T ’offre les symboles de cette liberté qui est
mienne'. »
L’homme qui a aimé le Seigneur ardemment exprime son amour en
offrant la création au Créateur comme un don eucharistique, comme un
don exprimant sa gratitude. Et tenant en ses mains les Dons, il monte
spirituellement jusqu’aux hauteurs de Dieu par la sainte anaphore: «Il
monte vraiment... il entend des paroles indicibles (2 Co 12, 4) et voit
ce qui ne peut être vu. Puis, plein d’émerveillement... Il rivalise avec les
anges qui chantent sans jamais se lasser, devenu, lui aussi, vraiment ange
de Dieu sur la Terre; de retour de ces spectacles hypercosmiques, il invite
alors toute la création à chanter des hymnes-. »
Par l’homme et avec lui, la création parvient à l’Autel céleste. Elle
reçoit elle-même aussi la grâce sanctifiante du Paraclet et devient le lieu
de la rencontre du créé et de l’Incréé, elle devient Eucharistie. L’homme
communie à « la nourriture eucharistique5» - le Christ - et il se christifie.
***

Dieu éprouve un tel amour envers l’homme qu’il accepte de nous les
dons qu’il nous a offerts Lui-même «... car lorsque nous Lui offrons des
choses qui sont en réalité les Siennes, Il les accepte comme si elles venaient
de nous'* ». Et nous confessons notre ineffable dette envers Son amour.
Nous T ’offrons ce qui est à Toi, de ce qui est à Toi et nous Te rendons grâces.
« Nous Te présentons cette oblation même que Ton Fils Unique a offerte
à Toi, Dieu Son Père, et nous Te rendons grâces en la présentant, parce
que Lui-même en Te l’offrant rendait grâces. Aussi n’apportons-nous rien
de notre propre fonds à cette oblation : car ces offrandes ne sont pas nos
œuvres, mais bien les Tiennes à Toi, le Créateur de toutes choses; et ce
n’est pas non plus une invention nôtre que cette forme de culte... C’est
pourquoi ce que nous T ’offrons vient de Tes propres biens que Tu nous as
donnés; ces offrandes sont Tiennes pour tout et en tout5. »
En offrant au Seigneur ce qui est à Lui, nous Lui rendons grâces en toutes
choses et pour tout. Nous Lui rendons grâces en tout lieu et en tout temps,12345

1. PG 36, 712A.
2. Saint Grégoire Palamas, L e ttr e à X é n ie la m o n ia le , 59, P h ilo c a lie , volume IV, p. 111 ; traduction
française in L e ttr e à X é n ie la M o n ia le , Lausanne, éd. L’Age d ’Homme, collection « La Lumière
du Thabor », 2012, p. 95-96.
3. Saint Justin, P re m iè re A p o lo g ie, LXVI, SC 507, 307.
4. Saint Maxime le Confesseur, À lh a la ssio s, LI, PG 90, 481D.
5. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio ti d e la d iv in e litu r g ie , XL.IX, SC 4 bis, 289-290.
pour chacun de Ses bienfaits. Nous rendons continuellement grâces à Dieu
le Père pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ (Ep 5, 20).

Le prêtre (à voix basse) : Nous T'ojfrons encore ce culte spiri­


tuel et non sanglant, nous T ’invoquons, nous Te prions, nous Te
supplions: envoie Ton Esprit saint sur nous et ces dons ici ojferts.
Le diacre: Bénis, Maître, le saint Pain.
Le prêtre bénit le saint Pain en disant: Et fais de ce pain le
précieux corps de Ton Christ.
Le diacre: Amen. Bénis, Maître, le saint calice.
Le prêtre : Et ce qui est dans le calice, le précieux sang de Ton
Christ.
Le diacre: Amen. Bénis, Maître, l ’un et l ’autre.
Le prêtre : En les changeant par Ton Saint-Esprit.
Le diacre: Amen. Amen. Amen.

La descente du Paraclet

Dans la liturgie de saint Jacques, le dialogue suivant a lieu entre le célé­


brant et le peuple, avant le commencement de l’anaphore. Le célébrant dit :
Magnifiez le Seigneur avec moi et exaltons ensemble Son nom. Et le peuple
répond : L’Esprit saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira
de Son ombre (Le 1, 35). La réponse du peuple nous rappelle le dialogue
qui eut lieu entre la Mère de Dieu, la « Pleine de Grâce », et l’archange
Gabriel le jour de l’Annonciation.
Chaque divine liturgie est une nouvelle Annonciation. La supplication
de l’Église envoie Ton Esprit-Saint sur nous rappelle en quelque sorte les
paroles de la Toujours Vierge: Je suis la servante du Seigneur; qu’il me soit
fait selon ta parole! {Le 1, 38). Et l’Annonciation de l’Église qui enfante le
Christ est accomplie.
Par la divine Eucharistie, la sainte Eglise devient la Mère qui enfante
Dieu. Le Paraclet descend sur l’Église et sur les Dons précieux. De façon
sacramentelle, le Verbe de Dieu est conçu, et Celui qui est hors du temps
naît et est ofFert pour la vie du monde (Jn 6, 51). L’Église reçoit l’accomplis­
sement de ces choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur (Le 1, 45) :
Ceci est mon Corps... Ceci est mon Sang (Mt 26, 26-28).
Afin que le mystère de la divine Eucharistie soit célébré, le Seigneur
a donné aux apôtres et à leurs successeurs « la puissance nécessaire pour
pouvoir l’accomplir », c’est-à-dire le Saint-Esprit. « Telle est l’œuvre de
cette divine descente. Car, descendu une fois, le Saint-Esprit ne nous a pas
ensuite abandonnés, mais II est avec nous et II y sera pour toujours... C’est
cet Esprit qui par la main et la langue des prêtres consacre les mystères1. »
La descente du Paraclet sur nous et ces dons ici offerts sont la réponse de
Dieu à la supplication de Ses enfants. C’est l’assurance que Dieu nous
considère comme Ses enfants et que nos dons ont été reçus par Son amour.
« Quand vous voyez l’Esprit-Saint descendre en abondance, ne doutez plus
de notre réconciliation avec Dieu », dit saint Jean Chrysostome12345.
Par la divine liturgie, « nous pouvons toujours célébrer la Pentecôte’ ».
La descente du Paraclet est la Pentecôte eucharistique: «Le moment
présent [de la divine liturgie] signifie ce moment [de la Pentecôte']. »
La présence du Paraclet rassemble le peuple de Dieu autour de la sainte
Table. Le Paraclet soude toute l ’institution de l ’Eglise\ « Si l’Esprit n’était pas
présent, l’Église n’aurait pas été fondée; mais puisque l’Eglise existe, il est
manifeste que l’Esprit est présent67. »
Saint Syméon le Nouveau Théologien disait, en dissimulant sa propre
personne, qu’il avait entendu quelqu’un d’autre dire: «Je n’ai jamais
célébré sans voir le Saint-Esprit, de même que je Lai vu venir sur moi
lorsque l’évêque m’a ordonné... Je L’ai vu simple et sans forme, mais assu­
rément comme lumière. Et, alors que je contemplais... le Saint-Esprit m’a
dit secrètement: “C ’est ainsi que Je viens chez tous les Prophètes, chez les
apôtres, chez les Saints et les élus de Dieu qui vivent aussi aujourd’hui. Car
je suis le Saint-Esprit de Dieu .” »

Le prêtre (à voix basse): En sorte qu'ils [i.e. les saints Dons]


deviennent, pour ceux qui y communient, sobriété de l ’âme,
rémission des péchés, communion du Saint-Esprit, plénitude du
Royaume des deux, assurance auprès de Toi, et non pas juge­
ment et condatnnation. Nous T ’offrons encore ce culte spirituel

1. Ibid.. XXVIII, St: 4 bis, 176-178.


2. S u r la P en tecô te , I, 3, PG 30, 457.
3. Ibid., I, 1 PG 50, 454.
4. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu r g ie , XXXVII, SG 4 bis, 228.
5. Office du dimanche de la Pentecôte, vêpres, stichcre.
6. Saint Jean Chrysostome, S u r la P en tecô te , I, 4, PG 50, 459.
7. C h a p itre s p r a tiq u e s e t th éo lo g iq u es, PG 120, 685D-668A.
pour ceux qui reposent dans la foi: ancêtres, pères, patriarches,
prophètes, apôtres, prédicateurs, évangélistes, martyrs, confesseurs,
ascètes, et tout espritjuste ayant achevé sa course dans la foi.
(A voix haute) : Et surtout pour notre Souveraine, la Toute-
Sainte, Immaculée, Bénie par-dessus tout, glorieuse Mère de
Dieu et toujours Vierge Marie.
Le chœur : Il est digne en vérité de te proclamer bienheureuse,
Toi qui enfantas Dieu, toujours bienheureuse et Tout-Immaculée
et Mère de notre Dieu. Toi plus vénérable que les chérubins et
incomparablement plus glorieuse que les séraphins, toi qui sans
corruption enfantas Dieu le Verbe, toi véritablement Mère de
Dieu nous te magnifions.Il

Il est digne en vérité de te proclamer bienheureuse, Toi qui enfantas Dieu.


Nous offrons la divine Eucharistie pour tous les Saints et surtout pour
la Très Sainte Mère de Dieu. En premier lieu pour les honorer et, deuxiè­
mement, pour rendre grâces à Dieu qui nous les a donnés afin d’intercéder
pour notre salut. Tous les Saints, mais surtout la Très pure Mère de Dieu,
sont une Eucharistie - une action de grâces - de l’homme à Dieu pour Ses
bienfaits. Aussi, c’est d’une manière particulière que nous l’honorons et la
proclamons bienheureuse.
La Mère de Dieu est l’expression suprême de l’amour de Dieu. Dans la
création, elle « est l’accomplissement exceptionnel, extraordinaire et abso­
lument déiforme accompli par la Sagesse créatrice de Dieu1». « Elle seule
est la frontière entre la nature créée et incréée. Nul ne peut approcher Dieu
si ce n’est par son intermédiaire et par l’Intercesseur qu’Elle a enfanté. Et
aucun des dons de Dieu ne peut être donné aux anges et aux hommes si
ce n’est par Elle2! » Aussi, c’est à juste titre qu’Elle constitue la louange
commune des anges et des hommes et qu’Elle est louée au Ciel et sur terre.
Cela est manifesté par l’hymne à la Mère de Dieu II est digne en vérité qui
est chanté en ce moment sacré. La première partie de cette hymne a été
révélée par l’archange Gabriel à un moine athonite. L’archange la chanta
alors pour la première fois, suivie de la strophe Toi plus vénérable que les
chérubins-.

1. Ihéophanc de Nicée, Theotokos, p. 8.


2. Saine Grégoire Palamas, H o m é lie , LUI, 23, Oikonomou, p. 159.
3. S y n a x a ir e d e s a in t N ico d 'em e l'H a g io r ite , 11 juin, adaptation française du hiéromoine Macaire
de Simonos Petras, éd. Perivoli tis Panaghias, Thessalonique, 1993, t. IV, p. 514-515.
S’adressant à Dieu le Père, le prêtre et les fidèles ont dit: II est digne
et juste de Te chanter. S’adressant à la Mère de Dieu, les fidèles chantent
maintenant : Il est digne en vérité de te proclamer bienheureuse... car Elle
est « dieu après Dieu, celle qui occupe le second rang après la Trinité1».
Les anges et les hommes s’unissent en un chœur commun pour magnifier
Celle qui est véritablement la Mère de Dieu.
Nombreux sont les noms par lesquels nous chantons les louanges de
la Toute-Sainte, mais son appellation première est Theotokos, « Celle qui
engendra Dieu, la Mère de Dieu » « car ce nom contient tout le mystère
de l’économie divine. Si Celle qui a mis au monde est Mère de Dieu,
Celui qui est né d’Elle est assurément Dieu et assurément homme aussi.
Car comment aurait pu naître d’une femme le Dieu pré-éternel s’il n’était
devenu homme2 » ? En attribuant le nom de Mère de Dieu à la Toute-
Sainte, nous proclamons simultanément le mystère du Christ, qui est
célébré dans la divine liturgie.

L’hôte et la nourricière desfidèles

La Tout-Immaculée Souveraine est devenue « la terre donnant la vie »,


qui a fait éclore le Christ, le froment vivifiant par lequel toutes choses sont
nourries : portant au monde lefroment de la vie qui nourrit toutes choses! Elle
est devenue la terre qui a fait fructifier le Pain de la vie immortelle. De ses
entrailles immaculées a été formé le Corps tout-saint du Maître. Ainsi, la
Toujours-vierge est devenue « la divine Table qui offre... la chair et le sang
de Celui qui est né d’Elle d’une façon ineffable ' ».
Lors de chaque liturgie, la Mère de Dieu n’est pas seulement la sainte
Table, mais « l’intendante et l’hôte généreuse qui sert la nourriture divine
et divinisante... En un mot, Elle est Celle qui fournit tous les dons merveil­
leux et incréés du Saint-Esprit, ceux qui sont donnés dans cette vie, comme
ceux qui sont encore tenus en réserve » pour être révélés dans l’âge à venir’.
Par sa soumission au conseil pré-éternel de Dieu, la Toujours-vierge a
été trouvée digne de devenir la nourricière de son Créateur. Et son Fils
- acquittant cette dette - lui a donné la grâce de devenir « la nourricière de
chaque nature intelligible et rationnelle [des anges et des hommes]. Car II
1. Saint Nicodème l’Hagiorite, Ibeotokarion, dimanche soir, prosomoion*, ton S.
2. Saint Jean Damascène, Sur la foi orthodoxe, III, 56, PG 94, 1029C.
3. Octoèque, ton 4, matines du mardi, canon, ode 8.
4. Théophane de Nicée, Iheorokos, p. 22, 30.
5. Ibid., p. 204.
la fit digne de leur accorder en abondance, comme nourriture, boisson et
tout plaisir ainsi que toute joie mystique, les dons du Saint-Esprit1».
La divine liturgie est le Banquet de noces du Fiancé, le Christ (Ap 19,
9; Mt 22, 2-4). À ce Banquet eucharistique et doxologique, le vénérable
Précurseur Jean Baptiste est le maître d ’hôtel et celui qui conduit la Fiancée, le
Christ est le Fiancé ainsi que le maître de la cérémonie ’, et l ’Epouse inépousée
est Celle qui fournit la nourriture et la distribue aux invités.

6. Diptyques* et supplications

Le prêtre (à voix basse) : Pour saint Jean, prophète, précurseur et


baptiste: pour les saints, glorieux et illustres apôtres; pour saint
N ... (le saint du jour) dont nous célébrons la mémoire, et tous Tes
saints. Par leurs prières, veille sur nous, ô Dieu.
Souviens-Toi aussi de ceux qui se sont endormis dans l ’espérance
de la résurrection à la vie éternelle (Le prêtre commémore ici
les noms des défunts qu’il souhaite). Donne-leur le repos là où
brille la lumière de Ta face.
Nous T ’en prions encore: souviens-Toi, Seigneur, de tous les
évêques orthodoxes qui dispensent fidèlement la parole de Ta
vérité; de tous les prêtres, des diacres dans le Christ, de tout le
clergé et de tout Tordre monastique.
Nous T ’offrons encore ce culte spirituel pour tout l ’univers, pour
la sainte Eglise catholique et apostolique ; pour ceux qui mènent
une vie pure et honorable, pour nos rois croyants et amis du
Christ, pour leur palais et leur armée. Donne-leur, Seigneur,
un règne pacifique, afin que, dans la tranquillité qu’ils assurent,
nous menions une vie calme et paisible en toute piété et sainteté''.
À voix haute : En premier lieu, souviens-Toi, Seigneur de notre
archevêque N., accorde à Tes saintes Eglises qu’il vive en paix,
en santé, en honneur, bien portant, qu’il vive de longs jours et
dispense fidèlement la parole de Ta vérité'.1234

1. Ibid., [. 172.
2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, II, 1, PG 73, 264B.
3. I Tm 2, 2.
4. II Tm 2, 13.
En mémoire des saints

La divine liturgie est la commémoration de la vie du Christ. Pour cette


raison même, elle est également la commémoration des vies de ceux en
lesquels le Christ a vécu, les saints christophores.
Dans le cycle liturgique annuel, chaque jour est dédié à la mémoire des
saints qui ont reposé dans le Christ en ce jour. C ’est, en général, le jour
où les saints ont atteint le terme de leur cheminement terrestre, le point
culminant de leurs combats, leur perfection par le Saint-Esprit. En cejour,
le Saint (N.N.) a trouvé sa perfection est-il dit dans les livres liturgiques. Le
mot grec pour « trouver sa perfection » (teleioutai), vient de la racine telos,
et ne signifie pas seulement « la fin » de la vie terrestre, mais également
l’achèvement (teleiosis) dans le Christ, auquel parviennent seulement les
saints: « Nous appelons le martyre perfection (teleiosis), non parce que le
martyr a atteint la fin [telos) de sa vie comme les autres hommes, mais
parce qu’il a réalisé dans sa plénitude l’amour » envers le Christ1.
Notre sainte Église, comme une mère bonne et aimante, montre à ses
enfants l’amour divin qui brûlait dans les cœurs des saints, ce qui leur
permettait de réaliser l’irréalisable. A la Table de Vie, à laquelle nous parti­
cipons, les saints nous offrent leur sainte vie et leurs saintes reliques, pour
que nous nous réjouissions spirituellement. Lors de l’office des matines,
qui précède la divine liturgie, nous entendons leurs combats prodigieux.
«Les saints ont peiné et nous nous réjouissons; ils ont lutté, et nous
sommes dans l’allégresse. Les couronnes sont leur, et nous partageons
leur gloire; ou plutôt, la gloire appartient à toute l’Église... Les martyrs
sont nos propres membres. Ainsi, si un membre souffe, tous les membres
partagent sa souffrance; si un membre est glorifié, tous les membres partagent
sajoie (1 Co 12, 26). La tête est couronnée, et le reste du corps exulte. Un
seul devient le vainqueur olympique et toute la multitude se réjouit12. »
La joie des fidèles est justifiée. Les prières des saints sont l’appui et la
protection du corps de l’Église. « Telle est la compassion des saints. Ils ne
songent pas seulement à eux-mêmes, mais ils ne cessent d’invoquer Dieu
pour tous, comme si le monde entier n’était qu’une maison, et le genre
humain, un seul corps'. »

1. Clément d’Alexandrie, Stromates, IV, 4, SC 463, 79.


2. Saint Jean Chrysostome, Eloge sur le saint martyr Romain., I, 1, PG 50, 605-606.
ld.. « Sur le nwiimp 9 » S Pf» SS 1
La vie et l’amour des saints sont une invitation à la communion eucharis­
tique. Leur présence, tel un aimant spirituel, maintient les fidèles ensemble.
Ils nous appellent à l’assemblée eucharistique et nous rassemblent autour
de la Table du Seigneur. Dans cette assemblée divine, nous rendons grâce
à Dieu pour les saints qu’il nous a accordés comme protecteurs, guides et
exemples pour notre vie. Nous Lui rendons grâce pour la gloire dont II les
a honorés et continue à les honorer. Nous rendons grâce aussi aux saints,
parce qu’ils nous font du bien de diverses manières et nous conduisent à
Dieu.
Le fait que les saints deviennent la cause de la glorification par nous
du saint Nom de Dieu est l’offrande la plus agréable qui puisse leur être
offerte. Lorsque les saints vivaient, ils s’efforçaient de faire toute chose pour
la gloire du Christ, et ils se réjouissent maintenant dans les Cieux lorsque
Dieu est glorifié à cause d’eux.
Si les saints, tant qu’ils se trouvaient sur terre, et alors « qu’ils n’avaient
encore qu’en espérance les biens [éternels], passaient cependant leur temps
à rendre grâces à Dieu en tout et à tout faire pour Sa gloire, que penser des
sentiments qui doivent être les leurs, maintenant que leur reconnaissance
est beaucoup plus grande, à eux qui sont devenus parfaits en toute vertu et
maintenant qu’ils n’ont plus à espérer le bonheur, mais qu’ils connaissent
par expérience la munificence de leur Souverain... Voilà pourquoi ils
chantent à satiété des hymnes à Dieu, et n’estiment pas suffire seuls à l’ac­
tion de grâces. Aussi désirent-ils voir tous les êtres, les anges et les hommes,
associés à leur cantique, afin que leur dette de gratitude envers Dieu soit
un peu mieux acquittée et leur reconnaissance multipliée par le nombre de
ceux qui viennent chanter avec eux1».

Visite-nous, ô Dieu

L’incarnation du Verbe est la visite que Dieu a faite aux hommes:


« Depuis les hauteurs, notre Sauveur nous a visités12. » Alors que main­
tenant, nous demandons à Dieu de nous visiter, nous Lui demandons de
prolonger Sa visite, c’est-à-dire que nous fassions l’expérience, par la divine
liturgie, du mystère de Son incarnation. Nous supplions le Seigneur de
prolonger Sa visite divine jusqu’à Son second avènement, et de rester avec
nous non pas comme un simple visiteur, mais comme le Maître de maison.
1. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d i v in e litu r g ie , XLVIII, SC 4 bis, 271-273.
2. Mot-:-'’- 1- à ,, --- ---- .-H-,;-,,
Entre la première visite du Verbe et Son second avènement se déroule
le siècle présent. Nous, fidèles, luttons pour aimer le Seigneur, parce que
l’amour nous aide à vivre le mystère de Sa visite: Si quelqu’un m’aime, il
observera ma parole, et mon Père l ’aimera ; nous viendrons à lui et nous établi­
rons chez lui notre demeure (Jn 14, 23). L’amour perpétue la visite de Dieu,
et transforme l’homme en maison et en demeure de Dieu: Dieu est amour;
qui demeure dans l ’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui (1 Jn 4,
16). En participant au mystère de l’amour divin, c’esr-à-dire à l’Eucha­
ristie et à la sainte communion, nous célébrons le mystère de la visite du
Seigneur dans le monde et dans notre vie ; Celui qui mange ma chair et boit
mon sang demeure en moi et moi en lui, a dit le Christ (Jn 6, 56).

Une offrande pour le monde

Dans l’office de la prothèse, le célébrant a mentionné son évêque, le


clergé concélébrant, les frères vivants et défunts. Tandis qu’il commémorait
leurs noms, il a placé leurs parcelles près de l’Agneau, c’est-à-dire l’image
du Christ offert. Maintenant, après la consécration, l’offrande a été accom­
plie et le Christ Lui-même est présent. Nous Le supplions donc, avec plus
de ferveur pour nos pères et frères, les proches et les lointains, les vivants
et les défunts. La commémoration de nos frères à ce moment « proclame
le mystère redoutable que Dieu s’est donné Lui-même pour l’univers1».
Nous T ’offrons encore ce culte spirituel pour tout l ’univers. L’Eucharistie
est le « Concile œcuménique de l’Église ». Et même s’il n’y a qu’un frère
présent pour participer à la célébration de la divine Eucharistie, l’univers
entier est présent dans cette assemblée du célébrant et du frère. L’anaphore
est offerte pour l ’univers, car sur la sainte Table est le Christ, « la Victime
propitiatoire pour funivers entier*12 ». Par Sa présence, le célébrant et les
fidèles constituent l’Église universelle. Toutes choses sont illuminées par la
lumière de Son amour. La « création entière est renouvelée et divinisée3».

