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A mettre entre toutes les mains l

L'Islam
POUR
L.E5 NUL.5
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L'Islam
POUR
L.ES NUL.5
Malcolm Clark

Malek Chebel
pour l'adaptation française

FIRST
~ Editions
A' propos de l'auteur
l\italcolm CIU'k ~s t ptofesseur émérJte des religions â l'univen;ité Buller
d'Indianapolis ( USA) où U a enseitin~ pendant trente ans. Ancien président
du <lépartement de phtJosophle et religion, 11 a enseigné dan$ les dlsciplhles
suivantes: étude!:i de la Bible. de r islar11, du Coran, des religions dans Je
mo1lde. de La religion aux États~Unis, sor la fen1me et ln religion. sur les
dlff~rentscouraots religieux à 1~époque moderne et sur l'égyptologie.
Auparavant. il a également donnë pendant six ans des cours. au séndnalre de
1héologle de Princeton.
L:ensè:ig11eo1èot du Pr Clark sur 11slam n commencé il y a douze.ans. Il a
contribué à mettre en plac~ une unUé d'enseignement consacrée à la montée
de l'Islam, qul faJt partie des enseignements obligatoires dan:& le cadre du
01odule tiniven;itairé de.civilisation.s du monde~
Il a grandi au 1'e."Cél5, e.'it 1narié à Sharon Raven Clark et a deux Hiies {Sabrina
èl Rebecca) et deux petlts~enlants . Il a pris ~-i retraite en 2002 et envisage de
couler des jours l1eureux en Callfornle e.n compagnie de son épouse.
Dédicace de l'auteur
Ce livre est dédié à mes collègues et à 1ncs anciens étudiants de l'unlversltê
Butler, en partit\Jlie.r ~ux qui ont étudlê rtsla.m avec mol, nota1nn1enl les
étudlants musulmans qui m'ont aidé à approfoodJr ma connaissance et mon
intérêt pour l>ts•am.

Remerciements de l'auteur
Que soit Ici remercié mon l'iditeur, Pain Mourouz.ls, qui n\a. contacte pour me
pr<)poser Cl lll'lntitet à écrire Ce llvre. eçrire Ull livre pour la COIJeCtJOO des
Nuls est un travail pa~sion n.ant. bien dlfférenl de l'écriture de mes autres
ouvrages. Pltl$ j'avançais dans mon travail, plus j'avais envie d'approfondir
les sujets évoqués. Crice à mon chef de projet éditorial. Tere Drenth, qui
m'a aidé à re5ter sur la bonne vole. j'ai réussi à r~diger 1non manuscrit
dans les délais Impartis. (çette c.o·ntralnte étanl nouvelle pour moi étanl
donné La latitude qui n~'étaJ t accordée pour la remi::>e de mes précédents
éctlts unlversjtalres). Elle a graodc1oent contribué à m'éclairer sur le style
à adopter, I~ col'ltenu, l'organisation du travail et 1tl'a poo.ssé à y Inclure des
docu1neots auxquels je n'aur:ii.s pas pensé.
Le réviseur du projet. le Pr JantSh~d Chok.sy, de l'unlversllêd'lndiana, a
égalemcnl été uit précieux collaborateur pour m'aider à préciser nia pensée
et é.vJter d'é ventuelles erreurs.
Mon épouse, Sharon. a relu soigneutien1cnt tous les chapitres de tel ouvrage
au fur et à mesure de ltur rédacllon. arguant du fait qu'elle é,tail Je prototype
ldêal de la catégorie des Nuls. Elle n'a pas hésité à nle faire ses remarques et à
relire a.ve<: soin mon snanuscrll de bout en bout~ à toutes 1e!i étapes. jusqu'au
bon à tirer destin~ à l'imprimeur.
Même si fétals déjà à la retraite quand f'ai <:ouunencé. à écrire l'lslaff• pour les
Nuls. mes remerciements vont également à mes étudiants. En préparant mes
cours. J·a1 appris bien plus sur lei religions - el sur l'Islam en particulier -
que tout ce q\1e j'avais acquis au sortir de mes étltdes universitaires.

Les organisations islamiè1 ue;.~ locales d·lndlanapoUs m'ont été d'un prééieux
concours pour l'enselgnemeot que J'ai dispens~ à l'université BulJer. Je
re1nerc1e particulièrement l'Jsla.mic Society o( North America (lSNA) donl
le siège~ situe d11n.s La région d'lnd1anapalls, êt deux n1osquées locales, la
mosquée al-f'ajr (de l'.~urore) et là mosquée Nur Allah (de I& Lumière de Dieu)
qui ont toujouts aJmablemenl accueilli les visites des éludlants de l'université
ButJer. Enfin, je tiens à rc.n1c.rc.ier Laila Ayoub1, une mu.s1,1lma.ne afgllane. et
sa ramille. dont det1x de ses fils ont solvi snes cn~elgnemenls sur llsJam. Mon
épouse et moi-même avons eu be;wcoup de plalsir à h.l reoc:o1\lrer au cours
de ces detnières années et à discuter avec elle et sa famllle.
A' propos de l'adaptateur
Anthropologue, conférencier et spêçialiste réputé de l'isla1n, Atalek Ch.ebel
compte à son ~c:.tlf J)IU$ de vlngt-clnq ouvrages de v·uJgarisatlon. Du
Dic1;onnaire amoureux de l'islam (Pio n) à l'lslant l!t lù Raison (Perrin). en
passant par des ouvrages aussi dlvcrs que J'Antho/ogie du c;in e1 de l'lure.çse
en isla111 (Seuil) ou U Kama.Sutra orobe (Pa.uvert), ~<fa.l ck Chebcl n'a pas
cessé de réinventer 1'. lslan\ des Lumières .. - un titre qu11a donné à l'un de
ses livres - au sens où. à ces- yeox, il èst Je moyen le ph.1s sfir pour accéder à
la modernité.
On lui doit aussi le Tmité du raff1Mn1ent (Payot). le Suie.l en isla1n (Seuil)
cl un Dic.'lionnofœ des symboles mu~uln1ans {Albil'l Michel). aujourd'hui
un classique. Depuis peu. Malek Chebel écrit aussi pour les enfants el lc:s
adolcseents (dernier Lllre paru ; 'TTeize <;Ontes du Coron et de l'isla1rt aux
éditions Flammarion). U a à cœur de partager .sa science avec tous. son rive!
étant dt • r~u.&slr à écrire le livre le plus itimplt!. du monde o.

Les direçl'ions nouvelles tracées par c;et auteur prolifique sont aussi
nombreuses que méconnues. Ainsi, 1>our rédiger son volumineux ouvrage
st1r L'Esc/af)(Jge e11 tl!rte d'islam (Fayard), ~1 a l eJc: ChebeJ a voyagé dans de
nombreux pays arabes et musuhnans. dont Je Maghreb. l'A fr ique s,ahêlienne
(Séné.gal, ~1ali, Kenya. Tanzanie), les pays du C<>lfc, le Yémen, les sultanats
d'Oman et de Brunéi, l'lnde. l'tgypte el la Turquie. Grâce à cela, il a acq1,1i.s
une cqnnals.sa.nce du terraJn, ce qu11ui permet de donner à ses lecteurs des
éclairages p_ récietlX. Outre de no1nbreux artlc1es. des partic ipa~i.<,ns- à des
ouvra&rcs t'.Ollectlfs, des réallsatlons de doc:umenta'ires ou des coosullatlons
elblées, r...talek Chebel colla.bort à divers Journaux et téJévisions. En tête, Le
Mondr. des Rellgiafls et Direct 8. U travaille ectue.lleni cnt à ta 1nlse en place de
nouveaux projets Jmpor tanLo;.

Dédicace de l'adaptateur
Je dols aux éditions Flr.st, à Vincent Barl>arc et parlicullèrement
à Marle-Anne JQst, d'avoir b le-n voulu me confier ce travail. Il$ m'ont aJiul
poussé à qultter m·omentanément mon univers 1néthodolog.l que pour
pénétrer celui d'un confrère. Exercice d'humilité el deconcentratîo11 que
celui·là. car IJ raul avolr ln force de JS(!: dépOuiUcr de son systènl e d'analyse
pour laisser place, le tnieux po.sslble, à ceJui de l'auteur originel. M:t dédJcace
va au$Sl à tous mes enseigna_n ts du collège, du lycée et de la facuJté, car ris
ont su me faire aimer le livre, et a fortiori le livre de vulgari$ati01\. Je leur dols
une fière chandelle 1
Sommaire
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• • • • • • • •

Pourquoi ce nvre ·r ...-..................................................... ... - _ J


Conventtons d'écriture................. ·---- 2
À qui s'edresse ce livre? ········- ·- ·--· . ._ _ ..............- 4
Con11-n(!fll œ Uvrc est organJsé -· -·-·- ·-5
Première partie: Aux sourœs de l'ls.lam - ·- ·- ·- ·- ·--·-·-··-·- 6
Oeuxl~me partle : La foi et les croyanccs n1u1ulmane1 ·-·-'
Trolstène partie : La vf~ musulmane au quotld~n - tradition, pràliques et
éthique 6
Qu&trlème partie: Une rdig!on plurldle 6
Cinq~ partie : L'Islam càns le rnc>ncle cootemporaln - cultures.
r•lip>ns et sodêtb - - - - - _ _ _ _ _6
Sixi~me partie : La partie du Dix - 7
~mel>"rtle:Anneœs ______ 7
Les k.'Ôn<s uUU.tts dans ce livre _ .._ 7
Par Oil commencer? - -··-··-··---··-··--··· 8

Première partie : Aux sources de l'islam .................................................... 9


Chapitre 1 : Première approche de l'islam ..........- ....._,_,,_,_,,___,,_,_...__. 11
Le.» origines de J"i.slam - - - - - -··-·-·-······-··-··............................. 11
Fundeiuents de la roi musulmane _ __ __,..,_,__... _~·· .............................. 13
Scl55lon en deux grandts: btanc:hes - - - - - - - · -······-··-··---·-····........... 14
Quelqu•• chlffr""- - .___.._,,_,,_,,. 15
Ueux d1m(Manlatiot\ dans le n.1onde - - -.........._ _,,,,_,_ 16
Chapitre 2: le prophète Mohammed _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 19
Le conttxte : rAnble ..aru Mohammed _ 20
Deux yUJes priocil>"ies 21
En dehors des Yllles : le Bédouin 22
PraUques rellgjeuses des A~ - -- - 23
Rtc.-11 d.. lo vie de Mollarnmed - 24
Les années de lonn•tion 24
~trlbcs conttt les gens de La Mecque 26
Ur~ opposition grandi$sante 28
tlabliSSt!rnt:ot de la c:omn1unautf: à Mld1nf' - 29
P<'tlte cbronolQ1!ie de 622 à 630 - 31
XII l'Islam pour let Nuls - - - - -

La mission de Mohommed ou plan tMologlque ,,,_,. ..-·--·- ·-·- ·- - 3-4


Messa,ger, pl'ophète et sceau des proph~tes ........... . .............-.. . ........-34
Con1pattr Mohammed à Jésus et à Moîse ................................................... ............... 35
Une vie cxe.n1plalre __,.......... _,...............--. .._.........-- ............. 36
Les miracle1 de Mollammed 36
Un homme10ns péc:hE :n
L1ntcrœsslon de Mohammed - 37
Mohammed. proch<! de chacun . _ 38
Les ncn1a de Mohamm~d - 38
E.xaJtatlon de ~101\ammed da11s lit poésie 38
Célébrat1on Ue l'anniversaite de Mohammed 39
Les reliques de Mohammed 39
Mohammed. lum~ du monde et piller de funlvers 40
Mohammed donl l'Hlstolre - 40
8lographle1 trodilionnelles ...._ · - -..--.............- ...- .....,__ 40
Biogr.,phles écrites par det non-musulmans .......................................- -.................... 41

Chapitre 3: le Coren -------------------43


Prûentation du Coran - «
Qu'est-ce qu'une r.cmure sainte ? «
Les lon6allont du coran - - «
Récitation du Coran - - - - - - · - - - -- ·--·---· ·-·-·-·-·· 46
Rcs1>e<:t dû au Corftn - 48
Le. Coran : de la R6vélation ~u recueil 43
Passag.: de l'oral l l'krlt - 43
Proooodallon du Coran_ 49
SlruciUroduConui ~ _ 50
La comp1J&Llon du Coran ~km k-:1 musulmans - 50
La compllatlon du Coran seton le.s non-1nu&ulmans --·-·... ......- 52
La compJJaUon du Coran da1t1 l'approche radlc:ale ...........................-·-· .................. 53
Le style du Cotan .........- ............ M . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . ._ _ 54
- - · .... • • . . . . . . ._

La mag~ du Coran - - - - 54
La la"8U" du Coran 55
L'lolmlhblllte du Coran (Ilot) _ 56
~.. ~rrenu dans le Coran---·-·-· ..- ·- 57
Le Coran. une • paro1e mull la.ngulaire • - · - · -.. ·-·-..- ·-·-..-·-·........_,........... SS
lntcrs'>r~tnt 1,,., du Coran -·-- -·- 59
Mode d'interprétation du Coran 59
ln""J>rtl•tlon exotêrique et l$olt!rlque - 59
Les-Kt••~ 60
Le Coran dans la Ylequotldlame - - 61
Apprendre à Ure avtc le Coran - - - - - · 61
R~cllèr le Coran ........................._
........................- .................- ........,,..,___,,,,,_,,__,,_ ..,..,_ 61
L'a rt de la colllgruphie eu 11omniage au Coran .......- ·- ·- .................- · - · -" - 63
Ouverture du Coran a\-ec la Fatlha .,_.....- ....·-·- ·-·- · -64
_ _ _ _ _ Sommaire XIII
Chapitre 4: L'islam des premiers temps - - - - - - - - - - - fi1
Unehls1olrerlched< 1400ans - ·-- 67
la quatre calll<s bl<n suie!& 69
Le choix d'un Sutt<U<Ur : Abou Bakr (632-634) iV
Expansion en ddlon de l'Ar- Omar (634-&44) 72
tubl1ss<men1du1""1t du Coran : Othman~ 74
R&otllon c:onlrc ~I (656-'ôl) 7S
Expansion d• l'ti.11 76
t:lge d'or 77
Pfftode omeyyad• (661-750) 18
!'triode abbassldt (750-1258) 80
LI ..,...., d<a d)ITIHtlH 82
Jamais deux 11Ans...
t.:Emplre onoman : IH Tura
•roi•
sraJlds tmplru 86
87
CEmplre solavlde : les lranlel>s _ 89
t.:Emplre mothol : l'Islam en Aille du Sud --·- 91

Deuxième partie : LA foi et les cro11ances musulmanes ····-------·--- 93


Chapitre 5: Soumission à Dieu ··--·--·--·-·----·-·- - -··- 95
Affirmer l'unlcltt de Dieu ................- ............,...___ - 96
Vocabulolre : Allah est Dieu . .... - - 100
Attc.stcr de lB 1upr~u'°tle de Dieu ............._______ 101
Oéllnlr les •ttrlbuta de Dieu ...... ......... - ·- ···---· 102
Alm"r et connanMDieu .............,_,,..._,_,_,_,_,_,_,_,_, 103
Invoquer les 99 noms de Dieu . .... ..... ·····--·-·-· 104
Olvltilon de ces non1Ken c11t~orlc1 ... 105
F'o.lre l'll enl Ion de ces nOl'l\S ....................... 106

Chepitre 6: Le crado des musulmans ·-·-·--·--·--·--·- - - -·- ·- 107


tnoneé des cinq croysncts essentielles de l'l.islan\ -·-·- 107
Croire en Diou - · - 109
Croire aux anses de Dieu _.... 110
Croyance dans Ica livres de 0~ et les messagers de Dieu ._..- IJ J
Croire à 11 fin d., 1emps el à la rtsurrectlon du morts - - - - - -·-- 113
Expll<1u~r Je fol aux non~1nuauJJ1w11 116
Exposé du eon1enu de la loi 118
Quelq11.. que1llon11h~oglque1 120
Qu'es1-ce qu'un vraJ musuJman 7 121
Li, fol d les œuvre1 - 122
Cradualllt de Ll lol 7 .. 122
Un anthrot><>mo<plllsme rtduueur 1 122
Le C:0.-1n <l'M ou t1emd 122
Dtstln&Utt le bl<n du mal 123
Re)<t d'un Credo !lat 123
X/V l'Islam pour les Nuls _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

Chapitre 7: le face-à-face avec Dieu : l'enfer ou le paradis··-···- ··- ··--···-··- f27


Ces étres qui ne so11t nl hommes n1 Dieu _ 128
Gabtiel et les aulres àJ\l(es: 128
'-"rôle OC$ anges 129
La h.iérarc.hie <les anges _,_ 130
les ditfêrents anges ..........-·-·--· 130
La la.inpe d'Al.adin et le djinn - - - - · - ~·-·-····· 131
Oiabolique.rnent vôtre ...............-.............. 132
Pas.M!r de vie à trépas (!f rei;sus<:iter: l'enfer ou le cJel 1 -··-·-·-··-·-·-·-·-·-··-······· 133
De la vie ala mon, dans Ja tombe .............................................................._,,_............. 133
La rllsurrection ~t le Jugement dernier ..........................--.-..........- -.................. l35
Là oû le mystère reste entier ---.............................................................................................. 136
La vision du e:lel el de l'enfer ................-..............................,,..,..........- ............................._.,_........... 137
L"enfer et ses supplices .................................................................................................................,.. 138
Le ciel et ses pl:tl•irs - ·-···············- ···············---·-··········.................................................... 139
Les femmes et les houris aux yeux de gazelle ............................................................... 140

Troisième partie : la llie musulmane au quotidien : tradition,


pratiques et éthique ............................- ................................................ 1li3
Chapitre 8: loi et tradition en islam _ ·-··-···- ·-··-···-·-··-·- ..·-·-·---··-··- 145
L:lmltatlan de ~iohnnimed ··----·-·..··-·-·· .,_.,_,,___ 146
Compréhension des dellX 1>art1es d'un hadltlt ···-·-·-·-······---·-·---·..--·--· 146
Le contenu d'un 11adit.h ......................................... ·-····-··-"----·-··-··----·..-·-··-··- ·· 147
Re<:uell des hadiths ·····································································-·--············-·-·· .................... 147
Ré.vls.1on des 40 traditions ··-··-··-·-···..........................................- ............................................. 149
~valuation des hadlths ....................................................................-···········-····......................... 150
Les hadtths au ~cours de la modernité ._.......................................................................... 151
La loi de Dieu - .....................- .........................................................................-...-.......................................... 151
Le-.s quatre fondc.n1cots de ta jurlsprudence islalulque (il'sOJ oJ-Oqh) ......... 152
Les différentes écoles jurldlqu.. - ·····································································.................... 156
La prise de décision -·-·-··········-··-·-·--··-·.. . ··--.......................................................... 158
Lo réforme du droit ··-······-···-·- ·- ······-··-··-·-·-························..····"' 162
Chapitre 9: Les cinq piliers du culte : fondements de l'islam _··-·-···---··- 165
Purification: étape de préparation --·-.. 166
E!Jacer l'impureté 167
Sour<:es d'impureté-. 167
l..a chahada {pren1ler pilier): profc~lon de foi 168
Salat (deuxlèn1e pt1ier) : la prière 170
Le moment pour prier···-··- - - - -..- · - 170
le lieu où l'on prle ...............· -·- · 171
L'appel à la prière (adhan) ·-·- ·-·-····-·-····-··-·-············ 172
La µremi~re 1>rosternatioo (ra.k'a} --·-·-·- ·-..-·.. -······-·---··--- ··-·-.. 17'1
______ Sommaire
XV
Les roJ<u et les prières peroon.,.,u.. locullatlvu 175
Jumuà : la prièr• <OcnnlUOaUlaltt du vtfid~I 176
1.a '"""'!uéo (muJld) _____ in
Zakat (troisihne pilif!r): solid.aril~ ..- 180
Sawm (qu•trl~me piller) : jeûne et méditation ..- - -·- ·- ·- ·- ·-··--···-··· 181
De l'aube au crlpu.scule ·-·-· _,__..____,,......._,_,................ 182
U11jour de ramadan -·--.......___,................ l83
La &ignUh;alfon du sawn1 ~ndnnt le ramadan .......... ............................................... 184
'Id nJ.llt r (fête de la rupture du Jeûne) ..................................._......................................... 184
HadJ (clnt1uièJ11 ~ pilier): le pèJerln.age à Lli MeC(tue ..........,_,_,_,................_,_,..,......... 185
Le centre de Ja terre . - - - .... ................................................................... 186
l..a journ& du pèlerin - -·- ·-·-··-······ _,........ .......... 188
La visite à Médine (al-ziyara) ..__ ·-··-·- ·- ·········- ·- ··-··-··-··· 1.91
Chapitra 10 : Pra1ique religieuse : autres rites et coutumes _ _ _ _ 195
L:tstam au quotidien ·--·--·- 196
Rltes 1~ au c;alend- d• l'an~ - - - - - 197
C&bnllooder~deMohammed -------198
L'ltlstoitt du mawlid 198
Le mawtld. un temps de lête populaire 198
Honorer les saînts _ 200
Aulte$ rites 203
Les rites de pas.sage dans la vit> d'un musulman , _ _ _ _ _ _ 204
- _______ 204
8'~ l boni 1---·····-
Le choix du 11om ---··················- ···-··············· ·- -·--- 205
Offre du sacrmce ·-· . . ...................................-·-·- 207
Clrcc>11cisiol'I etcxti$iOl1 ..................................,_,_ ............ _ .,_....,,..,__ ·~--- 207
Âge de Io maturltl! .._................... . ........... .... . ...... ··--··············- 209
La bague AU doigt _,.................................................................. p . . . . . . . . . ., . . . ._ ,_ _ _ _ _ 209
Quand la dernière heure a sonné... ... . ...........................- ·····-··-··-··- 212
Us t t co\itumes de;i> musulmans ......................................... . -·-....·-·-·-·-·-·-·-·- 214
Nourritures terrestres ...... _ -- 214
Code vestimentaire -··········- ·- ·-··············--·- 216
Les bollJ>e.$ manières -.. 217
Les rites au fêmimn ··- ·- ·-·- ·- -·- ·- - - 218
Chlpitre 11: l.:6thique musulmane : vive la vie I - - -- - - - - 221
Fondement< do l'<!thique dans l'Islam _ 222
Prlnclpesdebose Z23
Textes à l'appui 22•
les IOUm!S de la morale dans rlslAm 225
c...
nc1s et peu.. péchl< 1 226
L:ttl\lque en pratique _ 226
La inora.Sc sex-uclle 227
X(J/ l'Islam pour les Nuls - - - - - - - - - - - - - - - - - - ___

Le mariage et la lamllle _ -·-··----···-- ......._ 2JJ


R<>le el .statut des femmes - - - - - -·- ··---- - ·-··-·-····..- ................ 234
Ol'onlologJe en médecine ------·--·-·.... __.. 237
_,, .,_,_ 236
Justk..-e t()(Jale et économique - - - - - - - - - -
Probltrnes polillqueo _ _ _ _ _ _ _ 238
239
Autres aspects moRW:- - - - - -
Quatri~me partie : Une religion plurielfe ..................................- ........ 247
Chapitre 12 : le sunnisme - ·- -- · - - - -- ·- - - -- - - 243
La sdencr du hadith 243
Les • best.sdlcn. du hadith 245
Les quatre i!col•• théologiques (madhahib) _ 248
l..e moli~IJlme 248
Le h•néfl&me 248
Le honball•m• - -·-·- ·-·- 249
Le chafi'isme _ 249
Chapitre 13: le chiisme _ __ _ _ _ _ _ __ __ _ _ _ 251
--............. ................ 252
Une affaire de fa1nllle .................................._.....................,_............................................. . . .......... 252.
Déslgn•llon de 'Ali ·-·- ·- .............-. -· ... , , ......... 253
hnportance de l'imam ctiet 16 chiites - - 25_.
Les deux gonds Mnement.s londattu!S du chiisme 256
La trahiSOfl et le martytt de 'Ali 256
l..e marty"' de H....ein l Kerbela 256
Post·scrlptum : la mardtc dt"I p6nlt.ent5 258
La lignée des dou:cc imams .... . ........ .............._,_,....................- .........-.... 2S8
Le chiisme sous Jes on-cyyades ········- - .... ....-··-··-··-······-··- ·· - - 258
Le chllJme &OU> les Ab.buSide& ............___ --- ....._ 259
Adoption par nran du chu.me duod<dm&ln - 2l;O
P>.nk"ularlt& du cuhe chUte duod«imaln _ 261
Corn-ration de Hussein (ochoura) -·- ·- ·- - - 261
Pèlerinage sur la tombe des tmam.s .....-·--·- ·--·- 263
De.'> rites propres auxchl.lte111 263
I.e mode de pens(!e chute _ 264
Le droit, côté chiite 264
l..e de~ chiite : les mollah• 265
Philosophes et thêolc>glens chiites - - ~
ln1eractlom ~tre chfites_. soufls el sunnites -·· --·-·-·-·-··- - 267
a~11tes et sou·fls ...--.....-..............--...........................................- ...............-.........- ............... 2'68
Chiites el sunnites _ ...................... .................-.................................- ....................................... 268
_ _ _ Sommaire XV//
Chapitre 14: la voie mystique : souflSllle et conlT6ries _ _ _ _ _ _ 271
En quête de D;cu 272
Un peu d1!1stolre -----········- 272
Textes et l?véncmeots fondateurs -··· _ .... 274
Car..cté.rlsllques du soufisme ·---··--· ·-··""" ................................---·············· 275
tapport de (luclques grands manres souHs ... ....... . . . _............... . ··- 276
Organlsatlon de la. communauté aoufle .......................................- ..............- 28l
Rlbat..?1. khé.1n<1as et za~·i~' ............................................................. ................ .................... 281
Ln confrérie sot•.fte ......- ..................................................................................................................... 281
l.'.att et la manière d'être soufl ........................................ ............... . ........... 282
Rejoindre une confrérie sou Re ............ _,,,.............................................................- 282
Sulv'rc les rèQles df! là coolrérie -········ . .........._._ 282
Penser à Dieu ; le dhikr - ..····--···..·····..··--·· ....... ···----··-··-··-·- ·- ··-······-··- Z83
À l'tcllute de Dieu : Sàllla' ···---··-·· ···-·· · - - 284
Ohlkr communautaire avec sama' 285
La pot$le ou - de la fol _ - 285
l!w>llssement des roolréries soufies 2t!7
Les <'Onfrtrics maglm!bmcs 290
~ du IOUlJsme 292

Chapitre 15 : Autres doctrines liées â l'islam- - - - - - - - - 295


Kbarldjltes et lbadltes 297
Les uydit•s -·-··- ·- -·-·-·- · 298
w l•m~l~ (dlls chiites sepllmalru) 299
Les qamiatC5 -·-·-··-·-·-·-·-·-·-·-·-·- 300
Les nlzarltes - · - 300
~ioosta•11. tayyibi.s ~
bol1ras. du pa:rell au n1ême ... ou presque 1 302
En mnrge de l'Islam ··--·--·· ··- 303
1.es dru1es ······-··-·-·--·· 303
Les alaouites (nusayrls) 304
Les alévis _ 305
Ahmadlyya 306
Les bahals 307

Cini(uième 1'4rtie : L'islam dans le monde contemporain :


culture, nli9ion et société _.____________··········--·-·········---- 311
Chapitre 16 : l'islam en ffance - - - - - - - - - - - - 313
ltlam de France ou Islam en France 7 313
La-meretigiondeFranœ - - · - - - - - 313
LamosquttdeParl• - - - - - - _ _ _ _ _ _ 315
Et the2 nos vots.ins européens? __..,,...........,,_.________ 316
En & lglqu< ···-- ..- - · - - -·······-········----············· 316
En Allemagne · - - - -······-··-··- ·-··-·-··············-..-··· .. - - - . J JS
Xf//// l'Islam pour les Nuls _ - - - - - -- --------

Au Royaum<-Uni 318
Dans les autres pays tur<)l>~ns ......._,_,...............- ...-.-··-·- ·- ·- · . ,_ 319
Un eu J)llrtleuller: la Suisse ...................·--·-· ................ ............................................... 320

Chapitre 17: lsl1m, jud1îsme et christianisme :


les trois religions du livre - - -- -- - -- - -- -- 323
Une grande fAmllle - -·- - _ 323
Abraham, un ancêtre ccunmun 323
Un seuJ t t 1nf1ne Oieu 324
Vn même llvte ·-- -- · 325
Hlstolres de famille _ ....- 325
La Bible telle qu'elle est perçue dans le Conn - 326
Décalage entre a.. ricüs de fA Bible et du CoRn - 327
t:histol"' d'Adam - - ··- - ··- - - - --·-· ........ 378
Abraham, Loth. Ismaël et lsuc ............................................--.- .............- -..··· ........ 329
Jo.cph : • la plus beUe histoire• _..............- ....- ......................- ....................................... 330
t:hlstolre de Moi.. - ·-·- ·- ·- ·-·--·-·--·-·-·-··..·-·- ······- 330
La mort de Jt!sus 332
Mohammed dans la Bible _ 333
Les 11111$UIDWIOS et les OUITeS rdlgloc1$ 334
Deux tra11e1 hlstoTiques _ 334
Le statut de clhlmml (prote~) .....,_ ----·- ·---·---·-·-·- 33S
Un dialogue ln1errel1gic.ux en 1·nofC'he .............- ........................_.........,__,.,............................. 336
Principes de dialogue ..................................·--·-·· . ........ ..-·-·-··- ·-·-·- ............. 337
t:avenlr dea relAtlocls lnterrdl1lal5eS - - - - - ··- · · - - 338
Chapitre 18 : rislam face à lui-mime : enjeux et d6fis _ _ __ _ _ 339
Pet·Jte hlstolre de ltt dMiôêratlc en Islam - _ 339
Quelle est la situation de 11slandsrue aujourd'hui 1 341
Rcvendicatloris l<lenlltairt$ dts pays musu111WU1 342
Qui sout l6 l$lamlstes ? 342
les lnJttateurs *l'islamisme : troll mouvement• --- Je
L"~ aalaliste 345
Différences entre: réfonni.s:tcs tt extrémistes tttamistes _ _ 347
Formauou d'une république lslamlque cllüt.e -·-···········-·---··-··········· 349
Avèneincnt de la révolull<:>n : K homelny __,,.... ............................................ ........... 349
Nouvelle orlcntotlon de l'Iran ··-······················-·"· .,__,.............. .............. 3.50
P.,.spec:tlve1 d'avenir _ -- ··-·---·- 351
Mondlallsat.Joo de l'islam radical · Ben Ladon et rllf1lhlnistan 352
t:Afgho.nlltan 352
Ben Lad~n <t 1l~ida - - - 354
Le: ~nouve•u de 11slam. enjeu de demain - 356
l:évaluatlon de l1jtihad ... - ..- ·····- ·- ·--·- ·-·-·-·-- ·- 356
La questJon de la 1nodernlté ·-·---·---·--·· -- 357
Sommaire XJX
&-cursus : lA s1u1esse musulmane - - - · - - - - - - 359
La.sagesse coranique - -··-··- ·- - ----------360
la - - populalre _,,.......-- - · - · - - · 362
Let sentences de l'lma.m AU ·---·- 367

Si;rième partie : La partie des Di;r .......................................................-. 375


Chapitre 19 : Dix grandes contributions de le civilisation musulmane_,_ Jn
Le tra.n.smlssJ011 des écrits grecs _ -·-·--· 378
L'algèbre el let mathématiques --··-· 378
Les thllll'CJI arabes ---·----... - - - 379
Let premières pierreo de l'astrooomle .. - - -·- ..- - - - - - 3i9
La roue el autres lovenûons technologiques --- 380
... - . . - 381
Le <lt,·eJop-1 de la pharmacolosl• 382
!:optique et i. beau1é de ran:~ 382
o.. monuments de r'&lcllltecture moodillle 383
Le '!Il Mahal 383
Alh&mb.a 384

Cllepitre 20 : Dix personnalités musulmanes d'hier Il d'aujourd'hui _ 387


Un al tona voyage : Ibn Battouta 388
La n1émolre de l'hlstoire: Al·Tabarl --- 389
Le pouvoir de l'épée: Saladin --- - ....- ·- ·- ·-........... 389
Splendide Majestt: Akbar ,_.....................- -............ 390
U11ptn.5f;ur médiéval: Ibn Rochd __,,........-.........,_,,,,,,...............,_,,,,,.,,,_,,.,,....................... 392
Ibn Klialdoun : pere de la philosophie de l'hiotoire et de la •oclologle ............... 393
Shlrln Ebadl: prix Nobel de la paix 2003 ..................................,_._,,................................... 394
Orand bâtisseur devëlnt 1•t.1er11el: Sinan.... , . , ..........................- ....................- ... 394
Un aut..., prix Nobel: Nagulb Mahlou• ................... ........ - ·- 395
la voix d'Oum Kalthoum (ou Kalsoum) 396

Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité _ _ 399


l.:Alrlque 400
Le 1''lgerla 400
Le SouGin 401
EnAsk: 402
Le&nalodesh 402
l:lnde 402
Le Cachemire - 403
La Malaisie - ......_ 403
Les PhUippi""" - ·-·- ·- ·- - . --·· · · - 404
l:lndonbie, pays mu.sulman le pluo peuplt au monde . . .......- ............- ...- 404
XX l 'lsl•m pour les Nuls

L1ala1u dans les tla1s balk.anlques _ ...... ....·-··-··--· - ·- - - 406


Lallosnle-lle~ - ---------- _ 406
Le Kosqyo el TAlbanie 407
La RussJe, anclfflne Union sovl~tlque _ 408
t:lslaJU au Proe:he-Or~t ......... ··-···············.. ·-···-··-- ··- 409
te Uba.o _._. -·-·- ··-· -- . ·-- _...._ _ .._ 409
La Syrie 410
La Paleslloe et lsra8 _ 410
Llsla1n au Moyen-Orient : le eu de rJralc 413
Une nation musulmane au .&coll de l'Europe : l.1 ·rurquie .. - - -·---'114
L'ensemble meghr~bh\ ·-···- ·· -··-·-··-··-· --··-··-·- ······---- 416
L'.Algêrle _ _ 416
LeMaroc 417
La Tunisie _ 413
LA Libye ........ ·- ··-··-·······-· . ·- ·- ·- ··-·-··-·- ·-·-·- -·-- 4l9
Lo Maurtto.n lc ·--......... . ·-·- · - ......_.. ·-·· 42il

Septième partie : A.nne~s ............................................................................... 421


Annexe A : le calendrier musulman - -· · - - -·- ·- - - · - - 423

Annexe B : Glossaire - - - - - - - - - - - - -· -- - 427

Annexe C: Réfé<ences - ·-·- ·- - - -·- ..- · - - · - - - - · - - - ·-· 437


Blbtiofraphie _ - -_
-_-_
-_-_
-_-_
-- 437
Calak>fuesd'-ltlon _-
_-_-
_--
__-
_
443
Lessllts Internet - - - - - - - - - · - - - - - - 444

Annexe D : Chronologie -·----·- -·- ···-· - · - - ·- ·- - - - - · 445

Annexe E: Dictionnaire des nOfM propres - - - - - -- -- - 453


Introduction
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

B ienvenue dans rUJllYerJ de L1slam poor la Nuls qui"°"' - l e les


secrecs d'une n!IJalon l la fru proche et lointaine
Vous trouvere2: dans œ Hvre tout ce que vous aVH. tou}Ours voulu savoir
sur les croyances, et les pra.tlques de l'islam, dept.11$ ses orlalnes Jusqu'aux
twlution.s les plus rMent~s. et é~ ~ux quwe coln.s du mon(I~ .

L'isla m li une voen•lon distincte: elle est 1., dernière rellg1on rnonothéiste
révélée. va..t·elle le re1tc.r lon.gtcmps? Les musulmans le crol ~nt lcrmen1enl ,
car Us pensent que le cycle dei. prophétie dt d~&ormate clœ. Cette
•fermeture 11 de la pro1>h~tlc ne va pas sans poser quelques problèmes
me;eurs : les au1.re1 rellg:lon.s étant a1itûlcutts 1l'Islam n'eure·t-11 pa.s la
1cntatlon de les d~n1g~r pour mk!ux asseoir sa vLslon du monde et parai"'tre
comme une nouv~té ? On verra qu'il n'en ~l rien
8~ au contralrt. ns&am reconduit en rttat te:s deu~ autres rdl.lk»ns
monotbllstes el reconnaît ~ tous teurs prophètes. Enfin, Il accepte el
Intègre une partie de leurs concepts et de lwrs t:ymbotes

Pourquoi ce lillre !
les événements du 111'-plembre 2001 ont eu un effet 1>rofon(lénlent
lTeumati.sant Cl ont bouleversé le monde entier. Us ont sute:lt6 une prise de
ronsclenœ sur 11 nlttult~ de mieux connaître l'Islam donl lu fondements
et les pratlq-.xs sont souvent m&I inte.rprét&, ou p.r&ent& de façon fausst:.
parfois même cerk:aturale. Vous trou\•erez k:i des lnformatkKU sur les
~les doulourt:Uses. encore vivaœs mtne ans plus tard. lalsstts en terre
d1slam par les crolsld•• et vous apprendrez à mieux compret>dre ce que
sont les cinq piJi~rs del.a fol. VOU$ sère:z ainsi plus à mfme de remettre en
puspectlve les conlllll d'au)ourd·hul.
SI vous connaJ~i per1onnelle.rnent ou si vous travaillez avec des
musulmans, ou Al vous voye~ se constnaire une n1osquée près de chez vous,
ce livre peut vous aldrr A1nlc.wc con1prendre vos con1patrlote1 n1usulmans et
à entrer en relullon avec eu~ Lli reJlgion musuhn a11e eal devenue la deuxième
reUgton en f'raoce (entre 4 et 5 milUons de fidèles). Sl'1n1 ml'.lne avoir à
mettre le pi~ dan$ une mo~qute ou à prier en dlrtctlon de l..a Mecque, vous
2 l ' Islam pour las Nuls _ _ _ _

pourrez mieux co11\prendre en Usant ce llvre c:e qui attlre les fld#-lc1 ver8
cette rcllgion..
N'éta.nt 1>?1!> musuhnan n101-1ne.me1 je n'al pas écrit ~livre pour défendre
ni pour attaquer l'islam, Sans vouloir m'arrêter aux pointa de tension qul
existent entre musuJJnan1 et non-musulmans. je ne prétt:nds pas non plus
gommer les dif(ércrK:tS de point de vue. Par ailleurs. ce Livre n'est pas un
ouvrage Wlivertltaltt. Vous y trouverez des ~Iérentu à d"autre-s ouvrage.s,
mais pas de- notes de bu de pa~ ~tlnêes à appuyer urte' ~monstratJon
des points mentfonoH dans le corps du texte. U existe tncon1e1tablement
de bous ouvrages pour 11nltler à la œn:nais.sanœ de J'lslam mals ils sont
souvent l.rop suc:clnct1 pour pouvoir aborder ttttc rdl&kK1 sous plusieun
angles. L'Islam pour ln 1-'ulJ que voua avez entre les maln1 est ph.11 complet.
que ces ouvra.ges. ll est d'ailleurs plu.s votumlneux.

Con~entions d'écriture
Voici les conventl<>t\.S d'écr·1t11re que nous avons adoptées tout au Jona de cet
ouvrage :
v Hotml:S dans le tille de l'oovrqe. le mot • Islam • a'krh Ive< une
minuscule car Il s·agh du nom de la religion. lout comme on k:ri'
catbollchmc, judalsme ou bouddhisme avec une minuscule. li en va
de même pour ae ttnne de• musulman • Qui esl ullUH: pour d~J1ner
ceux qui pratiqvcnt la ttllglon de l'islam. de mênie que ron parle de
catholiques. de juifs ou de bouddhlstes. Le mot •Islam • est Je mot qui
slgnlIJe en ~rabe" &00mls&lon à Dieu•. Le ternie• Jslanllstc • n'1 rien
à voir avec la pratique rellaleuse. 11 s'applique à ctlul qui 1nllltc 1>ot.1r
l'établlssen1ênl d'un rd:glme politique islamJque. c·t':1t·A-dlr!" londé sur
l'islam,
V En O<xident, on utlllte les formuJes" avant J.-Ç. • (evant Jé10$--Chri.st)
ou• aprh J.-C. • (aptts la nals.s.ançe de Jésus-Christ). Ce11e dltatlon est
d'origine chrtt.lennc pulsqu'elJe part du principe que .Usus e.sl le Christ
(le fils de Diw). De no. Joun, on commence l "Olr une nou,,.,lle forme
de dat.llon qui cherche l a"alfranchlr de ces rtftTrnœt <hr~lcnneo
el ullllse te. ~tlons • a.n.e •~(•avant notre tte •. &1ulv1.Jent de
• avant Jésus..Chrtlt •) et • d n.e •· (• de oottt èl"e •, tqutv1l~1 de • i.prës
Jesu...Chrlst •). Cette nouvelle forme de datatlon est ullll~ notamment
pour les ouvragea ou les expositions cultureJles qui ont Lrall à d'autres
relJgions qut I& rellglon chrétltnJ\~ ou qui Sadrcsstnl li un pubJlc très
varié. c·e,t pourquoi c'e•t çelle que nous utlUstrons d&ns cet ouvr3ge.
Quand le contèxte pernlet de com1>rendre lacllen1cnt <1u'll 3'agll d'une
date située à partlr de notre ère, Je ne mentionne que l'ann~e. •ani;
ajouter " d ..n.e. •.
Introduction 3
V Les rêf~rence!l au Coran sont lndiqu~es et:>n1rrtc suit : sourate XCIII. 6-10.
À la dlff~rence de la Blbla. lc Coran n'est p as un rteucll de plusjeurs
livres. Le tcrn1e dt• sourate 11 ne corrf'. spond P«8 au 1nê1ne type d e
découpage que dan• la 81blc. li se rapproche plut61 de 13 uotlon de
11 chii.pU·re •que nous utilisons à l'intérieur d'un livre. Les chercheur$
ont émis des hypolhbe& sur l'origine e t la signification p1t1nlbc de ce
terme de • sourate• nials Ut ne .soot pas tous d'accord entre eux.
On peut con1partr ce type de référence: à celul qui est uttllff da.os la
Bible pour le Uv"' d. . Psawnu : on ne di1 pu que lei pu- est lité
du chapitre l du Uvre des P$aUmes. On s'y ré-lère en mentkHlna.nt qull
se trouve en Psaume.s, 1. ~même. on ne pirlera pas du chapitre l du
Coran mai! de la sourate 1. Les chiffres après li v1reule correspondent
aux versets A l'ln t~rl eur de la sourate. Si ron cite ~r cxen1ple un passage
<le la Bibl e qui se trouve en Genèse 12, l ·3, cela sl9nlfle que l'on se
réfère aux trois prenllcrs versets du chapitre 12 du livre dt: la Genèse.
De même:, t;I ur\ paüa.ge du Coran e$t r~fé re.1\06 C<)rnnl C éla n~ Situé fla.ns
la sourate XII, 1'"3. cel'1 glgnln' que ce passage se rapporte aux trois
premiers verset• de 1a sourate Xll d u Corao. L'islam ullUse le tt rnle
ayo (•signe•) pour parter des versets~ La numtrot111on des \.'trsels
ut Sf!tl.5.iblemtnt différente selon•~ ~ions d·u Coran qu1 existent
(cl. cba:pitrt 3). C'c.11 pourquoi U pourra arrivc.r q~ vous ne ll'OUVSez pu
imm6:tiatement le ver.set mentiOnné U'.loo le Coran que vous ulilistt. D
suffit dans «eu de llre les sept "-ersets qui prlddenl ou qui .sul"·ent
celui men1lonn' pour trO\l'ftf' &r vend d~ dans la 1raduc:1k>n du Coran
que vous avtt entr« les mains.
Y' Le Coran est. pour les n1usulmans. la parole de Dieu en lan1ue arabe.
Toute l raductlon du Coran dans une autte langue t$1 c:on~idE rtt comme
une paraphra5e ou u1le Interprétation du CorBn qui ne peut se confondre
avc<: le texte o t tgtnal e n langue arabe. L'lsla nl ((ernl!nde toujours à ses
nouveau>e converl IJ d'acquérir un minimum de connatgsance du Coran
en arnbe. C'est pourquoi, dès que l'o n s'intéresse l l'i~lt.11 1 el au Coran.
on est obligé d'utlllser des termes ar.bes, co1nmt Je le fais dans cel
ouvra~ Lea 1ermts cinployH: qui sont souvent mis tnlre pa~ntl~ses
sont d.u t ,.nsJltt~raUons des lertne$ origi·nellemerlt arabc.s li 0oe faut
pas confondre tmn,«lilt~rottOn et traduttion.1.a tniductk>n doline le
sens d'un mot dans une autre langue 1.00is qu'une tran.slltttntion est
sitnp4emen1 la lrlMPo$1tlon. &rite ou on.le. cfun mot d'u•~ lang~ (en
l'occurrence l'arabe) ~rs une autre langue (dans not~ cas. le français).
• L'alph•bet trabe a son propr e alphabet qui dlff~re du nôtre tant
par la forme dcs lcttre.s qu e par les son.s exprlmt-s . J'a i essa..yé de
resler aus31 illlnp1e que possible. La la.figue Arabe a par exemple
plu sieurs le11 rc.1J peur la consonne• l "· Chnc1ue lcltre ae différencie
par une torme différente ou par des J)Olnt,; f)ll'IC68 au-<les~us ou
au-de.ssous de hi lettre.. Pour faciliter votre •~: tu rt:. ll'I nle suis
contrnt~ de le.a rendre par la lettre • 1 •·
L'Islam pour les Nuls

• Par atlleurs, co1nme d'autres langues sémillque1, l'alphabe-C


arabe dispose de deux consonn es lmporlantca qui n'exlstent pas
dans les langues occidentales. 11 s'agit de la consonne ~lif (qui a
donné Io lettl'e •A• en françals) et de la consoonc 'eyn (un son
guttural qui vient du tond de la i::orge, prononc~ co1nn•e le • r.,
parisien arasaey~). Ces deux conson11es cllffk:-lk.$ l\ prononcer
et surprena11te~ pour les gosiers occidentaux sont deux lettres
totalement dlfftrente. que fat transcrite. .soua dt'UJ( fot'mes
dJUércnlH ·pour 'alif et· pour le 'ayn. Dam «rtaln1 ouvrages,
œs cleu• l<!ltrea sont tnoll$posées ~la même façon. tt qui peut se
comp1t»dtt pour faciliter \a prononçiation eo lranç•is ma.is peut
induire des confuskms da0$ le eu de deux mou rendus de façon
ldentlque en trançal1 alors que run s"e:<;:rit en arabe liVK un 'allf et
rautre avec Ufl 'b.)fn.
• Ë:ta.tll donn6 que l'arabe. ap1>artient à une f~rnJlle C"I<' lang1tes
<:on11>lètemcnt dlff6rente de celle à laque:lle npp.tlrl ltnl le français,
Un'est r>as ~ton nan t de re11contrer des trausllttérotlons dlfférentts
des mots arabe.a dans tes ouvrages écrll.s en franç,l.11>. SI, ai' cO\lrs
de. vos lecture.s sur l'Islam, "'OU.S rencontrez des mots slmJlalres
mals tc:rlll de façon l~rement djfférenle. dUff.'vous bien quïl
s'agit probablement d'un seul et même mot en 1r1be. Ne chetche'Z
pas li savoir q""lle ..11a meilleure façon d·knre I<! mot en
français. Les mots 1d et aid sont deux laçom de 1n1nscr1re un kul
es même mot 1r1be qui désigne les deux graodt sacrifices riluels
de 11.sJa.m. Dans un ca.s pattil, j\ltili.se de p~enœ le tttme
consacr6 P"' l'u..,.. en français (raid, par exemple) plutôt que
celu1 qui est tec:hnlquemt!nt plus proche de la prononciation arabe
("id dans notre exemple). Oe même. Je parlerai de La ,...1ecquc ptu1ôi
que de r.1t.kktt -qui serait plus proche du mot nrabc 1>0ur d6sJgner
la grande vllle Jointe d e l'Islam.
• Les nom.s e.n arabe &ont en général lrès lo11gs. C'eat pourQuC)i je
me content~ d'une versfon abrégée eo franç1.l1. Aln.i&I, pour parler
du fondateur de l'&:ole d'lnterpr~tatloo furldlque hanafite, l'utilise
le nom Abu Hanifa plut6t que l'intôgralll~ de son nom : Abu HAnila
al-Nu·.,..,, Ibn Thobit ibn luta.

À t{ui s'adresse ce liflre J


En &;riva11t ces pages. c'eat à vous que j'ai pen.sé.. J'ai euay~ de rne mettre à
votre plaC'C eo in1aglnant quels étole.nt votre bagage c11lturcl, vos expériences
p<ui$ées et vos altenles dans le domai.ot.- qui nous intéresse Ici. Qui êtes·vous.
aml lecteur ?
_ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ __ _ _ _ __ _ _ _ _ Introduction 5
"Peu1~tTe ne connalssez~vous rien du tout à l'islam, ni tJ\~me A aucune
autre religion in~tituti onne.Ue. Peu1-ê1re souhaltez~vous abqrder
ll slam en <:ompara.nt cette religion aux connaissances que vous avez
d'à11lres rellglons. C'est un bon n1oycn de fa.Jre ressortlr le.~ dilféren<.'f!.'>
d'npproche. C'est pourquoi, dans cet ouvrage, vous trouverez des
aUuslons à des notions empruntée!s au juda'isme. au christianisme, à
l'hindouk~n1e, au bouddhisme. au confucianisme et au taoïsme. Vous
pouvez très bien sauter ces passages si ces références à d'autres
religions ne vous Intéressent pas. ~:n g€néra1. dans les ouvrages quJ
traitent de l'islam, la. co1npàralson est souvent faite avec le c.:hristianisme
ou le judàfs-ine plutôt qu'avec les religions d'E.xlrêrue-Orlent ou d'Asie.
Ln raison en est bien slmplê: le judals1ne, Je chrlstla,nii;me et l'b;la1n so1tt
les trois religions qui se réclament de la larnJUe d'Abr~ham (cf. partie V).
Dans le monde d~vjourd'hul. à l'heure de ta mondia.li~ation, li est
imporli'Jot de connaitre les a\1tres cultures et les autres reUgfon.s pour
mJeux comprendre t;e qui nous i\ullnc les uiis el les autres.
v Pas besoin d'être musulmao pour comprendre l'isle1n. Cr oyants et 0011·
..-:roy.s1tts Ol)l des approches complémentaires de la rellglon mus\llmane.
V Je nt: pr~lends pas Loul connaître de l'islan1. Ne croyez pas que ma façon
de comprendre e-t d'e:xptlquer teJle ou telle croyançe Otl telle ou te.lie
pratique religieuse soit Io ~eule va.labié.
V Tous les musulmans ne seront pas forcén1ent d'accord avec ce qui es1
écrll dëtns cc livre.
Y' Ce livre ne propose pas de nouvelles interprtlations de l'islam. Il
présente atLcontraire la vision qui est la plus comm\lnëment admise. par
les c;hcr<:heurs et les théologiens.

Comment ce livre est or9anisé


Pour écrire e.e livre, il m·a faUu of.>ê.rer un tri dans toutes le.ci inforn1ations
q1ii cqncerncnt une religion vieille de plus de mille qu.atrë cents aos, qui
compte un mllJJard t.rois Cé1\l Lnlllions de fidèles, présente sur tous les
continents. Vous ne trouverez certes pas dan:-; cc llvr~ loutes le$ réponses
à vos questioos cnnis, Pour faciliter vos recherches. j'ai essayé de regr ooper
dans une n1ëine parlle ( U y en a sep1 ~) t<>us les suj ets qui so1lt reUé.s à un
n1ême aspect de la relis;ton. Si la table des matières ne vous guide pas pour
1·rot1vcr le.~ s-uiets qui vous Intéressent, reportez vous. à rlndex placé à la fin
4

de l'ouvrage.
6 l 'Islam pour les Nuls

Première partie : Aux sources de l'islam


Après un cha,p1tre Introductif sur l'Islam aujourd'hui, cette pi.rlle rc1nonte
ilUX sources de l'lslam : vous y dé(louvrirez qui était le prophèle Mohammed
et rtmportaoce du llvré du Coran. Un dernier chapitre vous donn~ra
également un bref 1perçu de l'hl&tofre de l'lslam.

Deuxième partie : La foi et les crolJances


musulmanes
Celte partie tralte e.sentltllement des fondements del.a fol 1nu1utmane. en
partlculie.r de Ici concepUon que les musulmans ont de Dieu. et de l'ensemble
des çroya.nces qui ra111emhlenl les fidèles.

Troisième partie : La llie musulmane au


'{uotidien - tradition, prati'{ues et éthi'{ue
Cette partie tnlte des loll. des rites et des rituels mu1Ulman1 qui
att0ropagn<nt la vie quotkllennc oo les grands M..,_ntl - la naissanc:e.
le ma~ t'l la mort. Vous dkouvrlrez Id cc q...e sonl les cinq pH!e<o du
culte et vous~ appnndrtz 6plcment Ull peu plus sur ttr11lne1 coutumes
m:usu1manu.

Quatrième partie : Une reli9ion plurielle


l'islam est pratl<lué p~r un (;ertnln JlOrnbre de conlmunauté.11 au.x rites et
aux croyance-.$ divers chiites. sunnites. sooOs. dtuzes. etc. voua sont lc:I
prè$e.ntés.

Cin'{uième partie : L'islam dans le monde


contemporain - cultures, religions et
• • •
soc1etes
Celle partie lrait·e de Io nl1Jnltrc dont les trois rt:Uglons abrahtJmlques (le
Judalsme. le chrlatlonlsrne et l'Islam) sont liées entre elles Cl 0 11l un passé et
un présent ei1 çommun. Elle envisage également la (àçon dont l'Islam s'est
adapté à la mondlallsatlon au cour• du siè<:le dernier et aborde la questJon de
ises enjeux internes et de sa rtlatron au monde contciuporatn
Introduction 7
Sixième partie : La partie des Dix
La ctviUs.atlon dol! beaucoup à l'nppott des musu1mn1ls. Cette partie
répertorie une grande ~rlle de ces cont-ributlo1\S Cl mentionne les
musulmans qui en son1 à l'origine. Vous y trouvert".z égalen1ent des
remarques sur un cerl•ln nombre de pays musulmans de nos )OUT'$. Si. à un
morm:nt Où à un autre. Vt>ut avet du ma1 à vous plong"r d•ns lc ~Ides
CTO)"iOCU et des prat•quet musul~nes. attOrdtt·VOUI uM petite rk:réaUOO
en ICtJ!lle<an1 run dH ch1pltrcs de la panie des [);1

Septième partie : Annexes


Cett·c partie vous permet df'! faire la conversion entre le calendrier ntusulman
et le calendrier ocçldcntal. Il vous fournil un gto.sJ<dre pour !Jllmuler votre
mémoire et voul!i <Ion ne <1u<!lqut!s l'istes pour poutsulvrc votre l'éJlcxlon
sur l'is1&m. lJne <:hronolc1gle et un p récieux dlçl i.,1)11.alre des noms p ropres
compJèt~lt enfin l'f'n~~mblfl.

Les icônes utilisées dans ce litlre

-
..
~\W\
\llJ/
Les k:ônes plact~s e11 marge du texte attlttnt votre attention sur dif.f.tttnts
types d1nformatlon

Cette ic611e fnd1que un PJISl3ge litt du Coran ou d'un autre tt'!xtc Islamique.

~
. Cette içônc vous aide• décrypter une inlormatlon tmp0rlante ou utile
concernan.t 1'141am ott \.'<>Ut Indique rartltude à ado1>ter dans dJVC'rses
.situatk>ns.

Cette icône permet dt mettre l"atttttt s:ut un point Important qui pourra vous
alder à mieux comprendre l'lsLam.

Cette Icône attire voir~ :.tte:nllon sur un point s-u)ct à c:ontrover"e ou SQurc~
de rnaJcnttJ\du.
8 L'Islam pour les Nuls _

Par où commencer J
Ce llvre est conçu pour vous per1ncttre d"aller dlre<:tement consulter ce quj
vous intête&se. RIM. ne VôtlS obit~ à Ure le..s clu:ipftrtt dans l'otdre. les uns
• l.a sol te des autres. VOU$ pouvct p.ar exemple comtnencer ~r le chapitre 1
pour avoir un aperçu des ortgln<S de r1s1am <1 d. . croyances pr1nctpaleo
des mu.sulnwis. pu1s teullleter le llvre afin de choisir les J>a.$Jage$ Qul vous
Intéressent ~plus \ 1oid un sur\'01 des thèmes abordés à parcourir comme
bon vous semble :
V Pour en auvoir plus sur <..-e à quoi croient les musubna:ns. rendez.vous
aux chapitres 3. 5, 6, 7, 8, et 11 •
.,,, Pour le cuire et les ritu musulmans. re:porteXrYOUs l La Lrolsttme part~
Y' Pour rn uvotr plus S.W' l'hllllolre du monde 1nusutman, filez aux
chapitres 4 e1 16.
Y' Pour l'Islam et Je monde n•CKleroe., passci nux chapitres 18 et 21.
V Pour a'Islam en France et let tt:latlons entre musulmans d non-
musulmans, allez aux cbapllmi 16. 17 et 18
C'est vous qui dkidez de votre lllnéralre 1
Première partie
Aux sources de l'islam

1-tc.s pa~.s sox;t &=• n•llY<llc 1


111~ Mo:n oncle, lu.i,
On hal>il• rue habit• place
de l'tur•pe.
Dans cette partie ...

D ans cette partie. nous vous Invitons à remonter aux &c>utce• de l'l1lam.
Ap~s u.o bref chapitre d'lnhlatlOn au n1onde mu$Ulman dan• sor1 enH:mble.
vous pourrez vous familLafl.ser avec rhistoire du prophète 8.k>hammtd tt vous
compttndttz mitrux Io ploœ qu'il ocrupe d.>ns Io vie QllO(ldlenne de• muoulmon$.
Pul5e1ue le seul miracle de ~'°~mmt'd a ~é de ~tre rt.a1ture a.aln1.e de
r111am- le Coran-, '\>'OU$ déc:ouvrtrei 1d 10Ut SW' ses origllle$, IOR orpnlsatiOn. $OQ
Jtylc. son oontenu. et les dlU~rent~1 lnlt:rprét&tlons quJ en CMll ~t~ fa lies. Enfin. le
dernier chapitn'! '\VUS invitera à un voya,ge dans te temps pour dkouvrlr J'hl.s-toire de
l'l$lani. l.e!I réfêrences ltlstorlques l\ux:queUes Il sera fait allusion dans l'ensemble de
c:el ouvrage vous setonl J>lus 1.1ccct.slbles sl vous "vez défit <&Cquls <1uetques 11otlon$
c.le bMc llgurnot dans ce chapltre.
Chapitre 1
Première approche de l'islam
• • • • • • • • • • • • • • • •• • • • • • •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
Dans ce chapitre :
• Petite lntToductio11a 1 '1~1am, origines, croyances et pl'atlques
.... Non1bre dè Odèles mus-uhnans dani> le mon<h: et réparllUon géographique
•• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ••

C e ç}lapitre vous donne un aperçu général de l'i$lam dont les diff&ents


aspects seron·t dëv-:loppés 1>lus ên détaU dans les autres chapitres
de cét ouvrage: l'expansion mu:sulmane, les croyances fonda1nentales, les
dllférentes branches de J'ist<im, b:Jô lieux d~ culte et les pratiques des fidèles
aujourd'hui.
Ce chapitre ne \'UUS donne qu'un aperçu sommaire de lïsJanl. Si vous voulez
Yùus Initier à la TPlig.lon musulmane., c'est pat Ici <tu'IJ faut commencer. Vous
en apprcmdrez bien vite beaucoup plus en parcourant les chapitre$ suivants.

Les ori9ines de l'islam


Voici le récit des origines de l'islam tel que les 1nusulmans le c:onnal.ss~nt ei
le rcLCOt)leJ\L

Ver:<; l'an 610 dc.11otre ère, l'ànge Gab_rJel app;:ir\1t à un ho1ntne du norn
de ~tohammed qui viVëlil à La M<!:cque, vUJe située dans ractuelle Arable
Saoudite.. Gabrle1 An11onça à ~1ohamrned que Oh~ u l'avait CJ\ois1 pour être son
ultime prophète. L.es révélations r~ues-ainsl par le prophète Mohammed
Jul>qu'â sa niort ên 632 constlruent le Livre saint de l'islam, le Corail.. Le
prophète Mohammed co11sidêrailqu'il restaurait et parachevait la religion
ori.~lincll e de J'hu1nan1té et qu'il s'inscrivait dan~ la llgnêc cl<:$ prophl:tes
bibliques qui avaient été envoyés auparavant par Dieu pour appeler le.s
horrunc.s à se soutnet t re à sa loi.
Les oont.c.rnporalns de f!tiol1ammed à La l\1ec:que adoraient 1>h.isicors dlcwc.
lts rejetèrent son appel à n'adorer qu'un seul dieu. En 622. ~fol\amme<I et son
petit groupe dt' t.idèles qolttèrent La ri.tecque pour la petJt~ vlllc dl! Y:.thrlb
12 Première partie : Aux sources de l'Islam

située plus au nord, que les n1usulmant l'ebapllsèrenl Médh'le. C'est cette
ann~c·là qui fut cholsle ultérleurenient pour marquer le d~but du calendrier
musulman (cf •nnexe A). C"est i Mt.fine. la dt~Él•l. que Mohammed établit
&a prcmltte communauté musulmane.

En 630. 1'1ohammed prit la l~le de la communauté musulmane qui ava.it


pris de l'ampleur et attaqua La M~uc, avant que celle-cl ne se rende
paciflQucmcnt. À la mort de Mohammed, de-ux ans plus tard, la maJwre
part.Je du terrllo1re de la presquïJe arlll>IQue av•if accepté l'lslom pour
religion et taisait par11e inlégraotc ~le la communauté n1uisuhnane. La
succession de t.•c>hëtmmed fut as.sur~e par u11e 15éric de dirigeant• (c.allres)
qui pern1lrcnt l'expansion de l'islam cc son émergence sur la 1d1lc rfslonalc.
En moins dt cent a.ns. les armées musulmanes avaient rM$1 à s'imposer
sur un tt.rtltolte allAnt depuis rat du ~alons frontalltte1 du nord-ouesl de
11nde Jusqu•• l"E$pa:gne. à l"CXJe$t. cons.tuuant ainsi un empire Immense. d"un
seul 1enan1. formanl œ qu'on appelle le• uTif1t •.
~tais, trop ars.nd et ll'Op vaste., r1starn i'louffaJL 11 y avait bien MOr la dlversilé
des naUon1, Io con1plexité des Jangue1, le$ tt5ages les plus anllnon11qucs et.
finBlem~nl, une dlspeNi<>Jt qui a llall être fatale.

Petit~ petll. l'unllé orlgineJle de l"i.siam se perdit et oe rêus.Slt plus à ae


reconstruire.

Dev~nu trop erand et ltop va.stt. l 1.a fols par la popuLatJon. les ethn~ les
laogues et tes territoires. Se califat o'tlalt plus Ut\ gouveme~t ordinaire.
0 lallalt malnt•nlr l"ordr• el o:dger del conHm les plus 8olgn~• qu'ils ~
confomlent aux ordres venus de Da.mas. puis de Bagdad. La Upes de
fracture ~taJen1 déjà à rœuvre.. en parllculler au niveau doctrinal, des ~cotes
théologlques t"étant fom1ée$ au cours du Œ" alkle.. Elles ont lliUS.Cltt! ou
léglllmé de• c_·omportements polltlqucs t1lluês aux antipodes te1 uns des
autres. l'autre é.lé111ent de distorsion : la guerre sah\t.e. E:lle pern11t à l'islam de
gagn~r des espaces nouveaux mals, t.n 1n~me temps. elle donna aux g~néraux
renvie de voler de leurs propret tilts. SI bien que: l'extension de• ttt"r'H
lslamJquu allait sécréter une nouvelle manltte de percevoir l'archltttture du
c.afilaL
l.exempl• le plus ""srant ut celui de l'Andolousie. Moins d'un deml-slklc
aprù .a.a conql•ête par des géJ~raux fldèlcs aux Omeyyadu, l'And.alousie
s'est affranchie de B•gdad. à partir du motne.1)t où ce11e-c:i est devenue
capitale clc.s 'Abbassides. en.nends furé11 des premlers. Le ca11fal abbiJiSMlde
lul·même ne tnrdn, 1~as â tomber t-0us le:s C<>u1>s des Mongols qui le
massacr~rtnt en 1258.

Au 61 <lu iemps.11.sla.m continua àlnsl à s'étendre sans que l6 royaumes


musulmans ne JN;rviennenl à se maintenir a.ur la longue durfe. ex«Pllon faitr
des posuulons qu'il ava;1 acqulsa depuis le début_ À Io Rn du,...,.. •~le.
le pouvoir mllHol"' de 11$1am s'aflolbllL À Io fin du,.,.. et dons Io premlbe
- - - - - -- - - - - - - Chapitre 1 : Première approche de l'islam 13
partie du xx" si~!~, la plupart des pay.s lnusulmans tombèrent plus QU n1olns
dire<:tement sous la coupe de nations européennes. Dans la seconde moitié
du xx• slècle. le.5 nations fnu.sulmanf!s-conqulrent leur Indépendance. ~:n d~pit
d~un certaln déclin polltlque et économique,. le no111bre de rr1usul.mans dan.s
le monde augn1e.nta con$ldétablement au xx• siècle et l'Jslan1 devint, pour la
pren1lère lolsi une religion VTaiment vniverselle.

Fondements de fa foi musufmane


Les musulmans (>Ill. avec les- chrétiens el les juifs, on certain nornbre de
croyances en c:.ommun, ce qui n'est pas le ca.s: avec l es ·reJlgions orientales
(ctunme l'hindouisme; te bouddhtsmeet le taoïsme) qui sont très différentes:
V Dieu a créé le monde et tout ce qui Sy trouve.
Y" Dleu a fixé dans sa pa:roJe révélée les régies
de vie <11!$ c.royaJ1ts,
notamment en œ qui éoncetnc la solUcjtude envers les pauvres.
,; On ne doil pas adorer d'isulres d.leux. ni l'argent, ni le pouvoir, nl sol·
n1êine.
Y" À la On des temps. Dieu Ju.gera. tous les homroes.
,; Celui (ou cel.le) qui at.1ra i'Ccc.1mpli Jes comi:nancleme.nts divins 1ra au ctel.
Dieu appelle tous les hommes à se soumettre à sa volouté telle qu'elle est
form~• l ée dans sa loi r~élt:e. Le nlol fslw11 veut d'ailleurs djre • soumissit1n
tll(!tivc et fervente •: il est de la même rac:ineque I~ n101 •paix • (sa/am).
L'Jsla1n est souvent considéré comme étant la rclfg)on de la soumis..ston à
Dieu. Les fondements de la fol musulmane soot résu1\'1és dans l e~ cinq piliers
de la foi (cl. th•pilre4).
L' .. Islam • e.'it le no1n de Ja religior1. U mol• musulman » est de la même
ra111ille de tllOtS. On utlllse le mot .. islam • 1>0ur tout <:e qui OUllérlel, poor
exprimer une Idée~ par èXe.n'1ple: la Conférence islamique de Djed<l11h ;
Je 1not • musuln1an " est sur tout employê pQUf de!Si_g.n cr un êtte humaJ.n.
un groupement de personnes : le ou le.s musulmans(s). la communauté
n1usuln1:tne. On dit ainsi : peinture islan1ique. mais peintre musulman :
architecture islami<1ue:, m.als artiste mu.sul1nan: orlgtne lslan1ique, m•is
pays 01usuln1ao, nation n1usulmane, etc. Le mot .. 1nusulu1a.n ' (f110sli"t)
signifie . celui c1ui se soumcl à Dieu •. Autrefois, on employafl le mot do
• 11\al',01nEtan "qui est ln1propre car 1-:s n1u$ulmans ne sont pas le& adeptes
de Mohammed {M(lhônh.'!t) de 1oêmc que les chrétiens sont tes adeptes du
Cl1rlst. car pour eux Je propl\èle P.1oh<;1mmed esl un hom111t:., ét non un d1eu.
Le musulman rend un culte à Dieu, 111ais pas à ~iohammed.
14 Première partie: Aul< sources de l'Islam - - - - - -- - - - - -- -

L'essentiel dt. la p rallque musulmane est rkapltulé da.ns les cinq piliers de
l'islam (çl chapitre 9). Les n1usulmans doi.,·ent professer que seul Oteu est
Dieu et que Mohammed est son messager. Ils arrêtent toutes lt!tJrs (lc;tivïtês
cinq fois par jour pour prJer Dleu. Une fois pt1r an, au mois de ramadan, lbs
JeOnenLdu le\!br du $Oleil Ason coucher. Chaque année, Us donnent une
part ie prescrite de Jeurs rlchesst!:s pour des œuvre~ qui servent les desselns
de Dieu. Enfin. une fois dans sa vie, tout musuln1an valide doil f11ire le
pèlerinage à La ?vlecque.

