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Zola, Parodie

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La Parure, Paul Reboux et Charles Muller

Paul Reboux et Charles Muller ont publié en 1925 un recueil de pastiches. Ils se sont inspirés
d'une nouvelle de Maupassant, La Parure, dont ils ont réécrit un passage à la manière de Zola.
5 Mme Loisel a été invitée à un bal ; elle a emprunté un collier de diamants à sa meilleure amie,
Mme Forestier. De retour chez elle, Mme Loisel se rend compte qu'elle a perdu le collier…
"Nom de Dieu ! lâcha Loisel, nous voilà dans de beaux draps !"
De fait, ç'avait été une rude secousse lorsqu'en rentrant du bal sa femme s'était
10aperçue qu'elle n'avait plus la parure de M me Forestier. Pourtant, bien sûr, elle ne l'avait pas
perdue en dansant. Il fallait que cela fût tombé dans la voiture. A-t-on idée aussi de ne pas
prendre le numéro d'un fiacre ! Et ils se reprochaient âprement leur commune négligence. Lui
surtout ne se possédait plus. Tant d'imbécillité le rendait fou. Il jurait, tapait du pied, sacrait.
Toute l'âcreté de son sang, vicié par un long atavisme bureaucratique, lui remontait
15soudainement à la peau, l'incendiait de rougeurs, le démangeait comme d'un millier de
dartres cuisantes.
Ah ! il en avait eu une fichue idée, de se marier ! gueulait-il. Il pouvait dire que, depuis
ce jour-là, il n'avait connu que des embêtements. Madame était coquette, elle aimait courir les
fêtes, les expositions. Sans cesse, il lui fallait des cosmétiques, des robes de soie rose et des
20gants beurre frais. Quand on a ces goûts-là, on apporte une dot, ou alors on ne se met pas en
ménage sans avoir de quoi se coller une chemise sur le dos ! Eh bien, elle était contente, à
présent, elle avait ce qu'elle voulait, la sacrée dinde ! Fallait-il être assez bête, tout de même,
assez cruche, pour s'en aller perdre un bijou qui valait au moins dans les quarante mille ! Ça
servait à grand-chose, de pleurer, maintenant que la bêtise était faite.
25 Des envies le prenaient de l'empoigner, cette gueuse, comme un paquet de linge sale,
et de la secouer, de la piétiner, de la lancer par la fenêtre. Ça lui apprendrait à faire des
esbroufes, à vouloir éclabousser le monde, avec son luxe de catin nippée au décrochez-moi-
ça !
Et il enrageait, s'étranglait dans des accès de toux. Mais il allait la mettre au pas, et
30plus vite que ça ! On rembourserait le bijou perdu, soit, ou on en achèterait un pareil. Il ne
serait pas dit que, parce qu'on était pauvres, on se conduirait en malhonnêtes gens. Mais elle
ne l'emporterait pas en Paradis !...
Et ç'avait été alors, une fois les diamants remplacés, la vie des pauvres gens qui
espèrent toujours en vain un peu plus de bonheur, de vérité et de justice, la vie des sans-le-
35sou, une vie hargneuse et mesquine, avec les courses quotidiennes au Mont-de-Piété pour y
porter une paire de flambeaux, la suspension, l'armoire à glace, avec l'empêtrement des
protêts, des billets à ordre, avec les éclats coléreux des encaisseurs essoufflés, suants,
furieux d'avoir monté vainement six étages, et qui vous retournaient les sangs à force de
crier, quand ils n'exigeaient pas un acompte en nature.
40 Ah ! elle pouvait se vanter de connaître les hommes à présent, la petite M me Loisel !
En avait-elle vu, de ces yeux injectés, où le seul aspect de sa jupe tendue sur ses chairs
crevant de santé mettait une flamme lubrique ! En avait-elle rencontré, de ces mâles allumés
dont les mains tremblantes se tendaient vers elle !
Si encore elle avait pu se ressaisir, se purifier corps et âme dans l'intimité
45réconfortante du foyer... Mais non... Elle était plus malheureuse que les pierres chez elle...
C'est qu'il fallait ne pas être en retard, avoir achevé de préparer le manger pour quand
retentirait dans l'escalier le pas lourd de l'homme assommé de fatigue et affamé d'un appétit
goulu de rond-de-cuir à l'estomac aux impérieuses exigences ! Alors c'était le va-et-vient de la
lavette visqueuse entre l'eau grasse d'une terrine et la vaisselle encroûtée d'un reste de lapin
50séché ; c'étaient les borborygmes de l'évier par le trou duquel montaient, comme d'une
bouche pourrie, des relents d'aigre fétidité. C'était, le long des marches crasseuses, la
descente des ordures charriées dans une boîte de métal dont les angles lui blessaient les
cuisses.
Et de chaque palier dévalait chaque jour un tel torrent de gros mots, d'épluchures, de
55détritus, une telle débâcle d'immondices, que cela remontait parfois comme une régurgitation
formidable, comme une éructation géante d'infamie, comme une immense marée, toujours
élargie, coulait jusqu'à ses pieds, la flagellait, la suffoquait, l'engloutissait enfin dans
l'explosion d'un égout qui crève et dont la coulée monstrueuse voudrait empoisonner la terre.
La Parure, Paul Reboux et Charles Muller
60