Le prêtre, (à voix basse) : Souviens-Toi, Seigneur, de la ville où


nous habitons (ou : de ce saint monastère), de toute ville et contrée,
et des fidèles qui y demeurent. Souviens-Toi, Seigneur, des navi­
gateurs, des voyageurs, des malades, de ceux qui souffrent, des

1. Saint Jean Chrysostome, Sur les Actes, XXI, 5, PG 60, 170.


2. Id.., Sur la première Epître aux Corinthiens, XLI, 5, PG 61, 361.
3. Office du 8 septembre, cathisme des matines.
prisonniers, et de leur salut. Souviens-Toi, Seigneur, de ceux qui
offrent des dons et font le bien dans Tes saintes Eglises, et qid se
souviennent des pauvres. Et sur nous tous, envoie Tes miséricordes.
(à voix forte) : Et donne-tious de glorifier et de chanter d ’une
seule voix et d ’un seul cœur Ton Nom très glorieux et magni­
fique, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans
les siècles des siècles.
Le chœur: Amen.

D ’une seule voix et d ’un seul cœur


Afin de glorifier le Nom très glorieux et magnifique du Dieu Trinitaire,
la communauté liturgique doit avoir une seule voix et un seul cœur. Il se
produit souvent que les gens qui vivent en dehors de l’Église et de la divine
liturgie s’accordent sur quelque chose et le recherchent d’une seule voix.
Leur voix est unanime, mais non le battement de leurs cœurs. Leurs buts
les plus profonds ne sont pas en phase avec les paroles de leurs lèvres.
Or, dans l’Église, il existe une autre discipline. Dans la glorification
eucharistique, les bouches et les cœurs des fidèles sont en accord. Par la
grâce du Saint-Esprit, nous, fidèles, devenons une seule bouche, un seul
cœur, une seule âme, un même sentiment (Ph 2, 2). L’unité dans l’amour est
un don parfait qui vient d ’en-haut (Je 1, 17).
Les premiers chrétiens vivaient cette unité au plus haut degré: c’était
une multitude de personnes avec un seul cœur. Saint Basile le Grand nous
enjoint à agir comme cela: « Imitons l’union admirable de ces premiers
chrétiens, chez qui tout était commun, qui n’avaient qu’une même vie,
une même âme, une table commune, qui étaient unis par les liens d’une
fraternité indivisible, d’une charité sincère, laquelle ne faisait qu’un corps
de plusieurs, et unissait les différentes âmes en une unité harmonieuse1! »
Dans cette atmosphère d’amour unifiant, la multitude des fidèles est
« comme les cordes d’une lyre. Elles sont nombreuses mais, ensemble, elles
produisent une joyeuse mélodie*123». Nous devenons une bouche qui chante
l’Amour, un cœur qui bat pour l’Amour.

Le prêtre bénit le peuple en disant : Et les miséricordes de notre


grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ seront avec vous tous'.

1. Homélie sur la famine et ta sécheresse. 8, PC, 31, 325B.


2. Saint Jean Chrysostome, Sur l ’amour parfait et la componction, 2, PG 36, 281.
3. Cf. 2 Jn 3, Pt 2, 13.
Le chœur : Et avec ton esprit.
Le diacre : Ayant fa it mémoire de tous les saints, en paix, encore
et sans cesse, prions le Seigneur.
Pour les précieux dons offerts et sanctifiés, prions le Seigneur.
Pour que notre Dieu ami des hommes qui, sur Son Autel, saint,
céleste et immatériel, les a reçus comme un doux parfum spirituel,
nous envoie en retour Sa divine grâce et le don du Saint-Esprit,
prions le Seigneur.

Comme un doux parfum spirituel


Nous sommes certains que les Dons précieux ont été acceptés sur l’Autel
céleste comme un doux parfum spirituel, car le Christ est « la myrrhe de la
Divinité1» Et la senteur de tes parfums l ’emporte sur tous les aromates (Ct 1,
3).
Avant Son incarnation, le Verbe était « la myrrhe demeurant à l’inté­
rieur2 ». Par Son incarnation, Il se vide et devient la myrrhe qui s’épanche
(Ct 1,3). Et la Mère de Dieu qui a porté le Christ dans son sein est devenue
« le récipient de la myrrhe odorante1: Tel un spirituel vase d’albâtre, la
Vierge porte le Christ, comme une myrrhe inépuisable, et elle vient par
l’Esprit la déverser dans la grotte [de Bethléem], afin de remplir nos âmes
de sa fragrance4 ».
La venue de la Myrrhe divine dans le monde fit de l’homme un partici­
pant à Son parfum. Avant l’incarnation du Verbe, la nature humaine elle-
même était un mur entre l’homme et Dieu car « Lui n’était que Dieu, et
notre nature n’était qu’homme1 ». Notre nature humaine était semblable à
un récipient d’argile qui empêche la diffusion du parfum à l’extérieur. Or,
par l’incarnation du Christ, le récipient lui-même est devenu Myrrhe, et
il n’y a plus, pour cette raison, d’obstacle à notre union avec Dieu: « De
même que si par quelque procédé le vase d’albâtre devenait myrrhe et se
dissolvait en elle, la myrrhe ne serait plus séparée des choses extérieures, car
elle ne demeurerait plus ni à l’intérieur de quelque chose ni en elle-même.
Ainsi, une fois notre nature défiée dans le corps sauveur, il n’y eut plus rien

1. Saint Grégoire de Nysse, Sur le Cantique des cantiques, I, PG 44, 784A.


2. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, III, SC 355, 241.
3. Office du 5 février, canon des matines, 8e ode.
4. Office du 20 décembre, canon des matines, 9e ode.
XTî _ _ \ . j _
qui séparât de Dieu notre race, et donc rien ne s’opposait plus à ce que
nous eussions part aux grâces divines1. »
Par l’incarnation du Christ a été ouverte pour l’homme la voie de la
déification. Le récipient lui-même est devenu Myrrhe; l’homme est déifié
et devient christ par grâce. Jésus est appelé Christ (correspondant au terme
hébreu Messie) comme Celui qui, par excellence, est oint par Dieu.
Lors de chaque liturgie, le Christ, la sainte Myrrhe, se vide et parfume le
monde avec « des senteurs inspirées de Dieu’ ». Le rassemblement eucha­
ristique, de même que chaque fidèle, répand une bonne odeur. Car le seul
(ait de prononcer le nom du Christ fait que « tu es subitement inondé
d’une bonne odeur' ». La glorification du Créateur parfume le cœur de
celui qui Le loue : « Le parfum de bonne odeur pour le Seigneur, c’est un
cœur qui glorifie Son créateur*1234. » C’est pourquoi notre âme s’adresse ainsi
au Maître : « Ma myrrhe est corruptible, la Tienne est myrrhe de la vie. Car
Ton nom est myrrhe, déversé sur ceux qui en sont dignes\ »
La divine liturgie est le mystère de la kénose du Parfum divin. Tous ceux
qui sont assis à la Table sont attirés par Sa bonne odeur: A ta suite, nous
courons aux senteurs de tes parfums (Ct 1,4). Ils communient au Christ et
quittent la liturgie avec des âmes myrophores. Celles-ci deviennent elles-
mêmes la bonne odeur du Christ et l ’odeur de la vie qui conduit à la vie
(2 Co 2, 15-16).

Le diacre : Pour que nous soyons délivrés de toute tribulation,


colère, péril et nécessité, prions le Seigneur.
Le chœur: Kyrie eleison.
Le diacre : Secours-nous, sauve-nous, aie pitié de nous et garde-
nous, ô Dieu, par Ta grâce.
Demandons au Seigneur que toute cette journée soit parfaite,
sainte, paisible et sans péché.
Le chœur (après chaque demande) : Accorde, Seigneur.
Demandons au Seigneur un ange de paix, guide fidèle, gardien
de nos âmes et de nos corps.
Demandons axe Seigneur le pardon et la rémission de nos péchés
et de nosfautes.
1. Ibid.
2. Office du 5 février, matines.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur lÉpître aux Colossiens, IX, 3, PG 62, 364.
4. Épître de Barnabé, II, 10, SC 172, 87.
Demandons au Seigneur ce qui est bon et utile à nos âmes, ainsi
que la paix pour le monde.
Demandons au Seigneur d'achever le reste de notre vie dans la
paix et la pénitence.
Demandons au Seigneur une fin de vie chrétienne, sans douleur,
sans honte, paisible et une défense valable devant le redoutable
tribunal du Christ.
Ayant demandé l ’unité de la fo i1 et la communion du Saint-
Esprit, confions-nous nous-mêmes, confions-nous les uns les
autres, confions toute notre vie au Christ notre Dieu.
Le chœur: A Toi, Seigneur.

L’unité de la foi
L’unité de la foi est une condition préalable pour être acceptés dans
l’unité de la divine Eucharistie. C ’est pour cette raison que, avant de nous
avancer vers le calice de vie, nous demandons au Seigneur de nous garder
dans l’unité de la foi. L’Église est le Corps unique du Christ. Aussi, elle doit
avoir une seule âme, un seul cœur, une seule voix. « Car cela est l’unité de
la foi : lorsque nous sommes tous ensemble un, lorsque nous comprenons
tous de la même façon le lien » de la foi et de l’amour-,
La foi une nous donne la possibilité de nous nourrir avec le Pain de vie
unique. Saint Ignace le Théophore écrit : « Réunissez-vous dans une seule
foi et au nom de Jésus-Christ... rompant un seul Pain, qui est remède
d’immortalité3. » Après avoir reçu cette foi une, sainte et apostolique,
l’Église « la préserve avec soin... Elle croit en elle de la même façon que si
elle avait une seule âme et un seul cœur. Elle prêche, enseigne et transmet la
tradition conformément à cette foi, comme si elle n’avait qu’une bouche...
Tout comme le Soleil, cette création de Dieu est un et même dans le monde
entier, de même la prédication de la vérité brille partout et illumine tous les
hommes qui veulent parvenir à la connaissance de la vérité ' ».
"fout est commun dans l’Église : notre foi est commune, notre espérance
est commune, notre amour est commun. La sainte Église, comme l’écrit
saint Maxime le Confesseur, est la figure et l’image de Dieu et, de la même
1. Ép 4, 13.
2. Saint Jean Chrysostome, S u r V É p îtr e a u x É ph ésiens, XI, 3, PG 62, 83. Saint Nicodème l’Hagio-
rite, E r m in e ia eis ta s 14 epistolas a p o sto lo u P a v lo u [Commentaire sur les 14 Epîtres de l’Apôtre
Paul ], volume II, lliessalonique, Orthodoxos Kypseli, 1990, p. 434.
3. A u x É p h ésien s, XX, SC 10, 77.
4. Saint Irénée. C o n tr e l e s hérésie* T 10 9 ÇC" 7 ^ A 1 ^ 0
façon que Celui-ci, comme Créateur, maintient unies toutes Ses créations
par Sa puissance et Sa sagesse infinies, l’Eglise lie les fidèles en une seule
unité conformément à la grâce et à l’appel un de la foi'.
Ce lien des fidèles est engendré par le baptême, sanctifié par la Chris-
mation, et nourri et accru par la sainte communion. C’est pourquoi seuls
ceux qui appartiennent à l’unité de la foi peuvent prendre leur place à la
Cène mystique. L’Église refuse aux non-baptisés la nourriture qui produit
l’incorruptibilité, car elle sait que « si quelqu’un de non initié se dissimule
et communie, il mangera le jugement éternel, pour son châtiment- ». Ceux
qui ne participent pas à la Vérité ne peuvent participer à la Vie. Ceux qui
ne participent pas à l’unité de la foi ne peuvent entrer dans la communion
du Saint-Esprit : « Notre foi est en accord avec l’Eucharistie, et l’Eucha­
ristie confirme notre foi3. » Le calice commun présuppose la foi commune.
Pour la même raison, ceux qui ont renié ou altéré la foi orthodoxe dans le
Christ ne peuvent communier à Lui. La sainte communion n’est accordée
ni aux non-baptisés, ni aux hétérodoxes : « Il n’est pas permis à ceux de
l’extérieur de s’approcher de la divine Eucharistie. Et que soit considéré
extérieur celui qui est encore infidèle et non baptisé, de même aussi que
celui qui s’est détourné vers une opinion hétérodoxe et incompatible avec
la foi des saints4. » L’Église interdit la participation des hérétiques à la Cène
du Seigneur: « Nous ne serons pas participants au saint et vivifiant Sacri­
fice avec ceux qui se sont habitués à concevoir certains dogmes autrement
que ceux qui sont justes et vrais, mais [nous le serons] avec ceux qui ont
le même esprit et qui sont nos frères, ceux avec lesquels existent l’unité
d’esprit et l’identité de foi’. »
L’Église refuse de recevoir les hérétiques à la sainte communion. Elle
refuse également la communion dans l’office liturgique avec ceux qui appar­
tiennent à d’autres confessions, c’est-à-dire la prière commune avec eux.
Certains y voient une sorte de rigorisme et ne comprennent pas l’amour
maternel de l’Église. Or celle-ci, au contraire, désire et prie pour le retour
à elle de chaque homme, dans le repentir. Elle sait qu’une « communion »
superficielle nuira aux hétérodoxes eux-mêmes, et fera vaciller certains
fidèles orthodoxes dans leur propre foi.1
1- M ysta g o g ie , XXIV, PG 91, 705B, traduction française, éd. Migne, collection « Les Pères dans
la foi », op. c it ., p. 140.
2. Les C o n s titu tio n s a p o sto liq u es, VIL 25, 6, SC 336, 55.
3. Saint Irénée, C o n tr e les hérésies , IV, 18, 5, SC 100, 611.
4. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r le c u lte en F.snrit pt pn Vérité yt r>r no -tnir^
Ceux qui vivent dans l’unité de la foi saisissent l’amour de l’Église pour
l’humanité. Ils entendent battre avec compassion son cœur maternel
pour tout homme et le voient s’enflammer d’amour pour tous : pour les
incroyants et les catéchumènes, pour ceux qui sont loin de la foi et ceux
qui en sont proches.

Le prêtre (à voix basse) : Nous Te confions toute notre vie et tout


notre espoir, Seigneur ami des hommes, et nous T ’invoquons,
nous Te prions et Te supplions: rends-nous dignes de parti­
ciper aux Mystères célestes et redoutables de cette Table sacrée et
spirituelle, avec une conscience pure, pour la rémission de nos
péchés, le pardon de nos fautes, la communion au Saint-Esprit,
l'entrée en possession de l ’héritage du Royaume des deux, pour
plus d ’assurance auprès de Toi, mais non pour le jugement et la
condamnation.
(à voix haute) : Et rends-nous dignes, Maître, d \oser en toute
assurance et sans craindre de condamnation, T ’appeler Père, Toi
le Dieu céleste, et Te dire:

Pour la communion au Saint-Esprit

Rends-nous dignes de participer... pour la communion au Saint-Esprit,


demande le célébrant dans sa prière. La communion au Saint Corps et
au Sang du Christ est aussi la communion au Saint-Esprit: « Par ces deux
Dons nous avons été abreuvés d’un seul Esprit1» (1 Co 12, 13). Le Christ
Lui-même « nous a abreuvés de Son calice, Il nous a abreuvés du Saint-
Esprit: ». Réellement, lors de la première célébration du Mystère, le Christ,
« prit le calice et mélangea le vin et l’eau, Il l’éleva aux Cieux et le montra à
Dieu le Père ; et après avoir rendu grâces, l’avoir béni, sanctifié, rempli avec
le Saint-Esprit, Il donna [Son saint Sang] à Ses saints et bénis disciples123 ».
Lors du Banquet de l’Église, le célébrant occupe la place du Christ
« alors qu’il élève ses mains vers le ciel et invoque le Saint-Esprit afin qu’il
vienne et sanctifie les Dons offerts45». Alors, « le pain [offert] devient
le Pain céleste" ». Et tous ceux qui partagent « le Saint Corps et le Sang
1. Saint Jean Chrysostome, S u r Ici p r e m iè r e E p îtr e a u x C o r in th ie n s , XXX, 2, PG 61, 251.
2. Saint Jean Chrysostome, S u r M a tth ie u , XLV, 2, PG 58, 474.
3. Liturgie de saint Jacques.
4. Saint Jean Chrysostome, S u r le n o m « c im e tiè r e », 3, PG 49, 398.
5. Id., « Sur Jean », XLV, 2, PG 59, 253.
du Seigneur deviennent l’habitation du Saint-Esprit1 ». Le Saint-Esprit
« vivifie tout l’univers... Il se tient dans le Ciel et emplit toute la Terre... Il
demeure tout entier en chacun, et est tout entier avec Dieu. Il ne dispense
pas Ses dons à la manière d’un serviteur [comme le font les anges], mais
distribue les dons de la grâce avec autorité2 ».
Dans l’Église, les fidèles reçoivent les dons du Saint-Esprit. Dans la
liturgie, tout particulièrement, nous recevons le Paraclet Lui-même dans
notre assemblée et dans nos âmes.

L’accès auprès de Dieu

Le Christ est le Grand-Prêtre qui amène l’homme, telle une offrande,


au Père céleste, parce qu’en offrant Sa Personne immaculée à Dieu, Il a
offert l’homme tout entier. Nous devenons « acceptables au Dieu et Père
pour autant que c’est le Christ comme Prêtre qui nous offre. Car c’est par
le Christ que nous avons eu accès (Rm 5, 2), et II a inauguré pour nous le
passage dans la véritable existence, étant entré d’abord dans le Saint des
Saints (He 6, 20) pour nous, et nous ayant montré la véritable voie1».
« Par Sa vie, le Christ a inauguré la voie de la véritable vie. L’homme
peut désormais renaître en Christ et devenir, comme Adam le premier-
créé, plein de confiance envers Dieu, puisqu’il se délectait de voir Dieu qui
se manifestait à lui face à face '. »
Par le Sang du Christ, la grâce de Dieu a été donnée à l’homme condamné
et a été ouverte la voie conduisant au Père : « Nous Te rendons grâce,
Seigneur notre Dieu, car Tu nous as donné l’accès à l’entrée du Saint des
Saints dans le sang de Jésus, ayant inauguré pour nous une voie nouvelle
et vivante par le voile de Sa chair (He 10, 19-20)5. Aussi, puisque « le Sang
de Jésus nous donne l’accès au Saint des Saints », nous osons entrer et nous
prosterner devant l’océan de Ses miséricordes, et Lui dire: « Notre Père,
qui es aux Cieux. »

Le peuple : Notre Père, qui es aux Cieux, que Ton nom soit sanc­
tifié, que Ton règne vienne, que Ta volonté soitfaite sur la Terre
comme an Ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain suressentiel,
1. I d ., C atéchèses b a p tism a les, II, T l , SC 50, 149.
2. S^int Basile le Grand, H o m é lie s u r la f o i X V , 3 , P G 3 1 , 4 6 9 B - 4 7 2 A .
3. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r le c u lte en E s p r it e t en Vérité, XVI, PG 68, 1016B
4. Saint Grégoire de Nysse, D isc o u rs ca té c h é tiq u e , VI, SC 453, 181.
5. Liturgie de saint Jacques.
remets-nous nos dettes, comme nous les remettons aussi à nos débi­
teurs, et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous
du malin.
Le prêtre [à voix forte] : Car à Toi appartiennent la royauté, la
puissance et la gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et
toujours, et dans les siècles des siècles'.
Le chœur: Amen.

Nous sommes maintenant enfants de Dieu.

Par la Prière dominicale, nous nous adressons à Dieu, et nous L’appelons


Père. « Quel excès d’amour », s’écrie saint Jean Chrysostome. « Par quelles
paroles rend-on dignement grâce à Celui qui nous a comblés de tant de
biens! Considère, mon cher, le peu de valeur de ma nature et de la tienne.
Examine notre origine et tu n’y trouveras rien que boue, cendre, poussière.
Car après avoir été créés de la terre, nous retournerons en terre après la
mort. Aussi, après avoir pensé à tout cela, admire la richesse inépuisable de
la grande bonté de Dieu envers nous. Car toi, le terrestre, tu as reçu l’ordre
d’appeler Père Celui qui est dans le Ciel. Le mortel s’adresse à l’Immortel,
le corruptible à l’incorruptible, l’éphémère à l’Eterneb! »
Saint Grégoire de Nysse admire l’honneur qui a été donné à l’homme:
« Quelle âme doit avoir celui qui appelle Dieu Pèrel De combien de
hardiesse il a besoin! Quelle sorte de conscience doit avoir l’homme,
après avoir compris qui est Dieu, dans la mesure où cela est possible à
l’homme... d’oser ensuite L’appeler son Père3! » Cet honneur a été donné
à l’homme par le Sang de Jésus. C’est pourquoi, alors que s’approche le
moment de la communion au Sang immaculé du Christ, les fidèles récitent
la prière suivante lorsque la liturgie de saint Jacques est célébrée: « Rends-
nous dignes, ô Maître, Seigneur Ami des hommes, avec hardiesse, sans
condamnation, avec un cœur pur, une âme illuminée, le visage sans honte,
les lèvres sanctifiées, d’oser T ’invoquer, Toi le saint Dieu et Père et dire:
Notre Père qui es aux d eu x'. »
Le commencement de la Prière du Seigneur manifeste l’adoption selon
la grâce que nous avons reçue par le baptême. « Dès lors que nous sommes1234

1. Matth., VI, 9-13.


2. Sur la nécessité de régler sa vie selon Dieu, III, PG 51, 44.
3. Sur la prière du Seigneur, 2, PG 44, 1140CD.
4. Liturgie de saint Jacques.
rendus dignes d’appeler Père, par grâce, Celui qui nous a créés par nature,
nous apprenons à nous annoncer à nous-mêmes la grâce de la filiation.
Ainsi, révérant l’invocation de Celui qui nous engendre par la grâce, nous
nous efforçons de signifier dans la vie que nous menons les empreintes de
Celui qui nous a fait naître: nous sanctifions Son Nom sur la Terre, nous
L’imitons comme un Père, nous nous montrons Ses enfants par nos actes
et nous magnifions dans ce que nous pensons ou dans ce que nous faisons
le Fils du Père par nature, qui opère Lui-même cette filiation'. »
Cette adoption, que nous recevons en cette vie dans l’Église, est l’image
de l’adoption future et éternelle. « L’invocation sainte et très vénérable du
grand et bienheureux Dieu le Père est le symbole de l’adoption personnelle
et existentielle qui sera accordée par don et par grâce de l’Esprit saint;
suivant cette adoption, puisque tout ce qui est propre aux hommes sera
dominé et couvert par la venue de la Grâce, tous les saints recevront le titre
de fils de Dieu et ils le seront2. »
L’âme qui se meut vers le Royaume de Dieu, ornée de la beauté divine
(car elle a gardé pure l ’image et a atteint la ressemblance), est conduite
par la grâce à l’adoption divine. Par cette adoption, l’âme qui « a Dieu
pour seul Père mystérieusement et par grâce sera conduite à l’unité secrète
de [Dieu] par la sortie de toutes choses. Elle éprouvera plus quelle ne
connaîtra les choses divines, à tel point quelle ne voudra [plus] s’appar­
tenir à elle-même' ».
L’âme, en atteignant les profondeurs insondables de Dieu, se donne
entièrement à Lui, « qui se sera Lui-même tout entier introduit en elle
tout entière, impassiblement comme il sied à Sa Divinité, et II l’aura tout
entière divinisée 1». Tous les efforts humains pour faire ce qui est bien
arrivent à leur fin. L’âme n’est plus active, mais passive. Elle reçoit sans
cesse de Dieu la grâce de l’Amour infini. « Dans le siècle à venir, nous rece­
vrons par grâce la transformation vers la déification et nous ne serons plus
actifs, mais passifs. Et pour cette raison, nous ne cesserons d’être déifiés' »
par le Père qui aime l’humanité. Comme l’écrit saint Jean le Théologien :
Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas12345

1. Saint Maxime le Confesseur, Sur la prière du Seigneur, Philocalie, volume II, p. 192, traduction
française, ap. rit., tome A, p. SS4.
2. Ibid., Mystagogie, XX, PC, 91, 6 9 6 0 ), traduction française, 6d. Migne, collection « Les Pères
dans la foi », op. cil., p. 127.
3. Ibid., XXIII, PC 91,701BC, traduction française, op. rit., p. 136.
4. Ibid., PG 91,701C, traduction française, ibid., p. 136.
5. Id„ À Thalassios, XXII, PC 90, 3201).
encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous Lui
serons semblables (1 Jn 3, 2).

