(Pierre Riché, Guy Lobrichon (Eds.) ) Le Moyen Age.
(Pierre Riché, Guy Lobrichon (Eds.) ) Le Moyen Age.
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et la.'Bible
sous la direction de
Pi~rre Riche ~ Guy Lobrichon
BI BL E
DE
TaUS
LES
TEMPS
BEAUCHESNE
L'histoire de la Bible est comme celle d'un long fleuve qui
parcourt le temps et irrigue les champs de l'Occident. Au
Moyen Age plus que jamais. Les auteurs de ce livre ont voulu
montrer quelle etait reellement cette Bible, comment on l'a
re~ue, comprise-, quelle a ete son influence sur l' enseignement,
les institutions, l'art et les mentalites. Ace projet ambitieux,
frölant la demesure, il fallait une idee-def qui fa~onne l'unite
de l'ouvrage. On voit donc comment les hommes du Moyen
Age so nt peu a peu passes de l'age de la Loi a celui de la Bonne
Nouvelle, de la rumination aristocratique de la Bible chez les
moines a l'imitation populaire des gestes du Christ.
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4- Le Moyen Age
et la Bible
COLLECTION DIRIGÉE PAR
CHARLES KANNENGIESSER
Le Moyen Age
et la Bible
sous la direction de
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BEAUCHESNE
OUVRAGE PUBLit AVEC LE CONCOURS
DU CENTRE NATIONAL DES LETTRES
Liste des collaborateurs
Introduction II
Monique Duchet-Suchaux
Les noms de la Bible et Yves Lefèvre 13
LE LIVRE
ÉTUDIER LA BIBLE
VIVRE LA BIBLE
!. LE GOUVERNEMENT DES HOMMES
II. LA PASTORALE
Conclusion
Bibliographie 62.1
Index scripturaire
Le titre de ce volume n'a pas été choisi au hasard. Nous n'avons pas
voulu étudier la Bible au Moyen Age en présentant seulement le travail
des clercs et des moines, lecteurs et commentateurs des textes sacrés,
mais nous voulons montrer comment au Moyen Age on a reçu, compris
la Bible, quelle a été l'influence de l'Ecriture sainte sur l'enseignement,
les institutions, les mentalités médiévales.
Vaste programme, projet ambitieux voire démesuré.
Depuis des travaux anciens en Allemagne et en France, des colloques
sur la Bible médiévale ont été organisés en Italie, en Belgique, un volume
collectif a vu le jour en Angleterre1• Mais beaucoup des études ont
davantage été consacrées à l'établissement du texte biblique, aux manus-
crits, aux traductions en langue vulgaire et surtout à l'exégèse2• Le
renouveau d'intérêt pour l'histoire de la Bible au Moyen Age est certain
comme en témoignent les innombrables articles et livres dont nous n'avons
retenu que les principaux et les plus récents dans la Bibliographie qui
termine le volume.
Certes, ce n'est pas dans la limite de ces pages que nous avons pu
couvrir tout le champ d'un vaste programme. Nous avons demandé à
quelques spécialistes français et étrangers, historiens, philologues, litur-
gistes, historiens du droit et de l'art, etc., de donner un chapitre qui
correspond à leurs propres recherches. Nous avons divisé l'ouvrage en
1. Cambridge [~].
2. De LUBAC [u]; SMALLEY [1~].
u Le Moyen Age et la Bible
3· Cette citation de Hugues de SAINT-VICTOR, comme la plupart des textes cités par la
suite, provient du fichier du Nouveau Du Cange (Institut de France), ou des divers diction-
naires nationaux de latin médiéval qui ont déjà publié la lettre B.
Nous avons particulièrement utilisé :
- le Mittel/ateinisches Worterbuch, Munich, 1967, art.« Biblia »et« Bibliotheca », I, 10, c. 146I-
146z et 1462-1463;
- le Dictionary of Medieflal Latin from British Sources, London, 197S:
- le Dictionnaire de latin médiéval de Bohême et de Moravie ( Latinitatis medii aefli lexicon Bohe-
morum), Pragae, 1977;
- le Glossarium mediae latinitatis Sueciae, Stockholm, 1968.
Pour tout ce qui concerne les dictionnaires et glossaires de latin médiéval, on peut
consulter le remarquable bilan fait par A.-M. BAUTIER, « La lexicographie du latin médiéval,
Bilan international des travaux », dans La lexicographie du latin médiéval et ses rapports aveç les
recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Age, Paris, 1981 (Colloques internationaux du
CNRS, no S89), PP· 4H-4H·
4· Notons que l'édition de M. Paou, Rmlulfus Glaber, Hi.rtoriarum sui lempori.r libri quinque
(987-1044), donne le mot bibliotheca (I, IV, 9, p. II), alors que la Patrologie de MIGNB au t. 142,
col. 619°, transcrit biblia, ce qui semble invraisemblable à cette date.
Les noms de la Bible 15
Raban Maur, pour qu'il reçoive de lui l'accès aux divines Ecritures »
(ad venerabilem Rhabanum directus sum uti ab eo ingressum caperem divinarum
scripturarum). Il éprouvait le besoin d'être guidé pour lire recte, comme
disait l'évêque Fulbert. Cette méthode de lecture doit en effet être définie,
nous explique Hugues de Saint-Victor au milieu du xne siècle, dans son
traité le Didascalicon. « Beaucoup de ceux qui lisent les Ecritures glissent
dans diverses erreurs, faute de posséder le fondement de la vérité »
(vides multos scripturas legentes quia fumlamentum veritatis non habent, in
errores varias labi), d'où la nécessité d'une méthode, pour établir ce
fondement. Il faut en effet, continue le chanoine de Saint-Victor, ne pas
s'arrêter au sens littéral « qui peut n'avoir aucune signification, bien
que le sens des mots soit évident, et ceci se produit en de nombreux
endroits de la sainte Ecriture ».
« Il faut scruter avec le plus grand discernement les passages de la
divine Ecriture qui ne peuvent être lus selon le sens littéral » ( loca in
divina pagina que secundum litteram legi non possunt, que magna distretione
discernere oportet). C'est alors qu'il faut appliquer les quatre sens de
l'Ecriture (cf. n. 6), et se faire guider par un magister ou un lector. Remar-
quons en passant que l'Ecriture est ici désignée par divina pagina, comme
nous le verrons plus loin.
« L'Ecriture est donc la seule vérité, c'est la« loi divine, et le clerc
cloîtré doit se consacrer entièrement à sa lecture, » selon Philippe de
Harvengt, au début du xme siècle (lex divina Scriptura sacra est, in cuius
lectione claustralis tlericus totus debet versari); c'est la lectio divina. « Tout
ce qui est dans la sainte Ecriture est vrai >> ( quicquid in sacra Scriptura
continetur, verum est), dira saint Thomas.
Pierre le Chantre l'exprime de manière poétique à la fin du xne siècle,
en comparant l'Ecriture à « un bateau sur lequel nous devons faire la
traversée» (Sacra Scriptura est navis nostra, qua transire debemus), tandis
que pour saint Bonaventure, l'Ecriture est une « cithare ».
<< Le champ de l'Ecriture déborde de préceptes et d'exemples »,
écrit Loup de Ferrières dans sa lettre à Eginhard déjà mentionnée.
Quant au maître, Abbon de Fleury,« il a planté au cœur de son disciple
(Gauzlin de Fleury) les fleurs de la sainte Ecriture >> (inerant eius cordi
Abonis magistri prolati sanctae Scripturae flores boni); c'est ce que nous dit
l'abbé Helgaud dans sa Vie de Robert le Pieux.
Utilisant les divers qualificatifs que nous avons mentionnés, plu-
sieurs commentateurs les justifient. C'est ainsi que Robert de Melun,
maître parisien de la seconde moitié du xue siècle, explique dans un
passage de son Commentaire sur l'épître aux Romains : « Les Ecritures
( Scripturae) dans lesquelles il est question de l'Incarnation du Christ
sont sacrées, à cause de la vérité immuable qu'elles contiennent ».
Robert de Melun utilise aussi, comme beaucoup de ses devanciers, le
terme de « divin » : « livres divins >> ou « livres des divines Ecritures ».
18 Le Moyen .Age et la Bible
Et la Glose ordinaire, dans une préface aux Psaumes, affirme qu'il« n'est
rien dans la divine Ecriture qui ne concerne pas l'Eglise ».
Divina ou sacra Scriptura est souvent utilisé avec le mot pagina, qui
signifie texte ou passage, comme l'écrit dans ses Histoires, Richer, moine
de Saint-Rémi de Reims au xe siècle : « Après les textes de la sainte
Ecriture qui furent ici lus et discutés » {post sacrae Scripturae paginas).
Accompagné d'un qualificatif ou du nom d'un apôtre ou d'un évangé-
liste, ce terme désigne un texte du Nouveau Testament : « Si nous en
venons aux textes évangéliques, nous lisons >> (ad paginas evangelicas),
écrit Yves de Chartres dans une lettre des dernières années du xxe siècle,
tandis qu'on parle aussi de la pagina Pauli ou de la pagina Mathei.
Pagina signifie aussi l'Ecriture, le texte de la Bible, accompagné ou
non de commentaires, soit comme l'écrit Paschase Radbert dans son
Commentaire sur l'évangile de saint Matthieu:« C'est un seul et même Dieu
que désignent l'un et l'autre Testament» ( unum eumdemque Deum utraque
pagina designari) ou Robert de Melun, au xue siècle : divina pagina tam
Veteris quam Novi Testamenti, ou pagina utriu.rque Testamenti. Dans ces
quelques citations, l'équivalent exact de ce terme serait plutôt « Testa-
ment ». Hugues de Saint-Victor dans le De sacramentis parle, lui, des
livres du Nouveau Testament qui, joints à ceux de l'Ancien, forment le
« corpus » biblique (corpus divinae paginae).
L'autorité de la sacra pagina est absolue, dit l'évêque Otton de Freising,
parlant de l'abbé de Clairvaux, qui« prenait ses décisions, en se référant
à l'autorité de la sainte Ecriture » (ex auctoritate sacrae paginae). « L' aucto-
ritas est telle qu'il ne peut être question de la soumettre à la férule du
grammairien », dit Jean de Garlande, au début du xxne siècle.
Il arrive aussi à pagina de désigner l'objet qu'est le livre conte-
nant le texte sacré « que ne laissait jamais tomber de ses mains cette
moniale tellement assidue à sa lecture », dont nous parle un moine
de Fulda du rxe siècle (ut... numquam divina pagina de manibu.r eius
abscederet).
Apparaît enfin, au xne siècle seulement, le mot Biblia, qui n'est pas
un neutre pluriel issu du mot neutre pluriel grec Biblia, mais qui est
alors un substantif féminin singulier. C'est dans les dernières années
du siècle que Pierre Riga, chanoine de Reims, compose l' ARrora, ou
Biblia versificata; quelques années auparavant, Pierre le Mangeur (Cornes-
tor), maître parisien, avait composé une paraphrase de l'Ecriture, l'His-
toria scholastica, qui aura un succès si considérable qu'on la désignera
très souvent durant les siècles suivants par le terme de Biblia.
On ne peut manquer ici de se poser la question suivante : est-il
toujours possible de faire le départ entre le texte biblique proprement dit,
les commentaires ou gloses qui l'accompagnent, et les textes patris-
tiques ? Une notation d'un acte du xxe siècle relatif à la fondation du
monastère de Muri en Suisse montre à quel point tout est mêlé : « On
Les noms de la Bible 19
fit écrire les livres des Chroniques, d'Esdras, les sermons de saint
Augustin, les Actes des Apôtres, les lettres de Paul ! »
Le XIIJi! siècle voit naître nombre de travaux sur le texte biblique;
révision des traductions et des commentaires, parfois avec des rabbins,
contrôle de la tradition et étude du vocabulaire. Apparaissent aussi les
Concordances de la Bible ( Concordantiae Bibliae) ; c'est-à-dire, selon la
définition du Dictionnaire de la foi chrétienne un « répertoire alphabétique
de tous les mots utilisés dans la sainte Ecriture indiquant pour chaque
mot les passages où il figure »7 • Hugues de Saint-Cher fut le premier
auteur de Concordances. On note aussi un glossaire des termes hébreux
et grecs de la Bible (De hebraicis et grecis vocabulis glossarium Bibliae) et un
Vocabularium Bibliae de Guillaume de La Mare, pour ne citer que quelques
titres au milieu d'un grand foisonnement. On décide dès 12 36 que les
Bibles doivent être corrigées (Bibliae corrigantur).
La Bible est glosée, le texte est encadré de commentaires moraux,
historiques ou autres. Biblia glossata, dit le testament d'un évêque anglais
du xme· siècle, enjoignant de la vendre ( volumus quod Biblia nostra glossata
vendatur).
On insère des « postilles » : ce mot désigne des commentaires suivis,
placés après certains passages, certains mots (post ilia verba). Le Diction-
naire de Du Cange explique que ce sont des notes marginales et continues
qui se développent à la suite de certains mots dans la sainte Bible, et que
les maîtres reprenaient pour les dicter à leurs élèves; ensuite, « post ilia
verba », venait l'explication du maître.
Une chronique de 1228 parle d'Etienne Langton qui« fit des postilles
sur toute la Bible et la divisa en chapitres, division dont on se sert
maintenant » (hic super bibliam postillas ftcit et eam per capitula quibus nunc
utuntur moderni, distinxit). En 1238, il est fait mention d'un évêque qui
« écrivit des postilles sur le psautier » (de Alexandra Cestriensi episcopo
super psalterium postillas scripsit). Hugues de Saint-Cher, dont un chroni-
queur Martinus Oppaviensis écrit en 1277: «Le cardinal Hugues ajouta
des postilles à tout le texte de la Bible, et fut aussi le premier auteur de
Concordances>> (Hugo ... qui totam Bibliam postillavit), dit lui-même que
« les postilles de la Bible sont élaborées selon le quadruple sens : histo-
rique, allégorique, moral et anagogique » (postillae in universa Biblia
secundum quadruplicem sensum : historicum, allegoricum, moralem et anagogi-
cum). L'épitaphe de Nicolas de Lyre, mort en 1349, affirme qu'il« écrivit
des postilles selon le sens littéral sur toute la Bible du commencement à
la fin » {postiilavit enim Bibliam ad lifteram a principio usque ad finem). Nous
avons vu apparaître le verbe postillare; quant au commentateur, il est
On peut aussi mentionner que les commentaires sur les premiers versets
de la Genèse, la Création en six jours sont souvent appelés Hexameron,
à la suite de saint Ambroise.
Terminons sur un poème de onze vers, composé pour aider à mémo-
riser les noms des livres de la Bible. C'est un extrait d'un manuscrit
de la Bibliothèque municipale de Troyes, du xve siècle, provenant de
l'abbaye de Clairvaux10• Plusieurs folios contiennent des poèmes sur une
partie de la Bible: quatrains sur le Pentateuque, par exemple. Un autre
texte est intitulé Ordo et nomina librorum Biblie.
Le poème que voici porte pour titre :
In his versibus continentur libri Biblie
Est generans Exo. Levi. Computa. Deuteronomius
losue. ludeux. Ruth. regum Paralipomenonque
Esdra, Neemias, Thobias, Judith et Hester
Job, Psalmus, Salomon triplex, Sapientie bina
Isa. lere. Treni. Baruch. Ezechiel Danielque
Ose. Joel. Amos. Abdi. Jonas. Miche. Naum
Abac. Soph. Ageus. Zacharias et Malachias
Post Machabeos sumit nova gratia tempus
Matheus. Marcus. hinc Lucas inde Johannes
Ro. Co. Gal. Eph. Phi. Colo. Thes. Thimo. Ti. Philem. Hebr.
Actus. Apocalipsis claudunt lacobum. Pe. Io. Iudam.
Si l'on compare ce poème à celui qui est consacré aux« noms des
livres de la Bible», sur un folio voisin, il apparaît comme moins complet :
le Cantique des Cantiques, l'Ecclésiaste et l'Ecclésiastique ne sont pas
cités. Par contre, l'abréviation en une ou deux syllabes du nom de cer-
tains livres de l'Ancien Testament, du nom des prophètes et du titre
des épîtres pauliniennes donne quelque facilité sans doute pour les
retenir! Le livre des Nombres est devenu Computo. Néanmoins, l'en-
semble se reconnait fort bien et doit aussi se retenir sans trop de difficultés !
Avant le xne siècle, seuls les clercs ont écrit des textes relatifs à la
Bible et comme ils n'écrivaient qu'en latin, le vocabulaire biblique était
un vocabulaire strictement latin. A partir du xne siècle, la littérature
française s'est développée de telle façon que des ouvrages profanes
pouvaient faire des allusions à l'Ecriture sainte, alors que des ouvrages
didactiques abordaient des questions religieuses et scripturaires, avant
que paraissent les premières traductions du texte sacré. Naturellement le
français a utilisé à propos des textes bibliques un vocabulaire décalqué
sur le vocabulaire latin.
Scriptura, Sancta Scriptura, Divina Scriptura, Divina Pagina, Sancta
Pagina, Biblia donnent : « l'escrit », « le saint escrit », « li devins escriz »,
I 1. a. Samuel BERGER, La Bible fr011faire ali Moyen Age. Etude rur lu plu.r ançiennes IJerrionr
de la Bible éçrifer en prore de langue d'oïl, Paris, 1884, p. 166.
12. Ibid., pp. 96 et 105.
13. Ibid., pp. 179 et z65.
14. Je dois cette liste à M. Evencio BELTRAN, qui a préparé l'édition de ces textes français
ainsi que de l'ouvrage latin de Jacques LEGRAND qui porte le titre de Sophilogion. Qu'il trouve
ici l'expression de ma reconnaissance.
Les noms de la Bible 2.3
La Bible à travers
les inventaires de
bibliothèques médiévales
1. Les différentes catégories de documents sont bien présentées dans A. DEROLEZ, Les
catalog114s Je bibliothèqt~~s, Turnhout, 1979 (Typologie des sources du Moyen Age occidental,
~1). Le répertoire fondamental reste celui de Th. GoTTLIJ!B [z4], qui distingue entre les
catalogues de bibliothèques proprement dits (761 numéros) et les documents mentionnant
des livres (6z9 numéros). Dans notre exposé nous faisons, sauf indication supplémentaire,
implicitement référence aux éditions citées par Gottlieb.
z. K. W. HUMPHRHYS, The .&ok ProtJisions of tht Mu/mal Friars, I2IJ-I400, Amsterdam,
1964. pp. 18-8z, étudie ceux en usage dans les otdœs mendiants.
~· On trouvera un choix suggestif d'études, récentes ou anciennes, dans la bibliographie
de B. GUENÉE, Hirtoin et culture bistoriqtll tlansi'Oççit/ent métlihal, Paris, 1980, pp. 379-~Sz.
4· Mentionnons juste un recueil pratique, mais peu sût : G. BECKER [19] et trois séries qui,
elles, présentent toutes les garanties voulues : MBKDS et MBKO [z7], et MSV = Mitte/al-
ler/khe Scha~liclmi.r.re, t. 1, Munich, 1967.
S· Un travail de pionnier : J.-Ph. GENET,« Essai de bibliométrie médiévale : l'histoire
dans les bibliothèques anglaises», dans ReflUe française d'histoire till Jiwe, ri, 1977, pp. ~-40.
32. Le Livre
6. li y a toujours profit à relire J. de GHELLINCK, «En marge des catalogues des biblio-
thèques médiévales», dans Mis&tllanta Fr. Ehrle, t. 5, Rome, 1924, pp. 331-363 (sur la Bible
et les instruments de travail bibliques, pp. 339-342) et P. KmRE, « The intellectual interests
reflected in libraries of the fourteenth and fifteenth centuries», dans The Journal of the Hi.rlory
of Itka.r, 7, 1946, pp. 257-2.97 (spécialement pp. 275-278).
7· H. RosT [14], pp. 15o-161 :«Die Bibel in den Bibliothekskatalogen des Mittelalters ».
Il y a naturellement beaucoup à glaner dansE. LESNE [26].
8. R. M. WILsON, « The Contents of the Medieval Library », dans The Engli.rb Library
before I700, Londres, 1958, p. 87.
9· Fr. WoRMALD, « The Monastic Library », ibid., p. 24.
10. Nous n'avons pas abordé les problèmes spécifiques que pose la présence, dans les
inventaires, de Bibles imprimées. Autre limitation : les traductions de la Bible en langues
vemaculaires (sur lesquelles on pourra consulter Cambridge [5], pp. 338-491) ne sont
évoquées qu'occasionnellement.
A travers les inventaires de bibliothèq11es médiévales 33
n. On connaît le jeu de mots Bibliothera mea .teNIIZt meam bibliothecam, cité dans l'article
instructif de A. MuND6, « Bibliothe&a. Bible et lecture de carême d'après saint Benoit », dans
RB, 6o, 1950, p. 78.
x:z. Bonne présentation chez J. W. H.u.PoRN, «Pandectes, Pandecta and the Cassiodorian
Commentary on the Psalms », dans RB, 90, 198o, pp. 296-298.
13. Ge.rta abbatum Fontanellen.rium, 7 (MGH, SS. in 11.t11111 .rchoiiZf'UIII, t. 28, p. 15) : retlien.r
.te&lllll tktu/it, nemon ettJol11111ina tÜifer.ta SanctiZf'UIII ScriphlriZf'UIII fltlteri.r at notJi Te.rtamenti maximeque
ingenii beati.r.rimi alque apo.rto/iti g/orio.rir.timi papae Gregorii.
14. GoTTLIEB [24], n•• 1033-1036 (présentation très lisible chez H. OMONT, Catalogue
général tle.r manu.rcrits... , série in-8°, t. 1, 1886, pp. XVI-XIx).
15. Cette dénomination, qui n'est pas relevée par B. BisCHOPP, «Die alten Namen der
lateinischen Schrifartten », in Mitte/alterliche Sltitlien, t. 1, Stuttgart, 1966, pp. 1-5, apparait,
assez souvent en rapport avec des textes bibliques, dans des catalogues (par ex. Saint-Père de
<llartres, XI" siècle : GoTTLIEB, n° 271 ; Notre-Dame de Paris, XI8 siècle : GoTTLIEB, n° 422)
et dans des chroniques; cf. W. WAn'BNBACH, Das SchrifhPmn im Mittelalter, Leipzig, 1896,
pp. 440 et H8.
16. GOTTLIEB [24], n01 59-60.
. 17. MBKDS [27], t. 1, n° H (accroissements entre 835 et 842); les textes bibliques se
limitent à deux psautiers, sur 42 livres.
18. MBKDS [27], t. IV, n° 26 A (daté de 993); en dehors de livres liturgiques, on ne
trouve de biblique qu'un volume contenant les Actes des Apôtres, les Lettres de Paul et
l'Apocalypse.
19. Ainsi que le prouvent les inventaires MBKDS, t. 1, n• 49 (821-822) et t. IV, n° 25
(avant 993)·
20, GoTTLIEB [%4], n° 248. Il est difficile de croire que tous les livres bibliques, dont
certains subsistent encore aujourd'hui, étaient conservés en dehors de la bibliothèque, comme
le suppose Ph. GRIERSON, «La bibliothèque de Saint-Vaast d'Arras au XII• siècle», dans RB,
12, 1940, p. II9 («dans l'église ou à la sacristie»).
P. RICHÉ, G. LOBRICHON 2
34 Le Livre
21. R. RousE a montré que l'auteur est le bénédictin Henri de KIRKSTEDE, bibliothécaire
de Bury-Saint-Edmunds dans le troisième quart du XIv" siècle, et le titre Catalogus de libris
autenticis et apocrifis : voir son article « Bostonus Buriensis and the Author of the Catalogus
scriptorum ec&!esiae », dans Speculum, 41, 1966, pp. 471-499. Nous avons consulté le texte du
Catalogus dans sa dissertation inédite (Ph. D., Comell University, 1963).
:z:z. MBKDS [27], t. IV, no 109 (1483).
23. MBKDS [27], t. IV, no 12.9 (environ 1000). La disposition de la première partie
(In Genesim: Ambrosii exameron; Augustini... ; Hieronimi... , etc.) annonce l'index du Cata-
logus : Nomina doctorum qui scribunt super Bibliam. Super Genesim : Augustinus super Gensim ad
literam... , Ambrosiu.r de operibu.r .rex dierum ... , etc. (RousE, éd. citée, p. 289).
24. GoTTLIEB [24], n° 584 (= E. BALUZE, G. D. MANsr, Miscellanea, t. 4, Lucques, 1764,
pp. 6o2-6o4).
25. D'après l'inventaire publié par Th. KAEPPELI, « La bibliothèque de Saint-Eustorge
à Milan à la fin du xv" siècle [1494] »,dans Archit1um Fratrum Praedicatorum, 2J, 1955, pp. 5-74.
26. Œ. K. W. HUMPHREYS, op. cil. (.rupra, n. 2), pp. 19-30 (bibliothèque personnelle du
dominicain : achats, ventes, legs, etc.; dispositions spéciales concernant les Bibles) et 34
(emprunts à la bibliothèque du couvent).
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 35
TABLEAU I
Commentaires,
instruments Total
Bibles Livres (dont des
Couvents complètes isolés concordances) livres
37· Fondé sur les inventaires publiés par D. GUTIÉRREZ,« De antiquis ordinis eremitarum
sancti Augustini bibliothecis », dans Anale&la .Augustiniana, 2J, 1954, pp. 186-ISS, 213-217,
22o-222 et 30I-3o8.
38. A vrai dire in&ompleta in parvo volumine à Monticiano, où il n'y a aussi que quinque
quaterni &on&ortfantie super Biblia, mais pu/&ra /ictera (GUTIÉRREZ, op. cil., pp. 22o-22.1).
39· MBKDS, t. IV, n° 30 (Saint-Emmeran, Bénédictins), 39 (Prüll, Bénédictins; reprise
d'un catalogue du xu• siècle), 42 (Prüfening, Bénédictins), 44 (Saint-Sauveur, Franciscains),
45 (Saint-Blaise, Dominicains) et 48 (Saint-Sauveur, ermites de saint Augustin).
40. Nous en donnons la traduction en appendice, pp. 52-53.
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 37
41. On peut évoquer ici les plaintes de Fréculf de Liseux dans une lettre à Raban Maur
(entre 822 et 829) : in epùcopio nosJrae parvitati commùso nu ipsos fiOIIi 11elerisque leslamenli cano-
nicos repjnri libros, multo minus horum expo.ritionu (MGH, Epùt. Karol. ae~i, t. 3, p. 392.).
42. Ainsi dans les fondations bénédictines du XI 0 siècle, si l'on en croit Cs. CsAPODI,
« Le catalogue de Pannonhalma, reflet de la vie intellectuelle des bénédictins du XI0 siècle en
Hongrie», dans Mi.rcel/anea eodicologica F. Masai dicata, t. 1, Gand, 1979, pp. 167-168.
43· Cf. M. R. }AMES, The .An&ient Librarie.t of Canterbury and Dner, Cambridge, 1903,
pp. 197-406 (spécialement pp. 197-2.18).
44· a. P. CoLLURA, « L'antico catalogo della biblioteca del Monastero di San Martino
delle Scale (1384-1404) »,dans Bo//ettino del Centro di .rtudifilologi&i e lingui.rtiçi .riciliani, ro, 1969,
pp. 84-140, spécialement p. 104
4S· H. BREsc, Livre et .roçiéJé en Siçi/e ( r299-r499), Palerme, 1971. Les conclusions pré-
sentées pp. 52-53, dont nous nous inspirons, ne sont pas remises en question par les nouveaux
documents publiés par le même auteur dans le Bo/lettino... , r2, 1973, pp. 167-189.
46. Fr. AuTRAND, « Les librairies des gens du Parlement au temps de Charles VI », dans
Annales, 1973, pp. 1219-12.44 (spécialement pp. 12.34-123S).
38 Le Livre
La Bible, qui est donc privilégiée par sa fréquence, l'est aussi par la
place qu'elle occupe dans les inventaires, en règle générale la première.
47· Voir les documents publiés par A. PARAVICINI BAGLIANI, I testamenti dei cardinali del
dmcento, Rome, 1980 (pp. cxxxv-cxLIII, étude synthétique sur les livres mentionnés dans les
testaments).
48. Cf. D. WrLLIMAN, Bibliothèques ecclé.riastiques au temps de la papauté d'Avignon, t. 1, Paris,
1980, p. ror («about one quarter of the texts in the se private libraries are theological, that is to
say, Biblica, Fathers of the Church, Sentences, and commentaries upon these ... »).
49· Sur les 74 livres que lègue ce Bonincontro de' Boattieri, il n'y a de biblique qu'un
liber evangeliorum glosatu.r; cf. P. SAMBIN, « Libri di Bonincontro de' Boattieri, canonista
bolognese (t 1380) »... ,dans Rivista di storia della chiesa in Italia, If, 1961, p. 301.
50. D'après M. GoNoN, La vie quotidienne en Lyonnais d'après les testaments, XIV•-
XVI• siècles, Paris, 1968. L'index de cet ouvrage ne facilitant pas les recherches bibliogra-
phiques, nous croyons utile de préciser qu'on trouvera ces livres dans les testaments no• 42,
184 et 1325 (Bibles); 613 (volumen Euvangeliorum); 724 et 1588 (Evangiles et épîtres); 93,
103, 533, 705, 885, 1328, 1361, 1559 et 1588 (psautiers). Le testament d'un chanoine de
Saint-Just de Lyon en 1403 (n° 15 88) précise qu'il s'agit de livres glosés.
p. Les manuscrits le montrent mieux que les inventaires: voir les descriptions données
dans La librairie de Charles V, Paris, 1968, pp. 59-64 et 91-96, et dans La librairie de Philippe
le Bon, Bruxelles, 1967, pp. 9-16. Sur le luxe des témoins de la Bible française, qui ont souvent
appartenu à des rois ou à des princes, cf. P.-M. BoGAERT, «Adaptations et versions ... » (cité
infra, n. 91), pp. 268-269.
52. BRESC, op. cil., p. 277 (15 janvier 1482).
53· Cf. A. VAN HoVE,« La bibliothèque de la Faculté des Arts de l'Université de Louvain
au xve siècle», dans Mélanges Charles Moeller, Louvain, t. 1, 1914, p. 6r8, n. 1. L'affaire évoquée
eut lieu en décembre 1441; la raison de l'échec, c'est sans doute le mal chronique des biblio-
thèques universitaires, penuria.r maximas.
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 39
54· Autre sondage : trois des quatre « anciens catalogues de bibliothèques anglaises
(xn°-XI\'" siècles) » publiés par H. ÜMONT dans le Centralb!att fiir Bibliothekswesen, 9, 1892,
pp. 201-222 commencent par la Bible, et le quatrième par les Pères de l'Eglise.
55· Lequel, dans son ouvrage paru en 1627, recommande comme plan de classement
«l'ordre le plus facile, le moins intrigué, le plus naturel ... ; comme en Théologie, par exemple
(c'est-à-dire dans la première classe], il faut mettre toutes les Bibles les premières suivant
l'ordre des langues, par après les Conciles, etc.» (réimpression, Leipzig, 1963, p. xoo). La
table méthodique du Manuel till libraire de Jacques-Charles BRUNET (dernière édition en 1865)
réserve encore à l'Ecriture sainte la première place de son classement.
56. Opera de vila regulari, t. II, Rome, 1889, p. 263 (chapitre de ojjiûo lihrarii): il faut installer
dans un lieu silencieux un ou plusieurs pupitres et y enchaîner quelques livres bien lisibles,
de consultation fréquente, comme la Bible glosée entière ou par parties, la Bible sans gloses,
les Sommes, etc.
57. Sur son canon bibliographimm (publié par G. SFORZA, La patria, la famiglia e la giovinezza
di papa Niccolo V, Lucques, 1884, pp. 359-381), voir B. L. ULLMAN, Ph. A. STADTER, The
Public Lihrary of Renaissance Florence, Padoue, 1972, p. x6.
58. MBK6 (27), t. V, p. 23, 1. 3D-31 (donation à l'abbaye de Garsten en 1331).
59· MBKDS (27), t. IV, n° 140 (environ 1400).
6o. GoTTLIEB [24], no 406 (xx• siècle); republié parR. FAWTIER, «La bibliothèque et le
trésor de l'abbaye de Saint-Evre-lès-Toul», dans Mémoires d1 la Société d'Archéologie lorraine,
6z, 19II, pp. 123-156. L'examen du document lui-même (Munich, Clm 10292, f. 143")
permet de corriger quelques lectures (lire par exemple Lib~r Ios11ae et non Ionae), et surtout de
voir l'espace laissé libre, après la section biblique, pour de nouvelles acquisitions.
61. GoTTLIEB [z4], n°• 271 et 289.
62. MBKDS [27], ill, n° 108 (1461-1468).
63. L'inventaire commencé en 1453 (GoTTLIEB, n° 612) vient d'être republié parG. Cul-
Tom ALZATI, La Bib!ioteca di S. Giu.rtina di Padova. Lihri e cu/tura presso i benethttini jJaiiMani in
età umanistica, Padoue, 1982, pp. 37-181. Les 316 premiers numéros correspondent à peu
près au fonds original de la bibliothèque; cf. op. cit., p. 7, n. 22.
40 Le Livre
64. GoTTLIEB [24], n° 280 (environ II58-u6I, connu par des copies du XVII 0 siècle).
Sont bibliques les n°8 1-12 (13-14 = sermonnaires), 15-16; 56-n; 390-391; 412; 432.
65. GOTTLIEB, n° 673 (1481), republié par K. W. HUMPHREYS, The Library of the Fran&is-
can.r of Siena in the /ale fifteenth century, Amsterdam, 1978. De même chez les Dominicains de
Padoue, la Bible est en tête (inventaire de 1390) ou au milieu (inventaire de 1459) suivant
que le catalogueur commence par les pupitres de gauche ou de droite; cf. L. GARGAN, Lo studio
leologico ela biblioteca dei Domenicani a Patlova ne/ Ire e quattrocento, Padoue, I97I, pp. I9I et 240.
66. Inventaire de 1395 (GoTTLIEB [24], n° 462); au contraire, la Bible vient en tête de la
bibliothèque, de formation plus récente, installée au« Spendiment >> (inventaire de 1391;
GoTTLIEB, n° 461 et 461 a).
67. GoTTLIEB, n° 617; republié dans E. PELLEGRIN, La bibliothèque des Visconti et des
Sf~a du&s de Milan, au XV• siède, Paris, 195 5. ll y a une concentration de bibles et de commen-
taires aux n 08 563-598 et 658-685, mais on en trouve un peu partout ailleurs; ainsi une bible
mm glossa ordinario circum&irca est partagée entre les no• 199 et 226.
68. Par exemple à Saint-Pierre de Salzbourg au xu• siècle (MBK6, t. IV, n° 13).
69. MBKDS [z7], t. 1, n° r6, p. 71, 1. 13-32 (il s'y trouve d'ailleurs quelques livres
bibliques).
70. Ainsi à Saint-Vivant de Vergy au xr• siècle (GOTTLIEB, n° 413).
7I. Malgré l'absence d'inventaire, on peut dire, d'après les cotes inscrites sur les manus-
crits au xve siècle, que ces auteurs figuraient dans la première classe; la seconde comportait
au moins Hilaire de Poitiers et le pape Nicolas Jer; la Bible n'apparaissait que dans la troisième.
Cf. D. NEBBIAI DELLA GUARDIA, La bibliothèque de /'abbqye de Saint-Denis-en-France, du IX• au
XVIII• siècle (à paraitre en 1985).
72. Ainsi à Bologne en 1421 (GoTTLIEB [24], n° 537; publié par M.-H. LAuRENT, Fabio
Vigili et les bibliothèques de Bologne au début du XVI• siède, Cité du Vatican, 1943, pp. 236-265);
dans la Bibliothèque secrète des Franciscains de Sienne (cf. supra, n. 65), la Bible occupe les
pupitres H à L, et vient donc après les docteurs, mais aussi les philosophes, le droit, les
sermons, etc.
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 41
73• GoTTLIEB [24], n° 243 (xn• siècle); MBKO [27], t. V, n° 8 (plan de classement établi
entre 1320 et 1325).
74· GOTTLIEB [24], n° 5 376 et 498 (republié par A. HosTE, Bibliotheça Ae/rediana, Steen-
brugge, 1962, pp. 149-175). Ces catalogues semblent dater du xn• plutôt que du xm• siècle.
75· GOTTLIEB [24], no 248 (xn• siècle), republié dans l'article de Ph. GRIERSON, cité supra,
n. 20.
76. On comparera l'ordre deMBKO [27], t. III, n° 1 (1376; sur sa structure, voir A. DERo-
LEZ, op. dt., p. B) et n° 2 (1380).
77· Cf. L. DELISLE, Cabinet des manuscrits, t. ll, pp. 524 et 535· FoURNIVAL relègue en
appendice les libri originales, c'est-à-dire les œuvres des Pères.
78. MBKDS [27], t. ll, no 1 (141o-1412).
79· GOTTLIEB [24], n°8 283 et 395; sur les Bibles qui se trouvaient alors à Corbie et qui,
semble-t-il, échappent à cet index, voir LESNE [z6], pp. 617-618.
8o. MBDKS [27], t. 1, n° 49·
42. Le Livre
Ce schéma, qui est utilisé par Henri de Kirkstede86, avait déjà servi
de base au bibliothécaire de Prüfening87 qui, dans le prologue de son
catalogue (traduit plus bas, pp. 52-53), avait même réalisé une symétrie
parfaite en subdivisant le Nouveau Testament en quatre classes :Evan-
giles, Apôtres, Docteurs, Apocryphes.
Un tel plan a le mérite d'intégrer à l'architecture d'ensemble les
commentateurs de l'Ecriture sainte : ils pourront venir après la totalité
de la Bible- c'est la solution la plus répandue: à Prüfening comme à
Saint-Gall, Cluny, Saint-Pons ou Admont8 8 , c'est Grégoire le Grand qui
Sr. GoTTLIEB [24], n° 400 (= DELISLB, Cabinet des maflllscrits, t. II, pp. n6-B7)· Le prin-
cipe du classement a été dégagé par A. BsssoN, Medieval Clas.rification and Cataloguing. Classifi-
cation practices and cataloguing methodes in France from the r 2th to the rJth centuriu, Oover Publica-
tions, 19So, p. 52.
S2. MBK() [27], t. III, no 2.
S3. GOTTLIEB [24], n° 462 (1395). Les cinq subdivisions sont: Libri Bibliae (9 numéros);
Diver.ri libri Bibliae glosati (25); Ewangelia glosata (u); Epistolae PaH!i glosatae (5); Epistolae
canonicae (2). Viennent ensuite les Libri concordanciarum (ro) et les Scolasticae bistoriae (4).
S4. Livre IV, chap. 2, De ordine et numero librorum; éd. Ch. H. BurriMBR, Washington,
1939. pp. 71-72.
S5. li l'expose dans sa lettre 53 et dans le Prologus ga/eatus aux Livres de Samuel; les
principaux échelons intermédiaires sont recensés par B. FrscHER, « Die Alkuin-Bibeln »,
dans Die Bibe/ von Moutier-Grandval, Berne, 1971, p. 77·
S6. Voir l'édition RousE (citée supra, n. 21), pp. I-15.
S7. MBKDS [27], t. IV, no 42.
SS. Voir les inventaires cités aux notes S7, 69, 64. Sr et S2.
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 43
Sorbonne Clairvaux
1. Biblia
(62./4) I-8 Grandes Bibles entières
II. Historie
(2.4/2) 9-19 Parve Biblie
III.(t8/t) Libri legales glosati 2ü-33 Alie Biblie per partes sine glossa
IV. (q/t) Libri historiales glosati 34-44 - Autres volumes de la Bible sans glose
v. (28/2) Psalteria glosata 45-54 Concordances sur la Bible
VI. (t7fo) Libri sapienciales glosati 55-67 - Autres concordances abbregees
VII. (24/I) Libri prophetales glosati 68-275 Bibles par parties glosées
VIII. (42/3) Ewangelia glosata 68-291 - [Ancien Testament]
IX. (t6/t) Epistole Pauli glosate 68-191 Genesis .. . lob
x. (3 t/t) lob, actus apostolorum, epistole 12.2-131 Psalterium
canonice, apocal.ipsis glosati 132.-149 Item super Psalmos glose Petri Lumbardi
Xl. (5/t) Libri glosati mixti 150-191 Libri Salomonis . .. Machabeorum
XII. (7/I) Pastille super libros legales 19 2-275 - Novum Testamentum
XIII. (t;/2) Pastille super psalterium 1 9 2-233 [Evangiles]
Xliii. (u/5) Pastille super libros Salomonis 234-241 Epistole Pauli
xv. (n/6) Pastille super libros prophetales 242-256 G1ose Petri Lumbardi super Epistolas Pauli
XVI. (ao/6) Pastille super ewangelia 2.57-275 Actus .. . Apocalipsis
XVII. (9/2) Pastille super epistolas Pauli 276-;o8 Expositiones et pastille diversorum doctorum supra
XVIII. (x;/;) Pastille super lob, actus apostolorum, totam Bibliam
epistolas canonicas, apocalipsim 2.76-2.97 Et primo N. de Lira
XIX. (33/7) Pastille mixte 298-308 Metrificatura super Bibliam
xx. (5/o) Pastille super historias 309-467 Alie expositiones super libros Biblie partiales
XXI. ( 1 9/4) Concordantie super Bibliam 309-416 - [Ancien Testament]
417-467 - Novum Testamentum
TABLEAU 3
Maximus 4 2
Magnus I I I
Mediocris I5 6 2.
Parvus I 2. z
Portatilis z I
Non indiqué
une Bible en deux volumes, de l'autre une Bible en deux volumes, une autre en quatre, quatre
psautiers non glosés et une vingtaine de livres glosés.
105. Œ. GOTTLIEB (24], nos 289 (XI• siècle) et 290 (xu 0 siècle).
106. Notre tableau ne porte que sur le fonds ancien; cf. .supra, n. 63.
107. En dépit de G. CANTON! ALZATI, op. cil., p. 22, mediocre désigne non la qualité du
livre mais son format, comme à Saint-Marc de Florence; cf. B. L. ULLMAN, Ph. STADTER,
op. cil. (.supra, n. 57), p. 114.
xo8. Qualificatifs relevés dans les index des MBKO.
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 47
anni 109 • Bien sûr, on se lasse de rencontrer des dizaines de fois l'incipit
Frater Ambrosius ou de voir signalées des bibles « avec leurs prologues et
leurs préfaces», mais c'est une indication du même ordre, due il est vrai
à Réginbert de Reichenau110, qui a mis sur la piste de sommaires inédits
des Psaumes 111•
Son collègue de Clairvaux a lu, ou tout au moins feuilleté, les livres
qu'il répertorie, et il aime à en relever les particularités : ici l'abondance
des abréviations, là un ordre différent de celui traditionnel112 • A Gorze
et ailleurs, le bibliothécaire confronté à des séries de Bibles se fait une
idée de leur ancienneté relative113 et commence, grâce à l'Ecriture sainte,
un début de réflexion paléographique : c'est ainsi que le catalogue de
Saint-Vincent de Laon caractérise un Livre des Rois comme nova et
optima littera, tandis qu'un psautier glosé se voit qualifié de antiquissimae
litterae et modici valoris 114• Le Psautier éveille aussi des soucis de philo-
logue : on note s'il reproduit la prima translatio, s'il est double, triple ou
quadruple115, s'il contient ces obèles et ces astérisques qui pour saint
Jérôme étaient l'essence même de sa recension hexaplaire116 •
Naturellement de la présence de ce psautier dit « gallican », on ne
peut rien conclure sur la diffusion de la langue française, comme certains
l'ont fait naïvement117 ; en revanche, beaucoup d'indications explicites
nous signalent des textes bibliques en hébreu, en grec118 ou en langues
vernaculaires et nous permettent ainsi de mieux évaluer, à toutes les
époques, la culture des milieux monastiques et, pour le bas Moyen Age,
la percée des traductions en langues nationales dans les différentes classes
de la société. Quant à cette frange parabiblique que constituent les
apocryphes, si importants pour l'imagination médiévale, les inventaires
donnent la possibilité d'en jalonner la diffusion : qui soupçonnerait
sans leur témoignage qu'il existait en Lorraine une « révélation du
109. Inventaires de 1381 (brefs et détaillés), publiés parC. CENci, Bib/iotbeca manusçripta
ad .ra&rum c01111entum As.ri.rien.rem, Assisi, 1981, t. 1, p. 84, n° 20.
xxo. MBKDS [27], t. 1, no 53, p. 26I, 1. ~6.
III. Cf. H. BoESE, «Capitula psalmorum »,dans RB, 9I, 1981, pp. xp-16~.
II2. Cf. A. VERNET, op. cil., pp. 69 et 71 (inventaire de 1472, n 08 19 et 29).
II~. Il y avait à Gorze deux Bibles, l'une antiquae manu.r, l'autre no11ae (RB, 22, 1905, p. ~.
1. 2-~).
II4. RB, J9, 1927, p. 107 (n° ~6) et II4 (n° 133).
ns. Sur les psautiers à trois ou quatre colonnes, voir A. WILMART, RB, 28, 19II, p. ~5o.
n6. Cf. D. de BRUYNE, «La reconstitution du psautier hexaplaire »,dans RB, 4r, 1929,
p. 298. Le catalogue de Saint-Amand au xn• siècle (cf. n. 96; DELISLE, Cabinet tk.r manu.rmt.r,
t. II, p. 449, n° 6) signale deux psautiers .ruundtlm Ieronimum "*"et-:- emendata.
n7. Cf. A. SIEGMUND, Die Oberlieferung tkr griechi.rchen Litera/ur in tkr lateini.rçben Kirche
bi.r zum zwoljten ]ahrhuntkrt, München-Pasing, 1949, p. 24, n. 2, corrigeant une erreur de
Lesne. C'est bien sûr un psautier triple que le catalogue de Pannonhalma en I09~ (GoTTLIEB,
n° uo) désigne par les mots:« Psalterium Gallicanum. Ebraycum. Graecum ».
II8. Sur ces deux catégories, voir LESNE [26], pp. 78o-78I; cf. aussi W. BERSCHIN,
Griechi.rch-lateini.rche.r Miltelalter, Berne, 1980, pp. 48-51.
48 Le Uvre
prophète Esdras quand il fut, dit-on, en enfer »119 et que, dans les
Iles britanniques, on avait tant d'intérêt pour l'histoire d'Aséneth,
femme de Joseph120 ?
Il9· Liber Esdrae prophetae uel reuelatio quando in infernum fuirse elicitur, à Gorze (RB, 22,
1905, p. 8, l. 134). Ce texte, fort rare, se trouvait aussi à Saint-Arnoul de Metz, d'après le
catalogue de 1673 (BEC, oJ, 190:1., p. 51:1., n° 78; attribué par erreur à Saint-Arnould de
Crépy).
uo. Cf. R. M. WILSON,« The contents... » (cité supra, n. 8), p. 93, n. 38 :le Libellus Je
A.reneth est présent dans six catalogues.
1:1.1. Remarque de B. BrsCHOFF dans Mittelalterliche Schatzverzeichni.ue, t. I, Munich, 1967,
pp. 9-10.
zu. Dm.rsLE, Cabinet eles manuscrits, t. II, p. 496 (Gol"I'LIEB [:1.4], n° 315). Le manuscrit
porteur (BN, latin 1085) est un antiphonaire abrégé de Saint-Martial, du xre siècle.
1:1.3. GoTTLIEB (24], n° 1067, republié et étudié parC. H. TuRNER dans ]ThS, I9, I917-
I9I8, pp. 121-132, d'après le manuscrit Durham, A. II. 4 (Bible de Guillaume de Saint-
Calais).
124- Donation de Benedikt von Biburg en 1453 (MBKO (27], t. V, n° 17), consignée sur
une Bible : Vienne, ÔNB, 1222.
125. Ainsi les comptes de Philippe le Hardi, qui règle le 17 décembre 1398 l'achat de
I I Bibles pour la chartreuse de Champmol près de Dijon:« Item; pour parfaire et accomplir
une belle bible Je grosses lettres .•• pour icelle enluminer, celer, traire et relier et pour le parchemin
zoo frans ... Item pour elix petilles bibles pour les celles (cellules], afin que les religieux qui
auront aucunes infirmités pour lesquelles il leur convient laisser l'eglise puissent dire leur
service sans empescher l'enferrnier et pour suivre l'eglise et pour estudier, si qu'ils n'ayent
occasion de partir de leur celle pour aller estudier en la bible de l'eglise ou de parler les uns
aux autres, pour ce zoo frans; et pour achepter du parchemin pour les livres dessus diz,
jO frans» (publié par B. PROST, dans Archives historiques artistiques et littéraires, 2, I89o-189I,
P· 339).
u6. MBKDS [:1.7], t. IV, p. 655, 1. 41-42 (1312).
127. Lettre 22, 3:1. : inficitur membrana colore purpureo, aurum /iquesfit in lilleras, gemmis
coelices uestiunlur el nue/us ante fores earum Christus emoritur.
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 49
d'or et d'argent, sur les reliques qui ornent la reliure128 : il n'y a pas
de livres aussi somptueux dans tout le trésor et toute la bibliothèque,
sauf peut-être ceux qui racontent la vie ou les miracles du saint fonda-
teur129. Les indications sont parfois d'une telle précision qu'on peut
identifier la décoration du volume et, par exemple, ajouter d'après
l'inventaire de Prüm130 une nouvelle bible alcuinienne aux quelque
cinquante qui sont parvenues jusqu'à nous131.
Qu'elle se présente comme une pièce de musée ou au contraire comme
un modeste outil pour la méditation, la Bible est un livre plus person-
nalisé que les autres. Les cardinaux du xrue siècle mentionnent beaucoup
de livres dans leurs testaments, mais quand il s'agit des livres saints,
ils précisent souvent« ma Bible>>, Biblia meal32 : c'est un peu une partie
d'eux-mêmes qu'ils donnent. Lorsqu'en 86o Evrard, comte de Frioul,
avait réparti entre ses enfants les livres de sa chapelle133, il avait veillé
à ce que chacun de ses fils reçût au moins un livre saint, qui, à la diffé-
rence des autres titres, était toujours caractérisé : Unroch aura « notre
psautier double et notre Bible », Berenger « un autre psautier écrit en
or », Adalard « un troisième psautier que nous avions pour notre usage
personnel », Rodolphe « un psautier avec son explication, que Gisela
[femme d'Evrard] avait pour son usage personnel ». Dans quelques cas
on précise même, à la manière de François Villon, l'intention qui a
présidé au legs : Hugues, abbé de Saint-Amand, emportait toujours
avec lui une Bible en deux volumes de petit caractère, « il la fit briève-
ment annoter afin, disait-il, que ma postérité la possède au milieu des
affaires séculières et des chevauchées, pour qu'ils y fixent leur attention,
s'ils le veulent bien »134. Trois cents ans plus tard, ce n'est plus à des
chevaliers mais à un étudiant que s'adresse un parlementaire parisien,
Jean de Neuilly-Saint-Front en lui léguant« ma Bible que j'aymoye sur
tous mes autres livres ... afin qu'il y estudie »135.
128. Cf. LEsNB [26], pp. 6-13 («Les reliures précieuses») et 13-17 («Fonds de pourpre et
lettres d'or »).
129. Ainsi à Saint-Amand (GOTTLIEB [24], n° 394) et à la cathédrale Saint-Cyr de Nevers
(GOTTLIEB, no 337; publié par B. AsPINWALL, Le.r üole.r épi.r&opale.r et mona.rtique.r de l'an&ienn4
pr011inçe e&&léJia.rtiqm de Sen.r, Paris, 1904, pp. 146-148).
130. MSV, no 74 (inventaire de 1003, utilisant l'acte de donation fait par l'empereur
Lothaire en 8p), p. 8o, 1. 21-22 : 1 hibliothe&am mm imaginihu.r et mairJribu.r &hara&terihu.r in
voluminum prin&ipii.r deaurati.r.
131· a. B. FISCHER, ((Die Alkuin-Bibeln)) (cité n. 85), p. 64: il doit s'agir d'une Bible
décorée à Tours pendant l'abbatiat de Vivien (843-851).
132. Impression retirée de la lecture des testaments publiés dans A. PARAVICINI, op. &if.
(.rupra, n. 47); voir par exemple p. 264 celui de Jean Cholet (1292): n° 133 libro.r theologi&o.r
glo.rafo.r et Bibliom meam mairJrem... , et plus loin cet autre don, très personnalisé lui aussi :
Avi&ennam meum /ego magi.rlro Petro di&to Mulo .ri fempore morti.r mee exi.rtaf oh.requii.r meis.
133. GoTTLIEB [24], n° 798; document étudié par P. RicHÉ, «Les bibliothèques de trois
aristocrates carolingiens», dans Le Mqyen Age, 69, 1963, pp. 96-101 (article repris dans son
recueil In.rtrH&fion el vie religieuse dan.r le haut Mqyen Age, Londres, 1981).
134. DBLISLE, Cabinet de.r manu.r&ril.r, t. II, p. 456, n° 255·
135· D'après Fr. AUTRAND, art. cit. (supra, n. 46), p. 1234.
'o Le Livre
136. GoTTLIEB [24], n° 280 (1158-1161); = DELISLE, Cabinet des manustrits, t. II, p. 459,
no 3·
137. KAPPELI, art. cit. (.rupra, n. 25), p. 67, n° 695.
138. Cf. H. ÛMONT, art. cit. (supra, n. 54), pp. 208-209.
139· M. R. }AMES, op. cit. (.rupra, n. 43), p. 204.
140. Inventaire de Caspar Fleuger (1468), MBKO [27], t. III, p. 102, 1. 35-36.
141. Cf. MBKO [27], t. I, pp. 83 et 89.
142. Reichenau, 823-838 :Liber prophetarum quem Hiltiger de Italia adduxit (MBKDS, t. I,
P· 256, 1. 32-33); Saint-Nicolas de Passau, xn• siècle : I.rti .runt libri quos Roma detu/imus (ibid.,
t. IV, p. 54, 1. 52-57); cf. Kremsmünster, xx• siècle: item bib/iam, quam in Recia comparavit,
tlum redire/ a Roma (MBKO, t. V, p. 34, 1. 34).
143· GoTTLIEB [24], n° 461 (1391); = Cata/ogi veteres ... , p. 16 (Durham, A, II, 16).
144. Cf. A. VERNET, op. cil., pp. 713-714 (juillet 1709).
145· MBKDS [27], t. IV, no 27; IV, no 106 (il y a en fait plusieurs Conrad); III, no• 6o
et 61.
146. On lui doit aussi la Bible de Lobbes; cf. W. CAHN [179], pp. 265-266 et, plus généra-
lement, E. BROUETTE, dans Scriptorium, z6, 1962, pp. 81-84 (pour une étude technique de
l'écriture de Goderan, voir L. GxussEN, L'expertise de.r écritures médiévales, Gand, 1973,
spécialement pp. 65-84).
A travers les inventaires de bibliothèques médiévales 5x
147. Scilicet un« bon et bien petit Psaultier» (Clairvaux, 1472; A. VERNET,op. cit.,p. 339).
148. A. WILMART, « Le convent et la bibliothèque de Ouny vers le milieu du XI" siècle»,
dans Revue Mabillon, II, 1922, pp. 96-98 (intéressant commentaire sur les lectures bibliques)
et 115.
149· MBK6 [27], t. 1, n° 16 (vers 1470).
150. Cf. L. DELISLE, « Documents sur les livres et les bibliothèques au Moyen Age »,
dans BEC, II, 1850, pp. 227-230 (entre 1372 et 1378).
151. Cf. J. VIELLIARD, «Le registre de prêt de la Bibliothèque du Collège de Sorbonne
au xv• siècle>>, dans The Universities in the /ale Middle Ages, Louvain, 1978, p. 288.
152. D'après le registre de prêt tenu par Bartolomeo Platina pour les années 1475-1487
(Vat. lat. 3964), publié par M. BERTOLA, I due primi regis/ri di preslilo della Biblioteca Aposta/ica
Vaticana, Rome, 1942, pp. 1-40.
153. Pierre le Vénérable est prié de faire restituer sine dilalione deux livres, des gloses sur
Matthieu et un Evangile de Jean glosé, empruntés depuis vingt-cinq ans (Epi.rt., 169; The
Let/ers of Peter the Venerable, éd. G. CoNSTABLE, Cambridge, Mass., 1967, t. 1, p. 402).
154. Durham, inventaire de 1416 (GoTTLIEB [24], n° 466) = Catalogi veteres... , p. 115;
il s'agit d'un psautier.
155· Cf. L. L. DELISLE, RecherchesJUr la librairie de Charles V, Paris, 1907, t. 1, pp. 147-148.
156. Cf. H. GRISAR, Luther, Fribourg-en-Brisgau, t. 1, 1911, p. 9 et t. III, 1912, p. 460.
~z Le Livre
APPENDICE
Prologue du catalogue de la bibliothèque de Prüfening (n65)
157. Tradition sur la Bible de Charles V, rapportée chez les Célestins de Paris; cf. BN,
manuscrit français I 5z9o, p. 3 ; Charles V a lu chaque année la Bible en entier, et cela pendant
quinze ou seize ans d'après Philippe de MÉZIÈRES, Le songe du tJieil jM/erin, éd. G. W. CooPLAND,
t. II, Cambridge, 1969, p. z56.
158. Lettre à Boniface, archevêque de Cantorbéry, du 8 novembre uso, publiée par
S. GUICHENON, Histoire généalogique de la Royale maison de SatJoie, t. IV, Turin, q8o, p. 58. -
En tenninant, nous voudrions exprimer toute notre reconnaissance à Dom P.-M. Bogaert
et à M. A. Vernet, qui ont bien voulu relire notre étude et l'améliorer par de précieuses
suggestions, ainsi qu'à la Section de Codicologie de l'Institut de Recherche et d'Histoire des
Textes, où se trouve commodément rassemblé l'essentiel de la documentation mise en œuvre
dans cet article.
A travers les inventaires tk bibliothèques médiévales 53
volumes. Nous avons les mêmes livres, à l'exception du Psautier et des Evan-
giles, dans une Bible nouvelle en quatre volumes. En éditions isolées, nous
avons un Psautier quadruple (gallican, romain, hébraïque et grec), en un
volume; de même les livres de Salomon et celui de Job; de même, les écrits
apostoliques; de même, les Epîtres canoniques et les Actes des Apôtres. Les
Pères sont soit anciens, soit modernes. Les anciens sont : Grégoire, Patérius,
Hilaire, Basile, Ambroise, Augustin, Jérôme, Origène, Césaire, Isidore,
Ephrem, Autpert, et beaucoup d'autres. Les modernes sont : Bède, Alcuin,
Raban, Bernold, Yves, Haimon, Zacharie, Anselme de Lucques, Anselme de
Cantorbéry, Hugues, Gratien, Rupert, Pierre Damien, Pierre Abélard, Pierre
Lombard et beaucoup d'autres. Pour un même de ces auteurs, nous pouvons
avoir plusieurs œuvres en un volume, ou bien une œuvre partagée en plusieurs
volumes; ou bien un volume regroupe les œuvres de divers auteurs, ou
encore chacun occupe son volume. En suivant ce plan, dressons l'inventaire
des œuvres de chaque auteur que nous venons de citer, de celles bien sûr qui
se trouvent chez nous.
Pierre PETITMENGIN.
Versions et révisions
du texte biblique
5· Voir en particulier QUENTIN [43], étude qui suscita de nombreuses répliques, cf.
F. C. BuRKITT, dans ]ThS, 24, 1923, pp. 406 et s.; E. K. RAND, dans HThR, IJ, 1924.
PP· 197 et s.; D. J. CHAPMAN, dans RB, JJ, 1925, pp. 5 et s. et 365 et s.
Versions et révisions du texte biblique 57
6. BERGER [29], pp. 145 et s.; K. MENzEL, P. CoRSSEN et autres, Die Trierer Ada-
HanJsçbrijt, Leipzig, 1889; W. KôHLER, Die karolingisçhen Miniaturen. 1 :Die Sçhule tJon Tours,
2 vol., Berlin, 193o-19H; E. K. RAND, Studies in the Sçript of Tours, 2 vol., Cambridge, Mass.,
192.9-1934; ln.,« A preliminary Study of Alcuin's Bible», dans HThR, 24, 1931, pp. 32.4 et s.;
B. FISCHER, Die Allcuin Bibel, Fribourg en Brisgau, I957; In. [H] et [35]; In.,« Die Alkuin
Bibeln »,dans Die Bibel fion Moutier-Grandval, éd. J. DUFT, Berne, 197I, pp. 49 et s.
1· F. L. GANSHOF [36), qui révisa ses positions en I974 [37].
