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Gestion Active Des Eaux (Suite) : Gestion Intégrée Des Ressources en Eaux Souterraines: Cas de La Plaine Du Cap Bon

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Gestion active des eaux (suite)

DOI 10.1051/lhb:2008052

Gestion intégrée des ressources en eaux souterraines :


cas de la plaine du Cap Bon

Integrated Management of the Ground Water Resources


A case study in the Cap-Bon plain in Tunisia
Noureddine GAALOUL
Institut National des Recherches en Génie Rural Eau et Forêts (I.N.R.G.R.E.F)
Rue Hédi Karray, B.P.10- 2080 Ariana TUNISIE
Tél : +216 98 435 772, Fax : +216.71.717.951, e-mail : gaaloul.noureddine@iresa.agrinet.tn

L
a disponibilité des ressources en eau dans les régions côtières est très affectée par l’intrusion marine dans les
systèmes aquifères. En effet, durant les périodes de sécheresse prolongées et pour des opérations excessives
de pompage, l’équilibre naturel de la surface piézométrique se trouve perturbé favorisant l’intrusion marine.
Une gestion rationnelle de l’exploitation des ressources en eau de ces régions est indispensable afin d’éviter la
dégradation de leur qualité. L’objectif de ce travail est d’élaborer, à l’usage des gestionnaires et des organismes
de développement tunisiens, un outil informatique qui permet à la fois une gestion Intégrée des ressources en eau
à l’aide d’un Système Informatisé (GIS-HIS) et d’autre part, d’élaborer une méthodologie d’étude des ressources
en eau des régions côtières tant du point de vue quantitatif que qualitatif. La validation de cette méthodologie sera
faite pour le cas des nappes de Grombalia et de la côte orientale.
Cette étude concerne la planification du développement de la ressource en eau souterraine dans des aquifères côtiers.
Le problème de la gestion multi-objectifs est traduit sous la forme d’un modèle non-linéaire et combinatoire non-
convexe, et est résolu par une approche couplée de simulation-optimisation. SEAWAT, modèle d’écoulement et de
transport souterrain prenant en compte la densité de l’eau, est utilisé pour simuler la dynamique de l’intrusion marine.
Ces méthodes ont été appliquées, à la modélisation du bassin versant du Cap Bon, en utilisant les données hydro-
logiques et hydrogéologiques les plus récentes (1960-2005). Les hypothèses élaborées, suivies par la construction et
le calage des modèles, sont définies. La cartographie des données piézométrique et de salinité, l’interprétation des
résultats, l’identification de l’impact de l’état actuel de la nappe sur l’agriculture, la détermination de l’origine de
la détérioration localisée de la nappe de Grombalia et le calage des données par le modèle SEAWAT nous ont servi
à la recherche d’un scénario de gestion optimale de la nappe. Les fluctuations piézométriques et l’évolution de la
teneur en sels de la nappe côtière, ont permis la mise en évidence la dégradation du potentiel de la nappe tant sur
le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. La salinisation de la nappe côtière provient essentiellement de l’intru-
sion marine par le phénomène de biseau salé, de la lithologie de l’aquifère formées par des sols salés et les eaux
d’irrigation résultant de la forte productivité agricole.

