Petit Crapahut Dans Le Parler de Kaamelott À L'usage Des Pégus Et Du Gratin (Stéphane Encel (Encel, Stéphane) )
Petit Crapahut Dans Le Parler de Kaamelott À L'usage Des Pégus Et Du Gratin (Stéphane Encel (Encel, Stéphane) )
Petit Crapahut Dans Le Parler de Kaamelott À L'usage Des Pégus Et Du Gratin (Stéphane Encel (Encel, Stéphane) )
EAN : 978-2-36890-822-8
Titre
Du même auteur
Copyright
Exergue
Dédicace
Avant-propos
Arpion
Avoine
B
Baba (dans l')
Baguenauder
Baloche
Baloches
Baiser
Balèze
Baltringue
Baragouiner
Baratiner
Barbaque
Barbe
Barouf
Barrer/Être barré
Bassiner
Baver
Bec
Bêcheur/bêcheuse
Bécoter
Becter/bectance/débecter
Beigne
Benner (se)
Bercail
Bestiau
Beurré (être)
Bibi
Bicher
Bicoque
Bide
Bidoche
Bigleux
Biner
Biquette
Biter
Blaireau
Blaser
Bled
Bleus/bleusaille
Blinde
Blitz
Bobard
Bol
Bonnet
Bonniche
Bordel
Boucane
Boucaque
Bouclard
Boucler
Bouffer
Bougre
Boui-boui
Boules
Bouloter
Bouquin
Bourges
Bourre (à la)
Bourré (être)
Bourrin
Bouseux
Bousiller
Branleur
Branquignol
Brasse
Bricole
Brignolet
Broc
Broncher
Bronx
Buter
Cacarder
Cache-nez
Cador
Cagade
Cagaude
Cagnard
Cageot/cagette
Cagoles
Cagots
Caillasse
Caille
Cailler
Cake
Calancher
Calotte
Calcif
Cam
Canaille
Cancaner
Canasson
Caner
Canfouine
Canonner
Carreau
Caquer
Carrer
Casquer
Causer
Cèpe
Cerise
Chagatte
Charlot
Charrier
Chars
Chialer
Chiasse
Chicot
Chier
Chiffonner
Chinetoque
Chiotte
Chipoter
Chochotte
Choper
Choucard
Chougner
Chouiner
Cigare
Cintré
Cirer
Clacos
Clampin
Claque (ma)
Claquer
Classe
Clébard
Clebs
Clicheton
Clocher
Clodo
Coaltar
Cocoler
Cogne
Coltiner
Commac
Con/conne/conneries
Confiote
Connard/connasse
Connaud
Corniaud
Costard
Couilles
Cradingue/crade
Craindre/craignos
Craintu
Cramer
Crapahuter
Crécher
Crénom
Crincrin
Croquant
Cul
Cureton
Dalle
Danse (se prendre une)
Dauber
Débarouler
Débilos
Débiner
Décaniller
Décarrer/décarrade
Déglinguer
Dégobiller
Dégommer
Dégueulasse/dégueuler/dégueu
D'équerre
Derche
Dérouiller
Dérouiller
Dessécher
Dézinguer
Dinde
Dingue/dingo
Discutailler
Duraille
Échauguettes
Emboucaner
Embringuer
Emmancher (s')
Empaffés
Enfler
Enfoiré
Enfumer
Engourdir
Enquiller
Entubage
Esgourdes
Estanco
Faiblard
Faisan
Farcir (se)
Fastoche
Fatras
Feignasse/feignassou
Femmelette
Fête à bras
Fiérot
Filoche
Fiole
Fion
Fiotte
Fissa
Flan
Flippant
Flûte
Foirer/foireux
Fortiche
Fouetter
Fouilles
Four
Fourbi
Fourgue
Fourgonner
Foutre
Frangine
Fric
Frichti
Frimer
Fringues
Friter (se)
Froc
Frometon
Fromgom
Fumer
Fumier
Fute-fute
G
Gadins
Gaffe (faire)
Galère
Galoche
Gamelle
Gamberger
Gamin
Gauler (se faire)
Gerbe/gerber
Gigoter
Givré
Glairer
Glandu/glandouillos/glander/gland/glanderie
Glaviot
Godasse
Godiche
Goinfrer/goinfreries
Gonzesse/gonze
Gouine
Gourbi
Gourde/gourdasse
Gourer (se)
Grailler
Gratin
Gratter (se)
Greffier
Grelots
Grouiller (se)
Grouillot
Gu
Gueuler/gueule
Gueuleton
Guez
Gugusse
Guibole
Guignol/guignolo
Jacasse
Jaja
Jean-foutre
Jetons
Jinjin
Jojo
Jouasse
Jus (mettre au)
Kicker
Kiki
Kil
Kique
Lambins/lambiner
Lampée
Larbin/larbiner/larbinos
Larguer
Lascars
Latter (se)
Liquette
Lopette/lopes
Louf
Loufer
Loufiat
Lourde
Lourdingue
Loustics
Maboul
Macchabée
Machin
Magner
Mal de bu
Malle (se faire la)
Manche
Mandale
Marave
Margoulin
Mariole
Marre (c'est)
Marrer (se)
Marron (être)
Matos
Mauviette
Mec/mecton
Merde/merdaillon/emmerde
Meules
Miches
Micheton
Micmac
Miquettes
Mitonner
Mollo
Môme
Mongol
Morcif
Mortel
Morue
Mou (bourrer le)
Mouflet
Moufter
Mouille
Mouron
Murge
Naze
Nénette
Niaquer
Nichons
Nigaud
Noix
Nul/nullos
O
Oignon
Pajer/pajot/paj
Paltoquet
Pantalonnade
Papelards/paperasse
Patacouèques
Patapouf
Patelin
Paumé
Pébron
Pécore
Pédé/pédale
Pégu
Peigne-(zizi/cul)
Peinard
Pélo
Péquenot
Pète
Péteux
Pètzouille
Pèze
Piaule
Picoler
Picrate
Pieuter/pieu
Pif [vin]
Pif [nez]
Pigeon
Piger
Pignouf
Pinard
Pincer (en)
Piner
Pintade
Pioncer
Pisser
Planquer
Plombes
Plumard
Pognon
Poiler (se)
Poireauter
Poivrot
Pompes
Poquer
Pote
Poucrave
Pouffe
Pouiller (se)
Pouilleux
Poules
Pourrave
Purée
Pute
Q
Quéquette
Quicher
Rab
Rabibocher
Râble
Racaille
Raclée
Raclure
Radasse
Radiner (se)
Rafistoler
Raide
Rapiat
Raquer
Ratichon
Reluquer
Rembarrer
Ric-rac
Ringard
Rogne
Romano
Rombière
Ronquer
Roupe
Roupiller
Rouquemoute
Rouquin
Rouscailler
Sagouin
Saligaud
Saloir
Salope/saloperies/salaud/salopards
Saquer
Sauc'
Schlinguer
Schproum
Secouer
Siffler
Singe
Slibard
Soupière
Sourdingue
Sous-fifres
Tabasser
Tagazou
Tailler
Tambouille
Tamponner
Tanche
Tannée
Tantouze/tata/tati/tantine
Taper (s'en)
Tapette
Tapin
Taquet
Taré
Tarin
Tarlouzes
Taro
Tarte
Tartignolle
Taulier
Tignasse
Timbré
Tintin
Tirer (se)
Toc/tocard
Torcher
Torgnole
Trac/traczir
Traîne
Traviole
Trempe
Trimballer
Tripoter
Tronche
Troufion
Trouille
Trucider
Truite
Tsoin-tsoin
Tune
Turbin
Urge
Vache
Valoche
Vanne
Viander (se)
Vicelard
Vioque
Virer
Vriller
Zigouiller
Zinzin
Zize
Zizi
Zob
Zut
Avant-propos
« J
E leur ai signifié gentiment qu’on n’était pas chez les romanos et qu’il
fallait qu’ils décarrent vite fait dans leur canfouine avant de prendre ma
main dans la tronche ! »
Si vous avez compris tous les éléments de cette phrase, en en
connaissant l’origine, vous êtes un assidu de Kaamelott, doublé d’un
lexicologue distingué… Si un ou plusieurs mots vous échappent, mais que
la phrase sonne bien, qu’elle est drôle et que vous y trouvez plaisir, vous
êtes un amateur de Kaamelott. Si vous n’y bitez pas un broc, mais que ça
vous intrigue et amuse, vous avez le potentiel pour devenir l’un ou l’autre…
Dans tous les cas, ce livre est pour vous ! Plus qu’un crapahut, d’ailleurs,
une déambulation dans ce qui apparaît, mot après mot, comme un tout de
plus en plus intelligible, l’univers de Kaamelott. Bienvenue dans la
matrice !
Mais pourquoi une telle aventure ?
« Car tout comme il est courant de parler de la physionomie d’une
époque, d’un pays, de même on désigne l’esprit d’un temps par sa langue. »
Voilà qui suffirait à justifier l’écriture de ce p’tit bouquin ; le philologue
Victor Klemperer, empêché d’enseigner dans l’Allemagne nazie parce que
juif, mais protégé de la déportation par son mariage avec une « aryenne »,
s’était concentré sur l’analyse de la langue du IIIe Reich, dans ses aspects
les plus courants et triviaux, pour y sentir tout le bouleversement d’une
société. C’est qu’un langage véhicule bien plus que des mots qui la
composent, il est une « identité », comme le dit Astier lui-même…
Car à quoi l’efficacité de Kaamelott tient-elle ? Pas de gags, pas de
chutes, de grosses ficelles rigolardes pour bien montrer qu’en dépit des
costumes et du décor moyenâgeux, on est resté dans de la cocasserie…
Kaamelott, c’est un monde : six saisons et un premier film pour entrer dans
une fresque qui a du sens, qui progresse, dont les personnages évoluent. Ils
sont sérieux, ils sont dans leur époque, et le ressort follement comique tient
au décalage, mot tant galvaudé : ils pourraient se contenter de parler
comme nos contemporains pour créer cet effet. Mais Astier a inventé une
langue propre à Kaamelott, faite d’un très riche vocabulaire familier,
populaire, jargonneux et argotique – les frontières sont devenues très
poreuses entre ces catégories –, puisant à tous les coins de France et du
monde, de l’Antiquité romaine à nos cours d’école…
C’est pour ça que parler simplement d’« argot » serait très réducteur. Il
n’y a d’ailleurs pas de définition de l’argot, qui est un langage parlé en
constante transformation, suivant les besoins et les envies, donc
éminemment insaisissable et indomptable… Le milieu des voyous et de la
pègre l’a créé pour ne pas se faire comprendre, et il a fini par être utilisé et
compris par le plus grand nombre. Et chaque groupe, corporation,
communauté, a ses particularités langagières. Il s’agit souvent moins de
crypter que de passer – ou se prendre – pour un affranchi, possédant ce à
quoi la masse des quidams n’a pas accès… Il reste, finalement, ce qui est
conventionnel – c’est-à-dire qui entre dans les normes académiques –, et ce
qui ne l’est pas. Et ce qui n’est pas académique – c’est essentiel – n’a de
force et d’esthétique qu’en maîtrisant ce qui l’est : c’est pour ça
qu’Audiard, Boudard, Simonin, Dard, Brassens ou Renaud trouvent autant
leur place dans la littérature que dans une tradition orale… Et parce que ce
qui caractérise cet univers est bien le parler, la formation musicologique
d’Astier et son obsession de la métrique sont décisives dans Kaamelott : les
mots sont choisis pour leur sens dans le contexte autant que pour leur
musique et leur sonorité ; ils ne sont que peu interchangeables entre les
personnages, car chacun a son phrasé, sa rythmique, et une gestuelle qui
définissent finalement leurs caractères. Kaamelott est une gigantesque
partition de plus de quarante heures, qu’orchestre Astier, et qui se donne à
entendre comme à écouter ; Astier n’archéologise pas, ne muséologise
pas… Il met en mouvement, donc fait vivre, les époques, les régions, les
emprunts étrangers, et c’est une chaîne de transmission incroyable, dont le
plus bel hommage que l’on peut lui rendre est d’ajouter une pierre aux seize
mille cent trente de l’édifice Kaamelott : une liste de plus de cinq cents
mots et expressions, avec leurs occurrences et références, et de courtes ou
moins courtes notices, où s’entremêlent étymologie, histoire, anecdotes,
mais surtout une grande tendresse pour la série et une passion pour tous ces
termes, qui sont des témoins émouvants de vies, passées et présentes.
Pour garder l’esprit « parlé », j’ai choisi de ne pas me servir en priorité
des textes imprimés de Kaamelott, mais de lister et retranscrire les scénarios
à partir des DVD eux-mêmes, et j’ai donc tenté de garder les intonations et
les formes syncopées – avec conséquemment une dose de subjectivité.
Désirant être aussi exhaustif que possible, j’ai répertorié toutes les
occurrences, pour offrir le plaisir de retrouver les situations et leur
musicalité.
Ce crapahut n’a bien sûr aucune prétention scientifique, et je reprendrai
à mon compte les derniers mots d’introduction de l’un des livres que le
grand spécialiste Benoît Peeters consacra au Monde d’Hergé : « L’ambition
du présent livre, par-delà information et analyse, est […] de retrouver, par
d’autres voies, l’émerveillement de la première découverte. Écrire sur
Tintin, sans doute n’est-ce rien d’autre que s’enfoncer toujours davantage
dans la fascination… »
A
Arpion
Ce qui fut encore au XIXe siècle la main, parfois le bras, désigne le plus
souvent, et exclusivement aujourd’hui, les pieds, presque toujours au
pluriel ; normal, puisque ce sont, à l’origine, des petites griffes !
Avoine
— J’ai tout essayé avec ce gosse, pas d’bouffe*, pas d’flotte, les avoines*…
[Le Pédagogue, Léodagan, L. II]
— Pis là mon Dieu c’est lui qui se retourne et qui revient, qui me fout une
avoine.
[Dies Irae, Arthur, L. VI]
Baguenauder
— S’il y a cinq, six dames qui veulent un p’tit peu baguenauder là-dessus,
ça bougera pas.
[La Table de Breccan, Breccan, L. I]
Quel joli mot ! Qui d’autres que Breccan pour employer un terme si vieilli –
Caius dirait « moisi » –, et de quatre syllabes ! Ça mérite bien qu’on s’y
attarde… Les baguenaudes sont les fruits du baguenaudier, voilà qui est un
bon début ; le fruit a la particularité d’être en forme de vessie remplie d’air,
qui, paraît-il, éclate bruyamment quand on le presse avec les doigts, et voilà
qui est une bonne suite… C’est, enfin, le fait d’être oisif, ou de faire des
choses futiles, comme les enfants qui faisaient éclater les baguenaudes !
Alors, contrairement à ce que laisse penser habilement Venec, les dames
baguenaudantes ne vont pas danser, mais plutôt se dandiner lascivement,
frivolement…
Baloche
— À chaque fois que j’vais à un baloche, je picole*, je discute, trois mois
après y a toujours un type qui débaroule* avec sa fille.
[La Coccinelle de Madenn, Perceval, L. I]
Baloches
— Le genou peut également partir dans les noix* de manière assez
soudaine, et que ça pourrait éventuellement vous faire sortir les baloches
par les oreilles !
[Feue la poule de Guethenoc, Roparzh, L. III]
— Des mois, des mois que vous me piétinez les baloches avec votre chef
ostrogoth…
[Dux Bellorum, Sallustius, L. VI]
Baiser
Balèze
— Oui, bah les druides c’est balèze dans la nature, c’est pas fait pour les
endroits clos !
[Le Privilégié, Merlin, L. IV]
— C’est trop balèze ! Faut quelqu’un qui ait le sang chaud sur c’coup-là.
[L’Auberge rouge, Perceval, L. IV]
— Moi je la trouve trop balèze. Non, non, je vous assure, hein, ça vous fait
une grosse tête de veau.
[Le Retour du roi, Perceval, L. V]
Baltringue
Baragouiner
Baratiner
Barbaque
Barbe
— La barbe !
[Le Signe, Arthur, L. I]
— Nan mais la barbe ! Quand on aura besoin de vos avis on vous écrira.
[Cryda, Séli, L. III]
— Ah, la barbe !
[La Veillée, Arthur, L. III]
Barouf
Barrer/Être barré*
— C’est ça, barrez-vous ! Guignolo* !
[La Potion de vérité, Séli, L. III]
— Même en partant dans trente secondes, et c’est mal barré, vous êtes déjà
marron* pour arriver avant la nuit !
[Le Grand Départ, Léodagan, L. IV]
Quoi qu’on pourrait en penser, être barré n’est pas synonyme de fou, mais
de… cuit, ivre ! Peut-être la déformation de beurré* ou bourré*. Mais ça
sonne très bien dans le sens élargi de dingue*, déraisonné (qu’elle qu’en
soit la raison) : givré*, cintré*, autant de termes courts qui claquent bien !
Mais bien ou mal barré, là c’est du maritime…
Bassiner
— Ah bah il a plus envie maintenant ! Après tout ce qu’il nous a bassinés…
[Le Guet, Léodagan à Séli, L. II]
Baver
Bec
Un p’tit mot mignon, qui mange pas de pain… Une prise de bec n’a pas
beaucoup de violence, dans notre société de superlatifs où tout est clash et
polémiques… Ce n’est pas un hasard si l’expression est de Lancelot, et non
de Léodagan ou de Grüdü !
Bêcheur/bêcheuse
Revenons au bon travail de la terre, une saine activité, que l’on déprécie
pourtant constamment et délicieusement… Le bêcheur est un noble
travailleur de la bêche. Mais être bêcheur, et surtout, allez savoir pourquoi,
être bêcheuse, c’est vraiment pénible, surtout pour les autres !
Bécoter
Becter*/bectance/débecter
— Une fois n’est pas coutume, j’me dis je vais becter dans la cuisine ;
[La Kleptomane, Léodagan, L. I]
— Disparue ! Désintégrée, avec ma bectance !
[La Kleptomane, Léodagan, L. I]
— Si le service vous débecte, rien ne vous empêche de retourner chez votre
père !
[Le Cadeau, Arthur, L. II]
Simple, efficace, assez couramment employé : bien sûr que le terme renvoie
au bec, et se décline en bectance – ce que je trouve encore plus poétique –,
bectoir – encore mieux ! –, et becter, très logiquement ; mais l’image
immédiatement compréhensible a permis bien d’autres licences : une
pensée qui « becquète le cœur d’une âme pieuse », chez Maupassant, ou la
jeune fille tendant sa toute petite bouche et livrant avec la fraise ses lèvres
pour être becquetées, pour les Goncourt. Charmant ! Sauf quand il n’y a
plus rien à becter, que « des clarinettes, des clopes, du bois », comme
l’évoquaient douloureusement les poilus, ou que, par le chemin inverse, on
débecte…
Beigne
— Le dernier, là, sérieux, j’ai failli lui aligner une beigne.
[Rex, Arthur, L. VI]
Benner (se)
— Et je vais me benner la gueule* vers le bas.
[Unagi, Perceval, L. I]
Bercail
Quel plaisir de pouvoir déclarer à qui l’on aime de retour après longtemps :
« Bienvenue au bercail ! » Et de fait… Du troupeau de brebis et de moutons
on en vint à l’enceinte où ils sont gardés, et ce n’est pas un hasard si
l’imaginaire chrétien use et abuse de ce bercail où rentre le fidèle, guidé par
le pasteur – toujours l’idée positive du troupeau –, ou les hommes d’Église :
« Dieu ne défend pas les routes fleuries, quand elles servent à revenir à lui,
et ce n’est pas toujours par les sentiers rudes et sublimes de la montagne
que la brebis égarée retourne au bercail », nous dit avec bienveillance
Chateaubriand. Tandis que, presque un siècle plus tard, Anatole France
évoquera avec ironie les «bercails cachés » des « petits troupeaux de
fidèles ». Mais quoi qu’il en soit, on aime le bercail, ou l’idée chaude et
réconfortante d’y retourner…
Bestiau
— Hé ! en plus du bestiau je vous ramène du rupin* !
[La Nourrice, le tavernier, L. V]
Beurré (être)
Bibi
— En attendant, vous êtes arrivés une demi-heure plus tard, et du coup c’est
bibi qui commande.
[L’Assemblée des rois, II, Arthur, L. III]
— Des siècles et des siècles que tous les enchanteurs courent après, et ben
c’est bibi qui a trouvé !
[La Pierre de lune, Merlin, L. III]
— Et vous lui rappellerez que s’il est roi, c’est aussi grâce à bibi !
[La Démission, Merlin, L. V]
Mais qui est bibi ? C’est une question que l’on pose trop peu… Il n’y a pas
de réponses définitives, donc ce n’est pas bien grave ; si vous êtes pris d’un
excès de romantisme, vous pourriez, comme Flaubert dans sa
correspondance, vous fendre d’un « mon bibi »… Mais le bibi affiché
fièrement, souvent outrancièrement, se perd dans les limbes de la
linguistique, alors qu’on prend encore régulièrement plaisir à le sortir, pour
se plaindre ou frimer* !
Bicher
Bicoque
— Vous auriez une bicoque avec trois chèvres, comme la plupart des
peigne-culs*.
[Les Exploités, Arthur, L. II]
Bide
— La prochaine fois que vous faites venir un barde, je lui ouvre le bide de
là à là.
[À la volette, Arthur, L. I]
— Dès qu’ils tombent sur des mûres ou des fraises des bois, ils s’en font
sauter le bide.
[Le Sort de rage, Léodagan, L. I]
Qu’y a-t-il de plus mignon que le p’tit bidon d’un enfant ? À croquer…
Quand on grandit, on subit l’apocope, et le bidon joufflu devient le bide,
voire le gros bide…
Bidoche
— Et en vous cognant dessus avec un gros bâton, comme pour la bidoche,
ça vous détendrait pas la gueule* un bon coup, ça ?
[Dux Bellorum, Servius, L. VI]
Bigleux
— Il faut être franchement bigleux pour pas s’apercevoir que j’ai besoin de
rester tranquille deux minutes.
[Les Misanthropes, Séli, L. II]
— Il est tellement bigleux qu’il trouverait pas sa bite* pour pisser !*
[La Taxe militaire, seigneur Jacca, L. I]
— J’vois bien que vous êtes là, je suis pas bigleux !
[Le Professionnel, Arthur, L. III]
Si votre regard bigle, vous louchez, ce qui n’est pas grave… Mais si vous
entendez à votre passage « Vous le connaissez pas, vous, ce bigleux ? »,
comme chez Céline, vous saurez que ce n’est pas une constatation
bienveillante ni même seulement neutre… Quant à « geler les bigleux »,
dont on appréciera le bouquet kaamelottien, c’est, pour les policiers,
« immobiliser les témoins »…
Biner
Biner, c’est creuser profond, labourer une seconde fois. C’est la seule
occurrence que j’ai trouvée pour l’idée de pas se prendre la tête, de pas trop
creuser pour comprendre ! Mais c’est bien habile, et à diffuser…
Biquette
— De mon côté j’ai fait une sélection : tiens, viens voir, biquette.
[Le Banquet des chefs, Venec, L. I]
Le petit d’une chèvre, ou une petite chèvre… trop mignon ! « Mon biquet »,
s’il fut une marque d’affection, est peu usité de nos jours. Est-ce dû à notre
éloignement de la nature ?… Son féminin, moins valorisant parce que plus
sexiste, est tout aussi peu usité – exception faite de Venec… –, et c’est
plutôt rassurant pour la parité…
Biter
— Moi je sens que j’vais rien biter, et qu’on va finir par jouer à que dalle*
parce qu’il sera 3 heures du matin
[Perceval fait la ritournelle, le tavernier, L. IV]
— Parce que vous jouez dans la pièce vous aussi ? J’ai rien bité.
[La Répétition, Perceval, L. IV]
Si l’origine n’est pas claire, biter ou ne rien biter semble avoir été une jolie
comète ! Probablement répertorié en 1935, il n’est plus guère usité
aujourd’hui, mais il a un charme indéniable ! La proximité avec l’autre bite
n’est pas forcément flatteuse, et le « je bite rien à ce que tu baves ! » peut
jeter un froid dans les dîners mondains, mais la sonorité courte et lourde sur
la première syllabe, sur laquelle on aura d’ailleurs soin d’insister, est la
meilleure réponse à beaucoup de discours creux ou pompeux desdits dîners
mondains…
Blaireau
Déjà victime de son long museau – qui donne « blair » –, de ses moustaches
dont on fait des pinceaux, c’est la personne entière de ce petit mammifère
carnassier, plantigrade, à fourrure rayée, qui est un terme dépréciatif, sans
que l’on sache vraiment pourquoi. En tout cas ça ne se dément pas ! Mais
qu’est-ce qu’un blaireau ? Pour le dictionnaire, c’est un homme – il n’y a
pas de féminin – qui tente d’être à la page sans y parvenir ; à ses vains
efforts il y a quelque chose de pathétique et de ridicule.