8. FISCHER [35], p. I58; D. BULLOUGH, The Age of Charlemagne, Londres, 19732, p. 110.
58 Le Uvre
Qu'on crée dans tous les monastères et les évêchés des écoles; les enfants
y étudieront les psaumes, les notes, le chant, le comput, et la grammaire.
Qu'on co~rige ~vec ~oin les liv~es, ~atholiq1;1es; souv~nt en e~et ceux qui
désirent bten prter Dteu le font a 1 atde de hvres fauttfs; ne latssez pas vos
enfants les corrompre encore en les étudiant ou en les copiant. Quant à la
tâche de copier l'évangile, le psautier et le missel, qu'on la confie à des
hommes d'âge mûr qui l'effectueront avec le plus grand soin9 ,
Dans son Epistola de litteris colendis, qui remonte aux années 78o-8oo
(784-785 ?), Charlemagne donne instruction au clergé d'encourager
l'étude des lettres ( /itterarum studia), pour permettre une meilleure
compréhension des Ecritures 10•
Dans ces deux décrets, Charlemagne énonce les raisons pour lesquelles
il se préoccupe de l'exactitude des textes, et particulièrement de ceux
de nature liturgique. Il pense qu'un niveau minimal d'éducation est
nécessaire pour parvenir à cette exactitude, et que s'il n'est pas atteint,
on ne peut espérer demander à Dieu comme il convient ce qu'on attend
de lui. L'éducation est aussi nécessaire pour comprendre la base fonda-
mentale de la religion chrétienne, c'est-à-dire la Bible.
D'aucuns ont conclu de ces documents que Charlemagne aurait
voulu qu'on ne diffuse dans ses territoires qu'un seul et bon texte de la
Biblen. C'est là forcer les textes. Ceux-ci nous montrent plutôt Charle-
magne sous l'aspect d'un souverain soucieux avant tout des choses
pratiques, qui pense qu'il faut une Eglise bien ordonnée, capable de
servir Dieu avec efficacité, et cela avec une compréhension adéquate
des choses divines. Parmi les éléments nécessaires de son programme,
il fallait donc une instruction de base, et des textes liturgiques exempts
des fautes les plus graves dues à l'ignorance et à la négligence des
scribes. Le point essentiel qu'il nous faut résoudre dans ces décrets
est ce que Charlemagne veut dire par des livres bene emendatae. Seul
l'examen des manuscrits conservés peut nous permettre de décider
cela avec un minimum de certitude.
Toutefois, il faut encore mentionner un autre décret de Charle-
magne; il resserre le lien entre celui-ci et les efforts visant à corriger
la Bible. Il s'agit de l'Epistola generalis (786-8o1), dans laquelle le sou-
verain ordonne d'utiliser l'homéliaire de Paul Diacre dans tout son
empire.
Donc, puisqu'il est de notre tâche que l'état de nos églises progresse
toujours en mieux, nous nous préoccupons d'un soin vigilant de réparer
l'atelier des lettres, que la négligence de nos ancêtres a presque effacé. Et à
notre exemple, nous invitons aussi tous ceux qui dépendent de nous à se
livrer sans retenue à l'étude des arts libéraux; c'est ainsi qu'avec l'aide univer-
selle de Dieu, nous-mêmes avons fait corriger rigoureusement tous les livres
de l'Ancien et du Nouveau Testament, corrompus par l'impéritie des éditeurs 12•
12. MGH, Capit. I, p. 8o; FISCHER [35], p. 156; GANSHOF [36], p. 7, suggère une date
entre le 19 avril Boo et le 29 mai 801.
13. FISCHER [35], pp. 16o-163; GANSHOF [37], pp. 275-276.
14. Amiens, BM, 6, 7, 9, 11 et 12., et Paris, BN lat. 13174, ff. 136, 138; QUENTIN [43],
pp. 279-zSo et FISCHER [34], pp. 587-588, soutiennent le rapport avec le texte d'Alcuin.
BERGER [z9], p. 102, pensait que le texte de cette Bible différait profondément de celui
d'Alcuin.
15. W. KôHLER, Die karo!. Miniaturen, II, Berlin, 1958; III, Berlin, 196o, pp. 1-93;
FISCHER [34), pp. 588-590; MENZEL et CoRSSEN, op. tit., n. 6, pp. 29-61.
6o Le Livre
I6. Aujourd'hui Metz, B.M 7 (CLA, 786). Le manuscrit mesure 46X 33 cm, et est écrit
sur deux colonnes de 40 lignes. FISCHER [34), PP· 59Q-59I; KôHLER, op. til., rn, 2. Teil :
Die Meit_er Hand!&brijten; BERGER [29], pp. Ioo et s.
I7. In.rtituliones, 1, I4, 2-3, éd. MYNORS, Oxford, I937, p. 40.
I8.a. FISCHER, (( Codex Arniatinus und Cassiodor », dans Biblù&be Zeits&brijt, NP, 6,
I962, pp. 57 et s.; aujourd'hui à Florence, Bibl. Medicea-Laurenziana, Cod. Am. I.
I9. Outre celui qui survit sous le nom de Codex Amialinus, il est certain que Ceolfrid
disposait de deux autres pandectes; voir FisCHER [34], p. 560. Des fragments d'un pandecte
espagnol du vu• siècle subsistent à Leon, Cathédrale 15; voir FisCHER, o.&., p. 562, cf.
Herbert KEssLER, The 1//u.rtrated Bibles from Tours (Studies in Manuscript Illumination, 7),
Princeton, 1977, p. 3·
20. FISCHER [34), p. 591, rejette la thèse de BERGER pour qui ce texte était le résultat
d'un mélange d'influences irlandaises et wisigothiques [z9], pp. IOO et s.
2I. LOEWE, op. rit., n. 1, p. 134·
Versions et révisions du texte biblique 61
direction d'Egbert et d' ..tElbert, et reçut ainsi une éducation des meil-
leures pour l'époque. Charlemagne lui confia, vers 78z, l'école palatine
d'Aix-la-Chapelle et, d'environ 796 jusqu'à sa mort en 8o4, il fut abbé
de Saint-Martin de Tours. Son excellente réputation d'érudit, pour ses
contemporains comme pour les historiens, explique en partie l'intérêt
qu'on a porté à sa Bible.
Alcuin n'a pas commencé à travailler à sa Bible avant 796 environ,
quand il est devenu abbé de Saint-Martin22 • En 8oo, Alcuin a envoyé
une partie de son commentaire sur l'Evangile de saint Jean à Gisèle
et Rotrude, moniales de Chelles, pour les lectures du temps de Carême.
Il travaillait alors sur une révision de la Bible. Dans la lettre accompa-
gnant son envoi, peu avant Pâques 8oo, il explique pourquoi ses com-
mentaires sur les quatre Evangiles, qu'il avait promis, ne sont pas
achevés:
Sans doute vous aurais-je adressé mes commentaires de tout l'Evangile,
si je n'étais pas occupé à exécuter l'ordre du seigneur roi de corriger l'Ancien
et le Nouveau Testament23 •
:z:z. Alcuin aurait commencé à réviser la Bible en 797, selon GANSHOF [36], qui s'appuie
sur la lettre d'Alcuin réclamant des livres de YORK (MGH, Epist., IV, n° 12.1, pp. 176-177).
FISCHER [35], p. 172., note que rien n'autorise à relier cette lettre avec la Bible.
2.3. Lettre 195 (MGH, Epist., IV, 32.3).
2.4. Lettre :z6:z (op. dt., p. 42.0).
2.5. GANSHOF [36), p. 14 et [37), p. 278; FISCHER [35), pp. 16I-I63.
:z6. MGH, PLAC, 1, n°" 65-69, pp. 2.83-2.92; FISCHER [35), p. 162.
6z Le Livre
Gall 75 ait survécu dans sa totalité, car c'est loin d'être un très beau
manuscrit. Du point de vue de l'orthographe, elle est médiocre, et elle
n'a pas les décorations splendides et la mise en pages minutieuse qui
caractériseront les autres Bibles dites d'Alcuin. Les manuscrits d' Ada
et les Bibles produites par Théodulf, contemporain d'Alcuin, sont des
réussites beaucoup plus impressionnantes, des points de vue artistique
et calligraphique. Il est donc très peu probable que le manuscrit de Saint-
Gall soit la Bible qui a été réellement offerte à Charlemagne27 •
A propos des manuscrits produits à Tours du vivant d'Alcuin et
de ses successeurs Frédegise (807~834), Adalhard (834-843) et Vivien
(844-851), il nous faut encore répondre à deux questions 28 • La Bible
d'Alcuin a-t-elle été réalisée à la demande de Charlemagne pour servir
de modèle officiel pour le royaume ? Aucune preuve ne nous permet de
tirer cette conclusion. Au contraire, la Bible d'Alcuin n'était qu'une
bible parmi un certain nombre d'autres produites« pour>> Charlemagne,
et sa popularité et son influence sont postérieures à la mort et d'Alcuin
et de Charlemagne29.
Deuxièmement, que voulait dire Alcuin lorsqu'il disait être occupé
in emendatione veteris novique testamenti? Au dire de certains, Alcuin recher-
chait les meilleurs manuscrits possibles. En 797, il fit venir des livres
de Northumbrie; on a présumé que parmi ceux-ci se trouvait une Bible,
et qu'ainsi Alcuin connaissait déjà les conclusions de certains spécialistes
modernes de la Bible, c'est-à-dire que le texte de Northumbrie, descen-
dant du texte Amiatinus, est l'un de nos meilleurs témoins du texte de
saint Jérôme. Rien cependant ne prouve qu'Alcuin aurait reçu une Bible
parmi ces livres30• Dom Quentin a prétendu que pour l'Octateuque,
Alcuin s'était inspiré de l' Amiatinus; selon Berger, Wordsworth et
White, son Nouveau Testament descendrait des manuscrits northum-
briens et anglo-saxons sous influence irlandaise. Or il s'avère qu'en
général Alcuin a utilisé sans discernement les manuscrits existants dans
le nord de la France à son époque. Le crédit des manuscrits northum-
briens et de l' Amiatinus en particulier est dû très vraisemblablement à
leur influence sur des manuscrits qui circulaient en Gaule dès avant
l'époque d'Alcuin. Cette conclusion semble être valable en gros, mais
n'oublions pas qu'il faut, pour chaque livre ou groupe de livres bibliques,
déterminer quels en sont les ancêtres : ceci indépendamment des autres,
et qu'il s'agisse de la Bible d'Alcuin ou de toute autre Bible. Ainsi dans
27. RAND, (( A ptel.iminary Study••. )) (op. cit., n. 6), p. H7· a. FISCHER, Die Alkuin
Bibel, p. 8.
2.8. FISCHER, op. cil., pp. 13-14 et RAND, op. cit., pp. 32.7 et s. donnent la liste des manus-
crits.
29. FISCHER, op. cil., p. 19, et (34), p. 593•
30. GANsHoF [36], p. 15; GLUNZ [38], pp. 2.9-32. Voit FISCHER [35], p. 172. et [34],
p. 593·
Versions et révisions du texte biblique 63
31. QuENTIN [43], pp. 28o-286 et BERGER (29], pp. 197-20~; FISCHER (3~], pp. 172-I74.
32. FISCHER, op. cil., p. 174•
33· ID. [34], p. ~88.
34· ID. [34], pp. 592-593 et [35], P· 174.
3~· LoEWB, dans [~],pp. 137 et u6.
36. FISCHER [35], pp. 17I-172.
37· Cf. n. 28.
38. LOEWE, op. cit., pp. I37-I38·
39· QUENTIN [43], pp. 286-287; BERGER [29], p. 332; MGH, PLAC, 1, pp. 287 et s.;
Biblia Sacra (cit. n. 4), 1, pp. 44 et s.
40. LOEWE, op. cit., p. 138; FISCHER, Die Alkuin Bibel, pp. I5-16.
64 Le Uvre
45· In. [35], p. 178. Voir aussi H. de SAINTE-MARIE, Sançti Hieronymi Psalterium iuxta
Hebraeos, Rome, 1954·
46. FISCHER (34], pp. 593-594; QUENTIN [43], pp. 259-266.
47· QuENTIN [43], p. 250 et fig. 6, p. 252; FrscHBR [34], p. 594·
48. BERGER [29], pp. 177-184; FrsCHBR [35], pp. 182-183.
P. RICHÉ, G. LODIUCJION 3
66 Le Livre
il
p. In., La Biblefrt111fais8 au Mqym Age, Paris, 1884, p. xp; cf. Frederick KENYON, Our
Bible and the antimt m-.rtript.t, Londres, 19394 , p. 190.
sz. GLUNZ [58), pp. 97-z58 en particulier; il voit dans le manuscrit de Londres, BL,
Egerton, 609 un témoin de l'influence patristique (p. 90).
53· a. supra, n. 30, et infra, pp. 81-BZ. Une lecture attentive de l'article de LoEWE,
dans [s ], révèle qu'il adoptait bien des idées de Glunz. li n'existe aucune appréciation critique
de l'ensemble du travail de Glunz.
68 Le Livre
61. P. H. BRmGBR, «Bible illustration and Gregorian Refonn », dans Studies in Church
History,2, 1965, pp. 155 et s.; manuscrits Reims, BM 16-18 et 2o-z3.
62. Pour les travaux sur les Bibles anglaises du xu8 siècle, voir les références de
C. F. KAUFMANN, Romanesql/8 Manus&ripts, ro66-II90, Londres, 1975, n°" 13, 45, 56, 59, 69,
70, 82-84.
63. GLUNZ [38], pp. 182, 191-192; manuscrits Durham, A.ll.4 et San Marino, Calif.,
Huntington Libr. HM 62. La seule étude sur le texte de ces livres est celle de GLUNZ, pp. 1 53-
196.
64. Winchester, Cathedral Libr.: KAUFMANN, op. til., n. 62, n° 83, pp. 108-III. Bible de
Rochester : aujourd'hui manuscrits Londres, BL Royal 1. C. VIT et Baltimore, Walters Art
Gallery, 18; cf. KAUFMANN, n° 45, p. 81.
Versions et révisions du texte biblique 71
65. C. M. KAUFMANN, «The Bury Bible», dans Journal of Jhe Warburg antl CourJauld InsJ.,
Jfl, 1966, pp. 61 et 6z-63; Regi.rJrum Coquinariae : Douai, BM 553, f. 48.
66. W. ÜAKESHOTr, The ArJi.rJs of Jhe Winche.rJer Bible, Londres, 1945, p. 2; The Life of
Hugh of Lincoln, ed. D. L. Doum etH. FARMER, 1961, t. I, pp. 85-87.
67. KAuFMANN, op. ciJ., pp. 6o-81; Memorial.r of SJ. Edmund'.r Abb~, ed. T. ARNOLD
(Rolls Series), 189o-1896, t. II, p. z9o.
68. C. R. DoDWELL, The GreaJ Lambeth Bible, Londres, 1959, pp. 8 et 16-18. Sur les Bibles
de Bury et de Lambeth Pal., voir KAuFMANN, op. ciJ., n. 62, nos 56 et 70.
7z Le Livre
leur texte n'a jamais été convenablement examiné. Il est pourtant néces-
saire, pour corriger le tableau de cette époque, de se pencher réellement
sur le texte, en utilisant des collations aussi complètes que possible.
Les caractéristiques matérielles des manuscrits, l'agencement extérieur
des livres bibliques et les éléments non bibliques s'y trouvant, ne peu-
vent suppléer à l'étude du texte lui-même, mais peuvent nous aider à
comprendre ce texte. On l'a vu, l'écriture, le format et les illustrations
sont des guides importants pour dater et localiser la production des
manuscrits; ils peuvent également nous aider à ancrer solidement le
tene dans le milieu historique où il a été produit. Par ces caractéris-
tiques matérielles de la Bible, on peut donc espérer une compréhension
plus satisfaisante des changements apportés au texte.
Selon Glunz, le texte biblique postérieur au rxe siècle avait été
volontairement modifié, afin de le rendre conforme à l'exégèse patris-
tique. On lit en effet dans les sources écrites de la période qu'on s'est
penché sur le texte de la Bible et qu'on a même tenté de l'améliorer.
On n'a pu rattacher ces indications vagues à des manuscrits bien définis
de la Bible; elles peuvent n'être, admettons-le, que des témoignages
conventionnels de l'approbation et de l'admiration que porte un écrivain
à un homme respecté.
Au xe siècle, on nous dit que saint Dunstan, archevêque de Cantor-
béry de 959 à 988, aurait assidûment corrigé des « livres fautifs» (men-
dosos libros) : ce qui pourrait signifier, par extrapolation, qu'il a corrigé
des manuscrits de la Bible. Sigebert de Gembloux signale qu'Olpert,
abbé de Gembloux (t 1048), a favorisé la copie minutieuse de la Bible,
et notamment qu'il possédait une Bible complète en un seul volume :
Tel un nouveau Philadelphe, il se prit de passion pour la fabrication d'une
bible plénière, et transcrivit l'Ancien et le Nouveau Testament en un volume.
En outre il accumula plus de cent volumes d'Ecriture sainte ...
69. Memorialsof SI. D1111.ttan, ed. W. STUBBS (Rolls Series), Londres, 1874, p. 49; SIGEBERT,
Gesta abb. gemblac. (PL, 16o, 625); Liber de script. eccl. (PL, 16o, 585); Pierre DAMIEN,
De ordine eremilarum ... Fontis hel/ani (PL, 145, 334); Milon CRISPIN, Vila beati Lanjran&i
(PL, 150, 55).
Versions et révisions du texte biblique 73
70. M. GmsoN, Lanfrafl& of Beç, Oxford, 1978, pp. 39·41 et so-61; ID., « Lanfranc's
Commentary on the Pauline Epistles », dans JThS, New Series 22, 1971, pp. 86-ra;
ID.,« Lanfranc's Notes on patristic texts », dans ]ThS, New Series 22, 1971, pp. 435-450;
GLUNZ [38], pp. XVII-XVIII et rsB-196, prétend que Lanfranc a bien corrigé la Bible; GmsoN,
LanjraM, p. 241, semble le nier, mais voir ses remarques sur le sujet pp. 39-40.
71. GLUNZ [38], pp. Ij8-196. Glunz cite en exemple les manuscrits Oxford, Wadbam
College A. 10.22 et Londres, BL Royal r.B.XI.
72. Voir J.-P.-P. MARTIN [4o]; P. T. HüMPFNER, «Die Bibel des hl. Stephan Harding»,
dans Cisterfienser-Chronile, 29, 1917, pp. 73 et s.; K. LANG, Die Bibe/ Stephan Harding.r: ein
Beitrag zur Textge.rçhiçhte der neuetestammt/khe Vu/gala, Bonn, 1939; Ch. ÛURSEL, La miniature
du XIIe .tiède à l'abbaye de Citeaux d'aprè.r le.r manu.rml.t de la Bibliothèque de Dijon, Dijon, 1926;
ID., Miniature.r fi.tlerçûnne.r (II09·IIJ4}, Mâcon, 196o.
74 Le Uvre
73· Dijon, BM 13, f. 150 v 0 : PL, r66, 1373-1376 et DENIPLE (31], pp. 2.67-2.68.
74· LANG, op. fit., pp. 33 et 53-54; LoEWE, dans [5], p. 144; DENIFLE [3 1], pp. 2.69, 475;
OuasEL, La minialur8••• , p. 2.2..
75· OuasEL, La miniature, p. 15; LoBWll, /. ç.; MARTIN [40], pp. n:~.-533; LANG, op. fit.,
pp. 34-35 et 39-43·
Versions et révisions du texte biblique 75
rn
La Bible du XIIIe siècle a survécu dans un nombre impressionnant
de manuscrits la contenant au complet, en un seul volume, souvent de
petite taille. Or, contrairement à l'hétérogénéité des manuscrits bibliques
du xe au xue siècle, elle apparaît de prime abord de façon ordonnée
et uniforme. Car ce sont l'ordre et l'uniformité qu'on a considérés depuis
Berger comme la réalisation principale et le trait novateur du XIIIe siècle
pour l'histoire de la Vulgate. Berger pensait que la fameuse plainte
émise par saint Jérôme devant la multitude des traductions latines au
76. A. WILMART, «Nicolas Manjacoria, cistercien à Trois-Fontaines», dans RB, JJ, 1921,
pp. 136-143; LoEWE, dans [s], p. 144; DEN1FLE [31], pp. 27o-276 et 475-476; ]. VAN DEN
GHEYN, «Nicolas Maniacoria, correcteur de la Bible», dans RBi, 8, 1889, pp. 289-295.
76 Le Livre
77· S. BERGBR, Les Préfaçes jointes aux li~~r~s de la Bible dans les manu.rçrits de la Vulgate
Paris, 19oz, p. 17. Voir aussi m. [19], pp. ~29-330, et La Bib/1 française au Moyen Age, Paris,
1884, pp. ISI-IS2•
78. a. A. L. BENNETr, The Plate of Garrell 28 in Tbirleenth Century Bnglisb Illumination
(PhD inédit, Columbia University, 197~); et voir infra, p. 9:z.
19· Fr. Rogeri Baçon Opera fJ1104dam batlenus inedita. 1, Opus Minu.r et Opus Terlium, ed.
]. S. BREWER (Rolls Series), Londres, 189s, p. 333·
8o. «Libraire», ici et par la suite, s'entend du slalionarius, Libraire patenté par l'Université
(à la différence du Libraire commercial, Librarius).
Versions et révisions du texte biblique 77
85. BERGER (op. cil., n. 77), pp. 27-30; ID., La Bible française (supra, n. 77), pp. 151-152;
ID.,« Des Essais qui ont été faits à Paris au xm• siècle pour corriger le texte de la Vulgate»,
dans Rev. de Théo/. et de Philos., 16, 1883, pp. 52-55.
86. B. SMALLBY [15]. p. 331-332·
87. Cf. Gumz [38], p. 282.
Versions et révisions du texte biblique 79
88. Ph. LAUER, Bibliothèque Mlionale. Catalogue général des Manuscrits latins, 1, Paris, 1939.
89. BERGER, Préf(JÇe.r (cité n. 77), p. :l8.
8o Le Uvre
90. MARTIN [4z.], pp. 446-447 et 456; BERGER, ibid. Les Prologues sont énumérés dans
N. R. KER, Medieval MaiiN.fcripts in British Librariu, 1, Londres, 1969, pp. 96-98 et dans
R. BRANNER (177], pp. 154-155.
91. BERGER, ibid.; STEGMÜLLER [17], no• H7, 553, et 839.
9-'~· Selon Ker, toutefois, cette série de prologues est commune à un grand nombre de
Bibles du xm• siècle en France du Nord.
93· QUENTIN [43], pp. 385-388. Le ms. 5 de la Bibl. Mazarine, que Quentin date du
xxve siècle, est en fait antérieur à 1231, comme le reconnaissent les volumes de l'édition
Versions et révisions du texte biblique 81
fin du xne et au début du xme siècle, ont peut-être été intluencés par la
Glose, son examen de l'immixtion de ce type de texte dans des manus-
crits non glosés se limite à une poignée de Bibles du xme siècle prove-
nant d'Angleterre. Il n'établit pas de lien satisfaisant entre le texte de
ces livres et le texte qui circulait à Paris.
On ne peut donc accepter les idées de Glunz sans plus ample informé.
Il est dommage que ses travaux aient été limités au texte des Evangiles,
car on évalue mal le rapport entre les leçons qu'il cite et celles qu'a
choisies Quentin comme caractérisant le « groupe de l'Université >i
dans l'Octateuque. Cependant, récemment, N. Haastrup a trouvé de
tels liens, entre les leçons caractéristiques énumérées par Quentin pour
la Genèse et quelques manuscrits de la Genèse avec glose datant du
xne siècle98 • Bien que préliminaires, les travaux publiés d'Haastrup
laissent néanmoins entendre que le lien postulé par Glunz entre le texte
glosé et celui qu'on trouve dans les Bibles du xme siècle est important.
D'autres recherches sont nécessaires, et surtout des collations plus
complètes de manuscrits glosés du xne siècle avec des Bibles sans
glose du XIIIe. Nous devons savoir dans quelle mesure le texte de la
Glose et celui de la Bible étaient normalisés, afin de pouvoir réévaluer
l'importance des collations que Glunz a faites pour les Evangiles.
Cependant, Glunz, Quentin et l'apparat critique de la Vulgate romaine
nous fournissent un outillage provisoire : ceci permet d'identifier
quelques leçons qui pourraient bien caractériser un texte spécifique en
circulation dans certaines Bibles du XIIIe siècle. On peut survoler un
large échantillon de Bibles du XIIIe siècle, examiner leurs caractéristiques
matérielles, les traits extérieurs de leur texte - et en particulier ceux
qu'on cite couramment pour spécifiques de la Bible« de Paris » - , et
les leçons identifiées par Quentin et Glunz : alors se dessinera une
ébauche de l'histoire de la Vulgate parisienne au XIIIe siècle, au moins
de façon préliminaire.
Partant de là, il est clair que cette histoire se divise en deux phases
distinctes. Les vingt-cinq ou trente premières années du xme siècle
font transition. Les Bibles de ces années-là présentent une variété
considérable de types; mais à l'intérieur même de cette variété, on peut
distinguer le développement de nouveaux traits. Les années IZ30 voient
l'apparition de la Vulgate du xme siècle dans sa maturité pleine. Dans
un premier temps, nous examinerons le degré d'uniformité des Bibles
produites à Paris; nous évaluerons ensuite l'intluence de celles-ci sur
les Bibles produites ailleurs.
La transformation de la vieille Bible monastique du xne siècle en
la nouvelle Bible du xme est tout particulièrement notable dans un
98. N. liAASTRUP, « Zur frühen Pariser Bibel. Auf Grund skandinavischer Hand-
schriften »,dans Clas.sica et Mediaevalia, 24, 1963, pp. 242 et s. et 26, 1965. pp. 394 et s.
Versions et révisions du texte biblique 83
99· La discussion qui suit présente des conclusions provisoires fondées sur un examen
de la majorité des Bibles manuscrites du XIII• siècle actuellement conservées dans les collec-
tions parisiennes, ainsi que sur une sélection de manuscrits aujourd'hui en Angleterre et aux
Etats-Unis. Je tiens à remercier les conservateurs de la Bibliothèque Nationale de Paris, et
particulièrement M. François Avril, pour leur aide et leurs conseils. Ma gratitude va à
Mme Patricia Stirnemann, qui attira mon attention sur ces manuscrits, et dont les conseils
etle soutien m'ont été d'une aide incalculable pour ma recherche. BRANNER [177 ], pp. 22-31;
F. AVRIL, « A quand remontent les preiniers ateliers d'enlumineurs laies à Paris?>>, dans
Do.rsilrs tk l'Archéologie, r6, 1975, pp. 36-44; In.,« Un Manuscrit d'auteurs classiques et ses
illustrations>>, dans The Year r2oo. A Symposium, New York, 1975, pp. 267-268, n. 3·
84 Le Livre
Ioo. Voir par exemple Paris, BN lat. 14Z33, lat. IIH7. et Paris, Arsenal 589. Paris,
Mazarine 131-144, Bible glosée complète du début xm• siècle; BRANNER [177], pp. 202, zo6.
Versions et révisions du texte biblique 85
xox. Cf. O. ScHMIDT, Oh11r ver.rchietkfl6 Eintheilungen tkr heiligen Schrift, Graz, 1892;
E. MANGENOT, ((Chapitres de la Bible», dans DB, n, Paris, 1926, pp. 562.-564; SMALLEY,
Study [15], pp. 222-224.
102. A. LANDGRAP, « Die Schriftzitate in der Scholastik um die Wende des 12. zum
13. Jahrhundert »,dans Bi, r8, 1937, pp. 8o-83; F. M. POWICKE, Stephen Langton, Oxford,
1928,pp. 34 et s.; A. d'EsNEVAL [33], p. 561.
103. Par exemple, Paris, Axsenal 589; Troyes, BM, 577; Londres, BL, Add. 15253.
86 Le Livre
elles ont été ajoutées ensuite. Dans certains cas cependant, il est probable
qu'on les a ajoutées très tôt. Le manuscrit 70 de la Bibliothèque Mazarine,
par exemple, est une Bible qu'on peut dater par des critères stylistiques
des vingt premières années du siècle. Son texte est divisé selon un ancien
système, mais les chapitres modernes sont indiqués en marge. L'ouvrage
comporte des gloses étendues, d'une main sûre, très proche de celle qui
a copié le texte. Cette glose, probablement contemporaine de la Bible,
entoure avec soin la numérotation des chapitres modernes; on peut de
ce fait conclure que ces chapitres aussi sont d'origine. Le manuscrit 5
de la Bibliothèque Mazarine, qui daterait d'avant 12.3 1, est également
un bon exemple de cohabitation d'un ancien et du nouveau système.
Il est probable que cette Bible a été produite en Angleterre, bien que
Quentin la tienne pour un exemple de « Bible de l'Université » : la
présence des chapitres modernes à une date aussi avancée est donc
intéressante, compte tenu en particulier des rapports de Langton avec
l'Angleterre et Paris.
On a aussi de bonnes raisons d'attribuer au même Etienne Langton
le glossaire des noms hébreux Aaz apprehendens : le manuscrit 341 de la
Bibliothèque de la Faculté de Médecine à Montpellier se clôt sur une
explication en rubrique attribuant l'ouvrage à« maître Etienne Langton».
D'Esneval a démontré récemment que cet outil biblique, basé sur la
version de saint Jérôme, circulait à la fin du xne et au début du xme siècle
dans deux versions antérieures au moins. Celle qui fut adoptée finalement
dans tant de Bibles du xme siècle est de loin la plus perfectionnée et la
plus pratique : elle suivait en effet un ordre complètement alphabétique.
Il n'est pas évident que ces trois versions soient l'œuvre de Langton,
et la date de compilation de la troisième n'est pas exactement définie104•
Cependant, notons qu'à l'exception d'une Bible, le manuscrit 65 de la
Bibliothèque de l'Arsenal (début du siècle) qui contient une première
version du glossaire Adam de la même main que la Bible, l' « Interpré-
tation des noms hébreux >> a circulé tout d'abord indépendamment de
la Bible, et est absente des manuscrits bibliques avant les années 12.30105•
Des Bibles produites à Paris au cours des trente premières années du
siècle, passons à celles des années 12.30 et d'après. Un certain nombre de
changements y sont immédiatement sensibles. Les anciennes listes de
chapitres, les multiples systèmes différents de division, ont fait place au
seul système moderne, avec tout juste quelques variations mineures d'un
manuscrit à l'autre. Le glossaire des noms hébreux Aaz apprehendens
suit l'Apocalypse presque partout. L'ordre des livres est le plus souvent
celui qu'on tenait pour caractéristique de la « Bible de Paris >>. La dimen-
104. D'EsNEVAL [32], pp. 165-169, propose de dater les trois glossaires de nSo-1220.
105. ID. [3 3], p. 561, cite Paris, BN lat. 26 en exemple d'une des premières Bibles compor-
t~t le glossaire des noms hébreux. Cependant ce manuscrit est presque certainement posté-
rteur à 1230 environ.
Versions et révisions du texte biblique 87
108. Par exemple, BRANNER [177], pp. Z14-215, recense z7 Bibles de l'atelier Mathurin.
Trois de celles-ci sont citées sans spécijication de contenu; six présentent des divergences
par rapport à l'ordre des livres et au choix des prologues selon l'usage parisien, et dix-huit
se conforment à celui-ci. Par contraste, le groupe de la Sainte-Chapelle (ibid., pp. z36-z39)
se compose de 16 Bibles; deux d'entre elles sont citées sans indication de leur contenu,
huit diffèrent un peu de la« Bible de Paris», et six se conforment à l'ordre des livres et au
choix de prologues dans l'usage parisien. a. BRANNER, (( The Soi.t.ron.r Bible Paintshop in
xmth Century Paris», dans Spemlum, 44, 1969, 15, n. 15.
109. Tout au moins d'après sondage de leçons sélectionnées. Par exemple, Paris, BN
~t. z33A (BRANNER, Manu.tcript Painting [177], p. Z14), ne contient pas les prologues« pari-
Siens », pas plus que les leçons caractéristiques relevées par Glunz et Quentin.
no. On pense que Blanche de Castille a donné à Saint-Victor le manuscrit Paris, BN
lat. 14397·
Versions et révisions du texte biblique 89
III. Cf. R. H. et M. A. RousE, Preathtr.!, Florilegia and Sermons: Stllliies on the Manipulus
Flor11111 of Thomas of Ire/and, Toronto, 1979, pp. 42-63. Par exemple, Paris, BN lat. 206, de
x69X IIO mm, contient une table des lectures liturgiques. Le ms. lat. x66, de I95X x:z.s mm,
y ajoute une table des thèmes de sermons selon l'année liturgique. Le lat. x6z66,
de xsox xoo nun, contient ces deux tables ainsi qu'un calendrier.
112. BRANNER (177], p. 2.
II3. Ce manuscrit mesure z65X 185 mm (surface écrite 195/189X u6 nun) sur 453 f.
en deux colonnes de 51-54 lignes.
Le Livre
II4. R. H. et M. RousE, «The Verbal Concordance to the Scriptures »,dans Arch. Fr.
Praed., 44, 1974, 5-30; Io. [5z, H]; WILMART [97].
II5, GLUNZ [38], pp. z85-z86, distingue torrecloria et torreclione.t. Les études principales
sur les torrecloria sont celles de DENIFLE [3 1]; BERGER,« Des Essais» (op. cil., n. 84); E. MAN-
GENOT, « Correctoires de la Bible», dans DB, II, Paris, 192.6, c. 1o2.2.-102.6.
II6. SMALLEY (15), pp. 2.2.Q-Z2.J,
II7. Les notes de J. Destrez sont actuellement conservées à la Bibliothèque du Saulchoir,
à Paris; il y signalait l'existence de trois Bibles dotées de marques de pecia : Paris, BN lat. 2.8,
9381 et 142.38. Voir J. DESTREZ et M. D. CHENU,« Exemplaria universitaires des XII1° et
xzve siècles», dans Scrïptori11111, 7, 1953, p. 68: Paris, Mazar. 37· [Unepecia est une unité de
Versions et révisions du texte biblique 91
Une nouveauté :
les gloses de la Bible
1. Le maître ouvrage de Miss Beryl SMALLEY, The Study of the Bible ... [15], peut être
complété par le recueil d'articles du même auteur, Studies in MedietJal Thought and Learning.
From Abelard to Wydij, London, 1982. On n'utilisera qu'avec la plus extrême prudence
l'article d'E. BERTOLA, « La Glo.ua ortlinaria biblica ed i suoi problemi », dans RTAM, 41,
1978, 34 et s.; le bref travail de R. WIELOCKX [49], est beaucoup plus fiable et informé.
comment fut-elle diffusée et reproduite, quel fut son apport dans
l'évolution médiévale des modes de pensée ? Autant de questions qu'il
faut suivre au fil des siècles, et que j'invite à reprendre en trois
histoires concentriques : histoire d'un mot, histoire de forme, histoire
de savants.
FoRMES DE GLOSES
4· Guillaume de CoNCHES, Glosae super Platonem, éd. B. )EAUNEAU, Paris, 1965, p. 67.
Un demi-siècle plus tard, Huguccio distingue dans ses Dtrivaliones entre çommmtum, expos-ilio
verborum iunfluram non crmsidtran.r .red smsum, et glossa, expos-itio .rmlmliat el illius litterae quae non
solum sentmtiam .red etiam tJtrba attendit (cité par N. IDRING, dans AHDLMA, 2 7, I 960, p. 66).
5· Les catalogues médiévaux de bibliothèques édités dans les MBKDS et MBKO [27]
montrent bien la précision du vocabulaire. Les exemples les plus précoces y apparaissent
dans les inventaires de Blaubeuem et de Michelsberg, aux alentours de I xoo, puis II I2-II47
respectivement (BECKER [19], pp. 174 et s.; MBKDS [27], II, 348 et s.). Au xn• siècle, on
ne classait pas encore sous des rubriques différentes co=entaires et gloses; mais on affiche
claitement le départ entre libri glosali et expoûliones ou glosae super librum X.
6. SMALLEY, SIH4J [I5]. p. 22.7·
1~. JUCHÉ, G. LOBRJCHON 4
lieu le texte d'un ou de plusieurs livres de la Bible, dans une colonne
centrale, d'une écriture à gros module, bien adaptée à la lecture publique.
Dans les colonnes à gauche et à droite du texte, on a recopié des gloses
« marginales », qu'on a pris soin d'individualiser par des signes de
paragraphe; elles sont ainsi clairement séparées les unes des autres.
Dans les intervalles des lignes du texte biblique, dans la colonne centrale,
sont réparties les gloses « interlinéaires », beaucoup plus courtes, loca-
lisées au-dessus des mots qu'elles expliquent. Ces deux éléments de gloses
sont nettement différenciés du texte biblique, grâce au module de leur
écriture, plus petit de moitié. Ces trois éléments constitutifs définissant
ce qu'il faut bien appeler la forme « Glose de la Bible », une forme
originale dont l'histoire est au premier chef celle d'une mise en page.
Les scribes innombrables qui ont copié les manuscrits de la Glose
se sont livrés à des expériences triomphantes de mise en page, qui
atteignent aux sommets de l'art plus tardif des imprimeurs. La Glose
de la Bible donne à voir en effet la perfection d'un procédé de composi-
tion que n'ont jamais approché même les meilleurs copistes de gloses
du droit. Bien plus, et ce fait est curieux, la composition en trois colonnes
au moins, avec apparat double de gloses, paraît être un phénomène
typique du christianisme latin. Le zèle sacré des copistes juifs de la Torah
ne semble pas s'être relâché au point d'introduire des gloses de main
d'homme dans l'espace réservé à la Bible. Le Talmud peut entourer le
texte biblique, mais il ne pénètre pas dans la colonne centrale. Dans
l'Orient grec, dès Evagre le Pontique (:rve siècle) on mit en circulation
des manuscrits bibliques où variantes hexaplaires et commentaires
jouxtaient la colonne réservée au texte de la Bible; et plus tard, les
copistes de manuscrits à chaîne ont disposé dans les marges des extraits
de commentaires. Mais jamais les Byzantins n'ont inséré des gloses
interlinéaires, et jamais ils n'ont repris la composition de type occidental7•
On n'avait donc pas pêché l'idée de ce modèle étrange chez les voisins
ou chez les concurrents.
Pourtant les savants d'Occident pouvaient feuilleter dans les biblio-
thèques de leurs écoles des ouvrages qui pouvaient nourrir l'idée de la
Glose: c'étaient des manuscrits glosés de Virgile, d'Ovide, de Prudence,
de Martianus Capella, de tous ces auteurs dont la lecture et l'étude
faisaient le pain quotidien des élèves dans les cours de grammaire. La
trace de ces manuscrits est continue à partir du xxe siècle; ils sont bel et
bien dotés de gloses marginales et interlinéaires. Or au xxe siècle, on a
fabriqué des manuscrits bibliques sur ce modèle. Sans doute l'idée
avait-elle été importée des iles sur le continent, par ces cohortes de
7· Ces infonnations sur le domaine byzantin m'ont été fort aimablement fournies par
le Père Joseph Paramelle; les nuances délicates dont il entoure ses propos m'incitent toutefois
à revendiquer l'entière responsabilité des erreurs qui se seraient glissées ici.
Les gloses de la Bible 99
u. Deux systèmes ont coexisté pour œs marques de renvoi : d'une part, les lettres de
l'alphabet, et de l'autre un système alliant traits et points (présent dans des manuscrits grecs
du haut Moyen Age).
15. Miss SMALLBY, Stlll{y [15], en cite de nombreux exemples.
-~~ n devrait être possible de repérer les manuscrits glosés dont se servaient les maîtres
partstens grâce à ces mentions de glosa margina/ir ou interliMari.r. C'est une erreur en effet
d'imaginer que ces localisations sur la page c::arac::térisent des sentences d'origine différente;
c:n ~té, et les preuves abondent, une « marginale » peut fort bien se trouver en « inter-
linéaire » et inversement, selon les manuscrits. Néanmoins, les sentences longues ne pouvaient
trouver place entre les lignes et étaient donc portées en marge. La fixation intervient au début
du XIII" siècle en général.
Les gloses Je la Bible Ici
15. Bien des manuscrits exécutés à la même époque dans un même atelier montrent le
passage d'un système à l'autre : ainsi le Paris, BN lat. 14776 (XII8 ; Saint-Victor).
16. Les manuscrits Paris, Bibl. Sainte-Geneviève 75 (milieu xm• siècle) et BN lat. 15236
ont ainsi appartenu à un maître qui y a recopié son commentaire. De même la grande Bible
dominicaine ( ?) de Bordeaux, BM n, H• 37, 49, 55 du milieu du XIII0 siècle, a-t-elle été
surglosée. Quant aux méthodes universitaires de l'édition authentique, j'avoue n'avoir
jamais rencontré encore de Bible glosée portant des marques de jJiçia. La planche annexe
reproduit un fragment d'une glose copiée vers uoo-uzo dans l'abbaye cistercienne de
Vauclair (dioc. de Laon).
17. Voir par exemple la petite Bible glosée de Paris, Mazarine 70 (milieu xm•); un
manuscrit, normand peut-être, écrit vers t23o-t240, revient à la mise en page caractéristique
du milieu du xu• siècle (Paris, BN lat. 14783; Saint-Victor). Un copiste méridional pousse la
simplification à l'extrême, en disposant texte et glose sur deux colonnes (Paris, BN lat. 90,
deuxième tiers du XIII" siècle).
1 8. Bien des catalogues signalent des « gloses ordinaires » de la Bible, qui auraient été
écrites au xiV" ou XV" siècle; ces datations mc paraissent souvent suspectes. Cependant, on a
certainement recopié la Glose assez tardivement en Europe centrale, avec le développement
des universités.
Laon, BM 102 (XIII 1, Vauclair), f. 14R
Glose « ordinaire » d'Apoc. 7, 9-14
Les gloses de la Bible 103
était assez répandue alors dans tous les centres pour que la production
s'en raréfie. Peut-être est-ce à cette époque qu'on commença de la
dénommer « Glose ordinaire »19• L'histoire en tout cas de la Glose au
xme siècle et à la fin du Moyen Age est peu connue; il semble que le
grand commentaire du franciscain Nicolas de Lyre, au premier quart
du xxve siècle ait contribué à la disqualifier, en la périmant. Mais reste
que l'aventure matérielle de la Glose est intimement liée à toute l'histoire
des techniques intellectuelles, et ceci en un moment crucial du dévelop-
pement de l'Occident.
HISTOIRE DE SAVANTS
La gestation laonnoise
19. Cette dénomination tardive ne devrait plus à l'avenir être employée dans la descrip-
tion des manuscrits antérieurs à uzo environ.
104 Le Livre
tout suffisait à alimenter les besoins des lettrés 20. Ceux-ci étaient bien
davantage passionnés par l'étude de la grammaire et de la rhétorique,
du comput et du droit que par l'enseignement de la Bible.
Voici qu'en 1025, on déniche près d'Arras un groupe de marginaux.
Et parce qu'ils se réclament de la loi des Evangiles et des Apôtres,
l'évêque Gérard de Cambrai intervient, armé de sa morgue de lettré :
bien loin d'argumenter sur le texte biblique, il assène une réplique tout
entière composée de sentences patristiques. Certes la Bible est présente,
mais posée religieusement à son côté, à l'instar d'une châsse de reliques
saintes2t. L'évêque Gérard est l'un des plus parfaits représentants des
intérêts savants encore au seuil du XIe siècle : ceux-ci épousent les
contours successifs des grandes entreprises politiques; et ces dernières
ne puisent guère leur sève dans la Bible, sinon dans l'Ancien Testament,
parce qu'on perçoit là mieux que dans le Nouveau les règles fondamen-
tales du pouvoir et de l'éthique sociale. De telles règles, lues essentielle-
ment dans le Pentateuque et dans les Livres historiques de la Bible,
convenaient sans doute très bien à la grande chefferie carolingienne et à
ses épigones; mais le xxe siècle s'ouvre par un déverrouillage brutal et
impitoyable. Dans le« tohu-bohu »des pouvoirs et des institutions, à la
faveur des rivalités dans l'Eglise et dans l'aristocratie, « l'invention
idéologique prend de la hardiesse »22 : c'est l'énoncé des trois ordres de
la société, ce sont les liturgies royales, ce sont les réformes monastiques,
mais ce sont aussi des exigences religieuses nouvelles, qui fermentent
dans des villes en pleine croissance économique et démographique. Ce
rebond du christianisme occidental, sensible surtout dans les parts
septentrionales de l'Italie et de la France, le long des grands axes, prend
chair et parole en la personne de réformateurs, marginaux mais vite
récupérés par les pontifes romains. On accentue soudain la considération
pour la Bible entière, et non plus pour les sagesses vétéro-testamentaires.
L'idée de réforme s'appuie certes sur un double effort de prédication,
par la parole et par l'exemple, et de rationalité élevée (Bérenger de Tours,
au troisième quart du XIe siècle), mais les nouvelles moutures puisent à
la Bible, au Nouveau Testament en particulier. Aux exaltés qui pro-
clament et prédisent les Evangiles, les clercs font chorus bientôt; et de
plus en plus les moines nourris dans les grands monastères réformés
cèdent le pas aux clercs issus des écoles urbaines.
La reprise du travail fondamental sur la Bible se fait dans les vieux
centres intellectuels du nord de la France, entre Angers et Liège, à Laon,
à Reims, à Tours, à Paris aussi (le cas de la Normandie, où l'initiative
reste entre les mains des moines, tient aux orientations des princes, qui
23. B. SMALLEY, « Sorne Gospel Commentaries of the Early Twelfth Century », dans
RTAM, 4J, 1978, 147-148.
24. Io., «La Gloua Ordinaria. Quelques prédécesseurs d'Anselme de Laon», dans RTAM,
9, 1937, 365 et s. Miss Smalley a montré que plusieurs collections des épîtres de Paul glosées
circulaient jusqu'au début du xu• siècle; un premier groupe est représenté par Paris, BN
lat. 2875; Manchester, JRL, 109; Londres, BL Royal4.B.IV, PL, 150, Paris, BN lat. 12267;
Vatican, Vat. lat. 143; Berne, BB 334i un autre se trouve dans Berlin, SB Phillipps 1650· n en
existe d'autres, éparses, comme Paris, BN lat. 480 ou BN lat. n967. De même y eut-il concur-
rence entre plusieurs séries différentes pour les Psaumes : il faudrait comparer par exemple
Florence, Laur. Plut. 17.9 (XI• siècle; Italie du Nord), Paris, BN lat. n550 avec des gloses
précoces du XII0 siècle comme BN lat. 442, pour mieux comprendre les objectifs des maitres
qui entreprenaient une glose différente des précurseurs ou des concurrents.
xo6 Le Livre
;'-, ·. C'est la jJtmla glo.raltlra (SMALLEY, op. Git., n. 2.3, p. 149), éditée sous le nom de« Glose
ordinaire» des Psaumes (WIELOcKX, op. &il., n. x, pp. 2.2.6-2.2.7); la glose d'Anselme sur les
Epltres de saint Paul est habituellement désignée sous son titre Pro ailf11'çaliom.
2.6. Je me suis expliqué sur ces motifs dans une thèse de 38 Cycle en Histoire, soutenue
en 1979 à l'Université de Paris X (à paraître), sur les gloses et commentaires de l'Apocalypse
au xn• siècle.
Les gloses de la Bible 107
Le recentrage parisien
2.7. A B. SMALLEY revient une fois de plus le mérite d'avoir éclairci toutes ces questions
dans ses articles déjà anciens sur « Gilbertus Universalis, Bishop of London (ru8-n34)
and the Prohlem of the 'Glossa Ordinaria'», dans RTAM, 7, 1935, 235 ets.,et 8, 1936,.z4et s.,
puis« A Collection of Paris Lectures of the later xnth Century in the Ms. Pembroke College,
Cambridge, 7 », dans Cambridge Hi.rtori&al Journal, 6, 1938, 103 et s. La citation de Pierre le
Mangeur est rapportée dans l'étude sur Gilbert l'Universel, p. 48.
28. SMALLEY, op. &il. ci-dessus, et « An Barly Twelfth-Century Commentator on the
Literai Sense of Leviticus », dans RTAM, J6, 1969, 78 et s.
108 Le Livre
ses proches l'allure d'un programme. Gilbert semble marquer déjà des
réserves à l'égard de la Glose laonnoise. Puis vers 1145, le prince Henri,
fils du roi Louis VI, rentre au monastère cistercien de Oairvaux; dans
son trousseau, il apporte des livres somptueux, des gloses en particulier
qui ont été fort vraisemblablement exécutées à Saint-Victor de Paris
avant 113 7 : ce sont celles des Psaumes et de Paul dans la version laon-
noise, celles des quatre Evangiles et des Epitres canoniques29• La sélec-
tion en soi est significative des intérêts d'un laïc de haut rang au xue siècle,
destiné il est vrai à la cléricature. Cependant, on voit dans ces manuscrits
à quel point la Glose était jugée incomplète : ils ont reçu dans la seconde
moitié du xue siècle des additions, reportées avec le plus grand soin.
Enfin, la présence d'une glose de l'Evangile de Marc, antérieure au
témoignage de Pierre le Mangeur, confirme que des glossateurs opéraient
indépendamment des deux maitres laonnois, mais dans le droit fil de
leur tentative, bien qu'avec des options sans doute de plus en plus
divergentes.
Pendant au moins le premier tiers du xne siècle, des maitres ont tenté
de concurrencer les gloses laonnoises, en France du Nord surtout,
peut-être aussi en Italie septentrionale. Miss Beryl Smalley a pu le prouver
pour plusieurs livres de l'Ancien Testamentoo. La règle est donc encore
celle de la diversité. Toutefois ces indépendants travaillent selon le
canevas d'origine laonnoise: ils ont sous la main un document d'origine
anselmienne, et le confrontent à d'autres exemplaires, ou tel commentaire
qu'ils abrègent, ils relèvent les interprétations divergentes, avec le souci
29. Ces manuscrits exceptionnels portent l'ex-libri.t du prince« Henricus regis filius», du
temps donc de Louis VI, mort en II37· Sans doute faut-il y distinguer deux livraisons. Il y a
d'abord trois manuscrits portant 18 lignes de texte biblique à l'intérieur d'un cadre réglé
pour 3 colonnes de 190/2oo sur ISO mm (col. de texte et 2 col. de glose): Montpellier, Fac.
de Médecine ISS (Matth., glosé), Troyes, BM 511 et 512 (Psautier et Epîtres de saint Paul).
Le Psautier Troyes sI I ressemble étrangement du point de vue formel à celui de Saint-Victor,
Paris, BN lat. 14402, mais le premier est dépourvu de prologues. Une autre livraison regroupe
des manuscrits à 15 lignes de texte (cadre réglé de ljSX 130 mm) : ce sont Troyes, BM 871
et 1083, respectivement M& et Lç glosés. A ceux-ci il faut ajouter Troyes 1023 bis de 13lignes
pour 140X 137 mm, Jn glosé. Je n'ai pu étudier la septième glose, Troyes, BM 1620. On peut
rapprocher ces manuscrits de ceux de Saint-Victor, Paris, BN lat. 14771 (Lérl., glosé), 14398
(Gm., glosée) et 14408 ( Mç). Le scriptorium de Saint-Victor semble avoir été un centre
d'expériences, où l'on a peut-être fait du transfert technologique avec l'Italie du Nord; c'est
ainsi qu'une disposition formelle tout à fait singulière apparait dans deux manuscrits seule-
ment, Paris, BN lat. 14409 (XII2, Epitrcs de Paul et Matlh., de Saint-Victor) et Florence,
Laur. Plut. 23.13 (XII2, Epitres de Paul, Italie du Nord, avec des gloses de Lanfranc et
Berenger): la page n'est pas réglée en trois colonnes à proprement parler, mais on a dressé
au centre de la page un rectangle où est inscrit le texte, et un autre rectangle de même centre
enc:mre la page et définit les marges. Or on possédait à Saint-Victor, très tôt, deux gloses au
moms d'inspiration italienne sinon italiennes sur le plan de leur décoration (BN, lat. 14779
Ct 14786).
30. B. SMALLEY, op. çil., n. 28, et [48). Les gloses très précoces du prince Henri pourraient
être comparées à celles, beaucoup plus vulgaires d'aspect, du Mont-Saint-Michel (Avranches,
BM),
Les gloses de la Bible 1 09
d'en identifier l'auteur. Ainsi en va-t-il des gloses des épitres pauliniennes:
l'uniformité de surface qui a fait classer les gloses anselmiennes sous le
titre Pro Altercatione n'est qu'un leurre, elle voile des états différents31•
Plus net encore est le cas de l'Apocalypse : après la glose et le commentai:t:e
annexe d'Anselme, qui fixe pour des siècles les nouveaux principes de
l'interprétation orthodoxe, plusieurs gloses apparaissent ici et là. Or
leurs rédacteurs font retrait devant les grands desseins d'Anselme :
ils conservent la nouvelle structure imposée par lui, mais écartent ses
audaces réformatrices, telle sa critique de la société féodo-vassalique,
substituent des extraits d'un autre commentateur à ceux du maitre de
Laon32• Et dès le milieu du xne siècle, se répand une autre génération
de gloses de l'Apocalypse; elle reproduit toujours la structure ansel-
mienne, mais transmet un corps d'interprétation profondément remanié.
C'est sur cet habit neuf qu'en l'espace d'un demi-siècle et plus d'autres
vont polir lentement la Glose de l'Apocalypse, jusqu'au texte définitif
et« ordinai:t:e ». Rien n'était donc joué à la mort d'Anselme, et surtout
pas pour ses travaux les plus authentiques. En tout cas, il est curieux de
noter qu'un représentant de la vieille école monastique, Pierre de Celle,
peut ignorer franchement la Glose lorsqu'il compose au troisième quart
du siècle un commentaire du livre de Ruth33.
L'heure de la première cristallisation sonne à Paris, au milieu du
xue siècle. Le témoignage le plus net en serait la provenance des manus-
crits les mieux soignés, qui arborent les caractères formels les plus nets
et rigoureux : ils émanent sinon de l'atelier, du moins de la bibliothèque
de l'école la plus prestigieuse d'alors à Paris, celle des chanoines de
Saint-Victor34• Il y a ensuite l'intervention personnelle d'un personnage
de premier plan, Pierre Lombard, qui enseigne à Paris dans les années
1140-1150, avant d'être évêque de la métropole capétienne en II 58. De
prime abord, il brouille le jeu, lorsqu'il impose sa glose personnelle du
Psautier et des Epitres pauliniennes; il supplante immédiatement les
gloses d'Anselme dans la faveur des écoles. Mais l'œuvre d'Anselme
poursuit son chemin, on la recopie au xn~ siècle dans les Bibles glosées.
Et pour éviter tout malentendu, les copistes prennent soin de livrer les
gloses du Lombard en forme de commentaire continu, et non pas en
31. Les gloses Pro altercalioM de Troyes, BM 512 et Paris, BN lat. 14409, bien qu'originaires
probablement du même atelier, présentent l'une par rapport à l'autre des variantes dans le
choix des sentences pour Il The.rs.
32. Voir l'étude mentionnée n. z6. Le bénéficiaire de la discrète mise à l'écart d'Anselme
a été un temps le commentateur Bérengaud, un auteur totalement inconnu parce que jamais
étudié de près, et qui, à mon avis, travaille en même temps qu'Anselme, sur une documenta-
tion proche, mais avec des orientations analogues à celle de Rupert de Deutz.
H· Commenlaria in Rlith, ed. G. de MARTEL, Turnhout, 1983 (CC, Continuatio Medievalis,
54)·
34· Le fonds de Saint-Victor se trouve conservé principalement à la Bibliothèque Natio-
nale de Paris.
110 Le Livre
L'histoire de la Glose n'a pas pris fin avec son introduction dans
l'enseignement. Un lent polissage s'est poursuivi, que révèlent les
manuscrits ; on ratisse les dernières herbes folles, et on procède à des
additions bien pesées, tout en menant un travail critique sur le texte
de la Glose. Cela s'est fait à coup sûr dans un même centre, puisque tous
3S· Après la Glose ansehnienne des Psaumes, Gilbert de La Porrée a publié ce qu'on
appelle la mstlia g/osal111'a, jusqu'à ce que Pierre Lombard compose la magna glosalll1'a, entre
II48 ~t IIS9· Gilbert et Pierre firent de même pour les Epltres pauliniennes. Les questions
de DUse en page de ces « gloses » ont été récemment étudiées par Christopher de Hamel,
dans un article à paraître.
36. « Smptllri.r t/iço fœti.t », vel « san&lis », sitt~l 1Bgil117' in libro ltmbartli qNi torr~clior cetlri.t
mtlit117' e.m (Paris, BN lat. 14443, f. zs s r" b).
3_7· Les commentaires des maltres parisiens à la fin du siècle, notamment dans le cercle
de Pterre le Chantre, renvoient toujours à la Glosa qu'ils citent par ses tituli, c'est-à-dire les
premiers mots de chaque sentence.
Les gloses de la Bible 111
38. Cf. B. BoLTON, « Poverty as Protest : sorne Inspirational Groups at the Tum of the
xnth Century », dans Thl Church in a Changing Society, Uppsala, 1978, pp. z8-32.
39· Walter MAP rapporte que des disciples de Valdès utilisaient un libnun... lingua constrip-
tum gal/ica, in IJ1IO textus et glosa psalterii plurimorumque legis utriusque librorum continebantur
(MGH, SS., XXVI, 66).
40. Le manuscrit Paris, BN lat. 17204 pourrait être le prototype de la glose de Mace.;
écrit à Paris vers 1210 (P. Stimemann), il a appartenu à la chancellerie de Paris (f. 164 v<>).
A la suite des gloses de 1-IV Rois, Chr. et Esd., on trouve celle de Mace., sous le titre Incipit
expositio rabani mauri in libro machab. (PL, 109, 1 12 s ets.), avecles deux lettres dédicatoires de
Raban; dans les manuscrits postérieurs on a supprimé les titres du commentaire et des lettres.
De plus un annotateur contemporain a soigneusement collationné ce manuscrit sur un exem-
plaire de Raban. Toutefois on rencontre quelques rares gloses interlinéaires qui sont étran-
gères à Raban, mais sont empruntées à Remi (cf. 152 ro).
1 1 2. Le Livre
savants date du dernier tiers du xne siècle, sinon du début des années 1 200.
On y perçoit quatre tendances, à peine esquissées.
La première pousse à garantir la réception universelle de la Glose;
le signe en est l'évanouissement des dernières traces caractéristiques de
l'école d'Anselme. Un exemple suffit: une sentence est substituée à une
autre, tout à fait anselmienne, qui donnait une définition extensive de la
prophétie; il paraît au contraire prudent de limiter et de contrôler
étroitement le droit de quiconque, chrétien ou païen, à prophétiser, à
lire et à dire les desseins de Dieu41• On reconnaît là une tactique bien
éprouvée des clercs pour sauvegarder leur privilège de la parole et du
sens. De la même orientation procède opportunément un ajout à la
Glose de saint Jean (Jean xo, 11-12): on y rappelle que le ministère épis-
copal est indépendant de la qualité de vie de celui qui l'exerce. On
conforte ainsi la hiérarchie ecclésiastique dans son pouvoir d'ordre, dans
la droite ligne qui mène au Concile de Latran N ( 121 5) et accroît le rôle
des administrations épiscopales42• Troisième addition révélatrice, celle
qui souligne l'accord et l'identité profonde en matière de morale entre
la loi naturelle et la loi du Christ'3; c'est le signe d'un nivellement de la
conscience historique, et une porte s'ouvre à l'aristotélisme du xme siècle.
Enfin, une péricope évangélique a donné lieu à d'intéressants développe-
ments, c'est l'entretien des Pharisiens avec le Christ sur le divorce
(Mat. 19, 3 et s.). Vers 1200 on précise qu'il ne saurait y avoir de lien
matrimonial entre parents (propinquos) sauf s'ils ignorent leur parenté;
la règle canonique était bien connue, mais ce rappel pourrait être une
allusion timide au trouble qui a pu saisir les maîtres parisiens lors des
problèmes matrimoniaux de Philippe-Auguste, qui venait de répudier
la reine Ingebourge44•
Passé le cap de 1 zoo, la Glose entre dans une dernière phase de
41. Cf. Paris, BN lat. 17233 (XII2), f. 7 v<> a, glose de Matth. 1, u-23 : Prophetia a/ia ex
presûentia et ber est immutabilis... Alia ex iuditio operum. et ber solet mutari... Que est ex pre.rcientia
alia impletur solummodo operatione Dei... , alia impletur hominum administratione ... , à comparer
avec celle qu'a éditée Dom O. LorriN, dans RTAM, r;, 1946, p. 193. Au terme de l'évolu-
tion, on ne trouve plus que la sentence Prophetia signum est prescientie Dei (par exemple, Paris,
BN lat. 11966, f. 9 v<>, vers uoo).