Le prêtre : Paix à tous.


Le chœur : Et à ton esprit.

La Table de paix

Chaque divine liturgie est une nouvelle apparition du Christ ressuscité.


Les premières apparitions du Christ après la Résurrection ont été décrites
par l’évangéliste Jean : Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les
portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus
vint et se tint au milieu et II leur dit: « Paix à vous! »... Les disciples furent
remplis de joie à la vue du Seigneur... Huit jours après, Ses disciples étaient de
nouveau à l ’intérieur et Thomas avec eux. Jésus vient, les portes étant closes, et
il se tint au milieu et dit: « Paix à vous! » (Jn 20, 19-26).
Lors de ces deux apparitions, le Seigneur se tint au milieu des Douze. La
même chose se répète à chaque liturgie : Il se tient au milieu de l’assemblée
et nous donne Sa paix. Car plus nous approchons de la « Table de paix*1»,
plus grand est le besoin de paix. « Tu vas recevoir un Roi par la divine
communion. Et lorsqu’il pénètre dans l’âme, il doit y avoir beaucoup de
sérénité, beaucoup de calme, une paix profonde dans nos pensées:. »

Le diacre : Inclinez la tête devant Le Seigneur.


Le chœur : Devant Toi, Seigneur.
Le prêtre (à voix basse) : Nous Te rendons grâces, Roi invisible,
qui, par Ta puissance incommensurable, as tout créé, et qui, dans
l abondance de Ta miséricorde, as amené toutes choses du néant
à l ’existence. O Maître, regarde du haut des d e u x ceux qui
inclinent la tête devant Toi, car ils ne l ’ont pas courbée devant
la chair et le sang, mais devant Toi, le Dieu redoutable. Toi
donc, Maître, aplanis, pour leur bien et selon les besoins propres
à chacun, les difficultés qu’ils rencontrent ; navigue avec ceux
qui sont en mer, accompagne les voyageurs, guéris les malades, ô
Médecin de nos âmes et de nos corps.
(À voix forte) : Par la grâce, la compassion et l ’amour pour les

1. Saint Jean Chrysostome, Sur la trahison de Judas, I, 6, PG 49, 381.


2. Id., Sur rincompréhensibilité de Dieu, VI, 4, PG 48, 736.
hommes de Ton Fils Unique, avec qui Tu es béni, ainsi que Ton
très saint, bon et vivifiant Esprit, maintenant et toujours, et dans
les siècles des siècles.
Le chœur: Amen.

L’inclination de la tête

Après la prière du Seigneur, le célébrant invite les fidèles à incliner leur


tête devant le Christ, Le reconnaissant ainsi comme Maître et Seigneur.
Les fidèles inclinent leur tête devant Dieu, « non pas seulement comme
devant Celui qui est par nature leur Maître, leur Créateur et leur Dieu,
mais comme des serviteurs achetés s’inclinent devant Celui qui les a acquis
au prix du Sang de Son Fils Unique1 ».
Par l’inclination, nous montrons au Seigneur, comme des serviteurs
reconnaissants, notre soumission. Mais comme amis et Ses fils selon la
grâce, nous témoignons notre gratitude. Car par le sacrifice du Christ sur
la Croix, nous sommes devenus amis et fils de Dieu : N ul na plus grand
amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis... Je ne
vous appelle plus serviteurs (Jn 15, 13-15). «Le Seigneur des serviteurs
devint fils mortel de Son propre serviteur, c’est-à-dire Adam, afin que les
fils de celui-ci, qui sont mortels, puissent devenir fils de D ieu’. »
* * *

Nous avons tous le même Père. Cependant, le caractère unique de la


personne humaine n’est pas annihilé au sein de la communion de l’Eglise.
Les hommes sont tous des images de Dieu, mais chacun d’entre nous a son
propre caractère et mène son propre combat spirituel. C’est pourquoi le
Christ, dans la sainte communion, est offert selon le besoin propre à chacun.
Commun est le Maître, variés sont les dons. « Pour chacun, le Sauveur
devient différent selon ce qui lui est profitable. Pour ceux qui ont besoin
de joie, Il devient vigne (Jn 15, 1). Pour ceux qui ont besoin d’entrer, Il
se présente comme porte (Jn 10, 7). Pour ceux qui ont besoin d’offrir des
prières, Il est présent comme médiateur et Grand-Prêtre (1 Tm 2, 5 : He 7,
26). Pour ceux qui ont des péchés, Il devient une brebis, pour être immolée12

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XXXV, SC 4 bis, 221.


2. Saint Athanase le Grand, Sur l ’incarnation du Verbe, VIII, PG 26, 996B.
pour eux (Jn I, 29). Il se fait tout à tous (1 Co 9, 22), restant ce qu’il est
selon la nature1. »

Nous communions tous au même Pain de vie. Et chacun reçoit Celui


dont il a besoin dans sa vie personnelle: « Les malades, le Médecin; ceux
qui sont en danger, le Sauveteur; les pécheurs, le Défenseur; les pauvres,
le Trésor; les affligés, la Consolation; les voyageurs, le Compagnon de
chemin; les navigateurs, le Guide; tous reçoivent Celui qui avec ferveur
anticipe partout leur besoin-. » Par les Dons présentés devant nous, le
Christ devient « un roc de patience, une cause de consolation, un dona­
teur de force, une provision de courage, un assistant de force d’âme*1234» sur
la route de notre vie. Car II est « la voie réellement bonne et infaillible, qui
n’égare pas le voyageur, mais le conduit à Dieu le Père, qui est véritable­
ment la Bonté ' ».

7. La sainte communion

Le prêtre (à voix basse) : Sois attentif, Seigneur Jésus-Christ


notre Dieu, du haut de Ta sainte demeure et du Trône de gloire
de Ta royauté. Viens nous sanctifier, Toi qui, en-haut, sièges avec
le Père, et qui, ici-bas, demeures invisiblement avec nous. Fais
que nous soit donnée la grâce de recevoir, de Ta main puissante,
Ton Corps immaculé et Ton précieux Sang, et de les donner à tout
Ton peuple.
Le prêtre s’incline trois fois en disant:
O Dieu, sois propice au pécheur que je suis, et aie pitié de moi.

En-haut, je Te possède et en-bas, je suis uni à Toi


Peu avant Sa Passion, le Christ a assuré à Ses disciples : Je vais vers le
Père... Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus. Mais vous verrez
que je vis et vous aussi, vous vivrez (Jn 14, 12, 19). Le monde, ce sont les
hommes qui vivent en dehors de la divine liturgie. Ils ne voient pas le
Christ, car ils vivent dans les ténèbres. « Le Christ dit qu’il sera invisible
et ne sera aucunement vu par ceux qui ont un esprit mondain après Son

1. Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques, X, 5, PG 33, 665 AB.


2. Office du 6 décembre, doxasticon des laudes.
3. Office de la profession monastique du Grand Habit.
4. Saint Basile le Grand, Traité sur le Saint-Esprit, VIII, 18, SC 17 bis, 311.
départ de la Terre, c’est-à-dire après Son ascension aux Cieux. Il sera cepen­
dant visible pour les saints1. » Lors de la divine liturgie, le Christ est présent
invisiblement. De même que, lors de l’incarnation du Verbe de Dieu, le
corps couvrit la Divinité, ainsi « le saint Pain est semblable à un voile qui
cache en lui la Divinité- ».
Par Son incarnation, le Christ est venu sur terre et est devenu homme,
sans quitter le trône du Père : « C’était une condescendance divine qui était
à l’œuvre et non point la descente d’un lieu’. » Cependant, « ce qui était le
plus admirable, c’est qu’il vivait comme un homme et que comme Verbe,
Il donnait la vie à tous les êtres, et que comme Fils, Il était avec Son Père1234567».
Par Son ascension, le Dieu-homme est monté sur le trône du Père avec
Son Corps déifié, qu’il nous a laissé simultanément et qu’il nous offre à
chaque liturgie. « Lorsque le prophète Elie est monté au Ciel, il a laissé une
mélote à son disciple Elisée. Or, le Fils de Dieu, en montant, a laissé Sa
propre chair. Et le prophète a laissé sa mélote, tandis que le Christ à la fois
nous a laissé Sa chair et s’est élevé avec elle'. »
Après Son ascension, le Seigneur est assis avec le Père dans les Cieux et
est présent avec les fidèles lors de la divine liturgie. Sa présence emplit la
Terre et le Ciel. Mais maintenant que l’homme est uni avec le Christ, il
est aussi ensemble avec Lui à la fois sur terre et au Ciel: « En-haut, je Te
possède et en bas, je suis mêlé à Toi'1. » En-haut: dans le sein de Dieu le
Père; en-bas; dans le sein de l’Église notre Mère. Tant en-haut qu’en-bas,
l’homme vit dans l’amour de Dieu.
L’espace et le temps de la divine liturgie sont sanctifiés par Lui qui est
« au-dessus de l’espace, du temps, du nom et de l’intellection~ ». Le Christ,
qui est dans les Cieux, est avec nous dans la divine liturgie. Il n’est pas
simplement avec nous, mais II vient demeurer en nous. « Nous tous qui
participons au Saint Corps du Christ, nous tous qui goûtons Son Sang...
nous goûtons Celui qui est assis sur le trône céleste, qui est adoré par les
anges, qui se trouve près de la Puissance immaculée8 », c’est-à-dire de Dieu
le Père.

1. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r J e a n , IX, PG 74, 264D-265A


2. Saint Grégoire Palamas, H o m é lie , LV1, 5, édition Oikonomou, p. 205.
3. Hymne acathiste à la Mère de Dieu, stance 15.
4. Saint Athanase le Grand, S u r l ’Incarnation élu Verbe, XVII, 4, SC 199, 329.
5. Saint Jean Chrysostome, S u r les sta tu es, II, 9, PC, 49, 46.
6. Ici, S u r ! T im o th é e , XV, 4, PG 62, 586.
7. Clément d’Alexandrie, S tr o m a te s V , II, 71, SC 278, 145.
8. Saint Jean Chrysostome, S u r l ’E p itr e a u x E p h ésien s, III, 3, PG 62, 27.
Par Ses mains toutes saintes, le Seigneur Se donne Lui-même au célé­
brant et, par celui-ci, à tout le peuple (Le 2, 10). Le Christ est la grande joie,
qui, par la sainte communion, est offerte à tout le peuple (Le 2, 10).

Le diacre : Soyons attentifs.


Le prêtre élève le saint Pain et dit à voix forte : Les saints Dons
aux saints.
Le chœur: Seul est Saint, seul est Seigneur, Jésus-Christ, à la
gloire de Dieu le Père. Amen1.
Le chœur commence ensuite le chant de communion* du
jour6.

Les saints Dons aux saints

Les saints Dons qui seront donnés en communion aux saints sont le Saint
Corps et le précieux Sang du Christ. Le Christ est le seul Saint par nature.
L’Unique et le seul Seigneur. Nous pouvons être appelés saints unique­
ment parce que nous sommes participants à Sa sainteté: « Les fidèles sont
en effet appelés saints en raison du Saint auquel ils participent, dont ils
communient au Corps et au Sang123. »
L’élévation du Saint Corps du Christ, accomplie à ce moment par le
célébrant, « représente Son élévation sur la Croix, Sa mort par la cruci­
fixion et la résurrection même45». Le Christ « est élevé dans les mains du
prêtre comme sur la Croix4 ».
L’acte de l’élévation signifie que « la communion des saints Mystères
n’est pas indifféremment permise à tous... Les saints Dons ne sont permis
qu’aux saints. Le prêtre donne ici le nom de saints non pas seulement aux
âmes de vertu parfaite, mais aussi à tous ceux qui s’efforcent de tendre à
cette perfection... Ceux-là, rien ne les empêche, en participant aux saints
Mystères, d’être sanctifiés6 ».

1. 1 C o 8, 6; Ph 2, 11.
2. Dans les temps plus anciens, le chant de communion était un psaume entier, dont le chant
continuait pendant la communion des fidèles. Ces psaumes étaient les suivants: 22, 33, 116,
144.
3. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e h t d iv in e litu rg ie , XXXVI, SC 4 bis, 223.
4. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 448B.
5. Saint Jean Damascène, S u r les s a in ts M ystères, V, PG 95, 409C.
6. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , XXXVI, SC 4 bis, 2 2 3 .
Les saints ne luttent pas seulement pour se libérer du péché, mais pour
acquérir le Saint-Esprit. Saint Jean Chrysostome, commentant la phrase
Les saints Dons aux saints, dit: « Le prêtre, d’une voix forte et avec un cri
redoutable, élevant haut la main tel un messager se tenant en hauteur,
visible à tous, et criant fort dans ce silence absolu, appelle certains à
communier et en empêche d’autres. Or il ne le fait pas avec la main, mais
avec sa langue... Lorsque le prêtre dit Les saints Dons aux saints, il veut
dire : “Qui n’est pas saint, qu’il n’approche point.” Il ne dit pas simplement
que l’on doit simplement être pur de péchés, mais saint. Car le saint ne se
distingue pas par le seul fait d’être délivré des péchés, mais par la présence
du Saint-Esprit et la richesse des œuvres bonnes. Je ne veux pas, dit-il, que
vous soyez simplement délivrés du marécage, mais que vous soyez blancs et
beaux... Qui est tel, qu’il s’approche et touche le calice royal1. »

Un seul est Saint, un seul est Seigneur :Jésus-Christ

À l’exclamation du prêtre Les saints Dons aux saints, les fidèles répondent :
« Un seul est Saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ, à la gloire de Dieu
le Père. » La réponse des fidèles est la confession que par « le Fils Unique,
qui a été incarné et crucifié, nous avons été sanctifiés, nous avons été sauvés
de la mort et nous avons obtenu l’immortalité123». Car « personne n’a de
soi-même la sainteté, et elle n’est pas le résultat de la vertu humaine, mais
tous [la reçoivent] de Lui et par Lui. C ’est comme si beaucoup de miroirs
étaient placés au-dessous du Soleil : ils brillent tous et émettent des rayons,
vous croiriez voir beaucoup de soleils, alors qu’en réalité il n’y a qu’un
seul soleil qui brille en tous. De même [Jésus-Christ] le seul saint, s’écou­
lant [pour ainsi dire] dans les fidèles, se montre en beaucoup d’âmes et
fait apparaître chez beaucoup la sainteté; Il est pourtant le seul et unique
Saint1».
« La confession du Seul saint, qui est faite par tout le peuple à la fin de
la célébration mystique... manifeste ce qui est au-dessus de toute raison
et de toute intelligence: que ceux qui ont reçu l’initiation de Dieu, mysti­
quement et avec sagesse, seront rassemblés et unis à l’unité secrète de la
simplicité divine, ce qui aura lieu dans le siècle incorruptible des intelli­
gibles ; alors, eux aussi, contemplant la lumière de la gloire invisible et plus

1. S u r l ’É p îtr e a u x H é b r e u x , XVII, 5, PG 63, 133.


2. Saint Syméon de Thessalonique, S u r la s a in te litu rg ie , XCIX, PG 153, 297D.
3. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d i v in e litu r g ie , XXXVI, SC 4 bis, 225.
qu’indicible, ils deviennent aptes à recevoir la bienheureuse pureté avec les
puissances d’en-haut'. »
Le Christ est « la source et la racine mêmes de tous les biens, la vie
même, la lumière même et la vérité même. Il ne garde pas pour Lui-même
la richesse des biens, mais II la déverse sur tous les autres et, après ce débor­
dement, reste entier- ». La source même de la sainteté transmet à tous,
anges et hommes, le parium de la sainteté: Il sanctifie toute l’Eglise et tous
ceux qui gardent pur le réceptacle de leur âme et de leur corps, tous ceux
qui reçoivent la plénitude de Sa sainteté.
« Seul est Saint, seul est Seigneur, Jésus-Christ, à la gloire de Dieu le
Père. » Avant le Christ, aucun homme ne pouvait glorifier Dieu comme
il convenait de le faire. Seul le Seigneur pouvait dire à Dieu le Père: Je T ’ai
glorifié sur la Terre (Jn 17, 4). « Comment L’a-t-Il glorifié? Pas autrement
qu’en manifestant aux hommes la sainteté du Père: Il est apparu saint,
comme le Père Lui-même est saint ’. »
Nous devenons participants de la sainteté du Christ par la participa­
tion à la Table eucharistique. Lorsque le moment de la sainte communion
approche, l’Église formule cette invitation : « Si quelqu’un est saint, qu’il
vienne; s’il ne l’est pas, qu’il se repente. Maranatha [Le Seigneur vient]
(1 Co 16, 22). Amen '. »

Le diacre dit au prêtre : Romps, Maître, le saint Pain.


Le prêtre rompt l’Agneau en quatre parties, en disant: Est
rompu et partagé l ’Agneau de Dieu; rompu et non divisé; toujours
mangé, et jamais épuisé; sanctifiant ceux qui y communient.1234

L’Agneau de Dieu est rompu

Lors de la première divine liturgie qu’il célébra sur la Terre, le Christ


rompit le Pain et le donna à Ses disciples en disant: Prenez, mangez, ceci est
mon Corps qui est rompu pour vous ( 1 Co 11,24). Cet acte du Seigneur est
répété à chaque liturgie et est appelé la Fraction du Saint Corps : le célé­
brant rompt l’Agneau de Dieu en quatre parties. Il les dispose en forme de

1. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, XXI, PG 91, 696D-697A, traduction française,


éd. Migne, collection « Les Pères dans la foi », op. rit., p. 127-128.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, IX, 1, PG 59, 91.
3. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XXXVI, SC 4 bis, 225.
4. Didaché, X, 6, SC 248, 183.
croix sur le discos, et après avoir lui-même communié, il donne la commu­
nion aux fidèles.
Cette « fraction du Pain manifeste l’immolation du Précieux », c’est-à-
dire du Christ1. Lors de la Crucifixion, les soldats n’ont pas brisé les saints
membres du Christ, comme ils l’ont fait aux brigands crucifiés avec Lui,
afin que l ’Ecriture fû t accomplie: Pas un os ne Lui sera brisé (Jn 19, 36;
Ex 12, 10). Dans le Sacrifice liturgique, cependant, le Seigneur est frac­
tionné et est offert aux fidèles. Saint Jean Chrysostome souligne : « Ce que
le Christ n’a pas souffert sur la Croix, Il le subit dans l’offrande pour toi, et
Il supporte d’être rompu afin que tous soient rassasiés’. »
La fraction est, par excellence, l’acte qui manifeste le Christ : c’est dans la
fraction du pain (Le 24, 35) que les deux disciples L’ont reconnu à Emrnaüs,
et c’est par ce nom que les premiers chrétiens désignaient la divine Eucha­
ristie (Ac 2, 42; 20, 7). Par la fraction du Pain, « le Christ indivisible est
divisé et partagé pour nous, afin que nous devenions tous participants à
Lui. Et tandis qu’il est indivisible, Il est divisé pour nous, nous unissant
avec Lui-même et nous Elisant un, comme II l’a souhaité' » dans Sa prière
à Dieu le Père (Jn 17, 11).
***

Le Christ est vraiment Celui qui est, Auquel tous communient, sans
qu’il soit cependant diminué par la participation des communiants. Il est
« Celui qui est partagé par tous, mais ne subit pas de diminution du fait
de cette participation '. » « Supposons un foyer où l’on allume des dizaines
de milliers de flambeaux, et encore deux fois plus ; ce feu ne demeure-t-il
pas intégralement le même après avoir transmis son énergie à tant de flam­
beaux'1? » Le Christ est la source du feu spirituel qui, « après avoir donné
aux autres, ne souffre aucune diminution, mais II prodigue Ses biens,
toujours II les répand, demeurant dans la même perfection123456 ».
Le Christ est fractionné, mais n’est pas divisé. Après la fraction, chaque
partie du saint Pain est le Christ tout entier. « Il est distribué, mais reste
indivisé et non rompu. Il est trouvé et reconnu entier dans chaque partie

1. Saint Eutychès de Constantinople, Sur la sainte Pâque, III, PG 86, 2396A.


2. Sur la première Epître aux Corinthiens, XXIV, 2, PG 61, 200.
3. Saint Syméon de Thessaloniquc, Sur la sainte liturgie, ICIX, PG 135, 300AB.
4. Saint Grégoire de Nysse, La Vie de Moïse, II, SC 1, 121.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, XIV, 1, PG 59, 91.
6. Ibid.
séparée qui est détachée1. » Nous tous qui participons dignement à la Table
sacrée, nous recevons le Christ entier, qui nous remplit entièrement. « De
telle sorte que ceux [qui reçoivent la communion] peuvent être dieux et
recevoir ce nom par la grâce de l’adoption, à cause de Dieu qui, tout entier,
les a totalement emplis de Lui-même et n’a laissé en eux aucune place vide
de Lui-même*12345. » Le Christ se trouve en chacun de nous. Il se trouve tout
entier dans toute la sainte Église, dans toutes les longueurs et les largeurs
de la Terre et dans tous les siècles.
De Sa plénitude, nous avons tous reçu (Jn 1, 16). Nous recevons la pléni­
tude de la Vie et nous constituons la sainte Eglise, laquelle est Son Corps,
la plénitude de Celui qui est rempli, tout en tout (Ép I, 23). Les nourritures
matérielles sont par nature toujours épuisables. Mais l’Agneau de Dieu est
toujours mangé, et jamais épuisé. Son sacrifice est « inépuisable' ». Car c’est
la nourriture inépuisable de la Vie et de l’Amour divins infinis.

Le diacre : Remplis, Maître, le saint calice.


Le prêtre trace au-dessus du calice un signe de croix avec la
parcelle marquée des lettres IE et l’y dépose en disant: Pléni­
tude du Saint-Esprit '.
Le diacre: Amen.

Le Christ est un

Depuis le moment où le célébrant a prononcé les paroles : Les saints


Dons aux saints, il a accompli trois actes successifs jusqu’à maintenant:
l'élévation du Saint Corps du Christ, sa fraction et maintenant son union
avec le saint Sang.
L’union du Saint Corps et du saint Sang du Christ signifie « que le Christ
est un, bien qu’il devienne visible à la fois dans le saint Pain et dans le saint
calice. Cela signifie encore qu’il est [pour les fidèles] à la fois soutien par le
saint Pain et joie par le calice (Ps 103, 15)" ».

1. Saim Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 449B.


2. Saint Maxime le Confesseur, M ysta g o g ie, XXI, PG 91, 697A, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. r it., p. 128.
3. Saint Jean Chrysostome, S u t l'E p itr e a u x H é b r e u x , XVII, 3, PG 63, 131.
4. Dans le formulaire grec actuel : « Plénitude du calice, de la foi » sont des additions postérieures,
remontant au xvm ‘ siècle (Trembelas, L e ito u r g ia i, p. 135-137).
5. Saint Syméon de Thessalonique, S u r la sa in te litu rg ie , 1CIX, PG 155, 300B.
Plénitude... du Saint-Esprit: le Christ nous emplit de l’Esprit saint. Car
« quels sont le résultat et l’effet des souffrances du Christ, de Ses actes et de
Ses discours ? Si on les considère par rapport à nous, ce n’est rien d’autre
que la descente du Saint-Esprit sur l’Église1 ».
I
Le diacre : Bénis, Maître, le zéon*.
Le prêtre : Bénie soit la chaleur de Tes saints Dons, en tout temps,
maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.
Le diacre verse le zéon en forme de croix dans le calice, tandis
que le prêtre dit: Chaleur de la foi, pleine du Saint-Esprit.
Amen.

