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Agreg Ext Rapport 2010
Agreg Ext Rapport 2010
Agreg Ext Rapport 2010
Session 2010
AGREGATION EXTERNE
Section : ESPAGNOL
Les rapports des jurys des concours sont établis sous la responsabilité des présidents de jury
1
I. INTRODUCTION
Directoire
M. Bernard DARBORD, Professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense,
Président.
M. Reynald MONTAIGU, Inspecteur Général de l’Education Nationale, Vice-
président.
M. Renaud CAZALBOU, Maître de conférences à l’Université Toulouse II,
Responsable administratif.
Membres du jury
Mme Cécile BASSUEL-LOBERA, Maître de conférences à l’Université d’Orléans.
M. Emmanuel BERTRAND, Professeur CPGE au Lycée Condorcet à Paris.
M. Christian BOIX, Professeur à l’Université de Pau.
Mme Adélaïde de CHATELLUS, Maître de conférences à l’Université Paris-
Sorbonne (Paris 4).
Mme Agnès DELAGE, Maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre La
Défense.
Mme María Viñas DOMINGO-DURBET, Professeur agrégée au lycée Saint-Sernin
à Toulouse.
Mme Carla FERNANDES, Professeur à l’Université Lyon II.
M. Pierre GAMISANS, Maître de conférences à l’Université Toulouse II.
Mme Catherine HEYMANN, Professeur à l’Université Toulouse II.
M. Ludovic HEYRAUD, Professeur agrégé à l’Université Montpellier III.
Mme Marta LACOMBA, Maître de conférences à l’Université Bordeaux III.
Mme Marta LÓPEZ IZQUIERDO, Maître de conférences à l’Université de
Vincennes-Saint-Denis Paris 8.
Madame Estrella MASSIP I GRAUPERA, Maître de conférences à l’Université de
Provence.
Madame Alexandra MERLE, Maître de conférences à l’Université Paris-Sorbonne
(Paris 4).
M. Philippe MEUNIER, Professeur à l’Université de Saint-Etienne.
Mme Florence OLIVIER, Professeur à l’Université Paris 3, Sorbonne-Nouvelle.
M. Stéphane OURY, Maître de conférences à l’Université de Metz.
Mme Paula PACHECO, Professeur agrégée au lycée Jeanne d’Arc à Nancy.
Mme Evelyne RICCI, Maître de conférences à l’Université de Bourgogne.
Mme Isabelle ROUANE SOUPAULT, Professeur à l’Université de Provence.
M. Ricardo SAEZ, Professeur à l’Université de Haute-Bretagne.
Mme Jacqueline SEROR, Professeur agrégée au Lycée Chaptal à Paris.
M. Emmanuel VINCENOT, Maître de conférences à l’Université de Tours.
Mme Elodie WEBER, Maître de conférences à l’Université Paris VII.
858 candidats se sont inscrits au concours en 2010. 401 ont effectivement participé
aux trois épreuves écrites : au total, 46,74% des inscrits.
2
90 candidats ont été déclarés admissibles, soit 22,44% des 401 participants. La
moyenne des 401 candidats non éliminés a été de 6,06/20. Celle des 90 admissibles a été de
10,15/20.
Sur les 90 admissibles, 88 ont effectivement participé aux épreuves d’admission. 40
postes (contre 48 l’an passé) étaient offerts.
Sur la totalité des sept épreuves, la moyenne des 88 admissibles a été de 7,65/20.
Moyenne des admis : 9,47/20.
Sur les quatre épreuves orales, la moyenne des 88 admissibles a été de 5,70/20. Celle
des admis a été de 8,30/20.
La technique des sept épreuves étant acquise, il est important de savoir que le jury
évalue également la capacité des futurs professeurs à communiquer, à expliquer, à transmettre
de façon claire et séduisante : à tout moment (à l’écrit comme à l’oral), le candidat doit se
demander s’il communique bien, s’il se fait bien comprendre, si le concept qu’il manie est
clairement exposé, dans une langue élégante.
Comme l’an dernier, nous rappelons dans le tableau ci-dessous la nature et les
modalités des différentes épreuves. A l’oral, en 2011, la quatrième épreuve (explication de
texte en français) sera augmentée d’une évaluation de la capacité des candidats à réfléchir sur
3
l’éthique de leur métier. Cette nouvelle évaluation devra naturellement être préparée au cours
de l’année, afin que le candidat sache interpréter les questions du jury. Les universités, au
niveau de leurs masters, sauront prendre en compte ces nouvelles dispositions.
Un point important doit être abordé avec franchise : chaque année, un programme
précis et nourri est publié au Bulletin Officiel. Il comporte le libellé précis des quatre
questions du programme, ainsi que le détail des autres épreuves. Ce programme est choisi par
le jury dans son ensemble, après examen des suggestions venues des départements
d’espagnol. Il doit être la référence de toute préparation. Nous appelons donc les étudiants à
bien lire le libellé de la question et à ne pas se perdre dans des lectures étrangères à la
problématique définie par le programme.
.
II. Tableau récapitulatif des différentes épreuves1
Epreuves d’admissibilité
Durée Coefficient
Composition 7h 2
en espagnol
Traduction 6h 3
Composition 7h 2
en français
Epreuves d’admission
4
: 15 mn max) etimológico de la lengua
castellana de Joan
Corominas
-Un dictionnaire latin-
français
-Le Diccionario de la
lengua Española (RAE)
Epreuve n°4 en deux parties (en français)
L'épreuve se déroule en deux parties. La première partie est notée sur 15 points, la
seconde sur 5 points.
Première partie
Explication en français d'un texte portugais, catalan ou latin (au choix du candidat) inscrit au
programme. L'explication est suivie d'un entretien en français. Le candidat dispose de la
photocopie du passage à étudier, ainsi que d’un dictionnaire (catalan ou portugais monolingues,
latin-français, en fonction de l’option choisie).
Le candidat répond pendant dix minutes à une question, à partir d'un document qui lui a été
remis au début de l'épreuve, question pour laquelle il a préparé les éléments de réponse durant le
temps de préparation de l'épreuve. La question et le document portent sur les thématiques
regroupées autour des connaissances, des capacités et des attitudes définies, pour la compétence
désignée ci-dessus, dans le point 3 « les compétences professionnelles des maîtres » de l'annexe
de l'arrêté du 19 décembre 2006.
5
III BILAN DES EPREUVES ECRITES (ADMISSIBILITE)
Les remarques qui suivent ont été élaborées dans le cadre d’une réflexion collective
menée par le jury de composition en espagnol.
Sujet :
6
(Jonathan Brown, John H. Elliott, Un palacio para el rey. El buen retiro y la corte de Felipe IV, Madrid, 1981, p. 202.)
Basándose en la práctica del valimiento en los reinados de Felipe III y Felipe IV, analice y
comente este parecer.
Le sujet proposé aux candidats repose sur une opposition apparente entre l’exercice
concret du pouvoir (concentré « en manos de otros hombres », c’est-à-dire des validos sous
les règnes de Philippe III et Philippe IV) et ses représentations iconographiques et littéraires
qui « glorifient le pouvoir des monarques ».
Une telle affirmation, explicitement désignée par les auteurs de la citation comme un
paradoxe, ne devait pas surprendre les candidats, puisqu’il s’agissait du coeur même de la
problématique retenue par la question portant sur l’Espagne des Validos. Le libellé officiel,
rappelons-le, invitait les candidats aux concours à fonder leur analyse de la période concernée
sur « un triple ancrage, posé dans la distanciation critique », « susceptible de nourrir une
démarche de fond associant le savoir historiographique, la dimension littéraire et la
propagande picturale ».
- De nombreux candidats proposent en effet, en lieu et place d’une analyse sélective des
mots-clés du sujet, une copie méthodique des différents syntagmes du libellé. Cette
énumération donne lieu à une paraphrase et ne produit aucune mise en perspective
7
réelle du sens de la citation. Un tel tronçonnage mécanique finit même par vider de
sens le sujet parce qu’il n’opère aucune sélection qualitative des éléments de sens les
plus pertinents.
- Par ailleurs, il faut remarquer qu’un nombre important de copies sont parvenues en
revanche à analyser correctement le sujet pour définir de manière claire son enjeu
principal : l’opposition entre exercice et représentation du pouvoir monarchique. Ces
copies ont malheureusement proposé des problématiques sans aucun lien direct avec
ce questionnement, pourtant bien appréhendé dans un premier temps.
Nous attirons ainsi l’attention des candidats sur le fait qu’une introduction ne saurait servir de
préambule plus ou moins déguisé à une problématique-type qui constitue en réalité un
panorama généraliste de la question du valimiento (parmi les exposés généraux les plus
fréquemment rencontrés, citons par exemple : « forces et faiblesses du valimiento », « une
nouvelle manière de gouverner et ses limites », « avènement, chute des validos et décadence
de l’Espagne »).
Rappel de méthode : la dissertation est une argumentation
Tous les rapports récents des jurys de composition en espagnol exposent avec une
grande précision les exigences de méthode d’une dissertation de civilisation et nous
conseillons vivement aux candidats la lecture de ces rapports de concours, particulièrement
riches et denses. Nous ne proposerons ici qu’un rappel sommaire, visant à souligner la nature
essentiellement argumentative du travail de dissertation, qui doit être mise en place dès
l’introduction et qui est de plus en plus ignorée par la plupart des candidats.
La dissertation de civilisation n’a pas pour vocation d’être une présentation générale
d’une période ou d’un phénomène historique donné, car la dissertation n’est pas un exposé.
Ainsi, toutes les copies qui ont proposé un panorama global du valimiento, en tournant le dos
aux problèmes spécifiques soulevés par le sujet ont été lourdement sanctionnées. Ces copies,
que l’on pourrait définir comme exclusivement descriptives, qui « racontent » l’histoire du
valimiento, des institutions de la monarchie ou des cycles iconographiques mettant en scène le
roi et son favori, témoignent du défaut de méthode sans doute le plus fréquent : la disparition
de la structure argumentative de la dissertation. Ce type de défaut d’organisation
démonstrative du discours explique le grand nombre de très basses notes, indépendamment
des problèmes de langue ou de manque de connaissances historiques et culturelles.
2
Gérard GENETTE, « Enseignement et rhétorique au XXe siècle », Annales, 1966 (21), pp. 292-305.
8
en scène dans la dissertation un idéal critique de démonstration de l’autonomie et de la
maîtrise du jugement individuel.
Les indications qui suivent proposent différentes pistes pour nourrir une argumentation
critique à partir des principales idées exposées par le sujet. Le jury n’attendait pas que les
candidats envisagent la totalité des aspects suggérés ici, mais il était en revanche souhaitable
qu’ils se montrent capables d’une prise de distance nette vis-à-vis du sujet proposé. Les copies
qui ont réussi à formuler une interrogation pertinente à partir d’une définition claire de l’enjeu
central du sujet ont bien sûr été particulièrement valorisées.
9
1. L’idée d’une propagande uniquement mise au service de l’exaltation de la figure
royale (« glorificar el poder de los monarcas ») peut et doit être remise en cause,
notamment grâce à l’analyse des œuvres de Quevedo au programme, qui sont toutes
deux consacrées à la glorification apparente de la figure du valido. Peut-on dès lors
affirmer, comme y incite la citation de J. H. Elliott et J. Brown, que la propagande
glorifierait uniquement la grandeur du monarque ?
Par ailleurs, les représentations picturales du valido amènent aussi à nuancer une telle
exclusivité de la logique de propagande. L’historien Antonio Feros, dont l’ouvrage El
duque de Lerma. Realeza y privanza en la España de Felipe III figurait également au
programme officiel, a démontré que le duc de Lerma ne se fait pas représenter dans
l’iconographie comme « sombra del rey », mais bien comme un double glorieux du
souverain, « imagen gemela del rey »3, voire dans certains panégyriques comme « un
segundo sol que alumbra España »4.
L’idée d’une propagande exclusivement instrumentalisée à des fins d’exaltation de la
figure royale peut donc être remise en cause de manière argumentée, dans le cadre
d’une analyse précise de la mise en scène du pouvoir du valido, comme y invitaient les
œuvres au programme.
Les travaux critiques les plus récents consacrés au Discurso de las Privanzas et à la
comedia Cómo ha de ser el privado, montrent que la logique épidictique du service de plume
réalisé par Quevedo doit être réévaluée pour pouvoir apprécier avec précision ses nombreuses
ambiguïtés. Eva María Díaz Martínez a souligné la possibilité d’une double lecture du traité
de Quevedo, qui fait coexister l’éloge et la critique du souverain et de son favori5. Dans la
même perspective, Rafael Iglesias6 démontre qu’une œuvre de commande, clairement
panégyrique, telle que la comedia Como ha de ser el privado, est constamment traversée par
une tension paradoxale entre la louange et la critique, qui nous incite à une approche
beaucoup plus complexe de cette œuvre et plus généralement de la littérature politique de
l’époque.
Le jury n’attendait pas que les candidats statuent sur ces deux textes de Quevedo pour
décider de leur inscription du côté de la louange ou du blâme, mais bien qu’ils exploitent ces
doubles lectures pour mieux saisir la complexité des « recursos retóricos » que la citation de J.
3
Antonio FEROS, El Duque de Lerma. Realeza y privanza en la España de Felipe II, Marcial Pons, Madrid,
2002, p. 199.
4
Antonio FEROS, El Duque de Lerma…, p. 196.
5
« Si nos limitamos al primer nivel de análisis, el Discurso contiene los ingredientes propios de un espejo de
privados y –más concretamente- diversas alabanzas a Lerma y Felipe III. En el segundo caso, el resultado es
muy diferente y no logra ocultar una censura de estos personajes. » Francisco de QUEVEDO, Discurso de las
Privanzas, Eva María Díaz Martínez, Estudio preliminar, edición y notas, Eunsa, Pamplona, 2000, p. 106.
6
Rafael IGLESIAS, « El imposible equilibrio entre el encomio cortesano y la reprimenda política: hacia una
nueva interpretación de Cómo ha de ser el privado de Quevedo », La Perinola, 2005 (9), pp. 270-271.
10
H. Elliott et J. Brown avait tendance à assimiler exclusivement à une propagande dépendante
du pouvoir en place.
En effet, l’idée que les œuvres littéraires ou picturales baroques soient intégralement
réductibles à des fins de propagande politique est un schéma de compréhension désormais
classique, bien balisé par l’historien José Antonio Maravall, qui a défini la culture baroque
dans son ensemble comme « una cultura dirigida »7. Si cette perspective historique reste
valide, on pouvait attendre que les candidats exploitent les nombreuses pistes
bibliographiques récentes et très aisément accessibles, qui permettent de nuancer les rapports
entre création et politique dans les œuvres au programme en envisageant des régimes de
politisation beaucoup plus équivoques au sein de cette « culture dirigée ». Rappelons ainsi que
Ricardo Saez a montré avec précision comment la pièce de Quevedo relève à la fois d’une
logique de propagande de l’action politique du valido et d’une désillusion profonde face à
l’état de l’Espagne, dont le principal responsable est ce même valido8. Pour sa part, Teresa
Ferrer Valls a souligné que cette duplicité du discours d’éloge n’est pas l’apanage de
Quevedo, car au XVIIe siècle, le genre du « drama de privanza » est dans son ensemble
marqué par une réversibilité constante de la louange en critique : « Son dos caras, la de la
adulación y la de la ironía, que no siempre son incompatibles, ni siquiera en los dramas
serios »9.
En définitive, s’il est un paradoxe relatif à la mise en scène du pouvoir politique dans
l’Espagne des Validos, peut-être est-il moins à comprendre comme une contradiction entre
pouvoir effectif (censément détenu par le valido) et pouvoir représenté (du roi glorifié), qu’à
analyser comme une série de tensions, entre la critique et la louange, au sein de la
représentation du pouvoir elle-même. L’analyse précise des œuvres de Quevedo, de
l’iconographie du favori et du souverain, confrontées à l’action historique concrète des
validos de Philippe III et de Philippe IV, devaient donc permettre aux candidats de mettre en
évidence les ambiguïtés du discours de glorification dans l’Espagne du XVIIe siècle.
3. Enfin, les candidats pouvaient prendre une distance critique vis-à-vis de la dernière
partie de la citation « la era del príncipe había desembocado en la era del favorito »,
d’un point de vue strictement historique et politique. En effet, la citation établit une
vision dualiste opposant valido et monarque sur le schéma dominant / dominé, qui est
désormais remise en cause par les historiens actuels. F. Tomás y Valiente a été l’un
des premiers à revenir sur cette lecture, en considérant que le valido était avant tout un
fusible, un « pararrayos protector»10 du souverain et donc un garant de stabilité
politique pour une monarchie de plus en plus autoritaire, c’est-à-dire de plus en plus
émancipée du système consultatif polysynodal.
F. Benigno, à la suite de R. Stradling, voit dans le valido moins un écran de protection
politique, qu’un facteur de stabilisation sociale de la monarchie, parvenant à réguler
les relations potentiellement conflictuelles entre l’aristocratie et la Couronne. Selon
lui, le valimiento, qui suppose en Espagne une profonde reprise en main par la haute
7
José Antonio Maravall parle en effet d’une « literatura comprometida a fondo en las vías del orden y de la
autoridad ». José Antonio MARAVALL, La cultura del barroco. Análisis de una estructura histórica,
Barcelona, Ariel, 1990, pp.131-175.
8
Ricardo SAEZ, « Contexte et texte de Cómo ha de ser el privado: collaboration, fluctuations et désillusion face
au pouvoir », L’Espagne des validos, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 142.
9
Teresa FERRER VALLS, « El juego del poder: Lope de Vega y los dramas de la privanzas », Modelos de vida
en la España del Siglo de Oro, Ignacio Arellano, Marc Vitse (éd.), Madrid, Vervuert, 2004 (1), p. 182.
10
Franciso TOMÁS Y VALIENTE, Los validos en la monarquía española del siglo XVII, Madrid, Siglo XXI,
1982, p. 67.
11
noblesse de l’appareil administratif, permet également à la Couronne de juguler les
velléités frondeuses de l’aristocratie, qui à la même époque déchirent la France au
milieu du XVIIe siècle11.
Les différentes pistes de réflexion que nous venons de suggérer relèvent aussi bien de
l’histoire des représentations que de l’histoire politique, et elles ont été considérées par le jury
comme également recevables, ainsi que toute autre démarche argumentative qui viserait à
proposer une appréciation critique rigoureusement fondée de l’affirmation proposée par le
sujet.
Le jury ne peut que déplorer que la plupart des candidats aient très souvent mal
exploité les termes exacts de la formulation officielle du programme, puisque « la dimension
littéraire » inscrite dans la question par le biais des deux œuvres de Quevedo, ainsi que les
aspects relevant de la « propagande picturale » ont été souvent négligés ou traités de manière
extrêmement sommaire et simpliste. Face à ces carences qui concernent la plupart des copies,
nous ne pouvons que rappeler que les ouvrages mentionnés par le programme publié au
Journal Officiel (qu’il s’agisse des ouvrages historiographiques de A. Feros et de J. H. Elliott,
des deux œuvres littéraires de Quevedo et de l’iconographie) devaient conduire
nécessairement à donner un « triple ancrage » à l’étude du phénomène du valimiento, en
amenant à une réflexion approfondie sur les relations existant entre la réalité institutionnelle,
politique et sociale, du pouvoir des validos et les représentations littéraires et artistiques de ce
même pouvoir.
L’absence d’utilisation pertinente des œuvres au programme s’est traduite dans les
copies par une accumulation de généralités énumératives liées à l’iconographie : notamment
des descriptions méticuleuses du Salón de Reinos, ou des listes d’œuvres hétéroclites
(gravures, frontispices, peintures, mais aussi architecture, sculpture voire musique), confinant
parfois à la litanie, mais pratiquement toujours dépourvues d’une perspective analytique du
programme iconographique mis au service de l’action politique du valido. Par ailleurs, nous
rappelons aux candidats qu’une œuvre picturale se doit d’être citée sous son titre précis,
accompagné de sa date de composition et du nom de son auteur. La référence à « el retrato
ecuestre » du duc de Lerma ou d’Olivarès constitue une imprécision inacceptable au niveau
de l’agrégation et témoigne avant tout du manque de maîtrise des connaissances
iconographiques élémentaires. En ce qui concerne le traitement réservé aux deux œuvres
littéraires de Quevedo, il est frappant de remarquer que la plupart des copies ont réduit les
textes à deux uniques citations: el valido « es todo y nada » ou encore « dueño de todo es »,
sans jamais proposer de commentaire pertinent ou manifester une connaissance minimale des
principaux enjeux de la bibliographie critique indiquée par le programme officiel.