A
numerical model that treats density-dependent variably saturated flow and miscible salt transport is used to
investigate the occurrence of seawater intrusion in Cap Bon coastal plain of north-eastern Tunisia. We examine
the effects of and interplay between pumping, artificial recharge, soil/aquifer properties, and the unsaturated
zone. This study examines an approach for planning groundwater development in coastal aquifers. The seawater
intrusion is controlled through a series of barrier extraction wells. The multi-objective management problem is cast
as a non-linear, no convex combinatorial model and is solved using a coupled simulation-optimisation approach. A
density-dependent groundwater flow and transport model, Ground Water Vistas is used for simulating the dynamics of
seawater intrusion. The Simulated Annealing algorithm is used for solving the optimisation problem.
The data processing steps undertaken in this study are briefly de-scribed, and a critical assessment is given of
the data avail-ability and of the requirements for successful monitoring and modelling of seawater intrusion risks
in heavily exploited coastal aquifers such as those found in the semi-arid regions of the Mediterranean basin. An
idea of the extent of over-exploitation of the Grombalia and Oriental Coastal aquifers is obtained by examining the
pumping and rainfall/infiltration data, and the simulation results support groundwater pumping as the mechanism
for and seawater intrusion as the origin of the salt contamination observed in the soils and subsurface waters of the
Grombalia and Oriental Coastal aquifers.The physical characteristics of the coastal aquifer of the Cap Bon in the
North of Tunisia, were determined by using GMS software MODFLOW Code. This was helped in the quantification
of the aquifer inflows and discharges as well as to the aquifer sustainability management, especially in the interac-
tion between the Upper and Lower Aquifers for the area. The utility of the study is demonstrated through a trade-off
curve between prioritising groundwater development and controlling seawater intrusion at desired levels.

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Article published by SHF and available at http://www.shf-lhb.org or http://dx.doi.org/10.1051/lhb:2008052
Gestion intégrée des ressources en eaux souterraines : cas de la plaine du Cap Bon

