Styles Vestimentaires
Styles Vestimentaires
Styles Vestimentaires
"Casual chic". Deux mots que tout le monde connaît, pourtant leur association n’est pas toujours
limpide. Qu’est-ce donc que ce damné casual chic que l’on voit partout ?
(Photo by Victor VIRGILE/Gamma-Rapho via Getty Images)
Dans les magazines, les campagnes de pub, les forums, le casual chic est partout. Il a infiltré le
vestiaire masculin il y a plusieurs décennies mais demeure dépendant de tendances : la définition du
casual, et surtout du chic, évolue selon les modes et les époques !
Dans les années 90, il s’agissait de porter un blazer aux épaules gigantesques sur un tee-shirt bariolé.
Dans les années 2000, c’était chemise/cravate portées avec un jean et des baskets montantes.
Note : Vous vous demandez ou acheter des pièces casual chic ? On vient de sortir notreguide ultime
des marques, qui est une compilation de toutes les marques préférées de l'équipe BonneGueule,
souvent peu connues, au rapport qualité/prix avantageux.
Il y en a plus de 380, et elles sont triées par budget et par type de pièce pour simplifier la lecture.
Bref, un condensé de pépites et de bons plans en 8 pages, acquis en 10 ans de pratique.
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See ? Casual !
1. CASUAL ?
"Casual" fait référence au vestiaire décontracté dans son ensemble. Bermudas d’été, chinos en
gabardine, joggings en flanelle ou sneakers basses en toile : tout ce qui sort d’un registre formel
trouve généralement sa place sous l’étiquette casual.
Ce qui définit ce type de vêtement n’est donc pas lié à son esthétique, à sa fabrication, ni même à sa
qualité mais presque exclusivement à sa destination, son usage.
2. CHIC ?
Le "chic", lui, est un peu plus difficile à définir. Ce qui est chic pour certains peut ne pas l‘être pour
d’autres, quoique sa proximité avec la notion d’élégance, plus consensuelle, le rende relativement
objectif. Par exemple : on peut difficilement faire plus chic que le costume... et difficilement mieux le
porter que Jon Hamm.
(Photo by Jason LaVeris/FilmMagic)
Si le costume a tendance à mettre tout le monde d'accord, la notion de chic est sujette à évolution en
fonction des tendances et de la mode, comme nous le disions plus haut.
Le costume des années 80 n’a assurément pas la même coupe que celui des années 2010, par
exemple.
Fin des 80's : cette campagne montre bien les proportions de rigueur à l'époque. Crédits : Versace
Si on va un peu plus loin dans cette exploration du chic, on note que de rares pièces traversent les
époques en l'incarnant de manière invariable. C’est le cas, par exemple, de la veste Chanel pour les
femmes.
En ce qui nous concerne, le smoking ou le complet trois pièces restent des incontournables, bien
que le cintrage et le padding suivent des modes et évoluent... Je pense aussi au polo, dont les coupes
évoluent très peu contrairement aux tee-shirts et aux chemises, mais qui conserve toujours une
certaine allure. 1
Le polo des années 30 n'a pas pris une ride... Crédits : Lacoste.
Cette petite digression nous permet de bien planter le décor du style casual chic, et il est par ailleurs
intéressant de partager nos visions sur ce type de sujet. N’hésitez pas à réagir dans la rubrique
"commentaires" !
Mais entrons maintenant dans le vif du sujet : nous verrons ce qu'est en substance le casual chic
avant de voir comment le construire à partir de basiques et de pièces un peu plus fortes.
1. DE NOMBREUX AVANTAGES...
Il sera accepté et reconnu dans votre entourage, même par des novices. Vous avez plus de
chances de recevoir les compliments de votre belle-mère en portant un ensemble
blazer/jean qu'en ninja techwear vêtu de noir (même en exécutant le look de la meilleure
manière possible)
C'est un style qui est très rassurant pour les débutants, car il y a peu de risques de
"polarisation négative". C'est donc un bon moyen d'appréhender le vêtement sans perdre en
confiance en soi
Son équilibre est très clair, à la fois masculin ET élégant ET décontracté. Il y a donc une
certaine souplesse : on peut pousser le curseur vers l'élégant ou le décontracté, en jouant sur
les chaussures par exemple. C'est d'ailleurs l'une des cordes sur lesquelles joue Alessandro
Michele chez Gucci avec ses "mules".
Car justement, le casual chic laisse une grande liberté de choix niveau chaussures : sneakers,
derby, desert boots, chelsea boots... Les possibilités sont nombreuses (allez mettre une paire
de derby dans un style streetwear, ça va être compliqué).
(Photo by Gilbert Iundt; Jean-Yves Ruszniewski/TempSport/Corbis/VCG via Getty Images)
En règle générale, la base de ce courant est bien le casual, que l’on agrémente de pièces habillées.
L’inverse, qui consisterait à partir d’une tenue habillée pour lui intégrer des éléments informels, est
plus rare car éloigné de l'esprit de base. Même si ce n'est pas impossible !
Remplacer le pantalon par un chino et les souliers par des derby suédées offre un équilibre soigné.
Sa simplicité peut aussi être source d'inconvénients et d'erreurs que je dois aborder :
L'erreur la plus commune, déjà abordée sur BonneGueule : la tenue trop fade. Une veste
grise, une chemise blanche, un jean brut et des souliers noirs, ça ne fait pas rêver. C'est
même plutôt austère. Dans ce cas précis, vous avez intérêt à mettre de l'accessoire
(pochette, bracelet) et à porter des chaussures un peu plus travaillées. Bref, attention à la
tenue trop sérieuse, trop propre !
(Photo by Edward Berthelot/Getty Images)
C'est un style tellement confortable qu'on risque de ne jamais dépasser les basiques. Ce n'est
pas un problème en soi, c'est juste dommage de passer à côté de l'incroyable richesse du
vêtement masculin, cette partie du voyage où on commence vraiment à s'amuser.
Intéressez-vous également à votre motivation : choisissez-vous ce style par sécurité (tout à fait
normal au début) ou véritablement par envie ?
Le plus important lorsque l'on souhaite se construire une tenue réside dans l'équilibre entre le
formel et le décontracté. C'est ce contraste de base que vous devez retenir. Plus vous poussez les
deux curseurs de chaque côté, plus le look sera fort.
Ici, le costume sort totalement de son habitat naturel mais le contraste est heureux.
Forcément, les associations deviendront plus audacieuses et risquées, mais c'est là que le talent et le
goût de la personne s'expriment pleinement, de manière unique et relativement à sa personnalité.
Vous le savez quand vous dites du style de quelqu'un "Il n'y a que lui qui peut porter ça, et ça lui va
parfaitement.".
Un costume porté avec des sneakers et une chemise n'est pas casual, de même qu'un jean et un tee-
shirt portés avec des double-boucles ne sont pas habillés. Le résultat peut être élégant à souhait,
stylé, réussi, super, fabuleux... Tout ce que vous voulez, sans pour autant pouvoir parler de casual
chic : c'est bien en cela que la notion d'équilibre est essentielle.
Le tee fait partie de votre quotidien, notamment en été, donc il serait dommage de s'en priver. Étant
très décontracté, il va falloir l'assortir à des éléments beaucoup plus formels. Et on peut commencer
par le porter avec une veste !
(Photo by Mark R. Milan/GC Images)
L'association blazer/tee est beaucoup plus simple à réaliser qu'il n'y paraît et est en train de se
démocratiser. Évidemment, pas question de tomber dans le look à la Ardisson. Il suffit d'opter pour
une veste qui peut avoir des épaules à la coupe assez naturelle, un tee blanc, un pantalon lisse/un
peu habillé et une paire de chaussures décontractée.
La température ne permet pas toujours de porter un blazer, et il n'y a rien de pire que de porter une
couche de trop lorsque le mercure monte. On enlève donc la veste et on choisit un pantalon
vraiment habillé pour équilibrer la décontraction du haut. À pinces, à plis, en flanelle : partez sur un
modèle dans lequel vous êtes à l'aise. Le haut pouvant être plus coloré que si vous portiez un blazer,
il vous faudra accorder le pantalon. Bleu marine et beige, vert gazon et gris... n'hésitez pas à trancher
entre le haut et le bas.
(Photo by Neil Mockford/GC Images)
Ici, le tee-shirt poche plaquée et les Vans ramènent le pantalon dans le giron du casual.
On peut commencer par une version mi-saison, où le jean est rehaussé d'une chemise à motifs avec
les manches retroussées. Elle peut être à pois, verte, rouge, ou même en daim ! Peu importe, l'idée
étant d'équilibrer la très grande sobriété du jean avec un haut plus coloré, plus "racé". On n'oublie
pas de le roulotter de quelques centimètres en bas pour plus de décontraction, et de partir sur des
souliers habillés.
Le tour est joué ! Il y a vraiment de très grandes possibilités avec cette option, donc n'hésitez pas à
vous lâcher.
Le jean brut étant la pièce tout-terrain par excellence, on le retrouve évidemment dans le casual chic.
Pour rester dans les basiques, il suffit de s'orienter vers une chemise formelle, à accessoiriser avec
une cravate ou un noeud papillon. Dans ce cas de figure, les sneakers ou ceintures de couleur sont à
propos, l'objectif étant de donner un peu de pep's à la tenue. Faites-vous plaisir sur ce point, les
couleurs sont des éléments incontournables du casual chic !
3. LE BLAZER BLEU MARINE, UN ALLIÉ FIDÈLE
Lumineux et plus sympa que sa version noire, le blazer navy est un autre de vos basiques à intégrer
dans une tenue casual. Chemise blanche ou bleu marine, chino beige et sneakers blanches : facile et
efficace !
Parce que les éléments qui la composent sont des incontournables du vestiaire masculin, cette tenue
est devenue assez courante... mais il y a d'autres façons de la détourner.
Si vous êtes plutôt svelte, une marinière sous un blazer épaissira subtilement votre silhouette.
Notez que la chemise ouverte casse le formalisme de la pièce. Si vous aimez les blazers, il va falloir
très rapidement choisir des pièces visuellement plus fortes, aux couleurs ou aux textures plus
marquées.
Ici, un blazer suffisamment simple pour être porté avec une chemise à motifs.
Enfin, on voit de plus en plus le short se faire une place dans les tenues habillées. En haut, on part
donc du blazer pour envisager plusieurs options. Avec une chemise habillée ou en lin, on choisira un
short sans pli assez court, qui apportera l'esprit casual.
Avec un polo ou un tee-shirt sous la veste, on préférera un short un peu plus habillé pour garder un
bon équilibre. Sneakers en toile, derby ou même espadrilles, et voilà, un look frais et stylé !
(Photo by Catwalking/Getty Images)
Si la maîtrise des basiques est indispensable, il ne faut cependant pas s'enfermer dans une sobriété
lassante. Porter un beau jean brut avec une belle chemise blanche, c'est bien ; mais en matière de
mode masculine, il y a bien plus à exploiter. Je ne parle même pas des inspirations de défilé, mais
simplement de quelques pièces un peu moins courantes que ces basiques portés toute l'année.
Le casual chic selon Dolce&Gabbana (S/S 20) peut servir d'inspiration mais n'est pas à copier tel
quel...
Autre exemple : pantalon blanc et veston sont des éléments très intéressants à intégrer dans une
tenue. Faites fi de la mauvaise réputation des bas blancs : ce n'est pas parce que certains se
l'approprient d'une manière catastrophique qu'il faut renoncer à s'en servir à votre manière pour
être stylés.
Voici d'ailleurs quelques indications pour vous en sortir avec élégance et raffinement, en oubliant
jamais cette idée d'équilibre entre habillé/décontracté.
N'hésitez pas à piocher dans le passé, comme ici chez François Maugard (1967).
(Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images)
Souvent décrié, le pantalon blanc est pourtant une pièce maîtresse du casual chic. Principalement en
été, mais pas que, il a ses fervents adeptes. Officine Générale en a fait une pièce culte, en selvedge
s'il vous plaît.
La coupe est primordiale : attention à l'effet parachute. Portez-le avec une chemise en chambray aux
manches retroussées, que vous pourrez éventuellement rentrer dedans : ça marche à tous les
coups ! Et bien sûr, il y a l'option polo : très élégante et 100 % dans l'esprit casual chic.
J'insiste vraiment là-dessus, débarrassez-vous des a priori sur cette pièce pratique, robuste et très
élégante.
Crédits : Suitsupply.
Niveau souliers, il est préférable de partir sur des derby, mocassins ou double-boucles. Les sneakers
risquent de déséquilibrer le style vers le côté casual et l'intérêt ne serait plus le même. En matière
d'accessoires, c'est le moment de sortir vos belles ceintures, tressées ou non. Pourquoi pas même
votre panama, comme à Rolland Garros !
Les bracelets, la pochette et le col ouvert ôtent au veston ses allures formelles.
Je vous l'accorde : son usage n'est pas des plus simples mais il vaut le coup de l'envisager malgré
tout. Le résultat me semble mériter le détour en tout cas.
Retenez qu'un jean - simple -, une chemise - basique - et un veston - sobre - vous donneront une
allure très stylée mais décontractée. Réfléchissez-y : l'objectif ici est de donner envie, de susciter la
curiosité et d'apporter un peu d'inspiration. En prenant son temps, aucune raison de ne pas réussir à
sortir un look vraiment, vraiment élégant.
Pour les chaussures, faites ce qu'il vous plaît : tennis unies, brogues ou Richelieu devraient très
facilement trouver leur place.
Vous avez vu passer les sneakers, brogues, double-boucles et derby, soient les modèles privilégiés
d'un style habillé mais casual. Leur importance est capitale : ce sont vos chaussures qui finiront le
look, l'orientant davantage vers un côté ou l'autre
Les sneakers se portent aisément avec des pièces formelles comme le pantalon à plis ou même le
blazer, dont elles cassent le formalisme. Toutes ne font cependant pas nécessairement l'affaire. Au
risque de me faire brûler en place publique, je dirais que les Air Max, Stan Smith et autres runnings
en néoprène s'intègrent mal dans une tenue casual chic, bien que l'on croise souvent ce type de
chaussures avec blazers & co.
Personnellement je préfère des tennis basses, en cuir ou en toile selon vos envies, blanches ou de
couleur !
Ci-dessous, Billy Porter et Adam Smith sont chaussés de manière à illustrer deux extrêmes du soulier
"casual chic compatible".
Les Richelieu seront plus rares en casual chic parce que trop habillées, trop formelles si on pense aux
versions classiques. Le choix reste vaste par ailleurs !
Jolie, mais compliquée à porter en casual chic... Crédits : Crockett & Jones.
Par essence, ce style est la rencontre de deux univers différents, ce qui offre un large choix. Ajoutez à
cela la possibilité de pousser le curseur d'un côté ou de l'autre : vous disposez de possibilités
immenses.
Il connaît également son lot de variétés grâce aux changements respectifs que connaissent les
courants "casual" et "chic".
En revanche, bien qu'il soit raisonnable de rester prudent au début, prenez garde à ne pas tomber
dans des looks fades et sans personnalité. À mesure que votre style se construira, tournez-vous vers
des pièces plus élaborées pour donner du relief à vos tenues. Les accessoires et les couleurs tiennent
également un rôle important dans cet enrichissement.
Vous vous êtes déjà demandé pourquoi, en 10 ans, les vestes se sont raccourcies de 20 centimètres
et pourquoi nos silhouettes semblent avoir tant fondues ? La tradition du tailoring 1 échappe aux
aléas de la mode.
C'est sûrement pour ça que votre grand-père a su conserver sa prestance d'années en années avec
une veste en tweed qui a pu vous paraitre tantôt normale, tantôt trop longue et trop large pour lui
Le tailoring c’est à la fois un artisanat, celui des maîtres tailleurs, et une quête de l’élégance classique
propre à chaque homme. Mais c’est en tant que style vestimentaire que nous l’étudierons. Je veux
dire par là que vous pourrez adapter le tailoring à vos goûts, et le mélanger à d’autres influences (les
puristes vont hurler, mais tant pis !).
Pas d'inquiétude, on ne vous demandera pas d'arriver jusqu'à ce niveau de "personnalisation".
Le tailoring utilise des pièces intemporelles et toujours élégantes comme des vestes, des chemises, et
des pantalons autres que des jeans (pantalons en laine froide, en flanelle, ou en corduroy). Vous vous
en doutez : pas de jeans semi-slims, de sneakers ou de tee-shirts ici.
En revanche, des pièces plus rares s’inviteront à la fête, comme la veste en tweed que tout bon
gentleman porte à la campagne. C'est aussi le cas d'accessoires un peu oubliés comme les pochettes
et les boutonnières.
Une très belle couleur de veste atténuée par des couleurs claires.
Deux facteurs principaux peuvent expliquer la pérennité du style tailloring. Le premier est la
connaissance quasi mathématique de la silhouette humaine et des différentes coupes. Le second est
d’être codifié selon des règles bien définies.
Je m’explique ! Ce sont, tout d’abord, les mêmes pièces qui reviennent : veste, chemise, pantalon. De
plus, la palette de couleurs est limitée, principalement composée de blanc, de bleu et de gris, plus
quelques tons de marron saupoudrées de touches de couleurs plus vives.
Loin de limiter la créativité, ces règles et ces palettes de couleurs bien définies permettent
d’exprimer une infinité de nuances, de dégradés, et de motifs.
Pour vous donner une idée, on trouve littéralement des centaines de nuances de gris, sans compter
toutes les possibilités qu'offrent les différents tissage. Une laine froide convient bien pour un tweed
par exemple.
Une belle flanelle grise de chez Husbands.
C’est un style qui s’adresse aux hommes en quête d’une vraie élégance (qui peut être aussi discrète
et surannée que flamboyante et moderne). Mais aussi à ceux qui aiment les matières nobles et le
travail d’artisanat fait en amont.
La tendance et le streetwear sont deux mots totalement bannis ici. S'il existait une devise du style
tailoring : « À chacun son vêtement idéal, peu importe la mode ».
Il y a de nombreux critères pour trouver le vêtement idéal. On joue sur toutes les dimensions
possibles d'une pièce pour trouver la parfaite adéquation avec la morphologie de son porteur.
Pour une veste, il y a un vrai questionnement sur le cintrage, la largeur des épaules et la
longueur de la veste.
Pour une veste, on s'attarde sur la largeur et la longueur des revers, le montage et le travail aux
épaules, la présence ou non d'une poche poitrine, le nombre et l'emplacement des boutons, etc.
Enfin, on s'intéresse au motif qui contribue à définir la silhouette : rayures, carreaux ou chevrons,
dans de multiples déclinaisons.
La forme et la largeur des revers, le nombre de boutons, le dessin des poches sont autant de détails
subtils qui permettent de changer l’allure d’une veste.
LES DÉTAILS HAUT DE GAMME DU TAILORING
Pour ceux qui veulent monter en gamme, voici ce à quoi vous devez vous attendre si vous avez un
peu de budget d'au moins 400 € pour une veste par exemple, mais il est facile de monter beaucoup
plus !
DE BELLES MATIÈRES
Attention, cela suppose que vous sachiez à quoi ressemble un tissu banal et complètement fade...
Prenez également le réflexe de regarder la composition de l’étiquette, il ne doit y avoir que des
matières naturelles (laine, un peu de cachemire, etc.), à part pour la doublure.
Des boutons soignés, et non un vulgaire plastique. Ils peuvent être en corne ou dans des matières
moins classiques comme le bois.
Pour qu'un costume soit vraiment durable, il vous faut au moins du semi-entoilé, qui donne un
meilleur tombé à la veste.
Des boutonnières très propres et parfois ouvertes. Plus vous descendez en gamme, et plus les
boutonnières sont bâclées, parfois réduites au strict minimum.
Par contre, quand vous montez en gamme, elles sont bien nettes et souvent avec un léger relief.
Encore une fois, ne faites pas une obsession maladive sur ces petits détails. La coupe, la matière et la
couleur restent les éléments sur lesquels vous devez être intransigeant.
À l'origine, la boutonnière contrastante était réalisée par les tailleurs traditionnels, sur demande du
client. Or aujourd'hui, on les trouve surtout sur les marques de prêt à porter d'entrée de gamme,
pour duper le client qui associe encore ce détail à un costume de bonne facture. Ce n'est pas un gage
de qualité en soi.
« À chacun sa morphologie, à chacun son vêtement ». Pour vraiment tirer parti du style tailoring, il
vous faut identifier de manière précise et réaliste votre type de morphologie, et surtout la manière
dont vous voulez la mettre en valeur.
Les motifs et les rayures horizontales ajoutent de l'épaisseur et du volume, parfait pour les physiques
longilignes. Crédits : pinguimo.com
Imaginez votre garde-robe comme un tout cohérent, somme de pièces intemporelles toutes
dévouées à mettre en valeur votre morphologie et pouvant répondre à n'importe quelle situation, de
la plus formelle à la plus détendue.
Abandonnez la logique consumériste de l’achat à court terme, revenez aux habitudes de vos grands-
parents en achetant des pièces qui vous dureront des années. Aussi bien en termes de qualité que de
finitions.
Bien sûr, vous pourrez tout de même utiliser ces pièces dans des tenues modernes, n’oubliez pas de
mélanger les styles.
Deux tenues costume-sneakers. La première est assez réussie avec une petite touche orange vif. La
seconde est plus risquée puisque le col relevé du polo fait clairement "exagéré".
Sachez identifier les signes oubliés qui distingueront une pièce de prêt-à-porter d'une pièce de
tailleur comme nous l’avons vu pour la veste. Le travail des finitions est aussi important : des poches
à rabats sont plus coûteuses à faire, surtout si elles sont boutonnées.
Attention également au nombre de coutures par centimètre et à la qualité des coutures intérieures.
Le fin mot de l'histoire : plus une pièce est coûteuse, plus ses signes de qualité sont subtils.
À première vue, rien n'indique que ce costume bleu marine provient d'une des marques de prêt-à-
porter les plus chères au monde : Kiton. Crédits : ParisianGentleman
Enfin, faites le tri dans votre garde-robe et identifiez ces classiques indémodables du vestiaire
masculin : une veste bien coupée, ni trop longue ni trop courte 3, à deux ou trois boutons.
De la même manière, bannissez ces chemises hyper cintrées, en matières synthétiques importables
l'été. Idem pour les cols montants à trois boutons.
Pour les pantalons, évitez les coupes farfelues type carotte (sauf si vous avez les cuisses vraiment très
musclées et la taille fine), drop crotch et skinny ; investissez dans des pantalons en laine sobres,
choisis sur des tons anthracites ou bleu marine. Pour taper dans l'excentricité, visez les motifs Prince-
de-Galles.
Il est possible de pousser la décontraction un peu plus loin avec un costume en lin, mais cela suppose
qu’il soit impeccablement bien coupé et que vous ayez une garde-robe solide derrière...
Un beau costume en lin, ça existe (costume Husbands ici), mais vous devez être intransigeant sur la
coupe, et avoir une grande maîtrise des couleurs claires. Ce nʼest clairement pas le genre de pièces à
porter avec un jean brut !
le style tailoring hors contexte professionnel strict (pantalon et veste dépareillés par
exemple)
le style tailoring tel que vous l’imaginez, à savoir un costume impeccable, et les petits
accessoires qui vont avec.
Il y a une marque qui s’attache à illustrer parfaitement ce style, il s’agit de Husbands, dont le vestiaire
va illustrer nos propos :
Pantalon et veste de couleurs différentes, ce qui a pour effet de casser « lʼeffet costume », tout en
restant très élégant. La cravate de couleur apporte une touche colorée bienvenue. On obtient un
style tailoring qui conviendra à ceux qui adorent les vestes et les chemises formelles, mais qui ne
souhaitent pas porter le costume chaque jour. Veste, chemise, cravate et pantalon Husbands.
La même veste mais avec le pantalon assorti, ce qui forme un costume deux pièces classique. Ne
vous laissez pas impressionner par la taille haute du pantalon car c’est bien plus confortable, et c’est
la coupe de base d’un pantalon de costume. Veste, chemise, cravate et pantalon Husbands.
Attention toutefois, votre position hiérarchique vous permettra plus ou moins d'excentricité. N’en
abusez pas face à un patron assez conservateur.
Pour calibrer correctement votre tenue, vous pouvez jouer sur plusieurs variables : couleurs, motifs
et accessoires (boutons de manchettes et pochettes, souvent réservées aux cadres seniors de
l'entreprise).
Geoffrey s’est même retrouvé un jour à travailler dans un cabinet de conseil où les bretelles étaient
le seul apanage du dirigeant, toute tentative d’en porter aurait été extrêmement mal interprétée.
Laissez votre patron être le seul à s'habiller comme un patron, ça lui fera plaisir.
Apprendre les codes offre plusieurs avantages : maîtriser une notion de proportion étrangère à la
mode mais adaptée à votre morphologie (car la bonne coupe est indispensable dans ce style, bien
plus que suivre une tendance).
Vous développerez aussi un sens inné des jeux de motifs, pour créer des contrastes subtils qui
mettront en valeur vos tenues. Vous assurerez également la pérennité de votre garderobe en
choisissant des pièces intemporelles, qui vous dureront des années grâce à une qualité de fabrication
dont vous aurez sur reconnaître les signes les plus subtiles.