11
Francisco BENIGNO, La sombra del Rey. Validos y lucha política en la España del siglo XVII, Madrid,
Alianza, 1994, p. 165. C’est aussi dans ce sens que vont les analyses comparatistes des systèmes de
gouvernements en France et en Espagne au XVIIe siècle. Fanny COSANDEY, Isabelle POUTRIN, Monarchies
espagnoles et françaises (1550-1714), Paris, Atlande, 2001.
12
Le champ du libellé officiel du sujet, volontairement étendu à trois domaines
disciplinaires distincts : histoire politique, littérature et iconographie, impliquait de la part des
candidats un travail précis de sélection de l’information et de mise en perspective des
connaissances.
Les indications qui suivent ont pour but de présenter les attendus élémentaires et
généraux sur l’analyse historique et politique du valimiento, pour laquelle les œuvres
littéraires et iconographiques devaient servir d’appui ou de contrepoint, afin de nourrir et
d’enrichir la réflexion. Les principales sources utilisées ont été ici volontairement
circonscrites à la bibliographie officielle, non pour réduire la perspective critique à un corpus
figé, mais pour inciter les candidats à engager un véritable travail en profondeur sur les
documents qui leur étaient proposés par le programme.
- Les Consejos se retrouvent ainsi court-circuités par des Juntas, qui placent de facto le
système consultatif de la polysynodie entièrement sous la tutelle directe du valido.
- Lerma contrôle à la fois les nominations dans les Conseils et dans les Juntas et place
les membres de sa parentèle dans les plus hautes sphères du pouvoir.
Ces aspects pouvaient être étayés par une analyse du Chapitre III du Discurso de las
privanzas, où Quevedo enregistre très précisément l’avènement d’un « gobierno de
hechuras », en décrivant la prise en main du pouvoir par les « deudos y parientes » du duc de
Lerma et en citant le comte de Miranda et le comte de Lemos qui sont les deux seuls
personnages contemporains à figurer nommément dans le traité (p. 208). Le comte de
Miranda, fournit un bon exemple du verrouillage du pouvoir par un réseau politico-
clientélaire, puisque celui-ci se retrouve promu président du Conseil de Castille dès la prise de
pouvoir de Lerma, puis devient rapidement parent par alliance du favori, en mariant l’une de
ses filles à un fils du favori de Philippe III.
Il faut ici constater que Quevedo se montre très favorable à cette évolution, y voyant une
aristocratisation du pouvoir, qui met un terme à l’époque précédente, à savoir le règne de
Philippe II, pendant lequel, toujours selon Quevedo, « cualquier letrado » pouvait aspirer aux
plus hautes charges de l’administration.
13
B. Un monopole de l’accès à la personne royale: une toutepuissance
informelle
Le régime de la privanza de Lerma voit s’opérer une mise sous contrôle des institutions de
gouvernement, mais aussi des charges les plus importantes à la Cour, afin de garantir au
favori une mainmise totale sur l’accès à la personne royale, source de grâces et de faveurs,
donc de pouvoir.
- Lerma accapare immédiatement deux des trois charges les plus éminentes à la Cour :
la charge de « caballerizo mayor », dès la mort de Philippe II, et celle de « sumiller de
corps » en décembre 1598, qui lui permettent de contrôler et de restreindre la visibilité
du roi. Comme le souligne A. Feros, il s’agit là d’une entreprise méthodique de
contrôle de la personne du roi, mais plus généralement de la vie de cour, puisque peu
après l’accession de Lerma au pouvoir, plus de la moitié des « gentilhommes du roi »
appartenaient à la famille élargie du favori.
- Cette équivalence symbolique sans précédent entre le roi et son favori trouve à se
matérialiser dans les pratiques de gouvernement, car en 1612 un décret de
« delegación de firma » accorde à Lerma le pouvoir de signer les documents officiels
en lieu et place du souverain. L’interprétation de cette délégation de signature fait
débat entre les historiens, car si F. Tomás y Valiente voyait là le signe d’une
institutionnalisation progressive mais inaboutie du pouvoir informel du valido, pour A.
Feros, ce décret peut être lu de manière beaucoup plus circonstancielle, puisqu’il
témoignerait du soutien du roi à un moment où le favori, fragilisé par l’opposition
d’une faction anti-lermiste dirigée par Fray Luis de Aliaga, voit remettre en cause sa
mainmise sur l’appareil de gouvernement (p. 410). Enfin, José Antonio Escudero
souligne que ce document n’atteste pas d’un gain de pouvoir ou de reconnaissance
pour Lerma, mais représente un rappel de ses prérogatives, « un mero recordatorio »
de ses pouvoirs officieux12.
12
José Antonio ESCUDERO, « Los poderes de Lerma », Los Validos, L. Suárez Fernández, J. A. Escudero (éd.),
Dykinson, 2004, p. 162
14
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un document fondamental pour comprendre les
caractéristiques du processus de concentration du pouvoir entre les mains du valido sous le
règne de Philippe III. La prise de contrôle effective de l’appareil de gouvernement et de la vie
de cour s’opère paradoxalement dans une complète absence de cadre institutionnel, dont
Quevedo a brillamment synthétisé la contradiction interne en définissant le pouvoir du valido
par l’aporie suivante : « todo porque es dueño de la voluntad del Rey » mais singulièrement
« nada porque si ha de dejar su autoridad a los Consejos, jueces y ministros, no le queda a él
cosa alguna » (chapitre IV, p. 211).
Le valido accumule les pouvoirs sans pour autant accéder à une reconnaissance
officielle de son rôle politique global, c’est-à-dire à une institutionnalisation de sa fonction
par la création d’une charge de premier ministre. Ce contraste très singulier entre un contrôle
effectif de plus en plus efficace de l’appareil de gouvernement comme de la vie de cour et
l’absence de statut officiel des validos de Philippe III et de Philippe IV devait conduire les
candidats à compléter et à nuancer les affirmations de J. H. Elliott et de J. Brown pour
constater que le « dépôt » du pouvoir dans les mains des validos, s’il est pourtant bien réel
dans la pratique, ne se réalise pourtant jamais de manière officielle par l’institutionnalisation
de la charge de premier ministre. Comme a pu le souligner Raphaël Carrasco, le favori était
en Espagne tout au long du XVIIe siècle cantonné dans « un non-lieu du pouvoir » d’où il
exerçait une influence certes tout à fait considérable, mais « d’où il gouvernait simplement
parce que le roi le voulait. » 13
Toutefois, en dépit de son goût prononcé pour le titre de ministre, réaffirmé par
Quevedo par l’intermédiaire de Valisero, Olivarès (comme Lerma avant lui) n’a jamais reçu
13
Raphaël CARRASCO, L’Espagne au temps des validos, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2009, p.
108.
15
cette nomination effective de la part de Philippe IV. Après la disgrâce d’Olivarès, le souverain
espagnol s’est d’ailleurs exprimé très clairement sur ce point dans sa correspondance avec Sor
María de Jesús de Ágreda, lui confiant qu’en dépit d’une totale confiance envers Olivarès
« siempre he rehusado darle el carácter de ministro » (Lettre du 30 janvier 1647)14. Il faut
donc considérer que le maintien du favori dans une zone d’indéfinition institutionnelle de ses
pouvoirs est un choix volontaire du souverain qui trouve là une manière de garder sous tutelle
l’exercice du valimiento en refusant de lui accorder de manière officielle les pleins pouvoirs.
On peut dès lors se demander si le valimiento a subi des évolutions réelles entre les
règnes de Philippe III et de Philippe IV ou si, comme l’affirment J. H. Elliott et J. Brown, « la
era del favorito » est un système de gouvernement par la concentration informelle des
pouvoirs institutionnels qui demeure toujours homogène sous les règnes de Philippe III et de
Philippe IV, et ce, en dépit des changements d’individus, du renouvellement des factions
nobiliaires et de la profonde différence des ambitions politiques des deux validos.
L’accession d’Olivarès au pouvoir en 1621 a-t-elle pour autant réellement entraîné une telle
mutation de la grande machinerie de concentration du pouvoir que représentait le valimiento à
l’époque de la toute-puissance du duc de Lerma?
- En dépit des quelques mesures prises lors de l’arrivée aux affaires d’Olivarès et de
l’image diffusée par la propagande olivariste, notamment par la pièce de Quevedo,
force est de constater que le valimiento instauré par Lerma ne change pas
fondamentalement de nature après l’accession au pouvoir d’Olivarès. J. H. Elliott
insiste clairement sur cette continuité systémique du valimiento en rappelant: « por
14
María Jesús de ÁGREDA, Correspondencia con Felipe IV. Religión y razón de estado, ed. C. Baranda,
Madrid, Castalia, 2001, p. 121-122.
16
mucho que proclamara Olivarès su determinación de acabar con los males de la
adminstración de Lerma, no tenía más remedio que imitar los métodos de éste si
quería crear una administración propia » (p. 151).
A. Glorifier le roi :
Lerma, tout comme Olivarès, prirent grand soin d’organiser une mise en scène
glorieuse de la figure royale, mais avec des moyens et des ambitions politiques fort
dissemblables.
17
tout autant qu’un stratagème habile pour contrôler et donc de monopoliser l’accès au
souverain. (pp. 172-173).
B. La glorification du valido :
Grâce à une analyse comparative des dispositifs de représentation symbolique du
pouvoir, les candidats pouvaient mettre en évidence les points communs mais surtout les
différences entre les deux validos et mieux appréhender les différences des régimes
d’instrumentalisation des arts plastiques et de la littérature.
- Le portrait de Lerma, peint par Rubens en 1603 constituait à ce titre une œuvre
centrale que les candidats devaient être capables de commenter avec précision pour en
18
dégager les principaux enjeux. Il s’agit en effet du premier portrait équestre réalisé en
Espagne pour une personne n’appartenant pas à un rang royal, ce qui suppose donc,
au-delà de l’exaltation de la grandeur militaire de Lerma, une élévation de la figure du
favori à une dignité inédite.
- Olivarès prend soin pour sa part à ne pas répéter ce type d’annexion de la symbolique
royale, si décriée du temps de Lerma comme une usurpation des prérogatives royales.
On notera qu’Olivarès n’apparaît dans le Salón de Reinos qu’une seule fois, mis en
abyme dans le tableau de Maino (même si cette apparition est équivoque puisque c’est
Olivarès qui est montré in fine, à l’égal de la déesse Minerve, comme le garant originel
de la gloire de Philippe IV). Rappelons à cette occasion que le portrait équestre
d’Olivarès réalisé par Velázquez n’appartenait pas, contrairement à ce que beaucoup
de candidats ont pu écrire, à la série des cinq portraits équestres placés dans le Salón
de Reinos qui souligne la continuité dynastique et la puissance militaire des
Habsbourg. Olivarès n’interfère donc pas directement dans la représentation
symbolique des souverains espagnols, telle qu’elle est mise en scène dans le Salón de
Reinos. Il est vrai que le portait équestre d’Olivarès, réalisé par Velázquez vers 1638,
semble pourtant appartenir à la même série, tant la proximité iconographique entre ces
œuvres est importante, mais il est établi qu’il a été commandé par le favori
ultérieurement, pour orner sa propre résidence.
La parenté formelle entre son propre portrait équestre datant de 1638 et les portraits
royaux du Salón de Reinos laisse cependant à penser qu’Olivarès a choisi un mode mineur,
mais pourtant très efficace, de signifier sa grande proximité avec le monarque en commandant
à Velázquez, alors « pintor de cámara » de Philippe IV, un portrait qui semble appartenir à la
série royale, sans pour autant accéder à la place officielle réservée à ces portraits équestres.
15
Antonio FEROS, El Duque de Lerma…, p. 196.
19
« ensayo de egocentrismo político » (p. 202), mais il faut y lire également un souci constant
de réaffirmer la légitimité d’une privanza dont la définition reste toujours instable.
Ce double aspect nous amène ainsi à nuancer l’approche proposée par Elliott et
Brown : si le souverain n’est pas le seul à faire l’objet de dispositifs de glorification, la mise
en scène de la gloire prend, dans le cas de la figure du valido, le sens d’une quête sans cesse
renouvelée de légitimation de sa fonction politique.
C. Glorification et légitimation :
Les deux œuvres de Quevedo sont, à ce titre, particulièrement éclairantes, car elles
combinent la logique idéalisante de la glorification de la figure du favori à un effort de
justification beaucoup plus pragmatique de l’action politique du valido.
20
3. Les ambiguïtés de la représentation du pouvoir:
La « era del favorito » a suscité, de la part des contemporains, de nombreuses critiques qui
nous amènent bien évidemment à remettre en cause l’idée que le phénomène politique du
valimiento n’aurait reçu que des louanges hyperboliques. Il existe toute une réflexion
autonome qui brosse un portrait du mauvais favori très émancipée de la logique de
glorification, qui donne lieu à une intense réflexion théorique sur les évolutions du système de
gouvernement de la monarchie espagnole. Une littérature politique, essentiellement composée
de traités, se développe tout d’abord sous la privanza de Lerma et tout un secteur de cette
production marque sa nette opposition au système du ministériat dans son ensemble, tout
comme aux agissements personnels du duc de Lerma.
- Quevedo lui-même s’insère très tôt dans ce courant de critique du valimiento, tout
d’abord de manière assez feutrée, dans son Discurso de las privanzas (rédigé entre
1606 et 1609), comme nous le verrons par la suite. Son texte le plus radical à
l’encontre du valimiento, rédigé sous la privanza de Lerma, reste la Política de Dios y
gobierno de Cristo, dont Pablo Jauralde Pou signale que la rédaction a été commencée
en 1616, à l’époque où Lerma est le plus violemment attaqué à la Cour et dont la
première édition ne verra le jour qu’après la chute du duc, en 1626. Ce texte au ton
pamphlétaire est particulièrement critique vis-à-vis de la figure du favori, mais il va
également plus loin, en posant sans détour la question de la responsabilité directe du
Roi dans le système du valimiento. S’il existe de mauvais validos, ne serait-ce pas
parce qu’il existe de mauvais souverains ? En effet, Quevedo écrit: « Oso afirmar que
el pastor que duerme y no vela sobre su ganado ni guarda las vigilias de la noche, él
propio es lobo de sus hatos.»16 L’image du berger endormi qui se transforme en loup
pour son propre troupeau met très directement en cause le roi, en incriminant
lourdement son retrait des affaires de gouvernement.
16
Francisco de QUEVEDO, Política de Dios y Gobierno de Cristo, Obras completas, Luis Astrana Marín (éd.),
Madrid, Aguilar, 1931, p. 383.
21
De telles déclarations montrent bien que ce qu’Elliott et Brown nommaient les « recursos
retóricos » de la littérature politique peuvent très bien s’exercer à l’encontre des favoris, voire
de l’action du souverain. Ces discours sont considérés par les historiens comme des discours
d’opposition déclarée, mais ils peuvent nous inciter à réévaluer plus généralement le rapport
de sujétion au pouvoir politique des productions artistiques dans l’Espagne du XVIIe siècle.
Comme y invite Christian Jouhaud dans un ouvrage très suggestif consacré aux relations entre
la littérature et le pouvoir à l’époque moderne, il faut comprendre que la littérature s’organise
au XVIIe siècle autour d’un paradoxe central, qui fait d’elle une « entité autonome et
dépendante à la fois »17, c’est-à-dire capable d’assurer un efficace service de propagande
officielle, tout en laissant transparaître les zones d’ombres et peut-être le revers de la réalité
du pouvoir en place. Ce paradoxe d’un discours officiel capable de se démentir parfois
volontairement offrait une grille de lecture particulièrement efficace pour saisir la complexité
des deux œuvres de Quevedo figurant dans le programme.
Les deux ouvrages de Quevedo invitaient en effet à un tel type de lecture, comme l’indiquait
la bibliographie la plus récente consacrée à ces oeuvres. Sans exiger une connaissance érudite
des approches critiques, il était néanmoins attendu que les candidats aient assimilé les
principales pistes d’analyses proposées récemment pour les œuvres au programme.
- Eva María Martínez dans l’introduction très complète qu’elle propose à son édition du
Discurso de las Privanzas en 2000 signale en effet que le traité de Quevedo,
longtemps lu trop rapidement comme une œuvre strictement panégyrique, est en
réalité un texte piégé, à double entrée, qui appelle nécessairement une lecture seconde,
car le contraste entre le texte et la réalité de l’époque ne peut qu’engager le lecteur à
une interprétation particulièrement ironique du traité18.
On pouvait aussi remarquer que Quevedo utilise d’autres stratagèmes pour miner de
l’intérieur le ton épidictique de son traité, notamment dans les derniers chapitres qui se
présentent comme une réfutation méthodique des théories de la Raison d’État inspirées
de Machiavel.
Dans le chapitre VIII, intitulé « De cómo ha de asegurar de sí a los pequeños y de
cómo se ha de asegurar de los grandes », Quevedo cite par exemple un passage des
Discorsi où Machiavel prône l’établissement d’un “gobierno de hechuras”, c’est-à-dire
de créatures entièrement soumises (à la fois par la peur et la cupidité) au nouvel
homme fort qui vient de s’emparer du pouvoir. En réfutant cette idée empruntée à
Machiavel, il est clair que Quevedo utilise une citation littérale du penseur italien pour
critiquer directement le népotisme de Lerma, bien plus que les théories
machiavéliennes. De plus, si l’on prête attention à la nature même de la réfutation
proposée ensuite par Quevedo, l’on observe que ce n’est pas l’immoralité du
« gobierno de hechuras » qui est en cause, mais bien son inefficacité politique.
Dans cette œuvre de jeunesse, Quevedo ne donne pas encore l’entière mesure de son
talent littéraire, ni de la virulence qu’il sera capable de déployer dans sa critique du
17
Christian JOUHAUD, Les pouvoirs de la littérature. Histoire d’un paradoxe, Paris, Gallimard, 2000.
18
Pablo Jauralde Pou avait auparavant signalé la duplicité du traité de Quevedo qui sous l’apparence d’un traité
de « miroir du favori » propose un portrait souvent acide de la réalité politique de son temps. Le critique
espagnol remarquait en effet que cette œuvre de jeunesse de Quevedo était « una sesuda exposición
aparentemente halagadora, pero de la que se podrían deducir fácilmente críticas de todo tipo. » Pablo
JAURALDE POU, Francisco de Quevedo (1580-1645), Madrid, Castalia, 1999, p. 177.
22
valimiento et reste, de l’avis de Pablo Jauralde Pou « un escritorcillo entre
gigantes »19. Néanmoins, le Discurso de las privanzas devait fournir aux candidats un
point d’appui pour appréhender la complexité du traitement du valimiento dès les
débuts du règne de Philippe III, en montrant comment Quevedo se place comme
témoin extérieur de l’opération de concentration des pouvoirs réalisée par Lerma, mais
aussi comme critique manifeste de cette situation inédite de monopole de l’exercice du
gouvernement.
- La comedia Cómo ha de ser el privado devait également faire l’objet d’une étude
approfondie dans ce sens car, plus encore peut-être que le Discurso de las privanzas,
cette œuvre s’inscrivait dans une stratégie paradoxale, très justement identifiée en
2005 par Rafael Iglesias comme un «imposible equilibrio entre el encomio cortesano y
la reprimenda política »20. Cette œuvre a elle aussi été longtemps considérée comme
un texte de propagande destiné à mettre en scène des éloges hyperboliques d’Olivarès.
C’est d’ailleurs encore la lecture proposée par J. H. Elliott dans sa biographie du
comte duc d’Olivarès, pour qui cette comedia aurait pour fonction de projeter l’image
idéale que le favori souhaitait donner de lui-même : celle d’un nouveau Sénèque,
fidèle serviteur désintéressé et entièrement dévoué à son maître, prompt au sacrifice de
sa personne, au nom des intérêts supérieurs de la monarchie espagnole21.
Au-delà de cette image idéalisée d’Olivarès, modèle de sage stoïcien, qui est
effectivement mise en scène par Quevedo (notamment dans l’acte II, au moment où
Valisero maîtrise sa douleur lors de l’annonce de la mort de sa progéniture pour
continuer à rendre audience publique : « Súfrase el dolor, en tanto / que yo cumplo con
mi oficio » v. 1190-1191), la critique se fait jour à plusieurs reprises et par plusieurs
biais différents. Nous avons analysé précédemment l’intervention d’un
« pretendiente » anonyme qui met à mal le discours officiel de Valisero et le renvoie à
sa condition réelle de « dueño » du pouvoir dans la monarchie.