Blaser*
— Il m’a blessé, mais trop sauvagement, quoi ! Je suis trop blasé, quoi.
[La Blessure d’Yvain, L. IV]
La p’tite marque de fabrique d’Yvain ! Le mot est fort prisé d’une jeunesse
fatiguée d’être jeune, où rien n’est nouveau et rien ne dure… Enfin, c’est
une parole de vieux con*…
Bled
— De toute façon, dans votre bled, on peut pas faire trois pas sans tomber
sur un site magique !
[Silbury Hill, Séli, L. II]
— Du coup j’suis pas sûr que ce soit une bonne idée de mesurer ma cote de
popularité dans un bled où personne peut m’blairer* !
[L’Épée des rois, Arthur, L. V]
— Vous rentrez dans votre bled avec votre fourbi*, puis vous arrêtez de
nous casser les sabots !
[Le Substitut, Léodagan, L. V]
Voyageons, cette fois de l’autre côté de la Méditerranée, en Algérie, où le
bled est un terrain, un pays ; le bled est loin, un peu pouilleux, peut-être pas
encore atteint par les bienfaits de la civilisation… Cela dit, il y a
incontestablement une note d’affect, d’où le fait qu’on peut être nostalgique
de son bled, et prendre plaisir à y retourner ; bien sûr, les blédards – en
raison d’un suffixe ingrat – sont moins bien considérés que le bled…
Bleus/bleusaille
— Trois fois qu’on se fait surprendre comme des bleus par les Vandales.
[La Botte secrète, Arthur, L. I]
Blinde
— Mais les sorts que j’fais avec la grille de dragon j’les vends une blinde !
[Le Privilégié, Elias, L. IV]
Blitz
Dans son acception la plus sympathique, le blitz, aux échecs et au jeu de go,
ce sont des parties éclairs. Mais le Blitzkrieg est bien la guerre-éclair,
tactique du début de la guerre menée par Hitler, qui lui permit de jouer sur
l’effet de surprise – face à des adversaires très statiques – pour compenser
le manque d’hommes et de matériel ; je n’ai pas trouvé d’autres occurrences
de cette expression, pourtant efficace, qui doit vouloir signifier dans le
contexte « dépassé, paniqué »…
Bobard
Bol
— Avec un peu de bol, les bandits entrent dans la piaule* pour nous
attaquer…
[L’Auberge rouge, Perceval, L. IV]
Vous trouvez que dire sans arrêt « ne pas avoir de cul » devient lassant et
vulgaire ? Utilisez le bol ! Le sens est le même, évoquant l’analogie entre la
forme de l’ustensile et celle du postérieur…
Bonnet
— Mais fais ce que je te dis, bon Dieu ! Attaque-moi, droit sur le bonnet, là.
Allez, fais-moi plaisir.
[Nuptiae, César, L. VI]
— Elle se monte le bonnet, là, depuis des semaines sur cette histoire
d’épée…
[Les Fruits d’hiver, L. V]
— Y a toujours une bonniche qui vient présenter les plats sous le nez !
[L’Ancien Temps, Ygraine, L. I]
— Si vous sentez que votre truc c’est plus le côté bobonne, hein, il faut
renoncer à tout ça…
[Perceval de Sinope, Elias, L. V]
Bordel
— Est-ce que vous allez finir par m’expliquer ce que c’est que ce bordel ?
[La Coopération, Arthur, L. III]
— Allez, vous m’le virez* celui-là ! Et vous lui faites ramasser son bordel !
[Miles Ignotus, Glaucia, L. VI]
Boucane
Boucaque
— Il paraît qu’il y a plus un seul vase ni une tapisserie dans le bouclard !
[L’Escorte II, Le tavernier, L. II]
Boucler
L’un des mots les plus utilisés dans Kaamelott ! Trop long à lister… Surtout
sous les deux formes : « Mais bouclez-la ! » Ou, faussement plus courtois :
« Vous voulez bien la boucler ?… » On boucle un magasin, entre autre,
alors pourquoi pas sa mouille* ? Difficile d’être original dans un dîner
mondain avec un mot si courant ? Alors lancez un péremptoire « bouclez
vos bavardes » lorsque la carte des desserts arrive, et vous prendrez du
galon…
Bouffer
— Par exemple j’adore les fraises, ben si je bouffe trois bassines de fraises
en une heure je chope* la chiasse*, je suis comme tout le monde.
[Le Magnanime, Léodagan, L. III]
— Les larbins* des cuisines se prennent deux volées par jour à cause de la
bouffe qui disparaît !
[La Kleptomane, Arthur, L. I]
— J’ai tout essayé avec ce gosse, pas d’bouffe, pas d’flotte, les avoines*…
[Le Pédagogue, Léodagan, L. I]
— Vous coltinez* la bouffe des cuisines aux étages, qu’est-ce que vous
foutez ?!
[Les Affranchis, Arthur, L. III]
Bougre
— Je crains que nos bougres, voyant l’état des lieux, soient pris d’un vif
sentiment d’agacement et en viennent à nous molester.
[La Relève, Govain, L. IV]
Boui-boui
— On a autre chose à foutre* que se râper les miches* sur les tabourets de
votre boui-boui !
[Le Sixième Sens, Perceval, L. I]
Boules
Ce ne sont pas que les testicules, mais pas mal quand même… Analogie
simple de formes, compréhensible par tous, et légèrement vintage pour
« avoir les boules », très eighties et renaudien.
Bouloter
Bouquin
— C’est comme les bouquins. Vaut mieux les pomper sur les chinetoques*
que pas les écrire.
[Arturi Inquisio, Arthur, L. VI]
Bourges
— Dans une villa de gros bourges, avec une fiesta à tout péter* ! On va s’en
mettre plein le bide*.
— T’es invité dans les fêtes de bourges, toi, maintenant ?
[Miles Ignotus, Licinia à Manilius, L. VI]
Que n’a-t-on pas dit sur les bourgeois ! Il faudrait être historien pour
retracer l’histoire du concept et de l’image du bourgeois, dans la culture
populaire, depuis la Révolution française… C’est qu’on s’en prenait
davantage aux ci-devant nobles. Mais une fois cette classe sociale éliminée,
les bourgeois sont apparus comme les nouveaux nobles, une classe
dirigeante à qui l’on pouvait reprocher l’accaparement des richesses,
l’oppression du « peuple », etc. Ne parlons pas de Mai 68, récupéré par les
petits bourgeois bien éduqués aux cheveux longs, qui suicidaient la
bourgeoisie en eux ! « La bourgeoisie n’a pas d’autre plaisir que de les
dégrader tous », lisait-on à Assas… On peut aussi rire avec Brel, car « les
bourgeois, c’est comme les cochons, plus ça devient vieux plus ça
devient… » ; avec la version apocopée, qui a remplacé sa mater dans le
vocabulaire courant et celui des banlieues, on a le modèle XXIe siècle, avec
souvent le fond idéologique en moins…
Bourre (à la)
Sans certitude, il est possible que le terme vienne d’un jeu en vogue dans le
premier XIXe siècle. Je ne résiste pas à en retranscrire les règles, selon
Claude Duneton, parce qu’on n’est pas loin du slobi ! : « Celui-ci pouvait se
jouer à deux, trois ou quatre. Tous les joueurs misaient la même somme, et
le tout était ensuite partagé entre eux en fonction du nombre de plis que
chacun avait levés. Lorsque l’un d’eux n’avait fait aucune levée, on disait
alors qu’il était “bourru” ». Certes, on ne voit pas trop le rapport entre cette
expression et le fait d’être en retard, « à la bourre »… Terme pour le moins
polysémique, parce que souhaiter « bonne bourre » est un vœu de
performance sexuelle, alors que « se tirer la bourre » est « se faire
concurrence »…
Bourré (être)
Bourrin
— Vous devriez être fier d’avoir un fils un peu moins bourrin que la
moyenne.
[Le Cas Yvain, Séli, L. I]
— À Rome, alors c’est vrai que question sentiments, ils sont un peu moins
bourrins qu’ici, ça se fait beaucoup.
[Arthur in love, Arthur, L. II]
— Les lascars* que vous invitez à votre fêtes, c’est quand même les pires
bourrins du pays !
[Les Festivités, Séli, L. III]
— On n’aime pas les combats, on n’aime pas les chiens, c’est un sport
d’bourrins.
[Les Paris III, Perceval, L. IV]
Autant la bourrique est bête, autant le bourrin – dont le nom est dérivé du
premier avec changement de suffixe – est d’une lourdeur néandertalienne –
bien que cette branche de nos ancêtres ait été réhabilitée par les
paléontologues… Le bourrin est, en plus, fortement porté sur la chose…
C’est en fait un mauvais cheval, ni plus ni moins.
Bouseux
— Si dans pas longtemps vous êtes obligés de rentrer à Rome avec vos
valoches* comme un bouseux, là vous regretterez de pas avoir accepté
notre offre.
[Le Reclassement, Arthur, L. II]
— Mollo mollo*, si c’est pour se faire traiter de bouseux, on n’a pas besoin
de vous…
[Le Justicier, Guethenoc, L. III]
— C’est là qu’les bouseux lui disent : « Vous êtes pas le seigneur
Léodagan ? »
[Les Biens Nommés, Séli, L. IV]
La bouse, c’est pas engageant… En tout cas pour ceux qui ne pratiquent pas
l’élevage bovin ! Le bouseux, comme le cul-terreux, est très méprisé
socialement, comme l’indiquent ces noms dépréciatifs dont on les a
affublés. L’image est immédiate dans tous les esprits ; dans Kaamelott,
chevaliers et maîtresses sont souvent renvoyés à leur origine paysanne par
Arthur, lorsqu’ils ont le culot de se plaindre.
Bousiller
— Les couleurs, ça peut être trompeur : regardez les haricots, les rouges
sont plus jolis que les blancs, mais ils bousillent les boyaux.
[Les Alchimistes, Perceval, L. II]
— Ils ont que ça à foutre*, les paysans, bousiller les champs de blés…
[Silbury Hill, Léodagan, L. II]
Branleur
— Ah ! parce que vous l’savez, en fait, que vous êtes une bande de
branleurs, vous en discutez entre vous, même !
[Le Tourment II, Arthur, L. II]
Si vous êtes branlant, vous n’êtes pas en forme ; si vous êtes branleur, vous
l’êtes peut-être trop… «Branler » veut dire « agiter, secouer » ; inutile de
faire un dessin de la dérive sémantique… Ça reste un classique, ô !
combien, qu’on peut coupler avec beaucoup de choses. Le p’tit branleur,
par exemple, est l’insulte préférée du vieux con… Notamment dans un
sketch de Fabrice Éboué. « Branlocher » est plus doux – même sous la
plume de Céline, qui parle de « branlocher des petits chagrins » dans
Voyage au bout de la nuit – et mériterait un regain d’intérêt !
Branquignol
— Moi d’mon côté j’avais parié que vous étiez trop branquignol pour savoir
ce qui était à vous ou pas… J’vois que j’ai encore tapé juste !
[Dagonet et le cadastre, Loth, L. IV]
— Alors il fait son bal dans son coin, et il estime que ça regarde que lui !
Après faut pas s’étonner que ça brasse…
[Les Festivités, Léodagan, L. III]
Bricole
— Ah oui, parce que moi à la rate je suis classé juste après les bricoles,
c’est ça ?!
[Sous les verrous, II, Arthur, L. III]
Courroies pour maintenir les mains des malfrats, sorte de catapulte, partie
du harnais d’un cheval… Il y a beaucoup de bricoles, pour finalement pas
grand-chose ! Sauf pour la bouffe*, faut pas déconner… Quand un Ventura
demandait, dans Les Tontons flingueurs : « Dis donc, j’tiens plus en l’air,
moi ! T’aurais pas une bricole à grignoter, là ? », fallait pas lésiner sur la
bectance* !
Brignolet
C’est du pain pour chien fait avec du son, le brignon, utilisé dans le nord de
la France, et la suffixation ne le rend pas plus avantageux…
Broc
— Même lui, qui pourtant comprend jamais un broc à quoi que soit, il le
dit !
[Le Destitué, Séli, L. V]
Broncher
— Vous allez pas m’dire que vous allez casquer* sans broncher !?
[L’Usurpateur, Léodagan, L. IV]
Bronx
— Qu’est-ce que c’est que ce bronx là-dedans !?
[Séfriane d’Aquitaine, Séli, L. III]
Buter
— Faudrait me buter…
[Le Garde du corps, Arthur, L. I]
Le but est le point d’arrêt, le point d’arrivée ; voilà sur quoi on bute, et de là
à buter quelqu’un, il y a une petite frontière, à peine plus grande que le mur
d’Hadrien. Ce qui explique la frayeur de Karadoc s’entendant dire par le
roi : « On bute Karadoc », et n’étant rassuré que par la virgule
judicieusement placée…
C
Cacarder
— Écoutez, vous aurez beau vous percher sur mon épaule et me cacarder
que je ne suis pas prêt, que je manque de conviction, tout ce que vous
voudrez, ça ne changera rien.
[Executor, Lancelot, L. V]
Non, non et non, ce n’est pas, pour une fois, scatologique ! D’accord, ça
commence mal, mais les amoureux du Sud-Ouest, et qui ont fréquenté de
près ou de loin des oies, savent qu’elles cacardent !
Cache-nez
Décidément, le vin est un sujet sensible dans Kaamelott : entre les paysans
qui produisent un vin dégueulasse* et le tavernier qui en sert de même, il ne
faut pas s’étonner du jaja*, du jinjin* et du cache-nez ! Pourquoi cache-
nez ? Serait-ce l’altération du goût et de l’odorat due au picrate* ?
Cador
Si je vous dis que ça peut tout autant être un chien qu’un champion…
Étonnant, non ? De l’arabe garder, « puissant », c’est un mot qui
familièrement pouvait désigner un chien – dont la puissance peut être un
attribut – ou un personnage hors du commun, important ou particulièrement
doué dans un domaine ; et l’on repense aux Tontons flingueurs : « Et le
Mexicain, ç’a été une épée, un cador ; moi je suis objectif, on parlera encore
de lui dans cent ans », pérempte Blier… Oserons dire que sur l’échelle de
valeurs, le cador est au bout de la chaîne commencée par les peigne-zizis* ?
Cagade
— Si j’me fais caguer à replanter Excalibur dans le rocher, c’est pour que
tout le monde essaie.
[Perceval de Sinope, Arthur, L. V]
Quand vous avez une première syllabe en « ca », c’est parfois ou souvent le
signe que ça tournera scato… La cagade est la version méridionale, encore
bien usitée, du fameux « merdier » national, et le verbe qui s’y rapporte est
« caguer »…
Cagaude
— Par contre c’est des cagaudes, faut pas leur demander de compter jusqu’à
dix !
[Le Banquet des chefs, Venec, L. I]
Cagnard
Cageot/cagette
— Je trouve qu’un héros qui se marie avec une grosse cagette c’est un peu
dommage.
[Arturi Inquisito, Elane, L. VI]
« Caisse dans laquelle on mettait les foies des morues pour en extraire
l’huile » : est-il si étonnant qu’il s’agisse, en argot couramment employé,
d’une personne – souvent une femme – particulièrement disgracieuse ?…
Et dans le spectre des nuances de l’imaginaire masculin, du canon au
cageot, il y a le renard Renaud, « qui s’rait un brin vicelard* »…
Cagoles
— Bah il doit bien y avoir deux, trois cagoles à la taverne, mais enfin, faut y
voir les engins.
[Eunuques et chauds lapins, Perceval, L. I]
Cagots
— Moi, quand j’sors des phrases, on sent que j’suis pas né chez les cagots.
[Le Tourment III, Karadoc, L. III]
Caillasse
Caille
La jolie petite caille porte avec elle tout un univers insoupçonné ! La caille
était réputée pour avoir une plus grande chaleur corporelle que les autres
oiseaux ; et de là à considérer la caille comme une chaudasse, il n’y eut
même pas un pas ! On lui a prêté des vertus aphrodisiaques, chez les
Romains, qui en consommaient à tous les repas orgiaques ! Et l’on a associé
la caille à des femmes légères, voire, également, à des prostituées… Les rue
ainsi nommées accueillaient à l’origine une profusion non pas de volatiles,
mais d’arpenteuses du bitume… Ce qui éclipse injustement le sens de
fidélité que l’on peut aussi rencontrer à propos de la caille, notamment au
Japon…
Cailler
— Bon sang, mais c’est pas vrai, qu’est-ce que c’est qu’ce patelin*
merdique*, on s’caille tout d’un coup là !
[Rex, Arthur, L. VI]
Cailler, c’est faire coaguler, ce qui peut se produire sous l’effet du froid ! Et
c’est encore plus efficace lorsqu’il n’y a que l’allusion à l’objet ! On se les
pèle, on se les gèle, on se les brise, on se les caille…
Cake
— Dites donc, ce s’rait pas un gros cake, des fois, votre espion ?
[Le Rapport, Arthur, L. IV]
Calancher
— Par contre, vous êtes sûr ? Je vais pas lui annoncer qu’il est sauvé s’il
calanche dans les cinq minutes !
[L’Aveu de Bohort, Arthur, L. III]
— Les druides me donnent gagnant pour calancher dans les trois jours.
[Dies Irae, Arthur, L. VI]
Calotte
La calotte est la coiffure, ce qui sert de coiffe, d’où les calotins, les prêtres,
qui sortent toujours couverts ! On comprendra, par extension, qu’il peut
aussi s’agir d’une tape sur la tête, acception moins usitée aujourd’hui,
comme le terme lui-même pour la coiffure…
Calcif
— Vous mériteriez que j’vous mette à la lourde* avec les chiens au calcif.
[Le Jurisconsulte, Léodagan, L. V]
Cam
Être une canaille n’était pas flatteur, pas du tout… D’un mot italien qui
désignait au Moyen Âge une troupe de chiens, le terme s’applique au
XVIIIe siècle à la populasse, telle que la décrit Furetières dans son
Cancaner
Les canards cancanent, les perroquets aussi… Mais ils ne sont pas les seuls,
rejoints par les colporteurs de ragots, les piailleurs, et il n’y a pas si
longtemps l’on attribuait volontiers le cancanage aux femmes – et le
paonnage aux hommes –, voire aux journaux qu’on pouvait accuser de
divulguer des cancans ; il semble bien que cette faculté soit finalement très
bien répartie, même s’il est délicieux de lire cette description à l’ancienne,
due au romancier Patrick Roegiers : « Il ne s’était pas diverti à paraître dans
les salons, hauts lieux du papillonnage, où paonnaient des sots éventés et
des sirènes plâtrées, et où cancanaient des caillettes d’alcôve et des potiches
au ventre rembourré… »
Canasson
Caner
— Au lieu de caner dans le froid, ils disparaissent dans la gloire du combat,
sous les applaudissements !
[Les Paris, II, Venec, L. III]
Un grand classique de l’argot, que les amoureux des séries noires et leurs
transpositions filmiques connaissent bien. « T’aurais pas pu y caner, non ?
C’est la communale qui r’commence… », argne Aznavour à Ventura dans
La Métamorphose des cloportes ; en plein cœur de la voyousphère, chez les
affreux, les vilains, où l’on ne cane généralement pas de vieillesse… Même
si ce verbe peut renvoyer aussi au fait d’avoir peur, ce qui, d’ailleurs,
précède logiquement le trépas, « caner », c’est donc mourir, sans qu’on en
retrouve vraiment l’origine. Certains évoquent le Sud-Ouest, avec une
extension pour « être mort », dans le sens de crevé, fatigué. Un autre sens
est celui de reculer devant un danger, faire preuve de couardise, assimilant
ce comportement à celui du canard ou de la cane qui plongent le bec dans
l’eau.
Canfouine
— Je leur ai signifié gentiment qu’on n’était pas chez les romanos* et qu’il
fallait qu’ils décarrent* vite fait dans leur canfouine avant de prendre ma
main dans la tronche* !
[La Chambre, Léodagan, L. II]
— Les placards sont fermés ! Vous allez retourner dans votre canfouine, au
trot, et si la faim persiste, mangez des moustiques : c’est nourrissant, ça
coûte rien, et ça débarrasse !
[La Restriction II, Séli, L. III]
Canonner
— Sans blague, si vous voulez pas vous retrouver sur le carreau, je vous
conseille de mettre un coup de collier !
[La Coopération, Arthur, L. III]
— Enfin, j’ai jamais parlé de nous laisser sur le carreau pour foutre* le
camp avec le premier clampin* !
[Tous les matins du monde, première partie, Séli, L. IV]
— J’connais les choses de la vie, j’ne vais pas vous laisser sur le carreau.
[L’Habitué, Venec, L. IV]
Caquer
Pas très utilisé, mais il se laisse aisément saisir, par l’apocope de… caca !
Carrer
Casquer
— Vous allez pas m’dire que vous allez casquer sans broncher* ?
[L’Usurpateur, Léodagan, L. IV]
— Ah, mais vous pourrez rentrer tant qu’vous voudrez, quand vous aurez
casqué !
[Les Endettés, le tavernier, L. IV]
Quand on casque, pour soi ou pour d’autres, c’est jamais une bonne chose
et, en réalité, ça sent souvent l’arnaque, voire le piège… Et l’origine
italienne, déjà chez Dante, est cascare, « tomber », dans le panneau ou le
piège ! La sèche sonorité appuie le déplaisir du geste…
Causer
Cèpe
— Oh mais vous me prenez pour un cèpe, tous les deux, j’ai dit pas de trucs
privés !
[La Fête de l’hiver II, Léodagan, L. III]
Cerise
Chagatte
Charlot
Charrier
— Nous, quand on vous charrie comme quoi Rome fout le camp, ce n’est
pas méchant.
[Le Déserteur, Lancelot, L. III]
C’est mignon d’être charrié, comme l’amusement des charades, mais avec
le croisement moins flatteur de tourmenter… Indémodable, on charrie
encore et partout !
Chars
— Comment vous pouvez être sûr qu’ils vous racontent pas des chars ?
[L’Espion, Arthur, L. III]
— À l’arrivée j’me suis fait mettre une chasse parce que j’avais ramené
l’autre tabouret, et que soi-disant il aurait fallu qu’il reste là-bas.
[Le Chaudron rutilant, Perceval, L. I]
— Attendez j’veux être là quand vous lui mettez une chasse !
[Le Privilégié, Merlin, L. IV]
— En tout cas moi, si je passe la journée à pioncer* sur une chaise, j’me
fais prendre une chasse par le roi…
[Le Tribut, Perceval, L. III]
Chialer
Chiasse
— Par exemple j’adore les fraises, ben si je bouffe* trois bassines de fraises
en une heure je chope* la chiasse, je suis comme tout le monde.
[Le Magnanime, Léodagan, L. III]
Chicot
— Vous vous rendez compte de la taille des chicots ? Ça doit lui faire un
four* comme ça au machin*.
[La Dent du requin, Perceval, L. I]
— Estimez-vous déjà heureux que je sois tombé sur un furet mort, et que
j’aie réussi à lui enlever les chicots sans gerber*.
[La Dent de requin, Merlin, L. I]
Chier
— La seule solution pour qu’ce soit encore plus sale, ça s’rait de d’mander
aux clients de chier directement par terre ! J’vois qu’ça.
[L’Épée des rois, le tavernier, L. V]
Chiffonner
Chinetoque
— J’ai justement besoin d’un grand local pour entreposer des chinetoques.
[Raison d’argent, Venec, L. I]
— C’est comme les bouquins*. Vaut mieux les pomper sur les chinetoques
que pas les écrire.
[Arturi Inquisio, Arthur, L. VI]
— Elane, un chinetoque.
