Loïc Jourdain, Michel Leclerc, Arthur Millerand - Économie Collaborative & Droit - Les Clés Pour Comprendre-Editions FYP (2016)
Loïc Jourdain, Michel Leclerc, Arthur Millerand - Économie Collaborative & Droit - Les Clés Pour Comprendre-Editions FYP (2016)
Loïc Jourdain, Michel Leclerc, Arthur Millerand - Économie Collaborative & Droit - Les Clés Pour Comprendre-Editions FYP (2016)
& Droit \
Les clés po ur comprendre A
lYions
Loïc Jourdain Michel Leclerc Arthur Millerand
,
Economie
collaborative
& Droit
Les clés pour comprendre
Copyright © 2016 FYP éditions.
Un ouvrage de la collection << Innovation •>
Direction éditoriale : Philippe Bultez Adams
Édition : Florence Devesa, Lucia Di Bisceglie
Illustration de couverture : Tristan Bézard
Photogravure : IGS-CP
Imprimé en France sur les presses de l'imprimerie France Quercy
sur Munken Print White 18, 90 g!m2, d' Arctic Paper.
fYP
ISBN: 978-2-36405-134-8
© 2016, FYP éditions (France)
contact@fypeditions.com
www.fypeditions.com
<<Mais il sentait que s'ils avaient toujours agi raisonnablement, les hommes
depuis le début des âges n'auraient rien tenté. Et que vient un jour où,
pour faire un pas en avant, il faut franchir la limite logique. •>
Joseph Kessel, Mermoz, 1939.
Biographies
Chapitre 1 :Introduction 9
1. Le développement de l'économie collaborative 16
1.1 Définition et naissance 16
1.2 Un écosystème favorable à l'émergence de l'économie collaborative 24
1.3 L'ampleur du succès de l'économie collaborative 29
1.4 Les critiques de l'économie collaborative 33
2. La place du droit dans l'économie collaborative 38
2.1 Le droit, au cœur de l'économie collaborative 39
2.2 Le décalage entre l'économie collaborative et les règles juridiques 46
2.3 Un encadrement juridique en construction 46
Ce livre n'est pas une consultation juridique et ne prétend pas être exhaus-
tif. Ce n'est qu'une évocation des enjeux juridiques de l'économie collabora-
tive à partir de notre compréhension de ce secteur.
L'économie collaborative est un domaine qui évolue très rapidement, tout
comme les enjeux juridiques qui l'accompagnent. De nouvelles probléma-
tiques peuvent subitement émerger, tandis que des pratiques peuvent être
confirmées dans leur légalité ou remises en cause en l'espace de quelques
semaines. Les analyses contenues dans le présent ouvrage se sont arrêtées au
1er décembre 2015.
Les opinions et idées développées dans cet ouvrage n'engagent que leurs
auteurs et non les sociétés ou cabinets pour lesquels ils travaillent.
Économie collaborative & Droit
1 10 1
Introduction
talisme du xxr siècle. Les perspectives offertes par cette nouvelle éco-
nomie donnent le vertige et les performances exceptionnelles de ces
nouveaux acteurs en offrent un avant-goût. C'est sans aucun doute une
chance pour notre économie, puisque ce mouvement permet l'émer-
gence de nouvelles entreprises performantes qui contribuent à créer de
la richesse, sociale et économique, pour l'ensemble de la collectivité.
Naturellement, cette innovation d'ampleur n'est pas sans consé-
quence. Selon un principe schumpetérien, on remarque que cette créa-
tion de nouvelles structures économiques va de pair avec une destruc-
tion des structures traditionnelles et de nouvelles interrogations. L'en-
trée de l'expression<( ubérisation >>dans le vocabulaire commun en est
un signe, tout comme le fait que le travail n'est plus seulement conçu
à travers le cadre unique du contrat à durée indéterminée, ou encore
que les revenus générés par les particuliers poussent l'État à se ques-
tionner sur les règles fiscales les plus pertinentes.
Faut-il protéger les structures traditionnelles de cette destruction?
Faut-il au contraire favoriser ces créations? Face à ces interrogations,
le droit a un rôle crucial à jouer puisqu'il est le reflet des choix de
société qui seront effectués. Ni la France ni aucun des États confron-
tés à cet essor n'a encore apporté de réponses claires à ce sujet.
En cause, les relations traditionnellement conflictuelles entre inno-
vation et droit. L'automobile, innovation majeure du xxe siècle, n'a pas
été accueillie les bras ouverts comme en témoignent les procès initiés
par les cochers 1• Ces derniers leur reprochaient d'effrayer les chevaux
de leur attelage, et le droit a pu être perçu comme un frein au dévelop-
pement automobile. Ce n'est que quelques années plus tard que les
municipalités ont pris conscience des avantages de l'automobile pour
décider de devenir un acteur direct du changement en pavant les rues.
Certaines situations contemporaines font étrangement écho à cet
exemple.
1. Aux États-Unis, par exemple, Indiana Springs Co. v. Brown, 7 4 N.E. 615 (lnd. 1905) ; Shin-
kle v. McCullough, 77 S.W 196 (Ky. 1903); Mason v. West, 65 N.Y.S. 651 (C.C.N.Y.1900).
1 11 1
Économie collaborative & Droit
2. La France est considérée comme le deuxième pays de l'économie collaborative, après les
États-Unis, en termes de volume d'affaires : Samuel Roumeau, <<Non, la consommation collabo-
rative n'est pas une menace •>, Le Blog de la consommation collaborative.
1 12 1
Introduction
1 13 1
Économie collaborative & Droit
1 14 1
Introduction
1 15 1
Économie collaborative & Droit
1] Le développement
de l'économie collaborative
Nous allons, dans un premier temps, présenter notre définition de
l'économie collaborative. Une fois cette précision sémantique appor-
tée, nous détaillerons les caractéristiques principales de cette nouvelle
économie ainsi que l'ampleur de son développement, avant d'aborder
les critiques dirigées à son encontre.
1 16 1
Introduction
e Approche historique
C'est dès le début des années 2000 que la << sharing economy >>
(expression anglaise désignant l'économie collaborative) serait apparue
aux États-Unis. Les projets portés par des entrepreneurs devaient
notamment permettre d'apporter une réponse à l'explosion démogra-
phique mondiale, conjuguée à l'épuisement des ressources. La motiva-
tion de ces nouvelles réflexions venait ainsi, à l'origine, de la crainte de
la tragédie des biens communs (the tragedy of the commons 6 ), selon
6. Expression popularisée par un article de Garrett Hardin intitulé<~ The Tragedy of the
Commons •>, paru dans Science en 1968.
