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Les Phobies by Paul Denis (Denis, Paul)

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Vaincre ses phobies

Dr Yves Lamontagne

Dr André Gamache
INTRODUCTION
La peur est un phénomène qui fait partie intégrante de notre vie; chacun de
nous l'a ressentie au moins quelques fois dans sa vie. Admettre son
existence peut par contre nous sembler parfois difficile. Par exemple, nous
avons tous différentes superstitions: voir un chat noir porte malheur, ne rien
entreprendre de nouveau un vendredi 13, ne pas passer sous une échelle, et
ainsi de suite. Nous y voyons là des petites peurs irrationnelles de la vie
quotidienne; à la limite, ce sont des peurs anodines. A l'autre extrême,
certaines personnes ont une frousse terrible des endroits publics, comme
aller au supermarché, au centre commercial, voir un spectacle, utiliser les
transports en commun, voyager en avion, manger en public de peur de
vomir et des peurs aussi rares que toucher à du caoutchouc. A cause de leur
phobie, elles mènent une vie teintée d'angoisse et de peur constante qui les
empêche de fonctionner adéquatement. Leur qualité de vie se trouve
perdue.

On ignore combien il existe de gens qui souffrent de phobies mais, dans une
récente enquête aux …tats-Unis,

la phobie était le problème psychologique le plus courant. En avril 1984, le


magazine Newsweek que: "Ce que la schizophrénie était dans les années
1960, ce que la dépression et le "burnout" étaient dans les années 1970, les
phobies sont dans les années 1980 non seulement un diagnostic
psychiatrique mais un survol de la condition humaine, une vision du
comportement et des émotions de l'espèce humaine qui s'intègrent sans
cesse dans notre façon de vivre. Tout semble nous indiquer que les phobies
sont un problème sérieux et fréquent dans les années 1980."

Devant ces faits, nous avons donc tout intérêt à reconnaître les phobies et à
savoir comment les traiter et les maîtriser. Sans cela, elles contrôlent
souvent la vie d'une personne et provoquent à la longue des résultats
désastreux accompagnés d'angoisse, d'échec et de désespoir. A ce propos,
dans la littérature, on cite fréquemment le cas de Marjorie Goff, une femme
atteinte d'agoraphobie, qui ne serait sortie de chez elle que trois fois pendant
une période de 30 ans: une fois pour rendre visite à sa famille, une autre
fois parce qu'elle a d˚ subir une opération et une dernière fois pour
rencontrer un ami. Vous pensez que c'est un cas exceptionnel!
Malheureusement, beaucoup de thérapeutes ont eu à traiter des cas aussi
graves et désespérés.

A vrai dire, il y a beaucoup plus de phobiques qu'on ne le croit en réalité.


Plusieurs personnes ne parlent pas de leur problème et en souffrent
secrètement depuis des mois et même des années. Elles en ont honte.
Comment peut-on les bl‚mer? quand elles ont commencé à en parler ou à
vouloir de l'aide, elles ont trop souvent reçu peu de sympathie de leur
entourage.

Les malades phobiques peuvent même passer facilement pour des


manipulateurs, des malades imaginaires ou des gens qui s'écoutent trop.

Pour leur venir en aide, on leur donne des conseils de toutes sortes, croyant
du même coup que les phobies sont sous le seul contrôle de la volonté. Tout
semble en effet trop simple pour les gens qui ne souffrent pas d'une phobie
débilitante. Le phobique doit donc faire face à deux sortes de détresse: sa
peur elle-même et la crainte de savoir que les autres ne partagent pas les
mêmes peurs. Plusieurs patients se croient faibles, stupides ou en train de
sombrer dans la folie. Leur vie devient de plus en plus restreinte; ils évitent
toute situation angoissante et certains n'osent même plus sortir de leur
maison.

Notre expérience clinique nous porte à croire que le grand public, et aussi
plusieurs professionnels de la santé, manquent d'informations pertinentes
sur la nature et le traitement des phobies. Ce volume veut combler cette
lacune. La lecture de ce livre vous permettra, nous l'espérons, d'avoir une
idée claire sur les phobies, leurs traitements et leur prévention.

chapitre 1

Définition et classification des phobies La phobie est un désordre étrange et


énigmatique qui oblige l'être humain à faire face à des émotions comme
l'anxiété, la peur et même la panique. Pour certaines personnes, elle
n'affecte qu'une partie de leur vie; pour d'autres, elle s'infiltre et se
dissémine lentement dans leur comportement et modifie plusieurs aspects
de leur existence. Elle amène alors une réorganisation complète de leur vie.

Dans ce chapitre, définissons d'abord les émotions reliées aux phobies afin
de mieux guider le lecteur. Ces définitions sont importantes puisque nous
nous y référerons constamment et bien que de nombreux termes soient
utilisés couramment par la plupart d'entre nous, ils peuvent être une source
de confusion. Par la suite, nous décrirons la plus récente classification des
phobies.

L'ANXI…T…

"Il est anxieux ... ", "Ne sois pas si anxieux ... ", "Il fait de l'anxiété ... " sont
des expressions qu'on entend fréquemment. Selon certains philosophes,
l'anxiété fait partie intégrante de la condition humaine. Sans une certaine
anxiété, l'homme ne serait peut-être pas ce qu'il est et il ne chercherait peut-
être pas à découvrir le monde qui l'entoure.

Mais qu'est-ce exactement que l'anxiété? L'anxiété se définit comme une


émotion déplaisante associée à un danger imminent que ressent une
personne mais que l'entourage ne peut déceler. Elle possède deux
composantes: une composante psychologique qui se manifeste par un état
de tension, d'irritabilité et d'appréhension et une composante physiologique
qui comprend certains symptômes physiques comme une augmentation du
rythme cardiaque, la sudation, la p‚leur du visage, la tension musculaire et
des serrements au niveau de l'estomac. Il s'agit donc d'une expérience
déplaisante que nous essayons d'éviter le plus possible. Elle varie toutefois
en intensité d'un individu à l'autre, mais aussi d'une situation à l'autre.
Mentionnons également que l'anxiété est loin d'être toujours le signe d'un
problème psychologique comme la définition ci-dessous peut le laisser
croire.

Nous avons tous connu et expérimenté à un moment ou l'autre de notre vie


une situation o˘ nous étions anxieux. C'est le cas, par exemple, d'un jeune
homme qui fait connaissance avec une jeune fille pour la première fois; ou
encore, celui d'un étudiant qui doit passer un examen important.
Pour cet étudiant, un certain seuil d'anxiété demeure nécessaire pour une
meilleure performance. Il est possible que l'étudiant devienne nonchalant et
rate son examen s'il ne ressent pas assez d'anxiété pour affronter cette
situation; par contre, s'il en ressent trop, il risque de devenir inefficace et
complètement paralysé. Il sera trop anxieux de bien faire et il ratera aussi
son examen. Ainsi, une trop grande anxiété se manifestera par de

l'appréhension, un état de tension désagréable et une inefficacité pour agir


adéquatement face à la situation.

Une anxiété modérée nous aide donc à nous surpasser alors que son absence
ou sa présence exagérée nous nuit énormément.

Un de nos amis a échoué à son examen au Barreau à quatre reprises parce


qu'il voulait trop bien réussir. Il connaissait sa matière à fond, mais comme
il était trop anxieux, il ne se souvenait plus de rien lorsqu'il était devant sa
feuille d'examen. Nous lui avons défendu d'étudier pendant les deux

semaines avant la reprise et nous lui avons bien fait comprendre qu'il devait
se présenter à l'examen pour venir le couler une cinquième fois. Il fut le
premier à terminer sa rédaction et il obtint la deuxième meilleure note. De
cette façon, il avait réussi à vaincre son anxiété paralysante.

Il existe une multitude d'exemples qui démontrent que l'anxiété se manifeste


dans plusieurs situations de notre vie quotidienne. Encore une fois, elle n'est
pas le signe d'une maladie mais bien d'une adaptation face à différents stress
de la vie courante. Une visite chez le dentiste, une entrevue avec un nouvel
employeur, le début d'une vie de couple, les responsabilités envers un
nouvel enfant sont toutes des situations qui provoquent de l'anxiété.
Retenons donc qu'un certain niveau d'anxiété est utile pour affronter une
situation mais l'absence totale d'anxiété, tout comme son exagération, est
sans doute nuisible.

LA PEUR

La peur est une émotion similaire à l'anxiété sauf qu'elle se manifeste en


présence d'un danger réel que
perçoit un individu. Les symptômes physiques et psychologiques
ressemblent à ceux qu'on éprouve lors d'une crise d'anxiété. Autant chez
l'homme que chez l'animal, toute situation peut provoquer la peur à un
moment ou à un autre.

A ce propos, le célèbre psychiatre anglais Isaac Marks mentionne que

"comme les autres espèces, l'homme est programmé pour répondre à


certaines situations qui suscitent l'anxiété et la peur. La capacité de ressentir
ces émotions est constitutionnelle et vient probablement de l'instinct de
conservation".

Chez l'humain, la peur peut être initiée par un danger externe. Ainsi, il est
tout à fait justifié de ressentir la peur si nous nous retrouvons en pleine
brousse, face à face avec un lion, sans aucun moyen de défense. Il se
produira chez l'individu une réaction bien compréhensible de peur: son
coeur va s'accélérer et battre plus fort, il transpirera et il attaquera ou se
figera sur place. Par contre, il n'est pas toujours nécessaire d'être en
présence d'un danger externe pour qu'un individu manifeste une réaction de
peur. On peut très bien se remémorer une situation dangereuse et présenter à
nouveau les symptômes qu'on a ressentis quand on a eu peur.

Combien de fois entendons-nous dire: "J'ai eu assez peur que rien que d'y
penser, j'en tremble encore."

Comme on peut le constater, l'anxiété et la peur sont donc des émotions très
proches l'une de l'autre. Souvenons-nous que la peur sert de signal
avertisseur d'un danger réel. On la compare volontiers à un "détecteur de
fumée" placé dans nos maisons. La peur produit une réaction à l'intérieur de
l'individu qui le prépare au combat ou à la fuite.

LA PHOBIE

Phobie vient du mot grec phobos qui signifie peur ou terreur. En


psychiatrie, la phobie se définit comme une peur obsédante, angoissante et
irréaliste qui survient lors d'une situation particulière ou lorsque l'individu
est en contact avec un objet
précis. C'est donc une peur irrationnelle et sans fondement. Le phobique ne
se sent plus en contrôle de la situation présente et il a l'impression qu'il va
perdre la raison. La phobie est une peur irrationnelle et irraisonnée d'une
situation anodine ou d'un objet non dangereux, elle est hors du contrôle
volontaire de

l'individu et elle l'amène à fuir ou à éviter la situation ou l'objet aussitôt que


possible. Dans la phobie, le degré de crainte et d'anxiété

est hors de toute proportion. La phobie est donc une peur anormalement
intense de certains objets ou de certaines situations particulières qui,
normalement, ne provoquent pas cet effet chez la majorité des gens.

Nous savons tous que nous n'avons pas à avoir peur d'un petit chat qui vient
nous frôler. Pourtant, certaines personnes vont se mettre à

trembler, à pleurer ou à crier à la vue du chaton le plus gentil. Il s'agit alors


d'une phobie. L'objet est tout à

fait inoffensif, la peur est irrationnelle et irraisonnée, la personne est


incapable de se contrôler et elle veut se sauver à tout prix. Enfin, le degré
d'anxiété est tout à fait exagéré par rapport à l'objet en cause.

Nous retrouvons donc les quatre critères qui permettent de définir une
phobie.

Une infirmière avait décidé de consulter pour sa phobie des chats parce que,
lorsqu'elle voyait un chat dans la rue, elle laissait son bébé de quatre mois
dans

son landau et elle se sauvait chez elle en courant. Sa phobie datait depuis
plus de vingt ans et elle s'en accommodait tant bien que mal, jusqu'à la
naissance de son enfant. Alors, elle décida de se faire traiter de crainte qu'il
n'arrive un accident à son bébé.

Le malade phobique ressent donc une anxiété intense. Pour ne pas vivre
cette sensation désagréable, la personne peut fuir ou éviter la situation ou
l'objet de ses peurs. Depuis des années, l'infirmière en question évitait de
visiter des amis intimes qui possédaient un chat et s'informait de façon
subtile de la présence des chats lorsqu'elle était invitée par des étrangers.
quand la réponse était positive, elle se donnait une défaite pour refuser
l'invitation. La phobie est un problème réel qui empoisonne la vie de
milliers d'individus et qui leur rend la vie tout à fait impossible. Pour le
croire, il faut qu'un phobique vous raconte ses craintes et ses peurs, son
sentiment de désespoir, de même que les dommages que ce problème lui
cause dans la vie.

LES OBSESSIONS ET LES COMPULSIONS

Les obsessions sont des pensées indésirables, répétitives et insistantes qui


reviennent tant et plus dans la tête du sujet malgré une résistance active de
sa part. En d'autres mots, même si l'individu fait un effort pour les chasser,
ces pensées lui reviennent constamment en tête. Par exemple, un père est
tourmenté par l'idée de tuer son enfant à coups de couteau. Il a beau vouloir
se débarrasser de cette idée, la chasser de son esprit, cela lui est impossible.
Cette

idée lui revient sans cesse et toujours plus forte et insupportable.

quant à la compulsion, c'est un besoin incontrôlable, répétitif et involontaire


d'accomplir certains gestes. Dans le cas du père qui a peur de tuer son
enfant, il peut mettre sous clé tous les couteaux présents dans la maison et
ressentir une

telle anxiété lors des repas qu'il se sent obligé de manger seul et au moment
o˘ l'enfant dort.

Comme on peut le constater, les phobies se distinguent des idées obsessives


et des compulsions. Au sens strict du terme, dans la phobie, le danger est à
l'extérieur de l'individu alors que dans les obsessions et les compulsions, le
danger est à

l'intérieur de l'individu, au niveau de ses pensées. Il existe aussi une autre


différence. Dans la phobie, le sujet peut diminuer son anxiété en évitant la
situation ou l'objet, tan-dis que le patient ne peut échapper à
ses obsessions. Elles sont persistantes, intrusives et ne peuvent se déloger
de la conscience.

LA D…PRESSION

Beaucoup de personnes disent avoir fait une dépression mais il arrive que
ce soit tout autre chose qu'un état dépressif. C'est souvent un état de
tristesse suite à une perte financière, à un échec amoureux, au décès d'un
être cher. Ces états de tristesse ne sont pas nécessairement une dépression.
D'autres personnes ressentent de l'anxiété à l'attente d'un divorce, ou face à
un problème avec un de leurs enfants. Même si l'anxiété

fait souvent partie de la dépression, toutes

les personnes anxieuses ne sont pas automatiquement déprimées.

L'anxiété et la dépression sont des expériences fondamentales humaines.

Ces états affectifs peuvent être perçus comme des réponses émotionnelles
normales à des situations spécifiques. Comme l'a noté le philosophe
Kierkegaard, l'anxiété est une expérience de peur en l'absence d'un danger
connu. De son côté, la dépression est une réaction normale à un stress grave
qui implique une perte significative.

L'exemple clinique suivant démontre bien un cas de dépression. Il s'agit


d'une patiente de 52 ans qui en paraît dix de plus. Son visage est triste et
tourmenté. Elle donne une poignée de main très faible.

Simplement à faire quelques pas, on la sent épuisée comme après une dure
journée de labeur. Ses yeux sont larmoyants et elle pleure facilement.

D'une voix monotone, elle raconte qu'elle se sent coupable de tout; elle
s'autodéprécie et s'accuse des fautes mineures du passé alors qu'auparavant
elle arrivait facilement à rire de ses erreurs de jeunesse. Depuis quelques
semaines, elle se réveille aux petites heures du matin et ne se rendort plus.
Son appétit a diminué et elle a perdu du poids. Elle trouve pénible de lire et
d'écouter la radio ou la télévision et elle a de la difficulté à se concentrer.
Durant la journée, elle se sent toujours fatiguée, vidée constamment de son
énergie, et le moindre effort lui semble une montagne. Elle a peur de mourir
mais souhaite souvent que le bon Dieu vienne la chercher.

