La Divine Liturgie - Commentaires - PÃ Res de Lã Glise
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du Mont Athos
LA DIVINE LITURGIE
DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
Commentaires à la lumière des Pères de l’Église
© Hiéromoine Grégoire
© Éditions des Syrtes, 2015, pour la traduction française
© Père Placide Deseille pour les textes liturgiques traduits en franç:
Hiéromoine Grégoire12
1. La dernière Cène
et la liturgie des premiers chrétiens
1. Le Saint-Esprit.
2. En grec, signifie « enseignement ».
3. Didaché, X, 7, Sources Chrétiennes 248, 183.
4. Saint Justin, Première apologie, I.XVII, SC 507, 311.
5. Saint Clément de Rome, Première Epitre aux Corinthiens, XXXIV, 5-7, SC 167, 157.
montagnes a été recueilli pour devenir un, quainsi Ton Eglise soit rassemblée1
des extrémités de la Terre dans Ton Royaume. Car à Toi est la gloire et la puis
sance par Jésus-Christ dans les siècles. »
La Didaché poursuit en mentionnant certaines phrases qui constituaient
probablement un dialogue entre le célébrant et le peuple :
Saint Justin, dans sa Première apologie (écrite vers 150 après Jésus-Christ),
nous donne deux schémas de la divine liturgie. La synaxe eucharistique
commence par les lectures de la Sainte Ecriture, et ensuite le célébrant
enseigne les fidèles. Suivent les prières en assemblée, le baiser de paix,
l’offrande du pain et du vin ainsi que les prières élevées par le célébrant.
Le peuple prononce YAmen, et c’est alors « que ceux qui sont présents
partagent les Dons eucharistiques123 ». Ils sont distribués aux absents par les
diacres. Saint Justin se réfère également à l’invocation du Saint-Esprit, qu’il
appelle « prière du Verbe4 ».
Saint Ignace d’Antioche (martyrisé vers 113 après Jésus-Christ) et saint
Irénée de Lyon (140-202) évoquent moins la forme des prières, mais
s’étendent plus sur la théologie du Mystère. Saint Irénée de Lyon appelle la
sainte anaphore* « invocation de Dieu » ou « parole de Dieu5 ».
1. Les Constitutions apostoliques, 4, SC 11 bis, 47-51 et P. Trembelas, Archai kai charaktir tis chris-
tianikis latreias [Principes et caractère de l’office chrétien], p. 175-176, éditions Sotir, 1962.
de l’apôtre Marc, de Jacques le frère du Seigneur, de saint Clément, de
saint Basile le Grand et de saint Jean Chrysostorne.
Aujourd’hui, dans l’Église orthodoxe, on célèbre les saintes liturgies
suivantes :
1. La liturgie de saint Jacques le frère du Seigneur. Le noyau central
de cette liturgie est d’origine apostolique, tandis que sa forme actuelle
remonte au ivc siècle, avec quelques ajouts ultérieurs. La simplicité lexi
cale, les lectures de l’Ancien Testament, et les demandes afférentes aux
persécutions des chrétiens, confirment son ancienneté.
Cette liturgie prit forme à Jérusalem, et de là s’étendit à de nombreuses
Eglises locales. Nombreux sont les saints Pères qui en parlent: saint
Cyrille de Jérusalem (qui l’expose sans mentionner le nom de saint
Jacques1)) saint Proclus de Constantinople2, saint Marc d’Éphèse', le
Concile Quinisexte (32Lcanon J et d’autres encore. La liturgie de saint
Jacques est célébrée les jours dédiés à sa mémoire (le 23 octobre et le
dimanche après la Nativité).
2. La liturgie de saint Basile le Grand. Celle-ci nous amène à Césarée
de Cappadoce. Saint Basile le Grand l’écrivit probablement alors qu’il
était prêtre (vers 365), car saint Grégoire le Théologien, se référant à
l’activité de ce saint à ce moment, dit que parmi ses contributions à
l’Église, il y avait les prières liturgiques et les rubriques selon lesquelles
elles devaient être lues\ Cette liturgie fut apportée par saint Grégoire le
Théologien à Constantinople et, de là, elle fut connue aussi à Alexandrie.
De nos jours, elle est célébrée dix fois par an, à savoir les dimanches du
Grand Carême, le Jeudi saint, les paramonies (veilles) de la Nativité du
Christ et de la Théophanie, ainsi que le jour de la fête de saint Basile
(1er janvier).
3. La liturgie de saint Jean Chrysostorne, dont il sera question
maintenant.
La vie du saint
1. Pallade d ’Hélénopolis, Dialogue sur la vie de saint jean Chrysostome, V, 10, SC 341, 109.
2. Ibid.t SC 341, 111.
De nouveaux combats attendaient le saint à Constantinople. Le paga
nisme faisait encore la guerre à la foi chrétienne. Les hérétiques (ariens,
apollinariens et autres) brisaient l’unité de l’Église. Des clercs indifférents
à leur mission scandalisaient le peuple. C ’est donc dans de telles difficultés
que saint Jean Chrysostome dut accomplir son œuvre. Par les paroles
inspirées émanant de sa « langue d’or », il captivait le peuple, consolait
les affligés, encourageait les désespérés, prêchait le repentir. En actes et en
paroles, il frappait le mal où qu’il se trouvât. Il punissait les clercs indignes
et organisait les œuvres spirituelles et caritatives de l’Église. Il envoya des
missionnaires chez les Goths, en Scythie et en Phénicie. Il institua des
offices nocturnes afin que ceux qui travaillaient pussent y participer.
Une œuvre aussi vaste et particulièrement les sanctions frappant les
clercs indignes furent à l’origine d’énormes oppositions contre lui. Les
ennemis du saint, appuyés par l’impératrice Eudoxie, parvinrent à le faire
destituer et exiler1. Or, cet exil ne dura qu’une journée. Le saint arriva
jusqu’en Bithynie, mais l’opposition du peuple et un événement excep
tionnel qui survint dans la vie d’Eudoxie effrayèrent celle-ci à tel point
quelle demanda le retour du saint. Celui-ci revint alors dans la capitale, où
le peuple l’accueillit avec des larmes de joie.
Toutefois, ses ennemis ne désarmèrent pas. Par des intrigues et des
calomnies continuelles, ils excitèrent à nouveau la colère d’Eudoxie et
persuadèrent l’empereur de confiner le saint à son palais épiscopal. La nuit
du Samedi saint 404, des événements affligeants se produisirent dans les
églises où ceux qui étaient restés fidèles au saint s’étaient rassemblés. Ainsi,
tandis que l’on préparait le baptême des catéchumènes et la fête de Pâques,
ceux-ci - tant les hommes que les femmes - furent battus par les soldats et
chassés - nus - dehors. Comme le dit le saint, dans les fonts baptismaux,
« les eaux bénies rougirent du sang des blessures... et le très-saint Sang du
Christ, dans un tel tumulte, coulait sur les vêtements des soldats12 ».
Finalement, le 20 juin 404, le saint, après avoir fait ses adieux au clergé,
se livra lui-même à ses ennemis, à l’insu du peuple, et fut conduit en exil
à Cucuse, en Arménie. Après des tribulations inimaginables, tant corpo
relles que psychiques, qui durèrent plus de trois ans, le saint s’endormit
dans le Seigneur le 14 septembre 407, alors qu’il se dirigeait vers Pityon,
La divine liturgie
Le célébrant
1. Georges, archevêque d’Alexandrie, Vie de saint Jean Chrysostome, 59, Halkin, p. 238.
2. Georges Wagner, évêque d’Eudociade, Der Ursprung der Chrysostomusliturgie, Münster,
AschendorfF, 1973, p. 133.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur Matthieu, LXXXII, 5, PG 58, 744.
nos supplications1 ». La célébration de l’Eucharistie place le célébrant dans
le Ciel: « Le trône du sacerdoce est placé dans les Cieux2. » C’est pour
quoi il est exigé du prêtre une pureté angélique, de telle façon qu’il puisse
exercer l’œuvre que Dieu n’a pas même confiée aux anges. Car « le prêtre
invoque l’Esprit saint, il accomplit le très redoutable sacrifice et touche
constamment le Maître commun de tous3 ».
Le prêtre se trouve sur terre et se meut dans le Ciel. Il se tient avec les
saints anges, il glorifie Dieu avec les archanges, il concélèbre avec le Christ '.
Saint Jean révèle que lors de la divine liturgie, « les puissances célestes
occupent tout le sanctuaire et collaborent avec nous dans la célébration de
l'office" ». Ses contemporains témoignent au sujet du saint que « lors de la
divine liturgie était révélé qui était ce contemplateur du monde invisible.
Car il ne ressemblait pas à un homme revêtu d’une chair mortelle, mais
plutôt à un ange sous forme humaine1' ».
C’est ainsi que les saints célèbrent la liturgie. C’est ainsi que saint Jean
Chrysostome célébrait le « miracle des mystères' ». Devant le saint Autel,
il vivait le mystère de l’amour de Dieu. Il recevait du Ciel l’Amour divin
et l’offrait à ses enfants sur terre. Par conséquent, sa vie, sa parole et son
témoignage fournissent la meilleure exégèse de la divine liturgie. Car celle-
ci - c’est-à-dire le Christ —était sa vie. Et sa vie était une liturgie et une
action de grâces continuelles.
Tous les éléments sublimes que Dieu accomplit pour ramener l’homme
dans Sa maison après la désobéissance et pour le faire Sien à nouveau, sont
appelés l’économie divine. « L’économie de notre Dieu et Sauveur au sujet1234567
1. Saint Justin, Première apologie, XXXIII, SC 507, 213, et saint Jean Chrysostome, Contre les
Juifs, V, 12 PG 48, 902-3.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur L'ÉpîtreauxÉphésiens, XXIII, 2, PG 62, 165-166.
3. Théodore d Andida, Sur les sytnboles et mystères dans la divine liturgie, I PG 140, 417A.
4. Saint Denys PAréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique, III, 3, 12, PG 3, 441C-444A,
traduction de Maurice de Gandillac, Paris 1943, p. 277.
5- Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, 1, SC 4 bis, 63.
Saint Jean Chrysostome écrit que « les yeux de la foi voient ce qui est
invisible1». Ecoutons donc ce que le saint a perçu ainsi dans la liturgie:
La sainte église où est célébrée l’Eucharistie divine est Bethléem:
« Accours à la Bethléem (c’est-à-dire à l’église), où se trouve la maison du
Pain spirituels » Dans peu de temps, dans la chambre haute de Sion, nous
participerons à la Cène mystique avec les disciples. En effet, dans la divine
liturgie « est accomplie la même Cène que celle à laquelle le Christ était
assis. Cette cène eucharistique [que nous célébrons maintenant] n’est en
rien différente de celle-ci1». « Cette sainte église est la chambre haute où
étaient rassemblés le Christ et les disciples. De là, ils partirent pour le mont
des Oliviers \ »
Ensuite, le saint Autel devient le lieu du Crâne et le terrible Golgotha: le
mystère de la divine Eucharistie « est la figure de ce sacrifice [du Golgotha] ;
le sacrifice qui fut offert alors, nous l’offrons maintenant également”’ ».
Après le Golgotha, nous vivons la Résurrection : « Le Mystère accompli à
Pâques n’est en rien supérieur à celui que nous accomplissons maintenant.
C’est un seul et même mystère, c’est la même grâce du Saint-Esprit. C ’est
toujours Pâques'1. »
L’Eucharistie est la Pâque incessante de l’Église. C’est le début du siècle
nouveau qui fait irruption dans l’ancien et le renouvelle. C ’est la présence
charismatique du Royaume à venir: « Tu n’as cessé de tout faire jusqu’à ce
que Tu nous aies élevés au Ciel et nous aies fait don de Ton Royaume à
venir7. » Le Christ nous a accordé dès maintenant le Royaume à venir et
a mis le Ciel à notre portée: « Il nous a rendu le Ciel accessible". » Et ce
qui est encore plus sublime : Il nous accorde de Le recevoir en nous, Lui le
Maître du Ciel.
La divine liturgie est le Mystère du Christ. En elle coexistent ce qui est
proche et ce qui est éloigné, le commencement et la fin. « La Pâque du
Christ apparaît, les époques se réunissent (c’est-à-dire que les distinctions
du temps sont annihilées), l’ordre cosmique s’établit '. » De même que le
Christ est l'Alpha et l ’Oméga., le premier et le dernier, le commencement et
1. Sur les derniers jours, 2, PG 56, 272.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur suint Matthieu, VII, 5, PG 57, 78.
3. Ibid., L, 3, PG 58, 507.
4. Ibid., LXXXII, 5, PG 58, 744.
5. Id., Sur l'Épitre aux Hébreux, XVII, 3, PG 63, 131.
6. Id., Sur I Timothée, V, 3, PG 62, 529-530.
7. Prière de l’anaphore.
8. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, XL.VI, 3, PG 59, 261.
9. Épitre à Diognète, XII, 9, SC 33, 85.
la fin (Ap 22, 13), ainsi la divine liturgie est le rassemblement de l’espace
et du temps dans le Christ et leur transfiguration en espace et en temps
liturgiques.
les uns aux autres. » Voir aussi PG 74, 725C : « G’est à juste titre que nous tenons les assemblées
[synodous] à l’église le huitième jour [c’est-à-dire le dimanche] » (ibid).
1. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur Ozias, VI, 4, PG 56, 140.
2. En grec ekklisiazôn.
3. Saint Grégoire de Nysse, Sur l ’Ecclésiaste, 111, PG 44, 649G.
4. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie I, PG 91,6640, traduction française, Paris, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », 2005, p. 81.
5. Matines de la mi-Pentecôte, canon, ode* 5.
6. Saint Grégoire Palanras, Homélie LUI, 21, édition Oikonomou, p. 157.
7. Divine liturgie, hymne des chérubins*.
8. Saint Denys l’Aréopagite, Traité de lu hiérarchie ecclésiastique, 111, 3, 9, PG 3, 347C.
9. Saint Jean Chrysostome, Sur les Actes, XXL 5, PG 60, 170.
lors de la divine liturgie signifie pour leur âme « un grand gain et beaucoup
d’utilité1».
Le ciel et la terre, les anges et les hommes, les vivants et les morts fêtent et
rendent grâce ensemble au Seigneur pour Son amour. « La terre et la mer,
les pays habités et inhabités, chanteront pour l’éternité entière et rendront
grâce pour les bienfaits-’ » qu’ils ont reçus. Tout rend grâce: A Celui qui est
assis sur le trône, et à l ’Agneau*, soient la louange, l ’honneur et la gloire dans
les siècles des siècles. (Ap 5, 13)
1. Saint Jean Chrysostome, Sur l Épître aux Philippiens, III, 4, PG 62, 204.
2. Id., Sur le psaume 4 4 , XIII, PG 55, 203.
3. Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques IV, 1, SC 126, 134.
4. Sur saint Jean, XLVI, 2-3, PG 59, 260.
ment et existentiellement. Le Christ, par amour pour nous, « ne s’est pas
contenté de devenir homme, d’être souffleté et immolé, mais II a voulu
outre cela se mêler à nous. Il nous change en Son propre corps, non seule
ment par la foi, mais aussi en réalité1».
Une autre fois, saint Jean Chrysostome entend le Christ lui dire: « Je ne
me joins pas seulement à toi, mais je pénètre tout ton être, je suis mangé
par toi, je m’amincis peu à peu, afin que la fusion, que l’union soient plus
parfaites. Ce qui est uni demeure dans ses propres limites, mais moi je ne
fais plus qu’un avec toi. Je ne veux pas qu’il y ait quoi que ce soit entre
nous; je veux que les deux ne fassent plus qu’un2. » Entre le Christ et le
fidèle, rien n’interfère. Tout fond dans le feu de Son amour: « Nous et le
Christ sommes un '. »
Seul un saint peut parler avec tant de liberté. Et c’est ainsi que s’expri
ment réellement les saints:
Les paroles des saints ne sont pas des exercices littéraires qui ont pour
but d’impressionner. Elles sont les épanchements des cœurs qui ont été
inondés par le Christ. Dans ce débordement de Vie et de Lumière, l’homme
entier irradie. Tous ses membres rayonnent. Et le monde, dans lequel vit et
se meut le saint, est rempli de la lumière du Christ. « La lumière du Christ
resplendit pour tous'. »
En offrant à Dieu du pain et du vin, nous offrons le monde, et le monde
devient Eucharistie'’. Par la descente du Paraclet sur nous et sur les Dons
ici offerts, l’homme se sanctifie et la nature est renouvelée. Toutes choses
sont renouvelées : le monde reçoit la bénédiction de Dieu, et l’homme est
christifié. Le monde devient maison de Dieu et l’homme devient christ
selon la grâce.
Nous éprouvons ainsi l’avant-goût du siècle nouveau. Alors, « lorsque
paraîtra le Maître, le chœur des bons serviteurs fera cercle autour de Lui, et
1. Saint Jean Chrysostome, Sur saint Matthieu, LXXXI1, 5, PG 58, 743.
2. Sur I Timothée, XV, 4, PG 62, 586.
3. Sur TÉpître aux Hébreux, VII, 3, PG 63, 58.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes, XV, 141-143, SC 156, 288.
5. Liturgie des Présanctifiés*.
6. Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 2, 3, SC 153, 35.
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de même qu’il resplendira, eux aussi resplendiront1». Le Dieu-homme, au
centre de l’assemblée des saints, rayonnera de la splendeur divine, comme
un peuple de dieux entourant Dieu, beau Coryphée d ’un beau chœur (Ps 81,
10 .
Le rassemblement de l ’Eglise
>■Ibid.
Id., Homélie avant l'exil, II, PG 52, 429.
ld., Sur le psaume 5, 2, PG 55, 63.
Dans La splendeur de tes Saints comment pénétrerai-je, moi l'indigne ?
Car si j ’ose entrer dans la chambre nuptiale, ma tunique m ’est un reproche
car elle n’est pas l ’habit de noces, et enchaîné, je serai rejeté par les anges.
Purifie, Seigneur, la souillure de mon âme et sauve-moi, Toi qui aimes
l ’homme.
Matines du Mardi saint
Le rite de cet office divin manifeste, par les mystères qui y sont accomplis
symboliquement, toute cette économie de la condescendance pour nous de notre
véritable Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
Théodore, évêque d’Andida, Protheoria, PG 140, 421AB
1. Le rite du «temps»
La préparation du célébrant
Le prêtre est le ministre du mystère du salut de l’homme. Par son minis
tère, l’homme se sépare du péché et est conduit à Dieu. Car le but du
ministère sacerdotal est « de donner des ailes à l’âme, de la ravir au monde
et de la remettre à D ieu... D ’installer le Christ dans les cœurs par l’Esprit
et, c’est le principal, de diviniser l’hom m e1». Avec l’assistance du célé
brant, l’homme s’élève à « la béatitude d’en-haut- ». Le ministère sacer
dotal est l’incarnation de la prédication du prophète : Frères, approchez-vous
des montagnes éternelles! (Mi 2, 9).12
1. Saint Grégoire le Théologien, Discours, II, 22, SC 247, 119.
2. Ibid., IX, 3, SC 405, 309.
Par son ministère, le prêtre manifeste la nouvelle vie que nous a apportée
le Christ, c’est-à-dire Sa propre vie. Et puisque la divine liturgie est le
Mystère par lequel la vie du Christ est offerte aux fidèles, elle est simulta
nément aussi le centre du ministère sacerdotal.
Les conditions préalables pour que le prêtre s’approche du saint Autel
sont la longanimité et l’amour. C ’est ce que le Christ demande au célébrant
comme, cela va de soi, à chaque fidèle: Si donc tu présentes ton offrande à
l ’Autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse
là ton offrande devant l ’Autel, et va d ’abord te réconcilier avec ton frère; puis
viens présenter ton offrande (Mt 5, 23-24).
Saint Jean Chrysostome est émerveillé par l’amour du Christ: « Quel
amour débordant pour l’homme! Le Christ considère que l’honneur qui
Lui est offert est inférieur à l’amour envers notre prochain... “Que mon
adoration s’interrompe, dit le Christ, afin que soit conservé l’amour envers
ton frère.” » Par ces paroles, le Seigneur veut nous montrer « qu’il estime
beaucoup l’amour et qu’il le considère comme un sacrifice supérieur à tout
autre. Sans ce sacrifice, Il n’accepte pas les autres ». Ainsi, le Christ nous
enseigne que « la sainte Table ne reçoit point ceux qui ont de l’inimitié
entre eux1».