1 17 1
Économie collaborative & Droit
laquelle, lorsque chacun agit selon son propre intérêt, les ress.ources
communes s'épuisent immanquablement. Ceux qui opèrent ce constat
affirment que chacun contribue, en cherchant à satisfaire ses propres
besoins, à une perte collective. Les nouvelles technologies et les
réseaux modernes sont apparus comme une solution en rendant pos-
sibles des modèles de production fondés sur des relations de gré à gré
(commons-based peer production 7).
Plus tardivement, en 2011, l'hebdomadaire Time Magazine a popu-
larisé le concept, en faisant de l'économie collaborative l'une des
dix idées pouvant changer le monde (en l'occurrence, cette économie
était rattachée à l'idée du sharing). Cette notion d'économie collabo-
rative est devenue mondiale et les médias l'ont progressivement mise
en avant comme étant une véritable alternative au mode de production
capitaliste. L'espoir placé dans cette nouvelle économie était autant
fondé sur celui d'une amélioration du vivre ensemble, que sur les pers-
pectives de croissance portées par ces nouvelles entreprises.
Cette approche chronologique permet de montrer les origines du
mouvement actuel. Pourtant, d'un point de vue économique, les
modèles et les intentions des acteurs issus de ce mouvement ne sont
pas identiques. Voilà pourquoi les termes employés pour désigner ce
mouvement varient. Parmi les plus utilisés, on retrouve les expressions
<< économie du partage >>, << économie collaborative >> ou encore << écono-
e Hésitations terminologiques
7. Yochai Benkler, << Sharing Ni cely: On Shareable goods and the emergence of sharing as a
modality of economie production >>, The Thle Law Journal, n° 114, 2004.
1 18 1
Introduction
1 19 1
Introduction
9. What's mine is yours: How collaborative consumption is changing the way we live, Harper
Collins, 2010.
10. Rachel Botsman, <• An Economie System based on the sharing underused assets or services,
for free or for a fee, directly from individuals >>.
11. Rachel Botsman, <• Defining the Sharing Economy: What is collaborative consumption- and
what isn't? •>, sur www.fastcoexist.com.
1 21 1
Économie collaborative & Droit
1 22 1
Introduction
L1berté de Intention
f1xation des prix de partage
et absence (valeurs
de contraintes «morales», non
extérieures marchandes)
1 23 1
Économie collaborative & Droit
1 24 1
Introduction
1 25 1
Économie collaborative & Droit
1 26 1
Introduction
15. Joel Stein,« My Night in the Fast Lane •>, Time Magazine, 23 juillet 2013.
1 27 1
Économie collaborative & Droit
1 28 1
Introduction
16. <~ Sizing the revenue opportunity ~>, in <~The Sharing Economy ~>, Consumer Intelligence
Series, PWC, avril2015.
17. Cf <~ Économie collaborative, sharing economy : regards croisés France-USA ~>, 12 mai
2015, disponible en ligne sur le pôle numérique CCI de Bordeaux.
1 29 1
Économie collaborative & Droit
18. « How is it affecting you and your business? •>, in «The Sharing Economy •>, Consumer Intel-
ligence Series, PWC, avril2015.
19. «The Sharing Economy »,ibid.
20. Jeremiah Owyang, << Collaborative Economy Funding », GoogleSheet.
1 30 1
Introduction
21. Aurélie Du th oit, Petit Manuel de l'économie collaborative à l'usage des entreprises, Eyrolles, 2015.
1 31 1
Les grands secteurs de
l'économie collaborative
Introduction
1 33 1
Économie collaborative & Droit
24. œ&ll Street Journal, 2013, information confirmée par une étude Ifop 2014 pour la plate-
forme française AlittleMarket.com.
1 34 1
Introduction
1 35 1
Économie collaborative & Droit
1 36 1
Introduction
27. (< Le gagnant prend tout. •> Voir, par exemple, Eric Kutcher, Olivia Nonebohm et Kara
Sprague, (< Grow Fast or Die Slow •>, McKinsey Global Institute, 2014.
1 37 1
Économie collaborative & Droit
2] La place du droit
dans l'économie collaborative
Le droit occupe une place centrale dans l'émergence et la compré-
hension de l'économie collaborative.
Le droit est l'ensemble des règles qui régissent la conduite des
hommes et qui régulent leurs rapports dans la société. Il existe et puise
sa raison d'être dans les situations où les seuls rapports humains ne
suffisent plus à assurer le mode de fonctionnement optimal recherché,
et où certains comportements doivent être modifiés, sanctionnés, afin
d'assurer un meilleur fonctionnement à la société.
La mise en œuvre du droit peut s'appuyer sur deux grands types de
mécanismes : la réglementation et la régulation.
La réglementation peut se définir comme l'ensemble des règles,
générales ou particulières, issues des autorités étatiques, qui gouver-
nent une matière. Il s'agit ainsi des lois, des règlements, des arrêtés, des
décisions de justice, des circulaires produites par les autorités étatiques
dans un État de droit. Son mode de fonctionnement est vertical.
La régulation repose sur un mécanisme plus horizontal. Il s'agit de
règles non strictement étatiques, fondées sur l'idée que le droit ne doit
pas entraver le fonctionnement de l'économie. Elle fait la part belle au
jeu du marché, en n'instaurant des sanctions que lorsque celui-ci est
manifestement contraire à l'intérêt général. Dans de nombreux sec-
teurs, comme le secteur bancaire, l'État a fait le choix de laisser les
acteurs économiques disposer d'une autonomie supplémentaire. Le
cas du référendum qui s'est tenu en Californie au sujet des activités
d' Airbnb en est une bonne illustration.
Airbnb faisait face à une initiative visant à limiter le nombre de
locations de courte durée à San Francisco, impactant donc directe-
ment l'usage du service Airbnb. Cette proposition de réglementation a
été rejetée par les habitants. Pourtant, Airbnb a publié directement
après ce vote un code de bonne conduite à l'intention de ses hôtes, qui
1 38 1
Introduction
vise à garantir que ceux-ci respectent les règles fiscales locales. C'est
un exemple type de régulation, où un acteur économique émet lui-
même un texte de référence fixant des lignes de conduite qui lui sont
applicables, qui s'imposent à ses utilisateurs et qui exercent un pouvoir
de contrainte direct, par la manifestation de volonté de l'opérateur lui-
même, créant ainsi son propre corps de règles. Il y a donc, dans l'éco-
nomie collaborative, une réelle oscillation entre réglementation et régu-
lation, deux notions créatrices de droit.