C'est une étape indispensable par laquelle il faut passer à un moment ou à un autre, un peu comme
le solfège en musique : le tailoring donne un cadre sain sur lequel appuyer son style.
Cependant, un beau costume formel ne trouvera pas sa place dans des contextes plus détendus.
Par exemple, si vous êtes encore étudiant, lycéen ou que vous travaillez dans un environnement plus
casual (créa, graphisme, etc.), les gens autour de vous risquent de ne pas comprendre « à quoi vous
jouez ».
La nature des pièces sera trop sérieuse et trop décalée par rapport à votre environnement, et les
notions de proportions intemporelles y resteront incomprises.
Une veste d'une longueur normale passera, par exemple, pour vieillotte. Appliquez seulement
certains principes de base pour avoir une silhouette autant mise en valeur que possible, cela vous
évitera déjà d'avoir le même hoodie Celio aux rayures extra larges que votre voisin de classe.
LA QUESTION DU BUDGET
Vous serez forcément limité en termes de budget : acheter la veste que vous porterez encore à 30
ans vous coûtera cher, et ce n'est pas une préoccupation que vous devriez avoir tout de suite si vous
n'avez pas de revenus fixes.
Tâchez simplement de réduire les dépenses superflues et mettez le cap sur des pièces peu
coûteuses, mais pérennes en termes de style, des pièces indémodables comme un pantalon en
flanelle gris moyen par exemple.
Ignatius Joseph, un des hommes les plus élégants du Pitti, sait doser classicisme et originalité (ici la
couleur rouge). Le combo blazer bleu - pantalon gris est la base de la base !
Pratiquez aussi la logique du 80 / 20 : une belle chemise que vous porterez souvent sera bien plus
précieuse que quatre chemises que vous porterez rarement, sans réel plaisir.
Armé de ces quelques règles, vous aurez une longueur d'avance pour choisir votre premier costume
pour vos stages et entretiens.
Il vaut mieux se faire plaisir en achetant une très belle chemise que vous allez porter souvent et qui
va durer, plutôt que d’acheter trois ou quatre chemises qui ne vous plaisent que moyennement.
Si vous adorez vraiment le style preppy, pourquoi pas se faire plaisir avec la chemise en oxford
historique de chez Brooks Brothers ?
Pérennité rime aussi avec durabilité. Au-delà de cette harmonie parfaite entre conception et
morphologie, on va aussi chercher une vraie qualité de fabrication.
Nos grands-parents, eux, n'avaient qu'un seul et même costume, porté tous les jours sans faillir mais
commandé au tailleur du coin qui le réalisait avec dévotion et sans compromis pendant plusieurs
semaines : un vrai amour du travail bien fait.
une milanaise ;
Ce sont des détails de connaisseurs, mais jamais ostentatoires. C’est ce qui rend d’ailleurs ce style
tant apprécié des amateurs de belles choses intemporelles.
Le prince Charles est considéré comme un des hommes les plus élégants au monde. Ici, dans un
costume croisé estival. Remarquez le pli aux manches qui renvoie aux plis du pantalon, un twist
discret et audacieux.
Quelques décennies plus tard, toujours la même coupe de costume, quelques couleurs vives ça et là.
Trouver son style, c'est garder la même silhouette, quelle que soit la tenue. Credit: Daniel
Deme/WENN.com
COMMENCER EN DOUCEUR
Concernant ces indicateurs de qualité, je ne peux que vous recommander de les aborder avec un
certain recul. Tout le monde n’a pas forcément les moyens de se payer un costume entoilé à 1600€.
Si vous êtes limité financièrement et que le haut de gamme vous est inaccessible, privilégiez deux
choses.
la coupe, elle doit évidemment mettre votre corps en valeur sans exagération, mais là je ne
vous apprends rien,
la couleur, ça ne sert à rien d’acheter une veste onéreuse si elle est noire (pas de noir dans
votre garde-robe, sauf les très belles pièces ou le costumes dédié aux enterrements)
Tant pis pour les boutonnières montées à la main et l’entoilage en crin de cheval. Ce sera pour quand
vous aurez un peu plus de budget.
Si, par exemple, vous avez 200 € de budget, ne faites pas l’impasse sur une veste bien coupée à
la jolie couleur simplement à cause de ses boutons en plastique là où vous auriez voulu des boutons
en corne 2.
Ici, un costume Anthony Garçon tout à fait correct, un des meilleurs rapports qualité prix en costume
d'entrée de gamme avec une bonne laine Vitale Barberis Canonico.
Si vous êtes étudiant et qu'il vous faut un premier costume pour un stage, vous êtes particulièrement
concerné et n’aurez d’autre choix que d’aller dans du prêt-à-porter d’entrée de gamme.
LA VESTE
Tout commence par la veste, brique de base. Elle sera au début bleue ou grise, afin d’être sûr de
pouvoir la porter facilement. La matière sera de la laine, et c’est tout.
Sachez que la flanelle de laine (laine avec un aspect doux et un peu poilu) donne un aspect très
élégant à une laine. En dessous de cette veste, une chemise claire, souvent blanche ou bleu très pâle.
Vous vous distinguerez grâce à une belle cravate.
À ce propos, les cravates tricotées sont souvent sous-estimées, alors qu’elles apportent un cachet qui
tranche avec la banale cravate en twill de soie.
Une veste bleue classique twistée par une cravate en tricot. Cette couleur passera mal au bureau !
LE PANTALON
Le pantalon est la pièce qui peut facilement poser problème, tant il y a des saisons où l’offre est
inégale et peu fournie chez les marques. Mais depuis quelques temps, une offre plus colorée revient
(grenat, brique, bordeaux, turquoise, vert d’eau ou bleu canard). Je ne peux que vous encourager à
essayer ces nouvelles couleurs, combinées avec une veste de couleur très neutre.
Et vous verrez que très facilement, ces teintes ajouteront une touche des plus sympathiques.
Du côté des marques, c’est vraiment au cas par cas, mais la plupart des marques proposent des
pantalons sobres en fonction des collections. Citons quand même COS qui s’inscrit dans la régularité
avec des pantalons en laine intemporels, ou Gant Rugger, ligne casual de Gant, qui a un vestiaire très
sympathique si vous aimez le style tailoring.
Ce genre de détail ne se trouve que sur les pantalons sur-mesure très hauts de gamme. Crédits
pinguimo.com
Pensez enfin au sur-mesure, pas nécessairement des plus coûteux si vous choisissez bien votre taille.
L'ASSEMBLAGE
L’assemblage de toutes vos pièces est relativement simple, car les chemises et les pantalons sont
souvent neutres. De ce fait, vous pourrez très facilement placer une cravate tricotée rouge vif avec
une veste travaillée.
Les chaussures, la pochette et éventuellement une paire de chaussettes colorées achèveront une
tenue avec des pointes de couleurs.
À vous de jouer !
TRAITÉ DE STYLE : COMPRENDRE LE « SOFT TAILORING »
"Soft Tailoring".
Que ce soit en vidéo ou dans nos articles, vous nous avez sans doute déjà pris en flagrant délit
d'anglicisme +, lorsque nous avons employé ces deux mots.
"Oh-la-lah, ils sont un peu snob avec leurs termes là... Qu'est-ce que c'est que ces histoires de
"vêtements tailleurs doux" ? Ils peuvent pas juste parler de style habillé ?"
Si l'on peut douter à première vue de l'utilité de créer des sous-genres stylistiques, il faut
comprendre qu'ils relèvent d'un besoin, d'une nécessité d'employer des termes précis.
On emploie ce terme parce qu'il désigne parfaitement une certaine esthétique qui a fini par
devenir incontournable pour quiconque souhaite à la fois vivre avec son temps, et maintenir une
certaine élégance dans ses tenues.
Le mot "élégance" est important ici : sans aller jusqu'à le définir en me lançant dans une thèse qui
serait plutôt destinée à un épisode de Sapristi +, je soulignerais juste que l'élégance n'est qu'une
conception du style parmi tant d'autres, et qu'il y a de nombreuses façons d'être "stylé" ou "bien
habillé" sans véhiculer ce qu'on entend en général par le mot "élégance".
Ce qui est certain, c'est que l'idée "d'élégance", ce mot qu'on remplace parfois par "chic" ou
"classe" + n'a plus la position hégémonique qu'elle a pu avoir par le passé.
De nos jours, on peut "être trop chic". On peut "être trop classe". "Over-dressed", comme on dit en
anglais, "sur-habillé".
Je dirais même que pour l'amateur de fringues, à moins de se balader en pyjama ou d'être
carrément négligé, c'est un risque beaucoup plus tangible que d'être "trop décontracté".
Par l'excellent Croquis Sartoriaux. Bon c'est caricatural, mais en vrai, ne pensez vous pas que
l'homme de droite soit perçu comme plus "normalement" habillé que celui de gauche ?
Et j'irais plus loin encore, en disant que selon moi, l'élégance est une idée qui en irrite plus d'un(e)
de nos jours, parce qu'elle est associée à des idées de castes, de classes sociales, de
perfectionnisme visuel, d'engoncement, de formalisme, de pouvoir...
Des idées qui paraissaient beaucoup plus "naturelles" par le passé qu'aujourd'hui. +
Il est donc logique que le style qui ait été le plus identifié comme "élégant", à savoir, le style
"tailleur" + ait perdu de son caractère universel.
Alors, tel un animal sous la pression d'un environnement hostile, le tailoring opère une évolution.
Lentement, son code génétique se modifie au fil des générations, et l'espèce s'adapte pour
survivre.
Je pense on peut vraiment voir ça d'un point de vue quasi-darwiniste, si ce n'est que la mode
évolue beaucoup plus vite que la biologie.
Si ça peut vous aider, imaginez le tailoring comme un petit oiseau chatoyant ou un papillon rigolo.
Même le monde des affaires, de la finance et du droit, qui étaient vus comme les derniers habitats
naturels du Tailoringus Sartorius + ont progressivement, décennie après décennie, assoupli ses
codes, à tel point qu'on peut se demander s'il y survivra encore longtemps sous une quelconque
forme.
Encore et toujours Croquis Sartoriaux, qui, en une seule image, résume souvent les idées les plus
alambiquées (mais très justes) au sujet du vêtement.
Avec le bouleversement des valeurs (morales comme esthétiques), le tailoring tend à se défaire de
son cocon de "hard tailoring", autrement dit, du vêtement tailleur plus classique : un cocon fait
d'épaule structurées, de matières lisses et sobres, de lainages lourds au tombé droit... Bref d'une
allure statutaire et formelle.
N'oubliez pas qu'au tout départ, l'ancêtre du style habillé contemporain, c'est le style Victorien qui
débute fin XIXème. A la fois si proche, et si loin des canons actuels...
Mais voilà, puisqu'on ne parle pas de me goûts personnels ici mais de la société, il est indéniable
que cette mue transforme le papillon Tailoringus Sartorius espèce nouvelle,Tailoringus Softus, qui
est mieux à même de voler sur les vents actuels : la nonchalance, le confort, une touche de
subversivité +...
Dit très simplement, le soft tailoring, c'est une approche parmi d'autres pour rester "chic", sans
avoir l'air guindé, et c'est ce qui le fait rentrer dans la gigantesque famille des styles dits "casual-
chic".
Maintenant que vous savez le "pourquoi", de ce style, nous allons pouvoir scruter plus en détail les
principes esthétiques à travers lesquels il s'exprime.
Concrètement, le soft tailoring, c'est quoi ? Selon moi, c'est un style qui se repose sur quatre
piliers, quatre idées qui dictent la direction générale du style tout entier : de la façon dont son
pensées les pièces pour leur confort, jusqu'à leur esthétique, en passant par le choix des matières,
et la façon de les combiner entre elles.
1. SOUPLESSE
D'abord, la souplesse. C'est le pilier principal, celui qui donne son nom au style +
Elle répond aussi bien à l'exigence de confort des hommes de nos jours + qu'au besoin de paraître
"moins guindé".
On ne cherche pas juste à "être" confort dans ses vêtements, par praticité : le confort fait partie de
l'esthétique elle même, il doit se ressentir en regardant le porteur évoluer dans ses vêtements.
On passe donc d'épaules plus construites et structurées à des épaules dites "soft" voire même
"déconstruites".
Sur les manteaux, on voit aussi des épaules dites "raglan", qui ajoutent plus de décontraction.
Les vestes et les manteaux favorisent des constructions semi doublées, voire non doublées. Cela
aide autant à favoriser le mouvement visuel des pièces, qui suivent leur porteur, qu'à leur procurer
un confort réel.
Lorsque la gamme de prix et la qualité le permettent, l'entoilage utilisé pour les vestes et les
manteaux est plutôt souple que ferme.
L'AMPLEUR
Jordan a dédié un billet tout entier au sujet de l'ampleur, dans lequel il fait son éloge.
Personnellement, j'ai une position moins affirmée que lui à ce sujet, mais une chose est certaine :
pour laisser la souplesse s'exprimer, un minimum d'ampleur est nécessaire dans les coupes.
C'est à dire que rien ne vous oblige à avoir des pantalons avec des ouvertures de jambes assez
larges pour y loger deux (ou trois) mollets +, mais vous ne pourrez pas exprimer cette souplesse
manifeste, ce mouvement, si vos vêtements collent trop à votre peau.
Cela va de soi, la souplesse passe non seulement par le type de construction des pièces, mais par le
matériau même dans lesquelles elles sont réalisées.
Que ce soit sur une veste, un manteau, ou un pantalon, on choisira des matières qui se meuvent
aisément plutôt que des tombés rigides, comme vous en auriez sur un manteau militaire, un caban,
ou un pantalon en twill épais.
Fluidité, souplesse, douceur, tout y est sur ce look Deveaux de l'hiver dernier (crédits : Vogue)
Lorsque c'est possible, le soft tailoring exprimera même une préférence pour les matières
(discrètement) extensibles...
Mais pas forcément "ultra stretch". Ne serait-ce que parce que le stretch à haute dose a plutôt
pour effet de faire se resserrer les matières, tels des élastiques, que de les assouplir.
Cette extensibilité passe également par l'utilisation très fréquente de la maille, y compris sur des
pièces où l'on attend plutôt du tissage. +
On voit donc fleurir les polos et polo-chemises là où l'on s'attend à des chemises classiques. Les
pulls se glissent sous les vestes.
Les vestes elles-mêmes, et parfois même les manteaux, peuvent être réalisées en maille et non en
tissu.
Le manteau en Yak que nous avons proposé l'hiver dernier chez BonneGueule, réalisé en maille,
illustre très bien l'idée.
2. DOUCEUR
Ensuite, vient la douceur, qui est l'autre sens que l'on peut donner au mot "soft". C'est une
douceur à la fois tactile et visuelle.
Velours côtelé, flanelles, cotons grattés, mélanges avec de d'alpaga, du chameau, ou du mohair
pour donner des textures duveteuses, velues ou moelleuses aux tissus et aux mailles...
Typiquement, sur notre manteau en laine Alpaga, on est sur de la pure matière "soft tailoring" :
aérée, souple mais chaude, avec un aspect légèrement "velu" que donne l'alpaga.
Mais ça va aussi jusqu'à utilisation du cuir suédé, de la crêpe et de la gomme souple pour les
semelles des chaussures plutôt que des semelles cuir ou d'inserts gomme rigide.
Lorsque ce sont des motifs, comme un carreau ou une rayure, on préfère des motifs dits "fondus",
ou "ombrés" plutôt que des motifs qui tranchent net.
Pour ce qui est des assemblages de couleurs, on note une prévalence des camaïeux et des
dégradés pour un sentiment d'harmonie dans les couleurs, plutôt que des contrastes marqués.
Un assemblage que j'ai réalisé l'hiver dernier, qui illustre à la fois ce qu'est un motif fondu
(pantalon), un camaïeux (marron-beige-écru), et des textures douces.
La préférence va à des tons "naturels", comme les kakis, les verts olive, les nuances de marron,
mais aussi aux coloris dits "neutres, comme les beiges et les écrus, et éventuellement aux bleus
(l'éternel couleur qui est partout)... Les couleurs criardes, bien qu'elles aient leur utilité
ailleurs + brisent l'harmonie visuelle élégante et discrète du soft tailoring.
Une palette de couleurs dite "naturelle". Ce sont des couleurs que vous retrouveriez un peu
partout dans la nature.
3. NONCHALANCE
C'est le pilier un peu plus difficile à définir par rapport aux trois autres, car il est contre-intuitif
Le soft tailoring, par sa filliation au "casual-chic", se veut hybride dans sa conception.L'idée n'est
pas nécessairement d'en faire une panoplie complète (qu'on appelle aussi "le total look").
Ce n'est pas un vestiaire codifié, doté d'une origine historique et géographique précise, que l'on
peut attribuer à une culture délimitée, comme vous le verriez dans un livre sur l'Histoire du style
Ivy League ou sur "l'American-Traditional" japonais. +
Non, le soft tailoring, c'est plutôt un des nombreux styles contemporains qui sont le produit de
l'ère post-mondialisation et post-numérique, où le consommateur a potentiellement accès à tout
ce qui se fait un peu partout, autant pour passer commande que pour s'inspirer, et peut envisager
de mêler des influences avec aisance.
Faire du soft tailoring, c'est, dès le départ, tenter de faire cohabiter différents registres et genres.
L'apport d'influences extérieures est donc bienvenue et même nécéssaire. Elle sera facile à mettre
en oeuvre avec une bonne maîtrise de l'harmonie des couleurs, des coupes, et d'un certain sens de
la modération.
Le paradoxe est donc le suivant : si vous sélectionniez uniquement des pièces de "Soft Tailoring"
pour réaliser un look de ce même sous-genre... Vous finiriez sans doute juste un peu trop
"tailoring" pour être assez "soft" dans le mélange des genres.
Notons aussi que si l'on prend la question dans l'autre sens, il est souvent assez facile d'intégrer
des pièces de soft tailoring dans une tenue d'un autre registre.
On dira qu'on la "réhausse" pour la rendre un peu plus habillée (à l'aide d'un pantalon, d'une
chemise, d'une veste, de chaussures...). Il suffit d'éviter les plus formelles d'entre elles.
Un détournement des codes du tailoring pour leur donner un côté plus informel : un
pantalon cargo en flanelle, utilisation de sneakers minimalistes, pantalons jogpant habillé,
fermetures de pantalons plus originales et travaillées, un jean blanc là où on attendait un
pantalon clair...
Un pantalon cargo habillé, en flanelle de laine ivoire par Claudio Mariani. Typique de l'art qu'ont
les italiens pour proposer des pièces qui surprennent en restant élégantes.
Ça passe aussi par des petites choses toutes bêtes qui rendent des pièces formelles plus
décontractées : exemple type, une cravate en maille plutôt qu'une cravate classique.
Si vous ressentiez l'envie de porter une cravate, la choisir texturée serait un bon moyen de rester
"soft", particulièrement en la prenant en tricot. (Cravate Berg & Berg par Diplomatic Ties)
Bien-sûr, on n'hésitera pas à piocher librement dans la partie dite "plus sport" + du registre
sartorial , telle que les sahariennes ou les teba jackets. On se permet les détails plus casual
de celui-ci, tels que les pièces ceinturées, les poches plaquées...
4. ELÉGANCE
Le cintrage est toujours de mise. Les coupes d'une certaine netteté et précision morphologique (ni
oversize ni slim), sont toujours de mise.
De même que les manteaux, les vestes, les pantalons à pinces, les cols roulés, les gilets, les
souliers...
Bref pour ce pilier, soulignons l'évidence par acquit de conscience : pour que le style "Soft
Tailoring" ne s'appelle pas juste "Le Soft", il faut bien qu'il se base en grande partie sur des pièces
d'origine tailleur.
Voilà un exemple de soft tailoring "pur jus" par le photographe et influenceur Milad Abedi.
Maintenant que nous avons évoqué la "philosophie", ainsi que les principes visuels qui animent ce
style, on peut aller encore plus dans le concret.
Et je pense que le meilleur moyen de l'illustrer est de vous montrer, pièce par pièce, certaines des
options vestimentaires qui lui donnent vie.
1. MANTEAUX
Les manteaux soft tailoring se veulent chauds, souples et toujours assez longs afin d'exprimer
ladite souplesse.
Il n'est pas rare qu'ils soient dotées de détails tels que de grandes poches plaquées, des ceintures
qui créent un effet "peignoir" (tout en soulignant habilement la taille du porteur), ou des
martingales dans le dos.
Manches raglan, souplesse apparente du cachemire, ceinture, volumes généreux... Pas de doutes,
ce manteau Kired rentre dans la définition du Soft Tailoring.
2. VESTES
Pour les vestes, on ne peut pas y couper : pour qu'elles rentrent dans le registre du soft
tailoring, l'épaule DOIT être souple ou déconstruite. Une épaule très structurée peut être du plus
bel effet, mais elle s'associe difficilement avec toute l'esthétique que nous décrivons dans cet
article.
Un exemple de costume complet pile dans les canons du soft tailoring, par A.B.C.L. Notez le détail
de la courbe des revers, en lieu et place d'une ligne droite, qui accentue la douceur.
Les poches plaquées seront légion, les revers seront plus souvent à cran "sport" + qu'à cran aigu
(aussi appelé "en pointe").
Pour du dépareillé : une collab Caruso x Franz Boone Store x Fox Flannels. Sobre, et souple dans
l'allure.
En fait, tout ce qui permet de décontracter la veste habillée est bon à prendre, car aux côtés des
chaussures, c'est sans doute l'élément d'une tenue qui dégage le plus de formalisme.
Vous pouvez même tenter quelque chose de moins évident : le "costume velours côtelé".
Personnellement, ce n'est pas mon goût, mais ça commence à gagner un peu en popularité, et on
peut arguer que c'est une façon comme une autre de "dédramatiser" le costume.
Par Altea Milano. Notez qu'entre la forme des poches, la matière, et le nombre de boutons, seul le
revers permet encore d'identifier cette veste comme une variation de veste de costume.
Dans certains cas, les vestes habillées seront même des vestes en maille.
Cette veste Camoshita est certes croisée, et son épaule est relativement structurée... Mais son
étoffe en maille dégage une décontraction apparente qui la rend du coup très "Soft".
Encore plus évident ici pour cette Lardini en maille. Notez que ces vestes sont souvent à trois
boutons, pour compenser la structure moindre qu'offre la maille par rapport au tissu.
Enfin, au printemps et à la mi-saison, les pièces tailoring qui tiennent leurs origines de la chasse, de
la campagne ou du militaire, telles que la Teba Jackets et Sahariennes, sont particulièrement
adaptées si vous voulez quelque chose qui se trouve à mi chemin entre le manteau léger et la veste
(autant esthétiquement qu'en terme de fonctionnalité).
Une Teba Jacket Justo Gimeno, chez Beige Habilleur. Elle se distingue d'une veste habillée classique
par ses poches, principalement.
Une saharienne ceinturée Lopez Aragon. Parfaite au printemps.
3. HAUTS
C'est sans doute la zone la plus "vague" pour le soft tailoring. De nos jours, n'importe quelle
chemise avec un col relativement généreux est déjà perçue comme très formelle aux yeux du
grand public.
Et en même temps, si vous avez bien saisi les principes expliqués plus tôt, et les avez appliqués aux
autres pièces, vous devriez avoir le champ libre quant au type de chemise que vous voudrez insérez
dans vos tenues.
Une seule mise en garde : évitez les cols de chemises très rigides, ils risquent de mal s'harmoniser
avec la souplesse des autres pièces.
Le col button-down souple est une valeur sûre, même si d'autres options peuvent s'envisager.
Les choix des motifs ou des couleurs relèvent plus du sujet général de la chemise que de
considérations spécifiques au soft tailoring. Mais dans le doute : faites simple plutôt que
compliqué.
Un bel oxford, du col button down souple et bien proportionné, et c'est à peu près tout. (Par
A.B.C.L.)
Cependant, la chemise n'est pas la seule option : pour pousser encore un peu le vice de la
décontraction, de la souplesse et de la douceur, la "polo-shirt" (ou le polo manches longues, c'est
selon), est également une option qui se glissera facilement sous vos vestes.
Si vous optez pour celle-ci, veillez quand même à être particulièrement vigilants sur deux points :
l'association des couleurs, et l'harmonie des proportions du col avec la veste qui vous porterez
dessus.
Une polo-shirt G. Inglese. Avec son col, elle tient autant de la chemise que du polo et pourrait
même permettre une cravate.
Ce sont des points à surveiller peu importe la chemise ou le haut bien-sûr, mais le côté un peu
"hybride" du polo-manches longues porté en guise de chemise interroge déjà le regard... La
prudence est donc de mise.
Ce modèle de chez Barbanera fait un peu plus "polo manches-longues", quant à lui. La texture et la
couleurs sont intéressantes, mais insistent sur le côté "tricot". Plus décontracté, donc.
4. MAILLES
Ici, pas besoin de passer par quatre chemins : quelle que soit la maille que vous ayez sous la main,
à moins que ça ne soit un sweatshirt (et encore... dans certains cas, ça se défend.), le soft tailoring
est fait pour l'accueillir.
