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MEMO RGPH Version Finale++
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Travail –Justice – Solidarité
OPPOSITION REPUBLICAINE
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MEMORANDUM
L’opposition républicaine a examiné avec la plus grande attention les résultats provisoires du
Troisième Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH) publiés par le
gouvernement. Ses observations et commentaires font l’objet du présent mémorandum qui
s’articule autour des points suivants.
Selon les résultats provisoires du RGPH publiés par le Ministère du Plan, la population totale
de la République de Guinée se chiffre à 10 628 972 personnes résidentes en 2014 contre
7 156 406 en 1996 ; soit un taux d’accroissement annuel intercensitaire de 2,2 %. Ce taux
n’est pas conforme à la réalité au regard notamment des différents résultats qui ont marqué le
dénombrement de la population guinéenne (1956, 1983,1996). Il est ainsi en deçà du taux de
croissance de 3,1 % enregistré entre 1983 et 1996.
En outre, selon les résultats de l’Enquête démographique et de santé (EDS) réalisée en 2014
par le Ministère du Plan, le taux de natalité est estimé à 34 pour mille et le taux de mortalité à
9,69 pour mille. Avec le taux d’accroissement naturel qui en découle(2,4 %), il apparait que
même sous l’hypothèse d’un flux migratoire net nul (hypothèse peu probable puisque la
majorité des réfugiés ont rejoint leurs pays d’origine et le pays était devenu plus
fréquentable), le taux de croissance de la population obtenu dans le cadre du RGPH est
fortement sous-estimé. Cette sous-estimation ne peut s’expliquer par le seul fait du départ de
la Guinée des réfugiés qui représentaient environ 600 000 individus, comme l’indiquent les
sources officielles, alors que dans le même temps des centaines des milliers de guinéens
vivant en Sierra Leone, au Libéria et ailleurs sont de retour. Il faut rappeler que sur la base
des prévisions démographiques fondées sur les précédents recensements, la population
attendue en 2013 était de 11 721 594 individus.
1
Le pays a été découpé en 8788 ZD. Une ZD constitue la tâche de travail d’un agent recenseur. La taille d’une
ZD rurale varie entre 800 habitants au minimum et 1200 habitants au maximum. Une ZD urbaine entre 1200 et
1600 habitants.
2
Ces omissions montrent que plus d’un demi-million d’individus (661 548 individus) au moins
n’a pas été recensé2.Face à des omissions d’une telle ampleur, aussi bien en milieu urbain
qu’en milieu rural, il y a lieu de poser quelques questions :
- Pourquoi l’organe d’exécution n’a-t-il pas organisé un ratissage à partir du 3 avril
2014 pour dénombrer les populations omises ?
- Pourquoi ces importantes marges d’erreurs n’ont-elles pas été publiées en même temps
que les résultats provisoires afin de faire valoir la transparence et proposer des
solutions alternatives qu’une enquête post-censitaire ne peut à elle seule corriger ?
- Pourquoi l’assistance technique n’a-t-elle pas pris ses responsabilités pour s’opposer à
la politisation du recrutement des agents recenseurs (le cas de Conakry en ce qui
concerne notamment Ratoma et Matoto était trop flagrant) ?
- Pourquoi la supervision a-t-elle été défaillante ?
L’exploitation de la base des données des résultats provisoires du recensement indique un sur-
dénombrement dans près de la moitié (47,5 %). des 1 439 ZD de la Région Administrative de
Kankan (voir tableau 4 en annexe) ; autrement dit que la population maximale qu’une ZD
devrait abriter (1 600 habitants en milieu urbain et 1 200 habitants en milieu rural) a été
largement dépassée. Cela explique en grande partie le poids démographique attribué à la
Région de Kankan.
Lors des recensements antérieurs (1983 et 1996), la région administrative de Kankan occupait
la troisième place, après la région de Nzérékoré et la ville de Conakry. Avec les résultats
provisoires du recensement de 2014, le Gouvernement présente Kankan comme la région la
plus peuplée du pays, absorbant à elle seule 19% de la population guinéenne, loin devant
Conakry (15,7 %), Nzérékoré (15.7%) et Kindia (14,7%).