Néanmoins, en France la régulation ne s'exerce pas de façon si
fluide, tant notre pays est centralisé et habitué à la réglementation.
Cependant, la toile de fond essentielle de l'économie collaborative
gravite autour des bouleversements qu'elle a occasionnés. Ces derniers
posent constamment la question des règles de droit qui s'appliquent
aux nouvelles relations juridiques et sociales engendrées par l' écono-
mie collaborative. Se pose donc une question légitime et fondamentale
sur l'outille plus adapté pour garantir un fonctionnement juste et effi-
cace de cette économie. Doit-on réglementer ? Si oui, comment ? Si
non, une régulation des acteurs est-elle à prévoir, et par quels moyens?
Pour l'heure, du fait des incertitudes que l'économie collaborative
a contribué à créer, le droit est tenu de proposer des réponses. La pra-
tique des acteurs économiques et les règles juridiques étant en déca-
lage, il faut s'attendre à ce que l'encadrement en cours de construction
soit finalisé dans les prochaines années.
1 39 1
Relation entre les utilisateurs
Demandeur de
l'économie collaborative
Bien ou service
Paie
Offreur de
l'économie collaborative
Introduction
D'une part, le droit permet de fixer des règles gouvernant les nouveaux
rapports qui se sont créés de facto entre les individus, mais également
avec les plateformes. D'autre part, le droit peut fournir des réponses
à des préoccupations plus spécifiques, qu'elles soient sectorielles ou
davantage liées au statut des personnes.
Appréhendée par un juriste, l'économie collaborative consiste
essentiellement en des rapports triangulaires qui rassemblent, dans le
cadre d'opérations économiques, deux utilisateurs et une plateforme,
très souvent une société commerciale. La différence de puissance éco-
nomique entre ces acteurs et la multitude de risques que leur interac-
tion massive peut générer nécessitent une clarification des rôles et des
responsabilités de chacun.
En matière de statut des offreurs, et en écho à l'une des critiques de
l'économie collaborative que nous avons évoquée, la détermination des
règles applicables et leur distinction avec celle qui s'appliquent aux
salariés est une préoccupation majeure.
La fiscalité est aussi un sujet. Si un consommateur loue une voiture
dans une agence, il sera soumis à une taxe sur la valeur ajoutée. De
plus, la société de location devra s'acquitter des charges patronales sur
les salaires de son vendeur, ainsi que d'un impôt sur les bénéfices.
C'est le schéma classique. Mais que se passe-t-il si le même consom-
mateur loue sa voiture grâce à une plateforme de l'économie collabo-
rative auprès d'un particulier qui n'avait pas besoin de son véhicule ce
week-end là? L'État est-il en mesure de soumettre cette location à la
taxe sur la valeur ajoutée? Le particulier fournisseur devra-t-il être sou-
mis au même régime d'imposition qu'une entreprise ? Ces activités de
l'économie collaborative constituent-elles une concurrence déloyale?
Des règles juridiques existent et c'est l'un des objets de ce livre que
de les exposer et les appliquer à l'économie collaborative. Néanmoins,
nous verrons qu'elles manquent souvent de pertinence ou de précision,
car elles ont été conçues avant l'émergence de ces nouveaux modèles
économiques.
1 41 1
Économie collaborative & Droit
1 42 1
Autorisé vs Interdit :
les forces en présence
Lobbying
Loi
if
Débat
public
T
T
Jurisprudence
Économie collaborative & Droit
28. Jean-Charles Simon, <• Les Mirages de l'économie du partage •>, LaTribune.fr, 3 juillet 2015.
1 44 1
Introduction
1 45 1
Économie collaborative & Droit
1 46 1
Introduction
29. Edouard Dumortier, <• L'avènement de la consommation collaborative: quel modèle éco-
nomique en France en 2030 •>, ILokYou.com, avril2013.
Économie collaborative & Droit
1 50 1
Les grands enjeux juridiques
1] Le risque de concurrence
déloyale avec les modèles
traditionnels
La notion de concurrence déloyale est au cœur des enjeux juri-
diques de l'économie collaborative. L'accusation de concurrence
déloyale est d'ailleurs souvent lancée comme un anathème dans le
débat entourant l'émergence des modèles collaboratifs. On remarquera
pourtant qu'à notre connaissance aucun acteur majeur de l'économie
collaborative n'a été condamné pour concurrence déloyale pour le
moment.
L'exemple symbolique est celui d'Airbnb, bien que tous les secteurs
touchés par l'économie collaborative pourraient être concernés. Mais
cela pourrait aussi être le cas en matière de location de voitures avec
des plateformes comme Drivy, qui concurrencent les professionnels
traditionnels du secteur, ou encore en matière bancaire où des solu-
tions de paiement entre particuliers pourraient porter atteinte au cœur
de métier des banques.
L'expression de << concurrence déloyale >> est donc souvent utilisée
sous forme de questionnement médiatique lié à la confrontation entre
les plateformes collaboratives et les activités traditionnelles qu'elles
concurrencent. Elle est également utilisée comme griefs formulés par
les acteurs traditionnels eux-mêmes, qui reprochent souvent à cette
nouvelle forme de concurrence de s'affranchir des règles applicables
aux professionnels du secteur.
Il ne s'agit pas ici de faire une analyse détaillée de la conformité de
ces modèles avec la réglementation, ce qui serait une analyse à
conduire au cas par cas. Il est plus intéressant de présenter les caracté-
ristiques principales des règles régissant la concurrence déloyale en
France, pour apprécier les implications juridiques de l'effet<< disruptif>>
des plateformes collaboratives.
1 51 1
Économie collaborative & Droit
1 52 1
Les grands enjeux juridiques
1 53 1
Économie collaborative & Droit
1 54 1
Les grands enjeux juridiques
1 55 1
Économie collaborative & Droit
C'est donc par cette grille d'analyse juridique que les entreprises de
l'économie collaborative pourraient être attaquées par les acteurs tra-
ditionnels. Cependant, les limites de l'acte de concurrence déloyale
sont variables et dépendent avant tout de la situation.
36. La casuistique est une forme d'argumentation utilisée en théologie morale, en droit, en
médecine et en psychologie. Elle consiste à résoudre les problèmes pratiques par une discussion
entre, d'une part, des principes généraux (règles) ou des cas similaires (jurisprudence) et, de l'au-
tre, la considération des particularités du cas étudié (cas réel). Autrement dit, il s'agit d'appliquer
des raisonnements au cas par cas.