Cet exemple nous permet de voir clairement la différence entre une


dépression et une phobie. Mais il arrive parfois que les choses ne soient pas
aussi simples.

La plupart des dépressions s'accompagnent d'une anxiété considérable mais


l'inverse n'est pas vrai. En d'autres termes, un état anxieux n'est pas
nécessairement associé à une dépression. Il importe donc de faire la
différence entre ces deux états puis-que l'anxiété et la dépression sont deux
conditions qui sont traitées de façon différente.

CLASSIFICATION DES PHOBIES

Dans la classification psychiatrique actuelle, les phobies font partie des


troubles anxieux en général. Autrement dit, toute phobie comprend une
bonne part d'anxiété. Ainsi, dans le désordre phobique, l'anxiété est un
ingrédient important mais elle se développe à partir d'un objet spécifique,
d'une activité ou d'une situation. L'anxiété est donc la composante
principale et la phobie est le symptôme central. De façon plus poétique,
l'anxiété est à la phobie ce que la musique est au chant.

L'AGORAPHOBIE

Agoraphobie vient de deux mots grecs agora et phobos, ce qui veut dire
peur des foules et des grands espaces. Dans l'agoraphobie, le sujet évite de
se retrouver dans des endroits publics o˘ il pourrait être difficile de
s'échapper ou de trouver du secours en cas de malaise. On retrouve dans
cette catégorie la peur des foules, des tunnels, des ponts, des moyens de
transport en commun et des grands espaces comme les parcs et les champs.

A mesure que l'agoraphobie s'installe, le sujet réduit de plus en plus ses


activités habituelles au point

que l'évitement de toutes ces situations domine finalement son existence.


L'anxiété survient même lorsque le sujet doit quitter son domicile pour aller
dans un endroit public; dès le départ de la maison surviennent des signes
d'anxiété sévère comme un état de tension désagréable, des
étourdissements, un état de panique et souvent un sentiment d'irréalité.

Cela peut prendre quelques années avant que le sujet ne devienne incapable
de sortir de sa maison. C'est ce qui était arrivé à une patiente. A l'‚ge de 20
ans, elle avait présenté soudainement un état d'anxiété extrême alors qu'elle
attendait son tour à la caisse d'un grand supermarché. L'anxiété était
tellement élevée qu'elle avait quitté

l'endroit en laissant son panier plein de marchandises dans une allée. Une
semaine plus tard, elle avait présenté le même phénomène alors qu'elle
attendait à la banque. A partir de ce moment, elle a systématiquement évité
les endroits publics comme l'église, le cinéma, les magasins.

Graduellement, le cercle de ses sorties s'était restreint de plus en plus au


point qu'elle présentait de

l'anxiété même lorsqu'elle sortait sur son balcon pour étendre son linge.

quand elle a été vue par un clinicien, elle était littéralement en panique; il
s'agissait de sa première sortie loin de chez elle depuis 11 ans.

LA PHOBIE SOCIALE

La phobie sociale consiste en une peur irrationnelle persistante et un désir


contraignant d'éviter toute situation o˘ la personne est exposée à

être observée par les autres et o˘ elle craint d'agir d'une façon humiliante ou
embarrassante. Le sujet est considérablement gêné par ses craintes dont il
reconnaît la nature excessive et irrationnelle. C'est le cas de certains patients
qui ont peur de manger ou de boire en public ou encore de rougir lorsqu'ils
se trouvent dans une situation sociale.

Un jeune homme de 26 ans s'était senti mal dans un restaurant alors qu'il
était entraîneur de hockey en Suisse. Devant un plat nouveau, il était
devenu nauséeux et s'était imaginé que tous les autres convives voyaient
son embarras et sa crainte de se mettre à vomir.

Il commença à refuser systématiquement toute invitation au restaurant et


quitta finalement son emploi parce qu'il était devenu incapable de manger
même en présence des joueurs de son équipe. A partir de ce moment, il
devint absolument incapable de prendre un seul repas à l'extérieur de chez
lui.

La peur de rougir en public qu'on appelle l'éreuthophobie est une autre


forme de phobie sociale. Un étudiant de 22 ans avait quitté ses études
quatre ans auparavant parce qu'il était devenu incapable d'entrer dans la
salle de cours par crainte de se mettre à rougir si le professeur lui posait une
question. Très intelligent et dynamique, il s'était ouvert un commerce
d'antiquités qui faisait des affaires d'or.

Malheureusement, il recommença bientôt à se mettre à avoir peur de rougir


devant les clients. Il évita de plus en plus tout contact avec la clientèle et
devant la difficulté de rencontrer même son gérant de banque, il vendit son
entreprise deux ans plus tard. Depuis ce temps, il avait coupé presque tous
ses contacts sociaux.

LES PHOBIES SIMPLES

Les phobies simples consistent en des peurs des animaux ou de certains


lieux précis comme des

endroits élevés ou des espaces clos. Des exemples fréquents de phobie


simple incluent la peur des animaux comme la peur des chats, des chiens,
des serpents et des araignées, la peur des hauteurs, des ascenseurs, et ainsi
de suite.

L'un de nous a connu un fonctionnaire du gouvernement anglais qui


travaillait au dernier étage du Post Office Tower à Londres. Cet homme
avait développé une phobie des ascenseurs il y a plusieurs années et s'était
toujours refusé à monter même un seul étage en utilisant ce moyen.
quatre fois par jour, il montait et descendait, à pied, plus de vingt étages
pour se rendre à son travail ou en revenir. Il confiait que c'était un excellent
exercice physique, mais qu'il perdait aussi beaucoup de temps à cause de
son problème.

Chapitre 2

…PID…MIOLOGIE

Dans l'épidémiologie, on retrouve le mot "épidémie". L'épidémiologie est


donc l'étude des épidémies. Selon le Petit Robert, une épidémie est une
maladie infectieuse qui frappe en même temps et en un même endroit un
grand nombre de personnes soumises aux mêmes influences. Tout le monde
comprend cette définition quand on parle d'une épidémie de grippe.

De façon plus scientifique, l'épidémiologie est la science qui étudie les


phénomènes de masse des maladies et analyse la distribution et les
déterminants de la prévalence de la maladie chez l'humain.

quant à l'épidémiologie des troubles psychologiques, c'est la partie de


l'épidémiologie générale qui s'occupe des troubles mentaux de même que
des facteurs écologiques et humains qui influencent ces troubles. Les études
épidémiologiques sur les phobies cherchent donc à connaître le nombre de
personnes qui présentent ce problème, les gens qui sont les plus sujets à

être affectés par ce problème de même que les régions géographiques o˘


l'on retrouve le plus grand nombre de phobiques, et ainsi de suite.

Afin de bien saisir l'épidémiologie des phobies, il faut répondre à cinq


questions: quel est le pourcentage de malades phobiques dans la population
générale? quel est le groupe d'‚ge le plus fréquemment atteint? Les femmes
souffrent-elles davantage de phobies que les hommes? Retrouve-t-on plus
de phobies dans certaines classes sociales? Enfin, le nombre de malades
phobiques a-t-il tendance à augmenter?

Déjà en 1897, Stanley Hall, un psychologue américain, entreprend une


étude sur la peur chez les Américains. Chez les 1701 personnes contactées,
il retrouve 6 456 peurs dont les plus fréquentes sont la peur des orages
électriques, des reptiles, des étrangers et de la noirceur. Vient ensuite, par
ordre décroissant, la peur de la mort, des animaux, de la maladie et des
fantômes. Selon les données actuelles, il y aurait entre cinq et huit millions
d'Américains qui souffriraient d'une phobie assez grave pour leur causer un
handicap sérieux et affecter leur fonctionnement quotidien. Pour 15 à 18
millions d'autres Américains, le problème phobique ne les handicape pas
trop sévèrement mais affecte leur vie jusqu'à un certain point. Par exemple,
une personne qui a une phobie de l'avion, mais qui n'a pas à

utiliser ce moyen de transport, peut vivre une vie tout à fait normale; par
contre, elle n'aura jamais le plaisir de visiter un pays étranger par ce moyen
rapide de transport.

En 1984, l'Institut national de la santé mentale (National Institute of Mental


Health) des …tats-Unis a effectué une importante enquête sur les troubles
mentaux dans cinq grandes villes. Les résultats démontrent que de 17 à 23
% des adultes souffrent de problèmes psychologiques et que 8 % des gens
de ces

villes sont atteints de diverses phobies. Au total, les phobies se classent au


premier rang, avant la dépression, dans les désordres mentaux chez les
femmes et

au second rang, après l'alcoolisme et l'abus des drogues chez les hommes.

A ce sujet d'ailleurs, le docteur Ariel Stravynski, de Montréal, vient tout


juste de terminer une étude sur les phobies chez les alcooliques. De façon
étonnante, plus de 50 % des alcooliques présentent un problème phobique
et 40 % d'entre eux ont commencé à boire pour soulager l'anxiété reliée à
leur phobie.

Toutes ces études entreprises aux …tats-Unis et au Canada nous permettent


de dire sans hésitation qu'il existe un pourcentage élevé de gens qui
souffrent de diverses phobies dans la population et que les phobies peuvent
même conduire à l'alcoolisme.

Il est plus difficile de savoir exactement quel groupe d'‚ge est le plus
fréquemment atteint. Chez les enfants, il existe des phobies "normales"
qui disparaissent d'elles-mêmes avec le temps. Il est donc normal pour un
bébé de huit mois d'avoir peur des étrangers et pour un enfant de trois-
quatre ans d'avoir peur des animaux. A la suite d'une évaluation de 2 000

enfants à l'île de Wight en Angleterre, le professeur Marks n'a retrouvé

des phobies incommodantes que chez 16 enfants et parmi 239 enfants


référés au psychiatre, seulement dix d'entre eux étaient atteints d'une phobie
spécifique. Comme on pouvait s'y attendre, la phobie scolaire était la plus
fréquente. De façon générale, on pense que les phobies se développent
surtout à partir de l'adolescence et se manifestent surtout au début de l'‚ge
adulte.

quant à l'incidence des phobies selon le sexe, certaines études rapportent


que les femmes présentent davantage de phobies et ce, à tous les

‚ges. D'autres recherches indiquent qu'il n'y a pas de différence entre les
sexes jusqu'à l'‚ge de 11 ans, mais que par la suite les filles sont plus
phobiques que les garçons. Actuellement, le consensus semble être le
suvant: les deux sexes sont sujets à plusieurs phobies dans l'enfance et après
la puberté, la phobie des animaux et l'agoraphobie surviennent plus
fréquemment chez les femmes tandis que les phobies sociales et les autres
phobies simples se retrouvent de façon égale chez les deux sexes.

Les phobies se retrouvent aussi de façon égale dans les diverses classes
sociales. Alors que la schizophrénie, une maladie mentale grave, survient
plus souvent dans la classe sociale pauvre et que la dépression touche plus
de gens de la classe moyenne ou supérieure, nous sommes tous égaux
devant les phobies. Les riches autant que les pauvres peuvent en souffrir.

Enfin, on peut croire que le nombre de malades phobiques a tendance à

augmenter. En 1970, en Angleterre, les phobiques représentaient 3 % des


cas vus en psychiatrie. Cette donnée ne tient pas compte des malades qui ne
consultent pas. Si l'on tient compte du développement rapide de la société,
il faut croire nécessairement à une augmentation des phobies. Par exemple,
la phobie de l'auto ou de l'avion ne pouvait pas exister lorsque ces moyens
de transport n'existaient pas. La phobie des foules ne pouvait pas survenir
lorsqu'il n'y avait pas de supermarchés, de cinémas et d'amphithé‚tres. Il y a
donc tout lieu de croire que de nouvelles phobies apparaîtront avec les
changements de la société et le développement des nouvelles technologies.
Peut-être verrons-nous dans l'avenir une phobie des navettes spatiales?

chapitre 3

L'ORIGINE DES PHOBIES

A quoi est due cette peur intense, cette angoisse terrifiante face à un objet
ou à une situation? Est-ce secondaire à un traumatisme vécu dans l'enfance?
Est-ce héréditaire? qu'est-ce qui fait qu'une personne développe une phobie
et qu'une autre ne ressentira jamais cette peur épouvantable dans les mêmes
circonstances?

Soulignons d'abord que, comme l'être humain, toutes les espèces animales
ressentent la peur et que de tout temps les peurs ont existé. Elles sont
différentes d'une époque à l'autre, mais elles sont toujours présentes.

Autrefois, les phénomènes naturels comme la foudre créaient une peur


terrible chez nos ancêtres; on y voyait la colère des dieux. De nos jours, les
journaux nous annoncent régulièrement la possibilité d'une catastrophe
nucléaire; on y voit un conflit de pouvoir entre les Soviétiques et les
Américains. Comme on le constate, les temps changent, mais les peurs
demeurent et se modifient.

On peut aussi se demander pourquoi il est utile de comprendre l'origine de


ses phobies? On peut répondre que lorsqu'on connaît la cause de son mal,
on peut déjà essayer de l'éliminer. Lorsqu'on n'a aucune idée de ce dont on
souffre, cela crée des doutes, des craintes et des incertitudes et
secondairement

augmente notre anxiété. quand nous connaissons la cause de notre


problème, l'ambiguÔté est au moins disparue.

L'ORIGINE INSTINCTIVE DES PHOBIES


Le docteur Hans Eysenck, un des plus prolifiques chercheurs dans le
domaine de la psychologie "béhaviorale", a avancé une hypothèse
intéressante pour expliquer les causes des phobies. Selon lui, plusieurs de
nos phobies dérivent d'une réaction instinctive de peur qu'on retrouvait chez
nos ancêtres lorsqu'ils

devaient affronter leur environnement naturel. Par exemple, les espaces


ouverts présentaient un danger pour eux parce qu'ils n'avaient aucune
protection face à un ennemi ou à un animal dangereux. Ils avaient
également peur des hauteurs parce qu'une chute pouvait les tuer; les
animaux sauvages étaient des ennemis naturels.

Les premiers habitants de la Terre avaient également peur de la noirceur à


cause de la possibilité d'une attaque des ennemis au cours de la nuit.

Selon Eysenck, plusieurs d'entre nous réagissent instinctivement par une


réaction de peur quand ils se retrouvent dans une situation ressemblant aux
situations dangereuses vécues par nos ancêtres. Pourquoi alors la plupart
des gens ne développent-ils pas de phobies alors que d'autres en sont
atteints? Son explication est la suivante: certains enfants naissent plus
craintifs et peuvent être plus sensibles à certains stimuli. De plus, à

cette prédisposition à la crainte s'ajoutent souvent des expériences


traumatisantes en

bas ‚ge. Ces enfants demeurent donc plus fragiles que les autres à
l'apparition de ces réactions instinctives de terreur et cette fragilité les
poursuit à l'‚ge adulte.

LE POTENTIEL DE CERTAINS STIMULI

Un stimulus est un agent capable de provoquer une réaction. Dans la peur


du lion, l'agent qui provoque notre réaction, c'est le lion. L'animal est donc
un stimulus générateur de la peur. Dans ce contexte le professeur Marks
prétend que les phobies

peuvent survenir dans n'importe quelle situation imaginable mais que


certains stimuli possèdent, plus que d'autres, un potentiel à les provoquer.
Selon ce chercheur, la profondeur, la rencontre avec des étrangers et les
animaux qui rampent ou qui bougent de façon étrange sont des stimuli qui
ont un plus grand potentiel pour provoquer des peurs chez l'adulte.

Chez l'enfant, la peur se développe habituellement après un traumatisme ou


lorsqu'il est soumis à des stimuli qui sont soudains, nouveaux et intenses.

Un petit Belge de neuf ans a participé à un de nos projets de recherche


parce qu'il avait développé une peur du bruit depuis l'‚ge de quatre ans.

Au cours de l'histoire de cas de cet enfant, nous avons retracé deux


situations qui avaient engendré sa phobie.

A l'‚ge de quatre ans, ses parents l'amènent à un mariage dans une petite
église de Belgique. Au cours de la cérémonie, 50 musiciens se mettent
soudainement à jouer du cor de chasse. L'enfant a très peur et se met à
pleurer. Incapables de le consoler, les parents quittent l'église.

