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Comptabilité
financière
►►Comptabilité écologique contre IFRS
►►Normes IFRS internationales
et françaises
►►Perspectives critiques sur la comptabilité
11e édition
Les auteurs et l’éditeur remercient Christine Collette, professeur des universités, pour son
travail sur les dix premières éditions de ce livre.
© Dunod, 2018
Partie 1
Théorie comptable
III
Comptabilité financière
Section 1 Neutralité/subjectivité 53
Section 2 Entité/unicité 56
Section 3 Comptabilité de caisse/comptabilité
d’engagement 58
Section 4 Propriété/prééminence de la substance 60
Section 5 Séparation/unicité des périodes 61
Section 6 Coûts/valeurs 62
Section 7 Rattachement/non-rattachement 64
Section 8 Prudences/imprudences 65
Section 9 Coût historique/coût réévalué 68
Section 10 Continuité/mort 71
Section 11 Permanence des méthodes 73
Section 12 Les qualités de l’information comptable 74
Section 13 La comptabilité à la recherche de l’image fidèle 79
IV
Table des matières
VI
Table des matières
19 Le bilan 317
VII
Comptabilité financière
21 L’annexe 352
VIII
Table des matières
Partie 2
Les fondements idéologiques des règles IFRS
IX
Comptabilité financière
Partie 3
Idéologie du corpus réglementaire français
X
Table des matières
XI
Comptabilité financière
XII
Table des matières
Bibliographie 698
Index 710
XIII
Face aux IFRS,
la comptabilité
écologique ?
1. La firme Enron, qui fit faillite en 2001 alors qu’elle était considérée comme un modèle de management, avait
masqué des pertes massives grâce notamment à la comptabilisation de revenus futurs découlant de contrats à long
terme. Ces agissements avaient été couverts par Arthur Andersen, la plus grande firme d’audit de l’époque, qui
devait également disparaître.
Comptabilité financière
Regardez ces lignes de courbes extraordinaires établies sur la base d’une étude
réalisée par le professeur Tomo Suzuki de l’Université d’Oxford à partir de données
transmises par des entreprises agricoles malaisiennes (Suzuki, 2012).
Elles représentent le profit d’une nouvelle plantation de palmiers à huile sur une
période de trente ans (la période qui sépare la mise de graines dans le sol de la mort
des palmiers). Le professeur Suzuki a comparé l’évaluation en juste valeur (JV, ou
fair value, FV en anglais) pré co
nisée par les nouvelles normes IFRS, et plus
spécifiquement la norme IAS 41 qui s’applique aux actifs biologiques, à l’évaluation
traditionnelle en coût historique (CH).
HCA
Profit Over 30 Years of Plantation Cycle
FVA (5 %)
5
Profit
$ million
4
0
Loss
$ million
-1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 23 25 26 27 28 29 30
2
Face aux IFRS, la comptabilité écologique ?
Ce contraste et ce mystère sont ceux que nous élucidons depuis plus de vingt ans dans
cet ouvrage pour mieux dénoncer le caractère foncièrement pervers de la comptabilité
financière des IFRS en juste valeur, qui mélange les rêves et les réalités, et demander un
découplement des résultats (réels) de ceux du futur. Mais au lieu de se contenter, comme
nous le faisions, d’une analyse à la fois théorique et historique (chapitres 11 à 14),
l’exemple fourni par le professeur Suzuki est celui de la vie concrète d’entreprises malai
siennes qui sont obligées malgré elles (voir infra) d’appliquer les IFRS. Cet exemple
justifie et illustre toute la base idéologique de cet ouvrage porteur d’une réflexion critique
indispensable à la formation d’adultes qui veulent comprendre et pas seulement
« avaler » des techniques, comme le proposent la plupart des manuels comptables,
notamment ceux qui traitent des IFRS.
Expliquons d’abord les résultats en CH. Ce type de comptabilité est prudent et
n’enregistre que des résultats effectivement réalisés (résultant de ventes effectives).
Dans une plantation d’arbres à huile, il faut environ 5 à 7 ans pour que les jeunes
pousses se transforment en arbres exploitables. Ensuite, si les cours de l’huile sont
stables et les conditions météo favorables, on a des ventes d’huile assez régulières
pendant une douzaine d’années issues d’arbres adultes. Puis, comme les arbres vieil
lissent, il s’ensuit une dernière période de ventes déclinantes. La comptabilité en
coût historique reflète cette réalité liée à des règles biologiques.