Par ailleurs, la pièce permet de faire entendre la plupart des critiques portées à
l’encontre d’Olivarès par ses opposants. Dans l’acte III, le récit prolixe des
« murmuraciones » qui circulent à la Cour sert évidemment à fonder une réfutation en
montrant ces critiques sous le jour d’une cacophonie contradictoire et donc insensée,
mais il permet aussi de faire entendre publiquement sur la scène les reproches qui
circulent contre le favori de Philippe IV :
19
Pablo JAURALDE POU, Francisco de Quevedo…, p. 179.
20
Rafael IGLESIAS, « El imposible equilibrio... ».
21
John Huxtable ELLIOTT, El Conde-Duque de Olivares. El político en una época de decadencia, Barcelona,
Crítica, 1991, p. 287.
23
D’autres critiques ne s’annulent pas d’elles-mêmes dans l’œuvre, et elles expriment
par ailleurs un mécontentement beaucoup plus populaire, qui concerne les questions
économiques et l’état désastreux des finances de la Couronne. Dans l’acte II, un
personnage reproche ainsi à Valisero la flambée constante des prix en Espagne :
« La mormuración ha sido
Que, por su culpa, han subido
Los precios de todo. » (v. 1103-1105)
Soulignons à ce propos que dès le Discurso de las privanzas Quevedo avait énoncé
une véritable poétique du clair-obscur pour dessiner la figure du valido avec tout son
relief, et s’éloigner ainsi de l’adulation servile. Quevedo opposait en effet dans le
Chapitre VI, précisément consacré à la question de l’adulation, « el mal pintor todo lo
hace resplandores, y el bueno añade sombras, que, aunque escuras y feas, son
hermosas por la necessidad dellas. » (p. 221) Ce topos bien connu, emprunté à
Plutarque, sert néanmoins à affirmer une relative autonomie du discours politique, que
Quevedo s’efforcera de pratiquer tout au long de sa carrière, jusqu’à payer de sa
liberté l’expression qu’il jugeait nécessaire des « sombras escuras y feas » de son
protecteur le comte duc d’Olivarès. Rappelons en effet que Quevedo a été emprisonné
de 1639 à 1643 sur ordre du favori de Philippe IV, précisément en raison des critiques
et des « murmuraciones » qu’il faisait circuler contre Olivarès, notamment par le biais
de poèmes satiriques et d’un « memorial » adressé directement à Philippe IV.22
24
comme des miroirs déformants qui joueraient eux-mêmes à inverser leurs propres
déformations hyperboliques23. Comme l’a très justement souligné Teresa Ferrer Valls,
ce « jeu du pouvoir » est particulièrement bien mis en scène par la comedia de
privanza24, qui est un genre théâtral qui exploite fréquemment un jeu singulier
d’exhibition de l’image idéale que le favori veut projeter de lui-même pour se
retourner à tout moment en démenti discret mais bien réel de ce type de projection
complaisante.
Dans ces jeux d’équivoques baroques d’illusion et de désillusion, qui offrent aux
favoris l’image sublimée de leur gloire et le désaveu simultané de leur toute-puissance,
on peut lire un processus de désacralisation des figures de pouvoir qui n’exprime pas
seulement leur vanité, puisqu’il appelle toujours in fine au perfectionnement politique
et à l’amendement de la figure du valido.
Le jury attire l’attention sur le fait que 64 candidats ont obtenu une note inférieure à
01, ce qui témoigne d’un complet manque de préparation à l’épreuve. Si l’on considère le
total des candidats ayant une note inférieure à 05, il s’élève à 248 candidats et nous permet de
conclure que plus de la moitié des présents déclarés non éliminés ont fait preuve d’un niveau
très faible à l’occasion de l’exercice de la composition en espagnol, qui demande donc une
profonde remise en cause des méthode de travail et d’acquisition des connaissances.
Pour les 22,44 % de candidats déclarés admissibles à partir de la note de 08,30/20,
les notes s’échelonnent régulièrement jusqu’à des niveaux excellents, puisque 5 copies ont
obtenu une note comprise entre 17 et 18.
23
C’est notamment la perspective explorée par Hélène Merlin, à la suite de Louis Marin, dans un ouvrage très
suggestif qui aborde de manière diachronique la question des discours d’éloge du Prince, de l’Antiquité aux
Lumières. Hélène MERLIN, « Éloge et dissimulation : l’éloge du Prince au XVIIe siècle, un éloge paradoxal ? »,
L’éloge du Prince, de l’Antiquité aux temps des Lumières, Isabelle Cogitore, Francis Goyet (éd.), Grenoble,
2003, pp. 317-353.
24
Teresa FERRER VALLS, « El juego del poder: Lope de Vega y los dramas de privanza », Modelos de vida en
la España del Siglo de Oro, Ignacio Arrellano, Marc Vitse (éd.), Madrid, Vervuert, 2004.
25
Les copies-fleuves qui n’organisent pas le développement autour d’une
problématique clairement identifiable et traitent de manière générale du valimiento, sans avoir
perçu l’articulation centrale entre pouvoir et représentation ont également été pénalisées.
III.2 TRADUCTION
Rapport établi par Monsieur Christian BOIX (thème) et par Monsieur Stéphane OURY
(version)
Rappelons tout d’abord que l’épreuve unique de traduction (coefficient 3) se compose depuis
2007) d’un thème et d’une version. Les deux textes à traduire sont remis simultanément aux
candidats en début d’épreuve et ceux-ci gèrent librement le temps imparti à la totalité de
l’épreuve (6 heures) en consacrant à chacune des deux traductions le temps qu’ils souhaitent.
Les candidats doivent composer sur des copies séparées. Chacune des deux traductions
compte pour moitié dans la note finale. Dans la mesure où il s’agit d’une seule épreuve du
concours, la seule note dont les candidats peuvent avoir connaissance est la note globale
obtenue par l’addition du résultat des deux exercices. De même, les données chiffrées
accessibles concernent le résultat global de l’épreuve de traduction.
Données chiffrées
26
>= 7 et < 8 50 8
>= 8 et < 9 52 11
>= 9 et < 10 47 19
>= 10 et < 11 25 9
>= 11 et < 12 28 18
>= 12 et < 13 13 8
>= 13 et < 14 9 7
>= 14 et < 15 3 3
>= 15 et < 16 1 1
Total : 426 Total : 90
Quelques remarques
Les chiffres ci-dessus appellent quelques commentaires. Tout d’abord, il faut retenir
que la note de 0/20 est éliminatoire et l’on peut constater que 6 candidats ont obtenu celle-ci.
Cela explique la différence recensée entre le nombre copies corrigées (432) et le total du
« nombre de présents » (426) tel qu’il apparaît dans le tableau. Ce cas de figure aussi
surprenant que marginal ne doit pas faire oublier une constante : si l’on peut parfois être
admissible avec une note de traduction médiocre (6 candidats ont pu être admissibles avec
moins de 7/20 en traduction), dans l’immense majorité des cas la note obtenue à cette épreuve
est décisive pour franchir la barre de l’admissibilité. Aucun candidat n’a été déclaré
admissible avec une note inférieure à 5/20 et 84% des admissibles ont eu une note supérieure
à 8/20. Il est donc indispensable, pour les futurs candidats à l’agrégation, qu’ils préparent avec
assiduité et rigueur les deux exercices qui composent cette épreuve et ce, tout au long de leurs
études antérieures.
27
ceux-ci étaient sur le fond clair des flammes, devaient les prendre de dos. Le revolver de
Mercery était sous sa combinaison ; il le savait inutile, il ne pouvait l’atteindre ; mais il
avait un besoin dément de tirer. Les avions revinrent et deux pompiers encore
tombèrent, l’un dans les flammes, l’autre sur le trottoir. A tel point saturé de dégoût
qu’il en devenait calme pour la première fois, Mercery regardait les avions virer vers lui
sur le ciel de Madrid incendié. Ils le giflèrent d’air au passage avant de revenir « dans le
bon sens » ; il descendit trois échelons et se retourna vers eux, droit sur son échelle
dressée. Au moment où le premier avion arrivait sur lui comme un obus, il brandit sa
lance, aspergea furieusement la carlingue et retomba sur l’échelle, quatre balles dans le
corps.
D’une façon générale, les textes proposés sont relativement courts, de façon à tenir compte de
la durée de l’épreuve et à favoriser un travail d’analyse et de réflexion. Celui de cette année
comptait 386 mots (393 en 2009 ; 408 en 2008) et ne présentait pas de difficultés
disproportionnées par rapport aux compétences que l’on est en droit d’attendre d’un futur
professeur agrégé. Le but fondamental de cet exercice est de vérifier que le candidat maîtrise
et domine les connaissances qui fondent un maniement correct, aisé et varié de la langue
espagnole : la connaissance du lexique usuel courant, la possession rigoureuse de la
morphologie et de la syntaxe et la capacité à bien comprendre la langue française avant de se
livrer à une traduction sont des pré-requis absolument indispensables. Une particularité de
cette épreuve est d’obéir à certains canons parmi ceux (multiples) qui peuvent régir par
ailleurs l’art de traduire : le thème d’agrégation requiert de « coller » le plus possible au
texte-source, de respecter un principe d’équivalence qui sauvegarde – autant que faire se peut
et tout en restant dans le registre de la correction et de l’usage hispaniques –, la forme
discursive initiale. De même, bien entendu, que son sens. Il faut donc se garder de réécrire le
texte ou d’en proposer une sorte d’adaptation libre qui donne à penser que le candidat a
soigneusement évité toutes les difficultés qui se présentaient à lui : une telle stratégie est en
général lourdement sanctionnée. Au-delà de ces considérations générales, il va de soi que les
travers à éviter scrupuleusement sont ceux qui conduisent à produire des énoncés dépourvus
de sens (malheureusement fréquents dans les copies les plus faibles) : un tel résultat peut
provenir de la présence de barbarismes lexicaux (una piovra) ou encore de mauvaises
constructions de phrases qui sont parfois dues à un maniement erratique de la ponctuation,
surprenant de la part de candidats titulaires d’une Maîtrise ès-lettres… Plus ponctuellement,
on ne peut qu’inviter les candidats à lire attentivement le texte français et à y reconnaître par
exemple les temps verbaux employés, de sorte qu’ils ne mêlent pas imparfait et passé simple
au moment de traduire. Enfin, les candidats doivent savoir que le jury est toujours
défavorablement impressionné par les prestations qui témoignent d’une ignorance des
« embûches classiques » de la langue espagnole (verbes irréguliers, concordance des temps,
gérondifs employés à tort, mauvais usage des verbes ser et estar, confusion de prépositions,
usage des déictiques et pronoms sujets, etc.). Le conseil stratégique que l’on peut donner à
tous ceux qui préparent cette épreuve est de faire porter en tout premier lieu leur effort sur
l’élimination de tout barbarisme et faute de morphosyntaxe : une copie qui ne comporterait
que des inexactitudes ou faux-sens d’ordre lexical a de meilleures chances de succès qu’une
autre qui tomberait dans le premier type d’erreur signalé.
28
Il braqua sa lance : cette première phrase ne présentait pas de difficulté particulière. La lance
d’incendie peut se traduire littéralement par lanza ou manga (de incendio). Manguera désigne
plutôt le tuyau d’arrosage et constituait donc un léger faux sens. Quant à « braquer », ce verbe
devait être entendu comme « diriger vers », « viser », comme on braque une arme : on ne
pouvait accepter les traductions comme erguir, alzar ou enderezar et mieux valait recourir à
des verbes comme apuntar, asestar. On pouvait encore rétablir le complément implicite et
garder le verbe dirigir (dirigió su manga/lanza al incendio).
Le foyer contre lequel il luttait se trouvait être le plus menaçant ; un certain nombre de
candidats ont eu des difficultés à traduire le mot « foyer ». Il ne pouvait en aucun cas s’agir ici
de ce que recouvre le terme espagnol hogar, qui renvoie au foyer dans lequel on vit, l’espace
familial de l’habitation, pas plus que de fogón (foyer d’une chaudière) ou de brasero qui
réchauffe plutôt les membres engourdis par le froid. Foco ou hoguera convenaient
parfaitement. On ne commentera pas les erreurs qui ont consisté à se tromper sur le temps
(resultó ser), ou celles qui produisaient un non sens (se encontraba ser) par méconnaissance
grave de la langue. Par contre, il faut souligner que la règle d’emploi mal comprise du
superlatif absolu (« la maison la plus grande », par exemple) a conduit ici certains candidats à
éliminer ici l’article devant l’adverbe en espagnol (resultaba ser más amenazante) et à
transformer ainsi le sens en un simple comparatif, ce qui était un grave faux sens.
C’était un adversaire plus vivant que l’homme, plus vivant que tout le monde. Sauf à
chercher d’inutiles complications, ce membre de phrase pouvait être traduit littéralement et
n’a généralement entraîné aucune erreur.
En face de cet ennemi gesticulant de mille tentacules comme une pieuvre folle, même si
ce n’était pas très grave, il fallait éviter de traduire « en face » par enfrente de, qui possède un
sens de pure localisation spatiale. Ici, ce premier sens se double de la valeur abstraite de
l’affrontement, lequel est mieux rendu par frente a. En second lieu, il était légitime d’hésiter
sur la traduction du déictique « cet ». On pouvait considérer que la description appartient ici
au domaine du récit objectif, l’énoncé étant radicalement coupé du repère de l’énonciation, et
opter pour aquel. On pouvait aussi considérer que cet « ennemi » est l’anaphore diffuse du
« foyer » et choisir cette logique contextuelle pour traduire par ese. En revanche, este ne
relevait pas de l’acceptabilité. Enfin, erreur fréquente, l’utilisation du gérondif espagnol
constituait une lourde bévue pour traduire « gesticulant » : rappelons qu’en espagnol cette
forme garde une pleine valeur verbale et renvoie donc à une action exercée parallèlement à
une autre par le sujet de la proposition principale, ici Mercery si l’on traduit par gesticulando !
Il n’y avait d’autre solution ici que de tourner par une proposition relative, comme on
l’apprend généralement dans les débuts de l’acquisition de la langue.
29
effet, toute traduction du genre vencería el incendio fait de l’incendie (être animé s’il en est,
ici) le potentiel sujet de l’action de vaincre : la préposition a est donc absolument
indispensable dans ce contexte.
Derrière lui retombaient des avalanches de fumée grenat et noire ; mises à part quelques
rares erreurs lexicales, cette phrase n’a pas posé problème. Tout au plus fera-t-on encore une
fois remarquer qu’il faut lire le texte avec attention pour le traduire avec précision. Ce
n’étaient pas les avalanches qui se voyaient qualifiées par la couleur, mais la fumée : traduire
correctement supposait donc de respecter en espagnol l’accord en genre et en nombre tel qu’il
existait dans le texte français.
Malgré les bruits du feu il entendait monter de la rue trente ou quarante toux. Les
nombres étant ici en lettres, il fallait bien entendu s’abstenir de les écrire en chiffres dans la
traduction. La préposition desde s’imposait ici puisqu’était signifié un parcours et non pas la
seule origine (« Denota el punto, en tiempo o lugar, de que procede, se origina o ha de
empezar a contarse una cosa, un hecho o una distancia », DRAE). Sur le plan lexical
nombreux sont les candidats qui ne connaissaient pas le terme pourtant courant de tos, ou
pensaient qu’il s’écrivait/prononçait ‘toz’…
Lui se démenait dans une chaleur lumineuse, éclatante et sèche. Il peut paraître curieux,
alors que le français remplace la forme conjointe « il » par la forme disjointe « lui », de ne pas
le traduire en espagnol par le pronom él en espagnol : c’est pourtant ce qu’ont fait certains
candidats, peu sensibles à la syntaxe de la langue française sans doute, et le jury n’a pu que
sanctionner cet oubli regrettable.
Le foyer s’éteignit ; sa dernière fumée dissipée, Mercery vit dans un trou sombre
Madrid sans lumières, on trouve encore des copies qui témoignent d’une méconnaissance de
la règle syntagmatique d’antéposition du participe au sein de la proposition participiale, erreur
lourdement sanctionnée. Pour la traduction du lexème « trou », la plupart des solutions ont été
admises (hueco, hoyo, agujero – sauf si l’adjectif suivant pouvait éloigner l’expression de sa
valeur d’origine, comme lorsque l’on traduisait par agujero negro) ; mais le jury a tenu à ce
que la précision « sans lumières » soit exactement rendue : a oscuras, ou sin luz (au singulier)
étaient inexacts. Madrid pouvait être précédé ou non de la préposition a.
Distincte seulement par ses incendies éloignés qui secouaient furieusement leurs capes
rouges à ras de terre. L’adjectif « distincte » a souvent posé problème. Il fallait l’entendre au
sens de qualité « ce que l’on peut distinguer/percevoir » et des adjectifs comme visible,
reconocible, perceptible, distinguible, (ou la relative correspondante) permettaient de rendre
cette valeur. Par contre, ‘distincto/a’ est un barbarisme lexical et distinto/a renvoie à l’idée de
« différent », ce qui ne convenait pas du tout ici. Pour ce qui est de l’accord de cet adjectif
avec « Madrid », le jury a bien entendu accepté que le nom de la ville puisse être considéré
comme masculin ou féminin, les deux usages étant attestés. L’expression correspondant à « à
ras de terre » semblait inconnue dans bon nombre de copies, tout au moins sous ses formes
attestées qui sont diverses, mais également figées : a ras del suelo, al ras del suelo, a ras de
tierra. On ne saurait dire a ras de la tierra ou a ras de suelo, ce qui prouve en fait que le
figement hispanique a suivi les mêmes règles de constitution qu’en français et aurait dû
simplifier la tâche aux traducteurs.
Il avait tout quitté, même Mme Mercery, afin que le monde fût meilleur. On aurait cru
pouvoir ne pas rappeler que lorsque todo est COD (ou attribut), il est obligatoirement renforcé
30
par le pronom personnel lo en espagnol ; ou que le verbe quitar n’entretient aucun lien
sémantique avec le verbe « quitter » pris dans le sens où il apparaissait ici. Lo había
dejado/abandonado todo s’imposait donc. Redisons encore que aún (avec accent) et aun (sans
accent) ne sont aucunement interchangeables et que l’utilisation du premier constituait un
grave solécisme. Enfin, un petit détail dont la portée en termes de points-fautes est minime par
rapport aux deux écarts précédemment signalés : dans la mesure où les référents textuels sont
contemporains de la guerre d’Espagne, mieux vaut traduire « Mme Mercery » par la señora
de Mercery, selon l’usage traditionnel espagnol.
Il se voyait arrêtant d’un geste les corbillards d’enfants, ornés et blancs comme des
pièces montées de première communion ; sans doute obnubilés par certaines difficultés
lexicales présentes dans cette phrase, certains candidats ont omis de prêter attention avant tout
à la rigueur de la construction syntaxique. L’emploi de la seule forme se veía deteniendo los
coches fúnebres induit en espagnol une incertitude sur la valeur du pronom se (réfléchi ou
sujet indéfini ?). C’est pourquoi l’usage adjoint en ce cas un complément co-référent qui lève
l’ambiguïté et rend univoque le sens réfléchi : Se veía a sí mismo deteniendo con un ademán
los coches fúnebres. De même, si la préposition « de », en français, peut introduire le moyen
(saluer de la main), il en est autrement en espagnol où c’est alors la préposition con qui joue
ce rôle. D’où l’impossibilité de traduire ici par ‘parando de un gesto’, structure fautive
sanctionnée. Les « pièces montées » n’ayant pas de correspondant exact, le jury a accepté
toutes les solutions qui approchaient le sens (pasteles, tartas, pasteles de pisos, petisúes…),
tout en rejetant les traductions littérales qui n’en avaient aucun (‘piezas montadas’ !).
Chacune des bombes qu’il entendait, chaque incendie impliquait pour lui ces atroces
petits corbillards. Ici encore, le déictique « ces » peut être traduit pas esos ou aquellos, mais
en aucun cas par estos. On sera également attentif à la précision lexicale, surtout quand elle ne
présente aucune difficulté : « impliquer » n’est pas signifier ni représenter et autres
approximations. Pour éviter l’accumulation d’adjectifs antéposés, peu conforme à l’usage, il
convenait également de recourir au diminutif cochecitos en lieu et place de ‘pequeños
coches’.
Il dirigeait avec précision sa lance sur le brasier suivant, quand une auto de course passa
à toute vitesse, et un furieux froissement d’air sembla faire tomber encore un des
pompiers. La traduction pouvait être littérale pour le début de phrase, encore que la
préposition qui convient le mieux en espagnol, pour « diriger sur » est sans conteste hacia.
L’auto de course a posé assez souvent problème : la forme académique espagnole est coche de
carreras et les solutions comme bólido ou coche deportivo s’éloignaient un petit peu.