C ’est ainsi que le Pré spirituel rapporte cet événement de la vie de l’évêque
Jean : celui-ci « avait un diacre... qui, un jour de fête, alors qu’il devait célé
brer, s’emporta et l’insulta en face. Lorsqu’arriva le moment où ils devaient
célébrer et revêtir leurs ornements, le diacre, éprouvant de la honte pour
la parole qu’il avait proférée à l’évêque, ne vint pas concélébrer. Alors,
l’évêque, comme un bon pasteur, partit à la recherche de la brebis perdue,
en disant: “Aujourd’hui, il n’y aura pas de liturgie si le diacre Epiphane ne
vient ici.” Lorsque le diacre vint ensuite, le bon pasteur l’embrassa et se
prosterna devant lui comme s’il était lui-même coupable. Ensuite, après
qu’ils eurent revêtu les ornements, il ordonna que l’on donne au diacre le
rhipide* pour qu’il se tienne auprès de lui lors de la divine liturgie. Après
le congé*, il invita le diacre à déjeuner... et le renvoya en paix. Les parents
de l’évêque murmurèrent à propos de tout cela... Cependant, l’homme
de Dieu les réprimanda en disant: “Vous oubliez que lorsque le Christ
était insulté, Il n’insultait pas (1 P 2, 23; Mt. 5, 39), et lorsqu’il était
frappé, Il ne rendait point les coups... Croyez-moi, mes enfants, lorsque
j’offre le culte non sanglant, avant que je ne commence la prothèse, j’ai
l’habitude d’adresser une supplication à Dieu pour moi et pour vous. Mais
1. Sur Matthieu, XVI, 9, PG 57, 250-251.
aujourd hui, au moment où je commençais la prière, j’omis la supplica
tion pour moi et pour vous et je priai, demandant à Dieu avec des larmes,
d’avoir pitié du diacre et de lui pardonner. Et je vis immédiatement la
Grâce divine descendant sur l’Autel. Si donc vous voulez être dignes d’une
telle vision, offrez à Dieu le sacrifice non sanglant avec une sincère absence
de rancune, car il n’existe pas d’autre voie qui vous conduise aussi rapide
ment à Lui'” ».
1. Le mot grec kairos signifie plus précisément le temps propice, le moment opportun. Le rite
du « temps » est récent (et est absent des livres slaves, [N.d.T.]). Les anciens manuscrits de la
divine liturgie commencent par la prière de la prothèse: O Dieu, notre Dieu, Toi qui nous as
envoyé lepain céleste... Au XIVe siècle, l’ordonnance du patriarche Philothée de Constantinople
dispose que le prêtre qui va célébrer doit réciter la prière suivante : Seigneur, envoie Ta main des
hauteurs de Ta demeure... (Trembelas, Ai treis Leitourghiai, Athènes, 1935, p. 1).
2. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 401A.
3. Matines de la Nativité, laudes*.
4. Ibid., kondakion*.
5. Ibid., doxasticon* des laudes.
6. Vêpres du 2 juillet, apolytikion*.
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vêlé, nous vivons le nouvel événement, la victoire de l’amour sur le temps
et sur la mort. « Fêtons la mise à mort de la m ort... le début d’une vie autre
et éternelle, et bondissant de joie chantons Celui qui en est l’Auteur'. »
Après la Résurrection du Christ, la Vie règne au lieu de la mort, et l’éter
nité domine dans le temps. C ’est cette victoire du Christ que nous fêtons
dans la divine liturgie, qui est une Pâque continuelle. « C ’est toujours
Pâques2. » Pour cette raison, le jour par excellence du Mystère eucharis
tique est le jour de la Résurrection du Seigneur, le dimanche, le jour qui
symbolise le dépassement du temps, car il est le premier jour de la création
et en même temps le huitième jour du Royaume. Il est le jour « qui n’a pas
de soir, de lendemain ni de fin' », « qui n’a ni commencement, ni fin. Car
ce n’est pas un jour qui n’existe pas à tel moment, qui doit venir à l’exis
tence et avoir un début ; au contraire, il existait à la fois avant les siècles,
existe maintenant et existera dans les siècles des siècles4 ».
De la Table de Vie « se lève le jour salvifique8 ». C’est le huitième jour,
le jour du siècle à venir qui se manifestera « lorsque ce temps corrompu et
éphémère aura cessé6 ». Le jour de la divine liturgie est le jour du Royaume
qui vient et qui est là (Jn 4, 23). Car dans la divine liturgie, nous vivons les
événements passés et nous rendons grâces pour les biens à venir qui nous
ont déjà été accordés : « Nous Te rendons grâces... pour nous avoir fait don
de Ton Royaume à venir7. »
De même que les prophètes furent les précurseurs de l’incarnation du
Christ et préparèrent les hommes à Le recevoir, le Christ Lui-même est
devenu « précurseur de Son avènement spirituel, en instruisant les âmes,
par Ses propres paroles, à recevoir Son divin avènement visible, qu’il
accomplit toujours, quand il fait passer de la chair à l’Esprit, par la vertu,
ceux qui en sont dignes. Ce qu’il fera également à la consommation des
siècles, en révélant clairement ce qui est caché à tous jusqu’à maintenant8 ».
Ce que le Christ a fait par Son incarnation, nous en faisons l’expérience
de manière sacramentelle dans la divine liturgie. Celui qui est et a toujours
été nous révèle Celui qui vient (Ap 4, 8) puisque la divine liturgie est la
1. Canon de Pâques, 7e ode.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur I Timothée, V, 3, PG 62, 529-530.
3. Saint Basile le Grand, Hexaemeron, II, 8, SC 26 bis, 185.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, Discours éthiques, I, SC 122, 182.
5. Saint Jean Damascène, Homélie sur la Dormition, III, 3, PG 96, 757B.
6. Saint Grégoire de Nysse, Sur le psaume 2, V, PG 44, 504D-505A.
7. Sainte liturgie, prière de l'anaphore.
8. Saint Maxime le Confesseur, Centuries sur la théologie, II, 29, PG 90, 1137CD, traduction
française dans Philocalie des pères neptiques, tome A, p. 443.
possibilité pour toute créature raisonnable de vivre « le mystère ineffable
du bien-être éternel*1» avec le Christ.
La divine liturgie est une synaxe, une assemblée: tous les enfants de
Dieu sont rassemblés là où concélèbrent le Ciel et la Terre, le passé, le
présent et le futur. L’assemblée de l’Église s’étend « non seulement à tout
l’univers, mais aussi à tous les siècles2 ».
La porte que franchit le Christ pour entrer dans le monde est Son
amour pour l’homme. C ’est à cet amour divin que s’adresse saint Syméon
le Nouveau Théologien, afin qu’il devienne aussi pour nous la porte qui
amènera le Christ auprès de nous : « O divine charité, où retiens-tu le
Christ? Où Le caches-tu?... Ouvre-nous, même indignes, entrouvre-nous
Ta porte, que nous voyions nous aussi le Christ qui a souffert pour nous...
Ouvre-nous, toi, devenue Sa porte pour Sa manifestation dans la chair, toi
qui as forcé les entrailles inviolables de la libéralité de notre Maître à porter
42
tissante, ô Mère de Dieu; jette lesyeux sur un peuple qui a péché;
montre, comme toujours, ta puissance. Car, ayant mis en toi
notre espérance, nous te disons notre « Réjouis-toi » comme autre
fois Gabriel, le chefdes incorporels.
Devant l’icône du saint Précurseur, ils disent:
La mémoire du juste s’accompagne d ’éloges; mais à toi, ô Précur
seur, le témoignage du Seigneur suffit. Tu as été vraiment le plus
grand des prophètes, car tu fus jugé digne de baptiser dans les eaux
Celui qu’ils avaient seulement annoncé. Aussi as-tu combattu
j courageusement pour la vérité, et tu t ’es réjoui d ’annoncer même
aux captifs des enfers l'apparition du Dieu fa it chair, qui ôte le
péché du monde et nous accorde la grande miséricorde.
| Ils vénèrent ensuite l’icône du saint patron de l’église (ou du
jour de fête), récitant l’apolytikion correspondant.
1. Saint Jean Damascène, Défense des saintes icônes, I, 17, PC 94, 1248C.
2. Kondakion du dimanche de l’Orthodoxie.
3. Saint Jean Damascène, Contre les iconoclastes, XIII, PG 96, 1360B.
les saints martyrs. Cependant, j’aspire moi aussi à les voir, par l’âme et
le corps, et à les avoir comme remèdes contre tout mal... Puisque je suis
homme et que j’ai un corps, j’aspire à communiquer et à voir ce qui est
saint de façon corporelle également'. »
Les icônes nous exhortent à la glorification de Dieu. « J’entre dans l’hô
pital commun des âmes, l’église, tandis que m’étouffent les pensées comme
des épines. Là, la beauté de l’iconographie attire mes yeux et, comme un
pré verdoyant, me réjouit la vue. Et sans que je le comprenne, elle fait naître
dans mon âme la glorification de Dieu. J’ai vu l’endurance du martyr,
la récompense des couronnes, et l’empressement de l’imiter avec zèle me
brûle comme le feu. Je me prosterne et j’adore Dieu par l’intermédiaire du
martyr et je gagne le salut12. »
L’église avec les saintes icônes est le lieu où est accomplie la divine
liturgie. Là, nous devenons contemporains de la Très Sainte Mère de Dieu
et de tous les saints, et nous partageons leur demeure.
44
Christ1. « Celui qui transforme les Dons en Corps et Sang du Christ n’est
pas un homme quelconque, mais le Christ Lui-même qui fut crucifié pour
nous. Le prêtre se tient comme une figure du Christ, qui récite ces mots
[que le Christ prononça lors de la dernière Cène], mais le pouvoir et la
grâce appartiennent à Dieu2. »
Dans la divine liturgie, « Le Père, le Fils et le Saint-Esprit accomplissent
tout. Le prêtre prête sa langue et offre sa main3 » pour servir le grand
Mystère. Par conséquent, « le prêtre n’est qu’un serviteur... C ’est réelle
ment cela, le sacerdoce n’est pas autre chose que le pouvoir d’accomplir la
fonction des [mystères] sacrés1».
Le prêtre demande maintenant au Christ qu’il le fortifie pour accomplir
Son service. En réalité, le Christ n’est pas venu dans le monde pour être
servi, mais pour servir : Moi, cependant, Je suis au milieu de vous comme
celui qui sert (Le 22, 27). Et le service qu’a offert le Christ à l’homme est le
mystère de l’économie incarnée, qui continue par la divine liturgie. Pour
cette raison, dans cette prière, celle-ci est appelée service du Christ.
Le Seigneur est parmi nous comme le servant. Cependant, le Christ
n’a pas servi « seulement dans sa vie terrestre, lorsqu’il est apparu et est
venu avec la faiblesse humaine... mais c’est encore aussi dans la vie future,
lorsqu’il viendra avec puissance et paraîtra dans la gloire du Père... Alors,
de nouveau, Il se ceindra et les fera se mettre à table, et II passera les servir
(Le 12, 37) 3 » .
***
4L
Le célébrant entre dans les d e u x
1. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, II PG 91, 669AB, traduction française, Paris, éditions
Migne, collection « Les Pères dans la loi », op. cit., p. 87.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur le sacerdoce, III, 4, PG 48, 642.
3. Saint Atlianase le Grand, Sur le psaume 5, PG 27, 76A.
4. jean Moschos, Pré Spirituel, IV, SC 12, 50.
47
Le saint Autel est « la frontière du Ciel et de la Terre1». C’est « le trône de
la gloire et la demeure de Dieu, l’atelier des dons de l’Esprit saint2 ». C’est
la source du Paradis, qui déverse le don de l’amour du Maître. « Du Paradis
de l’Éden a jailli une source qui se déversait dans des fleuves sensibles.
Depuis la sainte Table jaillit une source qui déverse des fleuves spirituels.
Auprès de cette source ont été plantés... des arbres qui atteignent le ciel.
Des arbres qui ont toujours un fruit mûr et impérissable3. » « De cette
Table sacrée... jaillit une source qui crée des sources spirituelles, une source
qui abreuve les âmes et les élève jusqu’au Ciel4. »
Pendant la divine liturgie, le prêtre constate que « cette Table est pleine
de feu spirituel et, de même que les sources font jaillir l’eau, ainsi celle-ci
a une certaine flamme inexprimable3». Une « flamme rafraîchissant les
saints » célébrants du Christ6.
Lors de la Sainte Cène, la Main immaculée du Maître - le Christ - est
devenue un Autel redoutable et supracéleste. Dans la divine liturgie, les
fidèles s’approchent pour communier, ils approchent - comme les douze
Disciples - de la Main immaculée du Sauveur. Car « les Autels représen
tent la Main du Sauveur, et nous recevons le Pain de la Table consacrée
comme nous recevons le Corps du Christ de Sa Main toute pure... car II
est Lui-même prêtre, autel et sacrifice7 ».
Le Sacrifice non sanglant est célébré continuellement, en de nombreux
lieux et en des temps différents. Cependant, la présence du Christ Unique
abolit l’espace et le temps. L’Eglise nous invite à accourir avec un désir
ardent à l’unique source de Vie : « Accourez tous comme à une seule église
de Dieu, à un seul Autel, au seul Jésus-Christ8. »
1. Saint Jean Chrysostome, Sur la deuxième Epitre aux Thessaloniciens, IV, 4, PG 62, 492.
2. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l ’édifice de l'Eglise, 33, PG 135, 712A.
3. Saint Théognoste, Sur la pratique des vertus, la contemplation et le sacerdoce, XVIII, Philocalie,
volume II, p. 258; traduction française, op. cit., tome A, p. 621.
4. Ps 132, 2.
5. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l'édifice de l'Eglise, XXXIX, PG 155, 713A.
le voient' », ainsi en est-il du prêtre: sur son visage se reflète la Lumière
véritable, et sa présence est pour les fidèles l’occasion de joie spirituelle.
Les paroles du psaume que récite le prêtre lorsqu’il revêt l’epitrachile
(« comme un parfum sur la tête, qui descend sur la barbe ») ont la signi
fication suivante : « Après que l’Eglise s’est rassemblée et a constitué
une harmonie, alors est précisément offerte fonction du Saint-Esprit...
d’abord sur la tête de l’Église qui est le Christ, et ensuite sur la barbe qui est
la bienséance du visage de l’Église et désigne les apôtres. Enfin, fonction
se communique à l’ensemble du corps, c’est-à-dire à tous ceux qui appar
tiennent à l’Église et ont revêtu le Christ123.» La Grâce divine, telle l’huile
précieuse, descend depuis la tête de l’Église, qui est le Christ, jusqu’à la
« barbe » qui est le célébrant en tant que successeur des apôtres et atteint
jusqu’à l’extrémité du vêtement que sont les fidèles.
Le prêtre est le lien entre Dieu et les fidèles, c’est-à-dire qu’il devient le
fil conducteur par lequel la Grâce divine atteint le fidèle. C ’est cette réalité
que nous rappelle f epitrachile : la nuque symbolise le Christ, et les franges
qui se trouvent en-bas symbolisent les âmes que Dieu a conférées au prêtre.
Par celui-ci, les fidèles reçoivent la Grâce du Christ.
L’epitrachile manifeste aussi que « le prêtre se trouve sous la tête, le
Christ, et qu’il doit accomplir les célébrations sous Son autorité. Il doit
lui-même se soumettre humblement au joug du Christ et accomplir Ses
œuvres sacrées avec Lui. Il ne doit rien faire sans le Christ' ».
Le prêtre célèbre le mystère de la divine liturgie, c’est-à-dire le mystère
du Christ avec le Seigneur Lui-même : « Ce qui est à Lui, il l’accomplit
avec Lui4. »
ça
Le prêtre agit comme la main du Christ
Le calice et le discos
Prépare-toi Bethléem
1. Grand F.uchologe*, « Office de consécration d ’un nouveau discos et d ’un nouveau calice »,
Athènes, Astir, 1980, p. 482-483.
2. Sur l'édifice de l'Église, 78-79, PG 155, 729BC. Saint Syméon ajoute: « [les prêtres] tiennent ces
vases en l’honneur des Dons divins, et aussi afin que tous soient sanctifiés, à la fois ceux qui les
voient et ceux qui les approchent ».
3. Ephrata signifie en hébreu « lieu de la fécondité », cest l’autre nom de Bethléem (N.d.T.).
4. Apolytikion de l’avant-fête de la Nativité du Christ.
au-dessus de cet autel. Et de même que Bethléem est situé près de Jérusalem
et du Saint-Sépulcre du Seigneur, la prothèse se trouve près du saint Autel.
Sa position dans le coin du sanctuaire signifie également « la pauvreté de la
première venue du Christ, la modestie du lieu et la discrétion de la grotte »
où II naquit'.
Bethléem fut le lieu où Dieu apparut dans la chair (I Tm 3, 16). C ’est
pourquoi l’apparition liturgique du Christ commence à la prothèse.
Les dons que l’homme offre à Dieu, le pain et le vin, symbolisent l’unité
de l’Église.
Saint Jean Chrysostome évoque le symbolisme du pain. Partant des
paroles de l’Apôtre parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs mus ne sommes
qu’un corps (1 Co 10, 17), il pose la question : « Qu’est-ce que le pain? » Et12345
1. Saint Jean Chrysostome, Sur Jean, XLVI, 1, PG 59, 258
2. Saint Cyrille d’Alexandrie, Sur Jean, III, 6, PG 73, 517CD.
3. Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 2, 3, SC 153, 37.
4. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, IV, SC 4 bis, 76.
5. Saint Irénée, Contre les hérésies, IV, XVIII, 4, SC 100, 607.
il répond : « Le Corps du Christ. Et que deviennent ceux qui y participent ?
Le Corps du Christ. Non plusieurs corps, mais un seul. De même que le
pain, composé de tant de grains, est un seul pain, malgré le fait que les
grains ne soient apparents nulle part bien qu’ils existent... ainsi nous nous
unissons entre nous avec le Christ. Car tu ne te nourris point d’un corps
et l’autre d’un autre, mais tous se nourrissent du même. C ’est pourquoi
l’apôtre Paul a ajouté: Tous, nous participons à ce pain unique' » (1 Co 10,
17).
Certaines prières liturgiques anciennes expriment également cette unité
des fidèles, qui est soulignée par l’utilisation du pain : « Comme ce pain
fut dispersé au-dessus des montagnes et, rassemblé, il devint un, ainsi
rassemble Ta sainte Eglise de chaque peuple, de chaque contrée, de chaque
ville, de chaque village et de chaque maison et fais-en une seule Eglise
catholique vivante12. »
Le vin est aussi le symbole de l’unité des fidèles : il est le mélange prove
nant du pressage de nombreux raisins rassemblés de différentes vignes.
L’offrande, par l’homme, du pain et du vin au Créateur, exprime encore
l’unité de toute la création dans un mouvement de gratitude. Nous avan
çons vers le saint Autel et le monde chemine avec nous : le monde que nous
tenons dans nos mains, le monde que nous représentons nous-mêmes.
L’homme - et l’homme seul - a été créé pour participer au monde intel
ligible et sensible. Il est un microcosme. Et le monde entier est une image
de l’homme: il est un macro-anthropos, un homme en grandes lettres.
L’homme et le monde glorifient ensemble le Père commun et Créateur.
Toute la création sert dans le mystère de l’Amour qui est offert.
La divine liturgie est célébrée de deux façons : par la parole et par l’ac
tion. Par la parole des lectures et des prières, nous entendons le Christ
Lui-même ou encore des paroles Le concernant. Dans les actions accom
plies, nous Le voyons. « Il fallait... que nous voyions en quelque manière
l’extrême pauvreté du Riche par excellence, la venue ici-bas de Celui qui
habite en tous lieux, les opprobres du [Dieu] béni, les souffrances de l’im
passible; de quelle haine II a été l’objet et combien II a aimé, jusqu’où
s’est humilié l’infiniment Grand, quelles souffrances II a endurées, quelles
actions II a accomplies pour préparer cette Table devant nous1. »
Par la parole et par faction, la divine liturgie célèbre l’anamnèse de la
vie du Christ : En mémoire de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ,
dit trois fois le prêtre, tandis qu’il trace avec la lance le signe de Croix sur
la prosphore.
Lors de la première célébration du Mystère, le Christ prit dans Ses mains
le pain et après avoir rendu grâces au Père, Il le rompit et le donna à Ses
disciples en disant Ceci est mon Corps qui est donné pour vous (Le 22, 19).
Ensuite, Il appela Son saint Sang le sang de l ’alliance qui est répandu pour
beaucoup (Mt 26, 28). « Il témoigne encore par ces paroles qu’il s’en va
mourir et c’est pour cela qu’il parle de “Testament”. » Ainsi, « par les saints
Mystères, Il rappelle aux disciples qu’il sera immolé et, lorsqu’ils sont assis
à table, Il parle de la Croix12 ».
Avant d’être crucifié, le Christ célébra la liturgie (Le 22, 19-20) —la
mémoire de Sa Passion sur la Croix. Et II nous a donné de le faire nous
aussi : de « nous rappeler des faits qui semblent ne signifier que la faiblesse :
la Croix, la passion, la mort34». On peut se demander pourquoi, « après
avoir dit Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, Il n’a pas ajouté... J’ai ressus
cité des morts, ou : J’ai guéri des lépreux, mais seulement : ... mon Corps
qui est rompu pour vous, mon Sang qui est versé pour vous ? Pourquoi
donc mentionne-t-Il non point Ses miracles, mais Ses souffrances ? C’est
que celles-ci sont plus nécessaires que ceux-là... Les unes sont la cause
même de notre salut... tandis que les miracles ont été accomplis pour
qu’on ajoutât foi au Seigneur comme étant véritablement le Sauveur3 ».
1. Is 53, 7-8.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, VI, SC 4 bis, 81.
3. Saint Basile le Grand, Sur le psaume 28, 5, PG 29, 296B.
4. Saint Grégoire le Théologien, Discours, XLV, 13, PG 36, 640C.
2) Comme un agneau sans tache, muet devant celui qui le tond, ainsi il
n’ouvre pas la bouche
Le silence du Christ lors de la Passion signifie qu’il a accepté volon
tairement Sa crucifixion : Je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne
me l'ôte, mais je la donne de moi-même (Jn. 10, 17-18). Le Christ, par
Sa propre volonté, « a enduré la Croix pour nous. Car II s’est offert Lui-
même, comme une sainte victime, à Dieu le Père1».
