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Guide de Bonnes Pratiques Energie de Cuisson Domestique

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Crédit Entrepreneurs du Monde

Energie de cuisson domestique :


clés pour un renforcement de
l’efficacité des projets
Acronymes Lexique
AVN : Association Ville Nouvelle, Burkina Faso
Biomasse : On emploiera le terme biomasse non
CCA (ex GACC) : Clean Cooking Alliance ex Global transformée (implicitement solide) pour la biomasse
Alliance for Clean Cookstoves simplement coupée et séchée issue de plantes
ligneuses (arbres, arbustes, …), de résidus agricoles
EDM : Entrepreneurs du Monde, France
(pailles, coques, balle de riz, etc.) et les bouses séchées.
fNRB : fraction of Non Renewable Biomass On parlera de biomasse transformée pour une
biomasse qui aura subi un procédé mécanique ou
GES : Gaz à Effet de Serre chimique spécifique (broyage, densification,
GIZ : agence de coopération internationale allemande carbonisation, torréfaction, méthanisation,
pour le développement distillation…).

GJ : Gigajoule (unité de mesure d’énergie adaptée au Cuiseur : Pour mentionner l’équipement de cuisson, on
besoin énergétique annuel pour la cuisson domestique utilisera dans ce guide le terme « cuiseur » (terme
d’une famille) technique) plutôt que « foyer » qui prête à confusion
GPL : Gaz de Pétrole Liquéfié (plusieurs sens).

Hb : Teneur en eau du bois sur base humide (base Energie utile : Il s’agit de l’énergie juste nécessaire pour
brute) accomplir une tache énergétique (hors les pertes). Le
IMF : Institution de Micro Finance rendement énergétique se calcule par le ratio Energie
utile sur l’Energie fournie (Energie contenue dans le
INS : Institut National de Statistique combustible).
KGC : Khmer Green Charcoal
Facteur d’émission : Dans notre cas, il s’agit d’un ratio
KPT : Kitchen Performance Test (test de terrain pour exprimant la quantité moyennée de gaz ou de
mesurer l’économie de combustible en conditions particules (CO, PM, GES, etc.) par unité de combustible
réelles après des familles utilisatrices) pendant une tâche de cuisson (en lien avec
ODD : Objectifs de Développement Durable établis par l’équipement et modalité tâche de cuisson). Il peut
les États membres des Nations unies s’exprimer en g/kg de combustible sec, en g/GJ
d’énergie utile (plus souvent g/MJ pour la cuisson
OMS : Organisation Mondiale de la Santé domestique) ou en g/mn. Si les facteurs sont faibles, on
OSC : Organisation de la Société Civile préfèrera le mg ou le µg.

PCI : Pouvoir Calorifique Inférieur (pour le bois en lien Performance énergétique et environnementale : les
avec son essence et sa teneur en eau) équipements de combustion sont évalués, en plus de
PM : Particulate Matter (particule fine, PM 2,5 : de leur performance énergétique, sur leurs performances
diamètre aéraulique équivalent inférieur à 2,5 µm- environnementales c'est-à-dire sur leur facteur
micromètres) d’émission de composants toxiques (CO, PM, NOx,
Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques, etc.)
TIC : Technologie de l’Information et de la
Communication
TJ : Térajoule, 1012 Joule
UNEP : Programme des Nations Unies pour
l’Environnement
WEO : World Energy Outlook, rapport annuel produit
par l’Agence Internationale de l’Energie

1
AVANT-PROPOS

Ce guide est destiné aux organisations de solidarité internationale souhaitant s’engager dans le secteur de la cuisson
domestique et sollicitant un cofinancement auprès du dispositif d’appui aux initiatives des OSC de l’AFD.

Il a pour objectif de mettre en évidence un ensemble de points d’attention à prendre en compte dans l’élaboration
des interventions dans le secteur et à proposer des clés de renforcement des projets à travers notamment une
meilleure prise en compte des questions d’innovation (structurelle, opérationnelle, technologique), de
développement local (génération de revenus locaux, montée de l’expertise locale) et de pérennité (poursuite de la
dynamique post projet, durabilité économique).

Dans sa première partie, le guide formule un diagnostic des principaux enjeux liés à la cuisson domestique,
notamment en Afrique subsaharienne, ainsi que les conditions du renforcement de l’efficacité des interventions dans
le secteur. Dans la seconde partie, il propose six recommandations clés pour accompagner le processus de
conception, de conduite et de clôture d’un projet en lien avec la cuisson domestique.

Ces recommandations ont été construites sur la base d’une étude de capitalisation des principaux projets appuyés
par l’AFD sur la thématique énergie de cuisson domestique ainsi que sur l’analyse des initiatives les plus
emblématiques dans le secteur. Une mission d’observation du modèle innovant d’Inyenyeri1 au Rwanda a également
été conduite. Une centaine de personnes ressources en Afrique et en Asie ont été interviewées dans le cadre de ces
travaux. Enfin, une enquête en ligne et plusieurs consultations avec les OSC françaises ont été organisées pour
identifier leur positionnement et les différents sujets d’attention liés à la complexité du secteur ainsi que les principaux
leviers de renforcement de l’impact de leurs interventions.

Ce guide s’inscrit en cohérence avec la stratégie de transition énergétique du Groupe AFD 2019-20222 dont les axes
d’intervention concernant l’appui aux filières durables de combustibles à usage domestique et productif sont les
suivants :
 soutenir le développement de politiques publiques de combustibles durables;
 définir et mettre en œuvre des plans de gestion de la biomasse;
 moderniser la filière de production de combustible (charbon de bois, biomasse densifiée, éthanol, biogaz, …);
 améliorer l’efficacité de l’utilisation du bois énergie (cuiseurs domestiques améliorés, modernisation des fours et
chaudières dans les petites entreprises et industries), avec une vigilance sur la qualité de l'air intérieur.

1 BioMassters
2 https://www.afd.fr/fr/ressources/strategie-transition-energetique-2019-2022

2
.

1. ENJEUX ET IMPACTS DE LA CUISSON DOMESTIQUE


Passé souvent au second plan des stratégies énergétiques derrière le besoin d’électrification, l’accès à une offre de
service énergétique en matière de cuisson domestique complète, performante et durable reste tout aussi important
pour améliorer les conditions de vie des populations.

Dans les pays du Sud, bien que les contextes culinaires soient très diversifiés, deux caractéristiques communes peuvent
être observées : d’une part, la prépondérance de l’utilisation de la biomasse et, d’autre part, des équipements de
cuisson peu performants.