Traduire « à toute vitesse » par a toda hostia ne relevait certes pas du péché capital, mais
introduisait une manifeste rupture de style. Pourquoi ne pas tout simplement garder a toda
velocidad ? On pouvait penser également à des expressions comme a todo correr ou, plus
recherché, à raudo ou raudamente. L’image du « froissement d’air » a déconcerté. Le jury a
accepté toutes les tentatives qui permettaient de la transposer de manière pertinente : ráfaga
de aire, arrugamiento, crépito, distorsión… Les erreurs les plus graves ont concerné la fin de
la phrase, soit par incompréhension du français, soit par une mauvaise transposition. En effet,
« faire tomber encore un des pompiers » signifie qu’un autre pompier, un de plus, tombe. Les
traductions qui parlent de ‘derribar de nuevo a uno de los bomberos’ disent littéralement que
l’un des pompiers tombe une seconde fois. Quant à ceux qui traduisent « encore » par aún, ils
montrent n’avoir pas compris le sens de ce terme espagnol qui dit ce qui dure
intempestivement au-delà d’une limite mais jamais la réitération. On pouvait par exemple
31
traduire par y una furiosa ráfaga pareció derribar a otro bombero más, ou a uno más entre
los bomberos.
Mais, cette fois, Mercery avait compris: ils étaient mitraillés par un avion de chasse.
Deux. Cette manière d’incise, qui prend appui sur l’instant présent du récit, appelait le
déictique esta pour traduire « cette fois » (= -ci). De manière concomitante, le plus que parfait
« avait compris » était ici à respecter pour que change le point de vue narratif et l’emploi du
passé simple était donc à proscrire en espagnol. Enfin, un certain nombre de copies
renfermaient une erreur sur le choix du verbe espagnol pour « ils étaient mitraillés » : le haut
degré d’activité de l’agent ne fait ici aucun doute, la vision dynamique, le passif opératif, pour
utiliser diverses terminologies, appelaient obligatoirement l’utilisation du verbe ser : eran
ametrallados por un avión de caza (un caza).
Mercery les vit revenir, extraordinairement bas, à dix mètres au-dessus de l’incendie. Ils
ne tiraient pas : un « détail » avait toute son importance : les avions reviennent –volent–
(extraordinairement) bas, c’est-à-dire que le terme « bas » est ici un adverbe qui spécifie le
sens du verbe et il fallait s’en souvenir à l’heure de traduire pour éviter d’en faire un adjectif
(pluriel) caractérisant les avions en espagnol. Mercery los vio volver, extraordinariamente
bajo. Pour le reste, on regrettera que certains puissent ignorer le verbe disparar et s’en
remettent à ‘tirar’… Le plus important était d’opérer un choix prépositionnel judicieux à
l’heure de traduire « au-dessus » : dans la mesure où il s’agissait, d’un passage, d’un
déplacement au sein d’un espace préalable, le recours à encima tout seul ne pouvait suffire et
il fallait traduire par por encima. Arriba de, pure localisation statique de superposition était
tout aussi malvenu.
Les pilotes, qui ne voyaient les pompiers que lorsque ceux-ci étaient sur le fond des
flammes, devaient les prendre de dos. Si l’on n’omettait pas la préposition a devant le COD
bomberos, le début de la phrase pouvait être traduit sans difficulté, y compris littéralement.
L’expression « de dos » a néanmoins souvent posé problème : on aurait pu penser à une
solution simple, celle qui consistait à utiliser por detrás, qui pouvait être aussi substitué par de
espaldas (au pluriel).
Les avions revinrent et deux pompiers encore tombèrent, l’un dans les flammes, l’autre
sur le trottoir. Les remarques portant antérieurement sur la valeur de « encore » s’appliquent
32
ici. En ce qui concerne les prépositions, on peut considérer les flammes comme un espace
contenant et donc employer cayó en las llamas, alors que le trottoir implique plutôt l’idée
d’une superposition qui serait mieux rendue par sobre. Rien n’empêche non plus de penser
que le mouvement est vu par/avec Mercery depuis le haut de son échelle et que, de ce point de
vue, le mouvement est perçu dans son effectuation, depuis son point de départ vers la limite
atteinte en fin de mouvement : si l’on retient cette hypothèse discursive tout à fait
vraisemblable, il est possible de traduire par a la acera.
A tel point saturé de dégoût qu’il en devenait calme pour la première fois, Mercery
regardait les avions virer vers lui sur le ciel de Madrid incendié. La plupart des erreurs de
poids commises sur cette phrase provenaient de mauvaises constructions syntaxiques, souvent
productrices de non sens. La structure appositive pouvait pourtant être calquée directement :
Hasta tal punto saturado de asco que por primera vez se iba poniendo tranquilo, Mercery
miraba los aviones girar hacia él en el cielo de Madrid incendiado. Sur le plan lexical,
rappelons que disgusto n’est pas un équivalent, malgré sa parenté formelle, de « dégoût ».
Ils le giflèrent d’air au passage avant de revenir « dans le bon sens » ; là encore, l’image a
donné du fil à retordre à nombre de candidats, et sans doute davantage en ce qui concernait les
constructions prépositionnelles. On ne pouvait en effet s’en tenir à une équivalence littérale
du genre : lo abofetearon de aire. La préposition de peut signifier l’origine en espagnol, mais
pas le moyen ou l’instrument par le biais duquel on effectue une action. Il fallait donc plutôt
recourir à une traduction comme : lo abofetearon con el aire al pasar. Si al paso ou a su paso
convenaient également, de paso possède une autre valeur (comme quand on dit « au passage,
je vous signale que… ») et constituait un faux sens ici. Enfin, le bon sens renvoyait ici à la
bonne direction. Si el buen sentido était à proscrire, on pouvait songer à en la buena
dirección, en la dirección correcta, adecuada ou en el sentido correcto.
Il descendit trois échelons et se retourna vers eux, droit sur son échelle dressée. Les
« échelons » ne posaient aucun problème car on pouvait admettre une série de lexèmes
(peldaños, escalones, travesaños,) généralement connus des candidats. Par contre, il fallait se
garder de transposer sur la langue espagnole une structure –d’ailleurs absente ici du texte
français– qui dit « descendre de trois marches ». Inexistant en espagnol (au jeu de l’oie, par
exemple, on dira adelantar tres casillas, tout comme il fallait traduire ici bajó tres escalones),
cet emploi prépositionnel erroné a été sanctionné lourdement. « Droit sur son échelle »
pouvait être rendu par derecho, tieso, ou encore erguido. Pour l’échelle « dressée », on
pouvait employer également erguida, ou desplegada, levantada. Mais il fallait éviter des
termes comme enderezada (qui évoque plutôt « redressée ») et derecha.
Au moment où le premier avion arrivait sur lui comme un obus, il brandit sa lance,
aspergea furieusement la carlingue et retomba sur l’échelle, quatre balles dans le corps.
Plusieurs traductions étaient possibles pour rendre « au moment où » : en el momento en que,
al echársele encima el primer avión, cuando llegaba sobre él… Le terme « obus » français a
donné lieu à diverses stratégies d’évitement lors de la traduction : bala ou cohete pouvaient
servir de pis-aller, mais ont été sanctionnés parce que le terme remplacé (obús) ne faisait tout
de même pas partie du lexique rare ou savant. « Brandir » pouvait se traduire par blandir,
esgrimir, empuñar à la rigueur. Enarbolar s’éloignait considérablement du sens du mot
français. « asperger » était inconnu de bien des candidats, mais on pouvait se tirer d’affaire au
pris d’un léger faux sens avec un terme comme mojar si l’on ignorait rociar. Salpicar ou
regar constituaient des faux sens lexicaux certes avérés, mais qui n’étaient pas de nature à
mettre en péril à eux seuls l’évaluation de l’ensemble de la traduction. Mieux valait en tout
33
cas éviter asperjar qui ne concerne que les aspersions pratiquées à l’aide d’un goupillon…
Carlinga existe en espagnol –par emprunt au français d’ailleurs– mais on peut comprendre
que les candidats n’aient pas voulu prendre le risque d’un barbarisme lexical : le jury a
accepté tous les termes qui se rapprochaient du sens de ce mot (cabina, cuerpo, fuselaje) en
rejetant toutefois des interprétations trop éloignées comme carrocería. En ce qui concerne
« retomber », il faut remarquer que ce verbe est le pendant sémantique de tous les efforts
antérieurs de Mercery pour se dresser, tendre son corps et sa lance vers le haut en direction de
l’avion. C’est parce qu’il s’est dressé, qu’il est monté en quelque sorte, qu’il peut
« retomber ». D’où la totale incongruité de traductions comme volvió a caerse, où est
suggérée une idée de répétition d’une même action. Il fallait convoquer des verbes comme
desplomarse ou derribarse qui évoquent l’idée de chute de ce qui est préalablement dressé
verticalement, haut. Si cayó pouvait passer, la forme réfléchie se cayó avait l’inconvénient de
convoquer l’activité implicite du sujet dans cette chute et était donc moins bonne. Sur le plan
prépositionnel, il faut insister sur le fait que cette chute ne pouvait s’accommoder de la
préposition en : cayó en la escalera évoque l’idée de la chute malencontreuse dans l’escalier,
celle où l’on trébuche, alors qu’ici il s’agit de la vision extérieure d’un corps qui s’écroule sur
la surface inclinée de l’échelle. D’où la nécessité impérative de traduire ici par quelque chose
comme se desplomó sobre la escalera (escala). Enfin, avec « quatre balles dans le corps »,
nous nous trouvons face à ce que Bouzet appelait en son temps la notation d’attitude. Cette
variété de complément de manière, introduite en français dans la phrase sans lien aucun, est
généralement précédée en espagnol de la préposition con. Même si d’illustres auteurs
espagnols, anciens et nouveaux, ont pu parfois s’affranchir de cette contrainte, le jury a tenu à
privilégier celles et ceux qui ont montré qu’ils connaissaient les règles académiques de
l’usage de la langue : il fallait donc traduire : con cuatro balas en el cuerpo.
Traduction proposée
Apuntó con su lanza al incendio. El foco contra el que luchaba resultaba ser el más
amenazador; era un adversario más vivo que el hombre, más vivo que todo el mundo. Frente a
ese enemigo que gesticulaba con mil tentáculos como un pulpo enloquecido, Mercery se
sentía extraordinariamente lento, –mineralizado. Y sin embargo, podría con el incendio.
Detrás de él recaían avalanchas de humo granate y negro; a pesar de los ruidos del fuego oía
subir desde la calle treinta o cuarenta toses. Él se ajetreaba en medio de un calor luminoso,
deslumbrante y seco. Se extinguió la hoguera; desvanecida la última humareda, Mercery vio
en un hueco sombrío Madrid sin luces, que se reconocía tan sólo por sus incendios lejanos que
agitaban con furia sus capas rojas a ras del suelo. Lo había dejado todo, incluso a la señora de
Mercery, para que el mundo fuera mejor. Se veía a sí mismo deteniendo con un ademán los
coches fúnebres de niños, adornados y blancos como tartas de primera comunión; para él,
cada una de las bombas que oía, cada incendio implicaba a esos horrorosos cochecitos
fúnebres. Orientaba con precisión su lanza hacia la hoguera siguiente cuando un coche de
carreras pasó a toda velocidad, y una furiosa ráfaga de aire pareció derribar a otro bombero
más. Pero esta vez, Mercery había comprendido: los estaba ametrallando un caza.
Dos.
Mercery los vio volver, extraordinariamente bajo, a diez metros por encima del
incendio. No disparaban: los pilotos, que no veían a los bomberos sino cuando éstos se
destacaban sobre el fondo claro de las llamas, tenían que darles de espaldas. El revólver de
Mercery estaba debajo de su traje; sabía que no servía para nada, no lo podía alcanzar; pero
experimentaba una tremenda necesidad de disparar. Volvieron los aviones y cayeron otros dos
bomberos, uno en las llamas, otro a la acera. Saturado de asco hasta tal punto que por primera
34
vez se iba poniendo tranquilo, Mercery miraba los aviones girar hacia él en el cielo de Madrid
incendiado. Al pasar lo abofetearon con el aire antes de regresar “en el sentido correcto”; bajó
tres peldaños y se volteó hacia ellos, erguido en su escalera desplegada. En el momento en
que el primer avión se le echaba encima como un obús, esgrimió su lanza, roció furiosamente
la carlinga y se desplomó sobre la escalera, con cuatro balas en el cuerpo.
Remarques préalables
Quelques commentaires sur les données chiffrées précédentes: 6 candidats ont été
admissibles en dépit d’une note de traduction inférieure à 7/20. 14 candidats l’ont été avec
une note inférieure à 8 et 46 avec une note inférieure à 10. Une note médiocre n’est pas
rédhibitoire mais néanmoins un sérieux handicap pour l’admissibilité (84, 4 % des candidats
admissibles ont obtenu une note supérieure à 8/20. Par ailleurs, il n’est pas rare qu’un
candidat obtienne à la fois zéro en thème et en version, ce qui n’est le cas d’aucun des
admissibles. Rappelons qu’il est indispensable de travailler les deux sous-épreuves de la
traduction car une très mauvaise performance à l’une d’elles compromet sérieusement les
chances d’admissibilité.
Le texte de version
MIÇILO. ¡O líbreme Dios de gallo tan maldito y tan vozinglero! Dios te sea
adverso en tu deseado mantenimiento, pues con tu ronco y importuno vozear me
quitas y estorbas mi sabroso y bienaventurado sueño, holganza tan apacible de todas
las cosas. Ayer en todo el día no levanté cabeça trabajando con el alesna y cerda, y
aún sin dificultad es passada la media noche y ya me desasosiegas en mi dormir.
Calla; si no en verdad que te dé con esta horma en la cabeça, que más provecho me
harás en la olla cuando amanezca, que hazes ahí vozeando.
GALLO. Maravíllome de tu ingratitud, Miçilo, pues a mí que tanto
provecho te hago en despertarte por ser ya hora conveniente al trabajo, con tanta
cólera me maldices y blasfemas. No era eso lo que ayer dezías renegando de la
pobreza, sino que querías trabajar de noche y de día por haber alguna riqueza.
MIÇILO. ¡O Dios inmortal! ¿Qué es eso que oyo? ¿El gallo habla? ¿Qué
mal agüero o monstruoso prodigio es éste?
GALLO. ¿Y deso te escandalizas, y con tanta turbación te maravillas, o
Miçilo?
MIÇILO. Pues, cómo ¿y no me tengo de maravillar de un tan prodigioso
aconteçimiento? ¿Qué tengo de pensar sino que algún demonio habla en ti? Por lo
cual me conviene que te corte la cabeça, porque acaso en algún tiempo no me hagas
otra más peligrosa ilusión. ¿Huyes? ¿Por qué no esperas?
GALLO. Ten paçiençia, Miçilo, y oye lo que te diré, que te quiero mostrar
cuán poca razón tienes de escandalizarte, y aun confío que después no te pessará
oírme.
MIÇILO. Agora siendo gallo, dime: ¿tú quién eres?
35
GALLO. ¿Nunca oíste decir de aquel gran philósopho Pithágoras, y de su
famosa opinión que tenía?
MIÇILO. Pocos çapateros has visto entender con filósofos. A mí a lo menos
poco me vaga para entender con ellos.
GALLO. Pues mira que éste fue el hombre más sabio que hubo en su
tiempo, y éste afirmó que las almas después de criadas por Dios passaban de cuerpos
en cuerpos. Probaba con gran efficaçia de argumentos que, en cualquiera tiempo que
un animal muere, está aparejado otro cuerpo en el vientre de alguna hembra en
dispusiçión de recibir alma, y que a éste se passa el alma del que agora murió.
Commentaire et analyse
36
1) Diálogo del zapatero y del gallo
Cette année encore, nous avons eu à déplorer plusieurs omissions du titre. Rappelons
que le candidat doit veiller, au moyen de relectures ciblées, à n’omettre aucune séquence du
texte source. Le titre ne présentait pas de réelles difficultés. Le jury a admis aussi bien
savetier que cordonnier pour « zapatero », tous deux très anciens, à condition qu’ils soient
correctement orthographiés (la géminée nasale de cordonnier a bien souvent été simplifiée et
d’autres orthographes fantaisistes ont donné lieu à de regrettables barbarismes, *coordonnier,
*savatier, *sapetier ou autre *cordonieur (sic) par exemple. Enfin, l’adjectif possessif était
acceptable en lieu et place de l’article défini (du coq / de son coq).
2) MIÇILO. ¡O líbreme Dios de gallo tan maldito y tan vozinglero! Dios te sea
adverso en tu deseado mantenimiento, pues con tu ronco y importuno vozear me quitas
y estorbas mi sabroso y bienaventurado sueño, holganza tan apacible de todas las cosas.
« Miçilo »: le jury a apprécié Mycillus que l’on retrouve dans les dialogues
humanistiques et a naturellement admis Miçilo.
De nombreux candidats, en raison d’une lecture trop rapide, ont confondu l’optatif
(que Dieu me délivre) avec un impératif avec parfois, de surcroît, une confusion de personne
(délivre-moi).
« Vozinglero » et « vozear » ont posé problème à certains qui n’y ont pas reconnu le
lexème « voz- » et son signifié encore actuel de cri. Au chapitre des difficultés lexicales
« mantenimiento » avait le sens classique d’entretien ou de nourriture, « holganza » avait
pour sens repos, quiétude, soulagement.
Certaines confusions sont à déplorer (inopportun pour importun) révélant au mieux
une maladresse liée à la précipitation et au pire une méconnaissance de l’extension
sémantique de chacun des vocables. Le choix de verbes de semblable régime (transitif direct)
pour traduire le doublet « me quitas y estorbas mi sabroso … » a été valorisé (tu ôtes et
déranges / tu empêches et troubles).
« Apacible » était à prendre dans un sens actif d’apaisant, réconfortant.
Mycillus : Dieu me garde de coq si maudit et si braillard ! Dieu soit obstacle à ton
entretien désiré, puisque par ton timbre rauque et importun tu empêches et troubles mon
sommeil doux et bienheureux, repos/soulagement si apaisant de toutes choses.
3) Ayer en todo el día no levanté cabeça trabajando con el alesna y cerda, y aún
sin dificultad es passada la media noche y ya me desasosiegas en mi dormir. Calla; si no
en verdad que te dé con esta horma en la cabeça, que más provecho me harás en la olla
cuando amanezca, que hazes ahí vozeando.
Ce passage a été l’un des plus problématiques pour les candidats. Le lexique parfois
technique de la cordonnerie (« alesna », « cerda », « horma ») et la syntaxe classique (« es
passada ») ont dérouté bon nombre de candidats. Le déficit lexical a conduit a de fantaisistes
traductions de « alesna y cerda » (l’ânesse et la truie (sic) par exemple). La relative
transparence de « horma » (forme) et le contexte n’ont pas été d’un grand secours (rappelons
qu’un certain nombre de « h » initiaux espagnols sont issus d’un f- latin). Les hyperonymes
(outil) ou co-hyponymes (marteau, ciseau), en cohérence sémantique avec le contexte ont été
37
moins sanctionnés que de véritables contresens. « Alesna y cerda »: l’alène (on admettra
poinçon) et le crin, utilisés par le cordonnier. Autre ustensile : la horma, que l’on peut
traduire par forme, embauchoir (un peu tardif cependant, attesté en 1755) ou embouchoir, plus
ancien.
Le passage « y aún sin dificultad es passada la media noche » était plus simple qu’il
n’y paraissait et la moitié de la nuit (« media noche » et non « medianoche ») est encore
passée sans encombre / sans peine. La périphrase verbale « es passada » (la moitié de la nuit
est passée) restait normale au XVIème siècle.
Notons que la conjonction « y » peut se charger d’une valeur adversative (mais). La
deuxième partie était plus facile d’accès même si certains achoppent encore sur la valeur
causale de la conjonction « que » ou sur le sens de vocables aussi usuels que « olla ».
Hier, de toute la journée, je n’ai levé la tête (j’ai courbé l’échine tout le jour
durant), travaillant de l’alène et du crin, et la moitié de la nuit est encore passée sans
encombre mais (et) déjà tu tourmentes mon sommeil. Tais-toi ; sinon, en vérité (je jure que
/tiens pour sûr que), je te frappe de mon embouchoir sur la tête, car tu me seras de plus
grand profit dans la marmite quand viendra (poindra) le jour, que tu ne l’es ici à vociférer
(t’égosiller).