42. La glose Pastor nomen est officii, sicut etiam episcopu.t. Epi.tcopu.t etsi male vite fuerit, /amen
vere e.tt api.tcopu.r... est absente de tous les manuscrits avant le troisième qurt du xn• siècle;
on ne la rencontre pas encore dans les additions faites à Troyes, DM 1023 bis, mais un copiste
l'a introduite dans le Paris, BN lat. 643, f. 34 bis v 0 a (XIP, Normandie).
43· Sur Matth. 19, 9, Doctrina Chri.tti naturali legi concordat quia est tempus perfectionit
(add. du XIII1 , qu'on trouve par exemple dans Paris, BN lat. 621, XIII1 , Cath. de Narbonne,
f. 31 rob).
# Ce pourrait être le sens d'une glose introduite dans Paris, BN lat. 17233, f. 45 cO a
(d'une main d'env. uoo) : Ad hoc ut alia ducatur vivente prima, hoc nu/li modo lice/. Si dicatur
q,uia qui duxit propinquam pote.tt il/am dimittere et aliam ducere, n.tpondetur quia non e.tt matrimonium
znter propinquos nisi sint ignorantes quod fuerit propinquitas inter ip.ros. Ce qu'on rapprochera d'une
glose plus anodine encore, l'addition Si ancilla libero vel servu.r libere supponitur, conjugium non
reputa/ur postquam delectum fuit, .tic et de consanguineis (sur Matth. 19, 9, entre autres manuscrits
dans Paris, BN lat. 172.34, f. 74 v 0 c (XIIP)), et BN, lat. 621 (Xliii), f. 31 cO a).
Les gloses de la Bible II 3
Guy LOBRICHON.
4
La concordance verbale
des Ecritures
de sujets. Toutes trois ont été produites par les Donùnicains de Paris,
entre les dates approximatives de 12.35 et 12.85.
La première concordance verbale des Ecritures est celle qui commence
par A, a, a. Je. I. c., Xliii. d., Eze. lili. f. .. , et se termine par Zorobabel...
Luc. Ill.f Elle a été produite au couvent dominicain de Saint-Jacques
à Paris, et il en reste des ébauches dans des reliures de livres de Saint-
Jacques faites au xve siècle. Hugues de Saint-Cher semble avoir dans
une certaine mesure participé à la concordance dite de Saint-Jacques.
Le témoignage le plus ancien en est celui de Tholomée de Lucques,
vers 131 5 : selon celui-ci, Hugues « a conçu, avec ses frères, la première
concordance de la Bible ». Il est impossible de dire s'il a simplement été
l'instigateur du projet, ou s'il y a activement participé, et s'il l'a vu
réaliser ou non. Hugues a occupé pendant six ans l'une des deux chaires
de théologie à Saint-Jacques, de 12.30 à 12.35. Pendant cette période, en
plus de l'enseignement qu'il dispensait, il a produit des pastilles sur
toute la Bible, probablement avec l'aide de ses frères dominicains. Il
semble peu probable que la première concordance ait pu être achevée
dès 12.30; cependant le projet devait être sinon achevé, du moins bien
entamé dès 12.3 5, date à laquelle a pris fin le lien officiel de Hugues avec
Saint-Jacques. Deux des copies de cette concordance peuvent être
datées avec certitude de 12.40 au plus tard.
Depuis bon nombre d'années, les spécialistes de la Bible ébauchaient
les travaux préliminaires menant à une concordance verbale, cela peut-
être sans qu'ils aient eu cette fin particulière à l'esprit. Dans les écoles,
on accordait pour l'étude de la Bible une grande importance au sens
- littéral ou allégorique - de chaque mot en particulier; et l'un des
moyens de discerner ce sens était de comparer l'usage du mot dans tous
les passages des Ecritures où l'on pouvait le trouver. A la fin du xiie
et au début du XIIIe siècle, les maîtres en sacra pagina à Paris incluaient
fréquemment dans leurs gloses une table de références à des passages
parallèles, qu'on appelait parfois concordantia. Leur inclusion dans la glose
était un substitut peu pratique en l'absence d'ouvrages ne s'occupant
que de concordance; et bientôt des collections spécialisées commencèrent
à apparaître. Il est possible que certaines d'entre elles soient nées d'une
extrapolation de ces gloses; d'autres cependant étaient des créations
nouvelles, comme les collections de « distinctions » ( distinctiones), listes
de mots classés par ordre alphabétique et accompagnés, pour chacun,
d'une sélection de passages bibliques illustrant les sens figurés du mot :
c'était là une pratique courante au début du XIIIe siècle. La concordance
verbale complète de la Bible était cependant une tâche colossale, qui
pour être menée à bien exigeait la main-d'œuvre et la concentration des
Dominicains sur la Bible. Malgré le rôle directeur d'Hugues de Saint-
Cher, la concordance est une production collective essentiellement
anonyme, pour un public non spécifié, comme un autre document
La concordance verbale des Ecritures 117
copiés sur les modèles des libraires sont d'une présentation remarqua-
blement uniforme. Tout comme la Concordance de Saint-Jacques était
rédigée sur cinq colonnes, la troisième version est presque invariablement
disposée sur trois colonnes de 62. à 66 lignes, avec titre courant. Quand
elle est décorée, l'initiale C du prologue contient fréquemment une
représentation de la Vierge à l'Enfant. Bien que la première Concordance,
celle de Saint-Jacques, soit du format portatif qui caractérise les livres
des Mendiants au début du xn1e siècle, la troisième Concordance est un
livre de taille, en général d'au moins 40 sur 30 cm, et de 400 feuillets.
Les propriétaires ne la transportaient sans doute pas avec eux.
Au début, la diffusion des Concordances dominicaines a été lente.
L'original, la Concordance de Saint-Jacques, fut apparemment créé dans
l'intention de répondre aux besoins des étudiants et maîtres de Saint-
Jacques. Il en reste quelque 2. 5 copies. Cependant, à toutes fins utiles,
on peut dire que la concordance verbale de la Bible n'était pas connue
en Europe avant la publication de la troisième Concordance par les
« libraires >>. Celle-ci doit sa vaste diffusion - il en reste So copies - et
une bonne part de son impact à la fin du siècle au fait qu'elle était dispo-
nible en peciae.
La troisième Concordance était assurément un livre de luxe; et sa
diffusion peut être associée à une catégorie particulière d'ecclésiastiques,
les riches prélats; par exemple, elle faisait partie de la panoplie de manuels
coûteux que possédaient les prélats de la cour pontificale en Avignon.
On s'en rend compte et d'après la provenance et d'après l'aspect des
copies qui nous restent. Ce sont souvent des volumes magnifiques,
dont l'aspect est en contraste, d'une manière remarquable, avec les
manuscrits de manuels scolaires et de traités à l'usage des prêtres de rang
ordinaire. Les manuscrits de la Concordance sont souvent soigneusement
rédigés, sur parchemin de bonne qualité, et portent à l'occasion les
notes d'un correcteur avec des initiales décorées et même historiées;
on y fait un large usage de la feuille d'or. Bref, ce sont de toute évidence
des livres coûteux. Le fait est que même en faisant abstraction de ce luxe,
la reproduction des Concordances était certainement onéreuse, en raison
de leur longueur et de la précision exigée du scribe.
Néanmoins, malgré les limites inhérentes au coût de ces ouvrages,
les Concordances eurent une influence profonde sur les autres instru-
ments de travail, sur la littérature exégétique et sur celle des sermons
dans la seconde moitié du xxne siècle et par la suite. Leur rôle principal
fut peut-être d'aider à la rédaction des sermons; et bien qu'il soit impos-
sible d'évaluer l'ampleur de ce rôle, on en trouve de nombreux indices
et dans les manuscrits des Concordances et dans le contenu des sermons
de la fin du Moyen Age. Vers 1340, divers manuels à l'usage des prédi-
cateurs présupposent que le prédicateur dispose d'une Concordance
pour préparer ses sermons. De toute évidence, les prédicateurs, en
122 Le Livre
LA PÉRIODE PRÉ-ANGLAISE
CA.EDMON DE WHITBY
Une grande partie des chapitres zo, 2.1 et 2.3 de l'Exode biblique
constituent l'ouverture du Code juridique alf:rédien conservé en parti-
culier dans un manuscrit du xe siècle, le plus complet et le plus
ancien dont nous disposions pour ce texte (no 173 de Corpus Christi
College à Cambridge). Le problème du découpage du texte et d'une
certaine trituration doit retenir notre attention.
Le texte alfrédien suit le fil du texte biblique le plus souvent avec
précision. Mais il y a aménagement du texte, dans une optique assez
aisément identifiable. Il y a d'abord évidence d'un tri qu'on peut dire
sociologique et didactique. On élimine certains éléments difficilement
transposables dans un contexte anglais du haut Moyen Age, par exemple
dans le domaine agricole (nature des animaux), social (relations avec
des peuples étrangers), moral (passages impliquant la polygamie). Le
texte est destiné à être compris des Anglais comme source de règles
morales et juridiques concernant le servage, les dommages corporels
(hommes et animaux), le droit d'asile, la propriété, le vol, le viol, l'ido-
lâtrie, le prêt, le blasphème, la justice et les témoignages, etc.
On élimine - plus rarement, on ajoute et le cas est d'autant plus
intéressant. Dans la casuistique concernant les biens confiés à un gar-
dien et volés par un tiers, par exemple, le législateur anglais rajoute
un cas que le législateur mosaïque n'avait pu prévoir : celui d'un rapt
de bétail par les Vikings. Cela pourrait s'appeler une mise à jour de
type talmudique. Cela peut apparaitre également comme une addition
faite au texte scripturaire avec une désinvolture difficile à admettre.
Cela peut également être, à l'origine précisément, un commentaire non
incorporé mais devenu interpolation et incorporation entre les mains
des copistes; car plus d'un siècle s'est écoulé entre les premières trans-
criptions du code alfrédien, et la composition du manuscrit dont il
est question ici. On ne saurait faire un procès d'intention au rédacteur
alfrédien - ni au roi Alfred lui-même - en ce qui concerne les élé-
ments ajoutés.
Restent ce qu'on pourrait appeler des « mutations » verbales. Il
s'agit fondamentalement d'une christianisation de certains éléments
du texte dans une optique évidemment théologique. Le Seigneur de
l'Ancien Testament est remplacé par « Christ» dans Exode zo, 1 1.
Le procédé n'est d'ailleurs pas étranger, comme chacun sait, à
la Vulgate hiéronymienne : Habacuc (3, 18). Et l'esclave hébreu
(Exode 2.1, z) devient « serf chrétien ».
L'approche du texte se situe à un niveau autre que celui d'une
« traduction » au sens traditionnel du mot, tradition toujours actuelle
et passant par les Septante et saint Jérôme avant les philologues de
la Réforme. Il y a à la fois traduction, élagage, actualisation. C'est de
l'Ecriture sainte appliquée, mais qui se réclame de sa source sacrée,
car le législateur anglais ne manque pas de se référer à l'autorité divine,
uS Le Livre
3· S. J. CRAWFORD, [57).
4· P. CLEMoEs ct C. R. DoDWELL, [sB].
L'exemple de la Grande-Bretagne 133
6. Edition Bmmley.
7· (( South English Legeodary », BETs, 1956-1959.
8. Edition A. C. PAUES, 190a.
9· Parker 3a, éd. M. J. PoWELL, 1915.
L'exemple de la Grande-Bretagne 13 7
soit aussi clair, voire plus clair en anglais qu'en latin, et ne s'éloigne point
de la lettre; et si la lettre ne peut être suivie quand on traduit, que le
sens demeure entier, et clair».
Nous apprenons également qu'un travail considérable a été accompli
pour établir un texte latin de base. Parlant de lui-même, le maître d'œuvre
dit avoir eu « bien du travail, avec divers compagnons et collaborateurs,
pour rassembler de nombreuses et anciennes bibles, et œuvres de docteurs
et gloses ordinaires, et de faire une bible latine passablement correcte».
On a toutes les raisons de penser que certaines versions vernaculaires
approuvées par l'épiscopat en 1394 étaient l'œuvre de« wycliffites ». Ce
qui est en cause, dans l'optique du temps, est fondamentalement l'appareil
de gloses et notes accompagnant les manuscrits et reflétant un état
d'esprit contestataire mettant en cause les institutions ecclésiastiques. De
toute façon, il y avait une guerre de la Bible et il ne faut pas s'étonner de
constater que l'Ecriture n'ait pas figuré en tête des programmes de
Caxton, promoteur de l'imprimerie en Angleterre au xve siècle. C'est à
l'heure de la Réforme que l'imprimerie se mettra au service de la Bible
dont, plus tard, sur ordre d'Elizabeth I, un exemplaire sera présent dans
chaque paroisse du pays.
La Bible vernaculaire va devenir le rempart et l'arme des Lollards.
La persécution des Lollards, poursuivie sous le règne d'Henry V, est
encore ravivée par le Concile de Constance. La prédication - basée sur
l'Ecriture mise à la portée du peuple - se poursuivra non plus en plein
air, mais dans le secret de réunions clandestines. Le témoignage d'ecclé-
siastiques tels que l'archevêque Chichele permet de penser qu'en 142.8
en tout cas, la prédication clandestine est encore florissante. Les destinées
des versions wycliffites, confondues avec celles des Lollards, sont
masquées par les bouleversements du xve siècle où les derniers épisodes
de la guerre de Cent ans s'enchaînent avec la guerre des Deux-Roses. Si
l'on a la trace de survivances de versions vernaculaires à la fois du côté
Lollard et du côté orthodoxe, ainsi que nous l'avons vu plus haut dans
les écrits de Thomas More, l'heure n'était certainement plus à la pro-
motion des traductions bibliques, et ce jusqu'au règne d'Henri VIII et
aux versions tudoriennes qui n'appartiennent pas au Moyen Age.
n faut dire, en conclusion, que c'est l'esprit des traductions wyclif-
fitesll plutôt que le matériau même de ces traductions, qui influencera
les destinées de la Bible anglaise. Tyndale et Coverdale préconiseront et
mettront en pratique un retour aux sources, préparant la voie à l' Autho-
rized Version de 1611, pilier protestant de la religion, de la culture et de
la langue en Angleterre.
Micheline LARÈS.
8. OrLoH, De Cursuspirihtali, J; PL, r4l, 146 cité par J. LECLERCQ (9], p. 152.
9· RJ:cHâ (73), pp. 185-186.
xo. Ibitl., pp. 339 et s.
Etudier la Bible 14~
II. LECLERCQ (9), passim, de LUBAC (II), 1, 2, p. 586 et J. VERGER dans Bernard-
Abelard oule Cloitre el/'éçOie, Paris, 1982, pp. 148 et s.
u. Philippe de HAaVENGT, Epi.st., PL, 20J, 58, cité par J. LECLERCQ [9), p. 187.
13. CHENU [So], p. 323.
146 Le Moyen Age et la Bible
Instruments de travail
et méthodes de l'exégète
à l'époque carolingienne
CULTURE PRÉPARATOIRE
« INTRODUCTORES » ET « EXPOSITORES ))
Introductores
le plus célèbre est celui d' Adamnan de Jona, De locis sanctis, rédigé à la
fin du vue siècle à partir de notes que lui avait fournies l'évêque Arculf
après son pèlerinage en Terre sainte27• Bède le Vénérable avait lui aussi
composé un traité de géographie biblique (Liber de locis sanctis) et y
avait ajouté un ouvrage d'onomastique tiré des Actes des Apôtres,
Liber regionum atque locorllm de actibus apostolorum28 • Pour l'histoire du
peuple juif, l'exégète disposait du livre de Joseph, Antiquitésjlldaïques29,
et de celui d'Eusèbe de Césarée traduit par saint Jérôme. A la suite
d'Augustin, d'Isidore et de Bède, Claude de Turin établit une chronologie
biblique où il présentait les grandes étapes de l'histoire du monde depuis
la créationao. Les différents personnages bibliques étaient signalés dans le
traité d'Isidore : Liber de orlu et obitum patrum, ou dans l'ouvrage ano-
nyme, sans doute irlandais, Liber de ortu et obitu patriarcarum31, et dans
le pseudo-Bède, Interpretatio nominum hebraicorum32• On trouvait dans
l'Hexameron de saint Ambroise ou dans le Physiologus latinsa la significa-
tion du nom des animaux et des plantes, tandis que la valeur symbolique
des nombres était expliquée par le Liber numerorum d'Isidore de Séville
mais aussi par le traité De numeris attribué faussement à Isidore et qui
venait sans doute des milieux irlandais84•
Expositores
et Grégoire jouissent du plus grand crédit. Parmi eux, il faut faire une
place particulière à Grégoire dont tous les savants du haut Moyen Age
connaissent l'œuvre et particulièrement les Mora/ia in Job 38• En dehors
des quatre docteurs de l'Eglise Origène est très souvent cité et parti-
culièrement apprécié par Claude de Turin et Raban Maur. Enfin Bède,
dont l'œuvre exégétique annonce celle des Carolingiens, apparaît, pour
reprendre le mot de Notker, comme « un nouveau soleil surgi de l'Occi-
dent pour illuminer toute la terre ».
L'œuvre des Pères est si vaste qu'on la connaît souvent par des
extraits tels ceux que Paterius avait faits à partir des ouvrages de Grégoire
le Grand37, des extraits des Moralia in Job composés par l'Irlandais
Lathcen38. Des Des britanniques proviennent le De luminaribus ecclesiae
du pseudo-Bède39 et les excerptiones Patrum regroupent plusieurs commen-
taires patristiques. On trouve également des extraits sous d'autres formes:
les uns suivent l'ordre des livres des Ecritures, les autres sont organisés
par thèmes doctrinaux en Sententiae comme l'avait fait Isidore de Séville
et Julien de Tolède. Les Carolingiens, dont le goût pour les florilèges a
été souvent remarqué, composent eux aussi des extraits de commentaires
scripturaires tels les Collectiones in Epistolas et Evangelia de Smaragde de
Saint-Mihiel40 et le Florilegium ex sacra scriptura que Prudence de Troyes
écrit pour aider ceux qui s'apprêtent à recevoir les ordres sacrés41.
A leur tour les Carolingiens ont été des expositores et, en s'appuyant
sur les Pères et le plus souvent en les imitant, ils ont multiplié les commen-
taires de l'Ecriture. Les tableaux établis à partir du répertoire de
Stegmüller permettront de nous rendre compte de l'importance de leur
œuvre exégétique.
ANCIEN TESTAMENT
Genèse.
Alcuin (n. ro84-1o85), Angelome de Luxeuil (n. 1334), Bède (n. 1598),
Pseudo-Bède (n. 1652), Rémi d'Auxerre (n. 7094), Raban Maur (n. 7021).
Exode.
Bède (n. 1602), Pseudo-Bède (n. 1648), Raban Maur (n. 7ozz.).
Uvitique.
Pseudo-Bède (n. 1649 et 1656), Claude de Turin (n. 1951), Raban Maur
(n. 7024), Walafrid Strabon (n. 8319).
Nombres.
Pseudo-Bède (n. 165o-16p), Raban Maur (n. 7025).
Deutéronome.
Pseudo-Bède (n. 1658), Raban Maur (n. 70z.7)·
Josué.
Pseudo-Bède (n. 1659), Claude de Turin (n. 195z.), Raban Maur (PL,
roS, 999-noS).
Juges.
Pseudo-Bède (n. 166o), Raban Maur (n. 7031).
&th.
Pseudo-Bède (n. 1661), Raban Maur (n. 7o;z.).
Rois.
Bède (n. 16o;-16o6), Pseudo-Bède (n. 166z.), Angelome de Luxeuil
(n. 1335-1338), Claude de Turin (n. 1954-1955), Raban Maur (n. 7033-
7036), Théodémir de Psalmodi (n. 7976).
Chroniques.
Raban Maur (n. 7037).
Esdras et Néhémie.
Bède (n. 1607).
Tobie.
Bède (n. 16o8).
Judith.
Raban Maur (n. 7038).
Esther.
Raban Maur (n. 7039).
Job.
Aucun commentaire.
Psaumes.
Alcuin (n. 1o88-1o9o), Florus de Lyon (n. z.z.74), Paschase Radbert
(n. 6z.61), Prudence de Troyes (n. 7016), Rémi d'Auxerre (n. 7z.x1),
Walafrid Strabon (n. 8;z.4).
Proverbes.
Bède (n. 1609-1668).
Etdésiaste.
Alcuin (n. 1093).
Cantique des Cantiques.
Alcuin (n. 1091), Angelome de Luxeuil (n. 1339), Bède (n. 161o),
Haimon d'Auxerre (n. ;o65-3079), Hincmar de Reims (n. ;s6z.).
Sagesse.
Bède (n. 1674), Pseudo-Bède (n. 1065-1o66), Raban Maur (n. 7052.).
Btdésiastique.
Bède (n. 1675), Raban Maur (n. 7053).
Isaïe.
Bède (n. 16n), Joseph Scot (n. 5146), Raban Maur (n. 7053), Rémi
d'Auxerre (n. ;oS;).
Jérémie.
Raban Maur (n. 7054).
1 56 Etudier la Bible
Lamentations.
Paschase Rad bert (n. 62.62.), Raban Maur (n. 705 5).
Ezéchiel.
Raban Maur (n. 7056).
Daniel.
Raban Maur (n. 7057).
Petits prophètes.
Rémi d'Auxerre (n. 3070 et 308 8).
Habacuc.
Bède (n. 1612.).
Maccabée.
Raban Maur (n. 7058 et 7059).
NouvEAu TESTAMENT
Matthieu.
Pseudo-Alcuin (n. 111o), Pseudo-Bède (n. 1678 et 7061), Christian
de Stavelot (n. 192.6), Claude de Turin (n. 1958), Florus de Lyon (n. 2.2.75),
Paschase Radbert (n. 62.63), Rémi d'Auxerre (n. 72.2.6), Raban Maur
(n. 7o6o), Sédulius Scotus (n. 7603), Walafrid Strabon (n. 832.6).
Marc.
Bède (n. x613), Sédulius Scotus (n. x6o4).
Luc.
Christian de Stavelot (n. 192.7), Sédulius Scotus (n. 7605).
Jean.
Alcuin (n. 1096), Pseudo-Bède (n. 168o), Christian de Stavelot (n. 192.8),
Florus de Lyon (n. 2.2.75), Jean Scot (n. 4959).
Actes des Ap8tres.
Bède (n. 1615 et 1616), Pseudo-Bède (n. 1682.).
Epître aux Romains.
Claude de Turin (n. 1959), Florus de Lyon (n. 2.2.77 et 692.o), Haimon
d'Auxerre (n. 3071, pox, 3114), Raban Maur (n. 7064), Sédulius Scotus
(n. 76o8).
Epitre aux Corinthiens.
Claude de Turin (n. 1960, 1961), Florus de Lyon (n. 692.1, 692.2),
Haimon d'Auxerre (n. 3071, 3101, 3114), Raban Maur (n. 7065, 7066),
Sédulius Scotus (n. 7609, 7610).
Epître aux Ga/ales.
Oaude de Turin (n. 1962.), Florus de Lyon (n. u8o, 692.3), Haimon
d'Auxerre (n. 3071, 3104), Raban Maur (n. 7067), Sédulius Scotus (n. 7616).
Epître aux Ephésiens.
Claude de Turin (n. 1963), Florus de Lyon (n. 2.2.81 et 692.4), Haimon
d'Auxerre (n. 3071 et 3105), Raban Maur (n. 7o68), Sédulius Scotus
(n. 7612.).
Epître aux Philippiens.
Florus de Lyon (n. 2.2.82. et 692.5), Haimon d'Auxerre (n. 3 xo6, 3 xox
et 3114), Raban Maur (n. 7069), Sédulius Scotus (n. 7613).
Méthodes de l'exégèse carolingienne 1 57
« QuAESTIONES » ET « RESPONSIONES »
44· G. BARDY, « La littérature des quaestiones et responsiones sur l'Ecriture sainte >>,
dans RB, 1932, pp. 216-236 et 341-369.
4S. Antikeimon hoc e.rt contrapo.ritorum .rive contrariorum in .rpeciem utriu.r(/114 Te.rtamenti /ocorum,
PL, ')6, s87-704.
46. Sur l'auteur de cet ouvrage cf. J. N. Iiu.LGARTH, «The position oflsidorian Studies:
A critica.l review of the literature since 193S »,dans I.ridoriana, Leon, 1961, pp. 3o-31.
47· Ed. Mc NALLY, CC, 108 B, 1973·
48. STEGMÜLLER [17], II, 1648, 16s6 à 16s8.
49· PL, 16, 1347.
Méthodes de l'exégèse carolingienne I 59
Pourquoi dans la vision qui apparalt à Moïse dans le désert est-ce tantôt
l'ange, tantôt Dieu qui est nommé?» Le dialogue qui s'engage utilise
saint Augustin, saint Jérôme, Bucher, etc. 50• Le Wisigoth Claude de
Turin répond à trente quaestiones que lui avait posées l'abbé Théodémir.
Son compatriote Agobard de Lyon répond aux objections de l'Anglo-
Saxon Frédegise dans un traité qui mériterait lui-même une étude51.
Scrutant l'Ecriture, posant des questions et tentant d'y répondre,
l'exégète carolingien s'engage dans la voie de la spéculation théologique.
La théologie carolingienne, première manifestation encore modeste de
la théologie médiévale, est née de la redécouverte de la dialectique et de
l'étude plus approfondie de la Bible et des commentaires patristiques.
Paschase Radbert et Ratramne de Corbie, lorsqu'ils traitent l'un de l'en-
fantement du Christ par la Vierge, l'autre de la naissance du Christ et
lorsque tous les deux exposent leurs idées sur l'Eucharistie, utilisent
leur solide connaissance de la Bible62 • Gottschalk d'Orbais, même s'il
est plus grammairien que théologien, comme l'a montré Jean Jolivet,
connalt bien l'Ecriture comme en témoignent plus de deux mille
citations de l'Ancien et du Nouveau Testamen~. Jean Scot Erigène,
le premier des grands théologiens médiévaux, part lui aussi de l'Ecriture,
cette forêt profonde aux branchages innombrables, cette mer immense,
cet abîme insondable qui offrent une gamme de sens aussi nombreux
que les couleurs de la queue du paon54• Le travail de l'intellectuel chrétien
est d'interpréter le donné révélé : « Le Saint-Esprit, dit l'Irlandais, a
déposé dans le texte sacré un nombre infini de sens, c'est pourquoi
l'interprétation d'aucun commentateur ne détruit celle des autres pourvu
qu'elle s'accorde avec la saine foi et la profession catholique »55 • Mais
l'intellectuel doit utiliser la raison que Dieu a mise en l'homme : « Il
n'est point de salut pour les âmes fidèles si ce n'est de croire aux vérités
qui leur sont enseignées ... et de saisir par l'intelligence les vérités qu'elles
croient »56 • Dieu qui s'est manifesté dans les Saintes Ecritures demande
de nous un effort : « C'est à la sueur de son front que la raison de l'homme
doit manger son pain, c'est-à-dire cultiver la terre des Saintes Ecri-
tures couverte pour elle d'épines et de ronces c'est-à-dire de la subtile
50. PL, ~6, uo5; cf. M. M. GoiWAN, « The Encyclopedie Commentary on Genesis
prepared for Charlemagne by Wigbod >>, dans Rech. Allg., 1982.
51.a. J. CHATILLON,« Isidore ct Origène. Recherches sur les sources et l'influence des
Q111stionu in tJeter• Testammto d'Isidore de Séville», dans Mélanges A. Robert, 1957, pp. 537-
547; AGOBARD, Liber contra objectioMs Fredegisi.r, PL, ro4, 159-174-
52. J.-P. Bouuor, RatramM de Corbie, Paris, 1976, pp. 5o-57.
H· Dom L.uœor, Introduction à l'édition des a1111res théologiques et grammaticales, Louvain,
1945, et J. JoLIVET, Godescalç d'Orbais et la Trinité. La méthode de la théologie à l'époque carolin-
gienne, Paris, 1958.
54· Sur ces différentes images, cf. de LUBAC [n], 1, 1, pp. II9 et s.
55· Periphyseon, m, Z4, PL, I22, 690·
56. Ibid., col. 556.
1 6o Etudier la Bible
complexité des pensées divines »67 • Reconnaissons que Jean Scot, dans
le Periphyseon ou dans le commentaire qu'il fit sur saint Jean, a bien
rempli, non sans risques, le programme qu'il s'était assigné.
La Bible
dans les écoles du XIr siècle
ECRITURE ET ÉCOLE
à des époques fort éloignées les unes des autres, appartenant aux genres
littéraires les plus variés. On peut regretter que son emploi généralisé
ait affaibli en nous le sentiment de cette diversité et plus encore celui de
cette densité hlstorique, religieuse et spirituelle que la série des livres
saints porte en elle. Le vocabulaire médiéval, sur ce point, était plus
riche, plus abondant et plus suggestif. Voyons par exemple, sans chercher
à préciser toutes les nuances que leur diversité recouvre, les termes que
saint Anselme de Cantorbéry employait le plus couramment, à la fin
du xre siècle, et dont la liste a été établie par S. Tonini1. Comme beaucoup
d'autres, Anselme parle parfois des « saints livres » ( sacri libri, sacri
codices), des « livres divins » ( divini libri). Il emploie plus souvent les
expressions de sacra pagina, autentica pagina, auctoritas divina, auctoritas
sacra ou simplement auctoritas. Mais le mot qui revient le plus fréquem-
ment sous sa plume est celui d' « Ecriture >> ( scriptura), accompagné le
plus souvent d'épithètes qui formeront avec lui ces expressions, si
courantes dans la littérature biblique ou théologique, dont nos langues
modernes n'ont d'ailleurs pas perdu le souvenir : sacra scriptura, sancta
scriptura, divina scriptura.
D'autres expressions cependant, même si elles sont plus rares,
doivent nous arrêter. Ce sont celles où la notion de parole est substituée
à celle d'écriture. Dans un langage, où l'on découvrirait peut-être
quelques résonances juridiques, Anselme parle en effet, à diverses reprises,
des divina dicta ou des canonica dicta. Ce que nous fait connaître l'Ecriture,
ce sont donc les« dits » de Dieu, des« dits» qu'on peut appeler cano-
niques, parce qu'ils ont été reconnus comme authentiques, comme
émanant véritablement de Dieu, comme pourvus dès lors de cette autorité
irrécusable qui s'impose au croyant. Ailleurs, et mieux encore, invitant
l'homme à prêter attention aux enseignements de l'Ecriture et à les faire
fructifier au-dedans de lui, Anselme se souvient de la parabole du
semeur, pour rappeler, avec l'Evangile (Luc, 8, 11), que cette semence
qui tombe dans le cœur de l'homme, c'est la parole de Dieu: verbum Dei.
Anselme se fait ici l'écho d'une affirmation à laquelle la tradition chré-
tienne avait toujours été attachée et selon laquelle l'Ecriture est une
parole vivante. On y trouve en effet, disait déjà saint Augustin, les
eloquia Dei, « sortant sans cesse de la bouche même de Dieu », et les
paroles même du V erbe : Verba Verbi 2•
Cette conviction que l'Ecriture était une parole, celle des Prophètes
ou celle des Apôtres, mais aussi celle de Dieu lui-même, posait un
problème d'herméneutique. S'il y a en effet une relation étroite entre la
parole et l'écriture, il y a aussi entre elles une distance. La parole est en
effet première. Elle est aussi plus expressive, beaucoup plus apte à
transmettre un message signifiant, à atteindre l'auditeur attentif, sans
autre médiation que celle des sons que la voix émet et que l'oreille
recueille. C'est elle qui établit, entre celui qui parle et celui qui écoute,
une relation vivante, un échange, une communication qui leur permet
de se reconnaître et de se savoir présents l'un à l'autre. L'écriture, en
revanche, comme on l'a souvent remarqué, met la parole dans une
situation équivoque. Sans doute a-t-elle l'avantage de :fixer et de péren-
niser en quelque manière la parole, de permettre de la retrouver. Mais,
d'une certaine manière aussi, elle la trahit et s'oppose à elle. Au discours
qu'elle veut reproduire elle impose ses règles, ses normes et ses limites.
Elle fait écran entre les deux interlocuteurs. Les pièges de l'écriture sont
plus dangereux encore lorsqu'il s'agit de l'Ecriture divine, de cette
écriture dont l'ambition est de transmettre les paroles ineffables de Dieu.
ll n'y a aucune proportion entre les moyens d'expression dont dispose
l'écriture humaine et le message indicible qu'elle voudrait faire connaître.
Pour tenter de franchir cette distance infranchissable, le croyant doit
donc adopter des attitudes et des comportements spécifiques. L'antique
lecture de l'Ecriture, la lectio divina, le savait déjà. Elle n'avait jamais été
une lecture comme les autres. Effectuée dans le silence ou au sein de la
fonction liturgique et en relation étroite avec elle, elle devait déboucher
sur la méditation et la prière. Elle était une expérience, enrichie elle-
même par l'expérience des communautés chrétiennes et par celle des
saints qui avaient indéfiniment lu, relu et médité les mêmes textes. C'est
dans un tel environnement que la recherche des différents sens de
l'Ecriture prenait toute sa signification et se prêtait à des développements
dont les écrits des Pères et des anciens commentateurs avaient donné
auparavant l'exemple.
Des méthodes d'approche différentes allaient pourtant apparaître
dans les écoles et, bien que les médiévaux ne se soient pas toujours posé
la question sous une forme aussi radicale, certains ne s'en étaient pas
moins demandé jusqu'à quel point elles étaient légitimes. Id encore, les
problèmes de vocabulaire ne peuvent être négligés. Le mot grec scholé,
et son équivalent latin schola, servaient à désigner, primitivement, un
temps de loisir ou de repos, et par suite un temps donné aux travaux de
l'esprit ou à la vie spirituelle. Si le mot école avait conservé cette signifi-
cation première, on n'aurait sans doute éprouvé aucune difficulté à faire
de l' « école >>, ainsi comprise, le temps le plus propice à la lecture et à la
méditation de l'Ecriture, à l'écoute de la Parole. A quelle occupation
plus convenable le croyant aurait-il pu occuper en effet son loisir, cet
otium que les poètes latins avaient souvent célébré et dont la tradition
chrétienne avait transfiguré le sens ? Le mot schola pouvait d'ailleurs
désigner aussi, dans la langue militaire, un groupe, une armée, ou
encore, dans la langue ecclésiastique, un groupe de moines ou de clercs.
Les écoles du XJ[e siècle 167
5· D1 àit~~rsù, 40, x, et 121 (PL, riJ, 647 A et 743 B; éd. LECLBRCQ-RocHAis, VI, x,
pp. 234 et 398). D'autres textes ont été cités par G. de MARTEL, dans Pieire de Cm.LB, L'kok
du ç/oltre (« Sources chrétiennes», 240), Paris, 1977, pp. uo-ux, n. 2,
168 Etudier la Bible
L'ÉCOLE nu BEc
dans son De corpore et sanguine Domini qu'il n'avait jamais désiré traiter
les « questions dialectiques » posées à ce propos par les textes de l'Ecri-
ture ou leur apporter une solution (PL, IJO, 417 A), il n'en a pas moins
reconnu, dans son commentaire de la Première Epître aux Corinthiens
(PL, IJO, 323 B), qu'il ne condamnait pas la dialectique, mais l'usage
pervers que certains en faisaient.
De fait, sans introduire encore des « questions » théologiques propre-
ment dites, on le voit s'efforcer d'établir le sens exact de certains mots et
noter les diverses significations qui leur sont données par l'Apôtre13•
TI cherche surtout à faire ressortir non plus seulement ce que saint Paul
veut affirmer, mais ce que celui-ci veut « démontrer» ou« prouver ».
TI tente aussi de reconstruire l'enchaînement des propositions et lorsque
celui-ci ne lui paraît pas suffisamment clair, il n'hésite pas à développer
son commentaire en faisant appel au vocabulaire dialectique des écoles
et en recourant à des expressions ou à des mots tels que a simili, a minori,
a causa, responsio, assumptio, inductio, a contrario, conclusio a simili, etc. 14• Il
soumet de la sorte le texte qu'il veut expliquer à un véritable traitement
dialectique, encore sommaire sans doute, mais annonciateur déjà des
méthodes et des techniques qui allaient bientôt se développer et se
répandre.
Le plus grand titre de gloire de Lanfranc, pourtant, est d'avoir su
faire de l'école du Bec un établissement prestigieux : magnum et famosum
litteraturae gymnasium, dira Guillaume de Malmesbury15• Sa renommée
avait en effet attiré des étudiants qui allaient bientôt connaître eux-mêmes
une grande notoriété. Le plus célèbre de tous est saint Anselme (t 1 109),
venu en 1o6o en cette abbaye du Bec dont il deviendra prieur puis abbé,
jusqu'à son élévation au siège archiépiscopal de Cantorbéry en 1093.
Anselme, il est vrai, n'est pas un exégète. Le commentaire des Epîtres
de saint Paul qui avait été imprimé sous son nom, au xvre siècle, a été
restitué depuis longtemps à Hervé (t I I 5o), moine de l'abbaye bénédic-
tine de Bourg-Dieu (PL, I3z, 591-692.). On n'a donc conservé de lui
aucun ouvrage biblique. Mais il connaît parfaitement l'Ecriture. II la
cite fréquemment, dans ses écrits spirituels ou dans ses lettres. Son
style, son vocabulaire, sa manière de penser et d'écrire, dans ces ouvrages,
témoignent d'une familiarité avec les livres saints qu'une lecture assidue
et une méditation constante, jointes à la célébration quotidienne de
l'office divin, peuvent seules expliquer. Guibert de Nogent (PL, I }6,
874 D) nous apprend d'autre part qu'il initiait ses élèves à l'étude de
l'Ecriture, et que, selon l'usage des écoles de ce temps, il leur apprenait à
y distinguer « un triple ou un quadruple sens ».
16. MOIIfJiogion, Prol., éd. 5CHMI1T, vol. 1, p. 7; trad. P. RousSEAu, Paris, 1947, p. 71.
17. Epi.rt. Je lnçarnat., éd. ScHMilT, vol. II, p. zo, 1. 16-19.
172. Etmlier la Bible
nouveau, les commentaires des deux livres qui seront le plus souvent
glosés et expliqués, tout au long du xne siècle, qu'il existe entre ces deux
expositions des ressemblances souvent remarquées et que toutes deux
procèdent selon des méthodes dont l'origine scolaire et la nouveauté
méritent de retenir l'attention.
Le Commentaire sur les Psaumes (PL, IJ2, 63J-14zo) s'en tient encore,
pour l'essentiel, aux méthodes traditionnelles de l'exégèse allégorique et
morale en honneur durant le haut Moyen Age. li recourt cependant aussi
à des procédés qui viennent certainement des écoles. C'est ainsi que dans
son Prologue, pour définir la nature des enseignements qu'il va demander
au livre des Psaumes, l'auteur évoque une classification des sciences,
héritée de la philosophie grecque, qu'Origène, saint Ambroise et Jean
Scot Erigène avaient déjà citée dans des conditions analogues et que
d'autres, au xne siècle, utiliseront à leur tour, avec quelques variantes20.
li explique, en effet, que les livres de la Genèse et de l'Ecclésiaste se rap-
portent à la physique parce que le premier traite de l'origine du monde et
qu'il est question, dans le second, de la nature et des propriétés des
choses. Se souvenant probablement, par la suite, des Morales sur Job
de saint Grégoire le Grand, il considère que le livre de Job se rapporte à
l'éthique, alors que le Cantique des Cantiques, qui traite des plus sublimes
mystères de Dieu, relève de ce que les anciens appelaient la science
théorique, la theorica. Ces considérations de caractère général sont desti-
nées à justifier l'interprétation, très traditionnelle au demeurant, que le
commentateur va proposer du livre qu'il explique, interprétation qu'on
retrouvera souvent chez d'autres. Bien que quelques psaumes traitent
de questions relevant de l'éthique, écrit-il, la plupart d'entre eux se
rapportent à la science théorique, parce qu'ils ont principalement pour
objet le mystère de l'Incarnation et les actions du Christ. C'est donc une
interprétation christologique du livre qui nous sera donnée.
Mais on trouvera une preuve plus manifeste encore du caractère
scolaire de ce commentaire dans le fait que l'auteur y introduit des
« questions ». Le procédé n'était pas absolument nouveau, puisqu'il
apparait déjà, au xxe siècle, dans les commentaires attribués à Haimon
d'Auxerre11. Mais il était encore peu courant et ne devait se développer
vraiment qu'au cours du xne siècle. La Quaestio était née tout naturelle-
ment de la lectio. Lorsqu'un texte ou une « sentence » de l'Ecriture
prêtait à discussion du fait de la présence, soit dans le texte lui-même,
soit dans les commentaires anciens, de formules, d'opinions ou d'inter-
prétations divergentes, le maitre et ses élèves tentaient de surmonter
leurs perplexités. C'était l'occasion d'une brève discussion où la dialec-
A. M. LANDGR.AF, ibid.
2:1..
23. Ibid., p. 47·
24. Ibid., p. 25.
zs. a. c. SPICQ [16], p. 104·
z6. « Untersuchungen zu den Paulinenkommentaren des u. Jahrhunderts », dans
RTAM, 8 (1936), p. z67.
Les écoles du XIIe siècle 17 5
proposer enttn des solutions, souvent rédigées sous forme de« sentences».
Anselme de Laon n'a jamais cessé de pratiquer cette méthode. On a
donc pu dire de lui qu'il n'avait« fait qu'une chose dans tout son ensei-
gnement: commenter la Bible »28• Abélard, il est vrai, venu entendre les
leçons d'Anselme, a vivement critiqué sa méthode. Il a exprimé son
dédain pour l'effort de recherche érudite auquel se livraient les maitres
et les étudiants de Laon29• Mais ces injustes reproches méconnaissent
l'importance et la qualité de l'effort accompli à Laon, sous l'impulsion
d'Anselme, pour donner un statut scientifique à l'exégèse biblique,
efforts dont témoignent les nombreux commentaires qui sont issus de
cette école.
La plupart de ces ouvrages, malheureusement, posent de délicats
problèmes d'attribution. Les manuscrits nous en font en outre souvent
connaître des rédactions différentes. Celles-ci témoignent de l'utilisa-
tion scolaire qui a été faite de ces explications, indéfiniment remaniées,
retouchées, abrégées ou développées suivant les circonstances et les
besoins de l'enseignement. Dans ces conditions, il n'est même pas
possible de reconstituer d'une manière satisfaisante l'œuvre exégétique
d'Anselme de Laon. L'authenticité du Commentaire des Psaumes que
A. Wilmart avait cru pouvoir lui restituer, on l'a vu, est aujourd'hui
rejetée30 • Il en va différemment du Commentaire du Cantique des Can-
tiques qu'on lui a souvent attribué. La version qu'en ont reproduite
les éditions (PL, Io2, 1187-IZ28) n'est certainement pas de la plume
de l'écolâtre de Laon. En revanche, les recensions qu'on en trouve
dans les manuscrits se présentent dans de meilleures conditions. Sur
cinq manuscrits repérés par Dom Jean Leclercq, en effet, trois attri-
buent l'ouvrage à Anselme, deux autres à son frère Raoul qui fut,
on le sait, son intime collaborateur31• L'ouvrage, en tout cas, dépend
certainement de l'école de Laon et retient l'attention. On a affaire ici,
en effet, à un livre de l'Ancien Testament très souvent commenté,
lui aussi, au xne siècle, mais alors que l'exégèse d'inspiration monas-
tique reconnaissait le plus souvent l'âme fidèle dans l'épouse du Can-
tique, le commentaire issu de l'école de Laon, qui distingue lui aussi
la materia, le modus et l'intentio ou la finis du livre qu'il veut expliquer,
nous en donne une interprétation ecclésiologique et voit dans l'époux
et l'épouse dont il célèbre l'union la figure du Christ et de l'Eglise.
Il renoue ainsi avec une interprétation dont l'origine remonte à l'époque
patristique et que d'autres commentaires reprendront par la suite.
L'authenticité des commentaires de l'Evangile de saint Matthieu et
L'ÉCOLE DE SAINT-VICTOR
35· Cf. J. W. BALDWIN, Masters, PriMes and Merçhants: The soçia/ Views of Peter the
Chanter and his Cirde, Princeton, NJ, 1970, vol. I, p. 9.1 :«At Paris, the foremost center of
Scriptural study, was the abbey school of Saint-Victor. »
36. SMALLEY [15], p. 196 :«The Victorines, being both ç/IIJIStrales and sçholares, were able
to transmit the old religious exercise from the cloister to the school. »
Les écoles du XIIe siècle 179
velée de l'Ecriture, aussi bien les richesses que la tradition lui avait
transmises que les progrès réalisés par les arts libéraux. Considéré
par ses contemporains comme le premier théologien de son temps
et comme un« nouvel Augustin», il est l'auteur d'une œuvre exégé-
tique dont l'importance a été souvent remarquée. Parmi tous les écrits
qu'il nous a laissés, en ce domaine, il faut mettre au premier rang les
deux traités qu'il a consacrés à l'étude de l'Ecriture et à son interpré-
tation, le Didascalicon et le De scripturis et scriptoribus sacris. Le Didas-
calicon est un traité de méthodologie, de pédagogie et d'herméneutique.
On y a vu, non sans raison, une « refonte complète » du De doctrina
christiana de saint Augustin37• Le sous-titre de ce traité, De arte legendi,
nous apprend qu'il est aussi un « art de lire », c'est-à-dire, si l'on se
souvient des significations que revêtent les mots legere et lectio, un
art d'enseigner. Les trois premiers livres du Didascalicon traitent d'abord
des« écritures profanes», c'est-à-dire de tous les livres qui se rapportent
aux arts libéraux ou aux sciences humaines et dont la « lecture » est, elle
aussi, nécessaire. « Apprends tout, dit Hugues à son disciple, et tu
verras ensuite que rien n'est superflu »38 • Toutes les sciences sont en
effet utiles, non seulement pour parvenir à la sagesse, mais aussi pour
comprendre les « écritures divines » dont s'occupent les trois derniers
livres.
Ces « écritures divines » se distinguent des écritures profanes par
leur origine, par le but qu'elles se proposent et par la« matière» dont
elles traitent39 • Par leur origine, car c'est l'Esprit-Saint lui-même qui
les a inspirées et ceux qui nous les ont données écrivaient sous son
action; par le but qu'elles se proposent, car elles contribuent à restaurer
en l'homme la ressemblance divine perdue par le péché en lui appre-
nant à connaitre et à aimer Dieu; par la matière dont elles traitent,
parce que, à la différence des écritures profanes qui ne parlent que
de« l'œuvre de la création» (opus creationis}, elles s'occupent de« l'œuvre
de notre rédemption » (opus restaurationis) : leur véritable objet n'est
autre, finalement, que« le Verbe incarné et ses sacrements», c'est-à-dire
ses mystères 40•
La notion d' « écriture divine », de scriptura sacra, a cependant chez
Hugues une extension beaucoup plus large que celle que nous lui
reconnaissons habituellement. Elle recouvre d'abord, bien entendu,
l'Ancien Testament, subdivisé lui-même en trois « ordres » : la Loi,
les Prophètes et les Hagiographes, l'énumération détaillée des livres
mettant pourtant à part, à la suite de saint Jérôme, mais à la différence
juifs50 • C'est ainsi que dans ses Notes sur le Pentateuque, sur les Juges
et sur les Rois, on remarque un recours direct à l'hébreu pour expliquer
le sens de certains mots, et Miss B. Smalley pense que les maîtres ainsi
consultés par Hugues appartenaient à une école d'exégèse rabbinique
du nord de la France fondée peu auparavant par le célèbre Rashi, décédé
en 1105 51 • Pour faciliter d'autre part à ses disciples la recherche du
sens « historique », et sans doute aussi pour aiguiser leur sens critique
ou les aider à éviter de lourdes erreurs d'interprétation, Hugues a
voulu mettre à leur disposition des instruments de travail qui leur
permettraient d'aborder avec plus d'assurance l'histoire biblique pro-
prement dite. Il a donc composé à cet effet un Chronicon, intitulé aussi
De tribus maximis circumstantiis. L'ouvrage contient des tableaux chro-
nologiques mettant en rapport les événements de l'histoire biblique
avec ceux de l'histoire profane. A l'exception de la préface et de quelques
rares passages52, ce recueil est demeuré inédit, mais Richard de Saint-
Victor devait plus tard l'utiliser pour rédiger un manuel d'études
bibliques sur lequel nous reviendrons.
L'explication allégorique des livres saints est souvent présente dans
les commentaires bibliques de Hugues. Elle apparaît davantage, pour-
tant, dans ses traités de caractère proprement théologique et notam-
ment dans son célèbre De sacramcntis (PL, IJ6, 174-618). Les « sacre-
ments » ne sont autre chose ici, pour Hugues, que les mystères de la
foi. Son ouvrage n'est donc pas un ouvrage d'exégèse. C'est une somme
de théologie qui a pour ambition d'exposer le dogme chrétien dans sa
totalité, mais de l'exposer dans le cadre de ces interprétations allégo-
riques dont son Didascalicon avait dit toute l'importance. Dès les pre-
mières pages de ce De sacramentis, en effet (col. 183-184), l'auteur nous
informe que si dans un précédent ouvrage, qu'il faut identifier avec
son Chronicon, il a rassemblé des indications érudites se rapportant à
une lecture « historique » de l'Ecriture, il veut maintenant que ce second
ouvrage soit une introduction à une lecture allégorique. C'est au nom
et comme sous la couverture de cette lecture allégorique qu'il pourra
alors exposer les mystères de la foi en adoptant, comme principe de
division, le double thème de la création et de la rédemption de l'homme
auquel il est toujours demeuré attaché.
Quant au sens tropologique ou moral, Hugues de Saint-Victor
l'a souvent recherché, lui aussi, soit dans des commentaires bibliques,
soit dans des opuscules spirituels dont nous savons aujourd'hui qu'ils
ont été, de tous ses ouvrages, ceux qui ont connu le plus de succès et
qui ont été le plus souvent recopiés. Tous les livres de l'Ecriture peu-
vent se prêter à cette sorte d'explication. Dans ses Homélies sur l'Ecclé-
siaste (PL, IJJ, 113-z~6), cependant, Hugues attire plus particulière-
ment notre attention sur trois d'entre eux, les Proverbes, l'Ecclésiaste
et le Cantique des Cantiques, que Salomon, selon lui, aurait consacrés
aux trois étapes de la vie spirituelle. Le premier traiterait donc de la
méditation qui est une sorte de combat de la science contre l'ignorance,
le second du premier degré de la contemplation et le troisième de ses
degrés les plus élevés (op. cit., 117-nS). C'est donc du premier degré
de la contemplation, celui où l'âme parvient à la vision de la vérité,
que Hugues traitera lui-même dans son explication de l'Ecclésiaste.
Mais il parle aussi de la méditation et de l'union de l'âme à Dieu dans
des opuscules dont l'inspiration biblique est constante. Un de ces
courts traités nous explique, semble-t-il, ce que Hugues pensait au
fond de lui-même de la nature de l'Ecriture, qu'il appelle un « grand
sacrement ». Elle est parole des hommes, en effet, mais cette parole
des hommes, c'est aussi la Parole unique du Verbe de Dieu : « Dieu
parle autrement par la bouche des hommes, écrit-il, autrement par
lui-même. Que Dieu en effet parle parmi les hommes par les hommes,
presque toute l'Ecriture de l'Ancien et du Nouveau Testament en
témoigne. Il parle donc par les hommes; il parle par lui-même : par
les hommes, de multiples paroles; par lui-même, une seule. Mais en
toutes ces paroles qu'il a proférées par les lèvres des hommes fut pré-
sente cette unique parole, et en son unicité toutes ne font qu'un : sans
elle, elles n'ont pu être proférées en quelque lieu ou temps que ce
soit »53 •
Les autres maîtres de l'école de Saint-Victor, après la mort de
Hugues, aborderont l'étude de l'Ecriture en s'inspirant des principes
et des méthodes que celui-ci avait préconisés. Une attention spéciale
doit être accordée, parmi les héritiers de la pensée de Hugues, à un
exégète sur lequel les travaux de Miss Beryl Smalley ont jeté une vive
lumière, André de Saint-Victor&'. Ce Victorin, qui devint par la suite
abbé du monastère de Wigmore, en Angleterre, où il mourut en IIJ5,
est un des plus grands représentants de l'exégèse scientifique du
xn 8 siècle. La plupart de ses commentaires bibliques sont encore inédits.
Mais ils font en ce moment même l'objet de recherches qui nous per-
mettront bientôt de les mieux connaître. Nous savons cependant, dès
maintenant, que dans ses explications de l'Ancien Testament, André
s'est inspiré des conseils relatifs à la recherche du sens littéral ou his-
B· De Verbo Dei, dans HuGUES de SAINT-VICTOR, Six opuscules spirituels, Introd., trad.
et notes deR. BARON(« Sources chrétiennes», 155), Paris, 1969, p. 61.
H· Cf. B. SMALLEY [15], pp. IIZ-195· Un commentaire d'ANDRÉ sur l'Ecclésiaste a été
publié par G. CAI.ANDRA, De hi.rtorita Andreae Vittorini expositione in &rlesia.rten, Palenne,
1948.
184 Etudier la Bible
des rois de Juda et des rois d'Israël. Bien qu'il n'ait apparemment pas
connu la langue hébraïque, il avait eu certainement recours, pour ce
faire, aux lumières de maitres juifs. Il déclare en effet que « par des
Juifs il a connu les écrits des Juifs »56• A la demande souvent de cor-
respondants dont les requêtes prouvent qu'il jouissait d'une certaine
autorité en matière biblique, il s'est efforcé aussi de résoudre les diffi-
cultés que présentaient certains passages du Nouveau Testament et
notamment de saint Paul. L'interprétation est ici plus théologique,
mais les éclaircissements d'ordre littéral y tiennent également beaucoup
de place57•
Richard nous a cependant surtout laissé des commentaires ou des
ouvrages dans lesquels il recherche le sens allégorique ou le sens tro-
pologique du texte. C'est au premier de ces deux sens que s'est princi-
palement attaché son commentaire de l'Apocalypse (PL, z96, 683-888).
Dès les premières pages de cet ouvrage, l'auteur nous dit que l' Apo-
calypse est l'expression « d'oracles sublimes et lumineux se rapportant
au Christ et à l'Eglise » (I, Pro!., 68 5 C). Mais le commentaire passe
volontiers de l'allégorie à la tropologie. Richard note en effet qu'en
décrivant d'avance les tribulations, les épreuves et les persécutions
que devra subir l'Eglise, l'Apocalypse exhorte celle-ci à la patience.
Ce sont des enseignements concernant la vie spirituelle que Richard
expose, par exemple, dans son De somnio Nabuchodonosor (PL, z96,
1229-1366), dans les explications de quelques passages des Psaumes ou
d'autres livres de l'Ecriture qui ont été regroupés sous le titre d' Adno-
tationes mysticae in Psalmos (PL, z96, z65-404), ou enfin dans les nom-
breux ouvrages et opuscules constitués autour de thèmes bibliques
qui ont connu un succès considérable et exercé une durable influence
sur la spiritualité occidentale.
Cette tradition exégétique trouvera plus tard un dernier représen-
tant en la personne de Thomas Gallus, décédé vers 1246. Ce Victorin
avait dû être admis dans la grande abbaye parisienne vers la fin du
xue siècle. Il y était demeuré jusqu'en 1218, date à laquelle il avait
quitté définitivement la France pour fonder le monastère des chanoines
réguliers de Saint-André de Verceil. Thomas est surtout connu par
ses commentaires sur les écrits de Denys, le Pseudo-Aréopagite. Mais
c'est aussi un exégète qui a commenté Isaïe et a expliqué à trois reprises
le Cantique des Cantiques68• Nous retrouverons Thomas Gallus lorsque
s6. De concordia regum conregnanlium .ruper Juàam el super Israû, PL, r96, Z4I B.
S7. Voir notamment les Declaralione.r nonnullarum difftcullalum scriplurt18 et le De vrebis
Aposlo/i, dans RICHARD DE SAINT-VICTOR, Opuscules théologiques, éd. J. RIBAILLIER, Paris,
1967.
s8. Cf. Thomas GALLUS, Commenlaire.r sur le Cantique tle.r Cantiques, éd. J. BARBET, Paris,
1967.
1 86 Etudier la Bible
été retrouvées. Mais son exposition sur l'Hexaemeron (PL, q8, 731-784),
rédigée à la demande d'Héloïse, et son commentaire de l'Epître aux
Romains (Corp. christ., Cont. med., II, pp. 41-340) sont parvenus jusqu'à
nous. Le choix des livres ainsi commentés est significatif. Dans son
In Hexaemeron Abélard a voulu jouer la difficulté, comme il l'avait
jouée à Laon. Il nous rappelle lui-même, en effet, dans sa Préface,
que le début de la Genèse, le livre d'Ezéchiel et le Cantique des Cantiques
avaient toujours été considérés comme les passages les plus obscurs
de toute l'Ecriture et qu'une ancienne tradition hébraïque, à laquelle
Origène et saint Jérôme avaient fait écho, en interdisait la lecture
aux enfants pour en réserver l'explication aux savants et aux sages.
Quant à l'Epître aux Romains, on a dit plus haut à quel point elle retenait
l'attention des théologiens.
On retrouve, dans ces deux expositions, le souvenir des méthodes
d'interprétation dont les prédécesseurs ou les contemporains d'Abélard
avaient fait usage. C'est ainsi, par exemple, que l'In Hexaemeron men-
tionne à diverses reprises les trois sens de l'Ecriture, donnant pourtant
le nom de sens mystique à celui que Hugues de Saint-Victor avait
appelé allégorique (col. 732, 770). Quant au Commentaire de l'Epltre aux
Romains, il propose une classification des livres de l'Ecriture assez sem-
blable à celle qu'avait retenue Hugues de Saint-Victor, encore qu'il
ne soit plus question de considérer les écrits des Pères comme faisant
partie des« écritures sacrées». Abélard distingue en effet, dans l'Ancien
Testament, la Loi, les Prophètes et ce qu'il appelle les « histoires »,
puis, parallèlement, dans le Nouveau Testament, l'Evangile qui cor-
respond à la Loi, les Epitres et l'Apocalypse qui correspondent aux
Prophètes et les Actes des Apôtres qui sont de l'« histoire » (Prol.,
éd. dt., pp. 41-42). n ne manque pas non plus de se référer constamment
aux explications que les Pères avaient données des textes qu'il commente.
L'In Hexaemeron, il est vrai, dépend principalement de saint Augustin,
mais le Commentaire de I'Epltre aux Romains cite beaucoup d'autres
auteurs, non sans comparer entre elles leurs interprétations, avec un
sens critique aigu. De fait, si ces deux expositions se souviennent encore
des méthodes traditionnelles, elles mettent aussi à contribution la
grammaire et la dialectique. Le Commentaire de l'Epltre aux Romains,
notamment, très littéral, fait largement usage de ces disciplines. Abélard
y compare les différentes versions entre elles et il examine avec atten-
tion la construction des phrases. Les préoccupations doctrinales de
l'auteur sont cependant sans cesse présentes, et son exposé est fré-
quemment interrompu par des « questions » d'ordre théologique où
reparaissent les opinions défendues dans les ouvrages de caractère
systématique mentionnés plus haut.
Les liens qui unissent l'œuvre exégétique et l'œuvre théologique
d'Abélard apparaissent ainsi très étroits. C'est donc tout autant au
I 90 Etudier la Bible
67. Cf. A. CLERVAL, Les éço/es tk Char/res au Moyen Age, Chartres, 1895, p. 267 : « ... le
rôle joué par la théologie positive dans l'école de Chartres, au xu• siècle... fut très restreint.
Le goût de la philosophie platonicienne fit reléguer les Pères et l'Ecriture sainte au second
plan.))
Les écoles du XJJe siècle 191
71. a. I. BRADY, dans Pierre LOMBARD, Sententiae in IV /ibri.t di.ttinçtae, I, Pars I, Prolego-
mena, Grottaferrata, 1971, p. 31*.
72. Ibid., pp. 46*-61*.
73· Ibid., pp. 8z*-88*.
74· Ibid., pp. 74*-8z*.
Les écoles du XJJe siècle 193
77· Verbum obbreviatum, 1-4. PL, 201, 2.3-H. et J. W. BALDWIN, op. &il., pp. 98-xox.
78. Super tribus .rçe/eribu.r Moab (Amos, z, x), cité par J. W. BALDWIN, vol. II, p. 70, n. 8x.
79· Verbum abbreviatum, 2., col. 2.7 D-2.8 A.
8o. Ibid., x, col. 2.5 A, et J. W. BALDWIN, I, pp. 9o-9x.
8x. Cf. M.-D. CHENU [So], p. 339, n. I.