Le Christ se tait devant les grands-prêtres et devant Hérode (c f Mt
26,63 et Le 23,9). Il se tait devant Pilate: Jésus ne lui fit aucune réponse
(Jn 19, 9). Mais Pilate interprète Son silence comme le mépris à l’égard
de sa propre personne. « Car il ne comprenait aucunement le mystère du
silence du Christ. »
1. Jn XIX, 34-35.
2. Archimandrite G. Paraskevopoulos, Erminevtiki epistasia epi tis theias Leitourgias [Interpréta
tion de la divine liturgie], Patras, 1958, p. 32.
3. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean. XII, PG 74 , 677B.
4. Saint Jean Chrysostome, Catéchèses baptismales, III, 17, SC 50, 161.
5. Id., Éloge de Maxime, III, PG 51, 229.
6. Matines du Vendredi saint, Béatitudes.
là lance, Tu épanchas la vie sur la Vie (c’est-à-dire Ève, c f Gn 3,20), qui
m’exila de la vie du Paradis et Tu me vivifias avec elle'. »
Du côté vivifiant du Maître naît et est vivifiée l’Église, le Paradis spiri
tuel de Dieu.
La sobre ivresse
Dans l’office du Temps, que nous avons évoqué plus haut, le célébrant a
demandé à la Mère de Dieu, bénie par-dessus tout, de devenir la porte qui
mène à la Vie. Maintenant, par le célébrant, nous demandons sa très sainte
intercession, afin que notre offrande soit acceptée.
La Mère de Dieu est l’Autel immaculé sur lequel est offert le Sacri
fice eucharistique. Elle est le lieu où son Fils Unique repose par les saints
Mystères’. Car « Où donc ailleurs le Christ, cette nouvelle Victime,
devait-il toujours se trouver, si ce n’est en Celle qui Lui donna naissance...
puisqu’un autre lieu plus saint que Celui-ci ne pourrait exister'1» ?
La Mère de Dieu est le lien du Ciel et de la Terre, Elle se tient entre
l’homme qui offre un sacrifice de louange (He 13, 15) et Dieu qui reçoit
l’offrande. Du Christ, la tête du corps de l’Église, jaillit tout don parfait
(Je 1, 17) ; et par la Mère de Dieu, qui est la nuque du Corps, le don divin
parvient aux fidèles, les membres du Corps. « La Mère de Jésus, qui porte
directement la tête, le Christ, est une médiatrice entre la tête et le Corps
de l’Eglise. D ’une certaine façon, Elle est le lien qui joint les deux comme
une nuque... Par conséquent, comme la tête [le Christ] est la seule voie qui
Par son ministère dans la divine économie, la Mère de Dieu est devenue
la bienfaitrice de toute la création. Le Ciel et la Terre, les hommes et les
anges ont reçu la bénédiction de la Mère de Dieu. La Vierge « a fait se
lever la lumière même pour les anges et elle leur a donné la possibilité de
devenir plus sages et plus purs qu’avant, de connaître mieux la bonté et la
sagesse de Dieu... De cette façon, la Vierge a créé un ciel nouveau et une
terre nouvelle. Ou bien, plutôt, c’est Elle-même qui est la nouvelle terre et
le nouveau ciel2 » (Ap 21, 1).
Il y a deux raisons pour lesquelles nous considérons la Vierge comme
nouvelle terre et nouveau ciel. Premièrement, parce qu’Elle a contenu en
son sein « Celui que les Cieux immenses ne peuvent contenir ' ». Deuxiè
mement, en raison de sa pureté. En conséquence, il est clair que « ce que
le prophète David appelle “le Ciel du Ciel” et qui, comme il le souligne,
se rapporte uniquement au Dieu unique, disant le Ciel du Ciel est au
Seigneur (Ps 113, 24) est la Vierge bénie'1».
Si, cependant, la Vierge était « le Ciel du Ciel » alors quelle vivait sur
terre, au Ciel, sa place est analogue. La Très Sainte Mère de Dieu est la
Reine du Ciel. Pour cette raison, la toute-sainte dormition était une solen
nelle célébration du Ciel, présidée par le Christ Lui-même. Saint Jean
Damascène dit, en s’adressant au Christ : « Descends, descends, ô Souve
rain, viens payer à Ta Mère la dette qu’Elle mérite pour T ’avoir nourri...
Adresse-lui un doux appel : Viens, ô belle, ma bien-aimée (Ct 2, 10)... Tu
m’as fait part de tes biens : viens jouir avec moi de ce qui m’appartient :
approche et partage la puissance royale avec Celui qui, né de toi, vécut avec
toi dans la pauvreté5. »
La joie du Ciel ne connaissait pas de limite lorsqu’il reçut la Reine.
L’hymnographe de l’Église célébra l’événement : « A ta rencontre, au chant
des hymnes, en une solennité pleine d’allégresse, les puissances s’avancent,
semblant dire: Quelle est celle-ci, qui monte dans tout son éclat, qui
apparaît comme l’aurore, belle comme la Lune, resplendissante comme le
1. Ibid., p. 128-132. Jn 14, 6 : Nul ne vient au Père que par moi.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Sur la Dormition. IV, PO 19, 498.
3. Annonciation, petites vêpres, stichcre* du lucemaire.
4. Saint Nicolas Cabasilas, Sur la Dormition, IV PO 19, 498.
5. Sur la Dormition, 111,4, SC 80, 191.
Soleil ?... Le Roi t’a introduite dans sa chambre... (Ct 8, 5 ; 6, 10 ; 1,4)...
Tu es parvenue jusqu’au trône royal de ton Fils Lui-même, que tu vois de
tes propres yeux. Tu te réjouis et te tiens près de Lui... Tu bénis le monde,
tu sanctifies tout l’univers1. »
Le célébrant, alors qu’il place la parcelle de la Mère de Dieu à droite
de l’Agneau et prononce le verset du psaume A Ta droite se tient la Reine,
manifeste l’honneur que le Christ rend à Sa Très-Pure Mère : « Telle une
Reine en ses habits brodés d’or, resplendissants par l’éclat de l’Esprit, ô
Toute-Pure, ton Fils t’a placée à Sa droite12. »
1. Ibid.
2. Ibid.
3. Jean Moschos, Pré Spirituel, 199, SC 12, 271.
4. Mémoire le 23 décembre.
5. Enas askitis episkopos [Un évêque ascète], 3‘ édition, monastère du Paraclet, Oropos, Attique,
2000, p. 214.
G. Saint Jean Chrysostome, Sur le sacerdoce, VI, 4, PG 48, 681.
LA D IV IN E L IT U R G IE D E S A IN T JE A N C H R Y S O S T O M F .
Dans la liturgie sont accomplis les mystères dans lesquels les anges
désirent plonger leur regard (1 P 1, 12). Ils sont présents comme ministres et
servants, mais seul le prêtre peut célébrer la divine Mystagogie : « Lorsque
le prêtre pur et digne... entre dans le sanctuaire sacré pour célébrer la
liturgie, il est entouré invisiblement par une grande foule d’anges incor
porels et divins, qui le servent durant toute la liturgie avec beaucoup de
révérence. Mais bien que les anges servent le prêtre durant la liturgie, ils ne
peuvent la célébrer eux-mêmes sans prêtre... Ainsi, le prêtre ressemble à
quelque grand officier de l’Empereur, tandis que les anges sont semblables
à Ses soldats et Ses serviteurs1. »
Avec l’Agneau et les parcelles assemblées sur le saint discos, nous avons
une image de l’Église. Auprès du Christ et de Sa Sainte Mère, avec les
anges et les Saints, nous vivons l’événement de l’Assemblée eucharistique
de l’Église dans son universalité : « Nous voyons Jésus Lui-même et toute
Le célébrant couvre les Dons offerts « avec les voiles précieux... C’est
qu’en effet la puissance du Dieu incarné était restée voilée jusqu’au temps
fixé des miracles’ ». Les Dons offerts restent couverts depuis cet instant
jusqu’à la récitation du Credo. Le fait de les couvrir nous rappelle que
« Jésus n’était pas connu de tous depuis le début et que, bien qu’incarné, Il
n’a cessé de cacher Sa Divinité et Sa providence... Il n’est connu que dans
la mesure où II se révèle Lui-même4 ».
Durant les trente premières années de Sa vie sur terre, le Christ ne s’est
pas manifesté. Et lorsque plus tard, on Lui dit: Manifeste-toi au monde,
Jésus a répondu : Mon temps n’est pas encore venu (Jn 7, 4-6). Car le temps
du Christ est celui de Son sacrifice5.
***
La vertu de Dieu qui a couvert les cieux se trouve dans Son amour pour
les hommes. Et la plus grande preuve de cet amour est les dons que nous
procurent le baptême et l’Eucharistie. Qu’est-ce qui peut être comparé à
ces grands dons ? « Que des hommes deviennent dieux et fils de Dieu, que
notre nature reçoive l’honneur dû à Dieu, et que la poussière soit élevée
à une si haute gloire quelle obtient même honneur et même divinité que
1. Ha 3, 3.
2. Ps 16, 8.
3. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XI, SC 4 bis, 101.
4. Saint Syméon de Thessalonique, Sur l ’édifice de l ’Église, LXVII, PG 155, 729C.
5. Le Christ dit par saint Jean Chrysostome: « Pour moi, ce sera mon temps, lorsque le temps de
la Croix sera venu » {SurJean, XLVIII, 2, PG 59, 271).
la nature divine elle-même... La voilà, je pense, la vertu de Dieu qui a
couvert les deux1. »
Lorsqu’il couvre les Dons précieux, le célébrant récite la parole prophé
tique qui a été accomplie lorsque le Christ est devenu homme. Et il
demande au Seigneur qu’il accorde Sa protection et Sa miséricorde au
monde entier.
1. Ps 118, 126.
2. 2 Tm 2, 21.
1 Le 23, 42.
4. I.c 2, 14; Ps 30. 17; l e 13, 24.
8). Mon temps n’est pas encore accompli, « c’est-à-dire le moment de la
Croix et de la m ort1». C ’est ce temps que nous vivons dans la divine liturgie.
Le temps du Christ est aussi Sa gloire à venir, dont les fêtes juives étaient
l’ombre et la préfiguration. C ’est ainsi que le Christ dit: « Je ne viens pas à
cette fête [juive]... car rien ne me réjouit en elle. J’attends plutôt le temps
de la véritable festivité, qui n’est pas encore arrivé. C’est alors, lorsque
viendra mon temps, que je serai avec mes disciples, me réjouissant dans
la splendeur des saints, et je brillerai de l’éclat suprême dans la gloire du
Père’. » La divine liturgie est la préfiguration de ce temps du Royaume de
Dieu à venir
Que le Seigneur dirige tes pas pour toute œuvre bonne, dit le prêtre au
diacre. L'œuvre bonne par excellence est la liturgie, par laquelle Dieu - le
Bien primordial - œuvre à notre salut. Le Christ nous a dit: Mon Père,
jusqu’à présent, est à l ’œuvre et moi aussi je suis à l ’œuvre (Jn 5, 17). Par
la liturgie, Dieu continue l’œuvre de la création : Il recrée l’homme et le
monde. La divine liturgie est l’œuvre du Seigneur: Voici le temps d ’agir
pour le Seigneur.12
LA D IV IN E LITURGIE
O Seigneur notre Dieu... En ôtant les voiles des symboles énigmatiques [les
paroles et les actions] qui enveloppent ce rite sacré, montre-nous distinctement
celui-ci et inonde nos yeux spirituels de Ta lumière infinie.
Liturgie de saint Jacques, prière de l’anaphore
Le Christ est le Souverain du Royaume qui est venu et qui vient. Il est
venu par la Croix et vient avec la Croix. Car lorsque viendra la fin, alors
apparaîtra le signe du Fils de l ’homme (Mt 24, 30), c’est-à-dire la Croix.
Lorsque la lumière de ce monde s’éteindra définitivement, alors le signe de
1. Saint Jean Chrysostome, Sur la Croix et le larron, I, 3 PG 49, 403.
2. Ibid.
3. Ibid.
4. Ibid., 401.
5. Dimanche de l’adoration de la Croix, stichère des vêpres.
6. Octoèquc, ton 8, mercredi matin, cathisme.
la Croix rayonnera comme un nouveau soleil. Et, « de même qu’à l’entrée
d’un roi dans une ville, ses soldats marchent en avant portant sur leurs
épaules ses étendards, et annoncent par avance son entrée' », ainsi, lors
du second avènement, « lorsque le Seigneur descendra des Cieux, Il sera
précédé par la multitude des anges et des archanges, portant la Croix sur
leurs épaules et nous annonçant Son entrée royale123».
La Croix du Christ est la voie, la porte et l’annonciatrice du Royaume
de Dieu.
Le fait que l’homme soit l’image de Dieu signifie que la nature humaine
a été créée « pacifique, paisible, calme, attachée étroitement à Dieu et à elle-
même par le lien de l’amour4 ». La paix que l’homme a reçue comme don
de Dieu, il en jouit en vivant auprès de Lui, en vivant une vie vertueuse.
Car « rien d’autre n’apaise autant notre âme que la connaissance de Dieu et
l’acquisition de la vertu5 ». Cependant, le péché a apporté à l’homme et au
monde la confusion et le trouble. « Car le mal, par nature, est disloquant,
versatile, multiforme et diviseur6. » Par le péché, l’homme est devenu l’en
nemi de lui-même et de Dieu. Au point où l’homme en était venu, seul le
Christ pouvait l’aider, l’apaiser : « Le Christ Lui seul réconcilie avec Dieu,
1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, V, traduction française du père Placide Deseille, mo-
nastèrc Saint-Antoine-le-Grand, 2006, p. 87.
2. Ibid.yXXIII, p. 182.
3. Saint Basile le Grand, Sur le psaume 33, 10, PG 29, 376BC.
4. Saint Maxime le Confesseur, Centurie IIIsur la théologie, 46, traduction française in Philocalie
des pères neptiques, op. cit., p. 466.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 4, 11, PG 35, 57.
6. Saint Maxime le Confesseur, Centurie IIIsur la théologie, 49, traduction française in Philocalie
des pères neptiques, op. cit., p. 467.
Lui seul produit cette paix de l’âme1. » Pour cette raison précisément, « le
Dieu qui aime l’homme est devenu homme, afin de réunir à Lui-même la
nature des hommes, et pour que celle-ci cesse de se maltraiter, soulevée et
divisée surtout contre elle-même12 ».
1. Saint Denys l’Aréopagite, Truité des notas divins, XI, 1, PG 3, 948D, traduction de Maurice de
Gandillac, p. 164.
2. Saint Jean Chrysostome, Sur l ’Épitre aux Éphésiens, IX, 3, PG 62, 72-73.
3. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XII, SC 4 bis, 111.
4. Saint Isidore de Péluse, Lettres, 1, 122, PG 78, 264C.
5. Sur l ’Épitre aux Ephésiens, IX, 3, PC, 62, 73.
6. Ibid.
7. Octoèque, ton 6, hirmos 3 de la 6‘ ode du canon des matines.
épaisses. De forts vents contraires soufflent en nous. Nous nous heurtons
aux vagues, sans ressentir aucune consolation, ni divine, ni humaine. Nous
expérimentons ainsi ce que décrit saint Grégoire le Théologien : « C’est la
navigation dans la nuit; de lumière, nulle part, le Christ d o rt1. »
C’est dans cet état que nous arrivons à la maison de Dieu. Là, nous ressen
tons que « l’Église du Christ est la paix sereine*12 ». Et lorsque commence la
divine liturgie, nous demandons de toutes nos forces la paix qui vient des
hauteurs, la paix de l’âme, la paix du monde. En demandant la paix, en
réalité nous demandons le Christ Lui-même : « Celui qui recherche la paix,
recherche le Christ, car II est la paix345.»
Pour cette sainte Maison et ceux qui y entrent avec foi, piété et
crainte de Dieu, prions le Seigneur.
Chaque fois que nous pénétrons dans la maison de Dieu, « nous entrons
dans un palais céleste... A l’intérieur règne le calme et il est plein de
mystères ineffables ' ». Là, dans le palais divin, est célébré le mystère du
Royaume de Dieu. « Toute chair mortelle se tait'1» avec piété, afin que le
mystère du Verbe de Dieu soit entendu.
Dans la maison de Dieu, au moment de la divine liturgie, toutes choses
sont illuminées par la lumière du Christ. Il est l’éclair qui part de l ’Orient et
se montre jusqu’en Occident (Mt 24, 27). Et la voûte du ciel liturgique - la
maison de Dieu —brille de la lumière du Christ : « La lumière du Christ
resplendit pour tous6. »
Tous les hommes et toutes choses sont illuminés par le Christ, et les
âmes de tous sont remplies de sérénité et de joie. Car la lumière du Christ,
alors quelle est aveuglante comme l’éclair, est en même temps consolante
comme une brise fraîche; « Lumière joyeuse de la sainte gloire7. » Cette
Lumière transforme l’église en un port serein pour l’âme.
1. Saint Grégoire de Nazianze, Lettres, L.XXX, PG 37, 153G, traduction française, collection
« Belles Lettres », Paris, 1964, tome I, p. 103.
2. [.es Constitutions apostoliques, II, 20, PG 1, 637A.
3. Saint Basile le Grand, Sur le psaume 33, 10, PG 29, 376G.
4. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur Ozias, IL 1, PG 56, 109.
5. Hymne des chérubins du Samedi saint.
6. Liturgie des Présanctiliés.
7. Hymne des vêpres.
Saint Jean Chrysostome écrit: « De même qu’un port où ne pénètre
ni vent ni tempête procure aux navires qui y sont ancrés une sécurité
profonde, telle est la maison de Dieu; elle arrache les hommes qui y
entrent aux affaires du monde, comme à une tempête, et elle leur donne
la possibilité de s’y tenir et d’entendre la parole de Dieu dans la sérénité
et la sécurité. Ce lieu est le fondement de la vertu et l’école de la vie spiri
tuelle... Dès le premier pas dans ce sacré parvis, on est délivré des soucis
du monde. Avance dans l’église et une fraîcheur spirituelle t’enveloppe,
une paix profonde provoque la crainte en toi et t’enseigne comment vivre
spirituellement. Elle élève ta pensée, te fait oublier les choses et les affaires
de la vie présente, et t’emporte de la Terre jusqu’au Ciel. Et si même l’on
retire tant de profit à venir à l’église en dehors de l’assemblée liturgique,
qu’en est-il donc... lorsque les saints apôtres y prêchent l’Évangile, lorsque
le Christ se dresse au milieu, lorsque Dieu le Père agrée les mystères qui y
sont accomplis, lorsque le Saint-Esprit apporte Sa propre joie1! »
L’église est le paradis de la présence du Maître. C ’est ce que souligne
encore saint Jean Chrysostome : « Quel paradis est semblable à votre assem
blée? On ne trouve point ici un serpent qui tend un piège, comme le fit
le diable aux premiers-créés (Gn 3, 1-13), mais Jésus-Christ, qui introduit
au mystère12. » Le Christ, par Sa présence, transforme l’église en paradis, et
nous introduit dans Ses Mystères.
* * *
L’église nous accorde tous ces dons, parce quelle est la maison de Dieu.
Elle est « le ciel terrestre, dans lequel demeure et marche le Dieu céleste3 ».
Par la cérémonie de la dédicace, l’église devient ciel : « C ’est en ce jour que
Ta gloire inaccessible est venue sur le temple qui a été érigé, en en faisant
un ciel45.» Après cette cérémonie, « nous n’appelons plus » l’église « pure
ment et simplement maison, mais sainte maison, parce quelle a reçu la
sanctification du Père Saint, par le Fils Très-Saint, dans l’Esprit saint, et elle
est la Maison de la Sainte Trinité^ ».
Pour cette ville, toute ville et toute contrée, et pour lesfidèles qui
y demeurent, prions le Seigneur.1234
L’amour selon Dieu est universel: il embrasse tous les hommes, tous les
lieux, tous les temps. « L’amour parfait... aime tous les hommes de façon
égale1. » C ’est cet amour qu’imite notre sainte Eglise, et elle souhaite que
nous, fidèles, le vivions. Le débordement de cet amour est la prière pour la
ville où nous habitons, pour toute ville et toute contrée.
Les chrétiens « résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des
étrangers domiciliés... Ils passent leur vie sur la Terre, mais sont citoyens
du Ciel... Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent... En un
mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde.
L’âme est répandue dans tous les membres du corps comme les chrétiens
dans les cités du monde... Les chrétiens soutiennent le mondeJ ».
Les chrétiens étant l’âme du monde, ils doivent se réjouir de la joie des
hommes et compatir à leurs maux. Ils doivent aimer les hommes plus qu’ils
n’aiment leurs parents selon la chair. Car « les saints se montraient vrai
ment pères et surpassaient, par leur charité et leur amour pour ce peuple,
tous ceux à qui la nature a donné le nom de père' ».
* * *
Saint Jean Chrysostome a montré cet amour paternel aux villes dont il
était le père comme, par exemple, Antioche. Ses homélies sur les statues
constituent la preuve de son amour pour cette ville. Lorsque, au début de
l’an 387, à l’occasion de la perception d’un impôt particulièrement lourd
ordonné par l’empereur Théodose, la population d’Antioche, hors d’elle,
brisa les statues impériales, l’empereur supprima alors tous les privilèges de
la ville et menaça de la raser jusque dans ses fondations. Plusieurs notables
furent tués, des biens confisqués, la crainte et la terreur se répandirent
partout. Ceux qui le pouvaient s’enfuyaient, mais la plupart de ceux qui
étaient restés furent emprisonnés, torturés et tués.