1.1. Un besoin en biomasse-énergie prépondérant et en croissance en Afrique subsaharienne

Plus de 2,7 milliards de personnes dans le monde, principalement dans les pays en développement, dépendent de
combustibles issus de biomasses traditionnelles pour satisfaire leur besoin de cuisson, soit le recours à au moins 1 300
millions de m3 de biomasse par an. D’après l’Agence Internationale de l’Energie, ce chiffre sera stable entre 2010 et
2030 si on considère l’ensemble des pays en développement (cf. tableau infra). Par ailleurs, les filières biomasse
énergie fournissaient en 2010 un emploi à environ 13 millions de femmes et d’hommes en Afrique subsaharienne3.

Dans les décennies à venir, et contrairement aux autres régions du monde, le recours à la biomasse-énergie pour la
cuisson domestique en Afrique subsaharienne devrait connaitre une forte augmentation liée à la croissance
démographique attendue sur le continent. Entre 1,6 à 1,8 milliard de personnes y dépendront de la biomasse-énergie
en 2050 pour leur besoin de cuisson4. Une situation qui pourrait contribuer notamment à l’accroissement de la pression
sur les écosystèmes forestiers en l’absence d’une gestion durable des ressources forestières dans cette région du
monde.

Evolution attendue du nombre de personnes dépendant de la biomasse-énergie par zone géographique (millions)

2015 2030

Afrique subsaharienne 741 918

Afrique du Nord 4 4

Inde 863 780

Chine 393 280

Reste Asie en développement 688 709

Amérique Latine 85 79

Total 2 774 2 770

Source : World Energy Outlook, 2010, chiffres cohérents avec les données WEO 2019

1.2. Des cuiseurs domestiques peu performants offrant un faible rendement et potentiellement
nocifs pour la santé des utilisatrices et utilisateurs

On observe également un usage majoritaire de cuiseurs biomasse, auto-construits ou produits par des artisans locaux,
peu performants sur le volet énergétique (rendement énergétique en situation réelle entre 15 et 30%) mais aussi sur le
volet environnemental (combustion de mauvaise qualité dégageant dans l’environnement des composants nocifs
notamment pour la santé humaine).

3 Openshaw, 2010
4 Henri Casteleyn, 2016, Clean cooking in sub-Saharan Africa: modeling the cooking fuel mix to 2050, Publication UNEP, 2019

3
D’après l’OMS, chaque année, près de 600 000 décès prématurés en Afrique5 peuvent être attribués à la pollution de
l'air résultant de l'utilisation traditionnelle des combustibles solides tels que le bois de feu et le charbon de bois, risque
ciblant principalement les femmes et enfants en bas âge.

1.3. Les populations les plus pauvres sont les plus exposées aux inconvénients et aux risques
liés à l’usage de biomasses traditionnelles non transformées

On assiste ces dernières années à un renchérissement du coût des combustibles de cuisson dans les villes d’Afrique
subsaharienne en lien avec l’affaiblissement des stocks en biomasse de proximité et l’augmentation de la demande6.
Cette situation accroit la précarisation des ménages urbains parmi les plus pauvres.

Dans les contextes ruraux, cela se traduit par une lourde contrainte pour les femmes et les enfants que ce soit par le
temps passé à la collecte de la biomasse, qui peut atteindre jusqu’à 5 heures par jour par ménage, ou que ce soit
par une plus forte exposition aux émissions nocives liées à la combustion de biomasse non transformée généralement
en lien avec un cuiseur traditionnel « trois pierres ».

Temps passé en heures par ménage par jour pour la collecte du bois

1.4. Quel regard porter sur les projets de diffusion de cuiseurs domestiques améliorés ?

En réponse à ces enjeux, les acteurs de la solidarité internationale ont multiplié les projets de diffusion de cuiseurs
domestiques dits améliorés sans que ces interventions ne fassent toujours pleinement consensus sur leurs impacts et
leur pérennité.

Les raisons des défaillances observées sont multiples :


 la nécessité d’une approche pluridisciplinaire rarement mise en œuvre dans les projets (processus de
développement technologique, développement de filière économique, approches commerciales adaptées au
public cible, etc.) ;
 l’absence d’un niveau d’expertise suffisant (accompagnement technique des producteurs, conseils en
structuration de filière,…) ;
 une approche souvent fondée sur une distribution massive de cuiseurs sans stratégie de pérennisation ;
 des équipements de cuisson insuffisamment adaptés aux besoins et attentes des utilisatrices et utilisateurs, et
souvent basés sur une solution de cuisson unique ne répondant pas à la diversité des attentes ;
 des performances énergétiques toutes relatives, sans maîtrise de la qualité du combustible utilisé ou de
l’accompagnement au bon usage des cuiseurs améliorés ;
 des filières émergentes insuffisamment préparées à la sortie des bailleurs (arrêt des subventions, du financement
du contrôle qualité externe, de l’animation interprofessionnelle entre producteurs et distributeurs,…) ;
 un faible support par les structures gouvernementales concernées, un manque de coordination avec les
différentes initiatives sur une même zone d’intervention.

5 WHO, 2014 : Burden of disease from Household Air Pollution for 2012
6 Clean and Improved Cooking in Sub-Saharan Africa, November 2014 second edition, ACCES, World Bank, p 40

4
1.5. Conditions pour un renforcement des interventions dans le secteur de la cuisson
domestique

Malgré ces difficultés, favoriser l’accès des populations à des solutions de cuisson propre à un coût abordable reste
une priorité figurant dans l’Agenda 2030 pour le développement durable (ODD 7). L’étude des projets dans le secteur
a permis de mettre en évidence un ensemble de conditions pouvant contribuer au renforcement des interventions,
notamment avoir :
 réalisé un diagnostic et une cartographie de l’écosystème et des initiatives en lien avec les combustibles et
équipements de cuisson dans la zone d’intervention du projet - clé n°1 ;
 spécifié le caractère innovant de l’intervention (organisationnelle, technologique ou sociale) par rapport aux
interventions « classiques » dans le secteur - clé n°2 ;
 réuni l’expertise nécessaire à l’exécution du projet (qualité du partenariat et des intervenants externes) - clé n°2 ;
 recueilli les attentes et besoins exprimés par les utilisatrices et utilisateurs finaux, en portant une attention
particulière aux enjeux de genre - clé n°3 ;
 réalisé une étude comparative des différentes solutions de cuisson existantes ou potentielles au regard de leurs
impacts respectifs- clé n°4 ;
 précisé les modalités de renforcement de capacité des acteurs locaux (formation, sessions d’échange
d’expérience, capitalisation, lien avec centre de ressources national) - clé n°5 ;
 défini la stratégie de retrait de l’OSC et intégré les modalités spécifiques d’une évaluation externe pour ce secteur
- clé n°6.