Préalable : Le vocabulaire.
Relevez les mots qui n'appartiennent pas au vocabulaire courant.
I. La parodie du naturalisme :
651. Comment le couple essaie-t-il de se procurer de l'argent ?
2. Quel est le rôle joué par la nourriture à la fin de l'extrait ?
3. Quel portrait psychologique peut-on faire de Loisel ? Et de sa femme ?
II. La parodie de Zola :
70

1. On a souvent reproché à Zola sa vulgarité, sa complaisance pour les détails sordides. Comment
Reboux et Muller ont-ils caricaturé ces aspects ?
2. Zola accorde une grande place à l'hérédité : quel est le mot du texte qui est synonyme
d'hérédité ?
753. Retrouvez dans le texte la reprise de plusieurs procédés d'écriture fréquents chez Zola :
a) L'intervention directe du narrateur.
b) L'emploi du style indirect libre.
c) Le passage du réalisme à une vision épique.

80-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

La Parure, Paul Reboux et Charles Muller


Préalable : Le vocabulaire.
85 Relevez les mots qui n'appartiennent pas au vocabulaire courant.
I. La parodie du naturalisme :
1. Comment le couple essaie-t-il de se procurer de l'argent ?
2. Quel est le rôle joué par la nourriture à la fin de l'extrait ?
903. Quel portrait psychologique peut-on faire de Loisel ? Et de sa femme ?
II. La parodie de Zola :
1. On a souvent reproché à Zola sa vulgarité, sa complaisance pour les détails sordides. Comment
95Reboux et Muller ont-ils caricaturé ces aspects ?
2. Zola accorde une grande place à l'hérédité : quel est le mot du texte qui est synonyme
d'hérédité ?
3. Retrouvez dans le texte la reprise de plusieurs procédés d'écriture fréquents chez Zola :
a) L'intervention directe du narrateur.
100 b) L'emploi du style indirect libre.
c) Le passage du réalisme à une vision épique.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

105 La Parure, Paul Reboux et Charles Muller


Préalable : Le vocabulaire.
Relevez les mots qui n'appartiennent pas au vocabulaire courant.
110I. La parodie du naturalisme :
1. Comment le couple essaie-t-il de se procurer de l'argent ?
2. Quel est le rôle joué par la nourriture à la fin de l'extrait ?
3. Quel portrait psychologique peut-on faire de Loisel ? Et de sa femme ?
115II. La parodie de Zola :
1. On a souvent reproché à Zola sa vulgarité, sa complaisance pour les détails sordides. Comment
Reboux et Muller ont-ils caricaturé ces aspects ?
2. Zola accorde une grande place à l'hérédité : quel est le mot du texte qui est synonyme
120d'hérédité ?
3. Retrouvez dans le texte la reprise de plusieurs procédés d'écriture fréquents chez Zola :
a) L'intervention directe du narrateur.
b) L'emploi du style indirect libre.
c) Le passage du réalisme à une vision épique.
125
La Parure, Paul Reboux et Charles Muller

Préalable : Le vocabulaire.
130 Relevez les mots qui n'appartiennent pas au vocabulaire
courant.

Il sacrait  il jurait

135un long atavisme bureaucratique  atavisme = hérédité. Les Loisel


sont employés de bureau de père en fils !

un millier de dartres cuisantes  lésions de la peau.

140son luxe de catin nippée au décrochez-moi-ça !  une prostituée qui


s'habille de vêtements bon marché.

Mont-de-Piété  Crédit municipal, établissement de prêt sur gage.

