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Les Centres D Arbitrage de L Espace OHADA Face Aux Technologies de L Information Et de La Communication C NDONGO DIMOUAMOUA 0

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1

Revue Juridique de la Sorbonne – Sorbonne Law Review

Comité scientifique

Jean-Luc ALBERT, Professeur à Aix-Marseille Université


Mireille BACACHE, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Grégoire BIGOT, Professeur à l’Université de Nantes
Philippe BONFILS, Professeur à Aix-Marseille Université
David BOSCO, Professeur à Aix-Marseille Université
Mathieu CARPENTIER, Professeur à Université Toulouse 1 Capitole
Cécile CHAINAIS, Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas
Véronique CHAMPEILS-DESPLATS, Professeur à l’Université Paris Nanterre
David CHILSTEIN, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Sabine CORNELOUP, Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas
Florence DEBOISSY, Professeur à l’Université de Bordeaux
Joachim ENGLISCH, Professeur à l’Université de Münster
Etienne FARNOUX, Professeur à l’Université de Strasbourg
Frédérique FERRAND, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Daniel GUTMANN, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Jérémy HOUSSIER, Professeur à l’Université de Reims Champagne-Ardenne
Laurence IDOT, Professeur émérite de l’Université Paris II Panthéon-Assas
Laurence JÉGOUZO, Maître de conférences HDR à l’École de droit de la Sorbonne,
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Xavier LAGARDE, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Anne-Marie LEROYER, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Pascal LOKIEC, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
André LUCAS, Professeur à l’Université de Nantes
Vincent MALASSIGNÉ, Professeur à CY Cergy Paris Université
Nathalie MALLET-POUJOL, Professeur à l’Université de Montpellier
Arnaud MARTINON, Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas
Anne-Catherine MULLER, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Etienne PATAUT, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Adalberto PERULLI, Professeur à l’Université de Venise
Laurent PFISTER, Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas

REVUE JURIDIQUE DE LA SORBONNE – SORBONNE LAW REVIEW


Juin 2021, n° 3
2

Philippe PIERRE, Professeur à l’Université de Rennes


Stéphanie PORCHY-SIMON, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Catherine PRIETO, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Laurence USUNIER, Professeur à CY Cergy Paris Université
Michel VIVANT, Professeur à l’École de droit de Sciences-Po
Nicolas WAREMBOURG, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université
Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Célia ZOLYNSKI, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne

Directeur de la publication
Christine NEAU-LEDUC, Présidente de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Directeur de la revue
Emmanuel JEULAND, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne

Équipe éditoriale
- Volet édition :
Ianjatiana RANDRIANANDRASANA, rédactrice en chef
Camille SCOTTO D’ARDINO, assistante d’édition

- Volet communication et diffusion :


Emma BRETON

Revue semestrielle (2 numéros/an ; juin et décembre)


Revue gratuite, en open access
Disponible sur : https://irjs.pantheonsorbonne.fr/revue-juridique-sorbonne

Langues de publication : français, anglais.

IRJS éditions - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne


12 place du Panthéon
75005 PARIS (France)
@ : irjs-editions@univ-paris1.fr / Tel : 01 44 07 77 82

ISSN : 2739-6649
Dépôt légal : juin 2021, mise en ligne le 1er juillet 2021.

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Juin 2021, n° 3
5

Sommaire

Édito ..................................................................................................................................... 3

Du notaire à la blockchain notariale : les tribulations d’un tiers de confiance entre


confiance interindividuelle, confiance institutionnelle et méfiance généralisée ..7
Camille CHASERANT, Corine DAUCHEZ, Sophie HARNAY

La « tolérance royale » dans la rhétorique de la monarchie absolue : une figure de


style ancien .......................................................................................................................59
Vincent GOBIN

La force dissuasive de la responsabilité délictuelle ...................................................82


Jean LEFEBVRE

L’élément manquant à l’équation de la chose jugée au pénal sur le civil ............. 115
Soufyane MAHSAS

Les centres d’arbitrage de l’espace OHADA face aux technologies de l’information


et de la communication (TIC) ...................................................................................... 124
Dr. Céline NDONGO DIMOUAMOUA

Droit et émotion ............................................................................................................ 146


Rebecca DEMOULE, Clara GAVELLI, Emmanuel JEULAND, Carla TREBERT (dir.)

Présentation du cycle de séminaires ............................................................................ 149


Emmanuel JEULAND

Le consentement comme polarité dynamique, entre émotion et raison ...................... 153


Emma BRETON

Les ordalies à l’aune des émotions ............................................................................... 162


Laura VIAUT

Le droit de la preuve et l’émotion .................................................................................. 173


Pierre GAUTIER

Propriété intellectuelle et émotion ................................................................................ 181


Tristan AZZI

Propriété littéraire et artistique et émotion ................................................................. 195


Clara GAVELLI

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Juin 2021, n° 3
6

Droit des entreprises en difficulté et émotions .............................................................212


David LEMBERG

Quelle place pour les émotions dans l’activité de travail, le droit social et le contentieux
social ? ...........................................................................................................................217
Pierre-Yves VERKINDT

L’impact des émotions liées à la pandémie sur le traitement du télétravail ............... 232
Mathilde DE SLOOVERE

Nationalité française : des émotions aux sentiments .................................................. 237


Étienne PATAUT et Apolline SCHAAL

REVUE JURIDIQUE DE LA SORBONNE – SORBONNE LAW REVIEW


Juin 2021, n° 3
124

Les centres d’arbitrage de l’espace OHADA


face aux technologies de l’information et de la communication (TIC)

Dr. Céline NDONGO DIMOUAMOUA1


Docteure en droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
Assistante à l’Université de Douala (Cameroun)

Résumé : Depuis l’adoption de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, les centres
d’arbitrage se sont multipliés dans la zone OHADA. Même si tous ces centres ne sont pas au
même niveau de développement, les acteurs économiques leur confient de plus en plus le
règlement de leurs différends. Toutefois, la fermeture des aéroports, la limitation des
déplacements, l’impossibilité de se réunir, conséquences de la crise sanitaire mondiale apparue
en mars 2020, ont perturbé le fonctionnement des centres d’arbitrage du monde entier, y
compris ceux situés dans la zone OHADA. En abolissant les distances et les contraintes de temps,
les technologies de l’information et de la communication (TIC) se sont révélées être des moyens
efficaces de contournement des difficultés nées de la pandémie. En effet, les grands centres
d’arbitrage en ont profité pour mettre en œuvre des solutions technologiques permettant de
réduire l’impact de la crise sur les procédures arbitrales. Dans cet environnement hautement
concurrentiel, la question de l’arbitrage en ligne dans les centres d’arbitrage de l’espace OHADA
s’est alors de facto posée. La question de la place réservée aux TIC dans l’administration des
procédures par ces centres et les moyens d’y développer l’arbitrage à distance est posée.
Pour répondre à cette double interrogation, un état des lieux de l’arbitrage en ligne dans les
centres d’arbitrage de la zone a été fait. Il en ressort que les règlements d’arbitrage des centres
abordent le sujet de manière lacunaire. Bien plus, l’environnement économique et
technologique dans lequel ils évoluent peut constituer un frein au recours aux TIC. La nécessité
de compléter les règlements d’arbitrage sur des questions comme la cybersécurité, l’organisation
des réunions virtuelles ou encore la signature électronique des documents est clairement
apparue. Afin d’accélérer le développement de l’arbitrage en ligne, les centres d’arbitrage situés
dans l’espace OHADA doivent aussi former leur personnel à l’usage des TIC, encourager les
parties à signer des cyber-protocoles, et mettre à leur disposition des guides d’usage des TIC
dans les procédures arbitrales. En pratique, la révolution numérique dans les centres d’arbitrage
africains n’aura pas lieu sans les efforts combinés des centres, des parties et des arbitres. 22 ans
après l’adoption de l’AUA, la compétitivité et la maturité des centres d’arbitrage de l’espace
OHADA seront fonction de leurs capacités à intégrer les TIC dans leurs méthodes de travail.

Mots-clés : Arbitrage institutionnel, OHADA, TIC, cyber-protocole, centres d’arbitrage,


vidéoconférence, guides sur l’arbitrage en ligne, arbitrage en ligne.

1
@ : celine.ndongo@gmail.com , Auteure de l’ouvrage La prévention des difficultés des entreprises dans
l’AUPC, Paris, LGDJ, 2017, coll. « Thèses ».

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Juin 2021, n° 3
125

ICT and arbitration centres in the OHADA area

Summary: Since the adoption of the Uniform Act on arbitration, the arbitration centres grew in
numbers in the OHADA area. Even if some centres are not as developed as the others, the economic
actors more often rely on them to settle their disputes. However, the closing of airports, the
limitation of movements, the restrictions of gathering, all consequences of the global health crisis
which appeared in March 2020, affected the proper functioning of the arbitration centres
worldwide. The ICT happened to be the best means of overcoming the challenges raised by the
pandemic, in that they helped to narrow the distanciation and to better deal with time
management. Indeed, major arbitration centres took advantage to use technology as a solution to
reduce the impact of the crisis on the arbitration procedures. In this highly competitive
environment, the question of online arbitration in the arbitration centres of OHADA area was
raised. We wondered about the place reserved for ICT in the administration of proceedings by these
centers and the means to develop online arbitration there.
To answer this double question, an inventory of online arbitration in arbitration centers in
the area was made. It’s noted that the arbitration rules of the centers deal with the subject in a
lacunae manner. Moreover, the economic and technological environment in which they operate
can be a barrier to the use of ICT. The need to complete the arbitration rules on issues such as
cyber-security, the organization of virtual meetings or even the electronic signature of documents
has become clear. In order to accelerate the development of online arbitration, the arbitration
centers located in the OHADA area must also train their staff in the use of ICTs, encourage the
parties to sign cyber protocols, and issue guidelines for use of ICT in arbitration proceedings. In
practice, the digital revolution in African arbitration centres will not take place without the
combined efforts of the centres, parties and arbitrators. 22 years after the adoption of the AAU, the
competitiveness and maturity of the OHADA arbitration centres will depend on their ability to
integrate ICT into their working methods.