Le dispositif Initiative OSC de l’AFD privilégiera des projets en lien avec la cuisson domestique cherchant à la fois à
favoriser l’émergence de schémas d’accès innovants à une énergie de cuisson fiable, durable et à un coût
abordable (Cf. ODD7), et à renforcer les capacités des partenaires et acteurs locaux dans une logique
d’autonomisation et de pérennité des interventions.

Les propositions liant une offre en combustibles durables et l’utilisation d’équipements de cuisson performants (et
accessoires) seront privilégiées tout comme celles ciblant prioritairement les ménages pauvres en milieux urbains ou
ruraux.

5
2. RECOMMANDATIONS POUR LE RENFORCEMENT
DES PROJETS LIES A LA CUISSON DOMESTIQUE

Clé N°1 : Bien comprendre la spécificité de l’écosystème local et suivre son évolution au
cours du projet

Il s’agit d’identifier l’ensemble des structures et des acteurs faisant partie de l’écosystème « combustibles et
équipements de cuisson domestique » dans la zone d’intervention : usagers finaux, producteurs-distributeurs-
détaillants de cuiseurs, fournisseurs de combustibles, structures d’encadrement ou de services étatiques et non
étatiques, etc. Et d’analyser les relations entre ceux-ci (individus ou groupes engagés directement ou indirectement
par l’intervention), leurs capacités respectives, et leurs intérêts à agir ou au contraire à freiner l’intervention.

Schéma type de l’écosystème « combustibles et équipements de cuisson domestique »

Réseau de compétences externe :


Financeurs, agences de PMEs, experts, BE, ONGs, formateurs,
développement « champions », évaluateurs

Ministères techniques,
Partenaires potentiels
collectivités territoriales
sur activités Filières combustibles et équipements
connexes : énergie, Producteurs/fournisseurs
santé, env. Banques nationales,
Grossistes/distributeurs services de paiement
mobile, institutions de
Réseaux de distribution Détaillants, plateformes achat microfinance
de biens de
consommation
Opérateurs nationaux :
agrégateurs, BEs,
Laboratoire de Centres de experts nationaux,
test (standards) recherche et de Usagers finaux associations, alliances
développement
Structures de technologique
formation Relais de sensibilisation :
professionnlels chefs traditionnels,
religieux, artistes, médias
« Champions » désigne ici les initiatives/entreprises matures cherchant à diffuser
leurs acquis souvent sous forme de franchise.

 Écueils récurrents

Faute de moyens financiers ou de temps suffisants, le diagnostic de l’écosystème n’est généralement pas assez
poussé et ne permet pas de bien identifier l’ensemble des spécificités, des initiatives en cours. Si l’OSC ne dispose
d’aucune antériorité sur la zone d’intervention, elle devra approfondir cette étape de diagnostic.

 Outils et conseils

Si l’OSC ne dispose pas d’une expérience spécifique dans la thématique, il est conseillé de faire appel à une expertise
externe pour utiliser ou adapter une panoplie d’outils de diagnostic existants7 afin de caractériser la typologie, le
comportement des ménages, les filières d’approvisionnement en combustibles, d’identifier les structures ressources et
les partenaires potentiels, les compétences locales, les acquis des projets antérieurs.

7 Outils de diagnostic : analyse documents, cartographie, images satellite, enquêtes, étude de satisfaction, étude de marché, visites, réunions en focus

groupe, entretiens ethnographiques sur habitudes culinaires, tests en laboratoire d‘équipements de cuisson et de combustibles, mesures de
consommation en situation réelle (KPT), analyse des coûts, etc.

6
La réalisation d’un diagnostic genre constitue également un prérequis pour comprendre les enjeux et les conditions
d’intégration des femmes à tous les niveaux de la filière (production, distribution) et pas uniquement en tant
qu'utilisatrices des solutions de cuisson. Ce diagnostic devra permettre à l’OSC d’intégrer l’approche genre dans
chaque objectif, résultats et activités du projet. La disponibilité d’indicateurs de suivi désagrégés par sexe sera
également attendue.

Il faut veiller également à bien prendre en compte les politiques publiques en lien avec la cuisson domestique pour
s’assurer d’une réelle adéquation avec les objectifs du futur projet et les pistes de partenariat avec les structures
gouvernementales.

En général, trois à six mois peuvent être nécessaires, en fonction de l’état des connaissances du porteur de projet
ainsi que du périmètre d’intervention, pour disposer d’une compréhension suffisante de la situation et établir un
scénario tendanciel (« baseline »). Il est conseillé d’utiliser cette phase préparatoire comme un temps de formation
pour l’équipe locale (adaptation et usage de ces outils de diagnostic, connaissance des initiatives voire des initiatives
référentes dans le pays ou à l’international en contextes similaires, etc.).

Composition d’un rapport de diagnostic de l’écosystème « combustibles et équipements de cuisson domestique »

 Description des filières d’approvisionnement en combustibles et de production-distribution de cuiseurs


domestiques (éléments qualitatifs et quantitatifs, analyse des coûts, études existantes ou mises en œuvre).
 Description du cadre institutionnel et réglementaire, des structures d’encadrement en place.
 Besoins de renforcement ou d’accompagnement à l’émergence d’acteurs manquants (distributeurs…).
 Description des usages, particularismes locaux notamment pour le public cible.
 Bilan des initiatives passées et en cours, identification de partenaires potentiels.
 Simulation scénario tendance actuelle avec ses impacts.
 Diagnostic des enjeux de genre dans la filière et dans la zone concernée.

Clé N°2 : Définir son positionnement et élaborer sa stratégie d’intervention dans le secteur

Après la phase de diagnostic, c’est le moment de définir dans quel domaine l’OSC est plus à même d’apporter des
améliorations durables, compte tenu de son expertise propre. Le champ opérationnel est si large que tout acteur de
développement peut logiquement trouver sa place (cf. tableau infra).

L'OSC doit également être en capacité d’identifier l'ensemble des intervenants nécessaires au succès de l'initiative
et de s'assurer qu'il n'y a pas d'acteurs manquants (dans ce cas une action doit être prévue en ce sens).