Scission en deux 9randes branches


L'lslam se décon1pose en trois grandes branches qui regroupeitt, <l'une part,
les sunnrtes et les chiites eL d'autte part, iJlfinirnent plus minoritaires, les
kharld!ltes. égaleJ11cnt appclê.o; îbâdltes (mo1ns de 2 % de l'e..1scmblc de li\
communauté).
V Les sunn_lte& constituent 88 à 90 % d ts musulmëlns du monde. Centot
vlent du lllOt su11na qui signifie la tradition, c'est~à·dlre les pratiques
adoptées par Mohi'lmmed el Jes prernletA mus-uln1ans.
V Après la dîsparltlon de Molu:unmed, cer~ins 1111.usuJm.,ns pensaient que
son neveu et gendre, 'Ali, était le ptus apte à lui succéder (contrairement
aux trOi$ premiers califes qui succédèrent à A-1ohammed) . Le mot chllte
v·i ent du mol clll.û qui signjOe • le parti de • e l ren'<-ole au par llSAns
de 'Ali qui çonsidéraJenl que la: dlrec-tlon relig ieuse et politique de la
communauté Lttusulmane devait toujou.rs rester dans la Ugne de 'Ali
et de sa femme fatima (la fille du Propltète). Un certain nombre de
dissensions Internes tonccrnant Ja lignée de succession aboutirent à la
dlvlsiOn <lu c;hiisme en plusJeurs sous-groupes av.ec notamment celul des
duodéclmatns ( le-s par tisans, du douiième Lmam), les Jsma'Uite-s et les
z:aydite:s (cf. chapitre J2 pour plus de détails).
V Les kharidjite• se sont séparés des cl1llte-s (kh.a rldjlles - du verbe ar abe
k.haraja, •so rtir •. • se scinder de 11). On les trouve essent.ieUement dan.s
le sultanat d'Oman. en Tunisie (île de Dj erba) et en Algérie (peotapole du
M7.ab) où, ruya11Lles persécutions, ils se sont réfugiés depuis plus de dix
siècles.

Le soufisme est une autre grande J,>ranche de f ls larn. fi s'agit du mysticisme


de l'Islam, et non Je frul t d'un.t scission comme lcsunnlsnle ou le c.l1H~ n1c. En
général. lt: $0ufi.sme 5e rattache au sunnts1ue (trè~ rarement au chiisme). Il
existe plusieurs o rdres soufis (cf. chapitre 14) tout comme li existe plusieurs
ordtes moorustiques dans r tgUse catholique.
- - - - - -- - - - - - - Chapitre 1 : Première approche de l'islam 15
fluelt(ues chiffres
Il est t·o ujours diffi(ile et déllcat d'évaluer le nombre des acleptes d'une
relfglon. Cependant, les études et h::s enquêtes permettent en généra-J
d'arriver à une approximation fiable, comme le mo11tre le tableau 1-1. Les
démographes qui étudient l;:t population n.e p rennent pas en compte la
pratiqut! r~e.Uc des personnes recensées. Us se <:ontenttnt de compt~tblllscr
ceux qui se récl~ 1ner1t Qu qul se reconnais.sent comme ralsant partie de
lelJe ou telle religion. Une étude qui évaiue., par exèmple, le noo1bre de
bouddhistes daft.S le mond.e à 375 millions slgnllle que 375 m illions de
personnes disent qu'elJes sont bouddhl..i;tes.

Tableau 1-1: Nombre de fidèles des principales religions recensées (20041


Reiig;on Nombre de Rdêlu "
Christianisme 2.1 milliards 31·33%
l$lam 1,3 millh1rd 19·22 %
Hindouisme 8!-0 millions 14 %
Bouddhisme 375 millions 6%
Judaïsmê 14.5 million• moins de O,S %
Cenfucianisme 6,5 millions

Lechristlanlsme et l'islam sonl en 1>rc>grc.~sfoJ1 constante, surtout en Afrique


depuis le siècic dernier. Les pays musulmans sont c:e11x qui ~nregistr<:11 L lcs
taux de fécondité les plu~ élevés au rr1onde, ce qui explique une grande part
dl? la croissance de l'Islam.
Il est intéressattt decom1)aret les chiffres de 1900 avec: ceux dè l'an 200-0.
En 1900, les 555 m illions de chréti~ns r~préseotalen l 32 % de la poputa1ion
mondialt, c'c.st...à-dlre à peu près la même proportion qu"aujourd'hul. Par
comparaison, les 200 m rllions de musulmans constJt-ualeol aJors 12.3 %de
la populaliOfl 1noodJale. tandis qu'aujourd'hui Us représentcnl p lus de 19 %.
Cette croissance explique pourquoi l'on dit de l"lslam qu'll est la religion qui
progresse le 1>lus <laJlS Je 01onde.
J6 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - - - -- - - - -

Lieux d'implantation dans le monde


Tous les Arabes ne sont pas musulmans et 1ous Jcs musulmans ne sont
pas arabes (c'est-à-dlrc ta pqpul~tlon originaire du Moyen.Qrlent qui e!St
progressivement devenue la populatio-n don1l1lante (lans les pays qui vont
du Moyen-Otlet\t au Nord de l'Afrique. de l'Irak au Maroc). E.i1 réallt.é, les
Arabes ne représentent que 20 ~ de l'ensemble des musulmans du monde
entier. Par comparaisoo. l'Asie du Sud (Pakistan, Bangladesh el Inde) com1>te
plus de 350 ml li Ions de musulmans. L~ Moyct1-0rtent compte 200 millions
de mu.su1J11.ans taodis que les det1x plus grands pays musulmans du Moycn-
Orient - la.1\1rqule et l'Iran - ne sont pas de$ pays arabes. La langue a rabe
est, bien sOr, fa langue (le l'islam, et la culture arabe marque tous les pays
musulmans d 'une empreinte Jndéléblle, mê:cne si la n1•jorité des musulmans
oe parl ent pas arabe.

~
Ne tombez. pas dan$ le préjugé fr~quent qui consiste à croire que tous tes
q- Arabes sont forcément musulman&. lkaucoup sont chrétiens. Les chréUens
arabes représeotenl une minorité importante au Liban et en tgypte. surtout
à Alexandrle, et même dans une proportion moindre en Irak. Jusque vers la
fin du n1llleu du XX' si~c:le, les chrétiens arabes constituaient une nllnorlté
influente dans la population de PaJestioe., n1ême si nujourd'llui beaucoup ont
éndgt é vers les ~tats-Unis. l'Europe ou d"autres réglons du monde. n n'en
reste pas moins ,rraJ que plus de 90 % des Arabes sont musulmans.

Tableau 1-2 : les huit plus grands pays musulmans par la population
P6Y1 Nombre de musulmans
1ndonésfe 212 milflong
Banglades.h 128 millions
Inde 120 mûhons
Pakistan 110 miUion.s
Turquie GSmiUions
Iran 65miHions
tgypte nmiRions
Nigeria 70 millions
- - - - - - - - - - - - - Chapitre 1 : Première approche de l'islam 17
Au Rl du tcn1ps. grâée a J'émlgrallon ec aux conversions, la majeure partie
de la population du PakJstao et du 8angliidest1 est devenue ruusulmane.
alors que la maJorité de.1a pôpulatJon de l'Inde demeurait hindoue. Au
moment de l'lndêpendance en 1948, l'anclenne colonie britan11lque de l'lnde
(qui englobait les tJols pays mentionnés cl~dessus) a. êtë divisée en dt::ux.
donnant naissance à l'Inde actuelle et au Pakistan, avec pour résultal un
d~placeme11t massif des populatlons. Ainsi, la plupart des hindous viv(lot
dans des réglons majoritairement musulmanes qulttètfnt leur terre natale
tandis qu'un nombre considérable de musulmans vivant dans le.<> zone:a à
majorité hindoue émigrèrent vers Je Pakl$l'an. Plus tard, une guerre ctvlle
au Pakistan a entraîné. la constitution d'une nouvelle nation, le BenglOJ<lesh,
correspondant au territ:orre du Pakistan oriental. Depuis 1948. les relations
entre l'iode et Je Pakbtan sont restées tendues, réve:ntuaJité d'une gue-rrc
déclarée étant parfois mërnc fort.e.. ttaot donJlé.qu'uo grand no·mbre
de tnusulmans sont restés en Inde. les désaccords au nive.i&u local snnt
fréquents entre musulmans et hind<>us. Les facteurs religieux Oes blndous
peuv~nt.. par exemple, etre offensés par le lail que les muJl)lmans mangent
du bœut car la vache est ouur eux un anima.! sacré) et les facteurs PQUtlques
(par exernple. le:s dlJfêrends à propos du Cachemire, région majoritairement
mosuhnane intégrée à l'fnrlc) jooont un rôle dans œs conflits.
La proportion de musulmans en Clline est estlmée e:ntre 10 et 30 mUJloos de
fidCJcs, u1als pourralL être beaucoup plus Importante. E.n effet.. il ei>t dirücile
de le savoir car le gouvernement chinois a plul'ôl te11dance à sous-estimer
le nornbre de croyants, queue que soit la relJgJon, el ne se montre guète
coo,:>ératil avec les dén1ogra1>hes <tui souhalt~nt afriner les statistiques dans
te don1aine. Si roo se ne aux pro)ectlons de !.a fin du siècle dernier, Qn pet.11
dire que le nombre de.5 musulmans chinois, surtout dans les provinces de
ro·ues:t. devrajt maintenant avoisiner les 50 mllllon..s.

~
Reportez-vous aux c:lifféreJ1ts Allas des religions oil vous trouverez des
Tl!. cartes et des graphiques q\11 pré.sentent. le5 p.ays en fonction de crltères de
p<.>ur<:eiitage de 1>opulatlon. Les cbl(Jres globaux du tableau 1-2 proviennent
des statistiques de l.'Atlns de$ religion.s, La Vle-Le Monde, 2007.
18 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - - - - - -- - -

Arabes et musulmans
lnc1;>nsciemrnent. ceux qtU conuisiitent mel fa P1te1line. l1 Jordanto, le Libin, 11 Syrie et
l'Islam pe"81nf que • Ar1be1 • lt • musubnan1 • sans douta 6g1leman1 l'lra~ •t11t chrétienne
som deùx mou synonymes : :si 11 ph.Jpan dn el erabe S.ion les paya,. les Arlb••chr•tJens
arfbnaonteffeotiv&nitmtmusulm1ns.. ce n'e•t p1uvent 6tra si:uent c.thohqua1 onimtaux.
pu:vraipourtoul. Si enFtanca,il r• ptusd'Are- 9r11Ç1~onhodoJ1ias, ou membru dt l'une ou
b11 musulm1n1~ Il n'en est pu dt mime aux 1~11utra d11 branc::hea les plus andennn du
~lllJ·Unls Oil ron compte davontao• d'Araba cnrfltt•m1m1 orionlol lbVZ1ntlnsl.
ollritiana quo d'A111bes musuknoos.la miDoriti
m:-hrêtionne du Ub1n ut l'une-du ttnis grandes la population musulm1ne $9 retrouve wnout
commuMuûa confeH1onnellea de ce pays su' une b•nde continue d1 paya qui va du
clll Moy"1·0rîont Avan1 1~7. dilt t laqueti. Moglueb en pasrantplf le Moyen·Orienl, l'As11
blaucoup da Palettmiens ""10tàrentvets les du Sud, puis la Malalsàa atl'lndQné.sle jusqu'en
pays occidentaux, la minoriU chr6tienne '1.•Jt Asie du Sud-En Oansi:esl>f'/S-.11 pourcentage
Importante et tnf1uente à Jérusalem. o·iutru de popul1tion musulmane ($111Jf en Inde ou les
P•Y• muaulmafl.r. commt l'll'lk, ont une popu· mu1t.1lmenrtorment unemfnoritê de 100 milfioas
latlon 11aH chrétienne, peu nombreuse certls, d'6mes) se .situe • un pau moins 1fa 80 % et
mais dont 1"1ncienn1tll remonte aux débuts du peut aller tu.qu'à 99 !JI.. Nomz que les chiitas
christlen1sme et Aune époque où ta mafQritf constituonr 1• groupe mu•ulman majorctaire
de 11 population était chrltienne. En Arabja 6 •n Iran, en 1ra~. au Yémen, en AœrbaYdjan, 6
ptoproment partir, les thrtttens n'ont Jama1:1 Bahrein et 1u Liban Pendant t1nviton mille an$,
constitué un groupe important de la popu· 11 plu1Mtn de$ PIY' d'Asie du Sud Ut Pl••stan.
lauon. excepté • 11 périph6Jie1 comme d•M le Benvlad1lh • t l'Inde 1ttuelt-,ml1t pas le Sri
certi1fne.-p1rtin-da't'imtnplflJ1••· Avant Lan~) 011t •••dirigé• par du-mu•l.lfman•. Si
da•• oonverlir à l'ialam. I" Arabes d'Arabte vous cornptabddez ensemble las populattof'IS
étalent'" général polylhiMsus.A r•poqua de de ces 11ois pava (r:f. t1bte1u 1·2t. voua verrez
Mohammed, la tnaiOrité de t• population des que fa total représente le plus grand notnbre de
territoires qui con~1nt 1ujourd'h1.u lstal~ musulmans par rapport tu reste du monde
Chapitre 2
Le prophète Mohammed
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
O.ns ce c/Jqitre
~ Rttll de la vie de Mohammed
,... l.o ml$slon de Mohammed d'un potnt de vut Utéologjque
.... Le lien personnel qui cx i ~te en1re les musulmans cl Mohammed dans •a vie
quotidienne
._ tvoluallon des sou.rets aya.nl trait~ ln vie de P.iohammed
• • • • • •• • • • • • • • • • •••• • ••• • • •• • • • • •• •• •• • •••• • • •• ••

C: enai:nes rellglons ont un seul fondateur. Siddhartha Clut•ma Bouddb.


Confudus, Jésus et Mohammed sont les fondateun. rupectlvement.
du bouddhisme, du confuclanlsme. du christianisme tt de 11slam. O"utres
religlon.s. co~ rhlndou1!me:, n·ont pas de ffaure centn1e que les membres
considèrent oomme leur fond.ateur oo ont p}u$teurs lndtvldus qui Jouent ce
rôle (Abraham et ,.1oT.se dans l~judaI.sme). Même le t-aoîsme (une rellglon
ch1notse) a un fondateur, Lao Tseu. même si non1breux sont le$ penffurs qui
d()Ute_n t que Lao Î$Ctl (401\ nurn algrttfle • vieil homme•) nit vrahncnt exJsté et
qu'll soit effec:.live1neut le fondateur du taoïsme.

Les religions enracinée• sur la personne d'un fondateur unlqu.e attachent


une grande Importance à la vte de lw.r fondateur. Son hl1tolre person1leUe
revêt un canicttre SKré (cf. chapitre 5 pour en savoir plus). Lu croy1nu
çonna.i~l fhlstolrc t radil loflM'lle du fondateur. et un ~t ranger qul \'eUl
comprendre cette re:llgton devra éplement y attacher de l"fmPorUnœ el
connai"ltt son hlftof~. t:~1ranger sintéttsse habltue1i.m.n1 à la blognphle
du fondoteur pour mieux comprendre ce que font la Rdtla el pourquoi
ils le font. Pour le croyant. le foncUlêUr fait habitue.Llement flgutt d'' autorltê
principale dans la rt".llglon. Le fondateur est en gên~ral celui qui• le lien
le plus dJrect à 01eu ou at1divin. et monttt la vole du aalut. Le fondateur
est également le n1odtlc par excellence des croyants. li est c.elul qui nqn
i;,culement dit o.ux Cl'Oyant3 ce en quoi Il raut croire et ce qu'U faut falte, mals
également celui qui donne l'exemple par .s.a v1c.

L'histoire tradl1tonnelle 1>cu1 commencer peu de LeM1>1 après 111 mort du


rondateur ou beaucoup plus tard. EJle ~t couvrir l'en1en1l>le de sa vie ou
20 Première partie : Aux sources de l'Islam

RUlemt:nl art aines parties. li M s'.1gl1 pas d·u~ bk>Sraphle l proprement


parler, au sens où on rentend aujourdbu.I. L.hlstotre du lond•teur qui
est bien COl'IJtuc par la plupart des c;roy•nts ~1 fltt ttsen11e1J~1
ldtnllque à la Vttsion qu'en donnent les lntelltttu~l• ou mf'meo s'en éloigner
consldErabtcmen1..
W plu1>•rt des rnus:ulmans, comm~ cela est Je cos pour des fidèltos dilns
d'autres religions, s'lnt~ressen t c.lavAJUage à l'hltltt)lre 1rndltlonnelle de leur
fondt1tcur 1>lutôt qu'au" recensions savantes qu'en font le• chercheurs. Dans
c:e chap1tre, Je con1mence tr100 sutvul de Io. vie dn ~1oh11mn1ed en décrivant
d't1t>-0rd le monde dans lequel il est né. En.suite. apl'èS o.vo1r donné un bref
rfcaipltulatlf de J'hlstolre tradlllon11c.llt!., je t<:tntlne nveC' une dlscuss1on sur
let sources historiques relatives à la vie de Moha1nmed et Je tlonuc lt! point
de vue des cherc.heurs modernes sur Cd sou.r ets.

Après chaque mention du nom de ~tot.am~. le:1 musulm.1n~ ajoutent


r..preUIOn • la l>"ÎX 01 la béot<Jk:llon IOlt'nl IUf lui• (PllSI.).

Le contexte : l'Arabie ai'ant Mohammed


8Jen que les Arabes ne représentent aujourd·hul que 20 " de la population
mu.tulniane, 1-LSlam est étroitement IJ6 à leur culture t:t a leur histoire. La
caractéristique la plus lmportaote qui lie tous lf:11 Arabf's est une langue
comn1une. l'arabe. l'arabe ~t une langue sémitique. et qui 1lgnlfie qu'clJe
11>partlent à la même famlUe dt Jang-ut• qut l'h~brtu. L'Arabie est la patrie
orlglnellio des Arabes. Bien avanl la naissance de ~tohammed, lc' Arabes
av~tenl délà débordé le cadre de l'Arabie et 1'ét:&le.n1 lnsta ll ~s en Irak. en
Palealhlt: et en Syrre. En un s iècle. apr~s la n1or1 de ~tohan11ned, grAc~ à leurs
co1\quête1. les Arabes devenus rl\llsuhn•fl' ont étt.ndu lrur domination sur
<l'outrt:S territoires. not4o1mment au Maghreb.
L'Arabie Si.0udite aujourd'hui (cl la ngure 6·1) recoup.t en grande partie.
l'Arable au temps du Proph~te.. Cette .iràJlde ~nlnsul' a'éten<l le long de la
rncr Rouge qui I• sépare de rtgypte. Elle Hl bord6e au nord par la Syrie. la
Plllettlne et la Jo1da.nle et mtrne. la part te 3-tKl~OtK"St de l'Iran moderne, et
OéCU~ toute la partie que l'on iippelle le eoUe Arabo-Ptrstque.. L'.Arabie fait
pari le d• Io zone géographique appdtt aujourd'hui le Moyen-Orle<u. (Selon
... ~-..... le œnlexte. la zone qui •• de rtapt• a l'Iran .. eni:lobe
rArabie Hl appeltt êplemt.-nl le Proc:l,.-Onenl ou If> l.ennl antlqueJ

La vit' en Arable étau cluœ. Une grande partie de Io ptnhuul• - • ronst!tuée


dt dlser1s ~ta population y était lrh d&lrffmff. Avant la dkouvcrte
du ~role au XX- slècle, l"Arabje manqu.ait dt' rt'-~1t0urc:ea naturelJes. Avant
r~1ntrgcrte:e de l'i$Jam, l'Arabie n'avaJt jan1al1 ft6 unlflff en Ulle seule entitè.
En revanche, le pays vols1n, I(' Y&nen., ~tall di-Jà un ~11t cen1ral11é- doté
_ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 2 : le prophète Mohammed 21
d'une civilisation déveJoppée el très élaborée. L'historre. du Yénlen unlflé
remonte à envlr-On n1ilh: ans avant notre ère. Les grands empires à l'époque
de t..1ohamtned d ans œ tte partie du monde étaienl soit l'Empire byzaJ1tin
{l'Empire romain d'Orient) nvec pour c.a pltale Constantinople (aujourd'hui
Istanbul , en Turquie) soit l'Empire perSe {également appelé l'Empire
sas.$ anîdc), qui o nt régné sur l'Iran et une g rande Pi:trtle de l'Irak. Ces de\l:it
gta.tld& einplres finirent par .se faire la guerre. Chacun a exercé une certalne
inflt1ence. directement ou Indirectement. en Arabie, mais ni l'un ni J'autte
n'ont essayé deconquêrtr ni de dirigt:r dlrecte.1nent la péninsule entière.

....... '. . ·.
·..
= (}
Mer
Mëditl!rrafiêe

··~.

·.
··... Nit ~......
...... ··,,
ARABIE

~EMPIRE PERSE
/
~EMPIRE BYZANTIN
Figure 2-1 :
l'Atabh1.

Deu}( flilles principales


Une des deux villes qui ont Joué un rôle essentiel dant; la vie de f\iohanlmed
~.st La Mecque, qui est située un peu à l"lnlérieur des terres, non loin des
bord!S d~ la n\e.t Rouge en Arable, dans une région qui s•appelle lOujours
le Hedjaz. Les origines de La ri.1ecq·ue retnoiitent environ à l'a n 400, à une
époque où la ville élaU l'un des lieux saints les plus imJ)Ortants de l'Arabie
parce qu'elle abritait le sanciuaitt déj à sacré de ln Kaaba qui était 1.•n lieu d~
pèlerinage (r:.l chapitre 9). SI l'on se réfère à c;e <tue di~t les musulmans.
22 Première p1rtie : Aux sources de l'Islam

Lo MccqU<O IH•ot une ville prœi*e A f6poquo do \tolulmm<d Son ttoa<>mle


ka.11 fondée: su.r le commerce. étant plaœe sur des tttn&J.frcs commerc'-wc:
qui re-llalcnt le Ybnen et Damas. en Syrie. Chique annff. deux caravanes
marchandes en partaient. ru.ne desccnd1.11t ~ni le A:ud, l'autre ~ntant
vtrs le nord. Comme œ fut le cas dans le d~Mrl du Sahara africain.. c'est le
chameAu, sobre et capable de falrc de long11ra)ct1 et dC" trins porter des
charges éi\Orrne.s, qui permit ces échanges c:omn1ercl11ux à travers l'Arabie.
Avt!<'. une foire commerciaJe. des traités et une tr~e pendant les mois de
1o foire et du p~l rrl n age, le comn1erce n pu prOt41>érer. Un certain nombre
d{'I (herch('urs pensent que cette hnago d'une vllle co111nterclalc animée et
occupaot une place c:çntrale dans les éthongee Internationaux de l'époque
f'iSf quelque peu dépasstt auj ourd'hui. Dans u1• llvre Intitulé Afohammed et
lts onglf'teJ d~ l'lslam, pn11;1 à New York en 1994. f, E. Ptters, son auteur, fait
ren1arque.r que nous n'avons aucune preuve a.rchéolt~l<auc pour étayer cette
rtpr-~sentat&on de La Mecque (c;ontrairement l d'autres sites anclens d'Arabie
o<1 ron a retrouvl des ~llges ~Jque.1 lmportents qui attC$ttnt de
l"txlstence de c::entnes comme.rc:iau.x arabes) et que les •rchitt• dalI.nl des
prf'mlf'n temps de ns&am. mals non mutuhnantt. ne font Jamais ~-- de
La lttecqoc cotnmc d'une ville man;hande irnPortanle. Pe1ers pense que La
~1«que ftalt un vlllage très modeste avec blcn peu de arands bitimcnt$
et quo son <onunerc• &Il essentiellement lo<al (llmltf l la péninsule
1r1blquo)

A.1édlne, pour sa parL était (pour l'Arabie) une commun1u1ê 11rteoJe


pro$~te 1.-vec: des champs iertllcs et un approvh~k>nne1nen1 eo t:au régulier
- toutes choses qui manquaient e:rue.llc.111ent à la f\tecque. Situ~ à environ
<400 kn'l!l n.u nord de La Mecque sur un axe qui 1nène en Pales1111e tl en Syrie.,
son no1n orlglnaJ étalt )'alhrlb. Plus ta.rd. son non1s·csl1rnnt1formê en "-1édine
(c'est-à-dire" ville* en arabe. c'est un dlm1nutlf de 1\fod1no1 on-li/obi. ce quj
slgnlOe" la v llle du prophète•). Les hab1tants cull lvale11l 1)rlnclr,ateme.nl des
datte•. Le .$Ile étail com1>0sé d·un certain non1bre d'habitations de type rural
tl dol~ de quelques structures fo:rUflée:s <tul servolcnt de rcfoge '-n temps
de auerre. Un certain nombre dce clans Jull.s ont joué un rôle llnpottant dai1s
cette population qui était dominée à l'épc>qut de l\1ohAmmed par deux tribus
arabes.

En dehors des Ili/les : le Bédouin


En dehors des vill. . de c:ommerce et des villages aarlcoles. la popuJation
comptait épl<moot des borgors nomades (les llldoolM). 11ns domicile
(Ln ou pt>nna.ncnL Le mot• Arabe' s·~1>lk1ualt • l'oriflne untq~Lau.x
~ulno, et même si parfois les Bédouin.< fi le• vlllageol1 s·opposaient, U.
mien• dépendants les uns des autres. En fi4le lffn.!ntle.•• BN!ool!l a pour
valt"Ur1 l'amour. l'honnêteté. la g~néro.s1té. l'ho:s1>ltall1~. ~ I~ courage dans la
aucrre et dan$ l'aJnour:. Dans la vil~ conune.rçtnie de Le Mecque, lei vaJeurs
bktoulne-1 tradlilonnelles s'e(frJtalenl. é.rodlc.s par la n'chrr<'lle du profit
individuel.
_ __ ChapitJe 2 : le prophète Mohammed 23
Le clan, composé d·un Ct'l'lèlhl nombre de familles au aeos lnrge. ~lait l'unité
sociale centrale de la tOClét6 arabe, sédentaire.et non13de. Les membres
<l'ur1 m~me clan se ré<:la1uc:nl <l'un an(être commun en re1nontaot plu.sieurs
générations en arrière. Les afnés des familles dlrigcan1e1 cholsls.siilent
Je chef de clan- chelkl1 - dont le pouvoir reposa.Il sur le consens.us et la
consultation. Au-dessus du clan étaient le:.s {~rations de tribus dont les
a!Onltés étlÛt'lll fh1<:1uancoa. i... clluu nomades fal..l•n• d. . lncunlons
(rauJ.as) ~ un.i contre &tt 1u1res ou cont.re les vlllaiea tt les car•vane$
dans le bul non pas d• llH!r l'advonalre. mals do capturer d. . oscl.>vos. des
femmes. des chameaux, des cttev.ux et tout autre butin_Naturellement.. la
déknse do son propre honnour ot do fhooneur des f""1m« do...., cl.\o é1ait
tmp<>rtantc..

Prati'(ues reli9ieuses des Arabes


Dans fislam, Dieu, J>&r l'lot~rn1éd1alre de l'onge Gabrtcl, a appelé l\1ohan1med
à être son prophète, en 610. Cet appel marque Je commcnteJnt'..ut de l'lslan1.
La période de rlllSIOlre ant6rleu:re â ciet appel dê ~fQham111ed 11'11,ppelle en
arabe oJ.Jo.hi/iy)'O - ~temps de l'ignorance. Les Arabes ~tait-nt en ma)orlté
polythéistes (croyant on plu•lou" dieux). ~sanctuaire de la l<uba sllué
l La Mecque (d cllaj>l1ro 9) rontooalt l"elllgle de 3QO dlowc. dont Io plus
1.,_rtant s"appelan Hubal. All.>h élail un dieu 8olgn~. lnvllt MUlemenl
on p&lode do crt5". Trois déOJIJH élalent plus "°""""' solllclléOJI dans la
vie qoolidienne ot habUIH!ll•mont COrl$1dér&s par lff Arabes de l'fpoquo
prélslamJque comme les • nues d"Allah • -aJ..Las. ~1an1t et al·'Ouua
{évoquées aux c:t•ap11re1 2 et 5). Des esprits tna.I définis habitaient le$
cavernes, les pierres. Ica ru1sscaux el les arbres. el lt1 <ljln11.1 (cl chapitre 7)
abondaient. Le11 Arabes polythéistes n'avaient aucune espérance d'une vie
~près la n1ort: elle é1al1 rc1n 1>l~c~e par la no1lon de• destin 11, qui dtalt pJus
tmporta.nte que ce11e des dieux. et qui en dernier lieu menall toute thQ~t à sa
!ln.
Sdoo 1.\ Trad Illon ltlamlque. ~vanl la période de Mohammed. quelques
individu$ ont che.rcM une &fternali\-e religieuse au polyth~sme et ont eu ta
vague tntuJtJon d'un O~ unique.. Pour les musulmans., c'lt•1t là reven1r au
monothéisme orlflnol (croyance m un -1 dlou) d'Abraham. La Trodttion
Jmmlq~ uùlbo Io lttmo honll pour parler do eu mooo1M111U On dit quo
Moh41mmed.. avant d'avoir reçu son -.ppel. auraft ft~ un hon1I Cocnme pour
La Mecque. pour la J>Ot•l• pri:ôslamlquo el la Y1e d• Mohammed en général.
les seules preuves éta.yant cette façon die volr proviennent du Coran et des
traditions lslamlque1.

Les autres religions prf!tlqutes 6taltot Je_Judaî.sme et le chtl$tlanllln)é.


Quelques comn1unaut68 lulves êta.lent lmp l-..ntéPS à Médine, au Yémen. et
dans d'autres endroit• dlt11>crffs. IJ y avalt des chr~tltns qui. eux, étalc:nl
plutôt loca.IÏ$Ü sur la fra1\&e géogrAphique (de f'auLre c616 du d~trott de•~
2{J Première partie : Aux sources de l'Islam

me< Roue<. en W.1op1e, se lrouv•lenl d.. chrMlonJ monophysites. alors


que 4'1U les r"8ions frontalières du nord. on trouvJll plut6t des chrétiens
nestoriens). 0 ne f.aJt pas de doute que les c•r-avane-s arabes ont t:rol~
c's ch~lens sur leur route. NI run nl l'aultt: d' «• grou1>es chrftiens,
cej)tndant, ne reconnai$sa1enl le dogme de I• Trlnl1fi (Oleu comme père. fi1s,
ot S.lnt-Esprit). Le zoroastrisme étall la rollglon olflclrll• de 1'1ltot (persan)
1asunlde, qui, ~oug plusJeurs va.ri(ln1es. s'~telt r~pandu en ll':tn et dans
ln l'art te qui est aujourd'hui l'Est de l'Irak. Le 101·001tri1n1e esl Ullf' forn1e
de dualisme nloral, dans laquelle: un dl.eu lncrtd blt:nfal~atl l efit en wnfllt
pc.rn1anent avec un dieu m:.Jfalsanl. Un non1bre re5trc-1nl d'adeptes du
zotoastrlsn1e connus sous le nom de parsi$ (le 1lom donné à cette religion e..n
Inde) survivent aujourd.huJ dans un certain no1nbr~ de pays, noiamment en
Europe et aux ~taU..Unis.

Récit de la <lie de Mohammed


Aprti ..,, operçu du contexte rellglewc et hlstorlquo à l'fpoquc de
Mohammed, vok::l unr: petite synl.hbe de ce que dls nstam sur ta Vit:
de Moh•mmed. Mon intention n·C$l pu d.HA)"t":r de reconstruire un
• Mohammod hlslorlque .. mals de vous oldcr ptu161 l voir le prophè1e
Mohammed comme les musulmans le volt:nt a.On de n1leux comprendrt" en
quoi li est sl tmpottanl pour t'!UX.

Les années âe formation


Moho.mnled (alsall partie de la tribu dominante de La Mecque. ln tribu
dei Qoraychftes. l..es Qorayshltes se reconnolssalen1 un ancêtre commun
plusieurs générations en arrière qui étaJt f'lhr, le fondateur' du clan. Ava.nt
f'lhr, la s~néalogle remontait jusqu'l lsma'll, le Ul:t d'Abrahnm, et ptus loin
encore à Ada1n, le premier homme. Un certain no1nbre de génér.ttlo11s après
Flhr, les Qoraychltes vinrent s111staller à ta ~1t<:c:1uc. Le clan de Mohammed
a été bapllsé du nom de son arrière-grand-père Hachlm Le clan Hach.Un
(hach~ml1e) liaient l'un des clans les moins Importants dr L.o Mrc-. mals
50n thef ftant le: gardien de la Kaaba. ce clan av•ll un p~.stlge con:s.klérablt"..

~tohammed 6l ~ approximat~nt en ren 570. r.


an~« t"i:&lpha.nt • (voir
&li sourate CV). La Traditlon rapporte que. ~ a~nt sa ulssanre. une armée
ineMo par Abraha. le !OU""'"""' &by$$ln (on dirai< oujourd'bul ffblopkn)
du Ytmen, t<ofl sur le point de conqutrlr La Mecque. t.:Abyulnle rts.Wt ~ œ
moment·là sur le Yémon. En • '•pp-han1d• la ville, rt~phan1 plact! en 1~œ
de r.rmtt i.ur.it refusé d'avancer et se serait prosttrnf en direction de la vil)e
en 11ane de W.·~renœ.. Les musulm•n.$ croiie111 qut> Dieu a déllvtt La &t«q:ue à
cau"e dto. la naissance prochalne de Moh1n1med en cc Heu.
_ _ _ _ _ Chapitre 2: le prophète Mohammed 25
Son père. qui s'appelait 'Abd Allah. mourut au cours d'un voyage caravanier
avant s.a na.issancc. Moham1ncd a donc été élevé par sa mère, Amlna. et
par son grand~père 'Abd a.l~Mouttallb, le chef du clan. Comme c'était l'usage
chez lè~ Arabes cjtadins de Là Mecque, Amina niit l'~nfant en nourrie~
en bas âge chez une femme de Bédou1os appefée Ha lima. Les gens de La
Mecque considéraient que les Bédouins avaient su préservet les valeurs
authentiquement arabes et qu•un enfant ne pouvait que retirer un bénéfice
de ce contact précoce avec ceux qui vivaient selon ces valeurs.

Uta jour, detLx hommes vlnr~nt se peoclter sur le peut Moha1nmed, lui
ouvrirent la poitrine et en sortirent le cœur pour en retirer la tache noire
qui s'y lrouvaJt. La tradition ide11tUie ces deux J\oni1ne.s: comme. étant lc.s
archanges Jlbrll {Gabriel) et Mlkaïl (Michel). Cet événement est considéré
oomrne un miracle. La tache ooi:re représente la tendance humaine au pé<!hé.
En enlevant cette tache, Mohan1med a été protégé contre le péché, ce qui
va d<1ns le $en! <le la croyance qui s'est développée plus tard et qul dtt que
bien qu'éta,n t un être humain, Mohammed n'a pas. commJs de péché. Aprês ce
miracle.. Jiallma a .ramené Moltammed à sa mère. Arnlna. qul 1\toutut quand U
a.vait 6 ans. Deux ans plus tard, ce fut at1tour de son grand-père de décéder.
11 laissa Mohainmed aux soins de son oncle Abou Tallb, qui avait succédé au
grand·père comme chef de clan et tuteur de Mohammed.

Le fait de devenir orphelin .si jeune -a_ya.nr perdu â la fols son père. sa mère
et son grand-père - ttou,•e un écho dans les révélatloo.s cotaniques des
premJers temps qui expriment une grande sollicitude pour Je pauvre et le
faible, comn1c dans la sourate XCJll. 6-10 -:
Ne t"a·t·tl pas trouod orpf1efih? Alon; il c'o occuellll Ne lh·t·ll pos trou~
égaré? A/Qf'5, il t7a guidé. 1Ve t'Q·l·il pa$ ITQuué, pa11vre? Aloi'$, il t'a
enrichi. Quanl b l'orp!Jeli11, ne le 1nalttalte pas.. QUânt au denrondeur, ne /~
repousse pas.

Uo jour, alors qu·n accompagnait son oncle en voyage. la carava_n e s'arrêta


à Bassora (li $'agit d'une petite ville de Syrle et noo de celle d'Irak). Balllra,
un moine chrétien de l'endroit. vit une lumière au-dessus d e 1a caravane
et prit cela con11ne I~ signe que le prop1\ète attendu se trouvait parmi les
voyageurs. Quand on vint hli présenter le jeune Mohammed, Bahira examina
Mohammed pout voir s'U portail le" :signe de la prophétte 11 entre les épauJes
et J'ldentlfia comme étant le prophète p romrs dan.s les lfvres sacrés que
possédait BaJ1irà. Pour les musuln\ans, cet IJ'lcjdent montre que ~1oha1nmed
incarne l_a rêaJJsatlon des espérances c;,hrétie.nnes, ldenfifiëe en tant que telle
pat un moine chtétien. Lt tex.te n1ndjque pas avec précision queJ étalt ce
signe-peut~ètre un grain de beauté ou une tàche de naissance spéciale.

Puisque son père était mort avant sa naissance, Mohammed ne reçut


aucun l1éritage. Khadlja. une riche veuve d'environ <1uh1ze a1ts de plu.s
que lul, l'engagea comme contremaître pour superviser ses entreprises
tômt11ercialts. U Je.une hommt lïrnpte.$iSionna. et elle lul ptoposa le mariage
26 Première partie: Aux sources de l'Islam- - - - - - ___

en l'an 595. Khadija cfemeur<1 lusqu'à sa mort ln set1le épouse de Mohammed.


Elle donna à Mohammed quatre Illies el uo ou plusiew~ fi.ls. De leurS enfants.
seule fatima survéc:ul à ses dettx parent~.

le portrait de Mohammed
En Occtdent. or6ca 1ua ahJVrü d'an - ç:tlle1 Mohimmod êtoh lêUroment plua vrand Qu·una
d" moltrff ot colles do la plèté populeinl-, lt• perlonn1 da taille moyenne. Set e.,_ule:s:étaiti\t
tht6li1os 1t ta• juîf1 ont un téSat\IOlr d'1mage1 larges et 01 cheveu;t;: épi4S rec:ouvnnent 1es
mente les qui leur permet d'lmagifl9r tea trert1 oreilles 11 tult grand, bien charpentt at avait
1n p1rttcull11 de Meta• otda J6su$.. li •n v$ cte une gros~e t4tw. Son vis.age 4ta1t ovale. Bt ion
mime pourles bollddhtltff etl11 confucianiste1, t1fnt n' àt111 ni .clair nt fonct. Son visage Malt
Cependa"t.11 n'ya pnaliquemSftt aucune sc:u,1tce plu.$ rayonnant qllfJ la ~é.lna lune:. li 11Yl1Î1 de
ancienne qu1 touml1se de• Informations sur longs cila at, Ofltrit 11.s dtUJ. vou.-, uni vtin•
tttqullles t'appuyer pour cttrepr,1ontar.10M:. qui gonllo11 quand 11 6toit llohé. Il avoit les
En rev,ncht, ....pté QoelQ••• r~oant111on1 yeux nalrs et une barbe abondantL Ses dants
dl Mohammed dansla•mmla1ure1°li'ar.sanet. loû étaient Vcl1t1ntéS- da blancheur. Le -sct•tt de-
la Viseve da Mol>amrnod tlt lolssti en btanol, lt proph~lla ltdonllOil par la moine Bohirel
les artistit 111usuJmans nt1 peignent pas de était entre sas 6paulH. Mohimmed marchait
Uble1u11 ftgur11ifs et né font p41s de statues lig.èrement courbè en avant
de Mohammed. CaJ11 date da 1'1ntetdic1lol"! de
ftbnquer des imqer.1'eprésenœnt ca qui vil que Comrarrement aux m>mbfetix films qw ti.istent
f'Qn ttouv• dan1 l1 Billl>!Dourtionoma 4. lfi-191, °"''
phite
Jt.su•, il n'en 9'Ci1te-qu'un seul sur la p10-
Mohammed, ri!alisé en 1976, Lt M9$1811
""9 Interdiction qui 1 ité reprise à la le tue d1ns
lliim dt Mousttfa Akka~ avoc Anthony Ou Inn).
11s!Am 1t1ppliqui• •Ill 11p1<lsanu11lon de Dieu Comment
at de sOn prophète. Mohammed. le "'anque de-
peut-on fflire un mm sur quelqu'un
r1prff1ntatlon imagée 111 compensé par doa
.sans la rt1pr6sa11ttr à I'ê~ran 1 D11i1 c.ertalnes
deecnptionl textuaM•s dêtai.llêe& de t'aspect de sclries, Mohammed est tout simplement •n
dehors du champd1 l1 camàra. 0-ins d'1utres.
Moha'"med. L1: description qui suitest rondêe-
Il est lrivlStble derrière robtectif de la c;améra'
'"' pluaioura h1d1ths P>1rlenl do l/lol>ammad Par ailleurs, on plut tuggérer tieauc:oUp. de
1 1 r11sembli1 pot Al·Ti<midhl !824-8921 daoa
SOft Chama'if.
choies 1ur une personne en .s'11"ftérnnntaux
parionna_ges. clés de sa via

Diatribes contre (es 9ens âe La Mecque


Pour un musulmnn, la fonc;tlon d'un p rophète aussl I mportant que
Mohammed est double. U doit dé.IJvret la patole de Dieu (le Corail) aux
crO)'êlnts él leur rappele.r qu'il est Important de revenir au service exclusif
de Oleu et de pratiquer la justice:, les avertissant du.eh.Stinier1t qui les
atlt'!nd à l'heure du Jugement dernier s11s ne se converti.ssen1 pa5. Selon
- - - - -- - - - -- -- - Chapitre 2: Le prophète Mohammed 27
ta Traclition, Mohammed. ne se sati.sfaisant pu du polythélsme ambtnot.
prenait périodiquement des moments de retraite dans une g rotte sjtuét
en dehors de La Mecque, au ntont Hira (aujourd'hui appelé le ~1ont de la
Lu1niète). C'e.st Là., en l'année 610. qu'à l'âge de 40 ans environ, un des joun;
impairs panni le.i; dlx derniers-Jou·rs du mols de ramadan (la nuit de la
puissnnce - laylat a/-qadr). que l'a.nge Gabrle.l lui appl,lrut f.>Our lul révéler
qu'il élait "le messager de Oleu • (c'e.st·à·dlre ceJW qui transmettrait le IJvre
de Dieu à soo peuple). Gabriel a demandé à MohaJ11m~ de réciter ce livre.
Au éomn1encemen11 f\iohan1n1ed a répondu • je ne sais pas falre" (ou • que
doJs-fe réciter? 11), essayant de se sou.stra.i re à la tâc:he que Dieu voulait lui
c:onfier. La soural.C Liil, 5-18 dll que Gabriel empJlt tout rhorizon de sorte
que. quelle que soll la direction vers l~<:1uell e ~1ohammed se tournait. îl le
retrouvait face à lui et fiolt par céder à ses lofonctlons.

Aprè.c; cette expérience, MohaJ't\mcd prit peur.. Était-li fou ou Inspiré par un
djinn (cf. chapitre 5) comme le sont les poètes et l<>.s devins? C'est ce: que
certains onl pensé quand li flnlt par re11dre public son message. Mohammed
affirma. qu'U n'était ni poète ni devin. U alla trouver son épou$e Khadija. qui
le rêc;;onforta et lui proposa qu'il8 allient tous les deux trouver son cousin
Waraqa lbn Nawfal, qui s'était converti a.u christianisme. \Varaqa confltnl8
que, d'après les &:riture$, Moh.ammed était bien le prophète attendu qttl
viendrait apporter 1·a pRrole de Dieu aux Arabes, <1ul n"ava.i~11t encore jamais
reçu d'teritur~ quJ leur so1t propre.

Quels sont les v~sets du Coran, les 1>remiers, que ~1ohammed reçut à ce
moment-là? La plupart des musulmans croient qu"il s'agit des prcJniers
versets de la sou rat~ XCIII, Qul déclarent (versets 1·5): • lis, au nom de ton
Seigneur qui a créé - quf a créé l'homme d'une adl1éreirce. lis. ton uigneur est
le Très·nobte qui a créé f>(lr la plua1e (le calame), qui a ensefgné lJ /'ho"1me ce
qu'il Ill!. S4ooil pas. 11
Mohai:omed s'inquiéta que deux ou trois années p<1ssent 5an"$ qu"il ait
d'autres révêla.tie>ns. Oan.s la sourate XClll. J..4, D.leu rassure Mohammed
en Jul disanl : • Tofl Seigneur ne til ni nbandonni ni détesté. Tu vie derniè.~
est certes meilleure que to uie prése11te. "Pendant tout le restant de sa vie,
Mohan1med contlnua à recevoir les révélations qui, une fois rassembléês,
constituent le Coran. La trat.lilion n~usulmanesouUgne que ~1ohamroed était
Illettré et.. en conséquence. qu1l n'a pas pu composer lui-même le Coron.

Au to1um~ncc:ment. ~1ohammed limita sa :misslon à so11 cer<:le immP,.diat.


Après que Khadija eut acc;:ep t_é l'idée .que Dieu avait nommé ~1ohammed son
prophète, son esclave Zayd, son cousin 'Ali ( le fils de son o ncle et tuteur
Abou:raub), et on certain 1\0mbrt d'autr es cc>u$lns $e déclarèrent musu1n1ans
et reçon.nureJ1t Mohamn1ed con1me étant renvoyé de Dieu. Pendant deux ou
trois ans. le petlt g roope des p remicrS co11vertis a tranqu1lle1nenl pratlqué sa
roi musulmane, notamn1e-nt en rkltant quotldle11nement le.li prières flu matln.
Dieu denmnda alors à Mohan1n1ed de proclamer pubUquement le message
28 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - - - - - - - - - -

de l'islam. Abou Bakr, quJ a1lall devenir le succes$eUT de: Mohacnn1cd (<'-alite),
avait été le premier coove.rU Issu d'un rang important au seJn du clan
hachémite. Les autres convertis étaient des jeunes gens t!l c1uelqueS adultes
Issus de clan.s moins Influents. l...a majeure partie des habitants de La lwlecque
n'acù'.!1>tèrent pas: le message de ~1ohammed. Ne croyant pa.s en la vie après
la mort. Us n'avaient aucune raison de craindre la menace de Ja malédlctlon
étcmc.llc annoncée par i\1_ohammed. ~1ohammed disait que de même que la
création porte La marque de Dit'!u, de même CJV Jour du Jugement dernier. lâ
créaUon devra lui rendre des compLes.

Une opposition 9randissante


Au fur et à mesure que les conversiorl.$ se faisaient plu.s nombreuses,
~1ohan11ned était dt- plus en plu$ en butte â l'hostlllté des anciens. Daiis uJle
s()ciété où la fan1ille et le clan étalent primordiaux·, l.a miSsio11 de Moh.ammed
venait M!.l'l'1e'r' la discorde: au se1n des famille.a.. Mohammed n1eltall racce.11t sur
la nkessité de n'adorer qu'un seuJDieu (da.ns ln sourate CXll ; çl. chapitre 5
sur l'épisode de:s ver'Sc.Ls sataniques). Si ~1ohammed était protégé V"r
son oncle Abou~làJl b. les autres convertls ne bénéficiaient pas tou.s d•une
protecl101l et Jeur adhésJon à l'islam les mettait en danger. Vers 615,
~1ol1;immed envoya environ 80 hom1nes tnusulmans <!I leurs f(ln1illes en
Éthiopie, où Je roi chrétien leur accorda l'asile{cf. chapitre 6). Peu de te1nps
aprè~. sqn oncle Hamza. l'un des plus farouches opposants à ~iohammed. et
Omar (Je fu tur deuxième calift!, c.f.. chapitre 4) se convertirent. Préoccupé par
ces tooverslons, fa conrédératlon Qoraychilê lutposa 1>ar la fr,irce un boycott
du clan hachltoltt vers 616-6J8.
Eo 619, la, situation <le Mohammed prit un tour décisif pour Je pire nvec la
mort de son épouse. Kl1adlja, et de son oncle él protecteur. Abou Tallb.
Abou Lah,ab. u11 aulre oncle qui allait devenir le nouveau chef de clan, étàit
faTouchement opposé à 1Yl oha111niecl (voir la sourate CXf).
Le voyage nocttlrne de Moh.an1med vers Jérusalem (i.lira1 el son ascension
au cJel (1ni'rrl1) eurent lieu aux environ de 620 {cf. chapitres 9 et 14).1.a
sourate XVII, l fait peut êtrf! allusion à cet évênement. L'ange Gabriel viol au
beau niiUc·u de la nuit et mit t\1ohammed sur \l.R âne ailé a.ppelé Bura.q (lui
l'emmena à Jérusalem. Attachant Bu.rnq au mur du temple sur la mon Lagne
de David, ~ioha m med s'est alors élevé jusqu'aux cJeux à partir de l'endroit
même où Abral1am avalt faUU saerlfier son fils et oit les juifs avalent bâti un
temple qu1 fut détruit. Après lof avoir montré les suppUces dt renfl!r, Gabriel
fit passer Mohammed pAr cJ1acuo des se1)t cièls qui étaient gardés pJr des
anges. Oat\S chaque cir.1, Mohammed rencontra les dlfférent.s propltètcs, tcJs
qu'Ada1n, Moîse et Jé.sus. Pour te.rm.Jne.r. ~1oham n'éd arriva tout seul jusque
sous le trôt\c de Dieu, Là où Gabr iel ne pouvait pas aller. et se ~trouva. seul
en pr:ésence de Dieu. À son retour $Ur terre, Buraq le ramwa jusque dans son
lltà La Mecque, la rni:me nuit,
Chapitre 2: le prophète Mohammed 29
En 620, Mohammed rencontra.six hommes qui venaient de Yathrlb ( la future
1\1é<line) èt a.liaient en pèll.!rlnage à La ~1ecqut~. U11 connn en1re les <l(?11x
tribus arabes de la vnle avait mis e-n pérll la prospérité de cette oasis- qui
vivait dé l'agricuhure. Ils vènaicnt cl1e:rcher un arbitre pour rétablir la paix
dans la communauté et avaient entendu parler de la loyauté de Motta.mn1ed.
De fait, ~ réputation d'ho1lnêtcté dt: ~1oh.a1nn1ed lui avait valu lesuroon1
d·al·Amin - Je • digne de confiance 11, Par 1es clans juUs de Yathrlb, Us avaient
égalcmeot entendu parler d'un prophète qui nllalt venir et pcns.i.ic.nt que
peut-être Mohaimmed était c:e prophète.
Deux ans plus tard, en 622, un autre groupe d"honlmes et de femmes de
Yathrih rencontra seerète.ntent ~1ohamn1ed en deho"' de L.a Mecque et
signa avec lui un • pacte de gara.n tle • reconnaJssant ~1ohammed eomnle
arbitre de la ville et l'as$urant de sa btenvelllancc à l'~ard de ses dlsc;.iples,
Moh<immed incita, sans Jes obliger. tes mu.suJmans à lmmlgrer à l\iédlne
l!t certailLs n1usubnit11s préférèrent r~ter à~ l\1e<.-que. L~s di.sciple.o; de
~tohamnted , qui étaient environ 70, partirent pour Yathrlb par petits
groupes jusqu'à cc que seul;i> 'Ali. Mohà11l1ned et Abou Bakr soient enC<>re â
La Mecque parmi tous ceux quJ avalent décidé d'émigrer. Les adversaires de
~foharnmed avalent pressènli qu'il était lcni1)s pour eux de s'e1l débarr.)!>Ser.
Chaque clan désJgna un jeune homme, qui tous réunis devaJent assa.s.slner
Moht:unn'led. Le clan ltacllé:o\Ue, dans l'lmpOA;S:ibillté de p<>uvoir V<!nger te
crime par le sa11.g, devrait Oxer une somme d'argent due par les autres tribus
pour se dédo111mager d~ l:l J)Crtè d'un hom1ne dé son clan, un~ fois que
Mohammed aurait été assassiné. La nuit fatidique, 'AU se coucha dans le Ut
de ~1oham1nc.d. Les jeunes hommes avalent dé<:ldé dt lut!r Mohammèd au
mornent oü il sortirait de cbu lui le leodenlain Olatln et turent très étonnés
de volr so.rllr •Au ~u Uet1 de Mohatnmèd. Des hornmes arnu'!..'> se n1iren1 à la
pour.suite de i\1ohammed et d'Abou Bakr'. La tradition rapporte que les deux
hon\ftl'-'S s~ réluglèrènt da1l.s un~ taverne. Oura1U la nuit, Dieu Ot pousser
un arbre qui masqua.Il l'entrée de la caverne. et une araig·née vJnt y tisser sa
loJJe pour recouvrir tout l'esp.ace béant. Quand les: poursoivants s'arrêtèrent
devant ln caverne, lis pen.s.èrent que personne n'avait pu y pê,nêtrer à cause
de l'a tbre el de la toiJe. d'orl'nignée. Le 24 septembre 622, Moltammed et Abou
Bakr a.rrivèrent â Médine, et furent rejoints par 'Ali trois jours plus tard.
la Hfjra (l'Héslre en français) est te terme arabe utfljsé pour parler de
l'émigratiot1 de La Mecque à Médine en 622. Celte date ma rqu~ lê<lébut du
calendrier musulman (cf. l'annexe A). Ne pas ~on fondre la Jtijra avec un autre
tertne égale:ir1e.itt irnport<l.n.t. Je hadj ( le pêlcrinage) â La Mêcque que tout
musulman doit effectuer une fois da11s sa vie et qui est discuté au.cbapltre 9.

Établissement de la communauté à Médine


Avant son Implantation à 1v1édlne.11slam n'était guète qu'une petlle secte
religieuse vivant tant l>ien que.1nal au niilieu d'une communauté plus vaste
30 Premi6re partie : Aux sources de l'Islam

d m1.Jorilaircment hostile. A Mldloe. let musulmans devinrent la majori~


••· ••-..: e< changem.ru <k slluallon. ~ thhnes d• la Ré,.lla1lon coronlque
tvol~rcn.t. Les rêvt1atk>n.!i devinrent plus k>n9ues et ont molns de splendeur
~tique que les sourates préo!œntrs. Eltca portaltnt aouven1 sur des
aspects pratiques qui devaient être tirés .,u c:lalr pour ftrUC':turer la nouvelle
('()mmunaulé. Auparavant. la famille et le: c.lan- et au·dt:là de cda ~tribu -
éto•tnl tout pour un individu. Pour la nouvelle co1nmunau1é dei n\usuhnan.s,
l'at1achenlcnt à la commun.auté (ottff11rrc1) allah devenir plus Important
tncurt". Oe$ réforn1es dans des dom81nes tel ~ que le n111il'1age, l'héritttge et J~
comrnerte furenl Instituées.

Au <lépart. l.es cl1eJs des clans les plu$ în1por1ttnt& avalent encort- plus de
pouvoir que Mohamrned. Le cornrr1unaut~ entl~re av11h •tcep16 Mohan1med
comme arbitre, r11a1.s tous n'avajcnt pu t.rubra.ss~ l'Islam comme leur reJJglon.
les paîen1 furent autorisés à rester dans la vllle à condition de n'avoir jatnais
conspiré avec: tes Qota)'cbltcs de. La ~lecqoe:.
les musulmans de A1~.ine furcrtt classts en dt\IX 1r1ndes cat~gorlt't. Les
lmmlgrls (moohojlnXlll) ~ent C<UX qui avalelt a<:compat~ Mohammed
~La Mecque à M~ine (Hégire)"' èg~k:menl «!IX quf avalenl émigré un
peu plus tard (mals tOUI de même 8\-anl la conquêle de l..a Meicque en 630 qui
... ~utt plus laid dans <•li• sedlon). L:autre aroupe ~···· constltul des
ald.s (a•«>"- ces habiWltS de Médlne qui avalenl slg~ le pocle de garontie
pcMJt pro1éftt Mohammed: et qui sont de"~us musulmans En OlJltt, on
t rou''t" unt' •llusion dans Je Coran à un t.rolslhi:te 1roupc ~ hypocrttu
(mounafiqoun) qui oitt faJt scmbian1 de soutenir Mohammf'd mals qu1 se sont
scc~lt.me.nt opposés à lut

11 n'~talt suère aJsé de conclller les lnté.rêts de tout cet dll(frents groupes.
St'ule une ptrso1l 1t~ pc>sstdrull un çh;:arlsn1e p~r,onncl e1 de:s quall1é.s
d'hon1n1!' llOlitique pouvait réussir ce pari con1rne J'a fnlt Mol1arnn1ed. Les
relatloos entre le.s d irférettt$ g roupes furen1todlffée& dans un docun1ent
ap1>elé la constltul lon de Ptfédlnc {pour plus de détalla, cl. l'encAdrê intltuk':
•la cuns11tu11on deM!din4: •),Cl" pact" a étnbll dea <lrolts et <les devoir&
tt:<'lproques accordés aux divers groupes qui. en acct:ptant 1,s conditi<>ns
lm~e~~ pertnlrent la constitution d'une c:ommunautf: au plan potltlqùe.
Les musulmans con.sk:IBent la constltuUon de "-1,dlne comme le document
polltlQoe de bue de l'isJam. Les dtlenseurs de la df:mocrat1e en lslam se
rfflament l-galement de ce document qui a valeur de prkfdent Ct>pendant.
p.trct Que La. constitution de t.f~ine n'a pas ~f dlvtnemtnt rMttt. el~ ne
lfailtre: pas .-ur la forme de gouvernemet11 que dot~nt adopter tes: lt.i.t$
musulman$ à venir.
- - - - - - -- - - - - - Chapitre 2: l e prophète Mohammed 31

La constitution de Médine
lt constltuboo de MMine, langui d'anv1ran ,; Les confJlts Internes dohttm ltra portés
deu:it p19e1. traite des problèmet it régler devint Mohammed pour 1rbitr1a•~ lttnt
en priorité -Jn rapport l\ltC 11 communauté do1U1i qu'il est Io p<opl>èto de Dieu.
n11ss-1nte Elle ne présenta Pl'S un sy~èffle
tllfl les
musulmans ont fa reaponubilité da
d'org1niU'1ot1 polmqua global. Par"1i 1esll1s· va1Uer 1u;11: mimbtes 111 plus pauvres d1 la
posi1,cms figurant les points suivants ·
cormnunau1•.
,,,,,. les-1uif.-peuv,nt cop11rver l1J.Ur propre
t"' Midina Ut un 1'8fuge_ pour les lllU$u1mans
religion.
van1nt da l'èxt•riaur, mais une femm1 qui
'11" Chique _groupa 141 raspon.sa.ble dt SH s'enfuit Il v•ant 6 Médlne nt ser.a pas 1ctap·
1ttoprts effaires lnfe-mes. téa contre la volcntll de sa famille
,,,,,. Tous sont mponpbles de la défense de 11
commun1u1' de M6dine contre 111mporte
quelle m1n1ce venant de t'ê.xtérftw.
(Une traduction en françel1 an 8ll faite_ par
,,,,,. Un musulman ni doit p1:& tuer un autre Hamidullatt. in Corpus du t~iti6 •' ltdtrts
musulman, nl eider an non-musulman â tuer dipt,,,,..tiqUH d• 1'11/am, P1rf1. 6di11DJ1S 6- P.
unmu~lman. Maisonneuve, 1935. p. 9-14.)

Petite chronolo1J.ie de 622 à 630


Huit il.OS se sont koulê.'> entre le dél)i,l.rt de La Mecque pour ~1édlne e-n 622
et le reLour trlo111pha1 de Mohammed à l..a !'\•ecque en 630 évoqu~ dans la
chrono1ogje svivante~ Il reste ~1core deux ans avant sa mort en 632.
Voici les grandes fignes des nu')rnenti hnpott:ant.s au cours de ces dix années :
..- 623: Une fols terminée son instaJJaUon à Médine. Mohammed nt venir
le rest·c de sa faoJ.llfe, et notamment Sawda, la femme.qu'il avait épôus~c
après la mort de Kh~d ij a . 11 êi><>usa Ai"cll-él, l.1 plus jeune fllle de Abou
Bakr (l'un des pre.n1ters convertls, œiui qui s·enfult de ~~édlne avec:
Mohan1med et ~llail devenir son sut.-:ccsseur) à laquelle Il avait été fiancé
èn 620.Aicha allait devenir l'épouse préférée de Moha,mmed aprè.o; la
mort de Khadija. Mohan1med a contracté p lusieurs mariages, ayant reçu
une l'évélatlon quJ Jul accordait une dispense spéciale lui perrnettant
de ne pas être !Imité à quatre ~pouses conlme les autres musulmans
(c:f. chapitte 11). La plupart de ces mariages çontrac;tés J>ar la suite
visaient surtout â pourvoir aux bèsoin.s de femntes dont les marJs
étalent 11\0tts pour défendre l'islam.
32 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - -

""'62.4 (Janvl e.1' Les sourotes du Coran révtl.ées A Médine t~1nQlgne nt


d'un Intérêt croissant pcx1r les llens entre l'islam el lei traditions
blbllqUt"t À l'origine,. les mu.suhnJ-ns priaient en directJon de J~rusalem..
En 623. Mohammed avait nommf un escla\'e noir ~hloplen aUnnc:hl
-Bilai - comme mueuln pour cla-r rappel à Io p~e tous les matins
d<puls la malsoo Io plus hau1< de la vllle. Au cours d"une usemblée de
prlb'es qu·n dirigeafl. Mohammed reçut une révélolion (sourate li. 39)
l'enjoignant lul et sa rommunauté de se tourner~ l.I Mecque pour
pr ier. C'etn ce que font les mu.suh11on11 depuis lors. En outre, à !'o rigine
les 11'1 utul1nnns j cOnaierU le c:l l xl~rne j our du nl ols de 1nuhurran1, le
pr~n1lcr rnols de rannée, en accord avec la Tradition Juive. À partir de
ce nlomtnt·là. Ir Cocan in.stltue le mols de ramadan comn1e ptrlOOe de
l•One (qui est exp~ en d~tall l la -.rate li, 182 : rf chapitre: 9).
.- 62-4 (man) : i... bot oille de Badr. Lea n1usulmans de Mtdlne. tn a.:rord
ovec une oootume habltudle d.\ns le monde arabe. pratiquaient Io razzia.
ou ptlllge. des uravanes OMrc.handH b't provenanœ dt La Mecque.
Une ~la1ton de Dieu (&ouratc Il, 21 T) au1orlsa même des mu.c-uhnans
à s'e.ngager dans de tels raJds pendant le nlois sacré de raJab. alora que
la cou1un1e Ari'lbe Interdisait d'nlle"r nu combat à ce n1 omcn 1 ~là. Après
un certain 11<>1nbre de raids 1nlneurt. Moharnn1ed prit lu tête d'une
armée d'au moins 300 1'1ou1n1~• paur ri t taquer une caravane qoraychite
revenant de Syrte. l.a caravane avait réussi à s'échapper lorsqu'une
• rm~ 'lttlue en rtnrort arriva de La '1Secque el vint s'opposer au.x forc:es
musulmaM:s. Trol5 fois molnt: nombreux que leurs ~nalres, les
musulmans remportèrent une victoire ln•ttendue. i... tndltlon ...,porte
que rance Glbriel luknême m~a les an.g6 au combat au c61~ dtt forces
de h-iohammed contre Jc.s Qotaychl1cs. En dépit de la nature relativement
1nJn~ re de Cette victoire au cour• de laquelle 45 à 70 MC<'quols périrent.,
cette victoire de Badr démontra eux rnusulmans que Dieu élalt de leur
oôté (1ouro1e VIII, 9).
,..... 625 : l..a bat• llle d'Ohoud Ltt Mecqut ~tall encore détcrrnlnée à cette
~pUque li an~antlr ~1obammed. Oan.s un lleu proche de \1 ~11ne. une
lnfantert.e tl une çavalerie composffs de 3 000 ~1ec.quo•s - une s:rande
•~• pour l'époque- atiaqub'ent lea fore..$ de Moh4mmed qui ne
compUttnt sub'e plus de 1 000 hom-.. Solxante-dlx musulmans lurent
tub don> la bataille. malJ les loroo1 do Lo Mecque ne rfuos1rtnt pas
ai prendrt lt dessus. À c::ettf' époque. ~1oha.mincd ex pu.lu dt"< MNtlne
deux clans Juifs renommés quïl &0u1:>ÇOnn.ait d'avoir con1pl ot~ ronlrt!! les
musuln1a111.
v 627 · La b<lrnllle du fossé (kh<mdaQ). Cette fols. le clan qoraychll• de La
Mecque r&tM'mbla une armée de 10000 hommes. Un ca11ve.r1I persan
appel' Salman al~farlsi éOflStUla à P.1oham.med de ctt:uff:r un fossé
autour de11rols côtés ex~t de Ll. ville pour renfor~r l.a d&n.a.e. l...es
lorcea dt La Mocque. - habllutta aux lonp ~el non prfpartes
l tttte ~tu:e.lîté. se r~lrtrent au bout de quelques sematnes. Cette
bataUltt marqua la fln des grandes tentattves men&-s p.ar let ~ie<:q:uois
pour 1oumcttre ~1ohammed.
Chapitre 2 : le prophète Mohammed 33
..,.... 628-62.9 : Le trttlté de f-lodayblyya. Mohàcnmed entreprit d'aller
en pèlerinage à la Kaaba de La Mecque ave<: 1600 hon1n1es taus
am1es. Bltn (tue la Kaaba soit n lor!1i devenue un sanctuaire. p1fien. les
musuhnans avalt>nt la& rc.rn1e conviction que le J1odj av:ilt ~té ~tab ll par
Dieu lul-m~me et exéculé la prcmJère foUr. par Abrahan1 c:t sol\ fils l.!rnaêl.
Les musulm•ns soul1allalenl épurer le sanctuaire de se.1 élén1ents
païens aJout~s J>Oll~rlf:ureanent. Alors qu'on leur refus.ait d'entre:r
dans Io ville c<tt• fols. Mohammed signo •-le• M<cquols lc lnité de
Hodaybl}'Ya (sourate X~\1111. 27). Ce tnilté prontklsalt u~ Ir~.., do dix
ans et prkoyalt que~ fannée suMnte tes Qor•ychlties quitteraient
temponlrement la ville de La M«qut: pour permetl rt au.- pèkrtns
mu$Ulmans d'f'ntrer. Ce premier pèlerimg~ (mh~r) dit dt- l'Omrab eut
lieu e1\ 629.
Ce tralt.é fou mit un précédent important qui permet :.ux musulmans de
contractrr des tra1te:1 avec des non-musuhnan!'.
Y' 628-630 : Ln Mt<..·quc se soumet. Dorant cette période. le la.Ille de la
communauté musuhnanc dt: Médine a doubl ~ des cftins~ des tribus
e-..ntièrcs a.yant •CCCPlé l'Islam. J)C!; alliés du clan Qoraychite ont ëté
ao::usés d'enfre.lndr~ lr.s t~rme.s du traité de Hodayblyya. si bicn qù'en
pnvirr 630. Moht1nm~ m1rche sur La Mecque.,.~ urtt ar1née de
10000 hommn LA ville se rcndJt sans IJvttr batalllt-. \iohamruoed a
purifié la Kaaba des Idoles Q\,.tlle Ç()lltrrWI MAis a t~mo1tnf de sa
clémenc:~ envers koi habitants de la ville-. se conttntant de n'exkuter
que qUt'lques hommtt. Ln hëlibttant.s n'ont pas~~ fore& de tt con\'l!J'tlr
à l'Islam. mals ttr1aln11 lc Ilrtnt spontanément.
.,,, 631 : t:anntt du rallltn1e11t. À la fin de 630, 1a premitre arn1tt
musuln1a11t: fut ~nvoyée dan,s le s-ud de la Paleiltlne. en vue d'une
expa.n!tlon hors d'ArDbfe. Des lraltés y furen1 conclus nvec les Arabes
thTêl.lens de ce11t reglon- t réanl ainsi un autre pté<:éde11t de 1raitês
conclus entre dM muBuhnans et des non·n1u1tuln13ns. l.e1 tribus
d'ArabJe qui ne a'~taltnl pa5 encore t.onvertlea envoyèrtru d~!i dt)êguês
à Mohammed pour embrasser l'Islam et se me11rt suu1 l1 cou.pe de
Mohan1n.ed.
V 632 : Lo pèlertnap d.adlcu ot Io mort de Mohammed Mohammrd
emm°"" d•• pèlorlns on hadJ ~La M<cque. ( i., chapllro 9 décrit le '""fi.)
Dans la plaine d 'Arafa1 en dehors de La P.iecque. 11 a donof c:e qui est
connu commt' f:t~nt 100 sermon d.·adSeu dans lequet Il dit · Volre islam
bl maintenant achev~. •C'est a ce moment-là que ~1oharnrncd r~ul
la sourate V, 4.5, ulllme révélatlon coranlquC". Pc-u de ten1ps après son
~tour à La Mecqut.11 tomba m8ladè et 1nourut le 8 Juin 632, dau~ le$
bras d'Aïcha..
Na1urf'llen1ent, la rnôrl de MohanJme<:I entraina IA consternation. Omar
( le futur deuxl~n1e c;, I U~) refusa d'accepter Ct'l le nouvf"llr Abou Blkr
(~ Jucce:s5eur de Moita mm~) s"adressa alors à la foule des personnes
rassemblées t'I dll ~ Si qué.lqu'un adore Mohammed, Mohamrr.ied est
mor1 Si quelqu'un •dore Dieu 01.eu ("St vivant. Immortel •
34 Première partie : Aux source$ de l'Islam _ _

la mission de Mohammed
au plan théo/09it{ue
La blographl~ traditionnelle de Mohammed comporte dewc tomes de 600
paac. dan.s la traduction en frAD\'als t Tous 1ts n1u1uJn1an8 nt. coo11aJ.ssent
pas lordn1ent tous lC$ dètalls de sa vie, 1nt'lls ll'I ptupJJrt sonl au courant
CICK événements que rat mentlonnés da1ti les ISe<:llOOS r>rét.~dentcs dè CC
clu1µltre. Celte b1ographie parle de la contribution de Moha.mn1ed aux
origine! de l'Islam. Cependant. Une suffit pas c.le dire ce que ~1oha.n1med a
taJt (ou ce que Jes 1ousuJmans croient qu·n a fait) 1>0ur trouver une réponse
à toutu le.s questions que l'on peut se po:ser sur ln conlrlbutJon i~ciflque
du propll~te Mol~ammcd au plan thêotoglque, par opposition à .son rôJe
hl.s:totlque. Cette .section aborde la question du teflt et de la contribution de
Mohan11ncd du point de: vue théologlquf:. Puls. dana une aulre &eetlon. nous
~rrons la pl_ de Mobammed dans la dM!lon PoJ)Ulalrc musulmane.