Bon, il y a tout de même quelques cas précis où je pense que ça marcherait moins bien : un pull à
col camionneur zippé, un pull marin avec le boutonnage sur une épaule, un hoodie...
Et encore que, pour chacun de ces exemples, on peut imaginer un ou deux assemblages où ça
pourrait passer.
Bref, la maille fait bon ménage avec ce style. Cependant, il y a deux cas spécifiques sur lesquels
j'aimerais attirer votre attention.
Premièrement, le col roulé : parce que son col montant amène une structure visuelleassez
comparable à celle d'un col de chemise fermé, le col roulé se combine particulièrementbien avec
les vestes habillées et les manteaux. Historiquement, cette combinaison n'a eu cesse de gagner en
popularité depuis le milieu du siècle dernier, si bien que j'hésitais même à la mentionner ici, tant
elle est devenue une évidence, non-spécifique à un seul style.
Astuce : il est plus facile de s'amuser en ayant quelques mailles plus fortes pour des manteaux
sobres que quelques manteaux forts pour des mailles sobres. (Col roulé Inis Meáin)
Deuxième cas spécifique : la veste en maille. Oui, nous l'avons déjà vue plus haut, mais je voudrais
vous montrer que certaines vestes en maille sont plus des vestes, et d'autres plus des mailles.
Un boute-en-train aurait même osé dire que certaines sont des "mailles en veste". Et il n'aurait pas
tort.
Cardigan ou veste croisée ? Ou les deux ? Ce modèle de chez Roberto Collina mérite son titre de
"maille en veste". (Chez Elevation Store)
Ici, une version "grosse maille" par Maurizio Baldassari. (Chez Baltzar)
5. PANTALONS
Il y a deux façons d'approcher le pantalon dans le cas du soft tailoring : soit votre tenue est déjà
assez chargée en décontraction, via la veste, le haut, les chaussures, et toutes les petites astuces
que vous aurez pioché ici.
Auquel cas, je recommande simplement de partir sur un pantalon assez classique, adapté à la
saison et dont la couleur s'harmonisera avec le reste. Il peut être bon de lui donner ce rôle de
support, de valeur repère d'élégance sur lequel on peut bâtir quelque chose d'un peu plus osé.
Soit votre tenue est à la fois assez classique, et minimaliste. Auquel, cela peut aussi être lui
qui pimente la tenue via un design plus singulier.
Soyez avertis cependant, cela demande un peu plus d'adresse. Si je dis "classique ET minimaliste",
c'est parce qu'un pantalon plus créatif, dans un style "classique mais très affirmé" risque de
détonner un peu trop. +
Un jogpant en flanelle par Sartoria Corrado. Fonctionnera bien en soft tailoring si le reste de la
tenue est assez basique.
Même constat pour ce pantalon blanc en velours côtelé (toujours Corrado). C'est le genre de pièce
qui permet d'enfiler une simple maille rentrée dans le pantalon, et d'avoir déjà une tenue "forte".
6. CHAUSSURES
A mes yeux, il est compliqué d'énoncer une règle générale qui désigne certaines paires comme
assignées à un style plutôt qu'à un autre.
Car les chaussures ont deux particularités que les autres pièces n'ont pas.
D'une part, c'est un des éléments les plus classiques d'une tenue. Que ce soit le mocassin, la
bottine, le richelieu, la brogue, la derby... Il est rare qu'une chaussure ne soit pas dotée d'un design
vieux de plusieurs décennies. En matière de chaussure, on n'invente pas grand chose, et quand on
essaye vraiment d'aller chercher l'originalité, il est très difficile de créer le consensus.
D'autre part, la chaussure est plus souvent un élement qui donne le ton d'une tenue, ou à minima,
qui suit l'allure générale de celle-ci, plutôt qu'un élément qu'on utilise pour lui donner "un twist".
Le mocassin belge, actuellement remis au goût du jour par (l'onéreuse) marque Baudoin & Lange
est un chouchou des amateurs "d'élégance facile".
Aussi, je vous suggèrerais tout simplement de vous référer à notre guide du style de la chaussure.
Concernant le cas particulier du soft tailoring, on peut quand même retenir trois choses :
La sneaker s'envisage, pour peu qu'elle soit minimaliste, et que la tenue penche plus
fortement vers le "soft" que le "tailoring".
Les classiques revisités avec des semelles plus décontractés se prêtent bien au jeu.
Mais la priorité reste de choisir des chaussures cohérentes avec le reste, peu importe que cela
implique d'utiliser ces "gimmicks" ou non.
Ces brogues derby en nubuck à la couleur particulière et à la semelle crêpe sont tout à fait dans la
philosophie d'un style "soft".
A titre personnel, j'ajouterais que la bottine, sous toutes les formes qu'on peut lui trouver
(Jodhpur, Chelsea, Brogue, Zippée, et même Combat Boot ou Workboot si elles ne sont pas trop
massives et brutes de décoffrages), est une piste qui mérite d'être explorée.
On remarque, sans grande surprise, que c'est un marché largement dominé par des marques
italiennes.
Et pour cause : la souplesse et la fluidité, tant dans les constructions (pensez aux fameuses
"épaules naturelles", aux "spalle camicie" napolitaines) sont depuis longtemps des composantes
importantes du tailoring italien, surtout dans le Sud de l'Italie. +
Massimo Duti
Suitsupply
HAUT DE GAMME
A.B.C.L
BonneGueule (Eh oui ! Nous avons pas mal d'influences, mais celle ci est clairement
importante chez nous)
Lopez Aragon
Camoshita
Stoffa
Barena Venezia
Altea Milano
Doppiaa
Ring Jacket
De Bonne Facture
Massimo Alba
LUXE / ULTRALUXE
Brunello Cucinelli
Loro Piana
Parce que le Soft Tailoring se repose aussi sur de la très belle maille et des pantalons travaillés, je
vous suggère d'aller voir du côté de nos recommandations de marques de maille , ainsi que de lire
mon article "Compendium" qui recense les types de fermetures de pantalons originales , ainsi que
les marques où les trouver.
J'ai eu tout à fait conscience, tout au long de l'écriture de cet article, de mettre en avant des
marques haut de gamme, voire très haut de gamme, aux prix dissuasifs pour la majorité des
consommateurs.
N'y voyez surtout pas une volonté de ne vous conseiller que des choses chères, car c'est plutôt le
résultat d'une contrainte tangible : les marques dont la direction artistique est 100% basée sur ce
style et qui l'illustrent le mieux sont, très souvent, chères.
Pourquoi ?
Parce que les marques de soft tailoring se construisent autour de notions de style aussi spécifiques
et délimitées que celles que l'on a décrites et début d'article.
Elles s'adressent donc à une clientèle avec un goût bien précis, ce qui la place de ce faitsur une
niche de marché.
Et les niches, dans le monde du vêtement, coïncident souvent avec des prix plus élevés, adressés à
une clientèle moins nombreuse, plus exigeante, et donc en toute logique, prête à payer plus cher.
Qu'il s'agisse de ce style ou d'un autre, c'est d'ailleurs ce que vous constaterez à chaque fois que
vous aurez des exigences stylistiques très précises : sur le papier, vous ne chercherez pas
forcément des pièces qu'il serait techniquement impossible de produire à des coûts modérés.
Exemple extrême d'une recherche ultra-spécifique : cardigan col châle croisé et ceinturé par Gran
Sasso. Trouver un équivalent en entrée de gamme pourrait s'avérer ardu...
Mais dans les faits, vous aurez du mal à trouver votre bonheur en deçà du haut de gamme, parce
que les prix milieu et entrée de gamme s'alignent plus souvent avec des partis pris qui intéressent
le plus grand nombre.
Dans le cas précis du Soft Tailoring, on peut ajouter c'est aussi un style qui s'appuie fortement sur
des matières très travaillées et précieuses, donc coûteuses. Sans elles, le "Soft Tailoring" ressemble
souvent juste à du "tailoring décontracté" plus commun.
Cependant si ce style vous plaît, rien ne vous empêche, si vous êtes débrouillards et patients,
d'aller chercher ça et là les pièces qui y correspondent, sans nécessairement passer par des
marques qui en font leur direction artistique à part entière. +
Le but de l'article de vous faire saisir l'essence de ce style pour que vous vous l'appropriiez, pas de
vous donner du "prêt à acheter". 😉
QUELQUES COMPTES INSTAGRAM POUR VOIR DU SOFT TAILORING :
En plus des comptes instagram des marques mentionnées plus haut, vous voudrez sans doute voir
quelques uns des pratiquants de ce style à l'oeuvre. (Ne vous attendez pas à ce que leurs photos
reflètent exclusivement les concept décrits dans l'article : ce sont des individus avec des goûts
divers et variés, pas des lookbooks humains.)
Yasuto Kamoshita : Avec un K, cette fois, car la marque (quasi) éponyme et son créateur se
partagent le même Instagram. Un maître en la matière.
Nicola Radano : un napolitain qui a du style. L'approche est souvent plus "funky", autant
dans les couleurs que les idées, que ce que j'ai décrit dans l'article. Et tant mieux !
Nami Man : un de mes préférés pour son look entre le soft tailoring, le militaria, et le
workwear.
Nicolò Minchillo : Non...? BON, ok ok... C'est mon propre compte Instagram, et je poste
une fois tous les 36 du mois. Mais je vous le promets : un jour, il y aura de belles tenues de
soft tailoring dessus. Et régulièrement.
Après la lecture de cet article, vous remarquez sans doute deux choses :
d'une part le "Soft Tailoring" (du moins tel que je l'ai présenté ici) est un style très centré sur l'hiver
et la mi-saison.
D'autre part, vous avez sans doute vu que les marques les plus soft tailoring opèrent une certaine
mue stylistique entre leurs collections d'hiver et d'été.
En effet, un de ses piliers, celui de la douceur, est beaucoup plus compatible avec des matières
hivernales. Et le manteau est peut-être l'élément le plus emblématique du soft tailoring, parce qu'il
est par nature enveloppant et fluide.
Tandis que le lin, le coton, le chanvre, la ramie, et les textures plus aérées de l'été ont toujours des
mains plus sèches, et un aspect visuel plus rugueux. Leurs tombés sont aussi plus "craquants" que
fluides.
Mais encore, l'été appelle à l'utilisation de couleurs plus lumineuses, voire même plus éclatantes
pour ceux qui sauraient les maîtriser, alors qu'on a vu jusqu'ici que le soft tailoring jouait plutôt sur
une douce harmonie visuelle.
Toujours souple et confortable, toujours élégant. Mais peut-être encore plus nonchalant, plus
enhardi par l'énergie des beaux jours, et avec plus d'aspérités.
Soyons clairs, et faisons preuve d'honnêteté intellectuelle : tout au long de l'article, je vous ai
proposé des définitions, des idées, mais aucune d'entre elle n'est gravée dans le marbre.
Ce que je vous ai montré ici, c'est MA vision de ce qui représente le mieux, selon moi, le soft
tailoring dans tous ses aspects, poussé à son paroxysme. +
On peut très bien s'en inspirer, et ne chercher que la douceur visuelle, ou uniquement la souplesse
des constructions et des silhouettes, ou les couleurs...
D'ailleurs, si l'on prenait le temps de se poser la question, on décèlerait plein d'autres sous-genres
du casual-chic, qui auraient tous pour point commun d'avoir des racines dans le style habillé, et de
le mêler à d'autres styles aux origines moins formelles :
Et tous sont, en quelque sortes, diverses itérations de cette mue qu'entreprend le style habillé
dans notre ère.
Pas Moscou, Russie, avec ses Zil noires, ses gros mafieux en chapka et les autres produits typiques
qu’y recherche l’Occidental, comme les femmes et la vodka. Non !
Moscou, Idaho, 24.000 âmes sous l’égide d’un pasteur propriétaire d’une chaîne populaire de
télévision, et où l’équivalent local de la vodka aux herbes est le mauvais whisky distillé en douce par
Cassidy, dans l’arrière salle de son bar.
Accessoirement, c’est là aussi que vit Fok Yan-Leung, l’administrateur de StyleForum, le plus gros
forum dédié (majoritairement) au workwear sur le net et sans doute une des sommités sur le sujet.
Tous les types qui portent du workwear ne sont donc pas des hipsters écolos et chevelus !
"Hipster ? C'est quoi un hipster ?"
Leung s’inspire des grands classiques de l’histoire américaine - le Far West et les professions
ouvrières jusque dans les années cinquante.
Bien qu’il ait toujours été plus ou moins là - le style bûcheron est le style sans prise de tête par
excellence - il connaît depuis 2008 une énorme résurgence, notamment à cause de la crise : les gens
se mettent à acheter des vêtements plus durables. Les américains diraient "honestly crafted".
Alors que la plupart des mouvements de mode avaient, jusqu’ici, une visée esthétique plus que
pratique, on assiste à un rejet des tendances métrosexuelles de ces dernières années.
Et même à une volonté de retrouver une “virilité perdue” un peu idéalisée dont le workwear est
l’expression parfaite.
Silhouette longiligne, matières rares, héritage glam-pop. Le workwear est aux antipodes de ce qu'a
initié Hedi Slimane chez Saint Laurent. Crédits Saint Laurent Printemps Eté 2015
Cet héritage (on appelle d’ailleurs ce type de marques des “marques héritage” - heritage brands en
Anglais) remonte à quasiment aussi loin que l’esprit américain lui-même.
Une des figures mythiques les plus connues de l’Old West est Paul Bunyan, une sorte d’archétype de
bûcheron canadien : chemise à carreaux en flanelle, bonnet de grosse laine, bretelles, jean
selvedge et workboots épaisses dans le genre de celles que produit Red Wings.
Le parfait hipster donc, à part qu’il fait six mètres de haut et trimballe un taureau bleu presque aussi
gros que lui, répondant au doux nom de Babe.
Pour bien comprendre les racines du workwear et l'importance du monde ouvrier outre-atlantique,
on va faire un petit détour sociologique, accrochez vos ceintures et en avant !
George Dumézil, un des plus grands mythologues du siècle dernier, explique que toute société est
organisée selon trois grandes fonctions, chacune ayant un rôle fondamental :
On peut très bien connaitre cinquante langues et oser le revers de pantalon comme M. Dumézil.
L’artisan est toujours à la base de la pyramide, il répond à un besoin essentiel (manger), mais sans la
dimension guerrière ou religieuse.
Là où la plupart des pays du vieux monde ont eu deux mille ans de contes pour bâtir une conscience
populaire, l’Amérique s’est faite sur la mythification de l'immigrant, absorbé dans un gigantesque
corpus aussi mythique que factice.
C’est une chose à bien comprendre pour intégrer la passion de certains tenants du workwear qui,
dans notre période de crise, s’accrochent à ce qui reste du mythe américain, à travers les vêtements.
La plupart des courants de la mode privilégient la fonction esthétique sur la fonction pratique. Le
workwear, c’est l’inverse. On pourrait même dire que c’est sa caractéristique principale : une
recherche de simplicité, le côté purement fonctionnel primant la beauté de l’ensemble.
Cette veste kaki se porte de préférence avec une expression déterminée, comme si on en voulait à
votre moto. Crédits Thebikeshed
Le workwear, c’est aussi l’amour du vintage et de l’authentique, d’une fabrication “en France” ou
“aux USA” ; voire au Japon pour certaines pièces, puisque le Japon possède certains des meilleurs
tisserands de denim au monde. Un assemblage de vêtements qui transmet une chose : le temps. Sa
patine et son travail.
Le style workwear correspond à une vaste gamme de morphologies. Alors que la plupart des styles
nécessitent idéalement un corps taillé, dans l’imaginaire véhiculée par la “taille mannequin”, le
workwear s’adresse aux gens plus normaux, vous, nous, tout le monde. Difficile de porter du dark, ou
même un combo classique chemise-chino-baskets, en faisant 1m65 et en étant très mince ou, à
l’inverse, d'être une armoire à glace d’1m90.
Lookbook Neighborood SS 20015
Le workwear a l'avantage de flouter une silhouette par des coupes amples et d’en exacerber la virilité
avec des matières authentiques. En plus, le style workwear est confortable, pas besoin d’être un
génie pour voir qu’on se sent mieux dans une chemise en flanelle bien épaisse que dans une chemise
en coton blanc Dior période Slimane.
Enfin, c’est un style qui, à l’opposé par exemple du style dark, nécessite très peu
d’investissement. Evidemment, dès qu’on monte en gamme et qu’on part sur des pièces bien plus
durables (ce qui est la raison d’être de ce style), les prix augmentent en conséquence ; mais en
termes de pur investissement-durabilité, c’est le style le moins onéreux à acquérir, la plupart des
pièces qui le composent étant pensées pour durer.
Le workwear, ça va de ça... à ça. Crédits The Sartorialist
Un jean APC bien entretenu peut durer une dizaine d’années. Une paire de Red Wings ou de
Heschung, une douzaine. Soit, selon l’éternelle équation : 13€/an pour un jean, 30 pour une bonne
paire de chaussures indémodable. On a fait pire comme placement.
Il faut lire les pages entières sur StyleForum où les membres glosent sur le délavage d’un jean ou les
différentes teinte de rouge de l’usure d’une paire d’Alden - les boots de charpentier d’Indiana Jones.
Credits Thebikeshed
D’autant plus que si vous n’avez pas la bourse nécessaire, c’est un style très connoté hipster, donc en
vogue, donc suivi par la plupart des marques de PAP (qu’on déconseille évidemment, mais il faut
aussi savoir faire face à la réalité étudiante parfois), donc accessible chez Uniqlo qui s’en est fait une
spécialité (laissons H&M et Zara là où ils sont).
Le style workwear est l’expression d’un style ouvrier. Il y a donc quasiment autant de styles
workwear que de métiers artisanaux.
Certains préfèrent un style plus bûcheron, d’autres s’inspirent des pompistes des années 50. On a un
ami à la rédaction qui pousse le vice jusqu’à se balader avec un mouchoir dans la poche arrière de
son jean en référence aux pompistes américains du Midwest qui essuyaient le cambouis de leurs
mains plus facilement ainsi.
Cela signifie que, si un accoutrement de base fonctionne, vous pouvez essayer autant de variations
dessus que vous avez d’inspirations. Neighborhood, par exemple, est une marque japonaise
directement inspirée du mode de vie des bikers des années cinquante. La tenue de base n’est
vraiment pas compliquée.
Certaines marques heritage s'inspirent des photographies anciennes. Crédits Neighborhood 2015 SS
Collection.
couleur monochromatique claire (blanc/bleu/pastel);
rayures “à l’ancienne” (comme le hickory, denim rayé verticalement indigo sur blanc);
motifs simples (comme le vichy, coton à petits croisillons de deux couleurs) ou plus grossiers
(comme le tartan : les “grosses chemises à carreaux” de trappeurs).
Chemise Gitman Vintage en oxford gris. Crédits Présent London.
Dans une matière travaillée, à l’air à la fois usinée et passée par le temps (pas de matières
“naturelles”) : chambray, denim, flanelle, oxford, etc. De préférence un modèle qui soit une
réplique d’un modèle passé.
UN JEAN
Qu'il soit brut ou délavé selon des techniques traditionnelles. Coupe droite ou ample, voyez les
coupes des Levi’s du début du XXe siècle, sachant que certains puristes s’en réclament et qu’on
rentre là dans une démarche purement esthétique. Ce n’est pas forcément une coupe qui met la
morphologie en valeur.
Dans une toile du Japon (ville de Kojima, où sont regroupées la plupart des fabriques de denim) ou
des Etats-Unis (Cone Mills).
Naked And Famous Weird Guy, 36 mois de port intensif. Crédits Rawr Denim.com
Les marques de jeans : Naked & Famous, Allevol, Gustin, Samurai, Skull, Studio d’Artisan, Oni
Shoai,Warehouse, Momotaro, Japan Blue Jeans, Evisu, 45RPM, Ruell & Ray,... et bien sûr APC,
quoique certaines marques citées ci-dessus les surpassent largement en qualité.
En vrac, la Beckman de chez Red Wings (sachant qu’il en existe deux variantes très prisées, la 9016
et la 9030, dans les teintes sang-de-boeuf originales), l’”Indy Boot” de chez Alden(modèle 403 en
rouge brique, à l’origine des chaussures de charpentier popularisées aux pieds d’Harrison Ford), la
Classic 20065 de chez Chippewa, etc.
Redwings Beckman 9016, modèle usagé. Crédits Brandshop.ru
L’intérêt de ce type de chaussures est encore une fois son confort et sa durabilité. Ce sont des
modèles conçus comme chaussures orthopédiques à l'origine (l’Indy Boot), ou au moins comme
modèle alternatif “chic” à une vie campagnarde (Red Wings). Leur beauté réside dans leur
vieillissement et la patine qu’elles acquièrent avec l’entretien donné au fil des années.
Oubliez les bagues, bracelets et colliers qu’on peut trouver chez d’autres styles, le workwear fait
simple et le fait bien.
Investissez dans une grosse ceinture qui vieillira bien. La marque de référence en la matière est
Tanner’s Goods, dont les ceintures et sacs sont réputés dans tous les Etats-Unis.
Un sac messager résistant qui, détail amusant, tire son nom, le “messenger”, du Pony Express. À
l’origine, ce sac pratique servait aussi de fontes aux messagers grâce à l’adjonction de boucles à
l’arrière qui permettait d’en fixer une paire par dessus la selle, chez Filson, ou mieux, Stanley & Sons,
spécialistes à l’origine du tablier de forgeron et accessoirement la Rolls-Royce du sac en cuir fait
main.
Messenger bag en cours de tannage Stanley & Sons. Crédits Stanley & Sons
Marques de sac messager : Stanley & Sons, Filson, Hollows Leather, Timothy Oulton, Teranishi,
Guarded Goods, The Superior Labor, Archival Clothing, etc.
Comme l’iconique Trucker Jacket de chez Levi’s, mais vu la qualité de leurs productions récentes, on
va se rabattre sur un modèle équivalent mieux façonné chez n’importe laquelle des marques de jeans
citées plus haut, voire chez Rick Owens ou Visvim.
Une grosse veste de travail de chez Woolrich Woolen Mills, Engineered Garments ou Mark McNairy
et/ou un pull en grosse laine à col rond, simple, chez une marque qui fait bien les pulls en grosse
laine à col rond simples (notamment les marques scandinave comme SNS Herning, Our Legacy ou
Filippa K).
Rogue Territory Willard Field Jacket. Crédits Rogue Territory.
A partir de là et suivant vos goûts, vous pouvez vous orienter vers à peu près n’importe quoi :
du military wear avec des motifs camo, du biker wear en y intégrant des blousons en cuir,
de l’explorator wear, avec des parkas et des bonnets en référence aux expéditions en Antarctique,
etc, etc.
ENGINEERED GARMENTS
Engineered Garments a été créé en 1999 par Daiki Suzuki et s’est imposé depuis comme la marque
phare du workwear japonais.
Le nom vient d’une modéliste engagée pour ébaucher le premier jet de motifs de la première
collection. Elle trouvait qu'une telle attention portée aux pièces ressemblait plus à de l'élaboration
qu'à de la conception.
Comme Visvim, dont on a déjà parlé dans le chapitre sur l’art de bien s’habiller, Engineered
Garments est japonais, dans tous les sens du terme : aussi par l'origine que de par l'obsession limite
maniaque du détail et de la confection.
Le Japon après la Seconde Guerre Mondiale eut beau détester les Etats-Unis, l’Empire du Soleil
Levant s’écroulait. Sur ses ruines arrivait une nouvelle culture à l’opposé de tout ce que
connaissaient les insulaires de l’époque, avec ses jeans, ses chewing-gums, son Coca Cola et ses GI.
L’occupation après-guerre des Américains a eu une influence décisive sur la culture japonaise. Elle
est définitivement sortie de son isolement sourcilleux tout en gardant certains traits typiques
faisant qu’aujourd’hui encore c’est un pays à part : même après y avoir vécu vingt ans, un gaijin
(étranger) reste un gaijin.
Engineered Garments FW11. Crédits End.
On peut tracer la majorité de la mouvance workwear japonaise à cette époque et Engineered
Garments ne fait pas exception à la règle : la marque s’inspire fortement de tout un univers
sportswear, de teddies, de football, mais aussi des troupes en cantonnement avec des motifs
camouflage, des chinos...
Woolrich est une “marque héritage” qui fournit de quoi s’abriter des intempéries et autres bestioles
vindicatives, à l'exemple des trappeurs et des hommes de la Frontière du début du XIXe siècle.
Depuis 2006, ils se sont adjoints les services de Daiki Suzuki, avant que la marque ne soit reprise en
2010 par Mark McNairy. C’est une manifestation concrète des différents types de workwear : si
Engineered Garments s’attache à son héritage militaire et s’accorde des pauses colorées avec du
liberty, la spécialité de Woolrich reste les types qui chassaient de l’ours à mains nues et faisaient
s’évanouir les castors avec leurs cabanes.
Woolrich Woolen Mills FW13. Crédits WPLavori.