Tableau des interventions identifiées en cuisson domestique

Intervention sectorielle/directe/zonée géographiquement


Accroître l’efficience des filières d’appro
(gestion, itinéraire technique, …)
Accompagner les
Encourager les plantations dédiées/ nouvelles
filières biomasse-
pratiques (agroforesterie, etc.)
Volet énergie existantes
Améliorer les technologies de façonnage
production
(coupe, séchage,…), de carbonisation
de
Faciliter l’accès au gaz de pétrole liquéfié
combustibles Faciliter l’accès
Valoriser les résidus agricoles ou effluents
aux combustibles
d’élevage (biogaz, éthanol, …)
fossiles ou dits
8
Proposer de nouveaux combustibles (briquettes
alternatifs
de charbon, granulés, etc.)

8Des projets en lien avec la distribution de gaz domestique pour la cuisson (GPL ou réseau de distribution), peuvent être envisagés sous réserve que
ces projets apportent des bénéfices sociaux en cohérence avec les priorités d’accès en Afrique et en Asie, ou qu’ils s’inscrivent en substitution à
d’autres énergies plus émissives - Stratégie de transition énergétique du Groupe AFD 2019-2022.

7
Améliorer les procédés de production
(productivité, standard, qualité)
Améliorer le design du cuiseur (performance
Accompagner les énergétique, environnementale)
filières de Faciliter l’importation de cuiseurs plus avancés
production et de Renforcer le circuit de distribution (grossistes,
commercialisation détaillants, etc.)
de cuiseurs Structurer la filière (interprofession, politique de
Volet
prix, labellisation, marque …)
demande en
Consolider la commercialisation (campagne
combustibles
de promotion, garanties, …)
Implanter des usines de
production/d’assemblage sur financement
Faciliter
privé
l’émergence de
Mettre sur pied des « social business »
nouveaux acteurs
(organisation, mécanismes financiers)
privés
Mettre sur pied des sociétés de services
énergétiques (offre & demande)
Intervention structurelle échelle nationale/régionale
Accompagner l’élaboration d’un cadre légal
filière biomasse-énergie
Définir et appliquer les conditions de taxation
(différenciée, décentralisée,…)
Définir et faire appliquer les normes, labels sur
combustibles & équipements
Renforcer les compétences des cadres
institutionnels
Permettre la réalisation des statistiques
Accompagner les institutions
nécessaires (lien avec l’INS concerné)
Développer des outils de suivi (traçabilité,
impacts,…)
Accompagner la définition de la stratégie
nationale
Faciliter l‘accès à des mécanismes de
financement des institutions
Structurer la capitalisation (open data,
méthodologie évaluation, etc.)
Permettre l’accès à des formations (à la carte,
professionnalisantes, etc.)
Créer ou renforcer des structures de
développement technologique, R&D
Réaliser des études spécifiques (de marché,
d’impacts, ...)
Rendre accessible l’usage de TIC (monitoring,
nouveaux services)
Accompagner les filières locales Accès à de nouveaux mécanismes financiers
(finance carbone, crédit, etc.)
Accès à de nouveaux services (assurance,
etc.)
Promotion auprès des institutions, décideurs
nationaux/internationaux
Certification/labellisation des filières en sus du
cadre légal existant
Sensibiliser le grand public (usage, impacts,…)

8
 Écueils récurrents

L’approche souvent observée consiste à reproduire la logique d’intervention suivante : le projet prévoit la conception
d’un équipement de cuisson domestique amélioré, souvent peu maîtrisé sur le plan technique, et un panel d’activités
pour en assurer à la fois sa production par des artisans locaux, sa promotion et sa large diffusion par un réseau de
distributeurs-détaillants existants ou à créer. Ce type d’approche s’appuyant généralement sur des partenariats assez
limités avec les acteurs locaux.

 Outils et conseils

Décider de mener des projets en lien avec la cuisson domestique doit être envisagé comme un véritable déploiement
stratégique de l’OSC sur le moyen terme en définissant son positionnement propre et la valeur ajoutée spécifique
qu’elle souhaite apporter dans ce domaine. L’OSC doit être en mesure de formuler le caractère innovant de son
approche, soit en comparaison avec le panorama des initiatives en cours, soit en lien avec une expertise interne
spécifique.
Les plus belles réussites sont celles de structures ayant opéré des choix clairs dans leur stratégie d’intervention. On
peut citer à titre non exhaustif :
 la création de KGC9 (unité de production de briquettes de charbon) au Cambodge par le GERES, autonome
depuis 2014 sur ses seules ventes et cherchant à dupliquer son expertise à l’échelle internationale sur un modèle
de franchise dénommée OTAGO;
 la création et l’accompagnement par EDM d’une entreprise sociale burkinabé nommée « Nafa Naana » au
Burkina Faso avec un réseau de boutiquiers microfranchisés pour faciliter l’accès à des solutions performantes de
cuisson présentée brièvement plus loin;
 le cluster africain « Charbon Vert » par Initiatives Climat regroupant et facilitant les échanges entre entrepreneurs
d’Afrique Francophone dans les combustibles alternatifs issus de la biomasse locale présenté brièvement plus
loin.

Clé N°3 : Placer les besoins des bénéficiaires au cœur du projet et concevoir une qualité de
service qui réponde à leurs attentes

L’analyse et la réponse aux besoins et attentes des bénéficiaires finaux doivent être au cœur du projet.

 Écueils récurrents

Beaucoup de projets ont connu des difficultés car ils se sont révélés inadaptés aux attentes des bénéficiaires ou
n’apportaient pas une qualité de services au moins équivalente aux solutions de cuisson traditionnelles (adaptation
aux différents modes de cuisson, proximité et relation de confiance avec le détaillant du quartier, adéquation avec
les cycles de disponibilité financière des usagers, sécurité d’approvisionnement en combustible, facilité d’usage,
etc.).

 Outils et conseils

Ces difficultés peuvent être surmontées en renforçant l’analyse des attentes des usagers, la prise en compte des
critères qui comptent le plus pour eux, ainsi que l’analyse de leurs capacités à payer. A coût global équivalent, et
sous réserve que les cycles de facturation de l’offre soit en adéquation avec les cycles de revenus des usagers, c’est
la solution de cuisson domestique la plus adaptée à la réalité des besoins des utilisateurs, dans un contexte donné,
qui sera toujours préférée.