Keywords: Institutional arbitration, OHADA, ICT, cyber protocol, arbitration centres,


videoconference, online arbitration guides, online dispute resolution.

Pour citer cet article : Dr. Céline NDONGO DIMOUAMOUA, « Les centres d’arbitrage de l’espace
OHADA face aux technologies de l’information et de la communication (TIC) », Revue juridique
de la Sorbonne [en ligne], n° 3, juin 2021, p. 124-145.
URL : https://irjs.pantheonsorbonne.fr/sites/default/files/inline-files/Les_centres_d_arbitrage
_de_l_espace_OHADA_face_aux_technologies_de_l_information_et_de_la_communication_C
_NDONGO_DIMOUAMOUA.pdf

L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA)


considère que la résolution diligente des différends contractuels est un facteur de
sécurité juridique propice à l’essor des activités économiques, et nécessaire à

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Juin 2021, n° 3
126

l’émergence d’un nouveau pôle de développement en Afrique2. Aussi l’arbitrage, mode


privilégié de règlement des différends pour les opérateurs internationaux, a fait l’objet
d’un Acte uniforme OHADA le 11 mars 19993. Ayant au fil du temps montré ses limites,
le droit de l’arbitrage OHADA a été modernisé à la faveur de l’adoption le
23 novembre 2017, d’un nouvel Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA).
L’objectif de cette réforme était d’assurer la célérité des recours et l’efficacité des
sentences, sans rien perdre de l’objectif de liberté des parties dans l’organisation de la
procédure d’arbitrage4. Bien qu’essentiellement conçu pour l’arbitrage ad hoc, l’Acte
uniforme relatif au droit de l’arbitrage a également consacré l’arbitrage institutionnel
dans l’espace OHADA5.

L’arbitrage institutionnel peut être défini comme l’arbitrage dont les parties ont
confié l’organisation à une institution permanente d’arbitrage et qui se déroule
conformément au règlement d’arbitrage de ladite institution6. Cette dernière n’est pas
en principe une juridiction. Elle a essentiellement pour fonction d’administrer les
arbitrages et de fournir des infrastructures et des moyens humains aux parties.
L’arbitrage institutionnel se caractérise aussi par l’existence d’un règlement d’arbitrage
et d’un secrétariat qui assume certaines tâches d’ordre matériel7. Ce type d’arbitrage se
déroule dans des organismes connus sous le nom de « centres d’arbitrage ». Il existe un
centre d’arbitrage régional dans l’espace OHADA, à savoir la Cour commune de justice
et d’arbitrage de l’OHADA (CCJA)8 et 20 centres d’arbitrage nationaux. Les arbitrages
administrés par les centres nationaux sont soumis au droit commun de l’arbitrage
OHADA, tandis que les procédures confiées à la CCJA sont régies par des textes qui lui
sont propres notamment son Règlement d’arbitrage. La multiplication des centres

2
H.-D. MODI KOKO, « L’arbitrage dans les universités étrangères », in A. NGWANZA, Vingt ans d’arbitrage
OHADA : bilan et perspectives, Paris, LexisNexis, 2019, p. 145. Le Traité OHADA a été adopté le
17 octobre 1993 et une version révisée a été adoptée le 17 octobre 2008. Son titre IV est consacré à
l’arbitrage.
3
À propos des innovations apportées par l’AUA dans les États membres de l’OHADA, lire N. PILKINGTON
et S. THOUVENOT, « Les innovations de l’OHADA en matière d’arbitrage », La semaine juridique, éd. E.,
Cahiers de droit de l’entreprise, no 5 supplément au no 44 du 28 octobre 2004, p. 28 ; « Pratique et actualités
du droit Ohada », Journées d’études Juriscope Poitiers, p. 128 ; Ohada D-12-60 [en ligne]. [Consulté le
30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.ohada.com/documentation/doctrine/ohadata/D-12-
60.html>.
4
M. VALENTINI, « L’OHADA modernise son droit de l’arbitrage et se dote d’un acte sur la médiation »,
August Debouzy [en ligne], 7 décembre 2017. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.august-debouzy.com/fr/blog/1094-lohada-modernise-son-droit-de-larbitrage-et-se-dote-
dun-acte-sur-la-mediation>.
5
Sur la question, lire G. KENFACK DOUAJNI, L’arbitrage OHADA, Pau, PUPPA, 2014, p. 31.
6
X. LINANT DE BELLEFONDS et A. HOLLANDE, L’arbitrage, Paris, PUF, 1995, coll. « Que sais-je ? », p. 30.
7
P. MEYER, OHADA, Droit de l’arbitrage, Bruxelles, Bruylant, 2002, coll. « Droit uniforme africain », p. 28
et 29.
8
Sur l’arbitrage CCJA, J. WAMBO, « L’arbitrage CCJA », Revue de l’ERSUMA : Droit des affaires – Pratique
Professionnelle [en ligne], no nov.-déc. 2011, Études. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://revue.ersuma.org/numero-special-novembre-decembre/etudes/L-Arbitrage-CCJA>.
Le « Règlement d’arbitrage de la CCJA » est disponible sur Droit-afrique.com [en ligne], 23 novembre 2017.
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <http://www.droit-afrique.com/uploads/OHADA-
Reglement-2017-arbitrage-CCJA.pdf>.

REVUE JURIDIQUE DE LA SORBONNE – SORBONNE LAW REVIEW


Juin 2021, n° 3
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d’arbitrage dans la zone est une conséquence de la croissance du marché de l’arbitrage


interne9. En effet, de plus en plus d’acteurs économiques sont séduits par la souplesse,
la célérité et la confidentialité de l’arbitrage OHADA, qui a aujourd’hui 22 ans. C’est l’âge
de la maturité, « l’âge où l’on peut encore adopter un autre comportement quand on
s’aperçoit qu’on s’est trompé ».

L’arbitrage OHADA n’a pas été épargné par les bouleversements observés en 2020,
une année mémorable pour l’ensemble de la population mondiale. Elle aura été marquée
par une crise sanitaire sans précédent, qui a elle-même engendré une crise économique
et sociale dont personne ne peut prédire la fin. Cette situation a fortement perturbé le
déroulement des procédures arbitrales. En effet, la fermeture des aéroports, la limitation
des déplacements, l’impossibilité de se réunir, sont autant de conséquences de la
pandémie qui ont entraîné des reports d’audiences et des prorogations de délais de
procédure. Certains centres d’arbitrage ont dû changer de méthodes de travail. Dans les
faits, la pandémie a accéléré la transition vers les solutions technologiques puisqu’elles
se sont révélées être une option sérieuse de contournement des difficultés et imprévus
nés de la COVID-19. Les qualités objectives du numérique à savoir l’abolition de l’espace,
la compression du temps, et la réduction des coûts ont conquis les acteurs de l’arbitrage.
Les centres d’arbitrage situés dans la zone OHADA10, comme ceux du reste du
monde, ont donc plus ou moins réorganisé leurs méthodes traditionnelles de travail afin
de répondre aux attentes des parties. Le recours aux technologies de l’information et de
la communication (TIC) dans les procédures arbitrales s’est imposé de manière urgente
et surtout inédite. Par TIC, il faut entendre un ensemble d’outils et de ressources
technologiques permettant de transmettre, enregistrer, créer, partager ou échanger des
informations, notamment les ordinateurs, l’Internet, les technologies de diffusion et la
téléphonie11. Suite à la paralysie des activités due à la COVID-19, la question de la place
faite aux TIC dans les centres d’arbitrage de l’espace OHADA s’est posée. Autrement dit,
quelle est la part des TIC dans l’administration des procédures arbitrales par les centres ?
Doit-on et comment y développer « l’arbitrage virtuel » ? Par arbitrage virtuel, on entend
ici l’arbitrage assisté par les nouvelles technologies lorsque les circonstances le
permettent. Notons que l’arbitrage en ligne et l’arbitrage à distance renverront à la
même réalité.

L’intérêt d’une réflexion sur l’arbitrage en ligne dans les centres d’arbitrage de la
zone OHADA est primordial. En effet, la compétition entre les centres d’arbitrage de la
zone et entre ces derniers et ceux situés hors de l’OHADA est réelle12. Ils sont mis en

9
M.-A. NGWE, « Le marché de l’arbitrage dans l’espace OHADA », in A. NGWANZA (dir.), Vingt ans
d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, op. cit., p. 426.
10
Voir l’article 10 de l’Acte Uniforme sur le droit de l’arbitrage.
11
« Technologies de l’information et de la communication », Unesco.org [en ligne]. [Consulté le
30 avril 2021] Disponible sur Internet : <http://uis.unesco.org/fr/glossary-term/technologies-de-
linformation-et-de-la-communication-tic>.
12
T. CLAY, « Le marché de l’arbitrage, » in W. BEN HAMIDA et T. CLAY, L’argent dans l’arbitrage, Paris,
Lextenso Éditions, 2013, p. 13 et s.

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compétition par des acteurs économiques qui recherchent le meilleur rapport « qualité-
prix » dans l’offre d’arbitrage que leur présentent les centres. Or, la compétitivité et
l’attractivité des centres africains seront désormais fonction de leur capacité à intégrer
les TIC dans leurs méthodes de travail. Bien que d’importance, la question de l’usage des
TIC dans les centres d’arbitrage de l’espace OHADA demeure un champ d’étude
quasiment inexploré par la doctrine, d’où la rareté des sources documentaires sur le
sujet. Les auteurs se sont surtout intéressés aux mécanismes procéduraux dans les
centres d’arbitrage, à la qualité des sentences rendues, à la légitimité de tels centres,
etc.13

L’arbitrage étant une discipline juridique éminemment pratique14, la question du


fonctionnement des centres est étroitement liée à celle de leur offre globale d’arbitrage.
C’est la raison pour laquelle l’approche choisie est celle du « droit en contexte », couplée
à celle du « temps mondial » dont elle émane15. En effet, la pandémie du coronavirus est
considérée dans le cadre de ce travail, comme un événement dont la survenance a donné
lieu à une période de rupture et de remise en cause de la pratique arbitrale. La pandémie
marque en quelque sorte le point de départ de notre réflexion et l’influence grandement.