Les écoles du XJJe siècle 195
L'exégèse
de l'Université
blablement que des effectifs assez restreints, leur prestige était immense
dans toute la chrétienté. Même si, en fait, les maîtres ès arts ou en droit
ont sans doute eu un rôle plus actif que les théologiens dans les combats
pour la constitution même de l'université, ces derniers en tirèrent tout
autant parti pour s'assurer une autorité sans égale. « Paris, mère des
sciences ... , cité des lettres ... , atelier de la sagesse... dont les maîtres
ornent d'inestimables joyaux l'Epouse du Christ», dit le grand privilège
pontifical de 1231 : la Papauté elle-même reconnaissait aux théologiens
de l'université un véritable magistère doctrinal étendu à l'Eglise
universelle.
Dès les années 1zzo-1z3o, les nouveaux ordres mendiants, Domini-
cains et Franciscains (rejoints à la fin du siècle par les Ermites de Saint-
Augustin et les Carmes), implantèrent des couvents dans toutes les villes
universitaires et créèrent dans ces couvents des écoles de théologie.
Ecoles ouvertes non seulement aux membres de l'ordre mais aussi à des
auditeurs extérieurs et qui, là où il s'en trouvait, furent bientôt incor-
porées aux facultés de théologie existantes. Cette incorporation se
heurta, spécialement à Paris dans les années rz5o-IZ6o, à de violentes
résistances de la part des maîtres séculiers mais finalement les Mendiants
l'emportèrent. Désormais, à Paris comme à Oxford ou Cambridge,
leurs studia s'imposèrent comme les plus importantes et les plus brillantes
des écoles de théologie de l'université. Certes, dans le même temps,
les Mendiants avaient aussi mis sur pied leur réseau propre d'écoles.
Chaque province avait sa hiérarchie de studia d'arts, de philosophie et de
théologie. Mais, au-dessus de ces réseaux provinciaux, chaque ordre
avait créé, pour l'élite de ses théologiens, quelques studia generalia et, à
quelques exceptions près, ces studia generalia furent précisément installés
dans les grandes villes universitaires. L'essor des ordres mendiants,
leur intérêt pour l'étude, elle-même conçue comme préparation néces-
saire à l'action pastorale, n'ont donc fait que renforcer, au sein de
l'Eglise, le prestige intellectuel exceptionnel d'un tout petit nombre de
centres universitaires, au premier rang desquels Paris et, dans une
moindre mesure, Oxford.
Ce n'est que dans les dernières décennies du xrve siècle que cette
concentration extrême du haut enseignement théologique (et donc de
l'exégèse qui en était une partie) se desserra un peu avec la création de
nombreuses universités nouvelles et, d'autre part, l'érection de facultés
de théologie dans des universités qui en étaient jusque-là dépourvues.
Alors qu'il n'existait en r 300 que cinq facultés de théologie (aux trois
citées plus haut s'ajoutaient celle, bien secondaire, de Naples et celle,
très particulière, de la Curie romaine), dix furent fondées au cours du
xrve siècle (notamment à Toulouse, Bologne, Padoue, Prague, etc.) et
plus de trente au xve. Les causes de ces fondations furent diverses : à
la pression des Etats et des Eglises nationales vint se combiner une
L'exégèse de l'Université 2.01
logique, anagogique, etc.) lui paraît fondée sur les distinctions fonda-
mentales - du point de vue tant religieux que philosophique - de la
lettre et de l'esprit, des faits et des mystères, des mots et des choses.
Ainsi écrit-il dans la Somme théologique :
L'auteur de l'Ecriture sainte est Dieu. Or, il est au pouvoir de Dieu
d'employer, pour signifier quelque chose, non seulement des mots, ce que
peut faire aussi l'homme, mais également les choses elles-mêmes. Lors donc
que dans toutes les sciences les mots ont valeur significative, celle-ci [la science
sacrée] a en propre que les choses mêmes signifiées par les mots employés
signifient à leur tour quelque chose. Cela étant, la première signification, à
savoir celle par laquelle les mots signifient certaines choses, correspond au
premier sens, qui est le sens historique ou littéral. L'autre signification, par
laquelle les choses signifiées par les mots de nouveau signifient d'autres
choses, c'est ce qu'on appelle le sens spirituel, qui est fondé sur le sens littéral
et le suppose.
A son tour, le sens spirituel se divise en trois sens distincts. En effet,
comme le dit l'Apôtre, la loi ancienne est une figure de la loi nouvelle, et la
loi nouvelle elle-même, al· oute Denys, est une figure de la gloire à venir; en
outre, dans la loi nouvel e, ce qui a lieu dans le chef est le signe de ce que
nous-mêmes nous devons faire. Quand donc les choses de l'ancienne loi
signifient celles de la loi nouvelle, on a le sens allégorique; quand les choses
réalisées dans le Christ, ou dans ce qui signifie le Christ, sont le signe de ce
que nous devons faire, on a le sens moral; pour autant enfin que ces mêmes
choses signifient ce qui est de l'éternelle gloire, on a le sens anagogique (la,
q. 1, a. 10, trad. H.-D. Gardeil).
1. « Toute interprétation spirituelle doit être confirmée par une interprétation littérale de
l'Ecriture sainte; ainsi évite-t-on tout risque d'erreur», Quodl. VII, q. 6, a. 14.
zio Etudier la Bible
2.. Cependant, quelques années plus tôt, Roland de Crémone avait déjà, le premier,
commenté Job selon les quatre sens, en donnant un grand développement à l'exposé littéral.
L'exégèse Je l'Université zii
Or, dans cette perspective, il apparut vite que seul le sens littéral
pouvait soutenir de manière certaine l'argumentation dogmatique, ainsi
que le dit saint Thomas dans la Somme théologique :
On ne peut argumenter qu'à partir du sens littéral et non à partir des sens
dits allégoriques ... Rien ne sera cependant perdu de la sainte Ecriture car rien
de nécessaire à la foi n'est contenu dans le sens spirituel que l'Ecriture ne
nous livre clairement ailleurs dans le sens littéral (1", q. I, a. 10).
2.12. Etudier la Bible
3• En gros, on peut dire que les exégètes du xm• siècle ont su rejeter à peu près tous les
apocryphes (mis à part la « Prière de Manassé » et Esdras III) et reconnaître la canonicité des
livres deutérocanoniques, tout en leur attribuant généralement une autorité moindre, au moins
au plan doctrinal. Dans le Nouveau Testament, ils ont tous admis l'authenticité paulinienne
de l'Epître aux Hébreux (sur le détail de ces problèmes, voir C. SPICQ [r6], pp. 144-159).
4· R. H. RousE, « L'évolution des attitudes envers l'autorité écrite : le développement
des instruments de travail au xm• siècle », dans Culture et travail intellutuel dans I'Ocddenl
médiéval, Paris, 1981, pp. II5-144.
L'exégèse de l'Université 21 3
d'une tâche difficile et parfois l'incertitude sur le sens exact de tel ou tel
passage ne pouvait être levée de manière satisfaisante. Ne pouvait-on,
suggéraient alors certains, aller jusqu'à concevoir qu'il puisse à l'occasion
exister une véritable pluralité de sens littéraux de l'Ecriture, ne serait-ce
qu'en raison de la pluralité de ses « auteurs », l'écrivain inspiré d'une
part mais aussi l'Esprit-Saint lui-même ? Sur ce problème difficile, saint
Thomas a des formules quelque peu embrouillées qui ont alimenté les
positions divergentes des thomistes contemporains; dernier en date, le
cardinal de Lubac paraît penser que saint Thomas admettait éventuelle-
ment divers sens littéraux, encore que d'une « authenticité biblique »
inégale, glissant du sens propre, celui« de l'auteur>>, à des sens« adaptés»
mais cependant ratifiés par l'Esprit-Saint.
Dans cette tâche difficile d'analyse littérale, les exégètes universitaires
utilisaient avant tout les instruments dont ils avaient appris l'usage à la
faculté des arts 5 : la grammaire (la morphologie beaucoup plus que la
syntaxe) et la dialectique.
La grammaire leur permettait d'apprécier le sens exact des mots,
concordances et distinctiones facilitant à cet égard d'éclairants rappro-
chements.
La dialectique surtout commandait toute la structure du commentaire.
Celui-ci commençait normalement par un prologue établissant l'unité
organique du livre commenté par l'analyse de son sujet, de sa composition
et de son genre littéraire, de sa finalité religieuse ou morale. A partir de
Guerric de Saint-Quentin, les exégètes prirent l'habitude d'utiliser systé-
matiquement la classification aristotélicienne des quatre causes (efficiente,
matérielle, formelle, finale) pour ordonner leurs prologues. C'est à ce
schéma que se réfère saint Thomas lorsqu'il distingue, dans l'introduction
de ses expositions, l'auteur (par exemple Jérémie, prophète de Dieu),
la matière (dans l'exemple de Jérémie, la captivité d'Israël), le mode ou
forme (ici, le mode prophétique), enfin l'utilité (ici, nous apprendre à
bien vivre avant de parvenir à la gloire de l'immortalité). Après le
prologue, le commentaire lui-même se présente selon une ordonnance
également dialectique, c'est-à-dire qu'il est divisé et subdivisé en autant
d'éléments qu'il est nécessaire pour mettre en évidence sa structure
logique, c'est-à-dire pour retrouver l'intention, les« raisons» de l'auteur
inspiré. Et l'exposition progresse ainsi systématiquement, section après
section, le commentaire littéral étant souvent doublé, répétons-le, de
l'exposé d'un ou plusieurs sens spirituels.
Cette minutieuse analyse grammaticale et logique s'appuyait sur un
grand luxe d'autorités et de références : autres passages de la Bible elle-
même, plus ou moins judicieusement rapprochés et confrontés au texte
5. Les maîtres en théologie séculiers étaient tous maîtres ès arts. Les maîtres mendiants
avaient eu une formation équivalente dans les studia d'arts et de philosophie de leurs ordres.
z 14 Etudier la Bible
8. Le sens de ce mot n'est pas évident. ll est sans doute synonyme de mrsori1 (cf. infra,
p. zu) mais certains, comme Ehrle, pensent qu'il désigne une fonne plus approfondie de
commentaire, incluant l'exposition des sens spirituels.
222. Etudier la Bible
10. Edité dans L. DELISLE, Le Cabinet de.r manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. III, Paris,
r881, pp. 9-71.
r r. Un exemple: la bibliothèque du couvent dominicain de Padoue, connue par un inven-
taire de 1390 (publié dans L. GARGAN, Lo studio teologjço e la biblioteca dei Domenicani a Padova
ne/ Tre e Quattrocento (Contributi alla storia dell'Università di Padova, 6), Padoue, 1971,
pp. 191-220). Si nous répartissons les 227 volumes sous les mêmes rubriques que pour la
bibliothèque de la Sorbonne, nous obtenons :
Textes bibliques ..................................... . 49 (21,5 %)
Pères et auteurs ecclésiastiques antérieurs au xme siècle .. lj ( 6,5 -)
Théologie scolastique ............................... . 47 (21 -)
Piété et pastorale .................................... . 92 (4o,s -)
Arts ............................................... . 14 ( 6 -)
Droit ............................................. .. 10 ( 4.5 -)
Les principales différences (importance des ouvrages de pastorale, faiblesse relative des
arts) s'expliquent aisément par le fait qu'il s'agit d'une bibliothèque mendiante et non!plus
séculière.
224 Etudier la Bible
12. Rappelons que date de cette époque le décret Inter JoJ/itilutiineJ promulgué au Concile
de Vienne (1312) et prévoyant la création à la Curie et dans les universités de Patis, Oxford,
Bologne et Salamanque de chaires d'hébreu, d'arabe et de syriaque; quoique peu suivi d'effet,
ce décret confirme l'intérêt que le problème des langues orientales, pour des raisons à la fois
exégétiques et missionnaires, rencontrait alors dans l'Eglise.
P. RICBÉ 0 G. LOBRICHON 8
zz6 Etudier la Bible
d'Ailly, Jean Gerson) sont à nouveau des maîtres séculiers, moins pri-
sonniers sans doute que les Mendiants de traditions scolaires figées.
Mais il ne s'agissait pas d'un véritable renouveau. Les statuts des
facultés de théologie ne font apparaître nulle part de modifications
appréciables dans la place et le rôle dévolus aux études bibliques dans
les cursus des étudiants. Au contraire, le prestige des Sentences de Pierre
Lombard comme base de tout l'enseignement théologique est allé
grandissant. C'est dans leurs commentaires d'Aristote et des Sentences
qu'Ockham et les théologiens nominalistes qui l'ont suivi à Oxford
et Paris, ont exprimé l'essentiel de leurs idées alors qu'ils n'ont laissé
pratiquement aucune exposition biblique. Il est d'ailleurs faux de croire
que le nominalisme d'Ockham aurait dû tout naturellement déboucher,
au moins en théorie, sur un biblisme systématique. Comme l'a noté
Georges de Lagarde, la forme propre du rationalisme d'Ockham l'a
amené à plusieurs reprises à poser comme fondements conjoints de la
foi les Ecritures et les « assertions de l'Eglise universelle », les unes
et les autres éclairées par le bon usage de la raison13• Rien là qui pût
fonder le renouveau d'une théologie biblique ou de la science scrip-
turaire.
Fixée dans un cadre scolaire immuable, l'exégèse universitaire a
continué à obéir aux mêmes principes herméneutiques, c'est-à-dire a
continué à essayer de tenir ensemble la nécessité religieuse de l'inter-
prétation spirituelle et la primauté théologique de l'exposition littérale.
Mais ce qui était encore au xrue siècle une unité relativement vivante,
s'est ensuite disloqué. Beaucoup de commentaires tardifs se présentent,
selon le mot du cardinal de Lubac, comme un« mélange d'allégorisme
et d'ultra-littéralisme ». La profusion des allégories et moralités de
toutes sortes, si elle satisfaisait théologiens et prédicateurs sans cesse
en quête d'autorités scripturaires, pervertissait en fait la distinction
ancienne des sens et ramenait à une série de procédés mécaniques
d'exposition ce qui avait été pédagogie de l'intelligence spirituelle des
Ecritures.
Le sens littéral lui-même n'apparaissait donc plus comme le lieu
où se manifestait la vérité inépuisable de la Révélation, la Bonne Nou-
velle de la venue du Christ dans l'histoire, mais comme une règle imposée,
un répertoire d'arguments dogmatiques dont l'interprétation avait été
fixée de manière intangible par les Pères, la Glose et les commentateurs
postérieurs les plus autorisés. Dans une lecture où, à partir de Marc 3, 29,
il définit la notion même de sens littéral, Jean Gerson, chancelier de
l'Université de Paris, théologien marqué par le nominalisme mais par
ailleurs, on le sait, attentif à l'aspiration de ses contemporains à une
13. G. de LAGARDE, La naiuame de l'esprit laïque au déclin du Moyen Age, vol. 5, Paris-
Louvain, 1963, pp. 147-152.
L'exégèse de l'Université 22.7
religion plus sensible au cœur, plus proche de Dieu, multiplie les garde-
fous, qui sont autant de restrictions à la liberté de l'exégète. On est
certes heureux de le voir déclarer, en humaniste, dans sa seconde
« considération » :
Le sens littéral de la sainte Ecriture ne doit pas se comprendre selon la
rigueur de la logique ou de la dialectique... L'Ecriture sainte a en effet sa
logique propre, que nous nommons rhétorique (De sensu litterali sacra
Scriptura ).
La statistique que nous avons établie des livres de la Bible les plus
lus à Paris à la fin du Moyen Age (cf. annexe, tableau 2.) renforce cette
impression d'une exégèse de plus en plus en quête d'autorités doctri-
nales et morales. Les livres historiques et les Prophètes sont presque
complètement négligés à cette époque et le recul du Pentateuque laisse
une place écrasante aux livres sapientiaux, Psautier en tête, pour
l'Ancien Testament. Mais, par ailleurs, la part du Nouveau Testament
augmente considérablement; ceci a profité surtout aux Epîtres, dont
l'usage théologique se conçoit aisément. Parmi les Evangiles enfin,
celui de Jean l'emporte désormais nettement sur ceux de Matthieu et
de Luc, moins doctrinaux, Marc restant, malgré les lectures déjà citées
de Gerson, le moins commenté des Evangélistes.
On pourrait arrêter ce chapitre sur la constatation de ce blocage.
Sans trop y insister, il paraît cependant utile de rappeler qu'en dehors
de l'université ou au moins sur ses marges les deux derniers siècles
14. Qu'il définit de manière évidemment beaucoup plus précise et orthodoxe qu'Ockham,
lequel s'en tenait au concept assez théorique de« consentement de l'Eglise universelle».
228 Etudier la Bible
du Moyen Age ont vu se frayer des voies nouvelles qui ont commencé
à redonner vie et surtout portée religieuse concrète à l'exégèse.
Chez les Franciscains de tendance« spirituelle», la théorie joachimite
des âges successifs de l'histoire, appuyée sur une interprétation mystique
de l'Apocalypse, a continué à avoir grand succès tout au long du
xive siècle dans la mesure où elle fondait sur l'Ecriture même la voca-
tion exceptionnelle des fils de saint François et donnait corps aux
espérances de cette observance persécutée. Un certain nombre de
maitres en théologie, plus ou moins liés aux Spirituels, se sont faits
l'écho de ce prophétisme dans leurs commentaires de l'Apocalypse,
quoique généralement avec prudence : ainsi chez Pierre Jean-Olivi,
lecteur en théologie à Paris à la fin du xme siècle, Pierre Auriole déjà
cité ou le dominicain Jean Quidort. Cependant, si elle témoigne du
prestige persistant, dans certains milieux, de l'allégorie chrétienne et de
l'eschatologie biblique, cette inspiration n'en était pas moins traditionnelle.
Plus représentatifs du temps étaient sans doute les divers courants
évangéliques qui se maintenaient ou se développaient sous des formes
variées et tendaient, entre autres, à prôner un retour au texte même
de l'Ecriture, débarrassé de la gangue des gloses et concordances forcées
et du fatras des allégories (ce qui n'excluait pas nécessairement l'usage
de significations mystiques simples et authentiquement spirituelles).
Parfois liés, au moins au départ, au monde des écoles, ces courants,
qui développaient une critique, parfois explicite, de la théologie et de
l'exégèse universitaires, s'en sont rapidement détachés pour promou-
voir des formes d'exposition et de diffusion de la Bible accessibles,
par la prédication, l'image ou la lecture, à la masse des pauvres clercs
et des laïcs : traductions vernaculaires, « Bibles des pauvres » illustrées
sont des productions typiques, souvent encore bien maladroites, de
cet évangélisme. On le trouvait à l'œuvre dans certains milieux monas-
tiques réformés, cartusiens, cisterciens ou canoniaux. Il était aussi
présent dans les mouvements religieux populaires comme ceux liés,
aux Pays-Bas, à la Dévotion moderne. Il était enfin au cœur des mou-
vements de réforme anglais et tchèques qui se développèrent autour
de Wyclif d'une part, des réformateurs praguois et de Jean Hus de
l'autre. Primat de la « loi évangélique », ferveur et simplicité dans
l'approche de l'Ecriture: piété et herméneutique tendaient chez Wyclif
à se rapprocher dans la ligne qui aboutira au scriptura sola réformateur.
On peut ignorer le sens mystique ou le sens littéral second; il vaut mieux
penser selon le sens simple et immédiat ( senms rudis) et s'en remettre à l'Esprit-
Saint... (De ueritate sacree Jçripturee).
15. Ces deux passages sont cités par S. I. CAMPO REALE, Lorenzo Valla. Umanesimo e teologia,
Florence, 1972, pp. 325 et 374·
z3o Etudier la Bible
ANNEXE
PARIS
Séculiers 2.4 (36,5 %) 9 (13 %) 8 (32. %)
Dominicains 19 12.
Franciscains 19 II 1
Carmes 2.5 8
Ermites de Saint-Augustin 10
Total des Mendiants 39 (59 %) 58 (83 %) 14 (56%)
Autres réguliers 3 (4,5 %) 3 (4 %) 3 (u%)
Total général 66 (1oo %) 70 (1oo %) 2.5 (1oo %)
OXFORD
Séculiers 4 (17 %) 6 (17 %) ; (18 %)
Dominicains 7 7
Franciscains 10 2. 3
Carmes 1 16 II
Ermites de Saint-Augustin 4
Total des Mendiants 18 (n %) 19 (8; %) 14 (82. %)
Autres réguliers 2. (8 %)
Total général 2.4 (1oo %) 35 (100 %) 17 (100 %)
2 p. Etudier la Bible
L'exégèse rabbinique
* Le terme « exégèse rabbiniqtlt » est une notion moderne, fondée sur la perception de la
fonction du rabbin dans les communautés juives depuis le xiV• siècle. A l'époque traitée ici,
le mot rabbin signifiait un enseignant, sans faire la distinction entre le père d'un individu,
considéré toujours comme son premier maître, et l'enseignant à une école. Le terme employé
par les contemporains était Haham (« sage»), dans Je sens du « savant ». La bibliographie
de l'exégèse juive médiévale est parmi les plus abondantes; autant que possible, on évi-
tera de renvoyer ici aux ouvrages en hébreu, nous limitant aux langues accessibles aux
lecteurs de cette collection. Pour des travaux d'ensemble, cf. B. M. CASPER [xoo] où J'on
trouvera des indications bibliographiques additionnelles, ainri que E. 1. J. RoSBNTHAL,
« Medieval Jewish Exegesis; its character and significance », Journal of Semilic Slllliiu, 9,
1964, 2.65-2.81.
x. L'ouvrage fondamental est celui d'E. B. UlUIAcH (en hébreu), Les« rager», Jérusalem,
1965 (trad. anglaise, The Sager; their Concepts and Beliif.r, 1975).
z 34 Etudier la Bible
3· Cf. H. MALTER, Lift and Work of Saadiah Gaon, Philadelphie, 1970, 2.8 éd.
4· Cf. A. GRABels, « Ecoles et structures sociales des communautés juives dans l'Occident
aux IX8 -xn8 siècles », Gli Ebrei Mil' Alto MeJioe110 (Setlimane ... Ji Spo/eto, t. XXVI), Spolète,
1980, pp. 937·964.
S· Cf. B. LÉVI-PROVENÇAL, Histoire du califat Je Cordoue, Paris, 1944 (t. 1 de son Histoir1
Je l'Espagne mUJU/maM), ainsi que la théorie d'A. CAsTRO, La rea/il/ad histdrica Je Espaiia,
Mexique, 1954, sur l'origine tri-ethno-religieuse de la civilisation espagnole.
2. 36 Ellldier la Bible
6. Cf. S. W. BARON, A Social and R6/igio11r History of thl ]1111s, t. VII (Philadelphie, 19s8),
pp. 3-28, ainsi quet. VI (19S8), pp. 3-16.
1· Pour les biographies des personnes mentionnées, v. En&yclopaetlia ]utlaita, Jérusalem,
1971, en anglais (abr. B], tome et col.), à laquelle nous renverrons, sauf exceptions. Pour
Menahem ben Saruq, B], XI, 1305-1306; Donasb ben Labrat, BJ, VI, 27o-271; Jehudab ben
Hayyuj, B], VII, 1SJ3-1SJ4·
8. B], VIII, II81-n86.
9· BJ, VII, s6s-s66.
L'exégèse rabbinique z; 7
13. Les Kéraites sont une secte qui, sous la direction d'Anan ben David de Baghdad,
se sont séparés au vm• siècle du judaisme « rabbinique », refusant de reconnaître l'autorité
du Talmud. Leur grand essor se situe entre les vm• et x• siècles, lorsqu'ils ont fondé leurs
communautés en Mésopotamie, Perse, Syrie, Palestine, Egypte et l'Empire byzantin. Leur
polémique avec le judaisme « rabbinique », qui avait pris des formes acerbes, les amena à
développer leur propre exégèse, qui a été critiquée par Saadiyah Gaon. Malgré leur déclin,
les Kéraïtes n'ont pas disparu et ont continué leur existence en marge du judaisme orthodoxe
(E], X, 761-785), cf. Z. CAHN, The Ri.re of the Karaite Sut; a New Light on the Halakab ami
the Origin of the Karaites, New York, 1937, et Z. ANKORI, Karailes in Byzantium, New York,
1 959·
14. Cf. M. FRIEDLAENDER, Essays on the Writings of Abraham Ibn Ezra, Londres, 1877,
4 vol. Malgré sa date, cet ouvrage classique reste la meilleure étude sur l'œuvre exégétique
d'Ibn Ezra.
15. Introduction au commentaire sur le livre d'Isaïe, rédigé à Lucques (1145), Isaïe, apeç
les rommenlaires de Rashi, Ibn Ezra et David Kimhi, Jérusalem, 1923.
L'exégèse rabbinique 239
16. Cf. G. VAJDA, L'amour de Dieu dans la théologie juive du Moyen Age, Paris, 1957, s.v.
« Cantique des Cantiques ».
17. Cf. F. TALMAGE, David Kimhi; the Man and his Commenlaries, Cambridge (Mass.),
1975·
18. Ed. de H. J. 1. GAo, Londres, 1962, qui est un recueil des éditions critiques de ses
commentaires, et Le commentaire complet sur les Psaumes, éd. A. DAROM, 2 vol., Jérusalem,
1966-1971.
z4o Etudier la Bible
19. Le problème du prosélytisme et des conversions des juifs au christianisme est un des
plus difficiles à résoudre par la recherche moderne, en raison du mélange entre les conversions
forcées et les conversions volontaires. La politique officielle de l'Eglise a été la conversion des
juifs par la persuasion, en accord avec sa vocation missionnaire (cf. P. BaoWE, Die ]Hden-
mission im Mille/alter, Miscellanea historiae pontificae, VIII, Rome, 1942), tandis que, depuis
le xx• siècle, on remarque des pressions imposant la conversion. Les textes hébraïques ont
fait la distinction, employant les mots anu!Ïm (forcés) et meshumadim (renégats); l'insistance
des sources imposant la rupture de toutes relations avec les renégats indique qu'il ne s'agissait
pas de quelques cas isolés. A ce propos, la polémique antichrétienne des exégètes faisait partie
des efforts déployés afin de renforcer la foi des juifs. Cf. E. 1. J. RosENTHAL, « Anti-Christian
Polernics in Medieval Jewish Commentaries »,Journal of ]ewish Studies, XI, 196o, 115-135·
20. Cf. G. SAIGE, Eludes sur les juifs du Languedoc antérieurement au XIV• siècle, Paris,
I88x, s.v.
21. Psaume II, éd. DAaOM, t. 1. Les textes de Kimhi réfutant les doctrines chrétiennes
ont été traduits en latin par l'humaniste GENEBR.Aanus, dans son Recueil des commentaires
hébraiques, Paris, 1566.
22. Psaume ex, éd. DAR.OM, t. II.
23. Ibid. et TALMAGE, op. cit. s.v. Sur le problème messianique dans les œuvres des
exégètes juifs médiévaux, cf. G. ScHOLEM, The Messianic Idea in ]udaism, New York, 1971.
L'exégèse rabbinique 241
31· Pour un très bref résumé de la controverse, cf. E], XI, 151-7H·
38. « Les treize principes de la foi » sont inclus dans son commentaire sur le Talmud,
éd. Varsovie, 1837 et separata. a. G. VAJDA, op. ât. (n. 36) et A. J. REINES, Maimonides and
Abrabane/ on Prophuy, Cincinnati, 1970.
39· Cf. E. GILSON, Le thomisme, 4° éd., Paris, 1942,passim.
L'exégèse rabbinique 245
Maimonide avait appris les dogmes chrétiens et les problèmes posés par
l'exégèse allégorique chrétienne, dont les méthodes étaient assez proches
de ses tendances métaphoriques, malgré les différences fondamentales
quant aux conclusions40• Ayant été saisi par des questions adressées
par des communautés de l'Europe occidentale, il a été amené à traiter
des arguments des exégètes chrétiens, surtout des interprétations des
textes de l'Ancien Testament, censés annoncer le Christ. Dans cette
polémique, Maimonide adopta une attitude historique, fondée sur la
combinaison du sens littéral du commentaire et de son argument philo-
sophique. C'est ainsi que, interprétant des textes comme Isaïe 7 ou les
Psaumes, il se concentra sur leur signification historique, les remettant
dans leur contexte chronologique et refusant d'y voir des allusions à
Jésus-Christ. Qui plus est, se fondant sur la tradition talmudique41, il
s'opposa à la doctrine de la nature divine de Christ; Jésus, ou Josué,
avait été représenté comme un des sages de la Mishna, dont certains
points de son enseignement avaient été condamnés par ses collègues.
40. Dans sa « Lettre à Yémen », éd. A. S. HALKIN, New York, 1 942., Maimonide exprima
clairement son opinion sur la nécessité d'apprendre les dogmes chrétiens afin de les réfuter.
41. Cf. E. 1. J. RosENTHAL, « Anti-Christian Polemics... »(art. dt., n. 19).
42.. Cf. P. RicHÉ [73], surtout sur la distinction entre l'enseignement élémentaire et
secondaire (pp. zu-2.84).
43· Cf. A. GR.ABo!s, «Ecoles et structures sociales... » (art. dt., n. 4).
44· Cf. A. GR.ABo!s, «Le souvenir et la légende de Charlemagne dans les textes hébraïques,
médiévaux», Le Moyen Age, 76, 1966, 5-41, ainsi que J. DAN (en hébreu), La dortrine du sefT'el
des piétistes de l'Allemagne, Jérusalem, 1968, pp. 14-30.
z46 Etudier la Bible
importantes. lis ont emporté les traditions exégétiques dans les quatre
sens de l'Ecriture du centre « babylonien » et ont continué ses activités
dans leur nouvelle demeure. n serait difficile de hasarder une identifi-
cation du personnage rabbinique en Italie, duquel Alcuin avait obtenu
des conseils à propos des versions des textes de l'Ancien Testament; ce
qui importe plus est que, à la veille de la proclamation de l'Empire caro-
lingien, l'école biblique italienne s'est acquis une réputation, répandue
aussi bien en dehors de la société juive transalpine45.
A la différence de la situation en Espagne et dans les pays du califat
abbasside, où la culture arabe avait exercé une influence profonde sur
les juifs, surtout dans les domaines philologique, scientifique et philo-
sophique, les juifs de l'Europe occidentale n'ont pas trouvé d'inspi-
ration, et donc de l'intérêt, dans la culture latine de leur temps. Elle ne
correspondait point à leurs préoccupations, n'apportant pas de contri-
butions méthodologiques à leurs travaux et, par contre, les œuvres
écrites en latin, dans le domaine des dogmes christologique et trinitaire,
étaient opposées aux doctrines du judaïsme. Plus encore, le latin n'était
pas la langue parlée, ce qui réduisait au minimum les besoins d'y
recourir. A cet égard, la tolérance dont les juifs avaient joui jus-
qu'au Ixe siècle en Italie et dans le royaume des Francs changea les
perspectives et les attitudes stéréotypiques des juifs envers la chrétienté,
au point que l'on se référait aux chrétiens de la France comme à« nos
frères, les fils d'Esaü »46 ; pourtant, elle n'atténua pas la dispute théolo-
gique47. Les œuvres d'Agobard et d'Amolon de Lyon, de Raban Maur
de Mayence, de Paschase Radbert, soit quelques-uns des auteurs dont
l'influence politique donnait un poids particulier à leurs travaux, ont
ouvert la polémique religieuse, qui a finalement abouti à mettre un
terme à la tolérance et a obligé les sages juifs d'apprendre les arguments
des chrétiens, afin de défendre leurs propres doctrines.
Ces traits caractéristiques expliquent aussi bien la ségrégation cultu-
relle en Europe latine que le développement particulier des courants
exégétiques juifs dans ces pays. L'école exégétique ashkénaze (strictement,
le terme s'applique aux communautés du bassin rhénan et il est élargi à
ce propos sur la Lorraine et la France septentrionale, quoique les sources
hébraïques médiévales se distinguent parfaitement entre les trois pays)
a commencé ses activités sous l'influence prépondérante de l'exégèse
mésopotamienne, qui lui avait été transmise par l'Italie. L'arrivée et
l'installation à Worms de Calonymus de Lucques, à la fin du Ixe ou
4S· MGH, Epp., IV, 172; cf. E. S. DucKET, A/min, Friend of Charlemagne, New York,
19S I, p. 269.
. 46. Lettre des« communautés de France» à Hisdai Ibn Shaprut (début du xe siècle),
ed. J. MANN, Texfs and Studies, t. 1, Cincinnati, 1929, p. 28.
47· Cf. B. BLUMENKRANZ [991·
L'exégèse rabbinique z4 7
au début du xe siècle48 , marqua les débuts de cette école, dont les travaux
exégétiques pendant les premières générations ont été concentrés sur le
sens homilétique. Les commentaires sur les textes de l'Ancien Testament
ont été effectués à l'aide des textes mishnaïques et talmudiques, ce qui a
donné une importance particulière à l'exégèse talmudique. Par consé-
quent, les sages de cette école ont travaillé sur les textes hébraïques,
araméens, ainsi que sur des traductions syro-araméennes de la Bible
(le Targum). A la différence de Saadiyah Gaon et de leurs collègues de
l'Espagne et de l'Afrique du Nord, les sages ashkénazes ne savaient pas
l'arabe et n'avaient pas de formation philologique. En revanche, leur
connaissance intime du Talmud et de la littérature geonique mésopota-
mienne les dotait des instruments méthodologiques du commentaire
sur l'esprit du texte, se servant à la fois de l'homélie et du sens de l'allu-
sion comme des éléments destinés à développer l'exégèse littérale.
L'œuvre de Gershom de Metz, La lumière de la Diaspora (ca. 96o-10z8),
la plus grande autorité du judaïsme ashkénaze et le chef de l'Académie
de Mayence49 , est édifiante à cet égard. Ses ouvrages ont été reconstitués
à partir des fragments insérés dans les travaux des générations posté-
rieures, où ils ont été largement cités, en raison de son autorité. Gershom
a été surtout un exégète talmudique et juriste, possédant une très bonne
connaissance du droit germanique, qui l'aida dans l'élaboration de ses
propres travaux. Prenant comme exemple son plus fameux édit, instituant
la monogamie et abolissant la pratique de la répudiation sans le consen-
tement de l'épouse, ce qui la transforma en divorce, on peut suivre sa
méthode de travail; l'étude des textes et des autorités normatives l'amena
à conclure qu'il n'y avait pas de précepte instituant la polygamie; l'inter-
prétation littérale du Pentateuque lui servit de fondement juridique, en
raison de la mention d'une seule épouse des patriarches Abraham et
Isaac; la position de Sarah en tant que l'épouse légitime, tandis que les
concubines avaient été réduites au plan secondaire et, à la différence de
la dame, appartenaient à la classe servile, l'ont amené à conclure que
l'esprit de l'Ecriture ainsi que la pratique talmudique penchaient vers
la monogamie. C'est ainsi que chez Gershom l'exégèse jouait un rôle
pratique, qui est devenue fait courant dans l'œuvre rabbinique en Alle-
magne et en France, au point que l'on peut comprendre la remarque
d'Abélard, dans son Dialogue, à propos de l'approche juridique des juifs
à l'égard des préceptesoo.
Outre l'influence de Gershom et des écoles de Mayence et de Worms,
les exégètes ashkénazes ont subi aussi l'influence des œuvres de Hananel
48. Cf. A. GRABols, «Le souvenir et la légende de Charlemagne... », art. cit., n. 44·
49· E], VII, 511-p~.
50. Pierre ABÉLARD, Dia/ogus inter Phi/osophum, ]llliaeum el Chrùtianum, éd. R. THOMAS,
Stuttgart, 1970; v. notamment pp. 7~-84.
z48 Etudier la Bible
Rashi (Rabbi Salomon Isaaki, 1040-I 106) a été sans doute le plus
important et le plus célèbre exégète juif au Moyen Age56 • Né à Troyes,
il avait étudié à Worms et à Mayence avant de rentrer dans sa ville natale
et y fonder le centre scolaire franco-champenois. Des écoles rhénanes,
Rashi apporta à Troyes une masse énorme de matériel, consignée dans
ses Kuntrésim; elle contenait, outre l'enseignement de ses maîtres de
Worms et de Mayence, les leçons des maîtres de Kairouan et particuliè-
rement l'enseignement de Hananel Bar Hushiel, qu'il avait appris à
Worms par l'intermédiaire d'Eliézer Bar Nathan, un des élèves de
Hananel et, vers le milieu du xie siècle, maître à l'école, où il diffusa
l'œuvre du savant nord-africain. Se basant sur ce matériel, Rashi mena à
Troyes une vie d'études et d'enseignement, tout en gagnant ses revenus
comme vigneron. Fidèle aux traditions du centre ashkénaze, il débuta
par l'exégèse talmudique, dictant ses commentaires à ses élèves, dont
plusieurs ont été membres de sa famille ou apparentés par des liaisons
matrimoniales. Cette œuvre lui rendit rapidement la réputation d'avoir
expliqué« les sens ouverts et couverts du Talmud »67 et en fit une grande
autorité, au point qu'il était couramment saisi des questions de juris-
prudence et de principes par les dirigeants des communautés de France,
55· E], XI, 1304-1305; selon une allusion de Rashi, Commentaire .rur le Deutéronome, XXII,
il aurait étudié à Toulouse, où il fut l'élève de Moise Hadarshan (le Prêcheur), un des grands
maîtres de l'école narbonnaise du xre siècle.
56. Cf. M. LIBER, Raçhi, sa vie, son ŒIM'e, son influenre, Paris, 1953, nouv. éd.; pour une
bibliographie détaillée, cf. B. BLUMENKR.ANZ (édit.), Bibliographie des juifs de Frame, Toulouse,
1974, s.v. Rashi.
57· V. quelques témoignages médiévaux s'exprimant ainsi, recueillis par BARON, op. ât.,
t. VI, pp. 50-51.
z 5o Etudier la Bible
6o. Cf. 1. BAER (en hébreu),« Rashi et la réalité historique de son temps», Tarbiz, 2.0,
1949. 32.Q-332.·
61. Cf. R. CHAZAN, « The Hebrew First-Crusade Chtonicles », R..mle des BINtles jlliws,
133, 1974. 2.35-2.54. On peut comparer ces soucis avec les idées de l'auteur anonyme de
l'Atllltfrsu.r ]lllitnos de la seconde moitié du xue siècle; cf. B. BLUMENKRANZ et J. CHÂTILLON,
«De la polémique anti-juive à la catéchèse chrétienne>>, RTAM, 2J, 1956, 4o-6o.
z 5z Etudier la Bible
62. Commentaire sur Isaïe, édit. I. MAARSEN, Jérusalem, 1936, VII, 14. Cf. M. W AXMAN,
« Rashi as Commentator of the Bible», dans &shi, his Teaçhings, New York, 1958, pp. 9-47.
63. Commentaire sur les Psaumes, édit. I. MAARSEN, Jérusalem, 1935, X, 10-14.
64. Cf. L. RABINowrcz, The Soâa/ Lije of the ]ews in Nor/hern Frame in the Twe/jtb-
Fourteenlh Centuries, as Rejleç/ed in the &bbinüal Litera/ure of the Period, Londres, 1938, parsim.
65. Cf. B. SMALLEY [15) et H. HALPBRIN [104).
66. Cf. SMALLEr [15] et A. GRABots, « The Hebraiça Verilas and Jewish-Christian
Intellectual Relations in the Twelfth Century », Spemlum, JO, 1975,613-634.
L'exégèse rabbinique 3
2. 5
sible l'accord sur les principes; d'autre part, quand il ne s'agissait pas
de textes fondamentaux du point de vue doctrinal, le dialogue revêtait
une forme de collaboration pacifique.
Parmi cette pléiade d'exégètes en France, on retiendra quelques noms,
en raison de l'importance de leur œuvre. Joseph Kara (né vers 1065)
avait étudié sous la direction de son onde paternel Menahem ben Helbo,
avant de joindre l'école de Rashi à Troyes, où il est rapidement devenu
un collaborateur du Maitre67• Pendant son séjour à Worms, au début
du xne siècle, il participa aux discussions théologiques avec des intellec-
tuels chrétiens. L'enseignement de Rashi et son expérience l'ont amené
à concentrer ses commentaires sur le sens littéral du texte, d'où son
surnom « Kara ». Il mentionna son but de produire des élucidations
simples, afin qu'elles soient intelligibles par les couches populaires; il
en résulta l'usage de termes en langue vernaculaire, en français et en
allemand rhénan, afin d'expliquer le sens des mots bibliques. Sa méthode
exégétique l'amena au travail comparatif, par l'usage des textes corres-
pondants tirés des différents livres de l'Ancien Testament. L'influence
de son onde, Ben Helbo, se manifesta surtout dans ses commentaires
sur le Cantique et sur autres poèmes, où il mit l'accent sur l'analyse
des chants.
Samuël Ben Méïr (RaShBaM, 1085-II74), le petit-fils de Rashi, né à
Ramerupt (Champagne), a été sans doute le plus célèbre élève de son
grand-père maternel, et est devenu le plus important exégète juif en
France au xue siècle. En dehors de sa formation rabbinique, il se dis-
tingua par sa vaste culture générale, dont la connaissance du latin, qu'il
avait appris afin de pouvoir étudier directement l'exégèse catholique.
Encore à l'école de Rashi, il fit preuve de son esprit indépendant; en
raison de ses remarques, le maitre corrigea quelques-uns de ses commen-
taires. De la vaste œuvre exégétique de Rashbam, seul son commentaire
sur le Pentateuque a été conservé intégralement68 ; des fragments de
commentaires sur des autres livres ont été insérés dans les travaux des
exégètes postérieurs. A la différence de son œuvre de tossafiste, où il
s'appuya sur l'autorité du Talmud69 , Rashbam a été radicalement opposé,
en tant qu'exégète, à l'usage du sens homilétique, soutenant avec vigueur
son opinion que seul le sens littéral permet la compréhension du texte
biblique. C'est ainsi que ses commentaires représentent une correction
des interprétations de Rashi. Afin d'arriver à son but, Rashbam a étudié
attentivement l'hébreu et les traités rédigés en hébreu par les grammai-
riens sepharades, qu'il mentionna dans ses élucidations, sans pourtant
del' école française qui proposa une interprétation rationnelle des miracles,
par exemple dans ses commentaires sur la Genèse 19 ou sur l'Exode 9,
en voyant des phénomènes quasi naturels. Ainsi, dans ce domaine, il
se rapprocha des raisonnements des membres de l'école philosophique
sepharade, sans en adopter les méthodes.
73· Cf. G. ScHOLBM, Major Trends in ]ewish Mystidsm, New York, 1954.
74· Cf. G. VAJDA, « S'adya commentateur du Livre de la Création», dans AllnHaire I!JJ9-
I!J60 de /'&ole pratique des Hautes Etudes, V• section, Paris, 1960.
2 56 Etudier la Bible
1~· Cf. R. CHAZAN, « xoo7-1ou; Initial Crisis for Northern European Jewry », dans
Proceedings of the Amerkan Acatkmy for ]ewish R.8search, J8-J9, 1970-1971, 101-181.
76. Cf. I. G. MAacus, Piety and Soriety; the ]ewish Pietists of Medieval Germfl'!J, Leiden,
1981. La question de l'influence qu'eut l'environnement chrétien sur le développement
spirituel des juifs dans l'aire culturelle ashl:inaze a été disputée contradictoirement par les
chercheurs. Il semble que les opinions niant l'existence d'une pareille influence doivent être
considérées comme valables pour la période avant le xx• siècle.
L'exégèse rabbinique 2. 57
11· E], VI, 62.3-62.4; en ce qui concerne les Calonymides, c:f. ]. DAN,« The Beginning
of Jewish Mysticism in Europe », dans C. ROTH (édit.), The World Hiltory of the ]ewish
People,· the Dar/e Ages, Tel-Aviv, 1966.
78. E], XIV, 8o9.
79· E], X, 348-3so.
8o. E], VI, 6.:~.8-62.9.
P. RJCRÉ, G. LOBRICHON 9
z 58 Etudier la Bible
important pour notre propos est que cet énorme travail exégétique, qui
est ensuite devenu lui-même l'objet des commentaires, met l'accent sur
le rôle moral des préceptes et sur leur importance pour le comportement
parfait des fidèles. C'est ainsi que la méthode d'Eliézer de Metz a été
adoptée par les exégètes hasidiques, qui l'ont combinée avec leur méthode
allégorique.
Jehudad Hehasid (ca. 115o-IZI7), fils de Samuël ben Calonymus, a
été indiscutablement le grand maître du mysticisme ashkénaze81• Etabli
à Ratisbonne, en Bavière, sa figure est rapidement devenue légendaire;
la postérité lui attribua des miracles effectués afin de sauver les juifs
menacés par des persécutions. J ehudah n'a pas été un exégète de la qualité
de son père, ni de ses frères, quoiqu'il consacrât une partie de son temps
aux commentaires bibliques. Dans son Livre Je la gloire divine, dont
seuls des fragments ont été conservés, il s'attacha aux interprétations
allégoriques; ses commentaires sur la Genèse, sur la Révélation (l'Exode)
et sur les Prophètes témoignent de sa méthode d'interprétation ésoté-
rique. Il a été aussi l'auteur de la première partie du grand manuel du
mouvement piétiste ashkénaze, Sefer Hasidim8 2 (Le livre des pieux) où,
sur les fondements des commentaires homilétiques et allégoriques, il a
élaboré le plus important code de conduite des pieux.
Son élève et parent, Eleazar Harokeah de Worms (ca. u65-12.3o), a
été le plus important exégète de l'école piétiste ashkénaze. Fils de Jehudah
ben Calonymus, qui a été son premier maître, Eleazar appartenait à la
famille des Calonymides et fut le légataire de leurs méthodes exégétiques;
Jehudah Hehasidlui enseigna le mysticisme83• Eleazar continua ses études,
voyageant et séjournant à ces fins dans les centres rabbiniques de la
France septentrionale et de l'Allemagne. L'enseignement d'Eliézer de
Metz, dont il avait été l'élève pendant des années, laissa des traces pro-
fondes dans son œuvre, surtout par l'adaptation de sa méthode homi-
létique. Dans le livre, dont le titre Harokeah (Le faiseur Je baume) devint
son surnom, Eleazar interpréta les principes éthiques de l'Ancien
Testament, en tant que fondement de la morale piétiste. Maintes fois,
dans ses commentaires sur l'Exode et sur le Lévitique, il évoqua les
traditions familiales. Son bref commentaire sur le Pentateuque est en
revanche un chef-d'œuvre d'exégèse allégorique, fondée sur l'interpré-
tation symbolique des « signes ».
Ce commentaire a été ultérieurement développé dans le traité qui
représente l'œuvre la plus originale d'Eleazar, Sodei Raz'D'ya (Les secrets
81. Cf. G. ScHOLBM, Major Trends.•• (op. cil., n. 73), pp. 73-1II.
82. L'édition de J. WISTINETZKI, Francfort, 1924, a été la source de plusieurs traductions
dans la plupart des langues occidentales, dans leur majeure partie des abréviations ou des
anthologies.
83. B], VI, 592-594, et G. ScHOLEM, On the &bbalah dntl itsSymbolism, New York, 1970,
pp. I7I-I93·
L'exégèse rabbinique z 59
84. li n'existe pas une édition du traité entier; quatre parties essentielles ont été publiées,
dont celle éditée parI. KAl.œr.HAR, Jérusalem, 1936, est la plus importante.
Bs. E], 1, t 3o-t 33 .
z6o Etutlier la Bible
Sur ces fondements des talmudistes réputés, tels Rabbi Abraham ben
David (RaBaD) de Posquières86 et Jacob de Lunel, ont introduit dans
leurs ouvrages des éléments mystiques, encore mêlés avec le matériel
homilétique. Ce fut probablement la genèse de la doctrine de la Kabbalah
(lit.« tradition»). Dans la génération postérieure, les théories kabbalistes
ont été développées dans le « cercle » provençal, dirigé par Isaac
l'Aveugle (le fils du Rabat!), mort en 1235 87, et celui de Gérone, en
Catalogne, destiné à devenir le centre du mouvement. Isaac l'Aveugle
et ses compagnons ont essayé de trouver, par l'interprétation littérale et
allégorique des textes bibliques, l'appui scripturaire de leur enseignement,
surtout en commentant le CantiqueBB. Les premiers travaux, de la fin
du xne et du début du xme siècle, font déjà état des tendances méthodo-
logiques de ce mouvement par l'interprétation allégorique de l'Ancien
Testament dans une perspective cosmique avec sa phénoménologie89•
L'exégèse kabbalistique et ses manifestations sortent pourtant du cadre
chronologique imparti à notre exposé. Son développement méthodolo-
gique et ses interprétations systématiques ont été plus tardifs, à partir
de la seconde moitié du xn1e siècle, avec les commentaires sur le Penta-
teuque par Nahmanide90, qui a été lui-même élève au cercle de Gérone;
son influence fut grande sur les courants exégétiques du bas Moyen Age.
Aryeh GRABoïs.
Quae enim pagina, aut quis sermo divinae auctoritatis veteris ac novi Te.rta-
menti, non est rectissima norma vitae humanae ?
<< Quelle page ou quelle parole de l'autorité divine de l'ancien ou du
nouveau Testament n'est pas une très droite règle de la vie humaine?»
(Règle de saint Benoît, c. 7;).
Après avoir prescrit et recommandé bien des fois la lecture de
l'Ecriture sainte, saint Benoît termine sa Règle par cette exclamation.
Comment traiter d'un sujet aussi évident, qui n'a échappé à aucun
de ceux qui se sont intéressés à la littérature ou à l'histoire médiévales ?
Faut-il reprendre ce qui a été dit et bien dit? Dom Jean Leclercq dans
son excellent livre L'amour des lettres et le désir de Dieu1 a exposé avec
bonheur des principes qu'il suffira de rappeler : « Au Moyen Age, on lit
généralement en prononçant avec les lèvres, au moins à voix basse, par
conséquent en entendant les phrases que les yeux voient... Plus qu'une
mémoire visuelle des mots écrits, il en résulte une mémoire musculaire
des mots prononcés, une mémoire auditive des mots entendus. La
meditatio consiste à s'appliquer avec attention à cet exercice de mémoire
totale; elle est donc inséparable de la lectio. C'est elle qui, pour ainsi dire,
inscrit le texte sacré dans le corps et l'esprit ...
« Ce mâchonnement répété des paroles divines est parfois évoqué
par le thème de la nutrition spirituelle : le vocabulaire est alors emprunté
r. J. LECLERCQ [9], pp. 7z-76. Les citations sont empruntées au chapitre V, Le.r /etires
sa<rée.r, mais les allusions à l'usage des Ecritures sont nombreuses à travers tout le livre.
262 Etudier la Bible
2. PIERRE LE VÉNÉILUILB, De Miraculi.s, I, 20, dans PL, I89, col. 887 A, écrit du moine
Benoît : os sine requie satra verba ruminons, non in terra, sed in caelo positum hominem indkabant
(toute son allure et) sa bouche ruminant sans repos les paroles sacrées indiquaient que cet
homme n'était pas sur terre, mais dans le ciel. La méditation est accompagnée d'un mouvement
des lèvres.
3· }E.AN DE SAINT-ARNoUL, Vie de Jean de Gorze, dans PL, I J 7, col. z8o : In morem apis
Psalmos tarito murmure continuo rBPoif!efls, répétant les Psaumes continuellement par un doux
murmure à la façon des abeilles.
4· Textes dans Jean LECLBRCQ, Un maitre de la 11ie spirituelle au XI• siècle, Jean de Fécamp,
Paris, 1946, p. 99, n. 3·
Les moines du Moyen Age 2.6~
laisserait supposer le peu d'études qu'on lui a consacrées ... Jusque dans
le cours du xue siècle, les auteurs monastiques sont si nombreux qu'ils
donnent le ton; puis peu à peu, les commentaires scolastiques deviennent
plus nombreux »&.
Plutôt que de tenter une analyse de la pensée d'auteurs illustres ou de
retracer les étapes de l'approche littéraire des livres saints, peut-être
sera-t-il plus immédiatement utile d'essayer d'entrevoir les attitudes des
moines, qui cherchèrent Dieu en toute loyauté. La plupart auraient été
incapables de s'exprimer, ils n'avaient d'ailleurs pas vocation de prédi-
cateur. Ils n'ont pas voulu accéder aux sommets de la connaissance, ils
n'étaient pas attirés par l'érudition. Mais ils se sont nourris des textes
sacrés pour alimenter leur vie spirituelle.
THÈMES SCRIPTURAIRES
Joca monachorum
Sous le nom de ]oca monachorum ont été transmises des séries d'énigmes
formulées en questions et réponses. Leur origine se place à une haute
époque. Peut-être apparaissent-ils en Gaule et dans les Iles britanniques
dès le VIe siècle. L'influence de modèles grecs est probable. Quoi qu'il
en soit, le succès de ces ]oca monachorum fut durable, les manuscrits sont
nombreux et s'échelonnent tout au long du Moyen Age7•
Les questions variées font appel à des connaissances livresques,
certaines sont philosophiques, d'autres scientifiques, beaucoup sont
l'écho de théories admises. Un bon nombre concernent la Bible, direc-
tement ou indirectement en proposant des conclusions parfois inattendues.
Les questions qui font appel à la mémoire montrent que les parte-
naires ont une connaissance approfondie des moindres détails de l'histoire
d'Israël. Quelques exemples montrent que questions et réponses ne
sont pas seulement des exercices de mémoire.
Qui cum asina /oculus est ?
Qui parla avec une ânesse ?
Balaam propheta.
Le prophète BalaamB.
Balaam, devin connaissant le vrai Dieu, accepta pourtant de maudire
Israël. L'ange du Seigneur lui barra le chemin. Balaam ne le vit pas,
mais son ânesse prit peur, s'écarta deux fois, puis s'arrêta. Balaam irrité
la frappa. Alors « Yahvé ouvrit la bouche de l'ânesse et elle dit à Balaam :
Que t'ai-je fait pour que tu m'aies battue trois fois?» Balaam répondit:
«Tu t'es moquée de moi! Si j'avais eu à la main une épée, je t'aurais
6. Les présentes recherches portant sur la tradition médiévale, les citations bibliques sont
faites d'après la Vulgate ou les anciennes versions latines tant pour le texte que pour la numé-
rotation des versets. Les variantes du texte hébreu ne sont habituellement pas signalées.
7· Bibliographie dans Cla~~is Palrtml latinormtl, eJitio a/t~ra, Bruges, 1961, no 1155 f. Edi-
tion: Walter Suchier, Dos mittelltdeinis&he Glsprikh Adritm 111111 Epictitus nebstlllf'1IJœllllen Texten
( ]o&a Mona&honlm), Tübingen, 1955· (Cf. Scripturium, rr, I9H. p. 136, n° 245 avec la liste des
manuscrits utilisés.) Les textes ont été reproduits par A. HAMMAN, PL Supplemenlwn, IV,
1967, pp. 917-941.
8. Col. 929, n° z8. - Toutes les citations sont empruntées au Supplément de la Patrologie
latine, cité à la fin de la note précédente. Il suffit donc d'indiquer la colonne et le numéro.
Les moines du Moyen Age 26 5
déjà tuée. » L'ânesse dit à Balaam : « Ne suis-je pas ton ânesse, qui te
sers de monture depuis toujours. Ai-je l'habitude d'agir ainsi envers
toi?» Il répondit:« Non» (Nomb. 22, 2 1-33).
Pas plus que Balaam, les auteurs des Joca ne sont surpris d'entendre
parler une ânesse. La discussion ne porte pas sur des problèmes d'inter-
prétation, l'Ecriture est acceptée sans discussion9•
Qui asinas querendas regnum invenit ?
Qui en cherchant des ânesses trouva un royaume ? Saül10•
Saül était à la recherche des ânesses de son père Qish, quand il
consulta Samuel qui lui annonça que les ânesses étaient retrouvées.
Et c'est alors qu'ille sacra roi d'Israël (1 Sam. 9, 3 - 10, 8).
Qui locutus est post mortem ?
Qui parla après sa mort ? Samuel11•
Saül qui avait expulsé du pays nécromants et devins se déguisa pour
aller consulter la nécromancienne d'Endor. Elle évoqua Samuel qui
apparut et lui dit:« Pourquoi as-tu troublé mon repos en m'évoquant?»
Puis il lui répéta que Dieu s'était détourné de lui : « Demain, toi et tes
fils, vous serez avec moi>> (1 Sam. 28, 14-19). Cette vision terrifiante a
retenu l'attention.
In quem montem non pluit usque in aeternum ?
Sur quelle montagne ne pleut-il pas pour l'éternité?
In Gelbuae, ubi Saul se occisit.
Sur Gelboé, où Saül se tua12 •
Saül blessé par les archers se jeta sur son épée (1 Sam. 31, 3-4).
En apprenant la mort de Saül et de son fils Jonathan, David composa
un chant funèbre où il maudit le lieu où ils périrent :
... Montagnes de Gelboé, ni rosée, ni pluie sur vous (il Sam. 1, 21 ).
Cette malédiction de David fut reprise dans une magnifique antienne
présentée plus loin. La sécheresse produit le désert. La malédiction est
prise au pied de la lettre.
Qui justus per oratione homicidium fecit ?
Sanctus Helias et Heliseus
Quel juste a fait un homicide par la prière ?
Saint Elie et saint Elisée13•
Le feu du ciel descend deux fois sur les hommes venus arrêter Elie
(IV Rois 1, 9-n).
Quant à Elisée, il annonça la mort violente des reines Jézabel et
Athalie (IV Rois 9, 33-37 et n, 13-16).
Qui mortuus mortuos suscitavit ?
Qui mort, ressuscita des morts ?
Heliseus in Galgalis
Elisée à Galgalt4.
.32:· Dans la V~gate, le Psaume 13 s'est accru d'une chaîne de citations que saint Paul
av:ut Insérée à la sut te du verset 3 de ce psaume dans l'Epître aux Romains 3, 13-18.
z7z Etudier la Bible
Sur les quatorze psaumes divisés en deux parties dans l'office monas-
tique, cinq seulement sont partagés d'une façon logique pour des
esprits modernes, les neuf autres coupent en deux un épisode ou une
strophe. Cela est tellement flagrant qu'au milieu du xxe siècle, les
coupures des Psaumes 9 et xo6 ont été transportées à des endroits plus
logiques. Pourtant les coupures anciennes n'ont pas été disposées au
hasard. Elles ne sont pas purement arbitraires, mais témoignent d'une
mentalité différente.
En analysant les coupures des psaumes on constate que les notes
dominantes des finales sont la paix et la confiance : Dieu est fidèle,
il est tout-puissant, il n'abandonne jamais ceux qui se confient en lui.
Ces thèmes reviennent sous des formes variées. Dans deux cas, ils
s'expriment par des personnages exemplaires : le patriarche Joseph
(Psaume 104) qui acquiert par ses vertus un pouvoir immense, et le
278 Etudier la Bible
roi David (Psaume 88) qui protège le peuple parce qu'il est l'élu de
Dieu.
Cantiques inspirés reçus par l'Eglise, les psaumes ne pouvaient
pas subir la moindre adaptation. Il a fallu les couper sans y changer
ou déplacer un mot. La finale du premier demi-psaume et le commen-
cement du second sont absolument liés : le choix d'un verset pour
occuper une de ces places impose automatiquement à l'autre le suivant
ou le précédent.
Cela explique que, dans six cas, le début du second demi-psaume
est purement descriptif et n'a donc aucun caractère qui justifie sa place
(Psaumes 77, 103, 104, 105, 106 et 138). Le début d'un psaume doit
être plutôt une invitation à la prière, un appel à Dieu qui donne la
victoire, un cri de louange ou d'action de grâces. Il arrive que finale
et début sont parfaitement adaptés (Psaumes 9, 17, 36, 67, 88 et 144).
Enfin dans deux cas (Psaumes 68 et 143), la finale de la première partie
le cède en intérêt au début de la seconde.
Encouragement pour la prière et la confiance au début, paix dans
la contemplation de la gloire de Dieu à la fin, les psaumes sont appelés
à proposer des idées que l'esprit assimile pendant que la voix crée par
le chant le recueillement propice à cette méditation. L'attention assidue
à la lettre du psaume n'est pas requise, un verset peut alimenter long-
temps une prière secrète qui ne nuit nullement au déroulement de
l'office, rythmé par le chant alterné de psaumes sus par cœur. Dans
leur choix inattendu, les coupures des psaumes révèlent la mentalité
des moines d'autrefois qui ne cherchaient pas dans l'Ecriture une ins-
truction ou une lecture, mais le contact avec Dieu.
H· Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. x:no (cf. V. LEROQUAIS, Les bréviairts tks biblio-
thèques publiques Je Françe, III, pp. 456-457, n° 693).