[Dux Bellorum, Karadoc, L. VI]
Alors que le Chinois est l’habitant de ce vaste pays qui exporte beaucoup de
choses, le chinetoque est par extension n’importe quel Asiatique… La
suffixation insiste sur la bizarrerie dérangeante de ce qu’on connaît pas, et
qu’on n’a pas non plus forcément envie de connaître… Tellement répandu
qu’il figure sur le site « Chine informations » ! Et, finalement, qui mieux
que Venec pour en parler, longtemps après le soixantième San Antonio,
Tango chinetoque (1965) ?
Chiotte
Les chiottes, d’accord, mais rien de très excitant, même à la turque… P’tite
chiotte, ou chiottard, pourquoi pas, déjà plus bichant*. Je trouve
l’exclamation « chiotte ! » bien plus intéressante, si l’on insiste en plus sur
le « ch »… Mais peut-être ai-je à l’esprit les grandes plages normandes
désertes, le vent de liberté, deux hommes inséparables qui se chicorent un
peu, et l’un, Depardieu, déclarant à l’autre, Dewaere, en montrant sa poche :
« D’autant que les finances sont en baisse… » Et le cri de ce dernier,
déchirant les mornes langueurs maritimes : « Chiotte, mon pote, chiotte ! »
Ça s’appelle Les Valseuses, et ce fut mon évasion de jeune homme…
Chipoter
D’accord, on n’est pas dans le dur du parler voyous, mais plutôt le fin du
familier ; arrêtons-nous-y sans chipoter : car le ou la chipe est un petit
morceau d’étoffe, une rognure. Alors chipoter est une mesquinerie, une
façon de se disputer ce p’tit morceau d’étoffe…
Chochotte
— Dites, vous seriez pas un peu chochotte sur les bords ?
[Les Nocturnales, Guenièvre, L. V]
Être chouchou, c’est très mignon, et l’expression, ancienne, n’a que des
valeurs positives ! Du « chou » dont il est issu, le dérivé hypocoristique –
c’est pas la classe*, ça ?! – rappelle les sucreries de plage dont les crieurs
annoncent la venue ; le personnage de Gad Elmaleh, qu’il déclina au
cinéma ; ou les gros chouchoutages sous la couette, aux temps hivernaux…
Mais à être trop chouchouté, devient-on chochotte ? C’est moins valorisant,
en tout cas, surtout quand ça s’adresse aux enfants que l’on souhaite
engaillardir…
Choper
Choucard
Issu du romani, ce qui est choucard est bien beau ou bon ! C’est plus
vraiment employé de cette manière, mais il reste l’exclamation qu’avait
utilisée Muriel Robin dans un sketch : « Elle est pas choucarde, celle-là ? »
Chougner
— Moi, tout ce que je peux vous dire, c’est que la nuit, il chougne.
— La nuit il ? Chougne ? C’est-à-dire ?
— Eh ben, d’après ma femme, alors ça vaut ce que ça vaut, Bohort, la nuit,
il chougne.
[Le Privilégié, Léodagan à Arthur, L. IV]
— Si je chouine bien, si je montre bien ma blessure, je suis sûr que j’arrive
à te faire bouffer.
[Praeceptores, Glaucia, L. VI]
Cigare
Cintré
— Mon Dieu, qu’est-ce qu’on fait ici ? Si vous restez là, ils vont vous
buter*, c’est des cintrés !
[Dies Irae, Venec, L. VI]
Cirer
On ne peut pas cirer ce que l’on a déjà ciré ! C’est ce que disaient les
matelots, dès le milieu du XVe siècle, lorsque, glandouillant* sur le pont des
navires, ils se voyaient sommés de continuer à turbiner* !
Clacos
Quel prestige, quelle reconnaissance pour une AOC d’avoir son propre nom
familier et argotique, qui finit par désigner le produit générique lui-même !
C’est le célèbre camembert qui se vit nommer clacos et calendos. Tous les
fromages en ont tiré par la suite les bénéfices !
Clampin
— J’vous propose une petite quête secondaire fastoche* !
— Eh ben j’en veux pas ! Confiez-la à un autre clampin !
[La Mission, Arthur à la Dame du lac, L. III]
— Enfin, j’ai jamais parlé de nous laisser sur le carreau* pour foutre* le
camp avec le premier clampin !
[Tous les matins du monde, première partie, Séli, L. IV]
— Je suis désolé, il y a trop de clampins qui s’disent poètes, qui sortent la
licence poétique dès qu’ils pondent trois merdes* que personne comprend !
[Le Poème, Arthur, L. II]
À classer parmi les mots que j’aime ! La première syllabe claque bien, la
sonorité est efficace, et le mot suffisamment vieilli, sans être oublié, pour
s’appliquer encore… Quand le lambin* rencontre le clopin, boiteux, ça
donne un quidam un peu en dessous de la moyenne, parce que feignasse*…
Chez les militaires, c’est celui qui traîne la queue, comme Rochefort dans
Courage, fuyons ! (1979), tentant laborieusement de marcher au pas,
harcelé par une Dominique Lavanant en 2CV qui lui parle mariage…
Claque (ma)
Claquer
— J’ne vous cacherai pas qu’il a failli me claquer deux, trois fois dans les
pattes.
[L’Aveu de Bohort, Merlin, L. III]
Être claqué, c’est être fatigué. Claquer, c’est mourir ! D’ailleurs, être crevé,
c’est les deux ! Tout ne tient parfois qu’à un fil… Dans tous les cas, c’est
brutal, sec, comme la sonorité le suggère… Et on perd aussi des choses
importantes en un claquement de doigts, comme l’ami Jef de Brel, « parce
qu’une trois quarts putain* t’a claqué dans les mains »…
Classe
Clébard
— Ben évidemment que j’sais pas r’tourner à l’entrée, vous m’prenez pour
un clébard ?!
[L’Oubli, Léodagan, L. II]
— Ce soir les gars vont dire comme vous, tiens, l’clébard d’en face, il a une
gueule* de furet…
[Les Paris III, le tavernier, L. IV]
L’extension du bon vieux clebs, mais avec cette suffixation forte et peu
flatteuse, sauf pour les rimes : « T’as toujours ton sacré clébard/croisement
d’bâtard avec bâtard », nostalgisait Renaud…
Clebs
Quand l’arabe devient argot… Voyageons un peu, puisque kelb veut dire
« chien » en algérien, et kileb est son pluriel. On voit déjà le cheminement,
mais s’il n’y avait pas quelques p’tites originalités, ce serait pas classe… Le
Larousse introduit le mot sous la forme plus gauloise de « cleb », en 1863.
Car dans le langage fleuri des poilus, le cleb désigne le caporal, non
d’ailleurs pour l’humilier, mais parce que, comme le dit Cendras, « être
caporal c’est un métier de chien »…
Clicheton
— Ah le clicheton !
[Lacrimosa, Merlin, L. VI]
Clocher
La cloche est creuse et fait du bruit, ce qui peut expliquer que traiter
quelqu’un de cloche ne soit pas un mot tendre… « Être de la cloche » est
plus exotique, quoique moins réjouissant encore, puisque c’est appartenir au
monde des clochards… Et si ça cloche ? C’est probablement le son de
l’objet qui alerte que quelque chose ne va pas…
Clodo
— Ah ben non, [faire la charité] ça fait clodo, tandis que voler, ça reste un
genre !
[La Kleptomane, Léodagan, L. I]
— Y a tous les clodos du pays qui portent une barbiche et qui se prennent
pour des druides !
[Le Rassemblement du corbeau, Merlin, L. II]
— […] Comme quoi, mes cousins, c’est plus ou moins des clodos.
[La Garde royale, Karadoc, L. II]
— Dès qu’un clodo vient nous taper deux ronds pour picoler* on tient une
piste…
[En forme de Graal, Léodagan, L. I]
Coaltar
Cocoler
— C’est justement parce que vous avez été cocolé par une lopette* de
jardinier que vous gouvernez comme une femme.
[Goustan le Cruel, Goustan, L. I]
Cogne
Coltiner
— Vous coltinez la bouffe* des cuisines aux étages, qu’est-ce que vous
foutez* ?!
[Les Affranchis, Arthur, L. III]
— J’me coltinais une équipe de foireux*, ben j’ai viré* tout le monde.
[Le Destitué, Venec, L. V]
Commac
— J’espère que vous avez une chute à tout ça, parce que l’intro est
commac !
[La Kleptomane, Arthur, L. I]
— Il faudrait que vous fassiez péter* un signe, mais un truc commac !
[Vox populi, Arthur, L. I]
Con*/conne*/conneries*
— Seigneur Lancelot, faites pas l’con !
[Le Chevalier errant, Calogrenant, L. III]
— Alors là, mon p’tit pote, attention parce qu’il y a deux catégories de
conneries*, les grosses et les petites.
[Centurio, Luventius, L. VI]
Cet indétrônable, au point qu’il investit tous les recoins de notre quotidien –
le « trop bon, trop con » peut être servi à toutes les sauces, dans à peu près
tous les milieux –, n’est judicieusement que peu employé dans Kaamelott.
Avec en plus des variantes mimi : l’exclamation de Drusilla n’est pas sans
rappeler, à cet égard, celle d’Olivier Sitruk dans le générationnel Quatre
garçons plein d’avenir (1997). Alors c’est quoi le con ? Ben, le cunnus, et
le latin est physiologique : c’est la région du corps féminin où aboutissent
l’urètre et la vulve, et l’on notera le très élégant « pisser à con béant » des
frères Goncourt… Il est amusant d’ailleurs que les sexes féminin comme
masculin ne respirent pas l’intelligence, puisqu’on peut être également bête
comme une bite*… Mais – et mes excuses pour cette interrogation
personnelle –, être « con comme une bite » ? Transcende-t-on alors tous les
genres ? Les définitions abondent du con : celui d’Audiard ose tout, celui de
Veber fabrique des monuments célèbres avec des allumettes et est invité
dans des dîners d’exhibition… Verneuil, par la bouche de Belmondo tançant
Élisabeth Margoni, tente une nuance : « T’es trop conne ! T’es même pas
conne, t’es bête, et c’est peut-être ça qui te sauve… » (Le Corps de mon
ennemi). À tout seigneur, tout honneur : la première Jeep de la deuxième
DB à entrer dans Paris libéré, celle du capitaine Raymond Dronne, arborait
fièrement un fanion noir portant l’inscription « Morts aux cons »…
Confiote
Connard/connasse
— Eh, les connards, vous pouvez faire griller un porcelet, s’il vous plaît ?
[Seigneur Caius, Caius, L. IV]
« T’es un connard, toi ! » Ce qui pourrait n’être qu’une insulte de bas étage,
antichambre d’un bourre-pif, est, dans la bouche de Depardieu/Lucas, avec
un sourire protecteur à l’endroit de Richard/Pignon, et entraîné par la
musique pleine d’âme de Cosma, un grand cri d’amour… On pourrait écrire
une thèse sur les connards, sous toutes les formes et les nuances, que Caius
retranscrit à merveille ! La connasse, elle, a ses particularités, mis en avant
dans la série à succès de Camille Cottin… Le sans-gêne semble en être une
base solide.
Connaud
— Voir celui-là passer pour un connaud devant tous les druides du
continent, j’aime mieux vous dire que j’risque pas de louper ça !
[Le Rassemblement du corbeau II, Elias, L. IV]
Le con, bien que de multiples usages, reste peut-être un peu sec ; l’ajout du
suffixe au XXe siècle, notamment sous la plume de Malraux, ajoute une
nuance : « Je trouve le Négus un peu connaud » est moins musclé que : « Il
est con »… Cela dit, son emploi rare – c’est un euphémisme – pourrait bien
ôter ses dernières forces à ce terme si vous l’envoyez lors d’une montée de
voix !
Corniaud
— Dites, vous croyez que j’ai que ça à foutre* de faire faire de la magie à
deux corniauds ?!
[Les Volontaires II, Merlin, L. II]
— Et puis une fois tous les quatre ans, ils pourraient être à l’heure, les
autres corniauds !
[L’Assemblée des rois I, Léodagan, L. III]
— Je sais très bien ce que c’est, me prenez pas pour un corniaud !
[L’Usurpateur, Merlin, L. IV]
Costard
Couilles
— Il paraît que quand on enterre des couilles de mouton sous une statue de
Vulcain on peut demander…
[Praeceptores, Procyon, L. VI]
— Euh, juste une chose : manquez encore une seule fois de respect au futur
roi de Bretagne et je vous coupe les couilles.
[Nuptiae, le maître d’armes, L. VI]
Cradingue/crade
Craindre/craignos
— Oui sacripan, oui. C’est un terme un peu craignos… D’ailleurs bah voilà
même craignos c’est craignos.
[Nuptiae, Vérinus, L. VI]
« Craindre » serait ici l’antonyme d’« assurer », les deux verbes étant axés
sur la maîtrise : « Tu assures ! Il craint… » Ce qui est amusant c’est que les
deux expressions sont très très eighties, période à laquelle le second est né,
notamment de la plume renaudienne… De même que le craigneux et surtout
le craignos, carrément plus du tout usité à ma connaissance ! Si vous voulez
jouer à fond la carte du vintage, sortez un bon « ça craint du boudin ».
Autant assumer…
Craintu
— Non, j’pense pas qu’y ait des sévices, mais bon c’est quand même
craintu…
[L’Auberge rouge, Perceval, L. IV]
Cramer*
— J’ai fait cramer deux auberges et trois postes frontières […] J’vais
tomber sur un Romain, j’vais faire cramer une grange.
[Le Terroriste, Fearmac, L. II]
— On leur crame tout !
[L’Enlèvement de Guenièvre, Léodagan, L. II]
— Le mec* qui est en train de se faire broyer le pied, qu’est-ce que ça peut
bien lui foutre* qu’on le lui crame, en plus ?!
[Arthur et la question, Arthur, L. I]
Le bon vieux latin classique nous dit que cremare signifie brûler ; de là,
presque tout est dit, si on ajoute en outre le passage par le provençal
cramar ; la danse macabre des sbires du très inquiétant Michael Wincott,
dans le gothique The Crow (1994), chantant sous la lune : « Faut qu’ça
crame, faut qu’ça crame ! », reste un moment troublant de folie en bande
organisée…
Crapahuter*
— Et vous allez finir par crapahuter sur les […] de ma piaule* ?!
[Le Zoomorphe, Arthur, L. I]
Crécher
— Vous retournez crécher dans vos pays de débiles* et vous foutez le camp
de ma salle de bains !
[La Chambre, Arthur, L. II]
— Si vous êtes plus mes beaux-parents, j’vois pas bien de raisons de vous
voir crécher chez moi…
[L’Échange, deuxième partie, Arthur, L. IV]
Crénom
Crincrin
— Et tous les gratte-caisses, aux marchés aux bêtes, avec leurs crincrins
pourris…
[La Quinte juste, père Blaise, L. II]
— Le crincrin, ça fait des heures que ça dure, et en plus vous vous y mettez
à plusieurs !
[Le Oud II, Léodagan, L. IV]
Croquant
— Ah ! Alors, les croquants, on vient se faire un petit coup de Table ronde ?
[Le Retour du roi, le maître d’armes, L. V]
— S’il vous prend l’envie d’aller leur dérouiller* le cul, je ne vois vraiment
pas comment je pourrais vous en empêcher !
[Miles Ignotus, Goustan, L. VI]
Le culus latin est le derrière, et le cul est partout, depuis toujours. « Partie
basse et charnue du tronc humain », rappelle sobrement un dictionnaire.
Tellement présent, employé, décliné, familier qu’il aurait pu passer entre les
mailles du filet de ce livre, si une bonne âme ne me l’avait rappelé… Je ne
veux cependant pas m’y étendre, sauf pour citer in extenso le grand
Marielle, dans Les Galettes de Pont-Aven (1975), qui trouva son salut dans
cette partie de l’anatomie de la belle Dolores McDonough, qui lui redonna
l’inspiration pour (le) peindre :
« Ton cul, oh oui, ton cul, surtout… Montre-le moi, là, cambre-toi, tends-le
bien vers moi… Oh comme il est beau ! On dirait un Courbet, dis donc !
Quel génie il faut pour peindre ça… Quand j’pense que ce mec* en a peint
des milliers, et qu’on l’a poursuivi pour obscénités, alors qu’il a peint la
plus belle chose au monde : un cul. Un cul d’bonne femme ! Oh il est
magnifique… J’vais l’peindre en vert, en bleu, en rouge, en jaune, oh j’y
passerai des jours, des nuits, des mois s’il le faut ! Aaah nom de Dieu de
bordel de merde, aaah tu m’rends dingue, tu m’rends fou ; aaah, suis fou…
Ah ! penche-toi bien, là, ton cul, ton cul, ton cul, c’est mon génie ! »
Cureton
Il faut probablement demander par avance pardon aux Cureton, car il s’agit
également d’un patronyme, anglo-saxon et français. Mais aussi une façon
bien péjorative de qualifier un curé ! Ce mot semble apparaître au moment
de la Première Guerre, et l’on peut imaginer son emploi dans une ambiance
postséparation de l’Église et de l’État et fièvre anticléricale… C’est peut-
être l’argot des soldats, d’ailleurs. Il a suffit d’un suffixe ajouté à « curé »,
comme il existe aussi la « curaille » pour la prêtrise, et donc le
« curaillon »… Entre le tatillon père Blaise, qui s’enthousiasme de la messe
en latin – au désespoir des semi-dormants qui doivent y assister –, et qui
finit d’ailleurs par tenter sa chance du côté de la cité vaticane, et le
Répurgateur qui ne jure que par le feu du bûcher, la christianisation, dans
Kaamelott, n’est pas sans heurts, sans résistance, et est perçue d’un œil
parfois très… dubitatif !
D
Dalle
— Vous guidez que dalle ! Vous êtes encore plus paumée* que moi…
[La Voix céleste, Arthur, L. II]
Dauber
— Ça daube, c’est plein de sueur, je peux pas le voir avec ça !
— Non, non mais c’est pas que la tunique qui daube, c’est tout l’ensemble !
[Miles Ignotus, Arthur à Manilius, L. VI]
Débarouler
— Attendez, je les connais les chefs de clan, ceux qui débaroulent du bout
de la Calédonie…
[Le Banquet des chefs, Venec, L. I]
— À chaque fois que j’vais à un baloche*, je picole*, je discute, trois mois
après y a toujours un type qui débaroule avec sa fille.
[La Coccinelle de Madenn, Perceval, L. I]
— Quand les Saxons vont débarouler dans le jardin, on sera bien contents
que les gars sachent lire, ils pourront réciter du grec !
[L’Assemblée des rois, II, Ketchatar, L. III]
— Quand les Saxons débaroulent par paquets de deux mille, j’suis obligé
d’m’en occuper avant le Graal, sinon ils font flamber le pays !
[La Corne d’abondance, Arthur, L. III]
Quelle belle consonance ! On aurait presque l’image avec le mot, qui, bien
sûr, dit de quelque chose ou de quelqu’un qu’il arrive vite, qu’il tombe,
quasiment qu’il roule… Il y a bien à l’origine le fait de barouler, et l’on a
adjoint le préfixe qui accentue la chute… Le verbe est devenu classique,
depuis son entrée dans les dictionnaires, ce qui lui confère l’infini chic de
pouvoir être conjugué : si tu ne voulais pas que nous débaroulassions, il ne
fallait pas que tu débaroulasses… Mais le mot vient aussi d’une région, le
Sud-Est, et plus précisément… du Lyonnais ! Loin, certes, d’Arthur, mais
tout proche d’Astier.
Débilos
Débiner
On s’débine pour fuir, et le préfixe accentue le fait que ce n’est pas pour de
justes causes, mais par lâcheté… Rien à voir avec Perceval, avec qui
Angharad s’entretient de l’amour et de ses conséquences.
Décaniller
— Alors une femme ça va, mais un homme, on peut en décaniller dix par
jour !
[Le Sacrifice, Arthur, L. I]
— C’est au sujet que vous allez décaniller vite fait d’ici où j’appelle la
garde !
[Compagnons de chambrée, Arthur, L. I]
Si la canne est la jambe, décaniller est l’action de fuir ! Mais en passant par
le lyonnais decanilli… Un peu long à dire, mais peut-être pour laisser le
temps de déguerpir…
Décarrer/décarrade
— Décarre tes troupes de chez moi ou je crame ton pays, c’est assez simple
comme vocabulaire ?…
[Le Dialogue de paix, Arthur, L. II]
— Je leur ai signifié gentiment qu’on n’était pas chez les romanos* et qu’il
fallait qu’ils décarrent vite fait.
[La Chambre, Léodagan, L. II]
— Ne réfléchissez pas une plombe ! Je vous dis de sortir, vous décarrez et
c’est tout !
[La Vigilance, Arthur, L. II]
Déglinguer
— La prochaine fois que je vous vois tourner autour de la chambre du roi, je
vous déglingue la tête.
[L’Assassin de Kaamelott, Grüdü, L. I]
Dégobiller
— Dites, dans ceux qu’vous avez choisis, y en a qui ont déjà commencé à
dégobiller sur l’plancher, qu’est-ce que j’fais ?
[Les Recruteurs, le tavernier, L. V]
— Retournez-vous, vous !
— Ben carrément, j’ai pas envie de dégobiller !
[Les Dauphins, Perceval à Mevanwi, L. V]
— Je ne sais même pas pourquoi je dis très bon, j’ai dégobillé pendant toute
la traversée.
[Lacrimosa, Sallustius, L. VI]
Si gober – du gaulois gobbo, le bec, la bouche – est attraper au vol avec la
bouche, et donc avaler d’un coup, au propre comme au figuré, dégobiller
prend le chemin inverse, par la même origine, avec une sonorité assez
drolatique et insistante, d’où l’image de l’action n’est pas absente !
Dégommer
Dégueulasse/dégueuler/dégueu
— Y a des merdes* d’oiseaux partout par terre chez vous, c’est parfaitement
dégueulasse !
[Le Zoomorphe, Arthur, L. I]
D’équerre
Derche
— Bande de crétins, vous vous bougez le derche !
[Morituri, Lancelot, L. III]
Ah, ces charmantes suffixations ! Le derrière, c’est sympa, mais pas fou
non plus ; le cul, éculé, le postérieur, pas assez percutant… Derche,
l’apocope de derrière avec le « che » ronflant, donne un ton ancien-nouveau
efficace et point trop vulgaire… On trouve encore, ici ou là, des faux-
derches…
Dérouiller
— C’que j’vois, c’est que s’il y a un scorpion qui se pointe, je lui dérouille
sa mère !
[La Queue du scorpion, Grüdü, L. I]
Dérouiller
— De toute façon, vous aviez bien prévu d’aller les dérouiller !
[Le Négociateur, Perceval, L. I]
— S’il vous prend l’envie d’aller leur dérouiller le cul*, je ne vois vraiment
pas comment je pourrais vous en empêcher !
[Miles Ignotus, Goustan, L. VI]
Dessécher
Dézinguer
— Et puis quand il sera dézingué, on ira visiter Rome pour les ruines !
[Le Dernier Empereur, Léodagan, L. I]
— Déjà que j’aime pas voyager, si en plus c’est pour aller voir des mecs* se
faire dézinguer…
[Lethal, Arthur, L. I]
Ça fleure les films noirs, les bons polars à la française ; en tout cas, ça
démolit, ça anéantit, ça flinguerait presque, mais pas en silencieux ! Le
préfixe suggère cet allégement, cette soustraction d’une chose ou d’un
individu ; le reste vient du zinc, la matière, et qui recouvrait aussi les avions
de combat, communément nommés par métonymie des « zincs » ;
dézinguer serait donc le fait d’enlever le métal, donc de détruire. Et puis,
dézinguer, ça sonne définitif, brutal, lourd, et c’est sûrement l’explication
de la pérennité du terme, jusque dans l’argot des banlieues, c’est dire…
Dinde
Dingue/dingo
— Bon, de toute façon, on vous demande de prier, vous discutaillez pas des
plombes* du pourquoi du comment !
[Spangenhelm, Arthur, L. II]
— Je vous signale que quand vous aurez bien discutaillé une plombe* et
qu’il faudra se mettre à l’ordre du jour, vous allez tirer la gueule*…
[L’Absent, père Blaise, L. II]
Échauguettes
Emboucaner
« Ah ! Triste chose que l’humanité. Incarcérée, elle ne sent pas la rose,
dehors libérée, elle emboucane, elle fouette à vomir », écrivait Alexandre
Arnoux en 1948… Comme le bouc qui a la peu flatteuse réputation de
sentir fort – une autre réputation lui est plus avantageuse –, emboucaner
signifie dégager une odeur pestilentielle : en l’occurrence, Merlin tente un
rituel en utilisant la fumée pour faire parler le corbeau mort ; et boucane est
la senteur elle-même ! Senteur engagée, chez Renaud : « J’vais pas
m’laisser emboucaner par les fachos, par les gauchos »…
Embringuer
Emmancher (s’)
Empaffés
— Je m’demande bien quand même où ils vont, ces empaffés de paysans !
