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La sparticule, le boson de Higgs et les dimensions cachées de l’Univers
Pierre Fayet
Discours de réception à l’Académie des Sciences, 17 juin 2014
On s’intéresse à la description dans l’espace et dans le temps des phénomènes physiques
fondamentaux, des lois qui les gouvernent et des régularités, encore appelées symétries, que peuvent présenter ces lois; et donc à tout ce qui peut exister dans l’espace et évoluer dans le temps. C’est-à-dire notamment à la matière sous toutes ses formes, à ses constitu- ants, protons et neutrons, aux quarks qui les composent, aux électrons et aux neutrinos, ainsi qu’à la lumière et aux photons, et aux autres formes de rayonnement associées aux interactions faibles et aux interactions fortes. Le tout obéissant aux lois un peu partic- ulières de la physique quantique. Mais n’y aurait-il pas aussi de nouvelles sortes de particules, et de nouvelles forces ou interactions au delà des quatre que nous connaissons ? Et faut-il se limiter à ne considérer que l’espace et le temps ? N’y aurait-il pas aussi d’autres dimensions, cachées ? Celles-ci pourraient être minuscules, se mesurant en milliardièmes de milliardième de centimètre, ou d’autres, et de manière plus surprenante encore, très étranges. C’est ce que propose la supersymétrie, en élargissant les notions d’espace et de temps, déjà reliées par la théorie de la relativité, à une nouvelle géométrie, celle du superespace. Celui-ci possède des coordonnées supplémentaires quantiques associées aux rotations, dont le carré est égal à zéro sans que celles-ci soient nulles pour autant: ce sont donc des objets mathématiques un peu particuliers. Les transformations de supersymétrie sont des transformations géométriques dans le superespace. Elles agissent sur chaque particule en changeant son moment cinétique de rotation, que l’on appelle le spin, d’une demi-unité. Elles devraient donc permettre d’associer entre elles, deux à deux, les particules connues, en reliant les constituants de la matière au sens large, quarks, électrons, etc., aux particules qui véhiculent les forces ou interactions, comme le photon pour l’électromagnétisme. Donc en bref, idéalement, en reliant les forces et la matière. Mais les choses ne se passent pas ainsi et la supersymétrie, tout en ayant des propriétés remarquables, est loin d’apparaı̂tre comme une symétrie des lois physiques. Cependant à chaque particule connue pourrait être associée une particule image encore inconnue, qui en serait le reflet par supersymétrie. On envisage ainsi l’existence de toute une famille de nouvelles “sparticules” (ou particules supersymétriques), gluinos, charginos et neutralinos, squarks et sleptons, . . . dont on ne sait encore si elles existent vraiment. Mais on a tout de même un indice : les plus légères, probablement des neutralinos ayant survécu aux annihilations des premiers instants de l’Univers, pourraient en constituer la mystérieuse matière sombre. Après la découverte du boson de Higgs, la recherche des particules supersymétriques est l’un des buts majeurs du collisionneur LHC du CERN à Genève, dès qu’il sera à nouveau en fonctionnement au début de 2015. Et l’on espère qu’il sera en mesure de mettre en évidence toutes ou certaines de ces nouvelles particules. Mais rien n’est encore gagné. Il se peut aussi que celles-ci soient encore trop lourdes pour être produites au LHC. Ce pourrait être le cas notamment si elles étaient sujettes à des vibrations le long de dimensions supplémentaires cachées, minuscules et donc non directement perceptibles. Si la dimension est trop petite, la note en quelque sorte associée à la particule est trop aiguë, et la particule trop lourde pour pouvoir être produite, même dans un collisionneur de très haute énergie comme le LHC. Celles-ci risqueraient alors de rester inobservables pour longtemps . . . Faudrait-il alors abandonner l’espoir de trouver des signes de la supersymétrie ? Heureusement non. Le Modèle Standard Supersymétrique possède en effet une pro- priété remarquable : en transformant par supersymétrie un boson Z, médiateur neutre de l’interaction faible, on obtient un neutralino, candidat possible pour la matière sombre de l’Univers. Et si l’on transforme à nouveau celui-ci, que peut-on trouver ? Un boson de Higgs, associé à l’origine des masses ! La supersymétrie offre ainsi la possibilité de par- venir à un niveau supérieur de compréhension du fameux boson de Brout-Englert-Higgs comme étant un boson Z dépourvu de son spin, et relié à celui-ci par deux transformations de supersymétrie. Le boson de Higgs serait alors ainsi, en ce sens, la première particule supersymétrique à être découverte, une interprétation qu’il convient bien sûr de discuter de manière plus approfondie. Tout ceci ne fait qu’illustrer que notre quête d’une meilleure compréhension des lois fondamentales de l’Univers est loin d’être achevée, et que des continents entiers, peuplés de nouvelles particules, de nouvelles forces et peut-être de nouvelles dimensions, nous demeurent inconnus.