Messa9er1 prophète et sceau des prophètes


fondt sur le Coran. r1s1am souligne trois fonctions principale> de
Mohammed.
,,,,., Moha.maaed l":at ~te (nalH) : 'elon u~ tr11<lllloo rapportée
par l'hl>lorlen musulman Tabar1 (839-923). Dieu a onvoyt jusqu'à
124000 prophètt:s qui sonl tous venus pour prévenir les hommes des
con.séquences de leurs péché$ et pour les rbn\en~r à l'.tdoratlon du seul
Dieu. Le Cotan l'ntntionnc environ 28 p rophètes dont la plupart sont
de.' personnages de Ja Bibl~. Cinq prophèlt.a e>nt uut. place 1>arllcullère :
Mohan1med {fi 1':..imé de Dieu 11), Abraham(" l't'1nl de Oleu 11), Moise. Jésus
etN~

,,,,., Molaammed eat messager (rosul} de Dieu. co1n1ne 11 r.tt dit darts:
la deuxl~me moiti~ de ta prof-C$5ion de !ol musulmane, la chohada
(d. chapitre 6). Les messagers viennent oon aeulen1e11l pour avertir Je$
penonoe.s. n\als pour a.pportcr ~a~menl tane RMlatlon nouvelte ou
conigée tmAnant de Dieu - tout comme l'ont fall Moise(•""" la kH).
David (le$ psaumes) et Jésus (lc$ tvangiles). Tout les........,. sont
des prophêles. mais tous les prophét. . ne son1 pas des a>essafl'!'IS.
,,. Moiuu.u.-1 eat le sceau des propbtt.. (khohlm oMinblyo) : cette
upruslon signifie pour te. musulmans q"" Molulmm.d ..11e demleT
prophtte, l'ultime ...,....ger <le la Révélallon. Poorquol uMI le toot
dernier 1 Parce qu'U délivre la totalit~ de la R~latlon, •I bien qu11 n°y
a plu$ bc:soin d'envoyer d"autres proph~rcs. Dans l'tslam tunnltt à ses
d~buts. le calife (successeur [du pr<>phtte de Oleul) Hsume le role de
Mohammed e11 tant que chef politique de la communauté m~ulmaoe
mals n'a pu reçu en partage rautorlt~ religieuse de Mohammed en tant
quc.1>roph~te et messager.
_ _ _ Chapitre 2 : le prophète Mohammed 35
Comparer Mohammed à Jésus et à Moise
Comment comparer le rote de Mohammed dans l'islam ilvtt celu1 de Jésus
dans le chrlsllanîsme ou d~ P.tolse dans Ir judols1ne? En résum~. on r>ourralt
dh·c d'un poln1 dt> vue musulman qt•e I ~ rOle de Jésus et celul de Mohammed
dlll~rent considérablemeni landLo;: que celul de ~1ohanui\ed et celul de Moise
son1 dav~nt.age comparabl~. Nalurellemen1, l'l&lain consJdère c:haC'un dM
trois c.omme un proph~te•

.M,lrcmmed et Jésus
Pour les chréUens. .lhus ...11e Verbe (la IJ'lrole) de Dieu Incarné (<'tJt-à-
dlre qui s'est fait homn1e). Pour les musuhnn.111. Mohammed esl seulement
un ho1n_1ue. C'est le~ Cornn c1ui est lt Verbe éternel de Dieu dans l'lslan1,
f\.ioha1J1med tSl le vecteur, le 1>0rt.eur de ce11e 1>3n>lcde vértt~. tout eon1n\c la
Blblto ch~tienoe t·ê molgne qoe Jésus Hl te Verbe de OLeu pour les cl1rt.tlens.
Ainsi, d'un point de vu< lhfologlque. le Coron occupe le même...,.. dans
rlsJam que Jésus dans le christiani~. ff Mohammed occupe cta_ns rïsaam
le mt-mc rôle que la Biblf' d.ins le cnrtst1an1smt (d le tableau 6--1). Pour
les chrttlens. Jésus est une figure divine dt 1auvcu.r. Pour le~ musulmans,
Mol\an1med n'est pas un sauveur.

Tableau 6-1 : le Verbe da Dieu dans l'islam et le christianisma

V1tbe de Dieu Coran Jésus


Vecteur de la patofe Mohammed Bible

M,lrcmmed et Moïse
Le Coran décrit Mois• de façon à sou!Jan•r les rôles IJ'lrallèles de Mollammed
el de ~1olse. Dans une ctrtaloe mesure, "-fohammcd est un nouvt.au r.1oise
{m~ls plu$ grand que hitoîse). Voici ce: que ~1ohammcd et &1oîse ont en
cammuu:
V Pro1>hèternoralls1t. mettant l'acc:ent sur I ~ bonnes ma:urs
V Prophète exen1pla1rt. un modèle à hnlter.

"" Lt8islateur
.,. Chel rttud.
v Juge/arbitre.
v Che! politique de la coi:nmunauté.
36 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - -- - - -- - -

...,..Chef milltalrtdu peu1>lede Dieu.

l ,,... Médiateur entre Dieu et les hommes.


Y' l'\4ystique (celui qui a une rencontre ou u11e vision uJlft1ue et personnelle
de Dieu et qui devient un modèle à suivre pour d'autres 1nystiques).

Une flie exemplaire


l .a .sour;J;te XXXlll, 21 tndJque : 11 Vous avt:t en ln p~rsonne du me$s.ager de
Dieu (MohamrnedJ un beau n1odèle. • Autrefois. les chrétiens mé<litalent
sur un peUt livre lnLltulé. lîn,ita/ion ,Je Jésus-Christ el essayaient d'ln\ltet
Je Christ. mais on peut dtre què l'hn itàl.ion d e Mohammed est encore plus
11nportante chez Jes musulmans. Les ntusulmaos ol>éis!Jt:nl r.>an;e qu'ils
acceptent Moha1n1ned comme étant chotsl pa,r Dieu (Jnoustafu. une de!
épithètes les plus fréquentes de ~1ohanutLed). Obéir signifie i miter les actions
du Propl1ète. observer les mots du Propl1èta et accepter com me permis ce
qui a reçu son approbation.

Toutes les actions de Mohammed ~ot1t <lig11es d'être imitées: ce qu'il a


mangé, con1ment il s'est nettoyé les dents, co.1t1mc11t n s'e$1 peigné la barbe.
et soi\ a1nour des enfants et des chats. L'i1nitatlon du Ptophète c:rée un
phénomènt' étonnant d'habitudes cuJtureUes ancrées dans la vie quotldlenoe
et qui sont con1munes à des cultures très différ entes, ce qui explique
pourt1uoi un musulman est souvent à l'aise dans une culture tnusuhnane
dUlére..11te de celle:! de son pays d"<>riglne.

Les miracles de Mohammed


À la différence d'tlie et de Jésus dans la Bible~ l'.1ohainrne<J n'a jamais fait
de mll'.acJes. Le Cora.n ne )ui en attrlbtie pas. Les gens de La Mecque hJI ont
demandé de falre des nllrucies afin de justifi er ses prédicatioos. IJ a refusé.,
dîsant que le Coran en lul..même était son seul nlira<:Jè, et rnëme plutOt le
mlracle tl e Oic.u pufsqu•n s'est contenté d e redire les paroles qui lui avajcnt
êté révélées.
Nëan1noins, la roi populaire a toujour s besoin d e mira.des. Un certain
nombre ~ont inscrits dans la b iographie ofltclelle de Moha)nmed ré<ligée
au vin• siècl e et plus tard C:lt!.rtalns poèle$ lot1eront Mohammed pour leur
avoir inspiré de façon mJracul euse les vers qu'ils ont écri ts~ Plusieur s
de éCS n1iracles sont cités avec versets du Coran à l'appui, n1~rrle si ces
versets sonl habiluelleMent co1np ris avec un seos différent. Au rang de ces
miracles figurent l'ouverture du torse de l\itohamnled ))etit eofant. un récit
où la hi ne se divise en deux (• /'heurt! est apparue ttl IO lufle $'es/ dédoublée ,.,
sourate LIV, 1). te voyoge nocturne vers Jérusalem et son voyage à tr~vers les
cieux (sourate XVIJ, 1).
- - - - -- - - - - - -- - Chapitre 2 : Le prophète Mohammed 37
Il existe C'..r1tor~ btaucoup d'autres miracles que l'on raconte sut ~1ohammed.
Voic.1 l'uJl de n1es préférés. Pour prê<:l1cr, fl.1oha1nmed ava.lt l'habitude de
s'appuyer contre Je tronc d'un paln~ler. On construisit pour lui une t ribune
1'1fin qu'il 1>uisst: prkh!!r plus conlortablement. C'est alors que le tronc du
palrnict se 1nit à soupi.rer el à pleurer parce qu'U n'avait plus droit au contact
de la maJn du Prophète. ~•ohan111led, pr~ de pltlé1 se Ut apporter le J)lillml,r-.
Ce miracle est rapp(1rté entre autres par Abou Nou"aim (948- 1038), n'tysttque
soufi et l\isl.orie11 de hadiths.

Un homme sans péché


La théologie rnusulrnane dAfinit dès ses débuts les attributs d'un 1)ropl\ète:
il doi1 ëtre véridique, llttelUgent. honnête el p roclan'1er la parole de OJeu.
Mais cela ne signifie pas nécessairement qu'il S<>il sans péché (isma').
Selon certains passages du Cornn, on pourrait dire que Mohammed a pu
commettre des péchés: • N'étiezMvous pas êgaré et ne vo1.ts a-t~il pas guidé? •
dit Oie.u à Mohammed dans la sourate XCIII. Poorttuol Mohan1med devralt~ll
dcnlAJlder le pardon-s'il esl sans 1>êcht:?

Les prentiers thr.otogi<:ns musulmans ont réfléchi à to\•lCS ces C()l1Sidératlons


et certains ont admi.s que si Moha_nlmed a pu avoir commls des méfaJts
ntloeurs. 11 était Indemne de pêchés graves el Intentionnels, Néanmoins, li:l
vision musuhnane de c.:.es c;:hoses est que ~tohammed êtail sans péché.. Ble11
que simplement huntaln, Il n'en était pas moins un homn1e parfaiL

l'intercession de Mohammed
Scion la sourate Il. 2.55. Mohan1rned est Je_ pren1ler à Intercéder pour les
péchés des hon11nes au Juge.ment dernier (cf. chapitre 5).11 agil con1me
leur prote<:tcut auprès de Dieu, et autant comme lt1terprète que comme
défenseur. Les musuimans sur terre Lnvoquet\l égalemeat f\1ohammed dans
Jeurs prières. Certains ordres suufls emploient des torm\1les d'h\tt.rcesslon
comme lit<l'niçs dans le1.1ts cérémonies de dhikr(souvcnlr)~ Les µ<>ètes
exploitent eux aussl le thème de ~1 ohamntl?d cou11t1e intercesseur. L'idée
est que Mohammed J>Uisse agir é.n faveur des bons croyants lorsqu'ils se
présenteronl devan1 O'iéu.

L'intercession de Mohammed est êtroltcn1cnt liée à l'ullJlsatlon de Ja formule


de la bénédiction attachée à Mol\a1nmed ~~ Que la paix et la bênédictJon
divine soient st1r lui. "Cêtte rorn1ule est déclamée de divers~s faço11s. tandis
qoe les croya11ts la ntentlonnent chaql!e fois que le 1\om du prophète est
évoqué. soll à l'oral, soit à l'écril (PBSL, " J)alx et bénédiction solen1 sur
lul •), • L>leu e• se~ an~cs b6tfssent le Prophète. Ô croyants, vou~ aussi
bénis.sezMlc io, dît J.a sollrate XX:Xlll. &6.
38 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - - - - -- - - -

Mohammedî proche de chacun


Après uvolr regardé le rOle de Mohammed en tant que fondateur J1i~tor·lque
de l'lsJam el la manJère dont lt~i; théologiens musuln1ans comprennent
Moha1nmed, Il reste encore un aspect im1>0r l<1nt ~considérer. La plupart
dM musulmans ne sont nl historiens ni th.éologlen$. Pour les musulmans
ordlnalres. P.1ohamn1cd 0<:cu·pe une place importante daJ\S la vie de dévotion.
Mohamn1ed est noo seulcinent une figure du passé, mals aussi une présence
vivante dans ta vie de tous Jes jours. Dans cette section, nous verrons
comfftent les 1nusulmans s'adressent à ~1ohamn1ed dans la foi. la 1>rière et
dans les pratlques de dévoUon J)Opulatre.

Les noms de Mohammed


Pou.r les Arabes, le nom contient l'essence n1êLne de ce qui est nomcné.
Naturellement., J~s 1nu~ulmans accordent une attention pa.rUcultèr<: aox
noms de l\1ohammed. Mohruni:nea est un nom qui s1gn1he" digne d1!1oge •.
Dans l'art de la calligraphie (écriture omen,entaJ~), le no111 dè ti.1ohammed
est 1nagnillé. s-ous forme d 'arabesques évocatrices très pures. D'autres
quallllcatlls attribués à Mohammed I ncluent Allmad (plus digne de l'éloge),
Al-amin (digne de confiance). Al·habib (aimé d~ Oîcu) et Al·moustafa (celui
qui a été cl1ols:i. l'Slu). Calquê sur le modèle de.s 99 ooms de Dieu, il e><iste
des ltsres de 99 noms nobles (Asma' al-h1isna) attrlbuês à Mohanlmed (qui
peuvent varier légèrement d'une Jisce à une atit·re) (cl chapitres).

Exaltation de Mohammed dans la poésie


Mohammed a Inspiré (Juantité de textes poétiques. Hassan Ibn Th~blt (rnort
vers 660). de La tribu des BanO KhazraJ, a. été en quelque sorte le poète
officiel <le Mohammed pendant sa vie et par CCJt'ls.équcnt le moclèle des
poètes ultt!rteurs qui vt:interont les mérlte.s du Prophète. Il fut le chantre de
J'lslilllt des débuts. U11autre 11oèt-e, Ka'b ibn Zuhair(\'U'! s iècle). est co11nu
pour avoir é-crlt au départ des poésies satiriques sur ~1ohammed pour
répondre aux vœux de sa tribu, les Ghatalaa. Vers 630 ou 631. il composa un
panégyrique dans le style traditionnel des qa,sidas qui se ternllna1t sur la nQte
d·espoir que Mohammed lui par<lot1nerait. Mohammed rut si touché par la
beauté de son poème qu'il jeta son mantrau par-dessus les épaules de Ka"b
en signe d'acquitSt:ement. La poésie de Ka'b. connue sous le titre de Al-Burdo
G> Le Manteau•) . e-st devenue un eJassiqoeet tnè.me un nouveau genre
littéraire appelé • 1>oésie du manteau " dans lequel $e di~"tinguera encore un
poèle ult<.rl•ur, l'l".&yptlen al-Bûslrl (1212-1294). SelQn Régis Blochère, l'un
des connaisseurs Jraoçalî; de la 11ttérature arabe.• Ka'b vécut d'nbord chez.
les Ohubyàn ; e,nnem1 de l'Islam, comme le.._ Gha1utan, il vit sa tête mise à
prlx; il se rendit alors â 1\iédlne, se convertit cJ réciLa un panégyrique de
- - - - - - - - - - - - - - Chapitre 2 : Le prophète Mohammed 39
Mahon1et qui lui valut sa grâce f•..J. Aprês cet ~ vé nernent dont la date reste
Inconnue., nous perdons la trac;e de Ka'b q \li semble être n~ ort rrès âgé • (ln
Histoire de la lluéroture arabe des origines ù ta fin du X\"' siècle. Par1s. Ad-r·len
Maisonneuve. 1964, vol. 2. p. 270·271).

Mohammed et les poètes


En•flt~ Io poàmt lt plus ctltbr1 sur Io Prophète D'autres oenres sa concentrent par dé'1nitfon
e81 celui de Moharnmed At-BOsui. Ses.vers ont surMohammed - lens't fêtoge de Mobemmed
été recopiés si.Ir d.es mur~ t!l cJrt(ltnsvers.sont én.umàrant ses- quisht~.s~ e! lt maoulld (poèn1e
cités pout-so~ha1tet bonne cflante à qutJqu·un pour rannlversaire da Mohammed, récité t1U
Le burd1. d'Al·Bus1ri a acquis ~n pouvoir da chanté i d1verw oce11rionst
bénéditdonlbifrakafqul lui est propre D'autres Volcl un axtntit de bunfa qui est très so1.1vem.
pcète.Jse-aont •nspifésde ce bucrl11t1n te cir•n1
Cité;
at an 111outam leur! propreivers,aprèsthacu"
dei vers de leur préd-êce1seur Mofnlmmod. pr1ncs dBs deux mondes,
das hommes el des d11nf1S, -el des de11x
En GUtre, li 1xiste un ca1t:1in nombre deoenres
groupas, Arabts er non·At1bss. NotrtJ
littér1f,es issùs de la culture 1tr11be et non
prophète, qui commando le bien at irrœnJit
11rabe l&f1 pertic11her d'Aste du Sud) qui font
le mal Nul nést m1sul'c qualifié pourdltv
1'61oge du Prophtte Io qasida (po~me tr•di· ,, ov1 ... otl " non 11. Il es( l'afm# de Dieu, donr
tionnot pcéislamtq\le en trois p.orties~. le gbahf
1'1ntercflss1on e.tt rec.hBrcfltk
lcf91crlptlon d1 l'elmêl et le m11hnawi llong
poèm111 oompCtSé de cQuplet' avec dés. rimol.

Célébration de l'annitlersaire de Mohammed


Bien que condamné par les mouvements intégr i-5tes. comme dans le
wahhî!blsme d'Arabie Saoudite, la cêlébr.i tlon <le l'aunlverSâlrc d~
Mohamn1ed (tt1awlld) tst une cél~bratlon rellgteuse Jmportante dans bien des
pays musulmans et joue un grand rôle dans la piété populaire (pour plus de
d ~talls. cf. chapitre 10).

Les relit{ues de Mohammed


Tout co111me le bouddhiste peu1 vénérer la denl de Bouddha et les chrétiens
Je suaire de Jésus 0\1 des morceaux de la <;rol x, l~ s retlqut:s de Moha1nrn(!d
sont i n1JK>rtan l~ <h1ns ll'I f)iétê fnusulntane. Les sanctuaires ou les nl.usées
(coma'e celul de Topkapl, à lsl aobul) qui abritent ces re1iques peuvent
contenir des poils dt- Ja barbe de ~1 ohammed, le mantca\I por té par
Mohammed, ses sandales cl mêmé: des en 1prel11Lés de $ôH pJed.
40 Première partie: Aux sources de l'Islam - - - - - - -- - - - -- -

Mohammed, lumière du monde et pilier de


l'unif/ers
La tradltlon rapporte que. à la naissance de Mohammed, un myon de lt1mlère
est venu IJJumlner le 1nond~. Cette lradil Ion est liée à la sourate XXXlll, 4·6
qui r.>arle de Mohan1n1ed com1ne d"une lampe <tul éclaire. La sourate XXIV, 35,
• le verset de la lumière"• décrit Oieu comme étant la lumière du monde
{cl. chapitre 5) et nte la métaphore de la lampe. placée dans une nlc.he. qui
tst le reflet de la lumtère de Dieu. Pour les musulmaos., cette lampe est tout
nature.lle.fncnt ~1ohammed. 'rous ces récits et d'autres ont été ré.unis par un
auteur, Pl1lllppe-Joseph Salaiar. dans un ouvrage Intitulé Réclt!. fronçais de Jq
uie du Prophête, paru eJl 2005 aux éditions Klincksleck.

Mohammed Jans /'Histoire


Souv~nt, un point important de tensiorl entre les musulmans et les non·
musulrnans concerne des attitudes envers Mohantmed. Le r~clt de la vie
de Mohammed que vous venu de lire dans ce chapitre (dans la section
intitulée e l{écit de Javie de.Moll:amrned •) est une version abrégée du
récit traditionnel que connaissent la plupart des musulrnans tel qu•u a
été transmis de génératlon en génération pendanl les mille deux cents
dernières années. Cette section explique quelles sont Jes sources de ce r~clt
et attire votre attention sur ce:rtains récits nl(>dcrne.s toncernantlo. vie de
Mohamnted. Nqus verrons également queue approche sur l'étude de la vie de
r\.1ohasnmed ont les b istorien.s occidentaux qtLi ne sont pas musulnlans.

8io9raphies traditionnelles
La Siro du Prophète Mohammed d'lbn Ishaq (704-768) est la biographie
tradltlonnelle de Mohamrned. la blog:raphie d'Jbn Ishaq nou11 a érê lrti.lt..'imise
dans une version revue par Ibn Hicham dans ltt prem.ière partie du 1X1' s1èclc.
la biographie est açcessibJe dans une traduction en anglais par Guillaume
qui fait près de 700 1>ages ! Il en ~xiste désormais une ttadu<:Uon en français
faite par Abd al· Rahman 8'idawi (deux tomes, éditions aJ ~Bouraq. 2002) CL
une autre. plus concise, faite par Wallib Atall;;th, pïJrt1eaux éditions Fayard
(2004) . Ibn Ishaq o oompllé sa biographie à f'"ttlr des dilférents hadith.<
(traditions au su}el de ~1ohammed}. J.:autre grande source de référence S-ur la
vl·e de Mohammed provient de la somme hi.i.1:0rlqued'Al·Tabarl. Par ailleurs,
U e~lste de nombreux hadiths centrés prloclpalemei1t sur la personne de
f\<1obammed. Le Coran ne mentionne Mohammed par son nool que qu.,.1re
fois ; ainsJ, si nous dev·i ons nous contenter du Coran pour connaJtre
Mohammed, nous ne saurions pas grand-e:ho~e de sa v ie.
- - - - - - -- - - -- - - Chapitre 2 : Le prophète Mohammed 41
U n'est JJas étonnant que l'histoire de Mohammed ait été r éécrite plusieurs
f'ols dans des temps el des lieux différ ents. Aux m • et xx• siècl es, quelques
biographies 01olns traditionnelles furent publiées. Elles suivaient toujours
la version tradition ne.Ife "'.ais 0 11t é té rédigées dans un style qui $e "'eul plus
par1anL pour des personnes ayant reçu tine édtacatlon de type occiclental.
Ces biographies n1odernes réduisent parfois la valeur des éléments
n1lraculeux de l'histoire du pro1>hète., ou les réinterprètent, ou soulignent par
exemple daqantage le rôle de Mohammed en tarit que réror1nateur social.
n1odèle pour la société d'aujourct•hul. Parmi ces biographies modernes
largement répandues, on peut citer celles d'auteur,; comme Sayed Amir A.li
(1873, avec des révisions postérieures), Mohammed Hussein Haykal ( 1935) et
Mohammed Hamldullah (1959).

/3io9raphies écrites par des non-musulmans


La plupart des recherches effectt.iées sur Mohammed par des Occidentaux
au xx.. si.èc1e oot adopté une approche assez conservatrice. Les chercheurs
ont en général accepté le sctaéma de base de ln biographie tradîtionr1elle,
qu'ils ont com1l lété avec des perspectives addlllonnelles de nature
historique, économique. sociologique et anthropologique. Ces auteurs n'étant
pas musulmans. n1eme lorsqu'ils ont accepté que Mohammed ait été inspiré,
ils ont adopté u11e attitude critique - quoique génér alernent bienveillante à
l'égard de f\1ohammed. Ces hislo-ri,ens n'ont pas automatiquement accepté
l'intégralité <le la 1Taclltlon rapportée au sujet de Mol'ia1nmed et n'ont pas
toujours eu recours au rais01'\nement traditionnel donné habitue1len1ent pour
e>:pllquer le pourquoi des évênen1ents.
En français, la somme que W. Montgomery \\'att a consacrée à (\;1ahon1et est
toujours d'~c1uallté. li s'agit de deu.x ouvrages rassemblés en un seuJ volume
et publiés aux éditions Pa.y<>l. Intitulés Mahomet à La l~fecque et Mahon)et c)
A14dine. Montgomery Watt s·inspire largen1ent des éditions arabes, anglais-es
et allemandes, Mals son travall dêborde la seule biographie du Prophète
pour toucher à tous les thèmes qui faisaient l'Arabie ancienne. aussi bien la
famille que la société, la guerre et la paix, la tribu et l'État Islamique...
L'une des biographjes les plus récer1tes du Prophète est sans doute ce1le dJ!
Salah Stétié, aute1,1r de grande culture, poète et inteJlectuel rei1on1n1é. Son
Hvre, A1ahomet, est paru une pte1n lère fois aux éditions Pygmalio11/Gérard
Watelet en 2000. Il a été aussitôt repris dans la collecllon • Splrltualitês
vivantes " tt'Albin Michel, en 2001. Les lecteurs pourront savourer un style
d'écriture, une approche ouverte et une. interrogation très saine de l'honlme
de lumière Qtie fu ~ Mohâmmed.

À l'opposé de ces ouvrages occidentaux. sur les orlgir1es de l'l s1am qui
restent dans la Tradition, on Lrouve depuJs quelques années des travaux qui
remettent en question toute la biograpJ11e de f\!tohammed ainsi que la vision
42 Première partie : Aux sources de l'Islam----~

tradltlonneUe d6 orlglnts du Coran et des premiers ltn1ps de l'Islam. Dans


l'ensemble, nous dl8po1on11 aujourd'hui d'une Utl~rAture s11fll1ante pour
nous faire une opinion exacte sur les dëbuts de Jlslant et 1l1e1ne sur la v1e du
Prophète.

L~s m.usutm.ans sont Rn1tble.1 à tout ce quJ peut co1111tltuer une critique ou
ùlle te.ni~ ea1 <1uestlon de ~1ohamn1cd. Des propos que ron trouverait tout
Afait normaux d a.nodln.s de la patt d'un étudiant en hl.stolre en pre.mitre
~-concernant n·lmporte quel personnage hlstori<tue peuvent ltre pris
pour """ Insulte cléllbf<tt à rencontre de Mohammed. li est bien évident que
ceux quJ ne soc1t pas musulmans ne peuvent par d.eflnl1k>n pas crol~ tout ce
que les musulmans dlsm1 de Mohammed. pas plus que les non..::hn!tlens ne
peuvent accepter tout et que croient Jes chréUcns sur Jésus.
Chapitre 3
Le Coran
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
/Mns ce chapitre
..._ Le Coran, Êcrlturesalnte et parole de Oieu
.... Rêcitation du Coran
..,. l.a langue du Cott'l.n (mémt? pour ceux qui ne lisent p;:i:s l'ambe)
.,. h1tctprét:i.tlon du Coran
.... Importance de la prc.mî~rc sourate du Coran
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

O D ne peut pas compren(lre le cl1rist lan1s1oe ni le judaïsme sans étudier


sêrle1.1se1nent la Bible, ni le conruclanlsme ou le taoïsme sans lire les
AnolecJe. . (dltcouts de Confucius) et le Tao Te Ching (L;vre de lu Voie et de Io
Vi!rtu). De même, vous ne pouvez pas com1>rendre l'islam sans .vous atteler à
la Lecture du Coran.
De prime abord, le: non.,n1usulman se trouve confronté à un paradoxe. Les
1nusulmans considèrent le Coran comme une œuvre acl\evée, par(alte
dans son expression comme dans Sôrl contenu. Les non.musulmans, eux,
c1ul ne:: connais.sent le Coran q_ue dans sa traduction, ont souvent la ml!me
impression que l'historleo britannique Thc>nta_s Carly!~ qui. en 1841. décrivait
Je Coran comme un" ilSsemblage hétéroclite d'idées confuses, dï mages pële-
mële. <le considératjons sans que\te nl rête interminables, en un mot illisible
t!t stuph.le '"(Je vous ferai remarquer que ce sonl lâ le!'i parol~s d'un homnle
qui, co1nparé à la plupart des Ot.:cidcntnux de son époque. était plutôt bien
dispose envers Mol\anuued et J'lsla.nl !) Queue est Ja bonne approche? Ce
sera à vous <f'ell décider après ovoir lu ce chapitre!

Les trois religions n1onothélst<!s occidc11talès (l'lslam, lejudaîsme et Je


chrlstianismè) se r6f~renl t<)Llte-s ~un livre, et un seul. qui contient la t·otali1:~
dt la Rêvélatlon donnée par Dieu aux hon1mes. On les ap~Jl e dans l'Islam les
« reUgJons du Livre o, Cl1acune considère que• son "livre ré'lèle directement
et totalement ta pêtrolè dê Dieu. Dans J'fsJ-am. ce llvre esl le Coran donl les
mvsuhnans dl11ien1 que Oteu l'a fait connaître â Mohammed nu cours d'une
série de tévélottons qul ont duré vlngt-<:leux ans. Le$ A11ofectes (di,çcours de
Confucius) et le Tao ïe Ching (Livre. de la Vole el de la Vl'!rtu), en revanche, ne
p rét~.ndent pas Etre lt: fruit d'une révélation divine. et encore moins la par ole
de Difu.
44 Première partie : Aux sources de l'Islam ____ ___

Présentation du Coran
Eil Oe<:ident, bien peu de penon 11~5 seraient capables de <:lier I" norn des
écritures sahltes du bouddhisme ou de l'hiodcu.1isrne. En l'evanche, tout h:
monde sall que le Coran est 1'€criture sainte: de l'l.$1anl. Cf.rtaln11 parle.nt
rr.Eme du Coran comn1c ~tant la" Bible de rislam • !

li est lnrére:Ssa.nl de noter q~ le mot Bible. vie.nt d'un mot arec qui .slgnlfi~
• le livre•. Dans t-e Coran. on mrou'\-e souvent ct:ttr mEme fonnulatlon (en
arabe): OO dit • "'Uvrc. pour paner de rtcnture Nlnle de l'lslam.

Qu'est-ce l{u'une Écriture sainte }


L'tc:rlture .sain le d'une r'llgJon 1>eut tenir en un seul Jlvrt' ''u e-n plusleura.
Les chercheurs qui •'1ntéressc111 aux religions du n1ondc considèrent qu'une
Écrlturt s.illlntc pr6'Jente un cettaln nombre des caracté.rlsllque.s suivantes,
voire toutes (au fur et A mr•urP tfp vnt-rP l.f>.<-t11t,.. "'n'tt~t' ....vou• à relever œUe.~
qui s'appllquur au Coran).
"""Le texte est d'origine divine ou le fruit d'une lruplratlon.
"""Le t~te est 1,.ii~ comme sacrl, puissant et lnvlolab&e.
V Le texte est consktlrf comme s'authentiHAnt par tuJ..mbne.
"""Le texte est consldé.r~ comme bie.o..Jondé pour Un<! con1munaut~.
fournissant des directives pour le culte. la croyance et le co1np()rtem.e nt.
Y' Le texte est un ense1nble - rien ne peut être aJout6 ni ft'tirt.
Y' Le texte fourni! une compréhension du sei1s d~ la vte.
Y' Le texte eist une nourrt1ure splrltuellc pour La vie.
,,,., Le texte est f:tudl~ selon des règles et des pratiques bien slructurées
(mgèse).
V le texte est sous 14 rttponsabillté cfun groupe d• pononnes lormtts
(lels des oulémas, des 1~. des rabbins, des maitres, des p<êlte$
ou des ttllgjeux) qui ont pour tâche de transmettre et d'interpréter le
texte.

les fondations âu Coran


Vous comprendre?. 1uleux ce qui es'l écrit dans les livres t rnltnnt de l'Islam
si vous avez à portée de n1aln un exemplalre du Cornn racUe à consuller.
La taille du Coran repré3tnte environ quatre clnqule.rue1 dé la longueur du
Nouveau Tcstarn~nt. Vous ne lirez peul~tre pa.s tout en unt nuit. mals on
_ _ _ Chapitre 3 : le Coran
45
peut très bien y errlvC'r '" une semaine. Le Corao e.st dlvlsé tn l lil unités
prlncipa.1es que l'on o.pp~lle de&• sourates • (leg che1·chf'urs no fOlll pas
ct:rtahl s d e l'é tymologle du mot "~ourale •.qui se dit sun:1 en arabe). Vous
pouvez comparer ces 50urates A des chapitres (con1mc d11n8 la Bible) mais,
dans ce cas, ce sont df'S c:htJ.pil res quj se pré-scnten1 plutô1 ro1nm~ le5
psaun1~. c"est-à·dlr' dts lt'Xles juxtaposés les uns aux 1u1 rc.-1. UJ\S lien avec
le ptt<:édefil.
Chaque $00rate 61 dlvfstt en versets. La sourate Il ta plus tona~. contlcot
286 ttrse.ts. Pluslf>urs IOU'11lH (CIJI. cvm. CX) "" comporteut que trois
versets. Comme la plupart des non..musul~n.s. if' me r~~rt à un pass.a,ge
.spktlique d'une souratt en n~ntlonnant le nu~ro du verset (o.t'CI) par
exemple. XXlV. 35_ (Notez que le mot O.>'O .signlHe •sis ne •; l'i$lam &e réfère
auJC ve.r~ets comme étant des._ algne.s •parce que les rnu.suhnans considèrent
le Coran comme le ph,11 Krand signe de Oieu.) 1:énu111ératlon de Io suoratc
et du verset e.5t lrès u1 lie pour Lroovcr uu pas.sage spéclllquc '1ua11d uo
n'est pas liabttué à la l ~c t urt du CoraJl. Les rr1usulman! se ra1>portent
lradltlonnelle.men1 aux sourates d'après le titre qui lf'ur é&l <Jonné: la
p remte.re .sourate-. par txernple, s·appelle 1.o ut shuµlcn1e11l • 1.çll\.· '*"1 vuvrc: •
(Al-Fttttha), la dcuxl~me •'lnlllUle • la vache • (Al·Baqara). On dira a.losl • la
sourate de la vache" pour ~Mr de La sourale Il De te-n•1>1 en temps, tes
noolS se n.pportlf'nt •u contenu domfnant d'une sourate. com~ dans le cas
de le sourate XD. dite• de Joseph •-Plus SOU\JleDl, te 1i1rc est p..-d à parllr d·un
mot ra~ ou cfun mot qui 1pparait dan& les premiers~" - Conlrue pour les
symphonies musi<ala:, Il t'll plus facile de se so11vcnlr d'un nom que d'un
chlllre.
Dans l'lslam, le Coran est la Rév~ l atlon ou l'lncarnatlon fonda.rnentaJe de
Dieu dans le monde. t.e Cornu est la parole de Dieu au acns 1l1téral (kolam
Allah). Cela va bien plus loln c11core <1uc quund ceJ'ta1n! chrf!tltn" d l ~cut
Q\IC c'est Dieu qui a d icté les 11101• de la Bib le. Le Coran lout enlier e.sl la
parole de Dieu à la prt'ml~e personne. Il n'en va pa$ df' n1~n:ue pour la Bibl<:.
dont la majeurt:' parti!! n·tsl pas rédigëe comJne étan1 le dl-'Cours dire(;l
de Oieu. Pour tes musulmans, le J)rototype du Coran, appelfl la • mère du
Uvrc • (sour11c XIII, 39). <Jet.le dc 1oute êternll~ •• <k'I (cf choplltt 6) e1. li la
diff&ence der. 81ble, lt Coran est une reproduction p.atfa11e de te livre.
Oe nos iOurs. les personMs COf1$id~reot généralement la Bible prtoc1pa.·
le:ment comme un livre. 0..ns rlllam. ~s chrêtien$. lt"s Julfs fl, par la suite,. Ses
toroastriens $Qnl apptl~s ~s • aen.s du tf\trc •. ~toha.mmed apporte un Uvre:
anbe à un peuple qui n'avait trl<:Ol"C ;amal.s eu de hvre (tc:r1tutt s.alnte) lui
appartenant en pro1>~. Dans le! chr1.stlanisme et le juda'isn1e, le concept d'une
révélation p rêsen1e sous la forrne d'un livre se développe au fU du temps.
au fur et à mesure de ln dllfuslon de cc llvre. Dans l 'h~I Bm, lt' concept tlt':
ré,1élation sous la forint d'u11 llvre dlvln est prësen1 tll':s lt con1ntencernent.
46 Première partie : Aux sources de l'Islam - - -- - - - - - -- - - -

Récitation du Coran
Puisque le Coran è.51 un livre, on peut penser que Ja rnellleure approche
est encore la lec ture. En voiture, on peut écouter des enrtglstre1nents
de livres mais ce n·est pas Lout à fait pareil que de les tire car en général
les auteurs krlvenl pour ê tre lus. et oon PQ\lr être é<:O\ltés. l)ourtanl. la
place de l'oral est Importante dans la vie quotidienne. Avant la réforme
protestante du xvr' sl~clc, la plupan des ch retiens connaissaient la Bible
pour en avoir entendu des passages à réglise ou pour avoir regardé des
scènes représentées sur des vitraux ou par des slatues. En Aste. les écritures
védiques des hindous étalent d'abord des te><tes à rklter avant d'être lus. De
nos Jour$, les gens connaissent mieux les rom.a.os grlic.f: au cinéma quJ en tlr'C
des adaptations que par la fréquentation des textes écrits.
l.e mot 11 Coran "slgn1flc 11 diction " ou plutôt • récitation •, Le verbe
correspondant à celle lcl6e est e mployé au moins 80 fols dans le Coran et
signifie .. réciter 11, • procla1ner 11 ou "donner lecture ti voix haute •. Dans la
sourate XCVL. l..S, qui est souvent considérée con1nte 1'3ppel de Mohammed,
Gabriel dit à Mohnmmed : • Rêche!• Il ne lui dit pas de lire ou d'é<:rire. Le
verbe" dire • apparait dans plus de 300 pas.sages. Oan.s le Coran. les dJ,•ers
emplois du mot• Coran• peuvent se rapporter à trois choses;
v Le livre sacre ~nt Ier (c'est l'utifisalion normale du mot).
v Une révéla!loO Individuel le contenue dans le Coran.
1 v La recf!a!lon de passages du Coran ou du Coran tout entier.

Quand Mohammed recevait une nouvelfe n!vélatlon.11 devait la délivrer â


ses dls<;lplC$. Pulsc1ue selo11 la Tradition musulmane certaines révêlations
ont été notées pnr cles scribes~ on aura it pu penser qu'il y nvalt un scribe
quf conser,valt une copie du texte écrit pouvant servir ull~rleurecnent à
faire parvenir la Révé.lotlon à d'autres musulmans. En fait, au lieu de cela,
(\1ohammed envoyait des• récitants • qui allaler1t transmettre la nouvelle
révélation oralement de la mên1e façon que luJ·.même l'avait A l'origine
délivrée à ceux qui étalent avec lui En recl!ant le Coran. le musulman
actuallse la parole de Dieu. Dans le verbe parlé. Dieu est 1>.+..ent. tout luste
comme pour de nombreux chrétiens le Christ est 1>rtsen1 dans le pain et le
via consacrés.
Le nouveau-né entend pour la première fols la langue du Coran quand son
papa ou sa maman lul c huchote à l'oreHle la challodo ( le témoignage que
Dieu est le seul DJeu e l P.1ohummed son messager) . À 1>urtlr de ce mo1nent-là,
l'enfant entend rréquemment le Coran. Quand li apprend à ll re. il devient
capable de réciter los pnssages du Coran requis pour ltt prière (salai). Dans
la salac. le musulnlan récite des passages <.lu Coran en orabe .sans s'aider du
texte écrit.
----~--------- Chapitre 3: le Coran 47
l..e.s juifs et Jes chrétiens ont souvent un livre de prière officiel qu'ils utilisent
pendant le culte. Si les musulm•n• peuvent acheter des recueils de prières
pour leurs dévotions pel'SOOnelles. lïslam n·a aucun livre de prières officiel
Le Coran est le livre de prières par excellence de nslam. Comme un des
hadlth.1 le dit:• Dans chaque so/0.1, 11 y a une rEcltatlon (du Coran). •
Quand l'enrant grandit, partout autour de lu1 Il entend le Coran, À ln rttclio
et à la télévision. il entend des psalmodies du Coran. Un musulmnn peut se
recuellllr avec d'autres avant ou après la grande prière du vendredi midi
pour r/:clter Je Coran. M~""' quand un musulman a une copie du Coran sous
les ycwc. 11 le réeile toujours à voix haute. Dans le bus que roo prend pour
aller au travall ou dan.s le 1axl. on peut être. sOr que le conducteur est en train
d'écouter à la radlo soit une psalmodie du Coran, soit éventuellement les
dernières chansons 1>opulalres.

l..e dise.ours farnl11er est poncltté cl'expresslo1\S tirées du Coran, Lclles que
inc.h' Alla/1 (• si Dieu Je veut•). P1usieu-rs de ces expressions sont répertoriées
o.
à l'annexe Les musulmans rKltent des S0\1rates ou des vetsets spéc.lrlques
à certalnes oeotsic>ns particulières. dont notamment:
>" La fallha (cl la section de ce chapitre Intitulée• Ouverture du Coran
avec ta Ft1Jiha •)est récitée en de nornbreuses occasions. comme lors cle
la conclusion d\1n contrat de 1narlnge.
>"Les sourates CXlll el CXIV sont récitées pour se protéger du mal.
v La sourate XXVI est réc:llée le qulnzième lour du mois de cha"ban. la nuit
où les destlns sont déterminés par Dieu pour l'année à ""nlr.
v La bas1nollah est rêcUée avant les repas et comme acte de consécration
av~nt toutes sortes cl'actlon$. l'expression t>a&ma11ah (• nu nom de.
Dieu 11) est tirée dl1 po.ssage qui ouvre chaque sourate (sattf ln sourate 1X)
par la formu le • Au nom de Dieu le Très Miséricordieux, le Tout
ri.ils~ricordieux 1t..

v La sourate Cl(JJ, la sourate Il. 255 (le verset du trùne) et la sourate XXIV.
35 (le ""rset de la lumière) sont reprises à toutes sortes d"occasions.
Ln prédornf11ance de l'oral sur l'écr1t pour la récitation du Coran est rune
cles principales carac téristiques que toutes leis ctiltures musuh·nane.s ont
en con1n1un. ind épencla1r1nl~nt cle leurs langues 1t1aternelles. Lire le Coran
sans jamais le réciter en arabe est un peu comrne essayer d'a1>1>récler une
chanson en se contentan1 de llre la part ltlon.
48 Première partie : Aux sources de l'Islam

Respect dû au Coran
Bien que Je caraclèrt <>roi du Coran soit plus frn1>orlant que l'écr it, ne croyez
pas <:1ue le livre e 11 tant qu'objct soit négligé. Bien au contraire! Le Coran,
écrit ou oral. est trr1lté avec le plus grand resp~et. Voici les égards ql1e ron
doit avoir pour le Coron:
V Le rnaintenir dans un endroit propre ou dans une boite oû il est à
l"bonneur.
Y" Ne mettre aucune autre chose sur ou au-<kssus du Uv·r c.
V Se purifier avant de le toucher ou de le réciter.
Y" Oire son lnleJll ion (nlY>'tl) de réclter le Coran avant de commencer le
récit.
Y" Se tourner dans ln direction de La l\1ecque en récitant les versets.
Y" Avant de co1·n1·nencer à réciter le Coran, rechercher ln protection de
Dieu contre Satnn (cf. les sourates XVI. 98 et VII, 200-201) en récitant le
ta'awwudh : " Je cherche refuge aupr~$ clc Dieu et sa protection co1\tre
Satan, te rnaudlt (ou le lapidé). •
v Conclure le récit en disant : •Dieu tout-puissant a dit la vérité.•
v Adresser une prt~re sincère (du-a)- un appel ou une demande.

Le Coran : de la Ré'1élation au recueil


o~u ne part, Motu_un rncd a reçu di fférentes révélations duranl toute sa vie.
De l'autre, le CoraJl tel Que t1ous le connaissons aujourd'hui est un recueil
organisé de toutes ces révélations. Comment est-on passé cle la transrnlssion
orale des révélations faites à un seul homme à un livre complet et orgaalsé 1
Quand cela s'est·ll produit ? Sur la base de quels principes les sourates onl·
elles ét~ compilées? Y a+ll londamentalement une seule tradition qui a figé
le texte des ~tallons de Mohammed contenues tians le Coran ou y a+il eu
des évolutions au fit du temps ?

Passa9e de l'oral à l'écrit


Le texte écrll qui se trouve dans tous les corans aujourd'hui était à l'or igine
un texte corn posé unlc1uen1ent de consonnes, sans lll(lll Ion de voyelles.
t:alphabet arabe Ace momenl·là avait seulement 15 coractères pour 28
consonnes. Plus tard, des signe• spéciaux ont l!té nJoutés pour distinguer les
lettres qu1 se resse1tlblt.nt ou sont identiques en arabe. En raison de rabsiencê
_ Chapitre 3: le Coran 49
de voyelles écrites et de la confusion posslt1le des consonnes, perso11ne ae
pourrai! Ure une copie ancienne du Coran san• l'avoir déjà en1endu récit.et à
l'oral. Quand en 19'24 les lh&>loglens êgypllen• préparaienl ee qui est devenu
l'édition ln>pr1mée olficlelle du Coran. lis onl d'abord consulté la Tradition
orale vivante.
l .e texte originel c1ul a servi de tran1e a11Cora11 tel que nous le connaissons
au)ourtl't1ul était divisé en !Ignes mais sans Indication de versets (aya). Dans
1• plupari des cas. les consld~rallons s1yllsliQUC$ perme11en1 de clorlfler
1'et1drol1 oû se termine un verset. Cependant. dans certains cas. la césure
n'est pas complètement clafre. La scission en versels que nous coonalssoos
aujourd'hui est celle qui a été élaborée par les lhéologiens égyptiens en 19'24.
Les textes Imprimés (ou n1anu.scrits) traditionnels lndjquent la On d'un "-erset
par une rosette Insérée dans le texte entre le.i versets. Cert aines tra(luctlons
oc;cldcn1nles adoptent une répart ltlor• des versets é laborée par un certain
f1ûgel au >:1)("' slèc.le qui diff~rent en certains Cl'•drolts de sept versets par
rapport à l'édition égypl lenne. Si vous recherche• une eltaUon dans une
traductk>n en français du Coran et que vous ne trouvez pas le passage
lndlqu~. lisei les sept verse!$ sulvan1s ou préc~ents.

Prononciation du Coran
Le pre1nler texte.. unique1ncnt à base de consonnes, se prêtait à des lectures
comportant des variations mineures. Imaginez que vous krJvlet •garde •
a\-ec uniquement des cons.onncs: GRD. Vous pourriez interpr~e.r ce mot
comme ~tant : •garde•,• gourde•.• grade• el ainsi de suite. Aujourd'hui
encore. rertalns journaux et livres arabes (et h~breux) sont Imprimés sans
voyelles. Le conte..xte perrnet habituellement <le c lariJier les an1blsuïtés de
leelure dans le Coran. Cepe11danl, Il e..•lsle cles cas où d lllérenles leclurcs
é talent r>nrclllement possibles. Différentes tradll Ions orales se sonl
développées quan1 à la façon correcte de lire le lexie- œ qui en d'oulres
termes revient à compl~ler le lexie avec des \'Oyelle$ et des accents. Avec
le ten>ps, une version plus complèle du manuscrit arabe a élé élaborée. les
voyelles et le:s accents étant mentionnés à raide de stgnes inscrits au-dessus
et au·dessous des consonnes qui foot le texte orlginel du Coran. Il ne faut
i>a.s ot1blter que seules les con:sc>nnes sont const<ltrées par les ml1sulmans
comme l':lémenls du lexie révélé.
On peul donner un exen>ple qui illustre bien ce propos. La sourale 1. 4
emplole l'expression le • nlAil re du Jugernent dernier •. La racine
consonantique du mot • maitre• est • ~tLK •.SI \.'OUS prononcez ce groupe
de consonnes en disant • n1allkl •avec''" •a • long. ce.la signifie• majtre •. 51
vous la prononcez ou la llsei avec un • o 11 bref. le sens dev'ient celui de• roi ...
50 Première partie : Aux sources de l'Islam _

Structure du Coran
Co1nment a·t-<>n agencé en.semble les sourates pour former le Coran? Si
vous feuillett:z un Coran. vou.s verrez qu'après la preml~re sourate on trouve
d'abord les sourates les plus longues. En règle généra lo. les sourates sonl
rangées selon un ordre décroissant. Cependant. Il y a beaucoup d'exceptions
à celle règle. Par exemple. si 1'011 se réfère uniquement l la longueur des
sourates, la sourate XV devralt l!lre placl-e là ou se trouve la sournte XL, Cl
la soura te XL devrait ê tre la soura te Xll. La longueur n'est donc pas le seul
critère de classement.

Vlngi...neuJ sourates sont agrémentées cle Jettrcs dites• ntystérleuses " (de
une à quatre lettres vogabondes Sélon les cas) qui sont plac.;,,s après la
baJmallah el juste avant le corps du texte de la sourate. Les musulmans leur
accordent un re.copect tout particulier car fis les considèrent comme des
élé1ntnts de la Rêvélnllôn origine.lie. Dans certains cas. les sourates porlnnt
les 111êmes lettres mystérletises sont regroupées Cl\$Cmble. Par exemple. les
lettres A (c'est-à-dire la lettre• 'olif •). Let R llgurent au début des sourates X
à XV. Cela ex1>lique 1:>eut..êtrc J)ourquol certaines sourates se1n blent ne pas
êlre à leur pince si l'on .s'en tient au .seul critère de la longueur. QueJle est la
signllication de ces lenres ? Il n'y a pas d'unanimité là-dessus. C'est pourquoi
elles sont qualifiées de • mystérieuses "

La compilation du Coran selon


tes musulmans
Selon la biogr•1>hie traditionnelle. Mohammed a reçu so11 appel à devenir
prophète e11 610. À cen e occasion (<ICveloppêc uu chapllre &). l'ange Gabriel
a transmis à Mohammed la première révélation, habituellement considértt
comme étant les versets d"ou~rtu.tt de la sourat XCVt. 1..e Coran dil : • Nous
l'a vons faU desce1ldre pendant une 1luft bénie" (sourate XLIV, 3). Quand
Dieu emploie l'expres.slon " (aire descendre•. Il faut con1prendre qu'il a• fait
descendre• le Coran tout entier du $1:ptlème Ciel au plus bas niveau pendant
une nuit impaire du dernier tiers du mols de ramadan.

Pendant tout le restant de $a vle. !-'ohammed a continué à recevoir


différentes révélations. li n'y a <1ue quelques sourates courtes qui
correspondent Intégralement à une révélation reçue en une fols. Pour les
autres, les différentes révélall01ls ont été <:on1blnées ensernble pour forn1er
les 5-0Ulates.

Cer tains musuhnans disent c1ue toutes les fols que Mol1tun med a reçu une
nouvelle révélation, Il a Indiqué à quel endroit elle devait Eire placée (c'esl-
à-dlre dans quelle sourate) el quel était l'ordre approprl~ pour les sourates.
Bien que le Coran 0'11.lt pas existé en tant que llvre const ltué pendant Ja
Chapitre 3 : Le Coran 51
vie de Mohammed. «lie vision des cho$es lmpliqu~all que Mohammed
ait déjà déterminé la structure globale du Coran. Une édition de poche du
Coran en français (le Coran traduit par Kazlmirskl, Carnier Flammorlon.
1970) comporte plus de 500 µages ; une autre. celle de Grosjean, est de la
me1ne 1mporta11ce. Enrln. i l existr une traduction du Coran dans t.a J>JéJade.
collection de prestige des édlUons Gallimard. SI l'on divise ce chiffre de
500 pages par le nombre d'anntts pendant lesquelles Mohammed a reçu
ses rtvélatlons (vlngMrols années). on arrive à deu• pages par mots ou
vingt-cinq pages par an. Si l'on se réfère au nombre de verset$ que comporte
le Coran (plus de 6200 versets), on Obtient fe chlllr~ d'un verset par Jour.
Naturellerr1cnt, les tévélallons ne sont pas venues à Ul'• ry thme aussi réguller
et n'ont pas toutes la n1ême longueur.

Voici un récapitulatll des diflérentes traditions qui nous livreflt la vision


musulmane de la façon dont les rév~laUoos ont ét~ rusemblées en un seul
livre qui constitue la version olflclelle Intégrale du Coran. Dans les deux
premières années qui ont suivi la mort de Mohammed en 632, Omor (Je
lutur deuxième callle) a Insisté auprès li'Abou Bakr (lt f>re:mie:r califtl) 1>our
que l'on procède à une reœns1on du Cora11 an11 d'éviter le ,.isque de perte
du contenu de la Révélation au c..s où toutes les personnes capables de les
réciter viendraient à périr au combat. Abou Bakr lit venir Zayd Ibn Thablt
lay<I n recherché toutes les verslon.s écrites existantes des différentes
révélations - certCllnC-$ écrites sur ln pierre, d'autr(ls sur des feui lles cle
palmier. et d'aut1·es sur des os. Il a égnlemenl ra~c 1nb l é et JT\JS par écrll les
pa&sages du Coran qui avaient été co1\Servés unlqttè1nent •dans le cœur
des hommes a. Za)'d a rct:0l.s te fruit de son travail. qui conslstai1 en u11e
multltude de pages séparées, à Abou Bakr qui. à sa mort. les a transmlM!s à
Omtlr. Omar, à son tour, les a conflées à sa mort à sa fllle Hafsa (une veu\'e de
Mohammed). Il faglt lil, selon ln Tradition, de la première recen$lon <'Ornplète
et manuscrite du Coran. Pendant le règne d•OthlT\Un, le troisième c·a llfe,
un général d'armée du norn de Hudhayfo. est venu trouver Othman. Il était
perturbé par le fait que ses homrnes n'avaient pas forcément tous la même
version du Coran. Othman m demander à Halsa tous les feuillets qui W.lent
en sa possession. li confia au même Zayd ibn Th•blt la responsablllté de
for1ner un comité chargé d'élaborer tin llvre regroup.:1nt les feuillets validés
afin d'har1nol'llser le contenu de Io. Révélatloo. Othman envoya des copies d.e
ce Coran aux qua i re ~randes villes de l'Islam. Il ordonna que l'on brOle toutes
les autres copies écrites du Coran (entier ou parliel). Nous é tions alors en
650. un siècle avant la conquëte d,. rAndak>usie.
Que dire de ce récit traditionnel qu1 es·t fait de la recensio11 du Coran 1
v Ce récit a c lalrc1nent pour bul de légitime r la version othn1anlcnne
du Coran, qui est celle qui fait nutol'lté dans tout le 1no.nde musulman.
lndépeodam1ne.nt du fait de savoir si ce rédl n. une vaJeur hlstorlQue
fiable. Il est clair que c'est le texte du Coran qui est utilisé au)Ourd'hul et
qui est désigné sous le nom de vulgate d'Othman
52 Première partie : Aux sources de l'Islam _

v Ce récit indique que même après Abou Bakr. à l'époque d'Othman.


plusieurs versions du Coran clrculalent.
v À la mort de Mohammed, le Coran n'était pas encore un seul et même
texte manuscrit.
Y' L'érablisse1nent du texte coranique a été beaucoup plus rapide que
l'établissen1ent cles texles bibliques.
Dans quelle mesure le texte actuel du Coran est-li complet ? À part certains
chiites musulmans qui pensent qu~ le texte officiel du Coran omet certains
passages parlant de 'Ali et de ""' descendants, la plupart des musulmans
conviennent Qlff! te texte actuel du Coran contient la majeure partie des
~étalions que Mohammed a reçues pendant sa v1e. La tradition rapporte
que l'établissement du texte a suivi les principes suivants :
V la Ré\rëlatlon a êtô mise par écrit en présence de Mohnnlmed. En
d'autres tern-u:s. aucun récit de deuxième 1nah1 n'y a ~t6 Inclus.
v Pour être validée, chaque révélation doit avoir êtê entendue de la
bouche du prophète Mohammed par au moins deux ttmolns.
v Toutes les révtlatlons que Mohammed a reçues ont été Incluses. Rien o·a
été omis, excepté queJques passnges que Dieu a expUcltCJnent annulés
(voir la section " Les versets abrogés • dans ce chopltre),

La compilation du Coran selon


les non-musulmans
Ce récit traditionnel de l'élaboration de Io vulgate coranique pnr Othman
n'est pas remis en cause par les historiens occidentaux non 1nusulmans.
Là où Ils divergent un peu de la vision musulmane de l'hlstolre, c·est qu·us
1nettent en avant Je fait que d·autres versions ont continué à circuler pendant
plusieurs œntafnes d'années. comme le montrent ~faits suivants :
V Les commentateurs du Coran et les jurl•te:s citent patfols des versions
non othmanjennes du Coran plusieurs siècles après Othman.
V La Lradltion n1usuln1nne eJle-1nê1ne se rapporte au 1nolns à quatre
autres versions antérieures du Corail. Selon la ·rradltl<>n musulmane,
Othman a déltult ces versions. mals on a retrouvé des textes datant des
années 800 déplorant l'usage de la version coranique de Ibn Masoud
(,... slècle). run des proches compagnons du Prophète. ce qui Induit que
cette \.WSion en tout cas était touJours en circulation.
Chapitre 3 : le Coran 53
v Les textes le$ plus anciens du Coran (en tout ou partle) que ron
connaisse remonte.nt à Io fin du v11" et du vui- siècle. On trouve la mention
du grand sanctuaire du OOme du Rocher à Jérusalem, dans des textes
qui datent de 691·692 comportant quelques versets do Cornn. En 1972,
un ccrlaln nombre de n1anuscrlts anciens contenanl des extrnits
du Coran ont é té décotave.rts au Yémen. Ces snanu~crlts. qui datent
probablement du vllle siècle. voire un peu plus tôt, prtsentelll dans
certains passages de tr~s lésères différences par rapport à la vulgate
othmanlenne. Da.n.s les textes yéménites. certains mots sont krlts
différemment. et quelques fragment• qui contiennent la fin d'une sourate
et le début d'une autre laissent penser que dan.s œrtalns c&s l'ordre de.s
sour.ites pouvait être différent de celui de la vulgate d'Othman.
En généraJ. ce genre de consf<lérallons est mal reçu ou rnal vu par les
musulmans qui sont choqués ~l'idée mêrne que l'on puisse effectuer ce type
cle recherches historiques Cl pre1lnent ceJa pour une atlo(1ue de l'Occidenl
contre l'islam. Pour les mu$u1mans, le Coran est une copie conroro1e du Livre
céleste. Les chercheurs ne volent 1>ourtant pas les C llo~es de cette taçon. Ce
qui les rrappe n'est 1>as tant le fnll qu'll existe des variantes au texte de Coran
1nai.s que celléS· Ci soient partlcullèren1ent peu nonlbreuses par comparaison
avec les différents spécimens de BlbleJI judaïques e t chrétlenne3. Ce qui les
Etonne. ce n'est pas que le texte n'ait pas été llxé à l'époque de Mohammed,
mals plutôt quïl ail été fixé sous forme écrite aussi rapidement (dlx·neuJ ans
seulement apr~ la mort du Prophète) et transmis tel quel depuis lors. ce qui
ne fut pas le cas de la Blble.

La compilation du Coran dans l'approche


radicale
Oans le c hapltTe 2, j e mentionne l'approche radicale de 1'hlsto1re 1nusuhnane
faite par Crone. Cook et Wansbrough. Wansbrough a centr6 ses recherches
sur le Cor an et son hlslolre en utlllsan1 les outils d'analyse dt\ve.loppés
pour les études bibliques mode rnes. Crone et Cook aboutissent à une
reconstruction des origines de l'Islam radicalement en désaccord avec la
vision traditlonnelle mu•ulmane. Ainsi, l'émigratlon orîglnellc (h11ra) est
présentée comme allant non de La Mecque à Médine mals de l'Arabie à
Jérusalem.. IJ ne s'agit là que d•une. anecdole à replacer darls le contexle
global de la reconsrructlon des origines qu'ils opèrent.
Dans cette vision r adicale. te Corao aurait été élaboré. au v11111 s1èclc. à l'époque
ofJ la nouvelle religion conl 1nru1çalt à bien S'implanter el que Je besoin se
faisait sentir d'insc rire sans tn rdcr la nouvelle foi dans une" histoire du
salut •. une histoire .sacrée qui prenne en <:01np1.e à Ja rots l'aspec t spirituel et
l'aspect tempor el. Dans ct.l1C perspective, le Coran. cons1 l1u~ de matériaux
Issus de périodes et de sources différentes. fournit des Informations sur le
54 Première partie : Aux sources de l 'Islam _ _

"'11' siècle malspeu sur la 1>ériode des nrlglnes de l'l•lam. Selon Wansbrot1gh.
la raison de c:e 1nanque de matér1au au tout début de l'lsla1n tle11t au fait
qu·tlvant la construction c1u Dôrne du Rocher (envlrtnl 691). le Coran n"exlstait
pas encore en tant c1ue tel.
011 peut aisément COnlprcndre que cette (açon dt voir dérange beaucoup
les mu.sullnan$ q\1l 11e sont ni che~hcurs ni spêcJall.stes. Vous trouverez des
détails passionnants sur lê Coran dans plusieurs ouvrages français. réœ.r\tS
ou anciens. En voici un petit nnmbre slgnlJicalil : J. Berque. Relire le O>ron.
Albin Michel. 1993 : F. Buhl, • Al-Qor'ân •dans L'En<:yr/oplc/ie de l 'Islam,
Brlll, Maisonneuve et Larose (que V<MJS trouvere• dans plusieurs grandes
bibliothèques lrançalses) : et J. Jomier. Le Commen101re coromqve du Manar.
Paris, Maisonneuve. 1954.

Le St1Jle du Coran
l.aissons de côté les problèmes des sources coraniques et étudions un peu
plus le style d~ns lequel est écrit le Cotarl. Pour un non.musulman, le Coran
peut sembler étrange et dlfllclle à comprendr~ Le lee1cur occidental peut
même se demander pourquoi les musulmans louent son Inaltérable ~au.té
quand li en trouve Je style ennuyeux et répétitit Comment expliquer le
cil.arme qu11 excrtt: sur le cœur et lame du n1u.sulma.n 1 L"lmpact du Coran
sur un musulman est dO autant au style qui lut est propre qu'au contenu du
message proprement dit

La ma9ie du Coran
Le Col'an n'e.sl pas un livre organisé en (onction de sou rontenu ou de la
c hronologie des évEnernents, Les sourates <llr Curan sont plutôt co1nme un
recueil de scrn1ons crun prl!tre, d'\1n pasteur ou d'tan rabbin. ou un ensemble
de discours prononcés par un homme polltlqtle lnapQrtanL L'impact d'un
sermon ou d·un di.scours résulte pour u1-.e bonne part de l'art de la répétition.
Pens~ à un directeur commerttal qui essaie de motiver ses agents ou à un
entraîneur qui •limule l'ardeur de son équipe avant un jeu. TOU$ les discours
qulls Joni peuvent etre regroupé$ dans un livre el publiés, mais la magie du
verbe ne sera pas aussi rortc qu•au moment où Il$ ont été prononets dans le
feu de rac1lo11, Cette con1po.talson vaut ce qu'elle vau1 flUJls on peut dire que
le Corao, lui aussi. 1>0ssède une force d'évocal Ion qui s'épa11oult pJelnemenl â
l'oral.
Le Coran réussit à captiver son auditoire par sa nlus1cnllté Incantatoire.
par la p<>~slc des lmnges qu'il suscite el par son contenu. Il fait appel à
1'1magination. nux én,otlons et à l'esprit. En révé.Jnnt le Coran. ~1ohammed
essaie d'entrer en relation avec son auditoire pour l'amen<"r A passer de
Chapitre 3 : le Coran 55
La parole aux actes el le transformer en adorateur de l'oratt'ur suprême
(Dieu). Les gestes du corps et l'intonation de la voix de P.1ohanlnled auront
éertainement joué un rôle cruclal dans la transmtssl01\ <lu message.
nccompagnant les changerucnts de registre et de ton du texle. cc~ gestes et
ces intonations n'on1 l)as été préservés clans Je texte écrit.

Les gens sont pour la plu1>tul habitués à un discours llnéalre. lis s'attendent à
une progression chronologlque ou à uo encbaînemenl des Idées selon lequel
A mène à B. qui mène à C. t:lnlormallque el son cortèJ!e de liens hypertextes
acœssibles en un elle offrent oujOurd'hul la possibllllé de Ure uo texte sans
suivre une progression lln~alrc. Le Coran. de par sa naturt: non llnéalre. est
difficilement accessible à un non-musulman qui n'a pas grandi en entendant
les sonorités du Coran dès son plus jeune âge. On pc>urralt comparer Je
Coran à un kaléidoscope d'images, dans lequel les différents éléments se
reproduisent continuellement en se combinartt c.hàq\1e fols dlff&en1ment. Le
Coran dc>nne rarement l'intégralité. de rhistoire dans un seul pn.ssage. Moise
est mentionné à plusieurs re1>rtses dans le Coran, mals pour co111prèn<lre
pourquoi Moïse est mentionné à 1el endroit.. encore faut·ll tléJl'.I connaître un
peu l'histoire de Moise.

La fan9ue du Coran
La langue du Coran n·est p.u l'ara~ de tous les jours que! parlait
~1ohammed. Certains pe.n,~nt que la langue du Coran est dtrlv~ d"un style
de langue littêrairt élev~. utlllsê et compri.s à traver$ toute l'Arabie du temps
du Prophète. Tout comme la l~ng,1c de Ro.osa.rd et l'Aeadémlc française ont
contribué à façonner le français d'aujourd"hui. rarabe du Coran a exercé une
Influence décisive sur l'évolution de la langue arabe.
L.n langue du Coran ne correapoocl à uueun g.cnrc. llttérnlrc prtcls - ni prose
ni poésie ciasslque. SI certains oontemporah1s de ~1ohanlmcd ae $Ont
den\a11dé s'il était poète, devin. lou ou magicien 1 cela 1non1 rt: bien qu11s ne
savaient pas dans quelle catégorie classer son style, sa 1>arol~. La fa1lguedu
Coran est une forme de prose rimée et ry1l11nl-e.
À partlr d'une traduction. •~ns même Ure te texte. on peul facile1nt':nt se
rendre compte qu'il C$l composé comme de la poésie. ~1ên•e si les vers n'ont
pas un mètre fixe ni un nornbre réglé: de syllabes. il saute aux yeux que la
.structure est plutôt du reglslre de la poésie. La langue <lu Coran fait une large
pla<.-e à 1.ai rime, tous les vers d 'un 1r1ême couplet se terminant par le même
son.

~
~ ~1 ê:me si vous 11e con1prt~nett pa!S l'arabe, si vous voulez sentir l'E:frct c1uit
tJ. i'!'ll peuvent produire les sonorlléis: <lu Coran s ur les oreilles rnusuln1ane.s. ie
~ vous conseille d'écouter vous aus.si la psalmodie de quelques soura1c.s.
t:idéal serait même d'écouler ln psalmodie toul t•l ayant sous les yeux une
trar•slltlérat1on en français du le>Cle arabe. Vous pouvez vous procurer le
56 Première partie : Aux sources de l'Islam _ _

Cora11 toul entier, &011 en 1(7 soit en CO dans de 11ombreuses llbralrles dites
islamiques des grandes villes lrançalses. À Paris, vous pQuveT. èll lrouver de
non1breuse.s dans le\/"' arrondissement et pJus particulièrement dans les rues
situées entre l'lnstll ut clu inonde arabe e t la grande mosquée de Paris.