[Goustan le Cruel, Goustan, L. I]
Enfler
— Ça veut dire que je me suis fait enfler…
[744, Arthur, L. II]
— Je suis quand même assez grande pour voir que si vous achetez des
troncs d’arbres à ce prix-là vous vous faites enfler.
[Séfriane d’Aquitaine, Séfriane, L. III]
Se faire avoir, se faire gonfler avec de l’air, donnant une fausse impression :
voilà pour le dérivé du terme usuel… Enfler de quoi, c’est réglé. Mais
enfler où, c’est là qu’il faut s’arrêter, parce que le terme a une forte
connotation…
Enfoiré
— Tous les enfoirés d’en face, on s’les prend à deux, si vous voulez.
[Les Volontaires, II, Karadoc, L. II]
Si foirer, c’est avoir la diarrhée, l’enfoiré est celui qui en est souillé… Faut-
il développer ? Bien sûr, parce que Coluche en a fait un usage multiple et
bon enfant, à tel point que beaucoup d’artistes se sont regroupés sous cette
bannière, pour une noble cause, et qu’un rappeur récent a pris ce surnom,
pour une cause de moi inconnue…
Enfumer
— Euh, les lacs, on se casse le tronc à les faire en bleu, je vous signale.
Alors venez pas nous enfumer, hein.
[Praeceptores, Calogrenant, L. VI]
Engourdir
— Vous comptez tout de même pas tabasser* mes invités, si ? Quand ils
prétendent m’engourdir ma promise ?…
[Le Discours, Lancelot à Loth, L. IV]
— Allez, enquille !
[Des Nouvelles du monde, Léodagan, L. I]
— Nan mais c’est bon, j’en ai rien à foutre*, enquillez, j’ai pas envie qu’on
y passe la nuit…
[Le Poème, Arthur, L. II]
Entubage
Estanco
— Je crois que vous avez pas idée de qui c’est qui vient s’asseoir dans votre
estanco.
[Un roi à la taverne, Karadoc, L. I]
— Mais bon Dieu, on est en train de vous expliquer que votre estanco va
devenir un quartier général !
[La Sorcière, Karadoc, L. V]
Faiblard
— Alors j’ai cru comprendre que certains d’entre vous se sentaient un peu
faiblards à l’idée de rencontrer l’armée romaine.
[Lacrimosa, Arthur, L. VI]
Très pratique pour plein de choses, légèrement péjoratif, mais pas trop, une
sonorité expressive, et voilà un mot digne d’intérêt, à utiliser
abondamment…
Faisan
— Quand les gens vont savoir ça, ils vont penser que je veux imiter Arthur.
Je vais passer pour un faisan.
[Les Itinérants, Karadoc, L. V]
Farcir (se)
— Les escaliers, si vous vous les farcissez pas dehors, vous vous les
farcissez dedans !
[L’Ankou, Arthur, L. III]
— Moi c’est simple, je veux juste savoir si mon salopard* de mari se farcit
la cousine de la duchesse d’Orcanie !
[La Potion de vérité, Séli, L. III]
— Ça veut pas dire qu’on est obligés de se farcir vos réflexions !
[Le Dernier recours, Loth, L. V]
« Ah mais j’vais me l’farcir ! J’vais être obligé de m’le farcir ! » sentence
Jean Yanne avec un rire démoniaque à l’encontre d’un examinateur du
permis de conduire un peu trop insistant sur les routes départementales… Il
suffit de penser à la pintade ou au chapon de Noël que l’on farcit, c’est-à-
dire que l’on remplit totalement, pour comprendre le sens figuré !
Fastoche
— C’est fastoche, ou pas ?
[Le Vulgarisateur, Perceval, L. III]
Fatras
— Trouver une loi sur la régente dans ce fatras, ça va pas être de la tarte*…
[Le Jurisconsulte, Léodagan, L. V]
Feignasse/feignassou
— Allez, les feignassous, fini de glander* là !
[Unagi V, Perceval, L. V]
Le fainéant est vieux comme le monde, il hante nos contrées, parfois les
administrations, cherche la bonne planque*, vit aux crochets des autres…
Alors, par dépit, par rancœur, voire avec une pointe d’envie, on inventa la
« feignasse », où l’on peut insister lourdement – selon l’intensité de ces
dépits, rancœurs et envies – sur une des deux syllabes, ou sur les deux…
Pour atténuer un peu la charge, on peut tenter le feignassou, tout de même
plus recevable que la grosse feignasse !
Femmelette
Fête à bras
— On va aller se coucher, parce que c’est pas tout ça, mais demain y a fête à
bras…
[Aux yeux de tous, Léodagan, L. II]
Fiérot
— N’empêche, ceux qui n’ont pas trop le goût de l’extrême, ils ne doivent
pas trop faire les fiérots dans vos petites balades.
[Le Guide, Arthur, L. V]
Pas de quoi se relever la nuit… C’est pas bien méchant de faire le fiérot !
« Content comme un chien qui se promène avec une pomme de pin dans la
gueule » : voilà une p’tite définition simple de Montherlant…
Filoche
Fiole
— Je voulais savoir si vous comptiez vous payer ma fiole encore pendant
longtemps…
[L’Abstinent, Guenièvre, L. III]
Fion
— Magnez*-vous le fion !
[Les Classes de Bohort, le maître d’armes, L. II]
— Ah voilà, mes compotes, il faut forcément que ça finisse par des fions…
[Le Privilégié, Merlin, L. IV]
Fiotte
— Mais j’crois que c’est plus simple que ça, vous êtes une fiotte ! J’ai
épousé une grosse tati*.
[Les Nocturnales, duchesse d’Aquitaine, L. V]
Fissa
— Alors pour rester dans l’ambiance, vous allez vous calmer, mais alors
fissa ! Sinon j’vous fais coller tous les deux au trou !
[Feue la vache de Roparzh, Arthur, L. II]
Détour par l’arabe, avec ce classique très efficace pour « se grouiller* », ou
plutôt faire se grouiller les autres ! « Faire fissa » parle encore à la plupart
de nos congénères, comme il fut abondamment employé par les soldats
français d’Afrique du Nord avant 1870…
Flan
Flippant
Enfin du ricain ! Le flip, c’est l’effet de drogues, dont vous avez l’étendue
dans le flippant Las Vegas Parano (1998), ou décrit par Huxley dans Les
Portes de la perception. Alors quand c’est flippant, on est plus proche de
l’angoisse que du planage total !
Flûte
— Je peux très bien dormir dans la nature avec la voie lactée pour seule
couverture, alors flûte !
[Les Exilés, Merlin, L. V]
C’est pas bien méchant, m’est avis d’ailleurs que ce ne le fut jamais…
Même dans la bouche fertile de jurons d’Haddock ! Pas d’origine bien
définie, peut-être simplement la sonorité courte, en forme d’onomatopée ; je
cherche encore comment le réintroduire dans les dîners mondains, ayant
déjà renoncé à réaffirmer mon autorité par cette interjection auprès de mes
étudiants…
— Je ne suis pas contre le principe. Mais j’ai quand même un peu les foies.
[Lacrimosa, César, L. VI]
Attestés en 1872, les foies, organes, étaient blancs dans l’expression. Car au
lieu de rouge sanguin, signe de bonne santé et de courage, les avoir blancs –
comme le teint qui pâlit sous le coup de la peur – témoignait d’une frousse
panique, associée à la lâcheté… Il était une fois la vie (pour les historiens
ou les plus de 40 ans…) !
Foin (faire un/du)
Foirer/foireux
— J’vais nous faire passer pour quoi si j’y vais, vu qu’j’avais tout foirer ?!
— Tout foirer, c’est pourtant pas votre genre…
[Le Rassemblement du corbeau II, Elias à Merlin, L. IV]
— J’me coltinais* une équipe de foireux, ben j’ai viré* tout le monde.
[Le Destitué, Venec, L. V]
Fortiche
— On n’est p’t-être pas les plus fortiches, mais des batailles, on en gagne,
hein, des missions on en réussit deux, trois…
[Raison d’argent II, Arthur, L. III]
— Parce que les chefs de clans, pour gueuler* : « Les Romains dehors, les
Romains dehors », là ils sont fortiches.
[Centurio, Léodagan, L. VI]
On n’y prend pas assez garde en le disant, tant il est courant ; c’est « fort »,
bien sûr, avec une p’tite suffixation qui peut marquer l’ironie. J’en profite
pour évoquer les fortifs, venant pareillement de « fort » et renvoyant cette
fois aux premières/dernières fortifications de Paris, détruites en 1919, qui
étaient très mal fréquentées. Tout ça pour citer Renaud, dans sa poignante
Gueule d’aminche : « L’avait pas une gueule trop moche/ Sous sa casquette
de fortif/ Y traînait à la Bastoche/ Où c’est qu’y jouait du canif »…
Fouetter
Fouilles
— Ça tombe tout dans vos fouilles ?!
[Le Privilégié, Merlin, L. IV]
— Quand on sait combien qu’y s’mettent dans les fouilles, c’est pas à vous
que j’devrais dire ça, mais à Kaamelott c’est quand même une jolie bande
de fumiers* !
[L’Échelle de Perceval, le tavernier, L. IV]
— Vous vous rendez compte de la taille des chicots* ? Ça doit lui faire un
four comme ça au machin*.
[La Dent du requin, Perceval, L. I]
Je vais me reposer un peu… Il est bien logique que le four de cuisine, que
l’on peut ouvrir grand pour y mettre ou en retirer les plats, suggère la
bouche ! Pas besoin de grands développements. Chacun comprendra si on
lui dit : « Ferme ton grand four ! »
Fourbi
— Mais là, avec un fourbi pareil, ils sont sur une seule machine, et pour
quel rendement, j’vous l’demande !
[Le Mangonneau, Calogrenant, L. III]
— Huit mille ? Moi j’ai donné mon accord pour un fourbi à huit mille ?!
[Le Privilégié, Arthur, L. IV]
— Vous rentrez dans votre bled* avec votre fourbi, puis vous arrêtez de
nous casser les sabots !
[Le Substitut, Léodagan, L. V]
Fourgue
Fourgonner
— J’les vois toujours fourgonner de tous les côtés, je sais jamais c’qu’ils
foutent !
[L’Empressée, Perceval, L. III]
Foutre
— On a autre chose à foutre que se râper les miches* sur les tabourets de
votre boui-boui* !
[Le Sixième Sens, Perceval, L. I]
— Dites, vous croyez que j’ai que ça à foutre de faire faire de la magie à
deux corniauds* ?!
[Les Volontaires II, Merlin, L. II]
— Ils ont que ça à foutre, les paysans, bousiller* les champs de blé…
[Silbury Hill, Léodagan, L. II]
— Le mec* qui est en train de se faire broyer le pied, qu’est-ce que ça peut
bien lui foutre qu’on le lui crame*, en plus ?!
[Arthur et la question, Arthur, L. I]
— Je lui ai dit qu’il était encore plus con que gros, alors il s’est foutu en
rogne*, comme quoi il était autant l’un que l’autre, et c’est parti en vrille*.
[Le Repos du guerrier II, Perceval, L. III]
— Qu’est-ce que j’fais, moi ? J’me fous en rogne*, j’vous fais descendre les
escaliers à coups de pompes* dans l’cul* ?
[La vie est belle, Arthur, L. IV]
— S’ils croient que j’vous ai pas amené, ils vont peut-être se foutre en
rogne* !
[Le Face-à-face, première partie, Venec, L. IV]
— J’ne vais pas ramener ma fraise, mais il me semble qu’on est déjà passés
par ici.
[Le Rêve d’Ygerne, Grüdü, L. IV]
Sans forcément un lien visuel, tout au plus par une « vague analogie de
forme », selon un dictionnaire, la fraise devint la tête… Ramener sa fraise,
c’est donc venir quand on n’y est pas invité, ou se mettre indélicatement en
avant ; la fraise s’éclipsant, il nous reste l’expression « la ramener » !
Frangine
Le mot est aussi connu que son origine est obscure ! Il y a d’abord le frère
et la sœur, puis les copains et copines… Et même les francs-maçons, qui
peuvent à l’occasion se nommer trivialement les frangins et frangines…
Fric
— On leur rend leur fric, on remonte sur les chevaux, et on leur met sur la
gueule*.
[Miles Ignotus, Goustan, L. VI]
— Et deuxièmement Rome lui a déjà fait des propositions de fric, à ton chef
breton.
[Arturi Inquisito, Publius, L. VI]
— Et je vous rappelle que votre père, quand il s’est agi de ramasser le fric
des Romains, il ne s’est pas trop posé de questions.
[Arturi Inquisito, Séli, L. VI]
Comme souvent, une origine incertaine pour un terme tellement usuel ! Que
dire, tant il y a à dire ? Le fric connut probablement ses heures de gloire
dans les eighties, années fric s’il en fut, avec la pub – Ardisson et
Beigbeder –, la télé – les animateurs/producteurs rois sous la présidence
d’Elkabbach –, la Bourse – cf. American Psycho…
Frichti
Frimer
Fringues
— En plus je peux même pas le reconnaître à ses fringues, il était torse nu !
[Centurio, Caius, L. VI]
Friter (se)
— Attention, parce que si jamais on me rapporte que vous vous êtes encore
frités, ou que même vous avez juste levé la voix pendant le repas, je vous
retire vos terres.
[L’Entente cordiale, Arthur, L. IV]
— Est-ce que y aurait pas moyen que ça frite pas, au moins aujourd’hui ?
[La Roche et le Fer, Arthur, L. V]
— Ils peuvent pas rester une heure dans le même endroit sans que ça frite !
[Centurio, Frontinius, L. VI]
Même si avoir la frite est vraiment agréable pour tout le monde, faire une
frite à quelqu’un l’est nettement moins, et ce fut une frayeur de cours
d’école… Souvenez-vous de votre postérieur endolori par le coup porté
avec les doigts, notamment l’index replié… Se friter est relativement
récent, et dans la logique du sens précédent, c’est se battre, même si le sens
s’est, me semble-t-il, un peu émoussé : ce serait, aujourd’hui, plutôt se
chercher, se bousculer, se provoquer. Qu’en fut-il de Renaud ? « Y avait une
bande de mecs/ D’l’autre côté de la piste […]/ On s’est frités avec/ C’était
vraiment pas triste »… À l’époque ça sent quand même la castagne du
samedi soir, à la Main jaune, ou autour des flipp’…
Froc
— À moins que vous préfériez qu’on dise partout que le roi est une petite
pédale* qui pisse* dans son froc à l’idée de se battre !
[Le Maître d’armes, le maître d’armes, L. I]
— Qu’est-ce qu’y faut que je fasse pour que vous foutiez* le camp du
château, que j’foute le feu à votre froc ?!
[La Clandestine, Arthur, L. IV]
Frometon
— Surveillez le frometon !
[La Grande Bataille, Karadoc, L. III]
— J’ai affiné cette saloperie* de frometon pendant des mois et des mois !
[Arturus Rex, Belt, L. VI]
La France est le pays des trois cents fromages, comme OSS 117 se plaisait à
le rappeler à une Brésilienne peu convaincue… Et aussi, et donc, des trois
cents façons de le nommer, grâce à des suffixations et resuffixations
inventives ! En voilà une, qui est d’ailleurs assez connue.
Fromgom
Fumer
Belle sonorité, efficacité garantie, d’où son emploi régulier dans les textes
de rap, d’IAM avec son nostalgique Mia – « Tête à tête je vais te fumer
derrière les cyprès » –, aux plus récents Kaaris et Booba, et j’en passe…
Fumier
— Quand on sait combien qu’y s’mettent dans les fouilles*, c’est pas à vous
que j’devrais dire ça, mais à Kaamelott c’est quand même une jolie bande
de fumiers !
[L’Échelle de Perceval, le tavernier, L. IV]
— Dites, vous étiez pas consigné chez vous, très gros tas d’fumier ?
[Le Dernier Jour, Léodagan, L. V]
— Les fumiers les fumiers les fumiers les fumiers les fumiers !
[Dux Bellorum, Glaucia, L. VI]
Fute-fute
Gadins
— Quand vous voyez des gadins de douze pieds de haut, figurez-vous qu’ils
ont pas poussé dans la nuit !
[Silbury Hill, Arthur, L. II]
— Après ils m’ont j’té des gadins et une marmite avec un restant de soupe
de poisson…
[L’Alliance, Hervé de Rinel, L. II]
— Là c’est aussi des fraises, probablement les mêmes, d’ailleurs, mais par
un procédé miraculeux que je n’arrive pas à m’imaginer, on dirait des
gadins.
[Raison et sentiments, Arthur, L. IV]
— On passe pour des revenants, et on s’prend des gadins plein la poire !
[Les Bien Nommés, Séli, L. IV]
— Ils doivent se dire, un mec* qui nous appâte avec des gadins, il nous
prend vraiment pour des cons*…
[L’Inspiration, Perceval, L. IV]
Gaffe (faire)
À mon avis, ce sera une découverte pour beaucoup, comme pour moi : la
gaffe est la garde municipale, la gendarmerie ; et par un glissement logique,
« fais gaffe ! » prend tout son sens, tout comme le moins courant « être en
gaffe »…
Galère
« Que diable allait-il faire dans cette galère ? » Les jeunes zazous de nos
cours d’école, les rappeurs aux blazes qui font peur, et tant d’autres
honnêtes gens savent-ils qu’en parlant de galères, ils citent allégrement
l’ami Molière et ses Fourberies de Scapin ? Du haut de son théâtre,
précisément trois siècles et demi nous contemplent… Inutile de remonter
aux galères antiques, où les rameurs n’étaient probablement pas à la fête…
De vrais galériens, eux !
Galoche
Gamelle
Gamberger
Gamin
— Bah vous, vous faites ce que vous voulez, nous on rentre garder le
gamin !
[Centurio, Séli, L. VI]
« Reviens, gamin, c’était pour rire, gamin ! » Qui a vu C’est arrivé près de
chez vous se souvient avec un effroi mêlé de fascination drolatique de la
poursuite du « gamin » et de son exécution, dans la riche maison visitée par
Poelvoorde et ses complices journalistes… Mot si usuel qu’on n’y prête
plus attention. Trouvons-lui quelque originalité… Il est singulier, d’abord,
que ce qui désigne un enfant fait aussi référence à une pratique… sexuelle !
La « gamine » consiste à un chevauchement par la dame, comme le dada
enfantin, alors que les « gosses » au Québec sont les… testicules !
Passons… Je me délecte de cette définition de 1867 : « Enfant qui croit
comme du chiendent entre les pavés du sol parisien, et qui est destiné à
peupler les ateliers ou les prisons, selon qu’il tourne bien ou mal une fois
arrivé à la patte d’oie de la vie, à l’âge où les passions le sollicitent le plus
et où il se demande s’il ne vaut pas mieux vivre mollement sur un lit de
fange, avec le bagne en perspective, que de vivre honnêtement sur un lit de
misère et de souffrances de toutes sortes… » À démoraliser pour toujours
toutes les générations de pisseux* et pisseuses* !
Gauler (se faire)
Pas de sexe, promis ! La gaule est un long bâton – bon, d’accord, je me suis
peut-être avancé un peu vite – dont on se sert pour faire tomber les noix en
tapant les branches du noyer ; se faire gauler est ainsi tomber dans les filets
du chasseur de noix, être pris par la gaule…
Gerbe/gerber
— Estimez-vous déjà heureux que je sois tombé sur un furet mort, et que
j’aie réussi à lui enlever les chicots* sans gerber.
[La Dent de requin, Merlin, L. I]
— À un moment il s’est mis à gerber partout, et, pfff, il est mort.
[De retour de Judée, Dagonet, L. I]
— C’est la gerbe !
[Mater dixit, Arthur, L. II]
Visualisez le départ d’un feu d’artifice, avec les fusées décollant d’abord en
gerbe… Alors vous avez tout compris, sans avoir besoin qu’on vous fasse
un dessin, même si c’est moins bucolique que les gerbes de fleurs ; la
sonorité ajoute à l’image, d’où, à mon sens, le succès jamais démenti du
mot, même dans le verlan ! Bégère, c’est sympa, mais ça sonne quand
même moins bien ; par ailleurs, si l’on est gerbé, on est condamné, mais
c’est une autre histoire…
Gigoter
Givré
— Ça fait des années que tout le monde se paie ma gueule et me prend pour
un givré de première avec cette histoire !
[Aux yeux de tous, Arthur, L. II]
Glairer
Probablement l’un des mots les plus vilains du dico ! Quand la forme – une
sonorité peu flatteuse – accompagne le fond : liquide visqueux, filant,
sécrété par certaines muqueuses… Autant « glaviot* » est drôle, autant
« glaire » est simplement dégueu*… Je n’ai pas trouvé d’autres occurrences
de « glairer quelque chose », ce que, dans le contexte, on peut associer à
« qui a bavé* ? », c’est-à-dire « dénoncé », sous une forme peu amène
envers le glaireux ou le baveux*…
Glandu/glandouillos/glander/gland/glande
rie
— Quand vous ne comprenez pas, vous dites « c’est pas faux », comme ça,
vous ne passez pas pour un glandu.
[La Botte secrète, Karadoc, L. I]
— Et si j’vous dis que vous êtes deux glands, là vous avez du péremptoire !
[Unagi II, Arthur, L. II]
— Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle glanderie, encore ?!?
[Le Tourment II, Arthur, L. II]
— Une fois de temps en temps, faut s’dire : tant pis, aujourd’hui je passe
pour un gland…
— Ouais, remarquez ça va, c’est pas comme si on passait pour des glands
tous les jours !
[La Botte secrète II, Perceval à Karadoc, L. II]
— Quand c’est utile, vous avez le droit de venir, ce que je veux pas c’est de
vous voir glandouiller ici !
[Le Traître, Arthur, L. IV]
— Il m’a trahi, qu’est-ce que vous voulez qu’il vienne glander là ?
[Les Repentants, Arthur, L. V]
Comme pour tous les dérivés, on part du gland, le bout du sexe… « T’es
une pine ! », « T’es une bite* ! », « T’es un gland »… On ne tentera pas de
comprendre pourquoi le sexe a l’air si bête… Dans la hiérarchie
karadocienne, les glandus sont associés aux grouillots* – quoique
mentionnés juste avant –, les premiers humains suivant les méduses et les
insectes. Le glandu est un être intrinsèquement niais, qui donc
naturellement ne pourra que servir et être employé à ça. Si le glandu semble
dériver du glandeur, c’est pas le même univers : le glandeur choisi de l’être,
comme un style de vie, à la Lebowski, qui l’érige en art de vie suprême,
forçant l’admiration, si ce n’est le respect ! The Big Lebowski (1998) est
d’ailleurs devenu iconique – ainsi que le mot « procrastination » –, comme
Alexandre le bienheureux (1968) en son temps : après une vie de labeur au
service de sa femme, Noiret décide, à la mort de cette dernière, de se laisser
porter par sa nature : pas loin, juste dans son lit, à jamais… Le glandu est
simplement bêta ; mais attention, il peut être bête ET méchant : Adolf Benito
Glandu, personnage créé par Thierry Le Luron, est salement fasciste,
raciste, cumulant toutes les tares de la bêtise crasse. Enfin, rendons
hommage à ce nom de famille originaire du Dauphiné, qui assume
d’incarner également une caricature du Français moyen, à l’instar de
Bidochon…
Glaviot
— Si, vous étiez malade ! Vous étiez pâle comme un cul* et vous toussiez
des glaviots !
[La Baraka, le tricheur, L. III]
Godasse
— Par un effet de ventouse j’ai laissé ma godasse et je me suis emmêlé le
jambon !
[Dux Bellorum, Bohort, L. VI]
« […] Et sauter dans les flaques pour la faire râler/ Bousiller nos godasses
et s’marrer »… Que d’émotion, Quand on est « barge que de tes yeux » et
un peu sensible ! Alors on comprendra que « godasse », même associée par
Bohort à son jambon de jambe, et quelle que soit la cocasserie de l’image
de la ventouse qui décolle la godasse dudit jambon, a un p’tit parfum
d’antan…
Godiche
— Elle a même tellement merdé* qu’elle s’est fait bannir, cette godiche !