Les principaux critères d’appropriation des solutions de cuisson par les usagers
Hors notions de prix (prix d’achat et économie de combustible équivalents) et d’esthétisme, les diverses enquêtes de
satisfaction ont mis en avant les principaux critères d’appropriation suivants :
 rapidité de cuisson ;
 facilité d’usage (allumage, enfournement du combustible, réglages, temps de surveillance réduit, temps de
collecte réduit) ;
 capacité à réaliser la majorité des plats traditionnels en s’adaptant aux ustensiles et modes de cuisson ;
 une garantie sur le cuiseur (SAV efficient et réactif, solidité, durabilité) ;

9 KGC : Khmer Green Charcoal, www.kgc-cambodia.com

9
 un accès facilité et sécurisé au combustible.

Au-delà du simple développement technologique d’une solution de cuisson, il s’agit donc de faciliter l’accès à une
offre de service énergétique complète améliorant sensiblement la vie des utilisatrices et utilisateurs finaux tout en
réduisant drastiquement les impacts sanitaires et environnementaux des solutions actuelles.

Un modèle inspirant : Inyenyeri au Rwanda10

L’entreprise sociale « Inyenyeri » établit des contrats d’abonnement incluant la mise à disposition d’un ou plusieurs
cuiseurs granulés, une quantité minimale de combustible consommée par mois suivant les besoins de la famille. Sa
solution de cuisson se base sur un cuiseur de marque Mimi Moto et
de granulés produits localement à grande échelle à partir de
sciure de bois d’eucalyptus.

A retenir :
 Une prise de risque assumée par la société de services et non
par le client (achat et stockage d’un lot de cuiseurs, production
et stockage optimal du combustible, mise en place du réseau
de distribution et des outils relation client).
 Un effet d’échelle permettant de proposer un pack cuiseur et
combustible (granulé de bois d’eucalyptus) moins coûteux à
l’usage que le gaz et le charbon de bois (la forte capacité de
production des unités de granulation permet un coût de
production de 8 cts €/kg de granulé soit 1,7 cts €/kWh).
 Un service client exemplaire : livraison gratuite à vélo du
combustible nécessaire pour une semaine par simple SMS, SAV
réactif en un jour pour intervenir sur le cuiseur et le changer si
nécessaire.
 L’enregistrement des achats en granulés garantit la traçabilité

Crédit JF Rozis
de la filière d’approvisionnement facilitant l’accès à la finance
carbone (quantification des réductions des émissions en
équivalent CO2 par rapport à la situation antérieure du
ménage).

La prise en compte de la dualité contexte urbain et rural isolé


En zone urbaine, les attentes en matière de solutions de cuisson apparaissent relativement homogènes en termes
d’achat de combustible, d’habitudes culinaires, ou de taille des familles. Dans ces contextes où la population a déjà
accès aux réseaux de distribution d’équipements de cuisson, d’accessoires11 et de combustibles, l’enjeu principal
est de permettre l’accès à une offre plus performante sur le plan énergétique avec un impact environnemental et
sanitaire réduit tout en économisant l’argent des ménages. Il existe aujourd’hui une multitude d’offres de services de
ce type intégrant divers supports de paiement et de facilités d’achats.

Incubation d’entreprise sociale : « Nafa Naana » au Burkina Faso

Entrepreneurs du Monde agit comme un incubateur d’entreprises sociales : dans le cadre d’un projet, un programme
local est lancé, puis une structure juridique locale est créée. Les activités sont alors transférées à cette nouvelle entité.
« Nafa Naana » assure une veille active permettant de sourcer des équipements énergétiques conformes à des
critères de qualité et de performance garantis par la marque « Nafa Naana ». L’extension des canaux de distribution
se fait sous la forme de microfranchise sociale ainsi que la mise en place de services financiers à tous les niveaux de
la chaîne de production, de la distribution et de la promotion des produits. Cette structuration s’appuie sur les forces
vives en place (IMF, revendeurs, associations, groupements).

Les éléments clés:


 Depuis 2012, 45 000 équipements de cuisson améliorés ont été diffusés.
 70% des bénéficiaires de « Nafa Naana » sont des femmes.

10 Renommé BioMassters en Mai 2020, le business model de l’entreprise sociale a été redéfini pour viser un point d’équilibre à 30 000 usagers en se

concentrant dans un premier temps sur le contexte urbain.


11 Par accessoires, on entend allume feux écologiques, ustensiles type cocotte-minute, bouteille, thermos, paniers thermiques, etc.

10
 « Nafa Naana » s’appuie sur un réseau de plus de 170 partenaires de distribution et 26 salariés.
 Des actions de sensibilisation et formation à l’usage des équipements (impact sanitaire notamment) sont
proposés.
 Mise en relation équipementiers innovants et ménages à faibles revenus.
 Des tests sur la durée sont réalisés avant mise sur le marché (réponse aux attentes et besoins des ménages).
 Utilisation de la finance carbone pour faciliter notamment l’accès aux ménages les plus modestes.

Crédit Entrepreneurs du Monde


En milieu rural isolé, les solutions de cuisson adaptées doivent prendre en compte les particularismes locaux et, en
général, une très faible monétarisation. Cela implique donc d’adapter les approches notamment pour pallier
l’absence de réseaux de distribution dédiés. L’enjeu principal est ici de créer de nouvelles dynamiques économiques
en lien avec des offres de services dans le secteur de l’énergie domestique voire de greffer des offres énergétiques
sur des secteurs connexes (santé, biens de consommation, etc.) et s’attacher à réduire l’impact sanitaire de l’usage
de biomasse non transformée dans des cuiseurs rustiques souvent de type « trois pierres ».

Le projet Résisterre mené par Initiative Développement au Burkina Faso et au Sénégal, ou encore le projet Bachat mis
en œuvre par Care France et Inde, en lien avec le GERES, en Inde illustrent cette approche. Ces projets visent à
renforcer les groupements et entrepreneurs locaux, impliquer les femmes dans la diffusion des solutions de cuisson
innovantes (combustibles alternatifs, nouveaux équipements de cuisson, etc.), faciliter le développement de solutions
technologiques en lien avec les besoins spécifiques des familles rurales (niveau de puissance, multifonction, etc.), et
intégrer la composante énergie de cuisson dans une vision globale de développement rural ou d’adaptation au
changement climatique sur un territoire donné.

Clé N°4 : Evaluer la qualité et la pertinence de la filière accompagnée

Chaque filière de cuisson, associant à la fois un cuiseur et un type de combustible (bois, charbon, briquettes, granulés,
etc.), possède ses propres impacts sociaux, économiques et environnementaux. L’OSC doit donc être en capacité
de démontrer la pertinence de la filière ou des filières sélectionnées par le projet au regard des autres solutions
disponibles.

