Biomecanique
Biomecanique
Biomecanique
L’approche biomécanique vise à ce que la charge supportée par les tissus d’un individu
n’excède pas la capacité de son système musculosquelettique. Les critères les plus
fréquents s’appuient sur les forces de compression et de cisaillement que les vertèbres
lombaires doivent supporter, ainsi que sur la valeur des moments aux articulations.
La capacité de résister aux charges externes et internes dépend notamment de l’âge, du
poids et du sexe d’un individu, du niveau vertébral (lombaire, thoracique ou cervical) où
s’exercent les forces, du type de chargement (compression ou cisaillement) et de la
posture. L’âge et le sexe sont déterminants, la capacité des vertèbres diminuant
généralement avec l’âge et les femmes ayant habituellement une capacité inférieure
aux hommes.
En raison du grand nombre de facteurs qui entrent en jeu dans la résistance des
vertèbres, il est très difficile de fixer une limite de chargement ou un poids limite à un
contenant à manipuler. Actuellement, le seuil le mieux connu est celui de la force en
compression du NIOSH, établi à 3,4 kilonewton (kN) (3 400 N ou 340 kgf 1). Il protégerait
la quasi-totalité des hommes (99 %) et les trois quarts des femmes (75 %). Ce seuil a été
fréquemment contesté (Jagger and Luttman, 1999) parce qu’il ne tient pas compte de
l’âge, comme le souligne le tableau ci-dessous.
Effet de l’âge et du sexe sur la résistance des vertèbres à supporter
des charges en compression
20 4,4 6,0
30 3,8 5,0
40 3,2 4,0
50 2,6 3,0
60 2,0 2,0
Note : Valeur limite recommandée par NIOSH :3,4 kN (340 kgf) pour tous les âges et les
deux sexes.
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Bien que l’unité de mesure de force est généralement le newton (N), on peut aussi rencontrer l’unité de
kilogramme-force (1kg = 1kgf).
Toutefois, le seuil du NIOSH a l’avantage de protéger un peu plus que moins. Quant au
seuil acceptable en cisaillement, il y a consensus pour le situer autour de 1,0 kN (1 000 N
ou 100 kgf), bien que peu d’études documentent cette question.
Critères acceptables : 3 400 N en compression
1 000 N en cisaillement
Moment de force
Un moment de force se définit comme une force qui fait tourner un système autour
d’un point pivot. Le produit de la force de rotation (F) par la distance (D) entre la force
et le pivot s’appelle un moment de force et l’unité de référence est le newton-mètre. Il
est important de noter que la force et la distance doivent être perpendiculaires (à un
angle de 90º) l’un de l’autre.
Le newton (N) se définit comme suit : F = ma (Force = masse x accélération)
Exemple : 1 N = 1 kg x 1 m/s2
Une force de 1 N appliquée sur une masse de 1 kg produit une accélération de 1 m/s2.
Le poids d’un objet sur Terre subit une accélération de 9,81 m/s2 en raison de la gravité.
Par conséquent, une masse de 1 kg subit une force gravitationnelle de près de 10 N, soit
1 kg x 9,81 m/s2.
La force maximale des manutentionnaires peut varier grandement, mais celle des sujets
qui ont été évalués dans notre laboratoire (pour la recherche comparant les façons de
faire des experts et des novices) s’élevait en moyenne à 335 Nm. Une charge de 42 Nm
ne représente donc que 13 % de leur force maximale dans une position debout statique.
Plus la charge à supporter et plus la distance sont élevées, plus le moment de force et le
chargement lombaire sont grands. Ce n’est pas un hasard si l’un des principes de
manutention les plus connus consiste à réduire la distance entre la charge et la colonne
vertébrale (L5/S1).
La situation se complexifie lorsqu’un manutentionnaire se penche vers l’avant. Le poids
du tronc étant une composante importante du chargement au dos, il faut toujours en
tenir compte. Dans l’exemple ci-dessous, le poids du tronc ajoute 70 Nm à la charge de
30 Nm pour un total de 100 Nm.
Dans cet exemple, la ligne bleue indique la valeur du moment de force à L5/S1. Au
début, on constate que le moment de force est élevé près du sol en raison de la distance
de la caisse et de l’inclinaison du tronc. Par la suite, le moment de force diminue au fur
et à mesure que la caisse s’élève et se rapproche du tronc et que ce dernier se redresse.
Lorsque le manutentionnaire éloigne la caisse de nouveau (à l’horizontale), on peut voir
que le moment de force s’accroît.