La chaleur du Saint-Esprit

Après avoir procédé à l’union du Corps et du Sang du Christ, le célébrant


prend de l’eau chaude (le « zéon ») et la verse dans le calice. « De la même
façon que le sang et l ’eau sortirent alors du côté divin vivant (Jn 19, 34),
pleins de chaleur, l’eau versée dans le saint calice maintenant, au moment
de la sainte communion, est très chaude, complétant ainsi le symbolisme
du Mystèreô »
Saint Nicodème l’Hagiorite écrit à ce sujet: « Le miracle du côté imma­
culé du Seigneur est double, non pas seulement parce qu’il s’en épancha du
sang et de l'eau... mais aussi parce qu’ils se sont épanchés chauds et vivants,
du fait que ce côté était chaud et vivant... en raison de l’union hyposta-
tique avec la Divinité vivifiante. Ainsi, pour représenter le premier miracle,
il a été ordonné de mettre du vin et de l’eau dans le saint calice. Et pour
représenter le second miracle, il a été ordonné dès le commencement...
que cette eau soit versée chaude et bouillante dans le calice au moment du
chant de communion, et non froide ou tiède, de telle façon que le prêtre
lui-même et tous ceux qui communient ainsi au Corps et au Sang chauds,
ressentent qu’ils les reçoivent de la même façon que ceux-ci sortirent alors
du côté vivifiant du Sauveur... Le saint zéon doit être bouillant lorsqu’il est
versé —afin que le saint calice soit aussi chauffé par lui —car zéon signifie
eau bouillante’. »123

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XXXVII, SC 4 bis, 229.


2. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 449B.
3. « Commentaire sur le 32c canon du VIe Concile œcuménique », Pedalion [Le Gouvernail], 6°
édition, Athènes, Astir, 1938, p. 248-249.
Alors qu’il a accompli l’union du Saint Corps et du saint Sang, le célé­
brant a dit : Plénitude du Saint-Esprit. Maintenant, alors qu’il verse le zéon
dans le calice, il dit : Chaleur de la foi, pleine du Saint-Esprit. Tout souligne
la venue du Paraclet. « Cette eau, qui à la fois est de l’eau et participe à la
nature du feu [par l’ébullition], signifie l’Esprit saint, qui est aussi parfois
appelé eau et qui apparut comme du feu lorsqu’il tomba sur les disciples
du Christ (Jn 7, 38-39; Ac 2, 3)'. »
Le célébrant, avec le calice dans ses mains, tient « la source de l’Esprit’ ».
Ainsi, nous approchons nos bouches « de la mamelle du calice spirituel
comme des nourrissons, afin d’attirer la grâce du Saint-Esprit3 ». Et « notre
bouche est emplie du feu spirituel'1».

Le prêtre : Je crois, Seigneur, et je confesse, que Tu es en vérité le


Christ, Fils du Dieu vivant, venu au monde sauver les pécheurs
dont je suis le premier. Je crois aussi que ceci même est Ton corps
immaculé et cela Ton sang précieux. Je T ’en prie donc : aie pitié
de moi, pardonne-moi mes fautes, commises volontairement ou
non, en paroles, en actions, sciemment ou par ignorance. Rends-
moi digne de participer, sans mériter de condamnation, à Tes
Mystères immaculés, pour la rémission de mes péchés et pour la
vie éternelle. Amen.

Voici que je m ’approche des divins Mystères, ô mon Créateur,


ne me consume pas par cette communion, car Tu es un feu qui
brûle les indignes; mais purifie-moi de toute souillure.

A Ta cène mystique, fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de


Dieu, carje ne dirai pas le secret à Tes ennemis, ni ne Te donnerai
le baiser de Judas. Mais comme le larron je Te crie: souviens-Toi
de moi, Seigneur, dans Ton Royaume.

En voyant ce sang qui divinise, tremble, ô homme, car c’est un


charbon ardent qui bride les indignes.1234

1. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XXXVII, SC 4 bis, 229.


2. Saint Jean Clirysostome, Sur Matthieu, 1.XXXII, 6, S, PC, SS, 745.
3. Ibid., PG 58, 744. Les premiers chrétiens recevaient la communion au Saint Sang en le buvant
au calice. L’image de l’enfant allaité est très caractéristique, car le fidèle communie au Sang
vivifiant du Seigneur comme il est sorti de Son côté blessé.
4. Ibid., PG 58, 743.
Le corps divin divinise et nourrit, il divinise l ’esprit et nourrit
1‘âme d ’une manière merveilleuse.

O Christ, le désir de Toi m ’a arraché à moi-même et Ion divin


amour m ’a transformé en un autre homme. Brûle mes péchés par
Ton feu immatériel et daigne me remplir de Tes délices afin que,
plein de joie, je glorifie Tes deux avènements, Dieu botî.

Comment entrerai-je, indigne que je suis, parmi la splendeur de


Tes saints? Si j ’ose pénétrer dans la salle des noces, mon vêtement
me trahira car ce n ’est pas la robe nuptiale, et les anges m ’enchaî­
neront et me chasseront. Mais purifie, ô Seigneur, les souillures de
mon âme et sauve-moi dans Ton amour des hommes.

Maître qui aimes les hommes, Seigneur Jésus-Christ, mon Dieu,


que Tes saints Dons ne tournent pas à mon jugement à cause de
mon indignité; mais qu’ils soient la purification et la sanctifica­
tion de mon âme et de mon corps, et un gage de vie et du Royaume
à venir. Il est bon pour moi de m ’attacher à Dieu et de placer dans
le Seigneur l'espérance de mon salut.

Puis, à nouveau : A Ta cène mystique...

Les prières de préparation à la sainte communion

Les prières que récite maintenant le célébrant et qui doivent être récitées
par chaque fidèle lorsqu’il se prépare à la communion sont les dernières
d’une série de prières qui sont appelées « Office de la sainte communion ».
Cet office est lu en trois parties.
La première partie est le canon de la sainte communion qui, dans le
texte grec original, est construit sous forme d’acrostiche selon l’alphabet. Il
est lu la veille de la communion dans le cadre des compiles. La deuxième
partie est lue le matin et est constituée de trois psaumes, trois tropaires
et neuf prières composées par différents Pères de l’Église. Et la troisième
partie est constituée par les prières que récite maintenant le célébrant.
La première prière est une confession de foi et d’espoir dans l’amour du
Christ : Je crois, Seigneur, et je confesse, que Tu es en vérité le Christ, Fils du
Dieu vivant, venu au monde sauver les pécheurs dont je suis le premier.
Cette phrase s’appuie sur les paroles de l’apôtre Paul : Elle est sûre, cette
parole et digne de toute créance: le Christ Jésus est venu dans le monde pour
sauver les pécheurs, dont je suis, moi le premier. Et s’i l m’a étéfa it miséricorde,
c’est pour qu’en moi, le premier, Jésus-Christ manifestât toute Sa patience
(1 Tm 1, 15-16). Saint Jean Chrysostome commente la parole apostolique
par un exemple: « Supposons qu’il existe une grande ville, dont tous les
habitants sont des malfaiteurs. Les uns plus, les autres moins, mais tous
méritent condamnation. Supposons maintenant qu’il y en ait un parmi
eux qui mérite plus que tous d’être châtié, car il s’est livré à toutes sortes
de méfaits. Si, par conséquent, quelqu’un dit que le roi veut les gracier
tous, ils ne le croiront pas sur parole, tant qu’ils ne verront pas que le plus
grand malfaiteur de tous a reçu le pardon. Alors, plus personne ne doutera.
C’est ce que dit l’apôtre Paul: “Dieu, voulant assurer les hommes qu’il
pardonne toutes leurs transgressions, a choisi le plus pécheur de tous...
Que personne ne doute de son salut, puisque j’ai été sauvé1.” »
. Avec l’assurance que Jésus-Christ nous montrera, à nous pécheurs, toute
Sa longanimité, nous Lui demandons de nous rendre dignes de nous appro­
cher sans condamnation du calice de Son amour.
Outre ces prières constituant l’office de la sainte communion, les saints
Pères ont composé aussi de nombreuses autres prières pour se préparer à
la communion. L’une d’entre elles, qui a été écrite par saint Philothée,
patriarche de Constantinople, et qui est adressée à la Mère de Dieu, est la
suivante :

O Immaculée en vérité et très pure Vierge et Mère de Dieu, merveille redou­


tablepour les anges et inexplicable pour les mortels, ou plutôt terrible en vérité et
incompréhensible à lafois par les uns et les autres, toi qui constitues lesprémices
de notre race, réceptacle très pur de la Divinité, l ’atelier de notre salut: par une
bonté extrême, surpassant tout esprit et toute parole, tu as mis au monde pour
nous l ’Un de la Trinité, notre Seigneur Jésus-Christ, qui est Dieu parfait et
homme parfait, afin qu’avec la pâte de l ’humanité II puisse sauver notre nature
de sa chute ancienne, et la mène à nouveau à sa dignité dejadis. Tu es le redres­
sement de ceux qui ont chuté même après cette économie salvatrice du Verbe de
Dieu; par ton extrême sollicitude, tu m’as même délivré d ’une telle midtitude
1. Sur la première Epître à Timothée, IV, 2, PG 62, 522.
de dangers, moi qui suis indigne de tout secours et de toute providence, car de
mon propre chefje pèche en tout temps, en tout Lieu et en toute chose. Regarde
maintenant ma misère et visite-moi comme de coutume, car je suis accablé
et je ne sais pas ce qu’i l adviendra de moi. Si je regarde la multitude de mes
innombrables maux, je me juge moi-même loin des redoutables Mystères et
tout indigne; si je ne m’en approche pas pendant longtemps, carje les recevrais
pour ma condamnation, je deviendrais entièrement assujetti à l ’ennemi. Aussi,
je jette la multitude innombrable de mes iniquités dans l ’océan de la compas­
sion incommensurable de Ton Fils et Dieu; et te mettant en avant comme une
intercession puissante, je prends maintenant courage et m’approche. Montre
donc ta confiance maternelle envers Lui, Toute-Pure Souveraine, et rends-Le
miséricordieux envers moi, je t’en supplie.
Oui, Très-Pure, sois ma protection et ne m’abhorre pas qui suis impliqué
dans de nombreux péchés, qui me suis abusé par tous mes sens, en actions, en
paroles et en mouvements de la pensée, dans d ’innombrables aspects de ma
façon de vivre et de ma conduite et dans les feintes démoniaques élaborées
avec soin. Manifeste-toi toi-même à ce moment comme mon aide, et implore
le Seigneur qui accepte facilement la réconciliation et qui est longanime, afin
qu’il ne me rejette pas et ne me montre pas dépouillé de Sa grâce. Mais qu’i l
néglige mes nombreuses transgressions et que par Sa sainte Chair et Son Sang
précieux et vivifiant, Il me sanctifie, m’illumine, me sauve, et me fasse fils de
lumière: que je chemine et dirige mes pas vers Ses saints commandements, et
que je ne retourne point encore une fois de plus au péché ni ne sois souillé par
lui.
C’est ainsi que je participerai, sans condamnation, au pur et redoutable
don, et que je recevrai dès ici-bas les gages du don plus parfait à venir, afin
queje puisse être délivré des tourments éternels et atteindre la vie éternelle, par
toi, ma ferme espérance et ma protectrice, glorifiant le Père, le Fils et le Saint-
Esprit, la Trinité toute-sainte et bénie, dans les siècles des siècles. Amen*1.

Ensuite, le prêtre dit au diacre : Frère et concélébrant, pardonne-


moi pécheur.
Le diacre : Que le Seigneur Dieu se souvienne de ton sacerdoce
dans Son Royaume, maintenant et toujours et dans les siècles des
siècles. Amen.
Le prêtre dit ensuite : ô Dieu, aie compassion de moi lepécheur et

1. Saint Nicodème l’Hagiorite, Anthologie de prières de componction, Volos, Aghioreitiki Biblio-


thiki, 1963, p. 30.
aie pitié de moi (trois fois). Et il s’approche des saints Mystères,
avec crainte et tremblement, et prend une parcelle du saint
Pain et dit : Voici queje m'approche du Christ, le Roi immortel et
notre Dieu. A moi N., prêtre indigne, est donné le corps précieux
et très saint de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ, pour
la rémission de mes péchés et pour la vie éterjielle.
Il appelle ensuite le diacre et lui dit: Diacre, approche.
Le diacre: Voici que je m ’approche du Christ, le Roi immortel
et notre Dieu. Donne-moi, Maître, à moi l ’indigne diacre N.,
le corps précieux et très saint de notre Seigneur, Dieu et Sauveur
Jésus-Christ, pour la rémission de mes péchés et pour la vie
éternelle.
Le prêtre prend ensuite le saint calice et dit: A moi N., prêtre
indigne, est donné aussi le Sang précieux, très saint et vivifiant
de notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Et il boit trois
fois du calice, et il embrasse celui-ci et l’élève en disant: Ceci
a touché mes lèvres, effacé mes iniquités et purifié mes péchés'.
Puis il dit: Diacre, approche de nouveau.
Le diacre approche en disant: Voici que je m ’approche de
nouveau du Christ, le Roi immortel et notre Dieu. Donne-moi,
Maître, le Sang précieux, très saint et vivifiant de notre Seigneur,
Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
Le prêtre prend le calice et fait communier le diacre trois fois
en d isant : A toi, très pieux diacre N., est donné le Sang précieux,
très saint et vivifiant de notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-
Christ, pour la rémission de tes péchés et la vie éternelle. Ensuite,
le di acre baise le saint calice, et le prêtre élève celui-ci en disant :
Ceci a touché tes lèvres, effacé tes iniquités et purifié tes péchés.

Ceci a touché mes lèvres

Après avoir communié avec crainte et tremblement au très Saint Corps


et au Sang immaculé du Seigneur, le célébrant embrasse le calice et dit:
Ceci a touché mes lèvres, effacé mes iniquités et purifié mes péchés.
Cette parole a été dite par fange au prophète Isaïe lorsque, appelé à la
dignité prophétique, l’un des séraphins lui fut envoyé, tenant dans sa main
une braise qu’il avait prise avec des pinces sur l’autel et lui en toucha la
bouche (Is 6, 6-7). Le charbon ardent symbolisait le Christ. « De même
1. Is 6, 7.
que le charbon est par nature du bois, mais a été rempli entièrement de
feu et a le pouvoir et l’efficacité du feu, ainsi en est-il du Christ... Bien
que, selon la divine économie, Il fût et apparût comme un homme tel que
nous, la plénitude de la Divinité demeurait en Lui (Col 2, 9). Aussi, il est
fort approprié pour l’Emmanuel d’être représenté par un charbon ardent
puisque, s’il touche nos lèvres, Il ôtera assurément tous les péchés et II
purifiera toutes nos iniquités1. »
L’ange n’osait pas toucher de la main le charbon, le symbole du Christ,
et utilisa une pince. Le célébrant, cependant, reçoit le Christ Lui-même
dans ses mains, sur ses lèvres, et en lui. Saint Jean Chrysostome observe:
« Si tu considères la valeur des saints Dons présentés et que les séraphins
mêmes n’avaient pas été dignes d’y toucher. Si tu te représentes cependant
l’amour de ton Seigneur pour les hommes, tu admireras comme la grâce
du Saint Corps et du Sang n’hésite pas à descendre même jusqu’à notre
bassesse. Songeant à cela, ô homme, et considérant l'immensité du don,
lève-toi enfin, abandonne la Terre et monte au Ciel123. »
Notre attachement aux choses terrestres est un obstacle à ce que la sainte
communion porte ses fruits en nous. Saint Syméon le Nouveau Théologien
écrit: « Car ce Pain, dans l’ordre sensible, ne paraît qu’une bouchée à ceux
qui ne sont pas allés au-delà de la sensation mais, dans l’ordre spirituel c’est
une lumière impossible à contenir et à approcher... Si donc, en mangeant
le Pain divin et en buvant le Vin d’allégresse, tu n’as pas été en mesure de
connaître que tu vis d’une vie incorruptible, que tu as accueilli en toi ce
Pain comme lumière ou même comme feu... comment présumes-tu avoir
communié à la vie ? Comment te figures-tu avoir touché le feu inaccessible
ou supposes-tu avoir eu la moindre part à la lumière éternelle? Certaine­
ment cela n’est jamais arrivé à quelqu’un d’aussi insensible que toi sur ce
point; la lumière t’éclaire, mais tu es aveugle; le feu te réchauffe, mais ne
t’a pas embrasé; la vie t’a effleuré de son ombre, mais ne s’est pas unie à
toi1. »
Afin de recevoir en nous la vie éternelle, approchons-nous de la sainte
communion avec une âme pure et « un ardent désir, les paumes des mains
en croix [l’une sur l’autre], et recevons le corps du Crucifié. Portant sur Lui
les yeux, les lèvres et le front, participons au charbon ardent divin. Ainsi,
le feu de notre amour ardent sera enflammé par le Charbon divin, brûlera

1. Sailli Cyrille d ’Alexandrie, « Sur Isaïe ». IV, PC 70. 181BD.


2. H o m é l i e s u r Isa ïe, VI, 3, PG 30, 139.
3. D is c o u r s é th iq u e s , XIV, SC 129, 440.
nos péchés, illuminera nos cœurs, et nous prendrons feu et serons déifiés
par la participation au feu divin1».

Après la communion du prêtre et du diacre, ce dernier tient le


discos au-dessus du calice, transférant avec soin les parcelles
du saint Pain dans le calice, en disant:
Ayant contemplé la résurrection du Christ, adorons le saint
Seigneur Jésus, le Seul sans péché. Nous vénérons Ta Croix ô
Christ et nous chantons et glorifions Ta sainte résurrection, car
Tu es notre Dieu, nous n’en connaissons nul autre que Toi; Ton
nom, nous le proclamons. Venez, tous les croyants, adorons la
sainte résurrection du Christ. Voici que par la Croix, la joie est
venue dans le monde entier. Bénissant le Seigneur en tout temps,
nous chantons Sa résurrection, car, ayant enduré la Croix pour
nous, Il a détruit la mort par la mort-.
Resplendis, resplendis, nouvelle Jérusalem, car la gloire du
Seigneur s’est levée sur toi. Exulte maintenant et sois dans l ’allé-
j grosse Sion. Et toi, toute pure Mère de Dieu, réjouis-toi en la
Résurrection de Ton Fils.
O voix divine, aimée et douce qu’est la Tienne! Tu as promis en
vérité ô Christ d ’être avec nous jusqu’à la fin des siècles; et nous,
fidèles, possédant cela comme une ancre d ’espoir, nous exultons
de joie.
O Pâque grande et très-sacrée, ô Christ, ô Sagesse et Verbe et Puis­
sance de Dieu, donne-nous de communier avec Toi d ’une façon
plus parfaite au jour sans soir de Ton Royaume-.
Et il essuie soigneusement les parcelles qui sont restées sur le
discos et les verse dans le calice, en disant : Lave, Seigneur, par
Ton Sang précieux et les prières de la Mère de Dieu et de tous Tes
saints, les péchés de ceux dont il a étéfa it mémoire ici. Amen.

Nous pouvons toujours célébrer Pâques


Notre participation à la divine communion est « la véritable confession
et le rappel que le Seigneur est mort et ressuscité, et pour nous et à cause de123

1. Saint Jean Damascène, Sur la foi orthodoxe, IV, 86, PG 94, 1149AB.
2. Heures pascales.
3. Matines de Pâques, canon, 9e ode.
nous1». Cette réalité est maintenant confirmée par le célébrant qui, après
avoir communié, récite quatre tropaires de la Résurrection alors qu’il place
le Saint Corps du Christ dans le calice.
Dans la divine liturgie, nous avons vu la Résurrection du Christ célébrée
dans l’assemblée eucharistique. Maintenant, par la sainte communion,
nous vivons cette Résurrection dans notre existence même, car « le Maître
en personne, le Christ, ressuscite en nous, tout de blanc vêtu et fulgurant
des éclairs de l’incorruption et de la Divinité-1
2».
L’apôtre Paul nous assure que chaque fois que nous communions
au Saint Corps et au saint Sang du Christ, nous proclamons Sa mort
(1 Co 11, 26). Aussi, étant donné que « nous pouvons continuellement
proclamer la mort du Seigneur, nous pouvons ainsi toujours célébrer
Pâques3 ». Chaque assemblée liturgique est la Résurrection du Christ, et
chaque sainte communion est la résurrection de l’homme qui y participe.
« La résurrection de l’âme, c’est l’union avec la vie: de même en effet que
le corps mort, à moins de recevoir en lui l’âme vivante et de lui être mêlé
sans mélange, n’est pas réputé vivre et ne peut vivre, l’âme non plus, seule
et par elle-même, ne peut vivre à moins d’être, de manière ineffable et sans
confusion, unie à Dieu, la véritable vie éternelle45.»
Lorsque le fidèle reçoit la communion sans condamnation, sa vie entière
est « une Pâque unique, le passage et la migration du monde sensible au
monde intelligible... Où nous jouirons éternellement en toute pureté,
purs nous-même, du sacrifice très pur en Dieu le Père et l’Esprit consubs­
tantiel, voyant sans cesse le Christ et vus de Lui, vivant avec le Christ,
régnant avec le Christ3 ».

Ensuite, le diacre se tourne vers le peuple et dit : Avec crainte de


Dieu, foi et amour, approchez.
Le chœur : Amen, amen, amen. Béni soit celui qui vient au nom
du Seigneur.

1. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, XII, PG 74, 725D.


2. Saint Syméon le Nouveau Ihéologien, Catéchèses, XIII, SC 104, 198.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur la Pentecôte, I, 1, PG 30, 454.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses, XIII, SC 104, 194-196.
5. U., Traités éthiques, XIV, SC 129, 442.
LA DI VIN E LITU RG IK DE SAI NT JEAN CHRYSOSTOM E

Préparation pour s’approcher du calice

Le célébrant nous appelle maintenant à nous approcher pour recevoir en


nous le Christ. C ’est le moment le plus sacré de notre vie, et nous veillons
à ce que l’attitude de notre âme et de notre corps soit appropriée à l’événe­
ment que nous vivons.
Saint Jean Chrysostome dit à ce sujet: « Lorsque vous allez vous appro­
cher de cette Table divine et redoutable, cette mystagogie sacrée, approchez
avec crainte et tremblement, avec une conscience pure, dans le jeûne et la
prière. Sans faire de bruit, sans piétiner et poussant ceux qui sont autour
de vous. Ce désordre est le signe de la plus grande folie et du mépris des
saints Mystères1. » Et le saint de demander: « Dis-moi, ô homme, pour­
quoi t’agites-tu? Pourquoi te presses-tu? Es-tu peut-être pressé de vaquer
à tes affaires ? En ce moment, la pensée même que tu as du travail à faire
saurait-elle te traverser? Cela n’est-il pas la preuve d’un cœur de pierre que
tu penses être à ce moment sur terre, plutôt que de participer au chœur
des anges123? »
L’expérience des événements liturgiques nous conduit à la piété, et
la piété attire la miséricorde de Dieu. Les rites accomplis dans la divine
liturgie « sont appelés et sont réellement des “Mystères”. Et là où sont
accomplis les Mystères, il y a beaucoup de silence. Participons donc à cette
offrande sacrée en grand silence, de façon très ordonnée, avec la piété qui
convient. Ainsi, nous attirerons plus l’amour de Dieu, nous purifierons nos
âmes et nous obtiendrons les biens éternels2 ».
Cependant, pour nous approcher de façon appropriée au moment de la
sainte communion, nous avons besoin de nous y préparer par avance. Car
« s’il est vrai que Dieu nous donne gratuitement toutes les choses saintes, et
que nous, nous n’apportons notre contribution pour aucune d’elles, mais
que ce sont absolument des grâces de Sa part, cependant II exige nécessai­
rement de nous que nous devenions aptes à les recevoir et à les garder; et il
ne ferait point participer à la sanctification ceux qui ne seraient pas disposés
de la sorte... Ce divin procédé, le Christ l’a exposé dans la parabole des
semailles. Celui qui sème, dit-il, est sorti (Mt 13, 3), non pour labourer la

1. Sur la Nativité de Jésus-Christ, VII, PG 49, 360.


2. Sur le saint baptême de Jésus-Christ, IV, PG 49, 370.
3. Ibid., PG 49. 372.
LA D I V I N E L IT U R G IE

terre, mais pour semer : montrant par là que le labour et tout le travail de
préparation doivent avoir été préalablement accomplis par nous1».
En nous préparant du mieux que nous pouvons, nous acquérons « plus
de profit des divins Mystères. Car en fonction de la plus ou moins grande
préparation que fait l’homme, il reçoit une plus ou moins grande grâce de
la sainte communion »-. La préparation spirituelle consiste à cultiver en
nous la foi, la crainte de Dieu et l’amour. Et cet effort exige la prière, le
jeûne, la confession et le repentir constant.