Pour répondre à la problématique énoncée précédemment, nous tenterons de


dresser un état des lieux de l’utilisation des TIC dans les centres d’arbitrage de l’espace
OHADA (I), avant de réfléchir aux moyens d’en accroître l’usage (II).

I.- Diagnostic du recours aux TIC


dans les centres d’arbitrage de la zone OHADA

Pour faire le point sur l’usage du numérique dans les centres d’arbitrage de l’espace
OHADA, nous analyserons leurs règlements d’arbitrage pour voir quelle est la place des
TIC dans les procédures arbitrales (A), puis nous observerons l’environnement
économique et technologique dans lequel ils fonctionnent (B). En effet, on ne peut isoler
la pratique du droit de l’arbitrage de son contexte16 : diverses réalités liées à

13
Quelques enquêtes sont menées au niveau continental sur la pratique de l’arbitrage proprement dite et
la perception qu’ont les praticiens de l’arbitrage de leur environnement de travail, voir E. ONYEMA,
« Enquête SOAS sur l’arbitrage en Afrique, Arbitrage interne et international : perspectives par les
praticiens africains de l’arbitrage », Eprints.soas.ac.uk [en ligne], 2018. [Consulté le 30 avril 2021]
Disponible sur Internet :
<https://eprints.soas.ac.uk/26110/1/Enque%CC%82te%20SOAS%20sur%20l%27arbitrage%20en%20Afriq
ue-Fr.pdf>.
14
A. AKAM AKAM, « La formation en arbitrage dans l’espace OHADA », in A. NGWANZA (dir.), Vingt ans
d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, op. cit., p. 376.
15
Z. LAÏDI, « Chapitre 7 : Le temps mondial », in M.-Cl. SMOUTS (dir.), Les nouvelles relations
internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 1998, p. 183 à 202. Consultable sur Cairn [en ligne]. [Consulté
le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.cairn.info/les-nouvelles-relations-internationales-
-9782724607554-page-183.htm>.
16
M. VAN HOECKE, « Le droit en contexte », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2013/1, volume 70,
p. 189 à 193.

REVUE JURIDIQUE DE LA SORBONNE – SORBONNE LAW REVIEW


Juin 2021, n° 3
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l’environnement d’un centre peuvent influencer le choix des moyens mis en œuvre dans
la procédure arbitrale.

A.- Une règlementation insuffisante de l’arbitrage virtuel dans l’espace OHADA

L’AUA est silencieux sur la possibilité de dématérialiser une ou plusieurs étapes de


la procédure d’arbitrage, et la faculté de tenir des réunions ou des audiences à distance.
Pourtant, l’influence des solutions technologiques dans la justice privée ne cesse de
croître17. S’il établit des règles générales de conduite de la procédure d’arbitrage, l’AUA
laisse aux arbitres et aux parties dans le cadre d’un arbitrage ad hoc, ou aux règlements
d’arbitrage des centres en cas d’arbitrage institutionnel, le soin d’organiser les modalités
pratiques de l’arbitrage.

Dans le Règlement d’arbitrage de la CCJA, comme dans les règlements d’arbitrage


des centres nationaux, l’usage des TIC est généralement prévu dans deux cas : la
communication écrite entre les parties, l’arbitre et le centre (1) et la tenue de la réunion
de cadrage (2). Certains règlements d’arbitrage précisent aussi que les arbitres
instruisent la cause dans les plus brefs délais par « tous moyens appropriés », leur
permettant ainsi de prévoir l’usage des TIC dans les procédures (3).

1.- Communication électronique au cours de la procédure arbitrale

La communication électronique est sans doute la partie la plus visible du processus


de dématérialisation de la justice arbitrale. L’activité propre au déroulement de
l’arbitrage génère un accroissement flagrant du trafic documentaire18. À la CCJA par
exemple, l’usage des TIC est surtout envisagé pour la communication écrite entre les
parties, le tribunal arbitral et le centre d’arbitrage. Ainsi, l’article 12.1 alinéa 1 du
Règlement d’arbitrage de la CCJA dispose que « les mémoires et toutes communications
écrites […], ainsi que toutes pièces annexes, sont fournis en autant d’exemplaires qu’il y a
de parties plus un pour chaque arbitre et une copie électronique est envoyée au Secrétaire
Général ». L’alinéa suivant dispose que le tribunal arbitral ainsi que les parties adressent
au secrétariat général copie électronique de tous les échanges relatifs à la procédure19. Il
s’agit d’une innovation issue de la réforme de 2017. Les notifications et communications
du secrétaire général et du tribunal arbitral aux parties peuvent aussi être faites par tout

17
« Présentation du rapport sur l’arbitrage en ligne », groupe de travail présidé par T. CLAY, Club des
juristes [en ligne], 2019. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.leclubdesjuristes.com/les-commissions/larbitrage-en-ligne/>.
18
« Les juristes créent davantage de documents et les produisent d’autant plus vite que progresse leur
aptitude à l’exploitation des outils informatiques, eux-mêmes de plus en plus performants. Les mémoires
échangés en arbitrage sont d’autant plus prolixes qu’ils reproduisent […] de larges extraits de pièces, de
déclarations de témoins et d’experts, ce que permet leur accessibilité en support électronique », ibid., p. 80.
19
« Règlement d’arbitrage de la CCJA », Droit-afrique.com [en ligne], 23 novembre 2017. [Consulté le
30 avril 2021] Disponible sur Internet : <http://www.droit-afrique.com/uploads/OHADA-Reglement-
2017-arbitrage-CCJA.pdf>.

REVUE JURIDIQUE DE LA SORBONNE – SORBONNE LAW REVIEW


Juin 2021, n° 3
130

moyen électronique permettant de fournir la preuve de l’envoi20. En vue des échanges


électroniques, la demande d’arbitrage, la réponse à la demande et la demande
d’intervention forcée doivent contenir l’adresse électronique du demandeur et du
défendeur21.

Bon nombre de centres d’arbitrage nationaux prévoient également l’envoi


électronique des notifications, mémoires, correspondances et notes écrites aux parties,
à l’arbitre et au centre d’arbitrage. Ainsi, l’article 18.2 du Règlement d’arbitrage du Centre
de médiation et d’arbitrage du GICAM (CMAG)22 précise que les mémoires,
correspondances et communications émanant du secrétariat général, du tribunal
arbitral ou des parties sont valablement signifiés par tout envoi électronique laissant
trace écrite. Pour sa part, l’article 9.2 alinéa 1 du Règlement d’arbitrage de la Cour
d’arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI)23 dispose que la demande d’arbitrage, la réponse à
cette demande, la demande reconventionnelle ainsi que les sentences arbitrales sont
communiquées ou notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception, par voie
électronique ou par tout autre moyen laissant trace écrite. Enfin, le Règlement
d’arbitrage du Centre de médiation et d’arbitrage de Niamey (CMAN) dispose à son
article 9, que les notifications ou communications du secrétaire permanent et du
tribunal arbitral peuvent être faites par voie électronique24.

Les centres d’arbitrage nationaux profitent donc des avantages de la transmission


par voie électronique à savoir l’immédiateté, la diffusion simultanée aux destinataires et
la réduction des coûts de la procédure. De facto, la transmission électronique facilite le
respect des délais procéduraux tout en permettant de dater précisément les
communications intervenues au cours de l’arbitrage. Elle a d’autant plus de sens dans la
zone OHADA que le service postal de plusieurs pays fonctionne mal. Toutefois, la quasi-
totalité des centres d’arbitrage continue d’exiger que la demande d’arbitrage se fasse par
l’envoi d’un courrier papier. Selon une auteure, ils devront bientôt se résoudre à adopter
la transmission électronique dès la demande d’arbitrage25. Cette dématérialisation des
procédures dès la demande d’arbitrage s’observe déjà dans les grands centres d’arbitrage
tels que la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale
(CCI) et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux

20
Article 12.2 du Règlement d’arbitrage de la CCJA.
21
Articles 5, 8 et 8-1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA.
22
« Centre de médiation d’arbitrage du GICAM – Présentation », Legicam [en ligne], 3 juillet 2017.
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.legicam.cm/index.php/p/presentation>.
23
Cour d’arbitrage de Côte d’Ivoire, Courarbitrage [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur
Internet : <http://www.courarbitrage.ci/>.
24
Centre de médiation et d’arbitrage de Niamey, Cman [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible
sur Internet : <http://www.cman.ne/>.
25
Durant la crise sanitaire, la London Court of International Arbitration a par exemple demandé aux
parties de déposer leurs nouvelles demandes en ligne ou par e-mail avec la possibilité de payer les frais y
afférents par voie électronique (carte de crédit ou compte bancaire) : « Online filing », LCIA [en ligne].
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://onlinefiling.lcia.org/>.

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131

investissements (CIRDI)26. Rien n’empêche les parties d’établir, dans les limites de ce
qui est admis par le règlement d’arbitrage, un protocole de transmission électronique27.

2.- Tenue de la réunion de cadrage par visioconférence

La réunion de cadrage ou « réunion préparatoire »28 est la première grande étape de


la procédure après la constitution du tribunal arbitral. Elle a pour objectifs de fixer l’objet
du litige, préciser la mission des arbitres et organiser la conduite de la procédure. Afin
d’assurer la célérité de l’arbitrage, le Règlement d’arbitrage de la CCJA prévoit la
possibilité pour le tribunal arbitral, avec l’accord des parties, de tenir la réunion de
cadrage sous forme de vidéoconférence29. Il s’agit d’une pratique de plus en plus
courante en arbitrage international30. Pour des auteurs, la CCJA aurait dû préciser les
éléments techniques nécessaires à la mise en œuvre d’une telle méthode de travail,
notamment en ce qui concerne la confidentialité de la procédure ; au risque que ce choix
ne pose en pratique diverses difficultés31.