On trouve donc de grosses parkas, des grosses vestes en laine, des grosses chemises en flanelle, des
gros bonnets, et des gros pantalons en velours. Avec des grosses barbes. Le hunter wear en quelque
sorte.
Le concept de base de Woolrich pourrait être la définition du workwear : ”garment with a purpose”.
Des vêtements fonctionnels, soit la capacité de déconstruire des vêtements traditionnels et de les
remettre au goût du jour en laissant intacts les détails qui en font l’essence, tout en modernisant la
coupe.
Woolrich Woolen Mills FW12. Crédits Styleledger
Chaque détail a une vocation pratique : que ce soit une poche plaquée pour plus d’espace ou un
renfort de coude interne pour renforcer un endroit où le vêtement s’use habituellement plus vite.
Dans le même esprit (et contrairement à Engineered Garments qui recherche justement le côté
“usine” dans ses créations), la marque met un point d’honneur à employer des matières naturelles
non traitées pour tirer parti de leurs propriétés imperméabilisantes et impérissables.
MARK MCNAIRY
Mark McNairy est une espèce de machine à plusieurs faces, capable de gérer quatre marques de
front tout en acquérant le surnom de McNasty pour son tempérament sanguin, ses manières froides
et pour coller des smileys sur les semelles de sa ligne de chaussures.
Une des paires s’appelle par exemple “You talkin’ to me ?”, en référence à Robert de Niro dans Taxi
Driver. Son travail regarde à la fois vers le sportswear et le classicisme preppy, s'appropriant chacun
avec un certain sarcasme détaché, un humour permanent visible dans tout son travail (noms de
modèles ironiques, trépointes jaune poussin, gilets bi-motifs, etc).
Regardez sa casquette, vous savez maintenant quelle coupe choisir pour vos jeans workwear...
Crédits Sebastian Petrovski
Il est littéralement vénéré par un nombre conséquent d’acteurs de la mode, dont Nick Wooster par
exemple.
C’est assez sublime mais forcément compliqué à assortir, même si certains modèles peuvent casser
une tenue plus formelle de façon amusante (ses pantalons cargo “Monkey Business” avec des
poches camouflées par exemple).
CONSEIL : COMMENT CRÉER DES LOOKS WORKWEAR EN ÉTÉ ?
Pourquoi se poser une telle question ? Tout simplement parce que denim brut, flanelle et work-boots
ne sont pas très adaptés aux températures estivales qui transforment la plupart des villes en sauna...
Passionnés de workwear, amoureux d'indigos imparfaits, fans de wabi-sabi japonais, ma quête d’un
style "brut" s'est rapidement heurté aux chaleurs caniculaires des beaux jours. 1
Le coeur du problème vient de l'essence même du style workwear : né pour répondre aux conditions
rugueuses du Grand Nord américain ou aux rigueurs de l’usine, il se caractérise par sa robustesse et
son épaisseur. Du coup, il devient rapidement difficile de composer avec le cagnard d’un week-end
juilletiste entre amis.
Quand les 20 oz de votre splendide Oni Denim se retournent contre vous.
À mon grand étonnement, je me suis rendu compte que le web n’offrait pas de réponses
satisfaisantes à cette problématique. Même le sage Nicolo, pourtant habitué aux questions de
lecteurs, ne me contentait qu’à moitié…
Pour votre gouverne, c’était il y a près de deux ans. Depuis, je mûris une réflexion personnelle en
même temps que cette quête stylistique, et je crois utile de la partager avec vous aujourd'hui.
Comment, donc, développer un style résolument workwear durant les (très) beaux jours ? C'est ce
qu'on va voir ensemble.
Comme beaucoup de styles, le workwear s’est bâti sur des figures emblématiques, mythifiées,
réinterprétées à l’infini. Ouvrier à l’ancienne, bûcheron barbu, biker fifties, marin vintage… Des
références louables mais pas idoines l’été.
On pourrait citer la grande famille du military, dont les rats du désert n’étaient pas des demi-durs. La
figure cinématographique de l’explorateur des années 40 “spielberguisée”. Ou encore certaines
inspirations sports/streetwear vintage chères au grand Nigel Cabourn…
Sans trahir l'esprit workwear, invoquer des inspirations s'en rapprochant peut-être utile pour
composer des looks adaptés aux fortes chaleurs.
Bref, il s’agit de trouver de quoi troquer ses inspirations sans pour autant trahir ses goûts et ses
couleurs, pour les assortir à loisir, selon ses affinités et par tâtonnements. La liste précédente est loin
d’être exhaustive…
On pourra aussi emprunter les earth tones 3 les plus lumineux. Des teintes neutres qui se
substituent de façon très masculine à la gamme des bleus, tout en lui étant parfaitement
complémentaires : olive, khakis, beige, écrus, taupe, camel, sable, rouille…
Le blanc et toutes ses nuances cassées et écrues y ont naturellement leur place, ainsi que les gris
clairs et chinés, renvoyant à des univers plus sportswear.
Pourquoi ne pas jouer sur les motifs ?
On évitera toutefois les tons pastels et les couleurs trop vives. En effet, elles sont propres à d’autres
influences 4et seraient donc contre-productives dans notre démarche, suffisamment technique par
ailleurs.
Certains motifs peuvent aussi être de la partie, de préférence par petites touches. On pourra
s’amuser avec toutes les variétés des camo, mais aussi certaines rayures pas trop fines évoquant le
hickory 5.
Si le motif camouflage vient de l'univers militaire, il s'intègre tout à fait dans un look d'inspiration
workwear. (Photo : Borasification).
Les gros carreaux clairs, les polka dots et les vichy un peu bruts sont également envisageables. On
évitera juste les tartans trop sombres et “riches”, qui renvoient davantage à un univers automnal.
Motifs et style workwear ne sont pas incompatibles, loin de là...
Les plus expérimentés, ou fondus de workwear japonais à l’ancienne, pourront même s’essayer aux
patchworks de denim...
Plus décalé, je me dois de confesser un penchant très perso pour les chemisettes type hawaïennes à
gros motifs. Ouvertes sur un tee blanc, je trouve qu'elles offrent un petit côté kitsch tropical qui,
assumé, rend finalement assez badass.
Derrière tout fan de workwear se cache un amateur de belles matières. De celles qui se patinent
avec amour. L’éloigner de ses terres indigos peut, pour lui, être une source d’angoisse...
DU DENIM D'ÉTÉ ?
Réconfortons d’abord cet amoureux d’Okayama 6 : il existe bien des grammages miracle, sous les
10oz, permettant de porter du denim en été. Même selvedge. Des toiles souvent mêlées de lin ou de
chanvre, plus claires, et qui rendent la manœuvre à peu près jouable.
C'est notamment le cas chez des spécialistes comme Naked & Famous, Gustin ou ici avec notre
pantalon en canevas japonais.
Certaines marques de puristes 7 proposent des toiles très épaisses (15–20oz) mais “low tension”,
c'est-à-dire avec une armure lâche et aérée. Cela permettrait donc de porter ces "mammouths" par
temps chaud. Cela dit, je n'ai jamais testé de telles pièces donc je m'abstiendrai de tout
commentaire.
Dans tous les cas, le choix des modèles est plutôt restreint. Dans le cas des denims légers, leur
solidité est forcément amoindrie et le délavage ne peut pas non plus être optimal.
Un mot d'ordre, donc : quitter sa zone de confort et s'éloigner quelques semaines de ses chères
toiles brutes bien épaisses.
Vieux cousin du denim, le robuste canevas se prête bien à des épaisseurs superlight, pouvant
descendre vers un 5oz pour un pantalon ! Son grain, mais aussi le délavage que développe cette toile
à l’usage sont une joie pour tout amateur de workwear. Néanmoins, la matière est plutôt rare, et
encore davantage sur ces poids. Dommage...
Le chambray est aussi un allié tout indiqué dans cette quête d’authenticité, et ce depuis son
adoption par la marine américaine. Enfin le lin, avec son slub naturel 10, sa robustesse, sa "main"
nerveuse et sa respiration inégalée est votre meilleur ami sous le soleil.
On piochera aussi à loisir dans le vaste monde du jersey, notamment du côté de ses textures en
relief.
Comme tout le monde en été, le fan de workwear est contraint à réduire son layering fétiche à sa
plus simple expression. D'où l’importance de bien choisir ses pièces.
Le risque ? Glisser sur une tenue pas forcément hors-sujet, mais un peu fade pour le baroudeur qui
est en vous.
Le but est donc de porter au moins une pièce un peu plus marquée que la moyenne. Lesquelles?
Ceux qui résistent à l'appel du short se trouvent confrontés à un problème cruel : comment ne pas
crouler sous la sudation ?
Déjà, assurer à ses jambes une libre circulation d’air, et ne pas hésiter sur les coupes un peu droites
ou qui se resserrent sur le bas de la jambe. Pour se les approprier, on les “civilisera” via de généreux
revers, afin de découvrir stratégiquement ses chevilles, à la japonaise.
Preuve à l'appui.
Pourquoi ne pas opter pour un petit revers pinroll des familles
Petites précisions au passage : dans les deux cas, la chaussette invisible est de rigueur. De plus, si la
ceinture est de mise, on la préféra dans un tissu léger uni ou au motif simple et sobre.
#sprezzaturepas.
Ayant déjà traité son cas, passons en revue les substituts au jean d’été…
Commençons par l’évidence : le léger twill d’un chino. Il est tout à fait approprié par fortes
chaleurs 11.
Simple et efficace : le chino. (Crédits : He Spoke Style)
Cela dit, le fan de workwear ne dira pas non à des pièces plus fortes.
On pense au pantalon cargo, dont les poches latérales trouvent toujours une utilité lorsqu'on
se balade en tee-shirt. Vous trouverez forcément votre bonheur chez Orslow, Universal Works, Bleu
de Paname, Maharishi...
Plus confidentiel, le "fatigue pant" et ses larges poches avant plaquées est une sorte de chino en plus
brut, et souvent en plus large. Pour en dégoter un (ou plus), il vous faudra regarder chez
Orslow, Carhartt, Bleu de Paname, Engineered Garnements ou Stan Ray.
Modèle Carhartt.
Moins attendu, le chambray est aussi monté en pantalon par certains. Outre le classique cinq
poches (un récurrent chez Naked&Famous), il rend bien sur un easy pant 12. Ou avec un peu
d’élasthane, en sweatpants légers pour une inspiration à la croisée du streetwear (dépend vraiment
des collections).
Une matière, plusieurs déclinaisons.
QUID DU SHORT ?
Même pour les plus réfractaires, le short est inévitable en bord de mer ou au plus fort de la canicule.
Avec si peu de tissu pour s’exprimer, l’écueil d’une tenue trop lisse n’est jamais loin… Alors, que
faire?
Inconditionnel du bermuda ? Cette pièce parfois un peu sage peut être rendue plus sauvage. Il s’agit
juste de lui offrir, outre un bon revers et une coupe un poil large, voire une nuance de earth
tones assez prononcée. Pour une identité plus forte, pourquoi ne pas le délaver franchement pour
suggérer un kilométrage aventureux ?
Comme dans le cas du chino, on peut facilement lui substituer sa version “fatigue” et ses poches
avant plaquées 13.
Modèle Stan Ray.
Plus classique, l'indémodable et incontournable short en jean semi-slim est presque un "basique de
l'été".
N'est-ce pas, Boras ?
On pourra aussi opter à l’occasion pour un modèle plus sportswear en jersey texturé d’inspiration
vintage. Ses cordons de serrage offrent un détail bienvenu.
En faisant très attention à sa coupe, ni trop large, ni trop longue, les plus audacieux pourront
s’essayer au short cargo, voire au monkey-short et sa large poche arrière unique.
Pour les habitués du workwear.
Sympa avec un revers débordant sur les poches latérales, c'est une pièce plus envisageable que son
équivalent pantalon, que Boris de Borasification manie avec maestria.
Enfin, on s’en doute, mais le pantacourt demeure un tabou que personne ne devrait violer. Jamais.
JAMAIS.
Toile vierge mettant en valeur toutes les autres, le tee-shirt et son sous-texte militaire sont une
évidence en été, surtout enrichi de lin.
Tous les tons clairs précédemment évoqués sont les bienvenus, mais le blanc aura l’avantage de
trahir à minima votre (éventuelle !) transpiration.
On pourra lui offrir une coupe un peu plus loose, des manches roulottées ainsi qu’un col boutonné,
pour plus d’aération. Et surtout... tenter de canaliser le Ryan Gosling qui sommeille en vous.
Si la chemise habillée est difficile à faire passer, la chemise casual a résolument droit de cité.
L’amateur du style appréciera les riches textures du chambray, du lin, d’oxfords légers, de denims
subtils et clairs voire de certaines popelines…
La pièce poussera au besoin le curseur "élégance". Mais afin de rester dans une esthétique brute, on
n’hésitera pas à se porter vers des modèles aux poches pectorales très travaillées.
Doubles poches, surpiqûres contrastantes, fermetures à boutons, poche stylo, rabats, boutons
contrastants, ouverture inclinée, poche asymétriques voire poche intérieure : autant d'éléments à
favoriser pour styliser votre look.
Des détails qui font la différence.
La ‘jumper shirt’ de Rogue Territory synthétise pas mal de ces détails. Mais on peut aussi citer Jinji et
tous les spécialistes du denim : Momotaro, Fullcount, Studio D’Artisan, Pure Blue, Levis Vintage…
Finitions soignées et matières texturées sont à la base des chemises d'inspiration workwear.
Au niveau du col, le button-down est roi. Cela dit, un col club arrondi est aussi possible, tout comme
un modèle sans-col.
Quant au tab-collar, avec cette petite patte de serrage à la base du col, c'est un détail très prisé…
Pour la coupe, on pourra librement expérimenter avec des tombés plus loose, des modèles “pop-
over” style vareuse (mais pas de polo svp!), des manches raglans, des pans arrondis, des
empiècements western, voire des longueurs un peu longilignes - clin d’œil à certaines influences
indiennes - pour épicer la chose…
Soyez inventifs...
Enfin, à l’exception notable de la chemisette hawaïenne et son kitsch assumé, je suis pleinement du
parti du Benoît : manches longues et roulottage pour tous.
C'est un point assez technique dans la mesure où le soulier est un sujet workwear sensible, un make
or break de ce style puriste. La difficulté tient en ce que la saison chaude interdit tous les classiques
en cuir épais. Dès lors, que faire ?
Il est ici plus simple de procéder par élimination, certaines chaussures estivales étant trop marquées
pour se fondre dans une tenue workwear sans en dénaturer la "badassité".
C'est le cas de tous les types de mocassins (des tassel au driving-shoes), chaussures bateau, brogues
ou boucles suédées aux semelles contrastantes, slip-on proprettes et autres espadrilles…
Leur daim non doublé et leurs semelles en crêpe s’en sont bien sortis dans les années 40 en Égypte,
paraît-il.
Leurs cousines aux semelles sneakers ou leurs sœurs wallabees sont, elles aussi, appropriées.
Clarks et Gustin proposent de très beaux modèles.
Bonus point pour des semelles en gomme couleur naturelle, une préférence personelle qui donne
toujours un côté plus brut et old-school à la chaussure.
Faîtes votre marché...
Comme on n’est plus à un sujet tabou près, concluons ce chapitre par le cas des sandales. On
préférera largement des modèles plus massifs à toutes les tongs et autres claquettes maigrelettes.
Et même si une mode se développe à ce propos chez les adolescents inspirés des sportifs US, on
s’épargnera le combo chaussette-sandales. SVP.
LE COIN DE L'OUTERWEAR
Un rafraîchissement bienvenu peut inciter au port d’une petite épaisseur supplémentaire le soir.
L’occasion tombe à pic pour étoffer son allure.
D’abord, pour nos orthodoxes du denim, les premières vestes Levi’s Type I et II étaient coupées dans
une toile assez light : un très envisageable 9oz.
Aujourd’hui, les spécialistes du denim proposent des Type III (les fameuses trucker jackets) dans les
mêmes poids-plume.
Et le design n'est pas mal non plus.
Le vaste monde des vestes d’ouvriers de tous poils s’offre à vous. Dans des styles plus ou moins
marqués, en coton ou en lin.
Combinaison de cheminot américain des 50's, bleu de travail français, workshirt en hickory, worker-
jacket à mi chemin du blazer… ou encore noragi, si une expérimentation nippophile vous tente.
Jungle ou field jackets, vestes M43 et surchemises riches en poches poitrine... vous avez l'embarras
du choix. D'autant plus que la mode a tartiné ses khakis sur à peu près toutes les vitrines cette
saisons. Facile.
On mettra toutefois en garde contre l’accumulation de pièces militaires trop fortes : le but n’est pas
de se déguiser en soldat. On vous déconseille donc de doubler votre large cargo d’une M65, pour ne
pas donner un effet redondant disgracieux. Vigilance.
Piochez sur Internet, les inspirations sont nombreuses !
Par ailleurs, l'intemporel militaire adoubé par le streetwear est évidemment le classique bomber.
Eh oui !
Qu’il soit en ripstop, en chambray, en nylon non-doublé, ou en canevas de lin, si la MA1 est bonne
pour Steve McQueen, elle est bonne pour vous.
Vous en trouverez sans problème chez Norse Project, Naked & Famous ou encore Alpha Industries…
En cas de voyages plus humides (on pense aux moussons asiatiques), une légère et imperméable
coach-jacket aux lignes épurées peut s'avérer utile ! Une street cred hip-hop impeccable au service
du style : que demande le peuple ?
En image, ça donne ça. Doublée d'une joli motif camouflage, c'est une pièce qui peut devenir très
forte.
Et si c’est vraiment nécessaire, un sweatshirt uni au jersey pas trop épais et au ton neutre restera
votre meilleur ami pour toute soirée barbecue à la belle étoile. Pourquoi pas à manches courtes, en
référence à l’univers de la boxe.
Enfin, petite pensée à Benoit et sa bien-aimée mid-layer. Un gilet en coton ou taillé dans une matière
plus isolante peut tout à fait être envisagé quand l’humidité retombe ou pour gérer des transports un
peu trop climatisés.
Il en existe dans des styles divers et variés, vraiment pour tous les goûts.
Ils sont nombreux et bienvenus en été, afin de rehausser des tenues trop lisses.
Premier d’entre eux : la montre. On se souciera surtout du bracelet, en prenant soin de choisir un
bracelet Nato ou en perlon pour éviter de suer du poignet. Cuir et métal sont, le temps de la période
estivale, à proscrire...
Le genre de bracelets à favoriser pour éviter la sudation.
Indispensable sous le soleil, une bonne paire de lunettes est également essentielle. L’amateur de
workwear se tiendra éloigné de toute forme futuriste ou un peu bling, pour se concentrer sur les
classiques.
Beaucoup, beaucoup, beaucoup de style en une seule photo.
Des montures métal apporteront un parfum military plus bourru, où des acétates apporteront plus
de sophistication. On passera son tour sur l'univers des verres miroirs, polarisés ou colorés… qu’on
laissera aux festivaliers EDM.
L'acétate peut très bien fonctionner dans un look workwear.
Le couvre-chef est un autre sujet complexe, qui demande avant tout de l'assurance et de la confiance
en soi . Sans être incollable sur ce sujet plutôt "advanced", j’entrevois surtout trois grandes
possibilités workwear-compatibles :
et les buckets hats ou bob (surtout en denim) ramenés au goût du jour par le streetwear et le
Japon ces derniers temps.
Parfois utiles et souvent stylés, chèches aériens et bandanas roulés sauront, si besoin est, protéger
votre cou du soleil ou de la fraîcheur du soir, tout en rehaussant votre carrure.
Tips & tricks spécial canicule : un bandana humide roulé autour du cou est un bonheur en
plein cagnard.
Enfin, l’accumulation de bracelets pas trop imposants et/ou de bagues sympas, voire de colliers, peut
être une bonne idée pour encanailler une tenue trop minimaliste. Perle, argent, turquoise, tissu,
pièces de monnaie, faites-vous plaisir. Vous pouvez jeter un oeil chez Harpo, Gudule et Tant d'Avenir
par exemple.
LE MOT DE LA FIN
Arborer un style workwear en été n’est donc pas si compliqué en choisissant bien quelques pièces,
leurs matières et leurs couleurs.
Les chercher peut même être l’occasion de pivoter vers des influences nouvelles, d'élargir
ses horizons et d'enrichir son vocabulaire stylistique. C'est d'ailleurs, selon moi, ce que chacun
devrait toujours chercher à faire pour affiner son swag personnel...
Il n’y a pas que le denim dans la vie. Tentez, essayez, découvrez et restez (au) frais.
CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE STREETWEAR ?
Dans cette partie, nous allons aborder un style particulier : le streetwear. Rassurez-
vous, nous nʼallons pas vous payer un aller simple pour tourner un clip de rap des années 90, avec
pantalons larges, casquettes et chaînes en or autour du cou.
Oubliez ce style de « voyou à lʼaméricaine », périmé depuis longtemps et abandonné par ses plus
fervents défenseurs. Le streetwear a su traverser les époques et rencontre aujourdʼhui un réel succès
en touchant un large public.
Comme son nom lʼindique, il est né dans la rue sous lʼimpulsion des jeunes de quartiers défavorisés.
Une forme dʼexpression qui leur permettait de montrer leur appartenance à une culture et de
réaffirmer leur individualité dans une société qui tendait à les marginaliser.
Nʼayant pas beaucoup de moyens financiers, ces jeunes ne pouvaient pas sʼoffrir des vêtements de
marques, et faisaient donc avec ce quʼils avaient.
Lʼimportant nʼétait plus le vêtement en lui-même mais la manière dont il était porté. Une situation
qui les incitait à être le plus créatif possible et qui a provoqué la naissance de nouveaux codes
urbains.
Arrivés en France dans les années 90 et diffusés grâce à des films comme « La Haine », des marques
comme Com8 ou Wrung, et lʼarrivée du mouvement rap (NTM et IAM), la culture urbaine et le style
streetwear ont rapidement touché le grand public.
L'ÉVOLUTION DU STREETWEAR
De ses débuts dans la rue, à son influence dans les collections de prêt-à-porter des Maisons de
luxe, le streetwear a énormément « grandi ». Cʼest un style qui a su évoluer de manière cohérente
et qui arrive aujourdʼhui à maturation.
À l'origine, le style streetwear se définit par des vêtements larges : jean « baggy », t-shirt XXL avec
les manches qui tombent en dessous des coudes, sweats à capuche avec une emmanchure
commençant 10cm en dessous de lʼépaule...
Oui, c'est de cela qu'on parle...
Un style complété par de grosses baskets et une casquette. Mais très vite, certaines personnes ont
préféré opter pour des jeans plus serrés, comme les skateurs californiens avec leursskinny jeans.
En fait, la « liberté » qui est lʼessence même du streetwear a favorisé la diversité. Les gens se sont
réappropriés les basiques de leur garde-robe. De fait, deux personnes avec un style streetwear
pouvaient avoir des looks différents.
Aujourdʼhui, les coupes sont plus cintrées et les collections sont plus recherchées, avec lʼutilisation
de belles matières et un souci du détail apporté à la fabrication des vêtements.
La sobriété a remplacé les énormes imprimés omniprésents des débuts. Aussi, on note la corrélation
de plus en plus marquée entre le streetwear et le workwear.
La clientèle sʼest diversifiée : le streetwear nʼest plus associé à la youth cultureanarchiste et
anticonformiste comme à ses débuts. Il touche des tranches dʼâges plus âgées et a envahi lʼensemble
des classes sociales.
Il a depuis longtemps quitté la rue pour investir les boutiques haut de gamme des plus grandes
capitales. Sʼhabiller en streetwear peut donc revenir cher.
Le but de cette partie est de vous proposer un guide vous aidant à adopter les bons réflexes pour un
style street soigné.
Trois pièces constituent les bases dʼune tenue streetwear : le sweatshirt, les sneakers et la
casquette. Pour bien commencer, concentrez-vous sur ces trois éléments.
Évitez les impressions sérigraphiées trop imposantes. Si vous portez un joli tee-shirt, nʼhésitez pas à
le mettre en valeur en gardant votre hoodie ouvert. Le reste du temps, gardez-le fermé jusquʼen
haut. Aussi, préservez-vous du style « voyou» et ne mettez pas la capuche.
Ici, un sweatshirt Maison Standards
Pour un sweatshirt à col rond, sans capuche, soyez attentif aux finitions. Lʼencolure ne doit pas être
trop proche du cou et doit tomber parfaitement sur le début de vos épaules. Vérifiez que les bord-
côtes situés sur les manches et le bas de la pièce ne soient pas trop longs, ni trop serrés.
Faites un test : levez et abaissez les bras plusieurs fois de suite. Vérifiez que le sweat reprenne bien
sa forme initiale et retombe correctement.
En dessous dʼun sweat col rond sans capuche, vous pouvez porter une chemise boutonnée jusquʼen
haut. Dans ce cas, optez pour des modèles à la matière plus travaillée (maille, coudières en cuir, etc.).
LES SNEAKERS
Les sneakers sont une obsession pour les amateurs de streetwear, qui les collectionnent (de
manière plus ou moins raisonnable). Lʼoffre proposée par les marques est gigantesque. Voici
quelques conseils pour vous aider à y voir plus clair.