Avec foi, crainte de Dieu et amour

La foi, la crainte de Dieu et l’amour constituent la manière avec laquelle


nous devons nous approcher du calice de la vie et communier au Christ.
La foi est le point de départ de la vie en Christ. C’est de la foi que nous
naissons en Christ, et c’est par la foi que nous existons et vivons en Christ.
« Toute l’économie, avec la condescendance du Fils de Dieu, a été accom­
plie pour vous rendre, en vertu de la foi en Lui et de l’observation de Ses
commandements, participants de Son Royaume et de Sa Divinité123. »
La foi consiste « à s’attacher à ce que nous ne voyons pas comme si nous
le voyions *». Dans la divine liturgie, le fidèle voit le Christ qui est invi­
siblement présent. « Le Corps même est devant nous... Non seulement
pour que nous Le touchions, mais pour que nous le mangions et que nous
nous en emplissions. Allons donc, mes frères, toucher aussi nous-mêmes
la frange du vêtement de Jésus-Christ, ou plutôt, si nous le voulons, allons
posséder Jésus-Christ tout entier. Car nous avons maintenant son corps
entre nos mains. Ce n’est plus Son seul vêtement. C’est son propre corps
qu’il nous donne, non pour Le toucher seulement, mais pour Le manger et
pour en nourrir nos âmes. Approchons-nous-en donc avec une foi fervente,
nous tous qui sommes malades. Si ceux qui touchèrent alors la frange de
Son vêtement (Mt 14, 36; Le 8, 46-47) en ressentirent un si merveilleux
effet, que doivent attendre ceux qui le reçoivent tout entier? Mais pour
s’approcher de Jésus-Christ avec foi, il ne suffit pas de Le recevoir extérieu­

1. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu r g ie , I, SC 4 bis, 57-59.


2. Saint Nicodème l’Hagiorite, E xercices sp iritu e ls, Méditation XXVI, III, 6l édition, Rigopoulos,
Thessalonique, 1971, p. 220.
3. Saint Syméon le Nouveau Théologien, D isc o u rs é th ia u e s , III. SC 177. 41 «
rement. Il faut encore le toucher avec un cœur pur, et savoir, lorsqu’on s’en
approche, qu’on s’approche de Jésus-Christ même1. »
***

De la foi naît la crainte de Dieu lorsque le cœur est libre des soucis
terrestres. Abba Isaac écrit que « la crainte de Dieu est le commencement
de la vertu. Comme on l’a dit, elle naît de la foi et elle est semée dans le
cœur de 1homme lorsqu’il retire sa pensée des distractions du monde2 ».
La crainte de Dieu est double: « L’une naît en nous des menaces du
châtiment, et elle engendre dans l’ordre la tempérance, l’espérance en
Dieu, l’impassibilité, d’où vient l’amour. L’autre est liée à cet amour. Elle
porte toujours dans l’âme la piété, pour que, par la liberté de l’amour, on
n’en vienne pas à mépriser Dieu ’. »
Lorsque l’homme atteint cet état, il ne craint rien d’autre que de tomber
des hauteurs de l’amour. Aussi, après avoir communié au Christ, qui
est l’Amour, nous Lui demandons : Ajfermis-nous dans Ta crainte\ Nous
demandons la crainte que possède l’âme du parfait dans la vertu : « Voilà
celui qui possède l’amour véritable... et cet amour le porte à la crainte
parfaite. Car il craint et il garde la volonté de Dieu, non plus à cause des
coups, ni pour éviter le châtiment, mais parce qu’ayant goûté la douceur
d’être avec Dieu... il redoute de la perdre, il redoute d’en être privé. Cette
crainte parfaite, née de cet amour, bannit la crainte initiale. Et c’est pour­
quoi saint Jean dit que l ’amour parfait bannit la crainte (1 | n 4, 18) \ »
* * *

Lorsque l’homme ressent que son cœur déborde de l’amour pour le


Christ, il ressent la nécessité de communier et de s’unir avec l’Amour. Le
moment où l’homme reçoit en lui le Seigneur est le mouvement de l’amour
divin qui est offert et de l’amour humain qui s’approche pour recevoir
l’offrande. Le Saint Corps et le saint Sang du Christ sont l’amour éternel.
Saint Ignace le Théophore dit: « C’est le Pain de Dieu que je veux... et
pour boisson je veux Son sang, qui est l’amour incorruptible'’. » Le Christ
« ne s’est pas contenté de devenir homme, d’être souffleté et immolé, mais
1. h t , S u r Matthieu, L, 2, PC S,S. 507.
2. D isc o u rs ascétiques, 1, p. 3, traduction française du père Placide Deseille, op. cit ., p. 37.
3. Saint Maxime le Confesseur, C e n tu r ie s s u r la cha rité , I, 81, SC 9, 86.
4. l iturgie. Prière d’action de grâces après la sainte communion.
3. Abba Dorothée, D isco u rs, IV, 1, SC 92, 221-223.
6. A u x R o m a in s, VII, SC 10, 117.
Il a voulu aussi se mêler à nous de telle sorte qu’il nous transforme en Son
propre corps, non pas seulement selon la foi, mais aussi en réalité' ». Le
Christ « souhaite venir dans nos cœurs par le moyen de ce Mystère... Ô
amour réellement divin et inexorable! Ou plutôt, ô flammes de l’amour
qui montent jusqu’au Ciel’! ».
Les saints Pères nous implorent de répondre à cet amour divin :
« Consacre-toi tout entier à Dieu par ce Mystère, recevant avec amour ce
Jésus aimé qui, par Son amour extrême, a disposé un tel Mystère aimé, afin
qu’une union céleste et d’amour prenne place entre Dieu qui aime et toi
qui as été aimé5. »
Nous montrons notre amour et notre gratitude envers notre Bienfai­
teur, et de nouveaux dons nous inondent. Nous goûtons déjà au Royaume
céleste. « Aimons le Christ comme il convient de L’aimer. Notre amour
même pour Lui est la grande récompense [que Dieu nous offre] : cet amour
est le Royaume de Dieu et le plaisir. C ’est la joie, la gloire et l’honneur.
C’est la lumière. C ’est là cette félicité infinie que la langue ne peut exprimer
ni l’esprit comprendre'1. » « Le Paradis est l’amour de D ieu... Quand nous
avons trouvé l’amour, nous sommes nourris du Pain céleste... Celui qui
a trouvé l’amour mange le Christ chaque jour et à toute heure, et il en
devient immortel... Bienheureux celui qui mange le Pain de l’amour, qui
est Jésus! (Jn 6, 58)... L’amour est le Royaume. C ’est de cet [amour] que le
Seigneur a mystérieusement promis à Ses apôtres qu’ils se nourriront dans
Son Royaume : Mangez et buvez à la table de mon Royaume (Le 22, 29-30).
De quoi s’agit-il, sinon de l’amour? Car l’amour est capable de nourrir
l’homme à la place d’aliments et de boisson. Il est le vin qui réjouit le cœur
de l’homme (Ps 103, 15). Bienheureux celui qui boit de ce vin'’! »
La divine liturgie est le Royaume de Dieu, et la nourriture au Banquet
du Royaume est l’amour. Par le repentir et la crainte de Dieu, nous traver­
sons la mer de cette vie et nous arrivons à l’amour. « Le repentir est le
navire; la crainte est son pilote, et l’amour est le port divin. La crainte
nous embarque donc sur le navire du repentir, elle nous fait traverser la
mer de cette vie et nous amène au port divin, qui est l’amour, vers lequel
se dirigent tous ceux qui, par le repentir, se donnent de la peine et portent12345

1. Saint Jean Chrysostome, S u r M a tth ie u , LXXXII, 5, PG 58, 743.


2. Saint Nicodcme l’Hagiorite, E xercices sp iritu e ls, Méditations, 26, II, op. cit., p. 217.
3. Ib id ., p. 217-218.
4. Saint Jean Chrysostome, S u r l'E p îtr e a u x R o m a in s, V, 7, PG 60, 431.
5. Saint Isaac le Syrien, D isc o u rs 7 2 , trad. française op. cit. p. 437.
leur fardeau (Mt 11, 28). Et quand nous serons parvenus à l’amour, nous
serons parvenus à Dieu1 »

Lorsqu’il donne la communion aux fidèles, le prêtre dit à


chacun : Le serviteur de Dieu N. communie au Corps et au Sang
de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ, pour la rémis­
sion des péchés et la vie éternelle. Amen.
Pendant que les fidèles communient, le chœur chante : À Ta
cène mystique, fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu,
car je ne dirai pas le secret à Tes ennemis, ni ne Te donnerai le
baiser de Judas. Mais comme le larron je Te crie: souviens-Toi de
\ moi, Seigneur, dans Ton Royaume.

Il appelle les brebis par leur nom

Tandis que le célébrant donne le Saint Corps et le saint Sang du Seigneur


à chaque fidèle, il l’appelle par son nom. Par le nom qui lui a été donné
lorsqu’il a été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et est
devenu fils de Dieu selon la grâce.
Le moment de la sainte communion est celui de notre rencontre person­
nelle avec le Seigneur. Par la bouche du célébrant, le bon Pasteur, le Christ,
appelle ses brebis une à une: Il appelle Ses brebis par leur nom (Jn 10, 3).
Les fidèles s’approchent de Lui et reçoivent de Ses très pures mains la nour­
riture qui donne l’incorruption. « Lorsque tu vois le prêtre te donner les
saints Mystères, ne pense pas que c’est Lui qui le fait, mais crois que la
main qui s’étend est celle du ChrisL. »
Le Christ n’est pas seulement le Pasteur, mais II est aussi la porte pour
les brebis, le véritable portail de la vie. Et les brebis entrent et sortent, et
trouvent la nourriture (Jn 10, 9) qui est à nouveau le Christ Lui-même.
« Quel pasteur a jamais donné comme nourriture à ses brebis ses propres
membres? Mais que dis-je un pasteur? Ne voyons-nous pas des mères qui,
après les douleurs de l’enfantement, mettent leurs enfants entre les mains
d’autres femmes qui les nourrissent? Mais Jésus-Christ n’a pu endurer de
le faire. Il nous nourrit Lui-même de Son propre sang, et en toutes façons
nous incorpore ?t Lui. Car par les saints Mystères, Il se mêle à chacun des12

1. Ibid., p. 283, traduction française, p. 437.


2. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, I., 3, PG 38, 507.
fidèles qu’il a fait renaître [dans le baptême], et se donne Lui-même à eux
pour être leur nourriture, sans les confier à quelqu’un d’autre1. »

Nous et le Christ sommes un

Si la divine liturgie dans son intégralité est l’océan de la grâce et de


l’amour de Dieu, si dans toute la divine liturgie nous recevons les dons de
la Grâce, nous recevons en cet instant de la Sainte Communion le Dona­
teur de ces biens Lui-même, le Christ. « Car ce n’est pas à quelque don de
Lui que nous avons part, mais à Lui-même ’. »
Par la sainte communion, nous devenons un seul Corps avec le Christ:
« Tu prends le Seigneur dans tes bras, tu te mélanges avec Son Saint Corps,
tu te confonds avec le Corps qui se trouve dans les Cieux », dit saint Jean
Chrysostome’. Le Sang très pur du Maître est mélangé avec notre sang et
transforme notre âme. « Il la rend vigoureuse et pure; il la conduit à une
beauté que le langage humain ne peut expliquer », celle de l’Archétype
divin1 234. Nous hommes avons été créés à l’image de Dieu, et « ce Sang forme
en nous une brillante et royale image: il produit une incroyable beauté,
il ne laisse pas la noblesse de l’âme se flétrir, car II l’arrose souvent et la
nourrit... Ce sang est la sanctification et le salut de l’âme. C’est Lui qui
la lave, la purifie, l’orne, l’enflamme, c’est Lui qui rend notre intelligence
plus brillante que le feu, notre âme plus resplendissante que l’or56».
Le Christ qui vient en nous ne sanctifie pas seulement notre âme, mais
toute notre existence. Car, par la divine communion, se mêlent « notre
corps à Son corps, notre sang à Son sang... O grandeur des mystères! Il
est donc possible que l’esprit du Christ se fonde avec notre esprit et Son
vouloir avec notre vouloir, que Son corps soit mélangé à notre corps et
Son sang à notre sang! Que devient notre esprit quand l’Esprit divin s’en
est rendu maître! Que devient notre vouloir quand le vouloir bienheureux
le subjugue! Que devient notre argile [notre corps] quand un tel feu [de
la Divinité] a triomphé d’elle'1»! La communion aux Mystères très purs

1. Ibid., l.XXXII, S, PC, 58, 744.


2. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, IV, SC 355, 269.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur l'Epître aux Colossiens, VI, 4, PC 62, 342.
4. Id., Sur l'Épître aux Hébreux, XVI, 2, PG 63, 125.
5. Id., Sur Jean, XLVI, 3, PG 59, 261.
6. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, IV, SC 355, 271.
rend « ceux qui y prennent part dignement, par grâce et participation,
semblables à Celui qui est le Bien selon la cause1 ».
Mû par amour, Dieu nous a transmis le mystère de la divine commu­
nion pour que nous soyons déifiés. Le Christ s’est sacrifié « Lui-même pour
nous par Sa mort sur la Croix, et II s’offre continuellement Lui-même,
nous donnant quotidiennement Son corps immaculé comme un festin qui
nourrit nos âmes, de telle façon qu’en le mangeant et en buvant Son Sang
précieux, nous puissions par cette participation croître consciemment en
stature spirituelle... et [être] reformés sous une forme plus pure... Ainsi,
nous ne nous appartiendrons plus à nous-mêmes, mais à Celui qui nous a
unis avec Lui par la Table immortelle’ ».
Saint Syméon le Nouveau Théologien exalte le Seigneur, après la divine
communion :
« Quelle est Ta miséricorde sans mesure, Sauveur ?
Comment as-Tu daigné me faire membre de Ton corps,
moi l’impur, le prodigue, le prostitué?
Comment m’as-Tu revêtu de la robe éclatante,
fulgurante d’une splendeur d’immortalité,
qui change en lumière tous mes membres ?
Car Ton corps, Ton corps immaculé, divin,
est tout fulgurant du feu de Ta Divinité
auquel il est indiciblement mêlé et conjoint...
Je me suis uni, je le sais, également à Ta Divinité
et suis devenu Ton corps très pur,
membre brillant, membre réellement saint,
membre resplendissant, transparent, lumineux123. »

Ce mystère inexprimable de l’union de Dieu et de l’homme est décrit par


saint Jean Chrysostome en une seule phrase: « Nous et le Christ sommes
un4. »

1. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, XXI, PG 91, 697A, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. cit., p. 128.
2. Saint Nicétas Stéthatos, Chapitres physiques, 94, Philocalie, volume III, 323, traduction fran­
çaise, op. cit., t. II, p. 314.
3. Hymnes, II, 1-17, SC 156, 176-178.
Le Christ nous nourrit dans les deux mondes

La sainte communion est favant-goût du Royaume de Dieu: le Christ


nous est donné afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il
ait la vie éternelle (Jn 3, 16). Par la sainte communion, le Royaume à venir
point dans nos âmes.
Nos frères défunts qui ont été sauvés font aussi l’expérience de cet avant-
goût du Royaume de Dieu, car ils reçoivent également la sanctification de
la sainte communion. « Ce qui procure à ceux de l’au-delà toute joie et
toute félicité - que vous donniez à cet au-delà le nom de Paradis, ou de
sein d’Abraham... ou que vous l’appeliez le Royaume proprement dit -, ce
n’est rien d’autre que cette Coupe et ce Pain... Voici pourquoi le Seigneur
Lui-même a désigné sous le nom de banquet le bonheur futur des justes
(Le 14, 16) : Il voulait montrer que dans l’au-delà il n’y avait rien de plus
que cette Table sainte1. »
La divine liturgie est l’assemblée des enfants de Dieu, qui attendent que
leur Seigneur revienne des noces, afin de Lui ouvrir dès qu’i l arrivera etfrap­
pera. Et le Seigneur se ceindra, lesfera mettre à table, et s’approchera pour les
servir (Le 12, 36-37). Nous attendons Celui qui doit venir et en même
temps nous communions à Son Corps et à Son Sang. Nous participons à
la joie à venir. Ainsi, la mort n’est rien d’autre que notre passage de la vie
éphémère à la vie éternelle. Un passage de la Table de l’Eucharistie à celle
du banquet du Royaume: « Unique est la vertu de la Table, unique Celui
qui y reçoit dans l’un et l’autre monde:. »

Après avoir donné la communion au peuple, le prêtre dit:


Sauve, ô Dieu, Ton peuple, et bénis Ton héritage\
Le chœur: [Le Seigneur est Dieu et II nous est apparu']. Nous
avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l ’Esprit céleste, nous
avons trouvé la vraie foi, nous adorons l ’indivisible Trinité, car
c’est elle qui nous a sauvés\
Le diacre dit au prêtre: Exalte, Maître.
Le prêtre encense trois fois les saints Dons, en disant: Sois
exalté au-dessus des deux, à Dieu, et que sur toute la Terre
1. Saint Nicolas Cabasilas, E xplication de la d iv in e liturgie, XI.III, 45, SC 4 bis, 249-251. 257.
2. I d , La Vie en Christ, IV, 109, SC 355, 357.
4. Ps 27, 9.
4. Ps 117. 77.
resplendisse Ta gloire'.
Le prêtre, élevant le calice, dit à voix basse devant la sainte
Table: Béni soit notre Dieu et, se tournant vers le peuple, il dit
à voix haute : En tout temps, maintenant et toujours et dans les
siècles des siècles. Il porte ensuite le calice sur l’autel de prothèse.
Le chœur : Amen [Amen, Amen. Pour la rémission des péchés et
la vie éternelle]. Et le tropaire : Que nos lèvres s’emplissent de Ta
louange, Seigneur, afin que nous chantions Ta gloire; car Tu nous
as rendus dignes de communier à Tes saints, divins, immortels et
vivifiants Mystères. Garde-nous dans Ta sainteté, afin que lejour
entier nous méditions Ta justice. Alléluia. Alléluia. Alléluia'.

Nous avons vu la vraie lumière


Par la sainte communion, le fidèle reçoit en lui La vraie lumière. Son âme
est unie au Christ, le Soleil de justice. Son intellect est « entièrement entre­
mêlé avec Dieu et tout illuminé par la lumière divine ' ». Le Christ devient
pour le fidèle qui a communié à Lui :

Lumière et paix et joie, vie, nourriture et boisson,


vêtement, habit, tente et maison divine...
soleil véritablement sans déclin et astre toujours brillant,
lampe qui brille au-dedans de la maison de ram e4.

Nous avons reçu dans nos âmes non pas simplement « quelque rayon
de lumière, mais le disque solaire lui-même5 ». Nous sommes devenus,
selon la grâce, des soleils qui accompagnent l’unique Soleil. Car le Christ,
« ayant embrassé toutes choses par Sa force illuminatrice, donne à ceux
qui en sont dignes la lumière perpétuelle, et en fait de nouveaux soleils6».
Saint Grégoire Palamas, révélant les expériences de sa sainte vie, parle
de l’entrée de l’homme dans l’espace de la véritable Lumière: le Christ
« ne s’est pas borné à unir Son Hypostase divine à notre nature... mais
1. 1\ SC, 6.
2. Cette hymne a été chantée pour la première fois à cet endroit de la liturgie sous le patriarcat de
Serge de Constantinople, en 624 (C h r o n iq u e pascale, 351, Olympias, PG 92, 1001). Ps 70, 8.
3. D isco u rs s u r A b b a P h ilé m o n , P h ilo c a lie , volume 11, p. 251, traduction française, op. cit., t. I,
p. 613.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, H y m n e s, XLV, 32-39, SC 196, 105.
5. Saint Nicolas Cabasilas, L a V ie e n C h r is t , IV, 584 D, SC 355, 269.
6. Saint Grégoire Palamas, C o n tr e A k y n d in o s , V, 6.22, édition Chrestou, t. 111, ’Thessalonique,
Il s’unit... aux hypostases humaines elles-mêmes, en se confondant Lui-
même avec chacun des fidèles par la communion à Son Saint Corps,
puisqu’il devient un seul Corps avec nous et fait de nous un temple de la
Divinité tout entière - car dans le Corps même du Christ habite corporelle­
ment toute la plénitude de la Divinité (Col 2, 9) - comment n’illuminerait-
11 pas ceux qui communient dignement au rayon divin de Son Corps...
comme II illumina les corps mêmes des disciples sur le Thabor1? »
La lumière du Christ illumine l'homme entier et le conduit à la vision
des mystères de Dieu : « La présence de la Lumière divine, puisqu'elle est
simple et unifiée, rassemble en elle les âmes qui participent et les fait se
tourner vers elle... Elle conduit vers les profondeurs de Dieu la faculté
de vision de leur intellect, de telle façon qu'elles contemplent les grands
mystères et deviennent initiées et capables d’initier12. »
Le Mystère eucharistique - le mystère du Soleil de justice - s’est levé
dans notre monde depuis la Lumière du Père ; il est célébré par la Lumière
du monde, qui est le Christ; et il est sanctifié par la Lumière du Paraclet.
Avant la venue du Christ, le prophète David a prophétisé : Dans Ta lumière,
nous verrons la lumière (Ps 35, 10). Maintenant, nous aussi, après la sainte
communion, « nous avons vu et nous prêchons: de la lumière —le Père —,
nous saisissons la lumière - le Fils - , dans la lumière - l’Esprit - théologie
brève et simple de la Trinité... Lumière, lumière et lumière, mais une seule
Lumière, un seul Dieu3 ».
L’homme créé est entièrement illuminé par la Lumière divine, il est
séparé de la création et uni à Dieu :

De nouveau la Lumière m’illumine, de nouveau elle se fait clairement


voir,
de nouveau elle ouvre les cieux, de nouveau elle déchire la nuit,
de nouveau elle crée tout, de nouveau je ne vois plus qu elle,
de nouveau elle me fait sortir de toutes les réalités visibles...
et, alors quelle est au milieu de tout ce qui est, elle me fait sortir de
tout4.