 Écueils récurrents

Les organisations n’interviennent souvent que sur une partie de la filière (notamment la production-commercialisation
de l’équipement de cuisson) plutôt que sur son intégralité incluant l’approvisionnement en combustible. Les impacts

11
des interventions s’en trouvent ainsi réduits et peuvent même s’avérer parfois contreproductifs si une filière existante
et plus pertinente se retrouve injustement concurrencée (ne bénéficiant pas d’un appui extérieur).

 Outils et conseils

Deux approches peuvent être utilisées de façon complémentaire pour sélectionner/qualifier une filière :

Approche 1 : Comparatif des solutions de cuisson à l’échelle des ménages


Il s’agit de réaliser une simulation théorique pour une famille « cible » caractérisée par sa taille (nombre de personnes
prenant en commun les repas quotidiens) dont le besoin en énergie utile a été identifié (série de mesures sur site,
information disponible).

En supposant connus ou mesurés les rendements énergétiques des cuiseurs communément utilisés ou potentiellement
diffusables tout comme le pouvoir calorifique inférieur des combustibles de cuisson en usage, il est alors possible de
mesurer les impacts pour une solution de cuisson (couple combustible et cuiseur associé).

La réalité est bien sûr plus nuancée. On parle de « mix » ou de bouquet énergétique. Néanmoins, il est souvent fait
référence à l’usage d’un cuiseur et d’un combustible préférentiel au sein du ménage.
Pour prendre en compte ce bouquet énergétique, il suffit alors d’appliquer un ratio de répartition de consommation
entre les solutions énergétiques utilisées par les ménages ciblés.

Le tableau ci-après simule l’impact des solutions de cuisson (cuiseur /combustible) que l’on peut rencontrer dans le
cas présent au Burkina Faso chez une famille urbaine. La coloration utilisée pour chaque ligne du vert au rouge
souligne les impacts des plus vertueux aux plus problématiques.

Simulation pour une famille burkinabé (chiffres 2018)12

bois charbon charbon briquette GPL prix GPL prix


granulé éthanol
Hb 20* tradit. tradit. charbon subvent. normal
Famille urbaine au Burkina Faso
cuiseur cuiseur cuiseur cuiseur brûleur brûleur cuiseur brûleur
basique actuel optimisé optimisé standard standard avancé standard
énergie utile (GJ/an) 5,7 5,7 5,7 5,7 5,7 5,7 5,7 5,7
rendement cuiseur (chiffres
15% 25% 35% 35% 55% 55% 45% 55%
littérature)
énergie consommée étape
37,96 22,78 16,27 16,27 10,35 10,35 12,65 10,35
cuisson (GJ/an)
énergie consommée filière
37,96 82,29 58,78 63,68 41,30 41,30 16,36 14,85
globale (GJ/an)**
coût combustible (€/kg)*** 0,075 0,25 0,25 0,3 0,625 1,25 0,15 0,7
PCI combustible (MJ/kg) 15 29 29 26 45 45 17 29
poids combustible (kg/an) 2 531 785 561 626 230 230 744 357
coût combustible (€/an) 190 196 140 188 144 288 112 250
prix cuiseur et consigne (€/an) 0 5 10 10 20 20 40 30
Total cumulé (€/an) 190 201 150 198 164 308 152 280
biomasse initiale Hb20 (kg/an) 2 531 4 712 3 366 3 754 968
efficacité énergétique globale** 15% 7% 10% 9% 14% 14% 35% 38%
GES avec fNRB 100 % (t/an)** 4,3 6,3 4,5 4,8 2,3 2,3 1,6 0,8
GES avec fNRB 50 % (t/an)**** 2,1 3,1 2,2 2,4 2,3 2,3 0,8 0,4
GES avec fNRB 0 % (t/an)**** 0,0 0,0 0,0 0,0 2,3 2,3 0,0 0,0

Cette simulation permet d’estimer le budget annuel d’une famille, selon les différentes solutions de cuisson possibles
et de valider l’intérêt économique d’une option innovante adaptée au contexte. Elle permet aussi d’estimer les

12Hb 20 : teneur en eau correspondant à 20% de la masse humide de la biomasse ; ** données extraites rapport « Comparative analysis of fuels for
cooking” prenant aussi en compte l’énergie consommée ou l’émission de CO2 lors de la production, le stockage et le transport des combustibles,
extrapolées du cas du Ghana, Clean Cooking Alliance, 2016, le GPL n’est pas considéré ici comme un déchet(énergie fatale) mais comme un
coproduit de raffinerie;***Chiffres 2018, fournis par AVN (Drabo Gourafoma);****tonnes d’équivalent CO2 rejetées par une famille par an suivant le
niveau de renouvelabilité de la biomasse utilisée (100% non renouvelable, 50% non renouvelable, 100% renouvelable)

12
impacts de ces solutions, notamment sur les émissions de GES, les besoins en biomasse, l’intérêt d’un
approvisionnement durable à terme. Il faut bien prendre en compte le caractère très évolutif de la cuisson
domestique (taxation revue sur le GPL, pénurie, nouveaux entrants, etc.). Cette simulation devra donc être
régulièrement actualisée.

Approche 2 : La matrice multicritère pour une analyse globale orientée développement durable
Les matrices multicritères sont des outils décisionnels performants lorsqu’il s’agit de prendre en compte de nombreux
facteurs. Elles permettent de noter les options envisageables de la manière la plus objective possible.

Pour réaliser une qualification globale, on peut définir les trois macro-critères habituels en lien avec la notion de
développement durable:
 Macro-critère économique : la répartition des coûts dans la filière, la plus-value locale, les revenus générés pour
l’état, le nombre d’emplois créés rapporté à une unité d’énergie13 ou au nombre de ménages, …
 Macro-critère social : le gain de temps de collecte, l’émancipation des femmes, le travail des enfants, le niveau
de réduction de l’impact sanitaire, la priorisation des personnes à faibles revenus, la protection sociale des
personnes travaillant dans les filières…
 Macro-critère environnemental : l’analyse du cycle de vie, le maintien du couvert forestier, la performance
énergétique, la durabilité et la traçabilité du combustible et des équipements de cuisson, la réduction des GES.

Il est bien sûr possible d’alimenter la matrice avec des données plus approfondies, avec des ratios calculés au fur et
à mesure d’études de compréhension du contexte.

A titre d’exemple, on choisit ici des filières de référence comme la filière subventionnée de distribution de gaz en
bouteilles en zone urbaine, la diffusion de cuiseurs tout charbon à insert céramique de type « Jiko », la filière
émergente de cuisson au granulé de bois au Rwanda sur un modèle de société de service maîtrisant la durabilité de
l’approvisionnement.