Expliquons maintenant les résultats selon la comptabilité en juste valeur. Son objectif
n’est pas d’informer un exploitant sur les résultats de son exploitation dans une perspec
tive de continuité et de soutenabilité de cette exploitation, mais d’informer les action
naires qui financent cette exploitation sur sa valeur de revente dans une perspective de
spéculation à court terme et de permettre une distribution la plus immédiate possible
d’un maximum de dividendes sans égard pour la continuité de l’exploitation.
À cet effet, en l’absence d’une valeur de marché pour des arbres qui ont été plan
tés et fixés dans le sol, la technique de base est celle de l’actualisation des résultats
futurs : dès le début de l’exploitation on va calculer la « (juste) valeur » de la plan
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
tation concernée en sommant les flux de ventes nettes futures générées par les grai
nes (à peine semées) et on va transférer (actualiser) cette somme future en terme
d’équivalent monétaire au début de l’exploitation (voir le chapitre14 dédié à cette
question). Fondamentalement, la différence entre cette valeur actualisée, basée sur
des espérances de ventes nettes d’huile de palme, et le capital investi à l’origine sera
considéré comme un profit comptable « réalisé », un profit qui, comme le montre
l’exemple concret du professeur Suzuki, absorbe à lui seul l’essentiel des gains de
la période de trente ans considérée.
Évidemment, comme le montre l’enquête en Malaisie et Indonésie du professeur
Suzuki auprès de managers, d’universitaires, de membres d’associations comptables
et de responsables politiques, ce type de comptabilité en juste valeur pose d’énormes
problèmes. Peut-on sérieusement, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays
qui appliquent strictement les IFRS (voir l’enquête de David Burbi, 2013), admettre
3
Comptabilité financière
que le résultat initial « vertigineux » en IFRS puisse être distribué aux actionnaires
pressés (qui le plus souvent ne demandent pas mieux que de les recevoir, sinon d’en
imposer la distribution), alors qu’il repose entièrement sur des anticipations qui
peuvent être remises en cause1, obligeant l’entreprise à s’endetter et à prendre des
risques qui peuvent mettre en danger sa continuité ?
Le fisc lui même, s’il « aime » les IFRS, ne va-t-il pas être tenté de taxer ces « résul
tats » affriolants ? Comme vous pouvez l’espérer, lectrice, lecteur, vous qui n’avez sans
doute pas d’idée préconçue de la comptabilité, l’immense majorité des personnes que le
professeur Suzuki a interviewées, même au plus haut degré des hiérarchies, dénoncent ,
dans le cadre de conversations il est vrai souvent privées (voir infra pour la nuance), le
caractère aberrant de la norme IAS 41 et de la comptabilité en juste valeur. C’est ce que
nous faisons dans cet ouvrage depuis plus de dix ans, bien avant la crise des subprimes.
Un des plus hauts dirigeants de la Malaisie, chargé des plantations, va même jus
qu’à dire en parlant de cette comptabilité : « This is Enron accounting for agricul
ture. The only difference is that it was a scandal at the time; now it is manda
tory » (Suzuki, 2012, p.18). Même des auditeurs des grands cabinets d’audit, qui
sont particulièrement intéressés à ce type de comptabilité complexe qui leur permet
d’engranger de substantiels bénéfices, reconnaissent, sans remettre en cause sa phi
losophie, qu’il y a une subjectivité terrible dans ses résultats. En effet, ceux-ci
reposent sur des anticipations hasardeuses des cours de l’huile de palme et de
l’usage de taux d’actualisation variables selon les spécialistes et les stratégies des
entreprises (Suzuki, 2012, p.10). Les dirigeants de l’IASB connaissent cette situa
tion et savent qu’un grand nombre de personnes critiquent leur « produit ». C’est la
raison pour laquelle ils « patinent », malgré les apparences, ce qui nous mène au
second point de notre introduction.