La datation des sourates


M•m• stles sourates ne sont pas. rartgtts chro- Quels sont donc: 111 mes1101s et les critiras
nolotlquement. peut.on tout de mtmt in dit«? stylistiques qw pe1me111nt de distinguer les
811ucoup de ua<htions mu1ulm1n11 p1rlent de souta1es meçQ~ses des sourates mêdmoi-
I'• occasion de la RevèlatJon • d1 pas.sages ses 1 les sourates lts plus courtes, k!s plus
1pêc1fiques du Cor.an M1theureusemen1. ces poèt1que-s ot 101 plus tyrlques appartienne.nt
cr1drtlons sontparlois en d61aceo1d entre c-lle$ princapslement à le p•11ode de La Mec.que.
t1 généralement les- chercheurs occlden~aux CoJJo.s qlJi sont plus longues, plus prosa'iques
pensent qu'elles n'ont pas booucoup d'intérêt et plus détolllêes opportlonnent il la période de
pour dater les sourates. Médine. Dans la première période, Mohammed
était pnno1pat1m1n1 un ptédlcateur1'adressant
Il esr tnd6n1able que tous les chercheurs,
mosulmans '8t non musulmam. #Ont d'acc;ord
â une assi.s•ant• on grande patUè sceptique.
pour reconnaitre que sui la btse du contenu
ÀMédine, Mahammod •t••tun homme d'Ètat et
un lég1slet1t.1r q\lj 1'1dttss11t i une communauté
11 d.u style, on peut det1rm1n1r 11 lt! sourata
appam.,,nem à la pénod• mocquO<H 1810-1221 composée pnnclpelemtnt de musulmans: 11 tui
thenaJI de r6:;1er del probltmesd·ordrepifat1-
ou a 11 pariode mt.lmo•se (622-8321 da la wiede
que poursuuctwer cettt nowde comnrunaut.ê
Mohammed fcf. chap11r16). Une nul1 sour11e
pt ut conte111rplusieurs rêvtl1110111et111rr1ve Dans ss trlldu<t•on du Coron(1947·1950). l'ara·
Qui ce11arnes 5ourates mecquoc11s cont1ennen1
bisanttrè.s connu Rtg1s Blachète e reconsutu6
une partie qui provienne d'une rdv61etion de la
l'ordre chronologique des sourates~
p6node médinofse.

l 'inimitabilité du Coran (l'iaz)


La lradilion rapporte que Mohammed était lllett~ el Inculte. AlnsL le Coran
est un mlrac1e qt1e A1ohammed ne peut 1>as et'-'OÎr produit toul seul En
plusieurs endroits du Coran, Mohammed défle œux qui ont douté de son
inspiration de produire dix sourates (XI, 13) ou 1nê1ne une sourate (X. 38)
comparables AceUes du Cor.an. Aucun n'y esl pnrv~nu. C'est à partir de
c:e constat que s'est dévelOJJJJé le concept tlu IJu~ (l'lnlinltabUlté clu Coran,
signifiant qu'• 11 ne peut pns @tre ln1t1é •).

Plus tard, les penseurs musulmans, tels les théologiens Al-llaqillani el


AJ-Jurjanl. au•~ siècle. ont essayé de définir ce qui constituait le dogme du
IJa;. de lïnlmllabllll~ coranique. Ils ont souligné le choix et rageneemenl des
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 3 : le Coran 57
mots (nazm). Le fait de changer un mot ou de changer l'agencement des mots
111odlfie tout le sens du texte.
Ce dogme de l'lnlmitabillté coranique a permis des avancœs considérables
pour rendre compte de l'efllcacltê rhétorique du Coran sur les espri!.s et les
cœu:rs musulmans en tout temps et en tout lieu. Les chercheurs modernes
- 1nusulmans tl non musuhnans - comn'lenœnt à ut111ser des techniques
inodernes d'analyse littéraire pour lalre avancer la compréhension du
Coran et amé.llorer la.qualité des traduct Ions. Certains auteurs musulrnans
du XX' siècle, tel Sayyid Qutb (1906-1963), ont essayé de véhiculer un Islam
qui s'adresse de façonplus convaincante •u monde moderne. même si
au)ourd'hul tous ces penseurs sont suspectés de torts qui n'en sont pa.s.
Outre sa valeur artistique, Sayyid Qutb met l'accent sur la valldl!é des
1>rophéties du Coran. sur sn législation avisée qui esl oujourd'J1ui tout aussi
valide qu•à l'époque de t\.toha_mn1ed et sur so11 aptitude à anticiper sur les
connaissances scientifiques modernes relatives à l'homme et à l'univers.

Thèmes récurrents dans le Coran


En dehors des aspects structurels de la langue du Coran. il est également
lncéressant de regarder les tltments qui composent les diverses sourates~
Neil Robinson, dans son livre Intitulé Dkouverte du Co10n paru en 1977 à la
l'Tlnlty Press International, parle de six .. registres» ou Lypes de discours qui
composent les différentes sourates .
.,.. Les passages dirigés eontre les adversaires palens de La Mecque et plus
ta.rd contre les• hypocrites • de Médine.
.,.. Les signes qui auestent, par exemple, de la puissance de Dieu qui
ressusclle les morts .
.,.. Les révélations laites à Mohammed, y compris son appel.
.,.. Les signes qui annoncent la lin du monde et le Jugement dernier.
J."' Les éléments qui servent à établir la vérité du n1es.sage et de son
messager.
.,.. Les récits, tels ceux des premiers prophètes qui ont prévenu leur PéUl>le
de la destruction Imminente qui les attend s11 ne se convertissait pas.

Selon Robinson, les six types de reglstres différents peuvent se retrouver et


se combiner à l'lntérleur d'une même sourate. Ce qui ressort à la pre1nlère
lecture comme étant une série d'unités indépendantes peut dès lors l!.tre
compris comme un ensemble cohérent. li est bien ~ldent que la grllle de
lecture de Robinson d'apr~s les six retlstres différents n'est pas la seule
manière d'analyser les éléments répétitifs. On pourrait par exemple en
•Jouter d'autres : des sermons. des passages à caractère Juridique e t des
1>araboles.
58 Première partie : Aux sources de l'Islam _ __ _ __

o·autres chercheurs se sont essayé à classer par thèmes les domaines


abordés par le Coran. A. A. lslahl. un e.égète du Coran qui vit en Asie du Sud,
répartit le contenu du Cora11 en sept cat.é.gor1es, chacune traitant d'un thème
e11 particulier :
v La loi.
v La ttllgk>n d'Abraham {englobant le Judalsme, le christianisme et l'islam
- les trois rellg'oons se rtclament d'Abraham - cf. chapitre 16).
Y" Le co1nbat contre la vér1t~ el le mensonge.
,.... La preuve que r-.10J1an1n1ed est bien le ntessager de Dieu.
v L'unicité de Dieu (qui découle du monothéisme et considère que Dieu est
unique et n'a eu ru enfants, ni parenu. nt conJoint).
v L.c Jugement.
V Les admonestai ior1s aux Incroyants.

Cette c.Jasslflcatlon par thêmcs pe ut être titlle à un lecteur non musulma.n,


mais ne correspond pas à la stntclure du Coran.

Le Coran, une « parofe muftian9ufaire »


SJ l'on regarde des so1nrnets enneigés depuis l'est. on ne verra pas la
mëme chose <tue si on les regarde depuis le S\1d. On découvre une autre
perspective. un aut1e angle de vue. En combinant ces points de vue
différents. on arrl,oeà se faire une idée plus compl~e. plus riche de la
monlagnc. En arabe, ce pr~dé stylistique QUI consiste à cllanger de point
de v\1e en cl1nngea1tt (le pronom personnt:I, cle genre, de nombre ou le
temps d'un vcrlJe, par exe1nplc. s·appelle l'i/1ift11. Il est souvent utilisé dans
Je Coran pour provoquer des effets rhétorlc1ues partlcullel"S. Le• Nous" de
maje.stê s'applique à Dieu et glorifie sa transcendance. Le• je• don11e u_ne
Image plus personnelle de Dieu. En arabe comme en hébreu, la notion du
temps est rendue sous deux aspects - l'accompli et l'inaccompll - plutôt que
sous la forn1e du passé et (lu futur comme en français. Dnns le Coran, on
rencontre fréquen1)nent lee chnngenicnts de 1cn1ps au 01lllcu d'un passage.
Le sujel gran•1natical navigue égale.ment entre te• moi'" et le• Nous "• voire
même• Lui "el divers nom.s tels que• le Seigneur•. tout r-ela dans la même
unité de textc. L.cs musulmans considèrent ces divers décalages comme une
manllestJllk>n de la richesse du Coran.
Chapitre 3 : Le Coran 59
Interprétation du Coran
c·est une tradjtion bien anc-rée dans l'blam que de comme.nter $(?$ tcrîtures
s.nlntea. C'eat ce que l'on appelle le tafsrr, un mot qui tignlne" explicitation•,
Les Interprétations ont commencé avec Mohamme<l r6ponclnnt à des
questions de •es disciples. Ainsi, Aicha ( la jeune ~pouse de Mohanuned)
l'n entendu dire : 11 Celul qui devra rendre des compte:s sern punl. •Aicha
a coi rlgé Moha.m med en c itant la sourate LXXXIV : • Il sera soumis à un
j ugcmcnl rac11e "• Impliquant un juge1nent rr1olns Sévl!re pour les pécl1eurs.

Mode d'interprétation du Coran


L.e con11nentalre traditionnel comn1ence par la sourate 1, 1 et examine tous
les versets les uns après les autres. Le commentateur doit citer le verset en
~nt Ier puis rétudie en le scindant en unités de s.ens et p~sente ses ré(lexions
sur chaque expression. Cela permet d'élucider le sens d"" mots et des
expressions mais ne permet pas de donner une Interprétation globale du
texte dans son Intégralité. !:auteur explique tous lts mots et éclaircit certains
pointa de grammaire, mentionne roccaslon de la Révélation si une tradition
approprltt existe. Inclut des romment<lires appropriés liés au passage
concernant !\1oh.ammed~ SM compagnons ou ses successeurs. e.t renvoie
à d'autres passages du Coran qui contribuent à expliciter le verset qu'il
étudie. Il peut préciser les Implications juridiques ou rituelles du passage
en question ou discuter les quesMons philosophique• el théologiques
qui en découlent. Le théologien peut égale111en1 faire cles observations
rhétoriques. Il n'expliquera pas le passage en fonction du contexte historique
ou n'e8solera pas de Je rap,po rter à son propre tc1nps. l..e commentaire
d'At·Tabarl (8:J9-923) en 39 volumes est l'un des commentaires les plus
lmportarits. At-Tabari opère une dis1lnetlon en1 re les versets que. chacun
l)CUI co1nprendre. ceux que seul Dieu peul co1nprendre el ceux que le lecteur
ne peut con1prendre que parce qu'ils onr été expliqués par Mohammed.

Interprétation exotérique et ésotérique


Jusqu'à prtse-nt. je n'ai parlé que de l'interprétation exottr1que (::ohir). qui
tn11te simplement de la signification llUérale, •en surface•, du texte. Dans le
pa.ss~. nombreux ont ~té les musulmans qui ont fait remarquer que Je texte
était lisible à plusieurs niveaux et qu'il avait aussi un niveau de sens caché ou
~sotérlc1ue. Cette Interprétation plus en profondeur du sens caché s·appelle
le ta 'w il. Si certains penseurs sunnites. plulôt attachés au se1is littéral. ont
reJeté cette Idée du ta"wil. d'autres chez. les stu1nttes ont reconnu la Jégitimltê
de ce ly~ d'lnlerprêtaUon et ont même fait remarquer que le Coran prévient
p11rfols que la clé de lei ou tel passage réside dans son sens caché. Les
60 Première partie : Aux sources de l'Islam

exégètes soulis (n1ystiques) onL souvent 1ninimisé la valeur du sens llttétal,


privilégiant une lllter1)rétation allégorique visant à lllun1lnet le Sêns spiritueJ
clu texte. l.es e.xégète-s chiites onL mls f'acceJ\t sur le seas intérieur (ba.tin)
transmis par 'AJI. p11ls par tous le.<t imams chiites qui, à la dlfrérence des
exégète$ sunnites, ont la facultë de fourni!' de nouvelles interprétations des
textes. Pour les souns et les cl1ilt~. <:ette signification intérieure est SOtlvettt
plus pertinente c1ue la significatioa extérieure du 1exte.

l es versets abro9és
Le concept de l'obrogution (naskh) signifie que Dieu a révélé quelques versets
du Coran qu'il a annulés (abrogés) ullérieure1nent. L'abrogation s'est révélée
particuUêremenL utile dans deux cas de figure particuliers.
,,- Cas où deux versets du Coran sont en conffit l'un a'•ec l'autre.

1 V Exemples où la loi islamique fondée sur la tradition el les coutumes est


en conflit avec;; des a(firmations contenues dans le Coran.

On trouve dans le Coran trois passages (sourates 11,106 ; XXII, 52 ; XVI, I06)
qui Jusunent le recours à l'abrogation. dans la mesure où 1'011 trouve le terme
de naskh ou un synonyme en1ployé. daJlS le texte pour indiquer un verseL
qui a é té supprimé J)ar Dieu ou ren1placé par d'autres. l..a so11rate XXII. 52
est habitue..llement considérée comme se rapporttu1t à l'épisode des versets
sataniques (cf. c l1apitre 5) en faisant allusion au verset où l'existence de trois
déesses est révélée à Mohammed par Satan, e l non par Dieu (sourate LIU, 19).
Dieu a par la suite annulé cette rév~lation. Du vin" au x111 siècle. les l héologiens
ont eu J'J1abll ude de dresser des listes de versets abr<>gés et abrogeants.
La liste la pJus ancienne que ron connaisse co111porte 42 versets abrogés
mals U y en a eu d'autres : on a retrouvé une liste qui date du x1• siècle et qui
mentionne jusqu'à 238 versets abrogés.
La (orme la plus coro1t)une d'abrogation est celle ot:J Dieu ;ionule une
règle, mais où l'on conserve le verset lul-nlê1ne (tans le Coran. Pour mieux
cotnprendre con1n1ent s'applique Je J)rincipede l'abrogation. comparons trois
versets qui parlenl du vin à boire. La sournte XVI. 67 1nentio11ne le vin comme
un cadeau de Dieu, tout comfr1e la nourrilure. La sourate IJ, 219 dit que du
via on peul attendre le pire et le meilleur, mais que le pire est souvent plus
prol>able.. La sourate IV, 43 met en gnrde les <:royants contre Je fait d'nrrlv~r
Ivres à la prière. La sour<ttê V. 90 dit clairemenl que le vh1 et le fett sont des
œuvres de Satan. On voit bien ici que le CO•lCepl d'abrogation ''ise â rësoudrc
de.s incohérences qui mettent en péril la cohérence d'ensemble du Coran tout
entier (il ne peu1 1>as Indiquer une chose à un endroit et une chose contraire
à u11 autre endroit) et à clarifier la datation des passages.
Cha pitre 3 : le Coran 61
Le CQran dans la vie <{UQtidienne
Beaucoup d'enfants musuln1ans apprennent à lire en étudiant le Coran.
Quand ils grancllss-ent, Us entendent les 1>salmodles du Coran à la radio
et à la télévision. Partout où ils regardent, ils voient des versets du Cora.n
ca1Ugraphlés de façon artistique. Cette section s'intéresse à cet aspect du
Coran dans la vie quotidienne des musulmans.

Apprendre à lire atlec le Coran


;.\vant l'intrO<'luctioo de sysl èmes .scolaires rnocJernes, acçesslble$ à tot1s,
gérés par rttat et calqués sur le modèle eur opéen. l'instruction primaire se
faisait en •PJ)refiant à lire Je Coran dès l'âge de 7 ans. Auj ourd'hui. ce type
diécole cor anique locaJe ronctionne touj ours en parallèle avec le systèrne
éducat1r public. Dans les pays 1nusulmans-, les écoles publlque-s intèg·r ent
l'éducation religieuse et l'étude de l'arabe dans Jeurs progran1mes scola1rcs.
IJ faut se rappe ler que l'arabe n'est pas la Jangue maternelle de la plupar t des
enfar1ts 1nusulmans.

L'lroage d'ÉJ)ir1al de ces écoles coraniques est celle de ce v illage d'Afrique de


l'Ouest où j'ai vu u1l jour un grou1:>e de j eunes étudiants regroupés autour
d'un professeur avec ardoises, stylos, encre et Je Coran en guise de manuel
scolaire. Le professeur conunença par les cieux pre1ni.ers versets du Coran.
expJlquant le nom et Ja prononciation de chaque nouvelle lettre au fur et
à mesure qu'eJle se présentait, jusqu'à ce que chacune des 28 lettres ait
étê apprise. A1or s l'étud iant commençait à combiner les lettres avec les
dl ffét entes voyelles, uti lisant certains passages des sourates CV.CXJ, ai nsi
que de la première sourate. Ensuite.. les étudia_ •ll$ con1blnent les syllabes
pour fa1re des mots jusqu'à ce qu11s puj ssent répéter les deux premiers
versets de la prentlère sovrate 1. Jusc1u e~ là. Il s'agit simplement de lire e t
de réciter le Coran. En.suite, l'étudiant apprend à écrire. Il commence par
t racer le contour des d ifférentes lettres d'apr~s l'exemple donné par le
professeur. À chaque é tape. Je professeur corrige. Quand il sait li re~ réciter
et écrlre, 11 a couvert environ un quart du Coran, La minorité. des êtudJa.n ts
c1u1 per sévèrent jusqu'au bout (quatre a1)s ou plus) savent récite r e l écrire le
Coran tout entier. Ce résultat ln1press1onnant est marqué par une céré monie
de remise des ctï1,Jô1nes et des récon11>enses offertes à J'étudla111 et 1'11,.1
professeur.

Réciter le Coran
La récltatfon du Coran (lilauxi) est un art particuliêrenlent à 1'}1onneur
clans les pays musuln1Ans. Elle confète au récJtant comme à raudlteur une
bê11édict ion particulière (baraka). Celui c1u.1connaît le Coran par cœur peut
s'e.n orguellllr du titre de /1afiz, " celui quJ conserve le Coran dans son cœur 11,
62 Première partie : Aux sources de l'Islam _ __ _

En théorie. 1oul n1u.sutman prêt à y consacrer sufflsomn1en1 de temps et


d'énergie peul fatre ce1 effort de mémorisation. L'art de la récitation. es1
revanche. n'est 1>as (fonné ri tout le n1011de. C'est une forrne d'art. Oa.n s les
pays n1usuln1a115, Il ex1s1e cles concours de récl1a1Ion du Coran qui sonl
de grands événem~nts. Ces Joutes récital Ives sont orgnnlsées sur le même
principe c1u'un tournoi de sport ou u tl concours d'ortllOgraphe: les gagnants
au niveau local co11c."Oure11t au niveau supérieur et ainsi de suite jusqu'au
niveau nation.al. voire International. Ces concours sont particulièrement bien
organisés en lndon~sle, ou Maroc, en Arable même et en Égypte.
Certains récltarits parviennent à acquérir un ran3 de 1>rOfttsionnel dans l'art
de la rêcitaUon du Coron qu'ils pratiquent lors de manll"11tatlons publiques
ou privées. t.eurs psalmodies du Coron sont en reglstr~es sur CD et diffusées
à la radio et à la tél~vl•lon. t.es rëcitants égyptiens jouissent d'une réputation
de haut niveau et sont cités comme référence dans tout Je 1noncle musulman.

Tajwid : techniques de ti/awa


Le sourate LXXIII. 4 précise qu'd convient de .,.. l.amujawwadutun style de récitstion plus
r•crtar ~Coran tan1.em1nt •I dt.Sunc1•mtnt.. Au mâlodique tt plus ornemental. tinterprëte
cours de-$ siècles. des techniques sp6c1fiques fait mon1re de son 11l1n1 11 da son style
dt rte1tabondu Coran sa son1 dhtloppées. les perticuher Le muj1ww1d ne convient
r6gles de p1ononcia11on ett'ert dt la réc1111ton pas dans 11 cadre du cuita, et peut même
portent le joli nom de ta1w1d(• lt fait de rendre ressembler à une version chantêe, ou du
bolle •la rècllationl. Le ta1w1dp01rt également moins psalmodiée, ç1r on ne• chante, pas
s'oppllquar a toute forme do récltauon, de la I• Coran en suivent une ligne mélodique
plus ordloeireà la plus rellinée. prédétermln6o.
Il existo deux styles dlflérents Les rêgtes du ta}wid incluent non seulement
~Le muractalest la form1 de r6c11a11on fa
plus
ran el la manière de réciter mais egalement
conservatrice et 1a moins m6lod1que C'est d".autres cond1tlon1 imposéu 1u récitant, teJles
que la manière et le moment approprié- pour
la forme utilisée dans le cadre de pratiques
se nettoyer la bouche, pour la r6cltation et la
Mes au cuh.e.. l& rée1tat10n li't lente et vtse la
plus grande clarté (tall>I) dans I' 6nonC1ahon
façon de fair• pour sa m1tu1 dans la bonne
attitude du cœur
du t&lte enveMlantà b11n 1rt1cul•r les mots
du te.xte. le muratral•st proche de la forme
uuhsh par Jes étud1-ants m111s 1vec en plus
un aspect dêcJamatoue,
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 3: Le Coran 63
L'art de fa caffi9raphie en homma9e
au Coran
La reproduction du Cora_n à l'écrit est aussi Importante que sa récitation
orale. La calligra phie est l'une des deux plus g,r andes formes d'art (avec
l'architecture) qui exprlrnent le génie de la c·u tture musulmane. Comme la
récitation professionnelle, la calligraphie est une compétence professionnelle
fortement honorée qui nécessite des années de pr atique pour parvenir à, une
certaine maîtrise. Ce rnême niveau de perfection recherché ne se retrouve
que dans la calligraphle chinoise.

Deux grands styles de calligraphie se sont développés au début de l'islam


(par la suite, d'autres formes d'écriture ont vu le jour) .
v L'écriture 11 coufique" (koufique) est une rorme d'écriture plutôt
angulaire. épaisse e t utilisée pour les Inscriptions -officielles.
Y" Le naskhi est une êcrlture cursive plus ovale, plus arrondie.
~ On distingue encore le style othma.nlen et le style maghrébin.
Y' Tous ces styles sont Je reflet d'une série d'écoles de calligraphie qui ont
vu le jour à Bagda.d el à Damas e l qul ont proliféré par la suite dans tout
l'Empire musulmrut.
On trouve d.e s calllgraphles de versets coraniques dans des co.n textes très
variés :
Y' Ils ornent les murs d'enceinte des mosquées et d'autres bâtiments
religieux.
Y' La to11e qui recouvre le sanctuaire de la Kaaba, â La ~1ecque, est ornée
dans le haut d'une frise où sont brodés des versets du Coran.
~Des versets courts, appropriés, figurent à l'entrée des écoles, des
hôpitaux et d'autres bâtiments. Les palais de !'Alhambra (Grenade),
du Taj Mahal et de Topkapi (Istanbul) sont re<:ouverts de frises
calligraphiées, gravées directement dans le stuc ou dans le marbre . Là
plupart des grandes mosquées musulmanes, les mausolées, les musées
et les oratoires sont également ornés de la sort·e.
,,.... Certaines sourate.s ou certains versets servent de taUsman censé écarter
la maladie et le mal.
....- Bien qu'elle soit contestée par les théologiens co11servate\1rs, oil t rouve
encore la pratique qui consJste à recopier un passage du Coran, puis à
le tremper dans l'eau pour djssoudre J'encre et boire le liquide obtenu
censé agir comme une potion aux vertus curatives.
64 Première partie : Aux sources de l'Islam ------~~------

Ouverture du Coran avec fa Fatiha


Voici en guise cl'lnltlal Ion au commentaire coranique une brève discussion
de la Fatiha (sourate I, Io " Co1n1ne11çante •ou Io. " Llrntnn1rc •). La Fatiha est
c.ensé contenir à elle seule la totalité du Coran. EJle est de Join Ja sourate la
plus souvenl r~cltée. Outre les dix-se.pt lois quolldltnnes oil la Fati/10 est
récitée dans les prières, les musulmans prononce11t la Fat/ha en toutes sortes
de circonstances : à l'occasion de la signature d'un contrat. en hommage à un
défunt au cimeti~e. pour demander la guéri5on d'une personne (on l'appelle
êgalement la• sourate de la guérison•)- la Tradition rapporte que, quand la
FaJiha a tté rtvélée. le dlablt a pleuré.• Puisse Dieu rouvrir pour vous• est
une formuJe raccourcie de cette prière.
La Fc1;ha a trois pari les : Invocation. aJfinnatlon et fin nvec la pétition. Le
schéma ryU1n1lque est slmJ>le: tous tes versets se terminent (en arabe)
par lnl •ou ~ hl•. Chnque vets correspond à un verset. l.a sourate XV, 87
(1

(ait alJusion aux 11 scp1 versets souvent répélés • clu Coran, ce qui, pour
beaucoup, correspond aux sept versets de la Fat/ha :
Au nom de Dieu. le Tout ~fiséricordteux, le mi M1sir1cord1eux
Louange li Dieu, Sellln•ur de /'uniuen
u Tout M1ûnconlieux, te Tres Miséricordrewc
Maitre du jour de lu ritril>uti<>n
C'esl toi seul que nous adorons et cèsl toi M!UI dont nou< implorons le
secours
Gulde·nous datrs Je droit chemin
Le dtemin de ceux que tu as COlnblés de faVf!un;, tto11 pos de ceux qui ont
encouro ta coll!re 1ti dé-S égarés.
l..a Fotilra esl la seule sourate clans laquelle la bas1nollült (l'exp ression
qui comn1ence par • nu nom de Dieu•) est con.sidérée comme uneJ)artie
intégrale de la sourate plutôt qu'une préface à celle-cl. Dt même que l'on
considère que la Fa1iha est équivalente à la totalité du Coran, de même la
basmallah est équivalente à la Faiiha tout entl~re. l.es deux attributs traduits
k:l par• le Tout M1slri«>n11eux. le Très JlfiséritonJieux • vlen,,.,nt du mot arabe
dtrivé du mot qui qualifie le ventre maternel Cl témoignent du soin que Dieu
prend des hommes comme une mèrê prend soin de ses enfants. Le premier
attribut sert unique.ment à Dieu tandis que le second peut s"applique.r à Dieu
et aux hommes qui devraient s·eftotcet d~acquérlr les atlrlbu1s de Dieu.

Le verset 2 est à l'orlghte de l'expression ~tal>e la plus connue. Al-hamdulillalt


(louange à Dieu). l..a syntaxe est norninale, sans verbe, cc qui signifie que
le verset ne dit pas• louez Dieu " ou • que Dieu soit loué o mals qu·u énonc:.e
silnplement un fait (11 la Jounnge revient à Dieu 11), Dilns ln cleuxlème parue
d\1 verset, les nJondes (pluriels) incluent tout ce qtll n'est pas Dieu. et ainsi
n'impliquent pas Dicta en tant que créateur de cout ce qui est.
_ __ _ _ Chapitre 3 : Le Coran 65
De méme que Dieu seul est au début des temps. de mêtne, au verset 4, lul

·{ j) seul subsistera à la fin clu rnonde et au Jour du Jugem.ent dernier. Le ridèl.e en


adoration est cité au verset 5 ob Il s'adresse personnellen1enl à Dieu ( Je• tu 11
eat Introduit alors que précédemment. dans les versets 1·4, les références
à Dieu s'exprime11t sous fornle de phrases nominales. Le verl>e " adorer "
traduit Ici un mot qui en arabe veut aussi dire• servir•· " Nous" l) lace le
c royant dans le cadre de la communauté des croyants. t:homme se soumet à
Dieu (rappeJez·vous que le mol • 1nusulman •signifie • celul qui se soumet à
Dieu •) ; en échange. Dieu aide celui qui l'in,•oque dans le besoin.
• Le droit chemin • (verset 6) est une métaphore fréquemment utlllstt
dans la religion islamique. Le droit chemin est une route blen tracée, par
opposlt1on à un chemin étroit et tortueux. Les routes bien tracé.es sont rares
dans le désert." Gu1de--nous •prépare le lecteur A la sourate Il. où le. Cora11
est présentécomrne 11 un guide pour les croyants "·
Le verset 7 conclut en 01>posant lè destin du c royant à cclul cle l'lntroyanl.
" De ceux que lu as con1blé de ft1ueurs .. sont tous ceux que Dieu a l>énis en
raison de leur fol e t de leur sou1nlss1on. Rernarquez que le verset ne d it pas
que Dieu est fâché par l'Jncroyant. Il dit que sa colère e.sl sur eux parce qu"ils
ont quitté le droit c hemin (et se sont égarés).
On termine la lecture de la Fat/Ira "" disant • amen •.
Chapitre 4
rislam des premiers temps
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ••••••••••••••••• • ••••• •••• •
Dan$ ce chapitre :
.,_ l..e caJlfat avec les successeurs du prophète Moharnn'lé(l
~ L'âge d'or de l'Empire omcyyade el de l'Empire abbasside
... Co1nment le pouvoir a évolué l ors des deux premjers siècles de r'islam

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• • • • • •••• • •••••••••• •

L 'Is lam n'est pas s implement une religion pr<1tlquée pat cles hldlvldus
unis p~r
une recherche et une autorité spirituelle commuoes. c'est uaé
religion qui vise â organiser toute la vie de la con1ntunauté des croyants.
Pour comprendre l'Islam, Il faut bien sûr s'lntéresser à la vit du Proph èt.e
et au livre du Cora11, n1ai~ Il faut aussi songer à ses lmplicat1ons politiques
et culturelles. Ce chapitre -v ous propose.ainsi de re1nonter au>c sources de
l'islan1 historiq(le: Il vous explique les grandes 11gnes de l'histoire de l1slan1,
qui donnent sens aux concepts développés plus lo1n.
Encore auj ourd'J1ui, les 1ousoh1..an$ (tul c l1er c l1ent un modêle de
got1vernemenl se ré.fère11t aux tJre1niers te1n11s de l'islam, qui est toujours
sour<..'è d'1nspirat.lor1et cl'ln11tatlon. Pour un musuJman. cette période
ronda.trice reste encore d'atlttàlité et pertinente. C'est à cette époque
que l'Islam s'est structl1ré du point de vue culturel, politique et religieux.
Pour comprendre ce qui se pas$é a1Jjoutd'hul dans le monde musuln1an, il
faut revenir à ces années de formation qui vont de 632 (111ort dt.• prophète
Mohammed) à la chute de Bagdad en 1258.

Une histoire riche de 1 400 ans


On peut découper l'histoire des débuts de l'Islam en trois périodes. La
première correspond à la période du califat des quut.re suc<:esseurs du
prophète. À cette époque. l'islam. né en Arabie, se répandit rapidement en
Syrie. en Irak. en tgypteetjusque dans certaines parues de l'Iran (632-66 1).
Vint e1\Sltile la pétlode cle la pren1ière dynastie où le pouvoir res·ta entre
les mains d'une seule et 1t1êrne fa1n ille pendanl plusieurs générations. Les
Orr1eyyades (661·750) choisirent Damas co1nme capitale pour régner sur une
68 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - - - - - - - - - -

communauté t.slamlque hn1>1antée sur un territoire allan1Jusqu'aux confins


de l'Jnde à l'est el jusqu'en Espagne et au ~1aroc à l'ouest. Les empires
finissent toujours par décliner et la <lon1h1alion on1eyyade avait Uni par
susciter bien de!\ Cc)llvOitl8es. À l'issue d'un assaut victorieux, le chef de la
famille abbasside prit le pouvoir : la dynasl ie Orncyyade lut remplacée par
la dynastie abbasside (750-1258) qui installa so cnpltalc à Bagdad. Cette ville
devint à la fols le centre du pouvoir politique et un foyer de rayonnement
culturel.
!:Islam a •ulourd'hul une histoire riche de 1400 ans. Actuellement, ses
fidèles représentent environ un cinquième de la populatlon mondiale, et
dans le passE: sa do1nlnation s'est exercée sur des rones gOOgraphiques
largement plus étendues que n'importe quel aulre empire au monde. Vous
imaginez bien c~u·u est hnpossible de résumer en Utl seul chapitre l'histoire
et le rayonneinei1t de cet1e rellgloo. Il l'n•est in1posslble Jci de ret racer 1ous
les grands n1omenls de l'histoire de r islam. au r1sque de vous e nnuyer avec
de longues liste$ fas tl clleu~es de dates et de norns de dirigeants et de lieux
aux consonances surprennntes. Voici en particuJler les grands 1norr1ents
de rexpanslon de l'l11am c1ue je n'aborderai pas clous ce chapitre. Pour en
savoir plus sur ces aspec1s, vou.s pouvez consulter, entre autres ouvrages
intêressants. ce.lul de Clifford Edmund Bosworlh.. les Dyrtostles musulmanes
(~Ilions Slndbad. 1996).
"'!:islam 5.,.11mp~n1é du XII" au,,.,. siècle en Indonésie, actuellement le
plus grand pays musulman.
"'1'rès rapiden1en1. l'Islam s'es1 développé le long des côtes d'Afrique de
l'Est. puJs a progressé à l'intérieur de cette zone pour toucher ëgalen1ent
l'Alrtquc de l'Ouesl. finissant par s'imposer comme ra religion dominante
dans la partie nor(I cle l'Afrique sub~saJ1arlenne.
.,. À l'époque des Omeyyades, le domaine de l'Islam gagne le Monhreb
et l'Espagne. Son lmplan1a lion dans cette réglori présente des
caractérlstlqt1cs particulières liëes à J'hlsto1re e t à la c ivilisation des
territoire$ conquis qui sont aujourd'hui la Ubye. la Tunisie, l'Algérle, le
Maroc et l'Espagne•
.,,,.. l'islam s'est ~gaJement Imposé comme la rclfglon dominante en Asie
cenlrale et dans les réglons montagneuses du Caucase. de la mer Noire
jusqu'aux confins de la Chine. Ces territolre:11 fa1salt:nt partie jusqu"à ces
dernière$ années de l'Union sovléllque (cf chapl1re 21) et constituent
aujourd'hui d~s t1a1s Indépendants nouve llemenl c réés.
v J'ai votontalrc n1cn1 01n ls de parler des tra.11.sfor111f\tlons qui .o nt agité
le cœur J1istorlque <le l'lsla1n dans la période qui va de la fin de l'ère
abbasside à l'én'lergtnce des Empires otton1ans e t safav ides dans cette
région que l'on appelle aujourd'hui le Moyen·Orlem. À celle époque.
les dynasties se succ~<lèrent sans qu"aucune pnrv1enne à exercer un
contrôle durab1e aur rensemble des tet'r ltolrcs.
- - - - - - - - - - - - - Chapitre 4: l'islam des premiers temps 69
Le domaine de l'islam (dar al-Islam)
(a mission de l'islam estd'étendre le règne de votsin non musufn1an pour rintêgrer au dflr
Dieu sur le monde entier. En termes concrets, al~lslam.11 y a eu également des débats pour
cela signifie que- le monde entier devrait être savoir si une personne peut vivre correctenlent
islamisé. En israrn, le monde estdr.. isé e(I deuK sa foi musulmane quand elle ne vit pas Clans-un
domaîn&s, le domaine de l'islam et le domaine= État istam.ique. Pour cert11ins, ceux. qui, du fait
qui ne connaî1 pas ençore l'Islam · de mo.dlfications de frontières politiques, se
re1rouventdans un État non isJamtque devraient
>'le dar al-Islam (domaine de l'is!>m) carres· émigrerpourstinstèlter dans un. Êlat islamique
pond aux régions qui sont déjà islamisées-.
(cette position est çoinparableâ celle.dcsjuif•
les musulmans cqnsidèrenl que c·esl la qui con$idèrent que les iuifs de la diaspora ont
volonté de Dieu que son règne srétende sur uno obliganon religieuse'il émigrer vers lsraëll.
le monde entier afin que tous les hommes Aujourd'hui, ces débats sont encore d'acllJalltê
vivent selon son pla;n et sa IQj.
au sein de l'islam. en particulier à propos de
,...le dar al-haro ld0111ilino de la guerre) co1- l'émigration massÎve de musulmans vers tes
respood aux régions qui ne .sont pas encore pays occidentaux.
Islamisées. Oîeu demande aux musulmans ~e­
La trad11ction du mot dsr (comme dans dor
faire en sotie que toute l'humanité refoigna al-Islam) est difficile a rendre en français. La
Io giron da t'tslam (sans pour &utantimpo~r
racine do ce mot arabe vîentde l'idée d'« encer-
ra çonversfon f-01cée), cler .. Avant le prophète Mohommed, lemot dar
""'On mentionne parfois une t1oisième enté~ désignait le campementcirculalre d'un groupe
gorîe. le dar sl·sulh (domaine de la uève) nomade, Il désJgno &gaiement l'espace dans
qui correspond aux LDrritoîres qul sont an lequel vil une famille. eu sens large du terme,
relation. par dés traités, avee le dar al-/$fSm délimité par des murs, par oppositionâ la maison
san~ être encore sous la loi is-lamiquo proprement dite. C'est pourquoi le mot français
do 11 domaine» ou celui de« propriété• parais·
Les penseurs de l'islam Qnt longuemenl débatw sent los plus apteS'à rendre ces notions fiées à
pour savoir commantdéfinir les zones géogra- l'hebitat le mot dar es1 fréquemment traduit
phiques qui peuvent être validement considâ~ on français par 11 maison» ou • demeure 11 La
rôes. comme faisant partie du dar al·ISlam et notion d& dar al-lslen1 renvoie ainsi à l'fdêe
dans que11eS' circonstances une région peut d'un domaine délimité à l'intéf1eur duquetJa
cesser d'en faire parlie. Ils ont égalemenl communauté: musuJmane demnuro a l'abrl du
discuté des co11dîrions-danslesquelles un État danger sou~le <égirne de la lol divine.
tslamiqué péut entrer en guérre avac un État

Les '{uatre califes bien 9uidés


À s·a mor·t. le prophète Moha1nn1ed nvalt assis les fondements d'llne nouve11e
·religion et d 'un nouveau type de régirne polltlc1ue. Il n'en reste pas moins
vtnt qu'au plan religieux comme au plan politique. les êvolutions ultérieures
70 Première partie: Aux sources de l'Islam - - - - - - - - - - - - - -

influèrent sur la religion islamique et s ur le mode de gouvernement des États


lsla1nlques. Ce chap1tre LraJte 1>lus J>artieuliè re1ne.1ll des aspects de l'islam
((ui façon11èrent la vie politique et culturelle des nouveaux croyants. Cela ne
doit 1>as nous fai re oublier' cependant que, pour 1,111 nltJSuhnan. la l'(!llg1on el
l'État sont én relation étro ite.

Voici un aperçu des prinei1>aux défis 1>-0litiques <1ue la toute jeune


communauté musul mane instal lée à ~1êdine eut à résoudre et à mettre en
œuvre dans les deux premiers slècles de son cxlste11ce.
V La communauté musuhnane, cimentée par la nouvelle religion pour la
première rots dans l'hlsto1re du monde ara be,, survivralt·elle à la mort de
Mohammed ? Ne risquait-elle pa.• de se défaire à ce moment-là?
Y" Si elle parvena.it à durer. qui allait prendre la tête de la communauté? Le
dJrtgea.11t devrait-Il exercer à la rois l'autorité politique et rellgleuse ou se
contenter d'être. le chef-politique de la COLnmunauté?
Y" De quelle nature allait être cette communauté: large.ment ouverte à tous
ceux qui ne se mettaient pas explicitement en dehors de l'Islam ou au
contraire repliée autour des croyants strïctement orthodoxes ?
V La communauté musulmane devrait-elle rest er lnté:grêe dans un État
arabe ou au contraire acéueillir les non-Arabes sur un pied d'égalité?
Y" Coin ment consolider et institutionnaliser l'islam ?

~ Le. 1not calife signifîe " successeur" ou • représentant "·Adam. par exemple.
a+ est considéré com1ne le calife de Dieu - le représentant de Dieu sur terre.
Le Ut re de calife décerné à un dirigeant musulman est la !orme abrégée de
l'expression • calile (successeur) du messager de Dieu •. U existe encore
aujourcrhui un n1ouvement polltique Q\li r>rône le rétablissement du califat.

Le choix d'un successeur : Abou Bakr


(632-634)
Pour éviter que la communauté politique façonnée par le prophète
Mohainmed ne se défasse à sa mort, U était urgenL de prendre des
mesures décisives et rap1des. Qui donc allait pouvoir prendre la téte de la
communauté? Quatre groupes pouvaient JégitlmemeJ1t prétendre à jouer ce
rôle:
v Les habitant• de Médine qui avalent soutenu Mohammed (les
"aides 11) : même si c'est à ~1édlne que Je proph~te Moha1nmed a 1er111iné

1 ses jours, les habitaJlts de cette vi lle auraient pu craindre que l'él ite de
La ti.1ecque ne che-rche à restaurer sa suprématie sur les Arabes.
___ Chapitre 4: l'islam des premiers temps 71
v Le.< chel• ICll plua lnOuentl de la t ribu qoraycbite : cette tribu s'etan
convertie à l'Islam peu avant ou Juste après la conquête de la Mecique
en 630. Elle considérait œpt!ndant qu11revenait à run de ses chefs
l'honneur de prendre la dlrec1lon d'un ttat fondé par u.n des membres
de aa lignée car. pour elle, Mohammed étant qorayehlte. Il fallalt que son
sucœsseur le soit aussi
V 'AIL le llb de l'oncle et tuteur de Mohammed, Abou Tallb : le
prophète Mohammed avait pris 'Ail chez lul. 'Ali avait épousé la seule
fille survivante du prophète. Fatima. w enfants de 'AU et de Fatima
étalent les hérltl<:rs directs de Mohammed. Les partlaa0$ de 'Ali
considé.raJcnt que la dlrtttk>n de la communauté devait rester dans
la famille de Mohammed et que le Juccesseur de Mohammed devait
poursuivre dans la vole du Prophète en aSSOèlont comme lui le pouvoir
spirituel et temporel. Cependant. en Arabie, le pouvoir tribal ne se
transmettait pas forcément de père en Ols. C'était plutol les chefs de
clan qui cholsissaieJ\I leur nouveau chef pannJ ceux qui étaient Jes plus
quallflés. Ce chef portait le tllre de cl1eîkh, qui slgnme littéralement
" vieil l1on11ne •· Cela montre bien que l'Age et l'expérience étaient des
conditions préalables nécesMlres pour pouvoir exercer le pouvoir. 'Ali,
ilgé de 34 \lns à Io. niort cJe Moha1n1ned, et donc encore relativement
jeune. ne lalsalt pas ligure de candida! Idéal. Les partisans de 'Ali
voyaJe.nt les chosts autrt.rntnt. lis se ~férèrent à u1le tradition selon
laquelle Molla1nrned aur$U désigné 'Ail co1nme son successeur au retour
de son ultime pèlerlnoge à La Mecque. La fo rmulation de cette tradition
r~tc cc1:>endonl 01·n1>1gui! et cl'aut res 111usuln1ans ne la comprirent pas
comme une désignation de 'Ali comme successeur (cl chapitre 13 pour
plus de délolls sur les chlll~s. le parti de 'Ail).
Y' Les compogoon& : c'est au sein de ce cler11ter groupe qu'un successeur
aurait pu être cl1olsl 1lulsqu'll s'agissait des premiers habltonts de
La Mecque qui se converl lrcnl à l'lsla1rl, ava1\t 111ên1e la période de
l'én1igratlon ve.rs Médine en 622. Ces compagnons de La première heure
ven:ilcrtt en général des clans: lc.s 1l'l01ns prestigieux de la tribu de
Qorayche. Ils n'étalent donc pas perçus par l'éli!e qoraychile comme
é tant appelés li devenir leur chef naturel.
ttant donné la situation. le choix d'Abou Bakr, qui était à la lois un
con1~'\gnon de la pre1tl1ère heure et un rnernbre de le tribu de Qorayche.
constituajt un bon compro1nls. Relativement âgé. Abou Bakr avait été
le deuxième ou le troisième 1\ se convertir à l'Islam. Il avait accompagné
Mohammed quand li avait fui Lli Mecque pour Médine (date de I"• hégire •.
c·est-A·dire • E.mig.ration •) et était un•nlmement reconnu comme un homme
• Intègre " à ~'réputation •ans tache. Aicha, l"épOUse préférée de Mohammed
(après la mort de Khadidja). était la !Ille d'Abou Bakr. Celul-d avait souvent
été choisi par le Prophète pour qu'il dirige la prière à sa ploce. y comprts
lorsqu'il tomba gravement malade, pt!U avant de mourir. En réalité. le chol•
d'Abou Bakr comme successeur de Mohammed fut décidé en petit comité,
par dC$ membres de la tribu de Qorayche en l'absence de 'Ali et des Mêdioois
de souche.
72 Première partie : Aux sources de l'Islam ______________

l.e prophète Mohammed fut le premier à avoir réussi à fédérer en une seule
entité autant de tribus arabes. Il n•étalt pas garanti pour autant que J'ttat
qu'il avait c réé serait capable de perd·urer après sa mort. En voici la raison :
selon une coutume arabe, les chefs de clan qui avaient prêté allégeance au
prophèt·e Mohammed pouvaient être déliés de leur promesse à la mort de
celui-ci. Le fait pour un clan de se retJrer du nouvel État ne signifiait pas pour
autant un rejet de l'lslan1. Il s'avère cepenclant qtie l'acceptation de l'isJaro
par certaines tribus relevait davantage d'un calcul politique que d'une téelf~
conversion religieuse. Ces groupes auraîea1t pu saisir l'occasion de la mort
du Prophète pour renoncer à l'islam. C'est ce que firent cert ains lorsque
Abou Bakr fut désigné comme calfle. Cette période de !'histoire de l'islam est
quaffflée d'• apostasie• (ol-Ridda). Certaines de ces révoltes furent menées
par des Individus qui prétendaient être prophètes et avoir eu des révéJallons.
Abou Bakr, aidé du second cafffe Omar, réussit à mater ces rébellions. fl
imposa égalemei1t la do1nination musul mane aux quelques tribus d'Arab1e
qui n'avaient pas encore accepté l'islam et se prépara à des expéditions
militaires en dehors de l'Arabie. t:isJam avait réussi à survlvre à cette
première période de crise qui s'instaura à la mort du prophète Moha1nmed.

Expansion en dehors de l'Arabie : Omar


(634-644)
Sur son lit de mort. Abou Bakr désigna con1me SOll successeur Omar, âgé de
43 ans. qui était déjà le deuxi ème personnage le plus inlluent du jeune ttat.
Au départ, Omar avait été un farouche OPJlOsant de Moha1nmed au point
qu"à une époque, en 616, if résolut de le tuer. En chemin, il s'arreta chez sa
sœur p.our lui reprocher à elle et à son mari d'avoir en1brassé l'islam. En
les entendant réciter le Coran, li se convertit sur 1e-champ. Co·n nu pour son
4

tempérament vif, il devint dès fors l'un des partisans les plus dévoués du
prophète Mohammed. Indifférent 11 fa richesse colossale qui affluait à La
Mecque et à Médine grâce aux conquêtes militaires. Omar mena une vie
simple. les musulmans sunnites Je considèrent comme un modèle de cl1eJ. Ce
fut un caille qui obtint de gYands succès et îéalisa de grandes choses ;
.,,, On1ar prit le titre de Amir al-~1ou'minin (commandeur des croyants), un
titre qui sera repris par ses successeurs.
V Il supervisa la Jlremlère gra.nde expansion de l'islam hors d'Arabie,
conquérant les territoires quj correspondent aujourd'hui à la Palestine,
la Syrie, l'Irak, l'Ëgypte et l'Iran. À l'ouest et au nord de ces régions
se trouvait l'Empire byzantin (l'Empire romain d'Orient) à l'est et, au
nord-est, l'Empire sassanide, héritier de la Perse antique. En 636. ave<:
l'aide de chefs militaires habiles comme 'Amr ibn al-As (mort en 663)
et Khalid Ibn al-Walid (mort en 642), Omar et son armée Infligèrent
à l'ar1née by2antîne une déraite sévère sur les rives du Yarmouk, au
sud de la Syrie. En 637. il triompha de l'armée sassanide au sud de
_ Chapitre 4 : L'islam des premiers temps 73
l'Irak et occl1pa un peu 1)lus tard la capitale sassanide d e Ctésiphon. Si
l'Empire romain d'Orient ( byzantin} n1aintint encore quelque temps sa
puissance, la victoire de 637 marqua la nn
de ln suprématie de l'E111pire
sassa1lide Qranic11) dans la région. Les armées arabes avancèrent vers la
Mésopotamie en conquérant le nord de l'lrak, tant et si ble11 qu'au nt li leu
des années 650 elles avai~nt Mteint la vartie tJrientale de l'Iran. En 642.
les armées _musulmanes avaient évincé les Romah1s et prls le contrôle de
l'Égypte.
V 11 l'nil en place tes fondements adrnlnistratlfs du monde musuln1an en
pleine expans i on~en s'appuyant sur des s tructures bureaucratiques déjà
exi stanlcs dans les régions 1>rises sur les Romains. Les non-mltsulmans
se virent attribuer un non1bre non nëgligeable de fonctions Importantes
de niveau Intermédiaire dans le.s domaines où les e11vahlsseur~ Ara.t>es-
manquaicnl de savoir-faire.
~ Omar installa des bases mlJltaires à Koufa, dnns l'Irak actuel, e t à Basra
( Bassorah), elle aussi en Irak, (puis ailleurs par la sujte) où les soldats
é taient séparés de la population locaJe. Ces garnisons devinrent des
centres lmp<irtants pour le développement de l'islam dans la région. La
solde des n1iUtaires étaJt prélevée sur Jes butins de guerre.
~ L'occupation arnbe dans les territoires conquis aboutit à la rormatlo11
d'une élite Jocale Issue des conquéra1lts aral)es. Cependant, te.la ne
ren1it pas en cause la place des notables de l'ère antérieure qui purent
conserver Jeurs terres et leurs prérogatives. Ces geils ne gardaieot
d'ailleurs pas un très bon souvenJr de la domination sassanide puis
romaine. Par sa politique de conclllatlon. Omar réu$sil. à s'assurer de
leur soutlcsi au nouvel Êlat 1r1usuln1a11, Un certain aon1bre des membres
de cette élite Jocale se convertirent à l'Islam - sans doute en partJe
motivés par le désir d'anléllorer leur .situation dans le cadre du nouveJ
ordre n1usulman.
Y' Il c hoisit la date de l'émlgTation de l..a Mecque à Médine (~22) comme
dale de déb\1t du çalet1drier r'nusulma11.
V Omar institua une politique de tolérance à l'égard de-s chrétiens et
des juifs, en JnettaJ\t en avant des passages <lu Cora11 relatifs at1x non-
1nusulmans qu; se réfèrent à un Ljvre saint (les o gens du Livre ..). Les
chrétiens et les juifs ne furent pas obligés de se convertir à l'Islam.

Pendant près cle deux cents ans, tes musulmans restèrenl une minorité
au Moyen-Orient. Vers 637. le patrlarcl1e chrétien cle Jérusale.1n livra
volontairement la ville à J'armêe musulmane qui s'avançait. La t r adition
musulmane rapporte que. à l'entrée d'Omar da.JlS la vllle, Il cléclara t1u'll
n'irait J)lus prier à l'église bâtie sur le lieu de la cru<:ifixion de Jésus tant que
celle-ci ne serait pas transformée en mosquée. Le document co11nu so11s le
nom de traité d'Omar fi xe les conditions dans lesquellèS les cllrétlens et les
juifs étajent autorisés à vivre dans 11~tat musuln1an. Us reçurent le statut de
]4 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - - - - -- - - - - -

" protégés• (dhimmi.s) qui les autorlsaJt à con1Jnuc:r à pratlq_uer leur reJigion
mats non~ COl\verllr les autres. ni à construire de nouveaux lieux de culte.
Ces dhJn1mis devaient porter des vëtements spécifiques et payer u.n Impôt
supplémentaire pour co1npenser le fail qu'l1s n.e servaient pas da11s l'armée
mustilrnane. Les historiens conternporains ne sont pas tous d'accord avec la
façon dont Jes musulmans rapportent Ja 1nanlère clor1t se sont dé.rou1(1e.s la
conquête cle Jérl1Salem et la signature du traité d'Omar. Certains considèrent
que ces récits correspondent à la vision qu'en avalent les musulmans
dans les premiers slècles q1.1I suivirent la conquête rr1usulmane. Le t ravail
scientiOque qui a été entrepris ces vingt dernières années s'efforce de
donner un aperçu plus exact de la période des pre1niers ternps: de l'hJstolre
01usulman~ n reste e11core beaucoup à faire à cet égard. En tout état de
cause, ce récit de Ja prise de Jérusalem et du traité. d'01nar ont eu une
Importance c;apltale sur le tr-aiteznenl réservé aux chrétiens e t aux juifs dans
les territoires nouvellement conquis. Il reste pe.rtinent pour expliquer la
mani ère dont les musulmans co11s ld~rent let1rs rappor ts avec; Jes chrétlens et
les juifs autour(l'hul, et r:nê1t:le avec tous les non-musulmans.

U11 escl ave mécontent assassina Omar en 644. Sur son lit de mort, il constjtua
ur1 consejf des sages (choura) composé de 'Ali, Othman e t d'autres chefs
importants chargés de c hoisir le nouveau calife. C'est O thm;:u1 <1ui fut choisi.
De nos jours, certains partisru1s d'une forme de démocratie 1nusulmane se
référent â l'institution de la choum qui constituent pour eux \1n précé<lent
s·~>éclrique 1nent 1nt1suh11an. Les cl1iites considèrent qu'une fois encore 'AU fut
injustenlenl écarté de la fonction de calife. IJ est d'alJleurs possi ble que 'Al1
lui·mêmc se soit rallié à contrecœur au Clloix de OU'lman.

Établissement du texte du Coran : Othman


(644-656)
Mô1nc si sur le pla11 personnel Othn1an était incontestablement d'une grande
piété, sa désignation comme calife suscita des polémiques et ses quaUtés de
chef furent n1ohls éviclentes que celles de ses pré<lécesseurs. li avait été run
des premiers à se convertir â l'islam et avait épousé une nne du prophète
~'loh ammed . 11 appartena1t au puissant c;;Jan omeyyade des Qoraychites.
11 eut souvent tenda11ce à privilégier les membres de son clan dans ses
non1inations à des postes de hauts roncl.lonnaires du gouvt rne1nent, ce qui
ne manqua pas de Sl1Stlter le 1r1écontentement. Les habitanls de ri.1ëdlne
critiquaient l'importance croissante accordée à ceux de La Me~que da1lS
l'organisation des af faltes de J'Étal et une bonne partie des musulmans
voyaient d'un mauvais œiJ la fortune et le pouvoir grandissant accu111ulés par
cette élit e mecquoise.

Des gro·upes opposés aux façons de faire d'Othman virent le Jour clans Jes
centres Islamiques hn1>or1,ant!:i tels que Koufa, en Irak, et en tgypte. Cela se
Chapitre 4 : !:islam des premiers temps 75
termina 1>ar l'assassinat d'Othman - probablement perpétré par des rebelles
égyptiens - alors qu'il était en t rain ele lire le Coran. 11 est peu pre>b<ible que
'AU ait ét(: lnl pllqué personneJleinent dans l'assassinat d"Othman. Cependa.n t,
c.e rtains er1nemis de 'Ali, no\..i.lc11nle11t des 1ne1nbres de Ja famille d'Othman (le
clan omeyyade). Aicha (la femme du prophète Mohammed) et ses partisans
laissèrent entendre qu'il éta1t l'instigateur du crime ou, du moins, qu111t'avait
rien fait pour protéger Otlunan.

Durant le règne d'Othman. l'expansion géographique de l'État musulman se


poursuivit, gagnant notamment la Libye et la Tunisie. Othman est surtout
connu el véneré pàr I~ 01uSt.llma11s pour avoir établi, dès 650, le texte
cléfinitJf du Coran qui fait autorité. Cette version officielle du J,.ivre ~iota
ainsi été rédigée bien plus tôt da11s l'hlstolre de l'islam que ne l'ont é.té les
Écritures saintes c:he:i les c11rétle1\S et chez les Juifs.

Rébellion contre 'Ali (656-661)


Ea toute lêgitimitê. le conseil des sages (cilo•ro) désigna 'Ali comme
Cluatriè111e c.1Jlfe. Cependant, son pouvoir ne fut jamais fermement établi fli
reconnu car beaucoup pe11:;aienl qu·u a,,aJL l!té h11pJJctué dans Je meurtre
d'Ott1n1an. ·Al i était un homme intègre quj plaisait aux membres lt-s Jnotns
1Juissants de la con101unauté. Il fit de Koufa, e.a Irak. sa capitale. À partir de
ce moment~là, le centre politiqtle cle l'islatn quit~l cléflo11tven1ent l'ArAble.
La mort d'Othman 111•rqua le début <le la première fitna (rébellion) qui
me11aça l'unité de Ja con1munauté musulmane. Trois autres fit11os suiv ront à
l'époque des detlx JJre1niète$ dynasUes n1usulmanes, les Omeyyades suivis
des Abbassides. 'Ali eut également contre lui A'icha, la fem1nc du prophète
~tohan11ned. et ses partisans. dont Ufut vainqueur à Ja bataille du Chameau
en 656.

Otl1man avait non,mé son neveu. Mou·awlya, gouverneur de Syrie. Une fois
calife. 'Ali ayant nommé un nou,1eau gouverneur en Syrie, Mou·awlya r efusa
de céder sa r>1ace. Le$ armées de 'AJI et de ~1ou'a\\l'iya s'alfrontèrent e11 658.
Les forces de 'Ali étaient eu train de l'e•nJ)Ortcr quand Ja c~ va l erle de ses
adversa1res piqua au botrt de ses lances des feuillets du Coran, signifia11t
atns; qutll faUait laisser Olel1décider de lllssue du combat. Ën acceptant le
principe de cet arbitrage, 'A.li s'était mis en situation de cornpro1ni.S el 1>ercli1
le soulie.i1 de ses plus fervenLS défenseurs qui pr1rent les armes cont.re
lui. Ces i11surgés furent qualifiés de k/1Qridjites (d'un mot arabe qui slg·ntJie
.. ceux qul sont sortis "• c'est..Ji-dlre qui se sont exclus du camp de ·AU) . Ces
kharidjites représentaient un grou_ p e e.xtrémlste, très atta.ché au dogme. qui
con~1déralt que seuls les croyants les plus stricts pouvatent être coostdérés
comme l'nusulrna1\S et qLte le calife de\1a1t être choisi pour sa fol musulmane
- et non à cause de ses reJaliot1s familiales ou 1>olltiques. En outre, le comité
d'arbllrage du conflit é tatt composé de t rois personnes opposées à 'Ali qui
rendirent un verdict négatif à son enconc re. 'Ali réussit à 1naJn1enJr son
76 Première partie : Aux sources de l'Islam - - -- - - - - - - - -- -

pouvoir sur une partie de l'Irak mais fut assassh1é par un fanatique kharfdJlte
eo 66 1. Les kl1aridjites avalent égaJement projeté d'assassiner Mou'awiya
mais ils échouèren1. D'une certaine faço11. on peut considérer ces kharidjites
comme les précurseu,rs de certains des groupes Islamistes extt~i.stes que
l'on connaît a ujourd'hui (cf. c hapitre 18).

Expansion de l'État
 l'époque clu prophète ~lohammed, et n1ê1ne un pe\t avant, personne dans
les régions centraJe,s du ?vtoyen-Orlent n'aurait cru qu'une menace pouvait
venir d'Atabte. Pot1rtant, les armées musulmanes réuss1.re.nt rapidement à
éliminer l'Empire sassanide (Iranien) et à repausser les frontières de l'Empire
romain d'Orlcnl (byzantin, avec Constantinople comme capitale). Dans
les pre1nières années de J'an 700. le califat 1nusulman s'étendait de la côte
atlantique du Maroc d'aujourd'hui Jusqu'à certaines zones situées aux lln1tles
actuelles de l'Inde et du Pakista n.
Les musulmans considérèrent ces succès comme un signe de la f~lveu r divine.
Cependant, ces victoires contre les Byzantins n'avaient rien d'inéluctable~
Plusi eurs de ces grandes campagnes m11itaires auraient racilement pu se
retourner' contre les musulmans et changer le cours de l'hisloire. Comment
dês lors. sans mentionner la faveur divine. expliquer ces fulgurants succès?
Volcl c.1uelques facteurs â prendre en compte :
,,.,,, La Rome byzantine et l'l ra11 sassanide étalent épuisés par un siècle de
guerres nlutt.1elles. Du temps du prophète P.1ol1amme<I, les Sassanides
avalent déjà occupé .Jérusa1en1 el les Byza11tins l'avaient reprise.
,,.,,, Les populations le>c<"lles se plaignaient de .l a domination des Byzantins
COl'nme de celle des Sassanides. Bien que chrél lennes. les populations
de Syrie, d'Ira k et d'Égypte étaient persécutées par les Byzantins
qui prô1\aienl une for me de christianisme dlfférc.nte de celle qu'ils
pratiquaient.
v Les populations autochtones de Syrie é( d'Irak é taient arabes el ava.ient
davantage de choses en commun avec Je.c; et1vahisseurs musulmans
qu'avec leurs maîtres byzanll11s.
v Les califes adoptèrent une politique de conciliation plulôt que
d'exploitation, ce qui leur 1>etmlt de tecuelllir l'adhésion des
populallons.
V Le f;,tit d'unjfier rensemble du ~toyen·.Orlet1t en une seule entité politique
el économique revigora une éeonomie. qui avait été dévastée ·p ar les
affronteolents entre Sassanides et Byzantins.
V U y eut plusieurs califes et généraux d e l'armée qui fur ent e.'Clrémement
compétents et Jouèrent un rôle non négligeable dans les victoir es
musuhnanes.
- - - - -- - - - - - -- - Chapitre 4 : l'islam des premiers temps 77
V 1..a motivation est toujours capitaJe pour une arrnée e1peut raire
basculer du côté cle la victQîl'e, ménie lorsqu'une situation se1nble
1>artlcullèrement défavorable. La tradition fl)usu11nane rapporte que
la fe rveur religieuse des combattants a été décisive dans les victoires
musulmanes contre tes habit(lnts de LA ~1ecque, du te-m ps du prophète
Mol1a1nme<L Cette ferveur fut également un atout sur le 1>lan ni llltalre
à d'autres mon1ents de l'hlstoir'e musuln1ane. Certains chercheurs
soullgnenL le rôle capital de cette ferveur religieuse dans l'ardeur au
combat des soldats arabes de la première heure. Selon la Trad.ilion.
un musulman qui meurt en co111battarl1 p-0ur l'Islam est assuré
d'entrer au pa,raQls sans passer par l'épreuve du Jugement dernier.
L'importance du facteur religlet.1x est certes dlf(icUe à êvaJuer car les
historiens d'aujourd'hui n'ont pas accès (à J'im1)()sslble nul n'est tenu 1)
â la psychologie des premiers soldats musulmans. Par ailleurs, aussi
puissant qu'ait pu être ce zèle re ligieux, li ne faut pas négliger non
ph.as l'attrait e.x.ercé par les butins de guerre somptt.1eux sur les soldats
d'Arabie habitués à des conditions de vie r·u des.

C5ge d'Qr n1est pas toujours pe rçu comnle tel par les populations qui vivent
â l'époque concernée. On esl toujours tenté de regarder en arrière en
espérant retrouver une époque où le$ COin~)lexltés e t les difficultés de la vie
présente n•exlstale.n t pas encore. Les c ivilisations se Strccèdent, chacune
étant considérée com1ne Issue du déclin de la précédente. t:islam n'échappe
pas à ce pl1énomène et considère que la foi 1n\lsu l man~ orJglnelle était pure
et immaculée mais qu'elle s'est dégradée par la suite jusqu'à ce que -v ienne
quelqu'un qui " restaure "et revivifie la foi des fidèles. Les générallons
successives de musulmans ont souvent é tê nostalgiques cle la période des
J'remiers temps de l'islam et vé.nère1ll partlculièrement trois pé riodes ~celle
où le 1>rophète Mohan1med gouvernait Médlne, celle des quatre premier s
califes, et Ja période suivante qui fut celle où régnèrent successivemt.nt
la dy11astle omeyyade puis la dynastie abbas.side.. Ces époques sont
considérées comn1e ldylllques, en particulier parce que toul semblait alor~
favorable aux musulmans, les confortanl dans l'idée que Dieu était de
leur côté. C'esr également répoque où tous le-s Jnusuhnans étalent sous la
domination d'un seul calife. incarnant a1osl au plan politique l'idée d'une
unité du inonde musulman. On peut dire sans eontest·e que la période des
deux premit!res dynasties connut un grand rayonnement sur tous les J)lans :
a.u plan militaire. politique avec la rorn'1atio11 d'un É,tal, llnstltutlonnallsation
de la religion mustiirnane, au plan lnte.llectuel et artistique également. f\1ème.
si la légende e.st sans doute plus belle que la réalité, en ce qui concer ne la
période abbasside e t au contraire en deçà de la réalité e" ce qlll concerne
la période omeyyade. nous allons 1nalntenant nous intéresser à ces deux
dynaslies prestigieuses (cl figure 2-1).
78 Première parti e: Aux sources de l 'Islam _ _ __

Merd'Aral

fi9urt Z·I:
Carte
.nd.quent
l'1.x11nsion
des Empires !@] OMEYYAOE
omeyyeda at
obbusldo à
~ OMEYYAOE ET ABBASSIDE
htur 11pogée.

Période ome1J1Jade (661-750)


À la mort de "AJl. Mou'awtya consolida rapidement sa don1ination. ll réussit
à 1ransmettre le pouvoir à son fils, établissant ainsi un principe dynastique
selon JequeJ la succe.ssk>n devait revenir à un membre de la famille régnante.
Le nom de cette dynastie dite omeyyade vient du nom d'un clan qoraychlte
dont étaient issus t\.1ou'awlya et son oncle Othman. Il n'en reste r>as moins
que régullèrcn1enl &e 1>osa le problème de la trn.1\Sltlon afin cl'éviter les
risques de déstabilisation à la mort d'un calile régnant.

Califes ome1J11atles
Indépendamment de la manière discutable donl Il prit le pouvoir, Mou'awlya
se révéla etre un o.u:ellent gouvernant. Il régna à la laçon personnelle d'un
cheikh arabe. s'appuyant autant sur son charlsme personnel que sur ta force..
Ayant exercé te. lon<:ttons de gouverneur de Syrie, Il pouvait compter en
priorité sur les Arabes de Syrie et de Palestine. li dé1>kha vers le nord des
campagnes mllltalres annuelles pour combattre les loroes byxantlnes alin
d'honorer l'obllgatlon religieuse d'expansion du dar al·ls/a1r1. ~1ou'awiya. qui
avait déjà v''<'.u ~ Damas en tant que gouverneur de Syrie, en Ill sa capitale.
~a Mecque e l Médllle étole111 1out simplemenl trop éloignées du cœur de
l't tat musuln1an à la croissance si raJlide pour p-0uvo1r jouer le rôle de
<:apital e politique. Les nouveaux convertis - Arabes ou non-Arabes - étaient
intégrés soctale1nen1 et économiquemenl dans la communauté e.n tant que
- - - - - - - -- - Chapitre 4: l'islam des premiers temps 79
clients (mawa/1) des grandes familles dirigeantes d'Arabie qui s'étalent
implantées dans le.~ nouveJles terres conquises.
Parmi les S\1ccesseurs de Mou'awiya., il y eut des hommes très pieux: On\ar 11
(7J7..;20) était respecté co1n1nc é tant un modèle de dirigeant. tout eomn1e
son Illustre prédêcesseur du même nom ; Abdel-Mallk (685-705) et Walld I"
(705-715) lui succédèrent avec compétence el loyauté. Ce ne fut pas le cas
des quatorze califes omenrades do1tt certains mei1èr ent des vies bien loin
d'être conforrnes à l'Islam.

Un éllénement capital pour (es musulmans chiites


Pendant la période omeyyade, l'événement qui eut les conséclucnce.s les plus
retentissantes dans l'histoire de 11slam ful incontestableme11t la 1norl do fils
de 'AJI. Hussein, à Kerbela en 680 (le fils aîné de 'AJI, Hasan, avait renoncé
à 1>rétendre au calllat). À la mor t de Mou'awlya, Hussein reprit le flambeau
de son père et se rebella contr e. le fils de ~1ou·awlya. Yazid lt•. Husseia
était naturellement soutenu par ceux qui considéraienl que le 1>rophète
Moha.m med avait désigné 'Ali et ses clescendants comme ses successeurs. U
s'attira êgaJement les faveurs de tous les mécontents qui vivaient en Irak e t
trouvaient que les dirlgean1s on1eyyades prl-vilég.iaient indûment la Syrl.e.

Sur la route clc Koufa, rarmée de Yazid intercepta f.lussein el i-;on petit groupe
de partisans. 1-lusseln fut assassiné puis décapité. Le général fit en\'Oyer
la tête d'HusseJn au calife de Da.mas. L.a 111or t du peti t-Ols du Prophète,
celui qul e11fanl avait sauté sur ses genoux. choqua profondément le
monde musul man. Pour les chiites~ le m;,irtyre de Husseln à Kerbela fut un
événen1e11t marquant dans leur histojre sac rée. Kerl>c la devint dès lors un
lieu saint (cf. chapitre 13).