Le coq : Je m’étonne de (je demeure interdit face à) ton ingratitude, Mycillus, moi
qui te fais si grand profit en t’éveillant à une heure déjà propice au travail, avec une telle
mauvaise humeur (tant de bile chaude) tu me maudis et blasphèmes. Tu ne disais pas cela
hier quand tu reniais la pauvreté, tu voulais au contraire travailler de nuit et de jour pour
recevoir quelque richesse.
5) MIÇILO. ¡O Dios inmortal! ¿Qué es eso que oyo? ¿El gallo habla? ¿Qué mal
agüero o monstruoso prodigio es éste?
GALLO. ¿Y deso te escandalizas, y con tanta turbación te maravillas, o Miçilo?
La forme « oyo » (indicatif présent, 1ère personne) n’a, dans l’ensemble, pas posé de
problème, pas plus que la crase « deso ». Du reste, on rencontre ces formes dans La Célestine.
Rappelons que augure est masculin. Le jury a apprécié les traductions précises du champ
lexical de l’étonnement.
38
Attention au solécisme c’est de cela dont (sic) en lieu et place de c’est de cela que.
Le modalisateur d’obligation « tengo que » (‘je dois’) est rare au XVIème siècle.
Tengo que signifie ‘je tiens que’. On trouve ici « tener de » pour exprimer la modalité de
l’obligation. L’expression porque + subjonctif était à traduire obligatoirement par pour que,
afin que. Sa valeur finale a échappé à certains.
Le signifié de « acaso » (casualmente, sin esperarlo ni imaginarse d’après
Autoridades) ou « ilusión » est resté étranger à certains. Rappelons que l’ILLUSIO est, en
latin, une figure de rhétorique (l’ironie). « Ilusión » désigne ensuite la ‘moquerie’. Le sens
d’ « erreur des sens » est largement attesté dès le Moyen Age. On admettra tromperie.
7) GALLO. Ten paçiençia, Miçilo, y oye lo que te diré, que te quiero mostrar
cuán poca razón tienes de escandalizarte, y aun confío que después no te pessará oírme.
MIÇILO. Agora siendo gallo, dime: ¿tú quién eres?
Le coq : Sois patient, Mycillus, et entends ce que je te dirai (je vais te dire). Je veux
te montrer comme tu as peu de raison de te scandaliser et je gage même que m’entendre
ensuite ne te pèsera pas (tu m’entendras de bonne grâce).
Mycillus : Alors, si tu es coq, dis-moi : qui donc es-tu ?
39
Outre les orthographes fantaisistes de Pythagore (Pythagoras était également
recevable), il est à signaler des méprises de sens pour « opinión » (réputation) en espagnol
classique. En latin, OPINIO (de OPINOR) était devenu la traduction du grec doxa (la
‘réputation’).
Le tutoiement pouvait être compris comme un tutoiement de généralité.
« Entender », en ce sens, pouvait être employé sous forme réfléchie ou non:
s’entendre avec, on pouvait admettre la traduction transitive: entendre les philosophes.
« Poco me vaga »: je n’ai pas le loisir de les comprendre. Cette acception de «tener
tiempo y lugar suficiente o necesario para hacer alguna cosa » (Autoridades) a encore cours
aujourd’hui.
9) GALLO. Pues mira que éste fue el hombre más sabio que hubo en su tiempo,
y éste afirmó que las almas después de criadas por Dios passaban de cuerpos en cuerpos.
Probaba con gran efficaçia de argumentos que, en cualquiera tiempo que un animal
muere, está aparejado otro cuerpo en el vientre de alguna hembra en dispusiçión de
recibir alma, y que a éste se passa el alma del que agora murió.
Le coq : Vois donc que (eh bien sache que) celui-ci fut l’homme le plus sage qui
fût (qu’il y eût) en son temps. Or, il affirma que les âmes, une fois créées par Dieu,
passaient de corps en corps. Il prouvait, avec grande efficacité d’arguments, que, à tout
instant où meurt un être animé, est appareillé dans le ventre de quelque femelle un autre
corps disposé à recevoir une âme et que vers ce corps se transporte l’âme de celui qui vient
de mourir.
Proposition de traduction
Rappelons que cette proposition n’est qu’une traduction parmi d’autres possibles.
Elle ne prétend aucunement au statut de modèle. Ce n’est qu’un exemple de traduction qui se
veut acceptable et qui peut toujours être améliorée.
Mycillus : Dieu me garde de coq si maudit et si braillard ! Dieu soit obstacle à ton
entretien désiré, puisque par ton timbre rauque et importun tu ôtes et déranges mon sommeil
doux et bienheureux, soulagement si apaisant de toutes choses. Hier, de toute la journée, je
40
n’ai levé la tête, travaillant de l’alène et du crin, et la moitié de la nuit est encore passée sans
encombre mais déjà tu tourmentes mon sommeil. Tais-toi ; sinon, en vérité, je te frappe de
mon embouchoir sur la tête, car tu me seras de plus grand profit dans la marmite quand
viendra le jour, que tu ne l’es ici à vociférer.
Le coq : Je m’étonne de ton ingratitude, Mycillus, moi qui te fais si grand profit en
t’éveillant à une heure déjà propice au travail, avec une telle mauvaise humeur tu me maudis
et blasphèmes. Tu ne disais pas cela hier quand tu reniais la pauvreté, tu voulais au contraire
travailler de nuit et de jour pour recevoir quelque richesse.
Mycillus : O Dieu Immortel ! Qu’entends-je ? Le coq parle ? Quel mauvais présage
ou monstrueux prodige est-ce donc ?
Le coq : Et de cela tu te scandalises, et avec un si grand trouble tu t’étonnes, O
Mycillus ?
Mycillus : Mais comment ! Ne dois-je pas m’étonner d’un événement si prodigieux ?
Que dois-je penser sinon que quelque démon parle en toi ? Il convient donc que je te coupe la
tête, afin que quelque fois peut-être tu ne me fasses une autre illusion plus périlleuse encore.
Tu fuis ? Pourquoi ne m’attends-tu pas ?
Le coq : Sois patient, Mycillus, et entends ce que je te dirai. Je veux te montrer
comme tu as peu de raison de te scandaliser et je gage même que m’entendre ensuite ne te
pèsera pas.
Mycillus : Alors, si tu es coq, dis-moi : qui donc es-tu ?
Le coq : Tu n’as jamais entendu parler de Pythagoras, ce grand philosophe, et de la
fameuse réputation qu’il avait ?
Mycillus : Tu as rarement vu des savetiers s’entendre avec des philosophes. Moi,
pour le moins, j’ai peu de temps à leur consacrer.
Le coq : Vois donc que celui-ci fut l’homme le plus sage qui fût en son temps. Or, il
affirma que les âmes, une fois créées par Dieu, passaient de corps en corps. Il prouvait, avec
grande efficacité d’arguments, que, à tout instant où meurt un être animé, est appareillé dans
le ventre de quelque femelle un autre corps disposé à recevoir une âme et que vers ce corps se
transporte l’âme de celui qui vient de mourir.
1. Les résultats
41
>= 7 et < 8 10 4
>= 8 et < 9 32 18
>= 9 et < 10 18 9
>= 10 et < 11 4 1
>= 11 et < 12 17 12
>= 12 et < 13 7 6
>= 13 et < 14 8 7
>= 14 et < 15 10 10
>= 15 et < 16 2 2
>= 16 et < 17 2 2
> = 17 et < 18 1 1
>= 18 et < 19 2 2
>= 19 et < 20 1 1
Absents 439 0
Copie blanche 6 0
2. Le sujet proposé
Il était extrait d’un des textes critiques qui accompagnait l’édition de Cien años de
soledad édité par la Real Academia Española, édition incluse dans la bibliographie officielle
de la question.
[in Gabriel García Márquez, Cien años de soledad, Edición conmemorativa, Real
Academia Española, Asociación de Academias de la Lengua Española, Madrid,
2007, p. 520]
Dans quelle mesure le roman Cent ans de solitude peut-il être caractérisé par cette
approche interprétative de son élaboration narrative et de sa portée multiple?
42
citation inscrit, par ailleurs, Cien años de soledad dans « la narrativa de lo real maravilloso
americano ». Ce réel merveilleux, et non d’emblée le réalisme magique, dont on doit la mise
en pratique au Cubain Alejo Carpentier, en même temps qu’il en élaborait une approche
théorique, rend obsolète le réel tel que le concevaient les écrivains réalistes au XIXème siècle
au profit, précisément, d’un réel tout à la fois merveilleux, qui, en faisant partie du quotidien,
permet une perception transformée de la réalité.
Au cœur du sujet proposé se trouve donc la question classique et incontournable de la
réalité et de sa représentation, du réel et de la fiction, de leur combinaison et du type de récits
auxquels cette combinaison entre les deux peut donner lieu. L’ambigüité de la citation –et sa
difficulté– consiste dans la perspective adoptée par Gonzalo Celorio pour évoquer la
combinaison multiple du réel et de la fiction dans Cien años de soledad, qui rapprochent le
roman tour à tour de récits aussi différents que la Bible, le Popol-Vuh ou le Quichotte. Cette
perspective anachronique et décalée par rapport au point de départ de l’analyse, initialement
affichée dans le titre de l’article, est celle du réalisme du XIXème rendu obsolète, dans le
contexte de la littérature latino-américaine, entre autres par le réel merveilleux. Il est à
souligner également qu’il n’y a aucune approche novatrice dans cette citation mais une
juxtaposition d’éléments disparates renvoyant à la fois au monde représenté et à des modèles
de récits anciens –repris et réactualisés– qui servent de jalons dans le roman. Le premier,
ce monde représenté, en se coulant dans les seconds, les modèles de récits anciens –repris et
réactualisés-, les rénovent, les remodèlent et donnent Cien años de soledad, tout en octroyant
à l’Amérique latine une identité politique et culturelle spécifique, à la hauteur des grands
textes sacrés et profanes de l’occident chrétien, mais également de l’une des civilisations pré-
colombiennes et de l’œuvre de Miguel de Cervantes, considérée à bien des égards comme le
point de départ du roman moderne.
Une analyse détaillée de la citation, une prise en compte de ses présupposés tant par
rapport au contexte littéraire latino-américain, qu’à Cien años de soledad et aux perspectives
critiques, qui servent de fondement au jugement de Gonzalo Celorio, se sont avérées
indispensables pour parvenir à la problématique induite par le sujet et éviter un traitement
thématique de celui-ci ou encore la juxtaposition de remarques atomisées sur l’épopée, le
Quichotte ou autre élément isolé, non relié à l’ensemble dans lequel Celorio l’inclut. Le jury
attendait que soient dégagés les paradoxes et les contradictions entre le rapport nouveau de la
fiction au réel (merveilleux), qui implique de nouvelles représentations du réel, et les types de
récits ou d’œuvres engendrés. Tous sont réputés collectifs ou fondateurs, comme le Quichotte.
La réflexion du candidat aurait pu se construire autour d’une série de questions, qui sont
autant d’axes de travail que le jury a pris en compte:
43
exemple en 1992 : «Cuando en 1965 recibí y leí en París las primeras cien cuartillas de Cien
años de soledad, me senté, sin pensarlo dos veces, a escribir lo que sentí : acababa de leer la
Biblia latinoamericana»25.
25« Gabriel García Márquez: complicidades amistosas que no terminan nunca », in El Nacional, sección de
“Cultura”, p. 9 (26.III.1992) ; repris dans « Gabriel García Márquez: Celebración 25° aniversario de Cien
años de soledad », 1992, p. 38.
44
convaincante. Autant d’atouts dont doit faire preuve un futur enseignant pour les transmettre,
à son tour, aux générations futures qu’il aura face à lui.
1. Les résultats
• Nombre d’admissibles : 90
• Nombre de présents : 88
• Nombre d’admis : 40
• Moyenne des présents : 5.70
• Moyenne des admis : 8.30
• Note maximale des présents : 16
• Note minimale des présents : 0.25
• Note maximale des admis : 16
• Note minimale des admis : 1.50
45
3. Liste des sujets de leçon
46
S’il est vrai qu’en toute chose il convient de considérer la fin, on n’oubliera pas que
les épreuves orales font partie du concours qui en comporte quatre, de nature et de facture
diverses, exigeantes et solidaires du résultat final. Dans une telle perspective, il n’est pas très
judicieux d’improviser au dernier moment ou de découvrir, en fin de parcours, l’existence
d’un exercice rigoureux et probant tel celui de la leçon en espagnol. L’écrit doit être donc tenu
pour le premier temps d’une chronologie déclinée en deux moments. Si l’oral confirme, bien
souvent, la tenue de l’écrit, force est de constater qu’il permet aussi à de très nombreux
candidats d’améliorer leur prestation écrite préservant de la sorte leur chance de réussite.
Quelle qu’en soit l’issue, l’épreuve de leçon aura mesuré le candidat avec l’obstacle, ce qui
est toujours formateur et riche d’enseignements.
En effet, au cours des cinq heures de préparation de la leçon, le candidat, après avoir
découvert le contenu du sujet, mobilise les connaissances engrangées pendant l’année en les
organisant en fonction du plan qu’il a choisi. Il ne dispose pour cela d’aucun dictionnaire. Il
n’a pour seul recours que les œuvres littéraires inscrites au programme. Pour la session 2010
(BO, 25 juin 2009), il disposait de La Celestina, comedia o tragicomedia de Calisto y
Melibea, éd. de Peter E. Russell, tercera edición corregida y revisada Madrid, Clásicos
Castalia, 2001, (191) et de Cien años de soledad, éd. de Jacques Joset, Madrid, Cátedra,
Letras Hispánicas ( 16 ème édition), 2004. Pour bâtir ses arguments, il est recommandé au
candidat de faire preuve de savoir et de méthode tout autant que d’esprit d’analyse et de
synthèse. Il lui est aussi conseillé de ne pas négliger les caractéristiques revenant en propre à
l’épreuve de leçon, au premier rang desquelles se doivent d’être soulignées l’aptitude à la
communication et la maîtrise aisée et soutenue tant au plan syntaxique, lexical qu’accentuel
de la langue espagnole. De telles exigences s’imposent tout naturellement d’elles-mêmes
s’agissant d’une langue dont l’acquisition est fondée, pour une très grande part sur une
pratique orale active aussi bien dans l’enseignement secondaire que dans l’enseignement
supérieur. C’est, d’ailleurs, de cet outillage oral dont se servira le futur enseignant pour
transmettre les connaissances à ses élèves. Connaître l’espagnol, c’est savoir le parler avec
correction, propriété, expressivité et sens de la nuance. Rien, en définitive, que de banal mais
qui demande toutefois un travail régulier et méthodique de la part du candidat.
Les deux commissions ont entendu des exposés dans une langue audible, riche et
appropriée au sujet de la leçon. S’il est vrai que, dans l’ensemble, le lexique et la syntaxe sont
d’une parfaite correction, il n’en va pas toujours de même en ce qui concerne la prononciation
qui a donné parfois lieu à des déplacements accentuels qui, répétés et systématiques, finissent
pas lasser les membres de la commission et par pénaliser les candidats. A titre d’exemple, on
signalera des erreurs assez récurrentes du genre (el estirpe/la estirpe, el génesis/la génesis, a la
página/en la página, detener/detentar, mutualmente/mutuamente, participar a/participar en,
pictural/pictórico,arquitectural/arquitectónico, el cómico/la comicidad, inherante/inherente,
defende/defiende, indigismo/indigenismo, nominación/nombramiento, carismo/carisma, los
órdenes/las órdenes, durable/duradero, procediente/procedente, por fin/por último). On veut
bien mettre certaines de ces défaillances sur le compte de l’émotion mais peut-être pas toutes!
Le candidat veillera à soigner non seulement l’accentuation des passés simples qu’il défigure
(plantéo, resúlto, se tráto, repártio, inténto, presénto) mais également celle des mots
fratrícida/fratricida, régimen/regimén, válido/valido…. qui posent apparemment problème.
Point n’est besoin d’allonger la liste. Nous avons la faiblesse de penser qu’elle se suffit à elle-
même.
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On fera aussi état de deux autres considérations relatives à la leçon: la première porte
sur la gestion du temps, la seconde concerne l’équilibre des différentes parties de l’exposé.
Pour ce qui a trait à la première, la commission prend toujours le soin de signaler à l’étudiant,
parvenu presque à la fin de son exposé, qu’il lui reste encore cinq minutes de parole. On
voudrait attirer l’attention des futurs candidats sur ces deux écueils qui dénaturent quelque
peu la philosophie de l’épreuve. L’expérience prouve que le candidat a besoin de trente
minutes pour prendre l’exacte mesure du sujet et pour le traiter avec savoir et profondeur. Or
il arrive que la commission de leçon soit confrontée à des exposées ne dépassant pas les
quinze minutes ou à des exposés dont la première partie occupe, en revanche, plus de vingt
minutes sur les trente dont dispose le candidat de sorte que les dix minutes restantes sont
débitées à vive allure ou soumises à des points de vue schématiques s’apparentant à un rapide
survol plus qu’à une analyse détaillée du sujet traité. Ce défaut de méthode se marque de
manière assez visible lorsque le candidat aborde la troisième partie de la leçon. En effet, cette
troisième partie, dans bien des cas la moins élaborée, prête assez souvent le flanc à la critique.
Il est à ce constat deux raisons. La première tient au fait que cette troisième partie apparaît
déséquilibrée par rapport aux deux parties précédentes. La seconde relève plus précisément
(est-ce dû à la fatigue?) de la tentation de clore la leçon par des idées assez générales évinçant
par là même la spécificité conclusive qui est la sienne. Au terme de ces quelques observations,
point n’est besoin de démontrer le poids accordé à l’oral à l’intérieur des épreuves de
l’agrégation d’espagnol. De là la nécessité impérieuse de savoir les préparer.
Tous les sujets proposés sont tirés du programme étudié au cours de l’année de
préparation. Ils prennent donc appui sur des questions précises dont le cadre historique et la
thématique ont été définis et énoncés avec clarté et rigueur. Les indications fournies aussi bien
pour les questions de civilisation que de littérature sont étayées sur des axes de lecture et
d’interprétation ainsi que sur une bibliographie permettant aux préparateurs et aux
préparationnaires de connaître scientifiquement des questions inscrites au programme.
L’étudiant, au cours de sa préparation, n’aura pas manqué de remarquer les soubassements
théoriques des différentes questions. Il aura également perçu la matrice et le questionnement
des problématiques induites par la formulation des questions elles-mêmes. Par ailleurs, les
cours et les ouvrages traitant des questions au programme auront conduit l’étudiant à se
familiariser progressivement avec d’éventuels sujets de leçon, soit par croisements, soit par
recoupements. Si les sujets de la leçon en espagnol ne reproduisent pas à l’identique des plans
de la dissertation écrite ou des exposés oraux faits en cours, ils n’en tissent pas moins de liens
de convergence et une féconde communauté de savoirs.
Disserter sur un sujet de leçon oblige le candidat à se rendre actif et réactif face à la
connaissance, à bien comprendre la matérialité littérale du libellé afin d’en percevoir
l’étendue et les limites. C’est pourquoi on ne peut qu’inviter le candidat à bien lire le contenu
du sujet de la leçon et à prendre son temps avant de se mettre à écrire. A cet égard, dans la
leçon relative aux imágenes del valido, il convenait de mettre l’accent non seulement sur le
pluriel de imágenes — tant il est vrai que les représentions liées au valido, posées sur temps et
espace, sont multiples et multifonctionnelles— mais de montrer à quel point celles-ci sont
également évolutives à l’intérieur de la période comprise entre 1598 et 1645. Il fallait définir
aussi le terme valido, véritable néologisme, qui désigne un nouvel acteur du pouvoir politique
au sein de la Monarchie agrégative espagnole opérant une rupture avec la conduite
personnelle des affaires pratiquée par Philippe II. Dans la leçon portant sur Territorios y
conflictos fronterizos en la formación del Estado y la Nación en América latina (1810-1910),
48
certains candidats ont eu tendance à oublier l’importance de fronterizos et à ne retenir dans
leur champ de vision que territoires et conflits. Il en a été de même avec les termes Estado y
Nación qui n’ont pas toujours été bien intégrés dans le corps de l’exposé car laissés à la
périphérie du sujet. Pour ce qui concerne les sujets littéraires, il ne fallait pas dégrader la
littérature en un vulgaire document de civilisation. Aussi un sujet tel Señores y criados en La
Celestina ne devait pas donner prioritairement lieu à l’étude historico-littéraire d’une
stratification sociale remise en cause mais invitait à une analyse des procédés d’écriture qui
montrent les dysfonctionnements d’une société bouleversée non seulement dans son système
de représentation mais également dans l’assise même de ses valeurs aussi bien esthétiques
qu’éthiques. Dans le sujet Escribir la muerte en Cien años de Soledad, si liberté était laissée
au candidat de proposer un plan personnel qui prendrait en compte les visages multiples que
la mort emprunte dans le roman, il fallait bien insister sur les processus d’écriture ou de
réécriture d’un thème universel devenu central dans la fiction de l’œuvre. Il est donc
important de bien comprendre la lettre pour en libérer le champ de profondeur du sujet.