Il convient de noter que même si le tribunal arbitral est maître de la procédure, le


moyen de la visioconférence pour tenir la réunion de cadrage ne peut être imposé aux
parties. Leur adhésion à ce procédé, ainsi qu’une préparation adéquate de toutes les
parties prenantes, sont les principaux gages de réussite d’une réunion de cadrage

26
C. DU PAC DE MARSOULIES, « Nouvelles technologies et centres d’arbitrage en Afrique », Lexbase Afrique-
OHADA, no 40 du 14 janvier 2021 : (N)TIC. Lire aussi Arbitrage international, « Coronavirus (COVID-19)
et tribunaux : passer du contentieux à l’arbitrage ? », Arbitrage international [en ligne], 18 avril 2020.
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.international-arbitration-
attorney.com/fr/coronavirus-covid-19-and-courts-moving-from-litigation-to-arbitration/>.
Les institutions internationales d’arbitrage telles que la LCIA, l’Arbitration Institute of the Stockholm
Chamber of Commerce, le Singapore International Arbitration Centre, ont continué de fonctionner
malgré la crise sanitaire.
27
M. PHILIPPE, « Where everyone is going with online dispute resolution (ODR) », International business
law journal, 2002, no 2, p. 167 à 210, spéc. p. 170.
28
Article 16 du « Règlement d’arbitrage du Centre EV arbitrage et médiation », Cabinet Vignon [en ligne],
20 février 2018. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://cabinetvignon.net/2018/02/20/reglement-darbitrage/>.
29
Article 15.1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA : « Après réception du dossier, le tribunal arbitral
convoque les parties ou leurs représentants dûment habilités et leurs conseils à une réunion de cadrage qui
doit se tenir aussi rapidement qu’il est possible et, au plus tard, dans les quarante-cinq (45) jours de sa
saisine. À cette occasion, le tribunal arbitral peut exiger la preuve du pouvoir de tout représentant d’une
partie, s’il l’estime nécessaire. Le tribunal arbitral peut, avec l’accord des parties, tenir cette réunion sous
forme de conférence téléphonique ou de vidéoconférence. »
30
Dans une enquête sur l’arbitrage international menée en 2018 par l’université Queen Mary, 43 % des
répondants ont affirmé utiliser fréquemment la vidéoconférence en arbitrage, 17 % ont répondu toujours
l’utiliser et 30 % ont répondu l’utiliser quelques fois. Arbitrage international, « Audiences virtuelles en
arbitrage international », Arbitrage international [en ligne], 13 avril 2020. [Consulté le 30 avril 2021]
Disponible sur Internet : <https://www.international-arbitration-attorney.com/fr/virtual-hearings-in-
international-arbitration/>.
31
E. ACKA ASSIEHUÉ, C. DU PAC DE MARSOULIES, T. LAURIOL, E. RAYNAUD, M. TAVAUT, Le règlement
d’arbitrage de la CCJA. Commentaire article par article, Paris, LexisNexis, 2018, p. 160.

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132

virtuelle32. On constate que la Cour commune ne prévoit pas explicitement l’audition


des parties, des témoins ou même des experts, par visioconférence. Si les MARD sont
des pratiques valorisant la qualité des rencontres entre les parties, la crise sanitaire a
encouragé le développement des réunions à distance33.

Comme à la CCJA et dans les mêmes termes, le Règlement d’arbitrage du Centre de


médiation et d’arbitrage du GICAM prévoit la tenue de la réunion de cadrage par
visioconférence ou par téléphone (article 14.1 alinéa 2). Contrairement à certains centres
dans lesquels on a souhaité conserver l’oralité des échanges, la réunion préparatoire
prévue dans le Règlement du Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de
N’Djamena (CAMC-N) peut se tenir « en cas de difficulté », uniquement par
correspondance ou par échanges de courriers électroniques34. Une disposition similaire
se trouve dans le Règlement d’arbitrage du Centre permanent d’arbitrage et de
médiation du CADEV (CPAM) qui dispose que « si les circonstances l’exigent, la réunion
préparatoire peut se tenir par correspondance et notamment par échanges de courriers
électroniques »35. D’autres centres comme le Centre d’arbitrage, de médiation et de
conciliation de la chambre de commerce et d’industrie du Bénin (CAMeC-CCIB) et le
Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou (CAMC-O)
n’envisagent tout simplement pas dans leur règlement d’arbitrage, la tenue à distance
de la réunion de cadrage36. L’actualisation de ces textes s’avère donc nécessaire. Elle
devrait aussi permettre l’organisation en ligne des audiences de procédure ou de
plaidoiries, le tout dans le respect des principes du contradictoire et de l’égalité de
traitement des parties37. En pratique, bon nombre de centres d’arbitrage utilisent la
visioconférence.

3.- Possibilité pour les arbitres d’instruire la cause par « tous moyens
appropriés »

Les tribunaux arbitraux ont un pouvoir discrétionnaire (plus ou moins important)


quant à la conduite des procédures arbitrales. Ainsi, l’article 19.1 alinéa 1 du Règlement
d’arbitrage de la CCJA dispose que le tribunal arbitral instruit la cause dans les plus brefs
délais « par tous moyens appropriés ». Pour Achille Ngwanza, « cette disposition

32
Conférence des arbitres du Québec, « Guide sur l’arbitrage par visioconférence », Barreau.qc.ca [en
ligne], 22 avril 2020. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.barreau.qc.ca/media/2413/20200423-conference-arbitres-guide-arbitrage-
videoconference.pdf>.
33
Sur le recours à l’arbitrage en ligne, lire une présentation du CMAP sur « Arbitrage et médiation en ligne
en toute sécurité au CMAP », CMAP [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.cmap.fr/arbitrage-et-mediation-en-ligne-en-toute-securite-au-cmap/>.
34
Article 23.3 du Règlement d’arbitrage.
35
Article 19 du règlement du CPAM, « Règlement d’arbitrage et de médiation », Cadev-afrique [en ligne],
juin 2012. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <http://cadev-afrique.org/wp-
content/uploads/2018/02/rg2018.pdf>.
36
Voir notamment l’article 13 du Règlement d’arbitrage du CAMEC-CCIB.
37
C. DU PAC DE MARSOULIES, Nouvelles technologies et centres d’arbitrage en Afrique, op. cit.

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constitue l’épine dorsale du pragmatisme qui doit innerver la gestion d’une procédure
CCJA »38. Les Règlements d’arbitrage du Centre d’arbitrage, de médiation et de
conciliation de Ouagadougou (article 22.1), du Centre d’arbitrage, de médiation et de
conciliation de la chambre de commerce et d’industrie du Bénin (article 17.1)39, du
Centre EV arbitrage et médiation (article 21.1)40, et du Centre de médiation et d’arbitrage
du GICAM (article 27.1) contiennent la même disposition. Autrement dit, le tribunal
arbitral choisit librement les moyens techniques les plus adaptés en vue d’une résolution
efficace du différend. Les parties et les arbitres peuvent par conséquent décider de
stocker des documents sur le cloud ou utiliser Cisco Webex pour tenir une audience.
Des praticiens s’accordent d’ailleurs pour dire que rien n’empêche le recours à la
visioconférence pour les auditions à la CCJA41.

Le Centre EV arbitrage et médiation est le seul qui envisage une procédure arbitrale
complètement dématérialisée, en prévoyant la tenue à distance des réunions et
audiences. En effet, l’article 8.3 de son règlement d’arbitrage dispose que « si les parties
en conviennent ou si cela s’avère utile pour l’arbitre, tout ou partie de l’arbitrage peut être
effectué par téléphone, courrier électronique, Internet, ou toute autre forme de
communication ». Si l’on peut saluer la grande liberté laissée à l’arbitre et aux parties, on
regrette l’absence de précisions sur la mise en œuvre de ces moyens et le respect des
principes généraux de l’arbitrage (principe du contradictoire, égalité des parties, loyauté
procédurale, confidentialité, etc.).

À la lecture des règlements d’arbitrage, il apparaît que le recours aux TIC est possible
dans bon nombre de centres d’arbitrage de l’espace OHADA. La question est cependant
traitée de manière insuffisante, ce qui pourrait expliquer la réticence des parties à y
recourir. En effet, en l’état actuel, diverses problématiques telles que celles liées à la
signature électronique des sentences, à la reconnaissance des sentences dématérialisées
et à la gestion des données confidentielles ne sont pas abordées. Le Règlement
d’arbitrage du Centre permanent d’arbitrage et de médiation du CADEV est le seul à
avoir évoqué la signature électronique en ces termes : « Les communications par voie
électronique sont valables, à condition de porter clairement la signature électronique de
l’auteur […] »42.
De manière générale, les règlements d’arbitrage ne contiennent pas de mesures
« d’atténuation des risques » propres à l’usage des TIC, notamment ceux liés aux

38
A. NGWANZA, « L’arbitrage CCJA à l’épreuve de la pandémie du coronavirus », Bulletin ERSUMA de
pratique professionnelle, mai 2020, no 3, p. 32 à 36.
39
« Service d’arbitrage et de médiation », Chambre de commerce et d’industrie du Bénin [en ligne].
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.ccibenin.org/service-camec/>.
40
« Présentation du centre EV arbitrage et médiation », Cabinet Vignon [en ligne]. [Consulté le
30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://cabinetvignon.net/centre-ev-arbitrage-mediation-
vignon/>.
41
E. ACKA ASSIEHUÉ, C. DU PAC DE MARSOULIES, T. LAURIOL, E. RAYNAUD, M. TAVAUT, Le règlement
d’arbitrage de la CCJA. Commentaire article par article, op. cit., p. 196.
42
Article 14.3

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Juin 2021, n° 3
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cyberattaques. Les centres d’arbitrage ne semblent pas outillés pour recourir de manière
sécurisée aux TIC (absence de systèmes de protection des données, de lutte contre
l’espionnage industriel, etc.). Pourtant, les conséquences des atteintes à la
cybersécurité43 en arbitrage peuvent être désastreuses tant pour les parties que pour le
centre d’arbitrage. Elles peuvent être de divers ordres en fonction des circonstances de
l’affaire : perte économique pour le participant dont les informations sont divulguées,
responsabilité contractuelle et/ou délictuelle en vertu des lois applicables, etc.44 La
majorité des centres ne prévoit pas la publication en ligne des sentences arbitrales ; la
confidentialité étant le principe dans l’arbitrage OHADA. Cependant, au moins trois
centres d’arbitrage envisagent, avec l’accord des parties, une telle publication. Il s’agit
de la CCJA45, la Cour d’arbitrage de Côte d’Ivoire46 et le Centre de médiation et
d’arbitrage du GICAM47.