I n Introduction les années sèches. Le surplus des eaux de surface des années
humides peut compenser, par une recharge artificielle, la
La Tunisie demeure un pays aride à semi-aride sur les surexploitation des nappes phréatiques durant les années
¾ de son territoire. Elle se caractérise par la rareté de ses sèches et éviter ainsi toutes les retombées négatives qui
ressources en eau et par une variabilité accentuée du climat découlent de toute baisse du niveau piézométrique de ces
dans l’espace et dans le temps. L’eau est un facteur essentiel nappes et de la dégradation de leur qualité.
pour le développement du secteur agricole, industriel et tou- Le recours à des ressources en eau non conventionnelles,
ristique et vital pour l’alimentation en eau potable. Le main- les eaux usées traitées (EUT) et les eaux salines deviendront
tien de la croissance économique reste tributaire du facteur de plus en plus obligatoires surtout lorsqu’il y a une pénurie
eau qui est cependant un facteur limitant et limité. La Tuni- installée et les problèmes de restrictions d’offre. L’objectif
sie se place dans la catégorie des pays les moins dotés en global de la gestion intégrée des ressources en eau est la
ressources hydriques dans le bassin méditerranéen. En effet, capacité d’exploiter l’eau provenant d’une source quelconque
pour une population de dix millions d’habitants, la dotation destinée à une utilisation quelconque sans avoir à respecter
moyenne par habitant et par an est estimée à 450 m3. une origine précise. Dans le but d’atteindre cet objectif, il
La Tunisie reçoit en moyenne un volume d’eau de 36 Mil- est nécessaire de mettre en place une qualité consistante et
liards de m3 de précipitations annuelles alors que le potentiel acceptable pour des utilisations diverses.
en eau est de 4,6  Milliards de m3  : 2,7  Milliards de m3/ L’aboutissement de la gestion intégrée repose sur deux
an (58  %) représentent les eaux de surface et 1,9  Milliards faits :
de m3/an (42  %) vont alimenter tous les ans les nappes qui La convergence économique (développement des structu-
constituent les ressources renouvelables en eaux souterrai- res de la demande, mise à disposition et tarification) de la
nes. Les nappes souterraines constituent une part impor- gestion des ressources alternatives.
tante des ressources en eau du pays (43  %), dont à peu près
Les investissements dans les infrastructures nécessaires
1/3 proviennent des nappes phréatiques. Les ressources en
(transfert et distribution, traitement, recharge des nappes,
eaux souterraines sont estimées à 2  100  millions de m3 par
etc.) et les moyens de gérer les systèmes intégrés.
an, réparties en 700  millions de m3 par an provenant des
La conservation qualitative et quantitative des ressources
212  nappes phréatiques et 1  400  millions de m3 par an pro-
en eau et des écosystèmes devient d’une importance cruciale.
venant de 267  nappes profondes dont 650  millions sont non
L’exploitation des ressources en eau aura inévitablement des
renouvelables [1].
effets négatifs sur les écosystèmes. La stratégie devra trouver
La confrontation entre les ressources et les besoins, qui
les mesures adéquates à prendre pour réduire la pollution
croissent d’une année à l’autre, fait apparaître un déficit.
des cours d’eau, des nappes et du littoral par toutes sortes de
Pour combler ce déficit, une stratégie s’articulant sur la
polluants et évaluer les coûts
recherche de ressources non conventionnelles et l’économie
de l’eau a été adoptée. Cette stratégie comporte essentielle-
ment la réutilisation des eaux usées et traitées, la réutilisa-
tion des eaux de drainage, le développement des techniques II n Contexte hydrogéologique de la
d’économie d’eau (eau potable et irrigation) et le transfert péninsule du Cap Bon
de l’eau.
En Tunisie, l’agriculture consomme 80  % des ressources La région du Cap Bon, située dans le Nord Est de la Tuni-
en eau. Les 20 % restant sont réparties entre l’usage domes- sie (Figure  1). Le gouvernorat de Nabeul, qui correspond
tique, collectif, industriel et touristique. Seuls 70 % des eaux géographiquement à la péninsule du Cap Bon, se présente
disponibles sont de bonne qualité et présentent une salinité comme une région de plaines, de bas plateaux et de collines,
inférieure ou égale à 1,5 g/l. dominées par des reliefs montagneux.
La variation climatique entre le Nord et le Sud permet de On distingue six nappes phréatiques principales :
distinguer suivant le cadre pluviométrique une inégalité de La nappe phréatique de Grombalia  : au Sud-Ouest, la
la répartition spatiale et temporelle entre les saisons. Cette nappe de Grombalia, sur un triangle de côtés Bou Argoub
répartition inégale des eaux de surface entre le Nord et le – Grombalia – Soliman et Bou Argoub – Menzel Bouzelfa –
Sud est en relation étroite avec le climat. embouchure de l’oued Bezirk. La surexploitation de la nappe
La Tunisie est parmi les pays le plus pauvre en matière a lieu surtout sur la partie orientale de celle-ci, avec en
de ressources en eau. En Tunisie, la pression croissante sur 50  ans une baisse du niveau de 12  à 14  m. La nappe est de
les ressources en eau provoque une dégradation des nappes bonne qualité sur ses bordures est et ouest, où la salinité est
souterraines (une surexploitation des réserves en eau (baisse faible (<  2  g/l). Dans la partie centrale, correspondant à la
des niveaux piézométriques) et une détérioration de l’envi- vallée de l’oued El Bey, la qualité de la nappe est médiocre
ronnement (dégradation de la qualité chimique des eaux des avec une salinité égale à 5 g/l [2].
nappes les plus vulnérables, telles que les nappes côtières). La nappe phréatique de la côte orientale  : à l’Est, la
L’examen attentif de la situation des nappes en libre accès et nappe de la côte orientale, sur la bande côtière de terrains
de leur gestion actuelle s’impose. quaternaires et pliocènes sableux entre Kélibia et El Maa-
Etant donné que les eaux de surface se distinguent par moura. Cette nappe est très affectée par une surexploitation
l’aspect hautement aléatoire, le stock disponible des nappes au nord de Korba, entre Diar El hajjaj et Lebna, où il y a
souterraines peut accroître substantiellement l’offre durant une invasion marine. Dans cette zone la cote de la nappe,

