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Savitri Devi - Paul de Tarse, Ou Christianisme Et Judaisme
Savitri Devi - Paul de Tarse, Ou Christianisme Et Judaisme
Savitri Devi - Paul de Tarse, Ou Christianisme Et Judaisme
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Savitri Devi
question, déjà soixante-dix ans avant lui, d'un grand Initié ou Maître
spirituel -- d'un «Maître de Justice» -- dont on attendrait un jour le
retour. De la carrière extraordinaire de Jésus, de ses guérisons
miraculeuses innombrables, de son enseignement pendant trois ans
entiers au milieu du peuple de Palestine, de son entrée triomphale à
Jérusalem, si brillamment décrite dans les Evangiles canoniques, de son
procès et de sa crucifixion (accompagnée, selon les Evangiles
canoniques, d'événements aussi frappants qu'un tremblement de terre,
que l'obscurcissement du ciel à trois heures de l'après-midi, et que le
fait que le voile du Temple se serait de lui-même déchiré en deux) il
n'est pas dit un seul mot dans les parchemins de ces ascètes -- hommes
éminemment religieux, que de tels événements auraient dû intéresser.
Il semblerait, d'après ces «parchemins de la Mer Morte», -- je
recommande à ceux que cela intéresse de lire l'étude qu'en a publiée
John Allegro, en langue anglaise -- ou bien que Jésus n'ait produit
aucune impression sur les esprits religieux de son temps aussi avides de
sagesse et aussi bien informés que paraissent l'avoir été les ascètes du
monastère en question, ou bien ... qu'il n'ait simplement jamais existé!
Si troublante qu'elle soit, cette conclusion doit être placée devant le
public mondial et en particulier devant le public chrétien, après les
récentes découvertes.
Saul, appelé Paul, était un Juif et, ce qui est plus, un Juif orthodoxe en
même temps que lettré; un Juif imbu de la conscience de sa race et du
rôle de «peuple élu» que celle-ci devait, d'après la promesse de Yahvé,
jouer dans le monde. Il était l'élève de Gamaliel, l'un des théologiens
juifs les plus réputés de son temps -- théologien de l'Ecole des
Pharisiens; celle que, précisément d'après les Evangiles, le Prophète
Jésus, que l'Eglise chrétienne devait plus tard élever au rang de Dieu,
aurait le plus violemment combattue pour son orgueil, son hypocrisie,
son habitude de couper les cheveux en quatre et de faire passer la lettre
de la loi juive avant son esprit -- avant, du moins, ce qu'il croyait être
son esprit; il n'est pas dit que Saul n'ait pas eu, là-dessus, une idée
différente de la sienne. De plus -- et ceci est très important -- Saul était
un Juif lettré et conscient né et élevé hors de Palestine, dans une de ces
villes de l'Asie Mineure romaine qui avait succédé à l'Asie Mineure
hellénistique en en gardant tous les caractères: Tarse, où le grec était la
«lingua franca» de tout le monde et où le latin devenait, lui aussi, de
plus en plus familier, et où l'on rencontrait des représentants de tous les
peuples du Proche Orient. En d'autres termes, c'était déjà un Juif de
«ghetto», possédant, outre une connaissance profonde de sa tradition
israélite, une compréhension du monde des «Goyim» -- des non-Juifs --
qui devait plus tard lui être très précieuse; il le connaissait infiniment
mieux que la plupart de ces Juifs de Palestine du milieu desquels étaient
sortis les tout premiers fidèles de la nouvelle secte religieuse de laquelle
il était destiné, lui, à faire le christianisme tel que nous le voyons.