Le lendemain, l'enfant assiste

à une parade qui passe devant la maison familiale. Du haut du balcon,


l'enfant apprécie le spectacle jusqu'à ce que la première fanfare se mette
soudainement à jouer devant la maison. A nouveau, le bambin est saisi
d'une peur intense et il se met à hurler au point que les parents doivent
l'amener chez sa tante à la campagne.

A partir de ce moment, l'enfant est devenu phobique au moindre bruit qui


peut survenir subitement. Dans ce cas, l'enfant avait subi un traumatisme
psychologique à deux reprises en deux jours, traumatisme provoqué par des
stimuli nouveaux, soudains et intenses.

LES TRAUMATISMES ENGENDRENT-ILS DES PHOBIES?

Chez l'adulte, il est bien connu qu'une phobie peut survenir à la suite d'un
traumatisme physique. Chacun de nous connaît une personne qui a
développé une phobie des transports après un accident d'auto ou une phobie
des chevaux après une chute lors d'un cours d'équitation. Le traumatisme
peut être psychologique; par exemple, certaines personnes ont été
incapables de retourner dans les restaurants après y avoir vu un client
malade.

Suite au traumatisme vécu par le sujet, il y a un délai de quelques jours au


plus avant l'apparition de la phobie. Il se produit alors à

l'intérieur de l'individu un processus à la fois conscient et inconscient qui


l'amène à ressentir de l'anxiété face à cette situation particulière.

La tension nerveuse qu'il ressent diminue chaque fois que le sujet évite la
situation difficile

et la réduction de cette tension renforce la tendance à fuir ou à éviter cette


situation à tout jamais. C'est alors que le cercle vicieux s'installe. Moins
l'individu a tendance à affronter la situation, plus il deviendra phobique.

Les phobies peuvent également débuter après un stress plus général sans
pour autant que le sujet s'aperçoive du lien entre l'événement et le début de
la phobie. C'est le cas, par exemple, d'une patiente devenue agoraphobe à la
suite de son divorce.

Enfin, il arrive plus rarement que les phobies commencent sans changement
majeur dans l'environnement du sujet. Le changement s'opère alors à

l'intérieur de l'individu plutôt qu'à l'extérieur. C'est le cas de l'adolescent en


pleine période de perturbations physiques et psychologiques qui évite
certaines situations sociales parce qu'il se sent inadéquat et gêné d'être en
contact avec ses pairs.

LA TH…ORIE DU CONDITIONNEMENT

En psychologie, il existe une école de pensée qui stipule que les phobies se
développent par un processus d'apprentissage ou de conditionnement. Au
début du siècle, Watson, le fondateur de cette école, entreprend une série
d'expériences dans le but de prouver cette théorie.

Sa recherche la plus célèbre est celle qu'il a menée avec le petit Albert.
Albert est un bébé de 11 mois, heureux, calme et sans problème. Watson lui
présente une série d'objets et des animaux comme des rats blancs, des lapins
et des chiens. A la vue des objets et des animaux, Albert ne montre aucune
réaction de peur; au contraire, il s'amuse bien.

Le seul stimulus qui le dérange est un bruit soudain fait par


l'expérimentateur lorsque ce dernier frappe un objet de métal avec une barre
de fer. A ce moment-là, Albert sursaute, crie et pleure.

Un peu plus tard, Watson présente le rat blanc à Albert et frappe en même
temps l'objet de métal avec la barre de fer. Non seulement Albert se met-il à
pleurer mais après plusieurs essais, la simple vue du rat blanc, sans bruit,
provoque chez l'enfant une réaction de peur. Bien plus, le bambin montre la
même crainte lorsqu'on lui présente un lapin, un chien ou quelqu'un qui
porte une barbe. Watson a donc provoqué une phobie chez le petit Albert.

Heureusement pour l'enfant, Watson a aussi démontré qu'on peut


désapprendre ses peurs. Il a éliminé le bruit et a présenté à nouveau les
animaux à Albert en le calmant, en le rassurant et en lui donnant des
bonbons lorsque l'enfant se montrait intéressé par l'animal. A peine
quelques traitements ont suffi à guérir le bambin.

C'est à partir de cette expérience et de plusieurs autres que Watson a


formulé sa théorie. Cette théorie soutient qu'une phobie se développe
lorsque deux stimuli, un qui provoque la peur et un autre plus neutre, sont
présentés ensemble. Autrement dit, le stimulus neutre, comme le rat blanc,
s'approprie des caractéristiques effrayantes de l'autre stimulus, le bruit
soudain, simplement parce que les deux stimuli sont présentés ensemble. A
la longue, le stimulus neutre, qui n'effraie pas au début, provoque
maintenant une réaction de peur.

Selon Watson, plusieurs de nos phobies se développent à partir du même


principe; une réaction de peur peut être apprise par conditionnement et se
généraliser par la suite.

Par contre, une peur peut être diminuée ou éliminée par l'utilisation d'un
stimulus plaisant. Si nous reprenons le cas d'Albert, chaque fois qu'on lui
présentait le lapin ou le rat blanc, l'expérimentateur le prenait dans ses bras,
le rassurait et lui donnait une sucrerie.

Dans l'acquisition des phobies, il existe un autre type de conditionnement;


c'est ce qu'on appelle l'apprentissage par imitation.

Ainsi, les enfants partagent bien souvent la même phobie que leurs parents.

La mère a peur des chiens, la fille

aussi; le père a peur d'aller dans le métro, le fils également. Les enfants
imitent donc le comportement de leurs parents et, en ce sens, ils apprennent
par imitation. De façon plus constante, il existe une tendance significative
chez les enfants d'avoir les mêmes peurs que leurs parents.

L'APPROCHE COGNITIVE DES PHOBIES

De son côté, le docteur Aaron Beck soutient que les désordres émotionnels
tels que l'anxiété, la dépression et les phobies proviennent d'idées et de
croyances erronées que la personne maintient en regard d'elle-même et au
sujet du monde dans lequel elle vit. Par exemple, une personne déprimée se
voit comme un être faible, sans ressources et impuissant face aux
événements de la vie. Selon Beck, à cause d'une telle attitude, la personne
n'est donc pas motivée à atteindre des buts et à s'engager dans des activités
créatrices et constructives. Le but de la thérapie cognitive sera d'aider le
patient à changer ses fausses croyances et à se voir comme un gagnant et
non comme un perdant.

Les croyances erronées du phobique sont liées à ce qui peut lui arriver dans
la situation phobique. Par exemple, si le phobique craint de passer sur un
pont, c'est qu'il a peur de perdre le contrôle de lui-même et de se jeter en
bas du pont dans un moment de panique. Il peut éviter aussi de sortir au
restaurant parce qu'il a peur de vomir en public et d'être ridicule aux yeux
des autres. Le but de la thérapie cognitive sera alors de le confronter à ses
idées, de le placer dans la situation phobique et de lui faire constater que ses
croyances erronées ne surviennent pas dans la réalité.
Toujours selon Beck, il existe plusieurs peurs chez les enfants et elles sont
souvent normales, comme la peur des chiens, de la noirceur, de l'eau, des
fantômes, des sorcières, des monstres, etc. Au moment o˘ il fait l'expérience
de l'école, l'enfant peut avoir peur de ne pas être aimé, d'être rejeté ou
ridiculisé. quelques enfants grandissent avec ces peurs alors que d'autres les
surmontent facilement.

Des recherches en psychologie ont démontré que, dans plusieurs cas, les
enfants apprennent ces peurs d'un parent alors que, dans d'autres, les parents
ne donnent pas assez d'aide à l'enfant pour maîtriser ses peurs normales.
Finalement, certaines phobies sont carrément provoquées par les parents.
Un patient de 36 ans raconte sa terreur de traverser un pont et se souvient

que cette phobie a débuté lorsqu'il avait six ans. Il avait été turbulent en
voiture en route pour une visite à une tante et, pour arrêter son agitation,
son père l'avait menacé de le laisser au milieu du pont.

UNE PHOBIE CACHE-T-ELLE UN CONFLIT INT…RIEUR?

Au début du siècle, Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, affirme que


les phobies découlent d'un conflit à l'intérieur de l'individu. Pour appuyer sa
théorie, en 1909, il publie le cas du petit Hans, un enfant de cinq ans qui
souffre d'une phobie

des chevaux. Hans vit avec ses parents et il les aime bien. Cependant, il ne
peut sortir à l'extérieur de la maison à cause de sa peur des chevaux.

Son père consulte le célèbre psychanalyste. Freud voit le père de Hans à

quelques reprises mais il n'a jamais vu l'enfant. Après quelques rencontres


et une

correspondance avec le père, il en arrive à la compréhension suivante de la


phobie chez l'enfant.

Selon lui, le petit Hans refoule son attirance sexuelle envers sa mère et son
agressivité envers son père. Incapable de trouver une issue convenable à ce
dilemme, l'enfant devient angoissé. Il a du mal à soulager cette angoisse
puisque le père est constamment présent et l'enfant ne peut pas l'éviter. Par
contre, un mécanisme psychique vient à la rescousse du petit Hans. Le
soulagement est trouvé dans le déplacement sur les chevaux de l'anxiété
engendrée par le père. Les chevaux sont donc liés à son conflit avec le père
et agissent comme un substitut symbolique au père.

Ils deviennent donc les dépositaires de l'anxiété de l'enfant. Parce que les
chevaux peuvent être évités,

Hans peut échapper à l'anxiété en évitant les endroits o˘ se trouvent les


chevaux.

Plus tard, Freud applique ce modèle aux phobies chez l'adulte Selon lui, les
phobies chez les adultes résultent d'un conflit qui n'a pas été

résolu dans l'enfance et qui revient à la surface au cours de la vie adulte.

Comme on le constate, il existe plusieurs théories expliquant l'origine des


phobies et toutes sont valables. Il est fort probable que le développement
d'une phobie soit causé simultanément par plusieurs des motifs qui sous-
tendent ces théories. Il importe donc pour le clinicien de bien évaluer le
malade phobique afin de faire ressortir les éléments importants

qui sont causes de sa maladie. Cette évaluation méthodique lui permettra


également de trouver les traitements efficaces pour le problème de chaque
patient en particulier.

chapitre 4

LA R…ACTION PHOBIqUE

Telle que définie dans les pages précédentes, une phobie est une peur
morbide, irraisonnée, produisant chez l'individu des réactions
physiologiques et psychologiques qui interfèrent avec son fonctionnement
normal. Peu de phobiques possèdent cependant une idée claire de ce qui se
passe en eux lorsqu'ils sont confrontés à leur phobie. Au moment o˘ ils se
trouvent dans la situation phobique, ils sont pris d'une peur intense qui
atteint facilement l'état de panique. Pour se calmer, ils évitent ou fuient cette
situation aussitôt que possible. Nous examinerons maintenant ce qui
survient chez l'individu au cours de la réaction phobique sur le plan
physique, psychologique et comportemental.

quelques personnes qui subissent l'état phobique pour la première fois


remarquent la soudaineté de l'attaque, la rapidité avec laquelle elle se
développe et la force avec laquelle elle domine l'esprit et les émotions.

Comme on le sait maintenant, la phobie n'apparaît pas toujours dans un ciel


bleu; elle se développe souvent avec le temps ou à la suite d'événements
déclencheurs.

Lorsqu'il est en présence de sa phobie, le phobique s'attend au pire et pense


qu'une chose terrible va lui arriver. Une personne qui a une phobie du métro

s'imagine que le train va s'arrêter entre deux stations, qu'elle va être prise de
panique, qu'elle va manquer d'air et finalement mourir. C'est exactement la
même chose lorsqu'un individu a peur d'un chien; il pense que, lorsqu'il
verra un chien, il va prendre panique, perdre le contrôle, se mettre à courir
et à hurler, ce qui énervera le chien et fera en sorte qu'il sera mordu.

Ce que le phobique ignore, c'est que le pire ne se produit jamais et qu'il se


sort toujours intact de la situation. Il a donc souvent plus peur de son
imagination que de faits réels. Il faut bien comprendre qu'en face du
stimulus phobique, le sujet présente une anxiété telle qu'il ne peut plus la
tolérer. Cependant, il ne sait pas que cette anxiété si intense ne demeure

pas à ce niveau bien longtemps. En effet, elle vient à diminuer; bien s˚r, elle
peut survenir plus tard mais elle sera moins intense et disparaîtra à

nouveau.

Plusieurs thérapeutes demandent à leurs patients de graduer leur anxiété

sur une échelle de 0 à 10. Le chiffre 1 représente un état de bien-être, un


peu comme dans les états de grande relaxation ou d'autres états méditatifs.
Le chiffre 10 représente un état de panique incontrôlable, c'est-à-dire que le
patient est hors de lui, qu'il n'a plus le contrôle de lui-même.
L'anxiété normale se situe autour des niveaux de 4 ou 5.

Chez le phobique, l'anxiété atteint facilement le chiffre 7 ou 8

lorsqu'il est en présence de sa peur. L'anxiété est alors difficile à

supporter et très désagréable. C'est un état que nous évitons tous le plus
possible.

Des recherches démontrent que les phobiques ne restent pas assez


longtemps dans la situation phobique pour s'apercevoir que l'anxiété va
diminuer. C'est un peu normal puisque personne n'aime ressentir un état
aussi désagréable. Le phobique fuit le soi-disant danger quand l'anxiété a
atteint un seuil élevé et il pense qu'il vient d'échapper de justesse à une
expérience catastrophique.

Plusieurs chercheurs croient que, même si c'est difficile, les phobiques


auraient tout intérêt à rester dans la situation et à expérimenter la
diminution d'anxiété qui survient toujours après un certain temps. De cette
façon, le malade s'aperçoit que la détresse ressentie dans la situation
phobique fluctue grandement en intensité et dans le temps.

Enfin, d'autres chercheurs demandent aux phobiques de se concentrer sur


quelque chose d'extérieur à eux lorsqu'ils sont dans la situation phobique.

Cela permet de diminuer les symptômes reliés à l'anxiété. En effet, nous


savons que nos symptômes augmentent lorsque nous nous concentrons sur
nous-mêmes et que nous réagissons aux images effrayantes qui se
présentent à

notre esprit. On entre alors dans un cercle vicieux: plus on a des pensées
effrayantes, plus on devient anxieux, et plus on devient anxieux, plus on
pense à des situations effrayantes.

Voyons maintenant les réactions physiques, psychologiques et


comportementales que manifeste le sujet qui souffre d'une phobie. Tous ces
symptômes surviennent automatiquement quand la personne est en présence
de l'objet de ses peurs et disparaissent de façon magique lorsqu'elle fuit ou
évite la situation phobique.

R…ACTIONS PHYSIqUES

Sur le plan physique, le phobique présente une multitude de symptômes qui


touchent surtout le système cardio-vasculaire (le coeur et les vaisseaux), le
système respiratoire, le système digestif et le système neuromusculaire (les
nerfs et les muscles).

Le système cardio-vasculaire

Le système cardio-vasculaire réagit fortement aux émotions. L'humain


emploie une multitude d'expressions pour montrer que le coeur est le siège
des émotions: "ça m'a fait mal au coeur", "j'ai eu un pincement au coeur",

"j'ai le coeur serré", "j'ai le coeur dans l'eau".

En présence du stimulus phobique, le rythme cardiaque peut s'accélérer ou


ralentir. Le coeur peut également se mettre à battre à tout rompre dans la
poitrine. Pour un individu donné, la tension artérielle peut augmenter et
donner des bouffées de chaleur; pour un autre, elle peut diminuer et créer
une sensation de faiblesse, d'étourdissement et de perte de conscience
imminente. Certains individus présentent des douleurs au niveau de la
poitrine comme des sensations de br˚lure et des élancements.

Le système respiratoire

Le phobique présente aussi fréquemment un serrement au niveau de la


poitrine et il donne l'impression d'avoir le souffle court. Cette sensation
d'étouffement amène l'individu à vouloir respirer de plus en plus vite. Il se
produit alors une sensation d'engourdissement autour de la bouche et au
niveau des mains accompagnée de picotements. Nous sommes alors en
présence de ce qu'on appelle en médecine le syndrome d'hyperventilation.