[Aux yeux de tous, Méléagant, L. V]
Goinfrer/goinfreries
D’une origine incertaine, le mot est ancien, toujours usité, avec une sonorité
flatteuse pour le sujet qui s’y rapporte : l’excès et la bouffe ! On peut élargir
encore, comme le conseil hippique que donne Maurice Biraud, devenu
propriétaire d’écuries, au revenant-de-loin Lino Ventura, dans La
Métamorphose des cloportes : « Si tu veux faire fructifier, tu mises tout ça
dimanche sur Bébé rose dans la quatrième, un produit maison ; si ça veut
rire tu peux t’goinfrer »… « Si ça veut rire tu peux t’goinfrer… »… Quel
génie !
Gonzesse/gonze
— Moi mes gonzesses sont lavées, parfumées, bien fringuées*, j’ai pas
l’habitude de les r’cruter dans les oubliettes !
[La Prisonnière, Arthur, L. IV]
— Vous voyez le tableau ? Les gonzes qui s’pointent des quatre coins du
monde !
[L’Épée des rois, Perceval, L. V]
Le gonze est plutôt anonyme et quelconque, moins bête que l’italien d’où il
vient, gonzo « stupide »… La gonzesse est beaucoup plus intéressante : ça
peut aussi être une princesse, comme chez Renaud : « Ma gonzesse, celle
que j’suis avec/Ma princesse, celle que j’suis son mec* »… Mais aussi,
dans la féminisation de l’autre, donc l’atteinte à sa virilité, ça peut être très
péjoratif : « Une vraie gonzesse ! Tu la cherches, ta valse, hein ?! », menace
Ventura dans La Métamorphose des cloportes, face à un Pierre Brasseur
fuyant… Entre « c’est ma gonzesse ! » et « t’es une gonzesse », il y a un
monde.
Gouine
— Oh là, je suis désolée, je crois que j’ai traité votre tante de grosse gouine.
[Dies Irae, Guenièvre, L. VI]
Gourbi
— Donc vous nous invitez dans votre gourbi, pour rencontrer le nouveau roi
d’Bretagne, sauf qu’il existe pas encore…
[Arturus Rex, Loth, L. VI]
— « Je rendrais ses yeux à Kaamelott. » Est-ce que ça voulait dire que nous
allions habiter dans un gourbi ?
[Les Sentinelles, Lionel, L. V]
Gourde/gourdasse
— Pas plus tard que ce matin, j’ai ferré une de ces gourdasses !
[La Pythie, la pythie, L. III]
— Sans blague, y a pas d’la gourdasse ?!
[La Baraka, Karadoc, L. III]
— Vous vous placez dans quelle catégorie, les chefs d’État ou les
gourdasses ?
[Tous les matins du monde, deuxième partie, Léodagan, L. IV]
— Un mariage de magouilleurs, sordide, avec une gourde que j’ai jamais pu
encadrer !
[Tous les matins du monde, deuxième partie, Arthur, L. IV]
— Me faire donner des leçons de politique par une gourde qu’a jamais rien
foutu de ses dix doigts…
[Les Exilés, Arthur, L. V]
Les doigts gourds sont engourdis par le froid, comme peuvent l’être les
jambes, ou n’importe quel membre. Donc lourds, pesants, ce que rend
l’étymologie latine. Voilà la gourde et la gourdasse arrivées, puisqu’elles ne
sont qu’au féminin ; sinon, il faut remonter au gourdiflot, si le cœur vous en
dit… On notera encore la suffixation « asse » qui est si efficace pour
appuyer là où ça fait mal…
Gourer (se)
— Je me suis gouré parce que j’avais mal étiqueté mes fioles…
[L’Invincible, Merlin, L. II]
Grailler
Gratin
— Le jour où c’est la reine, du gratin, ou vous, bon, ça peut arriver, alors là
vous inquiétez pas, je le fais, moi.
[L’Ankou, l’Ankou, L. III]
— Est-ce que vous vous considérez comme du gratin ? […] je ne sais pas ce
que vous entendez par du gratin.
[Les Aquitains, duc d’Aquitaine à Séli, L. V]
« Les échotiers mondains ont trouvé un mot assez pittoresque, mais par trop
irrespectueusement culinaire, pour désigner ce que nos pères – non moins
pittoresques, mais plus fleuris dans leur langage – appelaient le dessus du
panier. Le mot des échotiers susmentionnés, c’est le gratin du gratin… »
Pour les amateurs de cuisine, nous ajouterons les huiles – les gens les plus
influents – et le fromage, car rentrer dans un fromage, notamment par
un bon mariage, c’est avoir son avenir assuré, aimait à me le rappeler mon
tonton Albert…
Gratter (se)
— Une fois j’ai craché sur les pompes* de l’empereur Justinien, alors j’vais
pas m’gratter pour l’un d’ses sous-fifres* !
[Le Secret d’Arthur, Séli, L. II]
— Suis déjà pas poli avec les empereurs romains, j’vais pas m’gratter pour
une gouvernante !
[La Joute anciliaire, Arthur, L. II]
— J’faisais déjà pas de courbettes à Arthur, j’vais pas m’gratter pour un roi
de seconde zone !
[Loth et le Graal, Perceval, L. IV]
Un de mes chouchous… Peut-être parce que j’entends la voix ronde et
déterminée de Blier, pointant son arme sur Depardieu dans l’extraordinaire
Buffet froid (1979), et déclarant sententieusement : « Je viens d’buter* cinq
musiciens, j’vais pas m’gratter pour un chômeur ! » Se gratter, dans l’argoji,
était le fait de ne rien recevoir : « Tu as pris tout le fricot, moi, je me
gratte » ; mais « j’vais pas m’gratter » pour quelque chose dont je me fous
ostensiblement laisse deviner que ça ne vaudrait même pas le plus petit
effort. Je trouve que la sonorité et le rythme – il faut évidemment syncoper
les mots – sont d’une géniale efficacité !
Greffier
Grelots
Grouiller (se)
— Nan mais sans vous grouiller, vous s’rez gentils de pas lambiner* !
[L’Habitué, Venec, L. IV]
Grouillot*
— C’est de la famille ?
— Non, c’est un grouillot.
[L’Ankou, Arthur à l’Ankou, L. III]
« Là, y a les méduses, les insectes. Là, y a les glandus*, les grouillots. Là, y
a les mecs normaux. Là, y a les chevaliers. Là, y a les rois et les princes. Et
après, bien au-dessus, y a le roi Arthur. Vous, vous aurez eu deux
bonhommes dans votre vie, eh ben vous pourrez dire que vous avez tapé
dans l’exception. »
[Le Duel, deuxième partie, Karadoc, L. IV]
C’est donc le premier stade de l’humanité, comme les insectes sont le socle
du règne animal. Le déterminisme médiéval fait que les grouillots le sont
presque naturellement, ontologiquement, qu’ils ne sont destinés qu’à l’être,
comme les glandus*. D’ailleurs, comme le souligne Léodagan, pas la peine
de leur laisser de la lumière, « de toute façon ils savent pas lire » ! Ils n’ont
évidemment aucun honneur à leur mort, puisque l’Ankou ne viendra même
pas lui-même les porter dans sa charrette, ce qu’il réserve au gratin*.
Gu
Gueuler/gueule
— Et moi je vous annonce que vous allez vous mettre au turbin*, comme on
vous dit, sans ça vous allez ramasser des tartes* dans la gueule !
[La Potion de fécondité II, Séli, L. III]
— On va commencer par les mettre dans de bonnes conditions avec un bon
gueuleton !
[Le Dialogue de paix II, Léodagan, L. III]
— Alors eux, ils n’ont pas de duels, mais ils ont un gueuleton avant chaque
règlement de comptes !
[Le Duel, deuxième partie, Arthur, L. IV]
Guez
Guibole
— Figurez-vous que mon cheval s’est tordu la guibole sur vos saloperies*
de routes pavées.
[La Vraie Nature du Graal, Léodagan, L. I]
Encore du normand : une guibonne était une jambe, guibon une cuisse, une
guibole, plus drôle et ironique, une jambe qui souvent ne tient plus tout à
fait droite, flagelle, se cotonne, même si on peut en jouer aussi, puisque la
guibole est aussi… une guitare !
Guignol/guignolo
— Mois j’l’ai croisé une fois, l’pape… sans déconner… Eh ben, c’est un
guignol comme un autre !
[L’Ambition, Arthur à Bohort, L. II]
Jacasse
Jaja
— On peut sonner de la corne pour lui demander s’il a apporté un peu de
jaja ?
[La Patience dans la plaine, Karadoc, L. I]
Jean-foutre
— Jean-foutre !
[Le Grand Départ, Séli, L. IV]
Jetons
— Vous savez que vous êtes déjà pas bien aguichants de jour, mais de nuit,
vous êtes à deux doigts de me filer les jetons !
[La Cassette II, Arthur, L. III]
Il y a les jetons de monnaie, des pièces plates ; il y a, plus fun encore, les
jetons de poker et de casino ; ce serait bath, mais avoir les jetons ne vient
pas de là – on ne verrait d’ailleurs pas bien le rapport… Le registre est bien
différent : le verbe « jeter », au Moyen Âge, se rapportait à « faire sortir »,
« expulser » – possiblement les excréments. Or une peur excessive peut
parfois provoquer l’incontinence, ce qui donne des expressions plus claires
encore, comme « avoir la pétoche », « chier* dans son froc* », etc. Bon
appétit, bien sûr !
Jinjin
Jojo
— Pour faire court, vous êtes ici chez les salopards* ! C’est admis… On n’a
pas des idées bien jojo, et on n’a pas peur de l’dire !
[Dagonet et le cadastre, Loth, L. IV]
— Attaquer les mecs* dans leur sommeil, c’est quand même pas jojo,
excusez-moi !
[L’Auberge rouge, Arthur, L. IV]
— Non mais justement on parle de ça, là. Parce que le rapport, je le trouve
pas jojo.
— Ah bah, t’as pas à le trouver jojo.
[Praeceptores, Macrinus à Cordius, L. VI]
Jouasse
— Vous pouvez pas savoir comment on est trop jouasses d’être là !
[Le Périple, Yvain, L. V]
— Là je serais pas jouasse, mais je s’rais plus surpris que pas jouasse !
[Aux yeux de tous III, Arthur, L. V]
Jus (mettre au)
— Et là j’suis obligé de vous mettre au jus, parce que c’est la base de tout.
[La Sorcière, Karadoc, L. V]
— Il a qu’à me tenir au jus de ses plans s’il veut pas que je lui mette des
bâtons dans les roues !
[Arturi Inquisito, Glaucia, L. VI]
Kicker
Kiki
— Déjà quand on tombe sur quatre kikis, on ne dit pas une horde.
[Le Prodige du fakir, Arthur, L. I]
— Et s’il retire pas l’épée, l’autre kiki, le mariage ça tient toujours ?
[Arturus Rex, Goustan, L. VI]
L’aventure de la rencontre du fakir, contée par Yvain et Govain, est un
délice autant pour les esgourdes* que pour les yeux… À épisode
exceptionnel, terme idoine ! Qui sont, ou que sont, les quatre kikis croisés
par les deux chevaliers qui en ont fait une « horde » ? Si les « quiquis »
désignent les abattis de volaille, il est peu probable, même dans le cadre des
missions les plus folles des chevaliers, qu’ils aient croisé des abattis… Mais
les kikis sont plus couramment les cous et les gorges ; ce qui pourrait
paraître contre-intuitif, car « couper le kiki » n’évoque pas spontanément la
décapitation ou l’étêtement… Est-ce dû au « kiki » de Félix, décrit
avantageusement par Zézette dans Le père Noël est une ordure ? « Kiki »
qui inspira OSS 117 dans sa première aventure cinématographique, avec
« cette histoire de kiki qui inquiète en plus haut lieu […] Vous n’avez pas
parlé du kiki à Coty !? » Énorme… Mais tout ça ne nous apporte pas de
réponses ! Alors demandons-nous plutôt qui est kiki ? Quelqu’un qu’on
aime bien dans l’expression « c’est parti mon kiki ! », apparue dans les
années 1930. Un poussin, un petit être fragile, si l’on veut rester dans
l’enfance et ses mots tendres et encourageants – ou un mari, un amant, si
l’on veut grandir un peu ? À moins que l’on s’attarde sur le « kiki » hélé par
les arpenteuses de trottoirs pour attirer l’attention d’un éventuel
micheton*… Bref, les quatre kikis servent surtout de contraste avec la
horde fantasmée par les aventuriers.
Kil
Kique
Lambins/lambiner
— Nan mais sans vous grouiller*, vous s’rez gentils de pas lambiner !
[L’Habitué, Venec, L. IV]
— Bon Dieu, des lambins j’en ai connu, mais des comme vous…
[L’Habitué, Venec, L. IV]
— Vous imaginez pas que vous allez lambiner comme ça tout le trajet, si ?
— Je ne lambine pas, je marche à mon rythme !
[Les Sentinelles, Guenièvre à Arthur, L. V]
— Vous savez ce n’est pas tout près, Kaamelott. Faut pas lambiner.
— Nan mais sans aller jusqu’à lambiner, on n’est pas obligés de cavaler, si ?
[Le Guide, Arthur à Méléagant, L. V]
Lampée
Larbin/larbiner/larbinos
— Les larbins des cuisines se prennent deux volées par jour à cause de la
bouffe* qui disparaît !
[La Kleptomane, Arthur, L. I]
— Il faudrait que vous fassiez péter* un signe, mais un truc commac* !
[Vox populi, Arthur, L. I]
Je crois que tout le monde sera d’accord pour estimer que « larbin » est très
péjoratif, et pour savoir qu’il s’agit d’un serviteur, avec tout ce que ça
implique d’obséquiosité, de docilité, etc. D’où le larbinisme, décrivant une
attitude générale. Larbins, grouillots*, clodos*, pécores*, voici les abysses
de la société kaamelottienne !
Larguer
Si vous faites « largue », c’est que vous faites de la place, dans le langage
maritime. Larguer les amarres, tout le monde connaît, c’est l’expression
figurée de partir en quittant toutes les attaches – tous les boulets ? –, c’est le
vent du large, l’attrait de l’inconnu, Belle-Île en mer… Plus prosaïquement,
qui s’est trouvé largué dans une conversation, ou dans une relation, aura
plus de mal à y voir de l’exotisme…
Lascars
— Les lascars que vous invitez à votre fête, c’est quand même les pires
bourrins* du pays !
[Les Festivités, Séli, L. III]
Latter (se)
Les lattes du lit doivent aisément expliquer que « se latter », s’il est en
général un synonyme de « se frapper », peut tout aussi bien désigner plus
pacifiquement s’écrouler sur le lit pour dormir – peut-être après s’être
latté…
Liquette
Lopette/lopes
— C’est justement parce que vous avez été cocolé* par une lopette de
jardinier que vous gouvernez comme une femme.
[Goustan le Cruel, Goustan, L. I]
— Alors moi, du coup, j’suis une lopette parce que les femmes mangent à
ma table…
[L’Ancien Temps, Arthur, L. II]
— Vous allez pas commencer à faire votre lopette !
[Le Dédale, Grüdü, L. IV]
— Ah non, désolé, vous êtes pas chez les lopes ici…
[Centurio, Léodagan, L. VI]
Ne nous le cachons pas, dans des sociétés qui ont survalorisé la virilité,
comme l’alpha et l’oméga de la responsabilité et de la capacité à se battre,
se défendre, faire le coup de force, les femmes ont toujours – encore ? –
représenté la légèreté, la fragilité ; et les hommes efféminés, ou plus
encore, les homosexuels, ont concentré tout le mépris que l’on voue à des
« sous-hommes » qui ne peuvent pas, et ne veulent pas, assumer le rôle viril
assigné. D’où les innombrables insultes liées à l’homosexualité, dont nous
nous garderons ici. Mais dans Kaamelott, il y a souvent une inversion
subtile et rafraîchissante ; il eût été difficile de faire humaniste et innovant
dans une série sur le cycle arthurien, vouant un culte au courage, à la
force, etc. Mais le héros, Arthur, porte dans la série des idées « modernes »,
contre l’esclavage, la torture, plutôt respectueuses des femmes, valorisant
l’éducation, la culture… Ce en quoi il s’attire les foudres des plus rugueux,
tels Léodagan et son père, Goustan, qui représentent le contre-champs du
progressisme du roi ; alors quand ces deux vigoureux s’en moquent, ça fait
rire, mais sans susciter l’adhésion.
Revenons donc à nos lopes et lopettes : ces mots désignent bien
l’homosexuel, mais en réalité ce qu’est censé représenter l’homosexuel,
c’est-à-dire faiblesse, la lâcheté. L’histoire du mot est alambiquée, puisque
ce serait « lopaille » – pourquoi pas – issu de « copain » : par largonji, ça
devient lopain avec une suffixation péjorative : « aille », « ette » ; et voilà la
lopette, ou lope, son diminutif… Rien que ça, cela invite au respect !
Louf
Loufer
Loufiat
— Y a plus qu’à espérer qu’il y ait pas un loufiat qui vienne mettre le nez
là-dessus !
[La Cassette II, Léodagan, L. III]
Lourde
— Vous mériteriez que j’vous mette à la lourde avec les chiens au calcif*.
[Le Jurisconsulte, Léodagan, L. V]
Lourdingue
— Par contre j’ne veux pas faire mon lourdingue, mais on s’était promis
qu’on ne s’arrêterait pas à la taverne.
[Le Dragon gris, Karadoc, L. IV]
Bien sûr, nous avons depuis plusieurs années le relou, et ça se marie à
toutes les sauces, situations ou personnes, en ajoutant même « de ouf » à la
suite, pour donner plus de poids… Pratique, rapide, mais assez fade,
finalement… Où est la lourderie, voire la lourdise ?… Et où sont les
lourdauds et les lourdingues ? On peut choisir sa forme, adaptée au contexte
et surtout à la sonorité et la rythmique. Relevons le défi !
Loustics
— Si vous n’êtes pas contents, fallait vous les farcir*, les négociations avec
ces loustics.
[Le Code de chevalerie, Léodagan, L. I]
Bien que le mot soit allemand, il reste rigolo, et dès l’origine ! Il désignait,
dans les régiments suisses – dont on sait à quel point ils furent prisés et
fidèles au roi –, le bouffon chargé d’égayer ses camarades qui souffraient du
mal du pays… Farceur, p’tit plaisantin, ce qui serait propre à nos
nationaux ? Sainte-Beuve le dit : « Un Gaulois présent, et qui, comme tous
les Gaulois et les zouaves de tous les temps, est un peu loustic et ne voit
partout que prétexte à la gaudriole, se met à plaisanter en langage de son
pays… » La sonorité et l’exotisme rendent le terme encore très efficace, et
c’est à l’hôtel Tagada de la rue Vavin que l’on peut trouver un loustic, selon
la dame pipi Madeleine Barbulée répondant à Belmondo dans la comédie,
loustic elle aussi, L’Incorrigible (1975)…
M
Maboul
— Sire, vous n’allez pas réunir ces deux mabouls dans la même pièce !
[Les Envahisseurs, Bohort, L. IV]
— Espèce de maboul !
[Le Jurisconsulte, le jurisconsulte, L. V]
Machin
Magner
— Magnez-vous le fion !
[Les Classes de Bohort, le maître d’armes, L. II]
— Magnez-vous le train !
[La Dent de requin, Arthur, L. I]
— Magnez-vous le tronc !
[La Potion de fécondité, Séli, L. I]
— Magnez-vous !
[Sous les verrous, Arthur, L. II]
Mal de bu
Tapez « mal de bu » sur un moteur de recherche, et vous verrez cette chose
étrange : toutes les suggestions renvoient à des expressions lyonnaises,
terres natales de monsieur Astier, mais sans jamais mentionner l’expression
qui nous occupe ici ! Cette bizarrerie, que vous rectifierez évidemment, et
la joliesse de l’expression, assez inattendue d’ailleurs, m’ont convaincu de
contribuer à sa postérité…
— Votre ancienne femme, elle s’est pas fait la malle avec un gars d’ici ?
[Vox populi III, Guethenoc, L. IV]
La malle, sans trop de surprises, est le joli coffre où l’on met… ben, ce que
l’on veut, en fait ; je précise la définition, parce qu’à l’heure des
appartements plus petits où l’espace est optimisé, à l’heure des bagages
fonctionnels et profilés, la bonne vieille malle à l’ancienne, qui bouffe une
demi-pièce, reste le témoin d’un monde ancien… Puisqu’il me faut tout de
même faire mon intéressant, male ou maal est un mot néerlandais pour
coffre, sac, voire le ventre d’un animal… Encore une chose : si l’expression
« se faire la malle » est ainsi très limpide, tout aussi logiquement larguer*
ou quitter se disait « faire la malle de quelqu’un »… Si donc on vous le
propose, déclinez l’offre ! Enfin, puisque « se faire la malle » se couple
assez bien, dans les films noirs, avec « mon/le pognon », notons que la
malle pouvait aussi au début du XXe siècle désigner la prison !
Manche
Mandale
— Si tu dis pas où est Manilius, je vais être obligé de te coller des mandales
jusqu’à demain matin !
[Praeceptores, Procyon, L. VI]
Marave
— Pour la dernière fois, Caius, qui m’a maravé la gueule* hier soir ?
[Centurio, Glaucia, L. VI]
Margoulin
Mariole
— Vous faites le mariole parce que vous partez du principe que personne va
réussir, à part vous.
[La Roche et le Fer, Léodagan, L. V]
— Non mais faites pas le mariole. Vous avez cinq secondes pour
m’expliquer ce que vous faites encore là !
[Les Sentinelles, Bohort, L. V]
Marre (c’est)
— Les mectons* de la Table ronde, ce n’est pas des flèches ! […] quand je
leur parle du Graal, eux ils cherchent un vase, et c’est marre.
[Agnus Dei, Arthur, L. I]
— J’ai décidé que vous faisiez partie de cette mission, vous venez et puis
c’est marre !
[Le Petit Poucet, Arthur, L. III]
— Voilà ! C’est tout c’qu’y a ! Unisson, quarte, quinte et c’est marre !
[La Quinte juste, père Blaise, L. II]
Marrer (se)
— Quand je vais dire à mon oncle combien vous raquez* pour vos béliers
pourris, il va bien se marrer !
[Séfriane d’Aquitaine, Séfriane, L. III]
Marron (être)
— Si un autre groupe arrive par là, on est marron des deux côtés !
[Heat, Arthur, L. I]
— Même en partant dans trente secondes, et c’est mal barré*, vous êtes déjà
marron pour arriver avant la nuit !
[Le Grand Départ, Léodagan, L. IV]
— J’espère qu’ils ont des chevaux à nous prêter à la taverne, sinon on est
marron !
[Le Dragon gris, Perceval, L. IV]
— Mais si j’me présente pas maintenant, ils vont en élire un autre, et j’serai
marron !
[L’Ambition, père Blaise, L. II]
— T’expliqueras quand même qu’on a tué à deux, sinon je suis marron pour
ma promotion.
[Arturi Inquisio, Arthur, L. VI]
J’aime : on est dans le vrai argot, au cœur des malfrats, dans le cinéma noir
qui s’en est inspiré. Et l’expression en porte tous les stigmates… Le
cimarron – mot amérindien – est l’animal redevenu sauvage après la
captivité, et donc aussi l’esclave fugitif ; la situation du fuyard est
anormale, périlleuse, et être marron devient au XIXe siècle avoir une surprise
désagréable, comme être pris en flagrant délit, « être pris marron sur le
tas »… Dès cette époque, l’expression est telle qu’on la connaît.
Marteau
— On est partis en pleine nuit pour être là à temps, on a pris tout le matos,
et puis les ennemis ne sont pas là.
[La Patience dans la plaine, Léodagan, L. I]
Mauviette
— Pourquoi vous vous défilez ? Vous allez passer pour une mauviette !