1 56 1
Les grands enjeux juridiques
1 57 1
Économie collaborative & Droit
1 58 1
Les grands enjeux juridiques
2] La responsabilité potentielle
de la plateforme
Pour les raisons déjà décrites, le nombre de plateformes de l'écono-
mie collaborative a explosé et elles se sont imposées dans le paysage
économique.
1 59 1
Économie collaborative & Droit
1 60 1
Les grands enjeux juridiques
e La qualification d'éditeur
L'éditeur est l'entité qui a un rôle sur le contenu du site internet et
qui maîtrise ce qui est publié sur le site. En d'autres termes, l'éditeur a
une implication directe dans le contenu, puisqu'il fournit l'information
et détermine la ligne éditoriale du site.
En raison de son intervention sur le contenu, la responsabilité de
l'éditeur peut être engagée dans les conditions du droit commun, c'est-
à-dire sur le fondement de la responsabilité contractuelle avec ses
cocontractants et de la responsabilité délictuelle vis-à-vis des tiers.
L'éditeur peut également engager sa responsabilité pénale en cas de
violation des dispositions pénales prévues par la loi.
La responsabilité de l'éditeur est dite de <( plein droit >>, puisqu'il est
directement responsable des publications et du contenu mis en ligne.
e La responsabilité de l'hébergeur
À l'inverse, l'hébergeur se contente de stocker des informations sur
un site internet pour le compte d'autrui, qui gèrera lui-même son
contenu. Ce comportement est passif et technique, puisqu'il se borne
à héberger le contenu de tiers. La jurisprudence a ainsi eu l'occasion
de retenir que Dailymotion était un hébergeur car ce site n'avait
qu'une intervention technique (ré-encodage, formatage et mise à dis-
position d'outils de classification), excluant toute sélection et interven-
tion sur le contenu41 .
En raison de son rôle passif, la responsabilité d'un hébergeur sera
engagée dans des cas plus limités, plus particulièrement s'il est
démontré que l'hébergeur avait effectivement connaissance du carac-
tère illicite du contenu, ou de circonstances laissant apparaître ce
caractère et que, dès le moment où il en a eu connaissance, il n'a pas
agi promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à ces
informations impossible. En d'autres termes, l'hébergeur n'encourt
1 61 1
Économie collaborative & Droit
42. Voir, par exemple, tribunal de grande instance de Paris, 13 juillet 2007, Christian C., Nord-
Ouest production cl Dailymotion, UGC Image.
43. Tribunal de grande instance de Paris, 3• ch., 1.. sect., 15 avril 2008, Jean-Yves Lafesse cl
Dailymotion.
44. Voir, par exemple, Cass. Corn., 3 mai 2012, pourvoi n° 11-10.505: <<La cour d'appel a pu
déduire que les sociétés eBay n'avaient pas exercé une simple activité d'hébergement mais qu'elles
avaient, indépendamment de toute option choisie par les vendeurs, joué un rôle actif de nature à
leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu'elles stockaient et à les priver du régime
exonératoire de responsabilité prévu par l'article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 et l'article 14, § 1
de la directive 2000/31. >>
1 62 1
Les grands enjeux juridiques
1 63 1
Économie collaborative & Droit
1 64 1
Les grands enjeux juridiques
1 65 1
Économie collaborative & Droit
1 66 1
Les grands enjeux juridiques
e Le statut de société
L'offreur de services sur une plateforme collaborative ou de services
à la demande peut, enfin, exercer son activité complémentaire sous la
forme d'une société commerciale. Pour cela, il lui faut constituer une
société en rédigeant des statuts, en effectuant des apports et en s'im-
matriculant auprès du greffe du tribunal de commerce. La société
conclura ensuite des contrats de prestations de services avec les parti-
culiers - mis en relation par le biais de la plateforme - voulant bénéfi-
cier de ses services.
Cette option est néanmoins assez rarement utilisée dans l'économie
collaborative, puisqu'elle implique à la fois des coûts, mais aussi des
formalités administratives récurrentes importantes. D'autre part, les
plafonds de chiffre d'affaires sous lesquels il est possible de s'enregis-
trer en tant qu'auto-entrepreneur étant rarement dépassés, ce statut
sera probablement privilégié. Dans l'hypothèse d'un dépassement, le
fournisseur du service sera tenu de trouver d'autres formes d'exercice,
par exemple une société, pour continuer à faire croître son activité.
e Le statut de salarié
Il existe en France deux types principaux de contrat de travail : le
contrat à durée indéterminée (CDI) et le contrat à durée déterminée
(CDD). En principe, un contrat de travail est à durée indéterminée,
sauf dans certaines hypothèses, strictement encadrées par la loi, pour
l'accomplissement d'une tâche temporaire et limitée, ou alors dans
certains secteurs déterminés (par exemple, le sport, l'hôtellerie ou la
1 67 1
Économie collaborative & Droit
1 68 1
Les grands enjeux juridiques
49. Voir, par exemple, le tribunal de grande instance de Mulhouse, 12 janvier 2006, procureur
de la République C. Wickert.
50. Articles L. 110-1 et L. 121-1 du Code de commerce.
1 69 1
Économie collaborative & Droit
51. À ce sujet, il faut souligner que toutes les activités n'ont pas de règles équivalentes en la
matière. Ainsi, si les recettes locatives tirées d' Airbnb doivent être déclarées, les sommes perçues
dans le cadre du covoiturage (BlaBlaCar, par exemple) n'ont pas à l'être, puisqu'il ne s'agit pas
d'une activité lucrative. Les propositions de la commission des Finances du Sénat, en octobre 2015,
pourraient conduire à une simplification et une clarification des régimes fiscaux applicables pour
les activités de l'économie collaborative.
52. Article 293 B du Code général des impôts.
53. À titre d'exemple, nous comprenons qu'à partir de 2 000 euros mensuels sur trois mois
consécutifs les membres d'eBay sont invités à changer de statut.
1 70 1
Les grands enjeux juridiques
1 71 1
Économie collaborative & Droit
1 72 1
Les grands enjeux juridiques
1 73 1
Économie collaborative & Droit
1 74 1
Les grands enjeux juridiques
58. Tribunal d'instance de Dieppe, 7 février 2011, Igor D. cl PriceMinister, Comm. corn. életr.
2011, comm. 37, note A. Debet.
59. Article préliminaire du Code de la consommation.
1 75 1
Économie collaborative & Droit
1 76 1
Les grands enjeux juridiques
1 77 1
Économie collaborative & Droit
1 78 1
Les grands enjeux juridiques
1 79 1
Économie collaborative & Droit
1 80 1
Les flux financiers
de l'économie collaborative
Plateforme Prestataire
de service de
de l'économie paiement agréé
collaborative
Met en
relation
-·· .