À en croire les cartes du monde comptable dressées par l’IASB et ses partisans, les
IFRS auraient conquis la planète à l’exception majeure des États-Unis et de l’Afrique
francophone. Cette vision est fausse pour deux raisons. Premièrement, si le monde a été
conquis, ce n’est pas par la comptabilité IFRS mais par celle des États-Unis dont on peut
aisément montrer qu’elle inspire largement les IFRS, sans que l’IASB soit capable
d’amener les États-Unis à appliquer les IFRS (voir notamment le cas du goodwill au
chapitre 17). Deuxièmement, ces cartes sont fausses. Prenons par exemple le cas de la
France et de l’Allemagne qui sont données comme des exemples de pays qui appliquent
1. D’après le Dictionnaire de la langue française Bordas (1994,1722) un résultat est « ce qui est la conséquence
de quelque chose ». Le verbe être est au présent et non au futur ou au conditionnel. Par conséquent, contrairement
aux IFRS, des profits potentiels ne peuvent être un résultat en comptabilité financière. En les qualifiant de résultats,
l’IASB s’avère un organisme irresponsable.
4
Face aux IFRS, la comptabilité écologique ?
les normes IFRS. En fait ces deux pays n’appliquent vraiment les IFRS, et notamment
la juste valeur, que pour les comptes consolidés des entreprises cotées. Pour les comptes
individuels, y compris ceux des sociétés cotées, il n’est pas question d’appliquer la juste
valeur. Or, les comptes individuels jouent un rôle important en France et en Allemagne
notamment en matière de distribution de dividendes. Par conséquent, le lecteur des
« cartes IFRS » a une image fausse de l’extension de ces normes en France et en
Allemagne. Cette remarque pourrait être étendue à de nombreux pays comme la Chine,
Le Japon et la Russie dont la situation en matière d’adoption de la juste valeur mériterait
des analyses beaucoup plus fines et plus honnêtes que la présentation pour le moins som
maire des « cartes IFRS ».
En outre, si, grâce à l’appui de l’Union Européenne, la percée des IFRS, dans les
années 2000-2006, a été indéniable, cette percée est désormais stoppée y compris en
Europe comme en témoignent deux événements récents. Premièrement et surtout, en
2012, le Parlement Européen a rejeté toute tentative d’introduction des IFRS pour les
PME. Le communiqué de presse du 18 septembre 2012 de Klaus-Heiner Lehne (PPE,
DE) explique que les IFRS « fournissent plutôt une plateforme pour des astuces comp
tables qu’une base pour des déclarations financières exactes » ! Deuxièmement, il est
symptomatique que la révision des anciennes 4e et 7e directives européennes pour
constituer une seule et nouvelle directive 2013/34/UE se soit effectuée pratiquement à
droit constant sans introduction, notamment, de l’évaluation en JV. Comme le dit l’un
des spécialistes de la question, il ne s’« agit plus de mettre l’accent sur le processus
d’adoption ou de convergence [avec les IFRS] pour les entreprises de l’UE non cou
vertes par le Règlement IAS. L’accent semble en effet être mis sur la révision de
l’acquis communautaire et sur la simplification des obligations comptables aux plus
petites entreprises » (Burbi, 2013, 38).
Enfin, concernant le problème des actifs biologiques, suite à une campagne très
« agressive » des planteurs malaisiens et de leurs appuis, y compris au sein des ins
tances étatiques, l’IASB a dû mettre de l’eau dans son vin avec une réforme intervenue
en 2015 et admettre qu’un actif biologique puisse être valorisé selon le système du
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
coût prévu par l’IAS 16 (chapitre 23) lorsque son évaluation en juste valeur ne peut
être faite de façon fiable. Ceci montre que même un petit pays, quand il est bien
décidé, peut faire reculer l’IASB. Tous ces types de résistance irritent évidemment les
partisans de l’idéologie des IFRS notamment en France.
Dans une lettre ouverte publiée le 15/10/2013 par le journal Les Échos intitulée
« Pourquoi je démissionne de l’Autorité des Normes Comptables », M. Jean Claude
Lopater, qui a fait une longue carrière d’associé chez PwC, explique les raisons de
son acte. Son motif initial est qu’il ne peut accepter que M. Jérome Haas, alors pré
sident de l’Autorité des Normes Comptables (ANC), ose ouvertement critiquer cer
5
Comptabilité financière
tains aspects des IFRS, en France comme à l’étranger1. Il estime, de ce fait, que la
France est perçue « uniquement dans un rôle d’opposition » et que l’image de
l’ANC est « un désastre à l’international ». Selon M. Lopater, qui aurait « rencontré
tous les acteurs de la place », le constat serait « unanime ».
