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Lecture analytique de « Si tu t’imagines » de Queneau


reprise d’un travail de Ghislaine Zaneboni par Stéphanie Amilis-Dorbe et retravaillé par GZ

Grille du travail préparatoire au texte de Raymond QUENEAU, « Si tu t’imagines…)

Situation  
   Auteur Raymond QUENEAU
   Œuvre L’instant fatal
   Contexte 1948 (après guerre), l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle cf : La
Disparition de GEORGES PEREC : lipogramme en « e »)
Nature  
   Genre Poème
   Type(s) Monologue dialogique, argumentatif, descriptif,
   Tons, tonalités, registres Lyrique, didactique, symbolique, burlesque, fantaisiste

Idée générale, thèmes Plaisir du pastiche dans la reprise des topoï : l’invitation à l’amour liée à la fuite
du temps (carpe diem),
Composition  
   Formelle 3 strophes de longueur inégale : douzain, strophe de 14 vers et ensuite de 23 vers
en pentasyllabes. Fantaisie des rimes. Refrain  composition cyclique

   Fond : Plan du texte Même schéma entre la 1 ère et la 2ème strophe, même thématique de la beauté et des
amours.
1ère strophe : généralisation du thème
2ème strophe : particularisation du thème à travers le portrait mélioratif
3ème strophe : 1ère sous-partie : des « beaux jours »  jusqu'à «  sque tu vois pas »,
toujours déclinaison du thème de la fuite du temps :  opposition entre le
mouvement cyclique de la nature et le mouvement linéaire de la vie de la jf.
2° sous-partie : portrait péjoratif de la jf plus tard
3° sous-partie : la « morale », le conseil hédoniste

Analyse linéaire À mener directement sur le texte photocopié Niveau de langue familier,
raccourcis phonétiques et absence de négation. Q. « subvertit » les codes
Problématique Comment Queneau, en mêlant dans un pastiche tradition et originalité,
parvient-il à créer un poème singulièrement moderne ?

Introduction :
Raymond Queneau, créateur de l’OuLiPo et poète fantaisiste, se souvient avec humour de Ronsard quand il
écrit en 1948 « Si Tu t’imagines... », poème issu du recueil L’Instant fatal.
Dans un discours injonctif, le poète enjoint vivement une jeune fille à profiter des plaisirs de la vie en
l’avertissant de la fuite du temps, dans un style alliant lyrisme, fantaisie et originalité. Ce texte, amusant et
mélancolique à la fois, ressemble à une chanson par son rythme pentasyllabique et répétitif.
On verra comment Queneau se plaît à pasticher Ronsard dans plusieurs de ses poèmes, notamment
« Mignonne » et « Quand vous serez bien vieille», et donc comment, en jouant sur la reprise de thèmes et d’un
système d’énonciation traditionnels (I), il propose une réécriture originale et singulièrement poétique (II).

I- La reprise de thèmes et d’un système d’énonciation traditionnels  :


La philosophie d’Horace (« carpe diem ») ou la pensée d’Héraclite sont prolongées dans « Si tu t’imagines » à travers
plusieurs procédés.
A) L’alliance de deux lieux communs (topoi) du lyrisme :
1) L'amour
* Ce thème est exprimé explicitement à travers la métaphore qui évoque la jeunesse : "Saison des amours" pluriel
évoquant des amours successives, amours sensuelles (à l’opposé de la vision idéalisée d’un amour unique, sublimé).
C’est d’ailleurs généralement pour les animaux qu’on parle de « la saison des amours ».
* Brièveté (« saison », temps limité) de cette période de la vie propice à la séduction amoureuse.
* Il est exprimé aussi symboliquement dans la métaphore implicitement érotique : ''cueille la rose'' (cf. la virginité)