Une mise à jour des règlements d’arbitrage est donc souhaitable afin de tenir
davantage compte des progrès technologiques dans leur globalité. Au-delà des textes
incomplets, d’autres facteurs freinent l’usage des TIC dans l’arbitrage institutionnel
OHADA.

B.- Un environnement technologique en construction


dans les centres d’arbitrage

Les TIC peuvent être mises au service de l’arbitrage de diverses manières : modèles
de clauses et règlements d’arbitrage en ligne, échanges électroniques de courriers,
utilisation du cloud, etc.48 Il ressort toutefois d’un webinar du 19 novembre 2020, sur le
thème « The New Information Age and Its Effect on African Arbitral Institutions »49, que
tout reste à faire en matière d’équipements numériques dans beaucoup de centres
d’arbitrage africains. Plusieurs facteurs constitueraient même des freins au

43
La cybersécurité est la protection des systèmes connectés à Internet contre les menaces informatiques
visant le matériel, les logiciels et les données. La Rédaction TechTarget, « Cybersécurité », TechTarget [en
ligne], mise à jour mars 2021. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://whatis.techtarget.com/fr/definition/cybersecurite# :~ :text=La%20cybers%C3%A9curit%C3%A
9%20est%20la%20protection,les%20logiciels%20et%20les%20donn%C3%A9es>.
44
A. TZEVELEKOU, « La cybersécurité dans l’arbitrage international », Arbitrage international [en ligne],
30 janvier 2020. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.international-
arbitration-attorney.com/fr/cybersecurity-in-international-arbitration/>.
45
Article 14 alinéa 3 du RA de la CCJA « Le Secrétaire Général est autorisé à publier des extraits de sentences
arbitrales sans mentionner les éléments permettant d’identifier les parties ».
46
Article 3 « Les parties, les arbitres et la GAGI s’abstiennent de rendre publique une sentence sans l’accord
des parties, sauf si la décision fait l’objet d’un recours devant les juridictions étatiques ».
47
Article 17.1 du RA du CMAG « Les sentences arbitrales peuvent être publiées avec l’accord écrit des
Parties ». Article 17.3 « Le Centre est autorisé à insérer dans ses publications des extraits des sentences
arbitrales sans mentionner les éléments permettant d’identifier les Parties. »
48
G. DECOCQ, « L’influence d’Internet sur la pratique de l’arbitrage », Revue de l’arbitrage, Comité français
de l’arbitrage, 2012, volume 2012, no 4, p. 769-777.
49
Arbitrator intelligence [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://arbitratorintelligence.com/>.

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développement de l’arbitrage virtuel dans la zone OHADA : les moyens financiers


limités des centres d’arbitrage (1), l’absence de formation de leur personnel (3) et la
mauvaise qualité de la connexion Internet dans les États (2).

1.- Les moyens financiers limités des centres d’arbitrage

Dans un article intitulé « le marché de l’arbitrage dans l’espace OHADA »50, Marie-
Andrée Ngwe fait un bilan de l’activité des centres d’arbitrage de la sous-région51. Il en
ressort qu’il en existe au moins un par État-membre de l’OHADA, sauf en Guinée-
Équatoriale et en Guinée-Bissau52. Leur coût de fonctionnement est fonction de leur
taille et l’administration des arbitrages est assimilée à une prestation de service
rémunérée53. La principale source de revenus des centres est donc constituée des frais
de procédure payés par les parties. Quelques centres organisent des formations payantes
en MARD. Rares sont ceux comme le Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation
de Ouagadougou qui ont déjà bénéficié de l’aide financière d’une institution
internationale54. Les centres rattachés à une chambre de commerce ou à une association
peuvent recevoir de celles-ci des subventions.

Dans la majorité des États de l’OHADA, la culture de l’arbitrage est encore peu
développée, les acteurs économiques confient par conséquent peu de dossiers aux
centres. Ils ont donc des moyens financiers limités qui leur permettent à peine de
fonctionner normalement. Comment donc demander aux centres d’arbitrage sans
budget annuel stable et conséquent d’investir dans l’achat d’un matériel informatique
de dernière génération ? En effet, s’abonner aux services de visioconférence tels que
Tixeo55 ou Blue Jeans56 a un coût, que les centres ne sont pas prêts à payer sans être sûrs
de rentrer dans leurs frais, faute de dossiers. Or, organiser des réunions virtuelles de

50
M.-A. NGWE, « Le marché de l’arbitrage dans l’espace OHADA », in A. NGWANZA (dir.), Vingt ans
d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, op. cit., p. 397 et s.
51
Pour une appréciation générale des activités des centres d’arbitrage en Afrique, M.-A. NGWE, « État des
lieux de l’arbitrage en Afrique », Association française d’arbitrage [en ligne], 19 septembre 2018. [Consulté
le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<http://www.afa-arbitrage.com/afa/uploads/2018/12/2018_AFA_Conference_Etat-des-lieux-de-l-
arbitrage-en-Afrique-Marie-Andree-Ngwe.pdf>.
52
E. ONYEMA, « L’arbitrage en Afrique, Rapport d’enquête 2020 », Research arbitration Africa [en ligne],
30 juin 2020. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://researcharbitrationafrica.com/files/survey-
2020/2020%20Arbitration%20in%20Africa%20Survey%20Report%20(French%20Translation).pdf>.
53
Au sujet du financement des centres d’arbitrage, M. W. BÜLHER, « Le financement des centres
d’arbitrage. Quelques réflexions », in B. W. HAMIDA et T. CLAY (dir.), L’argent dans l’arbitrage, op. cit., p. 51
et s.
54
CAMC-O [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://camco.bf/ressources-
partenaires/>.
55
Sur l’usage de cet outil par un centre d’arbitrage, lire « Arbitrage et médiation en ligne en toute sécurité
au CMAP », CMAP [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.cmap.fr/arbitrage-et-mediation-en-ligne-en-toute-securite-au-cmap/>.
56
BlueJeans [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.bluejeans.com/fr>.

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136

plusieurs jours, faisant intervenir divers participants (traducteurs, conseils, etc.), dans le
respect d’un certain nombre de règles, suppose l’utilisation d’une technologie de pointe
et le recours à des hébergeurs spécialisés. Bien plus, les centres de la zone sont surtout
sollicités en matière d’arbitrage « domestique »57, pour lequel les parties préfèreront
généralement des rencontres physiques.

En conséquence, les « petits » centres ne disposent pas d’équipements adéquats


pour migrer vers le numérique. Pourtant, le recours à une technologie avancée,
l’existence d’un système efficace de gestion des dossiers, d’une bibliothèque numérique
et d’un site Internet fonctionnel, le classement en ligne des documents, sont autant
d’aménagements technologiques recherchés par les firmes internationales58. Le manque
de moyens financiers influence aussi négativement la visibilité des centres d’arbitrage.
Plusieurs d’entre eux utilisent le site Internet de leur organisme de rattachement, faute
de site propre59.Toutefois bon nombre de sites ne sont même pas à jour. Bien plus, au
moins huit centres d’arbitrage de la zone OHADA n’ont pas publié en ligne leur
règlement d’arbitrage60.

Cet état de fait peut expliquer les résultats d’une enquête de 2020, qui ne classe
aucun centre de l’espace OHADA parmi les cinq meilleurs centres d’arbitrage en Afrique.
En effet, d’après cette étude, les centres plébiscités par les praticiens à savoir
l’Arbitration Foundation of Southern Africa, le Cairo Regional Centre for International
Commercial Arbitration, le Kigali International Centre, la Lagos Court of Arbitration, et
le Nairobi Centre for International Arbitration, sont équipés d’importants moyens
technologiques61. La CCJA fait tout de même partie des centres recommandés par les
participants à l’enquête. Dans l’OHADA, seule Abidjan fait partie des dix premières villes
africaines pour l’arbitrage62. Parmi les critères d’élaboration dudit classement, figure
l’accès aux technologies et aux aménagements modernes63.

57
Arbitrage interne : les parties se trouvent dans le même État.
58
E. ONYEMA, « L’arbitrage en Afrique », loc. cit., p. 14.
59
C. DU PAC DE MARSOULIES, Nouvelles technologies et centres d’arbitrage en Afrique, op. cit.
60
C’est le cas de la Cour d’arbitrage et de médiation des Comores, de la Chambre d’arbitrage de Guinée
ou encore du Centre de médiation et d’arbitrage du Congo. Sur le sujet, M.-A. NGWE, « Le marché de
l’arbitrage dans l’espace OHADA », in A. NGWANZA (dir.), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et
perspectives, op. cit., p. 397 et s.
61
E. ONYEMA, « L’arbitrage en Afrique », loc. cit., p. 13.
62
Ibid., p. 20.
63
Les autres critères sont : la disponibilité d’une expertise en matière d’arbitrage, l’accessibilité, les lois et
juridictions favorables à l’arbitrage, la stabilité politique, la sécurité, la situation géographique des villes,
etc.