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Gestion active des eaux (suite)

jusqu’à 5  km à l’intérieure des terres, est inférieure au zéro III n La gestion actuelle des nappes
de la mer (cotes -4/-5), et la salinité de l’eau est comprise phréatiques au Cap Bon
entre 5 et 8 g/l [3].
La nappe phréatique d’El Haouaria  : au Nord, la nappe En raison du rôle modérateur des nappes dans la gestion
d’El Haouaria, correspondant à la plaine entre les reliefs du intégrée des ressources pendant les périodes de sécheresse,
Miocène, en travers de l’extrémité nord du Cap Bon, qui l’Etat a essayé de développer les ressources des nappes et
s’ouvre à l’ouest et à l’est sur la mer. La surexploitation d’améliorer leur qualité chimique par l’instauration des péri-
a entraîné une baisse de plusieurs mètres du niveau de la mètres de sauvegarde et d’interdiction et par le développe-
nappe (jusqu’à plus de 5  m) et une modification des écou- ment des opérations de recharge artificielle et des travaux de
lements souterrains par rapport à ce qu’ils étaient dans les conservation des eaux et du sol.
années  70. La nappe est rechargée de manière artificielle Des périmètres de sauvegarde peuvent être définis sur des
sur sa bordure sud-ouest à partir des lâchers du barrage col- nappes lorsque « le taux et la cadence d’exploitation des
linaire de Melloul. Cette recharge qui représente 0,2  % n’a ressources existantes risquent de mettre en danger la conser-
qu’un impact très faible et très localisé sur la nappe. Sur les vation quantitative et qualitative des eaux ».
bordures sud et nord de la plaine la nappe est de bonne qua- Des périmètres d’interdiction peuvent être créés dans les
lité avec une salinité faible de l’ordre de 1 g/1. Au centre de zones où la conservation ou la qualité des eaux sont mises
la plaine la salinité est plus élevée, jusqu’à 4 g/l [4]. en danger par le degré d’exploitation des ressources existan-
La nappe phréatique de Hammamet Nabeul  : au Sud, la tes. A l’intérieur de ces périmètres, l’Etat soumet à autorisa-
nappe de Hammamet-Nabeul, prolongement vers le sud de tion toute modification apportée sur les ouvrages existants
la nappe de la côte orientale, sur la bande côtière de terrains et peut limiter leur débit et interdit tout travail destiné à
quaternaires et de sables du Pliocène entre Nabeul et Ham- augmenter le débit.
mamet est surexploitée depuis de nombreuses années. Le La recharge artificielle des nappes de Tunisie a été menée
réservoir aquifère est épais seulement de 10  à 20  m dans la dans l’objectif de préserver les nappes souterraines et d’op-
partie nord-est de la nappe, pour une cinquantaine de mètres timiser la gestion des eaux superficielles et souterraines.
dans la partie sud. Toutefois compte tenu de la position du Elle consiste surtout, pendant les périodes à pluviométrie
substratum de la nappe au-dessus du niveau de la mer il n’y excédentaire, à assurer le stockage des eaux de surface en
a pas d’intrusion importante du biseau salé dans les terres, excédent dans les réservoirs aquifères souterrains. Cette
sauf en quelques endroits près de la cote. La salinité de la recharge artificielle devrait permettre de soulager les nappes
nappe est comprise ente 2  g/l à l’intérieur des terres et 3 g/l souterraines qui sont intensivement exploitées et menacées
vers la mer. Au nord-est de Nabeul la salinité qui atteint par les risques de dégradation quantitative et qualitative de
5  g/l est d’origine géologique compte tenu de la structure leurs eaux.
géologique [4]. La recharge artificielle a été adoptée au départ comme
La nappe phréatique de Tazoghrane (Figure 1). une pratique expérimentale (1968-1988) pour recharger les
La nappe phréatique de Takelsa (Figure 1). nappes à travers des dispositifs d’infiltration diversifiés (bas-

Figure 1 : Localisation du Cap Bon (Nord-Est de la Tunisie)