En fait, ces affirmations sont révélatrices : non seulement une critique publique des
IFRS de la part des représentants de la normalisation française est jugée incongrue,
mais elle serait un acte émanant d’un acteur complètement isolé. Que M. Lopater
estime que les IFRS soient une bonne chose, c’est parfaitement son droit au même titre
que c’est le nôtre d’estimer le contraire. Mais qu’il pense que cette opinion doit être
automatiquement celle de l’ANC est inadmissible. En outre, M. Lopater veut faire
passer son opinion comme celle de l’ensemble des acteurs intéressés par la normalisa
tion comptable : M. Haas serait seul. En fait, M. Lopater aurait dû lire l’article du
professeur Suzuki (2012) que nous avons cité qui montre qu’à l’« international », les
positions de Monsieur Haas et de l’ANC sont presque timides par rapport à celles de
ceux qui n’hésitent pas à dire que les IFRS constituent une « Enron accounting ».
M. Lopater invoque le fait qu’il a rencontré tous les acteurs « de la place ». Mais de
quelle place s’agit-il ? S’agit-il de la place boursière, auquel cas son affirmation serait
compréhensible ? Mais comme disait le Général de Gaulle, la politique de la France
ne se fait pas à la corbeille ! Il est évident que M. Lopater a une conception très res
trictive de l’opinion publique française et qu’il ne prend en compte que les valeurs des
partisans des IFRS, dont les grands cabinets d’audit auquel il appartient.
M. Lopater, pour renforcer ses dires, affirmait à l’époque que « les interventions
du président de l’ANC ne sont plus écoutées » et « qu’il est de notoriété publique
que de nombreuses personnalités françaises n’acceptent plus de débattre à l’étranger
à la même tribune que lui [...] notamment le seul membre français du board, le pré
sident des trustees de l’IASB et la présidente de l’EFRAG ». En fait cette tactique
d’« évitement » de certains des représentants de la France dans des organismes inter
nationaux devrait être critiquée, si elle s’avère exacte : elle n’est pas conforme aux
règles du débat démocratique, surtout de la part de représentants de la France. Les
grands cabinets d’audit veulent-ils, comme semble le désirer M. Lopater, empêcher
certains acteurs qui ont des relations directes ou indirectes avec eux de participer au
débat démocratique pour faire pression sur leurs adversaires ? Il est de notoriété
1. Monsieur Haas avait notamment affirmé dans le numéro 44 de mars 2011 des Petites affiches que si les IFRS
ne sont pas à l’origine de la crise, ils en ont amplifié les effets. Il était opposé à l’application des IFRS-PME en
France. Il proposait de cantonner l’application des IFRS aux seules entreprises qui ont essentiellement des objectifs
financiers, c’est-à-dire, concrètement, aux sociétés cotées. Pour les autres, c’est-à-dire 90 % des entreprises d’Eu
rope, il demandait à ce que soit conservé le vieux modèle comptable continental européen « source de sécurité
formidable, de compréhension mutuelle », qui « repose sur la prudence » et s’inscrit « dans un modèle économique
de moyen terme ». Ainsi J. Haas en venait à préconiser un modèle dualiste de la comptabilité à l’échelle interna
tionale : un du type IFRS pour les grandes sociétés cotées et un de type continental européen pour les autres entre
prises. Cette position critique de représentants des pouvoirs publics n’était pas une nouveauté en France. En
août 2003, Jacques Chirac en personne écrivit une lettre à Romano Prodi stigmatisant l’effet néfaste sur l’activité
économique que pourrait avoir l’introduction de la juste valeur dans les normes comptables européennes.
6
Face aux IFRS, la comptabilité écologique ?