.. . . . . . . . . . . . . Demandeur
• • ·:.... Commission .·· ••
de l'économie
~- t ·: collaborative
• Pa ie •
............
Fournit un bien
ou un serv1ce
Économie collaborative & Droit
70. Par exemple, sur Kickstarter tant que la somme totale n'est pas réunie, elle est bloquée.
Économie collaborative & Droit
1] Se déplacer
En plus d'être un secteur particulièrement sensible à la révolution
numérique, le secteur des transports constitue aussi une référence utile
pour comprendre les frictions juridiques que peuvent provoquer cer-
tains modèles de l'économie collaborative.
Il n'est en effet plus nécessaire de présenter le service UberPop 71 ,
tant il cristallise à lui seul les tensions suscitées par ces nouveaux
modèles économiques et le risque juridique qui pèse sur ceux-ci.
L'importance de ce cas particulier ne doit pas occulter la diversité des
pratiques collaboratives dans le secteur de la mobilité et la multipli-
cité des acteurs et des initiatives.
Dans l'univers de l'économie collaborative, deux types de modèles
ont émergé ces dernières années. L'un propose un service de transport
grâce la coordination de conducteurs indépendants dont le trajet est
déterminé par la demande émanant de l'utilisateur. On pourra citer le
service UberPop, mais également Heetch72 • L'autre relève de l'optimi-
71. Ce service, offert par la société américaine Uber, permettait à des particuliers de transpor-
ter des clients, moyennant rémunération, pour des trajets en voiture.
72. Le service Djump a cessé son activité en raison de problèmes légaux.
1 84 1
Les enjeux sectoriels
sation d'un réseau de covoitureurs pour des trajets de plus longue dis-
tance, généralement. BlaBla Car est le premier représentant de ce type
de service.
L'écosystème de start-ups et d'entreprises dans ce domaine touche
tous les aspects de la mobilité, laquelle concerne tous les modes de
transport (aérien, ferré, routier), quel que soit le type de transport pro-
posé (individuel ou collectif). L'économie collaborative a une présence
très forte dans le domaine de la mobilité et fait écho aux enjeux
contemporains liés au concept de << ville intelligente >> et de réduction
de<< l'impact carbone>> des transports.
Aujourd'hui, on peut distinguer deux grands types de pratiques
dans le secteur de la mobilité collaborative: d'une part, les services qui
consistent à proposer un usage collectif d'un mode de transport et,
d'autre part, les services qui permettent une location de moyens de
transport entre particuliers.
1 85 1
Économie collaborative & Droit
1 86 1
Les enjeux sectoriels
de taille, puisqu'elle repose sur le partage des frais, notion dont les
contours juridiques sont difficiles à cerner.
74. Loi n°2014-1104 du !<'octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec
chauffeur.
75. Article L. 3120-1 du Code des transports.
76. Articles L. 3124-12 et L. 3124-13 du Code des transports.
1 87 1
Économie collaborative & Droit
1 88 1
rT"'\.
{ P 0 ; Covoiturage vs Transport rémunéré
Covoiturage
,.,.. - - ..........
1 Frais de dépréciation
du véhicule
\
+ Frais d'entretien
1 + Frais de réparation 1
\
+ Consommation de carburant
Transaction /
<<partage de frais>> T
•
Insécurité
!
Préjudiciable Frein au
juridique aux plateformes développement
Transport rémunéré
/
·fl 1
1 Tout transport
rémunéré
autrement que
par du partage
\
1
G:::) \ de frais 1
~
'IBIP
Transport /
à titre onéreux
'
1 /
Sanctions pénales
envisagées
Économie collaborative & Droit
1 90 1
Les enjeux sectoriels
79. À cet égard, nous faisons référence aux travaux préparatoires de la loi Thévenoud.
1 91 1
Économie collaborative & Droit
80. À cet égard, consulter la lettre publique de l'Union syndicale du personnel navigant
technique (USPNT) au ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie,
demandant l'interdiction pure et simple du coavionnage.
81. Cf. en droit français : arrêté du 31 juillet 1981 relatif aux brevets, licences et qualifica-
tions des navigants non professionnels de l'aéronautique civile (personnels de conduite des
aéronefs).
Cf. en droit européen: règlement (UE) no 379/2014 du 7 avril 2014 modifiant le règle-
ment (UE) no 965/2012 de la Commission déterminant les exigences techniques et les procé-
dures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE)
n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil.
1 92 1
Les enjeux sectoriels
direct ne dépasse pas six >>. Ainsi, les textes permettant des vols à frais
partagés posent les conditions suivantes :
~ le pilote doit être un particulier ;
~il doit participer au coût direct d'exploitation de l'appareil qu'il
pilote;
~ le nombre de personnes supportant le coût direct d'exploitation
ne doit pas dépasser six (il peut prendre au maximum cinq passagers).
C'est à ces conditions que le vol sera considéré comme privé, autre-
ment dit effectué par un particulier en partage de frais, et non comme
public, c'est-à-dire soumis à la réglementation stricte du transport
aérien.
La notion de<< coût direct>> n'est pas définie par la loi (à l'instar du
<<partage des frais >>pour le covoiturage), mais il s'agit d'une notion
bien connue dans le secteur aéronautique, qui comprend essentielle-
ment le prix du carburant, les frais d'assurance et les frais d'entretien.
On retrouve donc la même préoccupation que pour les voitures, c'est-
à-dire déterminer la limite à partir de laquelle on n'est plus dans du
<<partage des frais>>. Néanmoins, cette limite gagnerait à être définie de
manière plus précise, notamment afin d'éviter les débats et contentieux
naissants dans le secteur.
1 93 1
~-
Coavionnage :quel est le problème?
1. Position du problème
Conflit d'interprétation
,- -,
1 Appel à la 1 Groupe de travail
1 prudence 1 de la DGAC
"-T--~ l
1nterprétation plus
restrictive des conditions Direction générale
+
Fin des travaux
du règlement de l'Aviation civile décembre 2015
par une brochure (DGAC)
de la DGAC
82. << Les risques de la pratique du coavionnage >>, communiqué de presse de la DGAC, 15 sep-
tembre 2015.
1 95 1
Économie collaborative & Droit
1 96 1
Les enjeux sectoriels
et tribunal competent ;
~les enjeux d'assurance.
1 97 1
Économie collaborative & Droit
En cas de sinistre ou de litige, un débat pourrait avoir lieu sur l'étendue des
garanties du contrat d'assurance. L'assureur pourrait, par exemple, soutenir
que l'assuré a fait de fausses déclarations, tandis que ce dernier pourrait ques-
tionner la validité des exclusions invoquées par l'assureur.