Pour commencer et vous éviter de faire des erreurs, orientez-vous vers les marques les plus connues
qui proposent des modèles iconiques à des prix abordables.
Nike propose trois modèles « indispensables » : les « Nike Blazer » (hautes et basses) sont fines et
sʼadaptent vraiment à toutes les coupes de pantalons.
Elles sont proposées dans de jolis coloris vintage entre 85 € et 100 €, et sont même personnalisables
sur l'eshop de la marque.
La Air Force 1 en version basse (95 €), dans son coloris original entièrement blanc, est aussi un
modèle de base à posséder (évitez la version montante avec le scratch).
L'iconique modèle de Air Force 1 "white on white"
Enfin, la Air Max 1 complétera votre collection et se distinguera de vos autres paires avec sa bulle
dʼair (environ 145 €).
Un modèle de Nike Air Max 1
Vous pouvez aussi choisir dans le catalogue Vans en toute sérénité. Nous avons une préférence
pour le modèle Era de Vans (environ 80 €). Intemporel, il se porte aussi facilement avec un short
quʼun pantalon et existe dans une multitude de coloris.
De façon générale, évitez les coloris « flashy » et les modèles trop gros. Les sneakers doivent se
fondre dans votre tenue et ne pas attirer lʼattention.
Attention, après votre premier achat, vous pourrez facilement vous prendre au jeu et démarrer une
collection de sneakers sans trop vous en rendre compte. On vous aura prévenu...
Note : Il y a un retour du « running » dans le streetwear. Laissez vous tenter par une paire de baskets
initialement destinée à la course à pieds. Nous aimons beaucoup ce que propose la marque New
Balance. Attention, vérifiez bien quʼelles aient été fabriquées dans leur usine anglaise de Flimby (le
drapeau du Royaume-Uni est brodé sur la languette) ou aux Etats-Unis.
LA CASQUETTE
Accessoire indispensable pour une tenue street, trois modèles doivent retenir votre attention : la
casquette classique à visière plate, la snapback et la 5-panel.
Cʼest la référence des casquettes street. La marque New Era lʼa démocratisée avec son modèle
iconique : la «59 Fifty » (35€ environ). La plupart du temps, les broderies sont les logos des franchises
américaines de baseball (MLB), hockey sur glace (NHL), basketball (NBA) ou football américain (NFL).
New Era a aussi collaboré avec de nombreuses marques de streetwear sur la base de ce modèle. En
édition limitée, elles sont plus recherchées que les modèles classiques.
Dans tous les cas, veillez à choisir un modèle « sérieux », avec un logo sobre et des couleurs
classiques (évitez à tout prix les visières en imitation serpent et les trop grosses broderies). Gardez en
tête que vous devez pouvoir la porter au quotidien.
Faites attention à la taille ! Une casquette trop petite peut vite devenir inconfortable, là où un
modèle trop grand peut vite vous donner une allure ridicule. La taille est indiquée sur le sticker-
macaron collé sur la visière. La tradition interdit de le retirer ! Mais on ne vous en voudra pas.
Note d'histoire : cʼest le rappeur Jay-Z qui a répandu le port de la New Era 59 Fifty en portant le
modèle de lʼéquipe de baseball de New York, les New Yankees. Originaire de Brooklyn, cʼest un des
premiers à avoir revendiqué ses origines newyorkaises de la sorte. Le quotidien New York Times
parle même de «lʼeffet Jay-Z».
Lʼintéressé assume et déclare même dans une de ses chansons «Jʼai rendu la casquette des
Yankees plus célèbre quʼun Yankee aurait pu le faire».
LA SNAPBACK
Depuis quelques années, la snapback fait de lʼombre au modèle classique. La seule différence est
quʼelle est réglable à lʼarrière (fini les casse-têtes pour trouver un modèle à sa taille). Pour lʼintégrer
facilement à votre look, il faut là aussi veiller à acheter un modèle « sérieux ».
Note : New Era et Mitchell & Ness sont les spécialistes des snapbacks avec les logos de franchises
sportives américaines. Cependant, privilégiez des marques de streetwear qui ont leur propre ligne de
snapback comme «Only NY», «HUF» ou bien «Quiet Life» (à partir de 35 €).
LA 5-PANEL
Comme son nom lʼindique, ce modèle est constitué de cinq panneaux (un sur lʼavant, deux sur les
côtés et deux sur le dessus), cousus entre eux. Tout comme la snapback, cʼest un modèle avec une
languette de réglage à lʼarrière. Cʼest la casquette qui rencontre le plus grand succès ces
derniers temps.
Si vous aviez des doutes sur sa forme, détrompez-vous ! Loin du cliché « voyou », il nʼy a pas plus
élégant quʼune 5-panel. Des marques comme Norse Projects, Moupia et I Love Ugly (entre 50 € et
65 €) nous étonnent à chaque fois, avec lʼutilisation dʼimprimés originaux et des jeux de
matières intéressants.
Un modèle de 5-panel « I Love Ugly», vous pouvez voir les finitions avec la bande de réglage et la
boucle avec ardillon.
Note : la marque française Larose Paris revisite le modèle de la 5-panel avec une forme retravaillée
et lʼutilisation de matériaux nobles (tissus en provenance dʼAngleterre, de France et des Etats-
Unis). Les modèles sont montés à Paris par une chapelière titulaire du titre «dʼartisan dʼart». Dʼoù un
prix un peu plus élevé, aux alentours de 95 €.
Enfin, il y a deux manières de porter une casquette : avec la visière de face et en arrière. Toute autre
position intermédiaire est réservée aux rappeurs. Cʼest non négociable.
ET LE RESTE DE LA TENUE ?
Mis à part les sneakers, la casquette et le sweatshirt, il nʼy a pas de pièces « estampillées »
streetwear. Le reste de votre tenue est en grande partie emprunté à un vestiaire plus classique.
Cependant, lʼinfluence « street » se ressentira dans votre façon de vous les réapproprier.
Sachez aussi que le streetwear, hétéroclite par définition, se marie bien avec dʼautres styles: avec
des choses drapées, minimalistes et dark comme chez Silent by Damir Doma ou Rick Owens, du
workwear comme chez Carhartt, ou encore des pièces plus habillées.
LE TEE-SHIRT
Pour le teeshirt, veillez à ce que celui-ci soit bien coupé même si vous êtes autorisé à le choisir un
peu plus grand, toute proportion gardée. Prenez la ceinture comme point de repère : le teeshirt ne
doit arriver ni au-dessus, ni en dessous de celle-ci.
Si vous optez pour un teeshirt un peu plus large, évitez « lʼeffet parapluie » inhérent aux manches
trop grandes. Nʼhésitez pas à faire un petit ourlet sur chacune dʼentre elles. En plus de restructurer
votre teeshirt, cela vous donnera un « effet négligé » appréciable.
Concernant les tee-shirt avec des imprimés, préférez avant tout la sobriété. Ils ne doivent pas être
trop imposants... exception faite pour les imprimés all-over (cʼest à dire recouvrant toute la matière),
comme le camouflage. Les tee-shirts à fines rayures ou en coton chiné sont des
alternatives intéressantes.
Les «pocket tees» (tee-shirts avec une poche côté cœur) rencontrent un grand succès depuis
quelques années. Les variations sont nombreuses : soie, tissu avec imprimé original, poche avec
bouton pression... Des détails qui donnent du relief à une pièce traditionnelle.
Exemple de poche avec bouton pression sur un tee-shirt Tantum
☞ Marques conseillées : Carhartt, Stussy, Norse Projects, Tantum, A.P.C. (de 35 € à 80 €). Citons cette
pépite quʼest la marque Elegvncy Pvris, proposant du streetwear haut de gamme à un prix abordable.
LE JEAN ET LE PANTALON
Pour le jean, préférez un jean brut avec une belle toile selvedge. Celui-ci tombera parfaitement sur
vos sneakers. Et vous pouvez faire un léger ourlet qui laissera apparaître le liseré rouge.
Nous vous conseillons de préférer une coupe droite ou semi-slim, et de porter une paire de
New Balance ou dʼAir Max. Évitez les skinny jeans et les « baggys » qui feront perdre toute crédibilité
à votre tenue en cassant votre silhouette.
☞ Marques conseillées : Gustin (100 €), Balibaris (120 €), Naked & Famous (145 €), A.P.C. (145 €).
Jean brut avec un ourlet sur une paire de New Balance 670
La meilleure alternative au jean est le chino. Préférez une coupe cintrée, même si vous pouvez le
portez un peu plus large. Nʼhésitez pas à mettre un peu de piment dans votre tenue en choisissant
des coloris vifs. Dans ce cas, veillez à ce que le reste de votre tenue soit sobre pour se marier avec
la couleur du pantalon.
Avec un sweatshirt à col rond et une belle paire de sneakers, vous aurez une silhouette street et
décontractée, sans pour autant paraître négligé.
VESTES / MANTEAUX
Pour passer lʼhiver au chaud, choisissez une parka. Préférez un modèle long, avec des poches
pratiques au niveau de la poitrine pour y glisser vos mains. Les bombers dʼaviateurs avec ou sans col
en mouton sont aussi un excellent choix pour affronter le froid.
Pour les beaux jours, un blouson dʼété fera lʼaffaire. Optez pour des modèles avec un col en velours
si vous souhaiter renforcer le côté recherché de votre tenue.
Le teddy, pièce emblématique des universités américaines, est à choisir si vous voulez renforcer
encore plus le côté street de votre tenue (ou si vous êtes étudiant). En fonction de la saison, préférez
un modèle en coton ou en cuir.
Nous vous conseillons de commencer par les pièces du haut comme des pulls et cardigans en grosse
maille, des chemises en popeline ou encore une veste matelassée type Barbour. Des maisons de
prêt-à-porter "premium" comme A.P.C. et AMI proposent des bomber jackets magnifiques (entre
350 € et 500 €).
Les créateurs Gaspard Yurkievich et Monsieur Lacenaire ont revisité le teddy dans leur collection
(environ 300 euros).
LES COLLABORATIONS
Le parfait exemple est la collaboration entre Carhartt et A.P.C. : la silhouette proposée a su réunir les
fans de streetwear / workwear et les amateurs du style "bobo".
Carhartt et A.P.C. ont " fusionné " leur logo pour leur collaboration.
Attention quand même à ne pas prendre la moindre collaboration pour le Graal : chez les grandes
marques, ce sont surtout des coups marketing. Écoutez-vous et faites-vous confiance
CONSEILS : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE PREPPY ?
Unique en son genre parmi les modes éphémères qui déterminent notre société, le style "preppy"
est bien plus qu’un simple style vestimentaire. À l’instar du workwear (qui représente l’autre
extrémité du spectre social), c’est une véritable conception de l’existence pour ses adeptes.
Détail amusant dans la mode américaine qui, contrairement à d’autres courants (dark, sartorial
ou streetwear) représente une mode sociale placée sous le signe d’une époque, d’un milieu et d’une
conjoncture particulière. On s’habille preppy comme un marqueur d’identité sociale, et non par
nécessité pratique ou démarche intellectuelle.
Étudiants de Brown University, en 1964. (Crédits Teruyoshi Hayashida).
Cette revendication sociale fait que le style preppy est à la base un vecteur d’idées bien définies : la
réussite, le conformisme, l'éducation, les convenances, les règles de bienséance, la distinction, le
bon goût. Bref, tout ce qui distingue traditionnellement l’élite dans l’esprit des gens.
Bien qu'imitant les rites francs-maçons, ils ne sont en réalité qu’un moyen de tisser des liens avec
des groupes fermés, des gens appelés à être de futurs dirigeants dans leurs catégories
respectives. Cet esprit est encore renforcé par les codes universitaires : sport, dortoirs communs,
traditions... Tout cela contribue au sentiment des prep's d’être membres d’une élite, au sein
d’une culture de l’exclusivité.
En bons membres conscients d’une aristocratie, les premiers adeptes du preppy s’efforcèrent
d’inculquer tout ce système de valeurs à leurs enfants, en prenant comme modèle ce qu’ils
connaissaient : les bibliothèques en chêne lambrissé de Brown, les courts de squash de Deerfield, ou
encore les nuits de Choate Rosemary Hall.
Cette éducation fut perpétuée de père en fils par les familles puissantes, jusqu'à ce que, comme
toute élite, elles soient copiées. D’où la démocratisation du look preppy tel que nous le connaissons
aujourd’hui, qui est devenu un courant mainstream de plus. Quand bien même, ses fondamentaux
vestimentaires sont restés inchangés.
Comme vous pouvez le voir ici, si les coupes et les couleurs ont un peu changé avec le temps, le
preppy actuel dépend toujours des mêmes bases.
(Crédits : urbanbible.com).
En 1980 est sorti The Official Preppy Handbook, un ouvrage de Lisa Birnbach. Le livre, originellement
conçu comme une subtile parodie des prep's, a raté son but auprès du public. Il est ainsi devenu une
espèce de manuel de référence du savoir-vivre et de bon goûtupper class, établissant définitivement
la culture preppy chez le commun des mortels.
"Vous ne portez pas un vêtement de pluie par-dessus votre blazer parce que vous êtes une élite qui
veut avoir l’air accessible à la masse. Vous le faites parce que vous êtes cette élite qui dit à son
professeur de latin que comme, techniquement parlant, vous n’avez enfreint aucune règle, il ne
pourra rien faire pour vous empêcher de vous habiller de la sorte.
Et votre vêtement de pluie est en réalité un vêtement de navigation, parce que - ah oui - votre père
est propriétaire d’un yacht. Ce côté “rebelle en uniforme” est devenu la marque de fabrique du style
preppy démocratisé, et notamment de Ralph Lauren qui mélange vêtements formels et fonctionnels."
Les étudiants du film "Le Temps d'Un Week-End", personnages secondaires qui illustrent à merveille
l'esprit "privilégié, mais rebelle et insolent" qui est indissociable du style preppy.
Son retour actuel (après un abandon progressif dans les années 80), est symptomatique du
renouveau d’intérêt porté à la mode masculine, et s’inscrit dans la même tendance que le retour du
workwear. Tous deux véhiculent une authenticité, avec des vêtements patinés par le temps, porteurs
d’un caractère et d’une histoire.
Le sens du terme s’est toutefois dilué : du formalisme rigide très Ivy League des années 50, il désigne
aujourd’hui quiconque est habillé de manière un peu chic / classe. Comme on essaie de définir ici
l’essence d’un style de façon pratique, on restera attachés à sa première définition : l’ironie des
jeunes hommes de l’upper-class.
La couverture du Take Ivy, l'ouvrage mythique du preppy, dont la première édition est quasiment
introuvable.
Si c’est ce style qui vous intéresse, il en existe une bible sortie en 1965 au Japon, et quasiment
introuvable aujourd’hui : Take Ivy. Il y a eu une réimpression limitée chez PowerHouse en 2011, et
nous vous encourageons d'ailleurs à vous la procurer : c’est une lecture passionnante.
Contrairement au style preppy hérité des vêtements sportswear des Ivy students aux couleurs vives
de leurs équipes sportives (nautiques, aviron, etc.) et aux fonctions pratiques (cirés, ponchos,
parkas), le style Ivy League est relativement formel. C'est le gentleman farmer anglais : ce style
de campagne chic mais décontracté, dans des matières naturelles.
Non, on ne parle pas non plus de ça...
Vestes de blazer
En hiver : une veste à épaules naturelles (slack jacket), de couleur discrète (généralement une teinte
sombre de gris ou terre : anthracite, taupe, châtaigne, etc.), dans un motif “anglais” (tartan,
chevrons, Prince de Galles) et une laine épaisse (Harris tweed ou flanelle). Souvent renforcée avec
des coudières, et deux poches de hanches. Suivant la période, les vestes ont été indifféremment à
deux boutons, trois boutons, ou croisées.
En été : un blazer présentant les mêmes caractéristiques (épaules naturelles, fente crochet), bleu
marine ou dans des couleurs et des motifs plus gais (rouge bordeaux, lie-de-vin, vert bouteille,
seersucker - coton à effet gaufré), souvent avec un insigne de poitrine représentant la fraternité
estudiantine ou l’équipe de sport du porteur.
Manteaux et blousons
Un pardessus Chesterfield gris ou camel (manteau d’hiver assez ample et fluide à boutonnière
croisée, à l'esprit déstructuré, sans renforts renforts d’épaule ou pans lestés) ou un duffle-coat dans
le type de ce que fait Gloverall, grand, épais, avec des poches plaquées et de gros brandebourgs (=
les attaches iconiques de cette pièce).
Hauts et chemises
Un pull en laine col V, sans manches ou à col rond, et en motif Fair Isle (type de jacquard spécifique à
l’île écossaise du même nom), ou encore un gros cardigan col châle à côtes avec des boutons en bois.
Une chemise oxford à col boutonné, bleue, blanche ou saumon, ou sa variante la Yale shirt (avec un
passant dans le dos permettant de la suspendre facilement). Si vous êtes plus aventureux, une
chemise en madras, ce tissu à carreaux originellement destiné aux officiers britanniques en Inde.
Tout en coton si vous voulez respirer à l’aise ! On oublie pas les poches plaquées pour faire honneur
aux influences militaires.
Pantalons
Chaussures
Un paire de penny loafers en daim camel (un type de mocassins iconique des années 30, dont le nom
provient de la pratique des étudiants américains de glisser un penny dans les boucles du mocassin
pour les cabines téléphoniques), ou une paire de bucks en veau velours blanc (derby avec une
semelle en caoutchouc rouge caractéristique).
Voici un exemple de look preppy de puriste, avec une paire de bucks aux pieds ! Notez l'usage de la
ceinture sangle.
Mieux encore : une paire de brogues, grosses chaussures rustiques à bout golf, reconnaissables grâce
à leurs petites perforations le long des coutures (ce qui permettait à l’eau des marais irlandais de
s’écouler plus facilement).
Accessoires
Des cravates, indissociables d’un style qui reste témoignage d’une époque où se balader le col ouvert
ou la cravate desserrée était impensable dans des contextes formels, professionnels ou étudiants. La
plupart étaient à rayures (les "repp ties", héritées des cravates militaires, permettaient de
reconnaître le régiment d’appartenance des officiers), et importées d’une tradition anglaise où
chaque college possède son propre code couleur permettant de le distinguer des autres.
C’est devenu un style beaucoup plus mainstream que son parent, suite à son adoption par nombre
de créateurs depuis les années 70.
Il s’est intégré pour le commun des mortels comme un style “par défaut”, facile à porter, à intégrer,
et qui véhicule encore une certaine idée de “classe”.
Malheureusement, du fait de son esthétique colorée, c’est aussi une catastrophe assurée si on n’en
connaît pas les codes.
Il est paradoxalement compliqué à assortir : les pièces et la coupe sont simples, mais les couleurs et
les motifs : non. Ses équivalents français sont tous les styles dits "BCBG". Bref, c’est un style
aujourd’hui très connoté difficile à porter.
Concrètement, on parle de ça...
On s’attachera donc au style preppy dans un sens plus large, tel qu’on l’entend aujourd’hui (par
exemple dans les lookbooks A.P.C. ou Kitsuné, qui sont des références en la matière).
S’habiller preppy, c’est être classique, avec un twist amusant, comme une sorte de pied de nez
conformiste face aux traditions. Une tenue en apparence sérieuse sera toujours cassée par un
quelconque détail.
Une veste simple (gris souris, bleu marine, sable, rouge ou vert bouteille si vous vous sentez plus
aventureux) dans une matière légère (laine, coton, ramie), sans fioritures particulières (peut-être des
coudières, souvent une seule fente, des revers fins et des épaules naturelles).
Simple ne veut toutefois pas dire ennuyeux ! C’est l’occasion de jouer sur les variations de teintes,
mais aussi de se servir de twists sur des détails simples (poches plaquées ou non par exemple).
Beaucoup de tailleurs classiques utilisent des détails amusants pour casser le côté trop formel de ce
type de vestes (Oswald Boateng, un des tailleurs de Savile Row réputé pour son usage de la couleur,
est particulièrement renommé pour ses doublures dans des coloris totalement improbables).
Veste bleu marine simple. Détail cassant : la pochette raccord avec la cravate + le pantalon qui se
rapproche plus du sweatpant mais garde son côté formel par son motif. (Crédits Dapper Edition).
Hauts et chemises
Un pull col rond ou un cardigan, col châle ou non, dans les mêmes couleurs basiques, ou en jacquard
si vous voulez vous amuser un peu. L’avantage avec le preppy, c’est que comme c’est classique, tout
ce qui est basique passe, du moment que c’est bien accordé. Reste seulement à en faire quelque
chose d’amusant, ou qui sorte un peu de la norme.
Encore un pull Fair Isle, pas forcément simple à assortir, qui vient casser, avec les chaussettes, une
tenue qui aurait été autrement très sage.
Une chemise simple, monochrome ou à rayures, dans des tons clairs (bleu ciel, saumon, gris perle,
blanc cassé, etc.). Et évidemment, la chemise en oxford est un passage obligé dans ce style !
Chemise bleue à rayures blanches qu’on vous aurait sans doute déconseillé en temps normal, mais
qu’il a réussi à parfaitement assortir avec ce costume Gant Rugger. (Crédits Essential British).
Pantalons
Un chino beige ou kaki, ou dans des couleurs plus fun (rouge brique, bleu ciel, etc.). On ne change
pas une équipe qui gagne !
Simple et efficace. (Crédits The Sartorialist).
Accessoires
Les accessoires vont souvent vous permettre de vous amuser dans ce style. Que ce soit avec des
cravates en tartan ou en tricot (par exemple les très belles cravates De Bonne Facture) ou des nœuds
papillons moins conventionnels (on pense à ceux en bois de Two Guys’ Bow Ties), des ceintures en
corde, en tissu (le gros-grain est un classique de l’esthétique preppy) ou en cuir tressé. Ou encore des
chaussettes de couleurs vives (les fameuses chaussettes rouges de chez Gammarelli, fournisseur
officiel du Vatican). Vous avez les moyens de casser une tenue simplement : profitez-en !
Noeud papillon Two Guy’s Bow Ties. (Crédits : Two Guys’ Bow Ties).
On peut trouver des pièces preppy facilement, voici donc quelques marques en ont fait leur fer de
lance :
Ralph Lauren : notamment leur ligne "Purple Label" qui est vraiment une gamme au dessus
du reste.
Daniel Crémieux : pour des costumes à l'ADN preppy par excellence. Les prix sont assez
élevés mais c'est plutôt qualitatif dans l'ensemble.
Vicomte A. : L'une des rares marques françaises qui se risque sur ce terrain. On en a déjà
largement parlé sur ce blog : même s'il y a pas mal d'excès sur certaines pièces (notamment
sur les polos comme on l'a sous-entendu plus haut). Les blazers et les chemises peuvent être
très intéressants, et la marque n'hésite pas à utiliser des tissus de fournisseurs de qualité
(tels que ceux de Thomas Mason). À noter : leur nouveau designer est très prometteur et les
collections sont en train de gagner en maturité de manière indiscutable : moins de couleurs
vives et plus de sobriété.
Gant et Gant Rugger (ligne plus "sportswear" et un peu moins chère) : Un style preppy plutôt
classique, chic et sage, avec un rapport qualité / prix correct sur la plupart des pièces
proposées. Ici, on est plutôt sur les couleurs naturelles et sobres d'un preppy modéré.
Gloverall : de l'outerwear british dans l'âme, avec de jolis duffle-coats et des grosses mailles à
l'esthétique classique.
Maintenant que vous connaissez ce style pétri de codes, vous pourrez vous pavaner fièrement à
l'université de Yale, en affichant votre maîtrise du preppy et de ses codes.
Et en bonus : voici un poney en pull Fair Isle, moyen de transport étudiant parfaitement adapté pour
affirmer votre appartenance à l'élite sociale tout en faisant ressortir votre côté cavalier rebelle.
VÊTEMENTS MYTHIQUES DES ETATS-UNIS (PARTIE 3/3) : 8 MANIÈRES DE PORTER LE STYLE IVY
LEAGUE
Ça finit en douceur.
Après la Partie I (c'était : Le Tailoring américain existe-t-il ?) et la Partie II (Aux Sources de l'Ivy League
Look, né des campus américains), voici l'apothéose modeste que je vous propose : du tangible, du
palpable, de l'appréciation en trois dimensions, de l'Ivy à porter !
Malgré les connotations de "sang bleu" du style Ivy League, il y a chez moi comme une propension
naturelle à vouloir ressembler à ces mecs.
Chausser les Weejuns et traîner ma nonchalance dans tous les coins du monde. Dans mon sillage,
comme des exhalaisons de cool du matin au soir.
Pas vous ?
Bon, même si vouloir s'habiller comme ces mecs, c'est déjà faire l'aveu de son incapacité actuelle à
atteindre ce niveau de cool. Toutefois, cela ne nous empêche pas d'essayer.
MI-FIGUE MI-RAISIN
Attention, un objet incongru s'est glissé dans cette photographie. Saurez-vous deviner lequel ?