Ce syndrome survient lorsque l'individu veut respirer trop vite; il se produit


alors un déséquilibre entre l'oxygène que nous respirons et le gaz
carbonique, que nous expirons. Dans le syndrome d'hyperventilation, nous
excrétons trop de gaz carbonique, et nous ne respirons pas assez d'oxygène.

C'est ce déséquilibre qui provoque les symptômes décrits plus haut.

Le système digestif

Le système gastro-intestinal (l'estomac et les intestins) réagit lui aussi


fortement aux émotions. Les réactions les plus fréquentes sont la sensation
de boule dans la gorge, les spasmes au niveau de l'estomac et de l'intestin,
les crises de nausées et de vomissements. Plusieurs malades se plaignent de
crampes au niveau de l'intestin et de périodes de diarrhée.

On observe aussi chez certains individus une sécheresse au niveau de la


bouche avec une sensation de soif et parfois même une impression de
grande faim.

Le système neuromusculaire

Au niveau neuromusculaire, les phobiques présentent presque toujours des


tremblements et des contractions musculaires. Conséquemment, les
douleurs musculaires sont un phénomène fréquent chez le sujet phobique.

R…ACTIONS PSYCHOLOGIqUES

Lorsqu'elle est vécue comme une poussée soudaine de terreur, l'anxiété

prend des proportions alarmantes:

c'est la crise de panique. C'est un état dramatique. En pleine panique,


l'individu a l'impression de vivre dans un monde étrange et flou; il vit un
cauchemar. A ce moment, le phobique a l'impression qu'il va perdre le
contrôle de lui-même; il a peur de ce qu'il peut faire et a l'impression qu'il
est sur le point de sombrer dans la folie. Au point de vue psychologique, la
crise de panique représente s˚rement l'enfer pour le malade phobique.

R…ACTIONS COMPORTEMENTALES
A cause de tous ces symptômes, il est facile de comprendre que le
comportement de l'individu face à la situation phobique se résume à la fuite
et à l'évitement. Le phobique a toujours peur qu'une prochaine attaque
survienne et pour éviter tous ces désagréments physiques et
psychologiques, il préfère rester chez lui. La fuite et l'évitement de la
situation phobique peuvent avoir des répercussions catastrophiques dans la
vie d'un individu.

Pensons au handicap que présente la personne atteinte de la phobie de l'auto


ou des transports en commun et pensons à la difficulté de se chercher un
emploi pour quelqu'un qui souffre d'une phobie sociale, comme la peur
d'écrire en présence d'autres

personnes. Combien d'individus ont tout simplement g‚ché leur vie à cause
d'une phobie anodine?

Mentionnons toutefois que, même si la réaction phobique produit plusieurs


symptômes insupportables, ces réactions de l'organisme ne sont pas
dangereuses et ne durent pas. Les phobiques doivent donc savoir que plus
ils affrontent l'objet de leurs peurs, moins tous ces symptômes désagréables
se manifesteront.

Chapitre 5

LES STRAT…GIES DU PHOBIqUE

La majorité des phobies apparaissent habituellement vers la fin de


l'adolescence ou au début de l'‚ge adulte. C'est à cette période que l'individu
doit aussi faire des choix pour orienter sa vie de façon profitable. Pour
plusieurs phobiques, l'évitement systématique d'une situation particulière ou
d'un objet dont ils ont peur n'entraîne que des conséquences mineures dans
leur vie quotidienne.

Ainsi, la personne qui ressent une peur modérée des chiens ou des chats
peut arriver à faire face à ces animaux et à contrôler son anxiété dans cette
situation. Elle peut se tenir loin des chiens et des chats et le problème est
réglé. Par contre, le problème doit être pris au sérieux si la peur devient une
source importante de détresse pour l'individu et si l'évitement de la situation
phobique interfère avec le fonctionnement social ou professionnel de
l'individu.

Lorsqu'ils sont vus pour un traitement, habituellement après plusieurs


années de difficultés, les phobiques ont essayé une foule de moyens pour se
débarrasser de leur problème. Malheureusement, les stratégies que le
phobique a utilisées pendant tout ce temps sont inefficaces.

De façon générale, ces patients ont adopté trois "pseudo-solutions" à

leur problème. Premièrement, le phobique adopte une conduite d'évitement


et de fuite, c'est-à-dire qu'il évite et fuit carrément la situation ou l'objet de
sa phobie, et il réorganise sa vie en conséquence.

Un homme d'affaires qui avait une phobie de l'avion a carrément refusé

une belle promotion et s'est contenté d'un emploi de second ordre pendant
des années.

Deuxièmement, parce qu'ils ne peuvent pas toujours fuir ou éviter, d'autres


phobiques ont besoin d'être accompagnés lorsqu'ils ont à faire face à une
situation particulière. C'est ce qu'on appelle le compagnon du phobique.

Troisièmement, le phobique utilise une solution que nous appelons

"pseudo-autoguérissante". Il découvre que l'alcool ou les médicaments


tranquillisants diminuent son anxiété et il se met à utiliser ces produits.

Examinons plus en détail chacune des stratégies du phobique.

LA CONDUITE D'…VITEMENT

La fuite et l'évitement de la situation ou de l'objet phobique amènent


plusieurs patients à réorganiser leur vie en fonction de leur phobie. A
mesure que leur phobie s'amplifie, ils évitent ou fuient davantage; ils se
referment alors de plus en plus sur eux-mêmes.

C'est le cas d'une dame qui travaillait pour une compagnie d'aviation
comme commis au comptoir de
l'aéroport. Cette femme avait une phobie des chats. A de très rares
occasions, à son travail, elle avait d˚ rencontrer des voyageurs qui arrivaient
à l'aéroport avec leur chat en cage. Dès qu'elle apercevait l'animal, elle se
mettait à pleurer et laissait les clients en plan au comptoir. Après quelques
avertissements de ses supérieurs, elle dut quitter son emploi. Au début, elle
aimait bien rester à la maison mais graduellement elle se mit à présenter le
même problème quand elle se promenait dans un parc et voyait un chat.

Un peu plus tard, sa phobie augmentant, elle se mit à refuser de rendre


visite à des amis qui avaient un chat, même si ceux-ci lui promettaient
d'enfermer l'animal dans une pièce. Avant de sortir, elle prenait toutes sortes
de précautions pour éviter de rencontrer un chat et trouvait toujours de
bonnes excuses pour éviter le prétendu danger.

Elle s'est décidée à consulter lorsqu'elle s'est rendue compte qu'elle ne


pouvait plus étendre son linge dehors par crainte de voir l'animal et était
incapable de sortir par l'entrée principale de la maison pour faire des
courses au cas o˘ il y aurait un chat. Elle était devenue anxieuse même à la
maison et anticipait constamment la crainte de rencontrer un chat et de
perdre le contrôle. L'évitement et la fuite avaient renforcé sa phobie à la
longue.

La conduite d'évitement et de fuite est tout à fait logique pour le phobique


surtout lorsqu'il ne sait pas que ce comportement lui sera très nuisible à la
longue. qui d'entre nous aime se mettre dans des situations difficiles? Bien
plus, le phobique a rapidement remarqué que son anxiété

diminue très rapidement lorsqu'il fuit ou évite de faire face à son problème.

Cette constatation l'amène à éviter et à fuir davantage mais provoque en


même temps une réduction graduelle de ses activités au point que certains
malades deviennent incapables de sortir de chez eux.

LE COMPAGNON DU PHOBIqUE

Le phobique peut aussi adopter un autre comportement afin de maintenir


son anxiété à son plus bas niveau possible. Il utilise alors ce qu'on appelle
une conduite rassurante. A ce moment-là, pour se rassurer, le phobique se
choisit une personne et n'entreprend des choses qu'en présence de cette
personne. C'est ce qu'on appelle le compagnon du phobique.

Habituellement, c'est un ami intime ou le conjoint du phobique qui lui sert


de compagnon. Le compagnon du phobique représente pour le sujet une
certaine sécurité au cas o˘ il arriverait quelque chose. Une institutrice
d'anglais souffrait d'agoraphobie depuis son adolescence. Son problème
s'était accentué quand elle avait commencé à enseigner. Pour pallier son
handicap, elle était mariée à un alcoolique beaucoup plus ‚gé qu'elle.

Malgré les troubles conjugaux qu'occasionnait l'alcoolisme du mari, elle ne


l'avait jamais laissé parce que, même en état d'ébriété, il n'avait jamais
refusé d'aller la reconduire et la chercher à

l'école, et de faire les courses avec elle. En dehors de ces sorties, il ne se


plaignait jamais de rester à la maison avec son épouse.

Pour d'autres phobiques moins gravement atteints, il arrive qu'un objet


remplisse cette fonction sécurisante. Certains agoraphobes réussissent à

sortir sans compagnie, mais n'osent pas sortir de la maison sans canne ou
sans parapluie. Selon eux, ces

objets les sécurisent et leur enlèvent la crainte de tomber. Les médicaments


jouent également cette fonction sécurisante.

Il ne fait aucun doute que plusieurs voyageurs qui prennent l'avion ont dans
leur poche ou dans leur sac à main une bouteille de pilules au cas o˘

ils se sentiraient angoissés au cours du voyage. Même s'ils n'en prennent


jamais, le simple fait d'avoir des médicaments sous la main leur donne un
sentiment de

sécurité.

Nous avons connu un médecin qui a annulé son voyage parce qu'en arrivant
à l'aéroport il a constaté qu'il avait oublié ses médicaments chez lui.

Pourtant, il n'en avait jamais eu besoin lors de ses voyages précédents.


LA CONDUITE "PSEUDO-AUTOGU…RISSANTE"

Chez les phobiques, il existe une autre façon de parer à leur anxiété

qui les empêche de bien fonctionner. Le plus souvent, ils découvrent cette
méthode de façon fortuite, mais ils apprennent vite qu'elle les soulage et
leur procure un bien-être Malheureusement, elle amène presque toujours
des complications supplémentaires. C'est ce qu'on appelle la conduite
"pseudo-autoguérissante". Celle-ci se définit comme une attitude qu'adopte
le phobique; pour diminuer son anxiété, il se met à consommer de l'alcool
ou des médicaments contre l'anxiété comme le Valium, le Librium, le Sérax,
l'Ativan, etc. et ce, souvent à l'insu de son médecin.

Il est connu que plusieurs phobiques abaissent considérablement leur niveau


d'anxiété en prenant de l'alcool ou des médicaments avant de faire face à la
situation angoissante. L'ingestion d'alcool ou de médicaments devient
synonyme de meilleur fonctionnement professionnel et social de même que
de diminution de l'anxiété et des craintes. Bien s˚r, lorsque l'effet de l'alcool
ou du médicament ne se fait plus sentir, la peur reprend de plus belle et le
cercle vicieux s'installe. La quantité de boisson ou de pilules augmente et la
phobie diminue de moins en moins. On imagine assez facilement le genre
de vie qui attend ces personnes et les répercussions sévères sur leur

santé et leur famille. A la longue, au problème de la phobie s'ajoute


l'alcoolisme ou la toxicomanie.

En adoptant la conduite "pseudo-autoguérissanté", le phobique tente de se


traiter lui-même, mais il utilise les mauvais moyens et il ne sait pas qu'avec
le temps cette conduite peut lui causer plus de mal que de bien.

Combien de personnes normales prennent un ou deux verres d'alcool en


arrivant à une soirée pour "casser la glace" et se sentir plus à l'aise!

Imaginez alors le danger que représentent l'alcool ou les médicaments pour


une personne qui souffre de phobie.

Comme on le constate, toutes ces stratégies ne sont que des mauvaises


tactiques qu'utilisent les phobiques pour résoudre leurs problèmes. Peu
importe la stratégie utilisée, elle ne représente qu'une béquille qui ne règle
rien. De plus, ces stratégies n'offrent pas une qualité de vie acceptable pour
ces individus; au contraire, elles causent plus de dommages que de
soulagement à leur existence déjà hypothéquée.

Chapitre 6

DES PHOBIES FR…qUENTES

Voyons maintenant plus en détail quatre types particuliers de phobies.

Nous les avons choisies en raison de leur fréquence élevée dans la


population, et parce que ces diverses phobies illustrent bien le processus
phobique avec, ses f‚cheuses conséquences. Nous avons donc choisi la
phobie scolaire parce gu'elle est la plus "handicapante" chez les jeunes
enfants, l'agoraphobie et la phobie sociale parce que ces deux types de
phobies sont fréquents et méconnus du grand public, et les phobies simples
parce qu'elles touchent une variété d'objets ou de situations.

LA PHOBIE SCOLAIRE

Plusieurs enfants montrent des signes d'anxiété par rapport à l'école à

un certain moment, mais généralement ces craintes ne durent pas longtemps


et entrent dans l'ordre sans traitement. Il est d'ailleurs normal que les jeunes
enfants appréhendent leur entrée à l'école puisqu'il s'agit de la première
séparation d'avec leurs parents. Après quelques jours, l'anxiété

de la séparation diminue et l'enfant s'intègre facilement au milieu scolaire.


Cependant, certains enfants refusent d'aller à l'école de façon continuelle. Il
s'agit alors possiblement d'une phobie de l'école, appelée communément
une phobie scolaire.

Les statistiques révèlent trois périodes critiques dans la vie de l'enfant


susceptibles de provoquer une phobie scolaire.

Tout d'abord, il y a l'entrée à la maternelle ou à l'école primaire, selon le


cas, qui coÔncide avec la première séparation réelle avec les parents.
La seconde période critique survient quand l'enfant arrive en troisième ou
en quatrième année. Il doit alors rivaliser avec ses pairs sur le plan scolaire.
L'enfant incapable de se montrer compétitif peut se sentir inférieur,
insécurisé, anxieux, et se mettre à fuir ou à éviter l'école.

La troisième période critique apparaît à l'adolescence, lorsque l'image


corporelle devient un problème important. Nous connaissons les grands
changements qui surviennent à l'adolescence tant des points de vue
physique que psychologique. Pendant cette période tumultueuse,
l'adolescent peut ressentir une grande anxiété lorsqu'il se confronte avec les
autres élèves.

Dans ce cas, l'étudiant peut se retirer, être moins sociable et même quitter
ou refuser de suivre ses cours.

Il importe maintenant de différencier la phobie scolaire de l'école


buissonnière. Plusieurs points séparent ces deux entités. Les enfants qui
font l'école buissonnière n'ont pas peur de l'école. Ils utilisent plutôt
différentes stratégies pour s'absenter de l'école et fl‚ner seuls ou avec
d'autres copains qui sèchent aussi les cours.

Ces enfants présentent souvent des comportements délinquants comme des


actes de violence, des

mensonges et des petits vols de même que des problèmes de discipline à

l'école. Ils ne se sentent absolument pas mal à l'aise de manquer l'école, et


leur rendement scolaire est souvent médiocre.

Au contraire, les enfants qui souffrent de phobie scolaire n'ont aucun


problème de discipline et ne sont absolument pas délinquants. Ce sont des
élèves brillants, qui sont nettement anxieux d'être à l'école et qui cachent
leur difficulté derrière des symptômes physiques comme les maux de coeur
et des maux de ventre. Ils sentent le besoin de demeurer à la maison avec
les parents. Il est fréquent de voir apparaître ces symptômes le dimanche
soir ou le lundi matin avant la rentrée en classe. Plusieurs de ces enfants
sont vus par les médecins de famille à cause des symptômes physiques.
Dans la majorité des cas, tous les examens sont négatifs.
Existe-t-il un portrait type des parents d'enfants qui souffrent de phobie
scolaire? Des études récentes n'ont pas réussi à trouver une constellation
familiale particulière chez ces enfants.

Certaines recherches rapportent que 50 % des mères sont surprotectrices,


trop indulgentes et dominées par leurs enfants. Ces derniers ont le contrôle
à la maison et mènent tout le monde par le bout du nez.

C'est le cas d'un enfant de sept ans qui se comportait en véritable tyran à la
maison. Il faisait tout ce qu'il voulait; lorsqu'il n'avait pas immédiatement ce
qu'il désirait, il faisait une crise épouvantable. Sa mère n'osait jamais
intervenir de peur de brimer l'enfant et de le traumatiser.