1. Défense des saints hésychastes, I, 3, 38, édition J. Mcyendorff, op. cil., t. I p. 102.
2- Saint Nicctas Stéthatos, Centurie sur la connaissance spirituelle, XX, Philocalie, volume III, 331.
3. Saint Grégoire le lliéologien, Discours X X X I, 3, SC 230, 281.
Le Christ, la Lumière du monde, disperse les ténèbres du siècle présent.
Il ouvre les deux et nous conduit dans l’espace du siècle nouveau. Là, le
fidèle rencontre la Lumière, qui est « la beauté du siècle éternel à venir, le
Royaume de Dieu sans commencement et sans succession1 ». Là, dans le
Royaume, il n’y aura plus de nuit; nul n’aura besoin de la lumière dn flam­
beau ni de la lumière du soleil (Ap 22, 5). Là brille la lumière du visage du
Christ’.
***

La divine liturgie entière, comme image du Royaume à venir, est


illuminée par la lumière du Christ. Le saint néomartyr Jacques de la
Sainte Montagne vit, avec ses yeux purs, l’invisible: « Alors que le prêtre
commençait à revêtir ses ornements, la lumière des anges brilla devant
lui, semblable à la lumière de l’aurore. Lorsqu’il commença la prothèse,
quatre milices angéliques vinrent et se tinrent aux quatre coins de l’église.
Après qu’il eut achevé la prothèse et couvert les précieux Dons avec les
saints voiles, la lumière se répandit et les couvrit - car les voiles visibles
manifestent la lumière intelligible qui couvre les Dons. Lorsque vint le
moment de la Grande Entrée et que le prêtre sortit avec les saints Dons, la
lumière le précédait et recouvrait tous les fidèles. Lorsque ensuite les saints
Dons furent placés sur la sainte Table, cette lumière l’entourait, comme
le croissant de lune. Au milieu du cercle lumineux se trouvait le prêtre
avec les saints Dons, tandis qu’à l’extérieur se tenaient les anges avec défé­
rence, sans oser s’approcher. Cette lumière ne quitte pas le prêtre pur, mais
devient une avec lui, et de la bouche de celui-ci sort une flamme lumineuse
quand il lit l’Évangile et les prières. Et lorsqu’il élève ses mains, de ses
doigts s’épanche la lumière. »
Et le saint continue: « J’ai vu le Seigneur, après la consécration, comme
un jeune enfant assis sur le discos dans la lumière... Et lorsque la divine
liturgie fut achevée, je vis à nouveau le jeune Enfant avec les saints anges
s’élever avec gloire et honneur dans le Ciel1 3. »
2

1. Saint Grégoire Palamas, Défense des saints hésychastes, II 3, 34, Chrestou 1, p. 586-587, Meyen-
dorff, op. cit., tome II, p. 496.
2. Prière des diptyques* après la Consécration.
3. « Vie du moine et martyr Jacques de la Sainte Montagne (1er novembre) », volume XI, 5e édi­
tion, Athènes, Mathaios Lagges, 1979, p. 43-44. Voir résumé dans Macaire de Simonos Pe-
tras, Le Synaxaire, tome II, édition Indiktos, 2010, p. 15.
Sois exalté au-dessus des deux, ô Dieu

Après avoir placé les saints Dons sur l’Autel, le prêtre les encense trois
fois et récite le verset du psaume : Sois exalté au-dessus des deux, ô Dieu et
que sur toute la Terre resplendisse Ta gloire (Ps 56, 6). « Lorsque tu entends
les mots Sois exalté, n’imagine pas que le prophète David demande à Dieu
qu’il reçoive une gloire supplémentaire, car II n’a pas besoin de gloire...
Il fait principalement allusion au mode de glorification dans le Ciel, où
les anges exaltent et glorifient Dieu. Mais [le prophète] veut que la gloire
de Dieu soit exaltée sur toute la Terre, à l’instar de ce qui se produit au
Ciel1. » En outre, en disant ces paroles, c’est comme si l’on disait au Christ :
« Malgré que Tu Te sois abaissé pour notre salut par la kénose volontaire
de l’incarnation et sois devenu obéissantjusqu’à la mort (Ph 2, 8), monte à
nouveau maintenant au Ciel, car après Ton ascension, Tu rempliras toute
la Terre de Ta gloireu »
Chaque fois que la divine liturgie est célébrée, le Christ descend des
Cieux pour notre salut. A ce moment, Il remonte aux Cieux. Nous fidèles,
avec les yeux de l’âme, voyons l’Ascension du Christ. Et à l’instar des
disciples lors de cet événement, nous louons et bénissons Dieu maintenant
avec une grande joie (Le 24, 52-53), car la Lumière de Sa gloire et de Son
amour reste aussi sur la Terre et illumine le monde.
* * *

Avec la communion des fidèles, nous sommes arrivés à la fin du Mystère


eucharistique. Le prêtre et les fidèles concluent par l’action de grâces à Dieu
et par la louange : Que nos lèvres s’emplissent de Ta louange, Seigneur... C’est
comme si nous disions: « Nous ne sommes même pas dignes, ô Maître, de
T ’offrir notre hymne pour les bienfaits dont Tu as daigné nous combler;
mais Toi, accorde-nous cette faveur. De quelle manière? En remplissant de
louange notre bouche123... » Ensuite « les fidèles demandent que la sainteté
qu’ils ont reçue demeure en eux et que, moyennant le secours de la main
de Dieu, ils ne trahissent pas la grâce et ne perdent pas le don accordé.
Garde-nous dans Ta sainteté... En méditant durant toute lajournée Tajustice.
La justice désigne ici la sagesse de Dieu et Son amour contemplés dans les

1. Saint Nicodème l’Hagiorite, C o m m e n ta ir e s s u r les 1 5 0 p sa u m e s, volume II, Thessalonique, Or-


thodoxos Kypseli, 1981.
2. Saint Athanase, S u r le p s a u m e 5 6 , PG 27, 260C.
3. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , XLI, SC 4 bis, 239.
saints Mystères... La méditation de cette justice a la vertu de conserver
en nous la sainteté reçue. Car elle augmente la foi en Dieu et enflamme
l’amour1 ».

Le diacre, se tenant devant les Portes royales, dit: Debout.


Nous qui avons reçu les divins Mystères du Christ, Mystères
saints, purs, immortels, célestes, vivifiants et redoutables, rendons
de dignes actions de grâce au Seigneur.
Le chœur : Kyrie eleison.
Le diacre : Secours-nous, sauve-nous, aie pitié de nous, garde-
nous, ô Dieu par Ta grâce.
Le chœur : Kyrie eleison.
Le diacre : Ayant demandé que toute notre journée soit parfaite,
sainte, paisible et sans péché, confions-nous nous-mêmes, confions-
nous les uns les autres, confions toute notre vie au Christ notre
Dieu.
Le chœur : A Toi, Seigneur.
Le prêtre, à voix basse, récite la prière d ’action de grâces : Nous
Te rendons grâces, Seigneur notre Dieu, bienfaiteur de nos âmes,
de ce que, aujourd’hui encore, Tu as daigné nous faire participer
à Tes célestes et immortels Mystères. Rends droite notre route,
ajfermis-nous tous dans Ta crainte, protège notre vie, garde nos
pas, par les prières et les supplications de la glorieuse Mère de
Dieu et toujours vierge Marie et de tous Tes saints.
A voix forte : Car Tu es notre sanctification, et nous Te rendons
gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans
les siècles des siècles.
Le chœur : Amen.

Je ne trouve aucune parole, mon Sauveur


Cette prière d’action de grâces fait venir à notre esprit la gratitude des
Disciples du Christ à la fin de la Cène mystique: Après avoir chanté les
cantiques, ils se rendirent à la montagne des Oliviers (Mt 26, 30). Saint Jean
Chrysostome observe: « La prière finale de la liturgie figure cette prière.
Le Seigneur rend grâces à Dieu Son Père avant que de donner Son Corps
et Son Sang à Ses disciples, afin que nous rendions grâces également. Il

1. Ibid., 241.
rend grâces aussi après, et II chante un hymne afin que nous fassions de
même'. »
Saint Jean a composé la prière suivante d’actions de grâces après la
communion. Le saint se sent incapable d’exprimer avec des mots la grati­
tude due au Christ, qui accorde les Dons. Et il demande le Seigneur de
garder les célébrants et les fidèles « dans une manière de vivre honorable et
probe » et de les rendre dignes de la Table céleste jusqu’au dernier moment
de leurs vie :
« Qîtelle louange ou quel hymne ou quelle action de grâces pouvons-nous
Te rendre, à Toi notre Dieu qui aime les hommes ? Car lorsque nous étions
condamnés à la mort et immergés dans les péchés, Tu nous as accordé la liberté
et Tu nous as donné une participation à la nourriture immortelle et céleste du
Saint Corps et du saint Sang de Ton Christ. Aussi, nous Teprions, garde-nous,
ainsi que Tes serviteurs les diacres, libres de toute condamnation. Préserve-
nous ainsi que le peuple ici présent dans une manière de vivre honorable et
probe; rends-nous dignes, jusqu'à notre dernier soupir, de participer à cette
Table mystique pour la sanctification de l ’âme et du corps, afin que nous soyons
trouvés dignes de Ton Royaume céleste avec tous ceux qui T'ont été agréables ;
par les prières de la Toute-Sainte, Immaculée Mère de Dieu et Toujours-Vierge
Marie et de tous Tes saints. Car Tu es le Dieu saint et ami des hommes et
nous Te rendons gloire, au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, maintenant et
toujours et dans les siècles des siècles. Amen1. »
Un autre saint, Syméon le Nouveau Théologien, rend grâces au Seigneur
après la communion. Malgré le charisme céleste de la théologie qu’il avait
reçu, il dit qu’il ne peut trouver les mots pour décrire la magnitude des
bienfaits de la sainte communion, et rend grâces pour celle-ci:

Toi l’inaccessible aux séraphins,


Toi le Créateur, l’Auteur, le Maître universel,
non seulement Tu me vois, Tu me parles, Tu me nourris
mais cette chair qui est identiquement Ta chair,
Tu as accordé que je La prenne et que je La mange
Et que je boive Ton Sang très saint...
Mon esprit hésite, ma langue est sans force,

1- Sur Matthieu, LXXXII, 2, PG 58, 740. Au temps de saint Jean Chrysostome, cette prière
d’actions de grâces était la prière finale de la liturgie.
2. « Ancienne prière lue derrière l’ambon de la liturgie de saint Jean Chrysostome », Trembelas,
Leitourgiai, p. 155.
Je ne trouve aucune parole, mon Sauveur
Pour exprimer les œuvres de Ta bonté,
Celles que Tu as faites pour moi, Ton serviteur...
Tu t’es uni à moi, Ami des hommes,
par une compassion sans mesure...
Tu as balayé ma maison souillée,
Et, après être entré, Tu l’as habitée, Trinité, ô mon Dieu
Puis Tu as fait de moi le trône de Ta divine Divinité,
La maison de Ta gloire et de Ta royauté inaccessibles1.

8. Congé

Le prêtre: Allons tnpaix1.


Le chœur : Au nom du Seigneur.
Le diacre : Prions le Seigneur.
Le chœur : Kyrie eleison.
Le prêtre, tourné vers l’icône du Christ, dit à voix forte la
prière de l’ambon : Toi qui bénis ceux qui Te bénissent, Seigneur,
et qui sanctifie ceux qui se confient en Toi, sauve Ton peuple et
bénis Ton héritage. Garde la plénitude de Ton Eglise; sanctifie
ceux qui aiment la beauté de Ta maison* ; glorifie-les en retour
par Ta puissance divine, et ne nous abandonne pas, nous qui
espérons en Toi. Accorde la paix au monde qui est Tien, à Tes
églises, aux prêtres, et à tout Ton peuple. Car tout don excellent
et toute grâce parfaite sont d ’en-haut, venant de Toi, le Père des
| lumières1234; et nous Te rendons gloire, action de grâces et adora­
tion, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans
les siècles des siècles.
Le chœur : Amen.

1. Hymnes, X X , 55-203, SC 174. 115-127.


2. Durant les premiers siècles, la liturgie se terminait par cette exhortation du célébrant. Ces
paroles marquaient la conclusion de l’assemblée eucharistique et le renvoi des fidèles. La prière
récitée par le célébrant qui la suit a été ajoutée plus tard et est appelée la prière derrière l ’ambon,
parce qu’à l’origine, elle était dite dans le centre de l’église, derrière l’ambon. Sur la Sainte
Montagne, le célébrant commence la prière à l’intérieur du sanctuaire, et alors qu’il dit les
mots bénis Ton héritage, il sort et bénit le peuple.
3. Px 23, 8.
4. |c I, 17.
Allons en paix

La divine liturgie est un cheminement dont le but est la rencontre et


l’union de l’homme avec Dieu. Ce but a déjà été réalisé. Nous avons atteint
la fin de notre cheminement. Nous avons vu la Lumière véritable. Nous
avons vu le Seigneur transfiguré sur le Thabor liturgique. Nous avons
communié à Son Saint Corps et à Son Sang immaculé. Et tandis que nous
nous sommes hasardés à mumurer au Visiteur des hauteurs Seigneur, il est
bon que nous soyons ici (Mt 17, 4), notre Mère l’Eglise nous rappelle que
la fin du cheminement liturgique doit devenir le point de départ de notre
cheminement spirituel: Allons en paix. Il nous faut quitter la montagne
de la Transfiguration, pour revenir dans le monde et fouler le chemin du
martyre de nos vies. Ce cheminement devient notre martyria, le témoi­
gnage du fidèle sur la Voie et la Vie - le Christ - que nous avons accueilli
en nous.
Au cours de la divine liturgie, nous avons reçu le Christ en nous.
Maintenant, nous sommes appelés à Le transmettre au monde, à devenir
les témoins de la vie du Christ. « Nous devrions sortir de cette assem­
blée sacrée... comme si nous descendions des Cieux mêmes1», de telle
façon que lorsque notre famille, nos amis ou nos ennemis nous voient, ils
comprennent tous le profit que nous avons reçu de l’Église.
Après la communion, nous sortons dans le monde comme des porteurs
du Christ et de l’Esprit. Ensuite, nous luttons pour préserver la Lumière
sans quelle s’éteigne et conserver les dons de la Grâce que nous avons
reçus. Alors, notre seule présence sera suffisante pour transmettre la Grâce
que nous avons reçue aux âmes de nos frères qui n’étaient pas présents à
la liturgie. Car le fidèle christophore est une terre qui produit d ’elle-même
(Mc 4, 28).
La divine liturgie a commencé en paix et, pendant son déroulement,
la paix de Dieu nous a été donnée de nombreuses fois. Maintenant, alors
que le célébrant « nous renvoie de l’assemblée, il nous fait à nouveau ce
souhait : Allez en paix; et rien absolument ne peut ni se dire ni se faire sans
la paix ' ».
La paix et l’amour sont la racine, et en même temps le fruit de notre
prière lors de la divine liturgie: « Cette paix et cet amour, non seulement12

1. Saint Jean Chrysostome, Sur les p a ro le s Si to n e n n e m i a f a i m IV, PG 51, 179.


2. Saint Jean Chrysostome, « C o n tr e les J u ifs », III, 6 , PG 48, 870. Les mots « Allez en paix » ont
été remplacés aujourd’hui par « Allons en paix ».
font que la prière est agréée, mais ils naissent et se lèvent de la prière elle-
même. Comme deux rayons jumeaux de Dieu, ils croissent et s’accom­
plissent1. » Les fidèles sont maintenant appelés à offrir au monde les fruits
de l’assemblée liturgique, l’amour et la paix.

La plénitude de l ’Eglise

La prière de l’ambon qualifie les fidèles de plénitude de l'Eglise du Christ.


L’Église est le navire du Christ qui voyage en ce monde, et tous ceux qui
lui appartiennent constituent l’équipage du navire. « Le monde est tel
une mer, sur laquelle l’Église est ballottée sans cesse comme sur les flots,
cependant elle échappe au naufrage car elle a, pour l’empêcher de périr,
un capitaine expérimenté, qui est le Christ. Elle porte toujours avec elle
un étendard, qui la préserve de la mort: c’est la Croix du Seigneur... Les
barres de son gouvernail sont les deux Testaments ; les cordes qui sont
autour sont les figures de l’amour du Christ, dont II étreint Son Église...
Le vent qui pousse le navire, c’est le souffle puissant de l’Esprit saint par
lequel II marque de Son sceau tous ceux qui croient en Dieu... Elle a
encore pour marins les saints anges2. »
Alors qu’il traverse la mer houleuse de la vie, le navire de l’Église se
dirige vers le port du Royaume de Dieu: « L’Église dans son intégralité
ressemble à un grand navire qui transporte par très mauvais temps les gens
de différents lieux, lesquels veulent demeurer dans la même ville du bon
Royaume... Dans cette représentation, le Roi de la ville est Dieu, et le
capitaine est semblable au Christ, tandis que le second est semblable à
l’évêque... Les passagers sont semblables à la multitude des fidèles, les
profondeurs de la mer au monde, les vents contraires aux épreuves, tandis
que les persécutions, les dangers et toutes sortes de tribulations peuvent
être comparés aux vagues3. »
Le Christ nous a libérés du péché et de la mort, Il nous a régénérés par
le baptême et a fait de nous la plénitude de Son Eglise. Il est « le véritable
Ecclésiaste, qui rassemble en un plérôme les [brebis] dispersées, et appelle
à une seule assemblée ceux qui se sont égarés de diverses façons par des
duperies variées' » du monde. Il nous fait membres de Son peuple béni,
1. Saints Calliste et Ignace Xanthopouloi, S u r c e u x q u i o n t choisi d e v iv r e d a n s C h é sy c h ia , VIII,
P h ilo ca lie volume 4, p. 202, traduction française, op. cit., tome 2, p. 551.
2. Saint Hippolyte de Rome, S u r le C h r is t e t l'A n tic h r is t, LIX, PG 10, 777B-780A.
3. Saint Clément de Rome, É p itr e à Ja cq u es, XIV, PG 2, 49AB.
4. Saint Grégoire de Nysse, S u r l ’E cclésiaste, I, PG 44, 620B.
afin que nous devenions « tous une Église, un peuple, une fiancée, sous le
seul Ecclésiaste, Chef et Fiancé, comme nous sommes unis et acquérons la
communion d’un Corps1».

Le chœur : Que le nom du Seigneur soit béni, dès maintenant et


à jamais (trois lois).
Le prêtre se rend à la prothèse et dit à voix basse : Toi qui es la
plénitude de la loi et des prophètes, Christ notre Dieu, Toi qui
as accompli tout le dessein de Ton Père, remplis nos cœurs de joie
et d ’allégresse, en tout temps, maintenant et toujours, et dans les
siècles des siècles. Amen.

Que le nom du Seigneur soit béni

Cette louange finale du nom du Seigneur se trouve dans le psaume 112.


Ce psaume est le premier d’une série (Ps 112-117) que chantaient les Juifs
lors du repas pascal. Il est par conséquent presque certain que le Seigneur
et Ses disciples chantèrent Que le nom du Seigneur soit béni à la fin de la
Cène mystique (Mt 26, 30).
Les fidèles - les disciples actuels du Christ - , avant de quitter la
chambre haute, glorifient eux aussi le nom très saint de leur Père céleste.
Car, comme le dit saint Jean Chrysostome, « Par ce seul nom, en effet, la
mort fut abolie... les portes du Paradis furent grand ouvertes; l’Esprit fut
envoyé ici-bas, les esclaves devinrent libres, les ennemis devinrent des fils;
les étrangers, des héritiers; les hommes, des anges. Des anges, ai-je dit?
Dieu est devenu homme, et l’homme est devenu dieu; le Ciel a accueilli
une espèce terrestre; la Terre a reçu Celui qui siège au-dessus des chérubins
avec l’armée angélique. Le mur de séparation entre Dieu et les hommes,
(Ep 2, 14) a été enlevé, la barrière abattue, ce qui était séparé est réuni, les
ténèbres ont été supprimées, la lumière a brillé’. »
Pour tous ces bienfaits innombrables, nous nous écrions au Seigneur:
Que Ton nom est admirable, par toute la Terre! (Ps 8, 2). En vérité, « c’est
grâce à ce nom qu’ont réussi mille et mille entreprises et c’est par lui que
nous sommes initiés aux mystères sacrés. Le Prophète, après avoir repassé
en lui-même tous les prodiges accomplis par ce nom ... dit: Son nom est12

1. Sur le Cantique des cantiques, VI, PG 44, 905A. Le Christ est appelé « Ecclésiaste » ici, sur la
base du sens classique du mot, c’est-cà-dire qu’il « appelle, convoque l’assemblée » de l’Église.
2. Sur le psaume 8, 1, PG 55, 107.
saint et terrible (Ps 110, 9). Or s’il est saint, il exige de ceux qui le célèbrent
dans leurs hymnes une bouche sainte, sainte et pure1 ». C ’est précisément
pour cette raison que notre Eglise a ordonné que nous louions le très saint
nom du Seigneur après avoir sanctifié nos bouches par la communion au
Christ, qui est le seul Saint, la source de la sainteté.
* * *

Remplis nos cœurs de joie et d ’allégresse : « De quelle sorte de joie est-il


question ici? D ’une joie mondaine? Dieu nous garde de cette pensée!...
Ceux qui récitent cette prière ne cherchent que cette joie divine qui n’a
rien de commun avec celle de la vie présente; il s’agit de la joie des anges,
de la joie céleste. Ils ne se contentent pas de la demander simplement,
mais ils désirent même d’en jouir avec abondance. Car ils ne disent pas:
“donne-nous cette joie”, mais “remplis-nous de cette joie”, ou plutôt ils ne
disent pas: remplis-nous-en, mais, “remplis-en nos cœurs”. Car cette joie
est avant tout la joie du cœur2. »

Le diacre : Prions le Seigneur.


Le chœur : Kyrie eleison.
Le prêtre: Que la bénédiction et la miséricorde du Seigneur
viennent sur vous, par Sa grâce et Son amour des hommes, en
tout temps, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles.
Le chœur: Amen.
Le prêtre : Gloire à Toi, Christ-Dieu, notre espérance, gloire à
Toi.
Le lecteur: Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; mainte­
nant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen. Kyrie eleison,
Kyrie eleison, Kyrie eleison. Père saint, bénis.
Le prêtre se tourne alors vers le peuple et dit3: Que le Christ,
notre vrai Dieu, par les prières de Sa Sainte Mère, Toute-Pure et
tout-irréprochable ; par la puissance de la précieuse et vivifiante
Croix; par la protection des vénérables Puissances célestes et incor­
porelles ; par les prières du saint, glorieux et vénérable prophète et
précurseur Jean-Baptiste ; des saints, glorieux et illustres apôtres;
des saints, glorieux et victorieux martyrs; de notre Père parmi les
saints Jeait Chrysostome, archevêque de Constatitinople, de nos
1. Saine Jean Chrysostome, Sur le psaume 110, 7, PG 55, 289.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, LV, 5, PG 58, 547.
3. Le dimanche : Que le Christ, notre vrai Dieu, qui est ressuscité des morts, par les prières...
saints Pères théophores, de saint N ... (patron de l’église), des
saints et justes aïeux de Dieu Joachim et Anne; de saint N ... (le
saint du jour), dont nous célébrons la mémoire, et de tous les saints,
ait pitié de nous et nous sauve, Lui qui est bon et ami des hommes.
Le chœur : Amen.

La bénédiction du Seigneur et Sa miséricorde

La divine liturgie est arrivée à sa fin. Le prêtre « après avoir béni le peuple
en traçant le signe de Croix et prié que la bénédiction du Seigneur vienne
sur lui accomplit le renvoi. Il implore notre véritable Dieu, le Christ,
d’avoir pitié de nous et de tous nous sauver, par les prières de Sa très pure
Mère et de tous les Saints. En même temps, il proclame et témoigne que,
par l’économie du Christ notre Sauveur et par la divine célébration sacrée,
nous avons été sauvés et nous serons sauvés. Il témoigne encore que les
prières de la Mère de Dieu contribuent à notre salut, car elle est la servante
du plus grand Mystère [celui de l’incarnation de Dieu], comme le font les
prières de tous ceux qui ont été sanctifiés par ce Mystère1 ».
Le prêtre prie pour que « nous soyons sauvés, car nous n’avons rien à
présenter de notre propre fonds qui mérite le salut, mais nous tournons
nos regards vers la paternelle bonté de Celui qui seul peut sauver. C ’est
pourquoi ici encore le prêtre fait mention d’un grand nombre d’inter­
cesseurs, qui nous aideront à être sauvés ; et avant tout, de la Très Sainte
Mère de Dieu, par l’intermédiaire de laquelle nous avons à l’origine obtenu
miséricorde123».