[Double dragon, Merlin, L. IV]
Si l’on vous propose de vous taper une bonne mauviette, ne boudez pas
votre plaisir, si vous êtes omnivore, bien sûr… Car il s’agit d’alouettes bien
grasses, que l’on peut manger en brochette, en pâté, en gratin… Et même,
par analogie, de « toutes petites escalopes recouvertes de lamelles de
jambon fumé que l’on cuit au beurre et que l’on sert très chaudes avec des
olives vertes passées dans la cuisson et un peu de jus de citron », selon les
guides gastronomiques… En revanche, ne vous laissez pas traiter de
mauviette, car, même si le mot n’est pas la plus usitée des insultes, il
désigne une personne faible et lâche… Le suffixe « ette » y invite, car si
c’est mignon pour un petit animal, comme le mauvis devenant mauviette,
c’est rarement flatteur pour une personne ! Bob l’Éponge incarne peut-être
la gentille mauviette, lui qui ne put entrer dans la Taverne des brutes, en
raison de son terrible videur, et se contentait de la Taverne des mauviettes,
où l’on sert essentiellement des milk-shakes…
Mec*/mecton
— Nan pis mec, oh, cinquante coups de fouet, il y a quand même une bonne
chance sur deux d’y rester.
[Centurio, Arturus, L. VI]
Merde/merdaillon/emmerde
— En tout cas il est hors de question que je me laisse donner des leçons de
vie conjugale par un p’tit merdaillon qui a jamais touché une bonne
femme !
[Les Nocturnales, Arthur, L. V]
— Elle a même tellement merdé qu’elle s’est fait bannir, cette godiche* !
[Aux yeux de tous, Méléagant, L. V]
— Ils sont interminables parce que j’me bats contre une grosse pintade de
deux cents livres et qu’on s’emmerde !
[Corpore sano, le maître d’armes, L. II]
La merde, dans tous ses états ! On voudra bien me pardonner cette entrée en
matière… Merde, c’est l’une des marottes de Léodagan. Ça fonctionne, ça
fonctionnera toujours ! J’ai mis un p’tit florilège, sans alourdir une liste
interminable… Je n’ose pas dire qu’il y en a pour tous les goûts, mais
« merde », sous toutes ses formes et ses dérivés, reste un pilier du langage,
et ses accouplements donnent encore plus d’intensité : le mange-merde –
« Qu’est-ce qu’il y a bande de mange-merde ? », [Dux Bellorum, Glaucia,
L. VI] –, le fouille-merde – Galessin se définit lui-même comme ça ! –, ou
la sous-merde… Comme le dit Léodagan à Séli : « Maintenant, si le roi se
pointe en nous disant qu’il veut en prendre une autre, je vois pas très bien
ce qu’on pourrait trouver à lui répondre ! — Moi, en général, je réponds
merde… En principe, ça colle avec tout » [Tous les matins du monde,
deuxième partie, L. IV]
Meules
La meule est une roue qui sert à broyer en tournant, et sa rondeur peut donc
par extension désigner beaucoup d’autres choses… Vous visualisez ? Même
si, notamment dans les eighties, la fameuse meule était la Mobylette – je
vous renvoie aux Sous-Doués (1980) : « On m’a encore volé ma meule »…
–, « se geler les meules » se laisse imaginer : c’est devant ou derrière, et, en
l’occurrence, c’est aux miches*.
Miches
— Si on apprend que je colle des pignoufs* même pas chevaliers à la Table
ronde, demain j’ai la moité de la Bretagne aux miches.
[L’Adoubement, Arthur, L. I]
— On a autre chose à foutre* que se râper les miches sur les tabourets de
votre boui-boui* !
[Le Sixième Sens, Perceval, L. I]
— Dès qu’il s’agit d’aller se dorer les miches en Armorique pour demander
aux filles si elles ont pas vu le cul-de-lulu, alors là il y a des volontaires !
[Le Code de chevalerie, Léodagan, L. I]
« Félicitation, elles sont bien rondes vos miches ! », déclarait avec une
gourmandise de premier degré Jean-Claude Duss/Michel Blanc, réfugié
dans un chalet de montagnards, dans Les bronzés font du ski (1979)… À
partir du moment où l’on visualise ce que sont les miches, on n’a pas de
mal à analogiser, entre le mammaire féminin et l’arrière-train unisexuel, ce
qui est en l’occurrence visé par nos protagonistes kaamelottiens !
Micheton
— Vous allez pas me dire qu’il [Dieu] s’occupe de toutes les p’tites histoires
à deux ronds chaque fois qu’un micheton joint les mains et parle tout seul !
[Agnus Dei, Arthur, L. I]
— J’ai fait v’nir un micheton de Rome pour faire construire une baliste…
[La Baliste, Léodagan, L. III]
Micmac
— La nuit, la forêt, le fait de pas y voir, ça peut coller les miquettes.
[Guenièvre et les oiseaux, Arthur, L. I]
— Les Ostrogoths, quand ils vous voient arriver, vous leur collez les
miquettes !
[Le Dernier Empereur, Léodagan, L. I]
— On peut s’en servir pour coller les miquettes aux Barbares ?
[Mater dixit, Léodagan, L. II]
Mitonner
— Quand on veut faire un peu cossu, deux, trois colonnes, ce n’est pas
compliqué, ça mitonne.
[Le Dernier Empereur, Caius, L. I]
Mollo
Môme
— Ça fait une huer que vous admirez les bibelots en souriant comme un
mongol.
[Les Fruits d’hiver, Duchesse d’Aquitaine, L. V]
C’est drôle, et moins drôle… « Des yeux bridés, un nez petit et aplati, des
mains courtes, une faible tonicité des muscles, une stature trapue et
corpulente, ainsi que des retards dans le développement physique et
intellectuel » : voilà comment on définissait en 1866 ce qui deviendrait la
trisomie 21, lorsque le médecin britannique Langdon Down en fit la
description. Les yeux bridés des personnes atteintes de cette anomalie les
faisaient ressembler à des habitants de Mongolie, on les appela donc
« mongoliens »… Ce qui est grave et pas grave, si le terme ne devient pas
péjoratif ; il le devint, sous la forme « gogol » – et tant pis pour l’auteur
russe des Âmes mortes, le très élaboré « mongolito », le classique
« mongol », et même son verlan encore usité, « golmon ». C’est efficace,
mais à ne garder que pour les repas de famille…
Morcif
Mortel
Morue
— Vu la colère de l’esprit des loups, il ne va pas vous falloir une morue de
la taverne.
[Le Sacrifice, Elias, L. I]
— Vous savez c’que j’ai trouvé dans votre chambre ? Une morue ! […] Je
confirme, c’est une très grosse morue dont vous devriez vous méfier.
[Le Destitué, père Blaise après Séli, L. V]
— Si j’ai envie de mettre des grosses morues dans mon plumard*, je fais ce
que je veux !
[Le Destitué, le jurisconsulte, L. V]
— Défilé des nouvelles têtes, la parade des amoureux à calcul, les poids
lourds d’la jambe légère, le festival de la morue, en somme !
[Les Bonnes, Angharad, L. IV]
Ce qui est surprenant, c’est que même pour ceux qui ne connaissent pas le
sens familier, le poisson du nom de morue n’évoque pas immédiatement un
irrésistible fumet ni une délicatesse au palet ; alors, à part les amateurs, je
ne sais pas qui salive pavloviennement au seul énoncé de morue au menu !
Un souvenir atavique de l’huile de foie du même poiscaille ?…
Familièrement, la morue, sans que l’on sache précisément pourquoi, est une
prostituée. « Tu veux ma mort, hein, morue !!! » s’exclame par pur souci
professionnel le rouquemoute* dans La Métamorphose des cloportes, en
s’adressant à son « gagne-pain »… Par extension, des femmes légères et
vulgaires, comme celles qui pourraient, éventuellement, fréquenter la
taverne !
Mou (bourrer le)
Moufter
— Soit vous n’arrêtez pas de gueuler*, soit vous passez une heure et demie
à pas moufter.
[Raison et sentiments, Arthur, L. IV]
« Moi, mon père il était charron ; et j’peux t’dire qu’ça filait doux… ça, la
mère de la Bath, elle mouftait pas, et les gamins* pareil ! » Presque toujours
au négatif – encore que le Maître Audiard déclara dans une interview :
« J’ai pas l’intention de moufter là-dessus »… –, c’est encore assez efficace,
la preuve, si OSS 117 l’affirme ! Issu de « mouvoir », dès le XVIe siècle, ce
fut d’abord mouveter…
Mouille*
— Nous par contre on s’est fait défoncer nos mouilles !
[Le Sort de rage, Arthur, L. I]
— Et voilà, c’est p’t-être impitoyable, mais moi, quand on m’en fait trop, on
se ramasse l’appareil judiciaire dans la mouille…
[Le Vice de forme, Karadoc, L. IV]
— J’en sais rien, j’arrive, là, vous êtes en train de vous faire du mouron…
[La Fumée blanche, Arthur, L. II]
Le mouron des champs, rouge ou bleu, est très joli, mais ici, point de
bucolisme, puisque – par analogie ? – ce sont – dans le bel argot du milieu –
les cheveux, que l’on se fait lorsqu’on stresse ! Enfin, plus précisément, des
cheveux blancs…
Murge
— Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse, qu’on aille prendre une murge
avec eux à la salle des gardes ?…
[Des hommes d’honneur, Arthur, L. II]
Naze
— C’est peut-être mon pigeon qui est aussi naze que le vôtre…
[Les Pigeons, Arthur, L. II]
De naseau, le naze est d’abord le nez ; alors, « friser son nase », c’est être
en rogne* ! Mais, attention, ce fut aussi une maladie vénérienne ! Si vous
« cloquiez le naze », vous transmettiez la syphilis ! So glam’… Mais why ?
Peut-être de lazi, qui était la blennorragie, et le nez, d’où coulent parfois de
bien vilaines choses… D’où aussi la forme « nazi », étonnamment tombée
en désuétude dans les années 1930 ! Heureusement, et plus légèrement,
« naze » veut dire aussi « nul » pour une chose, débile* pour quelqu’un, ou
fatigué pour soi… Je crois bien que ce mot était encore plus populaire dans
les eighties ! J’aime aussi « nazebroque », avec une suffixation cassante…
Nénette
Niaquer
— On ouvre les cages, on ferme les yeux, on compte jusqu’à trois, pfff…
C’est fini ! Le clébard* d’en face il est niaqué, ingurgité, digéré…
[Les Paris III, Le tavernier, L. IV]
Nichons
— Secouez-vous un peu les nichons !
[La Sorcière, le maître d’armes, L. V]
Nigaud
— À force de tirer dessus, depuis des semaines que tous les nigauds du
continent s’acharnent nuit et jour, elle va peut-être finir par céder.
[Les Dauphins, Mevanwi, L. V]
Noix
— Le genou peut également partir dans les noix de manière assez soudaine,
et que ça pourrait éventuellement vous faire sortir les baloches* par les
oreilles !
[Feue la poule de Guethenoc, Roparzh, L. III]
Nul/nullos
Déjà, nul, c’est pas énorme, alors nullos – que je préfère personnellement à
nullard –, on touche le fond ! Les jeunes des années 1980 étaient vraiment
sans pitié…
O
Oignon
— Moi j’vous dit que quand j’vous appelle, vous radinez*, ou la forêt c’est
moi qui vous y renvoie à coups d’pompes dans l’oignon !
[L’Enchanteur, Arthur, L. IV]
Bien sûr nous commencerons dans le feutré avec les p’tits oignons, qui,
sans chercher trop loin, évoquent un plat raffiné, concocté avec amour
jusqu’aux délicieux accompagnements… D’ailleurs, plusieurs
établissements gastronomiques arborent fièrement cette expression ! Et tout
aussi logiquement, être renvoyé à s’occuper de ses oignons, toujours dans le
gastronomique… Passons au brutal : l’oignon, c’est aussi potentiellement le
cul*, notamment dans l’argot fleuri des souteneurs. Mais pourquoi donc ?
J’ai beau regarder – pour les besoins de l’enquête –, cela ne semble pas être
une identification par la ressemblance ! Les avis sont ouverts… Mais quel
savoureux souvenir du formidable Bernard Cresson, tout en perversité,
mettant en joue un Marielle dénudé dans Les Galettes de Pont-
Aven (1975) : « Toi, l’agent de fabrique, tu vas rengainer tes noix*, tes
pébroques, tu vas t’foutre* un linge sur l’oignon, et tu vas prendre la
route… »
P
Pajer/pajot/paj
— Si je vous fais lever du paj à 3 heures du mat’, c’est qu’il y a matière.
[Le Déserteur, Caius, L. III]
— Vous avez glissé du pajot comme un pet sur une plaque de verglas…
[La Cassette II, Séli, L. III]
— Les combines débiles*, j’en vois assez défiler à la Table ronde pour pas
qu’ça r’commence quand j’suis dans mon pajot…
[Les Novices, Léodagan, L. IV]
Ça roupille quand même pas mal dans Kaamelott, sans parler de la nouvelle
vocation de l’ancien roi à l’avant-dernier livre, même s’il s’agit clairement
d’un état dépressif… Ce qui explique le nombre important de mots qui s’y
rapporte ! Que ça vienne de « petite paillasse » ou de « petit panier », il y a
un confort dans le pajot sur lequel on vient se pajer ou se pajoter : « Quelle
plus douce perspective que de se pajeoter au creux des draps blancs » ?,
écrivait Jean-Paul Clébert en 1953…
Paltoquet
Papelards/paperasse
— Mais si il est là, c’est qu’il doit encore avoir deux, trois papelards à
gribouiller, non ?!
[Les Sentinelles, Léodagan, L. V]
— Je suis tombé sur l’acte d’annulation en rangeant de la paperasse.
[Le Destitué, le jurisconsulte, L. V]
Patacouèques
— De là vous pouvez en déduire que je me suis pouillé* la tête avec l’autre
patapouf !
[Les Nocturnales, Arthur, L. V]
Patelin
— J’me retrouve au milieu d’un patelin, y a pas un chat, pas un âne, pas une
brouette !
[La Poétique, première partie, Perceval, L. III]
— Je me demande dans quel patelin de très haute montagne vous vivez pour
pas avoir encore entendu parler de ça.
[Les Dauphins, Arthur, L. V]
— Bon sang, mais c’est pas vrai, qu’est-ce que c’est qu’ce patelin
merdique*, on s’caille* tout d’un coup, là !
[Rex, Arthur, L. VI]
Le patelin n’est quand même pas le bled*, mais on n’est pas non plus dans
le cossu ! Ça évoque encore à tous un endroit, peut-être mignon, mais isolé
et relativement déserté, comme le pâtis, lieu de pâture…
Paumé
— Vous guidez que dalle* ! Vous êtes encore plus paumée que moi…
[La Voix céleste, Arthur, L. II]
Pébron
Pécore*
— Là j’ai besoin d’un peu de pognon*, j’aime autant vous dire qu’ils vont
passer à la caisse, les pécores !
[La Taxe militaire, seigneur Jacca, L. I]
Dire que les paysans et le milieu agricole ont souvent suscité les moqueries,
une forme de condescendance, voire de mépris, serait un délicat
euphémisme. Beaucoup plus, évidemment, aux XIXe et XXe siècles, après les
exodes ruraux et l’attrait pour le mode de vie urbain. Au point que le mot
même « paysan », selon bien sûr le ton et l’intention, peut être une insulte.
Il y a cette touche dans Kaamelott, avec les personnages de Guethenoc et
Roparzh, pour moi parmi les plus drôles, et l’incompréhension souvent
affichée entre le monde des champs et celui de la ville… Bon, et les
pécores ?! Eh bien, précisément, issu de l’italien pour « brebis » et du latin
pour « pièce de bétail », le pécore est certes d’abord un idiot, associé à
l’animal lui-même, mais il est rapidement associé au paysan et à ses bêtes,
comme le péquenot*… « J’aimerais mieux cent fois être grosse pécore,
devenir cruche, chou, lanterne, loup-garou ! », lance Mascarille, dans
L’Étourdi de Molière… Les choses sont claires ! Dans Kaamelott, c’est
souvent une masse indistincte, comme les clodos* – ce qui est pire – ou les
grouillots* – ce qui est un peu mieux, puisque vivant dans le château. Mais
l’ambivalence vient du fait que l’on ne peut se passer de ces paysans, qui
nourrissent la ville, le château et les chevaliers. D’où l’importance des
personnages de Guethenoc et Roparzh, qui n’hésitent pas à tenir tête à
Arthur, jusqu’au bord de la confrontation !
Pédé/pédale
Le pédéraste, dans l’Antiquité grecque, était celui qui aimait les jeunes
garçons, mais il s’agissait d’une vraie tradition, d’une « homosexualité
initiatique ». La Renaissance redécouvre cette Antiquité, mais les mœurs
païennes ne passent plus, et la pédérastie est vouée aux gémonies, glissant
progressivement vers les pratiques homosexuelles dans leur ensemble, bien
sûr condamnables aux yeux de l’Église… Du pédéraste au pédé, il n’y a
qu’un pas… Et un succès sémantique total – faut-il s’en réjouir ? – qui est
appelé à durer…
« Pédale » est tout de même plus sympa, ça ne renvoie plus que
lointainement aux homosexuels, ou alors sous la forme de « vieille
pédale », et sert davantage à clasher. Le jeu de mots entre pédéraste et le
cycliste sur son vélo est plaisant, car il est encore question de pédales ! On
en trouvera des occurrences foisonnantes dans l’incroyable Tenue de soirée
(1986), notamment dans la bouche de Michel Blanc à l’encontre de
Depardieu, son « ami Bob »…
Pégu
— On croise deux pégus, sur les bords de la voie pavée, qui pataugeaient
dans la bouse…
[Les Bien Nommés, Léodagan, L. IV]
Peigne-(zizi/cul)
— Lui, sa fédération, son Graal, sans parler de sa Dame du lac que personne
voit jamais… Non, pour nous, c’est un peigne-zizi.
[Dagonet et le cadastre, Loth, L. IV]
Le peigne-zizi est plutôt rare, et dérive du peigne-cul, bien connu, lui, des
amoureux de Brel : « Et c’est en sortant vers minuit, monsieur le
commissaire que tous les soirs, de chez la Montalant, de jeunes peigne-
cul nous montrent leur derrière en nous chantant… »
Cités dès la fin du XVIIIe siècle, hypocrites, lâches, médiocres, banals, les
peigne-culs sont légion. Et les peigne-zizis ? Le mot est plus drôle et moins
violent que « peigne-cul » ; San-Antonio l’emploie, mais il n’occupe que la
place 52 974 de la liste des termes les plus utilisés du dictionnaire…
— Si on fout une peignée aux Burgondes, ben vous y passez avec !
[L’Interprète, Arthur, L. I]
— Vous vous souvenez quand on s’est pris la peignée contre les Saxons ?
[Le Code de chevalerie, Perceval, L. I]
— Oui, enfin, si les Vandales leur collent une peignée, ils vont peut-être pas
bouger beaucoup.
[Praeceptores, Goustan, L. VI]
— Quand on pense que c’est les mêmes qu’ont construit le Colisée et pis
qui se prennent peignée sur peignée en Bretagne, ah bah je dis chapeau.
[Arturi Inquisio, Léodagan, L. VI]
Peinard
Le libidineux n’est jamais loin, il rôde parfois dans les lieux les plus
inattendus… Je pensais être peinard, donc tranquille, sans peine ; mais je
serais un pénard si j’étais un mâle vieillissant poursuivant les jeunes filles
de ses assiduités ! Heureusement qu’il nous reste le père Peinard, sur la
grand’ mare des canards, qui fleure bon les amis de Brassens et la sérénité,
après avoir été le titre d’un journal – bien moins peinard sur le fond et la
forme – anarchiste du tournant des XIXe et XXe siècles.
Pélo
— C’est bon, ça faisait une semaine, on n’avait même pas croisé trois pélos.
[Les Biens Nommés, Yvain, L. IV]
Une recherche rapide nous aiguille tout de suite vers l’argent… Chez
Courteline, Céline, etc. Et ce furent aussi des obus ! Alors ? Eh bien, en
cherchant un peu mieux, on trouve qu’en romani, il s’agit du kiki ; nous
rapprochons-nous ? Peut-être, car dans les quartiers populaires lyonnais et
grenoblois, le pélo est le simple quidam…
Péquenot
— De toute façon dans l’coin ils ont des goûts de péquenots !
[La Frange romaine, Caius, L. II]
Pète
— Espèce de péteux !
[La Réponse, Arthur, L. IV]
Pètzouille
— Il faut qu’il soit Dux Totius Britanniae parce que ça fait partie de la
manœuvre, bande de pètzouilles.
[Dux Bellorum, Sallustius, L. VI]
Pèze
— Quand on balance une bourse de trois livres pour une consultation à trois
pièces, soit on n’a pas lu le panneau d’entrée, soit on sait plus quoi faire de
son pèze…
[La Pythie, la pythie, L. III]
Piaule*
— Est-ce que vous avez conscience que j’ai des menues responsabilités au
sein de ce gouvernement qui me tiennent relativement éloigné des
problèmes de répartition des piaules ?
[La Chambre, Arthur, L. II]
— Il doit y avoir soixante-quinze piaules dans le château et on se retrouve à
cinq dans le même pajot*…
[La Ronde, Arthur, L. II]
Picoler
— Dès qu’un clodo* vient nous taper deux ronds pour picoler, on tient une
piste…
[En forme de Graal, Léodagan, L. I]
— À chaque fois que j’vais à un baloche*, je picole, je discute, trois mois
après y a toujours un type qui débaroule* avec sa fille.
[La Coccinelle de Madenn, Perceval, L. I]
Picrate
— Du coup, qu’est-ce que je fais ? Je vais le chercher mon picrate ou pas ?
[La Potion de vérité, Léodagan, L. III]
Pieuter/pieu
Le pieu – peut-être des peaux de bêtes, comme pioncer* – n’est pas que
l’instrument qui transperce le corps des vampires ! C’est l’endroit où l’on se
pieute sagement, voire où l’on accomplit des exploits ! Être fort au pieu :
typiquement flatteur de la virilité…
Pif [vin]
— Patron, trois kils de pif !
[Vox populi, Karadoc, L. I]
Ce n’est pas le nez, bien que, si l’on consomme beaucoup de pif, ça joue sur
le pif… Car le pif, dérivé de « pive », désigne du vin ordinaire, ce que doit
servir le tavernier aux chevaliers… Et hop, un coup de pif !
Pif [nez]
— Avec un pif comme ça, ils feraient mieux d’aller chercher des truffes.
[Amen, Léodagan, L. II]
— Ou vous m’expliquez pourquoi vous rasez les murs comme un évadé de
cachot, ou vous prenez ma main dans l’pif.
[La Cassette II, Séli, L. III]
— C’est p’t-être avec une tarte* dans l’pif que vous allez les quitter, vos
fonctions !
[Les Bonnes, Arthur, L. IV]
— Moi, mes postes avancés, je les avance jusque sous le pif des Romains !
[Centurio, Léodagan, L. VI]
On peut le mettre à toutes les sauces : bien sûr le gros pif – ce qui frise le
pléonasme –, et donc être piffard… Mais très vite les dérivatifs : il peut
avoir du pif, faire quelque chose au pif, ne plus pouvoir piffer quelqu’un,
donc l’avoir dans le pif : « J’peux pas pifer la moto, et me v’là caracolante,
j’peux pas pifer la campagne, et me v’là dans les pâquerettes, j’peux pas
pifer le soleil, et j’l’ai en pleine poire », déclare, dubitative, Annie Girardot
dans l’inclassable Elle cause plus… Elle flingue ! Et jusqu’au fameux
bourre-pif commenté par Raoul, qui vient de s’en prendre un, dans
Les Tontons flingueurs…
Pigeon
— Ça fait une demi-heure que j’essaie, j’arrive pas à les pigeonner…
[La Baraka, le tricheur, L. III]
— Vous avez réussi à trouver un pigeon qui vous commande quelque
chose ?
[Les Plaques de dissimulation, Elias, L. IV]
Piger
— Je crois qu’il n’y a pas moyen, je ne pige jamais rien de ce que vous
dites.
[La Potion de fécondité, Léodagan, L. I]
— Alors moi j’ai un p’tit problème, c’est que j’ai pas pigé un broc* de ce
que vous bavez* !
[Les Félicitations, Arthur, L. II]
Pignouf
— Ils préfèrent rester bosser plutôt que de sortir et se faire capturer par des
pignoufs dans votre genre !
[Les Affranchis, Arthur, L. III]
— Si on apprend que je colle des pignoufs même pas chevaliers à la Table
ronde, demain j’ai la moitié de la Bretagne aux miches*…
[L’Adoubement, Arthur, L. I]
— Sire, est-ce qu’on est obligés de perdre du temps avec tous les pignoufs
de la région qui se prennent pour des exploitants ?