Voir la vidéo
En fait, tous les segments situés au-dessus de L5/S1 sont importants, mais en raison de
leur poids moindre, ils sont souvent négligés dans l’estimation du moment de force à
L5/S1. Ce type de modèle est à la base de l’estimation des forces de compression et de
cisaillement à L5/S1.
Modèles à chaînons
Estimation du chargement net articulaire
Dans cette figure, tous les segments du haut du corps sont inclus dans le calcul
du moment à L5/S1. Il suffit pour l’obtenir d’effectuer la somme des moments générés
par chacun des segments par rapport à L5/S1.
Force de compression
La littérature scientifique fait souvent état de l’importance des moments de force dans
l’incidence des lésions au dos, mais tout autant des forces de compression et de
cisaillement appliquées sur les vertèbres lombaires et plus particulièrement sur la 5ième
vertèbre lombaire.
Prenez le travailleur ci-dessus qui déplace une pierre avec un levier. Les moments de
force de part et d’autre du pivot sont égaux, mais pas les forces. Ainsi, plus la distance
entre la prise des mains et le pivot est élevée, moins le travailleur aura à appliquer de
force pour déplacer la pierre. Dans cet exemple, le travailleur applique 200 N (20 kgf) de
force pour soulever une pierre de 1500 N (150 kgf). La force appliquée sur le pivot (force
de compression) est constituée de la force appliquée par le travailleur, soit 200 N
(20 kgf), additionnée à celle du poids de la pierre, soit 1500 N (150 kgf), pour un total de
1700 N (170 kgf). Toute personne qui a déjà utilisé un levier sait combien il est
important que le sol soit solide pour supporter la charge totale du système. Un pivot
placé sur une surface gazonnée aura tôt fait de s’enfoncer dans le sol à cause de
l’ampleur de la force de compression appliquée sur le pivot.
Toutefois, il ne faut pas négliger le poids du haut du corps qui exerce également une
force de compression sur la vertèbre lombaire. Si l’on additionne la force de la caisse
(100 N), celle des muscles (500 N) et celle du poids du torse (400 N), on obtient une
force de compression totale de 1000 N.
Modèles à chaînons
Estimation du chargement net articulaire
Cet autre exemple illustre l’équilibre entre le moment externe (180 Nm) de la charge et
du poids des segments du modèle à chaînon (voir plus haut), celle des muscles (180 Nm)
et la force de compression de 3600 Nm (en négligeant la contribution du poids du haut
du corps).
Enfin cette vidéo illustre l’importance des muscles et du moment externe sur les forces
de compression. Voir la vidéo
Force de cisaillement
Une force de cisaillement est une force appliquée de manière parallèle ou tangentielle à
une face d'un matériau, par opposition aux forces de compression normales qui sont
appliquées de manière perpendiculaire. Dans le cas d’une vertèbre, cette force agit en
parallèle au plateau vertébral. On distingue une force de cisaillement antéro-postérieure
et une force de cisaillement medio-latérale. Comme on peut le voir sur la figure ci-
dessous, l’orientation des forces de compression et de cisaillement n’est pas identique
le long de la colonne lombaire.
Cette approche permet d’évaluer l’importance de chacun des quatre facteurs dans le
chargement au dos. Ainsi, le chargement à l’articulation L5/S1 est élevé si la charge
externe est grande (poids de la caisse), si les masses segmentaires, par exemple les bras,
sont éloignées de L5/S1 et si les composantes inertielles ou les accélérations angulaires
sont élevées.
Les nombreuses études qui ont évalué cette approche confirment l’influence de ces
facteurs sur le chargement au dos. Pour chacun d’entre eux, on a observé que le
chargement lombaire pour le moment résultant à L5/S1 augmentait avec un
accroissement de la charge (Schipplein et coll., 1990 ; Lavender et coll., 2003 ; Granata
and Marras, 1999), de la vitesse d’exécution (Buseck et coll., 1988 ; Bush-Joseph et coll.,
1988 ; Granata and Marras, 1999) ou de la distance verticale et horizontale de la charge
(Schipplein et coll., 1995 ; Lavender et coll., 2003).
Il existe des versions simplifiées des modèles biomécaniques qui permettent d’évaluer
approximativement le risque au dos. La plupart de ces versions tiennent compte des
quatre facteurs de Hof (1992). Comme ceux-ci sont directement associés aux forces de
compression et de cisaillement, ces modèles simplifiés peuvent fournir une mesure
adéquate du chargement au dos et favoriser une intervention, si nécessaire, pour
réduire le niveau de risque de blessure.