C’est alors que l’évêque de la ville, Flavien, avancé en âge et malade,
partit à Constantinople, malgré un hiver rude, pour calmer la colère de
l’empereur. Dans la ville était resté Jean Chrysostome, encore prêtre en ce123
1. Saint Maxime le Confesseur, Centurie I sur la charité, 71, PG 90, 976B, Philocalie, traduction
française, op. cit., tome A, p. 380.
2. Épître à Diognète, V-VI, SC 33, 63-67.
3. Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur Isaïe, VII, 3, PG 56, 80.
temps, vers lequel affluait le peuple. « La place publique est vide et l’église
est remplie1», dit le saint, qui console les foules effrayées.
Lorsqu’une Cour de Justice fut instituée, constituée de légats de l’empe
reur, pour mettre en examen les coupables, alors, de nombreux moines
«qui peuplaient les montagnes voisines (...) s’empressèrent de quitter
leurs grottes et leurs cavernes et accoururent de partout, comme des anges
descendus du Ciel, et l’on eût dit qu’Antioche était devenue un véritable
paradis, parce qu’on rencontrait partout ces pieux anachorètes ; leur présence
seule consolait ceux qui souffraient2 ». Lorsque, finalement, on apprit que
la mission de l’évêque Flavien avait réussi, l’empereur ayant accordé son
pardon au peuple, saint Jean Chrysostome fêta le salut de la ville avec
l’évêque et les fidèles : « Béni soit Dieu qui daigne aujourd’hui nous faire
célébrer cette sainte fête dans la joie et dans l’allégresse... Rendons grâces
au Dieu qui aime les hommes (...) et admirons Sa puissance, Sa bonté, Sa
sagesse, et le soin qu’il a montré pour la ville3. »
C’est ainsi que les saints aimaient et aiment leur ville et toute ville et
toute contrée. Aussi, efforçons de les imiter, particulièrement pendant la
divine liturgie.
Tant que la paix de Dieu était absente, le monde avait cessé d’être le
« cosmos », c’est-à-dire un ornement de Dieu: « Dès qu’il cesse d’être en
paix, il a aussi cessé d’être cosmos4. » Cependant, avec la venue du Christ,
la paix divine revint sur le monde, qui devint à nouveau ornement de Dieu.
Pour les navigateurs, les voyageurs, les malades, ceux qui souffrent,
les captifs, et pour leur salut, prions le Seigneur.
Dans cette demande, nous prions le Christ pour tous ceux qui voyagent
en mer, sur terre ou dans les airs. Nous prions pour les malades, ceux qui
souffrent, ceux qui sont en captivité. Pour eux tous, nous demandons au
Seigneur que les peines qu’ils supportent dans leur vie deviennent une voie
vers Son Royaume.
Le Christ invite ceux qui sont fatigués et chargés à s’approcher de Lui
pour recevoir le repos. Il les invite à l’église et à la divine liturgie, car « dans
la maison de Dieu se trouve la joie des affligés, l’allégresse des attristés, la1234
Les saints ont aimé les afflictions, car ils savaient que s’ils les accep
taient sans murmurer, elles deviendraient la porte du Royaume de Dieu.
Ils savaient cependant aussi que, si les afflictions accordent le Royaume à
ceux qui sont spirituellement forts, elles peuvent devenir cause de déses-
1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, XXVII, traduction française du père Placide Deseille,
op. cit, p. 207.
2. Saint Nil l’Asccte, Chapitres d ’exhortation, XCII, PG 79, 1257A.
3. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, LVI, op. cit., p. 363.
4. Saint Jean Ghrysostome, Sur le psaume 141, 3, PG 53. 446.
poir pour les faibles. Et la demande d’être délivrés des afflictions semble
concerner les faibles et non les plus forts.
L’Ancien Païssios disait que « celui qui est spirituellement sain prend
plaisir à sa maladie. Celui qui est malade (spirituellement) souffre ». On
dit de l’Ancien Philarète, higoumène du monastère athonite de Konsta-
monitou, que l’un de ses moines le trouva un jour, assis sur son tabouret,
attristé. « Que se passe-t-il, Père ? », lui demanda-t-il. Et lui de répondre : « Je
n’ai eu aucune épreuve aujourd’hui, mon enfant, Dieu m’a abandonné! »
Saint Jean Chrysostome considère que la seule calamité est le péché.
Quant à toutes les autres adversités qui atteignent les hommes, il consi
dère quelles en portent seulement le nom, sans en avoir le contenu: ce
sont « des noms vides de sens1». Cependant, le saint, par cette demande,
nous exhorte à supplier Dieu de nous délivrer des afflictions. Car il est
préférable d’être privés des couronnes que l’on donne aux combattants,
plutôt que l’affliction nous conduise au désespoir. Il est préférable que
nous reconnaissions notre faiblesse spirituelle et que nous attendions tout
de la grande miséricorde du Seigneur.
* * *
Une grande foule de toute nation et de toute race prend part à la liturgie
céleste décrite par l’évangéliste Jean dans le livre de l’Apocalypse : Ce sont
ceux qui viennent de la grande tribulation ; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont
blanchies dans le sang de l ’Agneau. C ’est pour cela qu’ils sont devant le trône de
Dieu, et le serventjour et nuit... L’Agneau qui est au milieu du trône lespaîtra
et les conduira aux sources des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de
leurs yeux (Ap 7, 14-17).
La grande tribulation est cette vie. Alors qu’ils traversent la vallée des
afflictions, les fidèles participent à la divine liturgie. Par la grâce du très
saint Sang du Christ, ils blanchissent la robe de leur âme et ils arrivent
vêtus de blanc à l’Autel céleste. Là, au milieu d’eux, est l’Agneau, le Christ.
Son amour les paît et transforme les larmes de la grande tribulation en un
torrent d’eau vivifiante.
1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, XIX, 1, 67, traduction française, op. cit., p. 147-148.
2. Saint Méthode d’OIympe, Le Symposium des Vierges, III, 13, SC 95, 121-123.
3. Saint Jean Damascène, Sur les deux volontés du Christ, XIX, PG 95, 14913.
4. Sur Jean, LXXX, 3, PG 59, 437-438.
nous désirons ardemment voir le Christ, L’entendre, nous en approcher et
devenir, à l’instar des Disciples, participants à Sa table (Jn 21, 13).
Nous ne sommes pas, malheureusement, les myrophores qui courent
au tombeau du Maître avec des cœurs embrasés de l’amour et du désir
divins. Ce n’est pas l’intrépidité de l’amour qui nous conduit à la maison
de Dieu, mais la crainte des dangers qui nous menacent. Nombre de fois,
nous constituons un rassemblement de disciples effrayés et anxieux, dont
les espoirs pour le Royaume des Cieux sont vacillants. Un rassemblement
de fidèles dont les portes des cœurs sont fermées à l’amour suprarationnel
qui animait les âmes des myrophores. Celles-ci, à chaque époque, ferment
leurs yeux aux dangers, tandis que les gens de peu de foi ferment leurs
cœurs à l’Espoir.
Dans cette assemblée apparaît le Christ. Comme un fiancé, Il sort du
Tombeau et vient parmi nous. Il entre dans nos cœurs, les portes étant
fermées (Jn 20, 19). Sa présence disperse nos craintes. Son amour nous
donne Sa paix : Que votre cœur ne se trouble point... Je vous donne ma paix
(Jn 14, 1,27).
Les saints savent de par leur propre expérience que « l’âme qui, avec foi,
s’est confiée à Dieu une fois pour toutes et a reçu, à travers de nombreuses
expériences, le goût de Son secours, ne se soucie plus d’elle-même, mais elle
reste sans parole, dans l’émerveillement1». Cependant, se confier entière
ment à Dieu n’est pas chose facile. Nous y parvenons « lorsque notre cœur
ne nous accuse pas... lorsque pour prendre soin des intérêts du Christ,
nous méprisons les nôtres12 ». Pour cette raison, nous demandons l’aide de
1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, LXII, p. 250, traduction française, op. cit., p. 393.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la divine liturgie, XIV, SC 4 bis, 119.
la Très Sainte Mère de Dieu et de tous les Saints. Car c’est cela que signifie
ici le mot « faisant mémoire » : « invoquer, demander1».
Il y a cependant une autre raison pour supplier la Très Sainte Mère de
Dieu : le fait de confier nos vies au Seigneur est quelque chose d’analogue
à sa propre consécration à Dieu. De la même façon que la Très-Pure à l’âge
de trois ans a été consacrée au Seigneur pour devenir Son trône vivant,
chaque fidèle s’offre au Seigneur pour devenir Sa propre demeure. Le jour
de son Entrée au Temple, la Mère de Dieu y est allée « pour être consa
crée à l’habitation du roi de toutes choses123». Dans la divine liturgie, le
célébrant nous exhorte à nous consacrer au Christ, pour qu’il demeure en
nous. Il nous appelle à être, comme la Mère de Dieu, « l’habitation admi
rable et belle de Jésus ’ ».
1. Ibid.
2. Office de 1 Entrée au Temple de la Mère de Dieu (21 novembre), doxasticon de la litie*.
3. Ibid., apostiche*.
avec laquelle il dialogue, et deuxièmement, l’amour pur et la grande liberté
que le prêtre a envers Lui1. »
* * *
1. Hésychaste anonyme, Niptiki Theoria [Contemplation neptique], op. cit., p. 199-200. L’expé
rience spirituelle de ce saint anonyme est une réponse à la question que l’on se pose aujourd’hui
sur la façon de lire certaines prières durant la liturgie, à savoir à voix basse ou haute.
2. Liturgie de saint Jean Chrysostome, prière de l'hymne des chérubins.
3. Saint Athanase le Grand, Sur l ’incarnation du Verbe, IV, SC 199, 277.
4. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, 1, SC 355, 92.
5. Ibid., p. 89-90.
Son amour envers l’humanité se manifestera. Le Bon Pasteur cherchera la
brebis perdue, l’Amour recherchera la drachme perdue (Le 15, 4-10).
La psalmodie ou le chant est l’une des trois façons par lesquelles nous
nous adressons au Seigneur. Nous chantons les hymnes sacrées, nous lisons
les prières, nous entonnons les réponses et les lectures.
La psalmodie aide particulièrement lorsque nous luttons pour commu
niquer avec le Christ, comme le dit saint Jean Chrysostome : « Il n’est
rien qui élève tant l’âme... qui l’aide à vivre spirituellement, qui lui fasse
mépriser tout ici-bas, comme une mélodie harmonieuse et les accents
mesurés d’un divin cantique... Le chant spirituel des psaumes est d’une
grande utilité, d’un grand profit; il nous procure une abondante sanc
tification, il peut devenir le fondement de toute la vie spirituelle, parce
que leurs paroles purifient nos âmes, et que l’Esprit saint ne tarde pas à
descendre dans l’âme qui le chante'. » Le saint ajoute encore: « Celui qui
chante authentiquement (c’est-à-dire avec attention) renouvelle son âme et
devient le temple de l’Esprit saint12. »
Pour que l’âme qui chante attire la grâce du Saint-Esprit, il ne suffit pas
que la mélodie soit chantée conformément aux règles musicales, mais elle
doit s’élever d’une même voix avec les mélodies angéliques. Pour le chant
ecclésial, on ne peut faire reproche « ni à la vieillesse, ni à la jeunesse, ni à
la rudesse dans la voix, ni à l’inexpérience du rythme. Ce qu’on y cherche,
c’est la sobriété de l’âme, la vigilance de la pensée, la componction du cœur,
la solidité de la raison, et une conscience purifiée3 ». « Chantez un psaume
pour le Seigneur, vous Ses saints », dit le prophète David (Ps 29, 5). « Ceux
qui peuvent chanter à Dieu sont ceux qui élèvent leur psalmodie avec un
cœur pur, ceux qui sont saints et observent les commandements de Dieu,
car ils suivent les rythmes spirituels comme il convient4. »
1. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur lu Semaine sainte et sur le psaume 145,3 , PG 55, 522.
2. Id„ Homélie après qu’il eut été ordonné prêtre, 1, PG 48, 694.
3. Evêque Georges d'Alexandrie, Halkin, p. 156.
4. Poème dogmatique, XXXII, PG .37, 513, 35.
qui était prophétisé se montra Lui-même et alors II n’eut plus besoin de
prophètes: Jean le Baptiste Le montrait présent en personne1». «Les
psaumes sont chantés comme un prélude de la Mystagogie » sacrée et nous
préparent spirituellement : « ils sont une sorte de purification préalable et
de préparation12 » à la divine liturgie. Les psaumes accomplissent l’œuvre
du Baptiste: ils préparent la voie du Seigneur (Mt 3, 3) et nous appellent
à Le recevoir. Et lorsqu’il vient dans l’assemblée eucharistique, ils nous Le
montrent: Voici l ’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1, 29).
Aussi, Venez, exultons pour le Seigneur, acclamons Dieu notre sauveur (Ps 94,
1).
L’Église est une communion d’amour, et cela est manifesté par les prières
communes et unanimes que nous accorde le Seigneur. L’église matérielle
aussi, comme lieu de rassemblement des fidèles, exprime la communion
de l’amour. « L’Église a été faite, non pour diviser ceux qui s’y rassemblent,
mais pour unir ensemble ceux qui sont divisés, et c’est ce que manifeste
l’assemblée eucharistique1» qui prend place dans l’église.
Cette unité d’amour des fidèles est témoignée dans les descriptions des
assemblées eucharistiques des premiers chrétiens. Le jour du Seigneur « tous
(...) se réunissent dans un même lieu. On lit les mémoires des apôtres »,
dit saint Justin le martyr, au n c siècle. « Ensuite, nous nous levons tous et
nous prions ensemble... Puis du pain avec du vin et de l’eau est offert. A
nouveau, le célébrant, fait monter au Ciel les prières et les actions de grâces
au Seigneur selon ses forces, et tout le peuple répond par l’acclamation:
Amen1. »
***
1. Saint Jean Chrysostome, Sur la première Epître aux Corinthiens, XXVII, 3, PG 61, 228.
2. Première Apologie, LXVII, SC 307, 309-311.
3. Saint Jean Chrysostome, Sur l'obscurité de l ’Ancien Testament, II, 4, PG 56, 182.
contribues à ce qui t’est demandé, si tu vis de façon apostolique et dans
la concorde et l’amour envers ton prochain, tes prières seront entendues;
car le Seigneur aime les hommes1. » Notre effort d’exprimer l’amour par
notre façon de vivre produit des fruits s’il est entrepris pour l’amour du
Seigneur. « Car l’amour qui a pour fondement le Christ est stable, fort et
inépuisable’. »
C’est de cet amour, qui s’appuie sur le Christ, que se nourrissent les âmes
unanimes des fidèles, ce que souligne saint Jean Chrysostome : « On peut,
il est vrai, prier à la maison, mais on ne peut y prier aussi efficacement qu’à
l’église, où la multitude des Pères est si nombreuse ; où une prière puissante
s’élève à Dieu d’un seul cœur. Vous ne serez pas exaucé, en priant seul le
souverain Seigneur, comme si vous le faisiez avec vos frères. Vous trouverez
ici ce que vous ne trouvez pas dans vos maisons : l’union des cœurs et des
voix des fidèles, le lien de la charité, la prière dés prêtres**345.»
***
1. Une indication claire que les fidèles entraient à ce moment avec le célébrant dans l’église se
trouve dans la prière de l’entrée de l’Euchologe, le plus ancien, qui remonte au v 11ic siècle :
« Bienfaiteur et Créateur de toute la création, accepte l’Eglise qui s’approche... » Cette prière
était lue devant la porte de l’église, et le célébrant bénissait ensuite celle-ci, en disant : « Bénie
est l'entrée de Tes saints. » « Euchologe Barberini Gr 336 », éditions Parenti et Velkovska,
Rome 1995, p. 25.
2. Saint Germain de Constantinople, « Contemplation », PG 98, 405C.
monde, par la chair, du Fils de D ieu... Par Sa venue aussi, Il réintègre la
nature humaine dans la grâce du Royaume1 ». Maintenant, par la divine
liturgie, le Christ nous appelle à partager Sa Table dans Son Royaume.
L’entrée des fidèles dans l’église, qui dans les temps anciens, avait lieu à
ce moment, précisément avant celle de l’évêque, signifie leur « passage du
vice et de l’ignorance à la vertu et à la connaissance2 ». L’homme change
son orientation : le centre de sa vie devient la divine liturgie. Ainsi, l’en
trée du fidèle dans l’église pour l’Assemblée n’est pas un simple symbole,
mais un acte: c’est l’entrée dans la vie du Christ. C’est la communion de
l’homme à la vie du Dieu-homme.
Conformément au déroulement actuel de la divine liturgie, le prêtre
prend sur l’Autel l’évangéliaire, qui représente le Christ, l’élève à la hauteur
de sa tête, de telle façon que son visage soit couvert par Celui qui vient - le
Christ - et il entre dans la nef. Le cierge allumé qui précède le saint Evan-
géliaire symbolise le Précurseur, saint Jean Baptiste, qui est la lampe qui
brûle et qui luit (Jn 5, 35).
Le diacre s’exclame: Sagesse, Debout. C’est pour ainsi dire: Je vous
annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d ’une grande
joie (Le 2, 10). Les fidèles vivent l’apparition miraculeuse des anges qui eut
lieu à Bethléem : Et soudain il se joignit à l ’ange une multitude de l ’armée
céleste, louant Dieu (Le 2, 13). Ce qui s’est produit à Bethléem se renou
velle également au cours de la divine liturgie: « Les anges se mêlent aux
hommes; car là où se montre le Roi, là aussi son armée est en faction’. »
Par la prière de l’Entrée, le prêtre demande que nous vivions le mystère
de la présence des anges et de leur concélébration dans la divine liturgie:
que nous le vivions comme nos Pères théophores. Il est dit dans la vie de
saint Spyridon que « lorsqu’il célébrait, les saints anges étaient présents et
concélébraient avec lui. Lorsqu’il disait Paix à tous! Ceux-ci répondaient en
dehors du sanctuaire, mélodieusement: Et avec ton esprit! Ils répondaient
de la même façon aux autres paroles du prêtre1». Saint Jean Chrysostome
rapporte également, au sujet d’un vénérable vieillard, qu’il « avait été rendu
digne au moment [de la divine liturgie] de voir apparaître soudain une
multitude d’anges avec des vêtements d’une blancheur éclatante ; ils entou-
1. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, VIII, PG 91, 688C, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la toi », op. cit., p. 113-114.
2. Ibid., IX, PG 91, 689A, traduction française, op. cit., p. 115.
3. Office de la Théophanie, litie.
4. l.e Synaxaire, Vie des Saints de l'Église orthodoxe, par le hicromoine Macaire de Simonos Petras,
édition Indikros 2012, tome II, p. 435.
raient l’Autel, la tête inclinée vers le bas, comme des soldats en prése
de leur roi1».
Le trône élevé
1. Saint Athanase le Grand, Homélie III contre les Ariens, 67, PG 26, 464C.
2. Saint Syméon de Thessalonique, Consécration, 135, PG 155, 345B.
L'annonce préalable de la venue du Christ
1. Le prokimenon (•<qui précède »), qui est chanté ou lu avant la lecture des prophéties, de l’Êpître
ou des péricopes évangéliques, est composé de versets psalmiques, qui ont un rapport avec la
lecture qui suit. Saint Marc d’Ephèse, Explication de l'office ecclésiastique, PG 160, 1189D.
2. Saint Germain de Constantinople, Contemplation, PG 98, 412A.
3. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, XI, 24, PG 91,689C, traduction française, éd. Migne,
collection <• Les Pères dans la loi », op. fit., p. 117.
4. Ibid., PG 91, 708A, traduction française, op. cit., p. 140.
5. Saint Denys l’Aréopagite, Traité de la hiérarchie ecclésiastique, 111, 3, 3, PG 3, 432AB, traduc
tion française de Maurice de Gandillac, op. cit., p. 268.
Nous avons contemplé Sa gloire
Toute la première partie de la divine liturgie est résumée dans ces paroles
de saint Jean le Théologien : Et le Verbe a étéfa it chair; et II a habité parmi
nous, et nous avons contemplé Sa gloire, gloire qu’i l tient de Son Père comme
Fils Unique, plein de grâce et de vérité (Jn 1, 14).
Les lectures de la Sainte Ecriture « nous font connaître la manifestation
du Seigneur, telle quelle se fit peu à peu, après Sa première apparition [aux
hommes]. En effet, la première ostension de l’Évangile [lors de la Petite
Entrée], livre fermé, représente la première apparition du Sauveur [dans
le Jourdain], alors que, tandis que Lui-même gardait le silence, le Père Le
.montrait... Mais ici [dans les lectures sacrées], ce qui nous est signifié, c’est
Sa manifestation la plus parfaite, au cours de laquelle II se mêlait à la foule,
en public, et se faisait connaître Lui-même, non seulement par Ses propres
paroles, mais encore par celles qu’il enseignait à Ses apôtres à dire, en les
envoyant aux brebis perdues de la maison d ’Israël (Mt 10,6). Voilà pourquoi
on lit aussi bien les écrits apostoliques que l’Évangile lui-même1 ».
Au moyen des lectures, nous faisons l’expérience du mystère de l’Incar
nation de la Parole. Par la sainte anaphore sont célébrées l’offrande et la
communion du Verbe. Les lectures sont la parole de Dieu : la théologie.