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Gestion intégrée des ressources en eaux souterraines : cas de la plaine du Cap Bon

sins, tranchées, lit d’oued, puits, forages…), et par de l’eau Au point de vue climatique, la nappe de la côte orientale
d’origine diverses (eau de pluie, eau des barrages, eau usée appartient aux régions qui possédant, dans leur ensemble, un
traitée). Les premiers essais de recharge artificielle ont été climat méditerranéen, appartient à l’étage semi-aride carac-
effectués en 1970, pour alimenter la nappe de Mateur à tra- térisé par une pluviométrie moyenne annuelle se situe géné-
vers un puits de surface [5]. ralement entre les isohyètes 400 et 500  mm/an. Le contraste
Les réservoirs de quatre nappes du Cap Bon sont consti- thermique montre un été chaud et sec et un hiver froid et
tués par des sédiments du Quaternaire, reposant par endroits humide avec une température minimale de l’ordre de 8,9  oC.
sur des formations détritiques du Pliocène. Ces nappes sont L’évaporation piche mensuelle est généralement importante
activement sollicitées pour l’irrigation et depuis quelques autour de 1  300  mm/an alors que l’humidité mensuelle est
années elles sont surexploitées. D’après le bilan 2000 des entre 68 et 76 %.
ressources en eau des nappes phréatiques du gouvernorat de Sur le plan géologique et structural, La plaine de la côte
Nabeul, les ressources renouvelables des aquifères phréati- orientale, se présente sous forme d’une bande côtière qui
ques sont estimées à 181 Mm3/an alors que leur exploitation s’étend depuis Béni Khiar jusqu’à Kélibia, elle renferme une
est évaluée à 249 Mm3/an [4]. nappe logée dans la formation plio-quaternaire à dominance
Les stratégies de la recharge sur les nappes du Cap Bon sablo argileuse à sableuse formant la nappe phréatique. Cette
sont : nappe correspond à des affleurements des terrains qui cou-
Relèvement du niveau dans les zones de prélèvement, réa- vrent l’Eocène moyen et le Quaternaire [6].
limentation en amont des zones de prélèvement, lutte contre Sur le plan hydrologique, le réseau hydrographique, consti-
un risque d’invasion marine sur la partie aval. tue une source d’alimentation de la nappe côtière. Les prin-
Freiner l’avancée du biseau salé. cipaux cours d’eau, font parti de Jebel Abderrahmane et
Relèvement du niveau de la nappe dans les secteurs surex- s’écoulent vers la mer Méditerranéenne suivant une pente
ploités et un frein aux intrusions du biseau salé qui sont généralement faible.
cependant très localisés. La plaine côtière du Cap-Bon occupe la partie orientale et
Relèvement du niveau de la nappe et la diminution de la présente trois unités lithologiques formant ainsi le système
salinité de la nappe dans les secteurs de forts prélèvements. aquifère  ; le synclinal de la Dakhla, le pliocène molassique
ou sableux et les formations quaternaires. En amont, l’ali-
Dans la nappe de Grombalia, trois sites de recharge avec
mentation se fait par les importantes séries gréseuses infé-
les eaux conventionnelles existent dans les secteurs de Men-
rieures de l’Oligo-Miocène. L’alimentation de l’arrière pays
zel Bouzelfa et Beni Khalled  : à El Amrine, Sidi Alaya et
de Kélibia se fait à partir des nombreuses barres de grès
El Goba. Le volume apporté par la recharge, qui représente