Pour élargir le champ possible des théories comptables nous avions, dès la 10e édi
tion, présenté au chapitre 18 les bases d’une nouvelle théorie comptable adaptée à
la « cause écologique » et à la « cogestion environnementale » : la « comptabilité
environnementale selon le « modèle CARE ». Cette nouvelle comptabilité anticapi
taliste, que nous commençons à promouvoir dans de nombreuses instances, et qui
vise à offrir une alternative crédible au modèle de gestion hyper financier véhiculé
par les IFRS, a non seulement déjà fait l’objet de publications dans des revues inter
nationales (voir en bibliographie) mais elle a récemment reçu en France l’appui de
1. Ceci n’empêcherait pas de donner une information en annexe sur la juste valeur des actifs et des dettes.
2. Les producteurs d’huile de palme revendiquent à juste titre la soutenabilité financière de leurs exploitations.
Mais il convient également de tenir compte des aspects environnementaux (voir le chapitre 18 consacré à une nou
velle comptabilité, la comptabilité environnementale).
7
Comptabilité financière
1. Idéologiquement, si l’étudiant est « persuadé » que le modèle de référence est constitué par les IFRS, il devient
un « esclave » d’une certaine conception de la comptabilité parmi d’autres, au même titre que ceux qui croyaient
que le PCG était toute la comptabilité : les IFRS sont le nouveau PCG !
8
Face aux IFRS, la comptabilité écologique ?
IFRS) et trois (règles françaises) correspond à la réalité du dualisme qui s’est ins
tauré en France depuis que ce pays a refusé d’appliquer les IFRS aux comptes indi
viduels.
Pour l’essentiel, ce livre sert de base à l’initiation à la comptabilité à l’Université
Paris-Dauphine (environ 50 heures de cours), associé à un ouvrage d’exercices cor
rigés publié également chez Dunod.
1
Partie
Qu’est-ce que la comptabilité ? Chapitre 1
Comptabilités et gouvernements d’entreprise Chapitre 2
Les théories comptables Chapitre 3
Les principes comptables et l’image fidèle Chapitre 4
Acteurs sociaux et normalisation comptable Chapitre 5
La représentation du cycle d’exploitation : Chapitre 6
monisme et dualisme
La comptabilité moniste anglo-saxonne Chapitre 7
La comptabilité dualiste française Chapitre 8
Les opérations dans les comptabilités monistes Chapitre 9
et dualistes
La codification des comptes : monisme et dualisme Chapitre 10
Les comptabilités en valeur de marché Chapitre 11
Les comptabilités en valeur-coût Chapitre 12
Les comptabilités fiscales Chapitre 13
Les comptabilités en valeurs d’usage Chapitre 14
Comptabilité et finance Chapitre 15
Les concepts d’actif et de passif Chapitre 16
Les concepts d’écart d’acquisition et de fonds commercial Chapitre 17
La comptabilité écologique : Chapitre 18
une vraie révolution comptable ?
Le bilan Chapitre 19
Le compte de résultat Chapitre 20
L’annexe Chapitre 21
Consolidation des comptes et manipulations Chapitre 22
des résultats des groupes
Théorie comptable
N ous commencerons donc cet ouvrage par la question la plus difficile, c’est-
à-dire la question épistémologique : qu’est-ce que la comptabilité ?
(chapitre 1) ; ce premier chapitre permettra de montrer la diversité des types de
comptabilités, diversité qui trouvera son explication dans l’influence des gouverne
ments d’entreprise (chapitre 2).
Les divers types de comptabilités seront structurés à l’aide de théories comptables
(chapitre 3) qui permettront de bâtir des principes comptables (chapitre 4).
L’ensemble de ces réflexions montrera la nature subjective de la discipline comp
table, ce qui pose la question de l’influence des différents acteurs sociaux sur cette
discipline (chapitre 5).
La représentation du cycle de l’activité économique peut être faite selon des moda
lités différentes (chapitre 6) ; on examinera d’abord, en s’inspirant de l’exemple des
comptabilités dites anglo-saxonnes, le type moniste (chapitre 7) puis, en s’appuyant
sur l’exemple de la comptabilité française (des comptes sociaux), le type dualiste
(chapitre 8) ; les principes d’enregistrement des opérations (livres comptables) dans
ces deux systèmes comptables moniste et dualiste seront étudiés au chapitre 9. On
montrera, pour finir, les influences que peuvent exercer les deux systèmes moniste
et dualiste sur la codification des comptes (chapitre 10).