2) La fuite du temps
* Thème de la fuite du temps (le pantha reï grec) : « les beaux jours s’en vont », portée universelle, présent de vérité
générale : c’est un constat que nul ne peut réfuter.
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* Métaphore «  soleils et planètes tournent tous en rond » : la loi cosmique elle-même illustre physiquement cette
idée de l’éternel recommencement.
* Or, les êtres humains, eux, échappent malheureusement à ce cycle éternel : l'avance rectiligne de la jeune fille vers
la mort - " tu marches tout droit vers sque tu vois pas '' - s’oppose tragiquement au mouvement circulaire des planètes.
* L’être humain n’a pas suffisamment conscience de ce temps qui échappe, irrémédiablement. Ainsi, la « fillette »
« croit » « xa va xa va xa /va durer toujours ». Autrement dit, elle risque de confondre le futur proche et l’avenir.
* Ce futur proche est restitué grâce à un jeu verbal qui s’appuie sur la transcription phonétique d’éléments en langage
parlé. Le poète se moque de cette croyance illusoire selon laquelle rien ne change.
* Contraste entre 2 tableaux, 2 portraits-blasons :
 celui de la jeunesse qui est idéalisé : «  ton teint de rose »,
 celui de la vieillesse d'un réalisme cru qui touche à la caricature : " très sournois... avachi "
* Le passage du temps peut également être rendu par les nombreuses répétitions (comme celle des jours qui passent)  :
répétition du « xa va », du « si tu t’imagines », du « fillette », toutes ces répétitions « tournent » dans la chanson
comme « soleils et planètes [qui] tournent tous en rond ».
* La composition cyclique du poème et la présence du refrain rendent perceptible ce passage du temps.
* La mort est évoquée par un euphémisme : " vers sque tu vois pas "

B) Des emprunts à Ronsard clairement repérables


1) Des emprunts thématiques et discursifs
* à Ronsard, lui-même inspiré d’Horace et de son Carpe Diem qui développe cette double thématique.
Exemple: Dans " Mignonne", '' cueillez votre jeunesse "; dans " Quand vous serez bien vieille ", " cueillez dès
aujourd'hui les roses de la vie '' repris par Queneau dans les vers 39-40 
* L’apostrophe à la « fillette », « petite » (apostrophe hypocoristique, càd possédant une intention affectueuse)
rappelle la célèbre apostrophe « Mignonne, allons voir si la rose ».
* On retrouve la même cruauté que chez Ronsard lorsqu’il s’adresse à Hélène : le poète ici fait également des
reproches à la « fillette ». Mais il ne lui reproche pas de résister à ses avances, il lui reproche son inconscience : « Si
tu t’imagines »
* La nommer ainsi « fillette » ou « petite » c’est faire preuve de familiarité mais aussi de condescendance. Le poète
insiste donc sur sa grande jeunesse bien sûr, mais aussi sur le caractère écervelé de cette « innocente » qui n’a pas
conscience du temps qui passe.

2) Le registre didactique
* Discours injonctif au moyen d’impératifs exhortatifs '' allons, cueille, cueille...'' en parallèle évident avec «  Cueillez
dès aujourd’hui »
Comme chez Ronsard, le poème vise à inculquer une leçon à tous les lecteurs. Leçon qui s’appuie sur l’expérience du
poète qui s’autorise à juger la fillette (et donc tous les jeunes naïfs) : " si tu t'imagines ...'' " si tu crois ..." " ce que tu te
goures..."
* On retrouve l’invitation à profiter des plaisirs de la vie : « cueille cueille/ les roses les roses/ roses de la vie/ et que
leurs pétales/ soient la mer étale/ de tous les bonheurs ». Mais on notera que le poète ne se limite pas aux plaisirs
amoureux (hyperbole : « tous les bonheurs »), élargissant ainsi la portée hédoniste du message.

C) Des clichés littéraires


Queneau n’hésite pas à reprendre des expressions métaphoriques lexicalisées, des clichés :
* « ton teint de rose » : cliché insistant sur la fraîcheur du teint. Traditionnellement la beauté de la femme est évoquée
par l’image de la rose (car cette dernière, à la beauté éphémère, se fane, comme se ride le visage)
* « ta taille de guêpe » : l'expression taille de guêpe fait référence à un type de silhouette féminine, généralement
possible grâce au port d'un corset, à la mode au XIXe siècle et au XXe siècle. Cette silhouette se caractérise par une
différence de proportion marquée au niveau de la taille, entre une taille mince et des hanches larges. Cette expression
tire son nom de la similitude entre cette silhouette et le corps segmenté de la guêpe.