[Spiritueux, Belt, L. II]
— Pignouuuuuuuuf !
[La Potion de fécondité II, Séli, L. III]
— C’est calme, et je suis pas dérangé, à part par les pignoufs dans votre
style…
[La Clandestine, Arthur, L. IV]
— Je sais que j’passe pour le roi des pignoufs aux yeux de beaucoup !
[Loth et le Graal, Loth, L. IV]
— Moi j’travaille pas avec des pignoufs cupides et arrivistes qui n’ont pas
deux ronds de moralité !
[La Démission, Merlin, L. V]
Quelle belle sonorité ! Espèce de pignouf ! Pas étonnant qu’on le retrouve
également dans le vocabulaire fleuri du capitaine Haddock, et que ce soit
l’un des classiques de Kaamelott… Le pignouf est, comme le glandu*, mal
dégrossi. Flaubert l’utilisa pour précisément dénoncer les importuns, les
briseurs de rêves, les grossiers, en formant aussi la « pignouferie » et le
« pignoufisme » ! Nous apprenons que l’insulte descend du verbe dialectal
« pigner », qui signifie « pleurer, pleurnicher », et que dans l’argot des
cordonniers du XIXe siècle, le pignouf désignait l’apprenti. « Pignouf »
appliqué au marchand d’esclaves Venek, le prêt-à-tout, le sans-gêne, est
plutôt approprié !
Pinard
— Vous savez quoi, sire, on va commencer par se faire une saucisse grillée
de trois pieds de long, avec un tonnelet de pinard chacun !
[Corpore sano II, le maître d’armes, L. IV]
Pincer (en)
Piner
— On change de coin, et quand ils arrivent là, ils sont pinés.
[Heat, Perceval, L. I]
Je crois bien que c’est encore d’actualité, en tout cas connu : la pine, c’est le
pénis, disons-le clairement, et piner, je vous laisse imaginer ; je trouve
d’ailleurs ce dernier terme assez vulgaire, ou vulgos… La seule expression
mignonne reste pour moi « t’es une pine » ! Alors là, ça sonne bien… Et
pour le fait d’être piné – au sens figuré –, c’est plutôt original et amusant.
Rappelons, pour finir, que la pine est à l’origine un sifflet d’écorce…
Pintade
— Ils sont interminables parce que j’me bats contre une grosse pintade de
deux cents livres et qu’on s’emmerde* !
[Corpore sano, le maître d’armes, L. II]
Pioncer
— Vous faites à peine deux lieues et vous vous arrêtez déjà pour pioncer ?
[La Quête des deux renards, Arthur, L. I]
— Quand je zone dans la région, je viens jeter un œil, voir s’il n’y a pas une
chambre en rab*, ça m’évite de pioncer dans la roulotte.
[Les Paris II, Venec, L. III]
— En tout cas, moi, si je passe la journée à pioncer sur une chaise, j’me fais
prendre une chasse* par le roi…
[Le Tribut, Perceval, L. III]
— Je vous avoue que si je pouvais pioncer un peu, ce ne serait pas du luxe.
[La Ronde, Arthur, L. II]
— Les animaux d’la forêt, ils vous pissent sur les pompes* !
[La Sorcière, Merlin, L. V]
— Et alors là, Sallustius, je pourrais lui pisser sur les pompes*.
[Praeceptores, Glaucia, L. VI]
— Ils sentent la pisse, aussi. Notez que ça n’enlève rien au geste, c’est une
remarque.
[Arturus Rex, Loth, L. VI]
Des livres entiers sont écrits sur la pisse et ses dérivés ! Succès jamais
démenti, depuis l’origine latine pissiare, signifiant la même chose ;
pourquoi ce succès ? M’est avis que la forme courte, le son explicite –
puisque l’origine latine était déjà onomatopéique – et la possibilité de
décliner ce mot à l’infini et d’y accoler ce que l’on veut l’expliquent en
grande partie… Je ne retiendrai que le pisse-copie, en guise de garde-fou…
Planquer
— Ben oui mais bon, une planque c’est à l’intérieur… Il va pas se planquer
au milieu de la rue !
[Centurio, Arturus, L. VI]
— C’est marrant, c’est toi qui casses la tête à Glaucia et c’est moi qui me
planque.
[Centurio, Manilius, L. VI]
Plombes
— Bon, de toute façon, on vous demande de prier, vous priez ! Vous
discutaillez* pas des plombes du pourquoi du comment !
[Spangenhelm, Arthur, L. II]
— Ne réfléchissez pas une plombe ! Je vous dis de sortir, vous décarrez* et
c’est tout !
[La Vigilance, Arthur, L. II]
Quand ça plombe, ça frappe, ça sonne, c’est une heure, comme une demi-
plombe est la demi-heure… Mais c’est aussi le moment, alors c’est la
plombe de faire quelque chose !
Plumard
— Je veux bien que vous vous transformiez en ce que vous voulez, ce que
je veux pas c’est que vous en profitiez pour vous vautrer sur mon plumard !
[Le Zoomorphe, Arthur, L. I]
— Vous croyez qu’elle est où, votre femme ? Dans mon plumard ?!
[La Faute, deuxième partie, Arthur, L. IV]
Pognon
— Là j’ai besoin d’un peu de pognon, j’aime autant vous dire qu’ils vont
passer à la caisse, les pécores* !
[La Taxe militaire, seigneur Jacca, L. I]
Sexe et argent, on n’en sort pas ! On prend par la main, on saisit, c’est
l’origine de poigner, ou pogner. « Truquer de la pogne » signifie donc
logiquement mendier, et je ne vous dirai pas ce qu’on fait lorsqu’« on se
pogne »… Le pognon est son extension, et l’une des multiples manières de
dire que l’on en a, et dans ce cas « nous sommes au pognon », ou pas…
Poiler (se)
La grosse poilade est tout sauf classe*, on en conviendra ; « rire à s’en taper
le cul par terre » pourrait en être l’équivalent… Rire tellement
outrancièrement qu’on s’en arrache les poils ! Je ne vois pas d’autre
explication…
Poireauter
— C’est bien la moindre des choses, après m’avoir fait poireauter huit jours
dans les courants d’air, non !?
[La Potion de vivacité, le maître d’armes, L. III]
Poivrot
— Une fois j’ai craché sur les pompes de l’empereur Justinien, alors j’vais
pas m’gratter* pour l’un d’ses sous-fifres* !
[Le Secret d’Arthur, Séli, L. II]
— Moi j’vous dis que quand j’vous appelle, vous radinez*, ou la forêt c’est
moi qui vous y renvoie à coups d’pompes dans l’oignon* !
[L’Enchanteur, Arthur, L. IV]
— Si c’était que d’moi, vous auriez déjà reçu un coup d’pompe dans l’cul* !
[Les Recruteurs, Karadoc, L. V]
Tout le monde sait de quoi il s’agit, c’est un indémodable, dans tous les
milieux. Assez logiquement, la pompe est une pompe… mais aspirante ! Et
si l’on sait que la pompe en tant que chaussure de mauvaise qualité laisse
entrer l’eau comme une pompe aspirante, on a une probable origine, et l’on
a de surcroît la destination la plus truculente d’un coup de pompe…
Poquer
Pote
— Alors là, mon p’tit pote, attention parce qu’il y a deux catégories de
conneries*, les grosses et les petites.
[Centurio, Luventius, L. VI]
— Il se passe que ton pote, il ne gagne pas vraiment à être enfermé trop
longtemps.
[Centurio, Vérinus, L. VI]
— Eh bah je serais toi, mon pote, je ferais un peu moins le mariole*.
[Praeceptores, Vérinus, L. VI]
Le poteau est solide, stable comme les amis… Mais aussi froid et rigide,
mais ça, ça n’a pas été retenu pour l’emploi du mot. Et quel plus bel emploi
que dans La Chanson pour Pierrot de Renaud (1979), l’une des rares sur le
désir masculin d’avoir un enfant : « Pierrot, mon gosse, mon frangin*, mon
poteau, mon copain, tu m’tiens chaud… » Du poteau ainsi sacralisé on tire
le pote, beaucoup plus usité et usuel. Ça renifle la plus belle et virile des
amitiés – comme Coluche et Lhermitte, dans La Femme de mon pote
(1983) –, ou, parfois, une ironie mordante, dans le « mon p’tit pote »… On
gardera en mémoire la première rencontre Depardieu-Dewaere de Préparez
vos mouchoirs (1978), l’une des plus belles amitiés humaines – dans le film
et hors caméra –, lorsque le premier cède la place au second pour
ressusciter le sourire de la belle mais triste Carole Laure, en lui promettant,
s’il y arrive : « Alors là, tu s’ras mon pote, et crois-moi, à partir du moment
où je dis à un mec* : “t’es mon pote”, il peut tout me demander. » Et de
conclure : « C’est jamais mauvais, d’êt’ mon pote. » Le mot est tellement
usuel, d’ailleurs, qu’il servit de slogan officiel au tout jeune SOS Racisme,
en 1985 : « Touche pas à mon pote », écrit en noir sur une main jaune…
Positif, très efficace, générationnel, malgré sa récupération assez indigne
pour une émission de télévision où tout le monde est « frérot », mais où
« pote » a été remplacé par… « poste ».
Poucrave
— Mais ils sont tout pourris les lits dans la tour, on se poucrave le dos !
[La Permission, Yvain, L. IV]
Pouffe
Pouiller (se)
— De là vous pouvez en déduire que je me suis pouillé la tête avec l’autre
patapouf* !
[Les Nocturnales, Arthur, L. V]
Pas très courant, mais vraiment intéressant : autant on s’épouille
mutuellement pour atténuer la tension dans un groupe – plutôt simiesque –,
autant se chercher des poux, c’est faire des histoires pour pas grand-chose,
c’est aller chercher la p’tite bête, notamment chez l’autre ; alors se pouiller
devient logique, et la sonorité pleine de promesses !
Pouilleux
Poules
— À force de voir l’autre se promener avec des poules, ça pourrait bien le
devenir…
[Le Mauvais Augure, Séli, L. III]
Si le poulet est un flic, la poule n’est pas sa compagne… Mais c’est un
terme assez large, et plus nuancé qu’il peut y paraître. Une poule peut être
une prostituée, plutôt d’expérience, et l’on joint alors en général la précision
« de luxe », comme pour Zahia. C’est moins méchant que la maîtresse, que
la femme jette à son mari : « Alors comme ça, tu t’affiches avec ta
poule !? » La sonorité permet d’y signifier la violence et le mépris… Ce
peut être encore n’importe quelle femme, sans trop de connotations
péjoratives ; et lorsqu’un homme appelle un autre homme « ma poule », ça
devient carrément gentil et presque émouvant ! Encore usité, bien que ce
mot fleure les années 1970-1980, comme Depardieu aime à le rappeler dans
Les Anges gardiens (1995), ou plus anciennement Coluche dans Banzaï…
Pourrave
— Bah comme ils sont tout pourris et pis tout pourraves je croyais que
c’étaient des pruneaux.
[Praeceptores, Venec, L. VI]
Purée
— Oui mais moi ça me met dans la purée et après j’aurai plus le temps.
[La Grande bataille, père Blaise, L. III]
Épaisse, d’une consistance très particulière que tout le monde a déjà testée,
la purée peut évoquer une situation avec les mêmes caractéristiques !
Trouble, difficile, d’où l’on a du mal à sortir. Mouais, me direz-vous…
Mais attendez qu’un commandant de bord vous annonce avant un
atterrissage : « Nous allons traverser une zone de turbulences, en raison
d’une purée climatique »…
Pute
— Je trouve que quand elle est partie comme ça, du jour au lendemain sans
prévenir, elle s’est comportée comme la reine des putes.
[La Parade, Démétra, L. IV]
— Dites, euh, vous auriez pas essayé de me la faire à la pute, par hasard ?
[Praeceptores, Léodagan, L. VI]
— Euh, ouais, avec les putes si t’as un petit peu de pognon* sur toi tu te
ferais chance…
— Pourquoi ce serait forcément une pute ? Elle est peut-être invitée.
[Arturi Inquisito, Mamercus à Marcus, L. VI]
J’ai trouvé mon Graal… Car le si courant « pute », judicieusement très peu
employé dans Kaamelott, ne va surprendre personne, le fait qu’il fut
employé par Perceval, sous la plume de Chrétien de Troyes, au tout début
du XIIIe siècle, est en soi assez jouissif, non ? Le terme, du latin putidus,
désignait auparavant ce qui est « puant, pourri, fétide » ; mais pour la
première fois, semble-t-il, son sens glisse vers une femme de mauvaise vie,
par le dérivé substantival « pute », et qui sert désormais à porter injure…
À l’est encore, le terme originel a été gardé, sous la forme « peut », et
désigne ce qui est laid, puant, comme… le putois ! Ça ne revalorise tout de
même pas le mot, à mes yeux, qui fut notamment abondamment utilisé
contre Marie-Antoinette, dans un luxe de vile violence ! Et même si
Furetières en donna une définition aseptisée, d’« une femme publique et
prostituée, qui a fait banqueroute à l’honneur »… « Pupute » est par ailleurs
presque plus humiliant que « pute » ! En revanche, « putasse » est
intéressant, et mes préférés restent putasserie, et surtout putassier –
désignant ce qui est commun et vulgaire –, qu’aime à l’occasion employer
Édouard Baer.
Q
Quéquette
Quicher
Rab
— Quand je zone dans la région, je viens jeter un œil, voir s’il n’y a pas une
chambre en rab.
[Les Paris II, Venec, L. III]
Rabibocher
Râble
Le râble est la partie du dos de l’animal la plus musclée. Tomber sur le râble
est ainsi très naturellement se faire attaquer, par surprise, même s’il en faut
davantage à Léodagan… À utiliser avec la syncope « su’ l’râble » pour
optimiser l’effet, notamment si vous narrez une aventure épique
trépidante…
Racaille
— Il doit y avoir de la racaille encore dans les maisons du fond !
[Les Derniers Outrages, Léodagan, L. III]
Raclée
— Vous vous rendez compte du temps que j’perds à foutre* une raclée à
tous ces cons* !
[Les Cousins, Arthur, L. III]
— On s’prend raclée sur raclée !
[L’Orateur, Léodagan, L. II]
— J’ne voudrais pas faire ma raclette, mais la soirée ne s’annonce pas super.
[Un roi à la taverne, Perceval, L. II]
Raclure
— Ah bah alors eux c’est des raclures, c’est plutôt mieux qu’ils soient pas
là !
[Vae soli, Léodagan, L. V]
Radasse
Suivez bien le cheminement : le rade, sentier normand tracé par les piétons
à travers un champ, désigne ensuite le trottoir, trottoir où officient des
professionnelles du charnel tarifé, qui deviennent donc des radeuses, ou
radasses…
Radiner (se)
— S’ils ont vu d’où venait la pierre, ils sont en train de radiner droit sur
nous !
[Heat, Arthur, L. I]
— C’est tous les envahisseurs de la planète qui vont se radiner !
[Raison d’argent, Arthur, L. I]
— Moi j’vous dis que quand j’vous appelle, vous radinez, ou la forêt c’est
moi qui vous y renvoie à coups d’pompes dans l’oignon* !
[L’Enchanteur, Arthur, L. IV]
— Oui nan mais vous, vous êtes toujours là, on vous dit de venir, boum
vous radinez.
[Centurio, Léodagan, L. VI]
Rafistoler
Au début du XVe siècle, « apistoler » est « ajuster tant bien que mal », et par
extension « tromper par de beaux semblants » ; le seul « rafistoler » est
parvenu jusqu’à nous, pour réparer, comme on peut, ce qui a été abîmé…
Raide
— Moi, une fois, j’étais tellement raide que j’avais l’impression de me faire
attaquer de tous les côtés !
[L’Ivresse, Léodagan, L. II]
— Regardez plutôt devant vous, et venez me dire après en face qu’on est
raides !
— On est raides…
[Raison d’argent II, père Blaise à Arthur, L. III]
Voilà un mot sec, dont la sonorité seule appuie le sens qu’on veut bien lui
donner ! On peut être malade, ivre ou fauché, quand on est raide… « Suis
raide à blanc », constate Pommes-Chips dans Des pissenlits par la racine
(1964)… Moins grave, on peut dire quelque chose de raide, ou avoir le
comportement raide ; bref, ça passe partout !
— Môssieu Elias trouve quand même le temps de nous râper les raisins !
[La Sorcière, Merlin, L. V]
— Ça fait des semaines que vous nous râpez les raisins avec…
[Arturi Inquisito, Sallustius, L. VI]
Rapiat
— À moins de deux mille pièces d’or vous passez pour un rapiat.
[L’Ancien Temps, Ygerne, L. II]
— Le but est moins de les nourrir que d’éviter de passer pour des rapiats !
[La Restriction II, Séli, L. III]
— Non non bah pardon, on est pas des rapiats, mais enfin quand même on
va, on va pas s’installer.
[Nuptiae, Sallustius, L. VI]
Un joli mot comme ça ne pouvait venir que du latin, pour « rafler, ravir », et
nous renvoie vers la mesquinerie la plus pathologique, au point qu’il est
étonnant que L’Avare de Molière ne se fût pas appelé Le Rapiat… Est-ce
significatif que le féminin « rapiate » soit très rare ?… Enfin, j’ai ouï dire
que le terme était encore prisé chez notre plus saine jeunesse…
Raquer
— Quand je vais dire à mon oncle combien vous raquez pour vos béliers
pourris, il va bien se marrer* !
[Séfriane d’Aquitaine, Séfriane, L. III]
Raquer, c’est payer, mais on sent bien que ce n’est pas de gaieté de cœur, et
on visualise aisément des caïds du milieu utilisant le terme… C’est direct,
cash, presque violent ; comme, en réalité, l’onomatopée « rak » qui lui a
servi de radical, dans la forme picarde, et qui signifiait dans le Nord
« cracher »…
Ratichon
Qu’il est beau ce mot ! D’accord, on comprend qu’il n’est pas très
valorisant pour les prêtres, d’autant qu’il vient du rat… Mais comme on dit
« rat de bibliothèque », c’est-à-dire une personne qui fréquente assidûment
un lieu, rendant dubitatifs ses congénères… Alors le prêtre, dans ce sens,
est le rat par excellence, et a même droit à son mot à lui ! Mais le pompon,
vous en conviendrez, est l’endroit où ils se concentrent, séminaires ou
abbayes : les ratichonnières !
Reluquer
— Je suis pas descendu pour reluquer les serviteurs en train de se tripoter*
au milieu des jambons !
[Cuisine et dépendances, Arthur, L. III]
— Si ça peut nous éviter de nous tirer dans les pattes, je veux bien aller
reluquer des catapultes !
[Les Festivités, Bohort, L. III]
— Et elle peut relever sa jupette quand elle nous sert des pâtisseries, qu’on
reluque un peu ?
[Nuptiae, le maître d’armes, L. VI]
Rembarrer
Ric-rac
Ringard
— […] Et là on leur dit que c’est ringard !
[Le Monde d’Arthur, Merlin, L. II]
— Parce que les tâches c’est pour les femmes ?! Ah, ah, le ringard !
[Les Défis de Merlin, Elias, L. III]
— J’croyais qu’on avait dit que c’était pour les ringards, les épées ?!
[Perceval de Sinope, Perceval, L. V]
— Notre bon sire Karadoc m’a dit en personne que mes techniques de
combat étaient dépassées depuis longtemps, et qu’il ne pouvait pas se
permettre de coller un ringard à la Table ronde !
[Le Retour du roi, le maître d’armes, L. V]
— Laissez tomber vos vieilles idoles, mon ami. Débarrassez-vous de ce
ringard. Éveillez-vous !
[Le Dernier Jour, Méléagant, L. V]
Rogne
— Un sort de rage : je balance ça là-dedans et ça les fout en rogne pour une
dizaine de minutes.
[Le Sort de rage, Merlin, L. I]
— Si vous avez encore pendu tout le monde, j’vais m’foutre* en rogne !
[Le Magnanime, L. III]
— Mais vous allez nous lâcher, oui ?! Vous voulez que j’me mette en rogne
comme un enseignant ?
[Les Chaperons, Perceval, L. IV]
Romano
— Je leur ai signifié gentiment qu’on n’était pas chez les romanos et qu’il
fallait qu’ils décarrent vite fait.
[La Chambre, Léodagan, L. II]
Rombière
— Si vous saviez c’que les types vont pas inventer pour larguer leurs
rombières, des fois !
[Anges et démons, Elias, L. IV]
Ronquer
— Moi ce que j’veux, c’est ronquer tranquille !
[La Nuit du nomade, Arthur, L. III]
Encore de l’occitan ! Ronca est le fait de ronfler et, par extension, de dormir
profondément. Et maintenant que grâce à bibi* vous le savez, vous pouvez
floquer un sac avec « Un dimanche à ronquer », sur
pomponsurlagaronne.com, pour faire sensation dans les dîners mondains –
plutôt du Sud-Ouest, ou dans la communauté Kaamelott…
Roupe
Roupiller
— Un mot de passe à retenir, une fois par semaine, et le reste du temps à
roupiller sur un tabouret !
[Le Tribut, Perceval, L. III]
Rouquemoute
Rouquin
Justice est faite, justice est rendue… Parce que dans la catégorie des mal-
aimés, les roux ont des longueurs d’avance ! On évitera un inventaire peu
flatteur, rappelons seulement qu’ils portent la couleur du diable ! D’accord,
j’ai un souvenir radieux du fameux rouquemoute*, l’un des voyous de La
Métamorphose des cloportes, avec la double ironie que le formidable
Georges Géret n’était pas roux, et que finalement peu importait, puisque le
film était… en noir et blanc ! Alors quand le rouquin, par simple analogie
de couleur, désigne le vin rouge – et comptez pas sur moi pour mentionner
qu’il désigne aussi les menstrues… –, on respire un peu, quelle que soit la
qualité du vin…
Rouscailler
— Qu’est-ce que c’est qu’ce genre de baisser les bras sans rouscailler ?…
[L’Usurpateur, Léodagan, L. IV]
Rupin
— Hé, en plus du bestiau* je vous ramène du rupin !
[La Nourrice, le tavernier, L. V]
Sagouin
Saligaud
— Si je tenais le saligaud de bâtard de Romain qui a inventé les voies
romaines…
[La Jupe de Calogrenant, Calogrenant, L. I]
Voilà un classique qui sonne bien, d’autant qu’on peut le garder un peu en
bouche, en faire traîner la prononciation. L’étymologie se laisse deviner : le
sale, le malpropre, accentué par le suffixe péjoratif « ot » (« aud »), utilisé
depuis le XVIIe siècle ! Comme le salingue, le saligaud est sale, mais il se
complaît dans la saleté, il souille, même. De la saleté au sens littéral on
passe rapidement et allégrement à la dimension morale… Le saligaud est
répugnant au-dedans et au-dehors : « Mais t’es pire qu’une bête, t’as honte
de rien, hein, saligaud ! » lâche Lino Ventura en passant la tête du soudard
honni Jean Lefebvre sous l’eau glacée de son lavabo, dans Ne nous fâchons
pas (1966)… Plus tragiquement, chez Pagnol, César déclarant à son fils
revenu pour récupérer femme et enfant, dans Fanny : « Marius, il y a eu de
tout dans notre famille : des corsaires, des douaniers, des contrebandiers,
des imbéciles, et même de vulgaires mastroquets comme ton père, mais il
n’y a jamais eu de saligauds. » Ça donne une mesure de l’ignominie, et l’on
notera avec une certaine satisfaction que le féminin « saligaude » est très
rare…
Saloir
— Et c’est quoi qui me ressemble ? Envoyer tout le monde au saloir sans en
avoir rien à foutre* ?
[Witness, Lancelot, L. III]
Salope/saloperies/salaud/salopards
— Est-ce que vous aimez faire des saloperies avec les garçons ou non ?
[Alone in the Dark II, Arthur, L. IV]
— Vous allez m’faire plaisir de faire péter cette saloperie, que j’puisse sortir
la machine.
[La Baliste, Léodagan, L. III]
— Figurez-vous que mon cheval s’est tordu la guibole* sur vos saloperies
de routes pavées.