Enfin, le célébrant distribue 1’antidoron*. Le mot grec signifie littérale­


ment que celui-ci est donné à la place (anti) du Don unique à ceux qui
n’ont pas communié : « Il est donné en place des D ons... à ceux qui n’ont
pas participé à ceux-ci 5. » L ’a ntidoron est « distribué comme transmettant
une bénédiction ineffable à ceux qui le consomment avec foi4 ».
Le pain qui est distribué comme antidoron a été sanctifié parce qu’il
a été offert à Dieu. Et les fidèles « le reçoivent avec le plus grand respect

1. Saint Syméon de Thessalonique, S u r la s a in te litu r g ie , C, PG 155, 304B.


2. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu r g ie , LUI, SC 4 bis, 307.
3. Saint Syméon de Thessalonique, S u r l'é d ific e d e l'É g lise , CI, PG 155, 745D.
4. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 452D.
et ils baisent la main du prêtre, dans la pensée qu elle vient de toucher le
très Saint Corps du Sauveur, quelle en a reçu une sanctification, quelle la
communique et quelle sanctifie ceux qui la touchent avec foi1 ».
L’antidoron est « la représentation du corps virginal » de la Mère de
Dieu. C’est le pain duquel l’Agneau a été détaché afin de devenir le Corps
du Christ, de la même façon que de la Très-Pure Mère de Dieu a été ineffa-
blement engendré le Christ, le Pain de vie. Dans la divine liturgie, « par la
participation au Corps immaculé du Christ notre Dieu, qui est né d’Elle...
la sanctification et l’adoption viennent aux fidèles. Quant à la bénédiction
spirituelle et aux autres biens, ils sont donnés indubitablement au peuple
chrétien par la distribution du pain du corps de la Mère de Dieu », c’est-
à-dire l’antidoron12.
Ceux qui n’ont pas reçu le Don reçoivent la bénédiction spirituelle par
l’antidoron. La bénédiction et la miséricorde du Seigneur s’étendent à
toute la plénitude des fidèles.

1. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu r g ie , LUI, PG 150, 489C. Dans les temps
anciens, le prêtre ne retournait pas clans le sanctuaire après avoir dit la prière de l’ambon,
mais distribuait immédiatement l’antidoron tandis que l’on chantait l’hymne Q u e le n o m d u
S e ig n e u r s o it b é n i ... avec le psaume 33. Plus tard, lorsque: Q u e la b é n é d ic tio n e t la m iséricorde
d u S e ig n e u r v ie n n e n t s u r v o u s . .. et le congé Q u e le C h rist, n o tre v r a i D i e u . .. ont été ajoutés, la
distribution de l’antidoron et le psaume ont été déplacés avant les paroles P a r les p riè re s d e nos
s a in ts P è re s...
2. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 452D-453A.
III
ACTIONS DE GRÂCES APRÈS LA SAINTE C O M M U N IO N

Après avoir participé


Aux Dons vivifiants et mystiques,
Offre des louanges immédiatement
et rends grâces sincèrement.
Et avecferveur, de toute ton âme, dis à Dieu :
Gloire à Toi, ô Dieu, gloire à Toi, ô Dieu, gloire à Toi, ô Dieu.

Le prêtre, après la distribution de 1’antidoron, va à la prothèse


et consomme le contenu du saint calice. Il lit ensuite les prières
d ’action de grâces suivantes1:

Prière anonyme

Je Te rends grâces, Seigneur mon Dieu, de ce que Tu ne m’aies pas repoussé,


pécheur queje suis ; mais Tu m’as rendu digne de participer à Tes saints Mystères.
Je Te rends grâces de m’avoir rendu digne, indigne que je suis, de communier à
Tes purs et célestes dons. Mais, Seigneur, Ami des hommes, Toi qui es mort et
ressuscité pour nous, et qui nous as donné ces redoutables et vivifiants Mystères
pour le bien et la sanctification de nos âmes et de nos corps, fais qu’ils guérissent
aussi mon âme et mon corps, qu’ils mettent en fuite tout adversaire, qu’ils illu­
minent les yeux de mon cœur, qu’ils donnent la paix à mesfacultés spirituelles,
qu’ils m’obtiennent une foi que je confesse sans honte, un amour désintéressé,
une pleine sagesse, la garde de Tes commandements, l ’accroissement en moi de
la divine grâce et l ’entrée en possession de Ton Royaume; que, conservépar eux
1. Ces prières sont également lues par les fidèles qui ont communié aux saints Mystères.
dans Ta sanctification, je me souvienne toujours de Ta grâce et, désormais, ne
vive plus pour moi-même, mais pour Toi, notre Seigneur et Bienfaiteur. Et
ainsi, lorsquej ’aurai passé ma vie dans l ’espérance de la vie éternelle, j ’arriverai
un jour au repos sans fin, où ne cessent jamais le concert des fêtes ni la jouis­
sance sans bornes de ceux qui contemplent la beauté ineffable de Ta Face. Car
Tu es vraiment Celui vers qui aspirent et en qui se réjouissent indiciblement
ceux qui T ’aiment, Christ notre Dieu, et toute la création Te chante dans les
siècles. Amen.

Prière de sainr Basile le Grand

Seigneur, Christ notre Dieu, Roi des siècles et Créateur de toutes choses;je Te
rends grâces pour tous les bienfaits que Tu m ’as accordés et pour la communion
à Tes très purs et vivifiants mystères. Je T ’en prie, ô Dieu bon et qui aimes les
hommes, garde-moi sous Ta protection et à l ’ombre de Tes ailes; accorde-moi de
recevoir dignement Tes divins Mystères avec une conscience pure, jusqu’à mon
dernier souffle, pour la rémission de mes péchés et la vie éternelle. Car Tu es
le Pain de vie, la Source de sainteté, le Dispensateur de tout bien ; et nous Te
rendons gloire, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans
les siècles des siècles. Amen.

Prière de saint Syméon le Métaphraste

Toi qui m ’as donné volontairement Ta chair en nourriture,


Toi qui es un feu qui consume les indignes,
ne me bnile pas, ô mon Créateur;
mais pénètre dans mes membres, dans toutes mes articulations,
dans mes entrailles et dans mon cœur.
Consume les épines de tous mes péchés.
Purifie mon âme, sanctifie mes pensées,
fortifie mes articulations et mes os.
Illumine mes cinq sens.
Cloue-moi tout entier par Ta crainte.
Protège-moi toujours, défends-moi et garde-moi
de toute action ou parole mortelles pour mon âme.
Sanctifie-moi et purifie-moi, embellis-moi,
améliore-moi, instruis-moi et illumine-moi.
Fais de moi la demeure de Ton Esprit,
et non celle du péché.
Et, puisque je suis devenu Ta maison, grâce à Ton entrée en moi par la
communion,
fais que tout esprit mauvais et toute passion me fuient comme le feu.
Je T ’offre l ’intercession de tous ceux qui sont sanctifiés :
les armées des incorporels,
Ton Précurseur,
Tes sages apôtres,
et par-dessus tout Ta Mère Tonte-Pure et Immaculée.
0 mou Christ très compatissant, daigne recevoir leurs supplications,
etfais de Ton serviteur un enfant de lumière.
Car Tu es, ô Dieu, le seul sanctificateur et le seid illuminateur de nos âmes,
et nous le rendons tous, chaque jour, de dignes actions de grâces,
à Toi, notre Dieu et notre Seigneur. Amen.

Prière anonyme

Que Ton Saint Corps, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, me donne la vie
éternelle, et Ton Sang très précieux, la rémission des péchés. Que cette Eucha­
ristie me donne la joie, la santé et le bonheur. Et lors de Ton second et redou­
table avènement, rends-moi digne, pécheur que je suis, de me tenir à la droite
de Ta gloire, par les prières de Ta Mère Tonte-Pure et de tous les saints. Amen.

Prière anonyme à la Mère de Dieu

O Tonte-Sainte Souveraine, Mère de Dieu, lumière de mon âme enténébrée,


mon espérance, mon appui, mon rejuge, ma consolation et mon bonheur, je Te
remercie de m ’avoir rendu digne, moi indigne, de communier au Corps très
pur et au Satig très précieux de Ton Fils. Toi qui as donné le jour à la vraie
Lumière, éclaire les yeux spirituels de mon coeur. Toi qid as donné le jour à la
Source de l ’immortalité, rends-moi la vie, à moi que le péché afa it mourir. Toi,
Mère compatissante du Dieu de miséricorde, aie pitié de moi et mets la contri­
tion et la componction dans mon cœur, l ’humilité dans mes pensées, la réflexion
dans mes raisonnements. Et rends-moi digne, jusctu’à mon dernier J*
recevoir sans condamnation la sanctification de ces très purs Mystères, pour la
guérison de mon âme et de mon corps. Accorde-moi les larmes de la pénitence
et de la confession afin que je Te chante et Te glorifie tous les jours de ma vie,
car Tu es bénie et couverte de gloire dans les siècles. Amen.

Je Te rends grâces, Seigneur

Par la communion, le Seigneur a accordé le plus grand don qu’il


pouvait accorder à l’homme, c’est-à-dire Sa propre Personne. « Ce
Mystère est appelé participation parce que par lui nous participons à la
Divinité de J é s u s »
Au début de la prière de la sainte anaphore, le célébrant a énuméré
les dons divins et a exhorté les fidèles à rendre grâces et gloire à Celui
qui les dispense: Rendons grâces au Seigneur. Maintenant, après avoir
atteint cette cime de tous les biens, le célébrant et les fidèles ressen­
tent spontanément le besoin de rendre à nouveau grâces au Seigneur.
Ce bref office est une action de grâces succincte mais nécessaire, que
chaque fidèle qui a communié doit offrir au Seigneur Ami des hommes.
Les dons de la divine communion sont innombrables. L’homme
devient participant à la vie éternelle, comme l’a affirmé le Christ Lui-
même : Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle
(Jn 6, 54). Les bienfaits, cependant, commencent dès la vie présente:
« Lorsque le Christ entre en nous... 11 ranime la crainte révérencielle
envers Dieu, Il met à mort les passions, sans tenir compte des trans­
gressions dans lesquelles nous nous trouvons, mais nous, Il nous guérit
plutôt comme des malades123. » « L’âme se porte en avant, après avoir
reçu la vie de l’Esprit saint, goûté de l’Agneau, été ointe de Son Sang,
avoir mangé le Pain véritable, la Parole vivante'. »
Lorsque l’homme considère la grandeur des bienfaits de Dieu envers
sa personne pécheresse, « alors son cœur, fût-il de granit, se fend4 », et
il s’écrie :

1. Saint Jean Damascène, S u r la f o i o rth o d o x e , IV, 86, PG 94, 1153A.


2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r J e a n , IV, 2, PG 73, 585A.
3. Saint Macaire, H o m é lie s sp ir itu e lle s , XLVII, 11, PG 34, 804A, traduction française du père
Placide Deseille, op. cit. p. 346.
4. Hiéromoine Isaac, L 'A n c ie n P aïssios d e la S a in te M o n ta g n e , édition de LÂge d Homme, collec­
tion « Grands Spirituels du xxc siècle », Lausanne, 2009, p. 239.
C ’est pourquoi je Te rends grâces avec mon esprit et mon cœur,
avec tous mes membres, avec mon âme et ma chair, je me prosterne devant
Toi, ô mon Dieu, je Te magnifie, je T ’exalte et je Te glorifie,
Toi qui es béni, maintenant et dans tous les siècles. Am en'.1

1. Office de préparation à la sainte communion, prière de saint Syméon le Nouveau Théologien.


ÉPILOGUE

Mes mystères sont à Moi et à ceux qui sont miens


En présentant ces notes explicatives sur la divine liturgie, un effort a été
fait pour transmettre les expériences liturgiques christocentriques des Pères
de l’Église au lecteur d’aujourd’hui qui s’efforce de lutter pour vivre une vie
chrétienne. Le compilateur de cette anthologie patristique ressent la néces­
sité de demander pardon à ses frères en Christ, les lecteurs, car il n’a pu
transmettre intacts les trésors des Pères en raison de sa faiblesse spirituelle.
Il prie indignement devant l’Autel redoutable: N ’éloigne pas de ces dons ici
offerts, à cause de mes péchés, la grâce de Ton Saint-Esprit', les dons des saints
Pères à nos frères en Christ. Et encore une fois, il donne le dernier mot aux
saints Pères pour sceller son humble tentative:
Tout « ce que nous avons dit, nous ne l’avons pas dit de nous-mêmes,
mais en prenant pour base les écrits des saints Pères, et en particulier ceux
des docteurs de la foi qui nous ont donné une haute théologie sur ces
sujets2 ».
« Mais le lecteur de l’œuvre présente ne saurait penser que par celle-ci
l’explication des vénérables mystères de la divine liturgie est achevée. Il
doit plutôt considérer qu’il est semblable à quelqu’un qui souhaite voir les
splendeurs et les beautés invisibles d’une ville et rencontre un guide. Avec
son aide, il réussit à voir, comme depuis une fenêtre, l’éclat et la lumino­
sité des rayons qui émanent de cette ville, mais non cependant la nature
même des trésors qui s’y trouvent. Car le Seigneur dit: Mes mystères sont à
1. Liturgie de saint Basile, prière après les commémoraisons suivant l’épiclèse.
moi et à ceux qui sont miens (Is 24, 16, citation d’après Theodotion). Aussi,
puisque je me suis non seulement éloigné du Seigneur, mais que je me suis
complètement séparé de ceux qui s’approchent de Lui, comment pour­
rais-je comprendre Ses Mystères ou dire quelque chose qui en soit digne?
Néanmoins, ce que nous faisons en fonction de nos capacités est agréable
au Christ, pour peu que notre traitement du sujet ne soit pas opposé à Ses
dogmes et à Ses commandements. Si, pour cette raison, un lecteur trouve
quelque chose de profitable dans ce qui a été écrit, qu’il fasse pour moi qui
me suis donné de la peine pour l’écrire une prière à Dieu pour le pardon
de mes péchés. Et qu’il rende ensuite grâce à Dieu pour l’illumination
divine qu’il a coutume d’accorder, depuis les montagnes éternelles (Ps 75,
5), à ceux qui ont été rendus dignes de voir spirituellement [c’est-à-dire les
saints Pères],
Car à Lui conviennent tous gloire, honneur et adoration, Père, Fils et
Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen'. »
HOM ÉLIE CATÉCHÉTIQUE
DE SAINT JEAN CHRYSOSTOM E1

Que tout homme pieux et ami de Dieu jouisse de cette belle et lumineuse
solennité. Tout serviteur fidèle, qu’i l entre avec allégresse dans la joie de son
Seigneur (cf. M t 25, 23). Celui qui a porté le poids du jeûne, qu’il vienne
maintenant toucher son denier.
Celui qui a travaillé depuis la première heure, qu’il reçoive aujourd’hui le
juste salaire (cf. Mt 20, 1-16). Celui qui est venu après la troisième heure,
qu’il célèbre la fête dans l ’action de grâces. Celui qui est arrivé après la sixième
heure, qu’il n’a it aucun doute, il ne sera pas lésé. Si quelqu’un a tardéjusqu’à
la neuvième heure, qu’i l approche sans hésiter. S ’i l a traîné jusqu’à la onzième
heure, qu’il n’a it pas honte de sa lenteur, car le Maître est généreux, Il reçoit le
dernier comme le premier; Il accorde le repos à l ’ouvrier de la onzième heure
comme à celui de la première; Il fa it miséricorde à celui-là, et comble celui-
ci. Il donne à l ’un, Il fa it grâce à l ’autre. Il accueille les œuvres, Il apprécie le
jugement; Il honore l ’action et loue l ’intention. Aussi, entrez tous dans la joie
de notre Seigneur! Premiers et derniers, recevez le salaire.
Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble. Les vigilants comme les
nonchalants, honorez cejour. Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l ’avez point
fait, réjouissez-vous aujourd’hui. La Table [des saints Mystères du Christ] est
abondante, rassasiez-vous tous, le veau gras [qui a été sacrifié pour nos péchés,
c’est-à-dire le Christ] est servi, que nul ne s’en retourne affamé [c’est-à-dire sans
1. Cette homélie est reproduite ici, à la fin des commentaires sur la divine liturgie, parce quelle
constitue une récapitulation théologique du Mystère eucharistique, et sa référence allégorique
à la Table eucharistique est manifeste. Elle est lue chaque année à l’église immédiatement
avant la célébration de la divine liturgie pascale, proclamant que l’Eucharistie est la fête de la
avoir reçu les saints Mystères], Jouissez tous du banquet de la foi, de la richesse
de la bonté [de Dieu],
Que nul ne déplore sa pauvreté, car le Royaume est apparu pour tous. Que
nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s’est levé du tombeau. Que nul
ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés. Il a détruit la mort,
Celui quelle avait étreint.
Il a dépouillé l ’enfer, Celui qui est descendu aux enfers. Il l ’a rempli d ’amer­
tume (Is 14, 9), pour avoir goûté de Sa chair. Isaïe l ’avait prédit en disant:
« l ’enfer fu t rempli d ’amertume, car il a été joué; bouleversé, car il fu t mis à
mort; bouleversé, car ilfu t anéanti. Consterné, car il saisit un corps et trouva
un Dieu. Il prit de la terre et rencontra le ciel: il saisit ce qu 'il voyait, et tomba
sur celui qu’i l ne voyait pas.
O mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire » (Os 13, 14) 1
Le Christ est ressuscité, et tu as été terrassé; le Christ est ressuscité et les anges
sont dans la joie,
Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie;
Le Christ est ressuscité, et il n’y a plus un seul mort dans le tombeau,
car le Christ est ressuscité, prémices de ceux qui se sont endormis. A Lui,
gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.
GLOSSAIRE

AËR. Large voile brodé avec lequel le célébrant couvre les saints Dons
lors de la prothèse. Pendant la Grande Entrée, le diacre ou le prêtre porte
l’aër sur ses épaules; ensuite, il est placé au-dessus des saints Dons sur
l’Autel puis, pendant la récitation ou le chant du Credo, il est tenu et agité
doucement au-dessus des Dons. En outre, il y a deux voiles plus petits qui
sont utilisés pour couvrir le calice et le discos.

AGAPES. Repas commun partagé par les premiers chrétiens, à la suite


duquel l’Eucharistie avait lieu (Ac 2, 42, 46), mais celle-ci en fut rapide­
ment séparée pour être célébrée le matin.

AGNEAU. Partie centrale, carrée, du sceau apposé sur le pain d’offrande


(prosphore), qui porte les lettres IL XL - N I KA, c’est-à-dire « Jésus-Christ
vainc ». Il est appelé Agneau parce qu’il est la partie du pain qui est changée
au cours de la divine liturgie en Corps du Christ, qui est « l’Agneau de
Dieu qui ôte le péché du monde » (Jn 1, 29).

ANAMNÈSE. Conformément aux paroles du Christ lors de la dernière


Cène; Faites ceci en mémoire de moi (Le 12, 19), l’anamnèse (action de
rappeler à la mémoire) liturgique du Christ est le centre du Mystère de
l’Eucharistie. Le fidèle vit ainsi mystiquement la vie, la mort et la résur­
rection du Christ. L’Eucharistie est également le souvenir des bienfaits de
Dieu pour lesquels nous élevons des hymnes d’actions de grâce au Christ
notre Seigneur.
ANAPHORE. Prière centrale de la liturgie eucharistique qui, après
avoir rappelé tous les bienfaits de Dieu, se termine par la Consécration des
saints Dons. Le mot anaphore mient du mot grec anaphero, signifiant porter,
élever. La divine iiturgie est également appelée sainte anaphore parce que,
par elle, nous nous offrons nous-mêmes avec les saints Dons à Dieu.

AN TID O RO N . Petits morceaux de pain extraits des pains d’oblation


(prosphores) utilisés lors de la proscomédie, qui sont bénis par le prêtre
au-dessus des Dons après leur consécration. Ils sont normalement distri­
bués aux fidèles qui n’ont pas communié au lieu de la sainte communion
(anti: à la place de, doron : de). Dans les Eglises slaves, ils ne sont pas bénis
au-dessus des Dons consacrés, et sont distribués à tous les fidèles, qu’ils
aient ou non communié.

ANTIM ENSION. Du grec anti (au lieu de) et du latin mensa (la table) :
linge consacré, sur lequel est imprimée habituellement une image de l’en­
sevelissement du Christ. L’Eucharistie est célébrée sur ce linge. Si l’Autel
n’a pas été consacré, l’antimension doit contenir un fragment d’une sainte
relique. Il symbolise le linceul dans lequel Joseph d’Arimathie a enveloppé
le Corps du Seigneur.

AN TIPH O NE. À l’origine, ce nom désignait les psaumes chantés alter­


nativement par deux chœurs. Plus tard, le terme antiphone fut également
appliqué au répons (1'ephymnio ou refrain), par exemple: Par les prières
de Tes saints, sauve-nons, Seigneur, chanté après un verset des psaumes au
début de la sainte liturgie.

APOLYTIKION. Tropaire de la fin de l’office qui se réfère à la fête du


saint du jour, chanté principalement à la fin des vêpres ou des matines,
mais aussi à la divine liturgie.

APOSTICHE. Versets chantés à la fin des vêpres et des matines, précédés


par un verset des psaumes qui se réfère au thème de la fête.

ASTÉRISQUE ou étoile. Deux lamelles de métal recourbées en demi-


cercle, croisées l’une sur l’autre et terminées en-haut, par une croix. L’as­
térisque est placé au-dessus du discos de telle façon que le voile qui le
couvre ne vienne pas en contact avec l’Agneau et les autres portions du
pain d’oblation. Il symbolise l’étoile de Bethléem.

CANON. Hymne chanté aux matines, qui selon les cas comprend trois,
quatre, huit ou neuf odes et a pour thème l’événement festif du jour. Les
huit premières odes du canon correspondent aux huit odes de l’Ancien
Testament. La neuvième ode est dédiée à la Mère de Dieu et est empruntée
au Nouveau Testament.

CATHISME. Le psautier a été divisé en vingt sections ou cathismes


pour l’usage liturgique. Il tire son nom de kathizo car, durant la lecture
des psaumes, on peut s’asseoir. Ce nom est également donné aux tropaires
chantés après un cathisme du psautier.

CHANT DE C O M M U N IO N {Koinonikon). Hymne qui est chanté


tandis que le clergé reçoit la sainte communion. Les paroles de l’hymne
sont un verset d’un psaume qui se réfère à la sainte communion ou à la
fête du jour. Les paroles du plus ancien chant de communion connu sont
« Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux » (Ps 33, 9). Le chant
de communion, dans les temps anciens, était un psaume entier. Ceux-ci
étaient, entre autres, les psaumes 22, 33, 116, et 144.

COM M ÉM ORATION. Énumération des noms des fidèles, tant


vivants que défunts, que le prêtre effectue pendant la proscomédie, déta­
chant de petites parcelles du pain d’oblation pour chacun d’entre eux.

C O NG É (.Apolysis). Prière lue par le prêtre à la fin de chaque office. Le


célébrant demande, au nom des fidèles, la miséricorde de Dieu ainsi que
les intercessions de la Très pure Mère de Dieu, du saint du jour et de tous
les saints.

DIP TYQUES. Liste sur laquelle figurent les noms des vivants et des
défunts qui sont commémorés à la divine liturgie. Cette liste est appelée
« diptyques », parce quelle est souvent constituée de deux parties, l’une
pour les vivants, et l’autre pour les morts.

DISCOS. Petit disque métallique circulaire sur lequel est placé l’Agneau
qui doit être consacré ainsi que les autres parcelles extraites du pain d’of­
frande en l’honneur de la Mère de Dieu, des saints, et pour les fidèles
commémorés à la proscomédie.