Ce même enfant manifestait par contre une frousse terrible de l'école parce
que, disait-il, le professeur et les élèves étaient méchants avec lui. La vérité
était qu'il ne faisait pas tout ce qu'il voulait à l'école: on imposait des limites
normales à son comportement. Cet enfant était donc un tyran à la maison et
un peureux à l'école.

On peut aussi trouver le portrait opposé et être en présence d'une mère


sévère, dominatrice et d'un enfant timide, gêné. La crainte de la mère
s'étendra à l'institutrice et aux compagnons de classe. quant aux pères de ces
enfants, 50 % sont inadéquats, passifs et ne s'occupent pas de leurs enfants.

L'AGORAPHOBIE

Le terme agoraphobie fut inventé par Westphal en 1871 pour décrire un


syndrome particulier retrouvé chez trois de ses patients. Ces derniers
l'avaient consulté parce qu'ils avaient développé une terreur soudaine et
inexplicable lorsqu'ils se trouvaient dans différents endroits. Cette terreur
survenait particulièrement dans la rue et sur les places publiques.

L'agoraphobie se définit donc comme une peur d'une variété d'endroits o˘

le sujet ressent une crainte inexplicable et un urgent besoin de fuir vers un


lieu o˘ il se sent en sécurité. On peut aussi définir l'agoraphobie comme une
peur importante lorsqu'un sujet se retrouve seul ou dans un endroit public
d'o˘ il lui serait difficile de s'échapper ou de trouver du secours en cas de
malaise subit.

Le terme agoraphobie vient de deux racines grecques, agora et phobos;


l'agora étant la place publique

et Phobos, le dieu de la guerre qui sème la terreur et la panique dans le


coeur de ses ennemis.

Les situations les plus fréquemment évitées par les agoraphobes sont les
foules, les grands magasins, les tunnels, les ponts, les ascenseurs et les
transports en commun. L'‚ge d'apparition de cette phobie se situe
habituellement aux alentours de 20 ans, mais il arrive que les troubles
agoraphobiques débutent plus tard. Ce problème se retrouve plus souvent
chez les femmes.

Le développement de cette phobie diffère d'un cas à l'autre et


malheureusement, lorsqu'ils consultent, plusieurs agoraphobes sont déjà

très handicapés dans leur vie personnelle, professionnelle et sociale. Il n'est


pas rare de constater qu'en quelques semaines après le début de la maladie,
plusieurs patients ne sortent plus de la maison, incapables d'affronter

toute situation. Ils ressentent un état de panique presque continuel.

Pour d'autres malades, l'agoraphobie se développe plus insidieusement et la


présence d'un compagnon diminue l'anxiété. De fait, comme bien d'autres
maladies, l'agoraphobie ne suit pas toujours un cours bien défini.

Chez certains agoraphobes, le cours de la maladie fluctue avec des périodes


aiguÎs et des périodes d'accalmie La première attaque peut alors survenir à
la suite d'une expérience traumatisante comme un divorce, le décès d'un
parent, la perte d'un emploi. La phobie se manifeste alors quand les
ressources

émotionnelles sont amoindries et que l'anxiété domine la vie du sujet.

Enfin, dans de rares cas, l'épisode


d'agoraphobie dure peu de temps. La rémission arrive de façon spontanée,
ou le sujet ne connaît de rechute qu'après plusieurs années sans problème.

Par contre, il est maintenant connu que la rémission spontanée est


inhabituelle lorsque le sujet souffre d'agoraphobie depuis plus d'un an.

Au contraire, l'état du malade continue de se détériorer; le sujet est de plus


en plus restreint à son domicile et n'ose vraiment plus affronter l'extérieur.
A moins d'être traité, l'individu atteindra rapidement un état
d'immobilisation totale. Ainsi, la présence simultanée de dépression et
d'anxiété importante demeure. C'est alors qu'apparaîtront
vraisemblablement des épisodes de panique et de dépression.

Existe-t-il une personnalité typique de l'agoraphobe? Aucune étude ne


rapporte des traits de personnalité particuliers chez ce type de phobiques.

Les cliniciens rapportent qu'en général ces malades sont imaginatifs, qu'ils
sous-estiment leur valeur et leurs capacités et se fixent des buts souvent
irréalistes. De

nature consciencieuse, ils sont exigeants pour eux-mêmes et


perfectionnistes. Plusieurs agoraphobes rapportent qu'ils étaient anxieux et
nerveux au cours de leur enfance et constamment habités d'insécurité.

quant à la constellation familiale, certains agoraphobes mentionnent que


leurs parents les surprotégeaient; par contre, d'autres parents ridiculisaient
leurs enfants quand ils affichaient des peurs tout à fait normales, comme si
la peur n'était pas permise dans la famille.

LA PHOBIE SOCIALE

La phobie sociale est une peur persistante et irrationnelle de toute situation


dans laquelle le sujet peut être observé attentivement par une personne. La
personne qui en est atteinte a peur de se conduire d'une façon humiliante ou
embarrassante devant les autres. Le phobique social est donc aux prises
avec une anxiété importante lorsqu'il est confronté
avec la nécessité d'affronter une situation d'ordre social. Somme toute, la
phobie sociale équivaut à une image extrêmement grossie de la timidité.

Les exemples de phobies sociales ne manquent pas. Pour certains, c'est la


peur d'utiliser les toilettes publiques et pour d'autres, c'est la peur de rougir
en public, de vomir en présence d'autres personnes ou d'écrire à

la vue du public. Dans toutes ces situations, le sujet a peur que les autres
s'aperçoivent de ses manifestations anxieuses.

Par exemple, une jeune fille craignait d'écrire en présence d'autres


personnes; elle redoutait que celles-ci remarquent le tremblement de ses
mains et lui posent des questions embarrassantes sur ses tremblements.

Elle avait tellement peur de trembler qu'elle prenait un comprimé de Valium


et une bouteille de bière avant de se rendre à la banque simplement pour
signer son nom sur son bordereau de dépôt. En plus, elle choisissait
méticuleusement le moment o˘ peu de clients visitaient la banque.

Le phobique social présente donc une anxiété élevée qui l'accable


quotidiennement et le fait d'éviter la situation provoque en soi une gêne
considérable.

La jeune fille dont nous venons de parler a renoncé à un voyage qui


nécessitait la confrontation avec sa phobie. Elle n'a pas pu partir en voyage
car il lui était impossible de signer un chèque de voyage en face d'autres
personnes.

Comme dans la plupart des autres phobies, le patient atteint de ce problème


a tendance à abuser d'alcool et de médicaments contre l'anxiété.

LA PHOBIE SIMPLE

Au début du siècle, les psychiatres ont compilé une liste de diverses phobies
simples en utilisant la racine grecque ou latine avant le mot phobie pour
désigner une phobie particulière.
La liste suivante regroupe les phobies simples les plus communes;
l'acrophobie ou la peur des hauteurs, la claustrophobie ou la peur des
espaces fermés, la xénophobie ou la peur des étrangers, la zoophobie ou la
peur des animaux, l'éreuthophobie ou la peur de rougir, l'aquaphobie ou la
peur de l'eau, la brontophobie ou la peur du tonnerre et l'hématophobie ou la
peur du sang.

quel que soit le type de phobies, dans la phobie simple, le sujet cherche
aussi à éviter à tout prix une situation spécifique ou un objet particulier. La
phobie simple est sans aucun doute la plus répandue dans le monde et elle
survient à n'importe quel ‚ge. Par contre, la plupart des phobies simples qui
débutent dans l'enfance tendent à disparaître sans traitement.
Malheureusement, celles qui persistent jusqu'à l'‚ge adulte guérissent
rarement sans traitement approprié.

Comme pour toutes les autres phobies, quand le patient est confronté avec
sa peur, il devient appréhensif et ressent les symptômes que nous avons déjà
énumérés.

chapitre 7

PHOBIE ET D…PRESSION

La dépression est une maladie fréquente puisque des études européennes et


américaines indiquent qu'approximativement 20 % des femmes et 10 % des
hommes adultes connaissent un épisode de dépression au cours de leur vie.

Malgré l'incidence élevée

de ce problème, la dépression est encore très mal connue du public. Une des
raisons qui peut expliquer en partie la confusion avec la dépression est qu'il
existe souvent un chevauchement entre l'anxiété et la dépression En effet,
bien souvent les symptômes d'anxiété sont des manifestations courantes des
maladies dépressives et la dépression est une complication fréquente des
troubles anxieux. Comme les phobies font partie des troubles anxieux, il
arrive donc que des épisodes dépressifs surgissent comme une complication
de la phobie. Pour cette raison, nous avons cru bon réserver un chapitre à la
dépression,
afin de faire la lumière sur ce sujet et de parler de sa relation avec les
phobies.

Chacun de nous a ressenti au moins un état dépressif léger à un certain


moment; cela fait partie du cours normal de la vie. On se sent déprimé

quand les choses vont mal, quand nos plans échouent, lorsqu'on a des
problèmes avec un parent, un enfant

ou un ami, ou encore quand une personne importante dans notre vie décède.

Il n'est donc pas étonnant

d'entendre fréquemment "j'ai fait une dépression quand ma mère est morte",

"quand mon ami m'a quittée", "au moment o˘ j'ai perdu mon emploi". Dans
certains cas, il s'agit véritablement d'une dépression.

Par contre, pour la plupart d'entre nous, c'est tout simplement un état de
tristesse et d'abattement suite à un coup dur de la vie. On constate aussi que
la tristesse et l'abattement ne sont pas nécessairement synonymes de
dépression. Toutefois, quand le désappointement, la frustration ou la perte
sont plus graves et que la réaction est plus intense et persistante, on
commence à penser à la dépression.

qu'est-ce alors qu'une vraie dépression? Pour parler de dépression, les trois
caractéristiques suivantes doivent être présentes de façon persistante:
premièrement, l'humeur dépressive, c'est-à-dire un état de malaise intérieur
important; deuxièmement, une perte marquée d'intérêt pour toute activité
habituelle et tout plaisir dans la vie; troisièmement, la présence de
symptômes physiques caractéristiques.

Parmi ces symptômes, nous retrouvons une diminution de l'appétit et du


poids, des troubles du sommeil qui se manifestent par une difficulté à

s'endormir ou un réveil très matinal, une diminution de l'énergie, c'est-à-dire


que la personne ne fait presque rien durant la journée, se sent toujours
extrêmement fatiguée et éprouve des difficultés de concentration et
d'attention. Le malade a alors de la difficulté, par exemple, à lire et à
regarder la télévision; il n'est plus capable de suivre son émission préférée
et quand il lit un livre ou le journal, il recommence deux ou trois fois le
même paragraphe et ne se souvient plus de ce qu'il a lu exactement. Il
survient également beaucoup

de culpabilité chez le déprimé: par exemple, une mère de famille peut s'en
vouloir de ne pas avoir préparé un bon repas pour ses enfants et de ne pas
être une bonne épouse. A cause de la culpabilité, la personne déprimée se
fait des reproches pour des choses qui sont généralement très anodines. Le
malade déprimé

pense également à la mort et souhaite secrètement en finir avec ses jours.

Le déprimé se décrira habituellement comme un être triste, sans espoir,


découragé, et "au bout de son rouleau". Au point de vue objectif, il présente
un visage triste et morose, une attitude tendue et crispée. Il parle de la mort
comme si c'était un soulagement. Certains déprimés présentent des
préoccupations excessives à propos de leur santé; au moindre petit malaise,
le malade peut avoir peur d'un cancer quelconque, d'une attaque de coeur ou
de toute autre maladie fatale.

Voyons plus en détail les divers symptômes reliés à un état dépressif.

TABLEAU DES SYMPTOMES D…PRESSIFS

A) Caractéristiques émotionnelles

L'humeur dépressive

L'humeur dépressive se manifeste par une vision pessimiste qu'a l'individu


de lui-même et de l'environnement. C'est plus qu'un état de tristesse, c'est
une douleur morale intense. "Ce n'est pas tellement que je me sente triste,
mais c'est que ça fait mal en dedans", disait un patient.

L'irritabilité
Le sujet déprimé devient contrarié à la moindre petite anicroche. Une mère
déprimée aura beaucoup de difficulté à endurer son enfant en train de jouer
dans la cuisine; pour un rien, l'enfant lui tombe sur les nerfs et la rend
irritable alors qu'en temps normal elle participe même aux activités de son
enfant.

La perte d'intérêt

Le malade déprimé voit réduire sa capacité de jouir des choses plaisantes de


la vie et il présente une perte d'intérêt marquée pour ses activités
habituelles. Un homme d'affaires influent ne mettait même plus les pieds à
son bureau et se disait complètement désintéressé par son entreprise.

Le manque d'entrain et d'énergie

Alors qu'auparavant le sujet pouvait être très énergique et accomplir de


nombreuses t‚ches durant la journée, la moindre petite activité abat le
déprimé pour quelques jours et l'affaisse considérablement. Même manger
devient un effort.

Le retrait émotionnel

Dans un état dépressif, le malade a tendance à fuir les contacts avec les
autres; il est plutôt porté à se retirer, à rester seul dans son coin, à ne pas
parler et à ruminer ses problèmes.

La préoccupation de la mort

Le sujet déprimé est préoccupé par la mort. Il mentionne souvent que la vie
ne vaut pas la peine d'être vécue, il lui arrive même de souhaiter la mort,

et il peut avoir des idées et des plans pour mettre fin à ses jours. Le malade
raconte souvent que tant qu'à ne plus avoir d'intérêt dans la vie et
continuellement se sentir triste et accablé, il préférerait plutôt en finir.

B) Caractéristiques psychologiques

La tendance à se bl‚mer et à se critiquer sévèrement Le déprimé a tendance


à se bl‚mer et à se critiquer trop sévèrement pour des peccadilles ou des
erreurs du passé. Ainsi, le père de famille qui souffre de dépression se voit
comme un mauvais père, et pense que ses enfants seraient beaucoup plus
heureux si un autre homme prenait soin d'eux.

Le pessimisme et le désespoir

Le malade en pleine dépression a une vision complètement pessimiste et


désespérée du passé, du présent et du futur. Il se voit comme une personne
qui ne s'en sortira jamais et qui ne verra jamais le bout du tunnel. Même
lorsqu'un traitement lui est offert, il peut arriver qu'il ne croie pas que la
thérapeutique peut l'aider, tellement il se sent au fond de l'abîme.

La distraction et le manque de concentration

On remarque souvent chez le malade déprimé une tendance à être


facilement distrait et à présenter de la difficulté à se concentrer. Lors d'une
conversation, en regardant la télévision, ou en lisant, le sujet se dit
incapable de se concentrer; il perd le fil de ses idées et rapporte que cela lui
est très désagréable. C'est en partie pour cette raison que le déprimé cherche
à se retirer et à fuir le contact social.

L'incertitude et l'indécision

En phase dépressive, il devient difficile pour le sujet de passer à

l'action car il est bien souvent incertain et indécis à propos de tout et de


rien. Le malade n'a plus confiance en lui et craint que ses décisions
n'entraînent des conséquences f‚cheuses. Au cours d'un épisode dépressif,
un agent immobilier était devenu tellement indécis qu'il avait mis des jours
à se décider à faire changer les pneus de sa voiture.

La préoccupation au sujet de la santé

Il arrive que le déprimé soit constamment préoccupé au sujet de sa santé

et le moindre malaise physique devient pour lui un signe d'une maladie


grave. Par exemple, un malade qui souffrait de maux de tête était convaincu
d'avoir une tumeur cérébrale.
Les pertes de mémoire

Enfin, le malade qui souffre de dépression se plaint fréquemment de pertes


de mémoire importantes. Il a tendance à oublier des choses utiles, le nom de
ses amis ou d'une ville qu'il a visitée récemment.

C) Caractéristiques physiques

La fatigabilité

La fatigabilité est toujours présente chez le malade déprimé. Pour la


ménagère, préparer un repas ou faire la lessive lui paraît une montagne;
lorsqu'elle réussit à exécuter ces t‚ches, elle est par la suite complètement
épuisée et incapable d'entreprendre une autre activité au cours de la journée.