* « tes ongles d’émail » : métaphore dans un goût très parnassien (cf. Emaux et Camées de T. Gautier) qui suggère à
la fois l’éclat et la dureté. C’est évidemment une dureté illusoire car, avec la vieillesse, même les ongles se dégradent,
jaunissent, se feuillettent…
* « ton pied léger » : métaphore homérique (initialement « Achille au pied léger »). Cette discrète allusion au héros
vaut bien sûr pour le souvenir (implicite) de son talon (càd sa vulnérabilité). Comme Achille, la «  fillette » est
vulnérable : les ans lui feront perdre sa légèreté.
* « cuisse de nymphe » : La Cuisse de nymphe est une variété de rose (d'un rose très pâle tirant légèrement sur le
mauve). Queneau ici joue avec les mots puisqu’il crée une métaphore érotique qui suggère la chair sensuelle des
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cuisses tout en rappelant le lien (déjà marqué grâce au teint) entre la femme et la fleur. Quant aux nymphes, elles
passaient pour être des créatures d’une beauté irrésistible (cf. Eurydice), leurs « cuisses » étaient donc dignes de la
statuaire grecque.

II- Une réécriture originale et singulièrement poétique  :


L’originalité de la transposition de Queneau réside dans l’art de créer des ajouts ainsi que des expansions, des
amplifications.
A) Les expansions, amplification :
On nomme « expansions » les éléments qu’un écrivain a empruntés à d’autres littérateurs et développés, leur
conférant alors une ampleur ou une visée nouvelles.
1) Le registre dramatique
* Chez Ronsard, déjà, une dramatisation était présente, via le contraste existant entre Hélène peinte en « vieille
accroupie », et le devenir bienheureux du poète appelé à se « repos[er] » aux Champs Elysées.
Queneau reprend cette écriture du contraste en opposant la belle jeunesse à l’effrayante vieillesse mais il la développe
au moyen de l’énumération :
- énumération des attraits de la belle : « teint de rose », « taille de guêpe », « mignons biceps », « ongles d’émail »,
« cuisse de nymphe », « pied léger »
X énumération des ravages de l’âge : « ride véloce », « pesante graisse », « menton triplé », « muscle avachi ».
* On aboutit donc à deux tableaux très nettement contrastés : l’un, mélioratif, encomiastique, qui célèbre les charmes
de la « fillette », l’autre, dégradant, qui pointe les disgrâces rebutantes d’un corps qui a pris de l’âge.

2) Le blason démultiplié
* Décrire une partie du corps féminin pour en célébrer la beauté ou, au contraire, pour en railler la laideur, voilà qui
n’est pas neuf en littérature. De fait, l’art du blason est pratiqué dès la Renaissance par des poètes aussi célèbres que
Marot (« Blason du beau- ou du laid - tétin ») ou que Maurice Scève (« Blason du sourcil »). A leur suite, Marot lui-
même (« Blason du laid tétin ») et des poètes satiriques, comme Scarron, et même Du Bellay (« Ô beaux cheveux
d’argent », Les Regrets, 91) vont s’amuser à créer des « Contre-blasons » visant alors à dénigrer une partie du corps
féminin.
* Toutefois, Queneau, qui s’inspire visiblement de ces blasons et contre-blasons, pratique là encore une expansion :
au lieu de se limiter à ne décrire qu’une seule partie du corps de la femme, il étend la description à l’intégralité de son
corps, et ce dans une description assez méthodique puisque descendante (du visage avec le «  teint », en passant par la
« taille » et les bras,« biceps », en descendant jusqu’aux « cuisses » pour arriver enfin au « pied ».)

*Néanmoins, signalons que « démultiplier » le blason n’est pas complètement inédit : en 1931, soit 17 ans avant
Queneau, André Breton, poète surréaliste, s’était livré dans « L’Union libre » à cet exercice en décrivant, de la
manière la plus énumérative qui soit, sa « femme ».

B) Les ajouts :
Dans une transposition, on nomme « ajouts » des éléments qui ont été greffés sur le texte qui a nourri
l’inspiration.