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2.- La mauvaise qualité de la connexion Internet dans certains États

Il existe en Afrique d’importantes inégalités s’agissant de l’accès à Internet : moins


d’un tiers des Africains auraient accès à Internet64. Ceci s’explique par le fait qu’alors
qu’un pays est correctement connecté lorsqu’il reçoit sur ses terres trois câbles sous-
marins de fibre optique, de nombreux pays africains ne sont reliés qu’à un seul câble
(Guinée-Bissau, Congo) ou deux (Bénin). Dans d’autres États, c’est le réseau de fibre
optique terrestre qui est relativement fragile. Le taux de pénétration de la 3G/4G en
Afrique n’atteint que 25 % en moyenne des populations65. Selon une liste dressée par le
magazine américain Ceoworld, aucun pays africain ne figure dans le top 50 des
meilleures connexions du monde66. Le retard de l’espace OHADA en matière de
connectivité est donc avéré. La vitesse de téléchargement reste limitée lorsque cela est
possible et la qualité des bandes passantes est parfois déplorable.

Comme les autres utilisateurs, les centres d’arbitrage sont victimes des coupures
d’Internet et d’une connexion de mauvaise qualité67 ; ce qui peut être particulièrement
handicapant pour leurs activités. En effet, comment envisager une audition de témoins
à distance sans connexion Internet fiable ? Pourquoi engager des coûts d’abonnement à
des plateformes comme MS Teams si on n’est pas sûr de pouvoir utiliser de manière
optimale les services correspondants ? Pourra-t-on imposer à une partie, sans enfreindre
le principe de l’égalité de traitement, l’organisation d’une audience virtuelle alors qu’elle
se trouve dans une ville exposée au délestage électrique ? Tout cela peut en partie
expliquer les « réticences » de certains centres d’arbitrage à n’utiliser que les voies
électroniques. Au Centre de médiation et d’arbitrage du GICAM par exemple, quand
bien même une communication est faite par voie électronique, le document papier
concerné est généralement envoyé aux destinataires68. Plutôt que de prendre le risque
de ne pouvoir mener à bien l’audition à cause d’une connexion Internet défaillante,

64
K. POILREAULT, « Pourquoi les connexions Internet sont plus fragiles en Afrique », Jeune Afrique [en
ligne], 29 avril 2020. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.jeuneafrique.com/936874/economie/pourquoi-les-connexions-Internet-sont-plus-
fragiles-en-afrique/>.
65
Banque Mondiale, « Garantir l’accès au haut débit pour tous en Afrique – un enjeu à 100 milliards de
dollars », Banquemondiale.org [en ligne], 17 octobre 2019. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur
Internet : <https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2019/10/17/achieving-broadband-
access-for-all-in-africa-comes-with-a-100-billion-price-tag>.
66
M. DIOP, « Internet : voici les 5 pays africains disposant des meilleurs débits de connexion, selon
Ceoworld », Le 360 Afrique.com [en ligne], 25 février 2020. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur
Internet : <https://afrique.le360.ma/maroc-tunisie/societe/2020/02/25/29624-Internet-voici-les-5-pays-
africains-disposant-des-meilleurs-debits-de-connexion-selon>.
67
C. DU PAC DE MARSOULIES, Nouvelles technologies et centres d’arbitrage en Afrique, op. cit.
68
Cette pratique se rapproche de celle décrite à l’article 12 (b) des règles IBA sur l’administration de la
preuve dans l’arbitrage international qui dispose que « sauf accord contraire des Parties, ou en l’absence
d’accord sur décision du tribunal arbitral, les Documents qu’une Partie conserve sous forme électronique,
doivent être déposés ou produits sous la forme la plus pratique ou économique afin d’être raisonnablement
exploitables par leurs destinataires ». Les Règles IBA sont consultables sur International Bar Association
[en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.ibanet.org/Publications/publications_IBA_guides_and_free_materials.aspx>.

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certains centres encourageront le tribunal arbitral à convoquer les témoins en présentiel.


La pandémie de la COVID-19 a cependant montré que l’audition physique n’est pas
toujours possible.

3.- L’absence de formation du personnel administratif à l’usage des TIC

L’adoption d’une technologie suppose que ses utilisateurs en maîtrisent le


fonctionnement. L’influence d’Internet est aujourd’hui telle que tous les acteurs de
l’arbitrage, y compris le personnel des centres d’arbitrage, l’utilisent quotidiennement.
La transmission de documents par voie électronique ou l’échange par e-mail ne poseront
donc pas particulièrement de difficultés au personnel d’un centre. Mais, lorsqu’il s’agit
d’organiser des réunions virtuelles en prévoyant de multiples salles d’attente et un
système organisé de prise de parole, de planifier de réunions sur Doodle, de partager un
écran pour montrer des documents, l’on ne peut pas préjuger de la compétence de ce
personnel69. Il doit pourtant être en première ligne pour porter assistance aux arbitres
et aux parties dans la prise en main des TIC. Le personnel des centres aura probablement
besoin de tutoriels pour se familiariser avec la technologie, la plateforme, les
applications et l’équipement à utiliser pendant les audiences virtuelles70 par exemple.
Une formation sera également nécessaire pour les traducteurs à qui il sera demandé de
faire une interprétation simultanée ou consécutive dans un environnement particulier,
les transcripteurs ne devront pas être en reste.

Le recours à l’intelligence artificielle pour le choix des arbitres demeure marginal


dans les centres d’arbitrage de l’espace OHADA71. Le processus d’insertion des TIC dans
la conduite des procédures dans les centres d’arbitrage de l’espace OHADA prendra
probablement un certain temps, mais il s’avère capitale pour le rayonnement de
l’arbitrage OHADA.

II.- Plaidoyer pour le développement des TIC dans les centres d’arbitrage
de la zone OHADA

Le développement des TIC dans les centres d’arbitrage de la zone OHADA est une
nécessité à plusieurs égards. Il accroîtra la visibilité des centres, facilitera leur
accessibilité aux investisseurs étrangers, et créera de nouvelles opportunités pour divers

69
K. DOGUE, La médiation en ligne, intervention lors de la 12e matinée de formation de l’ERSUMA,
17 septembre 2020, sur le thème « Comment pratiquer la médiation en ligne pendant la crise sanitaire de
la COVID-19 ».
70
Cour internationale d’arbitrage, « Note d’orientation sur les mesures possibles visant à atténuer les effets
de la pandémie du COVID-19 (Annexe I) », Iccwbo.org [en ligne], 9 avril 2020. [Consulté le 30 avril 2021]
Disponible sur Internet : <https://iccwbo.org/content/uploads/sites/3/2020/05/guidance-note-possible-
measures-mitigating-effects-covid-19-franais.pdf>.
71
Sur le sujet de l’emploi de l’intelligence artificielle en arbitrage, lire J.-B. RACINE, « Arbitrage et
intelligence artificielle », Revue de l’arbitrage, Comité français de l’Arbitrage, 2019, volume 2019, no 4,
p. 1025-1067.

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corps de métiers (informaticiens, IT Manager, webmaster, etc.). Les centres d’arbitrage


ne sont pas les seuls à devoir œuvrer dans ce sens (A), les autres acteurs de l’arbitrage à
savoir les arbitres et les parties ont également un important rôle à jouer (B).

A.- Le rôle déterminant des centres d’arbitrage


dans la promotion de l’arbitrage virtuel

Afin d’accroître l’usage des TIC dans la conduite des procédures arbitrales, les
centres pourraient modifier leur règlement d’arbitrage (1), s’équiper du matériel
adéquat (2), et enfin élaborer des guides d’usage des TIC à destination des parties et des
arbitres (3).

1.- La révision des règlements d’arbitrage

Les règlements d’arbitrage des centres régissent insuffisamment l’usage du


numérique dans les procédures arbitrales. Or, le contenu de leurs règlements d’arbitrage
est susceptible d’influencer le choix des parties et des arbitres en la matière. La crise
sanitaire ayant révélé la nécessité de repenser les méthodes de travail dans les centres,
quels sont les points qui pourraient être abordés dans les règlements d’arbitrage pour
encourager le recours aux TIC ?

• La tenue d’une vidéoconférence

Les règlements d’arbitrage de certains centres de l’espace OHADA ne contiennent


aucune disposition relative à l’organisation d’audiences / réunions virtuelles au cours
des procédures. C’est le cas du règlement d’arbitrage du Centre d’arbitrage, de médiation
et de conciliation de la chambre de commerce et d’industrie du Bénin. Comme la CCI,
les centres d’arbitrage de la zone OHADA pourraient encourager les parties et les
arbitres à prévoir des réunions à distance, en insérant dans leur règlement des
dispositions organisant ce type de rencontres. Elles ont pour avantages un gain de temps,
la réduction des coûts, la diminution des risques de contamination en cas de pandémie,
etc.

• La signature électronique des documents

La problématique de la signature électronique n’a quasiment pas été abordée dans


les règlements d’arbitrage. Or, qui dit réunion à distance, dit potentiellement signature
électronique. Le Règlement d’arbitrage de la CCJA par exemple est silencieux sur le
moyen de signature du procès-verbal lorsque la réunion de cadrage se déroule par
visioconférence. Il évoque cependant la signature électronique à plusieurs reprises,
notamment aux articles 5 et 6 relatifs à la demande et à la réponse à la demande

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Juin 2021, n° 3
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d’arbitrage72. L’article 82 alinéa 1 de l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial


général (AUDCG) dispose que « les documents sous forme électronique peuvent se
substituer aux documents sous forme papier et sont reconnus comme équivalents
lorsqu’ils sont établis et maintenus selon un procédé technique fiable qui garantit à tout
moment l’origine du document et son intégrité au cours des traitements et transmission
électronique ». Aux termes du dernier alinéa de cet article, l’usage d’une signature
électronique qualifiée est considéré comme un procédé technique fiable73. Achille
Ngwanza déduit de l’AUDCG qu’un tribunal arbitral peut décider que la signature du
procès-verbal se fera par voie électronique, soit en scannant la signature soit en utilisant
une signature électronique proprement dite74. Une telle option permet de réduire les
délais de transmission qui en temps de crise sanitaire peuvent être particulièrement
longs si l’on choisit l’envoi papier.