Ensuite, les problèmes de l’évaluation comptable seront abordés en commençant
par ses aspects théoriques ; à cet effet, nous utiliserons les enseignements de la théo
rie conditionnelle normative (voir le chapitre 3) pour identifier des types (purs) de
comptabilités en fonction de différents objectifs.
Partie 1 ■ Théorie comptable
12
Chapitre
1
Qu’est-ce que
la comptabilité ?
OBJECTIFS
Définir ce qu’est la comptabilité
Montrer le caractère subjectif de cette discipline
Rattacher cette discipline à d’autres disciplines
SOMMAIRE
Section 1 nUne proposition de définition
Section 2 nComparaison de la comptabilité avec d’autres disciplines
Partie 1 Théorie comptable
L
■
1. Pour reprendre le titre d’un article de Le Lous (1983) se référant aux travaux de Riveline (1973).
14
Qu’est-ce que la comptabilité ? ■ Chapitre 1
L’existence d’un acteur dominant sur la scène comptable ne signifie pas que, sauf
dans les régimes autocratiques, la totalité du système comptable soit dessinée par cet
acteur ; dans les régimes démocratiques des contre-pouvoirs s’exercent et leurs
représentants obtiennent généralement des concessions et des informations comp
tables conformément à leurs souhaits.
Pour déterminer les moyens et les résultats d’une entreprise, la comptabilité est
obligée de sommer des objets différents (machines, constructions, stocks…, argent).
Cette sommation ne peut s’effectuer en quantité et doit s’exprimer en valeur.
Comme le souligne C. Simon (2000), il y a plusieurs valeurs comptables pos
sibles ; la « juste valeur » chère à l’école « moderne » américaine et à l’IASB n’est
que l’une de ces valeurs et n’est pas plus « juste » que les autres valeurs : le concept
de valeur utilisé en comptabilité est multiforme ; pour l’essentiel, il dépend des pou
voirs dominants et des contre-pouvoirs (voir le chapitre 2), le plus souvent moné
taires.
Toute action humaine est dirigée vers des buts et s’exprime avec des moyens. La
comptabilité valorise ces moyens et ces buts aussi bien sous une forme prévision
nelle (comptabilité prévisionnelle) que passée (comptabilité historique).
Comme les concepts de valeurs, les concepts de moyens et de résultats sont sub
jectifs et dépendent du jeu des pouvoirs et des contre-pouvoirs.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Le terme entité est très large : il peut concerner une micro structure comme une
famille (le paterfamilias romain tenait déjà, dit-on, sa comptabilité – en partie sim
ple), ou une multinationale gigantesque ; il peut concerner une entité privée ou
publique, etc.
15
Partie 1 ■ Théorie comptable
Section 2
COMPARAISON DE LA COMPTABILITÉ
AVEC D’AUTRES DISCIPLINES
1 Comptabilité et mathématique
2 Comptabilité et statistique
3 Comptabilité et droit
Dans un livre célèbre, Pierre Garnier (1947) a dit que la comptabilité est l’algèbre
du droit1. S’il est vrai que la comptabilité a été très souvent et reste toujours inspirée
par des juristes, on ne peut pas dire qu’elle se confonde avec le droit :
–– la comptabilité peut exister en dehors de toute régulation : dans beaucoup de pays,
le droit ne s’intéresse qu’à certaines formes de comptabilités et délaisse les autres.
On peut montrer à cet égard que cette étendue de la réglementation varie selon les
systèmes économiques (voir le chapitre 2) ;
1. La formule complète est « la comptabilité, algèbre du droit, méthode d’observation des sciences écono
miques ».
16
Qu’est-ce que la comptabilité ? ■ Chapitre 1
–– ajoutons que, quand elle existe, cette réglementation de la comptabilité est multi
forme : le droit anglo-saxon de la comptabilité n’est ni le droit français ni le droit
allemand ; à l’intérieur d’un même pays, il peut y avoir plusieurs droits comptables :
droit fiscal comptable, droit des comptes consolidés, etc.
Bref, disons que le droit peut s’intéresser à la comptabilité (ou plutôt aux compta
bilités1) mais qu’il ne se confond pas avec elle.