1) Un poème-chanson
* Le rythme de ce texte ressemble à celui d’une chanson, ce qu’il est d’ailleurs devenu (cf. la célèbre interprétation de
Juliette Gréco et celle de Mouloudji).
* On remarque d’emblée son aspect binaire, puisque nombre de ses expressions sont répétées deux fois  : « Si tu
t’imagines », « fillette », « la saison des za », « ce que tu te goures », « si tu crois », « cueille cueille », « les roses les
roses »…
* Les pentasyllabes, peu courants en poésie, sont une forme très courte de versification : cela contribue à donner un
côté « ritournelle » à ce poème
* L’expression « soleils et planètes/tournent tous en rond » fait aussi penser à une ronde enfantine, qui convient bien à
ce rythme.
* On remarque aussi des jeux plus subtils encore : parfois, Queneau ralentit ponctuellement le poème par une sorte de
bégaiement : là où l’on attend un rythme binaire, il produit finalement un rythme ternaire : « la saison des za/la saison
des za/saison des amours », ou « les roses les roses/roses de la vie ».
* Quant aux rimes, elles sont suivies, croisées, embrassées ou absentes ! Bref, c’est une prosodie toute fantaisiste à
laquelle on a affaire.
* Notons l’absence également de majuscules, absence qui donne l’illusion d’un poème qui « court », dont les vers
s’enchaînent, un peu comme un discours sans fin.
* La disposition strophique emprunte à la tradition de la chanson : trois strophes de longueur inégale et croissante :
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- 1° strophe : 12 vers correspondant à une introduction du thème de la fuite du temps, rattaché à celui de l’amour
- 2° strophe : 14 vers qui évoquent la beauté actuelle de la jeune fille
- 3° strophe : 23 vers qui
 généralisent cette fuite du temps (vers 27 à 30),
 opposent la repoussante vieillesse à l’attrayante beauté (vers 31 à 38 contre- blason satirique de la vieillesse
contrastant avec le précédent blason de la jeunesse),
 et finalement invitent la « fillette » à jouir de la vie (Carpe diem horacien vers 39 à la fin)
* Le refrain donne l’impression d’une composition cyclique même si, pour être exact, il convient de remarquer que le
vers 1 et le vers 49 ne sont pas les mêmes.

2) La caricature et la dérision
C’est un registre également au service du comique. Il consiste à amplifier les défauts de quelqu’un ou de
quelque chose de manière outrée. C’est pourquoi ce registre use volontiers d’hyperboles, d’amplifications, de
personnifications et s’accompagne d’ironie, de l’humour noir, comme c’est le cas ici.

* Queneau peint la vieillesse de manière outrée autant que comique.


- Notons que le verbe « s’approchent » a pour sujet inversé l’énumération personnifiante constituée de « la ride
véloce », « la pesante graisse », « le menton triplé », « le muscle avachi ».
Attribuer ainsi un verbe de mouvement à des choses inanimées correspond au procédé de la personnification.
- L’effet de cette personnification est comique : on voit littéralement les différents ennemis de la jeunesse arriver à
grands pas, d’autant que la ride est qualifiée de « véloce », c'est-à-dire rapide.
- De plus, le choix de l’article défini renforce le comique de la scène : ainsi chaque détérioration du corps semble
incarnée par un personnage redoutable. D’autant plus que ces personnages veulent nuire ! Ils sont en effet dotés d’un
caractère fâcheux, étant « sournois ». En imaginant cette ride « véloce » qui s’approche en tapinois, on pourrait
presque alors parler du procédé de l’allégorie.
- Notons enfin que Queneau a pris soin de choisir des termes qui s’opposent violemment à ceux qui étaient chargés
d’évoquer la belle jeunesse du corps : « la ride véloce » fane à tout va le « teint de rose », « la pesante graisse »
empâte « la taille de guêpe » et alourdit « le pied léger », « le menton triplé » repoussant remplace la si tentante
« cuisse de nymphe », et « le muscle avachi » ôte aux « mignons biceps » tout leur rebondi.
- Enfin, notons la saveur atroce de l’allitération en [r] qui renforce, comme le fait aussi Juliette Gréco en
l’interprétant, le caractère repoussant et affreux des ravages du temps : « très sournois s’approchent », « ride »,
« graisse », « triplé »...