Toute leçon comporte une approche critique et commentée des termes, notions ou
concepts figurant dans le libellé du sujet. Elle est articulée autour d’un plan, structuré et
progressif, qui s’efforce de répondre à la question posée. Il faut, pendant les cinq heures de
préparation de la leçon, se demander -c’est la fonction même du doute méthodique-, si les
axes choisis ratifient pleinement ou non l’orientation imprimée au sujet. Pour ce faire, on
recommande au candidat de tirer la valeur démonstrative des arguments retenus de la
connaissance probante des œuvres et des questions au programme. Il n’est pas pertinent de se
perdre dans le maquis de la bibliographie. Il vaut mieux savoir sélectionner les éléments en
consonance avec les axes fédérateurs du sujet. De ce point de vue, ne jamais convoquer les
images littéraires attachées à la figure du valido pas plus que les représentions picturales
revenait à tronquer deux des trois médiations sollicitées par le sujet de la leçon. Négliger dans
la leçon Retórica y engaño en La Celestina, la scène 5 de l’acte IV ou les scènes 2 et 3 de
l’acte X, c’était considérablement appauvrir les techniques et les tactiques des mécanismes de
persuasion produits par l’écriture et la parole devant un auditoire, fût-il restreint. C’était, à
l’évidence, négliger l’adroit maniement des doubles sens faussement religieux mais nettement
érotiques, c’était passer à côté des joutes oratoires dans lesquelles Mélibée, brûlant de passion
amoureuse, rivalise d’intelligence et de ruse avec cette professionnelle de la parole pervertie
qu’est Célestine («sofística prevaricadora»). Qui trompe qui, en définitive, chacune des deux
connaissant parfaitement bien l’intérêt pécuniaire ou sexuel qui les anime?
49
ce propos, il est un usage de la citation qu’il convient de respecter. Celle-ci permet d’étayer le
cheminement d’une idée, à l’aide d’une auctoritas, d’un fragment ou d’un extrait. Mais elle
n’a pas vocation à masquer le vide ou l’indigence d’un raisonnement. On a remarqué, pour les
sujets de littérature, l’emploi de la citation fait par certains candidats. On a recours à la
citation dans un but d’illustration ou dans un but d’argumentation. Dans ce cas, on mentionne
la page et, si possible, le paragraphe. Les citations sont lues de façon expressive. Elles
correspondent à un passage nécessaire sans lequel la progression logique de la leçon resterait
incomplète.
La leçon, on ne le dira jamais assez, est un exercice du plus haut intérêt tant il se
révèle exigeant et probant. En effet, parce qu’il fait appel aux qualités d’expression, de
raisonnement et de structuration dans la transmissions des connaissances assimilées et
reproduites avec rigueur et clarté, le sujet de leçon offre au futur enseignant la possibilité
d’exprimer toute sa personnalité se marquant toujours dans le subtil équilibre que se doivent
d’entretenir le savoir scientifique et le savoir-faire pédagogique.
.
IV.2 Epreuve d’explication de texte.
Rapport établi par Mme Isabelle Rouane Soupault
.
Avant de procéder au bilan de l’épreuve d’explication de texte de la session 2010 et
d’envisager les perspectives du prochain concours, je voudrais préciser que les critiques et les
conseils de ces pages sont le fruit d’une expérience partagée et d’une réflexion commune.
Qu’il me soit permis de remercier tous les membres de la commission pour leurs contributions
à ce travail et, plus particulièrement, M. Reynald Montaigu et M. Philippe Meunier pour leurs
suggestions opportunes et leurs relectures efficaces.
A) Les chiffres
• Admissibles 90
50
Présents 88
Absents 2
Admis 40
• Moyenne des présents 04,70
Moyenne des admis 07,36
• Note maximale des présents 19
Note minimale des présents 0,5
Note maximale des admis 19
Note minimale des admis 0,5
<1 8 1
>=1 et <2 18 3
>=2 et <3 13 3
>=3 et <4 7 3
>=4 et <5 9 5
>=5 et <6 6 3
>=6 et <7 6 4
>=7 et <8 6 4
>=8 et <9 2 1
>=9 et <10 1 1
>=10 et <11 2 2
>=11 et <12 1 1
>=12 et <13 3 3
>=14 et <15 1 1
>=16 et <17 2 2
>=18 et <19 2 2
>=19 et <20 1 1
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ces cinq dernières années, si on le compare aux résultats des années antérieures : en 2008,
5,06 pour les présents et 7,58 pour les admis, en 2007, 4,83 et 7, 18 et en 2006, 6,70 et 9, 31
pour ces deux catégories. Ce constat est confirmé par le pourcentage (13%) relativement
faible et également inférieur à celui des années précédentes, des candidats ayant obtenu une
note égale ou supérieure à la moyenne (10/20). Seuls 12 résultats sont à inscrire dans cette
partie du tableau et cela corrobore les appréciations générales du jury pour cette session.
Les candidats ayant obtenu une note égale ou supérieure à 9/20 ont tous été assurés
du succès au concours. Néanmoins, même si cela rend les chances de réussite plus difficiles,
on observe que cette année, quelques candidats ayant obtenu une note basse (ou même, pour
quatre d’entre eux, très basse, puisque chiffrée entre 0,5 et 1,5) ont pu tout de même être
admis. Il faut considérer qu’il s’agit là de cas qui demeurent exceptionnels (10%) et que
cette réussite, en dépit de cette contre-performance à l’oral, est essentiellement due à leurs
bons résultats aux épreuves écrites : il serait dangereux de parier sur ce type d’équation qui
reste extrêmement aléatoire.
Le constat d’une baisse globale du niveau de l’épreuve ne peut être imputé à une
sévérité accrue du jury cette année, ou à des exigences différentes, puisque plusieurs
membres siégeant en commission d’explication de texte participaient également à
l’évaluation de cette épreuve au cours des trois sessions précédentes et que leurs critères
sont demeurés inchangés. L’appréciation de ce qui fait une explication de texte bien réussie
reste du domaine de l’objectivité : on en veut pour preuve que les bonnes prestations, tout
autant que les mauvaises, ont été jugées et évaluées de façon unanime par les quatre
membres des deux jurys concernés, sans donner lieu à aucun débat interne. Par ailleurs, il est
heureux de remarquer que 5 notes égales ou supérieures à 15/20 ont été attribuées, dont trois
entre 18 et 19/20, ce qui rend compte de l’enthousiasme éprouvé à l’écoute d’exposés qui
ont su allier la finesse de l’analyse et la qualité de l’expression par les membres d’un jury
tout disposés à récompenser généreusement les candidats qui ont su leur procurer un
moment de plaisir véritable.
Ces premières appréciations, en demi-teintes, nous amènent à penser qu’il peut être
utile, une fois encore, de rappeler aux candidats à venir, l’intérêt et l’importance de
l’épreuve d’explication de texte. Cet exercice, familier dans les formations scolaires et
universitaires françaises, est extrêmement révélateur des qualités tout autant que des défauts
des futurs enseignants, quelquefois exacerbés par les conditions de l’épreuve rendue ainsi
particulièrement discriminante. Il est, en effet, possible d’évaluer lors de l’écoute d’une
explication de texte, à la fois, l’aptitude à la communication et à la transmission des
connaissances, la qualité de l’expression en langue espagnole et l’acuité de la réflexion face
à un texte littéraire.
Il convient donc de préciser à nouveau ici les modalités de cette épreuve, non
seulement dans l’esprit d’un nécessaire bilan de la session écoulée, mais surtout dans la
perspective d’un apport utile pour les préparations à venir.
52
Avant tout commentaire spécifique sur les épreuves de la session 2010, on voudrait
rappeler aux futurs candidats combien il est important de se référer régulièrement, au cours de
l’année de préparation, aux rapports antérieurs dont la lecture attentive est particulièrement
utile et féconde. Il leur est donc vivement conseillé de se reporter aux rapports très complets
établis pour la session 2009 par Mme Evelyne Ricci, en 2008 par M. Karim Benmiloud et en
2006 par M. Olivier Biaggini, afin, par cette approche diachronique, de prendre toute la
mesure de cette épreuve fondamentale et de ses diverses exigences.
53
B) La méthode
La durée de la préparation est de 2 heures et le temps accordé au candidat pour son
exposé devant le jury est de 30 mn, au maximum. La bonne gestion du temps fait partie des
critères d’évaluation et, comme tous les autres aspects techniques de l’exercice, elle suppose
un entraînement régulier préalable pour être réellement maîtrisée. Quand le texte proposé est
un peu long, ou bien lorsque le candidat est averti qu’il ne lui reste plus que cinq minutes de
parole, il est important de savoir garder la sérénité et la lucidité nécessaires à l’élaboration
d’une sélection pertinente. Le jury ne pénalisera aucunement une explication non exhaustive
si les axes qui structurent le texte proposé sont convenablement développés, et il sera sensible,
en revanche, à la hiérarchisation des arguments et des exemples qui viendra démontrer les
qualités didactiques de l’exposé.
Cette première partie est suivie d’un bref entretien qui ne peut excéder 15mn. Il
s’agit pour le jury de faire préciser certains points abordés lors de l’analyse du texte, de
nuancer, de compléter ou de revenir sur certaines affirmations. Il est donc important de rester
disponible jusqu’au bout de l’épreuve afin de tirer profit de cette étape car l’expérience
prouve que certaines erreurs peuvent être corrigées ou qu’un candidat qui s’est fait mal
comprendre peut parvenir à convaincre, à ce moment-là, du bien fondé de son interprétation.
On voudrait rappeler également que le jury peut occasionnellement demander au
candidat de traduire un mot ou une phrase pour s’assurer que le sens littéral du texte a été bien
compris. Il faut donc savoir profiter de la mise à disposition d’un dictionnaire unilingue lors
de la préparation pour écarter tous les doutes et éviter ainsi d’éventuels contresens lourds de
conséquences.
Lorsque le candidat s’installe, le jury lui précise l’extrait du texte qu’il devra lire,
selon son choix, au moment le plus opportun. Il ne faut pas oublier cette étape. Le ton et la
justesse de cette lecture sont des éléments complémentaires utiles pour l’évaluation de la
prestation.
Lors de l’épreuve, outre le dictionnaire, le candidat dispose du texte photocopié sur
lequel sont signalées les pages de l’édition de référence. Cette année, et cela pour la dernière
fois, les candidats pouvaient également travailler avec l’ouvrage qui leur était prêté. Cette
disposition va changer à partir de la session 2011. En effet, le jury a regretté une tendance
malheureuse, chez certains candidats, à glisser de l’analyse de la page proposée vers une
approche panoramique de l’œuvre. Un mauvais usage du livre mis à leur disposition semble
les conduire à se perdre dans des anecdotes périphériques concernant les personnages ou les
motifs du passage, oubliant ainsi d’étudier les éléments concrets dont ils disposent dans le
texte à analyser. De plus, ils sont parfois mal influencés par des notes, souvent peu pertinentes
pour cet exercice et se laissent distraire ou désorienter au lieu de se concentrer sur la tâche
essentielle qui est, rappelons-le avec force, l’analyse du texte proposé.
Le candidat est libre d’opter pour une explication linéaire ou un commentaire
thématique. Il semble cependant que le premier choix soit souvent plus efficace et permette
une analyse plus complète du texte, en montrant ses articulations et en tenant compte des
effets d’échos et de symétrie. De plus, la nature même de certains textes peut orienter vers
telle ou telle façon de procéder : ainsi, cette année, l’extrait de Cien años de soledad (p. 373-
374) où étaient envisagés successivement, dans trois paragraphes, les trois personnages de
54
Fernanda, du colonel Aureliano Buendía et d’Amaranta, se prêtait fort mal à un commentaire
thématique.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que cette épreuve, si elle permet une évaluation
des capacités d’analyse littéraire et des connaissances des œuvres du programme autant que
de la culture générale qu’elle convoque différemment selon les passages à expliquer, demeure
avant tout un exercice de communication. Il faut impérativement éviter de lire ses notes et il
convient de ne considérer le brouillon que comme un support à la présentation orale : seuls
quelques passages importants peuvent y être rédigés et le reste ne doit laisser apparaître que
l’architecture de l’explication et les arguments majeurs qui seront à décliner. Il s’agit, pour le
jury, d’évaluer aussi un « faire savoir », une aptitude à transmettre les connaissances et à
convaincre un auditoire, autant de qualités indispensables à l’expertise pédagogique qui attend
les lauréats de ce concours de recrutement.
C) Le discours
Malgré le face à face forcément intimidant avec le jury qu’imposent les conditions
inhérentes à l’épreuve, l’exigence de qualité de l’expression en espagnol reste un critère
essentiel de l’évaluation. Il est normal d’attendre des candidats au niveau de l’agrégation une
réelle aisance dans la langue qu’ils ont pour ambition d’enseigner. La fluidité, l’authenticité,
la prononciation juste et cohérente (quelle qu’en soit l’origine géographique) et la maîtrise des
différents registres, tout en rendant l’écoute agréable, contribuent à faire mieux apprécier
l’exposé des idées et des arguments.
Certains candidats de la session 2010 se sont montrés excellents sur ce point et ont
permis au jury de savourer pleinement leurs prestations. Malheureusement, encore trop de
candidats ne parviennent pas à éviter de trop fréquents déplacements d’accent tonique ou des
répétitions de tournures plates et peu idiomatiques, ce qui ne peut que nuire à la performance
orale.
Sans dresser ici un catalogue fastidieux, on voudrait rappeler, à titre d’exemples,
quelques maladresses qui peuvent facilement être corrigées : on dira d’abord que le texte est
« un fragmento » et non pas un « extracto » ; de la même manière qu’on évitera d’appeler un
texte littéraire un « documento ». On se gardera d’amorcer chaque enchaînement par la
répétition systématique de « Tenemos », « Y luego hay » ou « Vemos », et d’abuser de
l’emploi malheureux de « El texto habla de… ».
Outre les hésitations lexicales et sémantiques, le jury a surtout sanctionné les erreurs
qui révèlent des failles plus graves : la méconnaissance de la morphologie verbale et des
règles syntaxiques de base notamment. Les solécismes et les barbarismes verbaux peuvent
coûter cher ! Une langue fautive est extrêmement pénalisante, comme cela est noté chaque
année et, malheureusement, en dépit des diverses mises en garde, on doit déplorer encore bien
des écarts au cours de la dernière session. Comment admettre qu’un futur professeur ignore la
spécificité de la diphtongaison (« *recordan », « *se acrecenta » « *los degollan »,
« *sembra ») ou des emplois du subjonctif (« como si *quería sugerir… ») ? Les fautes de
concordance de temps prouvent que certains candidats n’ont pas l’habitude de parler
régulièrement espagnol. Le jury a aussi déploré des conjugaisons fautives (« *expresía »,
55
« *que conduciera », « lo contradijó », « *se convertieron ») ou des constructions
inacceptables pour des candidats à l’agrégation (« *no… pero » au lieu de « no… sino » ou
« no… sino » + verbe avec omission de « que »). Un emploi inadéquat de certaines
prépositions alors que le régime verbal espagnol oblige à se conformer à un usage strict,
(« *comparar a » au lieu de « comparar con » très souvent entendu) a également donné
l’impression d’une approche peu rigoureuse de la langue.
De plus, il paraît important d’attirer l’attention des futurs candidats sur une tendance
générale à l’amalgame sémantique contre lequel il faudrait réagir au plus vite. Les candidats
doivent apprendre à nuancer et à choisir avec précision les termes qui conviennent à
l’expression de leur pensée. On regrette qu’ils subissent, sans distance critique et sans
discernement, l’évolution vers une généralisation hâtive souvent imposée par le discours
médiatique globalisant et réducteur. On apprécierait que les futurs professeurs sachent se
démarquer en s’exprimant avec rigueur et finesse. Pour illustrer cet aspect on ne citera que
deux cas de figure qui ont été clairement préjudiciables à la bonne intelligence des textes
concernés. Ainsi à propos de telle scène de La Celestina, on a entendu que l’amour de Calisto
pour Melibea était physique, sensuel, sexuel, charnel, érotique, obscène, romantique,
lyrique…ces termes furent livrés sans distinction ni hiérarchie, et, souvent, employés comme
des synonymes ce qui ne pouvait qu’induire des contre-sens. De même, l’impact de l’écriture
de Gabriel García Márquez fut-il qualifié indistinctement de comique, ironique,
humoristique, sarcastique ou burlesque sans que ces signifiants ne semblent correspondre
dans l’esprit du locuteur à des notions différenciées.
Pour conclure sur cet aspect, on déplore également trop d’anachronismes qui révèlent
une confusion conceptuelle qui ne peut être que sanctionnée. Il est surprenant d’entendre
qualifiée de « puro coqueteo » l’attitude de la jeune fille lorsqu’elle tente mollement de se
défendre des assauts de son galant, tiraillée entre l’urgence de son propre désir et son pudique
devoir de chasteté (on notera que le mot « recato » n’a jamais été entendu !). De même,
paraît-il bien maladroit de parler de « romantisme » à propos de telle réplique de Calisto ou de
Melibea alors que l’extrait proposé met en évidence le caractère passionnel et les enjeux
érotiques de leur relation amoureuse. Précisément, il fut particulièrement malvenu, à propos
de la scène 3 de l’acte XIX, de qualifier le jardin de Melibea de « tópico lírico romántico »
alors que les jeux polysémiques permettaient rapidement de comprendre qu’il s’agissait d’une
métaphore du sexe de la dame: « nunca huerto fue más visitado/ni noche más sin fatiga »
56
cours magistral ou une analyse critique derrière lesquels on cherchera à s’abriter en évitant de
penser par soi-même.
Il convient donc et avant tout de s’obliger à faire un relevé systématique des
éléments pertinents qui vont fonder l’analyse ultérieure : les occurrences et les
récurrences lexicales, les échos sémantiques et phoniques, les jeux allitératifs et les
paronomases, les rythmes amplifiés ou abrégés des phrases, les temps verbaux et leurs
variations, les irruptions du discours direct dans le récit, les polysémies et tous les autres
procédés qu’offre le texte dans sa matérialité. Ce n’est qu’à partir de ce travail préalable
que pourront être mises en lumière les idées dont l’extrait est porteur. Il ne s’agit pas non plus
de perdre de vue le texte dans son intelligence et de ne proposer en guise d’explication qu’un
inventaire sec et technique de procédés, dissocié de tout contenu. Le jury a évalué
positivement tous les exposés qui savaient montrer l’adéquation entre la lettre du texte et sa
signification. Savoir déceler une synesthésie ou pointer un oxymore ne suffit pas si on se
borne à un simple recensement: il convient d’en dégager la portée, comme dans l’étrange
processus de décomposition subi par le cadavre de Melquíades qui convoque tous les sens,
mêlant ainsi la fascination et la répulsion devant l’image décrite au plaisir des mots utilisés
pour l’évoquer : « […] ya el cadáver empezaba a reventarse en una floración lívida, cuyos
silbidos tenues impregnaron la casa de un vapor pestilente » (Cien años de soledad, p. 169).
Cela éviterait l’enfermement dans un objectif erroné qui a été préjudiciable à
beaucoup de candidats cette année encore. Il était maladroit d’envisager un axe comme le
dialogue fécond entre écriture et oralité alors que le texte extrait de Cien años de soledad
envisageait le rapport philosophique entre langage, mémoire et identité, et il fut
particulièrement malvenu d’évoquer l’humour de l’auteur colombien tout au long de
l’explication sur le passage décrivant la mort de Melquíades et la découverte de son cadavre
flottant au fil de l’eau… De même, fut-il totalement erroné de développer le motif du Tempus
fugit à propos du soliloque de Calisto (La Celestina, XIV, 7) alors que celui-ci, au contraire,
s’y lamente de la lenteur avec laquelle « el espacioso reloj » égrène les heures avant son
prochain rendez-vous amoureux ; ou bien encore, d’envisager dans le dialogue de la vieille
entremetteuse avec Sempronio (III, 1), un discours théorique sur l’art de chasser les
donzelles quand, au contraire, ce qui est énoncé, c’est le désir charnel insatiable de la femme,
et donc de Melibea et de Celestina elles aussi puisque, si toutes ces dames sont
« coxquillocicas », elles finissent généralement « muertas sí, cansadas no ».