Les moines du Moyen Age 279
la seconde (Sir. 4, 13) est détournée de son sens, parce qu'un seul membre
est conservé :
2. Et qui illam ( sapientiam) diligit, diligit vitam.
La formule rex regum apparaît aussi dans Daniel, mais elle est adressée
à Nabuchodonosor (Dan. 2, 37). Elle a été reprise et appliquée au Christ
par saint Paul (I Tim. 6, 15) et par l'Apocalypse (19, 16) dans les mêmes
termes
Rex regum et Dominus dominantium.
Une autre antienne pour la paix qui ne figure plus dans l'office
a été conservée dans l'usage comme chant votif48
1. Da pacem, Domine, in diebus nostris,
2. quia non est alius qui pugnet pro nobis,
; . nisi tu Deus noster.
Donne la paix Seigneur, à nos jours,
parce qu'aucun autre ne lutte pour nous
si ce n'est toi notre Dieu.
Isaïe (51, 22) transmet les paroles de Dieu luttant pour son peuple :
Deus tuus qui pugnabit pro populo suo.
Le vieux Tobie dans son cantique de louange invite Israël à faire
savoir aux nations qu'il n'y a pas d'autre Dieu tout-puissant que son
Seigneur:
quia non est alius Deus omnipotens praeter eum (Tob. 1;, 4).
Le second membre de l'antienne a été composé, en réunissant ces
deux passages un peu modifiés puisque nobis rend la supplication plus
immédiate que populo suo.
La finale vient du 1er livre des Maccabées (;, 5;) :
Comment pourrons-nous résister aux nations
si toi Dieu, ne nous aide pas ?
nisi tu Deus, adjuves nos.
Le compositeur a laissé tomber le verbe qui n'aurait rien ajouté
à pugnet pro nobis mais a introduit l'adjectif possessif noster pour insister
sur l'appartenance à Dieu.
Du vme au xne siècle, la liturgie a été vécue avec un répertoire
d'une richesse incomparable. Elle offrait une variété que les schémas
rigides ont considérablement réduite. Beaucoup de belles antiennes
48. Texte et références pour son utilisation ancienne au moment où on lisait les livres des
Maccabées dans René-Jean .E-lBsBERT, Corpus antiphonalium ofjicii, Rerum ecclesiartictii'Ufll documenta
Series major, Fontes IX, Rome, I 968, lll, p. 13 s, n° 2090.
z88 Btttdier la Bible
V lES DE SAINTS
Les ]oca monachorum, les coupures des psaumes dans l'office monas-
tique et les antiennes tirées de l'Ancien Testament ont montré comment
les moines du Moyen Age abordaient la Bible et comment ils s'en
nourrissaient; deux Vies de saints composées au xne siècle montreront
comment des moines qui avaient une instruction et des possibilités
communes ont utilisé l'Ecriture dans des récits sans prétention, des-
tinés à leurs frères moines et par eux au peuple chrétien.
49· Vila: Bibliolheça hagiographjça latina, n° ~S48 dans AS, Novembris II, 1, pp. 49~-501.
a.]. DUBOIS,« Une œuvre littéraire à Saint-Aubin d'Angers au xue siècle: La Vie de saint
Girard», dans La littérature angevine médiévale, Actes du Colloque du 22 mars I980, Angers, 1981,
p. p-6.z.
Les moines du Moyen Age 289
Luc 7, Jean 6 et Marc ;. Pour saint Paul, l'Epître aux Romains 6, alors
que six épîtres ne sont pas citées. Pour le Pentateuque, Genèse 5.
Cette première statistique montre que les auteurs connaissent toute
la Bible et citent de mémoire en accordant une préférence aux textes sus
par cœur à travers la liturgie comme les psaumes et à ceux qui sont au
centre de la spiritualité chrétienne comme les évangiles et saint Paul.
L'origine des citations est diverse, leur répartition dans le livret du
pèlerinage de Saint-Fiacre est très inégale. Il y en a 50 dans le premier
Prologue, 40 dans le second, 14 dans la conclusion aux Miracles et 7 dans
le prologue au Miracle de Geoffroy de La Chapelle. Ce qui donne comme
moyenne par page : 16, 10, 7 et 7. Trente et une citations dans les Miracles
font une moyenne de deux pour trois pages, le Miracle de Geoffroy de
La Chapelle en a 7, soit deux par page. Il n'y a de citation ni dans la Vita
prima, ni dans la portion parallèle de la Vita secunda, où on en trouve
trois groupées à la fin du supplément. La Vita prima part de traditions
extrêmement vagues et imagine en quelques épisodes les actions de
saint Fiacre et surtout la fondation du monastère, sans chercher à illustrer
son récit par des citations.
L'emploi des citations d'Ecriture a été voulu dans les Prologues et
les Miracles. Quelques exemples permettent d'apprécier la méthode des
moines écrivains, qui adaptent leurs effets au genre littéraire.
Les Prologues sont de véritables homélies. Les faits historiques sont
réduits à quelques allusions, alors que les leçons spirituelles s'appuient
sur des citations bibliques quand elles ne leur empruntent pas leur
expression.
Dans le premier Prologue, saint Fiacre est présenté avec une abon-
dance étonnante de références scripturaires. Le style est compliqué54 •
Parce qu'elle doit garder les nuances de l'original, une traduction est
assez lourde.
Egregius Christi confessor Fiacrius, perfectus evangelice institutionis
discipulus enituit, siquidem fidei rectitudini opus bonum studiose mari-
lavit. In sacro enim pectore volvebat assidue quonianJ « intellectus bonus
omnibus facientibus eum » (Ps. no, 1o), non audientibus, « quoniam
auditores tantum non iustificabuntur » Rom. (2, 1;), nec dicentibus,
« multi enim dicunt et non faciunt » (Mat. 23, ;). Unde doctrina sana
cum morum inequalitate non cedit eis ad salutem, « opus autem bonum
reputatur ad iustitiam » (Gen. 1 5, 6). « Qui facit », inquit, « haec,
non movebitur in aeternum » (Ps. 14, 5). Ne igitur fides in eo sine
operibus moreretur vel operatio praeter fidem Jacta infructuosa ad
salutem persisteret, quae « in lege Domini meditabatur die ac nocte >)
(Ps. 1, 2) in lucem bone operationis perducere studuit, iuxta illud,
« luceat lux vestra coram hominibm >> (Mat. 5, 16) « ut fontes deriva-
rentur foras» (Prov. 5> 16) « et cortina traheret cortinam » (Ex. 26,
1-6) et« qui audiret, diceret, Veni » (Apoc. 22, 17). Tanquam ergo
« turtur holocamtomatis ad asce/las » ora retorquens (Lév. 1, 14-17)
et« sicut animal in lege» (Lév. II) sic que subtili discretione decoxerat,
bona operatione mminabat. Ab ineunte vero aetate « terram suae
nativitatis egreditur » (Gen. 27, 7), « populum suum et domum patris
sui obliviscitur » (Ps. 44, I 1) voluntarie paupertatis strenuus amator,
quae in bonis mentibus custos humilitatis esse assole!.
« Le célèbre confesseur du Christ, Fiacre, brilla comme un
parfait disciple de la formation évangélique, puisqu'il unit avec
application les bonnes œuvres à la rectitude de la foi. Il méditait
assidûment en son saint cœur cette vérité que 'sont bien avisés
'ceux qui l'entendent', parce que ceux qui se contentent
d'entendre ne seront pas justifiés, ou qui le disent parce que
beaucoup disent et ne font pas. De là vient qu'une saine doctrine
sans la conduite correspondante ne les mène pas au salut, tandis
que les bonnes œuvres sont comptées comme justification :
celui qui agit de la sorte, est-il dit, ne sera jamais ébranlé. Aussi
afin que la foi ne demeurât pas en lui sans les œuvres ou que
l'action faite en dehors de la foi ne restât pas stérile, le contenu
de la foi du Seigneur qu'il méditait jour et nuit, il s'appliquait
à le mettre dans la lumière de la bonne action d'après cette
parole : Qu'ainsi donc luise votre lumière devant les hommes
pour que les sources soient dirigées au-dehors, que le rideau
entraîne le rideau et que celui qui entende dise : Viens. De même
donc qu'étaient réduits en holocauste la tourterelle le cou tourné
vers les ailes et l'animal pur selon la loi - ce qu'il avait
décomposé en ses éléments par la finesse de son discernement,
il le ruminait en faisant le bien. Dès l'âge le plus tendre, il
quitte la terre de sa naissance, il oublia son peuple et la maison
de son père, il aima passionnément la pauvreté volontaire qui,
chez les âmes bonnes, est la gardienne habituelle de l'humilité. »
femme avec la même vigilance que l'eau de son puits, le traducteur latin
a compris que c'était une bénédiction de voir l'eau sortir de chez soi
comme une belle et nombreuse famille.
Aussitôt après, le souhait « que le rideau entraîne le rideau » paraît
obscur. Dans l'Exode, il s'agit des rideaux qui doivent se joindre pour
former le tabernacle, demandé par Dieu à Moise. Pour les auteurs
médiévaux, le tabernacle est le symbole de l'Eglise, les saints contribuent
à l'édification de l'Eglise par leurs bonnes œuvres.
L'interprétation des sens de l'Ecriture au Moyen Age est souvent
un peu mystérieuse. Elle se charge de tout ce que les auteurs sacrés et
leurs commentateurs y ont ajouté. Opus bonum reputatur ad justitiam,
«La foi d'Abraham lui compta comme justice» (Gen. 15, 6) : Insistant
sur la justification par la foi, saint Paul reprend cette expression (Gal. 3,
6 et Rom. 4, 3). Saint Jacques (z, p) au contraire met en valeur les
œuvres : «Vous voyez que l'homme est justifié par les œuvres et non
seulement par la foi. » Le Prologue suit la pensée de saint Jacques.
Un peu plus loin, le Prologue utilisant un procédé classique compare
saint Fiacre aux plus hautes figures de la Bible :
In fidei rectitudine Abraham, in fervore Petrum, imitari satagebat ,·
Moysi mansuetudo, Pauli simplicitas, Job patiencia in eo rotilabant.
« Il s'efforçait d'imiter Abraham dans la rectitude de la foi,
Pierre dans sa ferveur; la douceur de Moïse, la simplicité de
Paul, la patience de Job brillaient en lui. »
Il y avait eu plus haut une allusion à Abraham, qui n'était pas nommé.
La ferveur de Pierre est un thème classique. On lit dans le livre des
Nombres (IZ, 3) que Moïse était le plus doux des hommes. Saint Paul
emploie plusieurs fois le mot simplicité56• La patience de Job est
proverbiale66•
Enfin le don des larmes, si cher aux dévots du Moyen Age, est
prétexte à un développement curieux :
In valle lacrimarum (Ps. 83, 7) constitutus, crebris ieiuniis et puris
orationibus intentus, flevit malitiam mundi, flevit miseriam exilii, et
« quoniam irriguum superius et irriguum inferius » (Juges 1, 15)
acceperat a Domino, a quo « amne datum optimum et amne donum
perfectum est>> (Jacques 1, 17), lotus resolvebatur in lacrimis, cupiens
dissolvi et esse cum Christo (Phil. 1, 23).
« Se trouvant dans la vallée des larmes, adonné à des jeûnes
fréquents et des prières pures, il pleura sur la malice du monde,
55. Le moine a dû penser à II Cor. 1, 1 2 : Nam gloria haeç, le.rlimonium çon.râenliae nostrae,
quod in simpliâla/e çordis et .rimeritale Dei, çon.rertJali .rumu.r in hoç mundo, abundanliu.r autem ad vos.
56. La patience de Job est proverbiale. Job lui-même la revendique: Et palienliam meam,
qui.r çon.rideral? (]ob 17, 15).
294 Etudier la Bible
57· Miracle 2., dans Un sanctuaire monastique au Moyen Age: Saint-Fiaçre-en-Brie ... , p. 95·
Les moines du Moyen Age z95
LA LETTRE ET L'ESPRIT
Dès le haut Moyen Age le Liber ex lege Moisi est une des sources
de la collection irlandaise « L'Hibernensis » qui eut une grande
influence sur le Continent. Lorsque l'on parle de l'Irlande on
évoque les Pénitentiels qui ont tant marqué la conscience des
hommes du haut Moyen Age. Nous avions demandé à Cyrille
V ogel d'en parler en raison de sa grande connaissance de ces
textes difficiles. Malheureusement une mort prématurée l'a
empêché de donner un texte définitif sur ce sujet2 • Il est certain
que les Pénitentiels sont très influencés par l'Ancien Testament.
Les interdits alimentaires rappellent ceux du Lévitique, tout ce
qui touche à la morale sexuelle est accompagné de références
vétéro-testamentaires. Mais le Nouveau Testament est également
source des auteurs de pénitentiels : les tables de l'édition Bieler
donnent 75 citations de l'Ancien Testament et une centaine du
Nouveau3 • Si les Carolingiens sont très méfiants en ce qui concerne
les Pénitentiels insulaires, ils n'utilisent pas moins les textes
bibliques pour tout ce qui touche à la pénitence. Dans la préface
de son Pénitentiel Raban Maur cite une longue page du Lévitique,
le livre du Pentateuque le plus lu à l'époque'.
Le moralisme carolingien est nourri de la Bible comme on
peut le voir par exemple dans le traité de Jonas sur l' «instruction
des laïcs »ou ceux de Raban Maur sur l'oblation monastique et
sur le respect que les enfants doivent aux parents6 • En tout ce
qui concerne le mariage la Bible est la première autorité, il suffit
de renvoyer aux travaux de Noonan et Jean Gaudemet6 • La
législation sur l'usure, sur les poids falsifiés, sur l'esclavage, etc.,
s'accompagne de citations bibliques7 •
Enfin, la Bible est pour les gouvernants du Moyen Age, laies
:z. C. VoGEL, Le plcheur et/a pénitence au Mi!Jen Age, Paris, 1969. Les« Libri paenitentiale.r »
(Typologie des sources du Moyen Age occidental, n° 2.7, Turhout, 1978).
3. L. Bli!LBR, The Iri.rh Penitentials(Scriptores Latini Hibemiae, 5), Dublin, 1963, pp. :z88-z89.
4- R. KorrJE, Die Bu.rsbücher Halitgar.r von Cambrai und des Hrabanus Maurus. Ihre Uberlieferung
und ihre Qutllen, Berlin, 198o.
5· PL, zo6, 12.1-2.78 et PL, I07, 419-440 et MGH, Epi.rt. V, pp. 403-405. Cf. DHUODA,
Manuel pour monfil.r, ill, éd. P. R:rcHÉ, Paris, 1975, pp. 135-141.
6. ]. T. NooNAN, Contraception el mariage, Paris, 1969, pp. 44-63 et tables pp. 68o-68z;
]. GAUDEMET, Sociétlset mariage, Paris, 1980, p. 2.34et Bibliogr., p. 458.
7· CHARLEMAGNE, Admonitio generali.r, 74· Sur les faux poids, ef. SMARAGDE DE SAINT-
MIHIEL, Via regia, c.hap. :z9, citant Deut. :zs, 15 et Prov. :zo, '-3· De même sur l'esclavage,
SMARAGDE, chap. 30, et ((Edit de Pitres)) de 864, MGH, Capit. n, p. 32.6.
Vivre la Bible 301
bien que sans eux, disait Emile Mâle : « La moitié au moins des
œuvres du Moyen Age demeurerait pour nous lettre close. » Il
était difficile de présenter tous les thèmes retenus par les artistes,
le choix fait par notre collègue est très significatif.
Dans la pastorale médiévale l'hagiographie tient une grande
place. Les Vies des Saints si longtemps considérées comme une
« basse littérature >> sont actuellement revalorisées. Les auteurs
des textes hagiographiques, des moines en général, nourris de la
Bible, empruntent à l'Ecriture bien des passages pour célébrer
leur héros. Poursuivant les recherches de Jean Leclercq8 , Marc
Van Uytfanghe qui a consacré sa thèse à La Bible dans les Vies de
saints mérovingiens nous montre comment la Bible se reflète et se
transpose dans l'hagiographie tout au long du Moyen Age aussi
bien en latin qu'en langue romane.
Précisément Michel Zink, reprenant les conclusions de sa
belle thèse9 , parle ici de la prédication en langue vulgaire romane.
Nous devons rappeler cependant que dans le monde anglo-saxon,
la prédication se fait normalement en langue nationale, comme en
témoignent les « homélies catholiques » sur l'Ancien et le Nouveau
Testament, d'Aelfric, abbé d'Eynsham, au début du xre siècle10•
Or la langue de culture est normalement le latin. C'est dans
cette langue que les clercs font leur apprentissage, forgent leurs
outils, prêchent devant leurs confrères. Jean Longère présente la
mise en œuvre de cet arsenal oratoire. Et la Bible y prend une
place majeure. Si les thèmes des sermons populaires sont d'habi-
tude plus moralisants que scripturaires, peu à peu, grâce à l'utili-
sation des homiliaires, les prédicateurs prennent comme points
de départ des versets de la Bible. Les exemples de sermons et les
données statistiques qu'il propose rouvrent l'enquête, à pour-
suivre désormais.
C'est également par l'intermédiaire du latin que la Bible est
présente dans la liturgie. Le Père Gy se contente ici d'étudier sa
place dans les prières de la messe et de l'office. Il ne pousse pas
8. J. LECLERCQ dans Bible [3].
9· Cf. Bibliogr. n° 147.
10. Cf. M. M. Dunms, Ae/friç, .rermonnazre, tfoçteur el grammairien, Paris, 1943, pp. 81 et s.;
M. LAREs [64], cf. également les Homélies de Wulfstan d'York (t 1023), éditées par
D. BETHURUM, Oxford, 1957.
Vivre la Bible 303
Présence de la Bible
dans les Règles
et Coutumiers
Saint Cuthbert, qui fut moine à Melrose, au vue siècle, puis évêque
de Lindisfame, déclarait, quelques jours avant le décès du prieur Boisile :
« J'ai un codex de l'Evangile selon saint Jean; il est composé de sept
cahiers; chaque jour, nous pourrons, avec l'aide de Dieu, en lire un
et l'étudier entre nous »1• Quant à Benoît, moine à Cluny, Pierre le
Vénérable nous le décrit portant toujours sur lui un psautier glosé
afin de réciter les psaumes avec plus de dévotion et d'attention, de
sorte que si le sens d'un passage lui échappait, il pouvait jeter un coup
d'œil rapide sur la glose2• Au cœur de ces deux anecdotes se profile
un personnage :le moine, face à un livre: la Bible, maintes fois réper-
toriée dans les catalogues des bibliothèques monastiques et maintes
fois citée dans les règles monastiques.
A priori, on serait tenté de qualifier d'évidentes ces relations entre
le« Livre» et le monde des abbayes. Pourquoi s'étonner qu'un moine
lise la Bible, quand la littérature hagiographique et les règles monas-
tiques présentent la vocation comme une réponse à l'appel évangélique:
« Va, vends ce que tu as ... et suis-moi» (Mat. 19, 21)?
Mais, à considérer la richesse de la Bible, qui est à la fois un livre
de morale, un recueil d'histoires et aussi une galerie de personnages
parfois hauts en couleurs, à considérer aussi la variété des familles
monastiques : Bénédictins, Chartreux, Cisterciens... sans oublier les
3· PL, IOJ, 573-664, en attendant l'édition qui doit paraître dans« Sources chrétiennes».
4· G. HocQUARD, « La Règle de saint Chrodegang », dans Coi/OfJIUI sain/ Chrotkgang, Metz,
1 967, pp. 73-75·
5· Dom U. BERLIÈRE, L'asç;sebénédi&line, Maredsous, 1929, p. 13.
Les rugles et Coutumiers 307
S'il est donc exact que la Bible n'est pas la source unique d'inspi-
ration des règles monastiques, il n'en reste pas moins qu'elle est cepen-
dant la source essentielle. Encore convient-il de préciser cette influence :
la Bible inspire-t-elle de façon égale chaque œuvre, chaque partie de
ces œuvres ? Qui l'emporte, de l'Ancien Testament ou du Nouveau?
N'y-a-t-il pas des livres privilégiés, des citations ne sont-elles pas rap-
pelées plus volontiers que d'autres? Leur interprétation n'a-t-elle pas
changé au cours des âges ?
la morale chrétienne. Ce choix est sans doute lié au contenu même des
livres, mais également à la liturgie. C'est ainsi par exemple que les
auteurs prémontrés rappellent souvent dans leurs ouvrages la dignité
du sacerdoce. A ce propos, les textes les plus commentés ne sont ni
le Lévitique ni l'Epitre aux Hébreux, mais les passages de l'Ecclésias-
tique (4~) consacrés à Aaron et à ses :fils: ils étaient en effet bien connus
pour revenir souvent dans l'Office divin aux fêtes des Martyrs et des
Confesseurs pontifes9 •
Ensuite, il arrive que les auteurs déforment le propos biblique,
comme on l'a vu à propos du dénigrement de l'ébriété et du butin
des Templiers; ce qui permet de poser dès maintenant une question
que nous retrouverons : l'esprit biblique a-t-il réellement influencé
la rédaction des règles monastiques? Ou bien les auteurs n'ont-ils
pas cherché à justifier leurs positions en s'appuyant sur tel ou tel verset,
sans se préoccuper de son contexte ?
9· Ibid.• p. UI.
IO. PL. I98. 13Z-
314 Vivre la Bible
gnie (des hommes). Moise aussi, Elie et Elisée, l'Ecriture atteste com-
bien ils aiment la solitude ou combien, grâce à elle, ils grandissent
dans la connaissance des secrets divins, et de quelle façon, au lieu d'être
continuellement en danger parmi les hommes, ils sont visités par Dieu
lorsqu'ils sont seuls. Jérémie quant à lui ... est assis seul, pénétré qu'il
est de la crainte de Dieu, et il demande que de l'eau soit versée sur sa
tête, une fontaine de larmes (placée) dans ses yeux, pour pleurer les
tués que son peuple a perdus Qér. 15, 17 et 8, 23); il réclame aussi un
endroit où il puisse s'adonner plus librement à ce devoir si sacré et dit :
'Qui me donnera un gite d'étape au désert?' (Jér. 9, 1) comme s'il
n'avait pas loisir de le faire étant en ville : et de la sorte il révèle à quel
point (la présence de) ses compagnons tarit en lui le don des larmes.
Bien plus, ayant dit : 'Il est bon d'attendre dans le silence le salut de
Dieu' (Lam. 3. 26) - affaire que favorise au maximum la solitude - .
et ayant ajouté : 'Il est bon pour l'homme de porter le joug dès sa jeu-
nesse' (Lam. 3, 27) -par quoi il nous console le plus, nous qui presque
tous avons embrassé ce genre de vie depuis l'adolescence- et il ajoute
ceci : 'Il sera assis solitaire et se taira parce qu'il s'élève au-dessus de
soi-même' (Lam. 3, 28): par là, il veut dire que grâce au repos contem-
platif et à la solitude, au silence et au désir ardent des biens d'en haut
(Hébr. II, 16; Col. 3, 2), presque tous les détails de notre institution
sont les meilleurs (qui soient). Quels sont les fruits de cette application
(au repos contemplatif), il le relève ensuite en disant : 'Il tendra la
joue à qui le frappe, il se rassasiera d'affronts' (Lam. 3, 30)... » Cette
longue citation mérite quelques réflexions : Guigues, par les exemples
qu'il choisit, cherche à montrer la valeur de la solitude comme source
de bienfaits. Les remarques qu'il fait à propos des Lamentations (3, 27
et z8) sont pleines d'enseignements car elles semblent lui permettre
de justifier certains aspects de la vie cartusienne : précocité de la voca-
tion à la vie solitaire, qui contredit l'enseignement de saint Benoît,
et en finale : « Par là il veut dire... que presque tous les détails de notre
institution sont les meilleurs qui soient. >> En d'autres termes, nous en
revenons une fois de plus à cette conclusion : la Bible, par la variété
de ses livres, paraît avoir moins été une source d'influence qu'un
réservoir capable de fournir une citation pour justifier telle ou telle
coutume.
Un auteur anonyme du xue siècle compara les Cisterciens aux pro-
phètes qui s'étaient réfugiés dans des grottes et qui étaient secourus par
Abdias, ministre du roi Achab; et il ajoute : « Regardons combien
1'histoire ancienne est proche de notre temps au cours duquel ce qui
arrive est sinon identique, du moins comparable. En effet, de notre
temps, ceux qui ont des préoccupations séculières envoient des servi-
teurs de Dieu dans les endroits les plus cachés et les plus éloignés de
leurs terres, afin qu'ils rachètent leurs péchés par l'effusion de leurs
31 6 Vivre la Bible
17. P. MANDONNET, Saint Dominiq~~e, l'idée, l'homme et l'auvre, Paris, 1938, t. 1, pp. SI-J2.
18. F. PEnT, op. cit., pp. 89-92.
19. PL, 204, 1136.
20. L. HAanxcK, J. TERSCHLÜSSEN, K. EssBR, trad. J.-M. GENVo, La RJg/e des Frères
Mineurs, ülllk historique et .rpirit~~e//e, Paris, 1961, pp. zz-23.
21. Ibid., pp. 112 et n8.
p 8 Vivre la Bible
22. Ces remarques concernant la Règle franciscaine proviennent de L. HARD1CK, op. cit.,
en particulier pp. 31, 4z, 127, 133, 14z, 145 ...
Les Règles et Coutumiers 3x9
dans les couvents franciscains. N'y aurait-il pas ici quelques rapproche-
ments à rappeler : ce passage de l'Ancien au Nouveau Testament
n'évoque-t-il pas l'humanisation et la plus grande douceur qui gagnent
alors l'art gothique? Surtout, dans un monde qui s'enrichissait, la
pauvreté devenait vertu, signe d'effort et de renoncement, telle que
la présente le Nouveau Testament, alors que dans l'Ancien, la pauvreté
est souvent signe de malédiction.
Enfin, surgit une dernière ambigulté : les références bibliques
orientent la spiritualité d'une famille monastique, mais influencent-elles
vraiment la vie quotidienne? Nous avons déjà vu les difficultés ren-
contrées par les Franciscains en ce domaine et il faut donc maintenant
examiner de plus près cette question.
23. C. A.,«Leslecturesde table des moines de Marchiennes au x1n° siècle», dans RB, II,
1894. p. 31.
24. Toute cette description provient d'Udalricb, à travers de VALous [us], pp. 333-334.
25. Cité par Dom E. MARTENE, De ontiqui.t monaçbon1111 ritihus, I, VII, Lyon, 1690, p. 78.
26. Dom G. MORIN,« Un traité inédit de saint Guillaume Firmat », RB, JI, 1914, p. 248.
Les Règles et Coutumiers 321
P~ BICHÉ, G. LOBRICHON 11
Vivre la Bible
4I. P.-F. LEFEVRE, Les Statuts de Prémontré réformés sur les ordres de Grégoire IX•.. , Louvain,
I946, p. 4I.
42. F. PETIT, op. cil., p. 89.
43· Dom U. BERLIÈRE, op. cil., p. 238.
44· In UtiiiiJJ ex q11t1tuor, liber quortus, c. 173 (PL, r86, 592).
45· VALous [u5], 1, p. 219.
46. PIERRE LE VÉNÉRABLE, Ep. 28 (PL, I89, 127).
47· PIERRE DAMIEN, Ep. 27 (PL, I 44. 416).
Les Règles et Coutumiers 3.z 5
2.. Nous adopterons cette expression, qui répond aux attributions de nos collections,
pour désigner les épîtres mises sous le nom de Paul, sans nous engager dans les débats de
l'exégèse contemporaine.
~· A. FAIVRE,« La documentation canonico-liturgique de l'Eglise ancienne», Rm~e des
sciences religieuses, t. J 4 (1980), 204-215; 27~-2.95.
4· D'autres écrits pourraient être interrogés : A. FAIVRE(« Le texte grec de 'la Consti-
tution ecclésiastique des Apôtres' 16-zo et ses sources)), ReflUe des sciences religietUu, J J, 1981,
Vivre la Bible
~1-42) signale dans ce recueil, composé vers ~oo «en Egypte ou peut-être en Syrie», une
large utilisation, d'ailleurs assez libre, des deux épîtres à Timothée à propos des ministres
ainsi que celle du Deutéronome 16, 18-19 et 17, 9-13 (pour la fonction judiciaire).
5· Edition, avec introduction, traduction et notes par W. RoRDORF et A. TUILIER, dans
la coll.« Sources chrétiennes», n° 248 (1978) où l'on trouvera (pp. 2n-213) l'index des
46 citations de l'AT et des 50 références néo-testamentaires (dont 40 proches des évangiles
de Matthieu (30), Marc (1) et Luc (9)).
6. a. Exode 20, 13-I7i 21, 16; Deut. 5, 17-21; 18, IO; mais sont aussi cités Tobie 14, 10;
Ps. 17, 6; Prov. 12, 28; 14, 27; 21, 6; Ecclésiastique 5, 9 et 14; 6, 1; Zacharie 5, 3; 7, 10;
8, 17.
7· La critique contemporaine s'accorde pour constater que la Didatbé « ne connaît pas
encore les textes canoniques du NT» (RoRDORF, op. &il., 84). Sur la tradition évangélique dans
la Didatbé, cf. W. RoRDORF, « La tradition apostolique dans la Didatbé », L'Année çanonique,
XXIll (1979), 108-no.
8. Mat. ch. 24, v. 1o-q; 24; 3o-31; 42-44; Luc u, 35; }oël2, 2; Zacharie 13, 8 et 14, 5·
Les collections canoniques 3 31
9· Edition, avec introduction, traduction et notes par Robert JoLY,« Sources chrét. »,
no 53 bù (1re éd. 1958, 2• éd. 1968).
10. R. JoLY, op. rit., n.
u. Dévdoppée en particulier par St. Gurr, Herma.r et/es Pa.rttur.r, Paris, PUF, 1963.
u. Les conclusions de Gurr sont globalement repoussées par R. JoLY, « Hermas et le
Pasteur», Vigiliae çhri.rtianal, 1967, 201-218.
13. D. Hlu.LHOLM, Da.r Vi.rionmb~~&h tle.r Hsrma.r a/.r Apol:alyp.re, 1, 1980 (Coniectanea biblica,
New Testament Series, 13, 1).
14. Vision III, 15, 2 = Hébr. 3, 12.
15. lbitl., 3 =Actes 19, 5·
16. Vis. Ill, 6, 3; 9, z et 10 et 12, 3 = 1 Thess. 5, 3·
17. Vis. IV, 23, 6 = Mat. 26, 24-
I8. Prée. 1, 1 = Eph. 3, 9·
19. Prée. IV, 2, 2 =expression fréquente dans le Livre des Juges (3, u; 4, 1; 10, 6 etc.).
20. Par exemple Vision 1, I, 6 = Ps. 2, 4; Gen. I, 28. Vis. n, 3. 4 = Ps. 58, 6. Vis. III,
7, 3 et 4, 3 = Ps. 105, 3 et 86, 9·
21. Par exemple Vision 1, 1, 9 = Deut. 30, 3· Vis. I, 3, 4 = Actes 17, 24; Ps. 135, 6;
Is. 42, 5· Vis. IV, z, 4= Dan. 6, 23.
zz. Par exemple Précepte Vll, 1 = Ecclésiaste 12, 13 : « Crains le Seigneur et garde ses
commandements.»
Vivre la Bible
que d'un recours à l'autorité des Ecritures 23, des références lointaines 24
ou des allusions 25• Dans« les Paraboles», ces allusions peu concluantes
deviennent encore plus rares.
Romaine aussi (bien que l'original, aujourd'hui perdu, ait été rédigé
en grec), la Tradition apostolique d'Hippolyte 26 présente un tout autre
caractère et fait plus de place à la Bible. Il s'agit d'un règlement ecclé-
siastique qui entend« rappeler la disciple et donner des directives »27•
Des dispositions d'ordre liturgique s'y mêlent à des instructions plus
spécifiquement canoniques. Si l'on retient, avec une opinion répandue,
que la Tradition est l'œuvre d'Hippolyte de Rome 28, on est conduit à la
dater des premières années du me siècle.
Les références bibliques n'en sont pas absentes, encore que l'on ne
s'accorde pas sur leur liste29• C'est qu'ici encore cette notion de« référence
biblique » est équivoque. Bien souvent il s'agit de lointaines réminis-
cences formelles, plus rarement de citations précises d'un fragment du
texte sacréao. On notera d'ailleurs que celles-ci se rencontrent tout spécia-
lement dans les parties liturgiques, en particulier dans la prière du sacre
épiscopalal.
Nous retiendrons comme dernier témoignage de cette littérature
disciplinaire la Didascalie des Ap&tres 32• L'œuvre est orientale (Syrie) et
date probablement du milieu du u:re siècle. L'appel aux textes bibliques
y est important: 237 références 33 où l'AT figure avec 101 références 34•
23. Par exemple: Précepte XII, z, 4 et 3, 4, cf. Eph. 6, 13 et Ps. 18, 9· Parabole V, 57, 3;
cf. 1 Rois 3, u.
2.4. Exemple dans Précepte XII, 6, 3 = cf. Mat. 10, :z.8.
2 5. Comme celle de « la tristesse», Précepte X, 2, 1, cf. II Cor. 7, 1 o.
z6. Edition avec introduction, traduction et notes par B. BoTTE, osB, « Sources chrét. »,
nO II bis (2• éd. 1968).
27. Dom BoTTE, op. ât., 25.
:z.8. En ce sens Dom BoTTE, op. cit. Une opinion différente a été soutenue par Jean MAGNE,
Tradition apostolique sur les charismes el diataxei.r des saints Apdtres, Paris, 1975· La question est
reprise par A. FAIVRE, « La documentation canonico-liturgique de l'Eglise ancienne, Revue
des sciences religieuses, 1980, 279·286 qui ne retient pas l'attribution à Hippolyte.
29. L'édition d'Erik TIDNER (Didascaliae Apostolorum, canonum ecclesiaslicorum, traditioni.r
apostolicae versiones latinae, Texte u. Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen
Literatui, 75· Bd., 1963) fait état de 10 références à l'AT, 16 aux Evangiles, 12 aux Epitres
pauliniennes, 3 aux Actes des Apôtres et 3 à d'autres écrits du NT, soit au total 44 mentions
bibliques. L'édition de Dom BoTTE (citée supra) n'en retient que 15 dont 6 pour!'AT et 6 pour
les Evangiles.
30. Par exemple chap. 36 etiamsi... , fin; cf. Marc 16, 18. Chap. 28, cf. Mat. 5, 13. Chap. 41,
cf. Mat. 25, 6 et 13, etc.
31. Chap. 3 (éd. BOTTE), cf. Ps. 50, 14; 1U, 5-6; Dan. 13, 42; Mat. 18, 18; Jean :z.o, 2.3;
Il Cor. 1, 3· Voir aussi dans la prière sur le diacre (chap. 8) 1 Tim. 3, 13, ou celle du chap. 26
(Ex. 3. 4).
32.. Ed. F. X. FUNK, Didasealia el eonslituliones Apostolorum, Paderborn, 1905. La version
latine est publiée parE. TIDNER, cité supra, n. 29.
33· Le relevé de Tidner, op. cil., Index, pp. 178-181 (où il faut déduire les références des
c:mons ecclés. et de la Tradition apostolique). F. NAu (La Didascalie, Paris, 19a) relevait 272 cita-
tions, 162 de l'AT, 109 du NT (dont 71 de Matthieu).
34· Pour le NT: Evangiles, 92; Epitres pauliniennes, 29; Actes des Apôtres, 6; Apoca-
lypse, 1 ; divers, 8.
Les collections canoniques 333
3~· Par exemple XI, 12 (p. 19) dictum est in &a11gelio, suit une citation de Mat. 5, n-12
(= Luc 6, 42-43).
36. Par exemple XIII, 24 à XVI, 21 = Ez. 18, 1 à 32.
37· Par exemple XI, 19-20, introduit par Diût t11im scriptura, où l'on trouve une similitude
avec l'Ecclésiastique 34, xo; Job 5, 17; Jacques 1, 12.
38. Par exemple XIX, 10-12 = Mat. 9, 12; XIX, x8-19 et 23-24, cf. Ez. 34, 4; etc.
39· Par exemple, à propos des veuves (XXXIII, 29-34) citation de Marc 12, 43·
40. Pour plus de détails, nous nous permettons de renvoyer à notre étude sur La formation
du droit séculier el du droit de l'Eglise aux JVe et V• .tièdes, 2e éd., Paris, 1979, x66-I74·
41. La collection connut deux rédactions (édition de la première par Adolf STREWE, Die
Kano111!.rsammlung des Dio11ysius Exiguus, Berlin, 193 I; la seconde rédaction est reproduite PL,
oJ).
334 Vit•re la Bible
4"'· Par exemple Concile de Néocésarée (p4), c. 15, de Nicée (325), c. 2; (1 Tim. 3, 6-7);
17 (Ps. 14, 5). Le c. 15 de Néocésarée (314-319) allègue l'autorité des Actes des Apôtres.
43· a. l'Index donné par Ch. MUNIER dans son édition des« Conciles africains», Corpus
Christ., CXLIX (1974), p. 373· Nous n'avons pu consulter l'étude de C. ANDRESEN, « Die
Bibel im konziliaren, kanonistischen u. synodalen Kirchenrecht », Fesl. fiir K. A/and, Berlin,
1980.
44· a. l'Index scripturaire de l'édition de ces conciles dans les« Sources Chrét. », n° 241
(1977), 147·
45· Concile de Valence {374), c. 3 (Sag. 1, 13).
46. Par exemple Conciles de Vaison (529) c. 1 et 2; de Clermont (535) c. net 16, etc.
47· On laisse en dehors de ce décompte les textes du Concile d'Orange de 529 consacré
à la grâce et au libre arbitre. Il ne s'agit donc pas d'un concile disciplinaire, mais d'un débat
théologique, ce qui explique la fréquence de l'appel aux Ecritures.
48. Par exemple les Conciles d'Orléans de 541 (38 c.) et de H9 (24 c.) ou celui d'Epaone
de 517 (40 c).
49· Treize citations, soit, pour ce seul concile, la moitié des citations scripturaires des
Conciles mérovingiens.
50. HF 5, 42.
p. a. RICHÉ [72], p5-p6; 538.
Les collections canoniques 33 5
L'apport irlandais
(26 chapitres) s'y réfère une trentaine de fois, certains de ses chapitres
(n, IZ) étant formés d'une mosaïque de petits fragments scripturaires.
Nombreux recours à la Bible également dans le Livre XXIV qui traite
de l'obéissance et dans le Livre XXV consacré au pouvoir royal. Si
l'on y trouve le redàite Caesari de Matthieu zz, ZI (chap. 9 a) ou les
passages de Luc (2, 1 et 5) sur l'obéissance de Joseph à l'édit sur le
recensement (chap. 9 d etj), c'est plus souvent à l'AT qu'il est fait réfé-
rence, qu'il s'agisse des obligations des sujets ou de la modération
du prince. Larges citations de la Bible aussi dans les vingt chapitres
du Livre XXXI de patribus et filiis. Là encore l'AT reparait 21 fois contre
4 textes des Evangiles et 3 des Epîtres pauliniennes. Fréquence des
emprunts bibliques et même prestige de l'AT dans d'autres Livres,
tels que les Livres XXXVII de principatu, XXXVIII de doc/oribus eccle-
siae, XLTI de ecclesia et mundo, LXVII, sur les devoirs du juge, où l'on
trouve un chapitre 4 de severitate vindictae et eius indulgentia composé de
14 petits fragments scripturaires. Mais les 38 chapitres du Livre XLVI,
consacrés aux questions matrimoniales, font plus souvent appel à
Augustin, Jérôme ou à quelques textes conciliaires qu'aux références
scripturaires. Avec l'Epitre aux Ephésiens (5, 2.2.), le chapitre 24 pro-
clame la soumission de la femme à son mari ; la 1re Epître aux Corin-
thiens (7, 3-5), dans le chapitre 2.2, rappelle l'obligation du debitum
coniugale, tandis que deux passages de l'Evangile de saint Matthieu
(5, 31-32 et 19, 9) formulent la règle de l'indissolubilité (chap. 8 et 2.7).
On ne saurait indiquer les sources auxquelles l'auteur de l'Hiber-
nensis a puisé ses références bibliques. La forme sous laquelle il les
présente prend d'évidentes libertés avec le texte sacré. Celles-ci sont
sans doute largement le fait de ses sources. De telles variations de formes
se retrouvent dans bien d'autres collections qui font appel à la Bible.
n n'y a donc pas lieu de s'attarder à un manque de rigueur que l'on
retrouve fréquemment chez les canonistes médiévaux.
Il faut au contraire souligner le rôle exceptionnel que tient la Bible
dans l'Hibernensis. Non seulement elle est très souvent citée, mais elle
n'est pas simplement alléguée pour fournir des arguments d'autorité,
voire des références lointaines. C'est elle qui apporte la règle, car le
texte biblique formule la loi. D'où la fréquence du mot Lex pour intro-
duire un précepte de l'Ancien Testament. Et ceci non seulement lors-
qu'il s'agit d'un texte de l'« Ancienne Loi» (Exode, Uvitique, Nombres,
Deutéronome), mais aussi pour des textes prophétiques 87 ou histo-
riques68. Quant aux prescriptions de la « Nouvelle Loi », elles sont
souvent introduites par Dominus in Evangelio (ou in Evangelio tout court).
Ainsi, ne disposant pas des textes conciliaires et pontificaux qui
69. Pour une orientation générale, cf. depuis l'exposé de P. FouRNIER [116], I, Paris, 195 I,
127-2 33; Shafer WILLIAMS, Codices Pseudo-Isidoriani, New York, I 97 I ; H. FuRHMANN, Einflms
111111 Verbreitung tkr Pseudo-Uidorisehen. Fiilsebungen tJOn ihrem A11jtauseh bis in die ne~~ere Zeit
(Schriften der MGH, ~ vol., 1972-1974). Sur la place des apocryphes dans le droit canon.,
G. LE BRAs, « Les apocryphes dans les collections canoniques », La çrili&a tkltuto, Alti tkl
J[o Congr. inlern. tklla Soç ital. di st. tkl dirillo I, Firenze, 1971, HI-391.
70. Nous retenons les dates proposées par Paul FouRNIER (op. eil., 183-18~) qui, rejetant
la « thése de l'origine rémoise », situait les compilateurs dans la région du Mans (op. ût.,
192-201).
71. Edition PERTZ, MGH Leges, t. 2, in-folio (1837).
72. D'où la numérotation de ces trois Livres, V, VI, VII; au total 1 319 chapitres.
340 Vivre la Bible
73· Cf. P. FOURNIER, op. cil., 168-169. Nous n'insisterons pas sur les textes bibliques que
l'on trouve dans ces additionu, car ils figurent dans des textes repris par les compilateurs à
d'autres sources. lis ne sont donc pas un apport propre des compilateurs.
74. li n'incombe pas à notre enquête de rechercher les causes et les manifestations de cet
intérêt porté à la Bible depuis la fin du VIne siècle. L'œuvre d'Hincmar, archevêque de Reims
dans le demi-siècle qui suitla confection des faux Isidoriens (845-882.), en offre un bon exemple.
On consultera l'Appendice Hi~~&mar ella Bible donné par J. DEVISSE au t. TII de son Hinçmar
[68], 12.37-1350. Hincmar, en plus de 3 ooo citations, allègue près de 2 ooo passages bibliques.
75· Cf. la liste publiée en tête de l'édition des faux Capitulaires citée supra, n. 71.
76. « Studien zu Benedictus Levita», Ne~~~s Arçhiv, t. 26 (1901), 37-72; 29 (1903), 277-331;
31 (1905), 59-139 (sources du L. I); 34 (19o8), 321-381 (sources du L. II, chap. 1 à 162);
35 (1909), 105-191 et435-539 (sources du L. ll, chap. 162 à la fin); 39 (1914), 32.7-431 (sources
du L. rn, chap. I-2H); 40 (1915-1916), 19-130 (L. Ill, chap. 2.5 5-374); 41 (1917-1919), 159-263
(L. rn, chap. 374-42.9). La mort a empêché SECKEL de donner les sources de la fin du L. III
(chap. 430-478) et des Appendices III et IV.
77· Op. Git., 151.
78. Cbap. 4-5; 39-58; 63-97; 102-109; 208-229; 264-274; 28o-299·
79• Cbap. 6-21; 98-101; 193-207; 2.3o-263; 275-278; 300-305.
So. Chap. 22-24; 37-38; 131-135·
Sr. Chap. 118-122.; 128-130.
82. Cbap. 35-36; I7D-I73·
83. Cbap. 111-114.
Les collections canoniques ~41
84. Chap. 40: Ut presbyteri n()fl ordinentur priusq1111111 examinentur (= Rubr. Anségise 1, 136).
Suit une composition du faussaire : Et ut ante ordinalionem pltniter et studiosissime instruantur.•. ,
•.• quia nimis griZf!iter peccant qui sacerdotu et ministros Christi detrahunt : quoniam tertante Illange/ica
tuba : « mûius est unkuique, ut suspendotur mo/a a1inaria co/Jo eiu1 et demergatur in profundum maris
quamscandalizet unum de pusillis» (cf. Mat. 18, 6), Chrilti videlicel miniltris. Et alibi« qui vos recipit,
me recipit; et qui tJ011pernit, me 1pernit » (= Mat. 10, 40) ••• Similiter et Chrilti Domini no1tri
miniltros et Jacerdotes nostro1que magistro1 monemus, ne locum 1ubditis trib114111 detrahandi ; quia « qui
detrahit fratrem 1uum, homicilla ell » (1 Jean 3, 15).
85. Luc 10, 16; 17, z.; Mat. 18, 16-17; 18, 6; cf. SEciŒL, op. cil., NA 31 (1905), 108-109.
86. Les Actes rapportent les propos du gouverneur Festus lors de l'inculpation de Paul :
« Les Romains n'ont pas l'habitude de céder un homme avant que, ayant été accusé, il ait eu
ses accusateurs en face de lui et qu'on lui ait donné la possibilité de se défendre contre l'incul-
pation.» Les Faux Capitulaires {1, 392.) transposent : ... Ne ullus sacerdos 1utÜtetur, nili praesentes
sint ip.riu.r accusatore.r, itùmque legitimi. A .rancta Romana et apo.rtolica eccluia olim .rtatulum est et a
nobi.r .rynodali .rententia confirmalum, ut nullu.r ex sacerdotali catalogo iudicelur aut dampnetur, ni.ri
accu.ratu1 accu.ratore1 /egitimo.r prae.rentes habeat locumque defendendi ad abluenda crimina accipiat.
87- 390, 431, 433. 439.451, 46Z., 475·
88. Série continue d'Ex. u, 14 à 36 puis de z.z., 1 à z.1, soit une importante partie du Code
del'Alliance, alors que le Décalogue ne figure que dans deux chapitres (z. = z.o, 7 ct 3 = z.o, 12.).
342 Vivre la Bible
89. Par exemple au chapitre 68, à propos du baptême iuxta praetept11111 Domini (cf. Mat. 28,
19)·
90. Par exemple chapitre 70 : in fine ... quia intomprehensibilia sunt iuditia Dei et profunditatem
tonsilii eius nemo potes/ ime.rtigare, cf. Rom. 1 1, 33 ; chap. 97 : ... quoniam raptores 111 ait apostolw,
cf. 1 Cor. 6, 10; chap. 99 : detrattio satertlo/11111 ad Chri.tt11111 pertinel, filius vite legatione in ettlesia
funguntur, cf. II Cor. 1, 20, etc.
91. Cf. chap. 104, 194, 209, 215, 220, 370, 371, 377, 381.
92. Cf. les exemples cités infra.
93· Cf. par exemple la modification du texte de l'Exode dans faux Cap. II, 4 cité par
SECKEL, op. tit., t. 34, 321.
94· Par exemple rn, 433 où le texte de Matthieu 18, 17 est attribué à Paul.
95· Sur la collection, sa composition, ses sources, cf. P. Fou!lNIER [n6], I, 171-183 à
corriger et compléter avec H. FuHRMANN (supra, n. 69), 1, 167-194·
96. Detreta/es pseudo isitlorianae (Leipzig, 1863) CXVI-CXXII. Le relevé d'Hinschius ne
peut fournir que des ordres de grandeur, car il n'est pas exempt d'erreurs et d'omissions. Les
imperfections de l'édition d'Hinschius sont relevées par H. FuHRMANN (lot. dt.) qui rappelle
toute la valeur que présente encore l'édition de J. Merlin (1524) reproduite dans la PL, r JO.
97· Ce chiffre serait encore plus élevé si l'on prenait en compte les textes bibliques qui
figurent dans plusieurs passages des Fausses Décrétales.
98. Ceux qui sont le plus souvent utilisés par les collections canoniques : Samuel, Rois,
Néhémie, Tobie.
Les collections canoniques 343
99· Comme le plus souvent dans les collections canoniques, Osée et Jérémie ont une
place de choix.
xoo. L'Evangile de Matthieu était l'une des bases essentielles de la formation des clercs,
de même que les Psaumes, parfois appris par cœur, tenaient une place de choix dans l'éducation.
xox. L'irritante question des textes scripturaires utilisés reste posée à tous ceux qui
étudient l'usage de la Bible dans les divers genres littéraires du haut Moyen Age.
Cf. J. LECLERCQ [9]. 103-III.
102. Sur les textes de la Bible, cf. B. FxscHER [4], 519-6oo.
103. Cf. HrnscHrus (op. eit., CXXXIX sq.) etH. FuHR.MANN (op. eit., I, 178-179) qui fait
état des recherches entreprises par M. C. Brakel.
104. Ps. Pie, Ps. Anaclet, Ps. Marcel, Ps. Pélage II.
344 Vivre la Bible
105. Sur cette« réception », cf. Ch. MUNIER, Le.r .rource.r patristiques du droit Je l'Eglise
du VIII• au XIII• .tiède, Thèse de doctorat en droit canonique, Faculté de Théologie catholique
de Strasbourg, I9H (Mulhouse, 19H)·
106. Edités par H. MoRDEK, Kirchenreehl u. Reform in Franle.reich, Berlin, de Gruyter, 1975.
107. C'est le cas de la Diof!)'.IÎo-Hadriana (774), de la Dacheriana (v. 8oo), de l'Anselmo
dedicata (v. 882-896), ainsi que de plusieurs collections issues de la VetuJ Gal/ica :coll. Herooa/-
liana (PL, 99, 989-2.086), coll. de Bonneval (MoRDEK, Reehtt.rammlung der Handsehrift von
Bonneval, Deut. Archiv., 1968), etc.
108. Cf. MoRDEK, Kirchenrecht ... , 144-145.
109. Analysée par P. FouRNIER, RSR, VI (1926), 513-526.
110. Par exemple celui d'Halitgaire de Cambrai (817-831), où les textes patristiques sont
nombreux dans la partie consacrée aux prescriptions morales (PL, IOJ).
III. Nous renvoyons pour ces relevés à Ch. MUNIER, op. cil., 3o-32.
112. p. FOURNIER, Un groupe tk recueiluanonique.r italiens deJ xe et XJe .trec/es, Mém. Ac. Insc.
et Belles-Lettres, t. 40 (I9I5), 164 et s. Le L. V, consacré au mariage, cite abondanunent l'AT
et saint Paul.
113. P. FoURNIER, « La collection canonique dite 'Collectio XII Partium' )), Rel'. hist.
ecç/,, t. 17, 3 I-62; 229-259.
114. Comme la petite collectio canonum d'Abbon de Fleury (v. 996) publiée dans la PL,
I J9, 473-508,
Les collections canoniques 34 5
LE DÉCRET DE GRATIEN
Le Décret
122. On ne peut rappeler ici une littérature récente très abondante. Une collection, les
Studia Gratiana, publiée d'abord par l'Université de Bologne (t. 1 à XIV, 1953-1967) puis à
Rome (Libreria Ateneo Sale.siano, depuis 197 2, t. XV) a consacté plusieurs volumes à des études
sur les problèmes du Décret. On consultera J. RAMBAUD (121], 49-129.
123. Il est aussi le premier élément du futur Corpu.s ]uri.t çanoniri, qui se constitue peu à
peu du xn• au XIV" siècle, et le livre sur lequel va se développer une doctrine canonique
autonome. Mais il ne nous intéresse ici que comme la dernière des collections canoniques
médiévales occidentales, non comme le point de départ de la science canonique.
124. A. VETULANI dans plusieurs articles a voulu démontrer qu'il remontait aux premières
décennies du xu• siècle, opinion qui est restée isolée, cf. R. METz, « A propos des travaux
~e M. Adam Vetulani », Rel'. dr. ran., VII, 1957; G. FRANsEN, « La date du Décret de Gra-
tien», RHE, LI (1956), 521-531 et LII (1957), 868-870.
Les collections canonitples 347
147· Même affirmation à propos d'autres faits, dans le sommaire duc. 14, C. 23, qu. 8.
148. C. 15, qu. 3, dict. initial,§ 2. Le texte fait allusion à Juges 4, 4; « Debora... jugeait
Israël. »
149· C. 22, qu. 2, dict. post, c. 18. On retrouve la même idée C. 26, qu. 2, dict. post c. 1 où
reparaissent des formules d'autres dicta :mu/ta permittebaniHr ... , tempore perfectioni.r di.rciplinae ... ,
penitu.r interdicitur.
150. C. p, qu. 1, dict.po.rt c. 7, à propos du mariage de David avec Bethsabée, après leurs
rdations adultères et le meurtre d'Urie ; Sed in veteri te.rtamento mu/ta permittebantur propter
infirmatatem, que in evangelii perfectione elimina/a .runt ; .rieul permittebatur quibu.rlibet dare libellum
repudii, neper odium funderetur .ranguini.r innoxiu.r. Quod po.rtea Dominu.r in e11angelio prohibuit dicen.r
uxorem a viro non e.r.re dimittendam, ni.ri causa fornicationi.r.
151. C. 32, qu. 4, dict.po.rt c. 2.
152. C. 35. qu. 1, di&t. initial,§ 2 et di&t. post c. 1, § 2.
15 3· Di.rtinctio 4. dictum post c. 6 : Decretum vero nece.r.ritatem facit, exhortatio autem liberam
voluntatem excitai, cf. la mise en œuvre de cette distinction à propos de Mat. 5, 40, C. 14,
qu. I, di&t. post 1, § 2 ; 11/ud vero ,,ange/ii« .ri qui.r ab.rtulerit tibi Junicam » non precipienti.r est, .red
exhortanti.r. Voir aussi C. 2, qu. 7, dict. post c. 39, § 3 à propos d'un exemplum fourni par le
Christ qui accepta de discuter avec les Juifs (cf. Jean 8, 46).
154. Après le célèbre prologue d'YVEs DE CHARTRES (pour son Décret ou pour la Panor-
mie ?) (PL, r6r, 47 et s.) et le De excommunicati.r vitandi.r de BERNOLD DE CoNSTANCE (MGH,
Les collections canoniques 351
peut sans crainte faire appel à l'AT, dont il sait, lorsqu'ille faut, écarter
préceptes et exempta.
Libelli de Lite, II, IU et s.), ALGER DE LIÈGE, dans son Liber de mi.rericurdia etjustitia, v. II05
(PL, I8o, sn-968; cf. G. LE BRAs, ((Le liber 'de misericordia et justicia' », Nollll. Rev. hist.
de droit, I921, So-I I8 et« Alger de Liège et Gratien», Rev. sc. philos. et théo/., I931, 5-:z.6) et
ABÉLARD dans le Sic et Non, v. Iuo (PL, IJ8, IH9 et s.) posent des règles d'interprétation
et de conciliation des textes, dont Gratien sera largement tributaire.
155· Sur la place des Ecritures dans le De Penitencia et le De Consecralione, cf. infra, p. 358.
I56. G. LE BRAs [uo], écrivait:« Environ 2.30 textes de l'AT et autant du NT sont par
lui allégués. » Les chiffres que nous proposons seraient susceptibles de légères corrections,
non seulement parce qu'un tel relevé, en l'absence d'indices ne saurait être exempt d'erreurs,
mais surtout parce que l'on peut hésiter à y faire figurer des références, des allusions, voire
une expression qui témoigne d'une certaine connaissance de la Bible, mais non pas toujours
d'une volonté très claire d'invoquer son témoignage. C'est ainsi que nous n'avons pas retenu
dans nos décomptes les allusions à l'histoire des Juifs qui figurent dans les § I, :z., 3 du dictum
post c. :z., D. :z.6.
IH· 87 colonnes dans l'Edition Friedberg sur les 1 42.4 que compte le Décret.
158. I31 colonnes.
3 52 Vivre la Bible
IS9· Nous schématisons ici, car la détennination de l'auteur ou des auteurs des dicta
reste délicate : l'inconnu, qui demeure mystérieux sous le nom de Gratien, ou, à côté de lui,
également d'autres mains ?
160. Les« erreurs» que peut entrainer une telle méthode ne sont pas assez nombreuses
pour fausser gravement les résultats auxquels nous sommes parvenus.
161. D. 1, s, 7, 8, 20, 21, 24, 40, 42. soit 9 di.ttincliones. On trouve en effet deux références
bibliques dans les dicta initiaux du D. s. 2.1 et 40.
162. Le De consecratione ne comporte pas de dicta.
Les collections canoniques 3~ 3
163. Cf. les concordances données pax FRIEDBERG dans les Prolegomena à son édition du
Décret : chap. 4 : quibus tanonum tolletlionibus Gratianu.r u.rus .rit (col. XLII-LXXIV), dont il
faut retrancher les Sentençe.r du LoMBARD, qui sont postérieures au Décret.
164. Ch. MUN1ER («A propos des textes patristiques du Décret de Gratien», Proceedings
of the Tbird intern. Congress of medietJal canon Law, 1968, Città del Vaticano, 1971, 43-50) estime
à environ 1 200 les canons tirés de la patristique (sur 3 700).
165. Des citations bibliques ont aussi été apportées au Décret dans des textes de saint
Cyprien (pax exemple D. 8, 8 et 8; D. 93, c. 25; C. 1, q. 1, c. 70, § 2; C. 7, q. 1, c. 9; C. 21,
q. 3, c. 4; C. 24, q. 1, c. 18 et 19; C. 24, q. 1, c. 31), de saint Ambroise (par exemple C. 1, q. 1,
c. 19 et 83; C. 5, q. 5, c. 3; C. 6, q. 1, c. 1o; C. II, q. 3, c. 68; C. 13, q. 2, c. 24; C. 14, q. 3,
C. 3; C. 15, q. 1, C. 10; C. 23, q. 3, C. 7; C. 23, q. 5, C. 25; C. 23, q. 8, C. 21; C. 24, q. 1, C. 7;
C. 24, q. 1, c. 26; C. 33, q. 1, c. 2), de Julien Pomère (C. 1, q. 2, c. 7), d'Isidore de Séville
(paxexempleD. 21, c. 1;D. 5o,c. 28; C. 32, q. 7, c. 15; C. 33, q. 1, c. 18) ou de Bède (C. 1,
q. 3, c. II; C. 3, q. 7, C. 6; C. II, q. 3, C. 83, C. 24, q. 1, C. 24).
166. Dans le long fragment cité D. 43, c. 1, on ne relève pas moins de 12 citations
bibliques.
167. Nous écartons les fausses attributions à Jérôme (pax exemple D. 45. c. 17; C. 8, q. 1,
c. 15, 16, 18; C. II, q. 3, c. 21, 2.2, 23; C. 24, q. I, C. 20; C. 27, q. I, C. 13 et 37; C. 27, q, 2,
c. 41) ou à Grégoire le Grand (par exemple D. 4, c. 6; D. 5, c. 2; D. 17, c. 4; D. 81, c. 23;
C. II, q. 3, C. 66; C. 2.3, q. 1, C. 1).
P. RJCHÉ, G. LOBRICHON 12
3 54 Vivre la Bible
189. De nombreuses références scripturaires des di<ta ont été fournies à Gratien par les
canons que ces Ji&ta commentent. ll n'est cependant pas exclu que Gratien ait emprunté
directement à des recueils bibliques, florilèges, ouvrages reproduisant telle ou telle partie de
l'ensemble biblique, gloses. FRIEDBERG (Pro/egomena, XXXIX, n° 65) a relevé 19 emprunts à
!ag/ossa ad Vu/gatam, dont la plupart figurent au De penilenâa et Ch. MUNIER («A propos des
textes patristiques du Décret de Gratien», Proçeed. of the Third intiNI. Cong. of Mediwal canon
Law, 1968, Città del Vaticano, 1971, 46) relève l'utilisation de la Glose ordinaire (attribuée à
Anselme de Laon) dans les dicta, par exemple D. 37, dict. post c. 1·
190. Référence à Nomb. 18, 21-29; citation du Deut. 12, 5; 14, 27; 2.3, z5; 2.5, 4;
Ps. 8o, 13; 103, 14; Luc 10, 5; I Cor. 9. 7. I l et 13; Gal. 6, 6; I Tim. 6, 8; n Tim. 2, 6.