3) Un burlesque subversif
Le registre burlesque est un registre au service du comique. Il consiste à traiter un sujet élevé (ici la fuite du
temps, le Carpe Diem) de manière triviale, c'est-à-dire à l’aide d’un langage (niveau de langue, figures)
prosaïque, voire manquant franchement d’élévation.

* Queneau emploie un niveau de langue familier voire argotique :


- Il tutoie sa muse, l’interpelle au moyen d’un diminutif, alors que Ronsard a toujours vouvoyé la sienne.
- Le refrain qui intervient à la fin de chaque strophe : « ce que tu te goures » est très familier, voire vulgaire : il est
répété à deux reprises chaque fois, l’auteur insiste beaucoup sur cette formule.
- « Fautes » volontaires d’expression : absence de négation « sque tu vois pas » pour « ce que tu ne vois pas », avec
omission de la première partie de la négation, comme dans « si te le fais pas ».
- De même, le bégaiement comique « xa va xa va xa » repose sur une contraction du langage parlé : « que cela va »
est réduit en « xa va »
- L’effet produit par ces familiarités est celui d’un ton quelque peu grossier. On est loin de la délicatesse lyrique !
- Le poète transcrit même phonétiquement un éclat de rire : « si tu crois ah ah », éclat de rire sarcastique qui fait
résonner dans ce poème une certaine violence.
* « Saison des za » : écriture de la liaison que l’on entend.
Le poème ressemble donc à du langage parlé, comme s’il y avait une volonté de donner une couleur très populaire à
ce poème.
* Mais ce langage familier n’est pas uniforme dans le poème et contraste, de façon burlesque avec des éléments
plus écrits, parce que plus littéraires :
- cf les métaphores clichés déjà signalées (« teint de rose », « taille de guêpe » etc)
- Certaines formules ont une ampleur métaphysique : l’évocation du macrocosme « soleils et planètes », s’oppose à
« ma petite », qui vient juste après. La métaphore hyperbolique « Et que leurs pétales/ soient la mer étale/ de tous les
bonheurs » résonne de manière quelque peu grandiloquente mais cette « envolée » emphatique retombe avec le « ce
que tu te goures » final.
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- « les mignons biceps » : formule quasi oxymorique : le biceps évoquant généralement le muscle viril est associé à un
spectacle « mignon ». De plus le « biceps », terme d’anatomie (donc scientifique) contraste avec « la cuisse de
nymphe » qui relève de la mythologie.

 L’effet produit est un savoureux mélange de rire et d’horreur : on est bien dans ce qu’il convient d’appeler
l’humour noir.
L’humour noir :
« L’humour noir croît sur le néant, il prend racines où Dieu prend pissenlits. A vrai dire, ce n’est pas un humour de
cimetière, c’est bien plutôt, et paradoxalement, un droit à l’existence, un art d’être-au-et-dans-le-monde, une brève
haletance cathartique [dico : respiration et exutoire] qui permet à celui qui joue de cet éclat de pénombre dans un
écrin de sérénité de se délivrer délicieusement de certaines représentations inquiétantes et dégradantes de
l’être-en-vie. » (Jean-François Buys in Lettres ou ne pas lettres)
     « Révolte supérieur de l’esprit » affirme André Breton (dans son Anthologie de l’humour noir) ;
« déplacement d’un principe de réalité vers un principe de plaisir » explique Freud (cf. l’exemple du pendu
qui, condamné un lundi matin, et apercevant l’échafaud au loin, s’exclame devant le bourreau : « Voilà une
semaine qui commence bien ! ») Ionesco : « Prendre conscience de ce qui est atroce et en rire, c’est devenir
maître de ce qui est atroce ».

Conclusion
Ainsi Raymond Queneau, s’essayant au pastiche, réécrivant, après Ronsard, les topoï du lyrisme, l’amour et la
fuite du temps, parvient encore à faire de la poésie : une poésie familière, bien que très élaborée, une poésie qui
transpose de façon originale les éléments les plus traditionnels en favorisant les expansions, les ajouts. Finalement,
Queneau parvient à subvertir les clichés au profit de l’humour, du contraste et de la création singulière d’un langage
« écrit-parlé » qu’on croirait créé pour la chanson. Le succès populaire de ce poème sera indéniable : le poème sera
mis en musique par Léo Ferré et chanté par Gréco et Mouloudji.

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