Face à l'importance de cette question, certaines plateformes de l'économie
collaborative, opérant sur ces marchés du transport ou de la livraison, ont
elles-mêmes souscrit une assurance spécifique pour couvrir leurs utilisateurs.
C'est le cas notamment de Drivy et BlaBlaCar qui ont souscrit à des assu-
rances spéciales qui protègent leurs utilisateurs.
2] Transporter et stocker
des objets
Le transport et le stockage d'objets constituent désormais une part
importante de l'économie collaborative. Dans ce secteur, il faut distin-
guer, d'une part, les plateformes mettant en relation des utilisateurs
pour la livraison d'objets, comme le proposent Stuart, Cocolis ou Net-
moab, et, d'autre part, celles qui permettent à un particulier de stocker
des objets appartenant à un autre dans un espace dont il a la jouissance
ou la propriété, comme le font Costockage, Jestocke ou Ouistock.
Les deux modes d'interactions collaboratives visent l'optimisation
de la gestion des biens et objets appartenant à des particuliers ; les
enjeux juridiques méritent d'être distingués.
1 98 1
Les enjeux sectoriels
1 99 1
Économie collaborative & Droit
1 100 1
Les enjeux sectoriels
1 101 1
Économie collaborative & Droit
1 102 1
Les enjeux sectoriels
1 103 1
Économie collaborative & Droit
3] Se loger
La location de logements entre utilisateurs effectuée par le biais de
plateformes numériques est, elle aussi, l'une des manifestations les plus
visibles et les plus commentées de l'économie collaborative. Dans ce
secteur, Airbnb fait incontestablement figure de champion mondial,
mais sa place ne doit pas faire oublier d'autres acteurs. On peut citer
par exemple Entreparticuliers, Abrite! ou encore Onefinestay pour des
prestations plus haut de gamme.
Ces modèles économiques sont porteurs de nombreuses probléma-
tiques juridiques essentielles qui ont trait, principalement, aux règles
de la location meublée, aux règles fiscales liées aux activités de location
1 104 1
Les enjeux sectoriels
90. Principalement les dispositions de la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au
logement et un urbanisme rénové (dite << loi ALUR >>). On assiste à un mouvement de renforcement
des obligations des plateformes de mise en location de logement comme Airbnb. Cependant,
l'échec du référendum concernant Airbnb à San Francisco en novembre 2015 témoigne de la plé-
biscitation des utilisateurs qui s'opposent à une restriction trop importante de ces services.
91. Articles L. 631-7 et L. 631-0 du Code de la construction et de l'habitation.
1 105 1
Économie collaborative & Droit
1 106 1
Les enjeux sectoriels
société et son dirigeant à une amende de 10 000 euros pour avoir tiré
des bénéfices d'une location dont le changement d'usage n'avait pas
été déclaré à la mairie 97 • Ces décisions ne sont pas isolées et les
condamnations sont nombreuses, ce qui témoigne d'une véritable
mobilisation contre les locations non autorisées.
1 107 1
Économie collaborative & Droit
1 108 1
Les enjeux sectoriels
1 109 1
Économie collaborative & Droit
1 110 1
Les enjeux sectoriels
4] Se nourrir
L'économie collaborative a également trouvé sa place dans le
domaine de l'alimentation. En pratique, il s'agit principalement de la
réalisation de dîners ou de plats par des particuliers contre rémunéra-
tion, par le biais de plateformes de mise en relation. Les plats peuvent
être dégustés sur place ou alors à emporter. En France, on peut citer à
cet égard des plateformes comme VizEat (qui a été rejoint par Cooke-
ning), VoulezVousDiner ou Repasrtage.
109. Cour d'appel de Paris, 9 juin 2005, no RG 04/19413, Douville c.1 SA Creatis.
110. Cour d'appel de Dijon, 19 février 2009, no 08/00592; Cour d'appel de Metz, 18 octobre
2007, n° 06/01209.
1 111 1
Économie collaborative & Droit
1 112 1
Les enjeux sectoriels
1 113 1
Économie collaborative & Droit
5] S'habiller
Le secteur de la mode est lui aussi touché par l'émergence de l'éco-
nomie collaborative. De nombreux usages, comme le don, la location
ou l'échange de vêtements 112 sur internet, sont proposés par des entre-
prises. Si des sites de petites annonces tels que LeBonCoin permettent
ce type d'échanges, certaines entreprises ont fait le choix de se spécia-
liser sur le secteur afin de fluidifier les échanges. Pretachanger, Ves-
tiaire Collective ou Videdressing en sont de bons exemples.
Si aucune loi spéciale n'existe en la matière, ces nouveaux modèles
économiques posent des questions de propriété intellectuelle et de
droit commercial, qui peuvent s'avérer déterminantes.
112. Dans certains modèles, il est possible de vendre ses vêtements contre de la monnaie élec-
tronique sur la plateforme pour ensuite réutiliser cet argent sur la plateforme.
113. Il faut préciser ici que la responsabilité de l'utilisateur, premier auteur de la contrefaçon,
sera également recherchée.
1 114 1
Les enjeux sectoriels
e Le risque de contrefaçon
a) Quels principes juridiques applicables?
La contrefaçon est aujourd'hui un enjeu primordial, en particulier
sur internet, où elle se développe à grande échelle. Juridiquement, la
contrefaçon fait référence à tout acte portant atteinte à un titre de pro-
priété intellectuelle constitué par une marque, un brevet ou plus géné-
ralement un droit d'auteur. En d'autres termes, le titulaire d'un droit
de propriété intellectuelle peut se protéger grâce à l'action en contre-
façon, puisqu'elle lui permet de faire sanctionner et interdire les com-
portements portant atteinte à ses droits.
D'importants moyens ont été déployés pour lutter contre ce phéno-
mène, comme en témoigne la mise en place par la France, en 2009,
d'un service appelé << cyber-douane >>, exclusivement dédié à la lutte
contre la contrefaçon sur internet, ou encore l'adoption, en 2012, d'un
accord dénommé << Anti-Counterfeiting Trade Agreement >>, lequel est
la première mesure internationale visant spécifiquement la contre-
façon sur internet.
1 115 1
Économie collaborative & Droit
114. Tribunal de grande instance de Paris, ch. 3, sect. 4, 28 novembre 2013, Laurence C. cl
Telfrance Série et Facebook France, PIBD 2014, no 1000, III, p. 159.