Quant à l’anaphore, elle est l’œuvre divine de l’amour : la théurgie, l’opé
ration de Dieu. Et « c’est dans l’opération de Dieu que culmine et s’achève
la Parole de Dieu12 ». Par la parole et l’action divines, dans toute la divine
liturgie, nous entendons, voyons le Christ, et communions avec Lui.
Louez Dieu !
La joie des fidèles pour la manifestation du Verbe de Dieu qui a lieu lors
de la lecture de l’Évangile est exprimée par l’hymne Alléluia, qui signifie
« Louez Dieu ». Le mot même et la façon d’exécuter la mélodie montrent
qu’il s’agit d’une exclamation de louange et de joie. C ’est une salutation
joyeuse au Seigneur alors qu’il vient à l’assemblée de Ses enfants.
La véritable joie a été apportée au monde par le Christ. « Il ne saurait y
avoir de joie pour l’homme si le Seigneur n’était pas venu, puisque c’est le
Christ seul qui nous a apporté la joie et que, si certains se sont réjouis avant
Pour entrer dans la joie du Seigneur, dans la divine liturgie, il nous faut
piétiner les désirs charnels. C ’est précisément ce que demande le célébrant
dans la prière avant la lecture du saint Evangile : Mets aussi en nous la crainte
de Tes bienheureux commandements, afin que, foulant aux pieds tous les désirs
de la chair, nous menions une vie selon l’esprit. L’homme qui est ami des
plaisirs refuse l’invitation du Christ à participer au banquet de Son amour.
Car « lorsque l’intellect de l’homme est porté à la sensualité de ce monde,
il est impuissant et inerte pour les œuvres de Dieu. Et il ne participera
pas à la fête divine et céleste1234». En outre, « Dieu le Père ne donne pas aux
impurs [la bénédiction] de connaître le Christ, ni n’offre la grâce très utile
du Saint-Esprit à ceux qui ont appris à s’écarter dans des transgressions
inconvenantes, car il ne convient pas de déverser le parfum très précieux
dans la boue’ ».
Quand, par la grâce du Christ, nous vainquons les désirs charnels, le
Seigneur transforme toute notre existence. Le corps et l’âme deviennent
les sources des forces spirituelles. « Une fois que le corps a brûlé dans la
fournaise de l’ascèse et a été trempé dans l’eau des larmes (...), immergé
dans le silence et la sérénité de la paix intérieure, il est empli avec une autre
force... celle du Saint-Esprit (...). Lorsque l’âme a fait de son corps un tel
collaborateur... elle change ses mouvements corporels en combats spiri
tuels... Elle quitte le corps et entre dans la nuée de la théologie '. »
1. Didaché IX, 3, SC 248, 177. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, XI, 3, PC 74, 484D.
2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur l'adoration en Esprit et en Vérité, IV, PG 68, 313C.
3. Id., Sur Jean, IV, 3, PG 73, 605D.
4. Nicétas Stéthatos, IIIe centurie sur la Connaissance spirituelle, 39, Philocalie, tome III, p. 335-
Lorsque les désirs charnels sont surpassés, nous pouvons mener une vie
spirituelle et connaître le Seigneur qui aime les hommes. Saint Grégoire
le Théologien nous appelle à la hauteur de la théologie : « Tu veux devenir
un jour théologien et digne de la Divinité ? Garde les commandements,
progresse par l’observance des préceptes, car la pratique sert de marchepied
à la contemplation1» des mystères spirituels.
L’Evangile du Royaume
1. Ibid.
2. Saint Nicolas Cabasilas, Explication de ta divine liturgie, XVII, SC 4 bis, 135.
3. Vêpres du 25 janvier, theotokion des apostiches*.
4. Saint Jean Chrysostome, Sur le psaume 120, 3, PG 55, 376.
5. Homélie de saint Macaire, 4, 16. Trad. française, op.cit, p. 113.
6. Première prière des vêpres.
7. Saint Jean Damascène, Sur la foi orthodoxe, III, 50, PG 94, 1005B.
Kyrie eleison
Après chacune des demandes adressées à Dieu par le célébrant, les fidèles
chantent trois fois Kyrie eleison, « Seigneur aie pitié ». « Implorer Dieu de
Sa miséricorde, c’est demander Son Royaume, ce Royaume que le Christ a
promis de donner à ceux qui le cherchent, en y ajoutant par surcroît toutes
les autres choses dont nous avons besoin (Mt 6, 33) ; et voilà pourquoi
les fidèles se contentent de cette supplication comme ayant une portée
globale1. »
Seigneur aie pitié : « C’est là une supplique de condamnés qui, privés de
toute excuse et n’ayant aucune justification à faire valoir, lancent à leur juge
ce cri suprême, comptant, pour obtenir ce qu’ils demandent, non point
sur la stricte justice, mais sur la bonté du juge. Or, c’est là le fait de gens
qui rendent témoignage au juge de son immense bonté, et à eux-mêmes de
leur propre perversité : ce qui est précisément un acte ici de gratitude, et là
de confession123.» Par la demande de la miséricorde divine, nous montrons
encore que nous ne nous fions pas à nos œuvres :
Le Seigneur nous a révélé une façon par laquelle nous pouvons rece
voir avec certitude Sa grande miséricorde: en pardonnant à nos frères;
« Aimons-nous l’un l’autre et nous serons aimés de Dieu. Montrons de la
mansuétude l’un envers l’autre, et Dieu montrera de la mansuétude pour
nos péchés. Ne rendons pas le mal pour le mal que l’on nous a fait (Rom
12, 17), et nous ne serons pas punis en fonction de nos péchés. Car nous
trouvons le pardon de nos fautes dans le pardon de nos frères. Et la grâce
de Dieu se trouve cachée dans notre miséricorde envers le prochain...
Les catéchumènes
C’est ainsi que l’on appelle ceux qui ont entendu parler du Christ et
ont exprimé le désir d’être baptisés. Lors de la période qui précède le saint
baptême, l’Eglise, par un enseignement approprié, prépare les catéchu
mènes pour devenir ses membres. Cet enseignement s’appelle catéchèse et
celui qui le dispense, catéchète.
Lors des temps apostoliques, la catéchèse était très brève. Il s’agissait
habituellement d’une simple homélie, semblable à celle de l’apôtre Pierre
1. Saint Maxime le Confesseur, Discours ascétiques, XLII, PG 90, 953AB.
le jour de la Pentecôte (Ac 2, 14-40). La catéchèse systématique des
néophytes avait lieu alors après le saint baptême.
Dans la période post-apostolique, la catéchèse était bien plus longue.
Les Constitutions apostoliques mentionnent une catéchèse de trois années :
« Celui qui doit être catéchisé le sera pendant trois ans. Celui qui est zélé
et montre de l’empressement en cette circonstance [c’est-à-dire pour le
saint baptême], qu’on le reçoive [plus tôt], car on ne juge pas d’après le
temps, mais d’après la conduite' » avec laquelle le catéchumène s’approche
du saint baptême. La Tradition apostolique de saint Hyppolite mentionne
également une catéchèse de trois années12.
D ’aucuns peuvent se demander pourquoi dire cette ecténie lorsqu’il n’y
a plus de catéchumènes. Saint Syméon de Thessalonique répond : « Il y
a toujours des catéchumènes dans l’Église. Il s’agit en premier lieu des
enfants des fidèles qui ne sont pas encore baptisés et qui, après la naissance,
ont reçu les prières sacrées. Ils ne sont ni devenus fidèles, ni n’ont reçu le
baptême3. »
***
Les catéchumènes n’ont pas encore la familiarité avec Dieu. Ils ont
besoin de l’assistance et de l’intermédiaire des fidèles. Pour cette raison, le
célébrant demande que l’on prie pour les catéchumènes. L’Église, telle une
mère aimante, « exhorte toute l’assemblée des fidèles à prier pour les caté
chumènes, bien que ceux-ci soient encore étrangers. Certes, ils n’appar
tiennent pas encore au Corps du Christ, ils ne participent pas aux saints
Mystères, ils sont encore séparés du troupeau spirituel... Ils se tiennent
hors des demeures royales, loin de l’enceinte sacrée. Aussi les éloigne-t-on,
quand arrive le moment des redoutables prières [de la sainte anaphore].
Je t’exhorte donc à prier pour eux, afin qu’ils deviennent tes membres et
qu’ils cessent d’être des étrangers et des profanes4 ». Nous demandons au
Christ de faire miséricorde à Ses serviteurs catéchumènes. Nous deman
dons qu’il leur enseigne en personne, par les lèvres du catéchète, la parole
de vérité. Qu’Il leur révèle YEvangile de justice, c’est-à-dire Lui-même,
et qu’il les fasse membres de Sa sainte Église. Cela doit se produire au
Les fidèles sont les pierres vivantes qui constituent la maison spirituelle
de l’Église (1 P 2, 5). « Ils sont élevés jusqu’en-haut par la machine de
Jésus-Christ, qui est la Croix, se servant comme câble de l’Esprit-Saint;
la foi les tire en-haut, et la charité est le chemin qui les élève vers Dieu2. »
Les catéchumènes n’ont pas encore reçu le saint baptême - la corde avec
laquelle l’homme s’élève au sommet du mont Thabor - ni n’ont acquis la
foi, c’est-à-dire le lien qui unit l’homme avec le Saint-Esprit. Aussi, la porte
de l’amour - la voie qui conduit à Dieu - est encore fermée pour eux.
L’Offrande est le Festin du Royaume. Tous ceux qui n’ont pas porté le
vêtement de noces qui est offert lors du baptême sont éloignés du lieu où
est célébrée l’Eucharistie. Seuls restent pour recevoir le Christ ceux qui
ont reçu le sceau du don du Saint-Esprit. Ceux-ci prendront part au festin
de noces du Royaume pour jouir de la contemplation de Dieu et de la
communion aux saints Mystères.
1. Ibid., PG 3, 432C.
2. Saint Ignace d ’Antioche, Aux Ephésiens IX, SC 10, 65.
Rends-nous dignes
1. Saint Théognoste, Sur l'action et lu contemplation, et sur le sacerdoce, 49, Philocalie, tome II,
p. 264, 265, traduction française, op. cit., tome A, p. 627.
2. Sur le sacerdoce V1, 2 et 4, SC 272, 309, 317.
3. Saint Théognoste, 62, Philocalie, tome II, p. 267, traduction française, op. cit., tome A, p. 631.
4. Saint Théognoste, 70, 16, p. 269, 258, traduction française, ibid.
5. Saint Jean Chrysostome, Sur la première Épitre aux Corinthiens, XXVII, 4, PG 61, 229.
rieur du sanctuaire sacré aussi compatit et prie avec le prêtre1. » Cet Amen
affirme la solidarité du fidèle avec le combat et l’angoisse du célébrant.
Chaque fois que nous tombons aux pieds du Seigneur avec componc
tion, nous avons la sensation de tenir ferme, car nous ne nous appuyons
pas sur nos jambes malades (la confiance en soi, l’orgueil), mais sur Sa
grâce, à laquelle mène l’humilité.
Lorsqu’à nouveau et de nombreuses fois nous nous prosternons devant
le Seigneur, nous nous tenons sans condamnation devant l’Autel redou
table. Ainsi, nous tombons aux pieds du Christ afin qu’il purifie nos
âmes et que nous puissions nous présenter sans être accusés ni condamnés.
Nous nous prosternons humblement devant le Christ, Lui demandant un
accroissement de vie, de foi et d ’intelligence spirituelle, pour comprendre que
celui qui vit véritablement dans l’humilité vit dans la grâce de Sa présence
continuelle.
***
Escorté des armées angéliques, le Seigneur entre dans la Ville sainte pour
être sacrifié. L’Église nous invite à vivre ce mystère de l’amour extrême du
Christ dans un silence complet: « Que fasse silence toute chair mortelle,
quelle se tienne immobile, avec crainte et tremblement, et que rien de
terrestre n’occupe sa pensée, car le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs,
s’avance pour être immolé et donné en nourriture aux fidèles, précédé des
1. Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, IV, 1, traduction du père Placide Deseille, op. cit.,
p. 77.
2. Sur la componction, II, 2, PG 47, 414.
3. Homélie sur Ozias, II, 1, PG 56, 108-109.
4. Le saint hiéromoine Tikhon (t 23.9.1968) a vécu de nombreuses années sur le Mont Athos
dans le kellion de la Sainte Croix, près du monastère de Stavronikita. L’auteur l’a connu per
sonnellement.
chœurs angéliques, avec toutes les Principautés et les Puissances des Cieux,
les chérubins aux yeux innombrables er les séraphins aux six ailes, qui se
couvrent la lace, et qui chantent l’hymne: Alléluia, Alléluia, A llé lu ia »
est appelé à servir. Malgré son indignité, il s’avance vers le saint Autel,
parce qu’il ne compte pas sur sa pureté et sa sainteté personnelles, mais
sur la miséricorde de Dieu. Il s’appuie sur l’océan de l’amour divin pour
1homme. Car c’est par un amour ineffable envers l’homme que le Christ
s est incarné, a été crucifié et nous a accordé le Mystère du sacrifice non
sanglant. Le Christ est venu et a été offert sur le Golgotha une seule fois,
mais II vient aussi et est offert toujours, lors de chaque divine liturgie. Il est
Celui qui offre et est offert, qui reçoit [l’offrande] et est distribué aux fidèles
comme nourriture vivifiante.
Jésus-Christ est l’auteur du mystère de notre salut. Ce fait est le fonde
ment sur lequel s’appuie le mystère de la divine liturgie. « Nourricier, Il est
aussi nourriture ; Il est Celui qui donne le pain de la vie, et II est Lui-même
ce qu’il donne. Il est vie pour ceux qui vivent, chrême (parfumé) pour ceux
qui respirent, vêtement pour ceux qui veulent se couvrir. Et certes, par
Lui nous avons la faculté de marcher, c’est Lui qui est la route, et c’est Lui
encore le gîte d’étape et le terme (Jn 14, 6) »
Dans le mystère du sacrifice non sanglant, « le Christ est le Sacrifié, Il
est le Prêtre, Il est l’Autel, Il est Dieu, Il est homme, Il est le Roi, Il est
le Grand-Prêtre, Il est la brebis, Il est l’Agneau. Par amour pour nous, Il
devient tout pour chacun de nous, afin de devenir notre vie de multiples
façons (1 Co 12, 6 ’) ». Le débordement de l’amour divin a apporté au
monde le débordement de la vie divine.
Le Christ devient tout pour chaque homme. Il est le Prêtre qui offre le
Sacrifice, l’Agneau qui est offert, le Dieu qui reçoit l’offrande et le Dieu-
homme qui est distribué aux communiants pour la vie éternelle. Nous
recevons le Don et rendons grâce au Seigneur qui nous L’offre: « Nous Te
rendons grâces, Seigneur, Dieu de notre salut, pour tous les bienfaits dont
Tu combles notre vie, afin que nous regardions toujours vers Toi, Sauveur
et bienfaiteur de nos âmes ’. »
Selon le plus ancien texte liturgique qui nous est connu, le célébrant dit
après la sainte communion : « Que vienne la grâce et que passe ce monde". »
C’est dans cet espace de la Grâce que nous conduit la divine liturgie. C’est
là que saint Maxime le Confesseur veut que nous arrivions. Pour ce grand
initié des mystères célestes et mystagogue des fidèles, la Grande Entrée est
« le commencement et le préambule de l’enseignement nouveau qui sera
délivré dans les Cieux au sujet de l’économie de Dieu en notre faveur; il
sera aussi la révélation du mystère de notre salut, mystère qui réside dans
l’inaccessible sanctuaire du secret divin » - un enseignement qui concerne
l’acte du sacrifice du Maître.
1. Ps 133, 2.
2. Ps 46, 6.
3. Apolytikion du Samedi saint.
célébrant avance dans un cortège de lumières et d’encens, et c’est ainsi qu’il
entre dans le sanctuaire1».
L’hymne des chérubins, les flambeaux, les rhipides, toute la solennité de
la Grande Entrée nous aident à vivre l’événement de la venue du Christ.
Tout cela manifeste « l’entrée des saints et de tous les justes, qui entrent avec
le Saint des Saints et sont précédés invisiblement par les Puissances chéru-
biniques, les milices angéliques, les chœurs des incorporels et les ordres
des êtres immatériels chantant les louanges et constituant une escorte au
Christ, le Grand Roi qui vient pour le sacrifice mystique-2 ».
Le Christ, accompagné par les milices angéliques, entre dans le Saint
des Saints tenant notre vie entre Ses mains immaculées, la vie du monde
entier. Les Dons précieux sont l’homme et le monde qui, par le Christ,
reviennent à Dieu. La Grande Entrée symbolise ce retour, cette consécra
tion de l’homme et du monde à Dieu.
***
L e S a in t- E s p r it concélèbre
Alors que le Christ entre dans la Ville sainte, le Paraclet fait de même
Son entrée. Lors de la Grande Entrée, avec les Puissances angéliques et
les Saints, « Le premier à entrer en même temps lors du Sacrifice non
sanglant et du culte spirituel est le Saint-Esprit. Nous Le voyons avec les
yeux de notre intellect dans le feu, l’encens et la fumée odoriférante. Le feu
signifie la Divinité, tandis que la fumée odoriférante signifie Sa présence
L a p e r fe c tio n sans f i n
Le diacre: D e m a n d o n s a u S e ig n e u r u n a n g e d e p a ix , g u id e
fid è le , g a r d ie n d e nos A m es e t d e nos corps.
1. S u r le p s a u m e 3 3 , 5, PG 29, 364BC.
2. Saint Macaire d’Égypte, PG 34, 221AC.
Par cette demande du célébrant, nous demandons donc au Seigneur
que notre vie soit telle, quelle n’éloigne pas notre Ange gardien. Car il est,
après le Seigneur, l’espoir de notre salut:
Les biens et les choses utiles à notre âme que nous demandons au
Seigneur ne sont pas ceux que les hommes de ce monde appellent « bonnes
et utiles ». Car « les fidèles ont de l’utile une autre opinion que le vulgaire1
2».
Le chrétien sait que l’âme existe et qu’il y a une autre vie et voit tout sous
le prisme de l’éternité.
Néanmoins, puisque nous, chrétiens, ne connaissons pas, bien des fois,
ce qui est utile à nos âmes, nous demandons au Christ de nous donner ce
qu’il juge utile. Saint Jean Chrysostome dit: « Toi-même, tu ne sais pas ce
qui est dans ton intérêt, contrairement à Dieu qui le sait très bien. Bien
des fois, tu demandes des choses nuisibles et dangereuses; aussi, Dieu, qui
s’intéresse à ton salut, ne prête pas attention à la demande, mais se préoc
cupe dans chaque cas de ton intérêt '. » Ainsi, le fidèle ne s’afflige pas s’il ne
reçoit pas ce qu’il a demandé, car il croit que le Seigneur est Celui « qui,
dans la profondeur de Sa sagesse, dispose toute chose avec amour pour
l’homme et distribue à tous ce qui leur est utile ' ». Aussi, qu’il reçoive une
réponse à sa demande ou non, il rend grâce et glorifie Son amour.
L a m o r t: le c o m m e n c e m e n t d ’u n e vie m e ille u re
L’homme qui vit dans l’Église ne craint pas de regarder la mort en face.
Il s’y est préparé par le repentir et par la divine liturgie, il vit dès à présent
la vie future. Un tel homme sait que le temps qui suit le repentir « est plein
de contentement et d’allégresse, que la joie de son cœur se rit de la mort et
que l’enfer ne la domine pas, parce quelle [la joie] ne connaît pas de fin2 ».
Pour ceux qui se sont véritablement repentis et ont aimé le Christ, la
mort n’est pas l’entrée dans les ténèbres de l’inexistence, mais le portail
de la chambre nuptiale du Maître, l’enfantement à la vie nouvelle. Saint
Ignace le Théophore, alors qu’il était sur le chemin de Rome, où il avait
été condamné à être jeté aux lions, écrivit aux chrétiens de cette ville qui
s’efforçaient de faire annuler la sentence de condamnation : « Il est meil
leur pour moi de mourir pour le Christ Jésus que de régner sur les extré
mités de la Terre... C ’est Lui que je cherche, qui est mort pour nous ; Lui
que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche.
1- S u r M a tth ie u , XXIII, 4, PG 57, 312-313.
2. Saint y--’ . . ' / ' . vvn 1 1 -Î oo
Pardonnez-moi, frères; ne m’empêchez pas de vivre, ne veuillez pas que je
meure. Celui qui veut être à Dieu, ne le livrez pas au monde, ne le séduisez
pas par la matière. Laissez-moi recevoir la pure lumière; quand je serai
arrivé là [près de Dieu], je serai un homme [de Dieu1]. » Pour les saints, ce
que nous appelons vie est la mort, et la prétendue mort conduit à la vie:
« Il est bon que je me couche loin du monde, et que j’aille vers Dieu, pour
me lever en Lui12. »
***
Péchés et ignorances
Par cette prière, qui est appelée « Prière de l’offrande » (proscomédie),
le célébrant supplie le Seigneur de le rendre digne d’offrir les saints Dons
pour ses propres péchés et pour les ignorances du peuple.
Ce n’est naturellement pas un hasard si cette prière appelle le même fait
- le péché - par deux noms : péché et ignorance. Les péchés du peuple sont
appelés ignorances. Donc, la liturgie est offerte à Dieu pour les péchés du
prêtre et pour tout ce que le peuple a commis par ignorance.