D’une façon générale, on recommande la plus grande prudence dans l’usage des
concepts théoriques : il est toujours préférable d’éviter le jargon narratologique qui, s’il est
mal maîtrisé, rend l’analyse arrogante et maladroite. Une explication simple et une
terminologie adéquate montreront la finesse et l’humilité du candidat sans qu’il soit
nécessaire de s’abriter derrière des masques savants qui ne trompent personne. Dans le même
esprit, on ne gagne rien à citer systématiquement la bibliographie officielle et les points de
vue des critiques : il est beaucoup plus probant, au bout d’une année de préparation, de se
risquer, même avec modestie, à donner son point de vue personnel sur le sujet traité. Le jury a
valorisé les jugements, bien argumentés, qui faisaient la preuve d’un savoir maîtrisé et d’une
lecture personnelle et intelligente des œuvres.
57
Les deux écueils principaux des exposés entendus furent, comme bien souvent, la
tendance à la paraphrase et, plus rarement heureusement, à la dérive vers une analyse socio-
économique. Certains candidats ne parviennent pas à sortir du terrain anecdotique et se
contentent de redire le texte avec leur formulation propre, ce qui non seulement a pour effet
de l’aplatir ou de le banaliser mais en outre ne permet aucune interprétation symbolique.
On peut ainsi s’étonner que l’association insolite du syntagme « los escombros del
parto » (Cien años de soledad, p. 546) n’ait pas été perçue au-delà du tragique événement par
ailleurs déjà connu du lecteur. De la même façon, on comprend mal l’intérêt qu’il y avait à
développer les aspects de la nouvelle constitution adoptée par la Colombie en 1865 à propos
des ravages de l’insomnie hyperbolique des habitants de Macondo. Il était encore moins
opportun d’évoquer les détails du processus d’indépendance de la nouvelle nation latino-
américaine à propos des versions contradictoires sur le massacre de la gare et la dénonciation
de la fausse sacralité de la vérité officielle.
On a regretté également une lecture exclusivement sociale de certains passages de La
Celestina où la moindre mention de l’argent donnait lieu à un exposé sur les importants
changements sociaux de la société urbaine à la Renaissance, confondant ainsi les épreuves et
offrant au jury de l’explication de texte ce qui aurait pu être plutôt développé dans une leçon...
Quand la vieille femme s’exclame à l’adresse de Sempronio, « Cuando tú naciste, ya comía
yo pan con corteza », il est peu pertinent de proposer une justification de ses activités pour
échapper à la misère et à la famine : il eût mieux valu remarquer l’allusion implicite et
récurrente à ces dents, bien utiles certes pour mordre dans la croûte du pain mais qui, surtout,
le plus souvent dans l’œuvre de Rojas, renvoient au désir érotique. De telles digressions
laissent à penser que le candidat cherche à fuir le texte, qu’il réduit à la fonction de simple
prétexte, pour tenter de « caser » toutes les connaissances acquises sur la question ! Que dire
de tel développement sur les progrès technologiques en Amérique Latine à propos de
l’invention de José Arcadio Buendía qui avait conçu son « diccionario giratorio » pour garder
en mémoire « la totalidad de los conocimientos adquiridos en la vida » et ne voir dans cet
extraordinaire outil que l’ingénieux précurseur de nos ordinateurs actuels ? Dans ce même
extrait (p. 140), une perspective aussi réductrice empêchait forcément de s’interroger sur la
dimension poétique de l’écriture de García Márquez qui, quelques lignes auparavant
constatait l’état avancé de l’oubli collectif en affirmant que « una fecha de nacimiento
quedaba reducida al último martes en que cantó la alondra en el laurel ».
Dans les différents extraits des deux œuvres proposées à l’étude cette année, on
remarque que trop peu de candidats ont spontanément pensé à analyser avec profit les
espaces. Or, du village de Macondo à la maison de la famille Buendía, en passant pas la
chambre-atelier de Melquíades où aura lieu la révélation finale, il y avait, dans ces
enchâssements multiples, matière à de nombreux commentaires (p. 470-471 ou p. 546-547).
Dans La Celestina, et plus particulièrement dans la scène 2 de l’acte XIX, il fallait tenir
compte de la situation des personnages, à la fois dans et hors du jardin, double implantation
donnée à voir et à entendre au lecteur. Plus encore, il convenant de commenter, dans cette
même scène, l’installation insolite d’un Calisto, définitivement ramené à son statut dégradé de
« saltaparedes, fantasma de noche », et qui n’a plus de « caballero », que la posture concrète,
58
à califourchon sur le mur du jardin pour, à sa guise, épier et écouter chanter Lucrecia et
Melibea au lieu de se précipiter entre les bras de cette dernière....
En outre, il demeure plus que jamais nécessaire de rappeler que toute bonne
compréhension des textes littéraires des œuvres espagnoles et latino-américaines doit
s’appuyer sur une solide culture générale. Pour ne pas entrer dans un inventaire fastidieux, il
suffira de redire que les candidats doivent impérativement posséder les connaissances
élémentaires de la mythologie et de la Bible (Ancien et Nouveau Testament) : cela aurait
rendue plus aisée l’interprétation du « gallinazo », ce charognard posé sur le ventre de
Melquíades, prêt à dévorer le foie de cet autre Prométhée…Cela aurait aussi permis d’éviter la
surprenante déformation de la figure d’Ulysse en le présentant auprès de Pénélope comme le
modèle du mari casanier, ou, de façon encore plus évidente, de deviner plus vite l’allusion à la
mort et à la résurrection du Christ par la mention du délai des « tres días de sahumerios
mercuriales », indispensable au rituel préconisé par le vieux gitan pour ses funérailles.
Si ce rapport peut sembler parfois critique, il se veut avant tout constructif et n’a
pour objectif que d’apporter une aide concrète aux futurs candidats. Le jury espère que ceux
de la session 2011 en tireront le meilleur parti et leur adresse tous ses encouragements pour
l'année de préparation à venir.
1. Les chiffres :
Note minimale : 00.25
Note maximale : 17
Note minimale parmi les admis : 02
Note maximale parmi les admis : 17
Moyenne des 88 présents : 07.07
59
Moyenne des 40 admis : 09.30
Des 88 candidats présents, 18 ont obtenu une note égale ou supérieure à 10, c'est-à-
dire 20,4% des admissibles, contre 31,7% l'année dernière. Parmi les 40 candidats admis au
concours, seulement 15 ont obtenu une moyenne de 10 ou plus en explication linguistique. Le
jury constate une regrettable baisse dans les résultats obtenus par les candidats à cette
épreuve. L'objet de ce rapport sera par conséquent de signaler quelques défauts constatés par
les commissions de linguistique dans les prestations des candidats de cette année. Afin d'aider
les futurs candidats à mieux réussir cette épreuve, dont le coefficient reste important, nous
proposerons quelques pistes de travail.
2. Textes proposés :
60
La Celestina, p. 457, l. 12, depuis "Celestina (aparte)" jusqu'à la p. 459, l. 15,
"...Escúchala".
Lecture et traduction : p. 458, l. 5, depuis "Sempronio. Señor, mira..." jusqu'à p. 458, l.
11, "...bien tañer".
Phonétique évolutive : haldas, espejo.
La Celestina, p. 607, l. 13, depuis "Pleberio. ¡Ay, ay, noble muger!" jusqu'à la p. 609,
l. 8, "...mi desconsolada vegez".
Lecture et traduction : p. 608, l. 1, depuis "¡O gentes..." jusqu'à p. 608, l. 7,
"...presentes veo!".
Phonétique évolutive : pozo, hembra.
2) Gabriel García Márquez : Cien años de soledad, Madrid, Cátedra, 2004 (16e
édition)
Cien años de soledad, p. 86, l. 29, depuis "De su puño y letra..." jusqu'à la p. 88, l. 6,
"... como una naranja".
Lecture et traduction : p. 86, l. 29, depuis "De su puño y letra" jusqu'à la p. 87, l. 3, "...
experimentos".
Phonétique évolutive : letra, entera.
Cien años de soledad, p. 109, l. 6, "José Arcadio Buendía..." jusqu'à p. 110, l. 8, "... el
peso de la conciencia".
Lecture et traduction : p. 109, l. 28, depuis "El asunto fue clasificado" jusqu'à p. 110, l.
5, "... sino lástima".
Phonétique évolutive : noche, duda.
Cien años de soledad, p. 152, l. 27, depuis "Aureliano lo acompañó..." jusqu'à p. 153,
l. 33, "... en el zapato".
Lecture et traduction : p. 153, l. 15, depuis "Don Apolinar Moscote..." jusqu'à p. 153,
l. 20, "... los dedos extendidos".
Phonétique évolutive : palabra, derecha.
Cien años de soledad, p. 176, l. 6, "A pesar de que..." jusqu'à p. 177, l. 11, "... darle un
beso".
Lecture et traduction : p. 176, l. 25, depuis "Aureliano..." jusqu'à p. 177, l. 2, "...
ponérselo".
Phonétique évolutive : beso, brazo.
61
Cien años de soledad, p. 198, l. 3, "Usted no es liberal..." jusqu'à p. 199, l. 5, "-
¡Estalló la guerra!".
Lecture et traduction : p. 198, l. 16, depuis "Fue por esos días que..." jusqu'à p. 198, l.
22, "... con el suegro".
Phonétique évolutive : fecha, sobre.
3. Commentaires
Nous ne reprendrons pas ici l'explication détaillée de l'épreuve ni des conditions de
préparation. Nous renvoyons pour cela aux rapports des années précédentes, toujours
d'actualité, en particulier celui de l’année 2009. Nous étudierons les aspects sur lesquels le
jury souhaite attirer l'attention des futurs candidats et qui expliquent peut-être la baisse
constatée dans les résultats de 2010.
62
(l'édition de Russell n'offre qu'une occurrence de vos, complément: regisvos, p. 372); le
morphème verbale de la 2e personne de pluriel varie au présent entre la forme avec et sans
diphtongue : nombráys (p. 458), perdéys (p. 609), vs. tenés, p. 608, et à l'impératif, entre le
modèle de esperad (p. 414) et de ayudáme (p. 608). Il était enfin possible d'approfondir
certains des aspects linguistiques qui particularisent la Tragicomedia, comme par exemple, la
richesse diastratique de l'oeuvre, les différents registres de langue qui se superposent dans ce
texte, faisant coexister des expressions savantes, des latinismes (incusarnos, p. 474; senetud,
p. 459) avec des expressions populaires, des termes familiers (escallentar la vieja, quando
chiquito, p. 401), voire vulgaires (hideputa, p. 408).
Pour Cien años de soledad, un travail régulier sur le texte permettait de se familiariser
avec une prose littéraire contemporaine, s'écartant rarement de la norme pan-hispanique, avec
néanmoins la présence parfois de quelques traits de la variété colombienne ou, de façon plus
générale, américaine de son auteur. Ainsi, sur le plan morphosyntaxique, l'emploi du passé
simple au lieu du passé composé : ⎯¡Estalló la guerra! (p. 199); ou l'emploi prépositionnel
de l'adverbe dans donde Úrsula 'chez Úrsula' (p. 240); en syntaxe, on pouvait relever la
structure de focalisation fue por esos días que (p. 198) au lieu de fue... cuando; en sémantique
lexicale, on trouvait cargarla 'prendre dans ses bras' (p. 177), lanza cebada (p. 109), 'lance
qui a déjà servi à tuer un homme' de cebar : "Americanismo. Dicho de una fiera: Que, por
haber probado carne humana, es más temible", DRAE (22e édition, en ligne). En revanche, le
voseo, attesté sur la côte colombienne, n'apparaît jamais dans le roman. Contrairement à La
Celestina, où les expressions figées et les proverbes sont très abondants, Cien años de soledad
montre une utilisation restreinte de ce type de constructions. Il était dès lors particulièrement
intéressant de souligner l'apparition de la formule de su puño y letra, p. 86 ou de palabra de
honor, qui s'oppose, dans l'extrait, à palabra de enemigo, p. 153.
Soulignons enfin qu'un travail régulier sur les éditions recommandées pendant l'année
de préparation aurait également permis de repérer et d’interpréter correctement certaines
caractéristiques typographiques. Ainsi, dans le cas de Cien años de soledad, le dialogue peut
être indiqué par des guillemets, dans le paragraphe à la suite du récit ("Sólo le ponemos dos
condiciones", agregó, p. 153) ou par des tirets dans un nouveau paragraphe (⎯Palabra de
enemigo ⎯dijo José Arcadio Buendía, p. 153), mais il s'agit bien dans les deux cas du même
type de style direct. Dans La Celestina, comme pour tout texte ancien qui demande un travail
critique d'édition, la présence de l'éditeur est visible sur de nombreux aspects. Certains
candidats ont bien su tirer parti de la planche reproduite p. 270, montrant un ancien imprimé,
pour différencier la ponctuation moderne, oeuvre de l'éditeur Russell, de la ponctuation
utilisée dans les premières éditions.
Pour les textes au programme en 2011, nous recommandons par conséquent un travail
régulier prenant en compte la spécificité linguistique des oeuvres et de leurs variétés de
langue.
63
Nous illustrerons ces différents cas de figures avec quelques exemples des extraits
proposés en 2010 :
(a) la graphie de ningund (La Celestina, p. 436) appelait à s'interroger sur le choix de
l'imprimeur : on pouvait constater tout d'abord que la terminaison -nd n'est pas due à l'étymon;
ensuite, que le groupe final -nd n'est pas phonologiquement viable en espagnol du XVe siècle
et par conséquent le mot était prononcé [ningún]. Pour expliquer alors cette forme, on pouvait
proposer une extension analogique suivant le modèle de mots comme segund(o), où l'apocope
fait apparaître en position finale la séquence <nd>, prononcée [-n].
(b) sextante, experimento, experto (Cien años..., p. 86 - 87) : la graphie <x>
représente en espagnol une série de deux phonèmes /K + S/, réalisés phonétiquement en
position implosive [s] par la plupart des locuteurs. Cela répond à la structure phonologique de
la syllabe, puisque les consonnes ou groupes consonantiques en position implosive font
apparaître des archiphonèmes. Certains linguistes considèrent même que la réalisation
[ekspérto], [eksperiménto]... serait une hypercorrection d'extension récente. (Cf. estraños dans
La Celestine, p. 458). Dans l'extrait choisi, l'apparition récurrente de groupes consonantiques,
qui est aussi visible dans instrumentos, incógnitos, solemnidad, obéit à la caractérisation d'un
plan savant, technique, en rupture avec les activités courantes (las obligaciones domésticas)
de la famille.
(c) De nombreux exemples permettaient une analyse intéressante dans cette catégorie:
- en morphologie nominale, la différente formation de envolver (dérivé
déverbal à partir de volver) et de enredar (dénominal dérivé de red par parasynthèse) (Cien
años..., p. 240),
- en morphologie verbale, l'alternance estó, p. 436 / estoy, p. 437 (La Celestina,
p. 436 - 437); autres variantes morphologiques dans la formation des verbes : trayo (La
Celestina, p. 401); huygas (La Celestina, p. 458); la double forme du futur dans quexarme he
de la muerte et ¿Adónde hallará abrigo mi desconsolada vegez? (La Celestina, p. 608 - 609).
Nous faisons remarquer à propos de ces futurs qu'il s'agit d'un seul et même temps, où la
forme à tmèse (quexarme he) n'apparaît qu'avec le pronom complément (ici me). En dehors de
ce cas, seule la forme fusionnée était possible,
- en morphosyntaxe, le choix du temps verbal dans : la causa supe della; más
la he sabido por estenso desta su triste sirvienta (La Celestina, p. 607); l'expression de la voix
passive avec se (passive réfléchie) ou avec ser + participe dans : su actividad febril se
interrumpió y fue sustituida por una especie de fascinación (Cien años..., p. 87),
- en syntaxe, l'antéposition face à la postposition de l'adjectif dans una
apretada síntesis vs. las obligaciones domésticas (Cien años..., p. 86 - 87); la répétition ou
l'omission de l'article dans les syntagmes avec deux noms coordonnés : el uso y manejo vs. la
yuca y el ñame (Cien años..., p. 87); les différents types de subordination temporelle dans se
sorprendió al verla en la cocina, esperando a que salieran los bizcochos... (Cien años..., p.
241); place des auxiliaires dans recabdado deve haver (La Celestina, p. 459) par rapport à la
syntaxe moderne; complétives introduites par une conjonction ou à l'infinitif, par l'influence
du latin : Mejor será que tu presencia sea su primer encuentro vs. Y aún no somos muy
ciertos dezir verdad la vieja (La Celestina, p. 472),
- à cheval entre la syntaxe et la pragmatique, on aurait pu s'intéresser à la place
occupée par certains éléments dans la phrase, comme conséquence de leur pertinence
informative (thématisations, rhématisations, focalisations...) : Hija, destos dolorcillos tales,
más es el ruydo que las nuezes (La Celestina, p. 437); Difícilmente encontrarás otro hombre
como ese (Cien años..., p. 241); Fue esa la época en que adquirió... (Cien años..., p. 87).
(d) Double interprétation modale possible de la forme vamos (subjonctif présent ou
indicatif présent) dans : por que más encubiertos vamos (La Celestina, p. 472) et, par
conséquent, double interprétation possible de la subordonnée, finale, si on entendait un
64
subjonctif, ou causale, si on entendait un indicatif; valeur de la périphrase haber de + infinitif
dans : los niños habían de recordar por el resto de su vida la augusta solemnidad con que su
padre se sentó a la cabecera de la mesa (Cien años..., p. 88) : s'agit-il d'une simple variante
du conditionnel (recordarían)? d'une périphrase aspectuelle ou modale? Interprétation de
l'adverbe jamás dans No seas lisongero, como tu amo quiere, y jamás llorarás duelos agenos
(La Celestina, p. 472), où l'on peut entendre jamás avec le sens négatif contemporain de
nunca ou au contraire, avec le sens étymologique de ya más, siempre, comme dans ces vers
du Cancionero de Baena : Perdí mi marido, mi Rey, mi Señor, / assí que jamás bivré con
dolor.
Nous ferons une mention à part de la rubrique sémantique que les candidats ont trop
souvent tendance à négliger, alors que de nombreux éléments dans les textes se prêtaient à des
analyses pertinentes. Citons à titre d'exemple les très fréquents emplois métonymiques
permettant l'apparition de nouveaux sens dans des mots tels que albricias 'bonne nouvelle'
puis 'récompense donnée au porteur de bonnes nouvelles' (La Celestina, p. 457) ou brújula
(Cien años..., p. 86), du latin BUXIDA 'boîte', par un déplacement sémantique entre le
contenant et le contenu.
Il s'agit, en somme, de repérer les formes qui, dans le passage, donnent lieu à un
questionnement d'ordre, bien entendu, linguistique. Pour pouvoir expliquer, il faut d'abord
avoir rencontré une difficulté, un problème. Il semble donc utile de se poser des questions à
propos des formes à expliquer, sans quoi l'explication risque de tourner à vide (expliquer <
EX-PLICARE, littéralement, déplier ce qui est plié, qui présente une face cachée). Le jury est
très sensible à cette démarche linguistique : les candidats qui en 2010 ont été capables de
relever de véritables problèmes à partir des unités du texte ont toujours été notés avec
bienveillance, même lorsque leurs explications n'ont pas été convaincantes.
Si nous voulons donc rassurer les candidats, nous ne voudrions pas non plus les
leurrer: se poser des questions pertinentes à propos des formes linguistiques présentes dans un
texte implique une formation linguistique sur la durée, et plus intensément, sur toute l'année
de préparation. C'est parce que nous aurons réfléchi sur les principes de fonctionnement de la
langue, tels qu'ils ont été décrits par tel ou tel auteur, que nous serons en mesure de nous
interroger sur l'emploi particulier d'une forme précise, ou sur ce que le fonctionnement de
telle ou telle unité dans un texte concret nous apprend sur les principes de la langue. Le jury a
entendu cette année encore trop souvent un type d'exposé sur lequel il souhaite mettre en
garde : ne l'ayant pas trop sanctionné encore en 2010, il sera plus sévère à l'avenir sur les
exposés dont le texte n'est qu'un prétexte pour la récitation de telle ou telle théorie apprise par
coeur. Le candidat à court de temps peut être tenté pendant l'année de préparation de choisir
quelques topoï suffisamment récurrents dans la langue espagnole pour être sûr de "tomber"
sur ces sujets. Par exemple, il est vrai qu'on est à peu près certains de trouver les articles el et
un dans n'importe quel texte en espagnol, mais ceci ne justifiera pas forcément qu'on choisisse
cet aspect pour son explication, surtout lorsqu'on ne fait qu'illustrer une théorie apprise -et
parfois mal apprise-, si intéressante soit-elle. De même, il ne suffit pas de trouver un prétérit
fort dans un texte ou des cas d'enclise du pronom complément pour que le candidat se lance
dans de longs développements empruntés à tel ou tel linguiste.