Cet événen1ent marq\1a le début de la période connue sous le nom de


seconde f11na (680-692). Une sér ie de rébclllQns éclatèrent en Irak et en
Arable, y compris dans la vllle sainte de La Mecque. Il fallut attendre le
règne d'Abdel-Malik, de 685 à 705, pour que le pouvoir omeyyade réussisse à
reprendre le contrôle sur la quast·totalilé des territoires.

Points forts du régime ome1p;ade


Voici les points forts à mettre au crédit du r égime omeyyacle:
V" Reprlse de l'expansion de l'empire. En 715, les arn1ées n1usulmanes
avaient conquis l'ensemble des territoires du Maghreb et la majeure
part.le de l'Espagne. À rest, les armée$ rnusuln1anes avalent pénétré
dans la vallée de l'lndus { le Pakistan d'auj ourd'hui) el dans les
réglons d'Asie centrale (auj ourd'hui l'Afg1la11lstan. l'Ouzbékistan et le
Turkir1é11istan). lwe calllat omeyyade devenait le plus grand empire (lue le
monde ail jamais connu.
V ~tabllssemenr d'une armée régulière ren1plaçanl et limitant les pouvoirs
des forces d'invaslo11des pren1iers temps. originaires d'Arabie.
80 Première parti e : Aux sources de l'Islam - - - - -- - - - - - - - -

,,,,., Arabisation (utilisation de l'arabe dans les archives orncJel1es et pour la


monnaie) et ullérleuren1ent islamJsatton cles postes de fonctionnaires
(deveJ1i.r moins dépendant des non~ musu.lma11s dans la bureaucratie qui
prenait de plus en plus d'ampleur à tous les échelons du gouvernement).
V Politique de projets immobiliers d'erlvergure: construction de palais el
développement d'un style architectural pour les mosquées. Le Dôme
du Rocher 1t Jérusale m (enviroo 691 ou 692) lut La plus grande réussite
architectura1e monumentale de l'is lam.
,,,,.-A pprofondisse1nent cles éludes théologiques tslamic1ues, avec
notamment la re<:ension des traditions et l'étude du Coran.

Période abbasside (75 0-1258)


Les événeJl1ents qui accompagnèrent la <.:Jtute de la dynastie omeyyade et
l'é~ablissement du régime abbasside constituent la troisième fitna (ré be Illon).

v Les éléments non arabes de la po1lulat1on (les mawalis) étaient


1nl>e:ontents des privilèges dont jouissaient les descendants des grandes
fami.lles a.rabes venues les envahir.
Y" Les chiites avaîerl l r>eu de respect pour uoe dynastie dont la domination
était perçue <:01nme ayant usurpé le pouvoir qui aura1t dû revenir à 'Ali
e t â ses descendants.
Y" La classe émergente des i ntellectuels rel igieux voyait d·un mauvais œU
les fastes des Omeyyades. Il semble aujourd'hui que certains penseurs
modernes consillè.rent <1\1e cet le ré putation était indue. les Omeyyades
n'aya1lt été ni plus ni moins pieux que les AIJbassides.
V' Le centre de gravité de l'empire se déplaçait vers l'est, s'éloignant des
centres du pouvoir omeyyade basé en Syrie.
~ Des conrlits Internes opposaient cJllfércnts groupe!-\ d'Arabes.
Ces élé1ne:nts f1.1rent utilisés par les ennemis des Omeyyades pour mieux les
discréditer aux yeux des populations. ""

Non sans quelques heurts, le pouvoir et runftê du califat furent restaurés


et prése.rvés pendant le premier tiers de la période abbasside. Par la suite,
le rôle du calife fut progr~ssi·vement cantonné â un rôle de représentation,
l'exercice réel du pouvoir é tant dévolt• à un atitre. souvent un personnage
de l'arnlée, qu1 por tail le tlt·re de sultan el de 11 prince des princes •. Le
pouvoir centraJ déclina et plusieurs réglons, tout en conl.lnuanl à reconnaitre
rautorlré t héor1que dl1 C\\llfe, devinrent i1tdé1Jendantes. souvent di r igées
par des gouverneurs ou des généraux qu1 établirenl leur propre dynastre au
pou voir. Dans ce contexte de déclin 1>olltique. i l o'eo reste pas moins vrai
- - - - - -- - - - - - - Chapitre 4: l'islam des premiers temps 8J
que la culture abbasside fut florissante sur les plans artistique, religieux et
intellectuel.

L'accession au poul/oir des Abbassides


Une révolte armée avait éclaté contre les 0 1ne.yyades dans le nord..est de la
Perse. Les instigateurs de cette rébellion envisagèrent de restituer le 1>0uvolr
à la famille du Prophète. ce qui donna à ce nlouvement une envergure
apocal)•ptiQ,ue et messia11lque. Cette révolte étaj t dirigée par 1<".S descendants
d'al-'A bbas (d'où le nom (le dynastie abbasside) qui était l'un des oncles
paternels du prophète l\1ohammed. Abou Mous1in\ 1nena les armées rebelles
à la victoire en 750. A l'issue de celle v ictoire, Abou aJ-'Abbas fut désigné
c:;onlme callJe, pour la plus grande déconvenue des c ll lltes qui espéraient que
cette foncti01\ serait "ttrlbuée à un descendant de 'Ali.

L.a famille abb<1sslde entreprit de consolider SO•' pou-voir tout en


marginalisant les partlsans c hiites qui avaient appo rté leur soutien 1>endant
la révolte. Le calife trouva un prétexte p<>ur faire exécuter Abou Mouslln1
dont les hauts faits 1nilltalres représentaient une meJ1ace po te.Jltlelle poùr
la domination abbasside. Les nouveaux d irigeants firent b8tir une nouvelle
ville, Bagdad, en Irak, dont Ils firent leur capitale. La dynastie rut 1rès
prospère dans ses premières année.~ de règne dont l'apogée se situe à
l'époque d'Haroun a l·Rachid (786-809).

Points forts du régime abbasside


Les Abbassides ont dominé la vie po litique pendant le premier tiers de leur
règne avec cle grandes réalisations sur les plans politique, économique
et militaire. Par la suite, même ap:rès leur déclin au plan politique. iJs 001
contlr1ué à avoir un grand rayonnement aux r>lans re.l lgleux, scientifique.
médicaJ et littéraire :
"'lslamisatlon de la population. Les musulmans qui repré-se-ntalent envlror1
JO % d e la population à la fin de la période omeyyade étalent devenus au
x11 siècle la majorité dans les villes. Il fallut attendre le xive. siè<:le pour que
l'isla11l soit la religion dominante dans les caolpagnes.
,,,.,, Dêvelop1>en1ent économique, avec notammenl un J)hér)c)mè11e
d'urbanisation. d'expansion dt1 comn1erce (stimulé par la disparition
des frontières entre des ttats précédemment indépendants qui furent
Intégrés au califat) e l perfectionnement de l'agriculture par des
J'rogram1nes d'irrigation et l'intr0<luctlon de nouvelles techniques
agri<.:oles>co1n1ne la rotation des cultures.
Y" J~éorganisation des structures adotlntstratlves avec un découpage eJ1
plusîetirs départements et une réforme du régilne fiscal.
82 Première partie : Aux sources de l'Islam

Y" Développement des sciences relfglcu.ses et notamment d·une


1héologle et de la codllk:ation dH lnterp~Lallons coraniques. le
recueil de six en.sembles de traditk>ns consld~rtts comme classiques
et J'é1ablissemen1 des dlllérentes teoles Juridiques d'ln1erprwlion
de la loi (d. chapitre 8). Les ellorts lnfruc1ueux de trois califes pour
imposer les croyances mo'tatlli1es au sx• siècle (période de l'lnquls!lion)
con1rlbuèrent à htslaurer une relative lnd~pendance des lnsliluUoas
religieuses par rapport aux Instances dlrlge~ntes. La loi islamique,
administrée par des Juges Islamiques (qodls), Joua un rOle important
dans la formation d'une n1orale sociale. Les ouldrnas (théologiens de
l'islam) devinrent les autorités rellgleuscs de l'Islam. au détriment du
calife.
V' Développement du mysllclsme soufl (cf. chapllre 14).
V' Traduction en arabe des textes grecs de r~f~rence dans le domaine de
la médecine, de la philosophie. des ma1h~ma1lques e1 de la science, et
contributJons importantes dans ces domaines ainsi que dans d'autres
dl•clpllnes. souvent ellectu«s par des musulmaM Iraniens s'inspirant
des traductions réalisées à répoque des Sassanides il partir du grec et
du saiukrll (t:f. chapitre 19).
V' Développement de la littérature, notammem grAce aux Iraniens qui
s'inspirèrent de leur cullure locale ainsi que de celle des Arabes.

La flalse des d1J.nasties


Ce passage vous enrraîne dàns un tourbllloii de noms et de dates Jiés aux
dynasties et aux t>eu.(,les qui ont pris el pert'lu le pouvoir dans .La dernière
1>orlle de la période abbasside, el ce jusc1u'à l'(!mergence de nouveaux
emplte$ centralisés qui se maintinrent assez longte1nps à partir du xvc siècle.
Au tr1ilieu du x" siècle, la réalité du 1>0uvolr polltlqueet militaire reposalt
entre les mal.ns, non pas du calife. mals de grondes famllles dirigeantes quj
é1abllren1 leurs propres dynasties, reconnue• el légitimées par le calife qui
l•lsait ligure de souverain théorique. La plus grande famille é1ai1 celle des
Bouyldes qui avait dH penchants chiiles (mllleu du x• à mllieu du xi' siècle).
Les dlfléren1es réglons de l'empire étalent d'autan! plu• Indépendantes
qu'elles étaienl éloignées de Bagdad, la capllale. !out en reconnaissant
loujours !'autorité du calife. i.e. Hammadldes con1r6lalen1 le nord de la
Mmpo1amle au X' siècle tandis que les Sassanide. étalent les mat'lres
de la partie orientale de l'Iran, d'Afghanlsl.an. de Transoxiane (partie
sep1en1rlonale de l'Alghanislan, au-delà du fleuve Oxus, l'actuel Amou Daria
qui •e jette dans la mer d'Arai). Au débul du !I.~ sl~cle. le pouvoir dans celte
partie orientale passa encre les mains des Ghainévldes. Mahmoud (un
dlrlgeanl ghatnévlde) renforça l'islam dans le nord-ouest de l'Inde. Duram
- - - - - - - - - -- - - - Chapitre 4 : L'islam des premiers temp.s 83
cette pér iode, les racines arabes de l'Islam furent enrichies par l'apport de
la culture perse et l'usage de la langue persane gé11éraJi.sé dans la moitié
orientale de l'e1nplre. C'est alns1 qu'une rorm-e arabo·persane de culture
islamique fut tra.n smise à l'Inde tandis que l'islam gag1·taj t clu lerraiJ1 en Asie
du Sud-Est.

Aux xrr et xn• siècles, les Turcs \•enant d'Asie centrale, dont beaucoup
s'élaitnt déjà convertis à l'islam, pénétrèrent dans l'Ë.mplre abbasside. En
1055, le calife reconnut officiellement un Turc seldjot1ki<le co·mme sulta.n,
c'est-.'1-dlre comme chef polfllquedésigné par le calife. À l'apogée de leur
gloire, le pouvoi r de~Seld)oukldes s'e•erç.alt du centre de la Turquie (avec
une victoire majeure sur les Romains byzantins en 1071) j usque dans la
par tie orientale de l'lrar1. étant bien e1ltendu qu'à cette époque l'emprise
du sultan sur les d irigeants locaux était parfois minimale. C'est ahlSI que la
culture arabo-perse s'enrichit d~une strate supplémentaire avec l'apport de
la culture turque. L'islain sw1nlte bés1éncia du fait ttue l'autorité du calife ile
s'exerçait guère au olveau local, ce qu1 permit aux thëologieos (les oulémas)
et aux mystiques sotafis d'étendre leurs aet1v1tés et d'encadrer les fidèles
aux plans religieux et spirituel~ Sous la houlette du grand vizir seldjoukide.
Nizam el-Moul~ (1018-1092), un réseau d'universités Islamiques (madrasas) se
développa.

Au début des années 1200. une nouvelle 1ne11ace d'origine nomade se profi la
depuis l'Asie centrale et le nord de l'empire avec la déferlante des armées
mongoles de Genghls Khan (vers 1162-1227). Malgré la division en quatre
blocs de re,mpire qu'il conquier t. ses descendants poursuivirent leur avancée
vers l'est (Chine), l'ouest (la Russie et l'Ëurope orientale) et Je sud (pays
islami sés). Les l\1ongols élaleJlt païe11s et n'hésitaient pas à laisser detrière
eux ruine et désolation. La destruction de Bagdad en 1258 sonna le glas d'un
système politique initié par Abou Bak r et Onlar. 111arquant ainsi la fin d'un
État Isl amique unifié.

Il ne raul pas confondre les Mongols dont il est question ci-dessus avec les
Mogl1ols qui. 1>lt1s tardl\,ement. bâtirent un empire en Inde et dont le nom
est effectivement dérivé de celui de Mongols dont Ils sont les descendants.
L'Empire moghol est souvent associé à des images de magnifice11ce et de
grandeur. Po\1r e1\ savoir plus sur cet te époque et sur ses fastes, reportez.
vous à la fin de ce cha1>itreau paragraphe Intitulé • L'Empire OlOgl1ol: l'islaol
i 1npor té en Aste du Sud •.

Dans rensemble, les ~1on.gol s finlrent par se convertlr à lïs la1n (excepté ceux
d'Extrêtne-Orlenl). t:ex1>ans1on de l'Islam se poursuivit ainsi Jusqu'en Crimée
(au nord de la mer Noire) et dans certaines parties de la Russie (notarn1ne11t
dans le 1:>ays Tatar. situé à plusieurs centa.l nes de kll.omètres à rest de
Moscou). Dans les anciens territoires abbassjdes, de nouvelles d.y11.asties
régionales se succéclèrent sans durer. Le plus connu des conquérants de
l'époque est Tamerlan (1336-1405, • Timour le boiteux" qui se réclamai!
84 Première partie: Aux sources de l'Islam _____ _ ________

(lé la lignée de Genghis Khan). Comnle les premiers Mongols, Tamerlan fut
un conquérant qui sema la 1>eur et la destruction. U faut reconnaitre qu'll
patvhlt à établir un nouvel ttat dont la capitale fut Samarkand (située en
Transoxiane, au nord de l'Afghanistan). et qui s'éteitclajt sur un territoire
allant de la partie centrale de la Turquie au nord-ouest de l'Inde. So1l fils.
shah Rukh. Implanta la dynastie tlmourlde ~vec pour capirale Herat (située
â l'est de l'A fgllanlsU'\O). Cette dynastie produjsit des œuvres architecturales
el littéraires d~une grande beauté et devait aboutir à J'énlergence des grands
Empires ottoman, safav·Jde et moghol (pour mieux connaître la situation
en Syrie et en .Ëgypte à cette époque. cf. l'encadré • Les croisades>). Ce
tour d'hor izon rapide de l'histoi re de l'lsla1Y1 omet nécessairement cert ains
per sonnages et certaines dynasties qui jouèrent un rôle Important à
l'époque.

Les croisades
l es croi~ades ehrétiennes ont dure de 10~8 à totalité du Maghreb et traversé ta Méditerranée
1291. En 1099, les armées de croisés venues depuis le Maroc, En 755. un survivant de fa
d'Euro~ de l'Ouest s'emparèrent-de Jérusalom, destruction par les Abbassides de la dynas-
massacrant toutes les poputations mUS1Jlmaries tie omeyyade. à Damas avait réussi à gagner
·et juives. les croisés Implantèrent un certain l'Espagne où il avait établi un Étal omeyyade
nombre de petits ttats chrétiens Indépendants indêpendant. Ses successeurs ont par le suite
en Palostine et en Syrie qt.n ne durèrent pas pris le titre de colife. Aux• siâcfe, Cordoue-fa
longtemps. Saladin lSalah al-Oin al-Ayyubî. capi1al• de l'Espagne omeyyade-étaitde loinla
1138-1193) donna le coup de grGce eux croisés ville la plus11rande otla plus moderne d'Europe,
•rendroit des fourches de Hattin. en PaJestine~ rtvalîsant avec Bagdad comme centre culturel.
en 1187, et reprit Jérusalem, épargnant ses la mosquée de Cordoue li• MBZqui1s) est une •
habitant• chrétiens. Son esprit de chevalerie de ses plus grandes réatisatiQns. Auxi-- siècle,
envers les chrétiens vaincus fit sa renommée-. la reconquête chrétienne partit du nord-ouest
mêm0-e11 Europe. O'autrt_~ armées de croisés de l'Espagne. Progr&S$ivement, les c~ré-llens
.s'opposèrentencore quefquetempS', sans grand descendirent vers le S'ud. temporairement
succès. Du point de vue musulman, les croisadeS' arrêtés par des invasions musulmanes venues
furent colisîdé-rées comme un nouvel exemple du Maghre~lles Almoravides, 1056-1147, elles
d'intrusîon barbare dans les-terres islamiques, Almohades, 1130-1269). Aux.xi~ et xm• siècles,
une intrusîoti qui n'avai t finalement rien de les-intellectuarsmusufmanS, fuifs et chrétiéns
menaç-ant pour le survie de-s ~rats i.slamiques dittlo_gualent harmonieusement, notamment
de l'époque. dans des vilJes comme Tolède. C'est a1risl que
certafns te'X'tes classiques-de la philosophie et
Une autre croisade chrétienne porte lenom de
de.Ja-sc1ence des Grecs de l'Antiquité tombés
Reconqufsts. 11s'agissaitde1econquêrir l'Espa·
dansl'ou~ll. ainsl que de nouvelles contributions
gne conquise par les Maures, des musulmans
émanant du monde musulman, furenttransmises
venus du nord·ouest de l'Afîique. Dès 715, les
forces musulmanes avaient conquis fa majeure
â J'Europe chrâuanne.
partie {te- l' Espagne, après. avoir soumis la
Chapitre 4 : l'islam des premiers temps 85
Les croisades (suite)
Lo hguro Io plus hnportonte du Judo'isme (c'est·à-dire le second porsonnege de l'État) et
médiéval, Maimonide (Moîso ben Malmon, dirigea laoeommunautê juive locale. Ses écrits
egalemont connu sous le nom de Rambam, traitant de ph1lo.sophie et de la toi pour les juifs
environ \135 l 12041. est ni:e à Cordoue. En furent rem-arquês la reconquête chrâbenne
raison de la pefsécution des non·musulmans de l'Espagne s'est terminée avec la chut• de
par lts Almoh1des, sa famllle qu1u1 thpogne Grenade en 1492etl'••Pulslondes musulmons
quand d eut 13 ans. li s'1nsuaa !,paiement eu et des juifs<l'Espagne
Caire ou 11 fut le médecin du vtz1r de S1lad1n

Sur les premières crolsncles. je vo\1s conseUle la lecture de deux ouvrages.


Le prt.nlier est celui de l'ltallen arabisant f rallC(!sco Gabr1ell, C/1ronique&
arabes des croi.<odes, Slndbad. 1977: l'autre, plus romancé. de l'écrlvain
tranco-Ubanais Amin ~1aalour. Il t!$l Intitulé Les Ct0isodes vues par les
Arobes, JC Lattès, 1983. Sur l'histoire musulmane du X" ou >V' siècle. li faut
c.onsulter les ouvrages des lslamologues espagnols et lrançals lei emne
Lévl-Pro"ençal (1894-1956), spécialiste de l'Espagne musulmane. Alaquelle
li a consacré un grand nombre d'articles sur Je sujet dans l'Encyclopédie de
/'ulatn. Son olJV1'1lge, l '&IXJ8nè n11uulmone ou Il' sitt/e (ré~lté li y a peu par
~1aisonneuve et l..arose), est d&ormais un classique.

SI ce livre était un 11vre de l'histoire musulmane, on aurait eu de nombreux


chapitres passionnants sur les dlffé.rentes provinces gagnEes par la reJigion
de Mohammed. aux quatre coins du monde habité de l'époque. L'Andalousie
par exemple, aurait four111 1nntlère à l'un de ces longs e t bons chapitres
d'histoire e t de clvlllsatlon. Cette grande région du Sud de lu péninsule
ibérique, •f>pelée Al-Andalus pnr les Arabes. a été. en effet, le fleuron
des conquëtes musulmanes c.11 de11ors des terres où. aujourd'hui, l'islam
prédomille.

L'histoire de rAndalousle débute après le franchissement. en 711, du Dêtroit


dé Gibrallar par un général Berbère du nom de Tariq Ibn Ziyad. Le mot
Gibraltar signifie d'ailleurs • Ojebel-Tarlk ., La Montagne de Tarlk. À l'époque,
la P<lninsule ibérique était occupée par les Wisigoths. Leur roi Rodrigue
n·a rien pu fajre pour rer>0t1sser cette lnvaslon qui devenait lmn\lnentc en
rC1lson des rorces en présence. Depuis Jors, et pcoda1'\t plus <le sept siècles.
les. musulmans allaient Inventer une forme de civilisation qui restera da11s
les nJ1na.les, non sans avoir n1ttrqué la conscience de5 grnncls souverains
musulmans e.t noo-musu1n1ons.

Outre les conquêtes mllltalres. c'est J'essor de la culture andailouse qui


a été particulièrement fulguranL On le volt encore aujourd'hui avec des
86 Première partie: Aux sources de l'Islam - - - - -- - - - - - - - -

personnalités éminentes como1e ce11e d'lbn lofaim ou d'lbn Rochd qui


naquirent daJl$ la r>é1\insule et qui influencèrent durablement le droit
zal1irite et la philosophie. Des médecins, des Juristes, des gra1nrnairiens. des
poètes, des botanistes el des agro1lon1es y virent Je jour. li fut un temps où.
l'An<la1ousie rivalisait a\•ec La fastueuse Bagdad. L'une était adolinistrée par
les Abbassides. et l'a~tre par des descendants d'Omeyyades, c'est·à·dire les
souverains de Damas. l:un d'eux notamment, Abd ar.Rahman Je•, le foildaleur
véritable de l'émirat de Cor doue, - et donc <le toute la branche omeyyade
dite d'Occidenl - était un survivant du massacre perpétrê en 750 par les
Abbassides â rencontre de Ja maison on1eyyade.
Dès 755, Abd ar-Rahn1an put reconstruire Ja dynastJe déchue en trîo1np11ant
au passage de tous les petits roitelets qui voulurent l'en empêcher. Après
avoll' été un émirat, Cordoue est élevée au rang de capitale du~ caUfal de
Cordoue"• qui rayonnera longtemps al>rès la mori de son fondatettr. Toute la
péninsule t'bérlque est conqtdse (honnis le Nord e t le Nord ..,Ouest) e t même
une partie de l a France. Les musulmans y ont développé un art de vie très
décomplexé. en tout cas opposé à celui de l'antique Arabie. Us y demeurèrent
jusqu'à la fin de xve siècle. mais sans la rigueur du début En 1492. le fruit
était suffisan1ment mûr pour êtl'e cueilli saos trop de dilficultê par les rois
cathollc1ues. lesquels tenaient là une revanche historique qui alJalt - on ne
le savait pas encol'e - ouv·r ir la vole aux bouleversements spectacuJaires Q.ui
amenèrent la 1noderolté d'aujourd'l1ui.
Pour en savoir plus, je vous con se.Ille - outre le livre central de Lévi·
Provençal - les titres suivants : la Poésie andalouse en arabe cla.uique
au x 1e siècle d'Henri Pérès, Paris, Adrlen-MaJsooncuve, 1937 et l 'Espagne
musulma11e de Claudio Sanchez-Albornoz, Alger, OPU-Publisud, 1985. Les
livr es d'Tbn Rochd (Averroès) sont égal ement dfsl)Qnlbles en libra.i riè ou sur
wwv.alapage.coR, wwtf.fnac.com. v.•ww.aonazon.tom. 11 suffit d'entrer • Averroès" ou
• Andalousie " dans n'importe quel moteur de recherche pour avoir accès à
une Importante bibliographie.

Jamais deux sans... trois 9rânds empires


Les trois empires post-médlévaux Qui onl surgi après la chute des
Abbassides sont réputés pour avoir efficacement utilisé ra technologie de la
poudre à canon. Les E:n1plre.~ ottoman, snfavide el moghol oat imposé dans
les territoires qu'ils contrôlaient une administration fortement centralisée.
calquée sur Je modêJe de l'armée, chacun l~gitlmar1L son pouvoir par les
dogmes de l'islant, la 1>uissance de son arnléeet son mécénat daos Je
doma.ine artistique.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 4 : l'islam des premiers temps 87
t;tcr d'At•I

f:f:::JOTIOMAN
Figure 2-2 ;
l es Empires
ottoman,
am SAFAVIDE (PERSel

safavlde ~ MOGHOL
et moghol.

L'Empire ottoman : les Turcs


Des trois empires 111u$ulmans mentionnés cl·dessus, c'est l'Emplre otto1nan
qui a exercé Ja plus grande i nfluence sur l'islam et sur 1'0ccideoL Au
xru~ slèc.l e, des groupes lslam1ques turcs pénétrèr ent en Anatolie (Tur quie
actuelle) et dans Ja villè anatolienne ot.cidentale de Bursa. Le chef d'uri clan
tul"C hnplanta un petit État qui se développa rapidement pour devenir un
empire 1>lus hUJ>Ortant : au début du XIII" siècle, La majorité de la populat ion
d'Anatolle é tait c hrétienne. tandis que vers la Hn du xv• siècle, 90 % de
la 1>opulation ~tait musulnlane, en partie g·râceà l'immigration turque
et également du fait de la conversion de la 1>opulatton lndigè11e par des
mtsslorlllalres soufis.

Le mol 11 Ottomaa ' provient du nom du fils d 1un grand chef tu.rc, Osn:ian 1er
(dont le nom s'écrit également Othman I•? .
l:Emplre otto1llan s'est consacré à ëtendre ledar al·lslam (don1aine de l'Islam)
dans l'Europe chrétienne. parvei1ant ;:iu x1V4' siècle à pénétrer en Europe et à
vaincre les Serbes en 1389. C'est depuis cette époque que subsiste dans la
n1énlOire collective des E\rropéens J'lnlage de la o1 brutalité des Turcs o. Au
x,,... siècle, les Ottomans avaient conquis le reste de l'AnatoUe et des Balkans,
y con1prls Constantinople en 1453. Cette date marque La Cln dé.Unitive de
l'Empire romain d'Orient moribond. Au xv111 stècle, les Otto1nans avale11t
conquis le Maghreb, l'Arabie occidentale (ave<: les vllles saintes de La Mecque
et de Médine). la Syrie. la Palestine el l'Irak,
L:E1np1re ottolnan occu1>a u11e place centrale dans les échanges commerciaux
entre l'Europe et !'Extrême-Orient (Chine. Asie, Asie du Sud el Pacifique)
88 Première partie ; Au.x sources de l'Islam - - - - - -- - - - - - - -

et entre le nord et Je sud. Dllllleurs. la découverte (lu Nouveau f\1onde e t


l'établissement de 00\1ve.lles routes maritimes contournant la pointe de
l'Afrique expJiquent en grande partie Je déclin de l'Empire ottoman. Les
Ottomans s'investirent pour stimuler la production de marchandises de
luxe destinées aux grandes famiUes de la Cour et à l'exportation. J>arml les
produits commerclallsé• ngtrrent les tapis, les textiles (autour de Bursa), la
céramique. y compris la fabrication de carreaux (autour d'(z:nik, en Turquie
orientale). Les motifs à base de tulipes sont ca-rac térlstlques de cette é J)()Que .
Le rayonnement de la culture ottomane s'exerça. égalemenL d'autre
manière. Les savants des universités rattaché-es aux mosquées clans ta
ca1>ltale lstar1bul (l'ancienne Constantinople) apportèrent une contribution
notable aux mathématiques, à l'as1ronomle, à la médecine, à la géographie
e t à l'histoire. La tr1iniature, technique provenant de l'héritage perse.
trouva une nouvelle application dans Je travall d'lllustration des archives
historiques, avec notamment les représentations des campagnes militaires.
En architectUJ"e. la plus grande réalisation fut ceJJe du palais Topkapl, à
Istanbul -qui en réalllé a été davantage conçu comme un palais composé de
pavillons éparpillés et de salJes à usage JJublic ou privé que comme un fort.
Oa compte également la construction de grandes mosc1u~es et de mausolées
(et c hapitre 19).
t:État ottoman domina la religion aussi profondérnent que tous les autres
domaines. IJ se montra tolérant à l'égard des non ~musu l mans qui eurent le
droit d'être représentés par le chef de leur communauté re ligieuse. Qua1td
les Juifs furenl contraints de fuir les persécutions en Europe, ils trou\•èrent
fréquemment un asile sûr et purent prospérer au sein de l'Empire otto1nan.
Des représentants religi eux musulmans ont été intégrés a la fonction
publique. Le c heikh al-Islam, désigné par le gouvernement, désignait à
son tour les qadis (juges) a insi que les ~>rotesseurs des mac/rasas (écoles
ou universités). Les fonc tions officielles du qadi consistaient entre autre-s
à collecter les impôts, surveiller les march~s e t inSfJe<.:ter l'armée. La loi
teJigieuse suivait le rite hanafite (cf. chapitre 8). t:ttat était strictement
sunnite. Deux groupes (mystiques) de soufls étalent partlcullèrentent actifs.
les Bektachls et les Mevlevls (cf. chapitre 14),
Le calife se considëralt comme le défenseur Jnililalre cte l'lslaot. l'ete.ndard
de la charla (loi Islamique) et l'héritier àla fois de Rome (du fait qu'il avait
conquis J'Ëtat byza11tin) et des califes musulmans des premiers temps.
Imprégnées de cet étal d'esprit, les armées otloma.nes faillirent prendre
Vienne en 1529 (puis de nouveau en 1683). La majorité de la population
balkanique est restée chrétienne, bien qu'un certain 001nbre de personnes
se soient co1rver1ies à l'islam en Bosnie, en Albanie, au ~'lonténégro et en
Macédoine (dénomination actuelle).
Bien que n'étant pas d'ascendance arabe (qoraychite), les Ottomans
prétendirent que le dernier callfe abbasside avC:lit c\:dé sa 1>lace à un
- -- - - - - -- -- - - - Chapitre 4 : l:islam des premiers temps 89
dlrigcanl ottoman en 1517. Ce n'est que peu de temps après cette date que
la domination ottomane connut son apogée avec le règne de SouJay1nan
le Magnifique {1520· 1566). Les Otlomans oot combattu avec s uccès les
chrétiens sur trois fronts : contre l'État russe en ex·pansion ata nord de la
1ner Noire. contre l'Empire austro-hongrois en Europe de l'Est, et contre
l'Espagne à l'ouest en prenant le contrôle de la Médite rranée. À l'est, l'État
Ol toman s'est opposé au pouvoir safavlde Iranien. Bien que l'Empire ottoma11
ait perdur~ jusqu'en 1922, après la fin de la Première Guerre mondtale1
son dëc lin a cornntencé dès le xvt1" siècle. Le commande.ment central s 'est
a ffaibli en même temps que l'Europe a comn\encé à relever le défi militaire el
économique. Le califat a été aboi! en 1924. deux ans après la faillite de l'État
ottoman et la fondation de la Turquie moderne.

L'Empire safaflide : les Iraniens


L'Empire safavide fournit le nleilleur exemple d'un ttat isla.m ique chiite.
Le type de chiisme le plus fréquent est le chiisme duodéclmaln {adepte du
douzième imam- cf. c ha1>itre 13).11 s'est répandu en Iran. L'ttat safavlde
englobait une zone plus vaste que ceJle de l'Iran moderne. Son apport sur le
plan cu_ltureJ e t artistique est comparable à celui de la période abbasside.
moghole et ottomane.

Comment tout cela a -t-il commencé? Les populations turques se sont


Implantées en masse dans les te.rrito1res du nord et du nord--est de l'Emp1re
abbasside l andls que la puissance centrale se dé<:Ofnposalt. En rabse.nce d'un
Ë.tat central fort, a près la conquête mongole. en I258j les diverses confréries
soi.1fles (cf. ci1apltre 14) sont devenues des relais Importants d'orgaaisation
sociale au niVeau local. Le c heikh Safi Al-Oin (1252-1334) a grimpé s i haut
dans la hiérarchie de cette confrérie qu'il s'est fait connaitre par son nom
- d'où l'orlglne du nom " safavlde •. Cette confrérie s"est dévelo1>pée à partlr
d'Azerbaïdjan vers l'est (en l'Iran) et vers l'ouest (Turquie orientale).

 partir de 1502 jusc1u'à sa mort en 1524, le shah Isma'il, un deseendant


cJe SaO al·Oln. a entrainé ses disciples à la conquête de l'Iran, établissant
a insi r e.tat safavlde. Le shah Isma'il se réclamait descendant à la fats du
prophète Mohammed e l des lma1ns c hiites (descendants du prophète
Moham1ned Identifiés par les chi ites con1me leurs c hefs) alnsl que du dernj er
roi sassanide (sflaf1 est un mol ancien qui slgnlfJe 11 roi• en sassanide). Il
a également prétendu représeotc·r Je dernier (clouzlème) Imam chiite. qui,
selon les chiites. est entré dans la c landestinité e n 874 (cf. ehapltre 13). Ces
titres de gloire lui ont donné l'autorité à la fols au plan politique et au plan
religieux.

À cette époque, la majeur e part ie de la population de l'Iran était composée


de musulmans s1.1fl 11iles. Cependant, une fois au pouvoir, le sllàh Isma'il
entreprit d'instaurer un ~lat reposant sur le c hiisme duodécimain. U
90 Première partie : Aux sources de l'Islam - - - - -

exerça sa répress101l à l'encontre des au1ru chiites. des soufls et des


sunnJtes. JI recruta des soldats esclaves issus des populations des régions
nlontagneuses du Coucnse (entre la mer Noire et la 1ner Caspienne), plutôt
que de s'en re1ntllre aux groupes qui l'avaient porté i\u 1>ouvoir. Pour
encadrer la pratique religieuse de la population contrnfnte <l'aclopter le
chiisme duocli!clmaln, Il fit venir des oulémas du Liban. de Syrie. d'Irak, de
Bahreïn et du Cachemire (ce <1ui explique aufourd'hul encore l'influence
des mollahs Iraniens c hiites - adeptes du chiisme duodi!clmaln - sur les
popularlons c hiites de ces pa}/$). Les établissements rellglewc étaient sous le
contrôle de l'ttat.
C"est lsma"ll qui lntrodulsl1 chez les chiites l"habllude de maudire les trois
premiers cailles -Abou Bakr. Omar e t Othman (ainsi que Aicha à qui les
chilres reprochenl son opposllion au califat de 'Ali)- dans l'appel à la prière.
nnt reconstruire les sa1lctualres liés au cuJle du doutlème Imam (chii.$1ne
duodécimaln). Dans t'Ct esprit, le pèle.rinage à Kerbela e l la célébration
anr1uelle du 1nartyre de l lusseln prirent t1ne llnportnnce capitale qu'ils ont
gardêc aujourd'hui encore (pour en $avoir plus sur le cuire et la théologie
chiites, cl chapitre 13).
t:lran salavlde connaîtra deux siècles de prospérll~ assurée par des
conquêtes militalres, une administration el des gouvernants efficaces.
La capitale de remplre, Ispahan, comptait déjà un mUllon d"habitants,
152 lll0$Quées el 273 bains publics. Le règne du shah 'Abba5 J- (ISSï-1629)
marqua l'apogée de remplre qui sut réaliser la synthtse des 1radlt1ons
persanes et lurques qui a donné naissance en peinture. rart de Ja miniature
persane. avec notammenr l'lllustration de l'épopée nationale Intitulée la
Shahnama (hlslolrc des rois), Le gouvernement encouragea la fabrication
de 1a1>ls qui devint uJ1e soi1rce 1najeure de revenus à l'exportation. Le
shah 'Abbas fil venir à Ispahan, la nouvelle capitale de remplre, située
dans le centre de l'Iran, des centaines de potiers chinois qui transmirent
leur savoir·falre à le~1rs çonfrères persans. favorisant olnsl le cornrnerce
de vases en porcelaine vendu$ à l'étranger. La (abrlcallon de mosaïques.
un art typiquen1ent Islamique. a sans doute connu $On apogée à l"époque
des Safavldes. Cu carreaux de couleur as500iés à une architecture
caracléristique Mrltée des plus anciennes traditions Iraniennes liées à
r1slam ont conf~~ a.ux grandes mosquées de cette ~poque teur allure si
partkullère.

Le dêclln s·amorça après l'époque du shah "Abbas. Les oulémas (les


théologiens. ceux qui éludienl la reJigion : en Iran. on ut111se plutôt le terrne
de• mollahs "qui foll ré lérenoe Aun clergé re ligieux qui n'existe pas chez
les s·unnltes) gagnèrent en ln1portance et en fndéJ>éncli\ncé et résistèrent aux
prétentions du shah dans le domaine rellgieu•. Ils considéraient que c'était
à eux, et non au shah. d'êrre les gardiens de la fol e l les représentants de
r1111an, caché. lnévt1able1ne11t, l'effritement du j)O\avo1r centrallsé consolida
celui des tribus locele.s. L'empire comrriença à .se disloquer bler1 avant la
Chapitre 4 : l'islam des premiers temps 91
mort de son dernier régent, en 1702. En 1779, à la suite de quelques dynasties
mineures, la dynastie KadJar prit le pouvoir qu'elle conserva Jusqu'en 1925,
date à laquelle elle rut remplacée par la dynastie Pahlavi qui rêgna Jusc1u'en
1979, date de l'acte de nnlssonce de la République islarnlc1uc d'Iran.

L'Empire mo9hol : l'islam en Asie du Sud


Pourquoi mentionner l'Empire moghol parmi les trois t.1nplre:s retenus
comme exemple d1~tat lslamlque tardif? Il suffit de regarder les chlllres
de la démogtaphie; li-y a beaucoup plus de musulmans vivant en Afie du
Sud (Inde, Pakistan et Bangladesh) que dans le monde arobe. !:Islam s'est
répandu en Afle du Sud et en Indonésie, le plus grand pays musulrnan de 00$
Jours. t:islam e n Inde a d'ailleurs une physionomie très différente de celle que
l'on co1111aît dans les pays du Moyen-Orient.

!,'Islam s'est répandu da11s les r<\glons occidentales de l'Asie du Sud·Esl


dès 711-713. Les grandes conquê tes lurent plus tardives. e11 1>art1culier
sous l'impulsion d'enval1IS$Cltrs venus d•Afghanistan. L'hnplantallon des
premiers Étals musulmans Indiens dans la région de Delhi d•le cJc 1201 . Au
cours des trois siècles qui suivirent. l'Afie du Sud allah élre entièrement
islamisée. t..:Empire moghol fui celui qui dura le plus longtemps et •"étendit
le plus largement. li fut !ondé par Bàbur en 1526 et auelgnlt aon apogte sous
Akbar I" (1556-1605). Bàbur s'enorgueillissait d'être à la lols descendant de
Gèoghls Khan et du grand conquérant turc Tamerlan.
Le$ cllrigeants moghols mlrt.nt en place un système adrnlnlstrntlf élaboré
re posant sur des o.fllclers appointés qui étaient enllèremem tributaires du
pouvoir central. La 1nalnn1lse <lu gouvernement s'exerçait Jusqu'à l'échelon
du village, ce qui n'empêcha 1>as les Hindous de détenir un <:ertaln no1nbre de
fonctions. li en alJail de 1nê1ne pour les affaires reJtgleuses : le gouvernement
ccnlral non1mait le qadl au soin met cle la hiérarchie Ouge st11)rê1ne). puis les
qadis locawc. les surveillants de marché, les prêcheurs, les dirigeants de la
prière (Imams) et les admlnlSI rateurs des waqf (londatlons CllrlUlllves).
La population musulrMne. concentrée surtout dans le nord-ouost de
rtnde, dans la vallée de l'lndus et au Bengale. n'excéda Jamais 20 l 25"
de la population. Ceue situation eut un impact sur le développement
rellgleux et culturel de rEn1plre moghol, qui présente dt.s caractéristiques
différe1\les de celle$ de1 autru empires musulman.s où la m.ajeure partie
de la population se convertissait à l'islam. Aux apports prlnclpnux issus
de. tra<lltions cu1turelles lranlcnni:s et Indiennes (ou hindoues) vinrent
s'additionner des éléments Issus des cultures aral>es, mongoles el turques.
L.' prospérité résultant des co11q1161es ainsi que l'efficaclu! cle !'administration
contribuèrent au rayonnement de la cullure moghole. L'Inde de celle période
est particulièrement féconde en 1nusique. en littérature, en peln1ure et en
architecture.
92 Première partie : Aux sources de l'Islam ------~-~-----

S'appuya11t sur la tradition persane de l'art de la 1nlnlature en peinture,


Je style et le répertoire dei sujets traités se sonl pari lcullère.ment
dé\•eloppés grâce au rnécénat royal. Le 1hè1~1e des animaux en particuJier
a été excellemmenl rcndtr. l..'œuvre la plus grandiose esl sans doute celle
qui retrace les ~pop ées hindoues el Islamiques. Le llc1tnzanan10 est un
récit légendaire des aventurèS de l'onde du Prophète, l lomia, relatant ses
pérégrinations à trnvers te monde pour rép.1nclre r1sla1n. Ce récit con1portall
au départ 1400 e1dumlnures. dont chacune mesurait pl11$ de 60 cm de haut.
11 en reste aujourd'hui environ deux cents. Les réussites architecturales sont
également lmpre55lonnantes : Il n'est que de voir le• palais. les mosquées
et les tombes sises dans des parcs superbes qui abritent tes dépouilles des
empereurs moghols et de leurs épo...,.s (cl chapilre 19).
Au plan reUgleux,. Akbar Jer adopta une attitude d'ouver1ure à toutes les
religions. L'lml)6t tlO par les non-musulmans fut gupprlmé el Je calelldrier
solaire refit son ap1>arl1 lon. Le gouvernement flnnJ1ça non sculemenl la
construction d<~ mosc1uées, mais également celle <le te1n1>1es hindous.
Par a.llleurs, la conson1n1ntlQn de viande de bœuf fut décO\tragée pour ne
pas beurter la sen.slblllt6 hindoue. Le syncrêtl~1nc (an1nlgan1e d'éléments
provenant de différentes religions) se développu, non seulement dans
les sphères étatiques rnals également â l'échelon local Il est le fruit de
llnteractlon mutuelle de diverses formes de dévotion propres à !'hindouisme.
d'u11e part. et au culte des ~lnts pratiqué dans le soufls1ne. d'autre part.

Les conlrtrles saunes Jouèrent à cette époque un rôle Important dans


la conversion à l'Islam. Ces confréries, telles celle des Tchlchtis et celle
des Subrawardis, mirent l'accent sur la baroho (la ~nédlcllon) que peut
apporter le saint souri. Les écrits du phUosophe el théologien espagnol Ibn
'Arabi (U65·1240) ont exercé une Influence certaine sur le soufisme moghol.
L:ourdou. langue dérlvnnt de l'hlndl parlé dans le nord de l'Inde avec des
apports de vocabulnlre d'origine persane, devlrit la langue clominante utllls6e
par les musulrnans d'Asie du Sud pour la religion et la littérature. Plus tard,
certaines confréries 1ot1fles réformistes. le11es celles des Qadirlyyas et des
Naqshbandlyas (pour en savoir p lus sur ce$ deux confréries. cl chapitre 14)
prirent de lïmportance. Elles mirent l'accent aur la charl<I (loi) et rejetèrent
aussi bien 11nlluence hindoue que le cuJte des salnts de leurs prédéce$.seurs
souns jugé excesslL Ce retour à une certaine austérité et pureté or;ginelle
de l'islam fut soutenu par l'empereur Aurangzeb ( 1618-1703) qui notamment
rélntrodulslt le calendrier musulman lunaire. l'impôt sl)«lal dû par les non-
musulmans et ordonna la destru<::tion de temples hindous.

Les Bri~a11n fques vinrent s'ln$tatler en lnde dans les années 1800 et prirent
progressivement le pouvoir. Ils déposèrent le den1ler ernpereur m·oghol
en 1858. Le déclin de la clvlllsa1lon moghole s'était déjl\ amorcé à partir du
xvwc siècJe.
Deuxième partie
La foi et les croyances
musulmanes

• .}e lui ai dit <fU" :nou$ étions coni.pli!tem«nt perd11s.


ll 111'a proposé u:ne car('!' rolltit'r'e ... et il "IJ1'a i:ndicr11t la
direction de L.a :M.«c<fue a11 cas où cela n« $Uffirait pas 1 •
Dans cette partie...

C: ette partie tralte essentiellement des fondemeilt$ de la fol musulmane, en


part leu lier de la conception que IC$ musulmans ont de Dieu On y explique
rat tribut principal de: Dieu en Islam - son unicité.- ainsi que ses autres attributs. les
noms que les m.U$ulrnans lul donnent et les signes qui attestent qu"ll est Dieu.

En outre. cette partie aborde quelques a.s pects theGloglquC$ soulevés dans tes
premiers te.m ps de l'Islam, notamment la relation qui existe en1re ta foi et les œuvres,
d'une part, et entre la 1héologle e t la philosophie, d'aul re part.
En conclusion, je termine pnr tlll n1>erçu des croyances n1usu1lnanes en ce quJ
concerne la résurrcc:tlon des ntorts, le Juge1ne.i1t dernier. l'enfer ou le paradis.
Chapitre 5

Soumission à Dieu
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• • • • • • • • • • • •
Dans ce chapitre :
... Professio1\ de fol en Dieu
... Allah e$1 le nom de Dieu
• Reconnaître les attributs et les noms de Dieu
... Connaître Dieu
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

L es musulmans ont en commun un certain nombre de croyances sur


Dieu. Ces croyttnces ou ses alflrmntlons reposent $UT ce qui est dit de
Dieu dans Io Coran et dans les récits que l'on appelle les hadiths, c'est·à·dire
les traditions re1nontnnt à 1'ép0qu~ du f'rophèle. Nous vous Jes présentons
Ici de façon assez libre. Cependant. li est bon de mentionner que même
les affirmations les plus fondamentales. acceptées par la majorité dC$
musulmans, dêbouc:hent souvent sur des débats théologiques portant sur
des points précis sur lesquels les théologiens n'arrivent pas à se mettre
d'accord (pour en savoir plus sur ces débats théologlt1ues. cf. chapitre 4).

Ceux qui connaissent bien la re11g1on chrétienne ou lejudaîsme trouveront


beaucoup de similitudes sur la façon de concevoir Dieu. Les chrétiens et
les julls pourraient dire la m&ne chose de Dieu que les musulmans. Les
dllférences avec !"hindouisme sont plus grandes car les hindous vénèrent des
dieux en grand nombre sans qu'aucun d'eux en particulier soit !'ultime réalité
suprên1e.

Pour les musuhnans comme pour les chrétiens ou le& juifs, Dieu '-St la seule
et unique réalité ultime. Dieu ne dépend de rien mals tout dépend de Dieu.
Il est dit dans la sourate XXVIII, 88 : •Toul doit périr, excepté Son visage
[celui de Dieu) • car Dieu est la seule réallté nêcessalre, non contingente Seul
Dieu tst éternel . Tout ce qui existe n·exlste que dons la mesure où Dieu ra
voulu et aussi longten11>s qu•il le veut. Ainsi, tout <lépcnd de Dieu pour son
existence. En slnne de reconnaissance et d'acceptation de cette dépendance
envers Dieu. tout Etre humain devrait se soumet• re à Dieu.. Selon ta Traditjon
musulmane. au contrnenœment. toute l'humanlt~ était soumise à Dieu.
Seulement. les hommes l"ont oublié. C'est la raison pour laquelle Dieu envoie
96 Deuxième partie : la foi et les croyances musulmanes

des prophètes J>()ur rappeler aux hommes qu'ils dolven1 revenir vers lui et se
soumettre à lui. Le 1no1 •musulman" signiUe d'ailleurs lllt~rafement «celui
qui se soumet • (à Olcuj.

Affirmer l'unicité de Dieu


Le 1au:h1d (uniclt6) est le terme Islamique qui rê11ume le mieux à lui tout
seul la coocepUon que les musulmans ont de Dleu. l.a sourate C.Xll. l'une
des plus anciennes et des ptu.s courtes. porte en en--tète un mot qui signiHe
le • monothéisme pur • (ce mot a littéralement le sens de • slncbité~
authenticité•). Cette notion d'unicité e.'\'t si Import.ante que cetle soura1e
est considérée comme représentant un Uèrs du credo n1u,Sulma.i1. Seule la
Fatiha (•celle qui con11nc1lCe •, la première sourale) surpasse celle-ci en
importance. En g~né tal, les 1nusu1mans la. eontialssent 1>ar co."'ur, aussi bien
(et peut-être même nllcux !) que les c l1réliens connaissent le Jlsaume de
David Intitulé• Clttcrnel est mon berger •. Voltl le début de cette sourate:
Dis : • Il e.st Dieu, Unique.
c~est te Dieu ~Jerne/
Il na poi11t t11/onté et n'a point tté enfanté
fi na poin1 d~gal• •

Ce passage s'adressait directement aux gens de La Mecque pour qui Dieu


~tait un dieu parmi d·aut res et avait tTois fJ11es. Celte conception d"un dleu
ayant femme et enfants revenait à commettre le péché de ch1'rll (asSOcialion),
le péché le plus grave dans l'Islam. Il y a également 1>éché de chrrk quand on
admet qull existe d'nutrea dieux et qu"ils ont avec Dieu une part du pouvoir.
La. sourate JV, 116 déclare: " l)ie.u ne pardonnera pus le crln1e de ceux qui lul
associent d'autres divinités : JI pardonnera toul le resl e à qui Il voucl ra . ..

Cette insis tance des 111u.sull·n ans sur l'unicité cle Dieu et leur horreur du
péché de chirl< qui en est la négation va bieo au·dclà d'un simple rejet du
polythéisme pris au 1e.n.s premier. Un professeur d·unlvt!.rsité spécialiste des
religions. Mlcllael ~Ils. a écrit un ouvrage d1ntJOductlon au Coran qui fait
ressortir quatre aspects dkoulant de l'unicité de Dieu - et fen ajoute mof...
mëme un clnqulème :
v Rejet du polyth~lsme (croyance en plusieurs dieux) et rejet du fait
d'associer d'auLres êtres à Dieu (comme nous l'avons vu cl-dessus). Du
point de vve musulman, le paganisme et l'hindoulsn1e sont coupables
d'association dans la mesure où ces écoles de pensée acce1>tent une
multipllcltê de dieux.
___ Chapitre 5 : Soumission à Dieu 97
,,.,. Rejet d'une fidélité Inconditionnelle à autre chose que Dieu, comme
l'argent, le pouvoir ou les richesses matérielles. SI les Occidentaux
aujourd'hui ne sonl pa~ enclins à s'attacher à d'autres dieux au sens
propre du ter1ne. beaucou1> ont t1éa1)moins une certaine propeos1on
ù mettre J'arge1'1t, Jes richesses 1natérielles. la patrie, la ramllle ou
la réputation de leur fanllllc bien avant Dieu, ce qui est une forme
d'idolâtrie.
"""L'unité interne de Dl~u : non seulement iJ n'existe pas d'aut res dieux
en dehors de Dieu mals en Dieu lui-même, Il n'y a pas non plus de
multiplicité. La sourate CXll n"était pas dirigée à rorlglne contre le
concept chrétien de Trinité - un Dieu en trois personnes: cependant. ils
en vinrent rapidement à considérer que la sourate CXll Impliquait le rejet
du concept chrétien de la Trinité qui affirme l'existence d'une multiplicitê
dan$ la nature de Dieu - Père. Fii$ et Esprit saint.
Y" Anéao.t issc,n1e.nt de sa propre réalité qui 11·es·t pos peru1auente: pour
les mystiques souris, la sourale CXll impllque que si Dieu est le seul
à ê tre réel Cl éternel, le développement spirituel de l'homme passe
nécessairement par l'oubli de sol-même. L'égooe11trlsnle de l'hon1me le
détourne de la contemplation de Oleu.
,,.,. Affirmation de l'uulclt.é de Dieu: rien n'est par essence semblable à
Dleu. On peut dire que c<"talnes réalités sont. d'une certaine façon. à la
ressemblance de Dieu: par exempte. le sentiment de mls~rlcorde que
peut ressentir l'ho1tlme ressemble à la miséricorde divine. Cependant.
selon le grand théologien musulman Abou Hamid •l·ChazaJi ( 1058-1111),
cette comparaison ne signifie pas que la miséricorde de l'homme est la
même que ceJle de Dieu. l'nên1e si elle en est tout de 1r1ê1ne un reflet.

Al·HallaJ, le grand mystique sou fi qui fut martyrisé aux• siècle, n déclaré
que Satan é tal• le monothéiste le plus cohérenL Dans le Coran. li est dit que
quand Adam a été c réé, Dieu a demandé à tous les anges de se prosterner
devanl l"homme. Satan a refusé de te falre.Al-HallaJ lit remarquer qu'en
cela Satan êtait celui qui s'était monrrê le plus obéissant au commandement
de Dieu qui veut que l"on oc vénère que Dieu lui-même. Satan a obéi à ce
commandement mEme quand cela l'a mené à sa propre condamnation.
98 Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes

Les Venets sataniques


En 1988, Salman Rushdie, l'au1ou1 britannique les Ooraychitos da La Mocqua, Manat signifie
d'origine indienne couronné par plusieurs • le destin•, une notion très importante dans
prix lrnéralres, a publié un roman Intitulé L83 les religions arabes préislam1ques
V1ts1tssataniqussqu1 a suscil6 de nombreuses
polémiques dans 1, mon.a entier Beoucoup Ces dêes.ses sont con11d6rjes comme lesfille.s
d'AUah. ce qu1 pourrait tout simplement vouJoir
de musulmans cO:llSidêren1 ce roman comme
due• les d1v1n116s l•m1n1nes •.À l'époque
blasphemaroire. royatollah Khom.yru. qui eiait
elors 11 chef SpllltUel suprêmad'lren. prononça préislamique. elles 611•ent vtnâfé•• dans des
s1nctuaires 1utour de l1 Mecque Selon la
mime une senmnee de ma« U11wa) l l'enconrre
dt Rushdie. version d'al-Tebarl- QUI, ne l'oublions pu, est
contestée-, la propt\•t• Mohammecf aurait
lat,tre du roman d.e Salman Rushdje ftut 1Uus1on ajoute: .. Cesdéessea sont d'illustres divinités,
ê un récit quifigure dans la biographie offic111le dont l'intercession doit être espêrêe. " Cette
du prophète Mohammed st dans les œuvres phfase semble roconnâître un rôle subalterne
d'al-Tabarl, le grand historien et e•égôle du à ces tiols divinités. Mels cene question ê eu
Coren qui Vécut dans les prom1ors temps de d'énormos r•perc:ustions dans la thêologio
l'Islam. Même si nombreux sont les penseurs mémo de l'itliam En tflat, selon la doctrine
musulmans qui COl'ISldêrent que et rtclt n'est •de !'Abrogeant et da l'Abrogê • fsn-nasS1kh
p11 authenuque~ il n'en rtstt pis moins vr11 wal m1nsoukh} lcf chapitre 5 - le Coran.
q1.,.h1storiqu1ment il date d'une p•r•odt 1rê-s partre • les ve.rsets abrogts •), les 'Versets
1M1enne Selon certamtustontnt ocCldlf'ltlux sataniques ont 61• supprimés du Coran. at0<s
de f11lam. tel W Montgomery Watt, l'euthen- mime qui! le Ptoph•t•- UlSPlf'8 en secre1 par
tlcnë da ce récit.. si contraire aux croyances Saten le tentateur 1u111tprésen1é Jesdées-ses
qui se devetoppèrent par la suite, parait plus antê·islamiques comme étant de nature quasi
vra1semblabfe qu·une pure tnvenllon. divine.• Déesses sublimes•, comme d1~a1t RêglS
En s·anaquant au polythôisme, Mohammed Blac hère, un traducteur français du Coran.
s'estheurté &une opposition qui s'o•pliquo en Comment e•pllquor quo le prophète d'Allah
parue parte fait qu'il reme1te1t olns1 implicite- pouvaitse lromper? la do•• évoque le fait que
ment en question jas convfctions religieuses Satan était à la manœuvfe et prononçait â haute
des ancêtres de se.s contemporains Dans un voix tes noms de.s deux d1VJn1tés à la place même
r6c1t d'1l-Taba.ri, d est écrit q1.11 le prophète du Prophét1,A:e~u1 •'•pu menquil d'ab_, les
Mohal'M'ed espérait a~oir une révtlattOn Qu• fu1 croyan1s. o·aiHeurs, le Coran le fart savoir clar
pe<mtlltlll lie résoudre la S<IUllJOOConftttuelle rement: •Nous n'avons 1nvoye avanttoiniprcr
qu•111n1retenait avec ses compatr1ote1 de La pllète ni ap6tte Nns quo le Démon intet"lienne
Mecque. li se mi1 a1ors à réciter ta sourate Liii, dans ses désirs•. m11s « D••u confinne ensurte
t9-20: • Due vous sembla d'Al·L•l et d'AI ses versets. cer Il est celui qui sait • tXXll.
'Oz1a• ? Et l!&lte au1re, Menat, le troisième 52) Oepu1• quatorze Slèclas, l'hermêneuuque
Idole?• Le mot al-lat signifie simplement" la musulmane 1ravDille ces versets Elle en extrait
déesse .., le mot al~ 'Or..z.tJ vout dire « Io cout· le s•ns profond etp0$0, an lace, les éléments qui
pulssaot •-que l'on assimile à Vénus, l'étoile p~rmettentd'isoler les v1 ats et les faux versets.
du matin, divinité qui êtait tré• populaire chez
_ _ Chapitre 5 : Soumission à Dieu 99
Les VetSets sataniques (suite)
Lorlqua 1' écrivain anglo·britannlquft s'est d'un côté, conduits par l'Iran, et les sunnites
emparé du sujet, lasituatïon hyper·1diolog1qua de l'autre, conduits par l'Arabie Saoudite Plus
de l'islam. notamment en Iran, favorisan une subttlement encore, les chiites considéraient
confrontatjon grandeur nature Ausst l'ay1tol· que les sunnites avaient perdu leur tme. car
leh Khomaony n'1+il pas hésrté 6 décréter 11 comme J'lra ~ au temps du BHth let dt Saddam
mort du• m6c1ea01 •Rushdie. LA·dessus. t1 Hussein). ils se procl1m11en1 ouvertement
plan•ta tout entilre s·est enftammie, les uns taique:s, voire athées
souttnlnt ta f1twa de mise à mon. tes autres
Enhn, dernier ruveau d·an11gon1sme subver-
la condamnant sans réserve Piquée eu "''·
1'1ntall1gents1a laïque d'Occident a trouvé le sif~ le matitriah.sme dt1lec11qua des anciens
communistes opposh • la spl111ualité chïite
un thème • sa mesure pour manifester son
relut de toute dictature au nom de Oieu, ttnd1s et au clergé dogmatique wahhab1ta qui, dans
ses livres sacrés, était supposé détenir la
que ta m()llarchîe iranienne y a vu un intérêt
•vérité 11 voulue par Allah. L'affaire dite« des
secondaire pufssant : s'emparer du monopole
versets satansques •a tout 6 coup têVeillé un
de labonne parole en islam au dé1riment de ses
torrent d'acrimonies et de haines régionales
rtvaux • unnnes, arabes etsunout w1hhab111s.
ancestrales.
Ce qu'1l leut retenir, c"estque ce combat entre
OJ1tn1 t l Occident en cac.haJt un 1u1r1. 1ou1
1us11 frontal. la nvalitê entraY<HS1ns h!sch1ttts

Et après tout. pour quoi pus? L'islBm a accepté l'existence d 'un certain
nombre d'ent ités inle rn1édlatrcs entre Dieu et les hon1n1es, conune les anges
et les djinns (cl chaplt.re 7). Alors pourquoi 110 pas accepter aussi ces enllt~s
pour se coocilier les bonnes gr 5.ces des babitanls de La Mecque qui reçurent
ces paroles du prophète Mohammed avec tant de Joie. J;n réalité, cela aurait
slgnilié un retour au polyt hélsme. Par la suite, l'ange Cabrlel a lnformê
Mohammed qu'il aV11it été Indult en erreur par Satan. Mohammed supprima
œtte déclar ation sur le rôle d'lnterœssi<>n des divinités en question et les
remplaça par de nouveaux versets reçus en révélation. notamment le verset
Liii. 23 qui dit que ces trois divinités ne sont que des noms el n'existent pas
en réalité. Les versets supprlm~s sont a ppelés• versets sataniques •.Si ron
ne sait pas avec certitude si cette histoire re.monte effectivement au temps
du prophète Mohammed, elle n'en reflète pas moins les débats conflktuels
qui e urent lieu autour <lu 1hè1ne de 1'11 unjcité • de Oie\1et de I'• association •
(cl>irli).
1OO Deuxième partie : la loi et les croyances musulmanes

La chahada : le premier pilier de l'islam


La prolession de i o1 prmcipale (ahahada) de seul et même endroit dans le Coren, ces deu•
l'islam consâtua Io premier el le plus lmpot· partfe-s (de part et d'autre de fa conjonction
11n1 des cinq piliers de l'islam lcf. chepl1ra 91 • et 11) v figurent un certain nombre da rois
li première partie de cette profession de fol dparément. Ainsi. d•ns le souraie Ill. 18, ~est
repose sur l'affirmation da t'un1c1tê de Dieu dit : • Dieu atteste. et aussi les Anges et les
tr1whid) qui est fond1tr1c1d1ns 1'1sl1m EUe doués de setence. qu·11 n·ya po1n1 de divorntê à
dk lare : •Il n'y a pas d'au1re. doaux que Dotu part lui. le M11nteneur da fa iusnce Poent de
ttMohammedes1lemess~rdeD•tu •Mime dMniti â pan lui. le Pu1ss1nt, te Sage 1 •
si cette profession de lat ne se trouve pas à un

Vocabulaire : Allah est Dieu


Le mot Allah apparaît plus de 2 500 lois dans le Coran. Allah es1
probablemenl une con1ra<:tlon de deux mou : rarllde dtflnl •le• (al) et
•dieu • (jlah). Pour les musulmans, Allah est le dieu originel de la Kaaba.
le sanctuaire sacrt de La Mecque (d. chapitre 9). C.,pencjant, à répoque
préislamique. les h•bl1ants de La M ecque vénéraient Houbal. le dieu
de la Lune. el •l·'Ona. Bien avant répoque de Mohammed, les Arabes
considéraient déjà Allah comme une d ivinlté arabe lmPQrtante. Le père de
Mohammed s'appelait en effet 'Abd Allah, ce qui signifie • le ser viteur de
Dieu "·
De nos jours, pour les musuhnans et daos le Coran. Allo11 est simplement le
no1n de Dieu. En fait, Allah est exactement le mot arabe que l'on traduit pa.r
• Dieu• en lrançals (avec un D majuscule). Quand les premiers chrétiens
onl traduit la Bible en arabe, Ils onl utilisé le mot , Allah •chaque fols qu'ils
avaient le mot • Dieu •dans le texte orlglnal r!trit en grec ou en hébreu.

Pour les musulmans. Allah est Je mëme dieu que celui des t.crliures saintes
des chrétiens et des Juifs car l'Islam se situe dans la continuité du judaïsme
et du christianisme. Pour les 1nusulmans. œs trois religions ont le même dieu
et les mêmes tcrltures saintes mals chacune prétend réîormer, améliorer et
accomplir celle qui l'a précédée.

Sl musulmans. c hr~llc ns et Juifs sont d'accord pour reconnaître <1u'ils


vénèrent le rni!me Dieu. en revanche il est peu probable qu'ils considèrent
Vishnou (un dieu hindou) ou Bouddha Ami<lo de la mElne foçon c1ue Dieu ou
Allah. Dans l'hindouisme populaire, il y a trois grande• divinités - Brahma.
Vlshnou et Shlvo. LA majorité des hindous '~èrcnl Vlshnou. Shiva et bien
- - - - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 5 : Soumission à Dieu 101
d'autres déesses. À un niveau un peu plus élaboré, 1e niveau de la réa1ilé
ultime est perçu comme une réalité cosmique hnpe..sonnelle ( Brah man) qui
est lclentique à l'essence intime de ~haque personne (l'Atman ou 11 âtne •).
Le salut co11slste à prendre conscier1ce - par exemple en recourant à la
méditation poussée par le yoga - que l'Atman est identiq\1e à Brahman.

Les c hrétiens et les juifs considèrent que l'islam est une religion qui est
venue après le judaïsme e t le christlanisn1e. Us considèrent tout aussi
naturel1e.1nent que le prophète Mohan1med est le rondateur de l1slam.
tout comme Abraham. Moise et Jésus sont les fo·n dateurs du judaîs1ne ou
du christianisme. U n,e faut pas croire qt1e les musulmans ne soient pas
conscients des trarisformatlons qu'a connues l'islan1 depuis le v1r siècle.
Mals, de leur point de vue. l'islanl est la reltglon originelle de J'hun1anilé
que ~1oham 1ned est venu restaurer. Dans le Coran, Adam est la première
personne à vénérer Allah/Dieu. Abraham est le fondateur par excelle1lce de
la religion musulmane. Le Coran fait d'al11e.urs allusion à .A.braham qoi rejette
les autres dieux daJ'ls la sourate VI, 74-79.

Attester de la suprématie de Dieu


Con1me·n t peut·on savoir avec certitude qu·u n'y a qu'un seul Dieu 1 Con\ment
~1ohamrned l'a-t·ll su? Comment les gens de La Mecque l'ont·ils su ? Le Coran
appelle chaque verset 1,1n .. signe • (aya), ce qui est une preuve de l'existence
de Dieu.
Y" le Coran en Jul-même est un signe de Dleu. Chaque verset du Coran est
appelé en arabe un signe. En Crançals, on utilise le ter.me de uerset.
Y" La création du monde est un signe de Dieu. Dans la sourate XJll. 2,
li est d it : • Dieu est Celui qui a élevé 1bien haut) les cieux sans piliers
v islbles. Il S'est établi sur l e Trône et a souin i.s le soleil e t la lune. cl1acu1l
poursuiva11t sa course vers un te.rme fixé. 11 règle l'Ordre (de toute
chose) e l expose en détail les signes ana que vous ayez la certilu<le <le la
rencontre avec votre Seigneur.•
V Les cycles d e lo 11ature sont autant de signes supplé.ntentalres qul
attestent l'existence de Dieu. Dans la sourate XXXVI, 33, il est dlt :
• Une preuve pour eux est la terre n1orte., à Lac1uelle Nous redonnons
la vie, et d'où Nous faisons sortir des grains dont lis mangent, Nous y
avons mls des jardins de paln1iers et de vignes et y avons fait jaillir des
sources, • On cornprènd que la pluie qui tombe dans le désert aride
et le t ransrorme en verdure puisse sa_n.s aucu1l doute être assimllée
à un miracle dans les terres a.rides où vivaient r-.1ol1amrnect e t ses
conten1poral ns.
] 02 Deuxième partie: la foi et les croyances mosulma nes

,,.. Le soin que Dieu prend de l'humanité eot un autre oigne de la réalité
de Dieu. L'expression la plus importante de la sollicitude divine e..i le
fait que Dieu envole des prophètes pour prévenir son peuple afin qu'il
sache comment échapper à la damnation éternelle coin me il est dit
dans la sourate XXX, 47 : •Nous avons clfeetlven1ent envoyé avant toi
[c"es t-~-dl re Mohammed) des Messagers vers leurs 1wuples et ils leur
apportèrent les preuves. Nous nous venge5.n1es de ceux qui commlrent
les crimes (de la n~gatlon): et c'était Notre devoir de secourir les
croyants~ •

v La nùson humaine et la logique foumbaut d .. preu,..,. de l'61slence


de Dieu ainsi que quelques enseignements sur les attributs de Dieu
selon les tbéologtens et les philosophes. Les pr1'uves logiques de
l"existence de Dieu présentées par les théologiens musulmans du Moyen
Âge sont les meme• que celles données par les philosophes juifs, tel
Mtümoaide, ou les ll\éo1ogiens chréUens tel snlnl Tllomas d'AquJn.
Al·Ghni;ill, le théologien musulman le plus brillant, a déclaré que si ron
coosJdère la co1n1>lexlté de. l'ordre de l'unl\lers, .,n peut loglquemenl en
coaclure que l'\1nlvers clolt avoir u1l créateur qui es1différent cle runivers
lui-même.

Définir les attributs de Dieu


Le verset du Trône (sourate Il, 255) est rua des plus célèbres du Coran. li
fait partie d'un ensemble plus vaste de passa.ges tir~s du Coran qui traitent
de. !'Idée de refuge. Le verset du Trône est fréque1n1neJ'l1 Inscrit sur des
amulettes (pour 1>rot~gcr clu mauvaJs œll) et sur les pierres rombo.Jes.
Dieu f Point de dfviniti! ô patt lui, le V/00111. Celt1l q11i subSl$te par lui ·
1nê1ne. Ni so1nnolence, ni sommeil ne le saisissent À lt1i apparlient tout
ce qui est da11s les citux et sut la temt. Qui peut fnte~er ovprès de lut
sans Sa penniuio11 ? Il co11naft leur passé el leur futur Et, de Sa science. il.1
n'embrmsent que ce qu'il veut. Son TrlNte débotde le.r cieux e1 Io terre. dont
la garde ne Lut colite aucune peine. El Il e&t le Tm llal//, le Très Grond.