Eh oui... il s'agit bien de cet haltère vert pomme posée négligemment sur cette pile de livres, comme
pour dire qu'il est aussi important de muscler son corps que son esprit. C'est un objet de décoration
plutôt étrange compte tenu de l'ambiance alentour.
Bref.
Si Andy Spade a une manière très à lui de sourire, au moins emprunte-il son style à l'Amérique. Et pas
n'importe laquelle. On retrouve la sobriété générale de la mise, exprimée par des couleurs simples et
universelles et dont le support, la matière, est épais, brut et franc.
C'est du cuir, du denim, du tweed pour les pièces qui structurent la silhouette.
Suffit ensuite de posséder une magnifique maison sans pareille à la décoration raffinée et bourgeoise
et on se transforme en type intéressant. La vie, c'est facile.
SÉLECTION
ALTERNATIVES IVY
Chromatiquement, c'est un peu pauvre. Non mais c'est vrai, du bleu, du bleu, du noir, du blanc.
Mais cela n'empêche pas cette tenue d'être rudement stylée, en plus d'être pratique et
contemporaine.
Le lien avec l'Ivy, c'est bien sûr les mocassins. La meilleure manière de les porter, c'est tout le
temps. En fait, prenez-vous une paire bien confortable et pas trop chère : un cousu Blake pour le
confort plus immédiat et portez-les avec autant d'acharnement qu'un jean brut. Bon, ces mocs ne
vont pas se délaver à l'instar de la toile de denim mythique mais au moins allez vous vous différencier
de bien belle manière de la foule en sneakers blanches.
De plus, cela ajoute un peu de charme à vos tenues de tous les jours.
(Et au fait : l'association jean - droit, de préférence, pour plus d'Ivy - et mocassins fonctionne à
merveille !)
SÉLECTION
ALTERNATIVES IVY
Chemise button-down : BD Baggies, Gant, Kamakura
Pantalon à motif (bon c'est pas vraiment Ivy mais c'est pour le plaisir) : A.B.C.L.
Garments, Aeroleather Clothing, A.P.C., SuitSupply, Barena Venezia
PORTER LE MADRAS SANS PASSER POUR UN RÉAC'
Comme par exemple porter une chemise en oxford avec un col boutonné assez généreux et une
cravate club. Ça c'est très Ivy. Ou alors, porter ses loafers avec une pièce de monnaie coincée dans
l'œil du plastron et avec des chaussettes écrues et un chino beige.
Et porter le motif madras fait partie de ces choses vraiment très Ivy.
Sur le plan du style, superbe motif que le madras, mais difficilement domptable. Je n'aime pas le
considérer comme un tout dans une tenue, c'est-à-dire que malgré la complexité de son motif, il ne
se suffit pas à lui-même. Il ne vibre jamais mieux que s'il fait écho à une autre pièce, est pondéré par
elle ou l'encanaille.
C'est pour cela que j'aurais bien du mal à le porter en veste, comme un enfant turbulent sur les
épaules, ou encore en pantalon comme le génial Bill Murray ci-dessous :
Pour un personnage de film, le madras exprime l'excentricité. Ou l'attachement stérile à des valeurs
qu'on n'incarne plus. Pour Wes Anderson 1, il s'agit là de montrer au spectateur la déchéance
psychologique (et physique) du personnage joué par Bill Murray, par le simple contraste entre le
motif madras censé symboliser la réussite de la jeunesse des campus de l'Ivy, et le comportement du
personnage.
Mais l'enjeu pour nous qui ne sommes pas dans un film, c'est de s'approprier ce motif pour le rendre
aussi normal sur nous que n'importe quel autre vêtement un peu coloré. En faire un choix stylistique
possible parmi tous les possibles.
Elle est riche d'enseignements cette tenue. L'association de couleurs de la veste sport et du cargo : le
beige de l'une et le marron de l'autre sont proches et même un peu trop peut-être. Le contraste,
dans l'absolu, n'est pas suffisant. Mais cela fonctionne pour plusieurs raisons :
1. La première, c'est que nous n'avons pas besoin d'un contraste fort en plus de celui que
présentent déjà la chemise et la cravate ensemble.
2. La deuxième, c'est qu'ainsi l'œil se dirige plutôt vers le haut du buste et le visage du porteur.
Cela simplifie l'information générale de la tenue.
3. La troisième, c'est que cette association un peu bancale donne plus d'humanité à la machine
Wooster, plus de charme même. On se dit qu'il n'y a pas réfléchi une heure avant de dormir
la veille, que cela s'est fait spontanément.
Ajoutez toujours un élément un peu discordant si vous trouvez que votre tenue est un peu trop
propre, trop parfaite. Une pochette inattendue, une ceinture qui n'est pas de la couleur exacte des
chaussures, un foulard criard. C'est le léger déséquilibre d'une tenue qui donne le charme.
SÉLECTION
Veste Gant, chemise J.Crew, cargo MAN 1924, pochette Pochette Square, ceinture Balibaris,
lunettes Persol, cravate Brooks Brothers, brogue Grant Stone
ALTERNATIVES IVY
Pantalon cargo (c'est pas Ivy non plus mais je fais ce que je veux, c'est mon
article) : Neighborhood, Closed, Bleu de Paname
Seersucker, madras, rayures, selvedge et croisé. Le Grey Fox a voulu placer tous les mots compte
triple au Scrabble sartorial. Et c'est bien fait.
Je suis déçu parce que j'aurais voulu trouver la photographie en pied de sa tenue mais elle a été
engloutie dans les abysses infinis du dark web. 2
Franchement, si vous écriviez à David ou Nicolò pour leur demander s'il était stylistiquement possible
de porter une cravate madras rouge et verte et bleue et orange et violette, avec une chemise à
rayures bâtons bleu et blanc sous un croisé bleu marine en seersucker et agrémenté d'une pochette
d'un bleu azur à liseré selvedge rouge, quelle serait leur réponse ?
Ça fonctionne parce qu'il y a des rappels (le rouge du liseré avec celui de la cravate, le bleu azur de la
pochette avec celui de la cravate) 3, parce que les motifs de la chemise et de la cravate sont à échelle
différente et que, de plus, celui de la cravate est fondu.
SÉLECTION
Tailoring seersucker : le mieux, c'est d'aller chez un tailleur en demi ou sur mesure,
chez Samson, Faubourg Saint-Sulpice, Les Francs-Tireurs, Blandin&Delloye par exemple.
Eh bien, d'abord parce que c'est un costume en seersucker. Ensuite parce qu'il porte des
mocassins 4. Et, pour finir, parce que le costume est un deux boutons et demi.
Autre chose : il n'y a rien qui vous choque ? Le truc que BonneGueule vous a toujours dit de fuir
comme la peste mais que, pourtant, notre ami Kamoshita fait sans scrupule. Eh oui, vous avez deviné
: il a un bout de salade entre les dents il n'a fermé que le dernier bouton du bas de sa veste.
Horreur.
Damnation.
C'est pour donner une saveur plus personnelle à l'ensemble. Je ne le conseille pas. Ça ne fonctionne
jamais. À part sur lui, et encore, je n'en suis même pas convaincu. Alors que je suis un de ses plus
grands fans.
Remarquez comme les revers de la veste s'épanouissent, sont généreux comme son sourire est
espiègle ; la hauteur des revers du pantalon sont en harmonie avec l'ensemble ; la taille du col de la
chemise est proportionnelle à la largeur de la cravate qui présente un motif intéressant.
SÉLECTION
ALTERNATIVES
Costume seersucker, si on ne souhaite pas aller chez un tailleur : Brooks Brothers, Haspel, De
Fursac
TENUE #6 :
"HAHAHAHA Le style Ivy ? Qu'est-ce que c'est que le style Ivy ? Nous on ne choisit pas nos
vêtements, c'est les vêtements qui nous choisissent. Alors, du vent."
Ils ne portent pas le même nom mais se ressemblent comme deux gouttes de chardonnayd'eau.
Comme Zooey Deschanel et Katy Perry. Comme Gandalf et Magneto. Comme Matt Damon et un pote
à moi. Je crois bien que ces deux-là sont cousins ou quelque chose comme ça. J'ai fait des recherches,
si, si, mais c'est un peu vague.
Bref !
Nous nous intéressons ici à la tenue de droite. Celle de Carlos, le directeur créatif de MAN 1924 dont
M. Navares (en face de lui) est le CEO je dirais à son regard chaloupé.
Voilà pour moi une bonne manière de porter le seersucker : en veste et point final.
Ici, elle est croisée mais cela n'apporte pas grand chose. Une droite suffit, comme je vous propose ci-
après.
J'aimerais que vous appréciez un peu les proportions de la tenue de Carlos. Le pantalon est droit et
ample mais gentiment vous voyez, en douceur. La veste n'est pas trop étriquée. Maintenant,
imaginez Carlos dans les mêmes vêtements mais vraiment ajustés. Vous pensez que cela aurait le
même cachet ?
Non.
SÉLECTION
Veste Beams Plus, chemise Berg&Berg, cravate Shibumi, pantalon Scavini, white bucks Brooks
Brothers
ALTERNATIVES
Pantalons taille haute (pas non plus très Ivy) : Pini Parma, Uniqlo, Officine Générale, Harmony
Paris, Lopez Aragon
Les white bucks : très difficiles à trouver... Si d'autres marques en font (en veau velours blanc
hein), faites signe !
Il est 15h18, je suis au bureau de BonneGueule à Paris, et il fait une bonne cinquantaine de degrés.
Celsius ouais.
Il y a de fortes chances pour que, à l'heure où vous lisez ces quelques lignes, il fasse une chaleur de
tous les diables chez vous également. Prenons donc une minute pour nous imaginer à la place de
Paul Newman, sur la proue de cette modeste embarcation, dans les mêmes fringues.
...
Concernant sa tenue, il s'agit là de fringues très Ivy aussi. L'Ivy rudimentaire, le sportswear Ivy, casual
au possible. C'est pas une mauvaise tenue pour ne rien faire. Mais ce n'est pas non plus une
mauvaise tenue pour faire des choses.
Au niveau des couleurs, c'est une sorte de non choix, et c'est en cela que c'est assez remarquable.
C'est l'homme qui veut vivre avec la nature, celui qui ne veut pas se faire remarquer mais il veut lui
remarquer ce qui l'entoure. Eh oui, c'est une tenue d'esthète, de conquérant, d'homme des grands
espaces.
SÉLECTION
ALTERNATIVES
Je ne vous conseille pas particulièrement de porter cette exacte tenue qui ne va qu'à lui, voire même
pas. Toutefois, le combo à conserver, c'est bien chemise oxford button-down, bermuda et grosses
sneakers. La ceinture ajoute de l'Ivy. Comme si on n'avait pas encore compris.
SÉLECTION
ALTERNATIVES IVY
C'est un influenceur, curateur 6 et directeur de magasin ayant débuté sa carrière dans les années 60.
En fait, il a copié les vêtements de l'Ivy League Look... ce qui est assez ironique puisque les
Américains se sont largement inspirés de la Grande-Bretagne pour développer le style Ivy. Mais je me
répète.
En tout cas, ce que John Simons a fait, c'est de le démocratiser au plus grand nombre. Très lié au
monde de la musique et aux sous-cultures, il a influencé les suedeheads, les cousins plus élégants
des skinheads.
La bonne nouvelle, c'est que John Simons a désormais un e-shop sur lequel je vais bientôt
commander à condition que je ne flambe pas tout ce que je possède dans des vacances au-dessus de
mes moyens.
Un film, John Simons - A Modernist (dont voici la bande annonce) a été tourné. Le réalisateur, c'est
Jason Jules un enthousiaste du style Ivy et mannequin vedette pour Drake's.
Pour venir à la tenue, c'est l'Ivy facile et intemporel. Suffit juste de troquer le parapluie pour une
bonne vieille Triumph 500 TT et nous voici Harvey Mushman 7 , rebelle et libre.
Vous n'avez pas besoin de moi pour réussir cette tenue. Il faut simplement une ouverture de jambe
suffisante pour ne pas faire apparaître les pieds ridiculement grands. Mais c'est valable pour tous les
pantalons ça.
C'est tout.
SÉLECTION
ALTERNATIVES IVY
LE MOT DE LA FIN...
Classique.
Le blouson Harrington, le chino beige, le pull shetland, le col rond, la veste sport, les chemises à col
boutonné, les mocassins sont pour moi des espèces de vérités générales qui s'emploient, comme des
jokers du style, partout et tout le temps.
Et je voudrais vous partager les mots de David Coggins, auteur américain (ou plutôt new-yorkais !) et
journaliste pour Condé Nast Traveler, Esquire et The Wall Street Journal, voix vibrante des bonnes
manières et de la vie meilleure (telle qu'on peut la voir sur son compte Instagram @davidrcoggins) :
Dans “classique”, j’entends quelque chose de très naturel : les proportions harmonieuses et les idéaux
du style masculin, qui n’ont d’ailleurs pas changé depuis longtemps. Le style classique, ce n’est pas
seulement un costume confortable, ce sont des vêtements bien fabriqués, et qui font sens : qui
révèlent qui vous êtes, l’image que vous voulez renvoyer. La vraie question, celle que devraient se
poser tous les hommes, c’est “qu’a-t-on fait de meilleur dans le passé et en quoi cela fait-il sens
avec qui on est, et la manière dont on vit de nos jours ?” Bien entendu, beaucoup de bonnes choses
sont arrivées depuis : les matières plus légères, un nombre croissant de tailleurs, le fait qu’on puisse
porter une veste déstructurée avec un jean… et être chic !
Souvent, dans la tête d'autrui, ce qui est classique a un pouvoir narcotique et une odeur à fuir, de
rance et de poussière. Le classique pour beaucoup, ce sont les années, les errements stylistiques de
nos grands-pères, l'austérité, la naphtaline et l'oubli. Porter la naphtaline comme du Chanel N°5.
Mais pour moi, si on sait se servir du vestiaire classique tel que l'Ivy nous le sert, c'est une source de
cool intarissable. C'est l'assurance de parvenir à charmer toujours.
Ce que j'aime dans les vêtements classiques, c'est qu'ils ne montrent pas les muscles bandés sous les
chemises mais suggèrent plutôt les corps, parce que l'ampleur relative des vêtements est une
marque de respect, une manière de se présenter comme un animal social et non seulement comme
un animal tout court.
La dignité induite par une tenue est le meilleur des styles. Ne pas se déguiser, faire simple mais
vrai. Et c'est justement ce à quoi on peut aspirer avec l'Ivy League Look et par extension avec le
style classique.
Ainsi s'achève la troisième partie qui vous aura été utile je l'espère. Tant que vous prendrez du
plaisir à vous habiller et à le faire pour vous d'abord, alors vous atteindrez toujours l'authenticité,
si chère à G. Bruce Boyer. Servez-vous du style classique comme d'une arme sûre, qui ne s'enraye
jamais.
Après nous avoir expliqué comment maîtriser le style preppy, le streetwear, le workwear et le rock,
Vianney est de retour dans nos colonnes pour nous parler d'un nouveau style assez méconnu, et
réputé pour son étrangeté aux yeux de l'homme moyen : le dark.
Ceux qui sʼhabillent pour eux, pour le regard des autres ou pour mettre leur corps en valeur,
cʼest-à-dire selon une approche “décorative” ;
Ceux qui voient la mode comme une expression artistique, avec la multitude de
démarches intellectuelles que cela peut induire, mais toujours de manière purement
abstraite. Ces derniers sont moins intéressés par lʼimage quʼils renvoient que par le
concept précédant celle-ci.
Il ne suffit pas de s'habiller en noir avec une gueule d'enterrement pour avoir un "style dark". C'est
un peu plus compliqué que ça, comme vous allez le voir 🙂
Forcément, pour un style aussi pointu, des pré-requis stylistiques conséquents sont nécessaires :
Maîtriser les coupes, les matières et les couleurs, ainsi que lʼéquilibre général dʼune tenue.
Attention, il s'agit d'aller beaucoup plus loin que simplement avoir une silhouette "ajustée" ;
Faire table rase de toute cette connaissance pour lʼaborder sous un angle complètement
différent, plus conceptuel que pragmatique ;
Mélanger les domaines. Une fois les parallèles nécessaires avec dʼautres domaines
artistiques bien établis (anatomie, architecture, sculpture voire philosophie), les appliquer à
la construction dʼun style vestimentaire. Et ça, c'est la partie la plus passionnante de ce style
😉
Cette connaissance poussée de plusieurs domaines est le premier obstacle entre le style dark et vous.
Aucune des règles de base n'est véritablement appliquée ici, pourtant l'ensemble est réussi. C'est-à-
dire qu'il se dégage une harmonie visuelle entre les formes et les couleurs.
Le style dark est ce que fut l'art contemporain face à l'art classique : une théorie de l'abstraction de
la matière (architecture, mode), mais aussi du corps.
Cette démarche nécessite donc un corps bien construit, répondant plus ou moins aux canons de
beauté et de rapports de proportions classiques. Cʼest donc un style difficile pour les plus corpulents
et les moins athlétiques dʼentre nous.
Ce ne sont pas les mannequins du défilé Rick Owens qui diront le contraire.
"Lʼentretien de son corps est la mode des temps modernes. Aucune tenue ne te rendra aussi beau, ne
te fera sentir aussi bien, que dʼavoir un corps sain. Achète moins de vêtements et va plutôt à la salle
de sport."
Rick Owens, ici en train d'effectuer un tirage barre menton, a toujours été un grand fan de la salle de
sport, d'où la dimension très confortable de beaucoup de ses vêtements.
C'est ainsi que Lad Musician, une marque japonaise inspirée des looks de rockstars des années 70,
mixée à la sauce nipponne, produit spécifiquement des vêtements pour des personnes
aux mensurations précises : plus dʼ1,77m, moins de 65kg, hanches et épaules étroites. Autant dire
que ça ne concerne pas tout le monde.
UN STYLE ONÉREUX...
Cʼest un style sans compromis, ni physiques, ni conceptuels - puisquʼil est déjà une démarche
intellectuelle en lui-même -, ni qualitatifs.
Pour cette raison, la plupart des créateurs dark sont inabordables au commun des mortels : un t-
shirt Damir Doma, soit lʼentrée de gamme de la marque, vaut près de 400 euros.
Néanmoins, le prix, pour autant quʼon lʼaccepte, est parfaitement justifié dans le traitement et les
matières absolument uniques de la pièce. Il faut toucher les coutures dʼun manteau Carol
Christian Poell pour le comprendre.
Il faut aussi comprendre que ces démarches créatives ciblent autant de marchés de niche, aux
potentiels limités, même à lʼéchelle du globe.
Chaque designer dark a son univers propre, ce qui rend lʼassemblage des pièces dʼun créateur à
lʼautre assez limité - à part sur certaines, assez basiques (pour du dark...) pour être combinées sans
problèmes.
Par exemple, la forme générale dʼun pantalon "drop crotch" (à la fourche très basse, ndlr) variera
assez peu dʼun créateur à lʼautre, en dehors dʼéventuels rajouts ou variations (lanières de serrage,
formes et emplacements des poches, sur-jupe, etc.). Cette pièce sera donc un peu plus polyvalente.
De facto, aucune pensée avant-gardiste ne sʼaccorde véritablement avec une autre, puisqu'elle est
lʼexpression dʼun univers personnel et dʼune vision du monde propre.
Ainsi, aucun “style” dark nʼest véritablement compatible avec un autre, car tous sont le fruit de
conceptions différentes, matérialisées dans les vêtements.
Intégrer un créateur à son style, cʼest adopter un processus de pensée et rentrer dans un
uniforme. Même si on déconseille fortement le total look par ailleurs, on parle ici, encore une fois, de
quelque chose de véritablement unique.
Il y a des partisans de Julius_7, des fanatiques de CCP et des inconditionnels de The Viridi Anne...
Aucun ne sʼentendra véritablement avec lʼautre, même si, à lʼœil du profane, ce ne sont jamais que
des types dégingandés avec des draps noirs sur le dos.
Bon, parfois c'est vraiment le cas... Défilé Julius_7 S/S 2016
Cela restera toujours cérébral, jamais utilitaire, jamais «décoratif». OK, mais à quoi ça peut servir ?
Chercher à comprendre le dark ne vous servira à rien si vous voulez simplement bien vous habiller,
avec des vêtements qui vous vont et basta.
En revanche, le moment peut arriver où vous vous sentez stagner. Souhaitant atteindre le stade
supérieur, vous pensez avoir saigné tout ce que vous saviez de la mode, alors vous tournez en rond.
Si le dark ne vous parle absolument pas et que vous voulez rester, admettons, sur du workwear.
Lʼétudier de manière conceptuelle vous permettrait tout de même dʼavancer dans votre propre style,
en vous penchant sur ses principes fondamentaux : la simplicité, le travail de fond sur les coupes, les
matières, une esthétique complexe où tout est question de contraste.
Vous répercuterez ces principes de manière abstraite sur ce que vous savez déjà, découvrant alors
des choses auxquelles vous nʼauriez peut-être pas pensé, ce qui aiguisera votre œil, et
finalement, vous permettra de mieux vous saper.
Pour cela, on ne peut que vous donner les conseils habituels : renseignez-vous sur les marques,
regardez leurs lookbooks. Plus que jamais, touchez et essayez ces vêtements. Certaines collections
sont forcément plus réussies, et donc plus en phase avec la philosophie du créateur que dʼautres,
tirez-en parti !
Comme dit le mafieux albanais à qui téléphone Liam Neeson dans Taken :
"Bon chance."
La réflexion d'un créateur dark est proche de celle d'un architecte par cette volonté de
déconstruction et de réappropriation des codes, et dans l'approche des volumes et des proportions.
Je vous propose donc de nous appuyer sur Les Cités Obscures, oeuvre ayant trait à l'architecture, afin
de mieux comprendre cette démarche.
Le principe de la série est le suivant : au lieu de suivre une trame narrative définie avec un
début, une fin, qui met en scène des protagonistes qui vivent, aiment, meurent... tout part dans tous
les sens.
La dimension architecturale ne peut que sauter aux yeux.
Chaque album est prétexte à une analyse architecturale approfondie. Cʼest, quelque part, la ville qui
est lʼhéroïne de la série. Les personnages importent peu puisque, ce qui intéresse Schuiten, cʼest
de dessiner des bâtiments et de montrer lʼimpact quʼune cité peut avoir sur la vie de ses habitants.
Un peu comme dans les meilleurs runs de Batman où Gotham City nʼest pas tant la ville quʼun
personnage à part entière, qui dialogue littéralement avec le Chevalier Noir.
Que serait Batman sans Gotham City ?
Au-delà du fait que cette série soit un chef dʼœuvre, le processus de réflexion des Cités Obscures
sʼapparente à celui des créateurs dark.
Chaque album / collection gravite autour dʼun concept unique qui est traité à fond. Chaque page /
pièce est une brique formant le mur complet de la collection. Un mur indépendant des autres qui, en
même temps, soutien un univers / maison du créateur, un peu comme la théorie des univers
imbriqués : tout est partie du tout.
Chaque mur est un concept et soutien auto-suffisant, mais sa jonction avec les autres forme un autre
concept plus général, une ligne directrice du créateur :
Rick Owens sʼintéresse essentiellement au corps et aux rapports de force entre vêtements et
anatomie ;
CCP, aux textures qui subliment les silhouettes taillées au scalpel de ses créations ;
The Viridi Anne est indissociable des transepts (nef transversale d'une église, ndlr) gothiques
qui emplissent chacune de ses collections ;
Chaque créateur dark est donc lʼexpression dʼune pensée singulière, fruit dʼune démarche
intimement personnelle, qui refuse de sʼadapter à une masse mainstream pour mieux vendre ou
mieux parler aux gens. Ça ne les intéresse tout simplement pas.
Mais comme on ne peut totalement renier lʼhéritage dʼun mouvement, chaque créateur a aussi
ses spécificités qui font quʼon peut grossièrement les classer dans des courants goth-sportswear,
goth-tailoring, goth expérimental...
Nous allons essayer de vous en présenter quelques-uns de manière plus concrète à travers ce prisme.
CCP : LE SARTORIALISTE
Carol Christian Poell, créateur de CCP, est sorti de lʼécole de mode de Graz, en Autriche, avec une
idée en tête : faire des costumes, mais sortir de la vision «veste / pantalon», divisée entre tenants
des épaules italiennes et tenants des coupes anglaises.
Le style anglais, avec ici un costume Huntsman & Sons : épaules structurées, cintrage prononcé, tissu
épais.
L'importance du tissu et des expérimentations techniques liées dans la mode peut, en gros, être
divisée selon le genre :
La mode masculine réside dans les traditions immuables du tailoring, que lʼon retrouve aussi
bien dans un (bon) costume d'entrée de gamme que dans le plus pur savoir-faire de
Savile Row (quartier de Londres considéré comme la Mecque du costume).
Il y a bien sûr des exceptions à ce principe, dans la couture masculine contemporaine employant les
mêmes codes que son homologue féminin, ainsi que dans le sportswear qui, en termes de structure,
est relativement unisexe.
Le style CCP : du noir et de l'étrangeté
Cette notion de recherche est essentielle dans son travail et s'applique à toutes les étapes de son
laborieux processus créatif - partant de fibres expérimentales et de techniques de manufacture
inventives à la réanimation de pratiques ancestrales de traitement du cuir, presque oubliées.