Ainsi, sans avoir les atouts physiques, économiques et politiques de Conakry, la région de
Kankan a vu sa population augmenter de plus de 900 000 individus en 18 ans (1 986 329
habitants en 2014 contre 1 011 644 habitants en 1996) alors que Conakry a mis 31 ans pour
avoir une augmentation dans la même proportion (1 667 864 habitants en 2014 contre 710 372
en 1983).
Il faut noter que par le passé, les gains et pertes de poids démographique durant la période
inter censitaire sont occasionnés par des mouvements migratoires importants et/ou par des
activités économiques de grande envergure. Pour le cas de Kankan, aucune explication
démographique sérieuse n’a été fournie pour justifier cette inversion de rang en sa faveur. La
prépondérance démographique de cette région composée des préfectures de Kankan, Siguiri,
Mandiana et Kouroussa, qui enregistre le plus fort taux de croissance intercensitaire (3,8%),
suivie de Kindia (2,9%), de Faranah (2,5%) et de Conakry (2,4%) est difficile à soutenir. Pris
au piège, et dans la précipitation, le Gouvernement a tenté d’expliquer cette croissance
démographique fantaisiste par la ruée vers l’exploitation artisanale de l’or, notamment dans
les préfectures de Siguiri (5,4% de taux de croissance), Mandiana (3,8%), Kankan (3,3%) et
Kouroussa (3,3%). Paradoxalement, les préfectures de Kérouané et de Dinguiraye qui sont
aussi des préfectures minières n’enregistrent respectivement qu’un essor démographique de
1,7% et 2%.
2
Ce chiffre est obtenu en sommant la population omise pour atteindre les bornes minimales en milieu urbain (1200 habitants)
et la borne minimale en milieu rural (800 habitants).
3
Une autre incongruité est constituée par la taille moyenne des ménages. Entre 1992 et 2014,
les enquêtes démographiques et de santé indiquent une baisse de fécondité. L’indice
synthétique qui était de 5 en 1992 est de 4,1 en 2014 pour l’ensemble du pays. Avec le
développement de l’urbanisation, on devrait s’attendre à une baisse de la taille moyenne des
ménages. C’est plutôt le contraire qui est observé, toujours avec les mêmes disparités
artificielles évoquées ci-haut. En effet, dans l’ensemble, la taille moyenne des ménages est
passée de 6,7 individus en 1996 à 7,1 individus par ménage en 2014. Pis encore,
l’augmentation est sans précédent pour Mandiana (15,1 individus par ménage) et à Siguiri,
(10,9 individus par ménage). Par ailleurs, il faut noter que, pour mettre en œuvre la volonté
manifeste de manipuler les données, on a assisté à une confusion entre les notions de famille,
de lignage et de ménage. Ainsi, plusieurs chefs de clans ont fait dénombrer quasiment tous les
membres de leur lignage qu’ils vivent ou pas sous leur toit. Le gouvernement a encouragé
cette confusion par un recrutement ségrégationniste et politisé qui a favorisé les militants et
sympathisants du Parti au pouvoir et par une formation extrêmement légère des agents
recenseurs.
Les facteurs qui ont contribué à ces différents résultats sont entre autres:
- la faible qualité de la cartographie censitaire ;
- la politisation accrue du recrutement des agents recenseurs (notamment dans la
capitale et dans certaines régions de l’intérieur du pays) ;
- l’insuffisance de la formation ;
- l’instabilité à la tête de l’Agence d’exécution (Institut National de la Statistique-INS);
- le contexte sociopolitique défavorable et la faible mobilisation sociale en faveur du
recensement (insuffisance de sensibilisation des acteurs y compris les partis
politiques).
La préparation du recensement, sa conduite et son exécution sur le terrain ont été d’une faible
qualité.
De nos jours, tous les pays du monde ont recours aux outils modernes de reconnaissance, de
collecte et de traitement de données démographiques en utilisant les nouvelles technologies de
l’information. Malheureusement, le Ministère du Plan a préféré les méthodes archaïques,
sources d’erreurs énormes: reconnaissance sur le terrain, questionnaire papier, double saisie,
traitement, etc. Pour rappel, tous les pays de la sous-région (Sénégal, Côte d’Ivoire,
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Mauritanie, Mali, Cap-Vert etc.) ont utilisé des PDA (Personal Digital Assistant) pour réaliser
leurs recensements.