145la suspension  le lustre.

des protêts, des billets à ordre  des reconnaissances de dettes.

une flamme lubrique !  les yeux des hommes montrent leur désir
150pour Mme Loisel.

rond-de-cuir  employé de bureau ; expression péjorative.

les borborygmes de l'évier  au sens propre, gargouillement (ou


155gargouillis) d'estomac.

des relents d'aigre fétidité  des mauvaises odeurs.

une régurgitation formidable  vomissement.


160

I. La parodie du naturalisme :


1. Comment le couple essaie-t-il de se procurer de l'argent ?
les courses quotidiennes au Mont-de-Piété pour y porter une
165paire de flambeaux, la suspension, l'armoire à glace.
le pas lourd de l'homme assommé de fatigue et affamé d'un
appétit goulu de rond-de-cuir.
 Travail acharné de l'homme – ce qui ne suffit pas à régler les
dépenses quotidiennes,
170  L'argent emprunté au Mont-de-Piété.
On remarque que la femme ne travaille pas… Cela peut
s'expliquer par les habitudes de ces petits bourgeois, la femme reste
au foyer.

1752. Quel est le rôle joué par la nourriture à la fin de l'extrait ?


La nourriture achève de faire le malheur de M me Loisel :
a) Elle doit préparer le repas de son mari toujours affamé
(appétit goulu) ;
b) La vaisselle devient une corvée répugnante :
180  lavette visqueuse
 l'eau grasse d'une terrine
 la vaisselle encroûtée d'un reste de lapin séché

3. Quel portrait psychologique peut-on faire de Loisel ? Et de sa


185femme ?

Loisel :
Violence verbale.
Proche de la violence physique – mais il ne passe pas à l'acte.
190 Aucune solidarité avec sa femme – il ne l'aime pas.
Nature des reproches : ne comprend pas le souhait de sa
femme d'une vie élégante. Un idéal : une vie modeste, dans les limites
de sa classe sociale.

195Mme Loisel :
Même si les reproches de son mari sont exagérés, on peut
supposer une certaine coquetterie, le désir de sortir de son milieu
modeste (fêtes, expositions, l'emprunt du collier…).
Résignation : elle accepte les reproches de son mari, la vie qu'il
200lui fait mener. Ne suggère pas d'avouer la perte du collier…
Une femme soumise.

II. La parodie de Zola :

2051. On a souvent reproché à Zola sa vulgarité, sa complaisance pour


les détails sordides. Comment Reboux et Muller ont-ils caricaturé ces
aspects ?

Les insultes de Loisel :


210  la sacrée dinde !
 son luxe de catin nippée au décrochez-moi-ça !

Les désirs des encaisseurs :


 de ces yeux injectés,
215  une flamme lubrique !

La saleté :
 lavette visqueuse
 la descente des ordures
220  d'épluchures, de détritus, une telle débâcle d'immondices

2. Zola accorde une grande place à l'hérédité : quel est le mot du texte
qui est synonyme d'hérédité ?
ATAVISME.
225
3. Retrouvez dans le texte la reprise de plusieurs procédés d'écriture
fréquents chez Zola :
a) L'intervention directe du narrateur.
 Toute l'âcreté de son sang, vicié par un long atavisme
230 bureaucratique, lui remontait soudainement à la peau,
l'incendiait de rougeurs, le démangeait comme d'un millier de
dartres cuisantes.
 Ah ! elle pouvait se vanter de connaître les hommes à présent,
la petite Mme Loisel !
235
b) L'emploi du style indirect libre.
 Madame était coquette, elle aimait courir les fêtes, les
expositions. Sans cesse, il lui fallait des cosmétiques, des robes
de soie rose et des gants beurre frais.
240
c) Le passage du réalisme à une vision épique.

Et de chaque palier dévalait chaque jour un tel torrent de gros


mots, d'épluchures, de détritus, une telle débâcle d'immondices, que
245cela remontait parfois comme une régurgitation formidable, comme
une éructation géante d'infamie, comme une immense marée,
toujours élargie, coulait jusqu'à ses pieds, la flagellait, la suffoquait,
l'engloutissait enfin dans l'explosion d'un égout qui crève et dont la
coulée monstrueuse voudrait empoisonner la terre.
250
Cf. L'alambic de L'Assommoir :

L'alambic, sourdement, sans une flamme, sans une gaieté dans les
reflets éteints de ses cuivres, continuait, laissait couler sa sueur
255d'alcool, pareil à une source lente et entêtée, qui à la longue devait
envahir la salle, se répandre sur les boulevards extérieurs, inonder le
trou immense de Paris.

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