En définitive, le jury aimerait encourager les candidats futurs en leur transmettant son
goût d'une discipline qui exige certes une étude rigoureuse des textes et de la bibliographie,
mais qui laisse aussi une place fondamentale à la découverte intellectuelle. L'explication
linguistique d'un texte est, comme certainement d'autres épreuves de l'agrégation, un exercice
d'équilibre entre la connaissance de la tradition académique et l'apport d'une réflexion
personnelle.
65
IV.4.1 Epreuve de catalan (option)
Rapport établi par M. Pierre GAMISANS
CATALAN
a/ Les chiffres
21 des candidats qui avaient choisi l’option catalan à l’oral ont été admissibles. 21 se
sont présentés à l’épreuve, 5 d’entre eux ont été admis. La moyenne générale des présents est
de 07,96 / 20; celle des admis est de 10,35 / 20.
>= 2 et < 3 3 0
>= 3 et < 4 1 0
>= 4 et < 5 2 1
>= 5 et < 6 2 1
>= 6 et < 7 3 0
>= 8 et < 9 1 0
>= 9 et < 10 1 0
>= 10 et < 11 1 0
>= 11 et < 12 2 1
>= 12 et < 13 1 0
>= 13 et < 14 2 0
>= 14 et < 15 1 1
>= 17 et < 18 1 1
b/ Textes proposés
c/ Remarques
66
Les conditions de l’épreuve: les candidats disposent d’une heure de préparation au
cours de laquelle ils ont à leur disposition un dictionnaire unilingue catalan. En revanche, ils
ne peuvent pas consulter l’œuvre au programme, seul le passage qu’ils doivent commenter
leur est remis sur une ou plusieurs feuilles selon sa longueur, où sont également indiqués les
passages à lire et à traduire. L’épreuve dure 45 minutes au maximum (temps de parole du
candidat : 30 minutes au maximum ; entretien avec le jury : 15 minutes au maximum).
La lecture, pour laquelle on rappellera que les modalités régionales sont admises, a
été trop souvent insuffisante ou médiocre. Trop de candidats ont ainsi perdu l’occasion de
prendre quelques points qui ont pu s’avérer précieux lors du décompte final pour ceux d’entre
eux qui ont mené à bien l’exercice. Pour un grand nombre, s’il est vrai que les règles de base
sont généralement connues, le défaut, voire l’absence de pratique de la lecture, handicape les
candidats. Le jury, qui n’ignore pas le temps limité imparti à la préparation de l’épreuve dans
nos universités, tient toutefois à attirer l’attention des préparateurs sur la nécessité de
consacrer régulièrement un espace minime à cet exercice dans le cadre de leur cours. Les
erreurs les plus courantes, en catalan oriental (barcelonais), modalité régionale la plus étendue
et généralement choisie par les candidats, sont les suivantes :
- les voyelles atones, notamment le « e » ou le « o » sont prononcées comme si elles étaient
toniques. A l’inverse le « o » tonique est parfois lu comme s’il était atone.
- la fermeture ou ouverture de « e » ou « o » toniques n’est pas restituée.
- les liaisons entre deux mots qui commencent et finissent respectivement par des voyelles
sont souvent mal négociées. On rappellera, à titre d’exemple, qu’un « e » ou un « a » atone en
début ou fin de mot, au contact avec une voyelle, tonique ou atone, d’un autre mot, s’amuït
[no (e)m diguis, cas(a) oberta].
-le « r » final des infinitifs qui s’amuït, sauf devant les pronoms enclitiques, est prononcé.
D’une façon générale les « r » finaux n’ont guère été bien négociés.
- le « s » sonore entre deux voyelles est prononcé sourd.
- le « ll » final n’est pas palatalisé.
- le « l·l » géminé, caractérisé par le point (punt volat ) entre les deux « l », n’est pas toujours
correctement rendu.
- le « t » final qui s’amuït après un « m » ou un « l » a été prononcé.
- le digramme « ny » est mal prononcé en position finale.
- confusion entre les prononciations du « x » et du digramme « ix » en position
intervocalique (examen / Eixample).
Un nombre appréciable de candidats ont fait une lecture non seulement correcte mais
expressive : ils en ont été récompensés.
La traduction avait pour objet des passages dont la texture narrative, à mi-chemin entre
poésie et réalisme, a souvent posé des problèmes de restitution en français plus que de
compréhension. Trop souvent, maladresses et néologismes ont gâché nombre de prestations et
ont révélé une préparation insuffisante. Ainsi donc la possibilité offerte aux candidats de
bénéficier d’un dictionnaire unilingue catalan pendant le temps de préparation de l’épreuve,
pas plus que l’existence, cette année, d’une traduction française de l’œuvre au programme, ne
doivent les inciter à se dispenser de faire l’effort de s’assurer que le sens de la totalité de la
lettre du texte leur est acquis et d’effectuer un travail spécifique sur les fragments dont la
restitution est la plus ardue.
67
Le commentaire implique certaines exigences que l’on rappellera : il convient de situer
précisément le passage proposé dans l’œuvre, ce dont les candidats se sont généralement bien
acquittés démontrant par là leur connaissance globale de la trame du recueil de récits au
programme cette année. Certains n’y sont cependant pas parvenus faisant ainsi étalage d’une
préparation insuffisante que la suite de leur exposé n’a fait que confirmer et accentuer. Les
connaissances sur l’œuvre et sur l’univers culturel dans lequel elle s’inscrit, nécessaires,
doivent aider les candidats dans leur analyse mais en aucun cas la remplacer ou les conduire à
une lecture monolithique et aprioriste faisant bon marché de la singularité du passage proposé.
On leur conseillera également de contrôler leur discours aussi bien quant à son contenu qu’à
sa forme : il faut avoir une bonne maîtrise des termes – techniques notamment- que l’on
emploie et il convient de s’exprimer dans un français lexicalement, syntaxiquement et
phonétiquement (problème des liaisons parfois mal négociées) correct et si faire se peut,
élégant. D’autre part on ne perdra jamais de vue que l’interprétation du passage soumis à la
réflexion du candidat doit se construire sur l’analyse la plus serrée et rigoureuse possible de ce
qui constitue la matière même de l’objet à analyser, à savoir l’écriture sous ses multiples
aspects (lexique, syntaxe, etc.). On veillera aussi à mettre en rapport, à articuler les différentes
observations – toujours justifiées par l’analyse de texte – afin de proposer au jury une
interprétation globale, claire et cohérente. Celui-ci a pu récompenser les candidats qui se sont
approchés de l’objectif que l’on vient de décrire, mais trop de prestations sont restées
superficielles et imprécises dans leurs analyses et dans le maniement des termes utilisés pour
les mener à bien : insuffisante attention portée à la lettre du texte, lexique rhétorique mal
maîtrisé, sens erroné de certains concepts employés, erreurs d’interprétation du fait d’une
compréhension déficiente de la lettre du texte… Telles sont les carences le plus fréquemment
relevées.
1) Les chiffres
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Sur les 90 admissibles à l’oral de la session 2010 du concours de l’agrégation externe
d’espagnol, on comptait 24 latinistes, soit 26,67% de l’effectif, c’est-à-dire un accroissement
par rapport au pourcentage de la session précédente (21,15%), ce qui correspond à la situation
constatée lors de la session 2008 où le latin avait été choisi par 26,4% des candidats
admissibles. Comme cela avait été relevé les années antérieures, les chiffres sont cependant
trop petits pour que l’on puisse fonder une analyse fiable des tendances. On se contentera
donc de noter que le nombre des latinistes oscille, bon an mal an, entre 20 et 25 % des
admissibles. En réalité, et pour être scrupuleusement exact, il faudrait ramener ces chiffres
non pas à l’effectif théorique des admissibles mais à l’effectif des présents puisque 2
candidats (non latinistes) ont choisi de ne pas passer les épreuves orales. Les données sont
donc modifiées en ce sens, et on obtient alors un pourcentage de latinistes de 27, 27%, ce qui
représente une augmentation de plus de sept points par rapport au chiffre corrigé de la session
précédente (19,8%). Comme le montre le tableau ci-dessus, 14 candidats latinistes ont réussi
au concours, soit 58,33% de l’effectif de cette option mais aussi 35 % des lauréats, ce qui
représente un net progrès par rapport à la session précédente (22,9% des admis en 2009). Bien
évidemment, il faut tenir compte, avant que de tirer des conclusions de ces chiffres, de l’effet
purement mécanique de la diminution régulière des postes offerts au concours alors que le
nombre des latinistes admissibles se maintient depuis des années entre 20 et 25. Cependant, et
cela se vérifie depuis longtemps, il semble que les latinistes aient tendance à mieux réussir au
concours. Il n’y a aucun mystère là-dessous : la formation “classique” acquise au long des
années d’études littéraires porte ses fruits au moment du concours qui est l’aboutissement du
parcours. En outre, on remarquera que la moyenne par épreuve est, pour le latin, supérieure
aux autres matières d’option puisqu’elle est de 9,19 pour les présents et de 11,29 pour les
admis. C’est dire que si l’on ne s’improvise pas latiniste au moment de l’agrégation, on a
cependant tout intérêt à raviver ses souvenirs, aussi lointains et confus puissent-ils être. Car,
s’il est vrai que l’épreuve d’option ne donne pas à elle seule l’agrégation, elle peut contribuer
efficacement à faire pencher la balance du bon côté. Pour en terminer avec ces données
chiffrées, on se contentera de souligner que la majorité des latinistes (11 sur 14) obtient une
note qui va d’honorable à excellent (entre 8 et 18), preuve que l’on peut, avec un travail
sérieux et régulier, obtenir de bons résultats.
3) Le déroulement de l’épreuve.
À partir de la session 2011, l’épreuve d’option est modifiée comme suit:
« L'épreuve se déroule en deux parties. La première partie est notée sur 15 points, la seconde
sur 5 points (durée de la préparation [avec dictionnaire]: une heure et dix minutes; durée de
l'épreuve : une heure et cinq minutes maximum ; coefficient 2).
Première partie: explication en français, au choix du candidat, d'un texte portugais, catalan ou
latin inscrit au programme. L'explication est suivie d'un entretien en français (explication:
trente minutes au maximum ; entretien : quinze minutes maximum).
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Seconde partie: interrogation en français portant sur la compétence « Agir en fonctionnaire de
l'État et de façon éthique et responsable » (présentation: dix minutes ; entretien avec le jury :
dix minutes).
Le candidat répond pendant dix minutes à une question, à partir d'un document qui lui a été
remis au début de l'épreuve, question pour laquelle il a préparé les éléments de réponse durant
le temps de préparation de l'épreuve. La question et le document portent sur les thématiques
regroupées autour des connaissances, des capacités et des attitudes définies, pour la
compétence désignée ci-dessus, dans le point 3 «les compétences professionnelles des
maîtres» de l'annexe de l'arrêté du 19 décembre 2006.
L'exposé se poursuit par un entretien avec le jury pendant dix minutes. » (JORF n°0004 du 6
janvier 2010)
70
Il faut aussi penser à faire une lecture expressive car l’épreuve de latin est aussi une épreuve
littéraire : avant d’être une source inextinguible de contresens et autres faux-sens, le fragment
proposé est une partie d’un texte, c’est-à-dire une œuvre qui recèle des caractéristiques
littéraires que l’on devra mettre en lumière dans la partie commentaire.
b) La situation du texte : le fragment qui est proposé aux candidats doit être replacé
dans l’économie globale de l’œuvre, c’est le gage d’une bonne connaissance du texte mais
c’est aussi une nécessité car le fragment choisi s’intègre dans un ensemble qui a sa logique et
que l’on se doit de retrouver. Cependant, dire en préambule que le texte est tiré, par exemple,
de l’œuvre de Suétone, Vies des douze Césars, livre VI, lequel retrace la vie de Néron n’a
aucune utilité puisque c’est le texte au programme et que le jury est parfaitement au courant
de la chose. Ce qui importe, c’est de remettre le fragment en perspective à l’intérieur du livre
VI pour Suétone et à l’intérieur de son églogue pour Virgile.
c) La traduction: précision, justesse, correction du français et élégance de la langue
doivent être les maîtres mots de l’exercice. En effet, une traduction doit être exacte car c’est
bien la moindre des choses que d’être fidèle à ce qui a été écrit dans une autre langue. Quant
au « rendu », il ne faut pas se contenter, comme cela a été trop souvent le cas, de faire du
« petit latin », qui n’est qu’un travail préparatoire. Le jury attend une traduction achevée,
aboutie, c’est-à-dire exprimée dans un français correct qui soit conforme au ton et au registre
du texte latin. Les diverses traductions officielles peuvent aider à trouver des solutions, mais
en aucun cas, il ne s’agit d’un exercice de récitation. Certains candidats de la session 2010 ont
voulu tenter l’expérience, mal leur en a pris lorsque des questions spécifiques sur la
construction de la phrase leur ont été posées. Le jury attend du candidat latiniste qu’il soit
capable de donner une version personnelle du texte qu’il a sous les yeux. C’est sa
compréhension du texte qui est jugée et non pas celle de tel ou tel traducteur, si bon fût-il.
Dernier point à rappeler: il faut traduire le texte en reprenant les groupes de mots signifiants
du latin, ce qui permet au jury de mesurer la connaissance de la syntaxe qu’a le candidat.
d) Le commentaire: c’est souvent, ainsi que cela a été répété depuis bien des années, la
partie faible de la prestation de nombre de candidats. En effet, leur attention et leur énergie
ont été consumées par la traduction et il ne leur est resté que fort peu de temps à consacrer aux
spéculations littéraires et stylistiques. Pourtant, il faut être capable de dégager le mouvement
du texte, de s’interroger sur telle ou telle figure de rhétorique, de relever une isotopie
particulière… Les œuvres proposées sont de grands textes de la littérature latine et ils méritent
qu’on les traite comme tels. On ne se contentera donc pas de quelques remarques souvent
paraphrastiques et, par là, totalement dépourvues d’intérêt. Un point est à relever: la
méconnaissance totale de la part de certains candidats des figures de rhétorique les plus
communément employées, ce qui est, on en conviendra, fort dommageable lorsqu’on étudie la
littérature classique. Enfin, on a pu constater que les candidats avaient, dans leur grande
majorité, fait l’effort de parfaire leurs connaissances historiques sur la période considérée.
Mais si ces informations sont utiles, il ne sert à rien de vouloir les restituer coûte que coûte
devant le jury. Une précision historique n’a d’intérêt que si elle sert la compréhension du
texte, faute de quoi, on verse bien vite dans la cuistrerie.
e) La reprise : là encore, c’est un point que négligent, à tort, les candidats. L’épreuve
ne finit pas avec le point final apporté à l’exposé: il reste encore un moment pendant lequel le
jury cherche à approfondir ce qui a été dit ou à rectifier les erreurs qui auraient été commises.
Il est navrant de voir certains candidats reculer devant ce dernier obstacle. C’est faire preuve
d’un manque de combativité des plus malencontreux. Faudra-t-il le redire? Le moment de la
reprise est capital car il permet d’apprécier la capacité du candidat à prendre du recul vis-à-vis
de son propos. C’est pourquoi, il faut garder toute sa concentration afin d’être capable
d’avancer les arguments qui feront de cette partie de l’épreuve un vrai moment de débat. On
n’imitera donc pas ces candidats qui, interrogés sur le fait de savoir si le portrait de Néron
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proposé par Suétone correspondait à ce que l’on peut appeler « l’idéal romain », se
contentèrent de répondre « non » sans pouvoir justifier leur réponse en s’appuyant sur l’extrait
qui leur avait été proposé.
Ces quelques conseils sont, on en convient, difficiles à mettre en œuvre car le latin
n’est qu’une partie d’un concours exigeant et la tentation est grande de privilégier d’autres
matières. Ceux qui auront le plus de chances de réussir seront ceux qui auront su trouver le
juste équilibre dans leur préparation. Mais la perspective de travailler un des monuments de la
littérature latine, et sans doute universelle, devrait allécher les candidats qui considèreront les
moment consacrés au latin non pas comme de graves périodes de labeur mais comme des
récréations poétiques.
Les chiffres
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ayant obtenu une note supérieure ou égale à 10/20, la moyenne des présents était de 7,65/20,
et celle des admis de 9,02/20. Il semblerait donc que les candidats aient cette année quelque
peu négligé l’épreuve d’option de Portugais, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Textes proposés
Sept extraits de l’œuvre de l’auteur timorais Luís Cardoso, Crónica de uma travessia
(Lisboa, Publicações Dom Quixote, 2a edição, 1997) ont été proposés aux candidats. D’une
longueur variant entre 42 et 47 lignes, ils ont été soumis aux candidats dans un ordre
aléatoire :
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Lecture et traduction de “Fui ao aeroporto” à “antes de embarcar”.
Déroulement de l’épreuve
• Une prononciation du e atone, qui doit être prononcé [i] en portugais du Brésil et
prononcé muet (et non labialisé) en portugais du Portugal.
• Une prononciation [o] du o atone prononcé [u] en portugais du Portugal.
• Une prononcation [e] de la conjonction de coordination « e » (et).
• Des erreurs sur la prononciation de la diphtongue « ou », à prononcer [o], ou sur la
prononciation de la diphtongue « au », à prononcer [au] et pas [o] .
• Des erreurs sur la prononciation du s et du z intervocaliques, à prononcer [z].
• Des confusions sur la prononciation des diphtongues nasales « ão », « ãe » et « õe ».
• Une prononciation « à la française » du m final, alors que celui-ci indique la
nasalisation de la voyelle qui le précède.
• Un chuintement du s final ou du s suivi d’une consonne souvent aléatoire ou absent,
alors que le candidat a choisi la norme portugaise.
• Des confusions entre la prononciation du r initial ou des deux r dans un mot et la
prononciation du r intervocalique ou final.
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Remarques concernant la traduction
Concernant l’explication, on peut tout d’abord noter que, dans l’ensemble, les
candidats sont parvenus à situer correctement les passages à expliquer dans l’œuvre. On a
cependant pu relever quelques erreurs d’interprétation majeures, parfois même fantaisistes,
témoignant d’une méconnaissance de l’ouvrage, ou d’une lecture inattentive de l’extrait à
expliquer.
Mais il convient surtout de repréciser ici que le jury attend du candidat une véritable
explication de texte. Si le candidat a le choix de la méthode à adopter, comme nous l’avons
déjà indiqué, il lui est demandé d’ « entrer » véritablement dans le texte et de l’analyser en
profondeur. Or, dans nombre de cas, les candidats n’ont proposé que ce que l’on pourrait
considérer comme une lecture du texte, et non une explication. L’exposé est alors
extrêmement imprécis, repose sur des généralités (le candidat tentant de faire allusion à
d’autres passages de l’œuvre, au lieu de commenter l’extrait), ou n’est que pure paraphrase.
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Rappelons que le candidat a tout avantage à se placer résolument en situation
d’empathie par rapport à un texte qui a été minutieusement choisi, et qui a donc forcément un
intérêt, intérêt qu’il convient de déceler et de communiquer au jury. Au lieu de cela, celui-ci
se trouve trop souvent confronté à des explications plates, au cours desquelles le candidat ne
montre que très peu d’intérêt pour le passage sélectionné. On n’attend certes pas une euphorie
hors de propos, mais unpeu d’enthousiasme ne peut que servir le candidat. Il convient en effet
d’avoir bien en mémoire que l’agrégation est un concours de recrutement de professeurs,
c’est-à-dire de personnes devant être dotées, non seulement d’un savoir, mais aussi de
compétences de communication, afin de pouvoir transmettre des contenus.
Ainsi, si de toute évidence certaines explications trop légères sont dues à une
méconnaissance de la langue portugaise, le jury peut par ailleurs légitimement être amené à
s’interroger sur le degré de motivation de certains candidats, au cours de l’épreuve d’option.
Il est enfin bien évident que le candidat doit utiliser dans son explication une
terminologie adéquate, et veiller à la clarté et à la correction de son expression en français.
Précisons enfin qu’il est fondamental que le candidat considère la phase de reprise
comme un moment d’échange avec le jury et se montre ainsi réceptif et enclin au dialogue. Il
est bon de répéter ici que le jury est bienveillant et ne pose en aucun cas de questions
« pièges ». Les interrogations soulevées par ce dernier sont donc dans l’intégralité des cas
légitimes, et le candidat ne peut qu’améliorer sa prestation en y répondant avec la plus grande
rigueur.
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