Nous sommes tous pécheurs. Mais tandis qu’il est possible que le peuple
pèche par ignorance, celle-ci n’est point permise au prêtre. Même les
plus insignifiants des péchés du prêtre sont grands « non par leur nature
même, mais ils sont aggravés par la dignité sacerdotale de celui qui ose les
commettre1». Comme Dieu le dit aux Israélites, lorsque le Grand-Prêtre
pèche, cela est comme si tout le peuple péchait (I.v 4, 1-3). C ’est pourquoi,
dans ce cas, il est prescrit que le même sacrifice propitiatoire soit offert que
dans le cas où « la communauté tout entière d’Israël pèche par ignorance »
(Lv 3, 13-14). Cela signifie que « les plaies spirituelles d’un prêtre exigent
plus d’assistance que celles d’un autre homme, et qu’il faut autant pour sa
guérison que pour celle de toute une nation2 ».
Le célébrant, comme être humain, liépar les désirs charnels, offre la sainte
anaphore pour lui-même et les ignorances du peuple (He 9, 7). Seul le Christ
1- Saint Jean Chrysostome, S u r le sacerdoce, VI, 1], PG ■18, 687.
2. Ib id .
fut sans péché, Lui qui nous a purifiés de tout péché. I l a p a r L u i- m ê m e
p u r i f ié nos p échés (He 1,3). C ’est précisément pourquoi le célébrant tombe
aux pieds du Seigneur et Le supplie que le Saint-Esprit demeure dans le
cœur des fidèles, afin que le Sacrifice soit acceptable devant Sa Face.
Le prêtre : P a ix à tous.
Le chœur : E t à to n esprit.
de ceux qui offrent le culte spirituel; il les unit entre eux et avec le Verbe
de Dieu.
Le baiser de paix, commenté de façon eschatologique, symbolise « la
concorde de pensée et d’esprit... grâce à laquelle ceux qui en sont dignes
sont amis dans l’intimité de Dieu le Verbe... Car la bouche [avec laquelle
le baiser est donné] est le symbole du verbe [car par la bouche, nous nous
exprimons avec les mots] et c’est selon elle, plus que tout, que tous ceux
qui ont part à la raison en tant qu’ils sont des êtres rationnels font corps
avec tous [les autres] et avec le premier et unique Verbe et cause de toute
parole1».
Chaque action dans la divine liturgie est un événement quotidien trans
figuré. Le baiser de paix prend des dimensions nouvelles : « Nous sommes
un temple du Christ. Lorsque donc nous donnons le baiser à l’autre, nous
embrassons le portique et l’entrée du temple1234.» La matière est sanctifiée
et la chair reçoit la bénédiction du Saint-Esprit. Un ancien disait: « De
nombreuses fois, alors que le diacre disait Donnez-vous les uns les autres un
saint baiser, je vis le Saint-Esprit sur les lèvres des frères *. »
Le baiser liturgique est la manifestation de l’amour: « Le baiser est un
signe que les âmes sont devenues comme une seule et bannissent toute
rancune'. » Il exprime encore l’unité des fidèles: « ce baiser unit les âmes
entre elles et il garantit pour elles l’absence de tout ressentiment567». Il
exprime encore l’unité des fidèles: « Cet embrassement unit les âmes des
fidèles, et nous transforme tous en un seul corps'1» et en membres du
Christ. Les fidèles s’unissent par le lien de l’amour et édifient le corps du
Christ (Ép 4 , 12) : « L’amour édifie, et cela se produit alors que les fidèles
sont soudés ensemble, unis entre eux, et constituent ensemble’ » le Corps
de l’Église.
1. Saint Maxime le Confesseur, M y sta g o g ie , XVII, PG 91, 696A, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. c it ., p. 123. « Verbe », « rationnel » et « logique », tous
ces mots proviennent de la même racine en grec, AÔyoç (Logos) qui outre l’usage johannite
(Jn 1, 1 et 14) qui indique le Dieu depuis l’éternité - le Verbe créateur, qui a été incarné en
l’homme Jésus-Christ, transmet la faculté humaine donnée par Dieu de pensée et d ’expression
rationnelle. La concorde véritable entre les « êtres » rationnels et leur union avec Dieu n’a pas
lieu seulement par les mots, mais en premier lieu par les pouvoirs rationnels de l’âme.
2. Saint Jean Chrysostome, S u r la d e u x iè m e E p îtr e a u x C o r in th ie n s , XXX, 2, PG 61, 606.
3. S e n ten ces d es P ères d u désert, volume IV (Panorama Thessalonique, Ie r on H e sych a stirio n to Gene-
sio n tis T h eo to ko u , 1999), p. 362.
4. Saint Cyrille de Jérusalem, C atéchèses m ysta g o g iques , V, 3, SC 126, 149.
3. Saint Jean Chrysostome, S u r la tra h is o n d e J u d a s , I, 6, PG 49, 382.
6. Ibid.
7. S u r l ’É p îtr e a u x É p h ésien s, XI, 4, PG 62, 85.
Dans son interprétation eschatologique, le baiser de paix « préfigure et
esquisse à l’avance ce qui adviendra conformément à la foi et à l’amour
même, au temps de la révélation des indicibles biens à venir, à savoir la
concordance de pensée, l’unanimité d’opinion et l’identité de sentiment
qui existeront mutuellement entre tous1».
1. Saint Maxime le Confesseur, M ysta g o g ie, XVII, PG 91, 693D-696A, traduction française,
éd. Migne, collection « Les Pères dans la foi », op. cit., p. 123.
contrée, avec des lettres de recommandation, le diacre examinera leur
situation et vérifiera... s’ils n’ont pas été souillés par une hérésie1. »
De même que l’église a des portes, que nous devons surveiller afin que
n’entrent pas des non-initiés, de la même façon l’homme, qui est le temple
vivant de Dieu, a pour porte les sens, qu’il doit garder en ce moment sacré,
afin que le péché n’y entre pas. En effet, nous pouvons pécher de multiples
façons : par la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher, la langue et la pensée.
Et c’est alors que s’accomplit la parole du prophète : L a m o r t est m o n té e p a r
vos fe n ê tre s (Jr 9, 21). C ’est pourquoi le célébrant ordonne: « Les portes,
les portes! Avec sagesse, soyons attentifs », ce qui signifie: « Lorsque nous
sommes présents à la divine liturgie, nous devons nous garder purs de tout
regard lascif, de la condamnation de nos frères, d’un langage grossier et de
paroles vaines, d’un rire incontrôlé et de tout mensonge... C’est alors que
nous nous tenons b ien et avec cra in te de Dieu à la divine liturgie12. »
La fermeture des portes de l’église désigne la fermeture des sens et l’éloi
gnement de notre intellect des pensées terrestres. Ainsi, libéré des images
de ce monde vain, l’homme parvient à la contemplation des états divins.
Le Verbe conduit l’âme « à la vision des réalités intelligibles3 ».
Dans la perspective eschatologique du monde, la fermeture des portes
de l’église « manifeste la fugacité des réalités matérielles ; elle manifeste
aussi, après cette redoutable exclusion et le jugement plus redoutable
encore, l’entrée future de ceux qui en sont dignes dans le monde intelli
gible, c’est-à-dire dans la salle des noces du Christ et l’abolition complète
de l’influence trompeuse des perceptions sensibles4 ».
L ’é n u m é r a tio n des d o n s d e D ie u
1. II, S7, 38, SC 320, 321. Dans la liturgie des constitutions apos
Les C o n s titu tio n s a p o sto liq u es,
toliques, le diacre dit immédiatement après le baiser de paix: « Plus aucun catéchumène, plus
aucun auditeur, plus aucun infidèle, plus aucun hétérodoxe! >• (VIII, 12, SC 336, 177). Le
développement de cette prescription est l’exclamation: « Les portes, les portes! ■>Par consé
quent, cette exclamation avait, et doit encore avoir, un but concret.
2. A g h io s M a x im o s o G ra iko s, o P b o tis tis to n R oson [Saint Maxime le Grec, l’Illuminateur des
Russes], Athènes, Armos, 1991, p. 123.
3. Saint Maxime le Confesseur, M ysta g o g ie, XIII, PG 91, 692B, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi -, op. oit., p. 119.
i. Ib id ., XV, PG 91,693C, traduction française, op. cit., p. 122.
La foi droite est une condition préalable à la célébration du Mystère
eucharistique.
Le C redo est l’énumération des dons de Dieu et l’expression de la
gratitude de l'homme. Devant les dons divins que nous avons reçus du
Seigneur, nous ne pouvons rien offrir d’autre « que de confesser Ses si
grands bienfaits et Lui rendre grâces pour eux1». La confession du C redo
signifie « l’action de grâces mystique qui sera prononcée dans le temps à
venir pour les raisons et les modes extraordinaires par lesquels nous avons
été sauvés, raisons et modes de la Providence de Dieu dont la sagesse est si
grande pour nous: ».
5. La sainte anaphore
T en o n s-n o u s a ve c cra in te
s’il se tenait devant le trône même de gloire et volait avec les séraphins.
C’est pourquoi le diacre nous exhorte à nous bien tenir à ce moment. En
d’autres termes à nous tenir avec crainte et tremblement, pleins de sobriété
et de vigilance1».
La divine liturgie est appelée « anaphore », qui signifie en grec faire
monter, offrir, parce que nous-mêmes et nos précieux dons sommes offerts
(élevés) vers Dieu. Et il faut « nous tenir avec révérence et avec crainte à
l’heure redoutable de l’anaphore, car quelle que soit la disposition de l’âme
ou quelles que soient les pensées que chacun a en ce moment-là devant
Dieu, c’est dans la même disposition qu’il est élevé vers le Seigneur12 ».
Les Dons précieux ne sont pas simplement offerts sur l’Autel terrestre,
mais ils sont élevés à l’Autel supracéleste. Et nous sommes tous appelés
à nous élever jusqu’à l’espace de la paix inébranlable. Le passage vers cet
espace doit avoir lieu en paix. « Une grande paix et une grande quiétude
sont nécessaires34» à ce moment et en ce lieu. Lorsque la sainte anaphore
est offerte sur l’Autel supracéleste, les Puissances angéliques se tiennent
avec crainte et tremblement. Elles couvrent leurs visages avec révérence et
chantent l’hymne au triple Soleil Divin.
U n d o n tr in ita ir e
1. S u r la d e u x iè m e E p îtr e a u x C o r in th ie n s , V,
4, PG 61, 432, 433.
2. Saint Grégoire Palamas, H o m é lie X X L PG 131, 285B.
3. Ib id .
4. ld ., D éfe n se des s a in ts hésychastes, I, 3, 25, Meyendorff, op. cit., tome I, p. 165.
toujours, dans ce quelle a réalisé, un nouvel élan pour voler plus haut1 ».
L’homme déraisonne alors : il ne demande pas à Dieu de Le voir comme il
le peut lui-même, mais comme II est vraiment, jusqu’à rassasier son désir.
Et l’amour divin pour l’humanité satisfait son désir de cette vision de Dieu
en montrant que cette requête est impossible : car « la véritable contempla
tion de Dieu a pour caractéristique que celui qui lève les yeux vers Lui ne
cesse jamais de Le désirer1234».
« Nous les avons vers le Seigneur », répondent les fidèles au célébrant. Par
cette réponse, ils l’assurent qu’ils sont déjà montés « jusqu’aux hauteurs...
jusqu’au trône de D ieu1». Leurs cœurs sont dans les hauteurs, où le C h r is t
est assis à la d ro ite d e D ie u (Col 3, 1).
R e n d o n s grâces a u S e ig n e u r
I l est d ig n e e t ju s t e
Mû par Son amour, Dieu a créé le monde et l’homme « car il fallait que
le bien se répandît et se propageât ' ». 11 a créé l’homme et l’a placé près
de Lui, afin qu’il chante et loue Sa gloire. Et lorsque l’homme chuta par le
péché, Dieu le releva et l’éleva au Ciel.
Le Christ est devenu homme, et « Il n’a point cessé de tout faire et de
tout souffrir, jusqu’à ce qu’il eût ramené à Dieu, et rendu ami de Dieu
l’homme, qui était son ennemi... Le Christ, d’une certaine façon, a pris
une offrande choisie [les prémices] de la nature humaine, et l’apporte en
don à Dieu le Maître... Et comme dans un champ couvert d’une riche
moisson, on prend quelques épis, on en compose une gerbe qu’on offre
à Dieu, et que par cette légère offrande on attire Sa bénédiction sur le
champ tout entier: de même Jésus-Christ, par la chair unique [dont il
s’était revêtu], et par les simples prémices de notre nature, a fait bénir toute
notre race... Il a offert au Père les prémices de notre nature; et le Père a
tellement approuvé cette offrande, tant par égard pour la dignité de Celui
qui la présentait qu’en considération de la pureté de l’offrande elle-même,
qu’il l’a reçue de Ses propres mains, et l’a placée à Ses côtés, en lui disant:
Siège à ma droite (Ps 109, 1). A quelle créature Dieu a-t-Il dit: Siège à ma
droite? À celle qui avait entendu de Sa bouche ces paroles : Tu es terre et tu
retourneras en terre (Gn 3, 19)... Examine dans quel abîme était descendu
l’homme, et à quel comble de gloire il est monté! Il est impossible de
L ’h y m n e d e vic to ire
1. Saint Maxime le Confesseur, M ysta g o g ie, XIX, PC! 91. 696C, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. r it., p. 126.
2. S u r O z u ts , VI, 3, PC 56, 138.
tout-puissant: « c h a n ta n t e s t l'aigle; c r ia n t est le bœuf; c la m a n t est le lion;
d is a n t est l’homme1 ». La création entière participe à la glorification de
Dieu.
***
1. Jn 3, 16.
2. Jn 6, 51.
3. Mi 26, 26; 1 Co 11, 24.
4. Mt 26, 2 7 - 2 8 ; Le 22, 20.
5. Saint Isaac le Syrien, D isc o u rs a scétiq u es, 81, 5, traduction du père Placide Deseille, op .
p. 471.
« C ’est ainsi que Dieu a aimé le monde (Jn 3, 16). Voyez quels prodiges
renferme ce mot: C ’est ainsi! L’évangéliste Jean, faisant comprendre la
grandeur de ce qui va suivre, dit c’est ainsi et c’est pourquoi l’Écriture
commence de cette façon. Donne-nous donc, ô saint Jean, l’explication de
ces mots c’est ainsi, dis-nous l’étendue, la grandeur, l’excellence d’un pareil
bienfait. C'est ainsi que Dieu a aimé le monde, au point de nous donner son
Fils Unique. Chaque mot a une grande signification1... » « Car ces paroles
lia tellement aimé et Dieu, le monde, montrent l’excès de l’amour divin. En
effet, elle était grande la distance entre Dieu et le monde ou, plutôt, elle
était immense. Dieu, l’immortel, Celui qui est sans commencement, qui a
une grandeur infinie, a aimé des hommes formés de terre et de poussière,
chargés d’une multitude de péchés, qui ne cessaient de contrevenir à Sa
divine volonté, des ingrats2. »
Le sacrifice du Christ est la manifestation de l’amour divin : L’amour de
Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé Son Fils Unique dans
le inonde, afn que nous vivions par Lui. Et cet amour consiste, non point en ce
que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’i l nous a aimés et a envoyé Son Fils
comme victime expiatoire pour nos péchés (1 Jn 4, 9-10).
1. Saint Jean Damascène, Sur la foi orthodoxe, IV, 84, PG 94, 1128D-1129A.
2. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, II, SC 355, 170.
3. Saint Grégoire le Théologien, Discours, XLV, 29, PG 36, 664A.
4. Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, VI, SC 361, 32.
5. Id., Explication de la divine liturgie, XXVI, SC 4 bis, p. 172.
6. Sur saint Matthieu, L, 3, PG 58, 307.
7. Ibid., I.XXXII, 3, PG 38, 744.
ment; Lui qui a dressé cette Table, c’est Lui qui la dresse maintenant1. »
Ayant offert en sacrifice Sa propre Personne, le Christ « n’a pas cessé son
sacerdoce, mais II célèbre perpétuellement pour nous cette liturgie123» et
intercède pour nous auprès de Dieu.
Le sage Salomon a parlé prophétiquement de la Cène de la vie: La
Sagesse a édifié pour elle une maison... et a dressé sa table. Elle a envoyé ses
serviteurs, conviant à boire autour de son cratère, disant... Venez, mangez de
mon pain; buvez du vin que j ’ai mêlé pour vous... pour régner dans l ’éternité
(Pr 9, 1-6). Ce dont parle Salomon « sont les symboles de ce qui s’accom
plit maintenant dans la divine liturgie... Le Dieu généreux est prêt [à être
offert], les dons divins se trouvent devant nous. La Table mystique est
dressée. Le calice vivifiant est plein. Le Roi de gloire invite à la Cène, le Fils
de Dieu reçoit les invités... La Sagesse enhypostasiée de Dieu le Père, qui a
bâti pour Elle un temple non fait de main d’homme, distribue Son Corps
sous la forme de pain et offre Son Sang vivifiant sous la forme de vin. Quel
mystère redoutable!... Quelle condescendance incompréhensible! Quelle
compassion insondable’! ».
Participer à la Cène du Christ consiste à voir et à goûter Son amour:
Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon (Ps 33, 9). L’évangéliste Jean
commence sa description de la Cène mystique en disant que c’est là l’ex
pression de l’amour sans borne du Christ envers les disciples : Avant la
fête de Pâque, Jésus... ayant aimé les Siens qui étaient dans le monde mit le
comble de Son amour pour eux (Jn 13, 1). Et après s’être donné Lui-même
comme nourriture d’immortalité, Il transmit le nouveau commandement
d’amour: Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les
autres; comme Je vous ai aimés (Jn 13, 34). Il révèle ensuite la grandeur et
le caractère de Son amour pour nous. Il explique le premier comme (Jn 13,
34) par un deuxième : Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés (Jn 15,
9).
Lorsque nous participons à la Cène de l’Eucharistie, nous participons à
la Cène de l’Amour divin et sommes appelés à demeurer en lui.
La mémoire du Christ
Après avoir offert à Ses disciples Son Saint Corps et Son précieux Sang, le
Christ leur donna le commandement : Faites ceci en mémoire de moi (Le 22,
19). Il nous a ainsi enseigné que faire Sa mémoire n’est pas procéder à une
simple pensée, mais est un acte: la célébration du mystère de Sa Cène.
Toutefois, afin que nous ne considérions pas Sa mémoire comme un simple
symbole, Il dit clairement : Prenez, mangez mon corps... Buvez mon Sang.
Ces paroles du Christ et le souvenir de toute la divine économie nous
mènent à l’offrande eucharistique: « Faisant mémoire de cet ordre du
Sauveur et de tout ce qui a été fait pour nous... Nous T ’offrons ce qui
est à Toi, de ce qui est à Toi. » Dans la divine liturgie, « la mémoire des
œuvres sacrées du Christ est renouvelée sans cesse* 23» par les paroles et les
actions. Par la divine Eucharistie nous accomplissons exactement ce qu’ac
complit le Christ. Nous offrons la sainte anaphore « en commémoration
de Sa m ort5». Nous ne pensons pas simplement au sacrifice du Christ,
mais nous le vivons : « Le sacrifice qui fut offert alors [par le Christ], nous
l’offrons aussi maintenant, le sacrifice n’est jamais épuisé... Nous accom
plissons toujours le même sacrifice4. »
L’une des raisons pour lesquelles le Seigneur a institué la divine Eucha
ristie est que nous vivions Sa mémoire, parce que cela nous mène à l’action
de grâces : « Le Christ a dit Faites ceci en mémoire de moi (Le 22, 19), nous
révélant la cause en vertu de laquelle II nous a transmis ce mystère... nous
montrant que rien que cette cause suffisait pour nous mouvoir à la piété.
Car la pensée que ton Maître a souffert pour toi te rendra plus philo
sophe », c’est-à-dire plus spirituel5. C ’est du souvenir des bienfaits que
L’homme a reçu le monde des mains de Dieu comme un don rempli des
bénédictions divines. Il veut exprimer sa gratitude et, n’ayant rien à offrir
en retour, il retourne à Dieu Son propre don. Ainsi, le monde qui était le
véhicule de l’amour Divin pour l’homme revient maintenant à Dieu, et
devient l’instrument de la gratitude de l’homme envers Dieu.
Nous offrons à Dieu le don qu’il nous a donné, le marquant du sceau
de notre gratitude. Le labourage du sol, l’ensemencement, la moisson, le
pétrissage du pain, le foulage des raisins sont le sceau de l’homme sur le
monde donné par Dieu. Le pain de froment, le vin pur, l’huile vierge sont
le monde qui revient à Dieu, chargé des peines, des soucis, des joies et des
espérances de l'homme.
Cependant, ce don de Dieu n’est ni la seule, ni la plus grande béné
diction qu’il nous accorde. En effet, si, par la première création, Dieu a
manifesté Son amour à l’homme, lui offrant le monde comme don, dans la
nouvelle création II a manifesté Son amour, offrant comme don à l’homme
Sa propre Personne! C’est pourquoi maintenant, dans le Sacrifice nouveau,
nous offrons à Dieu l’offrande même dont II nous a fait don, celle du
Christ.