Le fait d'avoir apprit grlce à la Révélati<>n (le Coran) ou la raison humaine


que Dieu existe n"eml)«he pas que l'on cherche à en savoir plus sur Dieu.
Comme le montre le verset du Trône, 11slam partage avtc I~ chrls11anisme
et le Judaïsme la conviction que ron peut af(irmer certiilnes choses sur Dieu.
Les théologiens 1nusuln1ans appeUeat ses qualités llêcs à la na1ure de Dieu
les ~ attrlbu1s de Dieu "· L'étude des passages du Coran qui parlent de Dieu,
en parllculler ceux qui donnent une liste d'épithètes. de litres ou de non1s de
Dieu, a permis aux théologien• musulmans comme Al·Chaiall, déjà cité. de
dénnir le• attributs de Dieu les plus essentiels :
V La science : Oteu connaît tout.
1 V- Le pouvoir : Dieu peut tout_
Chapitre 5 : Soumission à Dieu 103
v La \'Olonté : tout arrive selon la volonté de Dieu.
v La vie ; Dieu vit éternellement.
v La Parole: le Coran esl le verbe éternel de Dieu.
V" L'~coutc : Dieu entend tout.
v La vue: de même que Dieu entend tout, il voll tout égalemcnl. Rien ne lui
échappe.
D'autres alt r ibul s découlenl de ces sept principaux. J>ar c xen1ple. le pouvoir
de Dieu Implique que Oieu esl créaleur. I.~ science de Dieu e t •• volontê
lmpllque 1\t l'idée de prédestination dans la me•ure où Dieu à la fols sait e l
choisit qui se.ra sauvé et <.tui sê.r a dan1né. La faculté de voir et d'entendre de
Dieu Implique l'attribut de la justice au moment de re ndre le Jugement.

Aimer et connaÎtre Dieu


Selon Abou Hamid al-Ghazall ( 1058-1111), personne d'autre que Dieu ne peut
connaitre Dieu. CependanL le fait de savoir que 1'01\ ne peul pas connaitre
l'esS<!nce de Dieu eSI rapproche la plus parfaite que l'on puisse avoir de la
connalssanct de Dieu,.
Les ho1nmes 1>euvent savoir quelque chose de Dieu en connaissant ses
at1rlbu11. Celo signifie que les attribvls de Dieu no se comprennent pas
seule1ne11t de façon 1nte11ectuelle mais aussi de n1anlè:re lntufl ive, e_n
s'hlcarnnnt dans la vie quotidien1le du c royant.
l)ans l'Jsla1n, cette i dée que l'on oe J)CL1t.110.s connoTtre Dieu hormis dans le
.souf1an1e cs1 contrebalancée par d'autres afrlr1r1atlons star l a proximité de
Dieu qui permet d'f1cquér'lr tout de mëme une certaine connaissance de Dieu,
aussi Infime solt-..el le. Deux versets du Coron r~flètent certainement le mieux
celte lrnrnanence de Dieu:
f\'ous avons effectivement créé /'hon1111e el Nous savons ce que M>n
ÜJM lui suggère et t.'ous so"1mes plus près de lui que sa ueine jugulaire
(oourato 1.. 16).
"'~ OOIS•fll pas que Dieu SOfl ce çu1 est dans ks cieux~ sui' ta /erre ? Pas de
tont-retSOllOl1 sec:tète enrre trois .sans 'l'J1f m! '°'' kur quatrième. ni entte
dnq sam qu'll n)' sait leur li.rième. ni moms m plus que œla sans qu"I/ 11e
soit avec eux. là où ils se lTOUuenL Ensuite, If lu 1nfom1ero, ou Jour de la
Rtsurrectton, de ce qu'l1$ faisaient œr Diêu est Omnt$Citnt (sourate LVIII. 7).

Les n1usulrnans aspirent cettes à connaitre Dieu de bien des manières, mais
Io cho•e Io plus lmporlante est de l'aimer. ;\hrn11d • l·Cihnzall (mon en 1120').
n1olns connu c1ue son grand frère, le célèbre tl1~01og1en musulman. a écrit
que l'amour est ce qui pénètr e l'âme hu1nttlnc Cl l'objee t.111 lme de l'amour est
104 Deuxième partie : la foi et les croyances musulmanes

Dieu. Nombreux sont les poètes qul, comme al· Roumi (1207-1273) et Farld
al·Dln 'Allar ( J l l9·l220). ont développé le thème de l'amour de Dieu pour
l'humanité et l'amour de l'homme poUT Dieu.
_.:;.
~ Aus!=>I loin que les historiens rcmonte1\I. i ls s'accordent r)()ur dire que la
{fi première à n1ettre l'accent sur l'amour fut la n1ystlque des premiers temps de
~ l'Islam Rabl'a al-Adawlya (713-801). S'il existe d'autres sources d'information
sur cette femme antérieures à celle-ci, la plus importan1e est le récit que fit
Farid ud-Dln 'Allar dans son ouvrage Intitulé Mémo/~• d•• &aint•. Le ré<:il de
•Atlar mentionne une citation de Rabi'a aJ.Adawlya. souvent rapportée SUT
lïmportance pour rhOnlnle d·aimer Dieu:
ô Dieu, si 1e l'ou• honore par peur de lènfer. q~ JC bn11• en enfer'" si
je l'Ou.s honore dons l'espoir d'ollerau paradis, exclutz·nWt du paro.dtS ;
mais si je Vous ho1rore pour Vous-méme, no 1ne refuse: pas uorre beauté
l!temelle.
L'histor ien rapporle un autre Incident ot1Rabl~a rnotcholt à toute vitesse
sur un chemin. Elle porcalt de l'eau dans une main el <lu reu dans l'autre.
Quelqu'un lui demnndn pourquoi elle faisait cela. Elle lui répondit que l'eau
servait à éteindre le feu de l'enfer et que le feu servait à embraser le paradis.
Pour quelle raison cette lrnage? L'homme ne doit pas allner Dieu par peur
du châtiment de l'enfer ou par désir de récompense au clel, mals simplement
pour l'amour de Dieu lul..ml!me.

ln~ol{uer les 99 noms de Dieu


Selon une tradition (hndilh):' L:apôtre de Dieu a d it Dieu a 99 noms, etcelul
qui Jes·connatt tous Ira au paradl:r.. ~Ces noins se trouvent en général daus
le Coraa ou sont dérivés <le descriptions de Dieu qui figurent dans le Coran.
La Uste des 99 non1s commence souvent par les 13 noms qul flgu·rent dans la
sourate UX. 22·24 qul s'ouvre ainsi;
C'est Lui Dieu /\1ulle diut.niti aut~ que LuJ, le Conr101.sseur de /'!nuisible tout
comme du vmbl•. C'eSI lul le Tout Af'uértCO<tliewc. le T~ Mislricordteux.
C'est Lw, Dreu. Nulle d1vm11é que luL u Soouerom, i. Pur; L'Apaisant.
u Ra=ront. le Prédominan~ u Tout-PulSSOnt, u Contraignant,
l'Orgue1/leux. Gloire li Dieu ! ntranscende ce à quoi il• L'associent
E'.n réalité, Dieu • IOO noms mals le 100< esl cacbl!. Ce 100' nom, c'est Allah.
E1'! outre, si l'on co1nblne plusieurs listes ense1nble. on obtient plus de 99
noms. Certalnc.is traditions par lent de J 000 11orns, une manière d'indiquer
que les norr:ts de Dieu eon1 aussi Infinis que ses qualités. Pour aJler plus loin.
nous vous suggérons la lecture de l'article de Louts Car'det Intitulé" A l asma4

al-husna • (•Les Beaux Noms d'Allah o), paru en 1958 dans l'Encyc/opédte de
l'islam (Paris, éditions Malsonneu•-e et Larose) '"encore trb valable. On
trouve deux autres ouvrages sur cette question ; Ibn 'At• Allah, Troîté sur le
- - - - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 5: Soumission à Dieu 105
nom d'.Allah (Paris, Les Deux Océans, 1981, tomes 1 et 2) et D. Glmaret, Le.f
l>/oms diu;ns en lsla111. Exégèse lexicograp/1ique et théologique (Paris. Cerf.
1988): Al·Tirmldhl (824-892) est l'auteur de l'un de• six recueils de hadiths
sunnites qui SOflt reconnus ofUclellement. t:un de ceux·c i (te nun1éro 117)
contient une liste habituelle de 99 noms con1me le Souverain, le Saint, la
Pai:ot;, I~ Sécurisant, le Jl:rotecteur, le Puissant. le Contraignant, le Grn11cl eJ1
Majesté, Je Créateur. le Producteur. le Formateur, le J)ardonnant. Je Dominant,
le Oonnteur gracieux. le J'ourvoyeur. le Conquérant qui doone la victoire,
l'On1nisclenl, Celul qul retleol, Celui qui donne en abondance, Celui qui
abaisse et Celui qui élève.
Ibn 'Ar abi (1165·1240), cons;dt\ré par certains comme le plus grand
théologien soufl et par d'autres comme un hérétique. a déclaré c;lue les non1~
de Dieu sonl des potentlaJités créatrices présentes dans l'essence de Dieu.
l)leu permet à ces potentialités de se ma11ifest·e r dans sa création du cosmos
et de l'hu1nanltê. L'an\Ollr esL la force qui permet à Dieu de cr éer l'univers.
Un hadith favori de Ibo 'Arabi el d'autres souris déclare :• J'étais un Tiésor
Caché qui déSil'alt être connu. C'est pourquoi j'ai créé les çréatures pour
qu'elles ~1e conna.is.sent. •Peut-être parce c1ue la lun1ière est perçue comme
étant la pl11s lm1na"térielle des substances. les souJis en parth.:t.11ler. 1nals
aussi L'islam en gé1\éral, ont souvent parlé de Dieu comme d'une lumière. Les
noms de Dieu sont comme des tayon.s de lui"nlère Qui s'échappent du solell.
• La lu1nière ... l'un des 99 noms. est mentionnée dans 1a sourate XXIV. 35
qui co11t1e.nt, elle aussi, les versets tmpol'Lants dits~ du refuge• dont voici le
texte :
Dieu est tu Lu1nière des cieux et de la terre. Sa lumière est sen1blàble à 1111e
niche où se trouve une lampe. la la111pe esl dans un (récipient de} crislal
el <·elui·ci resse1nble à un astte de grand éclat i son combustible vie111 d'un
orbre béni : un olit.'ier ni or;enlal 11i occidental do111 l'huile senJble éclairer
sons n>ême que le feu la louche. lu111ière sttr luffrière. Dieu guide t-V!r$ Sa
/unifère q''' Il ueut. Dieu pf'(}J)O$e aux l101nn1es des paraboles et Dieu est
On1niscien1.

Ditlision de ces noms en caté9ories


Les noots de Dleû sont reg·r oupés ou récapitulés de <liverses manières. Un
regrouperner\t en par1tculler comporte tous les noms Uès à la miséricorde
ou à la beauté Ua1nal). ua autre est consacré aux non\s liés à la rigueur
ou à La majes1é Ualaf). Les Oc·cidentaux imagi nent souvettt Qt.te lé Dieu
des musulmans est pro1111>t à Ja colère car la justice de Dieu récJame que
le rné<:.hant soit puni et que les vivants soient rappelés à l'ordre pour ne
pas avoir à souffrir les l oor1nents éternels de l'enfer. Il est tout .aussi aisé
de 1rouver dans la Bible des com.m entaires effroya1>1es sur le courroux de
Dleu. Cependant. tout comme la Bible, le Coran met davantage l'aeeen1 sur ln
miséricorde de Dieu plutôt que sur sa colère.
106 Deuxième partie : la foi et les c royances musulmanes

Dans les 99 noms de Dieu, le• noms liés à la miséricorde som beaucoup plus
nombreux que ceux llés à sa nlajesté ou à son courro\1X. Un cé.lèbre hadith
qOd.<I (un hadith sallll dans lequel c'est Dieu qui parle) d~lare: •Quand Dieu
a décrété la création, Il ~·e51 engagé Lui-même li écrire dons Son livre placé
clevant LuJ : " P.1n miséricorde est plus grande que rnn colère". "

Faire mention de ces noms


la sourate XVII, 110 recommande également 11nvocatlon des noms de Dieu.
Dis . • Invoquez Dt<'u, ou in~ le Tout M~rlcordieux. Quel que so11 le
nom por leqll<!l vous l'appelez, li a les p/u.1 beaux noms Et dans ta prière,
ne rk1te pas b uo1x haute ; et ne l'y abaisse /)OS trop, mais cherche fe j11ste
milieu enJre tes deux. ..

La n>édltation et I• récltotlon de.• no~ de Dieu occupent une place ccnlrale


dans la dévotion n1usuln1nne. Le Coran insiste sur le fall de• faire mention
de Dieu• (dhikr Al/ait). la pratique du dlrikrut plus portlcullèrement
développée dans le soufisme (d chapitre 13). Ln répétlllon des noms de Dieu
Implique une n>édltatlon mentale et Intérieure centrte sur Dieu. Cependant.
avant toute chœe. l'lnloncllon du Coran porte sur la rkltatlon orale des
noms de Dieu. Selon la Tradition. Je prophète Mohammed a dlt : •Que ta
langue reste humide de rinvocation de Dieu•, ce qui met clairement l'accent
sur raspect vocal dt' cette invocation. l..es musulmans ut11isenl souvent uo
chapelet de perles enlllées sur une corde ou une Ocelle (subha) pour réciter
les noms de Dieu. Le rosaire est constitué de trois séries de perles enfilées
à la manière d'u1t collier. Trois grosses perles sé1>aren1chaque série. Ces
perles permettenl de coin ptcr e t de savoir où l'ort er• est dans la récitation
des 99 noms de l)Jcu.
Le touriste qui se pro1nène dans un pays arabe pren<I souvent plaisir à
photographier ces chapelets aux perles de C0\1leurs vives et variées. U existe
des chapelets à toui1 les prix. Certains soot faits avec des perles en plastique
bon marché. d'autres sont en lvolre ou en tout autre matériau précieux. On
ne trouve pa.s de mention du chapelet dans le Coran et certains musulmans
conservateurs comme les wahhabites d'Arabie Saoudite rejettent l'usage du
chapelet qu11s considèrent comme une• Innovation • (b1d'a). li est possible
que la pratique du chapelet soit venue assez tardl~1nent dans l'islam.
D'autres religions comme le bouddhisme l'avalent déjà Introduit longtemps
auparavant pour aider les fidèles à réciter le nom de 8ouddlto Amitabha. et le
catholiclsnlc !)Our aider les rldèles à faire Jeurs dévotions et Jeurs prières.
Chapitre 6
Le credo des musulmans
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Dans ce chapitre
..,.. Conlr>rendre les fondan1entaux de la_foi
)Il- Considérations sur la fol musulmaoe
... Rapport de La théologie a la philosophie
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

L 'i.slam n'est ni immuable ni totalement figé sur des représentations


médiévales. Et les questlOllS doct rinales qui vonl elre traltées dans
ce cl"lapitre soot à la fois valables en leur temps et encore tout à fait
per tinentes pour les n1usulmans d'aujourd"hui. Dans les pren1Je,rs tem1>s
de l'Islam, on avait vile fait de traiter d'incroyant celuJ avec let1uel on
n'était pas d·accord, et cette tendance a"émanait pas seulement de groupes
intégristes. De nos fours, ce type d'accusation existe CJ'ICQre e1 s'exerce non
seulement à l'encontre de non·musulmans. mais aussi d'autres musulmans
(comme le fait aisément ressortir l'examen des listes de courriel$ et de
sites web musulmans). Certalns extrémistes déclarent qtle quiconque-n'est
pas d'accord avec leur façon de coin prendre 11slnm el ne d éfe1td pas leur
cause est un incroyant Qlafir). Ce qui est certain, c'est c1ue le repli se1nble
s'aggraver, à moins qu'il ne donne naissance à une religion digne, dépouiJlée
de ses vieux postulats et de ses n1ythes.

Énoncé des cint{ cro1Jances essentielles de


l'islam
Un hadith (tradition) bien connu rapporte que l'ange Gabriel ayant pris
forme humaine, tout de blanc vêtu, vint s'asseoir à côté (l e Moha,mrne<l el
de ses compagnons. li s'adressa à ~1oliammed et lui demanda; • Qu'est-ce
que l'Js1am '1 11 Mohammed répondlt en dressant la liste des cinq grandes
prescriptions rituelles de t'lslan1. L'hon1me en blanc luJ posa alors
cette question : ,, Qu'est--ce que la foi (iman) 'l • ~1ohammed répondit en
mentlonaant les c1nq croyances essentielle.<> de l'Islam. L'ange fit l'éloge de
108 Deuxième partie : la foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - -

ces rëponses et lui posa une troislènte ci_uestion ; 11 Qu'est~ce que la vertu
(il1san)? f\1ohammed réJJOndil : •Que l'on adore Dieu comme si on rav~it v,J,
J)aree que même si nous ne le voyons pas, lui 1\0us voit... L'ho1nme en blanc
disparut alors.
Les trois questions de Gabriel correstJOndent à 1a d iv ision islamique
t radlLlonr1ellc de la religion en trois parties : l'acloratlon (ibodt1 , littéralement
"service •), la croyance en Dieu (jinan, ou foO. et l'éthjque (;hsan ,
lltté,r ale1ne.111 'I ver tu 11 et 11 intégrité moraJe 1o). En répondanl à I ~ première
question, MoJ1amn1ed fait référence au x cinq pllicrs du culte (cl. chapitre 9),
également appelés les cinq piliers de la religion ou les cinq plllers de l'lsla1n.
Ces cinq pllle.rs se r~ument en cinq points : le tén1olgn:a~e que seul Dieu
esl Dieu et que Mohan1med est son messager, les cinq prières quotidiennes,
l'obse.r vance du jeûne durant le mois de ramadan, l'aun1ône et l'obligation
du pèlerinage à La f\.1ecque au moins une fols dans sa vie. T..es circonstances
dans lesquelles ces questions ont été posées indiquent bien la priorité des
obligations rituenes dans Javie d'un musulman. Le musuhnan ordinaire
accepte la croyance de base (le sa religion avec la foi du charbonnJer.
sans chercher~ approfondir les questions d'ordre t héologique. Son effort
conscienl en ta11t que musulman est plllS a':<é sur la soumission active à Dieu
(culte et service) que sur une adhésion intellectuelle à une définition de Dieu
(croynnce).
Si vous Interrogez un n1usulman sur ce a quoi Il croit, li vous ré1>onc.tra t rès
pro.babJement en citant les cinq articles du Cr'edo 1nusuln1an mentionnés
par Mohammed en réponse à l'ange Gabr iel. Les trois premiers élén1ents
de la réponse de Mohammed sont égale.m ent énoncés d.a11s la sourate Il.
285 qui indique que chaque musulman croit • en Dieu. ses anges. ses livres
el ses 1nessagers '"· Le hadith de Gabriel ajoute deux autres ctoyances
(dans cert airles versions, une seufen1ent) au.'( quati:-c mentionnées dans la
soura te n. 285.
Ces croyances sont souven1 désignées sous le nom des "cinq piliers
de la roi 1t. Parfois, Il est (a1t allusion aux • six pJllers de la fol t. C.ftr si en
général l'attachement aux livres venant de Dîeu et aux prophètes de Dieu
est con.sidéré comft)e étant un seul et mëme piller, certains must1lmans
considèrent que cela en fait deux. NI le Cora1111i le hadith d e Gabriel ne
spécifient comn1ent les compter et l'expression arabe empJoyée norn1alemet1t
pour les qualifier est celle d'arkan al~islam - les piliers de l'lsla111 (sans
spécification du nombre). En fait, li existe l>lusieurs versions anciennes du
hadith de Gabriel qui 11e comportent pas toutes le même nombre d'articles de
fol, ni ne s'y ré(èrent de la même manière. Peu Importe que l'on dise qu'il y a
cinq ou six piliers, le contenu de la foi est identique dans les deux cas. JI suffit
que vous sachiez que certaiJ,1s ou v rages feront référence à ch~q J)iliers de la
foi et d'autres, moins nombreu~"' Il es-l vrai, à six. 11 est cependant important
de ne pas confondre les " piliers de l'islam • (qui sont les piliers du culte, de
la pratique rel igieuse) et les 11 piliers de la rot •(les croyances) .
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 6: l e credo des musulmans
109
Les piliers de la fol fournissent un récapitulatif commode des c.ro}1ances
n1usulmanes de base. Si vous vo1,.1lez en savoir plus sur l'une d'entre elles.
reportez..vous au chapitre mentionné entre parenthèses oit ce point précis
est abord~ en détail.

Croire en Dieu
"Il n'y a pas d'autre dieu que Dieu :t - la pren1lère moitié du témoignage de
base de la profession de foi musuln1ane (chaha<la) affirrne sans équivoq_u e
cette conviction sintple mais fondamentale de l'islan1. En U1éologie. le terme
c1ui exprinle cc coocept est ruoicité (tawJu'd). Le tnot arabe tou;Jrld (unicité)
signifie une unité comptable : Dieu est un parce qu'aucun autre dieu n'existe
en dehors de lui. Dieu est un du lall qu'il ne se manifeste pas sous la forme
de plusieurs personnes. L'islam rejette tout ce qui a trait au concept chrétien
d'u11 Dieu en l ro1s perso111lc-s ( pète, Ols et Sa.l nt-Esprlt) ou au concept Jllndou
d'un dieu tel Vishnou qui se manifeste sous d ix incarnations différentes.
Il existe des chrétiens qui considèrent Jésus comme un prophète très
important de Dieu mals qui rejettent l'ldl!e qu'il puisse avoir lul~nèlme une
nature divine. Ce sont les " unitariens •(plutôt proches des protestants).
o.~ les q t1allfie parfois en français d'• anll-trlnltalres Il et en arabe de
n111uJahhidin. un terme également utilisé poltr désigner 1es musuln1ans en
général.
Dieu est un parce qu'il n'a aucun associé - ni épouse, ni parents, ni enfants-,
contraire1nen1 aux dieux cles religions poly théistes. l.e l) lus grand péché
dans rtslam est le péché d·· association " (chirk). un terme souvent utilisé
daJtS le Cotan 1>our patler des habitants cle La Mecque qui ont continué
à adorer d'autres dieux. Celui qui a commis le pécl1é d'• association • est
susceptible d'encourir la peine de mort dans ce bas n1onde et de passer
l'éternité en enfer clans l'autre (1nên1e. si, en nn de eon11>te, Dieu est capable
de pardon.n er même aux plus mauvais pécheurs s'il choisit de Je faire).
A<:euser <1uelqu'un de cl1irk est la 1>lre accusation que 1'0111;,ulsse proférer à
l'encontre d'un coreligionnaire musulman et un terme de dérision appliqué
aux lncroya11ts. La perso11ne qui est coupable de c/1lrk est considérée contme
étant kafir. c'est-à·dire mécréante.

De nos jotirs, certains sites '"eb n1usuhnans intégristes et certains clé-creL.,


(fatwas) publiés par des terroristes islamlstes qualifient tous les non·
musulmans de k11fll' alors 1nême que le CoraJl 1:irévott que l'on accorcJe un
trajtement privilégié aux j uifs et aux chrétiens et qu'on ne les accuse pas de
chfrk. Les musuln1a11s extr·ém1stes d'aujourd'hui (el mëme d'h1er, dans Jes
pren1iers temps de r1sla1n) ont parfois teodanc::e à qua.lifie.r de ko.fir (pluriel
kouffâr) d'autres musulmans qui ne partagent pas leurs croyances sur un
point particulier ou qul 1le veulent pas <léfendre les n1ên1es causes qu'eux.
Aujourd'hui , le mot kaf;r est pratiquement synonyme d 'a tbée. Un kalir au
se.ils d'athée e...~t davantage celui qul par ses actions s'oppose actlven1ent à
110 Deuxième partie: La foi et les croyances musulmanes - - -- - - - - -

la volonté de Dieu plutôt que Qt1elqu'un qui se contente de reJe1er le COflc;epl


de Dieu co1n1ne proposition philosophique. Il peut paraître étrange que l'on
utilise le même terme pour désl.gner quelqu'un qui est atl1ée (qui ne croit pas
en Dieu) et un polythéiste (qui croit en plusieurs dieux). Mais ce n'est pas
étonnant pour un musulman car, pour h,1l, celui qui croit en plusieurs d ieux
nie l'exlstence du seul vraj Dieu. tout comme l'athée déclaré qui ne croit pas
en Oit.ta.
Dieu est t in parce qu'il est unique. Dieu est auwdessus de 101..1l el n'a pas
d'adjoint. Rie11 ne peut être co1n paré à Oieu parcè que rien n'est con1me Dieu.
Rjen ne peut êt re ajouté ou retiré qui Jerendra.i t plus parraît, plus sage, plus
1>uissant ou plus savant . 11 est parfait el le seul de la Création tout entière
(minéraJe, végétale. animale et huntaine) Qui e...x.iste de toute éternité deJ)uls
toujours et pour toujours.

Si la c royance en Dieu implique d'adhér er intellec.tueJlement au concept


de l'existence de Dieu, cette adhésion engage p lus profondément encore
celui qui affirme~,., Oui, Die1_1 existe. •Si Dieu est tel que le Coran et l'Islam
le volent, alors eelui qui d it qu'il croit et n'agit pas en conséQtlence prouve
par son comportement qu'en rait Il ne croit pas vraiment. Si les actions
ne découlent pas de la fol, cela signifie que la foi n'est pas authe.ntlq_ue. Il
est hnportant de noter que dans la c lassification opérée dans la religion
Islamique entre coite. fol et vertu (Ou éthique). la croyance en Dieu dans le
sens de là souolission à la volonté divine manifestée dans le culte voué à Dieu
est toujours première da1\s chacune des t rois divisions.

Croire au;r an9es de Dieu


U1t certain nornbre de films explotte 1ll le tllè 1nf! de l'ange qui vient sur terre
pour remplir une mission, re.Détru1t ainsi la fascination q.u 'exercenl les anges
dans la culture populaire (cl le film de Wl m Wenders les Ailes du désir). Le.s
musulmans croient aux anges de la même façon que les chrétiens ou les
lulfs. Les anges sont d'ailleur s mentionnés dans la Bible et dans la Torah, et
bie1\ sûr dans Je Coran. Les religions <l'Extrême-Orient n'ont en général pas
cette c royance aux anges, bien que divers dieux puissent exercer certaines
des fonctions qui leur sont attribuées dans les t rois religions monothéistes.
La -représentation de l'ange <lans l'irnagerie c hrétienne est celle d'un êl re
à l'apparence hu1naine doté d'aile.s dans le clos. C'est exa.cternent la mëme
des<:riptlon qu'en fait le Coran o~ les anges sont mentionnés plus de 80 fols.

Mêrne s•ns ont toujours une alJure p lus ou 1noios l1un1aine, certains anges
sont décrits dans la l 'radltlon comn1e étant effrayants. Les anges sont
des étres intermédiaires entre les humains eL DfeL1. Dieu a créé les anges
à parUr de la lumière. Eo règle général e, ils ne commettent pas de péché
et re1npllsseilt un certain nombre de fonctions en tant qu'agerits de Dieu.
Dans l'islam, les anges ont trois fonctlQns 1>articulièrement importantes. Jls
_______________ Chapitre 6: Le credo des musulmans
111
ont d'abord une fonction céleste de louange, de transmission du mess.:'l.gc
divin et de serviteurs clu Trône. En deuxième lieu, les anges peuvent
servir d'i nstru1nent de D ieu dans les afJaires humaines. Us ont joué un rôle
impor tant dans les grands mon1ents cle la vie de Molla1nrned : cJ1aque être
ltumaîn a deux anges gardieos. Troisièmeme11t. plusieurs anges spécj flques
jouent un rôle de premier plan à certains moments de l'existence l1umail1e.
nota.,n1ne.i11 au 1norr1.e11t <fc la morl et <lt la résurrection.
Dans lïsl am. Satan, ou lblls, e.st un a.age déchu qui a été expulsé de la
présence de Dieu parce Q\l'll a refusé d'obé!r à Oieu qtû lul a demandé de se
prosterner devant Adam et de le vénérer. Jusqu'au Jugement dernier. Dieu
per1neLà Satan de ter1ter le$ ho in mes el de répandre la mëchanceté sur La
terre. Bien que fréquen1ment mentionné dans Je Coran, Satan dans l'islam n·a
pas la stature de pu1ssance contraire à Dieu qu'i1 revêt da1ts les traditions
!ulves el chrétiennes. La croyance au." anges inclut é.galement par extension
la cr oyance en une autre catégorie ln1portante d'être.;; Jm·n1;itérlels, les djinns.
Les djin11s soot <les êtres n1ineurs qui exercent une certaine influence, bonne
ou mauvaise, sur les affaires humaines (pour en savoir plus sur les anges.
Satan et les djlnn.s, cl chatlltre 7).

Cro1Jance dans les lirlres de Dieu et les


messa9ers de Dieu
Pour certains, c~s deux aspects sont englobés en u.n seul pilier : pour
d'autres, ils constituent deux piliers séparés. Ces deux artiCl<~s cle fol f'~u,·cnl
être considérés 1nc.Jé1>endamnlent l'un de l'autre dans la 1nesure où ils
renvoient à deux aspects dlf'(érents. Cependant. Ils ont un rapport logi<1ue
entre e ux c1ul ne se rclrouve pas dan:; les autres piliers. Les messagers sont
ceux qui apportent recriture sainte; ainsi. croire que ces hommes sonl
les messagers de Dieu Implique de croire à la Révélation qu'ils apportenl.
En gar'dant toujours présent à l 'esprit ce llen qul existe entre les deux,
récapitulons le contenu de ce piller, ou de ces deux plllers.

Croire à la Révélation divine transmise par les livres


E11 premier lieu, lis'agit de croire dans Je Coran, n1a1s les • livres de Dieu :.
incl uent égalen1ent La loi de Moise, les psatnllCS du roi David et l'tvangile de
Jésus. Ces livres sont des ntanifestations spècifîques du Livr e céleste - qui
reste le Livre par e.xcellence. Bien c1ue I~ question de la nature <lu Corail ail
été dès le début le thème d'âpres discussiol\s théologiques entre penseurs
musul mans, un consensus s'est forgé qui dure depul.s mille ans po11r
considérer que Je Coran est bieil la parole de Ofeu à prendre au sens littéral
et quî est éternelle. De même que Dieu a touj ours existé, de même sa parole,
le Coran, a toujours existé. Quand un mosulillan récite Je texte du Coran, il
act ualise le verbe éternel de Dieu. Dans une certaine mesure. ce processus
112 Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes _________

est semblable à la psalmodie. d'une incantation sacrée capable d'actuaU.ser


la puissance d'une divinité dan< l'hindouisme et le bouddhisme. Une autre
manière d'exprimer cette vérité de foi est de dire- de rnême que dans le
christianisme Dieu se manJreste tota1emenl en Jésus (qui s'appelle « le Verl)e ..
dans l'Évangile de Jean) - que. dans l'is1amt Dieu se manifeste tout entier
dans sa parole. le Coran.

~
Les révëlations faites à Moïse. â David et à Jésus proviennent du même Livre
/j s<:1cré que celles contenues (l~ns le Ct)ral't l.'islan\ ifldique que ces révélations
antérieures étaient inachevées dans la mesure oû elles ne constituaient
pas la totalité de la parole de Dieu. Les musulmans croient également
que tes juifs et tes cl\rétiens ont i I1tentio1\neJlerrierlt ou involontairen1ent
co·r rompu les livres qu'ils ont reçus avaot eux. C'est la raison pour laquelle
le prophète Mohan1med a reçu la Révélatlo1l dtvll\e d<.lns son intégraJlté et
sa.n s corruption afin de la tran.srnettre telle quelle. Les musulmans croient
que le Coran est resté sans changement depuJs la mort de ~1ohan1rned. f'a.r
conséquent, Il n'y a pas lieu d'attendre d'aut res révélations du L.i vre divin
parce que dans le Coran, la parole de Dieu est déjà présente dans sa totalité.
On retrotive dans le Coran bon nonlbte de récits et de persor1nages qui
apparaissent égale1ner1t dans la Bible mais sont souvent rapportés avec des
différences notables. En général, les récits de la 'Blble ne peuvent toutefois
pas être mis en para11èle ave.c ceux clu Coran, De même, les récits du Coran
ne trouvenl généralement pas d'êcho dans la Bible.

Ort pourraJt s'atteodre à ce que les musulmans aient également lu La Torah


(les Tables de la Loi de Moïse inscrites dans les cinq prenltc.rs llv·res de
la Bible}, le8 psaurnes E:l les Évangiles - (lu moins pour con1pléter les
informations livrées dans Je Coran et éventuellement préciser le contexte
pe.rn1ettant de mieux co1nprendre tel ou teJ 1mssage. Après tout, certains
chrétiens lisent ét étudient la Bible des Hébreux en plus du Nouveau
1'estament : alors pourquoi les musulmnns ne llralent~lls pas les Tables de
la loi, les psaumes èt les Évangiles? La rê1>011se est simple: si l'on pense
que J'on dispose d'une édition parfaite et finale d·un Uvre (ce qui correspond
à ce que pt:1\se11t les mUS1.Jln1a1lS clu Coran), oo ne ressent nullement le
besoin de lire des versions antérieures corrompues de ce livre (pour plus
d1nformatlons sur le Coran, d. chapitr e 3).

Croire a111r messa9ers (jui rél/è/ent les /il/res de Dieu


Le pren1ier messager est naturellement l\.iohammed lul·même, comme
l'afflrrne la cJeuxlèn1e n1oltié de la cJto/1adc1:" ~10llarnmed est Je l'nessager
de Dieu. flf Un messager est quelqu·un qui apporte une révélation du Livre
céleste. Dieu a envoyé sur terre un nombre lln1lté de messagers 1>our taire
coonaîtr e sa 1>arole. Moham1ned est également un prophète. Dieu a envoyé
beaucoup de prophètes pour mettre en garde les homn1es contre le pécllé et
les $eosiblliser au ft1gen1er1t àu(1uel ils seront confrontés s'ils ne reviennent
pas â J'adoration du Dieu unique. PuJsque ~·lohammed a révélé la parole
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 6 : le credo des musulmans
113
de Dieu sous sa forme la plus parfaite e t la plus accomplie (le Coran). Dieu
n'enverra aucun autre prophète et messager. C'est le Coran qui désormais
joue le rôle d'avertisseur et a.ppe 11e-à la conversion.

l..e Coran R'1enllonoe au 1nolns vhlgt-huil propllètes, dont la 1l lupart


apparaissent également dans la Bible. Certaines références sont incertaines.
C'est pourquoi li est difficile de donner un ch IfIre exact. On t rouve dans le
Coran une multitude dïnformations sur certa.lns de ces prophètes. tandis
que d'autres sont tout juste cités. Certains n'apparaissent qu'une seule fols et
d'autres très souvent. tels Abraham, Noé, MoTse ou Jésus. Le Cor.an est moins
épais que la Bible et rapporte moins d'anecdotes sur les prophètes bibllques.
l..a plupart de ces prophète.li a1')l)Qrten1 le n1ême n1essage: t.ine exhorlatlon
à la justice dans les relations avec les autres et un appel à revenir à
l'adoration du Dieu unique, avec la menace du Jugeolent dernier au Jour de Ja
résurrection pour ceux qui Ile t iendraient pas <:01npte du mes.sage délivré par
les prophètes.

Certaines perso11nes qualiliées de 11 prophètes 11 dans Je Coran sont des


personnages de premier plan dans la Bible mais n'y $Ont pas considérés
comme des prophètes - tels Ada.m, Noé. Job, Loth et le roi Salomon. Avec
Abraham et M·ohamn1ed, Jésus est run des prophètes de l'fsla111 les plus
vénérés. Le Coran affir me sa naiss<'11ce virginale e t so.11 lien de parenté
avec ~iarie, sa mère, qui est également l'objet d'une grande vénération. La
maleure J)ilrtle du récit d.u 1nlnistère de Jésus n'est 1la.s incluse.. Il e xJste d·eux
grands points de divergence entre la Bible et le Coran sur le regard porté
sur Jésus. Comn1e tou.s les pro1>hète$. y con1prls Moham1ned, <.Jans l'lslan1.
Jésus est seulement un )lomme. 11 n'es t pas le fils de Dieu et n'a aucunement
une nature divine. L'islam nle également que Jésus ait été cruclfiê sur La
croix el qu'il ait ressuscité, Même si Jésus est t rès important. il n'est pas le
sauveur de l'humanité (cl c hapitre 2 pour plus d'infor mations sur Je prophète
Mohamfned, et cl\ap1tre 17 pour en savoir plus sur les propl1ètes de la Bible
et sur Jésus).

Croire à la fin des temps et à la résurrection


des morts
Les contemporains de !\ttohamrned à La P.1ecque n'a\•alent apparemment pas
d'idées très claires sur li! vieàJ)rès la. lllOrt. Le 1not 11 destin " désignait une
pujssan<:e plus grande que ceJ1e des clieux qui déterminent tout. Celui qui
pense que la vie terrestre est la seule que l'on ait est rorte1nenl tenté d'en
profiter tant que cela dure. Celui pour qu.i cette vie est seulement un bref
préJude à !'éternité e_o;père se préparer dès cette vie à co11naî t re u1le éternité
de bonheur a1>rès la résurrection. Le prophète Moftam.r.ned a avertj ses
contemporains qu'après la mort viendrait le jour de la résurrection. Tous
les laits et gestes d'une 1>ersonne sont t'<lnslgnés dans un livre qui esl placé.
11~ Deuxième partie: la foi et les croyances musulmanes

en fonction clu bil4tn nnal, soit da11s sa 1naln g(1uche (mauvais signe!). soJt
darlS sa main droite selon qu'elle ira en enfer ou au ciel.. Cislam n'intègre pas
la notion de purgatoire pour ceux qui ne méritent ni le c iel ni l'enfer et ne
prév6U pas 11on l)Jus de l11nbes pour ceu.x c1ui ne pourraient pas e.nlrer au cjeJ
sans que ce1a soit imputable â une quelconque respo11sabllité de leur parc.
Cepe.fldant la tnisérlcorde de Dieu est si Infinie que n1ê1ne des mu$uh1\ans
voués â connaitre l'enfer pourront finalement être admis au ciel.
Le Coran regorge d'in1ages de 1'enfer mais sans en donner une vision
d'ensemble ni un panorama contplet. L'e11fer et le ciel ont chacun sept
niveaux . La rradition met l'accent sur la cles<:riJ>liOl• des su1>Plices cle l'enfer
de façon três visuelle. GénéraJement. la punition est proportlonneJle au
péché. La descr iption des tortures de l'enfer est se1n blable à c~Jle que l'on
trouve dans beaucoup de re ligions. Le" feu "est la caractéristique principale
de l'enfer. Le ciel est décr it comme un jardin bien arrosé dans lequel ceux
qui on1reç\i Je S(}lut n1ènent une exîsteoce sereine. Le bul de ces- v isions du
ciel et de renrer est de motiver les vivants pour les inciter à v ivr e de façon
à éviter l'enrer et à rnérlter le etel au j u gement final, Bien que le$1nu~u l mans
croien t que tout le monde repose dans l a main de Dieu, beaucoup son t
enclins à penser qu'en tant que musulmans la n11sér1corcle de Dieu leur est
davantage acquise pour entrer au paradis.

!.a tradition islamique fournit une Image détaillée de ce qui se produit dans
la période qul se situe entTe Ja mort et l'entrée au ciel ou en enfer. Après
la n1ort.. deux an ges procèden t à l'exan1e11 du cléfun t enterré. ce qui peut
cond\rlre à une péri0<.te lin1itée dans le temps de punition dans la tombe.
Divers ëvéneinenls signal ent la venue de la fin des te1nps où tous seront
resSlLSCltés Cl passeront l'épreuve ultime du JugCJ}\enl dernier (pour
plus de détails sur la fin des temps. le jugement dernier, le ciel et l'enfer,
cl. chapitre 7).
~routes les religions sont confrontées au probll!me. du rapport entre le libre
arbitre et la prédestination. La plur>arl des personnes ressente.nt plus
ou moins intérieurement que leurs actions en ce monde affectent dans
un<: ccrtalne. n1esure Jeur <lest ln Ici-bas. Ce.lui qui n'étudie pas n'aurn pas
de bonnes notes. Celui qui est ti re-au~nanc à son travail n'obtiendra p as
de promotion. Le libre arbitre con siste à reconn aitre qu e c.'est à cllacun
de prendre la décision d'étudier ou non. de s'imt>liquer ou non dans son
travaJI. Les religions prolongent ce concep t de libre arbitre dans r au· delà.
L'hlncl.ouls 1ne et le l)ouclclhlsn1e partagent une rnê1ne coocept.ioo do karma
(• on récolte ce que l'on a semé•). Us croient également à la réincarnation
ou à la renalssant!e. Ce qui nou s arrive dans cette v ie est slmplen1ent Je
rruit el raboutisse1r1ent de rlos actes dans une vie 1>assëe. Si vous souffrez
dans cette v i e, ce n'est pas par punltion mais slmplen1ent Ja con séquence
no.turelle des choix que vous avez. faits dans une vie précédente. Les
religions m onothéistes (judaîsme, chr lstlnnJsme et Is lam) ne croient pas à
la télnçar na1ion. On 11e v it c1u'une fols el les c h oix que l'on fait clans cette vie
----------~---~--- Chapitre 6 : le credo des musulmans 115
sont déterminants pour la vie éternelle. l)ire <rue Je peux librement faire ces
choix, c'est affirmer mon libre arbitre.
Les religions monothéistes alfirrr1ent génêraJement que Dieu est responsable
en dernier Ueu de tout ce qui se produit. s·11 en était autrement, ce se.rait
dh11inuer Ja toute-puissance de Dieu. Problè1ne; eo1n1ne.nl peut-on dire
que les hommes sont respoosable~<ç de leurs propres actions et affirmer en
même temps Clue Dieu est le maître de l'univers '?SI. e 1l reva11clle, 011 met
l'accent sur la prédestioation voulue par Dieu, on risque d'être tenté de dire
que sa 1nauvalse (ou bonne) tortu.ne est slmplement l'effet de la volonté
mystérieuse de Dieu. En outre, si Dieu détermine tout (le bie11 et le mal),
alors je peux aussi bien faire tout ce qui me plait puisque de toute façon
Dieu a déterrniné à l'avance le r ésultat Unal. El si mes actions pécheresses
sont dues à une décision de Dieu, prises avant mëme que je sois né, n'est..iJ
p~s tnfuste de la J>art cJe Dieu de Jne cond-a1nner à renier pour avoîr fait ce
qa'il a\1 ait prédéterminé que je ferais? Voici un aperçu un peu succinct des
débats t héologiques les plus délicats qui aglt.ent les théologiens des religions
monothéistes. L'idée est simplement d'en faire ressortir toute l'importance.

Cttte cinquiè1ne(ou sixième) c::royance affirn1e que Dieu est flnalen1e:nt


responsable de tout ce qui se produit. En défendant c:.e tte position,
c::ertalns mu.suln1ans sont allés jusqu'à nier effectivement le principe de
l'enchaînement logique de la cause et de l'effet. Cepe11dar1t. la position
dominante a essayé de défendre à la fois te Libre arbitre et le déterminisme
llivin. Le plus grand thé<>Jogien musulman du 1x~ siècle, Al-Ac.h'ari, a affirn1é
que même s1 Dieu sal~ veut et détermine ce que chacun fera. les personnes
n'en sont pas O\Oins res1>ons.a.btes <le leurs acrions en choisissant llbren1ent
de poser les actes qu'elles étaient appelées à poser de façon prédestinée.
Je sais c1ue 1>0ur beaucoup d'Occiclen1aux non musul n1ans au)ourd'llu1,
la • solution • d'Al-1\ch'ari ressemble davantage à un tour de passe-passe
sémantique qu'à une so1utlon véritable. Mals avant de vous lancer dans une
critic1ue hâtive de l'isJam sur cette impossîbillt-é à conclller libre arbitre C-l
déterminisme divin, rappelez-vous qu'aucune sol ution à ce problè.m e éternel
ne peut résoudre cette <Juestloo de faço1l satislalsante pour un non-croya1lL

~
Vous avez certainement déj à entendu J'expressfon •si Dieu le veut "·
l!J l.es musuhnans ajOl.1te1\t fr!"Quemment la for-mule i11cl1 'cllolt après toute
expression de ce qu'ils feront à )'avenir. c Je serai ici demain à 14 heures.
inc/l'af/o/I (si Die" le veut) >. Cela signifie q"e si c'est bien celui qui parle qui
pre-n d la décision, la décision finale revient tout de même à Dieu, au bout du
c-01npt.e.
Les piliers de Ja foi représentent les croyances de base auxquelles tout
musulrr1an doit adl1érer. Un 1nt1sul1na1\ novice ac<:eple<:es 1>r h1ci1>es en ver tu
de l'autoritê du Coran et du prophète Mohanuned. A un nive.au ultérieur, le
1nusulman mOrll sa toi et ap-p rofondit les notions auxquelles Il croit. li en
v1ent ain.sl à s'imprégner davantage de ces vérités de foi.
116 Deuxième partie : la foi et les croyances musulmanes _________

lndépeudarn1ne11t du faJt que vous adhériez ou non à ces croyances. elles


restent assez faciles à oomprendrt . ! .'is lam a 1,111 avantage par rapport à
d'autres re.llglo11s en ce qull offre une liste courte de croyai\ces facilement
comprises. Les nouveaux c:onvertls 1>euvent saisir les concepts de base sans
avoir à se • triturer les ménJnges •ni à devenir des a1Jprentls t héologiens.
Pas de co1npJlcatlo1\s tl1éologlques ! Pas d'exigences impossibles à tenir J
Par exemple avec le concept chrétien de la Trinité- un seul Dieu ei1
trois personnes -, ou le concept de 1'11 exttnctlon du soi • du bouddhis1ne
mahayana (dit du • Crand Véhicule •) selon lequel la perception que ron
peut avoir <le sa propre personnalité (ou de .- râme :it) est précisénle11t ce
qui en1pêche d'obtenir le sah,it.1..~ musuJma~ en revanche. n'est pas l'enu
de devenir un théologien en herbe. La théologie (kal<>m) fait bien partie
des disciplines islanl iques, n1als o faire de la théologie • n'est pas le plus
Important dans l'islam. Et certaiJlS ntusulmans en rejettent même l'idée.
Pour eux, 11 suffit d'avoir la • foi du charbonnier • et de s'en ter1ir à l~l letl te
aux paroles du Coran et aux hadith.$ du prophète ~lohammed.. Cependant,
comme dans d'autres reUgions, ceux Qu.i pr~tenden1 exprhner simplement ce
qui ressort des textes des ~crllures sacrées sans les Interpréter en restent
à un niveau de base et occultent des réalités plt•S s1,1btiles qui sont mises au
jour par d'autres façons cl'lnterprêter les text es des ~critures st1r Ja base des
më1nes textes sacrés. Dès que 1'011 comn1e.i1te un texte sacré, plutôt que de se
conteJ'l ler de le citer, on s'engage dans une interprétation. Nier c;ela est une
attitude malhonnête.

Explit[uer la foi aux non-musulmans


Les piliers de la foj préseiltent un COJ\Se11sus des croyances lsla1niques
de base. Deux c!plsocles de la biographie traditionnelle de Mohammed
(cf. chapilre 2) reflètent la manière dont l'Islam a été présenté aux aon·
1nusuln1ans. Dans les deux récits. des thèmes relevant de la foi ou de la
croya11ce (i11ru11) so1lt e11tf'cmêlés avec des éléments en rapport avec le
culte (Jbada) et l'éthique (!hsan). Les historiens sont en dé.•accord quant à
J'exactîtude hi$tOrlque <tes évé.11cments. Néanmoins, Indépendamment de
cet aspect b.istorique. Us rcllètent un point de vue n1usulman sur la façon
de prése11ter la fol aux non~croyants ou aux nouveaux conver tis. Ces récits
complètent les listes plus systé1naLlques de croyances et de pratiques
cultuelles contenues dans le hadith.

Le premi er incident se produjs it aux e11virons cle 616. Mol1ammed avait


envoyé quatre-vingts de ses disciples en éthlople pour qu'ils échappent
à la persécutio1t qui sévissait à La Mecque. Quand les Mecquois furieux
envoyèrent deux diplomates 1>our demander au roi de rer1voyer che1 eu)( le
groupe de musuhtlans concernés, le roi convoqua les chefs des musulmans
ainsi que ses êvëques et leur demanda de luî expliquer cette nouvelle religion
_ _ _ Chapitre 6 : Le credo des musulmans 117
qui les avait lnellé$ à abandonner les dieux de leurs pères.. La réponse du
porte-parole, Ja'lar ibn Abi Talib, nous donne un aperçu des premières
prédications mu.•ulmanes. Vérilable condensé des premières prédications.
le discours de Ja'lar ibn Abi 1àlib rappelle les sermons de l'apôtre Paul qui
figuren1 dans le Nouveau Testament. en particulier &011 discours à Athènes
(Acles des Ap(Ures 17,22·31). Ja'far ibn Abi Tallb commence par évoquer le
paganisme arabe du V' siècle. 11 poursuit en evoquanl le rOle de Mohammed,
envoy~ de Dieu, c1ul de1r1ande que 1'01• abandonne le cul1e des Idoles, que l'on
soit honn\!tc dans les affaires avec autrui et que l'on observe les clnq piliers
du culte de l'Islam (cl chapitre 9). Ja'fa r Ibn Abl Tallb Indique que quand lui et
quelques autres ont accepté ce message, les non-croyants: de La Mecque les
onl attaqués e1ont tout fait pour c1u'lls rCJ1oncent ri leur fol musulmane. C'est
la raison pour laquelle ils sont venus chercher reruge en tthloplc, certains
que le roi le leur accorderalL Le roi leur clen1an<la de lire un passage de leurs
Ecritures saintes. Ils choisirent un passage év0<1uant Marle, la mère de Jésus,
tiré de la sourate XIX. Le roi et les évêques furent at érnua à ces mots qu'ils
en vinrent à pleurer. Les cieux émissaires de La ~1ecqt1e tentèrent al0ts de
1endre un piège au roi en lui suggérant de demander aux 1nwulnians ce quïls
penulent de Jésus. Ja'far Ibn Abl Tallb répondit que Jésus étall le Serviteur,
le Messager, !'Esprit et le Verbe de Dieu et que c"est Dieu qui a fait naitre
.J«us des entrailles de la Salnte Vierge Marle. Le rol lut si lmpressionnê
et satisfait du témoignage de Ja'lar ibn Abl Tallb qu'il accorda à lui et à ses
compasnons sa protection tant quïJs seraient da1\S son pays.
Le discours de Ja'lar ibn Abi Talib portait plus particulièrement sur les points
suivant$:
V' Unicité de Dieu.
V' Rejet du culle des Idoles.
V' Souci du pauvre et du phis laihie (orphe lins el lemmes).
V' Observance de la prière, du leûne e l pratique de la c harité
(cf c hapitre 9).
V' f'ldéllté à la parole donnée et loyauté dans les relations avec autrui.
V' Hospitalité envers les autres (une des vertus principales de la c ulture
arabe, également Importante pour le christianisme du Nouveau
Testament).
,,,,,,, l~orreur des massacres.
V' V~nératlon pour Jêsus et Marle. de ce fait reliant l"lslam à la Tradition
biblique.
Le deuxième exemple de prêche missionnaire musuhnan date d'une année
avant ln Ol()rt de Mol1ammed, une année au cours de Jaq11tlle la J>1upar1 des
tribus restantes d'Arabie se convertirent à l'lsl:k1n el rt-connurent ~1ohammed
comme leur chef. l.es Banou al·Harith, une tribu chréllenne du Yémen ~~it<1é
nu sud-ouest de l'Arabie) s·étaJeol sou1nls. Après c1u'lls eurent ronfessé
118 Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - -

qu'Allah était Jeur 01eu et que ~1ohamn1ed était son prophète, le Prophète
leur envoya A1l1r ib11 Hazm pour les Instruire dans la fol. Moh<.'lmn1ed
demanda â Amr ibn Hazm de leur indiquer les 1>réceptes à respecter :
,,.., Ëvl1er les actions mauvaises.
v Enseigner le Coran à l0\1s.
V Connaitre les joies du paradis et les supplices de l'enfer.
V' Respecter les obligations de la prière quotidienne. de la purification, du
pèlerinage et du paiement de l'aurnône e t des hnpôts.
,,.., Refuser le combat contre d'autres musulmans et préférer remettre
devant Dieu les différends entre personnes (c'est-à-,11re concrètement
les soumettre â )'arbit rage du prophète Mohammed, messager de Dieu).
...- Accorder aux juifs e.t aux c hrétiens la liberté de pratiquer leur religion.

Exposé du contenu de la foi


Une des grandes cont r ibutions de l'islam à la cJvJllsa.tion fut de préserver, de
transmettre e t d'enrichir l'héritage philosophique (scientifique et médical)
<les Crees qui avatt été en grande partie oublié dans le monde occldentaJ.
Par leur traduction <:le t·ravaux philosophiques rédigés tJ\ grec ancien. les
d isciples musulmans se sont familiarisés avec les thèmes des discussions
J) 1'1 ilosoplliques et avec les conclusions des pllllosoplles grecs, dont certaines
(portant nota1nment sur le fait de savoir si le monde avait été créé ou était
é ternel et si la résurrection physique des corps au.raft bien lieu) entraient
manifeste.ment en conflit avec la parole du Coran.

Le problèn1e du rapport e.n tre la Révélation et la raison hun1alne est souvenl


difficile à traiter dans la religion. et plus particulièrement dans le cas des
tro1s rellglons 1\1onothélstes. l~es Occidentaux sont généraJemenL sensibilisés
aux questions qui su.rglssent quand les conclusions de la science 1n_ o derne
viennent contredire des énoncés de la Bible. en particulier. On peut citer
en exemple le récit de la création du monde en sept jours (Genèse 1) qui va
à contre~courant de ce que nous enseigne la science qui a dëmontré que la
for 1natlon de fa terre a pris plusieurs O\illlo11s d'années. Un autre exe\nple que
chacun connait est le conflit qui oppose le récjt de la création du monde dans
Ja Genèse et la vision darwinienne de l'évolution des espèces humaines. Dans
1e monde chrétien. il existe un courant de pensée qui s'at1ache à prendre à
Ja lettre les récits de la Bib1e. et notamment le récit de La création du monde.
Ce courant de pensée s'appelle le 'créationnisme'· Chez les musulmans.
il exjste également un courant de pensée qui rejette les conclusions de la
s.clence n\oder11e sur la création d\111\onde.
- - - - - - Chapitre 6 : le credo des musulmans 119
Voici lrols manières auxquelles les phllo$ophes 1hèolot11ens musulmans ont
eu recours pou.r aborder ces questions :
v Essayer par rutlllsation de la raison humaine de r~futer les conclusions
des philosophes grecs sur les polnlS où leurs coucluslons tlalent w
conflit avec La parole du Coran.
v Rejeter la phllosophle parce qu'elle étal1 en confllt avec la révélallon
de Dieu et, parlant, refuser de polérniquer, Il faut nccepter tout ce que
l'&rlture sainte dit sans même se de.mander co1nn1enl cela peut se faire.
v Acccp1er les poslllons prises sur ces questions pur les philosophes
grecs (telles qu'elles ressortent des écrits cl'ArlSlole, de Platon el des
néoplatonlclens) et trouver une manière de conclller ces 110sltlons avec
le Coran.
Une manière posstble de CO•)Cilier les conflits ap5>aren1s entre la raiso11 el
la R~élation - la philosophie et le Coran - consls1e à dire que certaines
déclarallons du Coran doivent !Ire comprloes comme des mêtaphores ou
comme un langage poêUque el ne peuvenl pas e1re prises au pied de la lettre.
Une autre manière de cond.lier des contradlc1lons apparentes était de dire
que les énoncés d0ôven1 être pris au sens lllléral. mals qu'une lois appliqués
à Dteu Ils ne signifient pas la même chose que dans le tangage commun.
Par exemple, le Coran dit que Dieu a un visage et des mains. Les premiers
lhéologiens musulmans étaient en désaccord quanl à la sig111llcalion de
cet énoncé. Certains ont Indiqué que c'était une manière métaphorique
d'exprimer la nature de Dieu en tant qu'être personnel et actif. D'autres ont
défendu l'idée que cet êooncé devait ê tre pris au sens propre et accepté
com1nc une v~rllé sans que les croyants soient vérlttiblenlcnt cal nlesore de
savoir comment le comprendre quand Il est appllqu6 à Dieu. Cette position
d'occcptal Ion sans cxpllcatlon ratlo1'lnclle est devenue la po3l1 Ion domlna_nte
clnns l'l$lnn1 et l'est encore aujourd'hui.

Toutes les parties prenantes dans cette discussion on1· nccepté l'autorité
du Coran et l'ont cité librement pour défendre leurs 1>osltlons. tout en
ln1erprétan1 dHléremmenl certains passages spécifiques du Coran qu'ils
0111 uliilsés pour défendre leur version. Tous ont égalemenl acceplé
les croyances de base de l'islam. même si parfois Ils les onl comprises
dlflére:111mtnt lu uns des autres. Pendant 1rois ce:nts an.s. les diseus;stons ont
conllnué jusqu'à ce qu'un consensus général émerge au mllleu du X' siècle et
vienne clore les débats. C'est ainsi qu'es! nf le couranl sunnite, Al.SUnna WO·l-
j(lma'a (c'est-à-dire• les adeptes de 14 uaditlon el de la communauté •). Cette
position de consensus est particulièrement associée au grand lhéologlen
musulman al-Ash'ari (873-935).
120 Deuxième partie: la foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - - -

La philosophie et l'islam : duel ou duo ?


LesquestionSToligicusos occupant cortes une soufi {pour en savoir prus sur le mysticisme
place lmporran1e dans la philosophie tradition- soufl. cl chapitre 14). Il est proboblemonl le
nelle, mat~ ne constituent p&s l'essentiel de la penseur le plus importantde l'islam médiéval.
rechercha philosophique. Certains sceptiques èompalable en cela àMeïmonide, Negerjuna el
occidentaux se sont dèmandé si les intellectuels saint Thomas d'Aquirt-pour respectivement le
musutmanspouva1ents-'engager à nouveau dans iuda'isme. le bouddhisme el le chnstianisme.
Io domaines ressor11ssar11 ~la philosophie, tels
que les mathématiques, la logique, les sciences Le monde arabe et l'Islam, sortant à pclno de
son siècle le plus obscur depuis l'avènement
physiques et!'éthique. lis se posent la question
de la motlernité en i.slam ets'interrogentaussl de l'islam, affronteroot 1ls a-veç un minimum
4

d'effic.aoifè la. rapidrtô avoo laquelle li .monde


sur son aptituda'à embrasser les convufsions du
siècle et surtout se ~apaçité à jeter des ponts occidental progresse, et sur1ou1 ses lransfor·
rnauons politJques et intellectuelles? Selon une
avec les autres civilisations.
vision assezfixiste, ce monde-arabo·musulman
Cette question a traversé les siècles durant est considéré comme un monde figé ;à 9uand Je
lesquels l'islam pouvait parler11u monde dans renouveau da toutes ses disciplines 1 Aquend
s-a propre langue. li est en effe.t admis que. les- l'avènement d'un mouvement Intellectuel qui
soiences 1~écaniques, lès niathérnatiques, la seraitaffranchi des codes anciens, oucon<JJ'Qe
chimie et l'alchimie, mais auss~ ta médecine dans ses·choix, libre et souver,ain par rapport
et la philosophie, cons11tuaient le fleuron de au monde politique ? En faît. la question est
la pensée ~robe au Moyen Âge. Al-Ghazali plus profonde. Des chercheurs comme Ali
(1058-1111) a défendu l'obliga1ion de recourir Abderrazik, en Égypte ~u premier quart du
à le philosophie dans la plupart de ces champs xx• sîèc:le,. l'ont abordé sur un autre Lerrain,
d'investige11on tout en précisant les limîtes celul des preroga1lves exactes du personnel
Imposées â la philosophie, car el(e pouya11 religieux. faut·-il ou ()On séparer la gestion de
conduire - seJon lui - à un doute mortel pour le Cité decelladara mosquée, et à quel prix 7 Y
la religion. Le Coren lui·mfime filit l 'éloge e-t·il une possibllitêsérieusp pou1 que le pensée
du.savant et demande que l'on recherche la politique puisse prendre son envot, sans jamais
connaissance. en reodre compte au« clergé 'musulman, au
Al·Ghatall a été à·la fois un théoricien tfès mofnS'dans la version prèconisée par 1-e mos·
quée université du Caire. Al Aihar?
4

important du droit tslamiquo. un théologien


rem'arqua~le, un moralfste hors pair et un maître

{luel<{ues <{uestions théolo9iques


t es piliers de la loi COLnportent des afCirmations théoJogiques de base. Ces
affirmations sont certaine1nent suffisantes pour la pluJ>art des musulmans.
Cepend4lnt, d'auLres c1uestions t hé-Ologiquès ont surgi dans l'islam. J'en
mentionne quelques·unes dans cette part ie. Certains de ces débats sont
Chapitre 6 : le credo des musulmans 121
réglés depuis longtcmJ>$, d'autres sont encore d'actualllé. Certaines
questions pourront vows paraître d'une actualité brûlante et pertlnente.
D'autres pourront VOt.1$ paraître surprenantes ou dé$uètes. soit parce que
VOU$ n'en VO)'eZ pas J'int~ret, SOlt parce que VOUS ne voyez pas OÙ est le
problème. Cependant. 1oyu bien certa1ns qu'à une certaine époque ces
questions ont revftu une Importance capllale en théologie musulmane.
La théologie est Importante en tslam mats sans doute pas autant que pour
te christianisme. et pu autant que la philosophie pour certaines formes
d'hindouisme. L'Islam eSI plus près du judai..me que du chrisUanlsme parce
qu'il met davantage l'accent sur d'autres aspects de la religion (comme la 101).

Qu'est·ce qu'un flrai musulman J


Dans le 1>3SSé. certain• pro1es1ants ont considéré que les catholiques
n'étalent pas de vrais chrellens e1 quand le pro1es1an1lsme a surgi au
XVW- siècle. tes catholiques ont ju~ que les protestants n'étalent pas de vrai.$
chretlens. Beaucoup de juifs ort.h odoxes ne considèrent pas le judaïsme
téforn,ateur to1nme une rorme authentique de judaïsme et ne reconnaissent
pas cou1n1e valldes les converslo11s au judaîsme accordées par les r abbios
reformés. Même dans la conversation ordinaire. une personne peul se
référer à une autre (habl1uelle1ne111 pas en sa présence) comme n·étant pas
un chrétien ou un juif véritable, voulant dire par là qu'elle met en doute
!'authenticité de la fol de telle ou telle 1ierso11ne. L'islam, dès les premiers
te111ps. s'e..sl p-osé la qocsl Ion de savoir ce qu'élal1 un vral musuln1an.

Un groupe qui est nppnru nu v11• 11ècle. celui des kharidjites (cl. chapltre 4). a
pr\!conlgé une austérité rigide vlsont à exclure de la conlnlunauté musulmane
celui qui ne pru11qucral1 J)3S <le ruçon stricte-par exemple. celul qui se
monlrc.rhlt négllgc11t <lnns l'ol>servoncc des prières quol ldiennes. Au cours
cle son l1istoi re. l'islam s'es1 montré t rès ouver t aux conversions, le seul
critère étant de se rccon1u)itre sof.·rnëme rnusulman. Même aujourd'hui, le
souci de l'unité de Jn con,rnurlfttlté mustllmane (u1111n<1) prévaut générale-ment
1
sur la volonté d ln1poser une or1hocloxle des croyances et des pratiques.
E11 dernier llct1, la décision de reconnaître quelqu'un comme étar1t un
vral rnusulman est laissée à l'opprécia1lon de Dieu lui·n1ême à l'heure du
Jugement dernier. En outre. n1@me celul qui serait conda111né à l'enfer en
raiso1l de ses nombreux péehés peut encore gagner son entrée au paradis
pour peu qu11prolessc avL'C sincérité la cha/1ada (témoignage de fol en Dieu
et en Mohammed comme étant le prophè<e de Dieu).

Des exceptions existent à cette attitude générale de <oltrancc et


d'ac;:ceptation de tous ceux qui &e dlsCtlt musulmans. Quelques groupes
islamistes extrémistes prennent une position semblable à celle dt$
kharidjites de l'ancien temps. Les membres d\ln groupe Islamiste extrémiste
ont ass...lné le président de l'l'.gypte, Anouar el-Sadate, en 1981, l'ayanl
déclaré fndlgnc d 'être musulman. alors qu'il était connu pour .. piété et son
respect scrupuleux de la 101 et des rites de 11slam. Les talibans, qui. IOrsqu-lis
122 Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes - - - - - - - -- -

étaient au pouvoir en Afg.h anista11, ont hnposé leur Interprétation de l'Islam·,


ont récemment publié un décret (fatv1a) disant que Ham id Karia'1', ract.uel
président de l'Afghanistan, n'était pas un vrai musulman et par conséquent
méritait d"être assassiné. La meilleure façon de dénier à un n1osuln1an le
droit de l'être consiste à le traiter d'incroyant (kafir). Cela rappelle la pratique
de l"excommu11îcation qui existe seJon des moda,llté.s pari l.cullères dans le
christianisme.

La foi et les œui'res


Le débat sur le lien entre la foi et les œuvres (c'est-â·dire les actes) a rait
l'objel d'âpres discussloo.s. L-e.s textes Isla.iniques parlent de J"affirmation par
la langue, Je cœur (le siège de Ja compréhension) et les rnembres (c'esl-à-dlre
les œuvres). Dans la pratique, chacun de ces trois types d'afflrn1ation est
exigé d'un musuln1a11. Mals cles désaccorcls existent s ur le fait de savoir si la
langue et le cœur sont suffisants ou si. sans les actes. une personne petit Ctre
considérl-e co1t11ne éta11t vra.ii11e.nt musul111ane.

Graduafité de fa foi ?
Une question liée à la précédente porte s ur le !ait de savoir si la loi est
un absolu. Certains disent qu'on a Ja fol ou qu'ot1ne l'a 1>as. li n'y a pas
d'lnternlédlalre. La positJon de la majorité des musulmans est de rejeter
cette raçon de voir et de d ire que 13 Coi d"un musuln1an peut augn1eoter et
s'approfondlr co1nme elle peut aussi bien diminuer et s'étioler.

Un anthropomorphisme réducteur ?
Dans Ja section de ce chapitre intitulée 11 E..'l\posé du contenu de la foi •, j'ai
déjà fait allusion à ce débat, qui était très Important au cours des discussions
théologiques sur l'islam dans les premiers ternps. Qua_ ncl on parle de Dieu
en employant cles mots quJ se ré.fèrent aux êtres humains. faut·il prendre ces
énoncés à la lettre (ce que l'on qualifie d'• anl hr-01>00\0tpl1ls1ne •) ? C'est ce
que pensent la majorité des musulmans mais fis ajoutent que ce vocabulaire
ne signifie pas né.eessalremenl la mê111c chose quand lJ e.s t utilisé pour parler
de Dieu.

Le Coran créé ou éternel


li s'agit peut-être là de la questîo1l t héologique la plus âprcn1ent discutée
au 1.:<t' siècle de l'Islam: le Coran, livre descendu du ciel, a-t..iJ existé de toute
éternité ou bien a-t-il élé créé un jour par Oteu? Ce débat n'est pas sans
- - - - - -- -- - - - - - - Chapitre 6 : l e credo des musulmans 123
rappeler celul sur le Christ dont on se demandait dans les premiers temps
du chrlsllanlsme s11 avalt toujours existé ou s'll était le premier de toutes
les créatures que Dieu avait laites. Le groupe des mu'tailllles a plaidé en
eaveur d'un Coran créé. Pourquoi cette question étall.-elle si lmpo-rtante pour
r1sla1n?
Selon les mu'1azlll1es. dire que le Coran est éternel (Incréé, qui a toujours
existé) cont redit le concept islamique de base de l'unlcllé de Dieu c1ul Inclut
la croyance que seu1 Dieu est étemeJ. Les dirigeants 1nusuhnans de l'époque
(les Cllllres) ont essayé d'imposer par la force la concept Ion mu'tazlllte du
Coran créé nlnis n'y sont pas parve.nus. La plupart des must1hnons acceptent
dcpul• lors que le Coran a toujours existé même si la façon d'expliquer cet
é tal de fait soit bien compliquée et difflclle à comprendre. SI l'idée d'un
Coran créé a finalement été rejetée, quelques théologiens ont 1enu à faire
une dl11tlnctlot1 e1\tre le Coran éternel et le Coran tt'.I qu'il se 1nanlfes1e en un
te.mps et e.n un lieu donnés.