4 Comptabilité et histoire
Tant que les systèmes comptables ont été « confinés » dans leurs pays respectifs,
les motifs d’une interprétation socio-politique de la comptabilité ont été rares. On
peut dire que l’étude systématique des relations entre les systèmes économiques et
sociaux et la comptabilité (il vaudrait mieux dire les comptabilités) n’est apparue
que dans le troisième tiers du xxe siècle. Maintenant, c’est une chose courante de
dire que les diverses comptabilités sont en relation avec les gouvernements d’entre
prise (pour reprendre une expression à la mode).
La comptabilité est donc devenue un objet de l’analyse socio-politique ; mais on
peut dire aussi que la comptabilité est un instrument de la politique. Nous verrons
que les concepts de résultat dépendent pour l’essentiel des acteurs sociaux qui ont
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Le fait qu’il existe des droits comptables différents rend obsolète l’expression « conception juridique » de la
comptabilité : il n’y a pas de conception juridique de la comptabilité, c’est un mythe.
2. En général, les manuels techniques de la comptabilité ne présentent que la version comptable en usage dans
un pays, à un moment donné ; dans ce cadre, l’étudiant n’a aucune chance de percevoir la relativité des systèmes
comptables.
17
Partie 1 ■ Théorie comptable
6 Comptabilité et économie
Le lecteur aura remarqué que nous avons gardé pour la fin l’économie. De toutes
les disciplines, l’économie est sans doute celle qui se rapproche le plus de la comp
tabilité :
–– comme la comptabilité, l’économie se préoccupe de mesurer la valeur et les résultats
d’entités ;
–– comme la comptabilité, l’économie doit tenir compte des divers systèmes sociaux
pour adapter ses conclusions à ces systèmes.
Il est vrai que le comptable est parfois lié par des règles d’évaluation (fiscales, par
exemple) qui n’ont rien à voir, le plus souvent, avec des évaluations « écono
miques » ; mais la comptabilité fiscale n’est que l’une des comptabilités réglemen
tées et les comptabilités réglementées ne sont pas toutes les comptabilités ; certaines
comptabilités, qu’elles soient réglementées ou non, ont bien pour objectif, comme
l’économie, de mesurer des résultats… économiques (si l’on entend par ces résul
tats, des résultats qui mesurent les performances des unités économiques, cette
même notion de performance pouvant faire l’objet d’interprétations très diffé
rentes)1, 2.
Il est vrai, cependant, quel’on peut soutenir que l’économie fait un travail de
réflexion sur les concepts (de valeur, par exemple) qui est ensuite utilisé par les comp
tables : l’économiste réfléchit, le comptable applique. Mais cette vision, est à notre
avis, erronée. Dans son travail quotidien, le comptable est lui aussi obligé de forger
des concepts pour représenter la matière sur laquelle il travaille : les concepts de
maintien du capital et d’amortissement, par exemple, ont fait l’objet d’une analyse
extrêmement précise de la part des comptables dont les économistes peuvent se ser
vir. On sait, à ce sujet, que les relations entre les deux disciplines sont constantes3, 4.
Il est vrai qu’on pourrait soutenir que l’économiste serait plutôt un macroécono
miste tandis que le comptable est un microéconomiste ; cette vision est doublement
fausse : l’économiste comme le comptable (qui peut être un comptable « national »)
peuvent s’intéresser aussi bien à la microéconomie qu’à la macroéconomie.
18
Qu’est-ce que la comptabilité ? ■ Chapitre 1
Il est vrai qu’on entend dire que l’économiste établit des lois d’équilibre de l’éco
nomie tandis que le comptable se contente de mesurer. Là encore, cette vision est
réductrice. Le comptable, principalement celui qui se soucie de la mesure de l’effi
cacité (et de la solvabilité) d’une entité, doit réfléchir (même s’il n’est pas le seul à
le faire) à la conception de cette efficacité avant de mettre en place les moyens de
mesure appropriés.
Plus largement, le comptable est un des acteurs les plus importants de la régulation
des marchés. Adam Smith avait cru voir « la main invisible des marchés », mais il
n’avait pas vu la main visible des comptables qui organisent le marché mondial avec
leurs normes comptables.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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