La plupart des créations de CCP sont faites ou finies à la main dans des ateliers italiens, mais il a aussi
collaboré avec des façonniers japonais qui travaillent à l'ancienne pour produire des tissus uniques.
La plupart n'ont pas de doublure, de sorte que la construction reste nue aux yeux du porteur
(notamment dans les manteaux, avec des coutures ouvertes ou collées). Cela met l'accent sur le but
final pratique du vêtement, dépouillé de tout artifice.
Même les coutures font l'objet d'une grande réflexion chez CCP.
Une des lignes directrices de son travail est également lʼintérêt porté au corps et à la sexualité
comme expression ultime, théorie quʼil essaie de rendre dans son travail.
Ses blousons en peau dʼautruche ou de kangourou, par exemple, concrétisent une ode à la fusion
entre chair et concept.
Tout ce processus fait qu'il travaille entièrement en dehors des cycles habituels des défilés et du
calendrier de la mode. Il prend son temps et n'annonce qu'avec discrétion ses collections, dont la
plupart sont des modèles intemporels retravaillés d'une année à l'autre, formant l'essence de sa
marque.
It...is...alive !
Sruli Recht est un designer lituanien qui a lancé sa propre ligne en 2005... et a légèrement dévié des
canons classiques, après avoir fait ses armes chez Alexander McQueen.
Ce dernier, malgré des productions aujourdʼhui plus classiques, sʼétait imposé dès sa sortie dʼécole
en 1992 comme un designer expérimental avec les robes en cheveux de femme de sa collection
Jack the Ripper.
Un extrait du lookbook Sruli Recht, agrémenté d'un haiku (petit poème japonais).
LE GOÛT DE LA PERFORMANCE
Une des plus récentes réalisations de Sruli Recht a, par exemple, consisté à se faire prélever une
bande de chair sur lʼabdomen (avec les poils), pour en enlever le gras, saler sa peau puis la tanner
dans une solution à lʼalun.
Le résultat est en vente pour $350,000 sur son site (et la vidéo de la performancedisponible sur
Youtube - attention, déconseillé aux âmes sensibles).
Il a aussi fait aussi un stylo-graveur sur verre en carbone, un fusil à lunette en érable gratté au cuir de
cheval, etc.
Une démarche généraliste qui se rapproche donc plus du véritable designer dʼavant-garde, voire de
lʼartiste performer, que du simple couturier.
Sa collection Circumsolar était uniquement faite en cuir de mouffette tigrée, dʼagneau translucide,
d'un dérivé du kevlar capable de soutenir une attaque de mortier... et de fragments de météorite.
Aperçu de la collection Circumsolar.
Tous ses vêtements sont construits dans un maximum de un à dix exemplaires, dans son atelier de
Reykjavik (ce qui nʼa pas empêché sa renommée de franchir les falaises de lʼîle). Tous sont montés
dʼun seul tenant et avec un seul motif selon la taille de la pièce employée.
Lʼatelier en lui-même - “lʼArmurerie” - est défini par son directeur comme une discipline hybride, à la
frontière de la cordonnerie, du design produit et de lʼarchitecture. Il sort tous les mois un “non
produit” qui va des écharpes pare-balles aux gants en peau de requin (avec les piques tournées à
lʼintérieur, ce qui le rend impossible à enlever, à moins de couper la main ou le gant une fois quʼon
lʼa enfilé).
Une bonne partie des clients qui pénètrent dans la boutique sont des gens qui se sont trompés et
cherchent un pistolet ou un fusil.
Recht déteste parler de processus et préfère "trouver une façon de faire qui fonctionne pour
chacun". Il a cependant développé au cours des années un système simple à mettre en œuvre en
fabriquant des mannequins à échelle 1/2 à partir d'un modèle 3D, coupé au laser en feuilles de
carton collées ensemble, sur lesquels il drape le tissu.
Le patron est ensuite marqué sur le tissu sans passer par des croquis, importé dans Illustrator,
nettoyé, doublé en taille et enfin coupé au laser. Tout un processus high-tech !
LE STREET-GOTH
Jun Takahashi, un des proches de Miyashita, le créateur de Number (N)ine et The Soloist, affirme que
ce qui les “sépare de créateurs japonais moins récents comme Rei Kawabuko et Yohji Yamamoto,
cʼest (leur) compréhension innée de la culture de la rue, en particulier de la musique”.
Jun Takahashi.
Cʼest quelque chose d'essentiel pour comprendre le street-goth, un mix dʼinfluences sorti à la fin des
années 2000 des trottoirs de Harlem avant dʼêtre popularisé par A$AP Rocky et Kendrick Lamar, en
réaction à la tendance fluo qui faisait loi à cette époque.
Quand des influences dark rencontrent le streetwear.
Le goth-ninja est (en caricaturant) composé de fanatiques habillés de la tête aux pieds chez
un unique créateur. Ils en ont adopté la philosophie et passent leur journée en quête de LA
bonne affaire sur les proxys japonais dʼeBay ou le market de Superfuture.
On les voit mélanger avec facilité des pièces pointues et des pièces street moins chères.
En Noir est une des marques phare de la tendance, elle a notamment incorporé Rob Garcia, le
créateur de Black Scale, lʼautre marque égérie du mouvement.
Lookbook En Noir.
Le processus créatif nʼa strictement rien à voir avec les deux courants précédents : on est ici dans
une marque, résolument, et non un créateur. Et mainstream de façon assumée qui plus est, même
si elle incorpore des éléments plus pointus. Le but nʼest pas de créer une niche ou une philosophie,
simplement de vendre une tendance.
Aucune marque street goth ne tirera donc sa fierté de ses matières ou de son tissage unique : elle fait
des pièces “basiques pointues”, faites pour être portées partout et par tout le monde, non sans
toutefois arborer une image luxe.
Par exemple, la plupart des tees En Noir sont waxés, et tous les zips viennent de RIRI, une marque
suisse qui possède quasiment le monopole des meilleures fermetures éclair du monde.
En regardant de plus près, on distingue un léger effet waxé apporté à la fibre.
Extrait de la collection A/H 2012 du créateur. Peu de marques peuvent se targuer d'avoir une telle
ambiance dans leurs lookbooks.
Son processus créatif sʼinscrit à la frontière de plusieurs courants dark et forme un style en lui-
même qui, comme InAisce, pourrait être qualifié de futuriste.
InAisce présente un univers relativement proche.
fukinsei, lʼasymétrie ;
kansô, la simplicité ;
kôko, lʼaustérité ;
shîzen, le naturel ;
seijakû, le silence.
Ces sept principes forment la conscience de la beauté immanente, imparfaite et incomplète, que lʼon
peut retrouver dans lʼappréhension du temps qui passe, ou la contemplation dʼune pierre descellée
sur un chemin pavé par ailleurs parfaitement régulier.
Cʼest une esthétique que lʼon retrouve dans les courants dark, avec lʼamour des techniques
anciennes (métiers à tisser du XIXe), tout en utilisant à bon escient les processus high-tech (découpe
au laser, matières techniques), et les matières travaillées et usées, quasiment point par point.
On y retrouve aussi les coupes asymétriques, la pureté et la simplicité générale des lignes et des
couleurs, lʼimpression fluide et la liberté de mouvement véhiculée par le vêtement, malgré sa coupe
non anatomique et, plus simplement, la communication quasi inexistante autour de ces marques.
Cʼest particulièrement marquant dans les lookbooks de Bendikas ou dʼInAisce (notamment les
Printemps-Été 2012 et 2013) qui mettent en avant les éléments naturels dans toute leur brutalité, ou
leur tranquillité.
DOSSIER : COMMENT S’HABILLER DANS UN STYLE TECHWEAR / OUTDOOR #1 (PIÈCES ET
MARQUES)
Le techwear désigne une catégorie de vêtements incluant des tissus spéciaux avec des technologies
avancées, des techniques de construction qui vont au-delà du traditionnel, ainsi que des coupes
permettant une mobilité maximale.
On parle aussi parfois d'urban techwear quand on évoque des vêtements dessinés pour la ville, mais
remplis de technicité.
Il est possible d'avoir un total look techwear mais, et nous allons le voir, la plupart des
consommateurs de ce segment n'incluent qu'une ou deux pièces dans leurs tenues.
L'origine du techwear, tel que nous le connaissons et le définissons aujourd'hui, vient des vêtements
techniques d'alpinisme du début des 70's, avec l'apparition des premières vestes Gore-Tex®.
A l'origine, le techwear se limitait à ce genre de pièce.
Puis, au fur et à mesure des années, la gamme s'est étendue, tant dans le domaine technique et
technologique que dans les modèles proposées. Avant cela, la technique la plus courante pour
rendre une pièce étanche était le « waxage » des tissus (application d'un genre d'enduit sur la
fibre).
De nos jours, nous sommes tous habitués à marcher ou courir avec des sneakers comportant des
amortis de plus en plus performants ; les sportifs aiment utiliser des tees respirants ; les amateurs de
poudreuse porter des vestes légères, chaudes et respirantes, etc.
Cependant, le techwear ne se limite pas à un "contexte technique" uniquement : nous allons voir
que pour un usage quotidien, il existe depuis peu également une offre très intéressante, variée et
créative.
Extrait du lookbook Undercover (une marque sur laquelle on reviendra plus bas). Les pièces restent
très adaptées à un port quotidien, même si elles sont assez pointues !
C'est une des gammes de produits les plus fournies, communément partagée en deux catégories : «
hardshell » et « softshell ». La première correspond aux pièces imperméables, la seconde à des
blousons plus légers et plus souples.
Les pièces sont généralement équipées de matériaux respirants (selon la technologie intégrée), ainsi
que d'une sous couche (mid layer) dans certains cas.
Celle-ci peut être détachable et deviendra à l'occasion une mini « doudoune ». Dans ce contexte-là,
ce type de manteau est désigné par le terme "3x1".
Vous avez la version complète, celle sans le layer bleu, et enfin la possibilité de porter le layer seul.
D'où le "3x1" 🙂
Les technologies proposées vont du Gore-Tex® à des choses bien plus expérimentales, les vestes
servant souvent de terrain d'étude et de recherche. D'ailleurs, certaines marques japonaises
n'hésitent pas à mélanger des coupes et des pièces classiques à des tissus techniques, ce qui ne
donne pas toujours des résultats concluants...
Certaines marques sportives ont des labels proposant des designs urbains avec des tissus,
traitements et technologies testés dans des conditions extrêmes, adaptées sur des produits « fashion
», comme la ligne Purple Label de North Face élaborée en collaboration avec Nanamica.
Look de la ligne Purple de The North Face. Qui aurait deviné qu'il s'agissait de techwear ?
Les vestes peuvent avoir un profil sportif tel qu'on le retrouve chez Columbia ; classiquecomme sur
les blazers d'Outlier ; militaire avec Arc'Teryx LEAF, « minimal-urbain » avec Acronym, (note de
Benoit : cette marque est hallucinante, ne loupez pas les vidéos de présentation des collections) ou
encore venir du monde de la Haute-Couture avec certaines pièces Raf Simons.
Vu la large gamme de tissus techniques utilisés, les vestes peuvent être particulièrement rigides, ce
qui donne un aspect assez... particulier lors des premiers ports. Ou au contraire, ressembler à des
softshells comme la veste Jammu de The North Face.
La fameuse "Jammu Jacket", qui est un classique du techwear.
Le « softshell » est moins rigide que le « hardshell », mais toujours résistant aux intempéries, grâce
aux divers traitements ou matériaux utilisés. Moins imperméable que le « hardshell », il est par
contre plus confortable.
Il permet une liberté de mouvement supérieure, sa légèreté étant souvent prisée car il constitue une
très bonne alternative au blouson classique, plus encombrant et plus lourd. En gros, c'est une
version améliorée et technique du hoodie.
Ce segment se développe très bien en ce moment, aussi bien dans le domaine sportif qu'urbain. Ce
sont des pièces appréciées par les cyclistes, joggers, et les pratiquants de disciplines qui demandent à
la fois une aisance de mouvement et une protection contre le froid, ainsi qu'une bonne respirabilité.
De plus, les pièces les plus légères peuvent se plier et se ranger, comme nos anciens K-Way que l'on
détestait tous étant plus jeunes.
Les vestes softshell sont des pièces qui peuvent être très facilement intégrée dans des look
streetwear et dark.
Il peut s'agir d'hoodies, de sweats, de chemises techniques, de pulls, etc., mais également d'une
sous-couche (layer) intégrée à un blouson ou une veste. Dans ce cas-là, le mid-layerpeut inclure des
technologies similaires à la pièce avec laquelle il s'associe.
C'est une branche très fourre-tout intéressante car les produits proposés sont parfois originaux. Les
designers japonais (toujours eux) font des choses assez sympas, comme des chemises intégrant
du CoolMax®, ou des matériaux Windstopper®, et des hoodies déperlants, entre autres.
L'un des avantages du CoolMax® est qu'il permet l'évacuation de la sueur, cela peut donc être utile
pour des modèles portés en été, par exemple (on ne s'attardera pas sur le stylisme de la photo).
PREMIÈRES COUCHES (BASE LAYERS)
Ce sont les sous-vêtements, chaussettes et bas. Ils intègrent principalement des technologies
respirantes, anti-irritations ou thermiques.
Souvent négligé, ce segment est pourtant très important : quel est l'intérêt d'avoir une tenue
intégralement en matériaux respirants si votre tee-shirt ne l'est pas ?
Avec certains modèles, vous pourrez même vous faire passer pour Batman.
De plus, même dans une tenue classique, certains éléments comme des chaussettes techniques de
randonnées peuvent changer la vie de vos pieds. Vous éviterez ainsi les frictions et les frottements
dans vos boots classiques, et les ampoules / irritations par la même occasion.
D'ailleurs, il est possible de trouver de très bons produits pour un prix abordable, comme ce que
propose Uniqlo.
PANTALONS TECHWEAR
C'est une gamme en pleine expansion : chino avec une toile déperlante, pantalon extrêmement
technique waterproof et windproof, extensibilité, résistance à l'usure, bref, la liste est longue ! Les
designs peuvent être hyper minimalistes, ou au contraire d'influences militaires, avec une multitude
de poches.
Ces dernières années, la mode de la pratique du vélo et du fixed gear a donné un coup de boost à ce
segment, poussant des marques n'ayant aucun rapport avec les univers techniques à investir ce
marché.
Ainsi, Levi's a lancé sa ligne Commuter, avec des produits spécialement étudiés pour la pratique du
vélo, tout en gardant un esprit propre à la marque.
CHAUSSURES TECHWEAR
C'est le secteur qui présente le plus de technologies, et est également le plus consommé. Les
chaussures de sport ont l'avantage d'être socialement acceptées, si bien que cela ne choque plus
personne lorsqu'elles sont portées dans des tenues casual.
Les marques proposent une très large gamme de produits, allant de la sneaker classique revisitée
par des technologies contemporaines, à la boots de randonnée Gore-Tex®, en passant par la
chaussure formelle avec un amortissement de qualité (comme les LunarGrand de Cole Hann).
Modèle issu de la collab Wings+Horns x Danner, sa robustesse est assez flagrante. L'influence "hiking
boot" est très claire !
Ce domaine est parfois négligé par certaines marques. Pourtant, nous pouvons trouver des choses
classiques mais technologiquement avancées, qui peuvent s'intégrer facilement dans une tenue
quotidienne, comme des ceintures d'inspiration militaire à fermeture magnétique ou des bracelets
connectés.
Vous trouverez également des sacs techniques avec des matériaux imperméabilisés, aux coutures
thermocollées, et avec des bretelles respirantes (bien pratiques en été).
Ce sac est 100 % waterproof : plongez dans l'eau si vous le souhaitez, son contenu restera au sec.
Pratique pour les plus baroudeurs d'entre nous.
Quelques marques proposent également des sacs de couchage avec des technologies comme le
Pertex®. N'hésitez pas à checker de temps à autres les offres dans cette gamme car une multitude de
pièces, souvent très inventives, pourraient vous faciliter la vie.
Je vais tenter de vous expliquer les différents courants, et de vous lister les marques qui s'y
rapportent. Bien entendu, je développerai uniquement le sujet qui nous préoccupe : la mode.
Par contre, je ne traiterai pas de certains segments professionnels comme le matériel pour pompiers
ou l'aéronautique. C'est trop spécifique, et concrètement, qui va porter une veste ignifugée?
Ceci étant, il est parfois difficile de catégoriser une marque dans un segment bien particulier.
D'autant plus que certaines ne sont pas obligatoirement techwear, mais parfois proposent quelques
pièces dans une collection - souvent grâce à une collaboration - et pourraient entrer dans ces listes.
Donc je m'excuse par avance, mais ce listing est exhaustif.
LE CASUAL TECHWEAR
Connu aussi sous le nom de « performance menswear », cette catégorie est l'une des plus répandues
et consommées. Présentant souvent des designs plutôt classiques, elle peut être portée au
quotidien, tant au travail que durant des loisirs, selon les marques.
La marque Outlier a choisi de photographier ses blazers en mouvement, histoire d'insister sur le côté
techwear. Qu'en pensez-vous ? Allons-nous vers le blazer du futur ?
Les pièces peuvent être ultra formelles avec des blazers aux matériaux waterproof et respirants, des
brogues en Gore-Tex®... ou plutôt casual avec des chinos en toile déperlante, des softshells épurés,
des bonnets en laine mérinos, ou encore des parkas comme les Canada Goose, adaptées aux grands
froids.
La kyrielle de produits permet au plus grand nombre de trouver de quoi le satisfaire, à condition de
chercher.
EFM Menswear
Endless Ammo
éclectic
Finnistere
Ministry of Supply
Camel Active
Canada Goose
Proof NY
Stutterheim
SWRVE
And Wander
Aether
Arc'Teryx
Herno Laminar
Isaora
ma.strum
Mission Workshop
Nike NSW
Outlier
Nanamica
Nau
Sioux
Stone Island
Ten-C
Uniqlo
Cole Hann
nonnative
Catégorie assez similaire à la précédente, mais au caractère bien plus affirmé. Elle est principalement
composée de marques japonaises comme nonnative, Visvim, Nanamica ou Undercover. Chaque
marque a sa propre histoire et son propre style, mais contrairement au « casual techwear », elle ne
permettent pas toujours d'être portées au travail.
Certains labels ont des démarches très intéressantes car le design prime sur la fonction. Cela oblige
parfois l’intégration de matériaux et de traitements expérimentaux, dont la véritable utilité et
fiabilité n'est pas toujours prouvée. Cependant, ils osent, et leur vision de la mode est peut-être celle
qui primera dans un futur plus ou moins proche.
Je vous conseille chaudement la lecture (pour les anglophones) de la série d'articles « Six Stories of
Gore-Tex® ». Six des meilleurs créateurs japonais, comme Hiroki Nakamura de Visvim, parlent de leur
vision du vêtement intégrant du Gore-Tex®, et de leur relation / histoire avec ce type de produit.
4DIMENSION
BEAMS
C.P. Company
Enfin Levé
Herno Laminar
Isaora
Junya Watanabe
ma.strum
Mastermind Japan
Muro.exe
Nike NSW
nonnative
North Face Purple Label
OAMC
Pedaled
Sophnet
Stahl Corp.
Stone Island
Undercover
Uniform Experiment
Visvim
White Mountaineering
Y-3
Bienvenue au pays du « Minimal-urbain technique » : un des segments les plus intéressants
esthétiquement et techniquement, même si les produits sont parfois difficiles à intégrer dans une
tenue classique. Sans compter le prix d'achat qui, généralement, est aussi fou que les designs
proposés.
D'ailleurs, ces derniers peuvent être ultra minimalistes, avec une multitudes de petits détails, ou au
contraire excentriques, déstructurés et asymétriques. La gamme de couleurs est elle aussi souvent
réduite au strict minimum : noir, olive, bleu nuit, beige, gris et parfois blanc.
Certaines marques comme Arc'Teryx Veilance et Acronym offrent des total look ninja de la
ville, et Axesquin propose carrément des kimonos en matériaux techniques.
Mi-ninja, mi-hooligan, ces looks sont difficiles mais n'en demeurent pas moins intéressants.
Ces marques ont une gamme d'accessoires, notamment des sacs où la modularité et l'intégration
sont les lignes directrices, proprement ingénieuse. La légèreté et l'aisance de mouvement sont
particulièrement importantes.
Par contre, notez que certaines pièces d'autres marques peuvent facilement s'intégrer, comme des
sneakers ou des tees techniques.
Pour les amateurs de looks bien dark à la Rick Owens, n'hésitez pas à piocher quelques pièces qui se
marieront bien avec votre tee XXXL et vos chaussures d'explorateur lunaire.
Ce n'est pas le look le plus facile à porter, mais si vous êtes un amateur de parkour ou de cyberpunk,
foncez !
Acronym
Norwegian Rain
Arc'Teryx Veilance
Aether
Axesquin
Disaern
Maharishi
Mission Workshop
Nike Gyakusou
Nike NSW
Respro
LE TECHWEAR FUTURISTE
C'est un segment que l'on pourrait qualifier de « concept look », un peu comme un studio de R&D du
techwear.
Non seulement ces tenues sont très difficiles à porter, mais en plus elles ne sont pas aisées à trouver
car peu de shops les proposent. On se doute demande bien pourquoi.
Aitor Throup
Christopher Raeburn
Civilized
C.P. Company
finalhome
Mary Mattingly
Les collaborations Adidas x Rick Owens
Revenons sur terre. La pratique du fixie et de l'urban-jogging ont boosté la créativité de pas mal de
labels. De nombreuses marques sportives déclinent maintenant leur produits dans des lignes
spécifiques, mixant performances sportives et design urbain, comme Nike Gyakusou en
collaboration avec Undercover ou Adidas avec le créateur japonais Kuzuki Kuraishi.
Les vêtements techwear Adidas x Kazuki Kuraishi sont même adaptés à la pratique de l'équitation, ce
sont nos poneys qui vont être content.
D'autres marques ont urbanisé un univers en particulier, comme l'a fait Rapha avec le cyclisme, en
proposant des produits pour le cyclisme et le fixie. Nous ne parlerons pas du nombre impressionnant
de sacs de coursiers plus ou moins techniques que l'on peut trouver sur le marché.
Les technologies sont assez classiques : principalement du waterproof, des matériaux respirants et
permettant une très bonne aisance de mouvement, sans irritations ou frottements. Les concepts sont
assez intéressants, notamment sur les pantalons proposés par les marques de vélo / fixie, ou les
softshells Windstopper®.
Acre
Asics
Burton
Chrome
DaKine
Fjällräven
Giro
Master-Piece
Mission Workshop
Patagonia
Peak
Rapha
Reebok
Oakley
Swrve
Under Armour
Vulpine
Y-3
LE TECHWEAR DE CRÉATEUR
Très peu de pièces sont proposées par la Haute-Couture, où la tradition et l'adulation des techniques
classiques et artisanales sont la norme.
Cependant, quelques couturiers utilisent parfois des matériaux techniques, des coutures
thermocollées et des technologies encore jamais vues dans un vêtement.
Christopher Raeburn
Hussein Chalayan
Issey Miyake
Raf Simons
Rick Owens
Prada
Undercover
Note de Rafik : Comme rappelé par Romain dans son guide sur les marques et maisons de luxe en
mode homme, l'appellation "Haute-Couture" est contrôlée et soumise à un strict cahier des charges.
Ici, l'expression est à comprendre au sens de "marques podium".
LE TECHWEAR OUTDOOR
Les marques de ce segment sont celles utilisant le plus de matériaux techniques : elles sont
spécialisées dans le domaine de la randonnée, de l'alpinisme, de la navigation sportive, et parfois
du monde du workwear.
Certaines marques proposent des produits de qualité, à des prix très abordables, mais au look parfois
un peu discutable pour une utilisation quotidienne. Elles proposent généralement des produits très
techniques, étudiés pour une pratique sportive définie.
Sur ce modèle Haglof, par exemple, le côté sportif est trop marqué pour être porté dans un contexte
citadin.
Elles sont aussi prisées par des corps de métiers nécessitant des besoins particuliers, comme avoir
des tissus respirants et / ou imperméables (d'où l'imbrication avec le workwear).
Les coursiers à vélo new-yorkais ont été les premiers à adopter des vestes légères de randonnée ou
de trail North Face, au milieu des années 80.
Une large gamme d'accessoires est également proposée, notamment des sacs techniques
particulièrement résistants.
Adidas
Beyond Clothing
Columbia
Crispi
Dolomite
Geoff Anderson
Haglöfs
Härkila
Helly Hansen
Klattermusen
Lowe Alpine
MacPac
Maloja
Mammut
Marmot
Merrell
Millet
Montane
Mountain Equipment
Napapijri
Nike ACG
Oakley
Patagonia
PeakPerformance
REI
Salewa
Salomon
Saucony
Under Armour
Vaude
Viking
Les avancées techniques et technologiques ont toujours intéressé les militaires, ce qui explique
aujourd'hui la présence de vestes en Gore-Tex® dans quasiment toutes les armées occidentales.