L'insomnie ou l'hypersomnie

On retrouve chez la personne dépressive une insomnie importante ou une


hypersomnie, c'est-à-dire que le sujet dort beaucoup plus longtemps que
d'habide. L'insomnie se manifeste par une difficulté à pouvoir s'endormir
avant deux ou trois heures; le sujet se réveille souvent au cours de la nuit et,
dès l'aube, est réveillé. Le sommeil n'est pas réparateur: il est

raccourci et agité, ce qui augmente d'autant plus la fatigue dès le réveil.

L'anorexie

Anorexie veut dire perte ou diminution de l'appétit; c'est un autre symptôme


relié à la dépression. Le malade déprimé mange très peu et saute
fréquemment des repas. A l'extrême, quand il mange, la nourriture peut
avoir un très mauvais go˚t. Il n'est donc pas étonnant qu'à cause de
l'anorexie, la perte de poids survienne rapidement. En quelques semaines à

peine, le malade peut perdre facilement plus de cinq kilos.

Le retard psychomoteur

Comme le terme l'indique, le ralentissement psychomoteur veut dire une


diminution du rendement intellectuel et une diminution des gestes et des
mouvements. Pour le malade déprimé, tout fonctionne au ralenti: sa pensée
et son langage sont lents et ses

gestes sont ralentis. Le malade semble apathique, engourdi et nonchalant.

La diminution du désir sexuel

Enfin, les fonctions sexuelles ne sont pas épargnées chez l'individu


déprimé. La sexualité n'a plus

d'attrait et le désir sexuel est fréquemment diminué. Il peut en résulter de


l'impuissance chez l'homme et de la frigidité chez la femme.

D…PRESSION ET PHOBIE

Existe-t-il vraiment une relation clinique entre la dépression et la phobie?


Comme le rapporte le professeur Marks, les phobies, comme les autres
symptômes névrotiques, surviennent dans une variété de conditions
cliniques.

quand un malade se présente avec une phobie, une histoire psychiatrique


complète est essentielle pour vérifier si la phobie est effectivement le
problème principal. Le phobique qui n'en peut plus peut devenir déprimé,
mais une phobie peut commencer ou

s'aggraver lors d'un épisode dépressif. Nous savons maintenant que


l'anticipation est un mécanisme important dans la phobie. Avant d'affronter
une situation, le phobique anticipe ce qui va se passer et comment il va
réagir. L'anxiété est donc à un niveau élevé. Or, celle-ci peut aussi être
responsable de symptômes physiques qui ressemblent à ceux observés chez
les

malades déprimés.

Comme le déprimé, le phobique peut se plaindre de difficultés à

s'endormir, de mauvaise concentration, d'indécision et de tension


musculaire. A cet égard, on remarque une similarité entre la phobie et la
dépression.
Reprenons l'exemple de l'agoraphobie. Les agoraphobes qui présentent des
attaques de panique deviennent démoralisés à la longue. Les attaques de

panique répétées et l'évitement de toute concentration de personnes


conduisent au manque de confiance, au découragement et au désespoir. Ils
abandonnent tout espoir de guérir et de retrouver une vie normale. Par
contre, plusieurs de ces malades ne manifestent ni l'humeur dépressive, ni la
perte d'intérêt et de plaisir des déprimés. Toutefois, dans plusieurs cas, la
dépression survient; elle est causée par la nature restrictive et décourageante
de leur problème de même que ses conséquences sur leur vie familiale et
sociale. A ce moment, la dépression devient un résultat naturel. En ce sens,
la dépression n'est pas alors le problème central mais plutôt une
conséquence ou une complication de la phobie. Les symptômes de
dépression sont secondaires au problème phobique et rendent le traitement
plus difficile. Les phobiques ont donc tout intérêt à consulter tôt; le
pronostic de la maladie s'en trouve amélioré et le malade peut au moins
éviter les désagréments de la dépression.

chapitre 8

LE TRAITEMENT DES PHOBIES

Vous connaissez maintenant les différentes théories qui expliquent les


causes et le développement des phobies. A ce stade, vous vous demandez
s˚rement quels traitements s'appliquent pour ce genre de problème. Disons
tout de suite qu'il existe maintenant des traitements efficaces pour les
malades qui souffrent d'une ou de plusieurs phobies et qu'une guérison
complète est possible. Comme on le verra plus loin, plusieurs types de
traitements sont disponibles mais il s'agit de trouver la meilleure thérapie
pour chaque cas particulier. Bien plus, il est possible d'administrer à un
sujet différents traitements simultanément et ainsi obtenir une efficacité
encore plus

grande. L'expérience et les connaissances du thérapeute sont donc très


importantes dans le traitement des malades phobiques.

Le tableau suivant montre les deux types de traitement actuellement offerts


aux phobiques.
A) Traitement curatif

1 .Thérapies comportementales ou béhaviorales a) La désensibilisation


systématique

b) L'immersion

c) L'apprentissage par imitation

2. Thérapie d'orientation analytique

3. Thérapie cognitive

B) Traitement symptomatique

La médication

1. médicaments contre l'anxiété ou anxiolytiques 2. médicaments


antidépresseurs

Avant de parler de façon précise de chaque traitement, soulignons que la


compréhension de la maladie demeure la première étape du traitement.

Autrement dit, une personne qui connaît les causes et le développement des
phobies possède déjà des informations très précieuses. Pour elle, les
phobies ne sont plus des phénomènes incompréhensibles et mystérieux.
Bien au courant du sujet, cette personne peut non seulement détecter les
premiers signes et symptômes d'une phobie autant chez elle que chez les
autres, mais elle peut se présenter chez un professionnel de la santé ou
diriger quelqu'un vers un traitement au début de la maladie. Dès le départ, le
pronostic ne s'en trouve qu'amélioré. Pour les cas plus graves, sa
compréhension des phobies l'amènera à mieux soutenir les malades qui
souffrent à cause de ce problème.

Le second point d'importance avant le traitement demeure l'évaluation


détaillée et soignée du malade par un professionnel de la santé mentale.

Lors de l'évaluation, le clinicien doit s'informer sur les aspects suivants:


début de la phobie, stratégies utilisées pour combattre ce problème,
évolution de la vie personnelle, familiale et sociale du malade en regard de
sa

phobie et façons d'éviter la phobie et l'anxiété pour le malade. La


connaissance de son problème par le malade de même qu'une bonne
évaluation clinique permettront de choisir le ou les traitements les plus
efficaces parmi l'arsenal thérapeutique.

LES TH…RAPIES COMPORTEMENTALES OU B…HAVIORALES

Dans les thérapies comportementales, appelées thérapies béhaviorales au


québec, il existe plusieurs techniques spécifiques pour le traitement des
phobies, mais les trois plus importantes sont la désensibilisation
systématique, l'immersion et l'apprentissage par imitation.

a) La désensibilisation systématique

Cette technique fut mise au point dans les années 1960 par le psychiatre
américain joseph Wolpe. Pratiquement, elle consiste d'abord à préparer une
hiérarchie des peurs du malade et à lui enseigner une technique de
relaxation.

Cette étape franchie, le thérapeute demande au malade de s'imaginer, sous


relaxation, la situation la moins apeurante de façon répétée jusqu'à

ce qu'il puisse tolérer cette image sans anxiété. Progressivement, toujours


sous relaxation, le malade imagine des situations dans lesquelles il est
habituellement plus

anxieux. Il n'est pas important de posséder à fond une technique de


relaxation pour faire de la désensibilisation systématique, mais il faut au
moins que le sujet se sente complètement relaxé mentalement.

Au cours des séances, le malade est informé des scènes qui lui seront
présentées et il doit indiquer, lorsque l'image mentale d'une scène est
obtenue, s'il ressent de l'anxiété ou s'il peut la tolérer facilement.
L'apparition de la moindre anxiété, lors de la présentation d'une image,
oblige le thérapeute à recommencer la même scène plusieurs fois jusqu'à ce
que le

malade se sente complètement calme tout en visualisant une scène dont il


avait peur auparavant. Si l'anxiété est trop marquée, cette image doit être
retirée et substituée par une autre qui génère moins d'anxiété.

Lorsque le malade est capable de tolérer

quelques scènes phobiques en imagination, il peut alors entrer en contact


réel avec sa phobie tout en se relaxant le plus possible.

Enfin, le thérapeute recommande habituellement au malade de ne pas entrer


en contact avec les situations phobiques qui n'ont pas encore été

visualisées en imagination puisque toute expérience d'anxiété excessive et


d'évitement peut augmenter la phobie plutôt que l'améliorer.

Le traitement par désensibilisation systématique dure en moyenne de 12 à

15 séances au rythme d'une séance de 30 à 40 minutes par semaine. Cette


méthode de traitement présente par contre cinq difficultés possibles. Tout
d'abord, certains sujets ont de la difficulté à apprendre une technique de
relaxation; d'autres ont beaucoup de misère à visualiser les scènes
phobiques

dans leur tête. Il peut aussi arriver qu'il se présente des difficultés à

faire décrire exactement au malade la gradation de ses peurs pour les placer
en ordre hiérarchique. Dans de rares cas, des phobies déjà

désensibilisées peuvent réapparaître à nouveau. Finalement, le manque de


coopération du malade représente certes la difficulté la plus grande.

L'exemple du cas suivant illustre bien le traitement par la désensibilisation


systématique. Il s'agit d'un homme d'affaires de 45 ans qui consulte avant de
se décider à quitter son emploi à cause de sa phobie de l'avion. Utilisant à
maintes reprises ce moyen rapide de transport, il s'est aperçu que, depuis les
cinq dernières années, il était extrêmement anxieux avant et pendant chacun
de ses voyages en avion. Il note même que, depuis deux ans, il doit prendre
des Valium au moins une semaine avant le départ et, dès son arrivée à
l'aéroport, il ingurgite une énorme quantité d'alcool pour "faire le voyage en
semi-coma".

Deux événements importants sont survenus dans les derniers temps. Six
mois auparavant, il planifie de prendre des vacances dans le Sud avec son
épouse et sa famille. Peu avant le départ à l'aérogare, il se sent si mal qu'il
décide de ne pas partir avec sa famille. quatre mois plus tard, il fait une
nouvelle tentative. Cette fois, sa femme partirait dans un avion, et lui et ses
fils prendraient le vol suivant. A nouveau, il est incapable de monter à bord
de l'avion, laissant ses fils aller rejoindre leur mère. Il croit qu'il ne lui sera
jamais possible de prendre l'avion à nouveau et, comme il doit voyager pour
sa compagnie, il préfère démissionner plutôt que d'avouer son problème et
perdre son emploi.

Le thérapeute convient d'un plan de traitement avec lui. Tout d'abord, il lui
conseille d'acheter un disque qui contient des instructions de relaxation et
de l'écouter, en position couchée, deux fois par jour pendant une semaine
afin de se relaxer et d'apprendre les instructions par coeur.

La semaine suivante, il doit suivre la même procédure mais faire les


exercices de relaxation par lui-même, sans le disque. Un rendez-vous lui est
donné au début de la troisième semaine et, ce pour 15 semaines
consécutives pour faire la désensibilisation systématique. La hiérarchie
suivante a été élaborée en accord avec le patient.

1. je décide de faire un voyage en avion dans deux mois.

2. je me rends à l'agence de voyage pour des informations.

3. J'achète les billets d'avion.

4. je suis à un mois du départ.

5. je délègue mes responsabilités deux semaines avant le départ.


6. je suis à une semaine du départ.

7. J'avertis les gens de mon bureau de mon départ dans les jours qui
viennent.

8. je prépare mes valises.

9. La veille du départ, je conclus mes dernières affaires et j'avertis les gens


au sujet de mes vacances.

10. Le matin du départ, je prends ma douche et je m'habille pour partir pour


l'aéroport.

11. je conduis ma voiture, en route pour l'aéroport.

12. J'attends au comptoir de la compagnie aérienne.

13. je passe la douane.

14. On annonce le départ.

15. je suis les autres passagers vers l'avion.

16. je prends mon siège dans l'avion.

17. Nous roulons vers la piste d'envol.

18. Nous amorçons le décollage.

19. L'avion monte et atteint son plateau d'altitude.

20. Nous atteignons notre vitesse de croisière.

21. On annonce la descente.

22. Nous amorçons l'atterrissage.

23. L'avion vient d'atterrir.


24. Les passagers sortent de l'avion.

A chaque séance, le sujet doit imaginer une ou deux de ces scènes sous
relaxation. Entre les séances, l'individu continue à pratiquer ses exercices de
relaxation

deux fois par jour. Une semaine après la fin du traitement, le patient
s'envole seul vers Londres. Un télégramme reçu par le thérapeute indique
que le voyage s'est fait sans anxiété, sans Valium et sans alcool. Au retour,
le sujet prend aussitôt des dispositions pour faire un autre voyage. Un an
plus tard, il

voyage tout autant et a eu une promotion.

b) L'immersion

Le principe de cette technique est simple et tout le contraire de la


désensibilisation systématique. Le patient doit vivre sa phobie aussi
intensément que possible jusqu'à ce que, finalement, elle devienne tolérable.
Le patient est donc littéralement immergé dans ses symptômes, en
imagination d'abord et en pratique dans un second temps.

En se basant sur le principe que les phobies sont des comportements appris
(rappelez-vous du cas du petit Albert) et qu'elles continuent à se manifester
à cause de l'évitement de la situation anxiogène, le docteur Stampfl
préconise, en 1967, de placer le malade dans ce contexte pendant un certain
temps. Selon lui, le malade apprend aussi à contrôler son anxiété

et par conséquent le comportement inadapté s'éteindra par lui-même.

Dans un premier temps, dans l'immersion imaginaire, on demande au


malade de s'imaginer dans la situation phobique et de vivre dans son esprit
tous les symptômes qu'il ressent.

Dans un second temps, lors de la période pratique du traitement, le


thérapeute tente à nouveau
d'obtenir le maximum d'anxiété chez le malade en le mettant directement en
présence de l'objet phobique.

L'immersion diminue les peurs parce que cette technique empêche le


malade d'éviter sa phobie, mais elle agit aussi en permettant au sujet de se
laisser aller à une décharge émotionnelle importante. Il est étonnant de
constater que certains patients considèrent ce traitement comme un défi à
relever et s'exposent à l'objet phobique souvent pour la première fois depuis
plusieurs années.

De nos jours, seule l'immersion en pratique est utilisée et la technique


s'applique de façon moins draconienne car nous savons maintenant que le
thérapeute peut obtenir d'aussi bons résultats sans augmenter de façon indue
l'anxiété du malade. Par contre, son attitude doit être ferme, mais
compréhensive et encourager le malade lors de ses réussites, afin de
renforcer le bon comportement.

Comme on peut le constater, contrairement à la désensibilisation


systématique qui est une exposition progressive à la situation phobique avec
relaxation, l'immersion est une exposition subite et prolongée à la phobie et
ce, sans relaxation.

L'immersion donne des résultats plus rapides que la désensibilisation


systématique pour la plupart des phobies et la technique est moins
ennuyante à administrer pour le thérapeute. Pour une phobie simple, le
traitement par immersion peut se faire en trois heures alors qu'il faudra de
dix à quinze heures de traitement par désensibilisation systématique pour
obtenir les mêmes résultats.

Par contre, pour certaines phobies, il est impossible d'appliquer l'immersion.


Par exemple, dans le cas de la phobie de l'avion que nous venons de décrire,
il est impossible de faire de l'immersion puisqu'aucun thérapeute ne possède
d'avion de type Boeing 727 ou 767 et que la plupart du temps il lui est
impossible d'accompagner le malade pour un long voyage.

Il est par contre facile de trouver des chiens et des chats pour le traitement
de ces phobies, des ascenseurs sont disponibles pour ceux qui ont ce
problème et on peut se rendre dans les centres commerciaux, dans les
amphithé‚tres et les cinémas pour traiter l'agoraphobie.

Voici un exemple cocasse et en même temps tragique. Un homme de 32 ans


avait une phobie du tonnerre tellement débilitante qu'à la moindre nouvelle
d'un orage annoncé par la météo, il devenait très anxieux, fermait les
fenêtres et les tentures et ne quittait pas son domicile tant que la météo
n'annonçait pas du beau temps. Il trouvait son problème ridicule et le
rendait responsable de ses crises d'anxiété et de ses nombreux jours
d'absentéisme au travail. Comme le thérapeute ne pouvait commander des
éclairs et du tonnerre à volonté, il pensa obtenir des résultats avec
l'immersion et décida d'utiliser des effets sonores en laboratoire. A l'aide
d'un système de son en stéréophonie, il fit donc entendre au patient, pendant
plus d'une heure, des bruits d'éclairs et de tonnerre enregistrés sur disque.