Distin9uer (e bien du ma(


Es1-cc que Oleu dit qu1f ne faut pas tuer parce que le crime est
lnlr1nsèquemcnt mauvais ou est--ce que cela est mauvais patœ que
Dieu l'a décrété ainsi? Si Dieu demandait que l'on lue, le crime serait-il
bon? Les réponses à cette question varient. Certains dl&ent que mëme
lndépendamme111 de la RévéJalion et de l'f..:rlture sainte. un niveau objectif
de l>len et de maJ exJste el que L'on peul, au molns partiellement, en avoir
conscience v•r la raison e t l'lntulllon. o·aut res adop1en1 la position opposée
et concluent que les actions sont bonnes ou mauvaises seulement parce que
Pieu <'Il a décidé ainsi. C'est plutôt celle dernière nll llUde qui • Jll'évahL

Rejet d'un Credo fi9é


Les chr~tlens, à la différence de$ musulmans et de bien d'autres croyants.
anachent une Importance prépondérante à !'orthodoxie de la fol. Dès
les débuts. les chrétiens ont rédigé le Credo de la fol (les croyances
fondamentales). Les premiers Credo tels celui dC$ apôtres ou celui de Nieée
sont eocorc utlllsés aujourd"hul dans le christianisme(< Je crois en Dieu. le
Ptrc IOUl1XJlssan1 , <Raleur du cld et dc la terre .... >). Tradlllonnellemen1.
pour !Ire un chrétien, il fallait affirmer que l'on crole l ce qui est dit dans le
Credo. Des chr~tiens sortt même entrés en guerre les u1\S contre le.~ autres à
propos de divergences de vues sur ces questions de fol (pensez à l'Irlande
du Nord). M~rne certains groupes chrétiens protestants qui rejettent le credo
recourent néann1olns à des " afflrn\t1tio1as de la fol "dans le cuhe ou éno1\ce11t
d'une nutre m3nlêre les croyances essentielles ou n1ême obligatoires pour
12!, Deuxième partie: La foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - - -

a1)parten1r à te11e ou telle confession. Ce qui se rapproche le plus du Credo,


ce sont finalen\ent les cinq plliers de l'islam et les cinq pillers de-la fol. C_h et
les bouddhistes, on pourrait n1entionner les quatre nobles vérités et l'énoncé
des trois refuges.
~\. t:isla1n •l'est pas one religion reposanl sur un (.'redo bien déflnL Pour être
§ musulman, U n'y a pas besoin d'accepter un ensemble de croyances bien
précises. Le culte n'impose pas la rormulation d'uo Credo. Les théologiens
musulmans ne se rassemblent pas pour écrire et codifier la fol olflclelle.

Cc.la n.e s1g1'llfie pas néaomolr1s que l'lslnnl 1l'a pas encadré la fol. Les
ouvrages de hadith synthétisent des tonnes de croyances en un Credc~ très
court (·aqida). Le Flqh Akbar 1est un autre exentple de Credo en raccour ci
datant des débuts de l'islam, attribué à Abou Hanlfa (700-767). Finalement, un
certain nombre de Credo ont vu le jour dont certains cont.ienaent parfois cent
ar ticles de fol. voire davantage. Ces synthèses (le la fol résument la position
de tel ou tel théologien ou de telle ou telle école juridic1ue.

Voici quelques passages extrajtS de plusieurs proressîOn$ de foi rédigées


dans les quatre cents premières années de. l'islam. Cela vous permettra
cl'avoi r un aperçu clu contei\u et cle la rorme de ces profes.')lons de fol. Il ne
s'agit pas ici de récapituler en quelques poit1ts l'ensen1ble de la doctrir1e
mus1,1lmane, nlals slmple1nenl <le vous donne·t env1e d'en savoir plus. Ce1te
Uste ne cherche nullement à récapituler ce à qu<>i les musulmans c roient.
Y' « Nous (les musulmans) ne. tenons pas quelqu'un pour infidèle à cause de
son péché. et nous r1e r1ion$ pas sa fol. ,.
"« U [Dieu] a toujours existé ainsi que ses attributs bien avant Ja création
du nlonde. Introduire 1a créaUon dans l'existence n·a rien ajouté à ses
attrlb\1ts <1ul ne sojL no\1veau. Car de même c1u·u était, ainsi que ses
attributs. dans la pré-éternité. de méme il restera en tout temps pour les
sîècles des siècles...
Y" • Tout se produit selon Son décret {de Dieu] auj oucd'hui comme demain.
Sa volonté est accomplie. La seuJe volonté des gens est celle qui vient de
sa volonté à lui pour eux. Ce qu'il veut J)Our eux se produit et ce qu'il ne
veut pas, ne se produit pas. •
Y' Les 11 .;ictes des personnes sont c réées par Oleu mals métltées par les
personnes •·
V « Ils Lies n1usuJmans) admettent que la fol s'exprime· en paroles et en
actes. -
Y" Les • gens qui inoovent dans la religion ou ront ce qu'ils veulent e.n
religion vont clroit en enfer, conforméntent à ce qui esr dit dans le
hadith •·
v « Le Coran est la parole de Dieu. U n'est pas Je fruit de quelque chose qui
a élé créé, <1ui doit donc s'éteindre, ni <les attributs de qucJque c hose cte
créé et donc qui serait appelé à flnir u.n jour ou l'autre.. 11
Chapitre 6: Le credo des musulmans 125
Voici deux livres rédigés en français qul vous pern1ettront de mieux
approfondir cette questlof' : le premier est celul de Nawawl. li! Cor11rr1ent(lfre
cle$ Arf)a'ûn at-nawawlyo, paru à Beyrouth en J986. Il est aujourd'hui vendu
dans toutes les l)-01) 11cs llbrnlr1es o rientalistes. Le secontl C8l celt1i de
llokha rl, l es Tmdltion,,. islc1,,1lques, que l'on trouve égale1nenl dans les bonnes
llbralries mùsuln1anes et même à la f'nac.
Chapitre 7
Le face-à-face avec Dieu :
l'enfer ou le paradis
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• ••• •••
Dans ce chapitre
..... La v ision d'autres êtres: anges et djinns
._ Définir l'enfer el le paradis

.................................... ............ .
""'° r\ l'heure de la résurrection el du Jugerncnl final
"

S upposez que vous partiez pour un lot1g voya,ge vtrs une destination
qul vous est lnQonnue. Sur Internet, aucu.n slle ,.,.eb ne parle de cet
endroit. Les conditions d·octroi d'un v isa ne sont pas claires, et vous risquez
mê.tne de ne pas t)()uvoir entrer dans le pays t f\1ême les 1ndlcat1ons des
vacch1atlo1ls à faire pour ce voyage vous paraisse.i11 énlgn•ati.c1ues. D'autres
personnes sont pourtant déjà allées là-bas. rnajs elles n'en sont jamais
revc.nues. e1nportant le secret avec elles ..•

La mort est parelll~ à ce voyage. Elle a Interrogé et interroge encore toutes


les re1igiot1s.

Selon la fol musu1mane. la mort nous emporte dans un autre nl onde. C'csl
pourquoi ce chapitre s'intéresse à la nlort vécue en islair1 ainsi qu'à la v ision
musulmane de cet autre 111oncle. Puisque les anges jouent un rôle lnlpor1ant
d~lns les évéf1eme11ts qui concernent la fin de la vie et l'au-delà, j e vous
propose d'en découvrir plus sur les anges et autres êtres surnaturels.

Vous trouverez cl·dessous une topographie organisée de l'autre monde et


un Jtlnétatre du voyage de la vie ici-bas à la vie après la mort. Nulle pari
dans le Coran ou dans d'autres sources 1slamlq11es vous ne retrouverez une
présentation aussi organisée et systétnatjque de ce sujet telle qu~e ll e vous
est llvrée dans ce chapitre. Dans le Coran, on retrovve beaucoup d'images
puissamment évocatrices sut ces sujets, rnals <.-es images ne sont pas
organisées s.ous forn1e d'une systématique ou d'une séquentielle con1nle
ici. Alnsl. qu.and je dresse une lfste partlct11lère des anges ou des étapes du
128 Deuxième partie : La loi et les croyances musulmanes - - - - - -- - -

passage de la mort à la vie, il faut garder à resprJt le fait que dans d'autres
textes les cl)oses peuvent ëtre présentées différemment. Néanmoins. j'espère
vous aider à avoir un aperçu gélléral de la conception musulmane de la mort~

Ces êtres l{ui ne sont ni hommes ni Dieu


E.n dehors des hommes et de Dieu, le Coran parle de deux autres groupes
d'êtres vivants ; les anges et les djinns. Deux traditions (hadiths) comparent
les bommes, les animaux et les djJnns. La première tradition rappor te
que les c homn1es ont été créés à part1r de l'ar'slle, les an,ges à partir de la
lumière. et les djinns du leu' (voir également la sourateXXXVUJ, 76). La
deuxième tradilJon rapp.o rte que .. les anges ont été créés par Dieu dotés de
l'intelligence rnaj s privés des cinq sens, les anirnaux avec Jes cinq sens ntals
sans Intellect, et les ho1nmes avec l'intelligence et les clnq sens •.

Gabriel et les autres an9es


À quelques détails près. la conception musulmane des anges n'est pas t rès
dlffére.n te de celle des juifs et des chrétiens. Les aJ1ges sont princlpa)ement
une caractéristique des reJlglons n1onothéistes où ils sont conçus co1nmc. des
intermédiaires entre Dieu el les hommes. Le -n1ol • ange" vient du grec qui
vient lui-n1ême d'un mot hébreu signifiant llttéraJement • le messager•. Dans
les religions orientales, <1uelques èsprits et dieux mineurs exerce.nf ctrtaines
des fonc t-ions attribuées aux anges dans les re ligions occidentales. mai s
aucune catégorie bien définie n'est comparable aux anges.

La croyance dans les anges fafl partie des cloq piliers de la fol (iman) dans
l'islam (cl chapllre 4). Lé Coran (ait référence aux anges plus de quatre-vingts
fois! Cela rnontre bien que les conten11>oralns de Mohammed connaissaient
déjà le concept d'ange. Bien que les anges soient actifs en ce bas monde,
Ils appartiennent à un monde di fférent, qui est Immatériel. Dieu a créé les
anges à par tir de la lumlèrc, La pl\1s immatéri elle de toutes les substances.
Les anges sont 1nascuUns ou féminins mals ne procréent pas. Ils n'ont pas de
libre arbitre et. en conséquence. 11e peuvent pas pêcher. La sourate XXXV. 1
dit que les anges ont cieux, trois ou quatre ailes.
N'ayant jamais co1nmls de péc)té et appartena.n t à un monde supérieur, cl'une
certaine raçon les anges sont aussi supérieurs aux l1umains. Ainsi. quand les
textes islamiques mentionnent le non1 d'u11 ange, i ls l'accompagnent de la
même formule de bénédiction que celle utilisée a près le nom des prophètes
- • et sur lui la paix •.

Pourtant, si ro1l co11sidérait Jes choses autrement, on pourrait dire que Jes
huo1ains ont de plus grandes capacités que les anges. Les humains. à la
- - - - - - - Chapitre 7: le face-à-face avec Dieu: l'enfer ou le paradis 129
difCérence des aoge-s, sont créés à lïmage de Dieu. Ainsi, après que Dîeu eut
créé Adam, il ordonna aux anges de se J)rosterner devant sa création. Dans
!'histoire du voyage nocturne et de l'ascension au cîel de Mohafnrned, l'ang~
Gabriel agit en ta1lt que guide. Mais li ne peut raccompagner jusqu'au bout
de son périple. et Mottammed doit finalement poursuJvre seul son voyage
jusqu'à Dieu.

Le rôle des an9es


À quoi donc servent les anges dans la religion musulmane? Quel objectif
doivent·ils attelndre 1 Dans une cer taine mesure, les anges - qu1 ne sont
pas des clleux- rem1l laceal tes dieux mineurs d'autres religions. Voici, selon
l'islam, certaines missh>ns confiées aux anges :
Y' Les anges sont les messagers de Dieu e11trc l ui et le m<>nde terrestre.
V' Les anges glorifient Dieu, jour et nuit, sans cesse (sourate x·x1, 20),
comme tous les esprits ailés (qui ne sont pas vraiment des anges) que
l'on appelle les chërubins et 1es séraphins dans la Torah et dans l'Ancien
Testarnenl.
Y' Les anges soutiennent le trûnt: sur lequel Dieu est assis au plus haut des
creux.
V' Les anges garclent les murs d'enceinte du cleJ et de l'enfer et les portes
d'entrée à chaque niveau du ciel et de l'enfer.
v Cl1aque être htunaln a un ou deux anges gardiens.
v Les anges enregistre.nt les actions de chacun dans le livre qui sera
en11>loyé pour le jugement de Dieu au jour de la rés-urrectio11. La
sourate LXXXII, l-1 2 dit :« Pourtant au..dessus de vous il y a des
observateurs, des êtres no'b les, (lUI rlot.eJ11 et savenl tout ce que vous
faites. ..
V Comme.dans la Bjble chrétienne e t la Torah juive, les anges jouent un
rôle ln1portanl à certains moments de l'histoire. Par exemple, lors de
la bat•ille cruciale de Badr (624, cf. chapitre 4), Gabriel, coifJé de son
turban jaune, a mené à la victoire les ar1ges qui combattaient au côté des
nlus11lma.ns.
V' Les anges sont p.reseJ\l'S à chaque fols que des n1usuJmans se mettent en
prière (salai) et sont reconnus J)ar le fidèle à la nn de sa prière.
v Pans l'islam c.hllte (cl chapitre 13), la succession des ima1ns cl1illes
(successeurs de Mohamrned dans la l>ran<:hc chiite de l'islam) est guidée
1>ar de$ anges. À l'arrlvëe du douzième imam êacl1é, u11ange apparaitra
dans Je ciel pour annoncer l'événement.
Y" Les ange-s jouent un rôle capital au 1nomen1 d-e la 111011 et de la
résurrection.
13Q Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - - -

La hiérarchie des an9es


" Personne d'ealre nous n'est sa_n s plac.e attribuée"· disent les anges d:.ttlS
la sourate V II, 164. Ce verset ·m ontre bien qu'll existe une hiérarchie ou un
classement parml les anges. Pour CXJ) rimer cela, on peut dire que chaque
ange est en relation avec l'un des sept niveaux du c.i el. t.e groupe d'a_nges
le plus important est celui des deux archanges - Jibril (Gabriel) et Mikaîl
(Michel) - et des deux anges lzra'il e t ls ralil.

Les différents an9es


Dans cette section, vous c roiserez. certains des anges les plus ln1portants,
sachant que cette liste n'est pas complète. Selon une t radition ultérieure,
Dieu a donné à quelques anges la responsabilité de certains attributs
hum.alns. con1rne Je l'ai indiqué dans la liste ci..dessou$.
V L'archa11ge Gabriel est assurén1ent le plus i(nportant des anges - dans le
Coran et dans fa Bible. Dans le Coran. GabrJel est mentionné seulement
cieux fois (sourates U, 97 et LXVI, 4). Cependant, la Tradition musulmane
identifie Gabriel comme éta•l t l'allge anonyme qui apparait à Mohamme<I
quand il reçoit un appel (sourate Liii, 4-14) e l qui, plus tard, le g'uide
lors de son voyage nocturne au c iel et de son entrée â Jérusalem
(sourate XVII, l-2). Dans la biographie traditionnelle de Mohammed
par 1bn Ishaq, Gabriel apparaî[ à cerl aines at1tres grandes occasions
de la vie de Mohammed. Ave<: l'archange ~tichel. il est ruu des deux
étrangers qui viennent enlever la tache noire (re1)résentant l'éventualitê
de commettre des péchés) du eœur de f\1ohammed nourrisson. Il
mène les anges au combat au côté des musulmans à la bataille. de Badr
(624) et également à la bataille de Honaïn (630, cf. chapitre 6 pour les
incidents pré<:édents). Gabriel a pparaît plus tard à Mohammed et lui
enseig.n e les rituels de purlfJc:at lon et de la prière. Il apparait également
dans 1ïncldentdes versets satan.iques (cl chapitre 5). GnbrleJ apparait
non seuJe1nent à f\<lobammed mais également aux a1.1tres prophètes qui
ont précédé Mohammed. Dieu a donné à Gabriel la responsabilité de
cornmunlquer avec les hom1ne.s.
v L:arcl'lange Mikaïl ( Michel) est cité dans la sourate Il, 97 avec Gabriel. Il
apparaît égaleme1ll avec Gabriel at1moment de la purification du c.œur
el à la bataille de Badr. Selon une tradition tardive, Dieu a donné à Mlkaîl
la responsabilité de rappeler le passé aux hommes (de raviver leur
mémoire sur les événements passés).
v ~·ange de la mort (malak al·mawf) (sourate XXXII, 11). également connu
sous les appellations d'lzra'il ou "lzra'U, est un trois1è1ne ange. C'est le
'Ozrîn du langage populaire. LI est mentionné à un seul endroit du Coran.
Chapitre 7: le face-à-face avec Dieu : l'enfer ou le paradis 131
v Les al\ges Munkar et Nakir jouent un rôle partiCtllièrement hnportanl
dans les derniers montents de la vte. Ils interrogent les hommes dans la
tornbe au suJeL de leur foi. Leur nom est ass<x:ié aux c toura1ents de la
tombe • ('(ldâb ol-qobr) comme en XXIII, 21. Ainsi, la doctrine musulmane
les mentionne à propos du juge1nenl de l'âme du cléfunt, au moment des
f\1nérailles lorsqu'on énumère les croyances exigées des 1t\ust1lnlans.

La {ampe d'Afadin et {e djinn


Chacun co11naît la lampe à huile d'Aladin avec son bec re<:ourbé vers le
haut. JI suffit de la frotter, el hop! tan génie e:n sort et vous invite à faire trois
vœu.x ... Qul n·en a pas rëvé? A ladin est atls.Si un 1>et soooage des Mille et Une
1Vuits qui fait partie clu folklore et du monde musulmans.

Bien que le rnot de « génie• vienne du mot arabe djlnn, les créatures qui
portent ce nom ne risquent pas de vous accorder vos trois souhalls. li
existe dans: toutes les cultures des tas d'esprits surnatutels - rées, lutins,
trolls, etc. - qui sont censés faite du bien ou du n1al al1x honimes. l:isla1n
a également des dj inns, faits de feu. Les djinns sonl le.• êtres Intelligents,
invîsil>les aux hu1naln$. Dans la 1'radltJon préislamique, les cljinl'ls étalent
des esprits issus du désert et dès sources. lis sont plus importants dans le
folkJore et <lans les contes qu'en théologie.

Les djinns sont capables d'apport er le sa.lut ou la màlédicl.lon el peuve.n t,


ainsi. être bienfaisants ou 1nalétlqt1es. Un groupe de djinns a par le passé
surpris Moha:m mecl en t rajn de pr êcher (sotirate l"XXll. 1...S). Ils ont cru ce
qu'ils ont e1\tenclu et ont acceptê l'islam. Cela s'est passé à un endroit appelé
ta mosquée du Djinn quj se trouve à La ~~ecque. On r aconte que des djinas
ont aidé. l e roi Salo1non à construire le temple de Jérusaleil\ (sot1rate XXXIV,
12-14).

Les djinns O•ll leurs propres tribus et leurs rois. lis sont 1nasculins c.t
féminins. et ils se marîent. De temps e 1l témps, lis é pousent des êtres
ht1n1ains. En Arable prê·islamique. les djinns ont inspiré des pro1>hètes,
des devins et des poètes d01\t le prestige et le pouvoir é ta ient j mme1)ses à
1'é1>0que de ~1ohammed . Un poète était censé ne pas dire ses propres mots
mais les mots du djinn qui l'a Inspi ré, ce qui rappelle l es muses de la Grèce
antique. Cer tains pensent que fvtoha1r11ned a dù êtte Inspiré par un djinn
quand il a cornrr1encé à téclter le Coran et a affirmé la pre1nlère fuis qu'll
avait des révélations venant de Dieu - une façon de v oir que le prophète
Mohammed a catégoriquement rejetée.

Le djinn n'est pas le seul terme utilisê 1>our 1>arler de ces créatures. Plusieurs
autres t.e.rrnes sont uti lisés pour qualifier la p)us ignoble et la plus tr1alfa.isa11te
d'entre elles. Les plus connus sont les c./)ayrans (satans au pluriel): ce mot
revient plus de <:ent fois dans le Coran pour parJer des djioos rebelles. Jls
J32 Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes _______ ___

essayent de 1>erturber la prière des musulmans. Un chaytan ou un djinn se


tient sur l'épaule de c hacun des humains. IJ cherche à tenter La person11e. et
témoigne contre elle au jour du Jugernent der11ie.r.

Diaboliquement <lôtre
lblis est le nom clu diable d.i.tns l'islam. Ce mot a sans doute la même origine
grecque que le mot français K d iable•. On emploie égalemc111 l'expression
Acft.chaytan (• le" Satan). Quaod Dieu a créé Adam, il a ordonné aux anges de
se prosterner avant Adam. Seul lblis a refusé (sourate XV. 30-33). Ses pêchés
étaient l'orgueil e t la désobéissance (sourate VII, 12)'. Après tout, il savait que
l'on ne doit adorer que Dieu. Dieu a condamné lblis à la maléd!ctlon mals a
retardé la punition jusqu'au Jug-en1ent der nle.r.

Le Coran mentionne plus fréquemment Satan ( plus de 70 fo ls) qu'lblls


(8 fois). lndé.pendamment du fait de savoir si lblis et Satan étaient à l'origine
différents, on peut dire qt1'Us se rapportent ef.fectivement à la même entité
dans l'lsJam. Dieu permet à Satan et à ses aides de semer la cliscorde et
la haine et cl'lnclter les llomnleS à faire le mal, à commencer par Adam
dar1s le jardin. Avant de réciter la formule de la basmaflah quJ ouvre
chaque sourate saur une - 11 Au nom de Dieu le Tout 1',1iséricordieux, Je Très
Miséricordieux ,. - , les musulmans répètent la formule du 1a'awrl)t1dl1' : • Je
prends le refuge auprès de Dieu contre Satan. le maudit• (sourate XVI. 98).
lblis/Satan ne revêt pa.s la même Importance que Satar1/le diable dai1s le
c.hrlstlanls1ne. Parfots, da1lS le c hristianisme, Satan est vu comme une
superpuissance. presque l'égal de Dieu, à ceci près·qu'à la fin des temps
OJeu et Jésus le vaincront déflnltlve.inent. En revanclle, selon l'Islam. mëme
si lb Ils/Satan est une force perturbatrice, rien ni personne, y compris Satan,
ne peut être considéré comme ca1lable de rivaliser a_vec Dieu. Le concept de
Satan découle de la Toralt où l'on trouve rarement mention de son nom et où
il ne représente pas l'incarnation du maJ comme U a llail le devenir dans le
fudaîsme à l'époque de Jésl•S. Le cl1ristianisme a repris ce concept de Satan
dêvelop1)é par les juifs. Si l'on trouve dans les religions asiatiques des tas
de divinJtés qut représeiltC1\t le mal et le malheur. c'est sans doute avec le
dieu Mara, "cèlui Qlti apporte la mort" (dans le bouddhisme) que l'Oi\ peut
comparer le diable (Satan) te l qu'il est perçu par les juifs, les chrétiens e t les
nl usulmans. Mara est un dieu ([Ui règ11e sur le monde du désir sensuel et qui
a essayé d'empêcher L'illumlnatlon de Bouddha.
- - - - - - - Chapitre 7 : Le face-à-face avec Dieu : l'enfer ou le paradis 133
Passer de l/ie à trépas et ressusciter :
l'enfer ou le ciel J
Les rites funéraires quJ accompagnent Je passage de fa vie à la mort, de la
résurrection el du Juge1nent dernier ont été codifiés très tôt dans l'histoire
de l'islam. Dans cette section. vous trouverez un réc.apltuJatlf des rltes qui
sont effectt1és à la mort d't1n n\usuhnan. 11 peut y avoir que.Jques variations
par rapport à ce quJ est écrit Ici seJon Jes traditions.
La représe.nlation de la mort en islam est vue selon deux é tapes : la première
correspond à celle de la ntort proprement dite e t du cemps passé dans la
tonlbe. La seco1\<'le étape conl n·u~noe quan<I sonne la trompette. marquant le
signal de la résurrection généra.Je de tous les défunts, avec Je jugement nnal
et renvoi atJ cle1 ou en enfer.

De la flie à la mort, dans la tombe


Les trois reJlglons monothé1sles partage1'IL la nlême croyanee dans la fin du
monc;le et la fin des l ernps. À ce moment-là se produira la résurrec tion des
corps. le Jugement dernier et l'envol au paradis ou en enfer. En attendant
ce j o\•r-là. que se 1>asse-t-il pour ceux qui se sont enclormis du sommeil des
morts ? Sont-Us simplemei'lt n1ort s 1 Ont-lis une certaine forme (l'existence
lntcr-mérllaire da11s la tombe? Onl-iJs un contact avec les v ivants ? Là où
les Ë<:ritt1res saintes ne disent pas grand-chose. la Tradition fournit des
réponses à ces questions. Les dlffére11t.es étapes sotil ici présentées dans
l'ord re où -elles sont effectuées. Il peut y avoir de légères variantes selon les
traditions auxquelles on se ré rère.

1.. Quarante jours avant le décès, une feuille d'arbre portant le nom d e la
personne quJ doit mourir se d éta ch e et to1t1be: 80t18 le trône d e Die u.
À ce signal. raage.de la mort sait que le moment deslgné est venu. Dieu
détermi ne à la fois la durée de la vie d·un Individu (sourate VI, 2) et le
moment de la fin des temps. Quand un Individu est moura nt, range de la
n"lort (voir cl-dessus la se<:tion Intitulée• Les différents anges •) apparaît
au futur défunt e l lui demande qui il est. La personne peut essayer de
s'échappe.r mals la mort la rattrape toufour:;. Nakir et Munkir, les deux
a1'lges qui Onl enregistré $es bonnes et mauvaises actions, JuJ montrent
le bilan de sa vie.
2. L'ange de la mort extrait t•ame du corps
La personne agonisante l)éut résister, majs cela ne sert à rien.
134 Deuxième partie: La foi et les croyances musulmanes _________

3. Satan C&Sale de détourner la. personne de sa foi en lul offrant


éventuellement une coupe d'eau froide pour la soulager d e ses maux.
4. la personne est accueillie dans la tombe. Elle peut quelquefoi s
entrevoir soit les récon1pensctl futures qu_l l'atten<lent au paradis, soit
les 1naux cle l'enfer, selon le destin qui l'attend.
La tombe est un endroit où r ègnent robscurité et l'isolernenL

5. La personne peul alors t.ente.r de faire le voyage qui la fera passer par
le& sept c:i eux pour voir ce qui l'attend.
Ce.lui qui est damné ne p~ut naturellement pas passer par les portes du
cieJ.
6. l.'â.me est féu.nie au corps dans la tom.be.
7. Les anges de la morti Na.kir et J\.tunkir, interrogent ta personne
défunte.
Le défunt. à ce stade déjà enterré par sa famille. reçol1 l'ordre de
s'asseoir. o: Qui est ton Seigneur ? " lui clema ndent )es deux anges.
Les martyrs et les i>rophètes écllaJ>J>ent à cette interrogation et vont
dfrecte1ncnt au ciel.
8 . La personne es-t en punltl.oo da_11&la tombe - il ne s'agit pas là d e
l 1ultl1ne damnation en enfer.
Tout ceux <:1ul sont dans la tombe font au Ln inin1un1 J'expé.rience
désagréable de subir l'oppression de la tombe c ar tout le monde a rait au
moins quelques actlorlS da.n s sa vie qui méritent une punition.
9. Après habituellement quara.ntc.j-Ou.rs au maximum, la punition se
termine. La per&Onne resle alors dans la tombe inconsclente jusqu'au
jour de la résUJ'l"e<:tioo.

Cette pêriodes'appelle le barzakh (sourate XXII~ 100) - , la barrière•


ou « la c loison "· EJle est comparable au sommeil. Les thëologiens se
sont de n-iandé où s e trouve le défunt pendant cett.e période où l'es1>ril
et le corps sont ensemble, si Je défu11t a des contacts e t s'il a conscience
de se qui se J>asse chez les vivants. (Il n'y a pas de. réponse unique et
cohérente à cette question)
_______ Chapitre 1 : Le face-à-face avec Dieu: l'enfer ou le paradis 135
La résurrection et te Ju9ement dernier
La première étape décrite c i·dessus peul être consldér4e comme une sorte
d'échauffemenl pour rau~deJ à. Voici maintenant la grande finale. Le séjOlLr
da.n s la tornbe n'est qu'on bref prologue à une éternité qui se passera au ciel
ou en enfer. Le jour du Jugement der ni er. Oièu mènera une enquête sur la
f(lÇOn dont chacun s'est conduit sa vie durant. Là encore, le procès se déroule
en plusieurs êtarJes.

1. Les signes d e la lin des temP" apparal88Cnt.


Les signes annoncent l'ln1mlnence de la fin des temps. Ce~
signes comportent nota.m ment l'inversion de l'ordre de la nat ure
(sourate LXXXI, J..14), comme Je lever du soleil à l'ouest plutôt q u'à l'est
el le déclin de l'ordre moral. Après une période de troubles lmplfquaat
un conflit entre les fo rces du bien e t ceUes du maJ, les représentants cle
Dieu t riornphero1it du mal et ce sera ta fin du monde.

Com1ne dans d'autres rellgîons, 111naginatj on humaine et Jes tr<1dit ions


sont très créatr ices el comblent les Jacu11es sur ce Qll1 se. produira à Ja
11 fin des temps .. ou daas les 11 derniers jours 11, De façon caractéristi(lue,

un personl'iage q_uc l'on nomme hablluellen1ent l'Antéchrist {AJ· Oajjal,


mentionné dans Cor an cotnrne étant Ja • Bête • - sourate XXVII, 82)
a1>paraîtr:i. Il détournera les croyant s de l'islam durant la période où
il règnera. Jésus reviendra pour vaincre rantéct1rlst. Aptès- un règne
rel~tlvement court , conformément à la volonté d ivi ne (comme Je dit
l'isla1n), le ten1ps e t l'histoire s'arrêteront.
2. La résurrection (qi-yon)a, • le fait de se mettre debout •) commence.

L'ange Raphaêl (voir plus haut dans ce ch apiue la section intituJée


• Les dlffére.J1ts anges •) embouc he sa trompette pour annoncer Je jour
de la résurrection (sourate LXIX. 13-18). C'est la fin du monde el au
second coup cle 1ronlJ)ette seuJ Dieu subsistera - • tout ce qui est sur
terre périra. seule la face de Dieu restera ,., e $l-il dit da_ns la sourate LV,
26-27. Au bout de quelque temps, le monde se reconstituera et les corps
reprendront forme clans leurs ton)bes. Ra1>haê.J seta le premier des anges
à réapparaître e t Mohammed ou l'un des prophètes julrs sera le Jl re.1r1 h~r
à ressusciter (esprit et corps réuni$). Vlendra alors la résurrection de
toute la commuoaut"é des musulmans. puis finalement la résur rection
de tous tes autres. Seul Dieu sait combien de ten1ps durera la période
d'anlicipation c rail1tive des n1orts quant à leur destin de ressuscités
avant c1u'alt lieu le Jugement dernier.
136 Deuxième partie: l a foi et les croyances musulmanes

3. Le compte est bon {l"heure du ju~eo().


À !"heure de la mort. le livre dans lequel 1ous les actes du défunt sont
consignés sa vie durant est acc.roch~ à son cou. À ce momen1-là, ceux
qui sont destinés à aller au ciel reçolveil1 ce livre dans la. main droite:
ceux qui sont destlnés à <i:ller en enfer le reçoivent d11ns la main g:a.oche.
l..C! llvre, ou les actions ellett~mêmes, sont plac~s sur les plateaux de la
l>alance du jugement pour évaluer le 1>olds de l'fime, ce qul détermlne l e
dest ln Unal de la ('.>êrsonne. Les bonnes DCI Ions pèsent davantage que les
1l'1auvaises. Pour être dJgne cl'ent rc r at11>arndls, Il y a un poids mlniruaJ li
respec1er qui est connu de Dieu seul.
4. Tous traversent Je pont qui pas8e a u·des&ua du feu de l'enfer e t m è11e à
la porte du del.
Pour les fidèles, le pool est plat et large et la traversée est facile. Pour les
~heurs. le pont devient aussi tranchant que le fil d'une épée et aussi
étroit qu"un cheveu. tandis que la traversée a'eflectue dans l"obscurlté.
Ceux-là tombent en enfer. Mohammed retrouve ses disCiples fidèles près
d'un étang de rautre côté du pont. La douceur du llquide de rétang est
un prélude à la suavité des eaux qui attendent les purs au ciel. Malgré
tout. en raison de la grande misérlcorde de Dieu (et 11nterœssloo peut-
êire du proph~e Mohammed). il existe encore une possibilité pour ceux
qui risquent !"enfer d'être sau~s et d"avolr droit au paradis. Néanmoins,
Il reste toujours l'éventualité que c:cna1ns de ceux qui son1 tombés
dans l'enre.r .soient finaJement exllrpé.s de l'abime pour rejoindre le cieJ
grlice à la miséricorde de Dieu (et 11eut-être à raide de l'intercession de
Mohammed).

Là où le m1Jstère reste entier


Une question en an1ène une autre. Le récit des ~v~nements du Jugement
dernte.r a laissé beaucoup de questions llnporta11tes sans réponse. Par
exemp1e, qu·arrlve-t-U aux enrar\1$ qui meurent en bas Age san.s avoir eu la
possibilité de choisir d'être croyant? C"est 111 une <1ueslion capitale. parmi
d'autres. qui se pose à tout musulman vraiment croyant.
><' lnterœuloo : 11ntercession consiste à confier à quelqu'un qui a des
mtriles exœptioonels la mission de demander à Dieu de réduire la
peine d"un croyant condamné pour ses ~hés. À proprement parler. la
1us1lcc de Dieu exige que chacun reçoive ce qu'il ou elle mérite, ce qui
ext:lut d'emblée toute Intercession. Certains musulmans de la première
heure ont nié rintercession. Cependant, l'intercession a fini par être
acceptée par la majorité comme manlfcslat Ion de la mlsërloorde de
Dieu. Mohammed est le médiateur par excellence. La 1radltlo11 Indique
qu';i.près le .lugernent dern1er, Mohan1n1ed rencontrera ses d isciples
(tous les musulmans) à rentrée du clcl, Certains lul demanderont
d"lntervenlr pour effacer les effets de leurs péché•. D'autres prophètes
1>euvent également intercéder.
_______ Chapitre 7: le face-à-face avec Dieu: l'enfer ou le paradis 137
Y' Enfants : qu'arrlve~t·U aux enfants de croyants qul meurent en bas
âge avant mên1e de pouvoir comprendre ce qu'est la fol et, à plus forte
rai-s on, encore la pratiquer? La croyance islamique populaire en est
venue à dire qoe les enfants des croyants entreront au ciel. Cer-talns
disent que tout le monde naît normalement en ayal'l t la foi. Dans le cas
des enfants en bas âge, cette foi normale qui n'a pas entièrement disparu
suffira pour qu'ils puissent entrer au c iel. D'autres o nt fait rc rnarquer que
la fol des parents permettr ait à leurs enfants mineur s d'entrer au ciel.
V Une é.ternJté en enfel": la logl<tue et Ja justice se,m blent suggérer que la
sentence qui a é té prononcée au moJnent du Jugement der nier d_oit être
Irrévocable et valable llOUr toute l'éternité. Cependant, fa miséricorde
triomphe sur la sanction en Islam. La croyance unanime est que tous
les musulmans sincères Ciniroat par entrer au ciel en dépit de la gravitê
de leurs péchés (excepté pr obablement le péché qui consiste à refuser
Dieu). Certains disent que cette miséricorde finJra aussi par bé néficier
aux noil·musulmans.
Au cours des s1ècles précédents, certains soufls et certains partlsans de la
moder1tité ont ;nslsté sur la valeur méta1>horlque de la description fa.Ire daJ1s
le Coran du Jugement dernier e t de l'au~elà. D'autres modernistes arguent
<lu fait que la perception 1nusulmanede La mort et de la résurrection va.
plutôt dans le même sens Q1.1e les der1tiè.res avaflCées de la science moder11e.
Naturellement, même les tradltlonallstes les plus stricts vous diront que le-s
descriptions du ciel et de l'enfer contenues dans le Coran et Ill Tradition sont
à prendre au pied de la lettre sans que« l'on sache exactement comment cela
se manifestera concrèleo1ent "· Le n1ystère rest.e entier.

La flision du ciel et de l'enfer


Pour satisfaire la C\1rfosilé des croyants et des Incroyants. les rellglo11s ont
souvent fourni force détails sur le ciel et sur l'enfer. Ces récits encouragent
les vivants à se <:on<luire de telle sorte qu'ils puissent faire le voyage Clnal
qui les mènera au ciel - et éviter l'aller en direction de l'enfer sans ret<>trr
possible.

Des descriptions détaillées de l'enfe r et de ses supplices apparaissent dès


le prernier siècle de l'ère <:l 'lrétlenne avec l'APQcalypse de Jean, rEnfet et le
Paradis de Dante (XJV" siècle), ou le Ciel el /'Enfer de Swedenborg (xv1u' siècle),
pour ne mentionner que quelques exemples. Les textes bouddhistes
fournissent également des clescriplions visuelles.
138 Deuxième partie : la foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - -

L'enfer et ses supplices


Ë:trangement, l 'esp.rlt humain est pa.r fols plus hnblle à in\agloer ce qui peut
arriver de pire et d'odieux con1nte les supplices de l'enfer qu'à susciter
des ln1ages évoquant Jes plus doux plaisirs rése.rvés à ceux.<1ui sont au
para.d is. Dans le Coran. l'enfet est toujours présenté en relation avec le « feu •
(ol-flOr). Les lraclitlons, quant à elles, regorgent de descriptions Imagées
qui dépeignent les c hâtlme.n ts réservés aux différents échelons de l'enfer.
l.,arlant des pécheurs qui y sont destinés, la sourate XV, 44 d it : " La Géhenne
sera sûrement leur lieu de rendez.vous à tous. Elle a sept J)Ortes, et chaque
porte en aura w part déterminée [de pécheurs).• Ce passage décrit Io vision
1r1usulruune de l'enfer sur sept niveaux.. Au fur et à mesure que. ron c hange
de niveau, les ch3tl nl ents devle.nne.nl (le plus en plus durs en fonction de
la gravité des J>é<:hés. Les musulmans fervents seront au premier niveau,
les incroyants païens à l'avant·dernler, et les hypocrites (ceux qui ont fait
semblant de souten1r Mollarnnted mais se sont en fait secrêtement opposés
à lui) seront au dernier niveau (voir la sourate lV, 145). Les nlusulma;l S du
premier niveau nniro1lt 1>ar i!tre délivrés grâce à la miséricorde de Dieu: les
hypoc:r ites, en re\•anche, ne tireront jamais bénéHce de la mlsértcorcle divine.
Les anges gardent chact1ne des portes.

Le feu est le nom le plus fréquemment associé à l'enfer d\iOS le Cora11 et ri en


e.st sa caractétlstique.. Un certain nornbre d'autres termes so1tt employés:
ceJuî cle Gèhenne Uahannan1) est le plus commun a Jlrè.s o le feu "· l.<l Géhe1lne
est à l'origine une vallée à côté de .Jérusalem dont le no1n est en venu à
indiquer l'enfer dans la Tradition juive. Dans le Coran, l'enfer est parfois
envisagé comme une bête mo11strueuse c1ul vJent à fa rencontre du pécheur
au jour clu J ug~menl dernier (sourate LXXXIX, 23). Au niveau le plus bas de
l'enfer se trouve l'arbre de Zaqqoum (sourates XXXVII, 62-68 ; XLIV, 43), avec
des têtes de diable en guise de fleurs. Les péclleurs dolvent manger de son
fruit, qui brûle leurs entrailles comme le plomb fondu (sourate XLIV. 45).
Le Corail contient un certain nombre d'images des supplices de l'enfer, telles
que l'eau bouillante, la fumée et le vent qui clessècl1e. Lors de soi\ ascension
au ciel (cf. chapll re 6), Moharnmed. taodis qu'il était encore au plus bas
niveau du ciel, put jeter un coup d'œll à l'enler gr3ce à l'ange qui le garde
éternellement. Le feu est alhnei'll.é par les corps des condam11és, dont la peau
se rc<:onstitue au fur et à mesure que la peau précédente a été consumée
par le feu. Les habitants de l'enfer essâlenl de s•échapper majs sont aussitôt
ramenés dans la four1taise grâce à des crochets en fer.

Selon la règle générale. le ch11Ument est proportionnel au péché. Par


exe1111)le. la fe1nme adultère qui a donné naissance à un entant Uléglllme es1
accrochée par la poitrine. l:hommc coupable d'adultère est forcé de manger
de la v iande n1aigre avariée sans avoir le droit de toucher à la bonne viande
bien grasse qu'on lui présente. (La bonne viande représente les épouses
légitimes tandis que la viande av01lée représente les [emmes qu11 a séduites~
_ _ __ _ _ _ Chapitre 7 : Le fac.e-à-face avec Dieu: l'enfer ou le paradis 139
Le ciel et ses plaisirs
Assez de pleur s et de grincements de dents ! L'objecti f réel de ce..:o
descriptions n'est pas de se réjouir de ceux qui souC(rent mais bien d'effrayer
les v ivants afin qu'ils c.haogent de v ie et s'orientent dans la direction d·u cleJ.
Se rappeler que la miséricorde de Dieu est plus graode que sa colère. Dans
la sourate VI, 160, le Coran Indique qu'une b-Or~ne action compte d ix fois plus
Qu'une mauvaise action. Dieu veut que les musulmans entrent tous ~u c iel
mais en fin de compte, cela 11e dépend que cle sol.

Le jardin (al-janna) est le nom le plus commun du ciel dans le Coran. Ce n'est
pas étonnant 1:>-0ur une religion qui a surgi dans une région désertique, où
1.a pluie et la végétation sont des choses rares et précieuses. Le raffinement
des jardins qui va de pair en Islam avec une tradition arCl\itectura)e é laborée
reflète l'image que Je.s musulmans se font du paradis. Le mot " jardin•
rappe-lle le jardin d'tden où vécut le pre1nler couple hurnair\. Un a\ttre terme
ut.Ulsé dans le Coran est celui de • paradi s • (firdatos), un mot persan qu.I à
l'origine signifiait un jard.ln ou un parc. Longtemps avant !'arrivée de l'islam.
la traduction grecque de la Bible a employé ce mol persan pour parler du
jardin d'ltden. C'est ainsi que ce mot de • paradis • est passé dans les langues
occidentales.

En se référa.nt à la sourate xxnt. 17, les musulmans volent Je ciel sur


sept niveaux. Durant son voyage nocturne et son ascension. le prophète
Mohammed a atteint le septième c iel. Plus tard. la Tradition a préclst!
l'agencement spécifique des jardins et te mode de vie de ceux qui y
den1eurent. De nlême qu•il y avait un arbre au fond de l'enfer. de mëme un
autre arbre du cosmos se développe au dernlet étage clu eleJ, juste sous le
tTône de Dieu. t:eau y couJe en abondance et les arbr es croulent sous les
fruits. La sourate XLVII, 15 mentionne quatre fleuves rulsseJants de vin, de
lait, de miel et d'eau quJ traversent le ciel.

Aux antipodes des supplices de l'enfer, la vie au c iel est une léllcllé
permanente où l'on ne conoajt 1ll privations ni soucis. Les mets les plus
délicats et les boissons les plus suaves a bondent - sans oublier le vin qui ne
rend pas Ivr e. Les gens portent des vêteinents de sole et reposent s ur des
banquettes conJor tables. entourés de toute une domesticité masculine et d e
jeu.nes filles vierges.

Le clirnat est paisible et l'ombre est abondante. Les gens sont toujours en
bonne sant é. Leur plus grande joie vient de ce qu'ils pe\rvent voir la face de
Dieu, comme li est écrit dans la sourate LXXV, 22·23.
14 Q Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - --

Les femmes et les houris aux yeux de


gazelle
Les Occidentaux sont e.n général ave:rtls cle ces ht1ages de Jeunes vierges au
paradis 1·o utés dévouées à assouvir les désirs sexuels des ho1nmes, et les
femmes ont fait remarquer que rien n"étalt d it sut Jes réco1n1>enses qui les
attenclalenl au paradis. Voici quelques infor n1ations qui vous permettront de
vous faire un avis personnel sur ces questions :
,,,.,. J..e Cora11, dans un certalfl nornbre de passages, déclare sans équivoque
<1ue le.s ho1nmes et les femmes sont égaux à l'heure du Jugement dernier.
étant Jugés sur ln base de leurs propres actions c1ul peuvent leur valoir
rentrée au paradis. Les épouses d 'hommes vertueux tels Loth et Noé ont
pu ëtre condamnées A l'enfer en ralsQn de 1eul' h1<:l'oyance.. L'é1)ouse d'\111
incroyant - la fen1111e du pharaon - a gagné soo <:iel en sauvant Moise.
v R.îen da11s le Coran ni mêlne dans les t raditions plus tardives ne sout1ent
l'affirmation selon laquelle le Col'an dirait que les fenlmes n'ont pas
cJ'âme.
JI"' Le Cora11 se réfère explicitement dans quatre passages aux l1ouris
(hu1·r) - les sourates l.11, 20: l.VI, 22 ; LV, 72 ; el XLIV, 54 (probablement
dans un ordre chronologique). Ces passages et plusieurs autres qui se
rapportent aux mêmes fen101es datent tous de la période mecquoise de
la mission de Mo1larnmed. avant l'émigration â Médine en 622. Ce mot de
.. houris " ne se retrouve pas dans Jes passages dtl Coran datant d'après
622. Il y est plutôl fait référence à des lemmes pures (littéralement des
compagnes) des hon1mes.
Y" Le tenne arabe de hurr se rapportant à la blancheur éLait à l'origine
appliqué .aux gaz.elles. avec leurs grands yeux noirs cerclés de blanc.
Si l'on prend ce terme au pied de Ja lettre, les houris sont des fe.mrnes
avec de grands yeux noirs finement ourlés el avec sans doute la peau
claire. Dans le Coran, les houris sont des vierges amoureuses aux
seins bien fermes qui n'ont été tôt•Chées par aucun homme ni aucun
djinn. Elles vivent dans des pavillons séparés et se co1\dulsent avec
pudeur~ Ces descr lptfon.s du paradis datant de la période rnecquoise
se1nl>lent principalement destinées à des hommes et évoquent les
plaisirs qui, pour les Arabes de l'ép·oque, COl're..~ 1>01tdai en t à ce que
ron pouvait espérer de ntieux et leur donnaient une vision idyllique du
paradis qui devait leur paraître plus désirable enc;ore <Lue tout ce qu'ils
connaissaient sur terre.
11' Le Cotan el la Tradition sont beaucoup moins disert s sur ce qui attend
les femmes au paradis. Pour certains musulmans. cela ne signilie pas
que les femn\es n'o11t pas de ptaisirs sexuels correspondants dans
le paradis, mais plutôt que Ja pudeur exclut de déc rire ces 1>laisirs.
Personnellement. cet argUme11t ne n\e 1>arait pas très convaincant mais
1>eul-être d'autres peuvent-ils le comprendre.
- - - - - - - - Chapitre 1 : le face-à-face avec Dieu : l'enfer ou le paradis 141
"""" Des t raditions plus tardives se sont longuement penchées sur la
description des houl'îs. Ce sont des v ier ges per pétuelles. â la peau
diaphane ; chacune porte sur un sein le. no m de son mari 11untain et sur
J'autr e celui de Dieu. Elles portent des pierres précieuses et leur vi sage
est • beau comme un croissant de lune"· EJles vivent à part dans des
pavillons comportant 70 lits e t ont à leur service 70000 demoiselles de
compagnie. Elles ne peuvent tomber enceintes et n'ont pas de règles.
Les hommes ont comme compagnons (selon le texte) leurs épouses
hu1naines et une hour i, voire soixante.douze houris. En mëme temps, on
d it que les épouses humaines sont lnfînfl))t.1'lt st1pérleures aux houris du
fait de leur piété e t de leur tidélité a ux exigences de l'is lam.
Y' D'autres traditions onl un point de vue beaucoup moins êgalitaire
à l'égar d des femmes que celui e.xprin:té dans le Coran. Cer taines
indiquent que. c réées à partir de Ja dernière côte d'Adam. les Je1r1rr1es
sont inférieures au x hornn1es. O'a1.1t res disent que les femmes sont
des tentatrice s. un argum ent q ui ne figure pas dans le Coran, el que la
c hute d 'Adam est due à La tentation d'Eve. Une tradition qui comporte
plusieurs variantes possibJes d it que quand Mohammed a e'..xa1nlné
l'e11fcr, Il a constaté que la maj orité de ses habitants étaient des femmes.
Selon d'autres traditiOO$, le salol de la femme serait fonction de son
degré de soumission à son mari, tout comme le salut de l'homn1e
dépeod de sa soumission à Dleu. Les féministes islamiques précisent
q ue l'authenticité de cer taines de ces tradiliOl)S est douteuse e t ne
les considèrent pas comme taisant partie de la Révélation mals plutôt
comme une expression de la do1nlnation mascull1le qui a émergé dans
l'hlstolte de l'Islam e t est allée à rencontr e de l'éga litarisme du Coran.
Y" J'a i du mal à c roire que les t héologiens musulmans approuvent l'idée
d'incJter de jeunes hommes à être v olontai r es pour des a ttenta1.s
suicides en leur faiscint nllrolter des promesses de voluptés inavouables
en guise de (écompense. Pour que Je 1nar'tyre soit recev·a ble comme tel,
Il fau t qu11soit conse nti pour le service de D ieu, dans u11e sournission
totale à ses volontés et non dans l'espoir d'en retJrer un profit personnel.
Depuis le s iècle d ernier. l'Occident n'a de cesse de c ritiquer l'is lam à
eau.s e d u traitement qu'il réserve a ux femmes musulmanes. Certains
Occjdentaux sont fascinés par l'évocati01l des houris, par la danse
du ventre et les Images de harems où 1es femmes so·n t au service des
désirs de l'homrne. Au x1xe sièc le. les Occtdentaux ont critlqué l'isla1n
pour te regard qu'il portait sur les feu,mes, alors m~me (lue de 1nultlples
manières les d roits des femmes occidentales étalent plus sévèrement
bafoués que ceux. des femmes mu_sulmanes.
14 2 Deuxième partie : La foi et les croyances musulmanes - - - - - - - - - -

l'Tslamn'a11a:s de pu,gatoîre au seos où il s'agi- L"islam n'a par ailleurs aucune notion de ce que
rail d'un endroit, dîstinctdu ciel et dorenter, où l'on appelle dans le chris~ianisme •les fimbes Il
les ëtros humains qui ont pêché viendraient se- - un endroit où vont ceux qui ne méritent ni le
purifier pendant un certain temps e11 attendant ciel nl l'enfer, Cependant, ceitains commeo·
d'aller au cie-1. Malgré tout, la croyance populaire tateur$ voient dans la .sourate VII, 46·48 une
est uès attachée à la miséricorde de oreu qui évocationde CO que peuventilre les limbes. Ce
est si va.ste Que rnêm:e les musulmans pêcheurs passage parte de pecsonnes qui se trouvenlsUr
qui n'auront pas commis le péché mortel d'bdo- les" hauteurs •. De là·haut, eues voiantceui<
rer d'autres dieux se1-0nt finalement sauvés. qui sont en enfer endurer leurs supplices et
même s'Os S8'trouvent au niveau s~pêrieurdlJ! ceux qui sont dans le ciel vivre dans la fêlicltê.
l'.enfef à l'heure ~u Jugementdernier, Certains 0-eS personnes suries hauteurs n'-apparlie.nnent
musulmans êvoquent mème la possibilité que ni à l'uh ni à l'autre groupe. Usemble qu'elles
des non·musulmans finissentparalJer au olel un n·lrontjamals en enfer. l es lnrerpr8tatjons
jour car la miséricorde de Ofeu iraitjusque·là, diffère,nr quant à savoir $'i elle.s pourront un
mais ce point ne rencontre pas rapptobation iour aller au ciel.
de 1ou~.
1

Troisième partie
La vie musulmane au
quotidien :tradition,
pratiques et éthique

« A.li, ~cl!.Se~Jlloi, je croi:s entendr,. Jllon hiper.,. C'est


t'rèS i111port.axit : j'ai progr.a111m'- une. alarll1e pour me
rappeler l'heure de la prièr,. de l'aprls~111idi ! ~
Dans cette partie...

D ans cette partie vous découvrirez. comment les n1u.sullnnns vJvent leur fol au
(IUOlldien.

Un premier c hapitre vous permettra de comprendre ce qu'est la c harla ( la loi de


Dieu) pour les musulmans.
En•ulte, et parce que les rites lont partie de la vie quotidienne du c royant, on
VOU$ expliquera en d~all ce que son1 les cinq piliers qui constituent le socle des
croyances et de la pratique de tout musulman: s·arrêter cinq fols par fou r pour se
Joindre â d·autres musuln\at\S dans la prière. jeûner de l'aube au cr~pu.scuJe pendant
le mols de ramadan. laire le pèlerinage A La Mecque - sommet de la vie spirituelle
1>0ur un musulman-. entre au1 rt:s.
Mals l'Islam a également d'autres observances rituelles. telles la célébrailon
(le l'anniversaire de P.1ohan1n1ed et les cérémonies accompagnant la naissance.
l'att rll>utlon <lu nooi, le rnarlnge e1 ln mort. Nous parlerons ôe cela dans cette partie,
n1nsi que de certaines couturnes et obligations concernant Jlnr exemple la nourriture
et les vêtements.
Nous terminerons enfin en 6voquant la morale musulmane, notamment à propos de
certaines questions déllc:ates comme les relations sexuelles, le mariage, la lamllle, la
médecine et la justice sociale.
Chapitre 8

Loi et tradition
en islam
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
&ns ce chapitre
... La tradition et Mobammed. Qu'est-ce-qu'un hadith?
... La loi Islamique. Qu'est-ce que la c harh• ?
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

T outes les religions mettent l'accent sur la foi et sur le comportement qui
f doit en découler (la fol et les œuvru). mais toutes en ont une approche
dl!fénnte. Tandis que le christianisme souligne fimpor1ance de la lol (croire
en Jésus et êlre sau~). l'Islam prlvll~le les actions (meure sa vie sous le
regard de Dieu en se laissant guider par Lui pour entrer au paradis au jour
du Jugement dernier). Clmporlance de la loi dans l'Islam est comparable à
celle qu'elle revêt dans le Judaïsme. Dans ces deux religions. 11 existe une
abondante littérature qui étuclle les enseignements à tirer des t.crltures
saintes (la Bible hébraîque et le Coran) pour définir un cadre Juridique dans
des domaines qui ne sonl pns directement traités danfl le8 lkritures. En elfet~
les chercheurs son1 nombreux à penser que les mélhodes d'argumentatJon
Juridique de l'isla.m ont t!lt! fortement inlluencées par la tradition juridique
d~jà en place dans le judaTsme. l:hlndouisme accorde également une
place prépondérante à la lol. le codè de Manu étant l'un des recueils de
lols hindous les plus anciens~ les plus importants. Le code de Manu et
d'autres textes semblables lont partie de ce que l'on appelle la Vole des
Œuvres (karma Ma'!/O). par opposition à la Voie de la ~t Ion et la Voie de
la Connaissance - les deux autres grandes voles qui mènent au salut ou à la
libération dans f'hlndoulsrr1e.. Contrairement au jud.aîsme. où le contenu de
la lol el le système juridique sont semblables â ceux de l'Islam. le conlenu de
la loi bindoueest rondnmentolement dillérent de celui de la loi Isla mique. Le
conruclanlsme est égalcn1cnl 1>réoccupé par la question du comportement,
mais la loi (ou plutôt devrait-on dire les n?commandatlons) qu'il propose
dans ce domaine ne dérive pas de la révélation, mals du raisonnement et de
l'exJ)étie11œ humaine.
146 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Dans l'Islam, la grande priori!~ est de déterminer !'action appropriée. Ce


chapitre étudie la m;i11l~rc dotlt l'islam détermllle ce qu'est Ja loi de Dieu
(charla). Puisque Mohammed a é té le messager du Cornn el le mellleur
exemple à suivre pour vivre selon fa loi de Dieu, lest rJ\dltlons concernant
la vie de Mo11a1nn1ed sont, après Je Coran. la J>rlnclpale source à prendre en
compte pour déterrnlner la volo11té de Dieu. AJas1, nvant d\: procéder à un
examen de la lo1 lslan1lque, commençons par nous lntércs.scr à la pratique
de 11mltatlon de Mohammed recommandée aW< croyant• qui se fondent
pour cela sur la sur1nu du Prophète (la tradition érl~e en modèle) constituée
des différentes traditions (hadiths) au1hentiliées et approu>'ffs pour Je<vlr
d'exemple.

L'imitation de Mohammed
Dans la religion chrétienne, le croyant est lnvJté h nglr confor1némeot aux
enseignen1ents du Cllrlst. 1nals c:ela ne veut 1>as dire pour nutant qu'un
c hrétien doit mode.Ier choqtae aspect de sa vie sur Jésus. Le cllrétien n'essaie
pas, par exemple, <le n1anger la même nourriture ou de dormir dans la même
position que Jésus.

Compréhension des deux parties d'un hadith


Le mot hadith signifie• propos •,•conversation • : Il s~rt à désigner tout
récit transmis or3.lemcnt à quelqu·un racontanl cc qu'a ra1t ou dit une autre
personne. Aux d~but• de la propagation de l'islam, les compagnons de
Mohammed faisaient parlager aux nouveaux convertis toul ce qu'ils sava.lent
sur Ln vi e et les pilroles de Mohammed. Les fl<lèlcs deis c:om1nunautés
mtLSulmanes tn1portantes comme celles du Maroc ou <l'l11donésie qui
venaient en pèlerinage a La Mecque (d chapitre 9) êchangealent entre eux
des hadilhs. Aujourd'hui encore, le pèlerinage est l'occasion de rencoalrer
d'autres communautés et d'échanger des informations et des témoignages.
mals l'ère de la collecte de nouveaux hadiths est rEvolue.

Les hadiths se composent de deux parties.


.,, /11nad, partie 1 : La première J)artie est la thaine de transmission du
rêclt qui passe par les personnes (isnad). SI quelqu'un me dit queJque
chose au $ujet de quelqu'un d'auire, je veux connaitre la source de son
lnforataUon. 1>arcc que rien ne vaut la source en nlntlère d'information.
Y" Matn, partie Il : l .a dcuxièrne partJe est le <;t,ntenu ré.el (matn) du réc it.
On peut considérer l'lsnod com1ne l'introductlo1l et le 1nt1t11 co111n1e le
corps du hadith
- - - - - - -- - - -- - - - Chapitre 8 : Loi et tradition en islam 147
Voici un e"e1nple d'i.çnad: ".Bokhari, de Mousllm Ibn lbrilhlm, le tenant lui~
même de Hisham qui le ter1ait ful-même de Yahya Ibn "lkrima le te11ant cle
Ibn 'Abbas. 11 Con1n1ence alors le ·r écit sur ul'1 fait ou un dit de Mohammed
condamnant les ho1nn1es c1ul se comportent comme des Ce.inmes et oice
versa.
Voici un exemple de 1notn : 11 L'hon1me, quel qu'il soit, qui , ayaot une esclave,
l'l»duque, Jul donne une bonne instruct1on. l'afl tanchlt et J'épouse, aura
une double réc.om1)ense • (ln Bokhari, les Tmditr'orts islu1r1lques, to1ne 2.
Malsonneuve. 1906-l914 , p. 176).

Le contenu d'un hadith


Un hadith contient un ou plusieurs de ces quatre grands types
d'infor n1ations :
v Quelque chose que Mohammed a falt.
,,,,,. Quelque chose qtte Moharnolccl a dll.
V' Quelque chose qui s'est produit en p résence de Mohammed.
V' Paroles de Dieu à Mollamnted qui ne·sont pas dar1s te Coran (hadith
qud$i).
Autre manière d'envisager le conle1lu des hadiths :
V' Anecdote ou récit qui complète des informations sur la vie de
~iohammed ou d'autres personnages antérieurs (par ~xemple, le Joseph
de la Bible) qui n'est pas dans le Coran.
v Considération d'ordre Jurldique où Mohammed lnte.r prète et applique le
Coran ou donne des direetlves spécifiques concernant de$ que~tlons de
rites ou de lol.
V Considérations morales qui renforcent la rnotlvalion à vivre selon les
valeurs de 11slam.

Recueil des hadiths


La blographle traditionnelle (sirt)/) de Mohammed (cf. chapitre 6) est une
compilation des deux premiers t}•pes de ha<liths. les musulmans qui
souhaitent imiter la vie de ~toh·ammed jusque dans ses plus pe tits déta.lls se
réfèrent à ces réclts.
148 Troisième partie: la vie musulmane au quotidien: tradition. pratiques et éthique

La tradition : sunna ou hadith ?


Pour çeux qui autatent du mal à feire ta distinc- de Mohammed, las musulmans ont commencé
tion 1ntre les deuxrermes sunna ou hadith, qui a comprendre la sunna comme se réfétant
se traduisent habiweJJernent tous dtux plt • 1ra- princlpalement • 111rod1uon qui se rapportait à
d111on •. V<Hti comment faire la différence : Mohammed lplu161qu·•11 irad1tion de la tom·
inunautetout entière) comme cela est confirmé
"'la suMa dt Mohammed regroupe la 101111•
dans les had11hs la f0Ura1e XXXIII. 21 rellète
dt eeque Mohammed t 111111 dit la sunn.t
ce l)Oint da vue sur Mohammed quand efle dit .
n•estpas unetormede Jlttérature ou d'Ocri..
a En effet. vous avez dans le messager de Dieu
iure.11 $'agit de la trad111on (p1oph611qua).
un excellent modèle •
V Un hadith est un récit 1ndlvidual dt ce qu'il
L'.opposê de la sunna es1 l'innovation lbid'a).
a fait ou diL Il s'ogil nun pas de la 1fadl1ion
mals d'uneiradiuon. la hadhh es1 un genre Pour certains, l'lnnova tlon en religion est
équivalente à l'hèr6sle. Mais dans l'islam.
hllêralre.
l'innovation peut atre bon11e ou mauvaise. la
Mais comment sajt-on ce qu'il a fait et dn? Eh bonne innovation permet eu mu.$ulman de vivre
bien. on connait la sun.nade Mohammed grâce plus authentiquement une vie selon l'islam.
aux hadiths panés concernant Mohammed La mauv11se innovation impltque l'""abandon
le somme des hadiths recut1lk1 constitue les des croyances et des modMes défints dans la
archives écrites de la sunna d• Moh1mm1d tndîtion 11 ta Coran. Atnll. Je fatt de qualifier
Ainsi. logiquement.. la sunM 1x11te evant les de bonne ou de mauvaise une innovation est
had111ls de la même manière que tes tr1d1tJons plus une question de regard ponè sur rel ou
da voire lam1fle (ou de votre écolo ou de votre tel sujet que v6r1tabl1ment hé à l'lnnovatfon
organisation sociale) prôc•denl 1oulCO que l'on elle-même, Par exemple, Jet Juristes musulmans
1 pu dire ou écrire à propos de ces tr8d111ons. conv1enJ)ent que le célébration de l'anniv"-rseire
da Mohammed (le maou/ld) fui une innovation
En arabe, le moi sunna a au départ le sens de
en .son temps, ce qui 11gn1r1e que cette fête
« règle de vie». n normo à respecter "·Avant
n'est pas men1lonn6e dans la Coran el n'est
la période de Mohammed. chaque irlbu ou clan pas rapportée dans les traditions qui sont
avait ses règfes de conduite Par J1 suite, la
censêesven1r de Mohammed et de la premtère
sunna de l'oummamusulmane Ill communau1ë) gênérat1on de musulmans Pour le 1héologien
1 1empfatê- l1sunna des tnb'us Puisque Jes
con1•mpora1ns de Mohammed t1n1ttnt Jeurs
JUOSI• COOStfVl18u< du- sNida Ibn Taymiy'p,
ta c61ébratJOn du m1oul1d 6t11t une mauvaise
1nfotmations djrectement de Mohammed lui-
même, la sunna a également rnclu 111 coutumes
1nnovatJon tandis que pour Al·Ghazala. te grand
da la première <>1 de la deuxième gènôra1lon. 1héologlen du "'' siècle, le maoulid é1a11 une
bonne. tnnovatlon (pour en saviur plus sur le
Mais progressivement. au fur 11 Il mesure que
maoulid, cf chep11re 101.
Io temps s'ôcoulaitet les éloignait de l'époque
Chapitre 8 : loi et tradition en islam 149
Les premiers hadiths ont é té ru.semblês e l classés sous le non• <Ill
compagnon qui est à l'origine d 'un hadith. Par la suite. le c lasse.me.nt s'est
eJrectué par lhèn1e. Ces r c<:uells cle hadiths occu1>ent une pince 11resque
aussi lnlportante que Je Coran lul-n1ên1e qui fai t autorité. Les 1nusuhna.ns
c iteront des hadiths spécifiques P<Jur ê tayer des croyances et des p ratiques
Islamiques spécifiques, tou1autant qu'Us cJtent le Coran. SI l'on elle,
par exemple. le Bukha rl 24: 13. cela signifie que l'on se réf~re au livre 24.
chapitre 12 du recueil de hadiths d'Al-Bukharl. En dehors des œuvres de
Bukhari, on trouve ~gaiement des ~férenœs aux collecolons de hadith
compilées par Abou Oaoud. Al-Nasa1. Al-Tinnidhl et Ibn Ma)ah (tous de
grands narraoeurs de hadith des Y11I" el rx< siècles). Les chUtes ont leurs
propres collections de hadllhs (pour lever le voile sur les musulmans de ce
1nouvement et connaître leurs propres tradltJons, cl. chapitre 12). Un recueil
f><lut contenir en moyenne plusleurs milliers de hadlohs. Il est possible de s'en
procurer sur CDO\J de le.s consulter sur Internet cl a nnexe C).

Le hadith, toute une histoire !


ÀI' ipoquo du coMe Omar Il (qui• rtgni dt 717 i Moh1mmed s'est 1cdlor6 les n1rr11eurs de
l 720J, tas mus.&Jlmansont cherché à prllserver h1d1ths n'ont pas hestt• à voy1ger pour aller à
les had11hs pour pouvoir fes transrnet1re aux 1.i recherche de toutes les tr1d1t1ons 01.stan-
gênt r111on1 futures. Omar a confié à l'hblor1en tes. la uansmfssion des h1d1th1 se dê\laloppa
Al·Zuhro la mission de IH rassembler et de les selon des règles élaborées permettant de les
consignor par écrit. Par la suite, c•t effort de authentifier avec certitude
collecoe de touoes les traditions se repponant

Réflision des 40 traditions


Les recueils de hadiths les plus connus cootlennen1 des milliers d'hlslolres.
li !allait trouver un mO)'tll de rendre ces hadiths plus fac:ll.,ment accessibles
aux: musulmans ordinaires. C'est pourquoi certains historiens ont fait de
petites compilatlons des hadiths les plus importants. Le plut populaire
reste sans doute encore aujourd'hui le récit des 40 trc1dttion.ii d'Al·l\tawowi
( 1233-l 27ï) qui sert à l'édification des jeunes musulmana. Voic i un aperçu de
cinq hadiths très <:onnus rappo rtés par Al·Nawawl, e t qui sont C<>mn1entés
1>ar Louis Pouzet dans un livre en fra nç ais paru à Dar El·Machreq. A
Beyrouth, en 1982. Comme Il est de coutume dans tous les hndlohs. on y
retrouve les paroles Inl!mc que P.1o11ammed est cens~ avoir J>T<)noncées .
v • Ce que )'al déclaré comme Interdit, ~tez·le : ce que j'ai recommandé
que vous lassiez. faltes·le dans la mesure du possible. •
150 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Y" • Ne vous fâcl\ez pas. •


v • Là ott Il n'y a pas de peine, iJ n'y a pas de récorn1>ense. •
Y" • Quiconque .se 11lontre hostlle à l'un de 1nes a1nls, Je ltal ferêti la guerre
sans hésiter. ,.
V • Par égard envers ma personne. Dieu n'a pa,s tenu compte des erreurs et
des manquement$ de ma communauté."

Éllaluation des hadiths


Avec le temps, le nombre de 1raditions attribuées à Mohammed s'est
multiplié. Les historiens musulmans ont reconnu qtae tous les hadiths
n'étalent pa$ l\latorlquemen1 fondés. Parfois. certains, à tort 1nais en toute
sincérité. ont cru transnlettre hon11êtement des paro l ~s censées venir
de la_bouche de Mohammed ou de ses dlsclplc.s. Certains ont Inventé
les hadiths qu'ils onL8Urlbués à Mohammed pour sou1enlr une position
particulière dons dés batailles t héologiques ou politiques de leur époque
(vul' et IX" slêclcs). Les historiens de hadilhs ont é labor6 des crllêres pour
déterminer la valldltc! de tout hadith spécifique (c'est·à·dlre qu'il datait bien
de Mohammed). Ces historiens ont classé léll hadiths selon trois degrés de
validité (du plus valide au moins valide) .
.,...Sain (6ahlh): aulhcnticitë presque certaine.
..,... Bon (ho•an): très probablement vrai.
V FaJble (da'if}: ne peu1 pas être considéré cornnlt authentique à moins
qu·u ne soit conflr1né par d'autres Lradi1loni.