191. Voir par exemple D. 25, dict. post c. 3; D. 36, dict. post c. 2.; C. x, q. 4, ditt. post
c. I I (14 citations); C. 2., q. 7, dict. post c. 27; 39; 41; C. 7, q. 1, dict. post c. 48; C. 23, q. 1,
dict. initial; C. 2.3, q. 4, dict. post c. 32, etc.
192.. Cf. supra, n. 161.
193· C. 1, q. 2 et 3; C. z, q. 4; C. 15. q. x; C. 15, q. x; C. 17, q. x; C. 22, q. x; C. z;, q. 1,
3, 5, 6, 8; C. z4, q. 2 et;; C. z6, q. 2. et 5; C. 28, q. x; C. z9, q. 1 et z; C. 34. q. 4 et 6;
C. 3;, q. 1.
194· Par exemple D. 1·
195. Par exemple D. 5·
Les collections canoniques 357
a vu parfois une« jonglerie littéraire »20&. Dans d'autres cas, utilisant des
principes d'interprétation plus« modernes», déjà proposés par Yves de
Chartres et Abélard, il explique ces solutions différentes du droit de son
époque en rappelant qu'elles avaient été données pour d'autres temps
et d'autres lieux.
C'est en combinant les principes nouveaux de l'interprétation avec
ceux, traditionnels, de l'interprétation allégorique que Gratien se libère
de textes embarrassants.
2.05. Ch. MUNIER, «A propos des citations scripturaires du De Pmiten&ia »,Re~~. de droit
ranonique, XXV (1975), 74-83.
2.06. ll faut cependant signaler quelques très rares canons formés exclusivement d'une
citation biblique: D. 1, c. 3 (Ps. 50, 19), 4 (Ps. 31, 5), 34 (Mal. 3, 7); D. 2., c. 7 (I Cor. 13);
c. 2.8 (Gal. 5, 6). Le c. 36, D. 1 (I Ep. Jean, 3, 9) ne doit pas être tenu pour un canon, mais
être rattaché au dirtum précédent qui s'y réfère expressément; cf. également D. IV, c. u.
2.07. Où Origène est très souvent caché sous le nom de Jérôme.
2.08. 2.3 citations dans le tiktum de laD. 2.,post, c. 39; 2.1 dans le tli&trlm de laD. 1, post
c. 6o; 14 dans celui de la même D,post, c. 87.
2.09. J. RAMBAUD [12.1], 89. La tendance spéculative théologique de ces Dislimtianes,
inhabituelle dans le Décret, a été soulignée par le pape Jean-Paul Il, alors Mgr K. WOJTYLA
dans un article sur « Le traité De Penitenria de Gratien dans l'abrégé de Gdansk », Stutiia
Gratiana, Vll (1959), 357-390.
36o Vivre la Bible
2.2.1. HUBRECHT, «La 'juste guerre' dans le Décret de Gratien», St. Graliana, Ill (1955),
161-177•
.uz. Le texte de la I•• aux Corinthiens 5, 3-5 est cité à plusieurs reprises : C. II, q. 3,
Jüt.po.rtc. :n;C. Z3,q·4,Ji&t.po.rtc. z6; C. .24,q. l,tliet.po.rtc.4; le Jjçtum initial de C. 26,
q. 5 se réfère à 1 Cor. 5, II.
223. Cf. G. LE BRAs [uo], 62-69.
224. Ps. 16 (15), 5·
225. Le Jietum cite le RetiJite Ce.rari (Mat . .u, 21) et Rom. 13, 7·
~62. Vitlf'e la Bible
Conclusion
zz6. Cf. aussi ditlum initial de la C. 29, q . .z, qui se prévaut de la généralité des termes
de 1 Cor. 7, 39·
• 227. Dans ce dittum, où il rejette l'exemple donné par l'Ancien Testament, Gratien
mvoque la loi romaine, refusant aux femmes l'accès des tribunaux, ainsi que le confirment
les textes du Code de Justinien et du Digeste qui forment les c. 1 à 3 de la même q1111e.rtio.
zz8. Op. cit., 66-67.
Les collections canoniques 36 3
CoNCLUSION GÉNÉRALE
233. Certains cumulent ces titres, et, en tout premier rang, Grégoire le Grand.
366 Vivre la Bible
tent un peu moins à l'Ancienne (1o3) qu'à la Nouvelle Loi (135). Mais
c'est dans l'Irlande de l'Hibernensis et un siècle et demi plus tard dans
la Gaule carolingienne du Pseudo-Isidore que s'opère le progrès décisif,
fruit d'une étude plus poussée de la Bible, mais aussi du travail des
Pères : près de 300 textes dans l'Hibernensis, dont les deux tiers (214)
ont été empruntés à l'AT; environ 400 dans les Fausses Décrétales, où
l'Ancien Testament l'emporte d'une courte distance (215 contre 177)234.
Servis par ces collections, mais ne dédaignant pas des emprunts nou-
veaux, les compilateurs, de Burchard à Gratien, en Italie comme au
nord des Alpes, enrichissent le dossier.
A cette croissance numérique répond très normalement une diver-
sification croissante. La Didaché n'utilisait que 14 livres de l'AT et,
pour le NT, surtout l'Evangile de Matthieu, un peu moins celui de Luc,
les Epîtres pauliniennes n'apparaissent que trois fois. Avec la Didas-
calie l'éventail s'ouvre : 21 livres de l'AT; pour le NT, un large appel
aux Evangiles (92 références) se combine avec l'utilisation de la presque
totalité des Epîtres pauliniennes235.
Mais c'est l'Hibernensis qui, à la quantité, ajoute la diversité. Vingt-
sept livres de l'AT (sur 46) sont cités. Parmi ceux qui n'ont pas été mis
à contribution, certains resteront ignorés des collections canoniques :
Ruth, I Chronique, Judith, Esther, les deux Livres des Macchabées,
les Lamentations, Baruch, Abdias, Aggée et neuf autres livres, rare-
ment cités par les canonistes236. Au NT, l'Hibernensis emprunte non seu-
lement une cinquantaine de textes des Evangiles, mais, outre des frag-
ments des Actes, de l'Epitre de Jacques, de la Ire de Pierre, de la Ire de
Jean et de l'Apocalypse, des passages de la plupart des Epitres pau-
liniennes237.
Les Fausses Décrétales se montrent un peu plus sélectives à l'égard
de l' AT238. Mais, à l'exception de la lettre à Philémon et de la ne Epitre
de Jean, tout le NT est mis à contribution.
D'une façon générale, dans l'AT, le Pentateuque (et surtout l'Exode
et le Deutéronome), mais plus encore les Psaumes et, parmi les Pro-
234. D'autres témoignages, et avant tout celui d'Hincmar de Reims, canoniste, théolo-
gien, litutgiste, confirment la place considérable des références bibliques dans la littérature
chrétienne du rx• siècle.
235. Seules déficiences la II• Ep. aux Corinthiens et la II• aux Thessaloniciens qui n'appa-
raissent guère avant les Fausses Décrétales et la lettre à Philémon qu'ignorent les collections
canoniques.
236. II Chro., Néhéinie, que citent une fois les Fausses Décrétales, Cantique des
Cantiques (ttès rarement cité dans les collections canoniques), Ecclésiastique, Joël, Michée,
Nahum (ces deux derniers n'apparaissent qu'avec les Fausses Décrétales), Sophonie (que
l'on ne trouve 3, 4, que dans un texte du Concile romain de 743, c. 15, que reproduit le
Décret d'Yves, VI, 76 en attendant celui de Gratien, D. Sr, c. 23), Malachie.
237. Ne sont pas utilisées les Epittes aux Philippiens et aux Colossiens, la II• aux Thessa-
loniciens, l'Epitte à Tite.
238. Vingt-deux livres non utilisés,
Les collections canoniques 367
phètes, Isaïe et Ezéchiel239 sont le plus souvent invoqués par les col-
lections canoniques. Dans le NT, l'Evangile de Matthieu et, pour les
Epîtres, celles aux Romains et la Jre aux Corinthiens occupent les
premières places.
Ces choix tiennent pour partie aux sujets abordés. Mais ceux-ci
ne les conditionnent pas pleinement, car la référence biblique est souvent
reflet d'une certaine culture, résurgence de mémoire, sans grande cohé-
rence avec l'objet du canon. On constate en effet que les préférences
et les omissions des canonistes se retrouvent, pour l'essentiel, dans
d'autres œuvres2&0,
ll est remarquable que les préférences des Fausses Décrétales se
retrouvent pour bonne part dans les écrits d'Hincmar241 dont les sujets
dépassent de beaucoup le seul domaine du droit. Les Psaumes y sont
au premier rang suivis par Matthieu. La Jre aux Corinthiens et l'Epitre
aux Romains sont, de loin, en tête des Epitres pauliniennes. Isaïe et
Ezéchiel sont préférés aux autres prophètes. Et, pas plus que les col-
lections canoniques, les écrits de l'archevêque de Reims ne font appel
aux Livres de Ruth, de Judith, au Jer Livre des Macchabées ni, parmi
les Prophètes, à Baruch ou Abdias ou, pour les Epitres, à la lettre à
Philémon242•
Les grandes collections canoniques des XIe-:xne siècles ne modifient
guère ces équilibres. Leurs auteurs étaient trop tributaires de leurs
devanciers, trop marqués aussi par les méthodes et les matières de
l'enseignement de leur temps pour rompre avec la tradition.
Le Décret de Gratien, ici comme en bien d'autres domaines, s'inscrit
dans la ligne d'une longue histoire. Mais il porte aussi les germes d'une
grande mutation. Fidèle au passé, il admet largement les références
bibliques. Marqué par les thèses que développent depuis un siècle les
collections« grégoriennes», il fait de Rome l'arbitre du droit. Une hié-
rarchie des sources s'affirme qui, sans écarter le recours à la Bible,
met au premier rang le Pontife romain.
Jean GAUDEMET.
239. La fréquence des citations d'Ezéchiel (comme de Job) s'explique par l'existence de
commentaires célèbres de ces livres, auxquels ont emprunté les auteurs de collections
canoniques.
240. Cf. les observations de Beryl SMALLEY [4], 631-655, spéc. 649: le Psautier privilégié;
puis les Evangiles et les Epitres; peu de place aux« petits» prophètes, sauf Jonas, au Cantique
ou à l'Apocalypse, mais faveur pour les Livres sapientiaux.
241. J. DEVISSE [68], I32D-I32I.
242. D'autres livres, absents des collections canorùques, ne se trouvent dans les écrits
d'Hincmar qu'à une ou deux reprises et l'inverse est également vrai.
368 Vivre la Bible
~
.., ..,
~ ~
~ ~ ~
~ ..,
<:>
~
~
~
~
-~ -~ A
~ ~ Décret
~
1. - ANCIENT TESTAMENT
Genèse I 9 9 z z 5Z II
Exode 6 6 13 Z3 35 4 Z7 9 6
Lévitique I 3 13 18 z 30 5
Nombres I z 14 6 8 15 ; 4
Deutéronome II 4 3Z II 4 Z3 I
Josué 4 4 I
Juges 3
Ruth
1 Samuel 9 I 13 4 I
II 5 3 IO I
1 Rois 3 I 5 4 z
II - 4 4 4 I
1 Chroniques
II - I 4 z
Esdras I
Néhémie
Tobie z 1 3 ; z
Judith
Esther
1 Macchabées 1
II
Job 1 z 5 3 4
Psaumes 3 z II Il 50 64 41 7
Proverbes 4 13 x6 14 Z4 3
Ecclésiaste 1 9 z z 14 6
Cantique des Cantiques 3
Sagesse 1 II 6 ; 1
Ecclésiastique (Sirac.) 8 z 45
Isaïe 19 17 z6 IZ
Jérémie I 3 9 Z9 6 ;
Lamentations 6
Baruch
Ezéchiel 7 15 3 Z9 10 z
Daniel 1 6 4 ; 3
Osée Il 10 4
Joël 1 1 3
Amos z
Abdias
( 1) 1 : Distindionu et çau.rtU; a : De Pmillnda; 3 : De C1111.turatione.
Les collections canoniques 369
Jonas z 3
Michée z
Nahum z 2
Habaquq z 1 7
Sophonie 1
Aggée
Zacharie 2 z 2 2 1
Malachie 1 II
La Bible
et les canonistes*
* L'auteur a discuté ces réflexions avec les pro Stephan Kuttner et Brian Tiemey, ainsi
qu'avec ses collègues de l'Institut de Droit canonique médiéval (Berkeley), Stephanie Jefferis
Tibbetts ct Stephen Horwitz.
1. S. Cuonoaow, CbrisJitm PoliJüal Tbeory 111111 Churth PoliJi&s in JIJI MiJ-Twe/fJh CenJury,
Berkeley, 1972, pp. 47-64; J. NOONAN, « Gratian Slept Here: the Olanging Identity of the
Father of the Systematic Study of Canon Law», dans TrmliJio, JJ, 1979, pp. 145-172.
2. S. KtlTTNl!R, Harmof!Y from Dùso11411te, Latrobe, Penna., 196o, p. 30; ]. NooNAN, << Was
G12tian Approvcd at Ferentino », BtdleJin of Metliwal Canon l...mll, i (1976), pp. 15-27; P. CLAs-
SEN,« Das Demhmt GraJitmi wurde nicht im Ferentino approbiert », ibitl., 1 (1978), pp. 38-4o;
H. RAsHDALL, The UniHrsiJi4s in Jhe Mitltlle Ages, 1, Oxford, 1936; repr. 1964, pp. u8-135.
372. Vivre la Bible
3· C. MUNIER, Le.s soswces patristiques du droit de l'Eglise, Mulhouse, 1957, pp. 54. 58, 96,
99, 111; A. M. LANDGARP, « Diritto canonico e teologia nel secolo XII», dans Studia Gratiana,
I, 1953, pp. 374-376; W. ULLMANN, Law and Politics in the Middle Ages, lthaca, NY, 1975,
PP· 42-46. Les collections irlandaises, composées à l'écart du courant principal de l'Europe,
se servirent largement de la loi mosaique; voir P. FoURNIER,« Le Liber ex lege Moysi et les
tendances bibliques du droit canonique irlandais», dans Revue ct/tique, JO, 1909, pp. ZZI-234·
Des versets bibliques en grand nombre entrèrent dans la composition des Fausses Décrétales;
voir G. LE BRAS, « Les Ecritures dans le Décret de Gratien », dans Zeitschrift fiir Rechts-
guchichte, kan. Aht., 27 (1938), pp. 47-80 et 51.
4· D. E. LuscoMBE, The School of Peter Abe/art!, Cambridge, 1969, pp. 214-221;
R. E. WEINGART, The Logic of Divine Lo11e, Oxford, 1970, pp. 28-31; J. R. McCALLUM,
A!J;Iard's Christian Theo/ogy, Oxford, 1948, pp. 98-99; J. PELIKAN, The Christian Tradition, III,
Chicago, Ill., 1978, pp. 213, 224, 227; KuTTNER, Harmonyfrom Dissonance, pp. 24-26, 35-36.
La Bible et le.r canoni.rte.r 37 3
Gratien n'utilisa pas la version finale de la confession de Bérenger de Tours; voir R. SoMBR-
VILLE, « The Case Against Berengar of Tours - a New Text », Shldi Gregoriani, 9 (197z),
pp. 55-75·
5. G. LE BRAS,« Pierre Lombard, prince du droit canonique», in Mim/lanea LombartiiaM,
Novarm, 1957, pp. z45-z5z; LANDGRAP, « Diritto canonico »,pp. 377-378, 381, 401.
6. LE BRAs,« Les Ecritures», pp. 5z-53, 64-67, 77-8o; B. SMALLEY [15], pp. 303-304.
7· Corpus Iuri.r Canoniti, éd. E. FRIEDBERG, Leipzig, 1879; repr. 19H, I, 1 : D. 1, a.c. 1;
B. TIERNEY, « NaiiiT'a id e.rl Deu.r: a Case of Juristic Pantheism? », Journal of the Hi.rtory of
Idea.r, 24 (1963), pp. 31o-311; LB BRAs,« Les Ecritures», pp. 55-56.
374 Vivre la Bible
8. FRIEDBERG éd., I, 14: D. 8, a.c. x; S. KuTINER, « Gratian and Plato »,in ChurçhGOIJern-
menl in the MidtJJe Ages: Em~s Presentent/toC. R. Cheney on his 70th Birtbtlay, éd. C. N. L. BROOKE
et al., Cambridge, 1976, pp. 93-II8; B. TIERNEY, Medieval Poor Law, Berkeley, CA, 1959,
pp. 2.6-2.7.
9· LE BRAs,« Les Ecritures», pp. 50, 69-75, 79-80.
10. LE BRAs,« Les Ecritures», pp. 52-54.
11. FRIEDBERG éd., I, a : D. 7, c. x; LE BRAs,« Les Ecritures», pp. 57, 59-68.
12. P. LANDAU,« Alttestamentliscbes Recht in der Compilalio prima und sein Einfluss
auf das kanonische Recht», Studio Gratiana, 20 (1976), pp. III-IH; B. KEnAR, «Canon Law
and the Burning of the Talmud », Bulletin of Mediet~al Canon La:lll, 9 (1979), pp. 79-82..
La Bible et les canonistes 37 5
13. FRIEDBERG éd., I, 36-41 : D. 15, c. 3; LE BRAS,« Les Ecritures», p. 48, n. 4; E. von
DOBSCHUTZ, Da.r Decretum Gtla.rianum tle libri.r re&ipiendi.r el non recipiendi.r, Leipzig, 1912;
MUNIER, Le.r .rourçe.r, pp. 107, 183.
14. FRIEDBERG éd., 1, 41-42 : D. 16, a.c. 1 - c. 4; éd. cit. I, xxx.
15. FRIEDBERG éd., 1, 717-720: C. 13, q. I.
376 Vivre la Bible
16. FamDBER.G éd., I, 725, 727, 729-730: C. 13, q. z, c. 13, c. zo, p.c. zo, c. z6, p.c. z6;
MUNma, Le.r sourte.r, p. 54·
17· LANDGRAP, « Diritto canonico », pp. 377, 381; LusCOMBE, S&hool of Abelard, 16-17:
H. KANTOR.OWICZ, in SMALLEY, Stm!:J [15]. PP· sz-ss.
18. B. TmRNEY, «Sola miptura and the Canonists »,Studio Graliana, r r (1967), pp. 345-366
et 369; MUNIEa, Lu .r0117'te.r, pp. 186-191.
La Bible et les canonistes 377
19. SMALLEY [15], pp. 264-265; A. V.u>~ HoVE, Prolegomena, éd. rev., Malines, 1945,
pp. 503-505.
20. R. and M. RousE, Prea&her.r, Florilegia and Sermons, Toronto, 1979·
21. T. KA.EPPEL1, Smplore.r OrdiniJ Praedi&alorum, m, Rome, 1980, pp. 114-123·
22. V.u>~ HoVE, Pro/egomena, pp. 348-368, 443-449, 455-456, 461, 465-483, 495-502;
RAsHDALL, Unioersims, 1, pp. 147, 261-262, 437-439·
23. VfiN HoVE, Prolegomena, pp. 483-484, 502-503; F. L10TTA, « Appunti per una biografia
delcan6nista Guido da Baisio arcidiacono da Bologna )), Studi Senesi, ser. 3, 13 (1964), pp. 19-
22. Pour l'Aquinate chez les canonistes ultérieurs, voir A. BLACK, « Panorrnitanus on the
De&relum )), Tradilio, 26 (1970), pp. 44o-444.
378 Vivre la Bible
2.4. B. SMALLBY, « Gregory IX and the Two Faces of the Sou!>>, Medieval antl Renairsanu
Studûs, 2 (1950), pp. 179-18z.
2.5. B. TIERNEY, « Tria quippe tlislinguit iutlicia••. a Note on Innocent lll's Decretai Per
Venerabilem », Spetulum, J7 (1962.), pp. 48-59.
2.6. S. KUTrNER, « Johannes Andreae and his Nwella on the Decretais of Gregory IX»,
The ]Hri.tt, 24 (1964), pp. 393-408, 405-406.
2.7. Le recours à l'argument d'autorité chez les canonistes mérite la même attention que
ce recours chez les auteurs du droit civil; voir N. HoRN, « Argumenlum ab au&loritate in der
legisten Argumentationstheorie », dans Festschrift fiir Fran:(. Wieacker :(.U111 70. Geburtstag,
éd. 0. BEHRENDS, Gôttingen, 1978, pp. 2.61-272.
2.8. J. TARRANT, «The Life and Works of Jesselin de Cassagnes», Bulletin of Medieval
Canon Law, 9 (1979), pp. 37-64 et 46, 62-63.
29. TARRANT, « Jesselin », p. 63, n. 162..
30. H. GILLEs,« Jean de Jean, abbé de Joncels», Histoire littéraire de la France, 40 (1974),
PP· H-III et 77·
31. P. FOURNIER,« Guillaume de Montlauzun, canoniste», Histoir~ littéraire de la France,
JI (1921), pp. 467-503 et 481-486.
La Bible et les canonistes 379
p. KUTTNER, Harmof!Y from Dits., p. 2. Les canonistes entretenaient aussi une hostilité
permanente à l'égard des juristes du droit civil : voir W. VLLMANN, Medieval Papali.tm,
Londres, 1949, pp. 26-32.
33· BERNARD OF ÛAIRVAUX, Five Books on Consideration, trad. J. D . .ANDERSON and
E. T. KENNAN, Kalamazoo, Mich., 1976, pp. 32-33; ]. W. BALDWIN,« Critics of the Legal
Profession : Peter the Chanter and his Circle », in Pr()Çeedings of the Serond International Congress
of Medieval Canon Law, éd. S. KuTrNER, Vatican City, 1965, pp. 249-259; LANDGRAF, « Diritto
canonico >>, p. 378. La science de l'Ecriture demeurait la source principale de la supériorité
que le théologien s'attribuait sur le canoniste; voir R. ]. LoNG,« Utrum iurista ve/ theologus
plus profi&ial ad regimen ecc/esie : a quaestio disputa/a of Francis Caraccioli. Edition and Study »,
dans Mediellfli Stutlies, Jo, 1968, pp. 145-150.
34· H. A. ÛBERMAN, Forerunners of the Reformation, New York, 1966, p. 54·
35· L. B. PASCOE, Jean Gerson: Princip/es of Church Rejorm, Leyde, 1973, pp. 49-79;
H. A. ÜBERMAN, Masters of the Reformation, Cambridge, 1981, p. 24; A. BLACK, CotiiiCil and
Commune, Londres, 1979, pp. 5-6, n.
36. M. HuRLEY, «Scripturasoia: Wycliffand his Critics», Tratlitio, pp. 275-352 et 285-286,
289, 297-298, 300; TmRNEY, Sola smptura, p. 348.
37· ÜBERMAN, Ma.tters of the Reformation, pp. IH, 156, 208, 230, 278.
38. TARRANT, « Jesselin», pp. 44-46; B. TmRNBY, Origins of Papal lnfa/Jjbility IIJO-IJJO,
Leyde, 1972, pp. 194-196, 226.
3 So Vivre la Bible
39· T. TuRLEY, « Guido Terreni and the Decretum », Bulletin of Medieval Canon Law, 8
( 1978), pp. 2.9-34·
40. T. M. lzB1cK1, «Johannes de Turrecremata, Two Questions on Law», Titfischrift tJoor
Rerhtsgeschiedeni.r, 4J (1975), pp. 91-94·
41. FRIEDBERG éd., I, 2.4-2.5; Y. CoNGAR, Tradition and Traditions, Londres, 1966, pp. 52,
58-59, 16o-161; ÜBERMAN, Forerunners, p. 55; TIERNEY, Sola scriptura, p. 349·
42. TIERNEY, Sola scriptura, pp. 350-351.
La Bible et les canonistes 381
43· TmRNEY, Sola scriplura, p. 352.; H. ScHEUSSLER, « Sacred Doctrine and Authority
in Canonistic Thought on the Eve of the Reformation», in Reform and Authorily in the Medieval
and Reformation Chlll"&h, éd. G. F. LYTLE, Washington, DC, 1981, pp. ss-68; s. KUTINER,
«Pope Lucius ill and the Bigamous Archbishop of Palenno »,in Medie11al Studie.t Pre.rented
to Aubro- Gwynn S.]., éd. J. A. WATT et al., Dublin, 1961, pp. 409-503.
44· G. TAVARD, Ho/y Writ or Ho/y Chlll"ch?, Londres, 1959, pp. 31-33, 39, 47-48.
4S· T. M. Iz:sxcxx, Protee/or of the Faith, Washington, De, 198r, p. 64; B. TmRNEY,
« 'Only the Truth Has Authority' :the Problem of Reception in the Decretistsand in Johannes
de Turrecremata », in Law, Chlll"ch and Society : E.r.rqys in Honor of Stephan Kllttner, éd. K. PEN-
NINGTON et R. SOMERVILLE, Philaddphie, 1977, pp. 69-96.
38z Vivre la Bible
46. B. TmRN.EY, RB/igion, Law and the Growth of Con.rtitutional Th011ght IIJO-I6Jo, Cam-
bridge, 1982, pp. 14-15, 104.
47· B. TmRN.EY, Follflllation.r of the Conçi/iar Theory, Cambridge, 1955, pp. 2.3-36, 2.41-2.4z;
Io., Origins of Papallnfallibility, pp. 43-45, z6z-z64; 1ZB1CKI, Protee/or of the Faith, p. 58.
48. TmRN.EY, Origins of Papallnfallibility, pp. 34-37, 244; Io., «A Scriptural Text in the
Decretales and in St. Thomas : Canonistic Excgesis of Luke zz.32. »,dans Sllltlia Gratiana,
2 0, 1976, pp. 363-377. La mention de la clé du savoir en Luc n, szétaitégalementl'objetde
nombreuses citations; voir TmRN.EY, Origins of Papallnfai/Jibility, pp. 40, 2.17-2.18, z4o-z4z.
La Bible et les tanonistes 383
49· J. A. BRUNDAGE, « Holy War and the Medieval Lawyers »,in The Ho/y War, éd.
T. P. MURPHY, Columbus, Oh., 1976, pp. 99-140 et Ioo-Ioi, 107-Io8; F. RusSELL, The Just
Warin the Middle Agu, Cambridge, 1977, pp. 57-58, 61, 64, 72.-73, 89-94, 100, II3-II4, uS;
MUNIER, Les so~~n~s, pp. ISS, 157.
50. T. M. IZBicn, « The Canonists and the Treaty of Troyes», in Promtlings of lhl Fijtb
lntmt41iolllll Congnss of Mltliwal c- Lotll, éd. s. KUITNER and K. l'ENNINGTON, Vatican,
198o, PP· 42.5-434 et 430.
51. J. T. McNEILL and H. GAMER, M.tlintzl Handboolcs of Pmanu, New York, 1938;
repr. 1965, pp. 4-5, 15.
52.. VAN HoVE, Pro/egom11111, pp. 5Io-p7; L. BoYLB, «The S~~mma çonfusor11111 of John
of Freiburg and the Popularization of the Moral Theology of St. Thomas and of Some of
his Contemporaries »,in St. Thomas~. IZl<I-I974, éd. A. MA.URER et al., Toronto,
1974. pp. 2.45-2.68.
53· BOYLE,« John of Freiburg », p. 2.67. Les auteurs de sommes plus tardifs usèrent de
même des idées scolastiques sur le pouvoir des clés, voit T. N. 1'ENn.ml, «The Summa for
Confessors as an Instrument of Social Control», dans The Pwsllit of Ho/mess in Laie Metli1111Zl
tmtl RmtJissançe Religion, éd. C. TRINKAUS etH. A. ÜBERMAN, Leyde, 1974, pp. no-nz.
384 Vivre la Bible
54· Vat. Ottob.lat. 715, ff. n8 v 0 -u.o vo. Ce commentaire renvoie à THOMAS n'AQUIN,
Expositio super Isaiam (Opera Omnia, 28, Rome, 1974, pp. z9-3z); T. KAEPPELI, Scriptores
Ordinis Praedi&atorum, I, Rome, 1970, pp. 87-89.
55· J. KIRSHNER, «Reading Bemadino's Sermon on the Public Debt »,in Atti rh/ Simposio
Internazionale Caleriniano-Bernardiniano, éd. D. MAFFEI and P. NARDI (Siena, 1982), pp. 547-621 :
566-567, 571, n. 84, 590; BALDWIN,« Critics of the Legal Profession», pp. 252-255. zn;
LE BRAs,« Les Ecritures», 75, 79; MUNIER, Les.rource.r, pp. 156-157.
56. KurrNER, Harmoi!J, pp. 44-45.
57· W. ULLMANN, «Public Welfare and Social Legislation in the Barly Medieval Coun-
cils », Studie.r in Church History, 7 (1971), pp. 1-39; TIERNEY, Medieval Poor Law, pp. II-22,
29-30.
58. A Oxford, on imposait deux années d'études bibliques aux étudiants qui n'avaient
pas acquis leur maîtrise en droit civil; voir L. BOYLE,« The Curriculum of the Faculty of
Canon Law at Oxford in the First Half of the Fourteenth Century », dans Oxford Studies
pnsented to Daniel Ca/lus, Oxford, 1964. pp. 137 et 145·
59· R. RoDEs, Ecclesiastical Administration in Medieval England, Notre-Dame, Ind., 1977,
PP· 70, 76, 79, 93, 97·
6o. E. VoDOLA, « Fitk.r 11 cu/pa :the Use of Roman Law in Ecclesiastical Ideology », in
Authority and Power : Studies on Medieval Law and Govemmenl Presented to Walter U//mann on
hi.r Seventietb Birthday, éd. B. TIERNEY and LINEHAN, Cambridge, 1980, pp. 83-97.
61. SCHEUSSLER, « Sacred Doctrine », pp. 65-68; CoNGAR, Tradition and Traditiom,
PP· 58-59, 160-161; M. GILMORE, Humanists and ]urists (Cambridge, Mass., 1963), pp. 84-85;
VAN HoVE, Prolegomena, pp. 521-522; ULLMANN, Medieval Papalism, p. 2; TmRNEY, Religion,
Law and the Growth of Con.rtitutiona/ Thought, p. 104.
4
La Bible
et la vie politique
dans le haut Moyen Age
1. li faut signaler M. PACAuT, La théocratie: l'Eglise et le poUIJOir a11 Moyen Age, Paris,
1957; H. X. ARQU1LLIÈRE, L'a~~gu.rtini.rme politiqHe. Bisai sur la formation tkslbéories politiques
du Moyen Age, 2° éd., 1956; et les travaux nombreux de W. ULLMAN, en dernier lieu« The
Bible and the principles of government in the Middle Ages», dans Bihbia [4], pp. 181-227.
a. aussi R. KOTTJE [12.7]·
P. R1CBÉ, G. LOBRICHON 13
386 Vivre la Bible
2. E. EwiG, « Das Bild Constantins des Grossen in den ersten Jahrhunderten des Aben-
landischen Mittelalters », dans Spiitantike.t und Frankisches Ga/liens, Munich, 1976, 1, pp. 72 et s.
3· M. REYDELLET, La royauté dans la littérature latine de Sidoine Apollinaire à Isidon de
Séville, Paris, 198z.
+ H. jAEGER, «Les doctrines bibliques et patristiques sur la royauté face aux institutions
monarchiques hellénistiques et romaines», dans La monocralie, «Recueil de la Société Jean-
~», 2.0, Bruxelles, 1969, pp. 409-428; G. BARDY,« La monarchie dans la tradition patris-
ttque », dans RBi, 1926, p. 461.
'· M. REYDELLET, « La conception du souverain chez Isidore de Séville», dans Isidoriana,
Leon, 1961, pp. 4n-466.
La vie politique 387
nos écrivains. Pourtant déjà les références aux Rois de l'Ancien Testa-
ment ne sont pas absentes. Si Grégoire de Tours invoque incidemment
David à propos de Clotaire Jer, il qualifie Gontran de bonus sacerdos,
Fortunat va beaucoup plus loin puisque pour lui Childebert est un
« nouveau Melchisédech », rex et sacerdos par ses vertus et les services
qu'il rend. On a bien souvent commenté ce passage lui faisant dire plus
qu'il n'en exprime réellement6 • A partir du vne siècle l'influence de
l'Ancien Testament est beaucoup plus nette. Pour l'auteur du Liber
Historiae Francorum, Dagobert, roi pacifique est un nouveau Salomon.
L'évêque qui écrit pour un fils de Dagobert, une sorte de« Miroir de
prince » est encore plus explicite : « li convient, très pieux roi, que tu
relises fréquemment les saintes Ecritures afin que tu puisses y apprendre
les raisons d'agir des anciens rois qui ont été agréables à Dieu »7 • Et de
citer David, Salomon, Ezéchias. Le clerc veut jouer le rôle d'un prophète
en avertissant le prince des dangers à éviter et des devoirs à pratiquer
et en s'appuyant sur les Livres Sapientiaux et les Livres des Rois. En
comparant ce texte aux Institutionum disciplinae écrites, à la même époque
pour un prince wisigoth tout inspiré de la tradition antique8, on se rend
compte que le portrait du roi idéal mérovingien annonce déjà celui que
traceront les Carolingiens.
Si nous quittons le Continent pour passer dans les lies britanniques
où s'élabore une nouvelle culture à partir des Ecritures9 , nous sommes
frappés des allusions de plus en plus nombreuses à la Bible. Pour l'auteur
du traité Des douze abus du siècle qui allait être un des écrits les plus lus
et les plus recopiés dans tout le Moyen Age10, le prototype du « roi
unique » est présenté dans le livre de Samuel et le tableau du règne béni
de Dieu s'inspire de la Genèse. Le roi doit protéger la veuve et les
orphelins comme le recommande le Deutéronome.
Gildas dont la culture biblique est très grande11 fait un parallèle
entre le tyran et le roi Achab et présente Ezéchias comme le modèle du
roi pieux. Bède le Vénérable connait Gildas mais il connait encore mieux
les livres de l'Ancien Testament. Dans son commentaire sur Samuel
écrit en 716, il trace le portrait des bons et des mauvais rois12• Les
allusions à l'Ancien Testament sont plus rares dans son Histoire ecclé-
siastique. C'est là pourtant qu'il cite la lettre du pape Vitalien au roi
Oswy (III, 2.9) dans laquelle le pape citant Isaïe (XI, 10) parle de l'arbre
de Jessé d'où sortent les rois en comparant rois anglo-saxons et rois
d'Israël. Peu à peu se dessine la figure biblique des rois chrétiens de
l'Occident.
Providence l'a oint pour le trône royal >> et qu'« il a été placé sur le
trône à l'aide du Seigneur »1s.
Pépin et ses successeurs sont donc les émules des rois bibliques. Il
serait fastidieux de relever tous les passages dans lesquels les clercs
carolingiens rivalisent pour célébrer les princes19. Alcuin ne peut
s'adresser au roi sans lui donner le nom de David. Citons quelques
lignes d'une lettre écrite vers 794 : « Heureuse, a dit le psalmiste, la
nation dont Dieu est le Seigneur; heureux le peuple exalté par un chef
et soutenu par un prédicateur de la foi dont la main droite brandit le
glaive des triomphes, dont la bouche fait retentir la trompette de la
vérité catholique. C'est ainsi que jadis, David choisi par Dieu comme
roi du peuple qui était alors son peuple élu ... soumit à Israël par son
glaive victorieux les nations alentour et prêcha parmi les siens la Loi
divine. De la noble descendance d'Israël est sortie pour le salut du
monde 'la fleur des champs et des vallées', le Christ à qui de nos jours,
le nouveau peuple qu'il a fait sien, doit un autre David ... » (Lettre 41).
Ce texte est écrit peu après le Concile de Francfort pendant lequel
Charlemagne avait été appelé rex et sacerdos. Mais comme le remarque
H. Fichtenau20, ni David, ni Salomon ne furent des rois-prêtres, Mel-
chisédech étant le seul roi-prêtre de l'Ancien Testament. Si Charle-
magne est prêtre c'est qu'il juge le bien et le mal d'après la Loi et comme
le dit Paulin d'Aquilée« il est un roi dans son pouvoir, un prêtre dans
ses sermons ». Charlemagne aime également se comparer à Josias, ce
roi qui avait fait restaurer le temple et ordonner à la classe sacerdotale
de corriger les abus (IV Rois, 22-23). Dans la préface de l' Admonitio
generalis de 789, Charles écrit : « Nous avons lu en effet dans le Livre
des Rois comment le saint Josias s'efforça de ramener au culte du vrai
Dieu le royaume qu'il tenait de lui et comment à cet effet il le par-
courut, l'admonesta et le corrigea, non que je veuille m'égaler à sa
sainteté mais nous devons toujours suivre l'exemple des saints et réunir
tous ceux que nous pouvons dans l'effort vers une vie sainte21. »Louis
le Pieux est également un nouveau David, mais aussi un nouveau
Salomon. Ermold le Noir parlant du sacre de Louis met dans la bouche
du pape Etienne IV un long parallèle entre l'empereur et Salomon
et reprend les paroles de la reine de Saba au roi d'Israël22• Au IXe siècle,
la figure de Salomon constructeur du temple, auteur présumé du Livre
de la Sagesse, est plus évoquée que celle de David. Les rois carolingiens
doivent méditer la parole : omnia in sapientia fecistis, se conduire selon
les lois de la. Sagesse. En Charles le Chauve, pour les lettrés, se concilient
le roi philosophe de l'Antiquité et le roi sage de l'Ancien Testament23•
Dans les Bibles exécutées pour Cllarles le Chauve, les peintures et les
inscriptions sont à ce sujet très explicitesH.
Le Livre des Rois qui se trouve dans toutes les bibliothèques ainsi
que ses commentaires, particulièrement ceux de Bède le Vénérable et
de Grégoire le Grand, doivent être lus et relus par les princes. Dans
son poème à Pépin d'Aquitaine, Ermold le Noir écrit : « Tu pourras,
Prince, lire dans l'histoire des Rois, lesquels d'entre eux ont été agréables
à Dieu et quel profit ils en ont tiré »; après avoir donné les exemples
de Saül, David, Salomon, il ajoute « tous les rois qui ont observé les
préceptes de Dieu ont conservé leur royaume et obtenu toutes les
prospérités ». Loup de Ferrières, Hincmar et bien d'autres tireront
leurs références de ce même ouvrage26•
L'élection des princes, les formules du sacre et le couronnement des
rois évoquent également les figures des rois d'Israël ou des héros bibli-
ques. La Missa pro principe du missel de Bobbio qui date peut-être du
début du VIlle siècle, demande l'intercession d'Abraham, de Moïse,
de Josué et de David. Le Palimpseste de Reichenau reprend un pas-
sage de TI Mac. (I, 24-25). La Benedictio super principes contenue dans le
sacramentaire d'Angoulême de la fin du vme siècle, en partie reprise
lors du couronnement de Louis TI à Troyes en 878 26, demande à Dieu
que le roi soit semblable à Moïse, Josué, Samuel, David et Salomon.
Pour donner aux objets symboliques du pouvoir royal une valeur
religieuse, les clercs trouvent également des références dans l'Ancien
Testament : pour l'épée le Psaume 44. 4 : « Accingere gladio tuo super
femur tuum », pour le sceptre, le Psaume 2, 9 : reges eos in virga ferrea,
ou encore Sagesse 6, 22 : « si•.• delectaminis sedibus et sceptris, o reges populi
diligite sapientiam ». La couronne est celle d'Aaron : « corona aurea super
mitram ejus » (Sir. 45, 14), c'est la couronne de gloire dont parlent
Isaïe 62., 3 et Jérémie 13, I827. Lorsqu'au xe siècle, Otton Jer fera
fabriquer la couronne avant son expédition qui devait le conduire à
l'Empire, il y fera poser quatre plaques se rapportant aux douze apôtres
et aux douze tribus de Juda et entre elles quatre émaux évoquant les
prophètes et les rois de l'Ancien Testament. De plus, sous la. couronne,
23. P. RxcHÉ, «Charles le Chauve et la culture de son temps», dans Colloque Jean Scot
Erigène, Paris, 1977, p. 45, réimpr. dans Inslrl«tion et tlie religieUJe dans le haut MI!Jen Age,
Variorum Reprints, Londres, 1981.
24· H. ANToN, op. cil., p. 259. La Bible de Saint-Paul-Hors-les-Murs présente dans une
miniature l'onction de Salomon par Nathan.
25. ERMoLn LE NoiR, Eplm 1111 roi Pépin, éd. FARAL, p. 227. LouP DE FERRIÈRES,
Correspontlançe, éd. LEvn.LAIN, Paris, 1927, t. I, p. 163.
26. E. EWIG, « Zum christlichen••• », p. 20.
27. P. E. ScHRAMM, Herrschajtr.(.eichen und Staats.rymbolik, Stuttgart, 1954-I9S6.
La vie politique 391
était prévu le port de la mitre, comme il est dit à propos d' Aaron28.
La construction du trône au premier étage de la chapelle d'Aix avec
ses six degrés et ses bras de part et d'autre, correspond à la description
donnée dans le Livre des Rois (I Sam., 1 o, 1 8) au sujet du trône de Salomon.
Le palais royal lui-même peut être considéré comme un nouveau temple,
lui-même anticipation de la Jérusalem céleste et du Paradis, c'est du
moins ainsi que le présente Walafrid Strabon dans son poème De imagine
Tetrici 29•
Tels les rois de l'Ancien Testament, les princes carolingiens éta-
blissent la loi de Dieu sur terre, ils légifèrent autant en matière religieuse
que civile, s'occupant de discipline ecclésiastique, de formation et de
recrutement du clergé, de l'instruction religieuse des fidèles, de la
liturgie, de l'administration des sacrements, etc. lls font revivre la
vieille institution judaique de la dîme; de même ils légitiment leur
politique économique et sociale en citant tel ou tel verset de l'Ancien
Testament. Ainsi dans l' Admonitio generalis de 789, Charlemagne écrit :
« Que tous emploient des mesures égales et exactes ainsi que des poids
justes et égaux... Ainsi que nous avons dans la loi le précepte du Sei-
gneur et de même le Seigneur disant dans le Livre de Salomon : mon
âme hait poids et poids, mesure et mesure» (Deut. z5, 13 etProv. zo, 10
et z3). De même, il se réfère à l'Ancien Testament pour interdire le
prêt à intérêt. Lorsque, dans l'édit de Pitres en 864, Charles le Chauve
parle de l'esclavage, il cite le Lévitique (z5, 39-41) qui prescrit le
retour à la liberté après six ans de servitude. Enfin à l'instar des rois
bibliques, les Carolingiens ordonnent des prières expiatoires, des jeûnes
et des pénitences au moment des calamités publiques ou des famines.
Les successeurs des Carolingiens n'oublient pas que la loi religieuse
doit inspirer leur législation. Alfred le Grand fait réviser les codes
anglo-saxons en s'inspirant de l'Exode et du Deutéronome. Otton ID
lui-même, lorsqu'il évoque l'interdiction par la loi romaine de faire
des procès à l'époque des moissons et des vendanges, décide de l'auto-
riser toute l'année saufle dimanche, et il cite le Psaume 106, 3 :«Heureux
ceux qui observent le droit, ceux qui pratiquent en tout temps la jus-
tice »30•
3I· MGH, Epist. IV, p. 503. Cf. ERMOLD LE NoiR, Poème ... , vers 97z et s.
3z. ANTON, op. cil., pp. 349-435·
33· NOTKER DE SAINT-GALL, Ge.rta Caroli, Il, 13 (juges .z, zz et 7, z).
34· Raban MAuR, Liber de rwerenliafiliorum erga patres et erga rege.r, MGH, Epi.rt. V, p. 403;
DHUODA, Manue/IT, 1, éd. P. RrcHÉ, p. 137.
35 • G. BIDAULT,« Achitophel conseiller de la dissidence». dans Rer~~~e du Mqyen Age latin,
1, 1945, pp. n-6o.
La vie politique 393
36. Paschase RADBBRT, Epitaphium Ar.renii, PL, r 20, 1640; AGOBARD, Liber Apologelicu.r,
PL, I04, 307-320·
394 Vivre la Bible
l'Apôtre dit... » Elle souhaite que son fils puisse poursuivre ses études
de la sainte Ecriture, il découvrira ce qu'il faut éviter, ce qu'il faut
rechercher et ce qu'il doit faire en toute occasion.
Les Miroirs permettent de dessiner la figure idéale de l'aristocrate
en référence avec les personnages bibliques. Sem, Isaac, Joseph sont
les modèles des enfants qui doivent obéissance et respect à leurs parents.
Joseph est l'exemple du jeune homme chaste, Job celui du père de
famille qui est passé de la prospérité à l'épreuve. Grégoire le Grand,
auteur des Mora/ia in Job, ouvrage très lu dans le haut Moyen Age,
avait popularisé cette figure que nous trouvons continuellement évoquée
à notre époque. Comme le recommandaient Ez. z, z 1, Deut. z 7, 19,
Jér. zz, 3, Job avait pris la défense des pauvres et des orphelins, des
veuves ; les auteurs carolingiens rappellent aux laïcs qu'ils doivent
s'engager sur cette voie.
L'aristocrate carolingien n'est pas simplement un homme de bien
mais il est un guerrier qui doit mettre sa force au service de Dieu.
Déjà apparaît la division de la société en deux ordres, celui des guerriers
et celui des prêtres. En 747, le pape Zacharie écrivait à Pépin le Bref:
« Aux princes, aux hommes du siècle et aux guerriers revient le soin
de prendre garde à l'astuce des ennemis et de défendre le pays. Aux
évêques, aux prêtres, aux serviteurs de Dieu, il appartient d'agir par
des conseils salutaires et par des prières afin que grâce à Dieu, nous
priant, ceux-là combattant, le pays demeure sauf »45• Les clercs caro-
lingiens légitiment la fonction des « be//atores » à l'aide de références
bibliques. Dans son traité De regis persona, Hincmar rappelle que ceux
qui font la guerre ne déplaisent pas à Dieu; il prend comme référence
la lettre d'Augustin au comte Boniface, mais aussi donne l'exemple
de David et du centurion de l'Evangile'6• Un soldat chrétien doit se
contenter de sa solde comme le recommandait Jean-Baptiste (Luc 3, 13)
et surtout doit suivre l'exemple des guerriers de l'Ancien Testament.
Les « Miroirs » des princes mais aussi les épitaphes qui font l'éloge
d'aristocrates laïcs, les poèmes en l'honneur de chefs de guerre rappellent
le souvenir 47 de Samson, Gédéon, David, Josué, etc. Parmi les héros
bibliques les plus souvent évoqués figurent les Maccabées, parti-
culièrement Judas Maccabée, morts pour la défense de leurs lois et
de leur patrie (II Mac. IV, 5). D'ailleurs les Maccabées passaient pour
des martyrs et les églises de Milan et de Cologne prétendaient posséder
leurs reliques. Le plus bel éloge que l'on puisse faire à un guerrier
c'est de le comparer à Judas Maccabée : ainsi les Annales Je Fu/ela (867)
appellent Robert le Fort « le Maccabée de notre temps » et Hincmar,
CoNCLUSION
48. PL, r ZJ, 844; MGH, Poet. aev. Carol., IV, p. 138.
49· H • .ANToN, op. til., p. 434; DHUODA, Manuel, VITI, 16, p. 323.
So. E. DELARUELLE, « Essai sur la fonnation de l'idée de croisade» dans BN/Iet. de lilléralurtJ
eulésiastique, 1941, 1944, 1953, 19s4; E. ERDMANN, Die Bnslehung des Kreuz:;:_ugsgedanleen,
Dannstadt, 19S5, trad. angl., Princeton, 1977; P. ALPHANDÉRY, « Les citations bibliques
chez les historiens de la première croisade», dans RHR, 1929, pp. 139-157.
51. R. FoLZ, op. eil., pp. 283-284. Cf. l'épitaphe de Otton 1, PL, r 42, 967.
52· ÜDILON, Vila Adelaitlis, § 5; MGH, SS, IV, p. 639.
B· A. GRABols, « L'idéal de la royauté biblique dans la pensée de Thomas Becket»,
dans Colloque Thomas &e.ket, Paris, 1975, pp. 103-IIO.
La vie politique ~99
ANNEXE
Gen. 2.7, 2.9 : Que des peuples te servent, que des populations se prosternent
devant toi...
Dent. 17, 18 : Et 9uand il sera monté sur son trône royal il écrira pour lui-
même une cop1e de cette loi que lui transmettront les prêtres lévites.
1 Sam. passim et particulièrement 10, 1 : Samuel prit la fiole d'huile, la versa
sur la tête de Saül; 10, 6: alors fondra sur toi Pesprit du Seigneur; 16, 13 :
(onction de David).
II Sam. 5, 3 :Le roi David conclut en leur faveur une alliance à Hébron devant
le Seigneur et ils oignirent David comme roi d'Israël.
L'imagerie biblique
médiévale
I. Sur le développement des livres illustrés à l'époque carolingienne, voir Jean PoRCHER,
«Les manuscrits à peintures», dans L'Empire &arolingien, Paris, 1968, pp. 71·203. Présentation
rapide des principaux manuscrits dans Louis RÉAu, La miniature, Melun, 1946, pp. 75-87.
L'imagerie biblique médiévale 40 3
2. Voir, par exemple, Catherine BRrsAc, «Les grandes Bibles romanes dans la France du
Sud», dans Lt.t dossiers th l'archéologie, n° 14, 1976, pp. 1oo-1o6; Walter UHN, «Autour de la
Bible de Lyon. Problèmes du roman tardif dans le centre de la France», dans Ret~t~e de l'Art,
n° 47, 1980, pp. II-20.
3· Lorsque les Bibles contiennent les prologues de saint Jérôme, ils sont plus souvent
décorés qu'historiés. Dans la Bible de Souvigny, l'initiale du prologue représente Judith
sous la tente d'Holopherne et celle du texte biblique Judith montrant la tête d'Holopherne
aux assiégés de Béthulie (Bible de Souvigny, Moulins, Bibliothèque municipale, ms. 1, fo 291 VO
et 292). Il s'agit là d'une exception.
404 Vivre la Bible
L'iJJustration na"ative
4· Sur les genres iconographiques, l'image narrative et l'image thématique, voir F. GAR-
NIER (ISo}, pp. 38-40 et passim.
5· Bible d'Etienne Harding, Dijon, BM, ms. I4, fo I3; Bible de Souvigny, Moulins, BM,
ms. I, fo 93, 288 v" et 284.
4
406 Vivre la Bible
médaillon, le Créateur met la main sur la tête d'Eve, ce qui est un signe
tutélaire, Adam n'étant pas représenté.
Les deux tableaux inférieurs de la Bible de Souvigny ont la même
signification générale que l'initiale de la Bible de saint Bernard (fig. 4).
Mais ils juxtaposent de façon moins dramatique la création de la femme
et la chute. Dans les deux scènes Adam a la main posée sous la joue.
Les significations de cette position sont différentes. Au moment de la
création, Adam a les yeux fermés et sa position signifie le sommeil.
Après la chute il a les yeux ouverts et le geste signifie la douleurS.
Comme il arrive souvent dans les représentations médiévales de l'évé-
nement, l'imagier montre simultanément des phases qui se succèdent
dans le temps, en particulier la cause et l'effet : le serpent s'adresse à
Eve, Eve tend le fruit défendu, l'homme éprouve un sentiment de
culpabilité qui se traduit par le geste de sa main droite et par l'effort
qu'il fait pour cacher sa nudité.
Au-delà de ces aperçus sommaires sur l'image narrative, on devine
qu'elle est riche d'idées plus que de faits. Les figures des héros bibliques,
où le personnage est représenté dans une attitude typique, « en état»,
sont également chargées d'une signification générale qui dépasse les
singularités de son être et de sa vie. Les vérités et les valeurs univer-
selles se traduisent mieux encore dans les images qui illustrent des
thèmes.
L'illustration thématique
L'illustration des livres sapientiaux est moins connue que celle des
livres historiques'. Cela tient sans doute à ce que les grands pro-
grammes de la sculpture, de la peinture murale et du vitrail illustrent
presque uniquement des récits de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Il est possible aussi que les liens entre certaines représentations et les
sources bibliques qui les ont inspirées n'aient pas encore été pressentis.
Il est plus facile d'identifier des personnages, grâce à leurs attributs
et aux actions particulières des scènes dans lesquelles ils sont repré-
sentés, que d'établir avec certitude des relations de dépendance entre
des images thématiques et des textes.
Les illustrations de l'Ecclésiastique, de l'Ecclésiaste, de la Sagesse
et des Proverbes ne sont ni enfermées dans des stéréotypes, ni figées
pendant des siècles. Alors que l'initiale historiée se rapporte au premier
verset du livre, son contenu et sa forme varient. L'évolution du contexte
8. Ibid., p. I8I.
9· Dans son Jçonographie de l'art çhrétim, Louis R!Au consacre moins de trois pages à
l'illustration du Cantique des Cantiques (II, 1, pp. 297-299) où il effleure le sujet. Il ne parle
pas des illustrations des Proverbes, de l'Ecclésiaste et du livre de la Sagesse.
408 Vivre la Bible
10. Voir, par exemple, l'initiale du livre XI de SAINT AuGUSTIN, Cité de Dieu, Boulogne-
sur-Mer, BM, ms. 53, fo 73·
8
41 o Vivre la Bible
11. Ce pourmit être le cas d'une femme portant les tables de la Loi, du xn• siècle, située
vis-à-vis de David dans le chœur de l'église de la Couture du Mans ainsi que de certaines
statues-colonnes de la même époque.
10
11
12
4IZ Vivre la Bible
Sagesse telle qu'elle se met à la portée des hommes pour qu'ils puissent
l'apprendre et la mettre en pratique, l'Eglise dispensatrice de la Sagesse.
Le Livre de la Sagesse commence par : « Aimez la justice vous qui
jugez la terre. » Dans la Bible latine, l'initiale est le D de Diligite jus-
titiam. L'illustrateur de la Bible de Saint-Bénigne a simplement placé
au centre de la lettre la balance, symbole de justice (fig. 9). Celui de
la Bible de Saint-Thierry a disposé dans la panse, également circulaire,
une figure allégorique de la Justice (fig. 10). La femme couronnée
tient une arme défensive, le bouclier, et une artpe offensive, l'épée,
également symbole de justice. Dans la troisième initiale, du xme siècle,
un roi rend une sentence qu'un bourreau exécute (fig. u). Celui contre
qui elle est portée est déjà en mouvement vers la partie d'édifice indi-
quant traditionnellement la prison dans ce genre de scènes. La quatrième
illustration de la même initiale, du milieu du xme siècle, se comprend
dans l'éclairage du contexte historique (fig. 12.). Un jeune chevalier
reçoit de la main d'un roi l'épée qu'il mettra au service du bien en
protégeant l'église, la veuve et l'orphelin. Au xme siècle, la sacrali-
sation de la chevalerie, chargée de défendre les valeurs chrétiennes,
s'exprime par la remise de l'arme, épée ou lance, et l'envoi en mission.
A la fin du xxe et au xne siècle, l'église avait lutté contre la violence
et les guerres privées. Cet effort s'était exprimé dans l'illustration du
Psaume 5z. : « L'insensé dit dans son cœur : il n'y a pas de Dieu », par
des représentations de la violence comme conduite insensée12 • Autre
temps, autre façon de ressentir les valeurs, de lire les textes, d'en appli-
quer les leçons et de les traduire en images.
12.. Cf. François GARNIER, « Les conceptions de la folie d'après l'iconographie médiévale
du psaume Dixit in.ripiens », dans Actes du CII• Congrès national du Sociétés saDanles, Paris, 1979,
pp. 2.15-2.22..
L'imagerie biblique médiévale 41 ~
1 3. Quelques Bibles latines illustrées du xm• et du XIV8 siècles sont très petites. Par
exemple, le manuscrit 7 de la Bibliothèque municipale de Dijon fait 14 cm de hauteur et
9 cm de largeur. Il n'a pas été tenu compte de ces cas particuliers dans l'évaluation des dimen-
sions moyennes.
14. Bible latine, XIII 0 siècle, Le Mans, DM, ms. z6z, III,f08 z38 et 239,ms. 262, IV.
414 VitJre la Bible
La Bible historiale
1 ~. Certains manuscrits célèbres ont reçu des appellations rappelant le nom de leur
copiste ou de leur possesseur : Bible historiale de Jean de Papeleu (scribe), 1317 (Paris,
Arsenal, ms. ~0~9); Bible historiale de Jean le Bon, avant 1H6 (Londres, BL, ms. Royal 19 D
II); Bible historiale de Charles V, vers 1370 (Paris, Arsenal, ms. ~212).
16. Les Bibles historiales ont en moyenne 42 cm de hauteur et 30 cm de largeur. Les
Bibles latines du xm• siècle faisaient 27X 18. La surface de leur page est donc près de trois
fois plus grande.
17. Bible historiale de Guiart des Moulins, Paris, Sainte-Geneviève, ms. 22.
16
15
416 Vivre la Bible
18. Trois de ces Bibles moralisées sont en latin : 1) Vienne, BN d'Autriche, ms. II79;
2) Bible moralisée en trois volumes dispersés, t. 1, Oxford, Bodleian, ms. 270 b; t. II, Paris,
BN, latin II56o; t. III, Londres, BL, Harley, 1526·1527; 3) Tolède, cathédrale, trois volum~s
complétés par Pierpont Morgan Library, Morgan 240. Une quatrième Bible moralisée est en
français: Vienne, BN d'Autriche, ms. 2554·
Sut les Bibles moralisées, voir : Comte de LABORDE [182]; Reiner HAusSHERR, La«Bib/e
moralisée » de la BN J'Autriche, codex vindobonensis 2JJ4, Paris-Graz, 1973; Robert BRANNER,
Maf/U.fçript painting in Paris Juring the reign of Saint Lcuis, University of Califomia Press, 1977•
19. Robert BRANNER, op. til., p. 40. Ce même historien estime que sept artistes principaux
ont collaboré à l'illustration de la Bible moralisée de Vienne en latin.
20. L'unité et l'universalité du langage iconographique médiéval ne peuvent être mises
en évidence à partir des Bibles moralisées ni même des Bibles illustrées en général. Un langage
est universel lorsque la littérature, le droit, la religion, la médecine et la science utilisent la
même morphologie et la même syntaxe. Cf. François GARNIER, op. til.
L'imagerie biblique médiévale 417
21. Certains commentaires de l'Ecriture ont inspiré plus que d'autres les imagiers. Parmi
les manuscrits les plus nombreux, les plus importants, sur le plan iconographique on peut
citer : saint AuGUSTIN, Commentaires sur les Psaumes; saint GRÉGOIRE, Moralia in Job;
PIERRE LOMBARD, Commentaires sur les Psaumes et Commmtaires sur les Epitres Je saint Paul. Les
Commentaires sur lt Cantique des Cantiques de plusieurs auteurs ont donné naissance à des
imageries variées et originales.
418 Vivre Ja Bible
22. Pour les livres liturgiques enluminés conservés dans les bibliothèques publiques de
France, voir les publications du chanoine LEROQUA1S, Les Sarramentaires et/es missels manuscrits
des bibliothb:jues publiques de Françe ( 1 924); Les Livres d'heures manuscrits de la Bibliothique natio-
nale (1927); Les Bréviaires manusmts des bibliothiques publiques de Françe (19H); Les PontijjçfliiX
manusrrits des bibliothèq«es publiques de Françe (1938). Dans les introductions, l'auteur consacre
quelques pages à la décoration. Il donne une table alphabétique des sujets représentés. Dans
la notice de chaque manuscrit il indique les enluminures et décrit les plus importantes.
23. Parmi les manuscrits les plus riches sur le plan iconographique, certains sont univer-
sellement connus et d'autres sont presque restés dans l'ombre. La sélection s'est faite d'après
des critères esthétiques, la beauté, la qualité d'exécution, et non d'après la valeur documentaire.
4Z.O Vivre la Bible
24. Pontifical de Chartres, premier tiers du xme siècle, Orléans, BM, ms. 1 44·
2.9. Cette énuménltion des sujets illustrant les livres des Maccabées dans les manuscrits
est sommaire. Elle regroupe sous quelques titres des représentations fort diverses par la
façon dont les scènes sont traitœs.
50. Cela explique pourquoi Louis R&.u mentionne seulement en cinq pages ces quelques
scènes et ne fait pas allusion aux illustrations spécifiques des manuscrits (L. RiAu, lmttJgraphil
tk l'art thritim, t. Il, 1, pp. 505-507).
42.4 Vivre la Bible
31. Emile MALE a intitulé le premier chapitre de L'Art religieux du XII• siède en
!'ranu [184), « Naissance de la sculpture monumentale, influence des manuscrits ». Il va
Jusqu'à écrire : « Pour les sculpteurs, la principale source d'inspiration fut la miniature» (p. 44).