DOXASTICON. Tropaires précédés par la phrase: « Gloire au Père et


au Fils et au Saint-Esprit. »

ÉCO N O M IE DIVINE. E’économie divine (ou dispensation) est l’en­


semble des événements accomplis par Dieu afin de ramener l’homme à
l’union avec Lui (du nom oikos, qui signifie maison, et du verbe nemo,
signifiant administrer ou mettre en ordre) et le faire encore une fois Sien,
c’est-à-dire appartenant à Sa maison. Les événements principaux furent
l’Incarnation du Verbe de Dieu, la Crucifixion, la Résurrection, l’Ascen­
sion, et la Descente de l’Esprit saint.

ECPHONESE. La fin, dite à haute voix par le prêtre, de la prière qu’il


vient de lire; souvent une doxologie.

ECTENIE. Prière en forme de supplications que le célébrant adresse à


Dieu; après chaque demande, le peuple ou le chœur répond selon les cas:
Kyrie eleison ou Accorde, Seigneur.

ÉPICLÈSE (invocation). Prière qui suit les paroles de l’institution et par


laquelle le célébrant demande à Dieu le Père d’envoyer l’Esprit saint sur les
saints Dons et de les changer en Corps et Sang du Christ.

EPIGONATION. Morceau de tissu rigide en forme de losange, portant


l’image de la Croix ou de la Résurrection, qui est suspendu à la ceinture
du prêtre, sur le côté droit, pour symboliser le glaive de la parole divine. À
l’origine, il s’agissait d’un ornement destiné uniquement aux évêques, mais
il a été ensuite étendu aux archimandrites et archiprêtres. Le nom vient du
fait qu’il pend sur (epi) le genou (gonation).

EPITRACHILE ou étole. Ornement étroit, brodé de sept croix, qui est


porté autour du cou, descend jusqu’au bas du sticharion (tunique) et finit
par une frange. C’est le signe distinctif du sacerdoce des évêques et des
prêtres, et il doit être porté lors de la célébration de tous les sacrements et
offices de l’Église. Son nom provient des mots epi (sur) et trachelos (cou).
EPONGE. Fine éponge circulaire qui est utilisée pour rassembler les
parcelles du pain d’oblation se trouvant sur le discos ou qui ont pu tomber
sur l’antimension, pour les rassembler dans le calice.

EUCHOLOGE. Livre liturgique contenant le texte des saintes liturgies,


des sacrements et les prières lues par le prêtre en diverses circonstances.

EXAPOSTILAIRE. Tropaire concernant la fête du saint du jour et qui


est chanté immédiatement avant les laudes.

GRANDE ENTRÉE. Moment de la divine liturgie durant lequel les


Dons qui ont été préparés sont transférés par le célébrant depuis la prothèse
par la porte Nord du sanctuaire jusque dans la nef de l’église et, ensuite,
par les Portes royales jusqu’à l’Autel, où ils seront consacrés. L’hymne des
chérubins est chanté pendant la Grande Entrée.

HEURES. Les quatre offices mineurs du cycle liturgique quotidien


correspondant aux quatre temps fondamentaux du jour - la Première
Heure (l’aube), qui est toujours associée aux matines, la Troisième (milieu
de la matinée), la Sixième (midi) et la Neuvième (milieu de l’après-midi)
qui précède les vêpres.

HIRMOS. Premier tropaire de chaque ode du canon, qui sert de modèle


mélodique et rythmique pour les autres strophes.

HYMNE DES CHÉRUBINS. Cet hymne commence par les mots


« Nous qui mystiquement figurons les chérubins . . . » et est chanté à la
Grande Entrée.

IDIOMÈLE. Tropaire avec sa propre (idion) mélodie {melon) ; ainsi, il


ne suit aucun autre modèle, contrairement au prosomoion.

ILETON (corporal). Linge de soie qui est déployé sur l’Autel lorsque
la divine liturgie est célébrée. Aujourd’hui, son usage a été principalement
remplacé par l’antimension.

KONDAKION. Hymne à la fête ou au saint du jour. Auparavant, les


kondakia foluriel) é t a i e n t u n e c é r i ^ Ae- *■— — --- 1 1
même mode. Aujourd’hui le terme kondakion est appliqué seulement au
premier de ces tropaires, et est lu ou chanté après la sixième ode du canon
des matines, ainsi que pendant la liturgie, après la Petite Entrée.

LANCE. Couteau en forme de lance, à double tranchant, qui est utilisé


pour découper et ensuite percer l’Agneau. 11 sert également à découper les
autres portions du pain d’offrande en mémoire de la Mère de Dieu, des
saints et de tous ceux qui sont commémorés à la proscomédie.

LAUDES. Les trois derniers psaumes du Psautier (148, 149 et 150),


chantés à la fin des matines, intercalés de tropaires les jours de fête.

LITIE. Le mot signifie supplication. Il s’agit d’une procession au


narthex de l’église pendant les vêpres des jours de fête, au chant de tropaires
particuliers, où se fait une longue prière de supplication pour les besoins
du peuple chrétien et du monde entier.

LITURGIE DES DONS PRÉSANCTIFIÉS. Office célébré pendant le


Grand Carême (à l’exception des samedis et dimanches), afin de permettre
au fidèle de recevoir la sainte communion les jours où en raison de leur
caractère de tristesse, la divine liturgie ne peut être célébrée. La liturgie des
Dons présanctifiés est principalement un office de sainte communion, du
fait que les saints Dons ont été sanctifiés lors de la précédente liturgie.

MÉTANIE. À différents moments de l’office, le fidèle fait d’abord le


signe de croix, incline son corps jusqu’à la hauteur de la ceinture, puis
la tête, devant le Christ ou les saints; cela est appelé « petite métanie ».
À d’autres moments, surtout pendant le Grand Carême, après avoir fait
le signe de croix, le fidèle se prosterne, son front touchant le sol; cela est
appelé « grande métanie ». De cette façon l’être créé rend humblement
hommage à son Créateur, aussi bien par son âme que par son corps.

OCTO ÈQ U E (octoïkhos, littéralement huit tons). La musique de


l’Église orthodoxe est basée sur huit tons ou modes. L’octoèque ou Parak-
letiki est le livre qui contient les hymnes du cycle liturgique hebdomadaire,
divisé en huit sections selon les huit tons.
ODE. Ensemble des tropaires dérivés des neuf cantiques de l’Ancien
Testament qui constituent une subdivision d’un canon.

O M OPHORE. Large bande d’étoffe brodée décorée avec des croix qui
est portée par l’évêque uniquement lorsqu’il célèbre. Il est placé autour des
épaules et descend jusqu’au sol, et représente la brebis perdue que le Christ
est allé chercher et a placée sur Ses épaules pour la rapporter à la maison
du Père.

ORARION. Longue bande d’étoffe fine portée seulement par les


diacres, ornée de croix. Il se porte sur l’épaule gauche retombant librement
derrière le dos et sur la poitrine; ou à d’autres moments, au lieu de le
laisser retomber en avant, on le fait passer sous l’aisselle droite, remonter
sur l’épaule gauche et ensuite retomber sur la poitrine. Son usage a été
mentionné pour la première fois au Concile de Laodicée (IVe s.).

PETITE ENTRÉE. Moment de la divine liturgie durant lequel l’Évan-


géliaire est porté depuis l’Autel par la porte Nord du sanctuaire dans la
nef de l’église, puis à nouveau dans le sanctuaire par les Portes royales,
sur l’Autel. La Petite Entrée a lieu pendant le chant du troisième anti­
phone. Dans les temps anciens, l’Evangéliaire était porté depuis la sacristie
jusqu’au centre de l’église pour la lecture de l’Évangile.

PHELONION. Vêtement en forme de cape (l’équivalent de la chasuble


latine), sans manches et largement découpé sur le devant de la taille vers le
bas pour faciliter les mouvements, et qui est porté par le prêtre pour célé­
brer la divine liturgie et les sacrements majeurs.

PROKIM ENON. Verset qui normalement est tiré du Psautier et est


chanté avant la lecture de la Sainte Écriture.

PROSCOMÉDIE. Du verbeproskomizo, qui signifier apporter, amener.


Il désigne l’office précédant la sainte liturgie, pendant lequel le prêtre
prépare les Dons, pain et vin, pour la célébration de la liturgie. Cet office
est également appelé prothèse.

PROSOM OION. Iropaire dont la mélodie suit le modèle d’un


idiomèle.
PROSPHORE. Pain levé rond, généralement, estampillé avant la
cuisson avec un sceau spécial, qui deviendra le Corps du Christ dans la
divine liturgie.

PROTHÈSE. Autel latéral se trouvant à l’extrémité nord du sanctuaire,


sur lequel le prêtre prépare les saints Dons avant qu’ils soient portés
sur l’Autel. Le terme est dérivé du verbe pro-tithemi, signifiant « placer
avant ». L’office de préparation, la proscomédie, porte également le nom
de « prothèse ».

REFRAIN. Voir antiphone, ci-dessus.

RHIPIDES. Sorte d’éventails de forme circulaire sur lesquels sont


peints ou ciselés des séraphins aux six ailes et qui sont destinés à être portés
pendant les processions liturgiques.

STICHARION. Longue tunique étroite avec des manches amples


portée par les évêques et les prêtres en dessous des autres ornements litur­
giques. Fait de tissu fin de couleur blanche, il symbolise la tunique du
baptême. La tunique du diacre et du sous-diacre est également appelée
sticharion, mais elle est souvent plus ornée.

STICHÈRE. Strophe intercalée entre les versets des psaumes du lucer-


naire et des laudes, concernant la fête ou le saint commémorés.

SURMANCHES. Manchettes brodées qui sont fixées sur les poignets


au-dessus du sticharion (tunique) des évêques, prêtres et diacres pour la
célébration de la divine liturgie et des autres sacrements.

SYNAXE. La synaxe liturgique est l’assemblée des fidèles dans l’église


pour la célébration d’un sacrement ou d’un office. La présence du Christ
dans la célébration de la divine liturgie donne à cette synaxe particulière
une autre dimension : tous les enfants de Dieu viennent ensemble, du Ciel
et de la Terre, du présent comme du passé, et concélèbrent.

TH EO TO K IO N . Tropaire en l’honneur de la Mère de Dieu.


TH RÊNE. Long poème en trois stances mis dans la bouche des saintes
femmes aux matines du Samedi saint.

TRISAGION. L’hymne « Saint Dieu, saint Fort, saint Immortel, aie


pitié de nous ».

TROPAIRE. Hymne court, qui suit un rythme basé sur l’accent tonique,
se référant à la fête ou au saint du jour.

ZEON. Eau bouillante qui est versée dans le calice avant la communion
et symbolise la chaleur de l’Esprit saint.
TABLE DES PRINCIPAUX TEXTES PATRISTIQUES
AU SUJET DE LA DIVINE LITURGIE

Saint Denys l’Aréopagite


« Sur la hiérarchie ecclésiastique », chapitre III, PG 3, 424B-445C.

Saint Jean Chrysostome


« Sur l’incompréhensibilité de Dieu », Discours VI, PG 48, 747-756.
« Contre les Juifs », Discours III, PG 48, 861-872.
« Sur le repentir », Discours IX, PG 49, 343-350.
«Sur la Nativité de notre Sauveur Jésus-Christ », PG 49, 351-362.
« Sur le saint baptême de Jésus-Christ », PG 49, 363-372.
« Sur la trahison de Judas », Homélie 1, PG 49, 373-382.
« Sur Isaïe », Homélie VI, PG 56, 135-142.
« Sur Matthieu », Homélie LXXXII, PG 58, 737-746.
« Sur Jean », Homélies XLVI et XLVII, PG 59, 257-270.
« Sur la première Épître aux Corinthiens », Homélies XXIV, XXVII
XXVIII, PG 61, 197-206 et 223-240.
« Sur l’Épître aux Éphésiens », Homélie III, PG 62, 23-30.
« Sur I Timothée », Homélie V, PG 62, 525-530.
« Sur l’Épître aux Hébreux », Homélie XVII, PG 63, 127-134.

Saint Maxime le Confesseur


Mystagogie », PG 91, 657-717.

Saint Germain de Constantinople


« Histoire de l’Église et Contemplation mystique », PG 98, 384-453.
Théodore d’Andida
« Sur les symboles et les Mystères dans la Divine liturgie », PG 140,
417-468.

Saint Nicolas Cabasilas


« Explication de la divine liturgie », PG 150, 368-492.

Saint Syméon de Thessalonique


« Sur la sainte liturgie », PG 155, 253-304.
« Commentaires sur le Saint Edifice de l’Église, les saints Ornements et la
Divine Mystagogie », PG 155, 697-750.
ABREVIATIONS SCRIPTURAIRES

Genèse Gn Luc Le
Exode Ex Jean Jn
Lévitique Lv Actes Ac
Deutéronome Dt Romains Rm
3 Règnes 3R 1 Corinthiens 1 Co
1 Chroniques 1 Ch 2 Corinthiens 2 Co
Psaumes Ps Galates Ga
Proverbes de Salomon Pr Ephésiens Ép
Cantique des cantiquesCt Philippiens Ph
Sagesse de Salomon Sg Colossiens Col
Osée Os 1 Thessaloniciens 1 Th
Miellée Mi 1 Timothée 1 Tm
Habacuc Ha 2 Timothée 2 Tm
Malachie Ml Tite Tt
Isaïe Is Hébreux He
Jérémie Jr Jacques Je
Ezéchiel Ez 1 Pierre 1P
Daniel Dn 1 Jean 1 Jn
Matthieu Mt 2 Jean 2 Jn
Marc Mc Apocalypse Ap
TABLE DES MATIÈRES

Note du traducteur.................................................................................... 7
Avant-propos.............................................................................................. 9
Introduction............................................................................................. 11
1. La dernière Cène et la liturgie des premiers chrétiens......................... 11
2. Les premières prières liturgiques......................................................... 13
3. Les premières liturgies écrites............................................................... 15
4. Saint Jean Chrysostome et la divine liturgie....................................... 17
La vie du saint.............................................................................. 17
La divine liturgie.......................................................................... 19
Le célébrant................................................................................. 20
5. Qu’est-ce que la divine liturgie ? ......................................................... 21
Une récapitulation de toute l’économie divine.......................... 21
Une manifestation du Dieu Trinitaire........................................ 25
La réunion du Ciel et de la Terre................................................. 26
6. Les fruits de la divine liturgie............................................................... 28
L’incorporation du fidèle dans le C hrist..................................... 28
Le rassemblement de l’Église...................................................... 30
I. La préparation de la sainte liturgie..................................................... 33
1. Le rite du « temps » .............................................................................. 33
La préparation du célébrant....................................................... 33
Mon cœur est prêt, ô D ieu ......................................................... 35
Le jour sans so ir........................................................................... 37
La Mère de Dieu : la porte qui regarde vers l’O rien t................. 39
La Croix : la gloire du C hrist...................................................... 40
l. A D I V I N E L I T U R G I E D E S A I N T J E A N C H R Y S O S T O M E

Glorifiez Dieu dans vos corps..................................................... 41


Par les icônes, nous voyons le Seigneur et les saints.................... 43
Le sacerdoce : un ministère de service........................................ 44
Le célébrant entre dans les Cieux................................................ 47
L’atelier des dons de l’Esprit saint............................................... 47
2. L’habillement des célébrants................................................................ 48
Les ornements sont saints et transmettent la sanctification...... 49
Le Christ : l’ornement qui vient du C iel.................................... 50
L’épitrachile, symbole de la Grâce............................................... 51
Le symbolisme de la ceinture...................................................... 53
Le prêtre agit comme la main du C hrist..................................... 54
Ceins ton épée à ton côté, Puissant............................................ 55
Prêtres, revêtez-vous de la justice, le C hrist............................... 56
Le diacre, ministre des Mystères de Jésus-Christ....................... 57
Je me laverai les mains parmi les innocents............................... 58
3. L’office de préparation des Dons eucharistiques (prothèse)............... 60
Le calice et le discos.................................................................... 60
Prépare-toi Bethléem.................................................................. 62
Tu nous as rachetés de la malédiction de la lo i........................... 63
L’offrande du pain et du v in ...................................................... 64
Le pain et le vin, symboles de l’unité.......................................... 65
La célébration de la mémoire du C hrist..................................... 67
Un récit actif de la Passion.......................................................... 68
L’Agneau de Dieu est im m olé..................................................... 71
Et aussitôt, il en jaillit du sang et de l’e au ................................... 72
La sobre ivresse............................................................................ 73
La Reine s’est tenue à Ta droite................................................... 74
Les saints anges assistent le prêtre............................................... 76
L’assemblée des saints.................................................................. 79
Souviens-Toi, Maître ami des hommes...................................... 81
Dieu au milieu des dieux............................................................. 82
Lorsque l’âme devient un encensoir........................................... 83
Le Seigneur règne, Il s’est revêtu de beauté................................ 85
Ta vertu, ô Christ, a couvert les Cieux, et la Terre....................... 86
La bénédiction de Dieu et la bénédiction de l’hom m e.............. 87
Du Père par le Fils dans le Saint-Esprit...................................... 89
L’église entière est encensée........................................................ 90
Voici le temps d’agir pour le Seigneur........................................ 91
II. La divine liturgie............................................................................... 93
1. L’ecténie et les antiphones.................................................................... 93
La liturgie transforme la Terre en C iel........................................ 93
La Croix est le symbole du Royaume......................................... 94
Les fidèles ajoutent l’A m en........................................................ 96
Le mystère de la paix de D ie u ..................................................... 97
Le Christ est notre paix............................................................... 98
La paix du monde entier........................................................... 100
Celui qui demande la paix, demande le C hrist........................ 101
L’église est le Ciel sur terre........................................................ 102
L’homme est un temple christophore....................................... 104
Celui qui préside à la place de D ieu ......................................... 106
Les chrétiens soutiennent le m onde......................................... 108
Que la création se réjouisse....................................................... 109
Ceux qui peinent et portent un lourd fardeau......................... 111
Pour que nous soyons délivrés de toute tribulation................. 112
Pour que nous soyons délivrés de toute colère......................... 114
Pour que nous soyons délivrés de tout péril............................. 115
Pour que nous soyons délivrés de toute nécessité..................... 116
Que vos cœurs ne soient pas troublés....................................... 116
Confions-nous au Christ notre D ieu....................................... 117
L’amour ineffable de Dieu pour l’hum anité............................ 118
L’âme est une musicienne accomplie........................................ 120
Voici l’Agneau de D ieu ............................................................. 121
Encore et encore, prions le Seigneur........................................ 122
Pour partager l’héritage des saints............................................ 123
Le Dieu qui n’est point orgueilleux.......................................... 124
Les prières communes et unanimes.......................................... 126
2. L’entrée avec l’Evangile et les lectures sacrées..................................... 127
Les anges se mêlent aux hom m es............................................. 128
Une fête commune des Cieux et de la Terre............................. 131
Le trône élevé............................................................................. 132
L’annonce préalable de la venue du C hrist.............................. 134
Nous avons contemplé Sa gloire............................................... 135
Louez Dieu ! .............................................................................. 135
La Lumière de la connaissance de D ieu ................................... 137
Approchons de l’Époux avec nos flambeaux............................ 139
Nous voyons et nous entendons le C hrist............................... 140
Élevons notre esprit au-dessus de ce qui est terrestre............... 142
Je vous donne ma paix............................................................... 143
L’Évangile du Royaume............................................................. 144
3. L’ecténie et la Grande Entrée............................................................. 145
Le Christ est l’abîme de la miséricorde..................................... 146
Kyrie eleison.............................................................................. 148
Les catéchumènes..................................................................... 149
Le renvoi des catéchumènes..................................................... 151
Rends-nous dignes.................................................................... 153
Fais briller le vêtement de mon âm e......................................... 154
L’hymne des chérubins.............................................................. 156
Seigneur, Tu offres et Tu es offert.............................................. 158
Afin de recevoir le Roi de toutes choses.................................... 160
Le transfert des Dons précieux................................................. 162
Le noble Joseph ayant descendu de la C roix............................ 164
Le Saint-Esprit concélèbre........................................................ 165
4. L’ecténie de la proscomédie et le C redo............................................. 167
La perfection sans fin ................................................................ 167
L’Ange gardien........................................................................... 169
Ce qui est utile à nos âm es....................................................... 170
La mort : le commencement d’une vie meilleure..................... 171
Péchés et ignorances.................................................................. 173
La paix prépare la voie de l’am our............................................ 174
Le baiser de paix........................................................................ 175
Les portes, les portes ! ................................................................ 177
L’énumération des dons de D ieu .............................................. 178
5. La sainte anaphore.............................................................................. 179
Tenons-nous avec crainte......................................................... 179
Miséricorde de paix, sacrifice de louange................................ 180
Un don trinitaire........................................................................ 182
Le miracle de la transfiguration liturgique.............................. 183
Rendons grâces au Seigneur..................................................... 185
Il est digne et juste.................................................................... 186
Pour tout cela, nous Te rendons grâces..................................... 187
L’hymne de victoire................................................................... 190
La doxologie commune des anges et des hom m es.................. 192
Dieu a tant aimé le m onde....................................................... 194
Le sacrifice du Christ est accompli........................................... 195
La Cène mystique et la divine Eucharistie............................... 197
La mémoire du C hrist............................................................... 199
La mémoire du Royaume du C hrist........................................ 200
Nous T ’offrons ce qui est à Toi, de ce qui est à T o i................. 201
La descente du Paraclet............................................................. 203
Il est digne en vérité de te proclamer bienheureuse................. 205
L’hôte et la nourricière des fidèles............................................ 206
6. Diptyques et supplications................................................................. 207
En mémoire des saints............................................................... 208
Visite-nous, ô D ieu .......................... 209
Une offrande pour le m onde.................................................... 210
D ’une seule voix et d’un seul c œ u r................ ......................... 211
Comme un doux parfum spirituel........................................... 212
L’unité de la fo i.......................................................................... 214
Pour la communion au Saint-Esprit........................................ 216
L’accès auprès de D ieu............................................................... 217
Nous sommes maintenant enfants de D ieu............................. 218
La Table de paix......................................................................... 220
L’inclination de la tê te ............................................................... 221
7. La sainte com m union......................................................................... 222
En-haut, je Te possède et en-bas, je suis uni à T o i.................... 222
Les saints Dons aux saints........................................................ 224
Un seul est Saint, un seul est Seigneur : Jésus-Christ.............. 225
L’Agneau de Dieu est rom pu.................................................... 226
Le Christ est u n ......................................................................... 228
La chaleur du Saint-Esprit........................................................ 229
Les prières de préparation à la sainte com m union.................. 231
Ceci a touché mes lèvres............................................................ 234
Nous pouvons toujours célébrer Pâques................................... 236
Préparation pour s’approcher du calice.................................... 238
Avec foi, crainte de Dieu et am our........................................... 239
Il appelle les brebis par leur n o m ............................................. 242
Nous et le Christ sommes u n .................................................... 243
Le Christ nous nourrit dans les deux mondes.......................... 245
Nous avons vu la vraie lumière................................................. 246
Sois exalté au-dessus des cieux, ô D ieu..................................... 249
Je ne trouve aucune parole, mon Sauveur................................ 250
8. C ongé................................................................................................. 252
Allons en paix............................................................
La plénitude de l’Eglise......................................... .
Que le nom du Seigneur soit b én i............................
La bénédiction du Seigneur et Sa miséricorde.........
III. Actions de grâces après la sainte comm union...............
Prière anonyme.........................................................
Prière de saint Basile le G rand..................................
Prière de saint Syméon le Métaphraste.....................
Prière anonyme.........................................................
Prière anonyme à la Mère de D ieu...........................
Je Te rends grâces, Seigneur......................................
Epilogue.................................................................................
Mes mystères sont à Moi et à ceux qui sont miens ...
Homélie catéchétique de Saint Jean Chrysostome...............
Glossaire.................................................................................
Table des principaux textes patristiques au sujet de la divine
Abréviations scritpuraires......................................................
Autres abréviations.................................................................
Index des références scripturaires..........................................

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