Au cours de ce traitement, le sujet ne présenta aucun signe d'anxiété et à la


fin il déclara: "Je n'ai eu aucune peur parce que ce n'est pas du vrai tonnerre.
" Pour ces raisons bien pratiques, le thérapeute décida donc de
recommencer le traitement et d'utiliser

la désensibilisation systématique. Par chance, deux jours avant la première


séance, le patient téléphona au clinicien pour lui dire qu'il lui serait
impossible de se présenter à son rendez-vous parce qu'on annonçait un
orage électrique. Le thérapeute eut alors l'idée de dire au patient que, dès
que le ciel se mettrait à se couvrir, il devait prendre un taxi et venir le
rejoindre à la clinique. Le lendemain, le sujet arrivait en trombe chez son
thérapeute. Deux heures plus tard, alors que le ciel se fendait d'éclairs et que
le tonnerre se faisait entendre de plus belle, le clinicien et son patient se
retrouvaient tous deux dehors en face de la clinique, en plein orage. Malgré
son anxiété très élevée et sa peur terrible, le sujet fit face à sa phobie pour la
première fois de sa vie pendant un total de 40 minutes au cours de cette
séance pratique d'immersion. Il fut averti que dorénavant, à chaque orage
électrique, il devait répéter cette méthode par lui-même puisqu'il n'y avait
aucun danger réel. Le malade suivit la consigne et se débarrassa de son
problème au cours de l'été. Depuis ce temps, il rapporte que sa vie a
complètement changé. Finie l'anxiété provoquée par la moindre nouvelle
d'un orage à la radio, finie la claustration à la maison et finies les absences
au travail.

c) L'apprentissage par imitation

Il est indéniable que l'être humain apprend beaucoup en observant les


comportements des autres et en les imitant par la suite. Même si nous avons
tendance à imiter les bons points chez les autres, nous avons
malheureusement tendance à aussi imiter parfois les mauvais
comportements.

Cette façon de se comporter s'observe clairement dans l'enfance: l'enfant


apprend les bonnes et les mauvaises habitudes de ses parents. Il peut donc
devenir lui-même phobique parce qu'il voit l'apparence terrifiée et le
comportement d'évitement d'un parent, d'un frère ou d'une autre personne
dans certaines situations.

Comme la nature fait bien les choses, l'Américain Bandura a cru bon de
développer la technique d'apprentissage par imitation pour réapprendre au
phobique un comportement normal. Dans cette technique, le thérapeute
précède le sujet dans la situation phobique et il lui sert de modèle.

Cette technique joue un rôle accessoire dans le traitement des phobies chez
les adultes, mais elle est extrêmement utile pour les phobies chez les
enfants, car elle peut même être utilisée par les parents eux-mêmes.

Un père de famille qui avait lu un reportage sur cette technique a entrepris


de traiter la phobie des chiens de son fils de cinq ans. A la vue des chiens,
l'enfant était tout simplement horrifié, probablement parce qu'il avait été
mordu par un jeune chien un an plus tôt.

Dans un premier temps, le père se rendit dans un chenil et s'amusa avec des
chiens pendant que l'enfant demeurait dans l'automobile. Le lendemain, il
emprunta un chien nouveau-né à un ami et, en disant à son fils de rester à
distance, il s'amusa avec le chiot pendant cinq minutes. Très hésitant au
début, l'enfant s'approcha lentement et réussit à flatter l'animal en même
temps que son père. Deux jours plus tard, le père arriva à la maison avec un
épagneul et recommença le même stratagème. Aussitôt qu'il aperçut le
chien l'enfant fut un peu étonné. Toutefois, il réussit non seulement à

le caresser, mais à courir après lui. Le père recommença la même méthode


le lendemain,

mais il se tint plus à distance de l'animal. Il remarqua que l'enfant appréciait


déjà le contact avec le chien et que sa peur était presque disparue. Après
une dernière séance o˘ le père laissa l'enfant seul avec le chien dans la cour
sans problème, il décida d'acheter un jeune chien pour son fils. Il se rendit
dans un chenil o˘ l'enfant choisit lui-même l'animal. Depuis lors, le
problème a disparu et l'enfant est très attaché

à son chien.

Conditions du traitement par les techniques de thérapie comportementale


Avant de commencer un traitement par une technique de thérapie
comportementale, il faut respecter certains critères de sélection. Selon le
professeur Marks, les critères suivant sont les plus appropriés.

Tout d'abord, le malade ne doit pas montrer de signes de dépression sévère,


sinon un traitement par des médicaments antidépresseurs devrait être donné
en premier lieu.

quand le sujet consomme beaucoup d'alcool ou prend des doses importantes


de médicaments contre l'anxiété, l'ingestion de ces produits doit être réduite
à des niveaux acceptables, ou mieux, le malade doit cesser toute prise de
médication ou d'alcool.

Les maladies physiques comme les maladies cardiaques, l'asthme et les


ulcères peuvent être aggravées si le patient se sent très anxieux. L'état
physique du malade contribue donc à la décision du type de technique à

utiliser. Par exemple, s'il souffre d'asthme ou de maladie cardiaque, le


thérapeute optera pour une technique o˘ l'exposition à la situation phobique

se fait plus graduellement, comme la désensibilisation systématique.


Toutefois, si le patient est en bonne forme, une anxiété élevée lors de la
confrontation avec la phobie, comme dans l'immersion, n'est, par exemple,
pas dangereuse physiquement ou mentalement. Les phobies du sujet
doivent toucher à des objets ou des situations spécifiques; on entend par là
que le malade doit avoir une peur précise et identifiable et non pas des
peurs vagues et diffuses. Non seulement le problème du malade doit-il être
défini de façon précise, mais celui-ci doit pouvoir indiquer des buts
spécifiques qu'il veut atteindre avec le traitement.

Enfin, comme le traitement consiste toujours en des exercices d'exposition à


la phobie, le patient doit être en accord pour investir le temps et l'effort
nécessaires pour surmonter ses difficultés et constater une différence
tangible dans sa vie; les membres de sa famille, une copine ou un ami
peuvent servir de cothérapeutes pour aider le sujet dans son traitement et lui

apporter tout le support nécessaire.

Stratégies à être utilisées par le malade au cours du traitement Le malade


doit s'attendre à travailler fort au cours du traitement afin de régler son
problème. Il mettra sur papier l'énumération de ses troubles et les buts qu'il
veut atteindre; cette tactique permet de réviser la situation au cours de la
thérapie. Le sujet doit de plus identifier les sensations qu'il éprouve quand il
est effrayé. Il doit aussi apprendre diverses techniques qui l'aideront quand
l'anxiété surviendra: respirer lentement et profondément, penser à une
situation relaxante, s'adonner à une activité manuelle ou apprendre une
technique de relaxation. Finalement, le phobique doit suivre
méticuleusement le programme qui lui est fixé à chaque séance de
traitement et rendre compte des résultats à son thérapeute à la

séance suivante.

Il est maintenant plus facile de voir qu'avec ce type d'approche, le


thérapeute se propose d'atteindre deux buts bien précis. Le clinicien veut
avant tout réduire les comportements phobiques qui interfèrent avec le
fonctionnement quotidien du malade et l'aider à améliorer son ajustement
social qui a été troublé par son problème. De façon accessoire, il ne vise pas
nécessairement à abolir toute anxiété chez le sujet mais à la réduire à un
niveau acceptable et tolérable. Il veut également développer chez lui des
habiletés qui le rendent apte à parer à une récurrence de ses symptômes.

LES TH…RAPIES D'ORIENTATION ANALYTIqUE

Le traitement psychanalytique des phobies est le même que pour les autres
névroses. Le thérapeute essaie de faire prendre conscience au malade de ses
émotions refoulées, de le confronter avec ses émotions et de lui faire
reconnaître qu'elles ne sont pas mauvaises et n'ont pas besoin d'être
refoulées plus longtemps. C'est ainsi qu'une fois que le patient comprend
ses émotions, les symptômes devraient disparaître. Par contre, Freud lui-
même a souligné l'importance d'exposer le patient à sa phobie.

quoique la psychanalyse et la thérapie d'orientation analytique continuent à


être utilisées dans le traitement des phobies, il est reconnu que ces méthodes
ont une valeur limitée pour ce genre de problème, car il existe maintenant
des traitements plus efficaces et surtout plus rapides. Les phobiques
devraient d'abord s'informer sur la thérapie comportementale et la thérapie
cognitive avant de penser à toute thérapie d'orientation analytique.

LA TH…RAPIE COGNITIVE

Depuis les années 1970, un nouveau traitement des phobies est apparu sur
le marché. Il s'agit de la thérapie cognitive qui postule que des troubles
émotionnels tels que les phobies sont causés par des idées erronées que le
sujet entretient sur lui-même et sur son environnement. Ces pensées
erronées conduisent à des changements émotionnels qui produisent des
symptômes. Pour modifier cette situation. Il est nécessaire de "défaire ces
idées erronées", d'aider le patient à être maître de lui-même et de montrer
qu'il est en contrôle de son propre comportement et non pas l'esclave de sa
phobie.

La première étape de ce processus correctif consiste à amener l'individu à


verbaliser ses pensées et ses sensations reliées à ce problème, bref de
reconnaître et de définir ses pensées erronées. Les thérapeutes d'orientation
cognitive affirment que la plupart des phobiques ne possèdent pas une idée
claire et précise de ce qui leur fait peur et ressentent seulement une crainte
diffuse et un besoin imminent de fuir.

La première étape de la thérapie consiste à leur demander d'essayer de


préciser les images et les sensations

apeurantes qu'ils éprouvent. C'est alors qu'ils commencent à s'exprimer


clairement et distinctement.

La seconde étape vise à exposer le sujet à la situation phobique: il prend


alors conscience qu'il avait tort de penser d'une telle façon et que ses peurs
reposaient sur des notions complètement fausses. La discussion, la logique
et la confrontation sont trois techniques de thérapie cognitive qui donnent
d'excellents résultats dans le traitement des phobies.

LE TRAITEMENT SYMPTOMATIqUE

Les médicaments sont d'excellents adjuvants dans le traitement des phobies,


principalement pour diminuer l'anxiété du malade et l'aider à

faire face a sa peur. Par contre, en aucun cas, ils ne peuvent par eux-mêmes
guérir une phobie. Au mieux, les médicaments diminuent ou éliminent les
attaques de panique et soulagent l'anxiété anticipatoire, c'est-à-dire lorsque
le malade anticipe à l'avance devoir faire face à sa phobie et devient
anxieux rien qu'à y penser. Dans le traitement des problèmes phobiques,
deux classes de médicaments sont particulièrement utilisées: ce sont les
médicaments contre l'anxiété, appelés les anxiolytiques, et les médicaments
contre la dépression ou les antidépresseurs.

Le tableau suivant résume la liste de ces principaux médicaments. Ceux-ci


sont énumérés selon leur nom générique ou chimique et leur nom
commercial, c'est-à-dire les noms sous lesquels on les retrouve sur le
marché.

Liste des médicaments utilisés dans le traitement des phobies A)


Médicaments contre l'anxiété ou anxiolytiques: Nom générique Nom
commercial Alprazolam Xanax Bromazepam Lectopam Chlordiazepoxide
Librium Clorazepate Tranxène Diazepam Valium Ketazolam Loftran
Lorazepam Ativan Oxazepam Serax B) Médicaments contre la dépression
ou antidépresseurs: Nom générique Nom commercial Amitriptyline Elavil
Amoxapine Asendin Clomipramine Anafranil Desipramine Pertofrane
Doxepine Sinequan Imipramine Tofranil Maprotiline Ludiomil
Nomifensine Merital Nor~triptyline Aventyl Phénelzine Nardil Protriptyline
Triptil Tranylcypromine Parnate Trazodone Desyrel Trimipramine
Surmontil Les anxiolytiques aident à diminuer la tension nerveuse chez les
gens en général. En ce sens, ils sont aussi utiles chez les phobiques, même
si l'anxiété n'est réduite que sur une base temporaire. Ils permettent au
moins au malade d'accepter plus volontiers

un traitement qui vise la confrontation avec sa peur et peuvent aider un sujet


à mieux apprendre une technique de relaxation, du moins au début.

Par contre, lorsque le malade se sent plus à l'aise devant sa phobie et


parvient à bien se relaxer par lui-même, les anxiolytiques devraient alors
être graduellement diminués puis complètement arrêtés par la suite.

Plusieurs patients racontent néanmoins que, même s'ils sont maintenant


guéris, ils traînent encore leur bouteille de médicaments avec eux, juste au
cas o˘ une panique surviendrait.

quant aux antidépresseurs, ils sont certes très utiles lorsque le malade est
franchement déprimé. Par contre, on sait aussi que ces médicaments
peuvent également contrôler les épisodes de panique, et que cette action
n'est pas reliée à leurs propriétés antidépressives. Les chercheurs ignorent
encore le mécanisme exact en cause dans le contrôle des paniques.

Les médecins qui prescrivent des médicaments aux phobiques doivent


connaître les qualités et les effets secondaires de chacun de ces
médicaments, tenir compte de la gravité du problème du malade et diminuer
toute médication peu de temps après que le sujet présente une amélioration
objective pour finalement arriver à la cesser complètement.

chapitre 9

LA PR…VENTION DES PHOBIES


Le Larousse définit la prévention comme un ensemble de mesures prises en
vue d'éviter une maladie. Par exemple, pensons aux campagnes pour la
prévention des accidents de la route. Pour enrayer ce fléau, les
gouvernements prennent un ensemble de

mesures qui visent à prévenir les morts et les blessures causées par les
accidents d'automobile: ceinture de sécurité obligatoire, ivressomètre,
limites de vitesse, amélioration des conditions routières et ainsi de suite. Par
ces diverses mesures, on tente de diminuer l'incidence des accidents de la
route.

En médecine, il existe trois niveaux de prévention: c'est ce qu'on appelle la


prévention primaire, secondaire et tertiaire.

La prévention primaire s'occupe des interventions qui s'attaquent aux


facteurs susceptibles de causer ou de favoriser la maladie. Les stratégies de
la prévention primaire peuvent être particulièrement bien développées
quand la nature de la maladie est connue et quand des façons de l'entraver
peuvent être utilisées. Prenons la poliomyélite en exemple. On connaît
présentement le virus responsable de la polio et on a développé un vaccin
pour immuniser même les enfants en bas ‚ge contre cette terrible maladie.

quant à la prévention secondaire, elle consiste à intervenir dès que la


maladie se manifeste afin d'en limiter les ravages. Ce sont donc des mesures
pour réduire ou limiter la sévérité de la maladie par la détection et le
traitement précoces.

En gynécologie, on demande aux femmes de passer un examen tous les ans


afin de détecter précocement une maladie de l'appareil génital et
d'administrer un traitement rapide pour éviter l'évolution de la pathologie
vers une phase plus sévère. Cet exemple illustre en même temps la
prévention primaire et la prévention secondaire, puisque cet examen permet
de découvrir des lésions dès le début de la maladie.

Enfin, la prévention tertiaire vise à éviter ou à retarder le plus possible les


récidives et les complications de la maladie. Les mesures prises consistent à
réduire l'incapacité causée par la maladie. Par exemple, la prévention
tertiaire joue un rôle important dans le cas d'un malade qui vient de subir
une intervention chirurgicale pour un cancer du rectum. A la suite

de cette opération, l'individu doit faire face à une réhabilitation autant sur
les plans physique que psychologique et interpersonnel.

Sur le plan physique, l'individu doit apprendre à vivre avec un sac accroché
à son abdomen pour le reste de sa vie.

Sur le plan psychologique, une autre forme de réadaptation s'impose:


l'individu ne doit pas se sentir diminué ou déprimé à cause de son handicap.

Au plan interpersonnel, ce genre d'intervention entraîne des tensions, voire


des disputes entre les conjoints.