Après lui on a essayé, quelquefois avec succès, d'expliquer des sculptures par des modèles
enluminés. Mais il serait excessif et téméraire de ne voir dans l'art monumental qu'une
transcription de la peinture sur parchemin.
L'imagerie biblique médiévale 42 5
22 23
428 Vivre la Bible
Les apocryphes
bibliques
1. Reproduction fac-similé de cet index dans A. DUPOURCQ, Etutk .rur le.r w.rta Martyrum
romains, t. 4 : Le néo-manichéisme et la légentk chrétienne, Paris, 1910, pp. 173-1n; édition du
texte dans PL, J9, 162-164.
2. A. CoRNAGLIOITI, « Apocryphes et mystères )), dans Le théâtre au Moyen Age, Actes
du II• Colloque de la Société internationale pour l'Etude du Théâtre médiéval (Alençon,
juillet 1977), Montréal, 1981, p. 69.
Vivre la Bible
LE DOMAINE OCCIDENTAL
3· P. ZUMTHOR, Histoire lilléraire tle la Françe médiiflale, VI•-XIV• siicles, Paris, 1954,
p. 99·
Les apocryphes bibliques 43 1
8. Texte lat., C. TISCHENDORF, Apotttlypses apoçryphae, Leipzig, 1866, pp. II3-136; trad.
franç., F. AMIOT, op. til., pp. II2-134.
9· Texte gr., C. TISCHENDORF, ibid., pp. 34-69; texte lat., H. T. SILVERSTEIN, Visio
Sancti Pauli. The History of the Apocalypse in Latin, logethtr wilh Nine Texls, Londres, 19H;
M. R. )AMES, AporryphaanmJota, Cambridge, 1893, pp. 11-42; trad. franç., F. AMIOT, op. ût.,
pp. 295-331.
10. Textes, C. TISCHENDORF, Aela aposto/orum apoçrypha, Leipzig, 18 51 ; R. A. LIPSIUS,
M. BoNNET, Aeta aposto/orum apoçrypha, 3 tomes, Leipzig, 1891-1903 (rééd. Darmstadt, 195 9);
texte lat. du ps.-Abdias, J. A. FABRICIUS, Codex apoçryphus Novi Testamenli, t. 1, Hambourg,
1719; trad. franç. de divers Attes, F. AMIOT, op. ûl., pp. 157-274 (donne également une
orientation bibliographique).
Les apocryphes bibliques 43 3
Traductions et adaptations
11. Edition des versions rimées, G. PARIS, A. Bos, Trois versions rimées de l'EtJangile de
Nicodème, Paris, 1885; versions en prose, A. E. FoRD, L' EtJangile de Ni&odime. Les versions
&ourles en an&ien français et en prose, Genève, 1973; trad. et adaptations en d'autres langues,
M. W. A. HoLMEs, «The Old English Gospel ofNicodemus »,dans Modern Philo/ogy I (1903),
pp. 579-614; W. H. HuLME, The Midàle-English HatTo111ing of Hel/ and Gosptl of Nitodemus,
Londres, 1907; A. P10NTEK, Die Mitte/ho&hdeuts&he Vbersettung des Nicodemus-EtJangeli11111s,
Greifswald, 1909; A. MAsSER, Dat e111ange/ium Ni&odemi van Jeme /idende unses heren Ihesu Christi :
2 mitte/niedert. Fassungen, Berlin, 1978; A. VAILLANT, Et1angi/e de Nicodème. Texte slave et latin,
Genève-Paris, 1968; études, R. P. WÜLCKER, Das EtJange/ium Ni&odemi in der abenJ/IJnJischen
Litera/ur, Paderborn, r87z; W. BECKER,« Die Sage von der Hôllenfahrt Christi in der alt-
franzôsischen Literatur », dans Romanische Forsçhungen, J2, 1913, pp. 897-972.
P. RICHÉ, G. LOBRICHON 15
434 Vivre la Bible
La littérature édifiante
Sans la Vision de saint Paul, il est probable que les récits de voyages
surnaturels du Moyen Age ne seraient pas nés. La littérature des visions
de l'au-delà (voyage d'un vivant à travers l'Enfer, le Purgatoire et le
Paradis), apparue en Occident dès le haut Moyen Age (l'Histoire eccié-
19. Etudes fondamentales sur ce sujet : D. D. R. OwEN, The Vision of Hel!: Infernal
]ourneys in Medieval Frençh Litera/ure, Edimbourg, 1970; H. R. PATCH, The Other World
arrording to Descriptions in Medieval Litera/ure, New York, 197o2 ; cf. aussi J. MONNIER, La
Desrente aux Enfers, étude de pensée religieuse, d'art el tk littérature, Paris, 19os; F. BAR, Les routes
de l'autre montk, Paris, I946; sur la diffusion del'Aporalypse de saint Paul, L.-E. KASTNER,« Les
versions françaises inédites de la 'Descente de saint Paul en Enfer'», dans Revue des Langues
romanes, 48, 19os, pp. 38S-39S; 49, 1906, pp. 49-6:z, 322-3s1, 427-4so; W. MEmEN, «Versions
of the 'Descente de saint Paul'», dans R.omanre Philo/ogy, 8, 19s4; P. MEYER,« La Descente de
saint Paul en Enfer», dans R.omania, 24, 189s, pp. 3S7-37S; D. D. R. OwEN,« The 'Vision of
St. Paul' : The French and Provençal Versions and their Sources», dans Romanee Philo/ogy,
r 2, 19s8, pp. n-s1.
zo. Edition du texte latin et de la trad. de Marie de France, K. W ARNKE, Das Burh vom
Espurgatoire S. Patrice der Mark tk Franre und seine Quelle, Halle, 1938; trad. franç. du texte
du xv" siècle, J. MARCHAND, L'autre monde au Mqyen Age. Vqyages el visions, Paris, 1940,
pp. 81-ns; cf. aussi Ph. de FÉLICE, L'autre montk. Mythes el légendes. Le Purgatoire de sainl
Patrice, Paris, 1906; J. LB GoFF (op. cit., n. 16), plusieurs chapitres sur la littérature des visions.
Les apocryphes bibliques 43 7
21. A. MicHA, «'Matière' et 'sen' dans L'Estoire àou Graal de Robert de Boron)), dans
Romania, 89, 1968, p. 461 (l'article est repris dans De la rhanson de gerte au roman, Genève,
1976, pp. 207-230). Edition du texte du roman, W. A. NrTZE, Robert de Boron, Le Roman de
/'Estoire àou Graal, Paris, 1927.
22. A. E. FoRD (op. rit., n. 1 r), p. 76.
23. Edition dans les Notes de W. A. NrTZE, Le Roman dei'Estoire dou Graal, pp. 12.6 et s.;
la version en prose des romans de Robert de Boron est éditée par B. CERQUIGLINI, Le roman
du Graal. Manusrrit de Modbte, Paris, 1981.
438 Vivre la Bible
2.4. Etude fondamentale sur ce sujet, K. BuRDACH, Der Graf. Foruhungen über seinen
Ursprung und seinen Zusammenhang mit der Longinuslegende, Stuttgart, 1938 (rééd. Darmstadt,
1974)·
ZJ. Cf. F. LOT, Etude sur le Lan&elotenprose, Paris, 1918. Edition du roman, H. O. SOMMER,
The Vulgate Version of the Arthurian Romançu, 1: L'estoiredel Saint-Graal, Washington, 1909.
z6. A. CoRNAGLIO'ITI (op. til., n. z), p. 75·
2.7. Ibid., p. 72..
Les apocryphes bibliques 439
aS. Edition dela Passion d'Amou! Gréban, G. PARIS et G. RAYNAUD, Paris, 1878 (réimpr.
Genève, 1970). Etudes fondamentales sur le drame liturgique et le théâue religieux, B. BERGER,
Le drame liturgique de P4q118s du X• au XIII• sièç/e: liturgie et théâtre, Paris, 1976; D. DoLAN,
Le drameliturgique de Pâques en Normandie et en Angleterre au Moyen Age, Paris, 1975; G. FRANK,
The MeeHet~al Frençh Drama, Oxford, 197o1 ; O. JoDOGNE, « Recherches sur les débuts du
théâtre religieux en France », Cahiers de CitJilisalion médiétJale, r, 1965, pp. 1-24; 2, 1965,
pp. 179·189; E. RoY,« Le mystère de la Passion en France du xiV" au XVI6 siècle», dans Revue
bourguignonne, IJ, 1903-1904; K. YoUNG, The Drama of the Medina/ Cburtb, Oxford, 1933;
sur les apocryphes et les Mystères, cf. aussi : L. M. MmR, « Apocryphal Writings and the
Mystery Plays »,dans Le théâtre au Moyen Age, Montréal, 1981, pp. 79-83. Une bibliographie
abondante figure ibid., pp. 111-115.
29. G. A. RUNNALS (éd.), Le mystère de la Pauion Nostre Seignmr du nu. r r JI de la Biblio-
thèque Sainte-GenetJiètJe, Genève-Paris, 1974. vv. 3935 et s.
440 Vivre la Bible
L'iconographie
LE DOMAINE GRÉCQ-SLAVE
Créations originales
En Orient - à Byzance et chez les Slaves - la situation des apo-
cryphes est passablement différente. D'une part, la production de
livres apocryphes ne s'arrête pas comme en Occident; quelques nou-
veaux textes naissent encore jusqu'à la fin du Moyen Age. D'autre
part, les apocryphes de l'Ancien Testament jouissent d'une popularité
tout aussi considérable - ou même plus - que ceux du Nouveau
42.. A. PYPIN, V. D. SPASOWICZ, Histoire des litléralure.r slaves, Paris, 1881, p. 102..
4~· Ibid., p. 104.
44· Etude fondamentale sur ce sujet, E. TuRDEANU, « Apocryphes bogomiles et apo-
cryphes pseudo-bogomiles », dans RHR, IJI, 1950, pp. 22-B, J76-2I8. a. également
H.-Ch. PuECH et A. VAILLANT, Le traité ronlre les Bogomiles de Cosmas le Prêtre, Paris, 1945·
45· Sur l'Index, cf. E. TuRDEANU, op. cil., pp. 25-~8; J. lvANov, Livre.ttllégendes bogomiles,
Paris, 1976, pp. 75-78.
444 Vivre la Bible
le Seigneur descendit dans les airs jusqu'à la mer de Tibériade et il vit un plon-
geon [oiseau aquatique] qui flottait là; s'arrêtant devant lui, il lui dit:
Plongeon, qui es-tu? Et celui-ci répondit: Je suis Satan. Et le Seigneur dit
à Satan : Plonge dans la mer et ramène de la terre et une pierre. Et le Seigneur
partageant en deux morceaux la pierre donna de sa main gauche une moitié
à Satan et frappa l'autre de son sceptre. Des étincelles de feu jaillissant sur
la pierre, le Seigneur créa les archanges Michel et Gabriel et les anges s'envo-
lèrent. Satan fit avec la pierre l'incommensurable force démoniaque des dieux.
Et le Seigneur dit : Que sur la mer de Tibériade soient trente-trois baleines
et que sur ces baleines soit la terrtfS.
Un autre apocryphe d'un esprit dualiste, le Débat du Christ avec
le diable, semble remonter au xne siècle au plus tôt; les versions grecques
ont été traduites en langues slaves et en roumain. Le débat entre le
Christ et le diable a lieu lors d'une retraite du Sauveur pendant quarante
jours sur le mont des Oliviers. Le diable se comporte comme égal du
Fils de Dieu; il déclare notamment que Jésus devrait retourner aux
cieux, car les cieux lui appartiennent, mais la terre appartient au diable.
Il réplique également à Jésus que lui, le diable, est plus ancien (ou plus
fort dans une autre variante) que Jésus. Cette affirmation pourrait
correspondre à la conception bogomile de l'antériorité du diable par
rapport à Jésus47.
Dans la version slave de l' Apoca!Jpse de Moise (titre grec), connue
en Occident sous le titre de la Vie d'Adam et d'Eve, il y a également
un motif d'allure dualiste qui ne figure pas dans les autres versions.
Il s'agit du pacte d'Adam et du diable, que nous citons d'après la version
bulgare:
Adam prit les bœufs et commença à labourer pour obtenir sa nourriture. Alors le
diable vint et se mit debout [devant les bœufs] et ne permit pas à Adam de travailler
la terre en lui disant : « Mienne est la terre et à Dieu sont les cieux et le paradis ,' si IN
acceptes de m'appartenir, travaille la terre,. si tu désires 2tre à Dieu, va au paradis.»
At!am dit :«Les deux, la terre, le paradis et tout l'univers sont à Dieu. » Le diable
déclara : « Je ne te laisserai pas labourer si tu ne signes pas un pacte indiquant que tu
m'appartiens »'8 •
46. J. lvANov, op. cil., pp. ~55-~56. Sur le « plongeon cosmique », cf. également,
M. ELIADE, De Zalmoxi.r à Gengis-Khan, Paris, 1970, pp. 81-130; M. P. DRAGOMANOV, Note.r
on the Slavi& Religio-Ethical LegenJs : The Dualistic Creation of the World, Bloorrùngton, Indiana,
1961 (trad. du bulgare).
47· J. lvANov, op. cit., pp. 225-~3~; E. TuRDEANU, op. cil., pp. 194-199.
48. J. lvANov, p. ~oS; cf. E. TURDEANU, ibid., pp. 187-194·
49· Cf. la communication de J. MAGNE dans le Bulletin de la Société Ernest-Renan, n° ~9.
1980, pp. 111-11~.
Les apocryphes bibliques 44 5
so. E. TuRDEANU, «La Palaea byzantine chez les Slaves du Sud et chez les Roumains»,
dans Mélanges A. Vaillant, Re~ue des Etudes sla~es, 40, 1964, p. 195·
51. J. lvANov, op. cit., pp. 232-243.
52· Edition des textes russes, 1. Ja. PoRPIRIEv, Apokrifitcheskie skazanija o nowza~étny/eh
litza/eh i sobytija/eh po ruleopisami solwetzleoi bibliote/ei, Saint-Petersbourg, 1890.
53· Edition du texte grec, C. TISCHENDORP (op. cit., n. 8) et M. R. JAMES, Apocrypha
anecdota, Cambridge, 1893, pp. II5-126; trad. ital., M. ERBETI'A, Gli Apocrifi t/81 Nuwo
Testamento, t. 3, Turin, 1969, pp. 448-454.
446 Vivre la Bible
Versions rares
H· Edition A. VAILLANT, Le LiiiT'e des Seçrets d'Hénoch, Paris, 1952 (texte slave et trad.
franç.).
55· F. MARTIN, Le LiiiT'e d'Hénoch, Paris, 1906; extraits dans J. BoNSIRVEN, La Bibll
apoçryphe. En marge de l'Ancien Testament, Paris, I9B (rééd. 1975), pp. 26-77.
56. E. TuRDBANU, op. cil., pp. I81-182.
57· Ibid., pp. 177-18I; J. IvANov, op. cil., pp. 182-195·
58. E. TISSERAND, Ascension d'Isaïe. Tradu&tion de la version éthiopienne avec les principales
variantes du versions grecque, latine el slave, Paris, 1909; A. VAILLANT, « Un apocryphe pseudo-
bogomile: la Vision d'Isaïe», dans Revue des Etude.r.rlave.r, ,p, 1963, pp. IQ9-12I; E. TuRDBANU,
« La Vision d'Isale. Tradition orthodoxe et tradition hérétique», dans Kyrillo.r J:ai Methodios,
Thessalonique, 1968, t. 2, pp. 291-318. Témoignages sur l'utilisation de l'apocryphe chez les
Cathares, DuRAND DE HUESCA, Liber contra Manicheos, éd. Ch. THOUZELLIER, Louvain, 1964,
pp. 256-257; jACQUES DE ÛPELLIS, Disputationes, dans D. BAZzoccm, L'ere.tia cathara,
Bologne, 1920, p. xcm; MoNETA DE CRÉMoNE, Adver.rus Catharos, éd. T.-A. RicCHINI,
Rome, 1743 (rééd. Ridgewood, New Jersey, 1964), p. 218 Registre; de G. d'Ablis, fo 43 rD
Les apocryphes bibliques 447
venir chez les Cathares, l'apocryphe a été quelque peu révisé par les
Bogomiles, qui ont supprimé dans le texte toutes les allusions contraires
à leur doctrine59.
Le seul livre apocryphe composé par les hérétiques dualistes de
cette époque (entre le xe et le xne siècle) et qui représente une œuvre
réellement originale est l' Inte"ogatio ]ohannis 60• Rédigé par des Bogo-
miles (probablement en grec), l'apocryphe existe dans deux rédactions
latines. li a été importé de Bulgarie en Italie du Nord à la fin du
xne siècle par un évêque cathare, et, considéré comme livre sacré par
les hérétiques, il a exercé une influence considérable sur l'évolution
des croyances cathares. Par son contenu très complexe, embrassant
toute l'histoire sacrée de l'humanité (cosmogonie, anthropologie, soté-
riologie, eschatologie), l'Interrogatio est une véritable somme des mythes
et croyances hérétiques. Sa forme littéraire - questions posées par
Jean l'Evangéliste au Seigneur pendant la Cène et les réponses données -
n'a pas seulement une fonction didactique, mais sert également à réunir
des éléments d'origine diverse dans une structure harmonieuse. L'apo-
cryphe commence par le mythe clé des hérétiques dualistes, à savoir
la chute des anges. Après que Dieu le Père a créé tout ce qui est esprit
et les quatre éléments matériels, Satanaël, le chef des anges, se révolte
par orguei~ entraînant avec lui une partie des anges. Rejeté du ciel,
il descend au firmament et organise le monde visible : il sépare l'eau
et la terre, fabrique les luminaires du ciel et fait apparaître les animaux
et les plantes. C'est lui également qui forme le corps de boue de l'homme
et de la femme dans lesquels il enferme deux anges comme dans une
prison. Ensuite il plante le Paradis, crée le serpent de son crachat et
entre lui-même dans le serpent pour séduire Eve, avec qui il commet
le péché de la chair. C'est encore le diable qui donne à Moïse la Loi
et des morceaux de bois pour le crucifiement du Christ. Le Sauveur
est envoyé sur la terre pour faire connaitre le nom du Père et le mauvais
dessein du diable. Pour parvenir au salut, seul le baptême spirituel,
opposé au baptême dans l'eau, est efficace. L'apocryphe se termine
par la description de la fin des temps, inspirée en grande partie des
passages eschatologiques de l'Evangile de Matthieu. Tandis que Satan
et les pécheurs seront enfermés dans un abime d'une profondeur
effroyable, les justes se réjouiront de leurs récompenses au royaume
de Dieu le Père.
(1308-1319), dans Y. DossAT, Les &Tises de I'Inquisitwn toulousaine au XIII• sitde, Bordeaux,
1959; Le &gistre d'inquisition de Jaeques Fournier, éd. J. DUVERNOY, Toulouse, 1973, t. 2,
pp. 5o-51; t. ;, pp. 200·201.
59· E. TuRDEANU, « La Vision d'Isaïe », pp. 305-310.
6o. Le Li,.e seeret des Cathares. Interrogatio Iohannis. Apoeryphe d'origine bogomile, éd., trad.
et commentaire par E. Boz6KY, Paris, 1980.
448 Vivre la Bible
Edina BOZOKY.
7
Modèles bibliques
dans l'hagiographie
2. ]. FoNTAINE, Sulpke Sévère. Vie de saint Martin, t. II, Introduction, texte et traduction,
Paris, 1967 (« Sources chrétiennes», 133), p. 188.
L'hagiographie 4 51
REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES
4· E. FARAL, Les jongleurs en France au Mqyen Age, Paris, 1910, pp. 4~ et ,I.
L'hagiographie 4 S~
exemples des saints nous suffiraient comme loi » (Sentences, IT, n, 6).
La question est donc de savoir de quelle manière et dans quelle
mesure l'hagiographie médiévale était « branchée » sur la Bible ou,
inversement, comment la Bible se reflète ou se trouve « transposée »
dans l'hagiographie. Une enquête en cette matière suppose qu'on soit
conscient de quelques prémisses générales. Il y a celle des dosages
et des sélections, opérés suivant les goûts de l'époque ou suivant les
connaissances et les préférences de chaque auteur. Ensuite, et pareil-
lement en fonction des époques et des milieux, la Bible a fait l'objet,
au Moyen Age, de « lectures » et de « relectures » différentes, qui se
répercutent dans l'hagiographie, comme dans d'autres genres. Enfin,
des choix s'expliquent par la diversité de l'hagiographie elle-même.
Diversifiée, elle l'est non seulement d'après les sous-genres évoqués
au début, mais encore d'après les types de saints (martyrs, confesseurs,
moines, moniales, ermites, papes, évêques, prêtres, laïcs, rois, reines, etc.),
d'après le type de spiritualité dont les Vies ou groupes de Vies se font
l'écho (il y a une hagiographie bénédictine, cistercienne, franciscaine, etc.)
ou tout simplement d'après les données historiques et biographiques
elles-mêmes.
Comprenons bien, en effet, la genèse d'un texte hagiographique,
qui ressemble d'ailleurs à celle de certains livres de la Bible, notamment
des Evangiles. Les faits réels ont été orientés, amplifiés et souvent
déformés par la tradition orale, avant d'entrer dans la phase définitive
de la stylisation, c'est-à-dire dans les moules du récit littéraire. Et cette
stylisation progressive véhicule toutes sortes de thèmes et de motifs,
empruntés précisément à la Bible, à la légende universelle, ou à des
récits plus anciens, qui passent d'une Vie à l'autre avec une étonnante
facilité, surtout quand l'écart chronologique entre la mort du saint et
la rédaction est grand ou dans le cas de remaniements successifs d'un
même texte. Mais tout cela n'empêche pas l'existence d'un nombre
considérable de Vies de saints où le substrat historique transparaît
suffisamment, leur imprimant ainsi un cachet nettement individualisé.
N'oublions pas, par ailleurs, que la stylisation biblique peut commencer
déjà avec le saint lui-même, qui a organisé et orienté sa propre vie
d'après des modèles qu'il veut imiter, tout comme le Christ avait conçu
sa mission d'après les catégories de pensée vétéro-testamentaires.
L'on constate donc que les ressemblances et les différences des
textes hagiographiques tiennent à un ensemble complexe de facteurs
qui influent sur les rapports avec la Bible. Par exemple, et de manière
générale, l'hagiographie du haut Moyen Age, mérovingienne et sur-
tout carolingienne, cherchera une bonne partie de son inspiration dans
l'Ancien Testament en raison d'un certain nombre de convergences
objectives et subjectives entre cette époque et l'histoire « primitive »
d'Israël (royauté et société en voie de devenir théocratiques, auréole
4 54 Vivre la Bible
1· B. de GAJFFIER, Miracles bibliques et Vies de Saints, dans NRTh. 88, 1966, pp. 376-
38,, repris dans Etulks critiques d'hagiographie et d'i&11110/ogie, Bruxelles, 1967, ici, p. '4·
L'hagiographie 4 57
(t vers 633 ?), abbesse à Arles, Vie écrite sans doute peu après la mort
de la sainte. Elle avait été accusée d'avoir caché dans son monastère,
après la victoire de Clotaire Il sur Sigebert Il d'Austrasie et de Bour-
gogne à Châlons-sur-Marne, en 613, le jeune frère de Sigebert, Chil-
debert. Sa vie était menacée, mais ses moniales priaient avec instance
le« Défenseur céleste», car n'avait-il pas, jadis, sauvé Suzanne, épouse
de Joachim, elle aussi faussement accusée d'adultère et condamnée à
mort, en lui envoyant le jeune Daniel pour clamer son innocence
(Dan. 13, 45)? Les sœurs étaient donc en droit d'espérer une inter-
vention similaire. Plus tard, ce nouveau Daniel apparut effectivement
en la personne de l'évêque Dommulus de Vienne, qui vint témoigner
en faveur de Rusticule. Il est évident que, dans l'hagiographie, pareilles
références précèdent surtout des événements perçus comme mira-
culeux. Odon (878/879-942.), abbé de Cluny, consacre même une bonne
partie du prologue de sa Vie de saint Géraud d'Aurillac (t 909) à l'idée de
la fidélité constante de Dieu dans ses interventions merveilleuses au profit
de l'homme. Le passé, selon Odon, garantit le présent et l'avenir, car: Je
ne cesserai pas de faire du bien à mon peuple (voir Jér. 32., 40) et Dieu ne laisse
pas s'écouler un siècle sans se rendre témoignage par ses bienfaits(Actes 14, 16-17).
Nous reviendrons là-dessus en parlant plus spécifiquement du miracle.
serai plus blanc que la neige, se trouve appliqué au... nettoyage à chaux,
car Wilfrid fit laver et blanchir les murs d'une église abîmée. Chez
Thomas de Celano, la métaphore Moi, je suis un ver et non un homme
(Ps. 22., 7), appliquée au Christ, fonde l'amour de saint François d'Assise
pour toutes les humbles créatures de Dieu, y compris les vermisseaux.
Il arrive enfin que la lecture de la Bible « au pied de la lettre » donne lieu
à des comportements péniblement radicaux. Selon leur biographe
commun Jonas de Bobbio (milieu du vue siècle), saint Colomban
(vers 543-615), le moine irlandais devenu abbé à Luxeuil et puis à
Bobbio, et saint Jean de Réomé, déjà mentionné, quittèrent leur mère
et refusaient de la revoir encore dans leur vie d'ici-bas, parce qu'ils se
souvenaient de la parole du Christ : Qui aime son père ou sa mère plus que
moi, n'est plus digne de moi (Mat. 10, 37). Globalement cependant on est
tenté de croire que l'utilisation médiévale de la Bible, surtout quand elle
était polémique, était « caractérisée par une interprétation trop littérale
de l'Ancien Testament, dont on appliquait les textes à des situations
historiques de l'Eglise, et par le manque d'une interprétation littérale
de certains passages importants du Nouveau Testament »9 • Mais ce qui
compte avant tout dans l'hagiographie, c'est la présence et l'alternance
de deux plans superposés : l'intemporel et l'historique, l'alliance perma-
nente entre le temps et l'éternité.
C'est aussi l'aide aux pauvres et aux démunis, programmée dans les
«œuvres de miséricorde» du discours sur le jugement dernier (Mat. 2.5,
55-40), et en partie« institutionnalisée» en raison du rôle d'assistance
sociale dévolu, par la force des choses, à l'Eglise médiévale, notamment
aux abbayes. Distribuer ses biens aux pauvres suppose évidemment
qu'on en possède soi-même. Mais à ce propos, on peut seulement
constater que la majeure partie de ceux à qui le Moyen Age a décerné
l'auréole de sainteté, étaient effectivement issus de familles aisées.
D'ailleurs, la vox populi du haut Moyen Age, par exemple, savait bien
pourquoi elle favorisait l'élection épiscopale d'hommes fortunés. Toute-
fois, le renoncement et la charité ne suffisent pas, la sainteté biblique et
évangélique inclut aussi la recherche de Dieu, la piété, la prière, le
recueillement, l'amour de la solitude. Pour les moines et plus encore
pour les ermites, c'est même là le facteur essentiel. Et comme dans la vie
de Jésus il peut exister une certaine« tension» entre cet aspect« vertical»
de la sainteté et les « devoirs sociaux ». Souvenons-nous de saint Séverin
du Norique : selon son biographe Eugippe, plus il aspirait à la contem-
plation solitaire, plus il se faisait scrupule de s'y livrer à cause de ceux
qui avaient besoin de son secours. Dans la spiritualité des saints issus
des Ordres Mendiants au XIIIe siècle, la vie partagée entre la prière, la
prédication errante et la pauvreté (mendicité) traduit plus spécialement
le désir d'imiter la vie apostolique. C'est encore pour suivre le Christ
(Mat. 5, 11; 10, 2.2. et textes parallèles) dans le sillage des apôtres (Luc 2.2.,
2.5; Actes 5, 41; 2.1, 13; Col. 1, 2.4) que les saints seront toujours prêts,
le cas échéant, à supporter avec joie, et à cause du Nom de leur Seigneur,
les épreuves et injures qui leur sont infligées.
Les récits hagiographiques nous offrent des exemples concrets
parfois touchants de cette imitation du Christ. L'on se rappellera le
chapitre 3 de la Vie de saint Martin de Tours par Sulpice Sévère. Déjà
avant son baptême, lorsqu'il était encore soldat de l'armée romaine,
Martin se distinguait par sa charité évangélique. Un jour, au milieu
d'un hiver particulièrement rigoureux, il rencontra à la porte d'Amiens
un pauvre nu dont les autres passants ne se souciaient guère. N'ayant
sur lui que ses armes et un simple manteau de soldat, il partagea ce
vêtement en deux et donna un morceau au pauvre avant de se rhabiller
avec le reste. Or, la nuit suivante, il vit dans son sommeille Christ vêtu
de la moitié de la chlamyde dont il avait couvert le pauvre, c'est-à-dire
« un de ces plus petits de mes frères » auquel le Fils de l'homme s'était
identifié (Mat. 2. 5, 40). Raymond de Capoue raconte une scène pareille
à propos de sainte Catherine de Sienne. Sortant d'une chapelle, l'illustre
tertiaire régulière de saint Dominique croisa un jeune homme âgé
d'environ trente-deux ou trente-trois ans et dénudé, qui lui demanda
de quoi se vêtir. Elle retourna à la chapelle et lui en apporta une tunique
de laine et sans manches, mais le pauvre trouvait cela insuffisant. Tout
L'hagiographie 471
de suite, Catherine alla fouiller dans la maison de ses parents pour lui
chercher d'autres vêtements. Lorsqu'elle avait enfin pu le contenter,
le jeune homme évoqua le sort d'un camarade aussi miséreux que lui
et la pria de l'habiller de la même manière. Catherine se serait volontiers
débarrassée de sa propre tunique, mais elle craignait le scandale que cela
causerait. Voyant toutefois la joie spontanée avec laquelle la sainte se
tourmentait pour lui, l'homme n'insista plus et partit. La nuit suivante,
pendant qu'elle priait, le Christ lui apparut avec la physionomie du
pauvre dénudé tenant dans la main la tunique à manches que Catherine
lui avait finalement trouvée, mais ornée cette fois-ci de perles et de
pierres précieuses. Sans le savoir, elle avait donc vêtu son « Epoux
céleste» qui lui promit maintenant la gloire éternelle. Qu'elle acceptât
toutes les conséquences de l'Evangile, elle le montrait encore en soignant
et en servant des personnes atteintes par des maladies pestilentielles et
que d'autres avaient abandonnées par crainte de la contagion. C'était
notamment le cas d'une femme lépreuse dans laquelle elle voyait l'image
même du Seigneur. Cette conduite fait penser au geste impressionnant
de saint François d'Assise qui, un jour, nous dit Thomas de Celano,
rencontra un lépreux et, « se surpassant soi-même, s'approcha de lui
et lui donna le baiser ». (Pour les harmoniques néo-testamentaires de la
lèpre, on peut citer Mat., 10, 8 et 11, 5; Marc 1, 40-45; Luc 17, u-19.)
La scène évangélique du lavement des pieds et les paroles impératives
que le Christy ajouta (Jean 13, 13-15; Mat. zo, z6-z7; Marc 10, 43-44) ont
inspiré toutes sortes de besognes d'esclaves auxquelles les saints s'astrei-
gnent avec joie et dans un esprit d'humilité et de charité, au service de
leurs frères et sœurs ou de leurs subordonnés. Ainsi, la même Catherine
de Sienne était régulièrement occupée à balayer ou à faire la vaisselle.
Elle y était d'ailleurs habituée, car dans sa jeunesse sa famille lui avait
imposé des travaux humiliants pour contrarier sa vocation virginale.
Mais déjà dix siècles plus tôt, Martin de Tours avait donné l'exemple.
Enrôlé dans l'armée à l'âge de quinze ans, ce fils de vétéran« se contentait
de la compagnie d'un seul esclave, et pourtant, renversant les rôles,
ille servait, lui son maître, tant et si bien qu'en général c'était lui qui
retirait ses chaussures, lui encore qui les nettoyait, qu'ils prenaient leurs
repas ensemble, mais que c'était lui qui faisait le plus souvent le service
de leur table ». Dans les biographies de deux reines mérovingiennes
déjà mentionnées, Radegonde et Balthilde, ces occupations serviles sont
d'autant plus soulignées qu'elles contrastaient vivement avec le très
haut rang social de ces femmes (comme dans le cas du Roi céleste qui
« ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu, mais prit la
condition d'esclave » : Phil., z, 6-7). Radegonde « lavait, essuyait et
baisait les pieds de tous», tandis que Balthilde travaillait dans la cuisine
de son monastère de Chelles et y allait jusqu'à nettoyer les lieux d'aisances.
Plus tard, le Moyen Age connaîtra même des saints qui exercent délibé-
4 72 Vivre la Bible
embourbé son chariot juste devant la porte d'entrée >> (Luc Jo, 30 :
l'homme dépouillé et roué de coups par des brigands). « Personne de
ceux qui allaient et venaient ne lui donnait de l'aide; tout au contraire,
on lui marchait presque dessus et on le bousculait» (Luc Jo, 31-32 : un
prêtre et un lévite descendent par le même chemin, voient l'homme
spolié, prennent l'autre côté de la route et passent). L'homme de Dieu
vit, en arrivant, la méchanceté de ces « fils du diable» (= Eph. z, z),
sauta à bas de son cheval et prêtant la main au misérable, remit avec lui
la voiture debout >> (Luc 10, 33-35 : un Samaritain arrive près de la
victime, est touché de compassion et s'occupe de son sort).
Le récit suggère manifestement d'identifier Wandrille au Samaritain
montré en exemple par le Christ, mais l'hagiographe continue encore :
« Le voyant éclaboussé de fange, les spectateurs se mirent à rire de plus
belle et à le railler», avec une réminiscence de Luc z3, 35 : Le peuple se
tenait là à regarder. Les chefs eux-mimes le raillaient... « Mais lui, sans
s'inquiéter d'eux, suivait humblement le Maître qui s'est fait humble,
car le Seigneur a dit dans l'Evangile : S'ils ont appelé le père de famille
Béelzébub, que ne diront-ils pas à ses serviteurs (Mat. 10, z5)? Comme il
tournait ainsi cet affront à la gloire de Dieu, au même instant apparut
un ange du Seigneur qui nettoya son vêtement de façon parfaite, et
devenu plus blanc encore qu'il ne l'était précédemment, il entra au palais
du roi... » Notons une réminiscence de Luc 1, II : Un ange du Seigneur
lui (= Zacharie) apparut, debout... , et surtout du récit de la Transfiguration
dans Marc 9, 3 : Ses v!tements devinrent étincelants, tout blancs... Devant le
roi Dagobert, le Seigneur « protégea comme un gardien sa brebis retirée
de la gueule de ses ennemis en leur présence » (Jean 10, 1-JS). Enfin,
Wandrille fut unanimement reconnu comme un homme de Dieu et le
roi lui permit de suivre sa vocation.
Quels que soient l'éventuel noyau historique de tous ces récits, leurs
variantes littéraires ou l'interprétation qu'il convient d'y donner (comme
dans l'Evangile de Jean, il n'est pas impensable que tel miracle puisse
avoir, du moins dans le chef de certains hagiographes, un sens allégo-
rique, concevant par exemple la cécité corporelle comme un symbole
de l'aveuglement spirituel), la thaumaturgie des saints renouvelle d'une
manière ou d'une autre les merveilles des temps bibliques (renovata sunt
per eum antiqua miracula, dit Thomas de Celano à propos de saint François)
et constitue dès lors, pour les chrétiens du Moyen Age, la preuve tangible
du prolongement de l'histoire sainte. Mais en même temps -et là nous
revenons à notre point de départ concernant le caractère implicitement
biblique de l'hagiographie - elle contribue à « boucler » le schéma
implicite sous-jacent à toute biographie spirituelle. Par les miracles
antérieurs et surtout postérieurs à sa mort, Dieu confirme définitivement
la sainteté de son élu qui a mené une vie conforme aux préceptes et aux
modèles donnés. Là réside aussi la signification du merveilleux et des
«signes» qui entourent souvent sa mort, comme celle du Christ, c'est-à-
dire l'entrée glorieuse de son âme au paradis. Ce triomphe final, les
saints l'ont mérité, car les hagiographes leur appliquent volontiers la
métaphore paulinienne de la deuxième Epître à Timothée 4, 7-8 (J'ai
combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi.
Et maintenant, voici qu'est préparée pour moi la couronne de justice), ainsi que
l'idée évangélique de la rétribution (notamment Matthieu 5, 12: .•. votre
L'hagiographie 477
récompense sera grande dans les cieux; 19, 29 : ... il recevra le centuple et aura
en partage la vie éternelle) assortie d'images eschatologiques comme celle
des trésors amassés dans le ciel (Mat. 6, 19-21; Luc 12., 33-34), celle de
l'ivraie et du bon grain (Mat. 1 3, 2.4-3 o), ou celle des talents (Mat. 2. ~,
14-3 1). Même sans références directes, ces métaphores et ces images font
implicitement partie de la phraséologie et du vocabulaire.
ACTUALISATION DE LA BIBLE
ET MUTATIONS POSTBIBLIQUES
14· R. BuLTOT, «Le mépris du monde chez saint Colomban», dans RSR, JJ (1961),
p. 363.
L'hagiographie 481
L'exposé qui précède était basé sur l'hagiographie latine. Les récits
rédigés dans les différentes langues nationales atteignaient plus facile-
ment, parce que plus directement, un public illettré, mais ils ne font
que transposer des modèles latins, les transpositions littéraires étant à
L'hagiographie 48 3
IS· J.-M. MEUNŒR, La v;, de saint Alexis, poème français du XI• siècle. Texte du
manuscrit de Hildesheim. Traduction littérale, étude grammaticale, glossaire, Paris, 1935·
484 Vivre la Bible
Alexis est donc l'homme de Dieu qui « a bien et à gré servi Dieu »
et qui est digne d'entrer au paradis. A sa mort, en effet, son âme va
tout droit au ciel. Sa femme lui était toujours restée fidèle et elle restera
veuve et ne servira que Dieu (1 Cor. 7, 8). Et pendant la translation
de son corps, Dieu le glorifie par des miracles (qui rappellent Mat. 4, z4;
11, 5; Actes 8, 7) :
La Vie de saint Alexis est une légende. Par contre, celle de Thomas
Becket, dont nous avons déjà parlé, est largement« historique». Pour
composer son poème roman, Guernes a consulté plusieurs biographies
latines. Il retrace longuement (6 180 vers) la vie et la carrière mouve-
mentée de son héros :sa naissance en 1117 ou 1118, son enfance et sa
première jeunesse; les fonctions qu'il a exercées (archidiacre et prévôt,
chancelier du roi Henri II qui a en lui une confiance illimitée, enfin
archevêque de Cantorbéry en u6z); son dévouement total au service
de Dieu et de l'Eglise et son conflit de plus en plus aigu avec la royauté;
son départ clandestin en France, où il rencontre le roi Louis VII; les
événements qui, entre-temps, se passent en Angleterre avec notamment
le sacre« illégal» du roi par l'archevêque de York; les tentatives de
réconciliation de la part du roi de France, suivies du retour de Thomas
en Angleterre; la reprise du conflit et finalement le meurtre sacrilège
dans la cathédrale de Cantorbéry le 29 décembre II7o, et la pénitence
subie par Henri Il quatre ans plus tard.
Sur cette texture événementielle se greffent les éléments du bios
L'hagiographie 48 5
CoNCLUSION
La prédication
en langues vernaculaires
bien après la poésie. Bien plus, ce sont les sermons qui vont créer peu
à peu ce modèle d'après celui de la prose latine, puisqu'ils constituent
précisément les premières manifestations de la prose littéraire romane.
Ce n'est d'ailleurs pas leur moindre intérêt.
4· C.A. RoBSON, Maurite of Sully and the medieval vernamlar homi!y with the Tex/ of Maurite's
Frençb HomiÏies from a Sens Cathedral Cbapter Ms., Oxford, 195 2.
La prédication en langues vernaculaires 497
5. A. THOMAS, « Homélies provençales tirées d'un manuscrit de Tortosa (ms. 1o6) )),
dans Annale.r du Midi, 9, 1897, pp. 369-418.
La prédication en langues vernaculaires 499
6. W. BABILAS, Vnlem«hungen zu tkn Sermoni Subalpini, mit einem Excurs iiber die Zehn-
Engelchor-Lebre, Munich, 1968.
~ oo Vivre la Bible
CISTERCŒNS ET MENDIANTS
cité, par les homéliaires et par les recueils de traités édifiants en français.
La version française de ses sermons, qui n'était évidemment pas utilisée
pour la prédication, comme celle des sermons de Maurice de Sully, mais
pour la lecture spirituelle, remplissait cette fonction à côté d'autres
sermons prestigieux et beaucoup plus anciens, ceux de Grégoire le
Grand ou ceux de Haimon d'Auxerre, dont l'original latin servait,
semble-t-il, couramment de modèle pour la prédication au peuple, mais
dont la traduction française, contrairement à la règle habituelle, plus
concise et plus difficile, visait un public plus instruit. Dans leur contenu
et dans leur style, enfin, les ouvrages de spiritualité français du xme siècle
sont tous marqués par l'influence des auteurs cisterciens, en particulier
de saint Bernard lui-même et de Guillaume de Saint-Thierry. La place
qu'ils font, par exemple, à la vertu d'humilité et la définition qu'ils en
donnent, ou plus encore la description qui figure dans la plupart d'entre
eux des états contemplatifs et des étapes qui y conduisent, ne laissent
guère de doute à ce sujet.
En revanche, les ordres mendiants sont pratiquement absents de
cette littérature. Il est pourtant inutile de rappeler ici l'importance de la
prédication et de la catéchèse dans la vocation des Dominicains et des
Franciscains. A lui seul, le nom d'Ordo Praedicatorum le dit assez. On
sait que leurs membres n'ont jamais négligé cette mission et ont, dès
l'origine des deux ordres, beaucoup prêché, et prêché au peuple. C'est
d'ailleurs dans leurs rangs que se recruteront, à partir de la fin du
XIIIe siècle, la plupart des auteurs d' Artes praedicandi, dont certains,
comme Humbert de Romans dans son De modo cudendi sermones
(« Comment coudre les sermons »), feront des allusions explicites à la
prédication en langue vulgaire. Pourquoi donc leur prédication n'a-t-elle
presque pas laissé de traces dans les textes en langue vulgaire jusqu'à
la fin du XIIIe siècle ? On peut trouver plusieurs raisons à ce silence. La
première, qui vaut surtout pour les Dominicains, est que cet ordre
intellectuel a eu pour premier souci à ses débuts de recruter parmi les
maîtres et les étudiants des écoles. n a donc cherché à donner de lui-
même une image séduisante à ce public exigeant intellectuellement plus
qu'à conserver la trace écrite de l'humble prédication au peuple ou à
s'adresser au public à demi lettré, sachant lire, mais en langue vulgaire,
auquel s'intéressaient les Cisterciens. Mais il existe une autre explication,
moins volontariste et plus fonctionnelle. La littérature de spiritualité
en langue vulgaire se caractérise par sa pesanteur conservatrice. Ce n'est
pas un hasard si saint Bernard est la seule autorité moderne qu'elle
connaisse. D'inspiration résolument patristique, elle est imperméable
aux audaces théologiques. Elle accueille les nouveautés avec un retard
considérable. Elle est moins souple, moins rapide, moins vivante que
la littérature du même ordre en latin. Elle ne forme pas non plus un tissu
cohérent. Chacun des textes qui la constitue est refermé sur lui-même
5o6 Vivre la Bible
sermons en langue vulgaire. Car, d'une façon générale, le jeu sur les
mots et sur les étymologies, qui sous-tend souvent le développement
du thème dans les premiers, disparaît des seconds au profit de l'effort
de la traduction, qui se manifeste souvent de façon explicite, par la
citation de l'original latin suivi de la formule qui vaut autant à dire en
français que... , introduisant la traduction, ou par l'hésitation entre deux
traductions proposées successivement selon un tic pédagogique bien
connu. On pourrait dire que la philologie occupe un rôle fondateur
dans les sermons latins comme dans les sermons romans; mais elle
l'occupe dans les premiers au regard de l'exégèse, dans les seconds au
regard de la vulgarisation.
Il reste que l'autorité presque uniforme et indifférenciée accordée
aux sources latines par les sermons en langue vernaculaire et l'extension
de la notion d'Ecriture, dont on a parlé plus haut, brouillent quelque
peu l'image qu'ils donnent du texte biblique. L'égale révérence avec
laquelle est présentée la citation latine, qu'elle soit extraite de l'Ancien
ou du Nouveau Testament, des écrits des Pères ou des auteurs de
l'Antiquité classique, voire d'un recueil de distinctiones ou d'une vie de
saint, ne met guère en valeur le texte biblique lui-même et ne lui assure
pas toujours la place privilégiée qui devrait être la sienne. Le prédicateur
qui choisissait pour thème de son sermon quelques lignes de l'Historia
scolastica de Pierre le Mangeur, comme c'est le cas dans au moins deux
sermons français du xrne siècle, ou qui, comme tel prédicateur provençal
de la fin du xrre siècle, introduisait deux vers d'Ovide par la formule
comme nous dit l'Ecriture, n'avertissait nullement les fidèles que ce latin-là
n'était pas parole d'Evangile. Aussi, le prenaient-ils certainement pour
telle.
Mais les sermons en langue vulgaire ne se signalent pas seulement
par leur attitude timorée à l'égard du modèle latin. Ils utilisent, soit
délibérément, soit par la force des choses, les ressources propres de la
langue qu'ils utilisent et de la littérature dont elle est le véhicule. C'est
ainsi qu'ils mêlent l'allégorie comme méthode de l'exégèse et l'allégorie
comme forme littéraire de la pensée. Cette collusion produit des incohé-
rences, mais qui sont par éclairs fécondes, et laisse entrevoir l'ébauche
d'une rhétorique propre à la langue vulgaire. Celle-ci se fonde également,
entre autres, sur le recours, qui lui est particulier, aux proverbes et aux
fragments rimés. D'autre part, les sermons entretiennent avec la litté-
rature profane en langue vulgaire des rapports ambigus. Le plus souvent,
ils l'ignorent ou ils la condamnent brièvement. C'est un lieu commun
dans la bouche des prédicateurs que de reprocher à l'auditoire de préférer
entendre raconter les exploits de Roland ou du roi Arthur plutôt que
ceux du Christ. Mais certains aspects de cette littérature, en particulier
la poésie lyrique, exercent sur eux une profonde séduction. Certains
inventent les prétextes les moins plausibles pour avoir le plaisir d'inventer
La prédication en langues vernaculaires ~ 13
22. Paris, BN lat. 16497, fouS r"-129 ro et Poitiers, BM, 97, fo p v<>; cf. BoucHERIE, 1873;
Ph. BARZILLAY-ROBERTS, Stepha1111s de Lingua-T onante. Studies in the Sermons of Stephen Langton,
Toronto, 1968, p. 14S et ZINK [147], pp. 39-42.
23. THOMAS, op. rit., pp. 317-318.
P. JUCHÉ, G. LOBRICHON 18
514 Vivre la Bible
24. Cité par D. POIRION, Littérature frat1faite. Le M.oyen Age, II, I JOO-I 480, Paris, 1971,
p. 124.
La prédication en langues vernaculaires 51 5
25. GERSON, Op. Omnia, éd. GLORIEUX, t. VII, pp. 449-519, 659-671, 779-793;
cf. L. MoURIN, Jean Ger.ron, prédicateur frafl{ai.r, Bruges, 195 2.
516 Vivre la Bible
Mais tous trois ont écrit des traités spirituels en latin et en français,
en réservant, comme il se doit, l'usage de la première de ces langues aux
ouvrages les plus difficiles, ainsi que le souligne explicitement Gerson,
mais en accordant le même soin littéraire à leurs écrits français et avec
le souci délibéré, toujours en ce qui concerne Gerson, de donner à la
langue vernaculaire une dignité plus grande. Son souci de ce que l'on
pourrait appeler une vulgarisation de qualité apparaît à travers un titre
comme L'exposition àe la foy pour le simple peuple. En même temps, l'enga-
gement de Gerson, aux côtés d'autres humanistes, dans la querelle du
Roman de la Rose témoigne de son intérêt pour la littérature française
profane et pour l'influence qu'elle exerce. Avec ces auteurs, la prédication
en langue vulgaire cesse d'être un pis-aller imposé par les obligations
pastorales. Leurs sermons français sont écrits avec autant de goût, selon
une méthode aussi élaborée et aussi savante, que leurs sermons latins.
C'est ainsi que la prédication en langue vernaculaire, née de l'humble
nécessité de mettre à la portée du peuple le texte de l'enseignement de
l'Ecriture, et tout particulièrement ceux des Evangiles des dimanches,
prend place à la fin du Moyen Age dans les grands courants de la litté-
rature et annonce l'épanouissement de l'éloquence sacrée que connaîtra
l'âge classique.
Michel ZINK.
9
La prédication
en langue latine
Age les simples références aux auteurs ou les analyses un peu plus
poussées; ainsi pour les fréquences des citations scripturaires et l'uti-
lisation faite concrètement de la Bible. Il s'agit: de simples sondages
guidés par la seule existence de bonnes éditions, où la présence de
tables scripturaires facilite la consultation et permet un minimum de
synthèse. Il a semblé nécessaire de souligner auparavant la grande
diversité de la prédication latine au Moyen Age.
PROBLÈMES DE CLASSIFICATION
z. R. ETAIX, «Le lectionnaire de l'office à Cluny», dans Recherche.r augustiniennes, II, 1976,
PP· 91-159.
~· J.-P. BouHOT, « L'homéliaire des 'Sancti catholici Patres'», dans REAug., 2r, 1975,
pp. 145-196; 22, 1976, pp. 14~-185; 24, 1978, pp. 10~-158,
4· J.-B. ScHNEYER (146], 6 (Konzils, Universitiits und Ordenspredigten), 1975·
5· Dans J.-B. MANs1, XIV, 85 ou MGH Legum, sectio III, Concilia, t. z, éd. A. WERMIN-
GHOFF, Hannover, 1904, p. z88: « ... et ut easdem homelias quisqueaperte transferee studeat
in rusticam romanam linguam aut theotiscam, quo facilius cuncti possint intelligere quae
dicuntur. »
6. J.-B. SCHNEYER (146], I, 1969, pp. 92-II4.
7· SAINT BoNAVENTURE, Opera omnia, 9, Quaracchi, 1901, p. 519·
s20 Vivre la Bible
8. Raoul AllDENT, Cum appropitVJuauel Iesus Ierosolymù (PL, I 1 f, 1830) :«Primo ca quae
ad historiam, secundo quae ad mysticum sensum pertinent, sunt consideranda >>; cf. Ibat
/mu in ciuitatem IJIIa4 uoçalur Naïm (ibid., 2065); Egrmus Jesus seçmit in partes Tyri et Sydonis
(ibid., 1800 : iuxta lirteram; 1800 : mystice; 1801 : tropologice).
9· Voir dans J.-B. ScHNEYER [146], 4, 1972, p. 423, n. 381; p. 425, n. 403; p. 431, n. 477·
La prédication en lang11e latine sz. 1
xo. Histoire de l'interprétation du Cantique depuis Hippolyte de Rome jusqu'à 12.00 envi-
ron : Fr. ÜHLY, Hohelied Studien. Grrmlh:fige liner Ge.rtbitble der Hoheliedasulegung de.r AhenJ/ande.r
bi.r um r 200, Wiesbaden, 19,8. Aperçu rapide de la compréhension spirituelle du Cantique
au Moyen Age et à l'époque moderne par A. CABASSUT et M. ÜLPHB-GAILLARD, « Cantique
des Cantiques», dans DSp, 2, 1953, IOI-109.
11. Voir les tomes 1-2 de S. &mardi opera, éd. J. LEcLERCQ, C. H. TALBOT, H. RocHAIS,
8 vol., Rome, 1957-1977·
IZ. PL, I14, 9-2.,2.
15. GoPPIU!DO DI AUXERRE, Expo.rilio in Canli&a çanli&orum. Edizione critica a cura di
F. GAsTALDELLI, Roma, 1974. 2. vol.
14. Sennons édités pour la première fois par E. MIKKERS et H. CoSTELLO, Ioanni.r de
Forda Super exlremam partem Canliti çan/içorum .rermone.r CXX, Turnhout, 1970 (CC, Contin.
Med., 17-18).
522 Vivre la Bible
EMPLOIS DE L'ECRITURE
u. Th. KAEPPEL1, Sçriptore.r Ordinis Praedi&atorum Medii Aeui, t. 2, Roma, 1975, p. 172,
n. 1678.
23. L.-J. BATAILLON,« Les sermons de saint Thomas et la Catena allt'ea », dans Saint
Thomas Aquinas, I274-I914· Commemorative Studies, t. 1, Toronto, 1974, pp. 67-75.
24. Op. ût., n. 15, pp. 68-n6.
25. Op. cil., n. 19, pp. 1-329.
26. Voir BAuDOUIN n'AMsTERDAM,« Guibert de Tournai», dans DSp, 6, 1967, Il39-
Il46; H. RÜTHING, «Henri de Dissen », ibid., t. 7, 1969, 185-188; H. PLATELLll, « Jacques
de Vitry», ibid., t. 8, 1974, 59-62; P. RAPFIN,« Jean de San Giminiano», ibid., 721-722.
5z4 Vivre la Bible
17. L'absence de tables scripturaires dans la récente édition des sermons de Jacques de
La Marche (t 1476) n'a pas pemùs d'étudier l'usage quantitatif que cet auteur fait de la Bible
(cf. infra, n. 40).
18. XIV homélies àH IX• süç/e d'un auteur inconnu de l'Italie tÙI Nord. Introd., texte critique,
trad. et notes par P. MERCIER, Paris, 1970 (SC, r6r).
19. GUERRIC n'IGNY, Sermons, Intr., texte crit. et notes par J. MoRsoN etH. CasTELLO,
trad. sous la direction de P. DESBILLE, 1 vol., Paris, 1970 et 1975 (SC, r66, 102.); Exordium
magnum tisterciense siue narratio de initia cisterciensis ordinis, éd. B. GRIESSER, Roma, 1961, ill,
8, p. 164.
50. M.-M. DAVY fx37], pp. 49-50.
51. S. ANroNn PATAVrNIS, Sermones dominüales et festiui ad fidem codicum recogniti,
5 vol., Padova, 1979.
51. Bien que deux éditions (homélies du IX• siècle et Antoine de Padoue) aient, avec
raison, distingué citations proprement dites et allusions plus ou moins développés, on a
écarté ici cette division par souci d'unifier les données et de simplifier la lecture des tableaux.
La prédication en langue latine jZj
1. - ANciEN TESTAMENT
Genèse 43 45 319
Exode 9 4Z llO
Lévitique z 17 39
Nombres IZ 16 35
Deutéronome r; x; 64
Josué ; q
Juges z ;z
Ruth II
1 Samuel 7 So
II Samuel 8 46
1 Rois 1 14
TI Rois IO
;8 37
I Chronique
TI Chronique
I Esdras
z
z 2. ,
1
1
II Esdras 7
III Esdras ;
Tobie ; H
Judith I 7 2.2.
Esther 1 5 18
Job 5I B 3H
Psaumes 8 413 99 569
Proverbes So 44 177
Ecclésiaste 2.0 2.0 52.
Cantique 45 17 II2.
Sagesse 1 z6 .z; S4
Ecclésiastique 2. 44 76 164
Isaïe z II7 88 S89
Jérémie ;o 4Z 149
Lamentations 16 B
Baruch 2. ; 6
Ezéchiel 18 2.5 119
Daniel 8 17 52.
Osée 15 z8 6;
Joël z ; 2.4
Amos ; 8 2.4
Abdias
Jonas
Michée
4
1
;
zo
,
7
5 5
Nahum 2. 16
Habaquq 6 9 Z5
Sophonie 2. 5 ;
Aggée 1 4
Zaccharie IO 5 ;6
Malachie 7 9 9
I Maccabées z 2.1
II Maccabées 8
Total AT .z; I 056 66; ; 6;8
p.6 Vivre la Bible
citer celui, non analysé ici, du manuel écrit pour les prêtres par Maurice
de Sully.
Dans la prédication savante, qu'elle soit monastique (Guerric
d'Igny) ou universitaire (Paris, BN n. a .1. 33 5), l'Ancien Testament
l'emporte. li en va de même chez Antoine de Padoue, où la forme écrite
très élaborée n'a probablement qu'un rapport assez lâche avec le texte
prononcé.
Ce dernier auteur cite pratiquement tous les livres de la Bible, mais
Guerric d'Igny et la collection de Paris témoignent aussi d'une large
connaissance de l'Ecriture.
Dans l'Ancien Testament la préférence va aux Livres Sapientiaux,
y compris chez l'auteur des homélies du xxe siècle. Les Psaumes
surtout expliquent ce choix. A cause peut-être des réminiscences de
l'office choral, le moine Guerric d'Igny les cite davantage (413) que
l'ensemble des quatre évangiles (403) ou des Epîttes pauliniennes (;Sz).
Job et l'Ecclésiastique paraissent aussi très goûtés.
La Genèse est en tête pour le Pentateuque et les livres historiques,
528 Vivre la Bible
35. Voir R.- J. HEsBERT, Corpus anliphonalium o/ficii, t. 3 : Inuilaloria el anliphononae, Roma,
1968, n. 4069, p. 374· Même leçon {cUfll carilale) au sermon 14 de Gauthier de Saint-Victor,
voir GALTERI A SANcTo VrcToRE et quorumdam aliorum, Sermonu ineditos lriginla sex reeensuil,
]. CHATILLON, Turnhout, 1975 (CC, Contin. Med., 30), p. ru. Cette leçon est attestée par
plusieurs témoins cités dans Biblia sarra, t. 12. : Sapientia Salomonis. Liber Hie.rus fi/ii Sirachi,
Roma, 1964, p. H· Mais l'usage liturgique a dû être déterminant.
36. J. DANIÉLOU,« Saint Bernard et les Pères grecs», dans Saint Bernard théologien. Analecla
sacri ord. tùlerc., 9, 1953, p. 48; J.-M. DÉCHANET, «La christologie de saint Bernard», ibid.,
P· 87, n. :t.
La prédication en langue latine ~ z9
38. RICHARD DE SAINT-VICTOR, Liber exçeptionum, éd. J. CHÂTILLON, Paris, 1958, p. 475·
La prédication en langue latine 531
39· SANCTI ANToNII PATAVINI (op. rit., n. 31), I: IntrodN&tio. S1rmoM.t, pp. 2,-37.
40· SANCTUS lAcouus DE MARCHIA, Slrm0114.t tlominirale.r, lntroduzione, testo e note di
R. L101, 3 vol., Falconara, 1978.
41. DansSAINTBONAVENTURE(op.rit.,n. 7),p. 16;cf. Th.-M. CHARLAND [136],pp. 3o-33.
5p Vivre la Bible
. 42.. Dans éd. R. LIOI (cf. n. 40), t. 1, pp. 76-77: «Quarto, propter sanctarum scripturarum
unpletionem. Quia omnes scripture sacre clamant hominem futurum iudicaturum... Dauid
9W~:Si per totum... In quibus scripturis prophete clamant et affirmant quod infallanter erit
ludicium. Et est octauus articulus fidei : inde uenturus est iudicare uiuos et mortuos.
Philippus. »
La prédication en langue latine 5~ ~
CoNCLUSION
43· O. PoNTAL, Les statuts de Paris et le Synodal de l'Ouest. Les statuts synodaux français
du xm• siècle, 1, Paris, I97 I ; dans Statuts de Paris, n. 6~, p. 75; dans Synodal de l'Ouest, n. 123,
p. 227·
44· Voir B.-G. GUYOT,« Incipits of Works on the Pater noster »,dans M. W. BLOOM-
FIELD... , Incipit of Latin Works on the Virtues and Vices, IIOO-If!O AD, Cambridge, Mass.,
I 979. pp. 567-686.
45. ROBERT DE BASEVORN, Forma praedi&andi, XVI ; « Videat etiam quod thema suum sit
de textu Bibliae, non de antiphonario. Unde uitiosum est illud thema quod aliqui assumunt
in festo Trinitatis : Tres uidit et unum adorauit, quia non est textus Bibliae », dans Th.-M. CHAil-
LAND [I36], p. ~5o; Thomas VALLEYS, De modo componendisermones, II, ibid., p. 34~ :« Contingit
enim quandoque quod ea quae cantantur in Ecclesia de Sacra Scriptura extrahuntur, sed inter
originale et transsumptum est magna diuersitas. »
46. II, ibid., p. HI : « Secundum est ut thema accipiatur ex Sacra Scriptura. »
47· M.-Th. d'ALVEilNY, «Un sermon d'Alain de Lille sur la misère de l'homme», dans
Literaryand Historical Studies in Honor ofHa"y Capian, éd. by L. WALLACH, New York, I966,
La prédication en langue latine 53 5
Jean LoNGÈRE.
pp. ~15-53~; «Variations sur un thème de Virgile dans un sermon d'Alain de Lille», dans
Mélanges d'archéologie et d'histoire offerts à André Piganiol, Paris, 1966, pp. 1~17-1~28.