Il est dit dans les «Actes des Apôtres» qu'il fut d'abord un persécuteur
acharné de la nouvelle secte. Les adhérents de celle-ci ne
méprisaient-ils pas la loi juive, au sens strict du mot? L'homme qu'ils
reconnaissaient pour chef, et qu'ils disaient ressuscité d'entre les morts,
ce Jésus, que Saul, lui, n'avait jamais vu, n'avait-il pas donné l'exemple
de la non-observance du Sabbat, de la négligence des jours de jeûne, et
d'autres transgressions fort blâmables des règles de vie dont un Juif ne
doit point se départir? On disait même qu'un mystère, qui ne signifiait
rien de bon, planait sur l'histoire de sa naissance; qu'il n'était peut-être
pas du tout d'origine juive -- qui sait? Comment ne pas persécuter une
telle secte, quand on est un Juif orthodoxe, élève du grand Gamaliel? Il
fallait préserver du scandale les observateurs de la Loi. Saul, qui avait
déjà fait preuve de zèle en étant présent à la lapidation d'Etienne -- l'un
des premiers prêcheurs de la dangereuse secte -- continua de défendre
la Loi et la tradition juives contre ceux qu'il considérait comme des
hérétiques, jusqu'à ce qu'il comprit enfin qu'il y avait mieux -- beaucoup
L'histoire telle que la raconte l'Eglise chrétienne veut que ce soit là qu'il
ait eu soudain une vision de Jésus -- qu'il n'avait, je le répète, jamais vu
«selon la chair» -- et qu'il ait entendu la voix de ce dernier lui disant:
«Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?», voix à laquelle il ne put
résister. Il aurait, de plus, été aveuglé par une lumière éblouissante et se
serait senti jeté à terre. Transporté à Damas -- toujours d'après ce même
récit des «Actes des Apôtres» -- il y aurait rencontré l'un des fidèles de
la secte qu'il était venu combattre, homme qui, après lui avoir rendu la
vue, lui aurait donné le baptême et l'aurait reçu dans la communauté
chrétienne.
Il est superflu de dire que ce récit miraculeux ne peut être accepté tel
quel que par ceux qui partagent la foi chrétienne. Il n'a, comme tous les
récits de ce genre, aucune valeur historique. Ceux qui, sans idées
préconçues, cherchent une explication plausible -- vraisemblable,
naturelle -- de la manière dont les choses se sont passées, ne peuvent
s'en contenter. Et l'explication, pour être plausible, doit rendre compte
non seulement de la transformation de Saul en Paul -- du défenseur
acharné du Judaïsme en fondateur de l'Eglise chrétienne telle que nous
la connaissons -- mais encore de la nature, du contenu et de la direction
de son activité après sa conversion; de la logique interne de sa carrière,
autrement dit du lien psychologique plus ou moins conscient entre son
passé anti-chrétien et sa grande oeuvre chrétienne. Toute conversion
implique un lien entre le passé du converti et le reste de sa vie, une
raison profonde, c'est-à-dire une aspiration permanente du converti,
que l'acte de conversion satisfait; une volonté, une direction
permanente de vie et d'action, dont l'acte de conversion est l'expression
et l'instrument.
Or, étant donné tout ce que nous savons de lui et surtout de la suite de
sa carrière, il n'y a qu'une volonté profonde fondamentale, inséparable
de la personnalité de Paul de Tarse à tous les stages de sa vie, qui puisse
fournir l'explication de son «chemin de Damas», et cette volonté, c'est
celle de servir le vieil idéal juif de domination spirituelle, complément et
couronnement de celui de domination économique. Saul, Juif
orthodoxe, Juif conscient, qui avait combattu la nouvelle secte en tant
qu'elle constituait un danger pour l'orthodoxie juive, ne pouvait
renoncer à son orthodoxie et devenir l'âme et le bras précisément de
cette secte si dangereuse, qu'après avoir compris que, remaniée par lui,
transformée, adaptée aux exigences du vaste monde des «Goyim» -- des
«Gentils» des Evangiles -- interprétée, s'il le fallait, de manière à
donner, comme le dira plus tard Nietzsche, «un sens nouveau aux
mystères antiques», elle pouvait devenir pendant des siècles, sinon pour
toujours, l'instrument le plus puissant de la domination spirituelle
d'Israël; la voie par laquelle se réaliserait, le plus sûrement et de la
façon la plus définitive, la «mission» du peuple juif qui était, selon lui,
celle de régner sur les autres peuples, et de les asservir moralement tout
non-Juifs. Il n'y a, pour lui, que ce moyen en effet d'assurer à son peuple
la domination spirituelle de l'avenir. Son génie -- non religieux, mais
politique -- consiste à l'avoir compris.
Il est temps que les Gentils ouvrent enfin les yeux à cette réalité de deux
mille ans; qu'ils en saisissent toute la poignante actualité et qu'ils
réagissent en conséquence.