peu épais des séries moyennes et terminales en disposition
moins de 1 % des prélèvements, est très faible.
périsynclinale. Les sondages profonds réalisés à travers toute
L’expérience de recharge avec les eaux usées traitées de
la nappe ont montré un substratum marneux d’âge Miocène
l’oued Souhil depuis 1985 sur le site de l’Oued Souhil, nord-
avec une eau saumâtre de 3 à 4 g/l pour les derniers horizons
ouest de Nabeul a fait ressortir les points suivants :
[7]. L’infiltration directe de la pluie (475  mm/an), alimente
La recharge de nappe par bassin avec des eaux usées, les affleurements quaternaires et bénéficie indirectement au
après un traitement secondaire s’effectue sans nuisances sur Pliocène, puisqu’il n’y a pas un écran imperméable entre les
l’environnement immédiat, formations du Pliocène et les dépôts du Quaternaire. Inverse-
Le volume apporté par la recharge représente 1,4  % des ment, un déversement des eaux de Pliocène peut contribuer à
prélèvements l’année 2000. l’écoulement dans les formations quaternaires [5].
La qualité de l’effluent utilisé pour la recharge et notam- Sur le plan exploitation, le système aquifère de la côte
ment la teneur en matière en suspension à une incidence orientale est exploité par 9239  puits dont 3170 sont non
directe sur les conditions de fonctionnement et les contrainte équipés et 6069  puits sont équipés. Si les ressources totales
d’entretien des bassins, l’infiltration d’effluent insuffisam- sont estimées à 50 Mm3/an, l’exploitation a dépassé 54 Mm3/
ment épuré peut entraîne l’abandon du système de recharge an ainsi le taux de prélèvement est de 108 % [4]. Le taux de
de nappe en raison d’une charge d’entretien trop importante. renouvellement des réserves hydriques est de 0,01 [8]. Le
Parallèlement, les ouvrages de CES (conservation des eaux bilan déficitaire   4  Mm3, indique la surexploitation inten-
et du sol) qui sont conçus essentiellement pour la maîtrise sive de la réserve régulatrice annuelle, qui est marquée par
des eaux de ruissellement et des crues se basent actuelle- deux faits  ; le premier correspond à la baisse continue du
ment sur le traitement des bassins versants et la construction niveau piézomètrique et le second à l’intrusion du biseau
des lacs collinaires, des diguettes et des puits filtrants. salé le long de la côte.
Les cartes étudiées en 1962, 1970 et 1988 de la nappe de
l III.1 La nappe de la côte orientale Korba ont permis d’identifier la nappe côtière comme étant
une nappe radiale à filets convergents vers la côte, elles
La nappe de la côte orientale, est située au Nord-Est du montrent aussi que l’écoulement des filets liquides intéresse
pays avec une superficie d’environ 475  km2. Elle s’étend directement la lagune de Korba [9]. La carte de salinité de la
depuis Beni khiar jusqu’à Kélibia sur environ 45  km. Elle nappe de Korba relative au 1963 [10] montre une zone lon-
est limitée à l’Ouest par Jebel Sidi Abderrahmane, au Nord geant la mer avec une qualité de l’eau très bonne où la sali-
par Oued Hjjar (ville de Kélibia), à l’Est par la mer Méditer- nité est inférieure à 2 g/l et une zone localisée, vers l’amont,
ranée et au Sud par la région de Béni Khiar. avec une salinité élevée proche de 5  g/l. La carte de salinité