Exemple de table multicritères sur des filières référentes

plus- personnes maintien G Perf.


emplois impact durabilité total note
Filière identifiée value faibles couvert E énergétique
locaux sanitaire cuiseur A sur 20
locale revenus forestier S globale

filière GPL -
subvention 2 2 2 4 4 3 2 2 45 12,5
universelle
filière cuiseur
charbon type « Jiko »
4 4 4 2 2 1 1 2 47 13,1
filière granulé -
3 4 4 4 2 4 3 3 63 17,5
approche Inyenyeri
Coefficient de
3 2 3 2 1 3 2 2
pondération
Note de 1 à 4 pour éviter note moyenne, coefficient de pondération de 1 à 3, les coefficients sont à adapter aux priorités définies par le projet

Il est ainsi intéressant d’évaluer la filière qui sera appuyée par le futur projet, ajouter d’autres critères au besoin (niveau
de formalisation et taxation bénéficiant aux structures institutionnelles, respect du genre, absence de différenciation
ethnique ou religieuse dans la diffusion, etc.). Les coefficients de pondération suivant les impacts mis en avant seront
alors adaptés (impact sanitaire, GES, genre, plus-value locale, etc.).

Ce type d’analyse multicritère permet de prioriser les filières les plus efficientes selon des critères de développement
durable et de déterminer celles qui valorisent au mieux les potentialités d’un territoire, la gestion de biens communs.

Il est suggéré de ne pas rejeter par principe une filière reposant sur l’importation d’équipements de cuisson pour
privilégier une autre basée sur une production locale, mais de comparer de manière objective les impacts obtenus
par chaque filière au regard des moyens mis en œuvre sur une période donnée (échelle de temps recommandée 10
ans).

Recommandations concernant les enjeux sanitaires

13
A titre d’information, le marché du charbon de bois crée entre 200 à 350 emplois par TJ d’énergie consommée, l’électricité 80 à 100 emplois, le
GPL 10 à 20 emplois, le kérosène 10 emplois pour cette même quantité (Barnes et al.2005).

13
Si le lien entre l’exposition sur le long terme aux particules fines de type PM 2,5 et l’augmentation des risques sanitaires
est aujourd’hui bien documenté, il reste en revanche difficile de prévoir a priori l’impact sanitaire de nouvelles
solutions de cuisson dans leurs conditions réelles d’utilisation.

En effet, les tests de laboratoire ne peuvent prédire les impacts en usage réel14 tant la qualité du combustible, les
modalités d’usage du cuiseur avec le temps réel d’exposition des personnes présentes, la persistance du recours
occasionnel à l’ancien modèle, le niveau de renouvellement de l’air de la zone de cuisson influent sur les quantités
de particules, de toxicité variable, véritablement inhalées.

Si la réduction de l’impact sanitaire est un objectif primordial du projet mis en œuvre, il est donc recommandé de ne
pas miser uniquement sur la diffusion d’une technologie a priori plus propre. Il s’agira d’intégrer un volet substantiel
d’information et de sensibilisation sur l’aspect « kitchen management » i.e. un accompagnement spécifique des
bénéficiaires pour diffuser les bonnes pratiques et favoriser un bon usage des solutions de cuisson permettant de
réduire les impacts des fumées nocives (qualité et stockage du combustible, protocole d’allumage, réduction des
temps d’inhalation, aération de la zone de cuisson, solutions d’extraction des fumées, etc.).

Clé N°5 : Appuyer le renforcement des compétences locales notamment sur le volet
technologique

Bien que le renforcement des compétences locales soit une priorité de tout programme de développement mené
par une OSC internationale, il est apparu important de revenir sur ce point insuffisamment pris en compte par le passé.

 Écueils récurrents

Les OSC internationales disposent rarement en interne d’experts techniques expérimentés dans la technologie des
équipements à combustion biomasse ou la production de combustibles à partir de biomasse (briquettes, granulés ou
autres formes densifiées, biogaz…). Ces compétences sont plus généralement disponibles dans les entreprises de
production spécialisées ou dans les centres de développement technologique et nécessitent un temps long
d’apprentissage. La tendance à mettre en avant une expertise interne plutôt que le recours à des experts externes
qualifiés a conduit à de nombreux échecs et a limité le transfert technologique vers le tissu productif local.

 Outils et conseils

Il est recommandé aux OSC internationales d’identifier cette expertise externe pour accompagner, si besoin, les
entrepreneurs locaux dans leur évolution technologique, l’appropriation d’innovations.
Il est conseillé aux cadres des OSC internationales concevant les projets sur la thématique cuisson domestique de
s’informer sur les initiatives les plus avancées notamment sur les volets technologiques.

Structurer la montée en compétences locales


Les OSC internationales ont montré un savoir-faire en animation, accompagnement à la professionnalisation de
structures d’encadrement.

Elles peuvent ici, pour faciliter l’appropriation technologique, agir sur les leviers suivants :
 renforcement de structures locales, du type centre de ressources ou incubateur en lien avec la cuisson
domestique,
 dynamisation, à l’échelle nationale voire régionale, des interactions entre les structures telles que centres de
formation professionnelle, laboratoires de tests ou organismes de normalisation, universités et lycées techniques,
etc.

A titre d’exemple, on peut citer l’approche innovante d’Initiatives Climat avec l’animation d’un cluster initié en 2018.

14 Point de vigilance mentionné dans l’ISO/TR 19867-3, 2018, « The best way to assess real-world impacts of a stove intervention or program is through

field studies… »

14
Initiatives Climat : Cluster Africain Charbon Vert

Afin de rompre l’isolement technologique des producteurs en priorité en Afrique de l’ouest francophone et
répondre au mieux à leurs attentes, Initiatives Climat a facilité l’émergence d’un réseau opérationnel d’échanges
de savoir-faire depuis 2018. La structuration progressive du cluster ainsi que le choix des activités sont décidés par les
entrepreneurs. On note déjà 15 entrepreneurs fin 2019 qui sont membres de ce cluster.

A retenir
 Organisation de deux ateliers d’étude et de développement technologique pour la conception de presses et de
fours de carbonisation au Burkina Faso et au Maroc en 2019.
 Rencontres internationales régulières entre producteurs de « charbon vert ».
 Elaboration de guides techniques.
 Appui à distance pour le montage ou le développement d’unités de production (Côte d’Ivoire, Bénin, Guinée,
Sénégal).
 Organisation de trophées.
 Lancement d’études spécifiques (étude de gisements, etc.).