Les Dons que nous apportons à l’Autel ont la capacité d’exprimer notre
gratitude pour Son amour, qui a été manifesté à la fois lors de la création à
l’origine du monde et dans la nouvelle création en Christ. Ces mêmes dons
sont encore la preuve de la liberté que nous a accordée le Christ en s’offrant
Lui-même en rançon pour la multitude (Mt 20, 28). C ’est exactement ce
que dit le prêtre au Christ, dans la liturgie de saint Grégoire le Théologien,
Dieu éprouve un tel amour envers l’homme qu’il accepte de nous les
dons qu’il nous a offerts Lui-même «... car lorsque nous Lui offrons des
choses qui sont en réalité les Siennes, Il les accepte comme si elles venaient
de nous'* ». Et nous confessons notre ineffable dette envers Son amour.
Nous T ’offrons ce qui est à Toi, de ce qui est à Toi et nous Te rendons grâces.
« Nous Te présentons cette oblation même que Ton Fils Unique a offerte
à Toi, Dieu Son Père, et nous Te rendons grâces en la présentant, parce
que Lui-même en Te l’offrant rendait grâces. Aussi n’apportons-nous rien
de notre propre fonds à cette oblation : car ces offrandes ne sont pas nos
œuvres, mais bien les Tiennes à Toi, le Créateur de toutes choses; et ce
n’est pas non plus une invention nôtre que cette forme de culte... C’est
pourquoi ce que nous T ’offrons vient de Tes propres biens que Tu nous as
donnés; ces offrandes sont Tiennes pour tout et en tout5. »
En offrant au Seigneur ce qui est à Lui, nous Lui rendons grâces en toutes
choses et pour tout. Nous Lui rendons grâces en tout lieu et en tout temps,12345
1. PG 36, 712A.
2. Saint Grégoire Palamas, L e ttr e à X é n ie la m o n ia le , 59, P h ilo c a lie , volume IV, p. 111 ; traduction
française in L e ttr e à X é n ie la M o n ia le , Lausanne, éd. L’Age d ’Homme, collection « La Lumière
du Thabor », 2012, p. 95-96.
3. Saint Justin, P re m iè re A p o lo g ie, LXVI, SC 507, 307.
4. Saint Maxime le Confesseur, À lh a la ssio s, LI, PG 90, 481D.
5. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio ti d e la d iv in e litu r g ie , XL.IX, SC 4 bis, 289-290.
pour chacun de Ses bienfaits. Nous rendons continuellement grâces à Dieu
le Père pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ (Ep 5, 20).
La descente du Paraclet
6. Diptyques* et supplications
1. Ibid., [. 172.
2. Saint Cyrille d ’Alexandrie, Sur Jean, II, 1, PG 73, 264B.
3. I Tm 2, 2.
4. II Tm 2, 13.
En mémoire des saints
Visite-nous, ô Dieu
L’unité de la foi
L’unité de la foi est une condition préalable pour être acceptés dans
l’unité de la divine Eucharistie. C ’est pour cette raison que, avant de nous
avancer vers le calice de vie, nous demandons au Seigneur de nous garder
dans l’unité de la foi. L’Église est le Corps unique du Christ. Aussi, elle doit
avoir une seule âme, un seul cœur, une seule voix. « Car cela est l’unité de
la foi : lorsque nous sommes tous ensemble un, lorsque nous comprenons
tous de la même façon le lien » de la foi et de l’amour-,
La foi une nous donne la possibilité de nous nourrir avec le Pain de vie
unique. Saint Ignace le Théophore écrit : « Réunissez-vous dans une seule
foi et au nom de Jésus-Christ... rompant un seul Pain, qui est remède
d’immortalité3. » Après avoir reçu cette foi une, sainte et apostolique,
l’Église « la préserve avec soin... Elle croit en elle de la même façon que si
elle avait une seule âme et un seul cœur. Elle prêche, enseigne et transmet la
tradition conformément à cette foi, comme si elle n’avait qu’une bouche...
Tout comme le Soleil, cette création de Dieu est un et même dans le monde
entier, de même la prédication de la vérité brille partout et illumine tous les
hommes qui veulent parvenir à la connaissance de la vérité ' ».
"fout est commun dans l’Église : notre foi est commune, notre espérance
est commune, notre amour est commun. La sainte Église, comme l’écrit
saint Maxime le Confesseur, est la figure et l’image de Dieu et, de la même
1. Ép 4, 13.
2. Saint Jean Chrysostome, S u r V É p îtr e a u x É ph ésiens, XI, 3, PG 62, 83. Saint Nicodème l’Hagio-
rite, E r m in e ia eis ta s 14 epistolas a p o sto lo u P a v lo u [Commentaire sur les 14 Epîtres de l’Apôtre
Paul ], volume II, lliessalonique, Orthodoxos Kypseli, 1990, p. 434.
3. A u x É p h ésien s, XX, SC 10, 77.
4. Saint Irénée. C o n tr e l e s hérésie* T 10 9 ÇC" 7 ^ A 1 ^ 0
façon que Celui-ci, comme Créateur, maintient unies toutes Ses créations
par Sa puissance et Sa sagesse infinies, l’Eglise lie les fidèles en une seule
unité conformément à la grâce et à l’appel un de la foi'.
Ce lien des fidèles est engendré par le baptême, sanctifié par la Chris-
mation, et nourri et accru par la sainte communion. C’est pourquoi seuls
ceux qui appartiennent à l’unité de la foi peuvent prendre leur place à la
Cène mystique. L’Église refuse aux non-baptisés la nourriture qui produit
l’incorruptibilité, car elle sait que « si quelqu’un de non initié se dissimule
et communie, il mangera le jugement éternel, pour son châtiment- ». Ceux
qui ne participent pas à la Vérité ne peuvent participer à la Vie. Ceux qui
ne participent pas à l’unité de la foi ne peuvent entrer dans la communion
du Saint-Esprit : « Notre foi est en accord avec l’Eucharistie, et l’Eucha
ristie confirme notre foi3. » Le calice commun présuppose la foi commune.
Pour la même raison, ceux qui ont renié ou altéré la foi orthodoxe dans le
Christ ne peuvent communier à Lui. La sainte communion n’est accordée
ni aux non-baptisés, ni aux hétérodoxes : « Il n’est pas permis à ceux de
l’extérieur de s’approcher de la divine Eucharistie. Et que soit considéré
extérieur celui qui est encore infidèle et non baptisé, de même aussi que
celui qui s’est détourné vers une opinion hétérodoxe et incompatible avec
la foi des saints4. » L’Église interdit la participation des hérétiques à la Cène
du Seigneur: « Nous ne serons pas participants au saint et vivifiant Sacri
fice avec ceux qui se sont habitués à concevoir certains dogmes autrement
que ceux qui sont justes et vrais, mais [nous le serons] avec ceux qui ont
le même esprit et qui sont nos frères, ceux avec lesquels existent l’unité
d’esprit et l’identité de foi’. »
L’Église refuse de recevoir les hérétiques à la sainte communion. Elle
refuse également la communion dans l’office liturgique avec ceux qui appar
tiennent à d’autres confessions, c’est-à-dire la prière commune avec eux.
Certains y voient une sorte de rigorisme et ne comprennent pas l’amour
maternel de l’Église. Or celle-ci, au contraire, désire et prie pour le retour
à elle de chaque homme, dans le repentir. Elle sait qu’une « communion »
superficielle nuira aux hétérodoxes eux-mêmes, et fera vaciller certains
fidèles orthodoxes dans leur propre foi.1
1- M ysta g o g ie , XXIV, PG 91, 705B, traduction française, éd. Migne, collection « Les Pères dans
la foi », op. c it ., p. 140.
2. Les C o n s titu tio n s a p o sto liq u es, VIL 25, 6, SC 336, 55.
3. Saint Irénée, C o n tr e les hérésies , IV, 18, 5, SC 100, 611.
4. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r le c u lte en F.snrit pt pn Vérité yt r>r no -tnir^
Ceux qui vivent dans l’unité de la foi saisissent l’amour de l’Église pour
l’humanité. Ils entendent battre avec compassion son cœur maternel
pour tout homme et le voient s’enflammer d’amour pour tous : pour les
incroyants et les catéchumènes, pour ceux qui sont loin de la foi et ceux
qui en sont proches.
Le peuple : Notre Père, qui es aux Cieux, que Ton nom soit sanc
tifié, que Ton règne vienne, que Ta volonté soitfaite sur la Terre
comme an Ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain suressentiel,
1. I d ., C atéchèses b a p tism a les, II, T l , SC 50, 149.
2. S^int Basile le Grand, H o m é lie s u r la f o i X V , 3 , P G 3 1 , 4 6 9 B - 4 7 2 A .
3. Saint Cyrille d ’Alexandrie, S u r le c u lte en E s p r it e t en Vérité, XVI, PG 68, 1016B
4. Saint Grégoire de Nysse, D isc o u rs ca té c h é tiq u e , VI, SC 453, 181.
5. Liturgie de saint Jacques.
remets-nous nos dettes, comme nous les remettons aussi à nos débi
teurs, et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous
du malin.
Le prêtre [à voix forte] : Car à Toi appartiennent la royauté, la
puissance et la gloire, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et
toujours, et dans les siècles des siècles'.
Le chœur: Amen.
1. Saint Maxime le Confesseur, Sur la prière du Seigneur, Philocalie, volume II, p. 192, traduction
française, ap. rit., tome A, p. SS4.
2. Ibid., Mystagogie, XX, PC, 91, 6 9 6 0 ), traduction française, 6d. Migne, collection « Les Pères
dans la foi », op. cil., p. 127.
3. Ibid., XXIII, PC 91,701BC, traduction française, op. rit., p. 136.
4. Ibid., PG 91,701C, traduction française, ibid., p. 136.
5. Id„ À Thalassios, XXII, PC 90, 3201).
encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous Lui
serons semblables (1 Jn 3, 2).
La Table de paix
L’inclination de la tête
7. La sainte communion
Les saints Dons qui seront donnés en communion aux saints sont le Saint
Corps et le précieux Sang du Christ. Le Christ est le seul Saint par nature.
L’Unique et le seul Seigneur. Nous pouvons être appelés saints unique
ment parce que nous sommes participants à Sa sainteté: « Les fidèles sont
en effet appelés saints en raison du Saint auquel ils participent, dont ils
communient au Corps et au Sang123. »
L’élévation du Saint Corps du Christ, accomplie à ce moment par le
célébrant, « représente Son élévation sur la Croix, Sa mort par la cruci
fixion et la résurrection même45». Le Christ « est élevé dans les mains du
prêtre comme sur la Croix4 ».
L’acte de l’élévation signifie que « la communion des saints Mystères
n’est pas indifféremment permise à tous... Les saints Dons ne sont permis
qu’aux saints. Le prêtre donne ici le nom de saints non pas seulement aux
âmes de vertu parfaite, mais aussi à tous ceux qui s’efforcent de tendre à
cette perfection... Ceux-là, rien ne les empêche, en participant aux saints
Mystères, d’être sanctifiés6 ».
1. 1 C o 8, 6; Ph 2, 11.
2. Dans les temps plus anciens, le chant de communion était un psaume entier, dont le chant
continuait pendant la communion des fidèles. Ces psaumes étaient les suivants: 22, 33, 116,
144.
3. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e h t d iv in e litu rg ie , XXXVI, SC 4 bis, 223.
4. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 448B.
5. Saint Jean Damascène, S u r les s a in ts M ystères, V, PG 95, 409C.
6. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu rg ie , XXXVI, SC 4 bis, 2 2 3 .
Les saints ne luttent pas seulement pour se libérer du péché, mais pour
acquérir le Saint-Esprit. Saint Jean Chrysostome, commentant la phrase
Les saints Dons aux saints, dit: « Le prêtre, d’une voix forte et avec un cri
redoutable, élevant haut la main tel un messager se tenant en hauteur,
visible à tous, et criant fort dans ce silence absolu, appelle certains à
communier et en empêche d’autres. Or il ne le fait pas avec la main, mais
avec sa langue... Lorsque le prêtre dit Les saints Dons aux saints, il veut
dire : “Qui n’est pas saint, qu’il n’approche point.” Il ne dit pas simplement
que l’on doit simplement être pur de péchés, mais saint. Car le saint ne se
distingue pas par le seul fait d’être délivré des péchés, mais par la présence
du Saint-Esprit et la richesse des œuvres bonnes. Je ne veux pas, dit-il, que
vous soyez simplement délivrés du marécage, mais que vous soyez blancs et
beaux... Qui est tel, qu’il s’approche et touche le calice royal1. »
À l’exclamation du prêtre Les saints Dons aux saints, les fidèles répondent :
« Un seul est Saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ, à la gloire de Dieu
le Père. » La réponse des fidèles est la confession que par « le Fils Unique,
qui a été incarné et crucifié, nous avons été sanctifiés, nous avons été sauvés
de la mort et nous avons obtenu l’immortalité123». Car « personne n’a de
soi-même la sainteté, et elle n’est pas le résultat de la vertu humaine, mais
tous [la reçoivent] de Lui et par Lui. C ’est comme si beaucoup de miroirs
étaient placés au-dessous du Soleil : ils brillent tous et émettent des rayons,
vous croiriez voir beaucoup de soleils, alors qu’en réalité il n’y a qu’un
seul soleil qui brille en tous. De même [Jésus-Christ] le seul saint, s’écou
lant [pour ainsi dire] dans les fidèles, se montre en beaucoup d’âmes et
fait apparaître chez beaucoup la sainteté; Il est pourtant le seul et unique
Saint1».
« La confession du Seul saint, qui est faite par tout le peuple à la fin de
la célébration mystique... manifeste ce qui est au-dessus de toute raison
et de toute intelligence: que ceux qui ont reçu l’initiation de Dieu, mysti
quement et avec sagesse, seront rassemblés et unis à l’unité secrète de la
simplicité divine, ce qui aura lieu dans le siècle incorruptible des intelli
gibles ; alors, eux aussi, contemplant la lumière de la gloire invisible et plus
Le Christ est vraiment Celui qui est, Auquel tous communient, sans
qu’il soit cependant diminué par la participation des communiants. Il est
« Celui qui est partagé par tous, mais ne subit pas de diminution du fait
de cette participation '. » « Supposons un foyer où l’on allume des dizaines
de milliers de flambeaux, et encore deux fois plus ; ce feu ne demeure-t-il
pas intégralement le même après avoir transmis son énergie à tant de flam
beaux'1? » Le Christ est la source du feu spirituel qui, « après avoir donné
aux autres, ne souffre aucune diminution, mais II prodigue Ses biens,
toujours II les répand, demeurant dans la même perfection123456 ».
Le Christ est fractionné, mais n’est pas divisé. Après la fraction, chaque
partie du saint Pain est le Christ tout entier. « Il est distribué, mais reste
indivisé et non rompu. Il est trouvé et reconnu entier dans chaque partie
Le Christ est un
La chaleur du Saint-Esprit
Les prières que récite maintenant le célébrant et qui doivent être récitées
par chaque fidèle lorsqu’il se prépare à la communion sont les dernières
d’une série de prières qui sont appelées « Office de la sainte communion ».
Cet office est lu en trois parties.
La première partie est le canon de la sainte communion qui, dans le
texte grec original, est construit sous forme d’acrostiche selon l’alphabet. Il
est lu la veille de la communion dans le cadre des compiles. La deuxième
partie est lue le matin et est constituée de trois psaumes, trois tropaires
et neuf prières composées par différents Pères de l’Église. Et la troisième
partie est constituée par les prières que récite maintenant le célébrant.
La première prière est une confession de foi et d’espoir dans l’amour du
Christ : Je crois, Seigneur, et je confesse, que Tu es en vérité le Christ, Fils du
Dieu vivant, venu au monde sauver les pécheurs dont je suis le premier.
Cette phrase s’appuie sur les paroles de l’apôtre Paul : Elle est sûre, cette
parole et digne de toute créance: le Christ Jésus est venu dans le monde pour
sauver les pécheurs, dont je suis, moi le premier. Et s’i l m’a étéfa it miséricorde,
c’est pour qu’en moi, le premier, Jésus-Christ manifestât toute Sa patience
(1 Tm 1, 15-16). Saint Jean Chrysostome commente la parole apostolique
par un exemple: « Supposons qu’il existe une grande ville, dont tous les
habitants sont des malfaiteurs. Les uns plus, les autres moins, mais tous
méritent condamnation. Supposons maintenant qu’il y en ait un parmi
eux qui mérite plus que tous d’être châtié, car il s’est livré à toutes sortes
de méfaits. Si, par conséquent, quelqu’un dit que le roi veut les gracier
tous, ils ne le croiront pas sur parole, tant qu’ils ne verront pas que le plus
grand malfaiteur de tous a reçu le pardon. Alors, plus personne ne doutera.
C’est ce que dit l’apôtre Paul: “Dieu, voulant assurer les hommes qu’il
pardonne toutes leurs transgressions, a choisi le plus pécheur de tous...
Que personne ne doute de son salut, puisque j’ai été sauvé1.” »
. Avec l’assurance que Jésus-Christ nous montrera, à nous pécheurs, toute
Sa longanimité, nous Lui demandons de nous rendre dignes de nous appro
cher sans condamnation du calice de Son amour.
Outre ces prières constituant l’office de la sainte communion, les saints
Pères ont composé aussi de nombreuses autres prières pour se préparer à
la communion. L’une d’entre elles, qui a été écrite par saint Philothée,
patriarche de Constantinople, et qui est adressée à la Mère de Dieu, est la
suivante :
1. Saint Jean Damascène, Sur la foi orthodoxe, IV, 86, PG 94, 1149AB.
2. Heures pascales.
3. Matines de Pâques, canon, 9e ode.
nous1». Cette réalité est maintenant confirmée par le célébrant qui, après
avoir communié, récite quatre tropaires de la Résurrection alors qu’il place
le Saint Corps du Christ dans le calice.
Dans la divine liturgie, nous avons vu la Résurrection du Christ célébrée
dans l’assemblée eucharistique. Maintenant, par la sainte communion,
nous vivons cette Résurrection dans notre existence même, car « le Maître
en personne, le Christ, ressuscite en nous, tout de blanc vêtu et fulgurant
des éclairs de l’incorruption et de la Divinité-1
2».
L’apôtre Paul nous assure que chaque fois que nous communions
au Saint Corps et au saint Sang du Christ, nous proclamons Sa mort
(1 Co 11, 26). Aussi, étant donné que « nous pouvons continuellement
proclamer la mort du Seigneur, nous pouvons ainsi toujours célébrer
Pâques3 ». Chaque assemblée liturgique est la Résurrection du Christ, et
chaque sainte communion est la résurrection de l’homme qui y participe.
« La résurrection de l’âme, c’est l’union avec la vie: de même en effet que
le corps mort, à moins de recevoir en lui l’âme vivante et de lui être mêlé
sans mélange, n’est pas réputé vivre et ne peut vivre, l’âme non plus, seule
et par elle-même, ne peut vivre à moins d’être, de manière ineffable et sans
confusion, unie à Dieu, la véritable vie éternelle45.»
Lorsque le fidèle reçoit la communion sans condamnation, sa vie entière
est « une Pâque unique, le passage et la migration du monde sensible au
monde intelligible... Où nous jouirons éternellement en toute pureté,
purs nous-même, du sacrifice très pur en Dieu le Père et l’Esprit consubs
tantiel, voyant sans cesse le Christ et vus de Lui, vivant avec le Christ,
régnant avec le Christ3 ».
terre, mais pour semer : montrant par là que le labour et tout le travail de
préparation doivent avoir été préalablement accomplis par nous1».
En nous préparant du mieux que nous pouvons, nous acquérons « plus
de profit des divins Mystères. Car en fonction de la plus ou moins grande
préparation que fait l’homme, il reçoit une plus ou moins grande grâce de
la sainte communion »-. La préparation spirituelle consiste à cultiver en
nous la foi, la crainte de Dieu et l’amour. Et cet effort exige la prière, le
jeûne, la confession et le repentir constant.
De la foi naît la crainte de Dieu lorsque le cœur est libre des soucis
terrestres. Abba Isaac écrit que « la crainte de Dieu est le commencement
de la vertu. Comme on l’a dit, elle naît de la foi et elle est semée dans le
cœur de 1homme lorsqu’il retire sa pensée des distractions du monde2 ».
La crainte de Dieu est double: « L’une naît en nous des menaces du
châtiment, et elle engendre dans l’ordre la tempérance, l’espérance en
Dieu, l’impassibilité, d’où vient l’amour. L’autre est liée à cet amour. Elle
porte toujours dans l’âme la piété, pour que, par la liberté de l’amour, on
n’en vienne pas à mépriser Dieu ’. »
Lorsque l’homme atteint cet état, il ne craint rien d’autre que de tomber
des hauteurs de l’amour. Aussi, après avoir communié au Christ, qui
est l’Amour, nous Lui demandons : Ajfermis-nous dans Ta crainte\ Nous
demandons la crainte que possède l’âme du parfait dans la vertu : « Voilà
celui qui possède l’amour véritable... et cet amour le porte à la crainte
parfaite. Car il craint et il garde la volonté de Dieu, non plus à cause des
coups, ni pour éviter le châtiment, mais parce qu’ayant goûté la douceur
d’être avec Dieu... il redoute de la perdre, il redoute d’en être privé. Cette
crainte parfaite, née de cet amour, bannit la crainte initiale. Et c’est pour
quoi saint Jean dit que l ’amour parfait bannit la crainte (1 | n 4, 18) \ »
* * *
1. Saint Maxime le Confesseur, Mystagogie, XXI, PG 91, 697A, traduction française, éd. Migne,
collection « Les Pères dans la foi », op. cit., p. 128.