Après la sélection des agents recenseurs, certains ont été remplacés par décision de l’ex
Gouverneur de Conakry (Sékou Resco Camara), notamment dans les communes de Ratoma
et de Matoto. Des agents n’ayant reçu aucune formation et militants du parti au pouvoir ont
été déployés sur le terrain. Comme illustration de la faible qualité de la formation reçue, une
confusion regrettable voire volontaire entre les notions de famille et de ménage a été
introduite et maintenue durant tout le recensement, notamment en Haute Guinée. Le résultat
au niveau technique s’est traduit par des disparités importantes dans la taille des ménages (7 à
15 individus).
En outre, beaucoup d’agents recenseurs, majoritairement choisis parmi les jeunes membres du
RPG, ont systématiquement refusé de recenser des milliers de citoyens soupçonnés d’être des
partisans de l'opposition, notamment dans les communes de Ratoma, Kaloum, Dixinn et
Matoto.
L’organe de pilotage au niveau ministériel était le Comité national de recensement présidé par
le Ministre du Plan. Ce comité ne s’est jamais réuni officiellement. Cela a laissé libre cours à
l’improvisation. Aucune mesure de mise au point, de vérification, d’audit et de validation n’a
été prise.
Les manipulations des données du recensement d’une telle ampleur ne sauraient être
cautionnées par l’Opposition Républicaine du fait des conséquences économiques, politiques
et sociales extrêmement graves qui en découlent.
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5-2Sur le plan politique,
Ainsi, la seule explication du poids démographique des régions de Kankan et de Faranah est
d’ordre politique. Déjà à la veille des dernières élections législatives, le Gouvernement avait
procédé à une révision illégale du fichier électoral, sans concertation avec l’opposition. Au
cours de cette opération, la population électorale des régions de Faranah et Kankan avait
augmenté de plus de 500 000 «nouveaux électeurs » inscrits. A cette occasion, on avait
enregistré une progression du corps électoral de l’ordre de 37 % à Siguiri, 31 % à Faranah,
30 % à Kankan, 29 % à Kouroussa, 27 % à Kérouané, et 25 % à Mandiana. Cette même liste
électorale donnait une progression d’à peine 3% aux autres régions du pays.
Par ailleurs, il est admis qu’il y a corrélation entre l’évolution démographique d’une
population et son corps électoral. Dans la plupart des pays de la sous-région, la population
électorale représente un peu moins de 50 % de la population totale. Dans le cas de la Guinée,
nous constatons, au vu des résultats provisoires du dernier recensement, qu'il n'y a aucune
cohérence entre la population totale et le corps électoral tel qu'il a été dénombré lors de la
révision de la liste électorale en 2013. Dans les fiefs du parti au pouvoir, le nombre
d’habitants est de loin supérieur au double du nombre d'électeurs, alors que dans les
circonscriptions favorables à l'opposition, le nombre d'habitants n'est que légèrement
supérieur au nombre d'électeurs.
C'est notamment le cas à Conakry où on a dénombré, au total, 1,6 millions d'habitants pour
1,2 millions d'électeurs inscrits. A titre d’exemple on prend juste deux de ses communes :
Dixinn et Kaloum. A Dixinn, on note une population de 137 000 habitants pour 123 000
électeurs inscrits. A Kaloum, la population recensée est de 62 675 habitants pour 60 000
électeurs (soit 96 % de la population alors que les 18 ans et plus ne représentent que 49 % de
la population dans cette commune). Cette observation concernant Kaloum confirme nos
analyses qui montrent qu’au moins, dans 52% des zones de dénombrements, la population n’a
pas été correctement recensée. En revanche, pour la Région administrative de Kankan, on a
dénombré 1,9 millions d'habitants pour 700 000 électeurs, chiffre de la population électorale
qui avait déjà été anormalement gonflée lors de la dernière révision du fichier. En outre, pour
cette région, une estimation récente du fichier du RGPH montre que près d’une ZD sur quatre
a une population supérieure à la normale (1 200 habitants en milieu rural ou 1 600 habitants
en milieu urbain).