115. Article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle.
1 116 1
Les enjeux sectoriels
1 117 1
Économie collaborative & Droit
116. Elle a été signée par 5 fédérations professionnelles, 29 entreprises titulaires de marques
et 2 plateformes de commerce électronique. On peut citer parmi eux: PriceMinister, l'Unifab,
2xMoinsCher, Lacoste, LVMH. Depuis 2009, la charte a fait l'objet de deux révisions successives
pour permettre d'englober un champ d'application plus large et attirer plus de signataires.
117. À titre d'exemple, chez Videdressing, en plus de moyens automatiques de détection, une
équipe de juristes spécialisés dans la détection de contrefaçon travaille quotidiennement sur cet
enjeu.
1 118 1
Les enjeux sectoriels
1 119 1
Économie collaborative & Droit
1 120 1
Les enjeux sectoriels
Ainsi, les ventes opérées par des particuliers sur les plateformes de
l'économie collaborative ne rentrent pas dans le champ de cette inter-
diction. En revanche, il existe des situations plus complexes où le com-
portement et l'activité du particulier lui conféreraient la qualité de
commerçant. Autrement dit, si la typologie de ses ventes et son com-
portement habituel lui font acquérir le statut de commerçant, alors
l'application de la sanction de l'interdiction de la revente hors réseau
se pose. En l'absence de jurisprudence sur ce point, l'incertitude juri-
dique existe.
En pratique, les particuliers qui vendent des produits soumis à des
accords de distribution sélective (le plus souvent des produits cosmé-
tiques, de prêt-à-porter ou de maroquinerie) ne devraient pas en prin-
cipe être inquiétés par cette interdiction. Une incertitude demeure
lorsque, en raison de leur activité, ils peuvent être assimilés à des com-
merçants.
6] Se faire aider
(les services à la demande)
De très nombreuses plateformes ont investi le marché du service à
la demande et gagnent en importance. À l'exception des sites de petites
annonces (LeBonCoin, Jobapic), la plupart des plateformes référen-
cent des professionnels (SeFaireAider, MesDépanneurs, Helpling ou
Bricool, par exemple). Néanmoins, on trouve aussi des marketplaces
généralistes de services, telles que Stootie, qui permettent également à
des particuliers de proposer leurs services. À travers ces plateformes,
des particuliers et des professionnels répondent aux demandes de ser-
vice formulées par les utilisateurs. Ce fonctionnement pose la question
du statut juridique de ces offreurs qui sont généralement des travail-
leurs indépendants (plus particulièrement des auto-entrepreneurs).
1 121 1
Économie collaborative & Droit
1 122 1
Les enjeux sectoriels
e ~action en requalification
L'action en requalification est un moyen de défense pour lestra-
vailleurs indépendants participant à l'économie collaborative - et plus
spécifiquement les services à la demande - à qui on imposerait des
sujétions exorbitantes.
Par définition, celui qui demande la reconnaissance d'un contrat de
travail à son profit n'est pas lié par un tel contrat, mais par un contrat
commercial ou de prestation de services. Il faut d'emblée préciser que
l'existence d'un statut de travailleur indépendant, l'enregistrement au
registre du commerce et des sociétés ou le statut d'auto-entrepreneur
sont tous indifférents à la reconnaissance du statut de salarié (a). Il
faut, pour obtenir gain de cause devant le conseil de prud'hommes,
démontrer l'existence d'un lien de subordination (b).
1 123 1
Économie collaborative & Droit
1 124 1
Les enjeux sectoriels
1 125 1
Économie collaborative & Droit
123. Laurence Neuer, ~< Les chauffeurs Uber sont-ils des salariés déguisés ? •>, Le Point,
2 novembre 2015.
1 126 1
Les enjeux sectoriels
1 127 1
Économie collaborative & Droit
<<le stratagème mis en place par la société et imposé par elle à l'ensem-
ble de ses partenaires [visait à] éviter les contraintes et sujétions de la
législation en matière de contrat de travail et de créer une véritable
clandestinité 124 >>.
Les articles L. 8224-1 et suivants du Code du travail sanctionnent
le travail dissimulé de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de
45 000 euros. Des peines plus lourdes sont prévues lorsque le travail-
leur dissimulé est un enfant, ou encore lorsque le travail dissimulé est
réalisé en bande organisée. De plus, en cas de rupture de la relation de
travail, le travailleur dissimulé, auquel un employeur a eu recours, a
droit à une indemnité forfaitaire représentant six mois de son salaire 125 •
Il s'agit donc de sanctions lourdes, qui peuvent être prononcées à
l'encontre d'une société éludant volontairement l'application du droit
du travail. Autrement dit, une société qui, en connaissance de cause,
a recours à des travailleurs indépendants alors qu'elle devrait avoir des
salariés, ou alors ne s'acquitte pas des charges sociales prévues, court
le risque d'être condamnée sur ce fondement.
7] Se financer
Le domaine du crowdfunding (financement participatif) et de sa
réglementation par des textes spécifiques en France est un bon contre-
exemple au propos général de cet ouvrage, qui s'efforce d'apporter des
éléments de réponse à des enjeux juridiques flous. La croissance de ce
secteur est éloquente, puisque les plateformes agrégeant les contribu-
tions de la << foule >> ont récolté, au cours de l'année 2014, près de
150 millions d'euros, soit nettement plus du double qu'en 2013 126 •
1 128 1
Les enjeux sectoriels
1 129 1
Économie collaborative & Droit
Le crowdfunding :
une pratique antérieure à la naissance de son cadre juridique
L'entrée en vigueur d'un cadre juridique a, bien entendu, grandement facilité
le développement du financement participatif en France. Néanmoins, certains
acteurs offraient déjà des solutions que l'on qualifierait aisément de (( crowd-
funding )>, avant la naissance de ce nouveau cadre juridique. En matière de
financement d'entreprises par exemple, certaines plateformes proposaient (et
proposent toujours) aux particuliers de financer des sociétés sous forme de
bons de caisse, afin de ne pas être contraints par l'interdiction (avant octo-
bre 20 14) aux particuliers de faire des prêts aux entreprises.
Les bons de caisse constituent un mode de financement ancien, prévu par le
Code monétaire et financier 128 . Ils consistent, pour l'entreprise qui est finan-
cée, à émettre un bon de caisse à celui qui finance, par lequel la société s'en-
gage à rembourser, à échéance déterminée, une somme correspondant au
montant versé par celui qui finance, augmenté d'un intérêt. En substance,
c'est un titre de créance qui s'apparente à une simple reconnaissance de dette
émise par la société financée.