2. Saint Nicétas Stéthatos, Chapitres physiques, 94, Philocalie, volume III, 323, traduction fran
çaise, op. cit., t. II, p. 314.
3. Hymnes, II, 1-17, SC 156, 176-178.
Le Christ nous nourrit dans les deux mondes
Nous avons reçu dans nos âmes non pas simplement « quelque rayon
de lumière, mais le disque solaire lui-même5 ». Nous sommes devenus,
selon la grâce, des soleils qui accompagnent l’unique Soleil. Car le Christ,
« ayant embrassé toutes choses par Sa force illuminatrice, donne à ceux
qui en sont dignes la lumière perpétuelle, et en fait de nouveaux soleils6».
Saint Grégoire Palamas, révélant les expériences de sa sainte vie, parle
de l’entrée de l’homme dans l’espace de la véritable Lumière: le Christ
« ne s’est pas borné à unir Son Hypostase divine à notre nature... mais
1. 1\ SC, 6.
2. Cette hymne a été chantée pour la première fois à cet endroit de la liturgie sous le patriarcat de
Serge de Constantinople, en 624 (C h r o n iq u e pascale, 351, Olympias, PG 92, 1001). Ps 70, 8.
3. D isco u rs s u r A b b a P h ilé m o n , P h ilo c a lie , volume 11, p. 251, traduction française, op. cit., t. I,
p. 613.
4. Saint Syméon le Nouveau Théologien, H y m n e s, XLV, 32-39, SC 196, 105.
5. Saint Nicolas Cabasilas, L a V ie e n C h r is t , IV, 584 D, SC 355, 269.
6. Saint Grégoire Palamas, C o n tr e A k y n d in o s , V, 6.22, édition Chrestou, t. 111, ’Thessalonique,
Il s’unit... aux hypostases humaines elles-mêmes, en se confondant Lui-
même avec chacun des fidèles par la communion à Son Saint Corps,
puisqu’il devient un seul Corps avec nous et fait de nous un temple de la
Divinité tout entière - car dans le Corps même du Christ habite corporelle
ment toute la plénitude de la Divinité (Col 2, 9) - comment n’illuminerait-
11 pas ceux qui communient dignement au rayon divin de Son Corps...
comme II illumina les corps mêmes des disciples sur le Thabor1? »
La lumière du Christ illumine l'homme entier et le conduit à la vision
des mystères de Dieu : « La présence de la Lumière divine, puisqu'elle est
simple et unifiée, rassemble en elle les âmes qui participent et les fait se
tourner vers elle... Elle conduit vers les profondeurs de Dieu la faculté
de vision de leur intellect, de telle façon qu'elles contemplent les grands
mystères et deviennent initiées et capables d’initier12. »
Le Mystère eucharistique - le mystère du Soleil de justice - s’est levé
dans notre monde depuis la Lumière du Père ; il est célébré par la Lumière
du monde, qui est le Christ; et il est sanctifié par la Lumière du Paraclet.
Avant la venue du Christ, le prophète David a prophétisé : Dans Ta lumière,
nous verrons la lumière (Ps 35, 10). Maintenant, nous aussi, après la sainte
communion, « nous avons vu et nous prêchons: de la lumière —le Père —,
nous saisissons la lumière - le Fils - , dans la lumière - l’Esprit - théologie
brève et simple de la Trinité... Lumière, lumière et lumière, mais une seule
Lumière, un seul Dieu3 ».
L’homme créé est entièrement illuminé par la Lumière divine, il est
séparé de la création et uni à Dieu :
1. Défense des saints hésychastes, I, 3, 38, édition J. Mcyendorff, op. cil., t. I p. 102.
2- Saint Nicctas Stéthatos, Centurie sur la connaissance spirituelle, XX, Philocalie, volume III, 331.
3. Saint Grégoire le lliéologien, Discours X X X I, 3, SC 230, 281.
Le Christ, la Lumière du monde, disperse les ténèbres du siècle présent.
Il ouvre les deux et nous conduit dans l’espace du siècle nouveau. Là, le
fidèle rencontre la Lumière, qui est « la beauté du siècle éternel à venir, le
Royaume de Dieu sans commencement et sans succession1 ». Là, dans le
Royaume, il n’y aura plus de nuit; nul n’aura besoin de la lumière dn flam
beau ni de la lumière du soleil (Ap 22, 5). Là brille la lumière du visage du
Christ’.
***
1. Saint Grégoire Palamas, Défense des saints hésychastes, II 3, 34, Chrestou 1, p. 586-587, Meyen-
dorff, op. cit., tome II, p. 496.
2. Prière des diptyques* après la Consécration.
3. « Vie du moine et martyr Jacques de la Sainte Montagne (1er novembre) », volume XI, 5e édi
tion, Athènes, Mathaios Lagges, 1979, p. 43-44. Voir résumé dans Macaire de Simonos Pe-
tras, Le Synaxaire, tome II, édition Indiktos, 2010, p. 15.
Sois exalté au-dessus des deux, ô Dieu
Après avoir placé les saints Dons sur l’Autel, le prêtre les encense trois
fois et récite le verset du psaume : Sois exalté au-dessus des deux, ô Dieu et
que sur toute la Terre resplendisse Ta gloire (Ps 56, 6). « Lorsque tu entends
les mots Sois exalté, n’imagine pas que le prophète David demande à Dieu
qu’il reçoive une gloire supplémentaire, car II n’a pas besoin de gloire...
Il fait principalement allusion au mode de glorification dans le Ciel, où
les anges exaltent et glorifient Dieu. Mais [le prophète] veut que la gloire
de Dieu soit exaltée sur toute la Terre, à l’instar de ce qui se produit au
Ciel1. » En outre, en disant ces paroles, c’est comme si l’on disait au Christ :
« Malgré que Tu Te sois abaissé pour notre salut par la kénose volontaire
de l’incarnation et sois devenu obéissantjusqu’à la mort (Ph 2, 8), monte à
nouveau maintenant au Ciel, car après Ton ascension, Tu rempliras toute
la Terre de Ta gloireu »
Chaque fois que la divine liturgie est célébrée, le Christ descend des
Cieux pour notre salut. A ce moment, Il remonte aux Cieux. Nous fidèles,
avec les yeux de l’âme, voyons l’Ascension du Christ. Et à l’instar des
disciples lors de cet événement, nous louons et bénissons Dieu maintenant
avec une grande joie (Le 24, 52-53), car la Lumière de Sa gloire et de Son
amour reste aussi sur la Terre et illumine le monde.
* * *
1. Ibid., 241.
rend grâces aussi après, et II chante un hymne afin que nous fassions de
même'. »
Saint Jean a composé la prière suivante d’actions de grâces après la
communion. Le saint se sent incapable d’exprimer avec des mots la grati
tude due au Christ, qui accorde les Dons. Et il demande le Seigneur de
garder les célébrants et les fidèles « dans une manière de vivre honorable et
probe » et de les rendre dignes de la Table céleste jusqu’au dernier moment
de leurs vie :
« Qîtelle louange ou quel hymne ou quelle action de grâces pouvons-nous
Te rendre, à Toi notre Dieu qui aime les hommes ? Car lorsque nous étions
condamnés à la mort et immergés dans les péchés, Tu nous as accordé la liberté
et Tu nous as donné une participation à la nourriture immortelle et céleste du
Saint Corps et du saint Sang de Ton Christ. Aussi, nous Teprions, garde-nous,
ainsi que Tes serviteurs les diacres, libres de toute condamnation. Préserve-
nous ainsi que le peuple ici présent dans une manière de vivre honorable et
probe; rends-nous dignes, jusqu'à notre dernier soupir, de participer à cette
Table mystique pour la sanctification de l ’âme et du corps, afin que nous soyons
trouvés dignes de Ton Royaume céleste avec tous ceux qui T'ont été agréables ;
par les prières de la Toute-Sainte, Immaculée Mère de Dieu et Toujours-Vierge
Marie et de tous Tes saints. Car Tu es le Dieu saint et ami des hommes et
nous Te rendons gloire, au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, maintenant et
toujours et dans les siècles des siècles. Amen1. »
Un autre saint, Syméon le Nouveau Théologien, rend grâces au Seigneur
après la communion. Malgré le charisme céleste de la théologie qu’il avait
reçu, il dit qu’il ne peut trouver les mots pour décrire la magnitude des
bienfaits de la sainte communion, et rend grâces pour celle-ci:
1- Sur Matthieu, LXXXII, 2, PG 58, 740. Au temps de saint Jean Chrysostome, cette prière
d’actions de grâces était la prière finale de la liturgie.
2. « Ancienne prière lue derrière l’ambon de la liturgie de saint Jean Chrysostome », Trembelas,
Leitourgiai, p. 155.
Je ne trouve aucune parole, mon Sauveur
Pour exprimer les œuvres de Ta bonté,
Celles que Tu as faites pour moi, Ton serviteur...
Tu t’es uni à moi, Ami des hommes,
par une compassion sans mesure...
Tu as balayé ma maison souillée,
Et, après être entré, Tu l’as habitée, Trinité, ô mon Dieu
Puis Tu as fait de moi le trône de Ta divine Divinité,
La maison de Ta gloire et de Ta royauté inaccessibles1.
8. Congé
La plénitude de l ’Eglise
1. Sur le Cantique des cantiques, VI, PG 44, 905A. Le Christ est appelé « Ecclésiaste » ici, sur la
base du sens classique du mot, c’est-cà-dire qu’il « appelle, convoque l’assemblée » de l’Église.
2. Sur le psaume 8, 1, PG 55, 107.
saint et terrible (Ps 110, 9). Or s’il est saint, il exige de ceux qui le célèbrent
dans leurs hymnes une bouche sainte, sainte et pure1 ». C ’est précisément
pour cette raison que notre Eglise a ordonné que nous louions le très saint
nom du Seigneur après avoir sanctifié nos bouches par la communion au
Christ, qui est le seul Saint, la source de la sainteté.
* * *
La divine liturgie est arrivée à sa fin. Le prêtre « après avoir béni le peuple
en traçant le signe de Croix et prié que la bénédiction du Seigneur vienne
sur lui accomplit le renvoi. Il implore notre véritable Dieu, le Christ,
d’avoir pitié de nous et de tous nous sauver, par les prières de Sa très pure
Mère et de tous les Saints. En même temps, il proclame et témoigne que,
par l’économie du Christ notre Sauveur et par la divine célébration sacrée,
nous avons été sauvés et nous serons sauvés. Il témoigne encore que les
prières de la Mère de Dieu contribuent à notre salut, car elle est la servante
du plus grand Mystère [celui de l’incarnation de Dieu], comme le font les
prières de tous ceux qui ont été sanctifiés par ce Mystère1 ».
Le prêtre prie pour que « nous soyons sauvés, car nous n’avons rien à
présenter de notre propre fonds qui mérite le salut, mais nous tournons
nos regards vers la paternelle bonté de Celui qui seul peut sauver. C ’est
pourquoi ici encore le prêtre fait mention d’un grand nombre d’inter
cesseurs, qui nous aideront à être sauvés ; et avant tout, de la Très Sainte
Mère de Dieu, par l’intermédiaire de laquelle nous avons à l’origine obtenu
miséricorde123».
1. Saint Nicolas Cabasilas, E x p lic a tio n d e la d iv in e litu r g ie , LUI, PG 150, 489C. Dans les temps
anciens, le prêtre ne retournait pas clans le sanctuaire après avoir dit la prière de l’ambon,
mais distribuait immédiatement l’antidoron tandis que l’on chantait l’hymne Q u e le n o m d u
S e ig n e u r s o it b é n i ... avec le psaume 33. Plus tard, lorsque: Q u e la b é n é d ic tio n e t la m iséricorde
d u S e ig n e u r v ie n n e n t s u r v o u s . .. et le congé Q u e le C h rist, n o tre v r a i D i e u . .. ont été ajoutés, la
distribution de l’antidoron et le psaume ont été déplacés avant les paroles P a r les p riè re s d e nos
s a in ts P è re s...
2. Saint Germain de Constantinople, C o n te m p la tio n , PG 98, 452D-453A.
III
ACTIONS DE GRÂCES APRÈS LA SAINTE C O M M U N IO N
Prière anonyme
Seigneur, Christ notre Dieu, Roi des siècles et Créateur de toutes choses;je Te
rends grâces pour tous les bienfaits que Tu m ’as accordés et pour la communion
à Tes très purs et vivifiants mystères. Je T ’en prie, ô Dieu bon et qui aimes les
hommes, garde-moi sous Ta protection et à l ’ombre de Tes ailes; accorde-moi de
recevoir dignement Tes divins Mystères avec une conscience pure, jusqu’à mon
dernier souffle, pour la rémission de mes péchés et la vie éternelle. Car Tu es
le Pain de vie, la Source de sainteté, le Dispensateur de tout bien ; et nous Te
rendons gloire, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans
les siècles des siècles. Amen.
Prière anonyme
Que Ton Saint Corps, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, me donne la vie
éternelle, et Ton Sang très précieux, la rémission des péchés. Que cette Eucha
ristie me donne la joie, la santé et le bonheur. Et lors de Ton second et redou
table avènement, rends-moi digne, pécheur que je suis, de me tenir à la droite
de Ta gloire, par les prières de Ta Mère Tonte-Pure et de tous les saints. Amen.
Que tout homme pieux et ami de Dieu jouisse de cette belle et lumineuse
solennité. Tout serviteur fidèle, qu’i l entre avec allégresse dans la joie de son
Seigneur (cf. M t 25, 23). Celui qui a porté le poids du jeûne, qu’il vienne
maintenant toucher son denier.
Celui qui a travaillé depuis la première heure, qu’il reçoive aujourd’hui le
juste salaire (cf. Mt 20, 1-16). Celui qui est venu après la troisième heure,
qu’il célèbre la fête dans l ’action de grâces. Celui qui est arrivé après la sixième
heure, qu’il n’a it aucun doute, il ne sera pas lésé. Si quelqu’un a tardéjusqu’à
la neuvième heure, qu’i l approche sans hésiter. S ’i l a traîné jusqu’à la onzième
heure, qu’il n’a it pas honte de sa lenteur, car le Maître est généreux, Il reçoit le
dernier comme le premier; Il accorde le repos à l ’ouvrier de la onzième heure
comme à celui de la première; Il fa it miséricorde à celui-là, et comble celui-
ci. Il donne à l ’un, Il fa it grâce à l ’autre. Il accueille les œuvres, Il apprécie le
jugement; Il honore l ’action et loue l ’intention. Aussi, entrez tous dans la joie
de notre Seigneur! Premiers et derniers, recevez le salaire.
Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble. Les vigilants comme les
nonchalants, honorez cejour. Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l ’avez point
fait, réjouissez-vous aujourd’hui. La Table [des saints Mystères du Christ] est
abondante, rassasiez-vous tous, le veau gras [qui a été sacrifié pour nos péchés,
c’est-à-dire le Christ] est servi, que nul ne s’en retourne affamé [c’est-à-dire sans
1. Cette homélie est reproduite ici, à la fin des commentaires sur la divine liturgie, parce quelle
constitue une récapitulation théologique du Mystère eucharistique, et sa référence allégorique
à la Table eucharistique est manifeste. Elle est lue chaque année à l’église immédiatement
avant la célébration de la divine liturgie pascale, proclamant que l’Eucharistie est la fête de la
avoir reçu les saints Mystères], Jouissez tous du banquet de la foi, de la richesse
de la bonté [de Dieu],
Que nul ne déplore sa pauvreté, car le Royaume est apparu pour tous. Que
nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s’est levé du tombeau. Que nul
ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés. Il a détruit la mort,
Celui quelle avait étreint.
Il a dépouillé l ’enfer, Celui qui est descendu aux enfers. Il l ’a rempli d ’amer
tume (Is 14, 9), pour avoir goûté de Sa chair. Isaïe l ’avait prédit en disant:
« l ’enfer fu t rempli d ’amertume, car il a été joué; bouleversé, car il fu t mis à
mort; bouleversé, car ilfu t anéanti. Consterné, car il saisit un corps et trouva
un Dieu. Il prit de la terre et rencontra le ciel: il saisit ce qu 'il voyait, et tomba
sur celui qu’i l ne voyait pas.
O mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire » (Os 13, 14) 1
Le Christ est ressuscité, et tu as été terrassé; le Christ est ressuscité et les anges
sont dans la joie,
Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie;
Le Christ est ressuscité, et il n’y a plus un seul mort dans le tombeau,
car le Christ est ressuscité, prémices de ceux qui se sont endormis. A Lui,
gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.
GLOSSAIRE
AËR. Large voile brodé avec lequel le célébrant couvre les saints Dons
lors de la prothèse. Pendant la Grande Entrée, le diacre ou le prêtre porte
l’aër sur ses épaules; ensuite, il est placé au-dessus des saints Dons sur
l’Autel puis, pendant la récitation ou le chant du Credo, il est tenu et agité
doucement au-dessus des Dons. En outre, il y a deux voiles plus petits qui
sont utilisés pour couvrir le calice et le discos.
ANTIM ENSION. Du grec anti (au lieu de) et du latin mensa (la table) :
linge consacré, sur lequel est imprimée habituellement une image de l’en
sevelissement du Christ. L’Eucharistie est célébrée sur ce linge. Si l’Autel
n’a pas été consacré, l’antimension doit contenir un fragment d’une sainte
relique. Il symbolise le linceul dans lequel Joseph d’Arimathie a enveloppé
le Corps du Seigneur.
CANON. Hymne chanté aux matines, qui selon les cas comprend trois,
quatre, huit ou neuf odes et a pour thème l’événement festif du jour. Les
huit premières odes du canon correspondent aux huit odes de l’Ancien
Testament. La neuvième ode est dédiée à la Mère de Dieu et est empruntée
au Nouveau Testament.
DIP TYQUES. Liste sur laquelle figurent les noms des vivants et des
défunts qui sont commémorés à la divine liturgie. Cette liste est appelée
« diptyques », parce quelle est souvent constituée de deux parties, l’une
pour les vivants, et l’autre pour les morts.
DISCOS. Petit disque métallique circulaire sur lequel est placé l’Agneau
qui doit être consacré ainsi que les autres parcelles extraites du pain d’of
frande en l’honneur de la Mère de Dieu, des saints, et pour les fidèles
commémorés à la proscomédie.
ILETON (corporal). Linge de soie qui est déployé sur l’Autel lorsque
la divine liturgie est célébrée. Aujourd’hui, son usage a été principalement
remplacé par l’antimension.
O M OPHORE. Large bande d’étoffe brodée décorée avec des croix qui
est portée par l’évêque uniquement lorsqu’il célèbre. Il est placé autour des
épaules et descend jusqu’au sol, et représente la brebis perdue que le Christ
est allé chercher et a placée sur Ses épaules pour la rapporter à la maison
du Père.
TROPAIRE. Hymne court, qui suit un rythme basé sur l’accent tonique,
se référant à la fête ou au saint du jour.
ZEON. Eau bouillante qui est versée dans le calice avant la communion
et symbolise la chaleur de l’Esprit saint.
TABLE DES PRINCIPAUX TEXTES PATRISTIQUES
AU SUJET DE LA DIVINE LITURGIE
Genèse Gn Luc Le
Exode Ex Jean Jn
Lévitique Lv Actes Ac
Deutéronome Dt Romains Rm
3 Règnes 3R 1 Corinthiens 1 Co
1 Chroniques 1 Ch 2 Corinthiens 2 Co
Psaumes Ps Galates Ga
Proverbes de Salomon Pr Ephésiens Ép
Cantique des cantiquesCt Philippiens Ph
Sagesse de Salomon Sg Colossiens Col
Osée Os 1 Thessaloniciens 1 Th
Miellée Mi 1 Timothée 1 Tm
Habacuc Ha 2 Timothée 2 Tm
Malachie Ml Tite Tt
Isaïe Is Hébreux He
Jérémie Jr Jacques Je
Ezéchiel Ez 1 Pierre 1P
Daniel Dn 1 Jean 1 Jn
Matthieu Mt 2 Jean 2 Jn
Marc Mc Apocalypse Ap
TABLE DES MATIÈRES
Note du traducteur.................................................................................... 7
Avant-propos.............................................................................................. 9
Introduction............................................................................................. 11
1. La dernière Cène et la liturgie des premiers chrétiens......................... 11
2. Les premières prières liturgiques......................................................... 13
3. Les premières liturgies écrites............................................................... 15
4. Saint Jean Chrysostome et la divine liturgie....................................... 17
La vie du saint.............................................................................. 17
La divine liturgie.......................................................................... 19
Le célébrant................................................................................. 20
5. Qu’est-ce que la divine liturgie ? ......................................................... 21
Une récapitulation de toute l’économie divine.......................... 21
Une manifestation du Dieu Trinitaire........................................ 25
La réunion du Ciel et de la Terre................................................. 26
6. Les fruits de la divine liturgie............................................................... 28
L’incorporation du fidèle dans le C hrist..................................... 28
Le rassemblement de l’Église...................................................... 30
I. La préparation de la sainte liturgie..................................................... 33
1. Le rite du « temps » .............................................................................. 33
La préparation du célébrant....................................................... 33
Mon cœur est prêt, ô D ieu ......................................................... 35
Le jour sans so ir........................................................................... 37
La Mère de Dieu : la porte qui regarde vers l’O rien t................. 39
La Croix : la gloire du C hrist...................................................... 40
l. A D I V I N E L I T U R G I E D E S A I N T J E A N C H R Y S O S T O M E