• La cybersécurité

Les centres d’arbitrage ont un rôle central dans la protection des données échangées
électroniquement au cours des procédures d’arbitrage. En effet, ils sont les mieux placés
pour mettre en place des stratégies de cybersécurité. Les arbitres peuvent également
dans les ordonnances de procédure, prendre des mesures adaptées à chaque cas. Sans
entrer dans le détail de la règlementation ni des procédés, le règlement d’arbitrage
pourrait faire référence à telle loi nationale75 ou à telle convention internationale76 pour
rappeler aux parties le contexte du recours aux TIC, les implications et les
responsabilités. L’évocation même rapide de la protection des données et des impératifs
de cybersécurité, rassurerait davantage les parties sur la fiabilité des procédures
électroniques.

Il reviendra aussi au législateur de l’OHADA de compléter l’AUA en y insérant des


dispositions en lien avec l’arbitrage à distance. Il pourrait par exemple s’attacher à
sécuriser l’acte électronique en tant que mode de preuve en précisant sa recevabilité et
sa force probante77. À l’heure actuelle, parmi les pièces exigées pour la procédure

72
A. NGWANZA, L’arbitrage CCJA à l’épreuve de la pandémie du coronavirus, op. cit., p. 33.
73
Pour en savoir plus sur l’introduction des TIC dans l’AUDCG, lire T. PIETTE-COUDOL, « Révision de
l’AUDCG : ouverture à la dématérialisation et aux échanges électroniques sécurisés », Institut-idef.org [en
ligne], avril 2011. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <http://www.institut-
idef.org/IMG/pdf/AUDCG_TIC_commentTPC_1_.pdf>.
74
A. NGWANZA, L’arbitrage CCJA à l’épreuve de la pandémie du coronavirus, op. cit., p. 33.
75
Telle que la loi ivoirienne no 2013-451 du 19 juin 2013 relative à la lutte contre la cybercriminalité,
consultable sur Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire, Droit-afrique.com [en ligne], 12 août 2013.
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <http://www.droit-afrique.com/upload/doc/cote-
divoire/RCI-Loi-2013-451-lutte-cyber-criminalite.pdf>.
76
Telle que la « Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à
caractère personnel », adoptée le 27 juin 2014, consultable sur Au.int [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021]
Disponible sur Internet : <https://au.int/sites/default/files/treaties/29560-treaty-0048_-
_african_union_convention_on_cyber_security_and_personal_data_protection_f.pdf>.
77
L’article 1366 du Code civil français par exemple, pose deux conditions pour qu’un écrit électronique
soit reconnu comme preuve au même titre qu’un document papier : la personne dont il émane doit être

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Juin 2021, n° 3
141

d’exéquatur, figure la sentence arbitrale en originale ou en copie78. Aussi, il est difficile


d’envisager l’apposition de la formule exécutoire sur une copie électronique de la
sentence79.

2.- La mise en place de supports techniques standards dans les centres

La dématérialisation des procédures d’arbitrage et notamment l’organisation


d’audiences virtuelles suppose l’achat d’un support technique minimum par les centres.
En effet, la technologie de conférence a fait beaucoup de progrès80. De manière générale,
tous les participants (parties, conseils, arbitres, secrétaire du tribunal) doivent avoir un
appareil électronique doté d’un microphone et d’une caméra fonctionnels, un accès
Internet haut débit fluide, et un casque d’écoute81. Ils doivent aussi pouvoir scanner des
documents. Le centre d’arbitrage devra, en plus, s’abonner à une plateforme de
visioconférence. Idéalement, il doit pouvoir faire appel, surtout en cas d’organisation de
visioconférences, à un personnel « support » ayant l’expertise nécessaire. Il peut arriver
que l’une des parties ne puisse se connecter de manière autonome et qu’il faille qu’elle
se rende dans les locaux du centre, alors que la partie adverse se trouve dans un autre
pays. Afin de réduire les coûts, les centres d’arbitrage situés dans un même État
pourraient partager les frais d’abonnement à une solution de vidéo-collaboration
sécurisée, et en faire un usage partagé.
Le fait que les centres d’arbitrage de l’espace OHADA n’aient pas réellement
communiqué, pendant la crise sanitaire, sur les moyens mis en œuvre pour permettre la
continuité des procédures pendantes devant eux, montre les efforts qu’il reste à faire en
matière d’arbitrage virtuel. Le CIRDI par exemple a annoncé que le dépôt électronique
était désormais la procédure normale, et que les décisions et les sentences arbitrales
seraient rendues par voie électronique. Mais s’il a pu aussi rapidement changer de cap,

dûment identifiée et l’écrit doit être établi et conservé dans les conditions de nature à en garantir
l’intégrité. Sur la dématérialisation de la justice privée, voir « L’arbitrage en ligne », groupe de travail
présidé par T. CLAY, Le Club des juristes [en ligne], avril 2019. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur
Internet : <https://www.leclubdesjuristes.com/wp-content/uploads/2019/04/Rapport-arbitrage-en-ligne-
Club-des-juristes-avril-2019.pdf>.
78
Article 30 de l’AUA
79
N. AKA, A. FÉNÉON et J.-M. TCHAKOUA, Le nouveau visage de l’arbitrage et de la médiation en Afrique
[OHADA], Paris, LGDJ, 2018, p. 148.
80
J. NICHOLL, H. GRAY et E. VAN EYKEN, « Canada : Covid-19 Disputes : Conclusions finales par
vidéoconférence – « Le spectacle continue ! », Clyde & Co [en ligne], 8 avril 2020, mise à jour 23 mai 2020.
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.mondaq.com/canada/arbitration-
dispute-resolution/939424/covid-19-disputes-conclusions-finales-par-vidoconfrence--le-spectacle-
continue->.
81
Conférence des arbitres du Québec, « Guide sur l’arbitrage par visioconférence », Conférence des arbitres
du Québec [en ligne], 15 septembre 2020, p. 4. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<http://www.conference-des-arbitres.qc.ca/documents/files/guide-sur-l-arbitrage-et-la-mediation-par-
visioconference-15-sept-2020.pdf>.

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c’est grâce aux investissements faits depuis quelques années, dans les systèmes de
technologies de l’information82.

3.- L’élaboration de guides à l’usage des acteurs de l’arbitrage

Il peut y avoir des réticences à changer des habitudes et des façons de faire. En effet,
l’usage de la visioconférence par exemple pour tenir une audience, peut au départ
donner l’impression aux parties de faire un saut dans l’inconnu. Un travail psychologique
doit être fait en amont pour minimiser les craintes83. Afin de faciliter le recours à la
visioconférence au cours des procédures, un certain nombre d’institutions arbitrales ou
de comités de savants ont élaboré des guides ou rédigé des notes à destination de la
communauté arbitragiste. La CCI a par exemple publié en avril 2020, une « note
d’orientation sur les mesures possibles visant à atténuer les effets de la pandémie du
Covid- 19 »84. Elle y rappelle les outils procéduraux destinés à réduire les retards liés à la
pandémie, et fournit des conseils sur l’organisation d’audiences virtuelles. En annexe,
ladite note contient une liste de vérifications à effectuer par les parties et le tribunal
arbitral lors de la rédaction d’un protocole d’audiences virtuelles. Elle propose aussi des
clauses types pour les cyber-protocoles et les ordonnances de procédure relatives à
l’organisation des audiences virtuelles. Un tel document, ayant à la fois un aspect très
pratique mais également pédagogique, pourrait être produit par les centres d’arbitrage
de la zone OHADA, non seulement pour situer les parties et les arbitres sur les
possibilités offertes quant au recours au numérique, mais également les aider à
appréhender ces nouveaux modes de travail.

La Conférence des arbitres du Québec a également élaboré un guide sur l’arbitrage


par visioconférence qui pourrait inspirer les centres africains85. Il traite des équipements
techniques nécessaires pour réussir une visioconférence au cours d’un arbitrage, des
problématiques de sécurité et de confidentialité que posent ce mode de communication
en arbitrage, de la preuve documentaire, des conditions d’enregistrement des débats,
etc. Il y a aussi le guide des audiences virtuelles produit par l’American Arbitration
Association et l’International Centre for Dispute Resolution86 qui donne des conseils

82
Dans le rapport annuel 2020 du CIRDI, le Centre met un coup de projecteur sur la technologie utilisée
et vante la robustesse de sa sécurité avec un chiffrement de bout en bout, une transcription en temps réel
par sténographie judiciaire, etc. « Rapport annuel du CIRDI 2020 », Icsid.worldbank.org [en ligne], 2020.
[Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://icsid.worldbank.org/sites/default/files/publications/ICSID_AR20_French_CRA_Web.pdf>.
83
Conférence des arbitres du Québec, « Guide sur l’arbitrage par visioconférence », loc. cit., p. 3.
84
Cour internationale d’arbitrage, « Note d’orientation sur les mesures possibles visant à atténuer les effets
de la pandémie du COVID-19 (Annexe I) », loc. cit.
85
Conférence des arbitres du Québec, « Guide sur l’arbitrage par visioconférence », Barreau.qc.ca [en
ligne], loc. cit.
86
American Arbitration Association, « AAA-ICDR® Virtual Hearing Guide for Arbitrators and Parties
Utilizing Zoom », Adr.org [en ligne], 2021. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://go.adr.org/rs/294-SFS-

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143

techniques pour l’organisation d’une visioconférence. Le protocole sur la


visioconférence dans l’arbitrage international, du Conseil coréen d’arbitrage
commercial, est quant à lui destiné à servir de guide des meilleures pratiques de
planification et d’organisation des vidéoconférences dans ce type d’arbitrage87. Le
« online video mediation. 3 keys to determine wether you should use it now » a été élaboré
pour la médiation, mais il peut être utile en arbitrage88. Écrit par l’Institut d’arbitrage et
de médiation du Canada et l’ADR Institute of Ontario, ce document revient sur les
aspects techniques et psychologiques du recours à la visioconférence dans les MARD89.