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Gestion active des eaux (suite)

de 1996, montre que les valeurs de salinité observées en ouest et qui communiquait avec le paléogolfe de Tunis. La
1963, entre 3 et 5  g/l, et même inférieure à 2  g/l, devenant région de Grombalia se classe dans l’étage bioclimatique
supérieure à 7 g/l en 1996. méditerranéen semi-aride supérieur à hiver doux, caracté-
La carte piézométrique établie en 2002 (Figure 2), montre risé par une pluviométrie moyenne annuelle de l’ordre de
que l’isopièze 0 occupe une dépression importante dans la 481  mm/an sur une période de 41  ans (1954  à 2005), un
région d’El Mida ainsi que dans la région de Lebna et Tafel- hiver froid et humide et un été chaud et sec, avec une tem-
loune. L’isopièze 0 est observé aussi au Nord de la ville de pérature moyenne annuelle est d’environ 18  oC, une évapora-
Korba, cette zone a connu un niveau piézométrique pouvant tion de l’ordre de 1 300 mm/an et l’absence de sirocco [2].
atteindre   5  m sous le niveau zéro de la mer suivant une Sur le plan structural, cette zone constitue un fossé d’ef-
dépression au Nord de Tafelloune et Chott Zouhour. fondrement lié à un affaissement de socle supérieur à 500
La carte piézométrique de 2004 (Figure  2), a enregistré et comblé par des dépôts quaternaires. Le sommet de la
au niveau de la région Lebna, Chott Zouhour et Tafelloune, série quaternaire est généralement sableux. Vers le centre de
un niveau piézométrique pouvant atteindre des valeurs très la cuvette de Grombalia, le Quaternaire devient marneux,
faibles jusqu’à   15  m sous le niveau zéro de la mer. Au gypseux et salifère à partir de la profondeur de 130  m [11].
Nord de la ville de Korba, l’isopièze 0 occupe une super- La formation des sols de la région de Grombalia est sous
ficie importante pouvant atteindre   5  m le long de la côte, l’influence de deux facteurs qui sont l’alluvionnement et la
alors qu’au Sud, le niveau piézométrique ne dépasse pas le nature des reliefs [12].
10 m [3]. Au point de vue géologique, la plaine de Grombalia est
Le suivi piézométrique de la nappe phréatique, en 2005 un important fossé d’effondrement lié à un affaissement
(Figure 2), montre une zone très endommagée par l’abaisse- du socle, comblé par des dépôts quaternaires très épais, à
ment de niveau piézométrique, pouvant atteindre - 15 m sous la base marins et de nature marneuse, et au sommet conti-
le niveau zéro de la mer, cette zone regroupe la région de nentaux et de faciès sableux ou argileux. Le réservoir de la
Lebna et Tafelloune. nappe phréatique est constitué par les couches sableuses per-
méables, jusqu’à une cinquantaine de mètres de profondeur.
Au point de vue hydrologie, elle est un vaste bassin d’ef-
fondrement largement ouvert sur le golfe de Tunis. Le bassin
versant de la plaine de Grombalia est drainé par les prin-
cipaux oueds suivants  : Oued Saraya, Oued Defla, Oued
Ejjorf, Oued El bey, Oued Sidi said et Oued Bezirk.
La surexploitation de la nappe de Grombalia depuis
1959  a conduit à la dégradation, par endroits, de la qualité
des eaux et à une baisse plus ou moins généralisée du niveau
piézométrique. Le volume d’eau exploité à partir de la nappe
phréatique a atteint 93  Mm3 (2000) est de 89,7  Mm3 (1990)
pour les ressources renouvelables estimées à 51  Mm3/an,
soit un taux d’exploitation de 176  %. Cette surexploitation
est relative à l’augmentation du nombre des puits de sur-
face [4].
Au cours de la période 1938-1948, la nappe de Grombalia
a accusé une baisse générale attribuée, dans le temps, au
pompage intensif durant 10  années de pluviométrie médio-
cre. L’évolution du niveau piézométrique de la nappe de
Grombalia à partir de 1948  a été suivie d’une façon plus
ou moins continue à partir des mesures sur de nombreux
puits [11].
La décennie allant de 1949-1959 apparaît ainsi dans l’en-
semble comme une période de réalimentation de la nappe
entre deux périodes d’épuisement (Figure  3). Cette surex-
ploitation a commencé avec la généralisation de la moderni-
sation des moyens de pompage dans la plaine de Grombalia.
Figure 2 : Evolution de la piézométrie des années 2002,
La tendance générale de cette modernisation est, cependant,
2004 et 2005.
très nette de 1936 à 1952 [11].
De 1952  à 1970, il est certain que cette tendance s’est
l III.2 La nappe de Grombalia accentuée pour répondre aux besoins des agrumes et des
cultures maraîchères en extension.
La nappe de Grombalia se situe en Tunisie Nord orien- De 1985 à 1990, L’exploitation est passée de 60,2 Mm3 en
tale à une quarantaine de Kilomètres au Sud de Tunis. Elle 1985  à 89.7  Mm3 en 1990 enregistrant ainsi un accroisse-
correspond à un ancien golfe, largement ouvert vers le nord- ment de 49 %.