Cluster charbon-Crédit Initiative Climat

Clé N°6 : Réussir sa sortie et partager les leçons apprises

Dès la conception d’un projet, une OSC doit réfléchir à sa stratégie de sortie et à la manière d’opérer un transfert de
responsabilité en même temps qu’un transfert de compétences. Le projet doit veiller à favoriser à chaque étape
l’autonomisation des acteurs.

 Écueils récurrents

15
Certains projets ont obtenu de très bons résultats sur le nombre d’équipements de cuisson produits et commercialisés
par la filière locale accompagnée mais n’ont pas réussi à autonomiser son animation/encadrement une fois
l’intervention achevée (politique des prix, respect d’un standard de qualité, etc.). Au moment du retrait de l’OSC, la
filière perd alors la confiance des acheteurs potentiels et périclite peu à peu.

 Outils et conseils

Réussir sa sortie
Il s’agit de clarifier les étapes de mise en retrait suivant le phasage du projet. Cela passe par :
 une stratégie de subventionnement clairement explicitée auprès partenaires locaux : la subvention est
nécessairement limitée dans le temps ;
 la responsabilisation progressive des structures locales dans la conduite d’activités initialement menées par
l’équipe projet ;
 l’émergence ou la consolidation d’une structure locale autonome en charge de la diffusion des solutions de
cuisson (interprofession, « social business », plateforme d’achat, etc.).

Dans une approche de type filière production-distribution-commercialisation, la formation du coût final de la solution
de cuisson devrait permettre, avec un volume de vente suffisant, de viabiliser financièrement l’animation stratégique.
Sans cette capacité d’animation, il sera difficile à cette filière de s’adapter au contexte évolutif (nouveaux
concurrents, innovations), d’assurer une bonne relation avec les structures gouvernementales, etc. Il est pris en
compte que cette animation sera d’autant plus difficile à pérenniser que les acteurs dans la production et la
distribution seront nombreux.

Evaluer l’efficacité et l’impact de son intervention


La mesure des impacts réels concernant les économies de combustibles ou encore les enjeux sanitaires et
environnementaux induits par un projet d’accès à une offre complète de cuisson plus performante demeure délicate.
Nous incitons les OSC à faire appel à des structures spécialisées dans la mesure d’impacts en conditions réelles
d’utilisation et permettre par ce biais l’acquisition de connaissances encore trop limitées en ce domaine. L’usage
d’outils métrologiques spécifiques sera encouragé (photos aériennes et outils d’imagerie, enregistreurs de données
sur l’usage des équipements et la qualité de l’air intérieur, etc.).

L’évaluation externe du projet


Outre les questions abordées habituellement dans le cadre des évaluations externes15, une attention particulière
devra être portée sur l’évaluation des impacts du projet sur la réduction des inégalités de genre. Il peut notamment
s’avérer pertinent d’intégrer les questions suivantes aux termes de références de l’évaluation16:
 Le projet a-t-il des impacts positifs ou négatifs sur la dynamique des rapports de genre et l’égalité hommes-
femmes en termes de répartition des responsabilités, accès et contrôle des ressources, charge de travail des
femmes, etc. ?
 Le projet a-t-il eu un impact sur l’autonomisation et le renforcement des capacités des femmes dans d’autres
domaines que l’énergie (ex : impact sur la confiance en soi, sur la participation à la sphère publique/aux
décisions, etc.) ?
 Des effets négatifs sur les hommes ou les femmes ou les relations de genre ont-ils été identifiés au cours de la mise
en œuvre ?
 Les activités et les résultats de l’intervention en matière de réduction des inégalités entre les sexes et
d’autonomisation des femmes ont-ils influencé le travail d’autres organisations et programmes (ex: stratégies
d’inclusion des femmes dans des formations techniques adoptées par un autre bailleur ; stratégies de définition
des solutions techniques en fonction des besoins des femmes adoptées par un autre projet ; etc.) ?

Enfin, il pourra être étudié les conditions de capitalisation/restitution vers une structure nationale jouant le rôle
d’observatoire ou au sein d’un réseau d’échanges en lien avec la thématique.

15 Cf. guide méthodologique du dispositif Initiatives OSC


16 Cf. Boîte à outil genre – secteur énergie – AFD, 2015. https://www.afd.fr/fr/ressources/boite-outils-genre-energie

16
POUR ALLER PLUS LOIN
 Micro-gasification, cooking with gas from dry biomass, 2013, GIZ, Christa Roth
 Towards sustainable modern wood energy development, 2014, GIZ
 Comparative Analysis of Fuels for Cooking, 2016, Clean Cooking Alliance
 Handbook for Biomass Cookstove Research, Design and Development, 2017, D-Lab
 Scalable Business Models for Alternative Biomass Cooking Fuels and Their Potential in Sub-Saharan Africa, 2017,
Esmap
 The Charcoal transition, 2017, FAO
 Solid biomass fuel for cooking, 2017, GIZ
 Sustainable woodfuel for food security, A smart choice: green, renewable and affordable, 2017, FAO
 Strengthening Supply Chains: A Handbook for Cooking Fuel Enterprises, 2018, Enea Consulting
 Char-briquettes Production Handbook, 2018, Otago
 Clean cooking industry snapshot, 2019, Clean Cooking Alliance
 World Energy Outlook, 2019, IEA
 Review of Woodfuel Biomass Production and Utilization in Africa, 2019, UNEP

REMERCIEMENTS
Cet ouvrage a été réalisé sous la coordination de Damien DELHOMME (EGI/DOE), Maëlis Borghese et Jérôme DUPUIS
(DPA/OSC).

Nous tenons à remercier l’ensemble des représentants des organisations de solidarité internationale partenaires de
l’AFD qui ont accepté de participer aux travaux préparatoires et consultations nécessaires à la rédaction de ce guide.
Merci également aux entreprises sociales Khmer Green Charcoal au Cambodge et BioMassters au Rwanda pour les
informations fournies.

Nous remercions particulièrement Jean-François ROZIS pour l’étude de capitalisation menée en amont sur les diverses
initiatives dans le secteur de la cuisson domestique, en collaboration avec Arnaud GUIDAL et Iwan BASKARO, ainsi
que pour son travail de rédaction et de synthèse ayant permis d’aboutir à ce guide.

Merci également à nos collègues Aurélie HOLVOET, Guillaume De SAINT PHALLE, Sofia BASHIR (DPA/OSC) pour leur
relecture attentive.

17
Notes

18
Pour toute information :
Juillet 2020

Jérôme DUPUIS – Division Organisations de la Société Civile


dupuisj@afd.fr
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