En Afrique, l’Africa Arbitration Academy (AAA)90 a, aux premières heures de la


pandémie, élaboré le « protocol of virtual hearings in Africa 2020 »91. Ce dernier fournit
des lignes directrices et les meilleures pratiques en matière d’arbitrage à distance en
Afrique, il encourage les institutions arbitrales à faire expressément référence à
l’arbitrage en ligne dans leurs règlements d’arbitrage, et enfin propose aux
gouvernements des normes et principes directeurs à insérer dans les lois sur l’arbitrage.
Ledit protocole promeut la présentation électronique des preuves au cours des
audiences. Les centres d’arbitrage de l’espace OHADA pourraient aisément s’inspirer du
protocole proposé par l’Africa Arbitration Academy pour élaborer les leurs.

B.- La contribution des arbitres et des parties


à la promotion de l’arbitrage en ligne

Les acteurs de l’arbitrage en zone OHADA devront accepter de changer leurs


habitudes pour accroître le recours aux TIC dans les procédures. En effet, comme ailleurs
dans le monde, un effort collectif de la communauté arbitragiste est nécessaire pour
repenser les méthodes de travail92. Les parties doivent être sensibilisées car elles peuvent

516/images/AAA269_AAA%20Virtual%20Hearing%20Guide%20for%20Arbitrators%20and%20Parties%2
0Utilizing%20Zoom.pdf>.
87
Ce protocole a été lancé à la 7e conférence ADR Asie-Pacifique tenue à Séoul les 5-6 novembre 2018.
88
Institut d’arbitrage et de médiation du Canada, « Online Video Mediation. 3 keys to determine wether
you should use it now », Adr-ontario.ca [en ligne], avril 2020. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur
Internet : <https://adr-ontario.ca/wp-content/uploads/2020/04/OnlineMediation_Brochure_Final.pdf>.
89
Voir également en matière de médiation le « Manuel de pratique de la médiation civile et commerciale
à distance », élaboré par le Barreau du Québec, Barreau.qc.ca [en ligne], novembre 2014. [Consulté le
30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.barreau.qc.ca/media/1133/manuel-mediation-civile-
commerciale-distance.pdf>.
90
Africa Arbitration Acadamy [en ligne]. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet :
<https://www.africaarbitrationacademy.org/dean-of-the-academy/>.
91
D. RATOVONAVALONA, « La souveraineté permanente sur les ressources naturelles en matière
d’investissement », mémoire, Université d’Antananarivo, 9 novembre 2009. Consultable par les ressources
documentaires de l’Université d’Antananarivo [en ligne], 2009. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur
Internet : <http://biblio.univ-antananarivo.mg/pdfs/ratovonavalonaDominique_DT_M1_09.pdf>.
92
Club des juristes, « Quel va être l’impact de la pandémie sur l’arbitrage commercial international, et en
particulier sur l’arbitrage CCI ? » Chronique, Les Échos.fr [en ligne], 3 avril 2020. [Consulté le 30 avril 2021]
Disponible sur Internet : <https://business.lesechos.fr/directions-juridiques/droit-des-
affaires/contentieux/0603013233579-coronavirus-l-arbitrage-commercial-international-passe-aux-
audiences-virtuelles-336438.php>.

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préférer subir des délais importants plutôt que renoncer à une audience physique. Leurs
conseils ainsi que les centres peuvent les inciter à signer dès l’entame de la procédure
des cyber-protocoles (1). L’important pouvoir de gestion de la procédure, détenu par le
tribunal arbitral, lui permet dans une certaine mesure, d’encourager les parties à l’usage
du numérique dans la procédure (2).

1.- L’incitation à la signature de cyber-protocoles par les parties

Des questions générales pourront certes être traitées dans les règlements d’arbitrage
ou les guides édités par les centres, mais chaque procédure est particulière. Toute
audience virtuelle nécessitera, par exemple, une consultation des parties et du tribunal
arbitral afin de mettre en œuvre des mesures suffisantes pour se conformer au principe
de confidentialité des audiences et des communications en arbitrage93. Le cyber-
protocole définira précisément divers points tels que le cadre et la logistique préalable à
l’audience, les besoins techniques et le personnel de support éventuel, les mesures de
sécurité et de confidentialité, les règles de présentation des preuves et auditions des
témoins / experts, les règles de respect du contradictoire, etc.94

L’organisation d’une audience virtuelle au cours d’une procédure arbitrale n’est


donc pas aussi simple qu’il n’y paraît. La collaboration des parties est indispensable et
leur adhésion est déterminante pour la dématérialisation des procédures arbitrales. La
signature d’un cyber-protocole entre elles facilitera le respect des normes sécuritaires et
confidentielles. Elles pourront difficilement par la suite demander l’annulation de la
procédure pour tel ou tel motif. Au besoin, une ordonnance de procédure enjoignant
aux parties le respect de certaines règles aura le même effet95. En tout état de cause, il
faudra mettre en place « un système de contrôle du flux d’activités (message,
participation, gestion de la parole) »96.

2.- Le choix du numérique par les arbitres dans la conduite des procédures

Lorsque les textes du centre d’arbitrage sont muets sur un certain nombre de
problématiques relatives à l’usage des TIC, le tribunal arbitral peut en toute liberté
prendre des mesures pour privilégier par exemple, l’échange électronique des pièces. Les
parties et les conseils pourraient manifester une certaine réserve en ce qui concerne
l’organisation des auditions à distance. En effet, les praticiens de l’arbitrage s’accordent
à dire que les propos d’un témoin sont aussi importants que les non-dits qui
transparaissent dans la communication non verbale. De fait, pour beaucoup de
praticiens, le dialogue en présence des parties, leurs voix et leur langage corporel

93
Cour internationale d’arbitrage, « Note d’orientation sur les mesures possibles visant à atténuer les effets
de la pandémie du COVID-19 », loc. cit.
94
Ibid.
95
Conférence des arbitres du Québec, « Guide sur l’arbitrage par visioconférence », loc. cit., p. 7.
96
K. DOGUE, La médiation en ligne, intervention lors de la 12e matinée de formation de l’ERSUMA, op. cit.

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influencent le tribunal arbitral97. Il reviendra en première ligne à l’arbitre de rassurer les


uns et les autres sur l’efficacité de la visioconférence et mettre en avant ses avantages98,
puisqu’il lui appartient en dernier ressort d’autoriser ce type de procédé. Les arbitres
dans telle affaire sont parfois des conseils dans telle autre affaire. Ils pourraient inviter
les acteurs économiques à prévoir, dans les clauses d’arbitrage, l’usage de telle ou telle
technologie au cours du règlement d’un éventuel différend.

En conclusion, afin d’être plus compétitifs et assurer la continuité des procédures,


les centres d’arbitrage de l’espace OHADA devraient faire des efforts supplémentaires
pour « s’emparer » des TIC et organiser leur utilisation au cours des procédures
arbitrales. La désorganisation des juridictions étatiques aux premières heures de la
pandémie a une fois de plus montré que les MARD constituaient une alternative crédible
à la justice étatique. Cette dernière aura probablement plus de difficultés à recourir aux
TIC pour conduire les procédures judiciaires99. On peut espérer dans le futur une
croissance du nombre d’affaires portées devant les institutions arbitrales de l’espace
OHADA, des litiges confiés tant par les acteurs économiques nationaux, que par les
investisseurs étrangers. La révolution numérique n’aura pas lieu d’un seul coup dans ces
centres d’arbitrage ; un certain temps est nécessaire pour préparer les esprits aux
changements. Les centres qui n’ont pas prévu de réunions virtuelles au cours des
arbitrages devront tout au moins, dans un premier temps, permettre que la réunion de
cadrage ait lieu en ligne. Ceux qui prévoient des réunions de cadrage à distance pourront
faire un pas supplémentaire en permettant également la tenue des audiences en ligne.
Passer à l’âge adulte pour les centres d’arbitrage de l’espace OHADA, c’est aussi
améliorer significativement les services proposés aux potentielles parties à l’arbitrage et
anticiper leurs besoins. Une fois les contraintes de l’espace et du temps vaincues grâce à
l’usage des TIC, les centres d’arbitrage africains seront plus à même de faire valoir leur
savoir-faire sur le « marché mondial de l’arbitrage ».

97
A. MOREAUX, « L’arbitrage une procédure efficace face au COVID-19 », Affiches parisiennes [en ligne],
15 mai 2020. [Consulté le 30 avril 2021] Disponible sur Internet : <https://www.affiches-parisiennes.com/l-
arbitrage-une-procedure-efficace-face-au-covid-19-10349.html>.
98
Pour cet auteur, la visioconférence est un choix par défaut et ne peut remplacer une rencontre physique
avec les témoins ; aussi elle évoque les inconvénients des réunions à distance dans une procédure
d’arbitrage, E. SCHÄFER, « Videoconferencing in arbitration », ICC International Court of Arbitration,
printemps 2003, bulletin vol. 14/no 1, p. 35 et s.
99
Sur l’émergence des tribunaux virtuels au Canada, N. VERMEYS, M.-F. ACEVEDO LANAS, « L’émergence et
l’évolution des tribunaux virtuels au Canada – L’exemple de la Plateforme d’aide au règlement des litiges
en ligne (PARLe) », Revue juridique de la Sorbonne, juin 2020, no 1, p. 22-51.

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