48. GALTER1 A SANCTO VrcTORE ... , Sermone.t ineditos triginta sex recensuit, J. CHÂTILLON,
Turnhout, 1975 (CC, Contin. Med., 30), pp. 26, II~.
49· De eruditione praedicatorum, II, 9, dans Opera de uita regulari, éd. J.-J. BERTHIER, t. 2,
Roma, 1889, rééd. Torino, 19~6, p. 400 : « Multiplex autem est scientia qWP.e eis est necessaria.
Una est scientia sanctarum Sctipturarum. Cum enin omnis praedicatio debeat fieri de sacris
Scripturis... »
10
La Bible
dans la liturgie
au Moyen Age
1. Sur les lectures de la ou des liturgies gallicanes, cf. KI. GAMBER, Cotlife.r Lilurgifi
Latini Antiquiore.r, 2• éd., Fribourg, Suisse, 1968, pp. 174-18o.
2. Cf. GAMBER, pp. 214-217 : J. PINELL, « La liturgia hispanica », dans Q. ALDEA,
T. MARIN, J. VIVES, Difciollllrio d4 historia ecle.ria.rtica d4 E.rpaiia, t. Il, Madrid, 1972-1975,
pp. 1303-1320.
3· Cf. GAMBER, Codices, pp. 14o-149·
4· Cf. GAMBER, Codife.r, pp. 27o-278.
538 Vivre la Bible
5. Cf. W. ROETZER, Des heiligen Augustinus Schriften ols liturgie-geschichtliche Quelle, Munich,
1930, pp. IOQ-101.
6. Cf. La notice du pape Célestin dans le Liber Pontififalis, éd. L. DuCHESNE, t. I••,
Paris, 1886, p. 230.
7· Cette hypothèse a été proposée par L. DuCHESNE, Origines du culte chrétien, z• éd., Paris,
1898, p. 16o, et généralement admise par les historiens de la liturgie, malgré les objections de
P. BATIFFOL, Lefons sur la messe, 6• éd, Paris, 1920, pp. 102-103. Selon A. CHAVASSE, Le
sacramentaire gélasien, Tournai, 1958, pp. 191-195. celles des messes gélasiennes qui comportent
trois oraisons avant la secrète s'expliqueraient par deux oraisons introduisant les deux leçons
avant l'évangile, et une troisième placée après celui-ci.
Bible et liturgie 539
8. Sur tout ceci, cf. A. CHAVASSE, Le satramentaire gélasien, pp. 107-126. Pour le missel
dela Curie, cf. S. J. P. V AN Drpc, The Ordinal of the Papal Court from Innocent III to Boniface VIII
and Related Documents, Fribourg, Suisse, 1975, pp. 277-278.
9· Cf. Th. KLAUSER, Das romische Capi/ulare Evangeliorum (Liturgiegeschichtliche Quellen
und Forschungen, 28), Münster, 1935, LXXXI, p. xc; Kl. GAMBER, Codices (ci-dessus, n. r),
pp. 429-439, 447-483.
ro. Cette liste a été éditée par G. MoRIN, « Le plus ancien Cornes ou lectionnaire de
l'Eglise romaine», dans RB, 27, 1910, pp. 41-74. Cf. A. CHAVASSE,« L'Epistolier romain du
Codex de Wurtzbourg. Son organisation», dans RB, 9r, 1981, pp. 28o-331. Est également à
mentionner le lectionnaire d'Alcuin, édité par A. WILMART, Ephemerides Liturgicae, JI, 1937,
pp. 136-197·
I l . 0. ci-dessus, n. 9·
~40 Vivre la Bible
19. Cf. Cl. GAY,« Formulaires anciens pour la messe des défunts», Etudes grégoriennes, 2,
1957. pp. 83-129·
20. Cf. J. A. JuNGMANN, Missarum So/Jemnia, trad. franç., t. Il, Paris, 1952, pp. 76-77,
301-303; t. III, 1954, pp. 330-33 r.
2r. Corpus troporum, Stockholm, depuis 1975 (4 vol. parus). Cf. mon étude, dans
G. IVERSEN (éd.), Researcb on Tropes, Stockholm, 1983, pp. 7-16, «Les tropes dans l'histoire
de la liturgie et de la théologie ».
22. C'est ainsi qu'on a utilisé la liste des versets d'alléluia des dimanches après la Pen-
tecôte pour déterminer l'origine d'antiphonaires de la messe ou de missels. Sur ces versets,
cf. M. HuGLo, « Les listes alléluiatiques dans les témoins du graduel grégorien »,dans Spe-
eu/um Musicae Artis. Festgabe fiir Heinrich Husmann, Munich, 1970, pp. 21')-227.
23. Cf. M. HuGLO, « De monodiska handskrifternas fôrdelning i tva grupper, ôst och
vast», dans Kiiytiinniil/isen Teologian ]ul!eaisuja, J, 1975. pp. 47-65.
24. Cf. mon étude citée ci-dessus, n. 2 r.
Bible et liturgie 543
romain nocturne, du psaume introductoire Venite exu/temus (Ps. 94) pourrait être antérieure
à l'influence bénédictine : cf. l'état de la question dans A. de VoGÜE (n. :z6), p. 435·
:z8. Corpus Antiphona/ium 0/ficii, t. V, Rome, 1975, pp. 445-480 (pp. 455-457 pour le
Mont-Cassin).
:z9. Je ne connais pas d'étude précise sur cette question. Quelques indications dans
s. BAEUMER-R. BIRON, Hùtoire Ju Bréviaire, t. n, Paris, 1905, pp. 35-37· A Rome, l'Ordo du
Latran, entre 1139 et 1145, semble encore refuser l'introduction des hymnes (cf. mon étude
«L'influence des chanoines de Lucques sur la liturgie du Latran)), dans les Mélanges Chavasse,
Strasbourg, 1984, p. 39).
30. Dans la désignation des Heures on emploie ici les termes modernes de matines
(matutinum) etlaudes (law/es), déjà utilisés au xm• siécle par l'Ordinaire de la Curie romaine.
Auparavant l'appellation de matulinae law/es (ou simplement malutim) désignait nos laudes,
et l'office de la nuit portait en général le nom de noeturni (plus anciennement celui de vigilia4).
D'après A. de VoGÜE (n. :z6), pp. 463-469, le nom de vigi/iae désignait à l'origine un office
de nuit plus long que celui de la liturgie romaine et bénédictine. Quant au transfert de l'appel-
lation de malulinum (ou malulinae) à l'office de nuit, il a dû se faire en un temps et dans des
lieux où matines étaient suivies immédiatement de laudes, dans la deuxième moitié de la
nuit : peut-être dans l'Office romain du xu• siècle, où l'on réservait le nom de vigi/iae à l'Office
nOCturne festif des grandes fêtes, et celui de malulinum à l'Office nocturne ordinaire (cf.
ci-dessous, n. ~6).
Bible et liturgie 545
92 (5oa) 50 50 50 50 50 50
99 (117) 5 42 64 89 142 91
62. 62 62. 62 62 62 62
66 66 66 66 66 66 66
LAUDBS Dan, 3· 57-88 Is. u, 1-6 Is. 38, 10-20 1 Sam, 2, 1-10 Ex. 15. 1-19 Hab. 3, 2-19 Deut. p, 1-43
~
S3
II7 (92) (")
II8, 1-16
II8, 17-32
"
IIS, 1_16 aux jours de semaine et aux fêtes
n8, 17-32
4
30, 2-6 tous les jours - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
COMPLIES 90
133
Luc 2, 29-32 ( Nrmt tlimittis)
(a) Du dimanche de la Septuagésime à celui des Rameaux, les Ps 92 et 99 sont remplacés par les Ps. so et u7.
(Il) Dans la plupart des liturgies médiévales, les Ps. ZI-2S sont employés tous les dimanches; dans l'Ordinaire de la Curie Romaine (VAN DIJK, 171),
seulement de la Septuagésime aux Rameaux (cf. GUILLAIDŒ DuRAND, RatioMie, V, s. 6).
(") De la Septuagésime aux Rameaux, le Ps. II7 est remplacé par le Ps. 92.
II8, 1- 8 I 7 9· 20- 12 15 17, 26-51
n8, 9-16 2 8 ro Heb., r8 13 16 18
liME
n8, 17-24 6 9· 2-19 10 14 17, 2-25 19
1 n8, 25-32 1 Il
(") La Règle se contente d'indiquer que certains psaumes sont divisés en deux, et le Ps. 118 selon des sections (dont l'étendue est la moitié de celles de l'Office
1in). On donne ici la répartition postérieure.
(") Le chapitre 18 de la Règle laisse à l'abbé le choix des trois cantiques des livres prophétiques. Sur le répertoire de ces cantiques dans les manuscrits du rxe
1° siècle, cf. J. MEARNS, The Canliclesof the Christian Church &stern and Western in &r!J and Medieval Times, Cambridge, 1914, pp. 81-93; H. ScHNEIDER, Die alt/atei-
,n biblùchen Cantica, Beuron, 1938, pp. 134-138. Ce dernier, constatant la parenté entre les cantiques bibliques des matines bénédictines du dimanche et ceux de l'Office
utique, a supposé une influence bénédictine vers l'Espagne, mais il se poutrait, en sens inverse, que le répertoire bénédictin médiéval ait été constitué dans l' entou-
du Wisigoth Benoît d'Aniane, avec des emprunts à l'Espagne.
TABLEAu n
Répartition des Psaumes dans l'Office
selon la Règle de saint Benoit au cours de la semaine
9!}
20
tous les jours - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
lOI
46 86 102
Jer noe- { 21 Jer noe- 33
32 Jer noe- {45 Go
Jer noe- {59 Jer noe- {73
74 J•r noe- { 85 Jer noe- { 103 , 1-24
turne 22 turne { 34 turne 47 turne 61 turne 76 turne 88• 2-19
= 6 Ps. 2 3 = 6 Ps. 36, 1-26 (a) = 6 Ps. 48 = 6 Ps. 65 = 6 Ps. 77, 1-35 = 6 Ps. 88, 20-H turne
= 6 Ps.
103, 25-35
24 36, 27-40 49 67, 2-19 77. 36-72 92 104, 1-22
{
:~~: 2.:=1~
{
:~
II• noe- 27 II• noe- 39 II• noe- B II• noe- ~ 8 • 17-37 11• noe- 80 II• noe- 105, 32.-48
II• noe- 1o6, 1-2.4
turne 28 turne 40 turne 54 turne 9 turne 81 turne 97
turne 106, 25-43
= 6 Ps. 2 9 = 6 Ps 41
• 43
= 6 Ps. 55
51
= 6 Ps. 7o
71
= 6 Ps. 82
83
= 6 Ps •
98
99 = 6 Ps. 107
30
31 44 58 72 84 lOO 108
3 cantiques (b)
117
62 1 355 1 42
56 1 63
64 1 87
89 1 75
91 1 Dcut. 142
32, 1-21
cUDBS Dan. 3, 57-88 Is. 12, 1-6 Is. 38, 10-20 I Sam. 2, 1-10 Ex. 15, 1-19 Hab. 3, 2-19 Deut. 32,22-43
46. Cf. mon article:« Collectaire, rituel, processionna!», dans RSPT, 44, 1960, PP· 441-
469, en particulier pp. 448-449. La plus ancienne série de capitules se trouve, au début du
1xe siècle, dans le manuscrit Salzburg, Museum Carolino-Augusteum :n63, 2 r"-10 .r<>.
47· J'ai exploré cette question dans« Evangélisation et sacrements au Moyen Age»,
dans Cb. KANmlNGIESSER-Y. MARCHASSON (édit.), Hllll'lanisme et foi rhrétienne. Ml/atlgll
srimtiftques du Centenaire tk l'Institut tk Paris, Paris, 1976, pp. 565-H2·
48. Sur cet Office et l'Office provisoire, également de saint Thomas, qui l'a précédé,
cf. mon article : « L'Office du Corpus Christi et saint Thomas d'Aquin. Etat d'une recherche»,
dans RSPT, 64, 198o, pp. 491-507.
BIBLE
ET NOUVEAUX
PROBLÈMES
DE CHRÉTIENTÉ
Monnaie, commerce
et population
INTRODUCTION
1. M. BLOCH, La Société féodale. La Formation des liens de dépendan&l, Paris, 1939, p. 97·
Monnaie, commerce et population 557
LA MONNAIE
cesse de s'écraser sur les rochers, et on n'en maintient le bon cap qu'à
coups d'argent.
L'Evangile selon le Marc d'Argent, ouvrage anonyme du xne siècle,
utilise le même thème; nous le connaissons par un grand nombre de
manuscrits. Un pauvre homme est cruellement éconduit de la cour
papale, mais un clerc grassouillet et riche s'y fait admettre en graissant
la patte à tous les portiers, huissiers et secrétaires qu'il rencontre. Quand
le pape apprend que de nombreux cardinaux ont eux aussi reçu de
l'argent, une maladie mortelle le saisit. Le riche lui envoie une literie
d'or et d'argent, et le pape se remet immédiatement de sa maladie. Le
pontife convoque alors les cardinaux, et leur enjoint : « Frères, que
personne ne vous trompe avec de vains mots. Je vous ai donné un
exemple : comme j'ai obtenu, vous aussi vous obtiendrez. »
Pour des accusations plus précises sur la vente des offices ecclé-
siastiques, la simonie, on faisait référence à l'histoire de Simon le Magi-
cien, sorcier de Samarie (Actes 8, 9-2.4), qui avait cherché à acheter les
pouvoirs apostoliques. Cette histoire, citée par l'ermite-réformateur
du xxe siècle, Pierre Damien, devint un lieu commun de la rhétorique
grégorienne.
La trahison de Jésus par Judas pour trente deniers d'argent (Mat. z6,
15) était considérée comme l'acte de corruption le plus vil. Les attaques
contre la vente d'offices ecclésiastiques ou de dîmes, ou encore des
sacrements et de la justice, qui deviennent toutes fréquentes au xue siècle,
évoquent sans cesse l'image de Judas qui vendit son seigneur. Les
représentations artistiques de Judas avaient été extrêmement rares
pendant les siècles précédents; la scène habituellement décrite était celle
de son suicide par pendaison. Aux xxe et xne siècles, on assiste à une
prolifération de représentations de Judas; et l'on choisit plutôt, en un
grand revirement, de mettre l'accent sur la scène où il reçoit l'argent en
paiement.
Même s'il était devenu depuis peu un personnage important, Judas
restait mystérieux parce que la Bible ne disait presque rien de son passé.
La Ugende de Judas, également du xue siècle, lui donna une ample
biographie, bien que fantaisiste. Ecrite en latin, elle fut bientôt tra-
duite en plusieurs langues vulgaires. L'ultime trahison de Judas ne
faisait que s'ajouter à un lourd passé de fratricide, de parricide et
d'inceste.
Le moyen le plus courant d'évoquer les problèmes soulevés par
l'usage de l'argent consistait à mentionner les thèmes traditionnels des
vices, de l'avarice en particulier, que nombre d'auteurs considéraient
comme le vice principal ou selon une image différente mais proche,
comme la racine de tous les autres vices. La liste des vices n'est pas
d'origine biblique, mais les spécialistes croient qu'elle dérive des Voyages
dans l'Autre Monde, peut-être d'un récit gnostique du voyage de l'âme,
Monnaie, commerce et population 561
au cours duquel celle-ci rencontre les uns après les autres un certain
nombre d'esprits mauvais (sept en général). Les premiers auteurs
chrétiens ont inauguré une longue tradition, en dressant des listes de
vices et aussi de vertus. Ce n'était pas une tradition rigide, car les écri-
vains étaient libres de modifier le nombre et l'ordre des vices qu'ils
incluaient dans leur liste.
Le premier dont on soit certain qu'il ait énuméré les vices et débattu
de leurs essences respectives est Evagre le Pontique. Cet ermite du
IVe siècle plaçait l'orgueil à la fin d'une liste de huit vices cardinaux. Le
vice principal, habituellement détaché en tête ou à la fin de la liste, ou
isolé de celle-ci, est le plus sûr indicateur d'un changement dans le
système traditionnel des vertus et des vices. Un second indicateur critique
est la nature du rapport entre les différents vices, en particulier celui du
vice le plus important avec les autres. Jean Cassien rend explicite la
liste d'Evagre, en expliquant pourquoi l'orgueil venait en dernier, et
pourquoi c'était le plus important des huit vices. Il met les moines en
garde : il leur faut vaincre tous les vices moins importants, alors seule-
ment ils risqueront sérieusement de verser dans l'orgueil, qui sera le
plus difficile de tous à surmonter. Le mal de l'orgueil est si grand, écrit
Cassien, qu'à la différence des autres vices il n'a pas pour ennemi un
ange ou une vertu, mais son adversaire est Dieu lui-même. Cassien
introduit aussi dans la discussion l'image d'un arbre avec ses racines et
ses branches.
Deux passages de la Bible étaient à l'origine de cette tradition théolo-
gique : Sir. 10, 13, « Le commencement du péché, c'est l'orgueil »,
et I Tim. 6, 10, «La racine de tous les maux, c'est l'amour de l'argent».
Dans ce dernier passage, saint Paul utilise le mot grec philargyria, que
saint Jérôme traduit non par avaritia (mot que de nombreux spécialistes
préféreraient actuellement), mais par cupiditas, qui a le sens un peu plus
général de désir immodéré de quelque chose, y compris mais pas néces-
sairement l'argent. Certains théologiens étaient au courant de cette
distinction. La Bible certes mentionnait et attaquait d'autres vices, mais
seuls l'orgueil et l'avarice étaient dénoncés aussi expressément que dans
ces deux passages. Par conséquent on ne disputait pratiquement jamais
à l'orgueil ou à l'avarice le rôle de vice principal.
La plupart des théologiens du début du Moyen Age choisirent
l'orgueil. Le choix de Cassien a déjà été mentionné, et à cet égard nous
ne devons oublier ni sa profonde influence sur saint Benoît, ni la recom-
mandation que celui-ci fait aux moines dans sa Règle de lire Cassien.
Cependant, le plus influent de tous les moralistes parmi les Pères est
probablement Grégoire le Grand. Dans les Moralia in Job, il affirme
nettement que l'orgueil est le vice principal. Ce n'est pas simplement un
des huit vices cardinaux : l'orgueil est une entité importante, unique,
à l'écart et au-dessus des sept vices.
562. Bible et noutJeaux problèmes de chrétienté
Car, lorsque l'orgueil, roi de tous les vices, s'est emparé complètement
d'un cœur, ille livre sans plus attendre aux sept vices principaux, comme s'ils
étaient de ses généraux, parce que sans aucun doute ils font surgir des cohortes
pesantes de vices ... La racine de tous les maux est l'orgueil, dont on dit,
l'Ecriture en témoigne, qu'il est le commencement du péché. Mais les sept vices
principaux surgissent de cette racine empoisonnée, comme ses premiers
rejetons : et ce sont la vanité, l'envie, la colère, l'acédie, l'avarice, la gourman-
dise et la luxure (PL, 76, 6zo-62.1).
Paul aurait dit, à propos du Fils unique : « Il n'a pas considéré comme une
proie à saisir d'être l'égal de Dieu» (Phil z, 6). C'est ainsi que le diable tenta
3'éveiller l'orgueil chez notre parent, en le poussant à l'avarice d'un poste
élevé.
Ainsi donc les théologiens du début du Moyen Age ont-ils institué la
primauté de l'orgueil, et parfois aussi la subordination explicite de
l'avarice à ce premier vice.
On assiste à partir du XIe siècle à une remarquable transformation
de cette hiérarchie, par un retournement décisif en faveur de l'avarice.
On peut déjà le voir par exemple chez Pierre Damien, ce précurseur de
bien des sensibilités et des pulsions qui animent les générations suivantes.
Pierre Damien cite saint Paul et accepte son point de vue sans plus
essayer de placer l'avarice comme une simple sous-catégorie de l'orgueil.
Lanfranc commente de la même façon ce même passage de la Jre Epitre
à Timothée. Thomas le Cistercien discute spécifiquement de l'avarice
en tant que vice objectif qui contribue à la détresse des pauvres. Jean de
Salisbury considère l'avarice comme le pire de tous les vices, sévissant
en particulier chez ceux qui exercent une charge publique. « Bien que
la prodigalité soit clairement mauvaise, je pense qu'on ne devrait en
aucune façon faire place à l'avarice. Aucun vice n'est pire que celui-ci,
aucun n'est plus exécrable, surtout chez ceux qui sont à la tête des Etats
ou qui détiennent un office public. Il faudrait éviter non seulement
l'avarice elle-même, mais aussi bien ce qui s'y associe. » Jean avait
observé de près les grands et les puissants, et ses avertissements, même si
l'on fait la part de l'exagération rhétorique, étaient imbus d'une force
particulière:« Une personne que des hommes pondérés et circonspects
soupçonnent à bon droit du vice d'avarice ne peut être tenue pour
loyale envers qui que ce soit, ni digne d'affection. »
On pourrait citer une longue liste d'auteurs qui placent l'orgueil en
première place, selon la tradition du début du Moyen Age. Notre propos
n'est donc pas ici de dire qu'à partir du xie siècle, l'avarice a remplacé
l'orgueil en tant que vice principal, mais plutôt de dire que l'orgueil,
qui jusque-là avait été isolé au premier rang, doit désormais partager
son primat avec l'avarice.
Outre ceux qui insistent particulièrement sur l'un ou l'autre de ces
deux vices, d'autres auteurs placent avarice et orgueil sur un même plan.
Parmi ceux-ci figurent Rupert de Deutz, Werner de Kussenberg, le
pseudo-Hugues de Saint-Victor, le pseudo-Bernard, Pierre Lombard,
Pierre le Chantre, Jacques de Vitry et Guillaume Pérault. Mais c'est le
collègue dominicain de Guillaume Pérault, Thomas d'Aquin, qui
parvient à l'équilibre le plus clair entre les significations et l'importance
respective de ces- deux vices principaux. Saint Thomas, après avoir
étudié les différentes significations qu'on peut donner à l'orgueil et à
la cupidité, choisit de leur attribuer la définition la plus précise possible.
564 Bible et nouveaux problèmes de chrétienté
Ni l'un ni l'autre ne doit prendre le pas sur l'autre, soutient-il, parce que
l'Ecclésiastique appelle l'orgueil un« commencement» et la Jre Epître
à Timothée le qualifie de « racine ». Thomas trouve une marge de
manœuvre entre les sens de« commencement» et de« racine», pour
éviter qu'on accuse la Bible d'incohérence. Il place ainsi la cupidité en
fin de la liste des sept vices, et suivant en cela Grégoire le Grand, il
fait de l'orgueil un monarque régnant sur tous les autres.
L'orgueil et l'avarice figurent en premier plan dans l'art roman et le
gothique, y compris dans cette forme iconographique très publique
qu'est la sculpture monumentale. Les personnifications sculptées de
ces vices apparaissaient sur les chapiteaux et en divers lieux importants
des façades, parfois dans une même série que d'autres vices, parfois
aussi avec les vertus, mais souvent aussi seules. Les autres vices ne sont
pas ainsi isolés et n'obtiennent pas un tel traitement individuel.
L'orgueil est représenté sous les traits d'un puissant guerrier à cheval.
Cette tradition iconographique a été fixée au plus tard au cours du
IXe siècle, dans les manuscrits peints de la Psychomachie de Prudence. Elle
comprend une séquence dans laquelle le cheval trébuche, l'orgueil est
jeté à terre, et l'espoir offre une épée à l'humilité qui décapite l'orgueil.
Mais lorsque l'orgueil apparaît sans aucune référence à Prudence, et
lorsque l'artiste ne peut le représenter qu'en un seul tableau, s'il veut
personnifier ce vice autant que possible et le présenter d'un coup au
spectateur, il choisit en général de le montrer sous les traits d'un cava-
lier projeté à terre par-dessus l'encolure de son cheval qui trébuche.
Le personnage est aussi sous cette forme une traduction graphique de
Proverbe 16, 18 : « Avant la ruine, il y a l'orgueil; avant le faux pas,
l'arrogance. »
On personnifiait l'avarice sous plusieurs apparences. Elle pouvait
être représentée sous les traits d'un petit personnage accroupi, la bouche
ouverte et déformée, prête à dévorer, qui tient fermement ce qu'il a
accumulé dans des bourses. Dans ce droit fil, Innocent rn fait remarquer
plus tard que l'avarice et l'enfer sont semblables : tous deux avalent et
consument, mais ils ne digèrent pas. L'avarice apparaît aussi la bouche
fermée, empoignant désespérément deux sacs, tandis qu'un serpent à
tête de chat lui lèche une oreille. Cet accapareur en proie à des forces
dignes du stade anal peut être aussi représenté sous la forme d'un
monstre gras, penché au-dessus d'un énorme sac suspendu à son cou.
L'avarice n'était cependant pas toujours grotesque: à Chartres, l'avarilia,
nom féminin, est montrée sous les traits d'une femme, assise près d'un
coffre d'argent, en train de trier et de compter des pièces de monnaie.
L'avarice peut même être représentée en personnage d'apparence plutô!
distinguée, de belle prestance et bien habillée, mais un sac d'argent lU1
pèse au cou, et tout proche un serpent-dragon se tient à l'affût, ou c'est
un diable grotesque juste derrière elle. Sur un bas-relief sculpté d'unè
Monnaie, commerce et population 565
église proche de Parme, l'avarice nous est montrée subissant son châti-
ment : son cou ploie sous le fardeau d'un énorme sac d'argent, de
chaque épaule lui pend un autre sac. Un diable se tient debout à côté
d'elle et pinces en main lui arrache les dents sans ménagements. Au-dessus
d'elle, un autre diable pèse de tout son poids sur un coffre d'argent qu'elle
porte sur le dos.
Le thème de Lazare et de l'homme riche est étroitement relié à celui
de l'avarice (Luc 16, 19- 31). Lazare, un mendiant, se tenait à la porte
de la maison d'un homme riche, espérant en vain les miettes qui auraient
pu tomber de la. table somptueusement dressée à l'intérieur. Seuls les
chiens du riche lui montraient de la compassion et léchaient les plaies
de son corps malade. Il mourut, et son âme fut emportée au del vers le
sein d'Abraham; mais lorsque le riche vint à mourir, son âme alla
affronter les tourments éternels de l'enfer. Les attributs iconographiques
de l'homme riche sont semblables à ceux de l'avarice: à sa mort en effet,
nous voyons sous son lit ses sacs d'argent et autour de ceux-ci se lovent
de gros serpents visqueux. De plus, l'âme du riche est enfournée dans
une gueule béante -l'enfer -, par un diable qui s'aide joyeusement
de sa fourche. On trouve et l'histoire de Lazare et la personnification de
l'avarice sur le côté gauche du porche, à l'église abbatiale de Moissac.
Un des attributs au moins de l'avarice a été transféré aux représen-
tations du suicide de Judas (Mat. 2.7, 5). Judas est pendu, un sac d'argent
au cou: ainsi sur le tympan de Sainte-Foy de Conques.
On trouve parfois le thème des trois tentations (fondé sur 1 Jean z,
1 5-16) à la place de celui des Sept Péchés capitaux. Ce thème est moins
bien connu; mais une étude de la façon dont il définit et relie entre eux
vices et vertus corrobore ce que nous avons vu dans l'examen du thème
plus familier des Sept Péchés. Les trois Tentations, convoitise de la
chair, convoitise des yeux et confiance orgueilleuse dans les biens
terrestres, correspondent aux trois tentations d'Adam dans le Jardin
d'Eden et de Jésus dans le désert. On les trouve, au cours des siècles,
assimilées à diverses combinaisons de vices; et celles-ci, par-delà leur
diversité, témoignent dans l'ensemble d'une tendance à conférer une
importance croissante à l'avarice : pour le début du Moyen Age, la
triade comprenait - en ordre croissant d'importance - , la gourmandise,
l'avarice, puis la vanité, c'est-à-dire respectivement le laxisme dans les
désirs de la chair, la. curiosité qui vise des objets extérieurs à l'individu
lui-même, et l'affirmation consciente et arrogante du soi face à autrui.
Chaque élément de la triade des vertus monastiques (chasteté, pauvreté,
obéissance) avait pour fonction spécifique de contrer son vis-à-vis
parmi ces trois tentations. Or dans la longue durée, on observe des
variations considérables dans l'identification, la définition et le rang de
chacune des tentations; un problème majeur était de placer dans ce
schéma les richesses et les honneurs. Mais dans les réflexions lucides
566 Bible et nouveaux problèmes Je chrétienté
du poète Langland (son Piers Plowman date du dernier tiers du xrve siècle),
la vieille triade réapparait dans l'ordre suivant: la gourmandise, l'orgueil
et l'avarice.
La pauvreté religieuse, sous différents aspects, servait de contrepoids
tout d'abord à l'orgueil, puis à l'avarice. Dans les premiers siècles du
Moyen Age, il n'y avait guère qu'un seul modèle de vie religieuse,
celui des moines. Du VIe au XIIe siècle, les moines se disent pauvres, et
se font parfois appeler les « pauvres du Christ». Cet idéal sera légèrement
infléchi à plusieurs reprises, mais ne sera pas attaqué avant le xre siècle,
où certains ermites, puis des chanoines, enfin de nouveaux ordres
monastiques, critiqueront les anciens ordres : ils dénoncent alors la
présence apparente d'une contradiction flagrante, entre cette prétention
des moines à la pauvreté et la richesse incroyable de certaines commu-
nautés monastiques parmi les plus prospères.
La manière dont cette contradiction, apparente ou réelle, était résolue
en dit long. Les moines prétendaient être pauvres « en esprit » (Mat. ~, 5),
et les commentaires des Pères sur ce mot disaient sans ambiguïté que
le pauvre« en esprit» était l'humble. Au Jour du Jugement, ce qui
déterminerait la pauvreté devait être un état d'esprit, et non pas un
inventaire des biens possédés en ce monde. Et la principale vertu monas-
tique, selon les écrits spirituels des moines du VIe au XIIe siècle, de saint
Benoit à saint Bernard, était l'humilité; et cette vertu était garantie par
l'obéissance, c'est-à-dire la soumission totale du moine à la volonté de
son abbé.
Avant le xre siècle, la notion même de« pauvreté» possède un sens
très différent de l'acception moderne : elle signifie principalement que
le pauvre est dépourvu de puissance. Bien sûr, la puissance et la richesse
étaient liées l'une à l'autre, comme elles le sont toujours; ce n'est ici
qu'une question d'accent à mettre sur l'une ou sur l'autre. Cependant,
les listes des divers groupes de « pauvres » dans la société carolingienne
comprennent certains détenteurs de vastes richesses; ce que tous ces
gens ont en commun, c'est qu'ils manquent de moyens adéquats pour
se défendre. Remarquons inversement que la classe dominante dans la
société féodale doit son nom à l'instrument et symbole principal de sa
puissance, le cheval (ainsi, chevalier, caballero, etc.). Les moines venaient
presque exclusivement de cette même classe puissante, qui contrôlait
la terre et vivait à cheval. Ce qui leur permettait de se dire « pauvres »
lorsqu'ils entraient au monastère, c'était l'abandon de leurs chevaux
et de leurs armes, c'est-à-dire de leur puissance.
De plus, être religieux, c'était surtout glorifier Dieu : ceci, dans une
société fondée sur l'échange des dons, signifiait qu'il n'y avait rien de
trop précieux qui ne puisse être offert à un sanctuaire religieux. Le
temple de Salomon, avec la prodigieuse quantité de richesses qui lui
avaient été offertes (1 Chro. 2.9, 1-1o), étaitinvoqué comme modèle vétéro-
Monnaie, commerce et population 567
qu'il ne peut y avoir qu'une règle, et que le Fils de Dieu a dit : 'Sans
moi, vous ne pouvez rien faire' Qean 15, 5). »Mais l'Evangile s'adressant
à tous, quiconque s'y conformait était donc un religieux, quelle que soit
sa condition de vie. Une conséquence logique de ce réveil évangélique
fut de faire disparaître les distinctions qui séparaient la vie religieuse de
la laïcité, et peut-être aussi de rendre superflues non seulement les règles
religieuses, mais la vie religieuse elle-même.
L'impact des Evangiles sur la vie des gens en Europe occidentale fut
plus fort dans le siècle et demi allant de II75 à 132.5 qu'à tout autre
moment avant la réforme.
Il suffit de citer quelques-uns parmi les cas les plus spectaculaires qui
illustrent ce sujet. Valdès, ce riche marchand de tissus et banquier de
Lyon, se convertit à la vie religieuse dans les années 1170. Emu par
l'histoire d'un ménestrel qui contait comment on gagne la perfection
chrétienne par le renoncement aux richesses et la mendicité, Valdès
consulta un maître en théologie pour trouver la voie la plus sûre menant
au salut. Celui-ci répondit en citant Mat. 19, 2.1 :«Si tu veux être parfait,
va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres. » Valdès engagea des
clercs pour traduire les Evangiles pour lui, et après avoir pris les dispo-
sitions pour sa famille, démantela son empire financier. D attira rapide-
ment à lui des disciples, et le groupe ainsi formé fut décrit par un contem-
porain en ces termes :«Ils n'ont pas d'habitation fixe; ils voyagent deux
à deux, pieds nus (Luc 10, 1 -4), habillés de drap de laine, ne possédant
rien et ayant tout en commun (Actes 4, 32.). »
Il est frappant de mettre l'histoire de Valdès en parallèle avec l'expé-
rience, une génération plus tard, de saint François d'Assise. Au cours
de sa conversion progressive, entre 12.05 et 12.09, François fut profon-
dément impressionné par Mat. 19, 2.1 - ce même passage qui avait
tant influencé Valdès -, et aussi par Mat. 16, 2.4 (cf. Luc 9, 2.3), « Si
quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même ». Il corrige
sa propre vie sur un modèle biblique, et forme ensuite son groupe de
disciples selon ce modèle. Dans le récit que Thomas de Celano donne
de la conversion de François, nous voyons presque les mots de Luc 9
et 10 s'emparer de l'esprit de François, et y exploser :
Quand François entendit que les disciples du Christ ne devaient posséder
ni or ni argent, qu'ils ne devaient emporter sur la route ni bourse ni sac ni
pain ni serviteurs, qu'ils ne devaient avoir ni chaussures ni même de tunique
~e rechange, mais qu'ils devaient prêcher le Royaume de Dieu et la t;>énitence,
tl fut transporté de joie dans l'Esprit-Saint : « Voilà ce que je veux, s écria-t-il,
c'est ce que je cherche, ce que du fond de mon cœur je brûle du désir
d'accomplir. »
Lorsqu'en 12.1o, le groupe compte douze personnes, ils s'en vont vers
Rome, et l'ordre des Frères mineurs connaît alors son réel début.
C'est avec la vie de François, communément considéré comme un
Monnaie, commerce et population 569
second Christ ou l'autre Christ ( Franciscus alter Christus) par ses contem-
porains, que l'imitation du modèle biblique et surtout évangélique,
atteint son apogée. Comme Etienne de Muret, il ne voulait réellement
pour son groupe aucune autre règle que l'Evangile. Se trouvant à
Greccio (au nord de Rome, près de Rieti) avec des amis pour la Noël 12.23,
il reconstitue avec eux la scène de la naissance de Jésus à Bethléem.
L'été suivant, alors qu'il était en extase mystique sur l'Alverne (dans les
montagnes en dessus d'Arezzo), François reçut les cinq plaies de la
crucifixion sur son propre corps. Peu avant sa mort en 122.6, il dicta à
ses frères un testament où il leur rappelait que depuis le début ses
compagnons et lui-même avaient essayé de vivre selon le saint Evangile.
Pendant tout le siècle qui suivit la mort de François, ses disciples
furent divisés entre ceux qui désiraient perpétuer et imiter l'image du
pauvre, figure du Christ, et ceux qui au contraire préféraient établir
pour l'ordre une organisation stable, au fond assez traditionnelle, avec
toutes sortes de propriétés, de couvents, d'églises, etc. Le débat entre
ces deux factions se trouva essentiellement axé sur l'interprétation à
donner du mode de vie de Jésus et des apôtres. En particulier, avaient-ils
eu des biens et de l'argent? C'est principalement Bonaventure qui
établit que Jésus et les apôtres n'auraient rien possédé. Cet argument
reposait sur plusieurs textes déjà cités, et sur quelques autres comme le
Psaume 40 (39), 18 : « Moi je suis pauvre et humilié», qu'on disait se
rapporter au Messie, et d'autres qui laisseraient entendre que Jésus
n'avait eu aucune possession ni aucun lieu de résidence qui soit vraiment
sien (Mat. 8, 2.0; 17, 2.7; 2.6, 17-19; Luc 19, 5; Jean 14, 30). Mais ce
raisonnement fut officiellement rejeté, sous des prétextes plus juridiques
que théologiques, et fut même déclaré hérétique par le pape Jean XXII
en 1 32.3.
LE COMMERCE
On trouve ce texte très fréquemment cité au xie siècle dans les attaques
de portée générale contre les marchands. A la fin du xne siècle, on le
voit sculpté dans la pierre, avec une force poignante, sur la façade de
Saint-Gilles du Gard. Jésus, solide et musclé, lève la main droite d'un
geste menaçant, et de la main gauche repousse quatre changeurs étonnés,
qui plient l'échine et battent en retraite, en s'agrippant à leurs sacs,
comme autant de personnifications de l'avarice.
Ce passage de Matthieu fut incorporé dans les commentaires sur le
Décret de Gratien, dans les années u8o. En fait, il se trouvait dans un
texte anonyme du ve ou du vre siècle, qui ayant réapparu dans les
années uSo, fut faussement attribué à saint Jean Chrysostome. L'auteur
brode sur le passage de Ma~eu, pour avancer qu'aucun chrétien ne
peut être marchand, et qu'aucun marchand ne peut plaire à Dieu, que
la tromperie est un caractère intrinsèque du commerce; et bien que les
artisans aient droit à une plus-value pour le travail ajouté au matériel
qu'ils achètent et vendent ensuite, les marchands, eux, sont ceu:x qui
vendent sans les améliorer les biens qu'ils ont achetés, et ce sont ces
marchands que Jésus a chassés du Temple.
Le commentaire de saint Augustin sur le Psaume 71 (7o) est aussi
utilisé dans les discussions juridiques des années nSo, mais d'une façon
qui affaiblit la force de son argument en faveur du commerce. Cependant,
au milieu du xme siècle, Alexandre de Halès, qui avec d'autres grands
érudits des ordres mendiants avait entrepris de modeler une éthique
chrétienne du commerce, redonne toute leur force aux arguments de
saint Augustin. Alexandre, franciscain, et Thomas d'Aquin, dominicain,
confrontent tous deux les arguments du Pseudo-Chrysostome à ceux
de saint Augustin, et résolvent totalement le débat en faveur du dernier.
Avant Alexandre et Thomas, l'usure n'était qu'une des nombreuses
opérations effectuées par les marchands. lis gardaient en effet de l'argent
pour des gens, ils le prêtaient à d'autres, l'investissaient dans des entre-
prises commerciales, et le convertissaient en diverses monnaies auprès
de marchands étrangers. L'histoire de la conversion de Valdès fut peut-
être dramatisée par le fait qu'on y insistait lourdement sur les profits
qu'il avait réalisés comme usurier, mais il n'y a aucune raison de penser
qu'il ne pratiquait pas à la fois le commerce des draps et l'usure. La
profession de banquier n'acquit son indépendance qu'au XIIIe siècle,
en même temps qu'apparaissaient les sociétés commerciales.
572 Bible et nouveaux problèmes Je chrétienté
Le prêt à intérêt pour le profit, c'est-à-dire l'usure, était très mal vu;
et puisque cette pratique ne prit son indépendance vis-à-vis du commerce
qu'au xme siècle, toutes les activités commerciales étaient souillées du
même opprobre. Le plus gros de cette mauvaise réputation venait de
passages de l'Ancien Testament (Ex. 22, 2~; Lév. 25, 35-38; Deut. 23,
19-2I), qui précisent tous que les juifs ne sont pas autorisés à prêter à
d'autres juifs de l'argent pour réaliser des profits. Ezéchiel 18, 8 classe
le prêt à intérêt parmi les crimes les plus graves, avec l'idolâtrie et le vol.
D'autres passages se réfèrent à l'immoralité du prêt contre intérêt :
« Seigneur, qui sera reçu dans ta tente ? Qui demeurera sur ta montagne
sainte ? », demande le Psalmiste; et parmi ces élus on trouve : « Celui
qui n'a pas prêté son argent à intérêt» (Ps. I~ (I4), I, 5).
Saint Jérôme considère que l'interdit imposé aux juifs s'applique à
tout le monde, du fait que la religion des Hébreux s'est accomplie dans
la religion chrétienne, universelle. Ambroise, qui essaie aussi de donner
un sens au rôle qu'avaient eu les juifs dans la préparation au dévelop-
pement du christianisme, fait observer que les juifs prêtaient parfois à
intérêt à un juif par l'intermédiaire d'un non-juif. La doctrine dite
«Exception d'Ambroise» déclare que les chrétiens ne sont pas autorisés à se
prêter entre eux de l'argent à intérêt, sauf par l'entremise d'un non-chrétien.
Saint Augustin expose qu'il est plus cruel de tuer les pauvres par
l'usure que de blesser les riches par le vol. Cependant, l'Eglise des Pères
n'avançait que prudemment. Les Conciles des Ive et ve siècles n'inter-
disent l'usure qu'aux clercs. Puis en 789, Charlemagne étendit cette
interdiction à tous les chrétiens, laies et clercs. Le décret est réitéré aux
Conciles de Paris (829), de Meaux (845) et de Pavie (85o). Bien qu'on
accordât peu d'attention à cette question au xe siècle, les condamnations
se multiplient à nouveau au xie siècle, et sont répétées plus tard aux
Conciles de Latran.
La prolifération des usuriers à partir du XIe siècle inquiétait fort les
moralistes, comme on peut s'en douter. Les Pères du me Concile de
Latran ( II79) font remarquer que l'usure fleurit presque partout, comme
s'il s'agissait d'une entreprise licite.« Pierre est parti en voyage», écrivait
Jean de Salisbury au sujet de la papauté, « en laissant sa maison aux
bailleurs d'argent }), Le pape Urbain rn (I185-II87), intègre dans
l'arsenal de ce débat le rôle clé de l'intention, lorsqu'il cite - sans doute
pour la première fois dans ce contexte - cette parole du Christ que
rapporte l'évangile de Luc:« Prêtez sans rien espérer en retour» (Luc 6,
35). La seule intention pouvait ainsi constituer l'usure; cette opinion
sera soutenue par maints auteurs durant les trois siècles suivants, qui
citeront sans cesse cette injonction évangélique et l'utilisation qu'en
avait faite le pape. Guillaume d'Auxerre (I 18o-1248), théologien influent
à Paris, initie un courant de réflexion sur l'usure dans le cadre du droit
naturel. Un peu plus tard, Albert le Grand (t u8o) introduit Aristote,
Monnaie, commerce et population n;
LA POPULATION
CoNCLUSION
Lester K. LITI'LE.
Traduit de l'anglais
par Bruno Lobrichon et Philippe Buc.
Une fois qu'ils étaient allongés sur le sol, leur chef s'écriait :
Maintenant tendez vos mains vers le ciel
pour que Dieu éloigne de nous cette épidémie mortelle.
Tendez vos bras vers le ciel
pour que Dieu ait pitié de nous.
Cas limite, certes, que celui de ces confréries dont l'objectif essen-
tiel était une unique représentation annuelle. Mais qui illustre bien
5• ]. CHIPPOLEAU (~05].
6. Pour la bibliographie, voir les no• zo6-zii.
3
Les communautés
hérétiques
(1150-1500)
siècle et demi, entre 115 o et 1300; et ils ont sans aucun doute puisé le
plus gros de leur inspiration dans une métaphysique étrangère à la
Bible. Certes, les apologistes cathares ont pu trouver dans la Bible des
arguments qui appuyaient certains principes de leur foi : « Cherchez,
et vous trouverez. » Et ces arguments ont été bien étudiés récemment
par Christine Thouzellier1• Mais, tout bien considéré, l'interprétation
littérale de la Bible ne semble pas avoir été pour les Cathares le « com-
mencement » et la « fin >> aussi fondamentalement que pour les groupes
évangéliques et eschatologiques, qui étaient les plus répandus et qui
ont survécu le plus longtemps. Quant à l'hérésie mystique, qui, comme
on pense communément, aurait été représentée au Moyen Age par les
« Frères et Sœurs du Ubre-Esprit », il faut bien dire que pour la plu-
part, ceux-ci n'étaient nullement hérétiques; c'étaient plutôt des mys-
tiques ou des béguines qui déclaraient être soumis à la foi et à l'Eglise.
Assurément, à la fin du Moyen Age, quelques mystiques du « Libre-
Esprit » sont effectivement tombés dans l'erreur, mais si nous n'en
parlons pas ici, c'est que ce fut le fait d'un nombre très limité d'indi-
vidus, et que notre but présent n'est pas d'examiner la foi de quelques
excentriques isolés.
Commençons donc avec les principales hérésies évangéliques,
Vaudois, Lollards et Hussites; et puisque le mot « évangélique » dénote
un engagement sans bornes à la lettre des Evangiles, l'Alpha, ou point
de départ du Nouveau Testament, est évident. L'histoire du fondateur
du mouvement vaudois, Valdès de Lyon, est assez bien connue pour
que nous nous limitions ici à un bref rappel. Vers II73, ce marchand
prospère commence à se préoccuper du sort de son âme après avoir
entendu le récit de Matthieu sur la réponse du Christ au jeune homme
riche : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le
aux pauvres, et... suis-moi » (Mat. 19, ZI ). Incapable de comprendre
par lui-même les Ecritures en latin, Valdès voulut en apprendre le
plus possible sur les enseignements du Christ. Il demanda à deux prêtres
de traduire et de copier pour lui certains livres de la Bible ainsi que des
extraits d'écrits théologiques des Pères de l'Eglise. Selon un récit
presque contemporain, après avoir étudié ces textes si intensément
qu'il en apprit plusieurs par cœur, Valdès « décida de se vouer à la
perfection évangélique, tout comme les apôtres l'avaient fait ». Concrè-
tement, il abandonna toute sa fortune aux pauvres et alla mendier et
prêcher l'Evangile à tous ceux qui voudraient bien l'écouter. Et de
fait, nombreux furent ceux qui l'écoutèrent : Valdès se fit rapidement
beaucoup d'adeptes, à Lyon et dans les environs.
Se donnant le nom tout simple de « Pauvres », les premiers Vaudois
étaient tous des laies, qui décidèrent sur la foi des Evangiles « de ne
1. THOUZELLIER, «L'Emploi de la Bible par les Cathares», dans Bible[~], pp. 141-1,6.
Les communautés hérétiques 599
mots du Christ sont vrais; si je n'en comprends pas certains, je les confie
à sa Grâce, en espérant pouvoir les comprendre après ma mort ». En
outre, Hus fait remonter son éveil spirituel à l'époque« où le Sdgneur
Dieu m'a fait connaitre les Ecritures ».
Du fait de leur engagement résolu à suivre à la lettre la « Loi du
Christ », Wyclif et Hus voulaient que les Evangiles et les autres textes
bibliques soient aussi largement que possible diffusés en langue vul-
gaire. Selon Wyclif, tous les élus doivent étudier par eux-mêmes la
Loi du Christ dans sa pureté la plus absolue, c'est-à-dire dans les Ecri-
tures, afin d'être sûrs de la respecter au pied de la lettre. li encouragea
donc un groupe de ses disciples lettrés à produire la première traduc-
tion complète de la Bible en anglais. A la différence des Français et
des Allemands, les Anglais jusqu'à Wyclif n'avaient pratiquement
aucune traduction de la Bible. La position de Hus est identique. Il
écrit en effet en 1411, dans une lettre adressée aux habitants de Pilsen :
«Beaucoup d'entre vous connaissent la vérité et ont appris que n'importe
qui peut prêcher, confesser, et, s'il le peut, lire la Loi de Dieu soit en
latin - langue dans laquelle saint Marc a composé son Evangile -,
ou en grec- où saint Jean a écrit le sien, ainsi que ses lettres canoniques
et ses Epîtres - , ou bien encore en hébreu, la langue de saint Matthieu...
Comment se fait-il donc que vous laissiez les prêtres interdire aux gens
de lire la Loi de Dieu en tchèque ou en allemand ? » En conséquence,
tout comme Wyclif avait fait exécuter une nouvelle Bible anglaise,
Hus fit exécuter une nouvelle Bible tchèque.
Nous n'avons pas ici à discuter en détail l'histoire du mouvement
hérétique des Lollards anglais inspiré par Wyclif, ni celui des Hussites
tchèques de Hus. Qu'il nous suffise de dire que le premier a subsisté
très longtemps, qu'il a même survécu avec ténacité jusqu'au xvre siècle,
et que le second a été assez puissant pour soulever tout le territoire
de la Bohême, et l'amener à résister avec succès au catholicisme dans
les années 142.0, avant de succomber à des dissensions internes (le
hussisme conservateur n'a en fait jamais disparu). Dans les deux cas,
l'interprétation rigoureusement littérale de la Bible, suivant la volonté
des deux fondateurs, avait été une source primordiale d'inspiration.
On peut citer à titre d'exemple l'histoire suivante : Hus raconte
dans un de ses sermons, vers 1413, qu'un brave cuisinier lollard avait
été appelé devant un évêque à expliquer pourquoi il avait enfreint
l'interdiction faite aux laies de lire la Bible anglaise de Wyclif. Tandis
que le cuisinier se défendait, l'évêque, indigné, lui rétorqua : « Sais-tu
à qui tu parles ? » Le cuisinier répondit qu'il parlait à un homme, à
un évêque. Furieux, l'évêque répliqua alors : « Comment oses-tu,
misérable laïc, me citer les Ecritures ? » A quoi répondit le cuisinier :
« Je sais que vous n'êtes pas plus grand que le Christ, et j'espère n'être
pas pire que le diable. Si le Christ plein de grâce a tranquillement écouté
6oS Bible et nouveaux problèmes de chrétienté
à annihiler leur secte dans le midi de la France vers 1330 environ. Tou-
tefois le millénarisme apocalyptique d'Olivi qu'ils avaient épousé ne
fut certes pas sans descendance. Dans le sud de la France, un héritier
des Béguins a certainement été mis au fait de leurs doctrines pendant
sa jeunesse : il s'agit du prophète franciscain Jean de Rupescissa, qui
s'est rendu célèbre par son emprisonnement dans un cachot du pape
en Avignon, vers le milieu du xrve siècle, pour avoir répandu une inter-
prétation de l'Apocalypse ressemblant à celle de Pierre Olivi. Les
écrits prophétiques de Jean de Rupesdssa eurent à leur tour une
telle diffusion qu'ils influencèrent des hérétiques italiens, connus sous
le nom de Fraticelles (nous en parlerons plus loin), et inspirèrent dans
le nord de l'Allemagne une hérésie menée dans les années 1390 par
Frédéric de Brunswick, un franciscain. Ce dernier prétendait être le
« Jean-Baptiste » d'un nouveau dessein divin qui résisterait au règne
imminent de l'Antéchrist et à ses persécutions. Pour s'y préparer,
Frédéric ordonna à ses disciples, clercs et laïcs, de modifier le texte
de leur Bible comme il l'entendait, ou de copier en marge les interpré-
tations correctes.
L'influence de Pierre Olivi se fit également sentir au sud des
Pyrénées dans les milieux catalans. Les communautés béguines des
deux premières décennies du xrve siècle, à Barcelone, Valence et
dans leurs environs, eurent sans aucun doute des liens avec leurs com-
munautés sœurs du Languedoc. Le principal agent de liaison en fut
un docteur catalan, le théologien laïque Arnaud de Villeneuve (vers 12 38-
1 31 1 ), dont la carrière fort chargée eut pour théâtre les deux versants
des Pyrénées. Les Béguins catalans résistèrent donc à Jean XXII
après 1317, pour des motifs idéologiques similaires à ceux de leurs
frères occitans. C'est ce que démontre clairement un traité en langue
catalane, écrit vers 13 18, ~ur les Etats de l'Eglise selon l'Apocalypse :
il s'agit pratiquement d'un abrégé du Commentaire de l' Apoca!Jpse d'Olivi,
appliqué aux événements contemporains. n est difficile de savoir com-
ment les Béguins catalans ont survécu aux persécutions qui s'ensui-
virent, mais il est clair qu'au moins jusque dans les années 1330, les
territoires de langue catalane furent des centres de diffusion de l'hérésie
millénariste. C'est ainsi qu'en 1 33 3, un chevalier du Roussillon, conseiller
du roi Philippe de Majorque, se vit accuser au cours de son procès de sou-
tenir les thèses de Joachim et d'Olivi; et à cette époque, Majorque était
une plaque tournante pour la propagation d'idées de ce genre vers
l'Italie.
Cette mention de l'Italie nous amène à étudier la dernière des hérésies
millénaristes de la fin du Moyen Age, la plus tenace aussi, celle des
Fraticelles. Descendants italiens des Franciscains spirituels, ils avaic:n!
été à l'instar des Béguins du Languedoc influencés par les thèses d'Oli~
sur la pauvreté et sur la fin des temps. Comme les Béguins, les Fra.tt-,(
Les communautés hérétiques 61 3
celles ont sombré dans l'hérésie sous le pontificat de Jean XXII; mais
contrairement aux Béguins, ils ont survécu pendant des générations,
et même dans certaines régions durant un siècle et demi après l'anéan-
tissement des Béguins.
souvent citées. Le clergé forme une sorte de caste bien séparée du reste
de la population avec son costume, innovation carolingienne, ses pri-
vilèges juridiques, sa culture savante, son genre de vie particulier.
Le roi confie aux clercs des charges administratives et des missions
politiques. Au rxe siècle, nous l'avons vu, les évêques prétendent contrôler
la monarchie et jouer le rôle que les Prophètes avaient auprès des rois
'uif:
J k.ois et prêtres luttent contre l'idolâtrie et les superstitions, font
respecter le Jour du Seigneur, exigent des pratiques bien définies. La
liturgie carolingienne obéit à un rituel précis. Tout doit être mis en
en œuvre pour l'adoration de Dieu, ce Dieu dont on ne saurait parler
qu'avec crainte et tremblement. Dieu est partout, dirige tout, possède
tout. Comme pour mieux mettre en évidence sa transcendance on insiste
moins sur la nature humaine du Christ que sur sa nature divine. En
luttant contre l'hérésie des Adoptianistes qui voyaient dans le Christ
le fils « adoptif » de Dieu, les théologiens carolingiens affi.nnent hau-
tement la place du Christ dans la Trinité. Le Christ est le Sauveur mais
aussi le Juge que l'on représente comme le roi de la Jérusalem céleste
dans les miniatures et fresques de l'Apocalypse.
L'adoration de Dieu doit se faire directement par la prière et non
pas par l'intermédiaire des images. On peut expliquer en partie l'atti-
tude des Carolingiens face à Byzance par une influence de l'Ancien
Testament. De même que les juifs refusent toute représentation de la
Divinité, les Carolingiens réagissent contre ce qui leur paraît une forme
d'idolâtrie. L'image peut jouer un rôle dans la pastorale et dans l'ins-
truction religieuse, elle n'a pas sa place dans le culte.
L'organisation du sacrifice de la messe est rapprochée par certains
clercs, tel Amalaire, des sacrifices du Temple, dont elle est l'aboutis-
sement. L'autel est la table des holocaustes, l'habit de l'évêque rappelle
celui d'Aaron, les diacres sont les successeurs des lévites, dont ils
prennent d'ailleurs ce nom aux temps carolingiens, le pain eucharistique
est le pain azyme, autre innovation carolingienne, mal vue des Byzantins,
l'encensement et les prières sur les offrandes se réfèrent à l'Exode
et au Lévitique, etc. Pour la consécration des églises les Sacramentaires
empruntent leur rituel à Exode z9, 1z-18 et Lévitique 8, II. Co~e
l'écrit J. Jungmann « le plaisir qu'on prenait de plus en plus deputs
l'époque carolingienne à découvrir et à mettre en valeur des parillé-
lismes avec l'Ancien Testament trouvait ici à s'exercer »1 •
Le peuple, séparé des officiants par une langue qu'il ne compren~
pas et par la barrière qui coupe en deux l'Eglise, assiste assez pasSl~
vement aux mystères de l'autel même si quelques clercs lui ont demandé
une plus grande participation. La messe est moins l'action de grâces
des fidèles que la descente mystérieuse de Dieu sur l'autel, la colDlilUr
nion reçue dans la bouche pour éviter tout sacrilège n'ayant lieu qu'à
Noël, Pâques et Pentecôte après une préparation pénitentielle.
1. J. JuNGMANN, Missarum So/emnia, Il, p. 72.- Notons que Yves de Chartres reprend ki
parallèles entre l'ancien sacrifice et la messe; cf. CHYDENIUS (125], pp. 84 et s.
Conclusion 617
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HuGuES le Chartreux, 5.2.. LanlboiiJ, 50·
HuGUES de Croydon, 1 I9. Laon, 4h 47, 61, Io4-to7, 175-177. 188-199·
HuGUES de Lincoln, 71. Latran III, 572, 599·
HuGUES de Saint-Amand, 49· Latran IV, 89, 112., I93. 519, 572, sS6.
HuGUES de Saint-Cher, 19, 20, u6~ 2.02-203, 22.5, 377, Laudesi (Mouvement des-), 591.
52%. LÉGER. d'Autun, 451, 458, 461, 493·
HuGuES de Saint-Victor, 14-20, 34, 42, 96, IJ8-t87, 192, UoN le Grand, ;54, no.
I94. zo2, uo, H9. 355. s6,. LéoPOLD rn d'Autriche, so.
HUMBERT de Romans, 39. sos, S3S, n6. Libre-Esprit, 593, 598.
Humiliés, 584, 59'· Limoges, 48, 492.
Hus, Hussites, 228, 379, 6o6-6o8. Lobbes, 45·
Lollards, IJ7·IJ8, 140, 6o6-6o8.
IBN EzRA, 237-239· 242·243· LoRENZO V ALLA, 229.
IBN SARUQ, 249. 250. LoUIS le Pieux, llo 339, ~89, ~93-396.
INNOCENT Jer, 354· Louis IX, llo 83, 88, 89, 455·
INNOCENT lli, 28, 377-379, 4)4, 564. 583, 586, 591, 592, LouP de Ferrières, t6, 390.
604. LoiiiJain, ;8.
INNoCENT IV, 573· Lucrus ill, 59cr6oo·
Itmo, u;. LM&qtUI, 34. 2.45. 2S1. zs6.
ISAAC l'Aveugle, 260. LUTHER, 51, tq, 379·
IsiDORE de Séville, 1;, 20, 53 1 64, 68, 96, lJZ-118, t8o, Lyon, 441, 519, 598.
;o6, 344. l59o 374, 375, ;86, 452, 46o, 562.
ISIDORE MERCATOR, 342, 366. MAiEuL de Cluny, 14, so, ~21.
Iuenhtim, 191. MAhlONIDE, Z42·241·
MajortpU, 6n.
]ACQua de LA MARCHE, 12o, 531-534· Marchiennes, 319.
jACQUES de Lausanne, 2ZJ. MARSILE de Padoue, 380.
}AcQUa de Vitry, 472, soz, 120, 523, s6;. MARTIN de Tours, 32.3, 452., 470, 471.
jACQtJ:ES de Voragine, 432, 435, 472, 520. MARTIN SCOT1 149·
]F.AN xxn, 379-;8>, 569, 6n, 6t;. MAUllDR.Al4NR de Corbie, 59, 151.
}BAN d'Abbeville, 202. MAURICE de Sully, 496. 498. SOI, 5041 50J, so8-so9. ,II,
}BAN BELBTH, tj. 119, J29~s;o, B3•
jEAN CALDERINI, 378. MaJentt, 247, 248, 492.
}BAN CAssiEN, 316, s61. Mtaux, 295, 572.
jEAN de Cirey, ll· Mit.ITON (Pseudo-), Ij2, 422.
jEAN de Darlington, n9. MENAHEM' BBN HEL:BO, 24-8-249. 2 J 3.
jEAN de Fécamp, 262. MBNAHEM BBN SARUQ, 2;6.
]BAN de Ford, szt. MeJt, z8, 6o, 403, 584. 591, 6o4.
jEAN de Fribourg, 383. MICHEL de CisÈNE, 38o.
6 38 Le Moyen Age et la Bible