Aujourd'hui, le bon de caisse est encore utilisé par nombre de plateformes,
notamment pour éviter l'entrée en jeu des plafonds de prêts ou pour permet-
tre plus aisément aux sociétés de participer à un crowdfunding.
1 130 1
Les enjeux sectoriels
1 131 1
Économie collaborative & Droit
1 132 1
Les enjeux sectoriels
133. Pour plus d'informations, on peut se référer au règlement d'usage de la marque collec-
tive - plateforme de financement participatif régulée par les autorités françaises - préparé par
l'Agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE).
134. Communiqué de presse de l'AMF du 23 mars 2015.
135. Communiqué de presse de l'AMF du 23 mars 2015.
136. On peut citer à titre d'exemple: Anaxago, Écobole, WiSEED ou SmartAngels.
1 133 1
Économie collaborative & Droit
1 134 1
Les enjeux sectoriels
1 135 1
Économie collaborative & Droit
1 136 1
Les enjeux sectoriels
1 137 1
Économie collaborative & Droit
1 138 1
Crowdfunding en droit français
!
liiigg-g-~g-~-gg~~l
:~~gigi \gg~i:~gg~:
------------
Re lation
juridique 1
~
~
.-. ~
Plateforme
«intermédiaire en
financement participatif»
Relation
juridique 3
Obligations Crowdfunding sous
légales forme de titres financiers
Relation
juridique 2
------ -----...
{ Projet 1
-------
Projet 2 _____
Projet3 ProjetX
_.. )
Économie collaborative & Droit
153. Union européenne, Comité des régions, (( Projet d'avis- La dimension locale et régionale
de l'économie du partage>>, liS• session plénière, 3 et 4 décembre 2015, rapporteure Benedetta
Brighenti.
1 142 1
Le futur des enjeux juridiques
1 143 1
Économie collaborative & Droit
1 144 1
Le futur des enjeux juridiques
1 145 1
Économie collaborative & Droit
1 146 1
Le futur des enjeux juridiques
1 147 1
Économie collaborative & Droit
1 148 1
Le futur des enjeux juridiques
plus clair. À notre sens, il est plus aisé et plus efficace d'adapter ces
règles aux plateformes collaboratives et préciser certaines << lignes à ne
pas franchir >> dans la mise en relation et dans l'information des utilisa-
teurs, plutôt que de vouloir trouver une définition claire et précise des
<< plateformes >>, une notion en perpétuel changement. La diversité et la
1 149 1
Économie collaborative & Droit
manquements, est sans doute la mieux placée pour établir des lignes
directrices ou des recommandations qui permettraient aux plateformes
de connaître les pratiques à éviter ou celles qui sont acceptables, à la
manière des publications de la commission des clauses abusives, qui
permettent au public de prendre connaissance des pratiques interdites
par le Code de la consommation en matière de relations contractuelles.
Les efforts de réflexion menés par l'intermédiaire du Conseil d'ana-
lyse économique (CAE) méritent également d'être mentionnés 161 • La
note du CAE sur l'économie numérique formule, en effet, une recom-
mandation intéressant très directement les plateformes numériques.
Selon ses auteurs, de trop nombreux verrous réglementaires pèsent sur
les start-ups du numérique en France. Pour y répondre, en plus d'une
réforme sectorielle qui faciliterait la croissance de ces plateformes, les
auteurs préconisent la mise en place d'un<< droit à l'expérimentation>>
qui serait une sorte de régime dérogatoire autorisant les pratiques en
rupture avec le cadre réglementaire, dans lequel évoluent les plate-
formes, afin d'en étudier l'impact. La contrepartie à la charge des pla-
teformes serait une garantie de sécurité et un engagement à publier les
données collectées.
Cette mobilisation des plus hautes institutions de l'État témoigne
du fait que le sujet n'est plus seulement cantonné à sa dimension tech-
nique et réservé à des techniciens, mais bel et bien un enjeu majeur de
l'économie.
L'objectif qui consiste à réglementer l'économie collaborative,
notamment en passant par une clarification du cadre juridique entou-
rant les plateformes, semble faire consensus, mais cela ne doit pas se
faire au détriment de l'innovation.
161. Nicolas Colin, Augustin Landier, Pierre Mohnen, Anne Perrot, << Économie numérique •>,
note du Conseil d'analyse économique (CAE), n° 26, octobre 2015.
1 150 1
Le futur des enjeux juridiques
1 151 1
Économie collaborative & Droit
1 152 1
Le futur des enjeux juridiques
1 153 1
Économie collaborative & Droit
1 154 1
Le futur des enjeux juridiques
1 155 1
Économie collaborative & Droit
cours pour faire des propositions constructives, par exemple les travaux
conduits par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). La
note intitulée<< Économie numérique 164 >),publiée en octobre 2015 et
préparée sous l'égide du Conseil d'analyse économique (CEA), pré-
conise de faciliter le recours au statut d'auto-entrepreneur et de mieux
le sécuriser.
Cette question est au cœur des réflexions actuelles tant elle est
importante pour l'avenir de la société et du vivre ensemble en France.
164. Nicolas Colin, Augustin Landier, Pierre Mohnen, Anne Perrot, op. cit.
1 156 1
Le futur des enjeux juridiques
1 157 1
Économie collaborative & Droit
1 158 1
Le futur des enjeux juridiques
167. La mise en place, à compter du 1.,. janvier 2017, du compte personnel d'activité va dans
ce sens et devra être intégré dans la réflexion globale.
Achevé d'imprimer en janvier 2016.
Imprimé en France sur les presses de l'imprimerie France Quercy,
sur Munken PrintWhite 18, 90 glm2, d'Arctic Paper.
Avocat de formation, Loïc Jourdain est devenu entrepreneur. Il est aujourd'hui responsable
du business development chez Stootie, une marketplace française de services collabora tifs.
Michel Leclerc est avocat aux barreaux de Paris et de New York. Il assiste ses clients dans
leurs litiges commerciaux et financiers. Il conseille également plusieurs entreprises de l'économie
collaborative dans leur développement, en particulier sur les q uestions de responsabilité des
plateformes internet.
Arthur Millerand est avocat et accompagne ses clients dans des litiges de concurrence
déloyale, de droit des contrats et de droit des sociétés. Il conseille également des entreprises
et acteurs de l'économie collaborative dans leurs problématiques juridiques (analyse de risques
et précontentieux), en particulier celles relatives au droit du travail.
Ils ont créé ensemble le blog Droit du Partage (www.droitdupartage.com - @droitdupartage).
16 €
Couverture :Tristan Bézard
ISBN 978-2-36405-134-8
fYp 1 1 Il 1
fypeditions.com 9 782364 051348