Il est ainsi évident que cette surreprésentation démographique de la région de Kankan vise à
prolonger les fraudes opérées par le régime en place. Le nouvel objectif du pouvoir est de
procéder, une fois de plus, au même tripatouillage du fichier électoral qui s’appuierait sur les
résultats de ce recensement. Ainsi, il pourra se doter d’un électorat des régions de Kankan et
de Faranah de l’ordre de 1 378 138 électeurs (population âgée de 18 ans et plus fournis par le
recensement) en vue de préparer les fraudes pour 2015. En effet, ayant été complètement
défait dans la région de Conakry au cours des dernières élections législatives, et n’ayant aucun
espoir de reconquérir l’électorat de la capitale et de la Région Forestière meurtrie, le pouvoir
cherche, par tous les moyens, à augmenter de manière fictive le nombre de ses électeurs dans
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les régions de Kankan et Faranah qu’il considère comme ses bastions électoraux. L’opposition
républicaine trouve ce procédé scandaleux et inacceptable.
Les manipulations des données démographiques constituent une grave atteinte au processus
de représentation démocratique. Elles engendrent des disparités sociales et régionales
artificielles qui ne feront que renforcer les frustrations des populations. Les données publiées
sont de nature à créer au niveau d’une frange importante de la population guinéenne un
sentiment de marginalisation et de rejet qui ne peut qu’alimenter les rancœurs accumulées ces
dernières années en raison de la politique d’exclusion pratiquée par le gouvernement actuel.
6- Conclusion
Le RGPH3, par ses résultats provisoires, est une mascarade de recensement. Il présente de
nombreuses incohérences et anomalies avec une volonté politique manifeste du gouvernement
de l’utiliser comme un véritable outil de cadrage du fichier électoral et ainsi justifier un corps
électoral fictif à des fins électoralistes. Pour ces raisons, sa crédibilité est en cause. Sa
validation aura de graves conséquences politiques, économiques et sociales. C’est pourquoi
l’opposition républicaine rejette les résultats du 3ème RGPH.
7
dans le processus de démocratisation, de la bonne gouvernance et de la consolidation de
l’Etat de droit.
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ANNEXE :
Tableau 1 : Répartition des ZD de Conakry dont la population n’a pas été
correctement dénombrée
ZD dont taille Population
inférieur à 1200 Total ZD % manquante
Tableau 2 : Répartition des ZD des autres centres urbains dont la population n’a
pas été correctement dénombrée
ZD dont taille Population
inférieur à 1200 Total ZD % manquante
Boké 68 191 35,6 18 523
Faranah 54 152 35,5 142 999
Kankan 59 243 24,3 14 812
Kindia 164 392 41,8 47 940
Labé 13 70 18,6 3 041
Mamou 41 83 49,4 12 182
N'Zérékoré 118 273 43,2 31 797
Total urbain
intérieur du
pays 517 1404 36,8 271 294
Source : estimation à partir de la base des résultats provisoires du RGPH-2014
Tableau 3 : Répartition des ZD rurales dont la population n’a pas été correctement
dénombrée
ZD dont taille
inférieur à 800 Population
habitants Total ZD % manquante
Boké 222 779 28,5 37 636
Faranah 204 672 30,4 43 240
Kankan 206 1196 17,2 38 073
Kindia 120 841 14,3 18 149
Labé 326 935 34,9 48 618
Mamou 285 701 40,7 46 105
N'Zérékoré 200 1020 19,6 36 495
Total rural 1563 6144 25,4 268 316
Source : estimation à partir de la base des résultats provisoires du RGPH-2014
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Tableau 4 : Répartition des ZD de la Région de Kankan sur dénombrées
ZD dont
population
est
supérieure
à la
normale Total ZD %
Kankan-Rural 578 1196 48,3
Kankan-Urbain 105 243 43,2
Ensemble Région de Kankan 683 1439 47,5
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République de Guinée
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Travail-Justice-Solidarité
OPPOSITION REPUBLICAINE
Mesdames et Messieurs,
Suite à la publication du rapport provisoire des résultats du troisième recensement général de
la population et de l’Habitation, réalisé du 1er mars au 2 avril 2014 par le Ministère du Plan;
Nous voulons attirer à travers ce mémorandum, votre attention sur certains problèmes qui
font que nous ne pouvons accepter les résultats provisoires du recensement tels que
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publiés par le Gouvernement. Il s’agit notamment de la manipulation des données
démographiques avec une sous-estimation de la population totale et une surestimation de la
population dans les régions que le pouvoir considère comme ses bastions électoraux avec
l’objectif de justifier en 2015, les manipulations du fichier électoral à son profil.
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