D'ailleurs, certaines des technologies développées spécifiquement pour eux se retrouvent
aujourd'hui dans les tenues civiles, tel le RipStop® (littéralement "stop aux déchirures") ou le Kevlar®
des gilets pare-balles.
Des marques comme Patagonia et Arc'Teryx travaillent également avec certaines armées, ou
proposent des lignes militaires. Le succès des sociétés de sécurité civile, des contractors (sociétés
militaires privées), ou l'accroissement de groupes d'élites comme les SWAT aux USA, ont ouvert un
marché qui intéresse même des marques comme Nike, au point de vendre des combats boots avec
des technologies maison.
Note de Rafik : J'étais assez dubitatif quant à des combat boots Nike, mais après un petit tour sur la
toile, les utilisateurs n'hésitent pas à les plébisciter !
D'ailleurs beaucoup de militaires incluent dans leurs tenues des tees sportifs respirants, comme
la ligne HeatGear® d'Under Armour.
Il est possible de piocher quelques pièces dans ce segment pour donner un peu de caractère à un
look un peu fade, tout en amenant de la technique.
Arc'Teryx LEAF
Crye
Defcon
Nike SFB
Otte Gear
Je vais vous présenter quelques uns des tissus et matériaux les plus couramment utilisés. Je ne vais
pas tout vous lister car certains ne sont que très peu exploités, figurent généralement dans des
produits très haut de gamme et chers, ou dans des vêtements plus ou moins expérimentaux dont la
réelle capacité efficiente n'a pas été prouvée.
Je ne vais pas non plus rentrer dans des détails trop techniques : cela est d'une part très difficile à
vulgariser et donc assez barbant à lire, et si d'autre part c'est un domaine qui vous intéresse, les sites
des marques dédiées vous renseigneront mieux que moi.
L’IMPERMÉABILITÉ
Elle est mesurée en Schmerber (ou en mm). Pour cela, on place le tissu sous un tube (colonne) rempli
d’eau, puis on calcule à partir de quelle hauteur d’eau les premières gouttes passent au travers du
tissu. Plus la hauteur d’eau est importante, plus le tissu sera imperméable (1 Schmerber = 1 colonne
d’eau de 1 mm).
Par exemple, toutes les vestes en Gore-tex® ont une valeur de 28 000 Schmerber, le Sympatex®
35000 Schmerber, et l'eVent® 30 000.
Colonne à eau utilisée par Gore. L'étoffe de tissu technique est placée sous l'espèce de "douchette"
pour tester son imperméabilité.
LA RESPIRABILITÉ
1. Gore-tex® utilise le RET (Resistance Evaporative Transfert) : cet indice (qui est un peu devenu la
norme) mesure la capacité d’un tissu à laisser s’échapper la vapeur d’eau générée par le
corps (transpiration). Plus l’indice est faible, plus il indique que le vêtement est respirant :
Plus le degré est élevé, plus la respiration est favorable (l'unité utilisée est le gr/m²/24 h) :
Voici l'appareil utilisé pour les tests MVTR. Personnellement, ça me rappelle ces appareils bizarres
qui traînaient sur les paillasses en cours de physique.
Ces sont les deux tests standards, mais il en existe un troisième, prôné par Polartec® : le
DPMC (Dynamic Moisture Permeation Cell). Contrairement aux deux autres, il ne s'agit pas d'un test
statique, et serait donc plus proche de la réalité des pratiquants. Bref, pour comparer c'est le
bordel.
Les différents tissus imperméables et respirants ont chacun leur technologie : 1, 2, 2.5 ou 3 couches,
nid d'abeilles, etc. Par exemple, la membrane Gore-Tex® est une couche très fine de
polytétrafluoroéthylène (un matériau souple) avec plus d’un milliard de pores microscopiques par
cm².
Ces pores sont 20 000 fois plus petits qu’une goutte d’eau, donc la pluie ne peut pas passer
à travers, ce qui permet à la membrane d’être imperméable.
Ces pores laissent cependant passer la transpiration générée par l’effort, car ils sont 700 fois
plus gros qu’une molécule de vapeur d’eau, ce qui permet à la membrane d’être à la fois
imperméable et respirante.
Pour nos amis non anglophones (de gauche à droite) : "évacuation de la vapeur d'eau", "pluie, vent
et neige ne pénètrent pas", "matière extérieure", "membrane Gore-Tex®", "doublure".
Là, on rentre dans des détails qui sont parfois compliqués et qui peuvent en rebuter certains à la
lecture, mais sachez que certains tissus extérieurs doivent être traités pour pouvoir être
imperméables / déperlants et respirants. On parle de DWR (Durable Water Repellent).
GORE-TEX®
Gore-Tex® a été le premier tissu imperméable du marché. Sorti en 1969, il devient la technologie
dominante grâce à sa capacité à laisser passer la transpiration, tout en gardant le corps au chaud.
C'est la technologie de référence, la plus utilisée aussi. Les normes à respecter pour avoir
l'accréditation Gore sont très strictes et assurent une qualité très élevée. Les vêtements subissent en
fait une série de tests pour avoir le droit de porter l'étiquette Gore-Tex®, qui est autant un gage de
qualité qu'un outil marketing.
Toutes les coutures, pour éviter les fuites, sont étanchéifiée avec des bandes d'étanchement Gore-
Seam® pour une imperméabilisation durable.
Gore-Tex®
Utilisée principalement dans des vêtements outdoor techniques « amateurs », cette catégorie
regroupe aussi les technologies Gore-tex® Paclite et Gore-tex® Softshell, avec un RET compris entre 6
et 13.
Ce sont aussi les pièces avec du Gore-Tex® les moins onéreuses, et souvent les plus polyvalentes.
C'est également la technologie la plus utilisée dans la mode car elle permet une grande facilité de
création.
Gore-Tex® Active
Les vêtements en Gore-tex® Active répondent à un cahier des charges précis : moins de 400
grammes pour une veste en taille L chez les hommes, coefficient de RET inférieur à 3, tout en
associant une construction compacte 3 couches imperméable (28 000 mm). C'est donc hyper
respirant et léger.
Les utilisations principales sont la rando, le trail, le VTT, etc. Ce sont des produits qui peuvent être
assez facilement insérés dans une tenue, surtout sportswear, et sont plus pratiques qu'un manteau
un peu lourd ou encombrant.
On reconnaît le parti pris d'un design résolument sportif sur ces shells en Gore-Tex® Active.
Gore-Tex® Pro
Là on rentre dans du TRÈS sérieux, c'est un peu la vitrine de la société. Les principales différences
avec les produits précédents, hormis le prix, se situent dans la capacité de résistance à l'abrasion et à
la déchirure.
Nous trouvons ces produits dans les vêtements de montagne haut de gamme, de trekking et de
grande randonnée, ainsi que de ski et snowboard.
Ce type de Gore-Tex® est très peu utilisé pour des fringues urbaines car il est bien trop technique.
Mais les « fadas » - comme aurait dit Pagnol - de chez Acronym n'ont pas eu peur de s'y frotter, et
proposent des vestes avec cette membrane.
SYMPATEX®
C'est le grand concurrent de Gore-Tex®. La membrane est totalement imperméable (35 000
Schmerber), coupe-vent et respirante (avec un RET mesuré à 1,5). Elle est reconnue pour être l'une
des meilleures protections du marché.
La technologie est assez proche de ce que fait Gore-Tex, mais elle est 100% recyclable, et conçue
avec des matériaux totalement biodégradables. Elle est aussi certifiée sans risque pour la santé.
Cette veste Geoff Anderson en Sympatex® n'aura aucun mal à s'intégrer dans la garde-robe des
amateurs de ce type de pièce.
CORDURA®
C'est une matière produite par DuPont de Nemours, surtout connu pour ses nylons et matières
synthétiques. Cordura est un nom de marque souvent utilisé pour une multitude de ses tissus, qui
ont d'ailleurs une réputation de durabilité.
Enfin, Cordura produit également des mélanges de coton pour du ripstop, denim, sergé, et maillots.
RIPSTOP
Le Ripstop est un tissu synthétique réalisé en maillage plus ou moins grand, par une disposition
particulière des fils de chaîne et de trame, ce qui permet de renforcer la structure de la toile.
Cela évite entre autre l’extension d'une déchirure lors d’un accroc. Il peut parfois être enduit ou
traité pour assurer une imperméabilité.
C'est un tissu souvent utilisé dans les tenues militaire, sa légèreté et sa résistance étant très
appréciées.
Sur cette toile ripstop à imprimé camo (encore une fois, elle est très utilisée dans le domaine
militaire), on peut voir très distinctement le maillage adopté, propre à cette matière.
PERTEX®
Pertex® est une marque de tissus techniques. Avec des constructions différentes de Gore-Tex®, ils
fournissent des spécificités autres, tels que le contrôle thermique de la température.
Ainsi, on trouve les tissus Pertex® dans des gammes de produits où Gore-Tex® est quasiment absent,
comme les sacs de couchage ou les « mid layers » type « doudounes ».
Les tissus techniques de la marque offrent généralement des produits légers et chauds, et
permettent une protection avec un ratio poids / encombrement / résistance inégalé.
La gamme de tissus techniques que présente la marque est variée et complexe, mais le logo Pertex®
est un gage de qualité au vu des marques ayant choisi d'utiliser ces
technologies : Millet, PeakPerformance, Montane, etc.
NEOSHELL®
En effet, elle remet en cause l'imperméabilité, gros point fort de Gore-tex® (et aussi d'eVent®) en
expliquant :« pas besoin de pousser si loin l’imperméabilité, on ne skie pas pendant la mousson,
nous n’avons pas besoin d’autant de Schmerber pour un usage normal » (David Gatti de Polartec –
ISPO 2011).
Bref.
La coupe est bien exécutée sur ce pantalon en NeoShell®, encore une preuve que le techwear trouve
de plus en plus sa place dans le vestiaire quotidien.
Les vêtements en NeoShell® résistent donc à une pression de 10 000 Schmerber, et font état d'une
perméabilité à l'air de 0,5 CFM (2 litres/m²/seconde) contre 0,1 CFM pour l'eVent®, et 0 CFM pour les
Gore-Tex®. La NeoShell® permettrait donc à l'air de mieux circuler pour faciliter l'évacuation de la
transpiration.
C'est la marque / membrane qui monte, et son buzz prend bien. Pour preuve, la longue liste de
marques prestigieuses dans le domaine du vêtement de montagne qu'elle a réussie à
séduire : Eider, Marmot, The North Face, Vaude, Rab ou encore Mammut...
En plus des sportifs, les pratiquants du fixie et du « vélo urbain » apprécient cette technologie, car le
combo légèreté / respirabilité / imperméabilisation convient parfaitement à leurs besoins.
EVENT®
C'est un autre concurrent de Gore-Tex®. D'une technologie assez similaire (30 000 Schmerber), il
permettrait une meilleure respirabilité du tissu car celle-ci est directe, à la différence de la
technologie de Gore-tex®. Par contre, elle serait moins durable.
Contrairement à Gore-Tex®, les fabricants peuvent acheter du tissu et le renommer comme ils
l'entendent, la licence étant «unbranded» (sans marque). L'eVent® permet des designs plus originaux
et intéressants grâce à sa technologie. Toutefois, cela pourrait conduire à des produits de qualité
inférieure.
Justement, regardez ce petit test qui montre les limites de l'eVent (c'est en anglais, mais les images
restent parlantes) :
Beaucoup de petites marques l'utilisent vu que les contraintes sont moindres comparées à celles de
Gore-Tex®, sans pour autant faire obligatoirement des produits au rabais. Nous trouvons ces tissus
techniques dans des produits comme ceux de REI, mais également dans de nombreux vêtement
militaires, de pompiers, ainsi que dans des tenues de travail techniques.
C_CHANGE
On retrouve ces membranes dans beaucoup de produits, elles sont très prisées par bon nombre de
marques comme Acre, Richa, Mission Workshop, Aether, TAD et Levi's Commuter.
WINDSTOPPER®
C'est un matériau grandement utilisé car il permet de concevoir des vêtement extrêmement légers,
et peu encombrants. Des marques comme The North Face, Patagonia ou Marmotl'ont adopté ;
souvent proposé pour des pratiques sportives comme le cyclisme, la course à pied et les sports de
montagne.
Il est également utilisé dans pas mal de pièces urbaines, et quelques marques font des habits casual,
voire formels, intégrant ces tissus techniques.
KEVLAR
A l'origine produit par DuPont de Nemours, mais aujourd'hui entré dans le domaine public car son
brevet a expiré, le Kevlar est une fibre synthétique d'une très grande résistance et rigidité. Il en
existe de nombreux types que je ne vais pas lister ici, car très peu sont utilisés dans l'univers
vestimentaire.
Il peut aussi être utilisé pour des coques de protection intégrées dans des vestes ou pantalons
réservés à la pratique de sports extrêmes, pour les vêtements militaires ou pour les tenues de
motards.
Les empiècements en haut des doigts sont en Kevlar, afin de renforcer la protection en cas de chute
de moto, ou faire très mal quand on vous embête (la violence, c'est mal).
Il ne faut pas faire n'importe quoi, sous peine de perdre les propriétés de vos vêtements. Je vous
conseille d'aller sur le site de la marque (comme ici pour Arc'Teryx Veilance), généralement une page
est dédiée à l'entretien et au nettoyage de leurs produits. Si ce n'est pas le cas, n'hésitez pas à les
mailer, ou à chercher des vidéos explicatives sur Youtube, avant de vous prendre pour Tony Micelli.
LE TECHWEAR : CONCLUSION
Comme vous avez pu le voir, le techwear concerne une très large gamme de produits et de styles. Il
est vrai que ce ne sont pas les vêtements les moins chers, mais la qualité est généralement au
rendez-vous.
En étudiant bien l'offre, et en prenant un temps de réflexion avant d'effectuer un achat, vous pourrez
trouver la pièce qui s'intégrera aisément dans votre garde-robe. Une fois que vous la porterez, vous
vous rendrez compte du confort que cela procure. Non seulement dans le design et la coupe, mais
également lors de l'utilisation.
Dans la même lignée que le dark, le minimalisme peut être un style difficile à appréhender.
C'est aussi un style à l'histoire riche, qui tire directement ses origines dans l'art, avant d'être
réinterprété par de nombreux créateurs.
Vianney nous donne enfin les clefs pour s'approprier ce style qui peut faire naître de très bons looks
lorsqu'il est bien exécuté.
Le minimalisme est né à New York dans les années 1960. Descendant du Bauhaus 1, la sobriété nʼest
pas pour autant le but en lui-même, mais simplement un moyen pour arriver à une expression
fonctionnelle, dépouillée de tout superflu.
Lʼexposition "Sixteen Americans" de 1959 a marqué lʼacte fondateur du courant minimaliste en art.
On pouvait notamment y trouver les peintures de Frank Stella, grand peintre précurseur du courant.
L'artiste peint des bandes noires, séparées de fines bandes blanches qu'il attribue bien plus au
passage de son pinceau qu'au mouvement de sa main, dépersonnalisant ainsi son oeuvre.
Ce courant réside beaucoup dans les rapports entre les formes, les couleurs ou encore les matières.
Des formes concrètes, basiques, et leurs variations autour : rond, carré, triangle (non, la manette de
PS3 nʼest pas une forme dʼexpression minimaliste).
Lʼarchitecte Ludwig Mies van der Rohe, autre membre influent de ce courant, a laissé deux phrases
devenues si célèbres quʼelles ont été reprises à toutes les sauces :
«Less is more ». Cʼest intraduisible de façon aussi élégante en français, mais en gros : « le
raffinement réside dans le dépouillement ».
La célèbre Farnsworth House conçue par Ludwig Mies van der Rohe vers 1946. Une maison d'une
seule pièce, faite uniquement de verre et d'acier, peinte d'un blanc pur.
Les Japonais ont un concept qui résume très bien cet état dʼesprit : shibumi (ou shibui).
Le terme nʼa pas dʼéquivalent exact en Français, mais il regroupe les qualités suivantes : les objets
shibui sont dʼapparence simple, mais contiennent des détails subtils (par exemple au niveau des
matières).
Ces détails font surgir une certaine complexité au sein même de la simplicité. Cʼest cet équilibre
entre les deux qui permet à son propriétaire de ne pas se lasser de lʼobjet et dʼy trouver
constamment un nouveau sens.
Le design de ces lampes très épurées, imaginé par Constantinos Hoursoglou, les débarrasse du
superflu pour en faire un objet sobre et élégant. #SoShibui
LE MINIMALISME APPLIQUÉ À LA MODE
Dans les années 1960, André Courrèges est l'un des premiers à avoir introduit ces notions de
fonctionnalité, de suprématisme 2 et de structure en mode dans les années 1960. Space Age est une
collection en noir & blanc, remplie de ronds et de parallélépipèdes.
Collection podium (donc concrètement importable), mais qui rassemble tous les principes dʼune
esthétique minimale : cet attachement aux formes basiques, aux couleurs basiques, mais aux
matières travaillées.
Cette collection influencera grandement la mode scandinave et certains courants de la mode
asiatique, celles-ci ayant un lien très fort avec la philosophie minimaliste.
Les deux n'empruntent pas tout à fait le même chemin. Les créateurs scandinaves (Filippa K, Norse
Projects...) sont plus attachés aux intemporels de la mode (costume, pull col rond, chemise
blanche) et à l'harmonie des couleurs.
On le voit bien à travers la collection Automne / Hiver 2013 - 2014 de Filippa K.
Les créateurs asiatiques sont davantage intéressés par les formes et les matières. Ils créent des
vêtements bien moins classiques, jouant sur les drapés et la déconstruction de lʼanatomie (Yohji
Yamamoto, Rei Kawakubo de Comme des Garçons, ou encore Issey Miyake).
Yohji Yamamoto cherche ici à transformer le corps par les mouvements de la matière.
À la frontière entre les deux, évolueront des créateurs belges futuristes : les Six dʼAnvers 3. Avec
Dries Van Noten, mais aussi plus tard Jil Sander et Martin Margiela.
Leur vision nouvelle et synthétique du courant minimaliste triomphe dans les années 1990.
La créatrice Jil Sander apporte la synthèse parfaite entre le classique scandinave et la déconstruction
asiatique.
Pour Léonard de Vinci, lʼhomme est, en gros, inscrit dans un carré et un cercle en même temps.
Lorsque lʼon observe lʼanatomie humaine, chaque partie du corps peut être
découpée individuellement et en complémentarité avec les autres, dans des cercles et des carrés.
Par exemple, la hauteur du corps humain est égale à trois cercles de même diamètre dont les bords
sʼarrêtent au diaphragme, entre la cage thoracique et lʼabdomen, et au bas des os iliaques, en
dessous du pubis (on vous rassure, on n'a pas tout compris non plus...).
Une fois cette notion intégrée, jouer avec la symétrie anatomique devient un jeu. Le designer
lituanien Dainius Bendikas le prouve très bien dans ses collections futuristes où lʼon peut très
clairement voir la construction du vêtement sur ces principes esthétiques.
Jonah, le créateur new-yorkais de la marque InAisce, maîtrise également très bien cet art de la
déconstruction.
Croquis du designer Dainius Bendikas.
Dans une construction plus simple et plus classique que les créations dʼInAisce (mettons une
chemise, un pantalon, une paire de chaussures, un cardigan / blouson), l'objectif sera de respecter
des principes anatomiques.
Exemple avec ces looks tirés de la collection Printemps-Eté 2011 de T by Alexander Wang avec ce qui
fait lʼADN de la marque : couleurs et coupes simples, matières et assemblages très travaillés.
Avec le look 1, la coupe loose du sweatpant est contrebalancée par la coupe droite de la chemise (à
la verticale comme en horizontale, formant une coupure nette qui rééquilibre tout le haut du corps).
Le look est quasi monochrome, mais reste totalement fidèle à cet esprit shibui : simple. La différence
réside dans les détails : serge de coton molletonné couleur gris anthracite chiné pour le pantalon,
jersey de coton lisse bleu pétrole pour le haut.
Le look 2 correspond sensiblement à la même idée, à la différence que la coupure haut / bas est
cette fois-ci symbolisée par lʼinverse : le pull lâche contribue à lʼécroulement général de la tenue
alors que le sweatpant, plus fitté, rend le corps entier plus élancé.
Le contraste de couleurs / matières reste subtil : même matière pour le pantalon, maille fine pour le
pull et jersey de coton pour le t-shirt, pour un léger dégradé de couleurs.
De cette idée de symétrie / asymétrie découle une autre idée importante : comment faire pour
structurer une tenue avec peu de pièces, la plus simple possible (tee-shirt, pantalon, chaussures /
baskets) ? 3
Pourquoi les meilleures tenues dʼété sont-elles souvent les plus simples ? Et pourquoi un type qui
déambule avec une écharpe autour du cou par 35°C a plus lʼair dʼun clown quʼautre chose ? (Non, ce
n'est pas seulement parce qu'il fait chaud).
Première raison, lʼécharpe est souvent davantage appelée à combler un vide laissé par lʼouverture
dʼun manteau, plutôt quʼà former une grosse boule visuellement inesthétique sur un look simple
qu'elle déséquilibrera complètement.
Le manteau, quel quʼil soit, floute la silhouette. On peut donc se permettre dʼy ajouter du volume.
Même avec un tissu léger ce n'est vraiment pas top...
C'est bien beau tout ça, mais quʼavons-nous si nous considérons cette esthétique à travers le
vêtement masculin ? Avec, mettons, A.P.C., figure de proue française de la sobriété. Cette marque
exclut le superflu, enlève ce qui nʼest pas nécessaire.
A.P.C., ce sont des coupes classiques, des pulls col rond, des blousons inspirés des Harrington, des
chinos droits, dans des couleurs simples et naturelles. En somme un look simple, fonctionnel,
donc qui fonctionne.
Une tenue entièrement A.P.C. qui respire la simplicité, what else ?
Quand vous achetez une pièce forte, évitez à tout prix lʼachat coup de cœur. Demandez-vous tout
le temps :
Est-ce quʼelle rentre dans ma garde-robe ? Comment puis-je lʼintégrer ? Est-ce que jʼai les pièces qui
vont avec ?
Demandez-vous également si vous avez une vision assez précise de ce à quoi vous aimeriez
ressembler plus tard, pour pouvoir l'intégrer au sein d'une tenue complète. Est-elle assez flexible
pour me permettre de la porter avec plusieurs choses différentes ?
Je possède par exemple un cardigan de chez Les Chats Perchés, que je considère comme une de mes
pièces maîtresses : gris, simple, trois boutons, deux poches, coupe droite.
Quand on y regarde de plus près, on remarque en revanche un équilibre général et des détails qui
rendent la pièce unique.
Le gris vient dʼun sergé de laine chinée, rude, mouchetée de points noirs et blancs. Une surpiqûre de
boutonnière donne un relief et une véritable identité à cette maille qui, sans ces particularités, ne
présenterait pas plus dʼintérêt.
Sa simplicité apparente en fait pourtant une pièce extrêmement polyvalente, comme vous pouvez le
voir dans la photo ci-dessous.
Dans le doute, vous pouvez ainsi reconnaître une pièce unique à ces trois caractéristiques. Elle doit
être :
La plupart des looks ratés prennent source dans une accumulation mal maîtrisée dʼaccessoires en
tous genres qui avalent une tenue et lʼétouffent, sans mettre lʼaccent sur LA belle pièce dans laquelle
vous avez investi.
Johnny Depp est l'exception qui confirme la règle. Certes, il a un look dʼenfer, pourtant loin d'être
sobre. Mais comme c'est une rockstar, ça fonctionne plutôt bien...
Cʼest une idée fondatrice dès lors que lʼon commence à sʼaventurer plus loin dans la mode. Acheter
des belles choses, intemporelles, simples et qui vieillissent bien.
Cela rejoint une philosophie que nous prônons depuis le début : mieux vaut investir une fois pour
toutes dans une pièce durable et de qualité qui vieillira bien, plutôt que dans cinq pièces mal
coupées et mal pricées.
Au-delà même de lʼachat rationnel, il faut sʼhabituer à une certaine idée de la beauté : elle ne peut
que vous être bénéfique lors de votre processus dʼachat et dʼacquisition dʼun style.
Vous parviendrez alors, au bout de quelques mois dʼachat et dʼentraînement personnel à cette
sensibilité, à une quintessence stylistique qui rejoint cette attitude shibui. À savoir : simple, sobre,
mais beau et sans ennui.
Chaque pièce respire une authenticité et un vécu, une personnalité intraduisible autrement que par
lʼexpérience, lʼerreur et lʼessai. Parce que la beauté réside dans lʼimperfection (et là, on arrive à un
autre concept japonais dont on a déjà parlé : le wabi-sabi). Lʼimperfection subtile de votre style fera
votre force.
Exemple avec cette paire de Clarks Beeswax ‒ un des rares très beaux modèles quʼils aient sortis ces
dernières années ‒ après quatre ans de port et une patine fabuleuse. Indéniablement plus belles et
avec plus de caractère quʼà lʼachat.
Une beauté accrue qui enrichit sa valeur esthétique au cours des années.