[La Vraie nature du Graal, Léodagan, L. I]
— Moi c’est simple, je veux juste savoir si mon salopard de mari se farcit la
cousine de la duchesse d’Orcanie !
[La Potion de vérité, Séli, L. III]
Saquer
— Elle peut pas saquer les paysans !
[Le Tourment III, Karadoc, L. III]
Ancien terme, qui se rapporte au sac ; donc ne pas pouvoir et vouloir mettre
quelqu’un dans son sac, comme on ne peut pas l’encadrer ou qu’on ne peut
pas l’encaisser…
Sauc’
— Ça m’fait penser que j’étais venu là pour m’enfiler un bout de sauc’.
[La Restriction II, Arthur, L. III]
Très clair, très efficace, moins beau que le saucissot ou le sauciflard, mais la
redondance sonore est plaisante… Je ne connaissais pas, mais, me dit-on,
j’étais bien le seul ! Ce pourrait donc tenir à une fréquence de
consommation…
Schlinguer
Schproum
L’un des mots les plus exotiques et intéressants, qu’Astier a réservé pour le
livre V, quand Karadoc entend retirer l’épée du rocher, ce qu’il ne fait
finalement pas… On ne sait pas d’où, on ne sait pas de quand, mais le
schproum est le scandale, peut-être par onomatopée. Il a connu ses lettres
de noblesse grâce au général – de Gaulle, et non Bugeaud, les amoureux de
Charles Denner dans L’Aventure c’est l’aventure apprécieront –, qui aurait
déclaré en privé : « Eh bien, j’ai crié : “Vive le Québec libre !” Ça va faire
du schproum, et ça n’a pas fini d’en faire. » Je trouve le mot improbable et
génial, génialement improbable, digne d’être remis à l’honneur dans les
dîners mondains, où vous pourriez embrayer sobrement sur le livre de Jean-
Yves Cendrey, qui raconte la maladie qui le rongea : Schproum. Roman
avorté et récit de mon mal (2013) ; de quoi briller !
Secouer
— Qu’est-ce que j’en ai à secouer !
[Le Déserteur, Caius, L. III]
— J’vous dirais bien que je suis hors de moi et que je vais lui péter
la gueule*, seulement j’en ai rien à s’couer et je vais faire une grasse mat’ !
[Tous les matins du monde, première partie, Arthur, L. IV]
— Qu’est-ce qu’ils en ont à s’couer, les péquenots*, que vous soyez une…
[La Parade, Arthur, L. IV]
— Vous pensez vraiment que j’aurais pu vous demander d’aller relever vos
pièges à oiseaux ? Mais qu’est-ce que j’en ai à s’couer, moi ?!
[La Relève, Arthur, L. IV]
— J’en ai rien à secouer des règles des jeux de cartes du pays de Galles !
[Perceval fait la ritournelle, père Blaise, L. IV]
Siffler
Singe
— Alors dites-vous que c’est un combat réel, montrez-moi ce que vous avez
dans le slibard !
[Le Maître d’armes, le maître d’armes, L. I]
— Si vous en aviez dans l’slibard, c’est ce qu’y faudrait faire, ouais !
[Fluctuat nec mergitur, Léodagan, L. IV]
Soupière
— Ah bah oui, là bien sûr, c’est du chinetoque* ! Les mecs ils se raclent*
un peu la soupière avant de sortir n’importe quelle connerie* !
[Le Poème, Arthur, L. II]
— Ils ont bien de la chance que les chefs d’État se cassent la soupière pour
les sortir de leur bouse* quotidienne !
[L’Assemblée des rois I, le maître d’armes, L. III]
— Ça fait vingt minutes qu’on se creuse la soupière avec vos conneries* !
[Les Cousins, Léodagan, L. III]
Sous-fifres
— Une fois j’ai craché sur les pompes* de l’empereur Justinien, alors j’vais
pas m’gratter* pour l’un d’ses sous-fifres !
[Le Secret d’Arthur, Séli, L. II]
— Sans blague, j’veux pas faire ma sucrée, mais sur c’coup-là vous m’avez
quand même pas refilé le palais du sultan !
[Seigneur Caius, Caius, L. IV]
— Mais personne vous agresse, venez pas faire votre sucrée, là !
[L’Absent, Léodagan, L. II]
— De toute façon, ta perm’ est déjà sucrée, qu’est-ce que tu veux qu’il
t’arrive de plus ?
[Miles Ignotus, Manilius, L. VI]
Tabasser
— Il paraît que t’as réussi à loger celui qui t’a tabassé ?
[Praeceptores, Sallustius, L. VI]
Si la sonorité est si efficace, c’est que le radical « tab », par « tap », évoque
bien le son de la bagarre… Mais le mot devient vraiment jouissif dans ses
sens figurés, comme le vin qui tabasse !
Tagazou
Tailler
Tambouille
— Y doit y avoir quatre-vingts larbins* au château et c’est vous qui vous
tapez la tambouille ?
[La Tarte aux myrtilles, Léodagan, L. I]
Tamponner
— Perceval le Gallois, en tout cas, tout le monde s’accorde à dire que c’est
une tanche !
[Le Chevalier mystère, Arthur, L. I]
Tannée
— Ça a été une tannée, oui !
[Les Émancipés, Calogrenant, L. IV]
Tantouze/tata/tati/tantine
— Parce que j’me suis dit, la baliste, est-ce que ça ne fait pas un peu
tantouze, quand même ?
[La Baliste, Léodagan, L. III]
— Mais j’crois que c’est plus simple que ça, vous êtes une fiotte* ! J’ai
épousé une grosse tati.
[Les Nocturnales, duchesse d’Aquitaine, L. V]
Dans le lexique dévalorisant et humiliant qui vise à s’attaquer à la virilité de
l’autre, donc en le faisant passer non seulement pour un homosexuel, mais
pour un homosexuel passif cumulant ainsi toutes les tares, on cherche
toujours pire, et ça passe notamment par la féminisation : combien de fois
Léodagan reproche-t-il à Arthur de gouverner comme une femme ? Une
ancienne tradition argotique parle d’une tante – « Avant, il y avait les
pédales, et puis les tantes », déclare avec délicatesse Anémone, face à
l’Incorrigible Belmondo (1975), dans l’une de ses toutes premières
apparitions –, d’une tata… Ajoutez la suffixation adéquate pour marquer
davantage encore l’efféminisation, et vous obtenez la bonne vieille
tantouze !
Taper (s’en)
— Parce que mon couteau pour le pâté, y a rien à faire, j’m’en tape.
[Le Porte-Bonheur, Karadoc, L. III]
Tapette
— Le bon roi Ar-thur, est une p’tite ta-pette, le bon roi Ar-thur, est une
p’tite ta-pette, est une p’tite, à la volette, est une p’tite, à la volette, est une
p’tite ta-pette !
[Sur l’air d’À la volette]
[Corpore sano II, le maître d’armes, L. IV]
Tapin
— J’me suis toujours débrouillée pour pas faire le tapin, c’est pas pour
commencer maintenant !
[Azénor, Azénor, L. I]
— Subrogative…
— Subrogative, en faisant l’tapin !
[L’Espion, Léodagan à Guethenoc, L. III]
— Vous êtes sûr que vous avez pas une sœur qui faisait le tapin ?
[Un roi a la taverne, le tavernier, L. I]
Si l’on vous propose avec un grand sourire de rejoindre une école de tapins,
ne vous en offusquez pas, prenez le temps de la réflexion… Car les tapins
étaient des joueurs de tambours, arpentant les trottoirs, ces mêmes trottoirs
arpentés par d’autres tapins, proposant des services charnels… Bien
entendu, en tapinant et en tapinois ne sont pas à confondre…
Taquet
— J’vais pas leur mettre des taquets en boucle jusqu’à demain sous prétexte
qu’il veut pas faire un truc !
[La Potion de fécondité II, Léodagan, L. III]
Taré*
— Vous vous rendez compte de l’heure qu’il est, espèce de gros taré ?
[La Crypte maléfique, Arthur, L. III]
— Et pourquoi vous nous laissez atteler la carriole, alors, bougre* de taré ?!
[Hurlements, Loth, L. V]
Tarin
Tarlouzes
— De toute façon, vu les taros, il y a que du souverain qui peut se payer ça !
[Le Professionnel, Venec, L. III]
Tarte
— C’est p’t-être avec une tarte dans l’pif* que vous allez les quitter, vos
fonctions !
[Les Bonnes, Arthur, L. IV]
— Et moi je vous annonce que vous allez vous mettre au turbin*, comme on
vous dit, sans ça vous allez ramasser des tartes dans la gueule* !
[La Potion de fécondité II, Séli, L. III]
— Seulement quand il s’agit d’aller distribuer des tartes, là il n’y a plus que
nous !
[Centurio, Léodagan, L. VI]
— Je sais plus avec quoi il m’avait tenu la jambe, un peu comme là, ce
n’était pas le jour, je lui ai mis une tarte.
[Centurio, Macrinius, L. VI]
La tarte est utile à des choses… Se prendre une tarte ou en mettre une est un
grand classique du genre, de la fin du XIXe siècle, et ne s’est pas démenti.
C’est qu’on voit bien l’image avec le mot, qui sonne heureusement, même
si la main n’a que la forme approximative d’une tarte ; c’est là que
l’imagination intervient…
Tartignolle
— Ou alors c’est votre tartignolle de bonniche qui a encore été fourrer son
nez dans mes affaires !
[Le Larcin, Arthur, L. II]
— J’aurais bien voulu voir votre tête si j’vous avais servi une nouba aussi
tartignolle à votre mariage !
[Lacrimosa, Bohort père, L. VI]
Déjà, être tarte n’était pas très réjouissant – même si l’origine se discute…
Enfin, c’est toujours les autres qui nous qualifient de tartes, rares sont ceux
qui se disent tartes eux-mêmes ! Mais « tartignolle » en rajoute une couche,
si je peux me permettre : c’est insister lourdement, mais sans violence, sur
la laideur, le ridicule, la vacuité de quelque chose ou, pire, de quelqu’un…
Taulier
— Vous êtes pas le taulier ?! On peut vous obliger à faire des trucs ?
[Les Tourelles, Guethenoc, L. III]
Tignasse
Timbré
— Dans le ghetto ? Non mais vous êtes timbré !
[Nuptiae, Arthur, L. VI]
Le timbre a bien des usages, et il désignait la tête, dès le Moyen Âge, du fait
que le timbre était une partie du casque que l’on portait. Mais si l’on vous
dit que vous êtes « bien timbré », avec un large sourire, ne balancez pas
l’avoine* : on peut évoquer ici votre… timbre de voix.
Tintin
— Si on cueille pas les cerises quand elles sont sur l’arbre, on fera tintin
pour le clafouti.
[Nuptiae, Loth, L. VI]
Il est possible que l’on retrouve pas mal de tintinophiles chez les
kaamelottiens… Pourtant, aucun lien direct, et l’expression, que l’on
devrait écrire « tin-tin », évoque, depuis le XIIIe siècle, la redondance
onomatopéique du tintement… Tintement des verres ou des pièces, d’où la
vieille expression militaire de faire « tintin ballon » – de vin, en l’espèce…
Donc, on serait privé de ce qui fait « tin-tin », et par extension on serait
privé tout court…
Tirer (se)
— Tirez-vous !
[Le Sixième sens, Arthur, L. I]
La liste serait presque infinie des occurrences de « se tirer » dans
Kaamelott, et des usages que l’on peut faire du mot ; il est pratique,
efficace, il sonne comme on veut qu’il soit compris…
Toc/tocard
— Les tocards prennent toujours leur retraite près d’un ruisseau, à cause de
la soif.
[Le Dernier Recours, Méléagant, L. V]
Ce qui est en toc fait toc… N’allons pas chercher la complication, quand
l’onomatopée parle d’elle-même ! Bon, je précise : le son mat du cuivre, du
doublé, s’oppose au son plein du métal précieux. Alors, à partir de là, et
grâce à cette suffixation dont on ne se lasse pas – même si elle fait très
eighties –, le tocard est un mauvais cheval sur lequel on aurait bien tort de
parier, ou n’importe qui, n’importe quoi qui n’a pas de valeur…
Torcher
— Si je cherchais pas le Graal, vous seriez encore en Carmélide en train de
torcher l’cul des vaches dans une des fermes de votre con* d’père !
[Le Passage secret, Arthur, L. II]
— Je mérite même pas de faire son boulot à celle-ci qui passe ses journées à
vous torcher le cul !
[Dux Bellorum, Arthur, L. VI]
— Comme ça, vous pourrez aller ratisser la bouse et torcher le cul des
poules.
[Les Nocturnales, duc d’Aquitaine, L. V]
Torgnole
Trac/traczir
— J’crois qu’ils veulent vous donner une leçon, alors voilà, ils vous
flanquent le traczir…
[La Dame et le lac, Arthur, L. IV]
— Mais si je suis tout seul devant avec les deux autres traîne-la-grolle sous
prétexte qu’il n’y a pas de récompense, eh ben ça me gonfle.
[La Grotte de Padraig, Arthur, L. I]
Traviole
Trempe
— Attendez, vous voudriez que nous, on s’excuse, alors qu’on s’est pris la
trempe de nos beaux jours, tout ça parce que vous avez laissé tomber des
trucs par terre ?!
[Les Parchemins magiques, Arthur, L. II]
Trimballer
Tripoter
— Je suis pas descendu pour reluquer* les serviteurs en train de se tripoter
au milieu des jambons !
[Cuisine et dépendances, Arthur, L. III]
Tronche
— Regardez bien nos tronches, parce que vous allez plus les voir
longtemps !
[Le Sixième Sens, Perceval, L. I]
Troufion
Trouille
D’une manière ou d’une autre, quelle que soit l’origine, il est d’abord
question de caca… Plus précisément, de la courante face à un danger, ce
que ressent le trouillard lorsqu’il ne cesse de trouilloter… On a même tenté
de le mesurer, grâce au trouillomètre, qui descend souvent à zéro, lors d’une
sainte trouille !
Trucider
— On peut pas se faire trucider dix hommes à la minute pour une dent de
requin !
[La Dent de requin, Lancelot, L. I]
Truite
— Ah ne me prenez pas pour une truite, c’est mes espions qui ont intercepté
ça.
[Centurio, Hoël, L. VI]
Hapax, total ! J’ai regardé des truites dans les yeux, j’ai écouté la nature me
parler, j’ai sondé les rivières… Je ne sais pas pourquoi la truite, sinon à
cause de la sonorité et de l’inattendu de la comparaison, qui font mouche !
Tsoin-tsoin
— Non mais pas vous. Vous, vous pouvez rester tsoin-tsoin comme
d’habitude.
[Lacrimosa, Loth, L. VI]
Tune
— Quelle différence ?
— La tune !
[La Mort le Roy Artu, père Blaise à Arthur, L. I]
D’accord, je crois qu’il n’y a pas un brave citoyen, de 7 à 107 ans, qui ne
connaisse ce mot et n’ait souffert à un moment de son absence en poche…
La fameuse tune fut d’abord l’aumône, au XVIIe siècle, puis, au XIXe, la
pièce de 5 francs que l’on pouvait donner en aumône, et, finalement,
l’argent lui-même.
Turbin
— Et moi je vous annonce que vous allez vous mettre au turbin, comme on
vous dit, sans ça vous allez ramasser des tartes* dans la gueule* !
[La Potion de fécondité II, Séli, L. III]
Urge
Encore très employé, par tous les milieux, c’est vraiment simple et pratique,
puisque le diminutif de « urgent » traduit bien… l’urgence ! On peut même
le conjuguer, et ça, c’est classe* : « Il conviendrait que l’on urgeât pour se
décider ! »
V
Vache*
— Peau d’vache…
[Le Jurisconsulte, le jurisconsulte, L. V]
La zoologie ! Éternel pourvoyeur du vocabulaire et de l’argot… La vache
en est un des plus beaux éléments, peut-être comme le chameau pour les
bédouins ! Tout est bon à prendre, dans la vache, c’est-à-dire à utiliser.
C’est surtout péjoratif : la peau de vache ! Et « mort aux vaches »
s’adressant à la maréchaussée, ancêtre de « nique la police »… Sans parler
de la comparaison physique peu flatteuse entre le bovidé domestique à
cornes et la femelle hominidé ! « Tu es belle comme une vache » sera, à
toutes les époques, reçu très négativement. Et nous voici arrivés à
l’exclamation qui nous intéresse : « Ah, la vache ! » Les bourgeois pestaient
contre les bovidés apportés en ville pour y être vendus : « Oh ! la vache !
Passe ton chemin ! Et toi, bouvier, assure-toi qu’elle ne crotte plus que de
besoin », pouvait-on entendre…
Valoche
— Si dans pas longtemps vous êtes obligés de rentrer à Rome avec vos
valoches comme un bouseux*, là vous regretterez de pas avoir accepté
notre offre.
[Le Reclassement, Arthur, L. II]
— Je sentais que c’était le moment de faire une vanne, mais y a rien qui est
sorti.
[Les Chaperons, Perceval, L. IV]
— Non non non, s’il vous plaît, pas de vannes, pas de réflexions…
[Le Choix de Gauvain, Arthur, L. IV]
La vanne peut-être bonne ou mauvaise, elle peut être moquerie, aussi. « Un
mec comme Alphonse, il prend ça pour une blague ou pour une vanne, y
s’marre ou y frappe » ! déclare Maurice Biraud, au sujet de Ventura, dans
La Métamorphose des cloportes… Le masculin a cependant cédé la place
au féminin – comme pour un/une clope –, mais y a-t-on gagné ?
Viander (se)
— Vous avez peut-être l’habitude, mais moi j’ai pas envie de me viander !
[Le Guide, Arthur, L. V]
Une des expressions les plus… expressives ! Se viander est bien étaler sa
viande, lourdement, jusqu’à en crever, d’ailleurs : viande froide, comme
dans un abattoir… Une hyperbole tout à fait parlante !
Vicelard
— D’une manière générale, j’ai un lien plus ou moins direct avec tout ce qui
s’manigance de vicelard à travers la Bretagne, depuis ces trente dernières
années…
[Les Repentants, Loth, L. V]
— Oh et puis ils me cassent les pattes avec leurs méthodes de vicelards, là.
[Arturi Inquisio, Léodagan, L. VI]
Quel mot plus fascinant que ce « vice » ! Il doit bien y avoir des traités,
thèses et essais autour de cette notion, qui dénote un fort jugement moral,
mais non juridique, tout du moins depuis l’instauration de la démocratie…
Car le Répurgateur aurait la sanction parfaite pour le vice : le feu !… Mais
par inversion, voire sublimation, beaucoup de jeunes, notamment dans le
grand univers du rap, se réclament du vice – c’est sûr que ça fait plus
rebelle que de prôner la vertu ! Le vicelard, par la charge de la suffixation,
est moins mis en avant, peut-être parce que ça renvoie consciemment ou
non à un voyeur, un p’tit pervers… Il en est de même pour la méthode :
autant un coup de vice peut-être génial, autant le coup de vicelard restera
assez médiocre, comme la mort, qui peut « payer l’apéro d’un air
vicelard », ainsi que le chantait Renaud…
Vioque
Virer
Vriller
— Ça risque de partir en vrille avant qu’on soit sortis du port !
[Feue la poule de Guethenoc, Guethenoc, L. III]
— Je lui ai dit qu’il était encore plus con* que gros, alors il s’est foutu en
rogne*, comme quoi il était autant l’un que l’autre, et c’est parti en vrille.
[Le Repos du guerrier II, Perceval, L. III]
— Il se trouve que j’ai un ou deux chiens… Et voilà, c’est parti en vrille !
[Les Paris II, Venec, L. III]
Vriller, c’est le terme technique pour tournoyer sur soi-même, ce que font
les avions abattus, notamment ceux à hélices qui étaient dézingués* en vol.
Partir en vrille, ou vriller, prend alors tout son sens, et le terme trouve un
regain d’intérêt depuis plusieurs années.
Z
Zigouiller
— Comme si j’étais pas assez grand pour zigouiller ma femme tout seul…
[Le Professionnel, Arthur, L. III]
— Si on tombe sur quelqu’un, on le zigouille !
[Double dragon, Lancelot, L. IV]
— Et puis après, il ne reste plus qu’à zigouiller Arthur, et vous voilà les
parents du dauphin !
[Hurlements, Cryda, L. V]
Zinzin
— Moi j’prétends que l’zinzin, là, vous auriez pas pu trouver mieux pour
nous emmerder*…
[L’Oud II, Séli, L. IV]
— Vous avez juré de nous faire tourner zinzin, ou quoi ?!
[Le Périple, Léodagan, L. V]
On arrive au bout de cette balade – à la lettre z, fallait bien s’y attendre ! –,
mais « zinzin » n’est pas la manière la moins intéressante de traiter l’autre
de fou ! Même s’il peut désigner aussi les « investisseurs institutionnels » –
qui peuvent être dingues, ça n’empêche pas –, zinzin est avant tout un
bruit, une sonorité, dont l’onomatopée évoque immédiatement quelque
chose de lancinant et de pénible… D’où son emploi militaire, ça ne
surprendra pas, pour parler de tout ce qui fait du bruit, essentiellement les
tirs d’artilleries, qui rendaient dingues lors de la Première Guerre ; si bien
qu’« aller au zinzin » ne réjouissait personne, puisque c’était monter à
l’assaut… Mais cela pouvait être aussi les bals, les orchestres, ou tout objet
et situation bruyants et pénibles… Ce qui rend fou en vient à désigner… le
fou lui-même ! Consécration par le titre de la série animée, Les Zinzins de
l’espace, qui reste un bijou caustique.
Zize
« Oh ! Montre-moi ton joli zizi ! » Pas de panique… Il peut s’agir du petit
passereau commun d’Europe méridionale, que Buffon nomma ainsi non
pour la déconne, mais par analogie onomatopéique avec son cri ! Même
origine onomatopéique pour la désignation du sexe masculin, plus rarement
féminin, collant au vocabulaire enfantin. Ses lettres de noblesse lui furent
attribuées en 1975 par Pierre Perret, qui déculpabilisa son emploi tout en en
dressant un inventaire à la Prévert…
Zob
Le zob est le membre viril, en arabe ; cette forme courte et cette sonorité
exotique font du « zob » un classique, usité modérément, mais surtout par
les esthètes, notamment sous la forme « peau de zob ». Quant au « zobi la
mouche », il connut son succès dans les années 1980, notamment à la
faveur du titre éponyme des Négresses vertes. J’aime « à la zob », c’est-à-
dire à l’arrache, ou, dans le contexte, plutôt au culot…
Zut
— Zuuuuuuuut !
[Le Privilégié, Merlin, L. IV]
— Zuuuuuuuuut !
[La Frange romaine, Arthur, L. II]
Pour clore cette aventure, l’une des p’tites marottes d’Arthur, en faisant
bien courir le « u » pour laisser s’évacuer colère, frustration, lassitude…
Mais finissons en beauté, en cador*, car le p’tit zut enfantin ou le grand zut
hautain et bourgeois, c’est pas bien bichant*, d’autant que l’origine est
hautement incertaine, et que les hypothèses sont nombreuses – d’une
corruption du latin à l’onomatopée, en passant par la contraction de « zest »
et « flûte ». Mais que diriez-vous d’appartenir à un cercle assez fermé,
contre-culturel, ironisant sur les installés et les péteux*, et s’intitulant « les
Zutistes » ? Eh bien ça a existé, à partir de 1871, sous la houlette
notamment de Verlaine et Rimbaud ! Ce groupe de poètes, d’écrivains et
d’artistes s’en prenaient aux classiques parnassiens – qui revendiquaient
« l’art pour l’art », sans autre forme d’engagement –, et produisirent un
Album zutique, fait de pastiches, de dérision, de provocations, souvent « olé
olé » – notamment un joli Sonnet du trou du cul… –, au troisième étage de
l’Hôtel de l’Étranger, à l’angle des rues Racine et de l’École-de-médecine…
L’idée drôle-sérieuse de cette jeunesse agitée, et abîmée au sortir de l’année
terrible de 1870, c’est de dire « zut » à tous les codes et toutes les
institutions… Très astierien, n’est-il pas ?
Éditeur généraliste et indépendant,
Le Passeur Éditeur
invite au dialogue et à la connaissance de l’autre.
Le Passeur Éditeur
travaille à développer un catalogue
à l’image de sa curiosité pour l’homme
dans toutes ses composantes,
sensibles, rationnelles et spirituelles.
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