LA HOUILLE BLANCHE/N° 5-2008 42


Gestion intégrée des ressources en eaux souterraines : cas de la plaine du Cap Bon

De 1990  à 2000 La nappe de Grombalia est sollicité de tensification des cultures maraîchères et à l’introduction des
8408  puits de surface dont 6367 sont équipés, soit un taux équipements modernes de pompage notamment le groupe
d’équipement de 76 %. Ces puits prélèvent 93 Mm3/an sur des motopompe, cette situation a engendré un déséquilibre entre
ressources régulatrices de 51  Mm3/an ce qui donne un taux l’exploitation et les ressources, provoquant ainsi une salini-
d’exploitation de 182 %. Par conséquent, la accuse une baisse sation des nappes le long de la côte. Cette surexploitation
continue dans le temps et la salinité a atteint 4 g/l. Un périmè- intensive des eaux souterraines entraîne des conséquences
tre d’interdiction et de sauvegarde délimité par les courbes de néfastes qui se manifestent par la baisse continue du niveau
niveau + 20 et + 50 m a été instauré dans cette zone. piézométrique de la nappe d’une part et l’augmentation de
De 2000 à 2005 La piézométrie est toujours en baisse. la salinité d’autre part. L’exploitation de la nappe côtière a
Conséquences de l’épuisement de la nappe de Grombalia connu une évolution remarquable, elle a manifesté les signes
Effet de l’épuisement sur le bilan de la nappe  : Cet effet les plus aigus de la surexploitation suite à une sécheresse pro-
est très grave. La nappe n’arrive plus à équilibrer son bilan. longée qui provoque un déséquilibre entre les prélèvements et
Arrivée à un certain stade de la surexploitation nous ne l’alimentation naturelle de la nappe, il en résulte, une varia-
pourrons plus parler de nappe mais d’un réservoir qui se tion quantitative que qualitative de l’aquifère. L’analyse des
vide. Cette vidange étant périodiquement ralentie par les différentes cartes piézométriques historiques et mensuelles
apports de l’alimentation annuelle devenue dérisoire devant réalisées en 2005, montre une dégradation progressive de la
les prélèvements d’eaux effectuées ; piézométrie qui s’est traduit par une baisse piézométrique
dans le temps suite à l’accumulation de l’effet négatif de la
Effet de l’épuisement sur la qualité chimique : Une exploi-
surexploitation. Par opposition à l’impact quantitatif de la
tation intensive de la nappe tend à solliciter de plus en plus
surexploitation qui se manifeste amplement dans les zones
les aquifères chargés et à dégrader la qualité des eaux pom-
amont, l’impact qualitatif se fait sentir le plus souvent dans
pées. Seule la zone basse de la plaine était menacée de pol-
les zones avale et tout près des exutoires. C’est en liaison
lution par intrusion de l’eau de la mer.
avec l’inversion du gradient hydraulique que se produit l’in-
trusion du biseau salé à l’intérieur du continent et l’envahis-
IV n Conclusions sement par l’eau de mer de la frange côtière des aquifères.
La surveillance de la situation hydrologique de la nappe est
L’exploitation des eaux souterraines des nappes phréatiques indispensable au contrôle de l’observation des réglementa-
de la région du Cap Bon, est devenue intensive suite à l’in- tions en matière de lutte contre l’intrusion marine.

Figure 3. Carte piézométrique de la nappe phréatique de Grombalia 1950 et 2004

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Gestion active des eaux (suite)

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