La prévention tertiaire devrait être capable d'éviter l'apparition de ces


problèmes par différentes mesures.

Les exemples qui ont été donnés se rapportent tous à des maladies
physiques. Peut-on faire les mêmes types de prévention quand il s'agit de
problèmes psychologiques comme les phobies? En ce sens, comment peut-
on faire de la prévention primaire en

ce qui concerne les phobies?

Dans ce cas, la prévention primaire se situe au niveau de l'éducation des


enfants. Comme certains auteurs croient que des gens deviennent phobiques
parce qu'ils n'ont jamais appris à faire face à leurs peurs au cours de
l'enfance, il devient extrêmement important de savoir comment faire face
aux peurs réelles ou imaginaires de nos enfants.

Soulignons deux attitudes négatives que plusieurs parents adoptent face aux
peurs de leurs enfants.

La première consiste à ignorer l'enfant quand ce dernier a une réaction de


peur. Bien plus, certains parents réprimandent et punissent leur enfant
lorsque celui-ci leur fait part de ses craintes: "Arrête de faire le bébé"
ou "Cesse de nous énerver avec tes folies". Ces commentaires augmentent
l'anxiété de l'enfant et ne règlent pas du tout le problème.

D'autres parents prennent l'attitude opposée et surprotègent l'enfant.

Ils exagèrent les peurs de leurs enfants et dramatisent la situation: "Ne


t'éloigne pas trop, tu vas te faire écraser par une auto", "Si tu ne restes pas
tranquille, le monstre va venir te chercher et te manger". A nouveau,
l'anxiété de l'enfant atteindra des sommets et le rendra davantage craintif.

Ces deux attitudes négatives rendront nécessairement l'enfant vulnérable


aux phobies. D'un côté comme de l'autre, l'enfant grandira dans la peur.

Les peurs étant normales chez les enfants, il s'agit bien plus pour les parents
de discuter des craintes de l'enfant avec lui, de l'apaiser lorsqu'il est anxieux
et de séparer la fiction de la réalité. Un chien peut effectivement mordre,
mais tous les chiens ne mordent pas. Faire attention et savoir se comporter
est une chose, ridiculiser ou dramatiser en est une autre. Des explications
répétées, franches et réalistes valent bien mieux que des histoires de grand-
mère ou des commentaires agressifs.

Comme il a été démontré, la prévention secondaire s'adresse surtout à la


détection et au traitement précoce des problèmes. Ce livre est un exemple
typique de prévention secondaire puisqu'il incite les gens à reconnaître leurs
phobies dès que possible et à ne pas attendre des années avant de consulter.
Dans le cas des phobies, la prévention secondaire vise à

informer le public de ce problème et à faire en sorte que les phobiques


prennent conscience de leur problème et agissent dans les plus brefs délais
pour s'en débarrasser. Comme on le sait maintenant, que ce soit pour un
problème médical ou strictement phobique, les résultats du traitement sont
bien meilleurs lorsque le malade consulte tôt, au lieu d'attendre des années
avant d'avouer son problème à un professionnel de la santé. Tout comme il
est plus facile de traiter une bronchite qu'un cancer du poumon avec
métastases généralisées, il est plus facile de traiter une phobie

circonscrite qu'une phobie compliquée de dépression et d'usage intempestif


de médicaments ou d'alcool.
Lorsque nous parlons de prévention secondaire pour les phobies, l'exemple
des motards nous revient chaque fois à l'esprit. Combien parmi nous ont vu
des motards subir de graves accidents routiers et remonter sur leur moto dès
leur sortie de l'hôpital, plusieurs d'entre eux étant même encore incapables
de marcher? Ils le font par bravade, bien s˚r, mais ce comportement les
protège contre le développement d'une phobie de la moto ou de l'auto.

Plusieurs auteurs rapportent qu'à la suite d'un accident, il y a souvent une


phase de latence qui précède le développement d'une phobie. Si, au cours de
cette phase, la personne est immédiatement exposée à nouveau à la même
situation, cette exposition la protégera contre le développement de la peur.
Même s'ils en ignorent les principes scientifiques, les motards aiment mieux
risquer et faire face à la situation plutôt que de développer une phobie.
Inconsciemment, ils savent très bien que s'ils évitent de remonter sur leur
moto le plus vite possible, ils seront à tout jamais incapables de conduire
ces véhicules à l'avenir.

quant à la prévention tertiaire, elle vise à éviter le plus possible la récidive


de la phobie et à réduire l'incapacité qui en découle. Trois aspects nous
semblent importants en relation avec la prévention tertiaire en ce qui
concerne les phobies. Ce sont l'élimination de la dépendance de l'individu
par rapport à son environnement, l'élimination de l'abus d'alcool et de
médicaments contre l'anxiété et la disparition ou l'absence d'apparition de la
dépression.

La dépendance de l'individu par rapport à son environnement Pour


réhabiliter un malade phobique, il faut éliminer sa dépendance face à son
environnement. Nous connaissons maintenant l'expression "le compagnon
du phobique" et le rôle qu'il joue dans la vie du malade. La prévention
tertiaire consistera à expliquer au patient et à sa famille les conséquences
négatives

d'une telle dépendance et à favoriser une autonomie beaucoup plus grande


pour le malade.

L'abus d'alcool et de médicaments contre l'anxiété


L'abus d'alcool et de médicaments constitue un élément important de
complication dans le traitement des phobiques. Il est incontestable qu'une
dose importante d'alcool ou l'usage de médicaments sédatifs calme
temporairement les patients atteints de phobie. A ce sujet, le psychiatre
Klein est catégorique: "Tout en nous gardant d'affirmer que la panique est la
cause de la majorité des états d'alcoolisme, nous pensons que le clinicien
devrait interroger tout alcoolique et rechercher si des attaques de panique
ont précédé l'abus d'alcool. On a pu noter que si on traitait la panique sous-
jacente, les patients présentant un alcoolisme secondaire ne se remettaient
pas à boire." Il en est de même pour l'usage abusif de médicaments. La
prévention tertiaire vise à prévenir ou à guérir l'alcoolisme ou la
toxicomanie secondaire aux phobies.

La dépression

Finalement, la dépression est une complication fréquente des phobies.

Les professionnels de la santé doivent donc être aux aguets pour dépister et
traiter

les épisodes dépressifs qui peuvent survenir chez les phobiques. Lorsque le
malade consulte tardivement et se présente avec une dépression, il faut
d'abord traiter cette complication avant de commencer le traitement de la
phobie. L'examen clinique montre donc toute son importance et permet au
clinicien de faire un plan de traitement qui soit vraiment graduel et efficace
pour le malade.

chapitre 10

CONSEILS PRATIqUES AUX PHOBIqUES, A LEUR FAMILLE ET A


LEURS AMIS

Dès qu'un individu phobique est mis en présence de sa peur, il est envahi
d'une forte anxiété, il ne sait plus o˘ donner de la tête ni comment réagir
dans cette situation. Le but de ce dernier chapitre est de donner des conseils
pertinents aux phobiques, mais aussi à leur famille et à leurs amis. Il est à
noter qu'en suivant ces conseils pratiques plusieurs phobiques pourront
éliminer leurs problèmes par leurs propres moyens et avec l'aide de leurs
proches sans recourir à l'aide d'un professionnel de la santé.

CONSEILS AUX GENS qUI SOUFFRENT DE PHOBIES

1. La réaction phobique n'est pas dangereuse pour la santé

Une phobie est une affection qui déclenche une anxiété importante. Par
contre, même si l'anxiété se manifeste par des réactions physiques et
psychologiques très désagréables, ces réactions ne sont pas dangereuses.

Nous le savons tous, personne n'est mort de peur. De plus, d'un point de vue
scientifique, même lorsque des phobiques sont exposés à leurs peurs et
ressentent les symptômes les plus graves, aucun accident n'est encore
survenu et aucun décès

n'a été constaté. Il y a donc tout lieu de croire qu'il n'y a aucun danger pour
la santé lorsqu'on fait face à ses phobies.

2. Plus on évite de faire face à sa phobie, plus on devient phobique;


inversement, plus on fait face à son problème, moins on devient phobique
Vous connaissez s˚rement le vieil adage: "C'est le premier pas qui co˚te." Il
en est de même pour les phobies. Votre premier contact avec l'objet de vos
peurs sera très difficile, nous le comprenons très bien.

Néanmoins, vous serez d'abord surpris de constater après coup que c'est
beaucoup plus facile que vous

l'auriez cru à priori. Cette constatation vous rendra plus confiant pour faire
face à la musique une prochaine fois.

3. …vitez de prendre de l'alcool et prenez votre médication de façon


intelligente

L'alcool est à proscrire d'emblée car les boissons alcoolisées ne calment


l'anxiété que pendant une courte période de temps et présentent le danger de
la dépendance. Vous avez assez de problèmes avec votre phobie, ne risquez
pas de devenir alcoolique en plus.
quant aux médicaments contre l'anxiété, ils ne font pas de miracles eux non
plus; tout au plus, ils sont des "béquilles" qui peuvent être utiles pendant un
certain temps. Tout comme dans le cas d'une fracture d'une jambe, les
béquilles permettent au patient de marcher au début, mais graduellement le
sujet marchera avec un pl‚tre puis finalement par lui-même. C'est la même
chose pour les médicaments contre l'anxiété. Au début, selon les conseils de
votre médecin,

vous pourrez prendre des médicaments si votre anxiété est très élevée au
cours de la journée. A cet effet, attendez que l'anxiété commence à monter
en vous avant de prendre votre médication. Elle sera alors plus efficace et
vous n'aurez pas pris des médicaments pour rien. Combien de gens
rapportent prendre leur premier comprimé au déjeuner alors qu'ils ne sont
absolument pas anxieux? quelle est alors l'utilité de prendre une pilule?

Bien plus, deux heures plus tard, quand l'anxiété survient, l'effet maximal
du médicament est passé. De façon simple, gardez donc vos munitions et
servez-vous-en quand l'ennemi attaque.

Enfin, si votre anxiété vous empêche de vous confronter à votre phobie,


prenez votre médicament deux heures avant de faire face à la situation.

Ce conseil comporte deux aspects importants. Tout d'abord la prise de


médication diminuera l'anxiété anticipatoire, c'est-à-dire toutes les craintes
et tous les symptômes qui se manifestent dans les heures qui précèdent la
confrontation avec votre phobie. De plus, quand vous ferez face à la
situation, vous serez encore sous l'effet maximal du médicament.

Ces deux aspects vous permettront d'affronter votre problème avec


beaucoup plus de calme et de sérénité. Enfin, lorsque vous maîtriserez bien
la situation, coupez graduellement votre consommation de médicaments
pour arriver à cesser complètement en moins d'un mois. Ne les cessez pas
d'une façon brusque à cause des dangers possibles de symptômes de
sevrage.

4. La pratique quotidienne demeure la clé du succès Affronter sa phobie


tous les jours est important, puisque la peur a tendance à diminuer à chaque
pratique.
Surtout au début, mettez-vous en situation le plus souvent et le plus
longtemps possible.

Une dame qui avait une phobie des ascenseurs s'est présentée dans un grand
magasin et a expliqué son problème au portier de l'ascenseur. En proie à une
forte anxiété elle lui a demandé si elle pouvait monter avec lui et essayer de
rester dans l'ascenseur jusqu'à ce qu'elle devienne complètement calme. Le
portier accepta et la réconforta en lui disant qu'il s'occuperait d'elle s'il lui
arrivait un malaise. Pendant plus d'une heure, elle se promena entre le sous-
sol et le douzième étage. Elle raconta que l'anxiété était tout à fait tolérable
après vingt minutes, mais qu'elle ne s'était résolue à quitter l'endroit que
lorsqu'elle se serait sentie complètement calme.

Le jour suivant, elle retourna au même endroit; son anxiété

anticipatoire était disparue et il ne fallut que dix minutes pour qu'elle se


sente complètement calme à l'intérieur de l'ascenseur. Après la quatrième
journée, tous ses symptômes étaient disparus. Depuis lors, elle se force à
prendre l'ascenseur partout o˘ elle peut utiliser ce moyen de transport. Elle y
pense encore pendant quelques secondes, mais ce problème n'handicape
plus du tout sa vie. De façon intéressante, au cours de ses échanges avec le
portier de l'ascenseur, celui-ci lui confia qu'il avait une peur des hauteurs et
remercia plus tard la patiente de lui avoir indiqué la façon de se débarrasser
de son problème. Gr‚ce aux explications de la patiente, il avait utilisé la
même technique pour vaincre sa phobie.

5. que faire en cas de panique?

La panique est s˚rement le plus mauvais moment à passer pour les


phobiques. Rappelons à nouveau

que, comme pour l'anxiété, les sensations ressenties au cours d'un épisode
de panique sont des réactions corporelles normales qui ne sont ni nocives ni
nuisibles. Si vous présentez une panique, restez sur place et attendez que la
réaction se passe. C'est encore ce qui est le moins dangereux à

faire. Comme vous connaissez bien vos symptômes, trouvez-vous un


endroit pour vous asseoir et dites-vous "ça va passer". Pour vous aider à
surmonter votre panique plus rapidement, respirez lentement et
profondément, pratiquez vos exercices de relaxation si vous connaissez une
de ces méthodes, essayez de décrire dans votre tête ce qui vous arrive afin
de garder le contrôle et pensez

à des scènes relaxantes ou à des images plaisantes.

Même si tous ces petits trucs peuvent vous sembler difficiles à faire, ils ont
aidé plusieurs patients à maîtriser de plus en plus rapidement leurs épisodes
de panique. Au fond, ces différentes méthodes ont pour but de détourner
votre esprit de la situation désagréable et de vous empêcher de vous énerver
davantage.

CONSEILS A LA FAMILLE ET AUX AMIS DU PHOBIqUE

La famille et les amis du phobique connaissent très bien son incapacité, son
isolement, ses peurs et ses craintes. Malheureusement, sans le savoir, le
conjoint, les enfants et les amis peuvent davantage nuire au malade que
l'aider face à son problème. Trop souvent ses proches acceptent sans rien
dire le comportement d'évitement du phobique et n'encouragent aucunement
son indépendance. Ils l'accompagnent sans maugréer et, si la personne
refuse une sortie, ils

ne passent aucun commentaire. Par leur ignorance, ils renforcent le


phobique à devenir encore plus phobique. Il faut plutôt encourager chaque
effort du sujet vers l'autonomie, si petit soit-il, et décourager tout
comportement d'évitement et de dépendance. Si le phobique réussit à

franchir une petite étape, félicitez-le et encouragez-le à recommencer le


lendemain. Le support, la compréhension et l'encouragement sont autant de
facteurs qui motivent l'individu à faire des efforts et à se surpasser.

quand vous jugez que votre partenaire est prêt à affronter une nouvelle
situation, prenez l'initiative et faites une suggestion ferme. Par contre,
laissez-le toujours prendre la décision finale, car il est dans une meilleure
position que vous pour savoir quelles étapes sont les plus difficiles. quand il
est hésitant, demandez-lui au moins d'essayer.
Tentez aussi de proposer des étapes qu'il peut pratiquer seul. Surveillez bien
cependant les "bonnes excuses" qui empêchent la confrontation avec sa
peur. Des remarques comme: "Il faut que je travaille à la maison
aujourd'hui" ou "Aujourd'hui il pleut, j'irai demain" sont trop souvent des
excuses dont le phobique se sert inconsciemment pour remettre
l'affrontement à plus tard.

Si votre partenaire devient effrayé dans un magasin, sur un pont, dans la


rue, ou dans un restaurant, restez calme et supportez-le jusqu'à ce qu'il se
sente mieux; ne fuyez surtout pas avec lui.

Finalement, il est possible que votre partenaire se plaigne d'une grande


fatigue après avoir été mis en présence de sa phobie. Cette réaction est tout
à fait normale; tout comme on se sent épuisé après un exercice physique
violent, la même réaction survient à la suite d'un stress psychologique.

En résumé, la famille et les amis du phobique ne doivent pas prendre le


chemin le plus facile et excuser celui qui a peur ou faire les choses à sa
place. Ils doivent plutôt soutenir et encourager le patient à faire face à

sa phobie, l'aider à enregistrer ses progrès et récompenser ses efforts.

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