Co1nn1ent ces his1orlens ont·lls déterminé la valldlté d'une tradition? fis ont
examiné prlnclpalen1e1\t l'isnad {la cllaîne des personnes qui ont transmis le
réc.it) , en prenant en co1lsltlération les points sulvunls :
Y" ~valuation de la personne qui a retran.sml.s le hadith. ~tait·elJe de bonne
moralité ? Les autres 1radllions qu'elle a rapportées c!lalent-elles fiables ?
..,... La ch..rne de transrnloslon a·t-elJe bien êtc! rcspe<:ttt ? A+elle êté
Joglquemenl poS$lble ? La l"'™lf'llC qui a reçu le hadllh d'une autre
personne a·.t--elle pu côtoyer à u.o moment ou à un 1u1re celte personne:
de sorte que !'Information a pu passer de l'une à l'au1re ? Y a+ll des
preuves qul at1es1ent que ces personnes ont pu être au même endroit en
mëme ten1ps ?
..,... Y a+ll eu plu s ieurs chaînes de 1ransmlo•lon? SI tel esl le cas. la validité
du hadith est beaucoup plus forte qu·en cas cle trn1l$n1lssion unique•
..,... La t radition en 11ues1lon est-elle pri!senle à ln fols dans le recuell de
Bokharl et dans celul de Mouslim (les deux plus grands recueils de
hadiths) ?
Chapitre 8 : loi et tradition en islam 151
Cert•ins historiens occidentaux (dont Goldzlher, Schacht et Coulson)
considèrent plusieurs de ces hadiths com1ne cles fabrlca1 Ions sans valeur
l1lstorlque. Ces chercheurs font état d'anachronismes dans le texte (a llusions
à des connlts au $eln de l'ls lanl après la période de Mohanl1llCd 1 à des
endroits et il des ge1•s qui on1 vécu après ~fohamme.d). lis font remarquer
qu'on 11e peut pas sé1>arer les hadith$ valJde,s des hadiths non vallcles. Ils
alllrmeot que les is11ads détaillés ont êté rajoutés plus tard &ux premiers
hadilh.s e t. par conséquent, que la présence de ces isnods n'établit pas
l'historicité des traditions.

Les hadiths au secours de la modernité


Certains réforrnateur5 n1t.1sulmans des x1.x" et XX' slècle$ ont lnvoqué. les
hodlths à l'appui de diver•cs propositions demodernlsallon ou à l'appui
de prop-Ositions tradltlonnllste$ vl5a1ll à t estaurer l'Islam dans sa pureté
orlglnelle. Les rëfor1·nateurs Jleuve.nt tirer par ti d'un hadll h allanL dnns Je
$COS d'une pratique d'aujourd'hui. pour ralre valoir. par exen11>le, le falt que
les traditions mont renl que Mohainmed permettait aux femmes d'aJler à la
mosquée. Ces hadiths servent d'arguments opposables à tous ceux quJ sont
plutôt contre la participation des femmes dans les cérémonies à la mosquée.
Vokl un exemple.. Le pen.seur mu$ulman féministe contemporain Rllfat
Hassan a examiné six hadiths qui ont été employés dans !"Islam pour
soutenir fldée que Jes femmes sont lnférfeures au:x hommes.. Chacun des six
mentionne le lait que la lemme a été créée à partir d'une c6te de l'homme,
plu.sieurs allant même Jusqu'à d i re qu'e lle a été créée dt1 bout Incurvé de la
côte (la partie la plus faible). Trois de ces hadiths font partie des recueils de
Bokharl e t trois des recueils de Musllm, les deux recueils de hadiths les plus
l1ttportants, ce qui suggère que et- sonl des l1adlths • sai ns •• Après exa1·nen
plus approfondi, Hassan précise que c hacun des six hadttl\S renvoie dans
leurs ;.snads â un contem1w raln (• cornpagnon •) de Mo1,ammed DJ>pelé Abou
Hurairah. Le célèbre lurfste du 'Ill' siècle Abou Hanlia considérait que Abou
Huralrah n·était pas un tra11s.me1teur de hadiths fiable. t~assan en conclut que
œs six traditions sont plut&. .. faibles• et qu'elles ne peuvent scr\l'ir à étayer
l'idée que les lemmes ont un rôle subalterne. Cette arsumentatk>n repose
sur l'idée que les paroles rapportées dans les hadiths ne remontent pas à
Mohammed mais qu'elles sont l'expression d'un préfugé contre les lemmes
qui est entré dans la culture musulmane après la période de ~1ohammed.

La foi de Dieu
La sourate v. 48 dit que Dieu • a envoyé à chacun une ch11.r1a et un che.inin
ouvert •· En dehors du con1ex1e religieux. le mot charla stgnlfla1t à l'orighle.
le chemin qui mène à un point d'eau. Appliquée à la religion, cependant.
152 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

la charla est le chemin qui mène à ta vie et l'ensemble des lois divinement
révélées qui déJlnlsse.n1 ce chemin.

La charia esl le 1nodèle donné 1>ar Dieu pour que l'hon\lllC oriente sa vie et
organi se La vie en société. La communauté 1nusulr11ane <lo1t, être organisée
en fonctJon de la ch arla et permettre aux n1usuln1ans de v iv re e.n conformité
avec elle.
Dès les débuts de l'lslam, les musulmans ont es.ayé de vivre leur vie selon la
charia. Pour conn.aître le plan de Dieu. le: musul man se tourne d"abord VérS
le Coran. Cependant. seuls 500 à 600 versets sur un total de 6219 versets
développent des consld~rallons d'ordre Jurldlque, la maJorlté traitant
d"aspects rlluels ou cultuels. Dans le Coran. les consld&atlons d"ordre
jur idique concernent M>uvenl des domalnes où r1sla1n s'est écarté des
coutumes arabes en v1gueur avant la révélation coranique : ce.~ coutun1es
concernent par exempte les règles de succession (héritage) ou la protection
des fiJlettes en bas Age. Dans bien d'autres donlalnes en revanche, Je Coran
roum ll rclallve1nc nt peu d'informations qui permettent de dresser ur1cadre
Juridique.

Les quatre fondements de fa jurisprudence


islamique (û'sûf af-(iqh)
Le fïqh est différent de la charia. Le fiqh esl ractlvilé humaine qui détermine
ce qu'est la loi de Dieu. Le fiqh relève du droit Islamique à la lois dans ses
aspects théorlqu's et dans son appUcatlo11 pratique. Différentes école...
d'interprétation juridique se sont déve loppées dans l'Islam, chacune avec
ses propres gtands maîtres. ses écoles et ses régle1nentations s ur d ifférentes
quesllons. Ces écoles d'interprétation s"appellent des madlr'hab.i (fnodh'hab
signifie littéralement le• chernln à suivre •). Pour e.n savoir plus sur ces
écoles de droit (madhahtb, qui est le pluriel en arabe). reporlet-vous dans ce
chapllre à la section Intitulée• Les différentes écoles Juridiques•·

~
Ne pas confondre une école dlnterprétalion du droit (tnQdh'hob) avec
li l'utilisation ordinaire du mot •école• qui indique une Institution de
formation (madroso) Chaque école de droit a ses propres madroMJs, qui sont
des écoles ou des séminaires (religieux) de lhéologle.
Chapiue 8: loi et tradition en islam 153

Les origines du droit islamique


4vx dibuu de l'islam qurs'astpropagé rap>de· celle du muht11s1b, que l'on pourrait qu1l1fier de
ment. las pr1m11r1 cafrfe$ ont été ct1nlrontés censeur 'ou d·,nspec1eurt des bonnes mœur$
à 11 ntc1s111i d'organiser t'Êtal Il n'y av111 et de l'ordre public Tendis qut lt qad111a1lan
1usque·l6 •ucune classe de Juristes 11 p1s lulitige•qui lui et••antprhentb, le muhta$1b
d·e1pr11s des lois qu1 permettent d'ilaboftr 111 ll'!1tJan l'mstrucbOn de l'alf11rt. Ces fonctJonnat-
lots QUI en d6coulent. C"est toot naturellement res étaient ch:argi"s de vt,1fitt ln b1lances etla
qua 111 quatre calife!: correc1ement gu1d61 frappe des monnaies, ils vér1flettnt la qualité-et
tel chapitre 4) se sont tournes vers Mohammed la tarif1canon des marchandises tt 1mpêcba1em
et le Coran pour prendre leurs décisions 11 lour la pratique du prit 8 •ntèrit quo eat contr.iire
a fallu deasinar un cadre iuodiqua sur une base ô la 10 1 islamique. Ils Incitaient 4galement Les
appropriée. croyents Aassister au oulte, sulvaienlde près
fa réparation des mosquées tt des rnurs d'en--
Ttès v111, le calife ne réussi1 plus à traiter
ceinte de la ville et surveillaient le nettoyage
lui·mAme toutes les questions légales el les
des ru... Av début du xx• slicla, la charge de
confüts. Aussi les premiers califes omeyyades mu/JraSibava1tprattquem1n1 dt.Sparu.
ont· t11 dtl•gut cenaines de Jeurs responnb1~·
tes d'ordrt 1"'1dique.I un juge isla..,.que (qtdi), Au milieu du V111• sîâcle. une clisse toute
qui est h1brtuellemant issu d·unt cat•gor11 de nouvelle dïntelleçtuels. les oul4mas. prit
thiolog•tns 1Slam1ques loulemas1 les 1tf1ores une importance consfdtreble Ctlta charge
prtsent•es à un qsdiava1ent treit princ1p1lt· était héréditaire et ne dependoot pas d'vne
ment 611 trensmi.sswn, au statut personnel, t la nomtnation par le gouvernement en place Ces
propriété et aux tr.insacuons commarclelas oufémassont devenus des experts en ma1iëre
de droit islamique. Ces savant• 10 sont engagés
Avec I& temps, les qsdfs ont acquis diverses
dans l'élaboratlon de nouvolle' réglementa·
!onctions non jurldlqves, notamment l'adinl· tians juridiques et la création d'une réfle•ion
nistratlon des fondations cherotablas 1w1qls),
lhéorique sur le droit. les junstes qui sont à
l'exécution des-volontéstestamentaires, l'enre
l'angine de nouvelles régies de d101t se sont
glstrementdes tutaments. les •ttnbutlons de appelêsiesmujt.alr1'ds(• ceux qui 1xarc1nt. qu1
cw-attl&e con camanttes mineurs et li ch1rg1 da s'elforcen1 •.un mot qui. a la mime racine que
fe1rt respecter les bonMS mmurs Outre celle
du q1d1. une 1utre chafge rehgteuse fut crtte,
Io mot arabefthadl.

Les quatre racines du droit Islamique telles qu'elles ont été dégagées par
Ai-Shafi'i (767-820) sont les suivante• (également discutées dans l'encadré
lntlhtlé • Étapes de la consolidation du droit islamique•) :
. ., Le Coran: en plusieurs cndrô1Ls, le Coran djt qu'il fàul 11 1n'obéJr et obéir

1 à mon Prophète -. • M'obéir (à Dieu)•, c'est-à·dire obéir à toutes les


injonctions co1l'tenucs dan.s la parole de Dieu exprhnée dans le Coran.
154 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

v ta tradition (•ut1na) de Mohammed : au VI.. slkle, Malik (voir un peu


plus loln dans ce chapitre la section lntllulée. ecole mallklle •)a pensé
que la coutun1e locale en vigueur à Médine étall sans doute la tradition
de Moha1n1net:I parce que c'était là c1uc Mol1no1mecl avait vécu. Mals avec
l'appurllio11 des rccuells de hadiths, Al-Shafi'i o fait remarquer que, avant
de se référer à uue tradition de Mohan1n1ed 1>0ur 1>rendre uae décision
d'ordre juridique. li fallait au préalable qu'il y all un texte écrit valide
(c'est-à-dire qui soli dan• le Coran ou dans les hadiths).
,,,. Cooseruuo ('/}ma ) : dans une tradition fréquemment citée, Dieu dll à
Mohammed qu'il ne permettra jamais à sa communauté de demeurer
unanimement dans l'erreur. Af.Shafi1 (767-820) a compris la notion de
consensu$ oom1nc étant le consensus de la comn1unauté musulmane
tout entière. Mals co1nmenl déterminer le co11se:nsus de tous Jes
musulman.s 1 En raison de l'lmposslbllJté de parvenir à un tel consensus.
les penseurs 1>0S1~rleu rs au grand imam Al-Shafi'i ont compris l'ijma '
comme étan1 le coosenst1s cles juristes quallflés d'une génération et
d'une école 1>urtlcullères. Une rois (1u·u11 consensus a é té atteint sur uJ1e
question, ce consensus devient un troisième lextc éerll fondateur à côté
du Coran e t de la sunna.
,,,. Analogie (qi)'O•): 1\1-Shall'l a considéré que si Dieu avait fourni avec
la charia un guide pour toute la vie humain~. li devait être possible
de prolonger (au moyen des analogles} les principes permettant
d'appliquer le cadre (urldique défini dans le Coran et dans la sunna de
sorte qulls puissent s'appliquer à d'autres cas. Par exemple, ."J-Shafi'I
part de l'injonction contenue dans le Coran de faire lace à la Kaaba. le
sanctuaire sacr~ de La Mecque, pour prier. Quand Ils prlen~ la plupart
des 1nusulr_nans ne peuvent 1>as réelle1nent voir la Kaaba. aussi doivent·
ils employer la raison pour déterminer la bonne direction. De même,
les Jurlslcs l'nusuln1ans peuvent employer la raison pour prolonger la
réflexion à partir des cas envisagés dans le Coran Cl dtll)S la sunna.
L'analogie ne s'applique pas au rituel rellgteux. Aucun principe rationne!
n'explique pourquoi Dieu a demandé aux musulmans de prier cinq lois
par jour plutôt c1ue dix fois. Les musulmans sont ~lement prudents en
employant le raisonnement analogique pour d~termlner les sanctions
appropriées pour punir un acte contraire à la Io! Islamique.
- - - -- - - -- - - - - - - - Chapitre 8: loi et tradition en islam 155
,
Etapes dans la consolidation du droit islamique
On peuldistinguer cinq étapes danst'évolution les e1p1çts théoriques de chacun• des
dlJ droit islamique.; racines de la loi.
1. Au dibut, l'étude du droita dima"é dans S. Apràs 11 • fermetur.e dt-s portes de
deJ villes çommt Kula (Irak~ 11 Médine. 1· ijtihad • vers la fin du X' àiêcle. les
mufti• purent émettre des avis juridiques
l'opinion p.orsonneU~et la coutume loçale ttatwaat s.ur des..suiets non couvens par
0111 dicté la loi. des dispositions iuridiques IAtérieures.
2. Au milieu du vurt sï6'clt, une plus grande
Les muftis ét.alent des iuristes hautement
atte.ntion a été portée à létude des textes
qualifiés lmujtah1dsl spéclalisés daos l'une
de base du droil isf.1miqu1.
des quatre écoles juridiques. Des fatwas
 cette-êpo.que-là. on ne dispos·ail pas lavisju1idiques) pouvaient être demandées
enc-0re d& recueils do hadiths permettant par des îndividus pour des conseils privés
de se référer aux paroles e1 aux actes de o~ par le juge pour l'aider à prendre une
Mohammed. décision juridique.
3. À la tin du v111• 1111.1 ~ibu1du1x• siècle, Mo~ammed Ibn ldris'l (767·820} est considê<é
les quatre écoles juridiques (madhahib} comme le fondateur dù droi1 islamique et celui
ont émergé. avec une nouvelle compré- qui a êtabll le concept des quatre racines du
hension des sources (racines) de loi. droit.
4. Â partir du xt siècle, les iu.riites ont
écrit des livres qui étudiant en ditail

En plus des qualre écoles juridiques conventionnelles e n islam. certaines


écoles d'interprétatio1\ du clrolt ajoutent quelques principes s uppléa1enlaires,
SI, à prelnlèr:e vue, le droit islamique peut selnbler rigide el. in1ransl-geant,
l'application des Q1.~al re racînes et des principes supplémentaires le rend
souvent tout à lait souple dans son af>plieatiôn (11ornl1S Qllel<1ues cas
ext:rêmes conln\e J'appllcatlon qu'en ont faite les Ta11bans en Afghan1star1).
Y" lstibsan (préfél'eoce juridiqt1e1 littéralement « la recherche du bon •)
est employé par les hanafites. U. préférence juridique signifie que
le juge (ou Le juriste) a Je c hoix <le 1a décision quand deux manières
(>-OSSlbles de dire le droit existent. IJ peul (I01l1ler SOll Juge1nenl
(préfére nce) e 1i cl1olsissant l'acte qui sera au service clu bien comn1un.
Y' Jstlslah (littéralement « la recherche. de ce qui est correct 11) est un
11rînclpe approuvé par les malikites qu1 est semblable à J'i.çti/Jsart parce-
que le jugeo1ent re11du. à condltlo11 qu'il ne contredise pas le Coran et
les hadiths, doit favoriser le bien- être public et privé. Ainsi, ce principe
s'attache <.!avantage à !'esprit de la loi dans le Coran el les haditlls qu'A la
lettre.
156 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

"'lstishab lndlque q u'une •iluation exi•lanl dan• le paué est censée


se poursuivre dons le présent en l'absence d e p reu\•e contraire.
La plupart des écoles emploient ce principe si e lles Jugcn1 que cela
est approprié. Pnr exernJJle. supposons qu'un h01nme disparai sse et
ne réapparaisse jamais. Pour régler les questions d'hérllnge, li sera
présumé vlvanl penclant toute la période corrcspondar1t à la durée de
vie nornlalc d'un homme de son âge.
"'lba.ba (• permlulbUlté o) ..t usodé aux banba.111... Les actes qui
ne sont pas en contradiction avec le Coran et lft sunna sont présumés
légitimes. Ainsi, les hanbalites autorisent une lemme à ajouter dan• son
contrat de ma.rlage une clause disant que son mari n'aura pas le droit de
prendre une autr• épouse en même temps qu'elle.
"' Urf eol une exception faite sur la ba5e de la coutun.ie locale par
certains dlaclples des ècole• de ri.te• hanafite e l ma likite. Par exemple,
un contrat légal exige l'acceptallon orale par les deux 1>artle.<. Mals le
juge pourra reconnaître l'11c<:eptat ion écr ite d 1un contrat si la coutume
l'autorJse lo(alcinent.
"' Oarura (• oéceult6 o) e•t un principe epéd al établi par analogie avec
la sourate Il, 239 et Ué à Abou Hanifa, sans être limité à l'école hanafite.
Par exemple. un soldat dans la bataille doit-li descendre de son cheval
alin d'effectuer le rltud de la prière? Le Coran dit que non. Pendant
une bataille menée pour défendre la loi. nécessité fait loi et exige que
le soldat r..te à cheval, prtt à se battre et qu'il doll pouvoir faire sa
prière à cheval. Un exemple moderne : en théorie la lol lslamlque devrait
s'appliquer da.ns toutes les situations; cependant. parfois la nécessité
exige que les na1 Ions 1nusulmanes modernes nglssent sur la base du
droit lnte r1'\at lon~l dans leurs relatlons avt.:c d'outres ~t.o.ts souverains.

Les différentes écoles juridiques


Tout musulman se reconnait comme se rattachant à une des quatre écoles
juridiques pour tout ce qui relève du droit le concerruint personnellement.
Madhhab slgnllle llttéralement • le lieu où ron va, la direction• et est parfois
tradul1 par~ mot • r·lte •en français.
Les écoles ne sont pas des dénominations religieuses. Indépendamment de
la branche de l'Islam à loquelle on appartient (voir la partie IV de ce livre),
tout musulmw1 adhère A une des écoles. Chacune l'.l un corpus des textes de
référence qui lui est propre. Entre le proles•eur el l'étudiant se nouent des
liens t rès forts.
La plupart des chiites suivent le rite ja'larite, associé au sixième Imam chiite
(pour en savoir plu8 sur les chiites. d chapltre 13). Dans cette section. Je
passe en revue les quatre écoles sunnites qui ulstent aujourd'hui.
- - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 8: loi et tradition en islam 157
Le rite hanafite
Abou Hanifa (700-767) était le ms d'un esclave affranchi d'Afghanistan. Il est
né à Ku fa et mort à Bagdad. fi a tràvaillé en Irak et a éoonnément voyagé
el refusé de prendre parti dans les conflits politiques entre Omeyyades
et Abbassides dans leur lutte pour être à la tête de l'État musulman
(cl. chapitre 4). li fu t l'un des premiers â articuler des principes généraux
pQur guider les Juges clans les décisions d'ordre juridique. 11 a n11s en
avant le principe de l'analogie (qiyas) et a eu recours à des hypothèses
(des cas d'école) pour é tayer ses remarques. Le rite hanaJlte est Je plus
clément des q1.1atre rites sunnites, en partie en raison de son attache1r1ent
à 11 la préférence reconnue par La loi• (istihsan) qui permet de modérer Jes
procédures cle règle1nent trop dures.

Le rite hanafite était le rite offic1el des Empires abbasside et ottoman


(cf. chapitre4). Le rite hana!ite, qui est l'école de droit sunnite de loi n
la plus répandue aujourd'hui 1 est dominant dans les régions qui ont été
djrlgée.s r>ar ces deox e.nplrcs. exc;eplé l'fran et l'Arabie Saotiditc. t.:lran,
pays majoritairement chiite, suit le rite ja'farite et l'Arabie Saoudite Je rite
hanllal1te (voir la section intitulée 11 Le rite hanbalite 11, un peu plus loin dans
ce chapitre). L'Afghanistan, un certain nombre de pays d'Asie centrale et la
majeure partie de l.'Asie du Sud sulvent également Je rite hana/lte.

~
1. ll est plus facile de se souvenir du rite en vigueur dans chaque pays quand
:J on se souvlenl des pays où Je rite hanafite n'est pas présent. celui-cl étant le
plus reprêsenté.

Le rite malikite
Malik Ibn Anas (716-795) a passé la majeure partie de sa vie à Médine. Son
ouvrageAl·Muwatta' (Liure du chemin préparé'). Je premier livre de dro it
Islamique, a. associé un recueil de dé<:lslons Juridiques avec les tradit1ons
concernant Mohammed. Malik a également favorisé. les coutumes jurid.i ques
de Médine et a utlllsé lïstis/ah (considération dïntérêt public) et l'analogie.
Quand le calile Haroun Al-Rachid a demandé à Malik de venir à Bagdad pour
servlr de précepteur à ses fils, MaJlk a répondu : la" connaissance ne voyage
pas mais c'est vers elle que l'on va •·
l,e rite malikite est dominant en Afrique de l'Ouest et au Maghreb (et. donc.
en France), et il est très présent dans Je sud de l'tgypte, au Soudan, à Bahreïn
et au Kov.•dt.

le rite shafi'ite
Al-Shafi'i (767-820) est celui qui a dégagé les quatre racines du dr oit
islamique. comme nous l'avo11s vu dans la section de ce cl1apltre Intitulée
• Les quatre fondements de la jurisprudence islamique (üsû( al·fiqli) "·
Il a rejeté le concept hanafite de la préférence reconnue en droit et la
J5 8 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

reeonnaissance mallkl1e du rôle de la coutume ô Médine (saul si elle es1


confirmée par des hadll hs écrits).
Le rite shafi'ite es1dominant en Basse-tgypte, dans le sud de l'Arabie
Saoudite, en Arrlque de l'Est, en r.1alalsle~ en hldonéslc, et se retrouve
également en Asie centrale e t dans certaines parties des montagne$ du
Caucase. comme au Daghe..stan.

Le rite hanbalite
Ibn Hanbal (780-855), le fondateur du rite le plus conservateur des quatre
écoles sunnites. est eonnu pour avoir résisté. aux cl forts d•AJ..Ata'mun
(786-aJJ) visant à Imposer les croyances muta"zllltes (d. chapitre 4).11 a
survécu à rcmprlsonnement et à la torture pour én1crger en tant que héros
des traditlonallstes.

~
Le conservatls1·nc htlnballte ressort très netten1cnt dnn5 sa façon de placer
li le Coran au-dessus de fa s11nno. Celle école juridique dit que la tradition
prophétique ne peut J)as ~tre Invoquée pour " abroger • un verset du Coran
(cf. c hapitre 3). lbn tlanbal est allé plus loin que Shafi'i en limitant à la fols
le rôle de la raison et celui de l'analogie. mais son utlll~tlon de l"lboha
(permlsslbllltt) a rendu la position hanbalite plus souple que d'autres
écoles. dans certains cas. Ibn Taymiyya (1263-1328) lut un Jurl$te hanbalite
Important. vivant l Damas et dont le travail a considérablement Influencé le
mouvement coos.erva1a1r wahhablte en Arabie Saoudite et IH moU\-e.tnenl$
Islamistes des XX" et Xxf slécles (cf. chapitre 18).
Bien que l'influence du hlt:nballs1ne demeure forte, li n·est aujourd'hui
dominant qu·e.n Arable Saoudite, au Qatar el en Onlan.

La prise de décision
La prise d'une décision Juridique est plus complexe que le simple fait de
décider si telle ou telle action est légale ou Illégale: en elfet. li existe des
catégories intermédiaires. Le droit islamique traite tg,alement la question des
sanctlons dans le cas d'actes Illégaux et dl$pose de quelques Instruments
pour êviter que des ~lementallons créent des difllcult~ anormales.
- - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 8 : loi et tradition en islam 159
Les cinl( caté9ories de l'action
En droll lslan1ique, toute action s'lnsère dans l'une des cinq catégories
sulvar1tes:
V' Les actions obligatoires (fard ou «oajib) sont divisées en deux
câtégorles : celles (com1ne la prière) requises de chaque musulman et
celles (comme le combat J)Our la défense de nslam ou le fait d'assister à
un enterren1ent) que certains accomplissent au nom de Ja communauté
cn!Jère.
Y' Les actions recomntandées (n1ustahabb ou mandub) sont 11•éritoires,
filais non requlses. La char1Lé e t la monogamie volontaire en sont des
exemples...
V' Les actions neutres (n1ubah} n'ont aucune conséquence rnora.l e ou
légale. Le Coran et la sun11a 1le parlent pas de ces actions.
V Les actions déconseillée.s (mokruh), comme le divor<:e, devra ient
êt re évitées. Aucune sanction n'est a ppliquée cependant e t elles
n'entraineront pas l'excltrsion du J)aradis.
,,.,, Les actions interdites (haram) sont l'opposé des actions ·Obligatoires.
Par e;i.:ernple, U est Interdit d'épouser un parent proche.

L'éllaluation des sanctions


t:islam a n1auvaise 1>resse à caose de certaines des sar1ctlons les plos strictes
Qwdud) qui se trouvent dans le Coran. Il s'agit notanunent de la peine de
mort qui sanctlon1le le meurtre, le fa it de couper la main du voleur e t les
coups de fouet pour certah1s autres actes. Hudud (qui signifie littéraletnc.nt
11 llmltes, bornes •) e~t le ter me arabe employé pour la sanction de ces crimes
coo·formémenl à Ja punitjon c_xigée par le Corail. Une 1radltlon dl1 qu'il faut
' éviter les punitions du hadd [singulier de hudud[ en cas de doute " Cette
tradition signifie que l'on ne doit appliquer les sanctions de hudud qu'en
dernier recours.
La mise en œuvre de ces sentences rencontre beauCOUJ) de restrictions.
Le Coran, par exenlple, pré\'Oit une sanction de 100 coups de fouet pour
l'adultère (voir sourate XXIV, 2), mals Il exige également quatre témoins
de J'acte de la pénétration sexuelle dans ua cas d'adultère. ce qui, vous en
conviendrea:, est difficile à vérifier. La sourate XXIV, 2 ajoute ëgalement
.. â moins qu~lls se repentissent "• ce qui revient à annuler la sanction si
la per$onne c1u1 a commis le crime se repent. Quant à couper la ma.in du
voleur, la sourate V, 48 a également une c lause de repentir. Le juge doit
auss1 considérer la valeur des articles volés et l'existence éventuelle de
circonstances atténua11tes. SI UJ\ musulman meurt de lalm sans qu'il y soit
pour quelque chose et qu'il vole de la nourriture, la communauté locale qui
r1'a pas su répondre à so11 besoin vital de nourriture est aussi coupable que
160 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

lui et la sanction n'est pa.s appll<tuée.11 est vrai que certains pays musulmans
onL rélnstltué et qu'ils appliquent de temps en temps les peines cJe J1udud,
mais cela est certainement davantage l'ex1)re.ssion d't.1ne volonté de rermeté
à l'égard des crin'llnels de la part de gouvernants autoritaires que la marque
d'une authentique loyauté envers l'islam.

Fermeture des portes de l'ii tihad


Vers la rin du:<• siècl e, les juristes ont estimé que totts les rhèn1es de
droit importants avalent été étudiés. lis ont décrété que les • portes de
l'lnterprétat.I01\ • (1ïtil1ad) étaient fermées et que les musulmans devaient
dorénavat1t consulter les décisions passées dans tes livres cles diverses
écoles de droit (Jaqlid).
Les gouvernants détermtnent de <1uelle école juridiqu·e r elève leur pays
tandls que, au niveau individuel, chacun peut choisir à quelle école de
Jurisprudence iJ se rattache pour les attalres de sa vie personnelle. La plupart
suivent Je rite qui est d01l1înant là où ils vivent. Quand se présenteJ1t des
cas qui n•ont-ja1nais été traités auparavant ni encadrés pnr une lot précise,
le juge, le gouverneur du pays ou n1ême un individu peuvent demander
l'opinion d'un fl)u/J/ (conseiller juridique) pour cette arfaire. Le mu/Ji pub11e
a lors uaefalwa (un décret). D'autres Individus qualifiés peuvent rendre
des décisions co11ttalres, mals une cl1ose est Importante: la décision doit
être fondée sur les« quatre racines de la loi "· Les décisions prises a1>rès
la • fermeture des portes " ne rentrent l)(IS dans le cadre d'une école de
jurisprudence et ne peuvent pas servir de base à une nouvelle décl slon.

lbn Taymlyya et quelques autres théologiens hanbalites ont rejeté le concept


de ferrneture des portes de lljtihad. prétextar1t qu'elles n'ont jan1ais été
fermées. Pour eux. J'Jslam répo11dalt e11 effet à toutes les formes de questions
et n'avait 1)3S besoin d'être interrogé de nouveau.

VolcJ un exempte de fatwa. l,.'empiré ottoman a créë une charge de Grand


Mufti conférant à la t>ersonne en titre le statut de haut fonctionnaire du
gouverneinent. Un jour, on a demaodé au Grand l\1u1ti si les autorités locales
devaient rendre obligatoir e La construction d'une mosquée dans un village
qui n'en possédait pas. Sa réponse. c'est-à-dire sa fatwa. fut" oui» et. dans
sa ratwa, Il a c ité des décrets officiels antérieurs mais na également rappelé
l'httJ>Ortance (le l'a.p JJel à la prière dans 11slam.

~
L'ohtention d'un avis juridique est chose couraJtte dans le cadre de l'exercice
& du culte au sein de la mosquée. Cet avis (fatwo) s'adresse d'abord aux
ra1nilles musuhnanes et tente de rêgler un certain nombre de problèmes
, relevant Clu cadre privé. Pour le reste, U faut savoi.1' que le droit rrançais,
qui stipule Ja séparation des deux corps, ne donne aucun n1andat aux
Ll1éologiens musuhnans pour lancer des fat,vas publiques. À l'opposé <lé
la Grande-Bretagne où, li y a quelques années encore, des prédicateurs
ha.r gneux pouvaient prêct1er l eur doctrine et semer la division, la France a
_ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 8 : Loi et tradition en islam
161
su préserver .l 'équilibre entre les dct1x univers, celui de la 1>0Htique- bien
COrtlmun de la nation - et celui de la religion comme croyance ou pratique
particulière. c·est exactement ce que l'on appelle la Jf\îcité . Celle-ci est le
fondement de l'État-nation, son axe philosophique majeur. Toute la difficulté
d'intégration de r1slam comme dogme vient de ce divorce premier : laîcJté
et religiosité. Cllaque musulman a le droit de pratiquer son culte au sein des
établissements religieux, les mosquëes. qui JuJ sont réservés. À J'inverse. Je
reproche que font Je.~ 1nusulmaR$ aux respons.$bles politiques. à éo1n1t1ei1cer
par les maires, c'est la difficulté de construire leurs lieux de culte. Selon
les responsables associatifs n1usulman.s, obtenir une autorlsa1lo11 pot1r
constrtilre une 1nosquée re.Jève du parcours du combattant. À Marseille, par
exemple. c"est au terme d'une vingtaine d'années que la maJrle a finalemenl
accepté d'oct royer un terrain aux associations rnusuln1anes, pourtaat
légitimes et êJues, pour qu'elles bàtisseot enfin leur mosquée. La mosquée d.e
la Lorraine, qui devait être construite à Nancy et qui est 1>révue clepuis 1983.
ne sernble pas près de voir le jour.

Fcomme fiqh ou comme fatwa


Les théofogleos [uris!es ont produitdeux 1ypes parties ~ la première concerne les- obJfga•
de livres fondamentaux. tians envers Dieu {c'est-â-dire le culte et fa
pratique rehgieuse} tandis qua la seconde
"' le premier type d'ouvrages porte sur les
aspetts thé'oriques. Le livre d'Al-Chatl'i. traite des obll,gatfons envers d'autre-&
personnes. Cette deuxième partie couvre
hisafo, est un des plus anciens. Celui d'AI
de façon classîque IJ droit de la famille, le
Ghazell, Al-Mustafa, est Un classique Ces
droit çommerçiat. le droit foncier, le droit
travaux ontabordé desdomainos tels que les
cinq cetégones, les queue racines de la loi pénal ainsi queles pein~ et res procédures
juridiques,. li eléis.te égal9ment des ouvrage$
et toutes les·sources suppfémentaire-s:o ainsi qui sont un récàpitula1if des lois faciles à
que les règles sel0-n lesquelles Il est lfeite
d'élaborer de nouvelles réglementations.
consulter et qui peuvent êgafament inclure
de• comniantaires sur des recuefls de lolS
V le second groupe de livres comp(e(ld des de relie ou telle école en particulier,
recueil$ de règles qui font jurisprudence.
Il s'agît d'un récapitulatif de dêcls1ons de Une fois les portes da 11nterprétation fermées,
il eir;1st:e d'autres livres qui sont des recueils de
justice rendues dans de• domaines très
divers, avec une partie théorique montrant farwas prononcées par les muftis(théologîens
juristes) d"une école juridique en particulier,
quo le jugement en question est en 11:ccord
avec les procédures del'école juridique dont afnsf que des ouvrages plus théoriques dêcrivant
Il retèvo et qu'il ne va pas a l'encontre de ce le.s qualifications req4ises pour devenir mufti,
lesdevolrsliésà cette charge a1nsî que les prcr
qui ast ècritdens le Coran et dans I ~ sunna.
cédures à suivre.pour rendr-e une d~f!cisTon.
Ce récapitulatif comporte deux grandes
162 Troisième partie : l a vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques el éthique

Une lé9islation souple


Dans l'Islam sunnite, Cllacu11e <IC$ <1ualre éçoles constitue une institution
judiclaire valide. même lorsqu'elles sont en dêsaccord entre elles.
Cette diversilé, qui fall qu'une école peut êtr-e stricte sur une question
tandis qu'une autre est plus clén1ente1 permet à chacun, voire à chaque
gouvernement de choisir, parmi les différentes lé.glslatlons élaborées par les
QLtatre écoles. celle qul lui convient. Cette souplesse est appelée en arabe
ik/11/yâr (qui signifie • la possibilité de choisir•).
Là notion d'amaJgrune ou de syncrétisme (talfiq) est également pratiquée e.11
complément de celle de la sélection (ikhtiyàr). Cette pratique consiste sur un
point précis à COJnbiner une partie d'un arrêt d'une école jurfdjque avec une
partie d'un arrët d'une autre école. Ainsi, une personne ou un gou"\•ernement
peut proposer un nouvel arrêt judiciai re dans la 1nesure où il ne va pas à
l'encontre d'u_n arrêt antérieur. Un exemple: la loi hanafite d it qu'une femme
dont le mari a disparu doit attendre jusqu'à la Mn de la durée de ·v ic prévisible
du mari avant de J)Ouvoir se remarier. Dans le r.ite malikite. la période
d'attente est de quatre ans seulement. En adoptant une parue de l'arrêt
malikite concer na1\t la période d'attente <1ans u 11 1>ays régi par loi hanafite,
le pays évite d'hnposer à la felnnte d'attendre indéfiniment un mari qui l'a
abandonnée avant de pouvoir elle-méme se remarie r.

Une autre technique uti lisée par des juristes hanafites et chaH'ltes est celle
du hlyyal (• s-ul)terruge •), qu1 eousiste essentlellerneot à trouver une astuce
pou.r éviter d"être piégé par un passage du Coran pris au sens propre. Par
e.xemple. pour le$ négociants Impliqués dans l'achal et la vente de grandes
quantités d'articles, la prol1ibitio11 cle l'usure (prët à intérët) pose un
problèn\e moral, hier con1me aujourd'hui. el mê1ne encore plttS aujourd'hui
où les 1·nu:sul1nans doivent fonctionner dans u.11e économie mondiale
capitaliste. Que ce soit pour acheter une maison ou investir dans les affalres,
Il faut souvent J)asser par un e1nprunt. Les avocats musulmans, grâce â un
montage juridique complexe, ont trou·vé un moyen d'élaborer des contrats
qui ·r emplissent la fonction du prêt à Intérêt sat•s e11 avoir la forme.

!a réforme du droit
Au cours des deux cents dernières a.nnées, les déba1s qut ont agité l1lsl an1 ont
souvent eu trait à_des problèmes de droit. À l'époque coloniale, la plupart des
pays musulmans ont intégré le cadre juridique de l'Occ:ldenl avec son corpus
de lois regroupées en codes de lois et le concept du pouvoir législatif chargé
d'élaborer les lois. Ces codes de type occidental ont considérablement
influencé Je droit Islamique en général, excepté dans le domaine du droit de
la famille où les lois de l'islam ont continué à s'appliquer.

DaJlS la pe1lsée occidentale, la lég.i slatiOtl dérive de la volonté des personnes.


l:islam traditionnel en revanche n'a aucun besoin de lêglslation parce que la
- - - - - - -- - - -- - - - - Chapitre 8 : l oi et tradition en islam 163
loi est le modèle Immuable de Dieu. L:approl>aüon humaine n'est pas exigée
pour la loi de Dieu.

Après avoir acquis leur indépendance à l'issue de la péri.ode coloniale. les


pays musulmans ont adopté Je modèle de J'êtat-nati01\ occidental. Diverses
solutions ont été mises en avant quant à la façon de concil1er le droit
islamique et le d roit moder ne des ftats:
v La pratique de la sélection (ikhtiyâr) et de l'amalgame (fatfiq) est
fréQuemment invoquée par les musulmans qui co1tsidères1t que
l'adhésion excJusive à une sei.1Je école juridique est inadéquate
aujourd'hui.
,,.,,, De nos j ours, on évoque de plus en plus souvent des principes
subsidiaires du droit, tel l'istislah Gugement cherchant le bien conlmun)
qui permet d'adapter la loi au:x situations modernes.
V Les juristes tradl1 lonne·l s-dlsent que les problèmes ont êté provoqués
par l'abandon de la loi isla.m ique telle qu'elle a existé du xre au x1ve siè<:le.
Si les musulmans revenaient à la sl1uation qui ~lait celle.des pays
musuhnans avant l'intrusioa de l'Occident. les problèmes seraient
résolus.
""" Selon certains réformateurs musulrr1ans. Je problème est venu des
Intellectuels eu.x~mêmes. L'islam n'a pas à r evenir au consensus
c lassique tel qu'il e.xlstalt à l'heure de la ferrneture des PQrtes de l'ijtihad.
En revanche. il doit prendre modèle sur l'islam des trois premières
générations et être disposé à prendr'C de nouvelles décisions juridiques.
établles s ur le Coran e t les hadiths.
""" Certains ré.formateurs modernistes préconise11t de distinguer les
prlnçlpes de base Immuables du Coran et des hadiths de l'application
s1)écifique de ces prlncJpes dans la culture du temps de Mohan11ned. Les
situations contemporaines exigent de re,•otr rap1>llcatj011 des principes
de base. La sourate IV. 3. par exemple.. d it qu'un homme peut prendre
jusqu'à quatre épouses â condition qu'U les traite toutes égale1nent. La
sourate lV, 129 dit qu'un homme ne peut pas traiter également toutes
ses ~pouses. Les modernistes, tels que la figure de proue de la réfor1ne
islamique en tgypte, Mohammed 'Abdou (1849-1905), rapprochent
ces deux sourates qui. considérées ensemble, prouvent que le Cora11
est contre la polygamie. Alns1 un ho1nme peut avoir plusieurs épouses
s'll les lralte égaleo1ent. t\1a.is a\1Cun homme ne peut traiter plusieurs
épouses àëg·alJté. Par conséquent, aucun hon1me ne l)Cut avoi r 1>lus
d'une épouse.

Depuis 1970, on assiste à un recentrage d'un certain nombre de pays


musulmans autour clu droit islan1ique. Dans œrtaias pays, ceJa consiste
uniquement à déclarer que la législati on du pays repose sur la cl1ar la.
o·autres proposent qu'un conseil des ju1istes islamiques a pprouve toutes
164 Troisième partie: La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

les lois promulguées par l'État pour CQnflr1ner qu'eJles ne sont pas en conflit
avec la loi islamjt1ue. D'autres encore ''eulenl aller plus loin èl faise un effort
plus systématique pour falre de la loi islamique la loi fondamentale de l'Ë.tat.
L'islam fait face aujourd'hui à d'autres questions de droit qui ne sont pas
enc(1re tésolues, ootao1n\ent :
,,,., Con1rnent s'articule la loi islarnique par rapport au dro111oter1lali01)af
moderne dans lequel la même Jêgislation s·applique à tous Jes pays au
plan des relation.s internalionales?
.,., Comment peut-on concilier les principes universels des d roits de
rhon1rne (selon le.sque1s tous les êtres hun1alns jouissent de certains
droits fondamèl1tawc lndépendammenl de l eur religion, de leur classe,
de Jeur r ace. de leur sexe. ou de Jeur groupe ethnique) avec la loi
islamlque tracli1lonrtelle, qui 1ln\l le ce.rtalr'IS de ces droits '?
Chapitre 9
Les cinq piliers du culte:
fondements de l'islam
•••• • ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • ••
/)ans ce chapitre
._ La c.h ahada - la profession de foi musulmane
.., La salat - La prière tnusulmaJ1e
• Les mosquées - lleux de culte lsla1nlque
... La 7.akal - importance de la charité dans l'islam
._.. Le saoum penda.n t le ramadan - un Illois de Jeûne
... Le hadj ou pëlerina~e
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

r haque religion a ses spécificités et évoque aussitôt pour le croyanl


\.... ~omme pour l'incroyant certaines caractérisUques; la roue du Dharma
dans le bouddhisme et les Dix commandements dans le juda"ûune et le
christianisme. Dans l'isla.n1, on pense tout de $t1tte aux c inq piliers du
culte (arkon af·lbodo), Q\1i soutie1menl la (oi musulmane comme les piliers
d'un monument. Ces piliers constituent les fondations sur lesquelle-$ le
musulnlan peut s·'apptiyer J)Our construire sa vie. Il ne faut pas les confondre
avec les piliers de la foi (cf. chapitre 5) qu.i constituent les c1nq croyances
musulmanes de base. Les clnq piliers du culte concerne.nt la pratique
religieu$e de base du musulman au quotidien. Ce chapitre passe en revue ces
cinq piliers - en leur donnant leur nom ar abe et en expliquant ce qu'il faut
faire. Vous y t r<>uve rez égaJement une référence à ce que J'on appelle parfois
le sixiè1ne pilier, le djihad - habituellement traclull par les n\ots "efforts " ou
• guerre sainte ~.

Dans le Coran, les cinq plllers du culte ne sont pas énumérés ensemble
da1l$ un n1ên·u! e11droit. Ce n"est qu'après la mort de Mohammed que l'on a
fixé Jes règles de la pratique des cinq piliers du culte, même si ces .i piliers •
sont considérés <:om111e 111\plicltement pratiqués par Mohammed et ses
compagnons. L'ordre dans lequel on les cite peut varier légèrement seJon le
contexte, mais ceJa a peu d'importance. Plusteurs expressions sont utilisées
166 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

pour parler de ces piliers du cuJte: oa emploie les expressions ..: piliers du
culte 11, • piliers de l'Islam •. 11 plllers de la rellglon • (arka11 al·dirt) <-1ul foot
référence à Ja Rlême chose, à ne JX\S confondre avec les cinq piliers de la fol
( le credo de base des musulmans).

~
Les c inq piliers sont en quelque sorte le 11 n1in.imum syndical • que l'on peut
& attendre d'un nlusulman croyant et pratiquant. ln1aglnons l1ne perSQ1lnc
~ qui vient de se convertir à l'islam ou quj pense à la conversion. Elle se dit
ea elle.mêlne: comment vals~fe con1mencer à vivre nia vie de n1usuJn1an '!
Que dois-je croire? Que dois-je faire 1 Par où co1n1ne"ncer ? l .es cinq pitiers
du culte fournissent un modèle simple pour un début et un cadre pour
1)rogresser. Les plllers sont comnte une liste cle contrôle en pllLSieurs pohtts
qui aide à se mettre sur Je droit chemin (al·sirat al·mustaqim). selon une
de.s expressions employées dans le Corail poul' parler du n\ocle cle vie <l 1u1l
musul1na.n. Chaque pilier est clair et facile à comprendre et tout musulman
peut savoir intérieurement à quel degré li a rempli c.hacune des obligations
qui y sont iltscr il~s. Naturelle1nenL, les pi liers oe sont qu'urle première étape.
Chaque pilier est un passage vers une compréhe11sion plus profonde et une
plus grande spiritualité qui se développe dans la fol.

Purification : étape de préparation


La pluJ>ilrt des religions font urie disl inction er1tre lesaçré et le profane, le
religieux et le laîque. Le sacré renvoie â tout ce qui concerne Dieu ou ce qui
est saint ou qui concerne tes rios dernières de l'homme. Le profane renvoie
à la vie quotidienne et aux personnes. Fréquemment, les croyants pensent
que. pour entrer en contact avec le sacré (c'est-à-dire avec Dieu daos Je..o;
rel igions n1onothéistes), il faut être en état de pureté physique et spirituelle.
Puisque Jes actions rJtuelles rapprochent le cr oyant de Dieu, IJ est bon d'ê1 re.
dans un état de pureté avant cl'e.xéeuter des actes de eultè tels que la prière
(s(l/af) et le pèlerfnage à La Mecque (hadj). Les actions qui rendent quelqu'un
rltueJlen1ent Impur 11e sont pas nécessairement <les act loos illrérieurcs ou
immorales. On pourrajt comparer cela à l'habitude qu'avaient autre(-o is les
chrétiens de bien s·habiller pour aller à la 1nesse (hal)11 ude qu'onL encore
certains aujourd'hui). Les jeans \!t les shorts n'étaient pas impropres en
eux·mê.mes, mais ils êtaieot considérés comme déplacés dans ua lieu de
culte. L'hlndouis1ne e1 le Juda'i.sttle aussi mettent forterneol l 1aecenl sur la
pureté ritt1elle et d'une certalne façon ont Ja mëme façon de considérer ce
qui rend pur ou llnpur eL le n1oye1t cle se putlfler, Dans l'islam 1 les tecueils de
traditions (haditlls), bien que ne faisant pas partie des ch1q piliers du culte.
comportent une partie spéciale consacrée à la purification dans les exposés
sur le culte et les 1>ratiques rituelles. D'après une tradition,• purification est
mojtié de.la foi •.
_ _ Chapitre 9 : l es cinq piliers du culte : fondements de l'islam 167
Effacer l'impureté
C..lul qui esl dans un état dimpuretê rituelle avani de 1oucher un Coran êcrit
en arabe, de !aire la prière (S<Jlal) ou de commencer le rituel de pèlerinage
doit effectuer un rl1uel mineur de nettoyage ûui!rleur (wudu') ou, pour de
plus grandes Impuretés. prendre un bain rituel (glrusl). En général, avant les
prières quo1ldlennes, seul le wudu' est nécessalre. Ce rl1e du wudu ' esi un
rlluel à p&rl. avec un ordre bien précis pour cllaque action et chaque mot.
l.es n1u11lt1lnans utlll.sen1 l'eau du robinet ou versent l'eau d'une cruche pour
laver les parties du corps telles que les avant-bras, ln bouche et les o reilles .
Les rnos<1uées ont toutes une fontaine ou un point d'eau (un robinet ou un
bassin) pour le w utlu', situés clans une cour extérieure Ol1 lntérleure. Oans
toutes les religions du monde, l'eau est J'tns1rument le plus courant de la
purification.
~ SI l'eau manque, ce n'est pas un problème! Cesl l'intention qui compte.
/ t:Aroble a beaucoup de sable et peu d'eau. Ainsi. s'il se irouve à l'heure de la
prl~re dans un endroit sans eau, un musulman peut se contenter de tapoter
le $able ou d'enlever la salelé avec ses mains. C'est ce que les musulmans
oppellen1 le IQ)ummoun, lustration au moyen du sable ou d'un galeL D peut
ensuite !aire les différents gestes de puriliutlon et prononcer les pa.rotes
prévues pour le wudu:

Sources d'impureté
Les théologiens musulmans ont velllê scrupuleusement à préciser en détail
ce <tUI est cause d'impureté mineure et ce qui csl cause d'Jm1;>ureté majeure,
tout comme Ils ont spécifié en détail les rituels do purification (wud11' et
g/111.11) <1ul permettent d'ellacer ces deux calégorlcs d'impure té. Parmi les
causes d'impureté rlluelle majeure, on peul cller l'é)aculn1lon, les règles.
l'accouchement et Je contact avec un cadavre. Les causes d'hnpureté rituelle
mineure concernent les parties géntl.ales. la perte de conscience, le fait
d'aller aux tolleltes et le sommeil profond. Les troubles n1édlcaux de nature
cl1ronlque, tels que l'incontinence. ne rende11t pas une personne rituellement
Impure. Ce qui es1 consldérE comme rendant impur dans l'Islam se retrouve
~ale.rnent dans d~autres religions qui mettent l'ac::ccnt sur la notion de
purification. De manière générale, tout ce qui est émis par le corps. toul ce
qui a un rapport •vec la mort et tout ce qui a trait aux r~atlons sexuelles
est considéré comme faeteur de soulllure dans la religion. La mon est une
soulllure parce que Dieu est le Seigneur de la vie. La perle de sang soulUe
t-ga1em"nt parœ que c'e.st une ém1sslon corporelle e1 parce que le sang est
un symbole de vie dans la plupar1 des cultures. Le sommeil souille dans
l'lslanl prhlcJpalement à titre de précaution - en dormant, on risque d•avoir
rail quelque chose qui rend Impur (un rêve érotique. par exen11>le, suivi d'une
pollution nocLurne), c'est pourquoi Ja purification est recom1nnndée a.près
168 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

un sommeil profond. Le contacl avec ce,r talns a 11lmaux- les porcs ou les
chiens - souille.
Les concepts de pur eté et d'impureté j ouent égale.itlenl u1\ rôle dans d'autres
secteurs de l'lslan\. L'un des noms donnés à la circoncision du nou\reau~né
est celui de purification (tàl1aro). La main el le J>IC<l drolts sonl considérés
comme purs tandis que la maj n gauche souille. Ainsi, on entre. à Ja mosquée
(do1naine sac ré) en ava11çant le pled dro1t en premier et l'on mange avec la
mai n droite mais on se nettoie avec la main gauche. Des anthr'OJ)Ologues
telle la Britannique Mary Douglas ont considérablement contrib ué à faire
comprendr e la (oncti on de la pureté et de la souillure dans les reJlglons.

Voici mainter1an1 les c inq piliers de la fol (a/.arkan al-khams), la base


fo11dameatale de l'islam.

La chahada (premier pilier) :


profession de foi
Dans c l1a<iue rellgioo ou pres.que. on peut résumer l'essentiel de la foi en
une for mule courte et directe. Ces forl'nules condensées n·e11 sont pas nl oins
d'une grande profondeur malgré leur simplicitë et peuvent !aire l'objet de
longs dêvèloppement•. Tel est le cas pour le témolgna.ge de la lof (connu
sous le non1 de chahada) dans l'islam. Cette 1>rofession de fol m u suhnane
se présente ainsi : .. .Je ténloîgne qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu,
et je témoign e que Mohammed est Je messager de Dieu. " L...e c h apit re 3
traite de cette conception de l'unicité de Dieu et le chapitre S parle de Ja
désignation de ~foham rned eo tant que O'I CSSager de Dieu. c,ontralrement
à beaucoup d 'a utres reHgions, les juifs et les chr étiens conviennent eux
aussi qu·u n'y a• qu'l1n seul Dieu •. L'affirmation de base du fudaîsn1e, Je
Shema (Deutéronome 6, 44-45), et le début du Credo des apôtres dans le
c hristlan1$1llC exprhnenl la même pensée. Dans le bouddhisme. on peut d ire
que la triple affirmation du refuge occupe la même fonction Qlle la c:Jrahada
(.. Je Jlrends refuge en Bou ddha. Je prends refuge dans l'enseignement. je
pr ends refuge d illlS la C01lnllunauté df-.S 1nOÎfleS <lu bou ddhisme o).

Pour devenir musulo1an, Il suffit de prononcer cette affirmation en ayant


l'int eotloa de se convertir à l'islam. Les musulnlaJlS clise11t alOl'S que la
personne revient à l'Islam. Pour eux. c·est un ·retour à l'islam dans la mesure
où ils considèrent que. depuis la création d'A<la1n, tous les êtres hun1alns
sont à l'ori.gine n1t1sulmans, c'est·à-dire soumis à Dieu.
La chahada est prononcée avec de petites variantes en de no1nbretJses
occasions. Ainsi, par exemple, le père chuchote la chahada à l'oreille de son
nouveau-né. U est bon pour u1l 1nusulman d'eJ1tendre réciter la chaltada au
moment où il meurL Ceux qui t ransportent l e corps d'un défunt dans ur1e
Chapitre 9 : les cinq piliers du culte: fondements de l'islam 169
procession fu~raire peuvent également la rkiter. Elle forme la base de
rappel à la prière et chaque croyant la r~pèle à la fin de chacune des cinq
prl~es quo1ldlennes - voir la section intitulée • Salai (deuxléme piller) : la
prlt.re '·

Essayez de dira la ch11h11d11


Quand l'ange Gabriel a demandé à Mohammed Pour mieux comprendre l'importance da la
d'être prophtll Il qu'en mima temps ri lui a parole orale dans l'Islam, vous pouvoz assayar
r6vélê la première partie du Coran tel. chapl· do mémoriser et de r6p6ttr 6 voix heule la chi·
Ires 2 et 7), 11 lul a demande da réciter à voiK hada en arabe achh•du anna la ilah11//1·U•h,
h1u11 11 pu 1lmpl1men1 de lire les paroles wa achh1du 1nn1 Moh1mm1du ruul Ill/ah.
du Coren rtc1t6es • Yoix haute remuent tas Pas d'offoloment 1Lo 16cl1111on de la chahaaa
èmot1ons 111rouv1n1 un écho dans rame d'un ne fera pas de vous un musulman se ralla n'est
m4,1si.-'man d1 l1 mime m1ntire qu'un chrétien pas votrt lnt1n11on. Pour ltrt valtdes. tou.s les
peut vibrer tn entendant un chant religieux actes r1tuel1 deni l'i1l1m do,v.mt au préalable
qw lui est f1mll11r mime s'il n'arrive pas à s'en être 1ssorb1 de 11nt1nt1on consct1n11 (nryya)
reppeter toutes les p1toles. d'oxécultt r1c1t

La cl1<1hado affirme qu'être musulman n'est pas simplement une affaire


prl~ entre le croyant et Dieu. Au contrai re, le mu.sullnan a l'obligation
de t~1nofgner de sa sournlssioo envers Dieu. En d'autres termes. l'islam
Implique une obligation de s'engager dans ce que les rhrél lens a ppellent
l'évangéllsatlQn (dans l'islam. on appelle cela la da 'wa). Naturellement, la
récllatlon de la chahada ne constitue qu'un as1>ec1 du témoignage d e la foi.
Un musulman peut être amené. à faire le <Ion (le sa vie et à mourir en martyr
pour l'lslan1. Un n1artyr êSl un chohid, ce qui signifie • tén1oln •. de 121 n1ême
racine que le mot arabe chahada.

La djihad, un combat contra qui ?


le mot d,.had. gén6ralemonnrodult par• guerre Tous conviennent que le mot tut·mime segmfie
sa1n11 • en Occident. tst p1rfo1s c:onstdéré c effort • ou • tu11t • tt qu'd est employé en
comme te sr•itme p1h1r figurant au rang des c1rt11n1 eodror11 du COfen sans connotatlOfl
obl1gt110ns tt~•tusts quo s'unf>0$001 au eroyant milita1tt- Dans d'autres textes en revanche, le
flbad•~ ce quo 1lgnrl11 Io serv1c1 ou le culte) dphad Inclut la gutrtt 0111 nt foot aucun doute
Dans l'islam. on trouve plusieurs expfications que, dans I'1sl1m, ri exittt une tr11drtion guerrière
...u djih•d. 1ouv1n1 en confl11 tes unes avec les au nom de Dieu. Pour en sevotr plus surie d{ihad,
autres. En revencho, tout te monde est d'accord reportez-vous 1u chapnrt 19, où vous lrouver.ez
pour drro quo 11 djihad est néeesnire, même une renuse en cause dt certaines idées fausses
si tous nt le considèrent pas comme un pilier. qui clrculen1 au suj11 de l'islam.
170 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

Salat (deuxième pilier) : la prière


Les paroles de Ja prière rituelle dru\s r 1sl<ut1, ap1>elée solat. s•erfectt1ent
selon un ordre prescrit et sont accompagnées de positions du corps bien
précises: cette prière constitue l'acte d'a<loratlon le plus important dans
l'Islam. La salai quotidjenne est si centrale dans l'islam que dans certaines
langues, pour demander à quelqu'un s'U est 1nusulman, on lui demande tout
slmplement: • fais-tu la prière?• et no11 pas " es-t u crOydnl ? "ou" crois-tu
en Dieu? 11. Il y a d'autres pratiques Importantes mais elles se ·m anifestent à
intervalles beaucoup moins fréquents - une fois par an voire une rois dans
une vie. Du slntple fait qu'il s'arrëte pour prier cinq fois par jour, le musuln1an
a constan'u'n enl à l'esprit la 1"1:é<::esslté de mettre Dieu avant tous ses autres
soucis. La salai, prière rituel le à heure fixe, est diffërente du d(1""a, qui est
une prière \ 10 ltJ11talre et pe.r$onnelle, faite_ de mots ou de prières choisis
J)ar la persôn,ne. La $alc11 n'esl pas simplenlent l'ex 1>re..~slon de la fol d'un
n1usulman, bien qu"elle soit d'abord cela. C'est égale1nent le n1oyen par lequel
un musulrnan intérior,lse et approfondit sa foi, ce à quol sert la prière dans la
plupart des religions.

Le moment pour prier


Comment les musulmans savent-ils quand ils doivent faire leurs cinq
prières quoildlennes 7 Le lemps précis varie selon J'endroil géographique
et l'époque. Dans ua pays musul11lan, l'appel à la prière donne le signal. Il
retentit par~dessus les toits et fra ppe l'esprit du touriste non musulman. Dans
les pays no11 Jnusulrna11s, Il exlStê des feuilles hnprlnlées avec les horaires
de la prière. des progra1nmes informatiques et des sites web 1nusulmans qui
indiquent !'horaire exact de la prière en tout ten1ps et en tout lieu. Les cinq
prières quotidiennes sont les suivantes;
V Prière du début de la journée, ava.n t J'aube {deux cycles de prière).
~Prière de midi (qualre cycles de prière).
~ Priè re du milieu de l'après·midi (quat·re cydes de prière}
Y"' Prière du coucher du soleil (trois cycles de prière).
v Prlère du soir, entre une heure après le coucher du soleil et 01inuit
(qualre cycles de prière).
Dans cert aines circonstances. deux des salols quotld1e11ncs peuvCJ1t ê l re
combinées. De-s salats manquées peuvent ëtre dites en pTÎ\'é à un autre
moment. Ces n1odiftcatlons peuvent être considérées con1me acceptables
dans des situations telles que la maladie ou Je transport public. Les re1nmes
sont exen1ptées de la pr1ère quand elle-sont Jeurs règles car eUes sont alors
considérées comme lrr1pures à cause (lu sang rnenstr ucl, tout comme un
homme est impur apr~s une é,m ission de sperme (se reporter c i·avant à la
section sur la purlncation h\titulée •Sources d 'llnput eté • clans ce chapitre).
- - - - - - - Chapitre 9 : les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 171
En plus dC$ cinq salol& prescrlles chaque jour, les musulmans exécutent des
&a/ais volontnlres supplémentaires et des so/015 spéciales les deux principaux
!ours de fêle (à la lin du mols de ramadan et pendant le had)), pour des
enterrements et à d'autres occasions spéciales.

Tous les musulmans observent-lis les cinq prlèr"s qootldlenn"'? Certes non,
pas plus que tous les chrttlens ne vont pas à la messe une fois par semaine.
Cependant. avec la montte du sentiment religieux au cours d"5 vingt-cinq
dernière$ années dans le monde musulman, on constate qu'un plus grand
pourcentage de mutulmans observe les cinq prières quotidiennes (ainsi que
le reste des cinq plllel'$ du culte) plus strictement que dans le pa~ Si la
nécessité empêche une personne de faire ses prières, Dieu la compr end et
prend en compte son Intention. ce qui lui permet de dire sa prière à un autr e
moment de la journée.

La biographie traditionnelle de Mohammed explique pourquoi l es


musulmans prle.11t cinq fols par 1our. Elle explique que. à l"heure du voyage
noetur11e de Mohammed à Jérusalem et de son ascension Jusqu'au trône
de Dieu (cl. chapitre 7), Dieu a fait savoir à Mohammed que les musulmans
devraient prier ch1quante fols par jour. Sur le chemin du retour. Mohammed
rencontra Moise qui lui demanda combien de prières Dieu aval! demandées
aux homnles. Motse lul rétorqua que les hommes seraient Incapables d'en
faire cinquante 1>ar Jour et dll à Mohammed de r etourner voir Dieu J)Our lui
demander de réduire ce no1nbrc. Il ''' fut àlllsl plusieurs rois de suite jusqu'à
ce que ce nombre se limite A cinq par lour. À ce stade-là, Mohammed n'osa
plus demander à Dieu une réduction su1l 1)iémentalre. Dieu dit à Mohammed
que le nlusuhnon <1ul fait ses cinq prières par Jour sera récompensé comme
s'il en avait fait cinquante.

Le lieu où l'on prie


Il n'y a pas d'endroit précis pour faire la solot. Au moment oppor tun. les
musulman.s arrêtent leurs <><:Cupatlons et se tourne1\t vers La Mecque, qui est
le centre religieux du monde musulman. situé dans l'actuelle Arable Saoudite.
La direction de La Mecque •'appelle la q/blo.
L<!s mosquées sont construites de telle façon qu'un des murs, le mur de la
qil>/a, est orlenl é vers La Mecque. À l'intérieur de la mosquée. une partie
de ce mur - souvent une nlcOve aeml-clrculalre- Indique la direction de La
lt1ecque vers Laquelle le mu.sut man doit se tourner pour la prière. Cette alcôve
s'appelle le mihrab.

Avant la 1<1101. on enlève ses chaus.sures. Si l'on ne se trouve pas dans une
mosquée, on déroule un ta.pis de prière pour déllmller le périmètre de la
prière. Habltuellement, le tapis de prière porte une représentation de la
grande mosquée de La Mecque. la mosqute la plus sainte de rtslam. SI l'on ne
dispose pas de tapis de prière, un simple lnunuit peut suffire. Dans le désert.
172 Troisième partie: La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

c'est la dune même qui sert de tapis. En mer. le pêcheur peut prier dans son
embarcatio1i.

Mème s'Us peuvent prier seuls, les musulmans privilégient la prière


cotn1nunautaire. lis s'allgnenl en rang les uns à r.ôlé de$ autres t'.Ufldls qu'une
seuJe personne -se tient devant et dlrlge la prière : il s'agit de l'ilnam (c'est-à-
dire le cl1ef de la prière). En accord avec la préséance généraJetnenl accordée
à la gent mesctil ine dans la spl1ère publique - une cradition donl certaines
remmes musulmanes disent qu'elJe ne provient pas du Coran-, une lemme
peut diriger la prîè:re de,•ant d'autres fem1nes. n1ais pas devant les ho1nn1es.

L1appel à la prière (adhan)


L.'appcl à la priète.. connu sous le noin d'adl1a1t, rc.ten1Jt pour anno11ecr la
prière du moment. Si vous avez déjà (ait un séjour en 1>ays musulman ou
regardé un documentaire sur l'Islam, vous avez forcément entendu l'adhan,
même si vous ne saviez pas exactement à quoi il correspo1tdail. Dans le
passé, environ quinze JÙlnutes avant la période prévue pour la prière, le
muezzjn (<.:elul <1ui délivre l 'appel~ la ptièr e) 1nontall au minaret, une gra11de
tour qui s'élève de la mosquée ou qui la jouxte, comme un clocher orne une
église. C'est de là qu'il appelait autrefois les fidèles à la prière.
Si les muezzins exlstenL toujours, aujourd'hui. l'appel est lréquemment
diffusé à pari Ir d'enregistren1e1\tS retransnliS par des haut-parleurs situés
sur le minaret ou au-dessus d'un bâtiment â plusieurs étages. À l'intérieur de
la mosquée, l'annonce de Ja prière est !aile sous 1111e forn1e un peu dl ffértJlte
(l'lqarn<1) , finissant par ces mots: <> la prière est établie 11 pour indiquer le
début réel du rituel de salai.

Les minarets
Comme le m;hrab, ou nithe de prière, Io minaret les Ottomans. reporrez~vous au chapitre 2).
ne faisait pas partie tl l'origine des premières Quand on eonneît un peu les différents styles-
mosquées. C'ost dovenu une caroctértstique archltecturaux des mosquâas, on peut três
habituelle vers la fin du premier siècle musul· facilementfavoîrdans quelletégion du monde
man. Selon les régions, le styte archltectural des se trouve Je mosquée roprésentée sur un cliché.
mi narets.varie: on Syrie, on renco"tr(l le modèle Il y a au Maroc un minaret eél~bre qui 8 été
carré typique de la période omeyyade ; ailleurs.. construttpour pennettre au muezzin de monter
comme il lsranbul, on trouve le style élancé de fusqu'en haut a dos d'âne, l'animal faisant en
la llàche caroctéiis11que d& l'époque ottomane quelque sorte offic;e d'a$censeur 1
(pour en savoir plus.sur les Omey~ades et sur
_______ Chapitre 9: Les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 173
Puisque l'adhan est l'un des textes de l'islatn le plus souvent rêcités. vous
serez peut-être curieux d·en connaître 1a traduction en r-rançais et sa
prononciation en arabe parlé. Le tableau 9-1 montrequatreex1)ressions,
répétées un nombre de fois variable. Qtli composeal l'adhan.

Tableau 9-1 : Quatre expressions qui composent I' Adhan


Traduction on français Ptononciatian tJn arabe
Oieu est grand lrécité qua11e fois- cene Allahou Akbar
expression s'appelle le takbiri
Je suis témoin qu'il n'y a pas d'autre dieu Aclrhadou snns·la ilsha //la Llah
que Oieu
Je sui.s témoin que Mohammed est le Achhadou anns Mouhammad rasoulou-
messager de Dieu Lleh
Levez·..vous pour la prière (deux fois) Hayya 'al·s·salah
levez-vous pour le salut (deux fois~ Hayya 'als·l-falah
Dieu est grand !deux fois). AJ/ahou Akbar
Il n'y a pas d'autre dieu que Dieu. La ilaha ifla·Llah

Avant la J)r lère de l'aube. les sunnites ajoutent jus te avant la fin de Ja prière
qui se termine par 11 All<.1/111.4k/xlr11 la formule suivaole : 11 l~a prière est
meiUeure que le sommeiJ. "Les chiites, eux. ajoutent : • Lève·tôi pour ra
nl ellle\1re des œuvre.s. "Les chiites d11odéclmains ajoutent une référence
à 'AU à la fin de J'adhan. Pour en savoir plus sur les différences entre les
st1nnltes et les chiites, reporte2·vous aux chapitres 12 et 13.

Takbir : Invocation de Dieu


Comme vous l'aur ez p~ut• être remarqué, la l ors de rassemblements musulmans, un orateur
shahad• feît partie de rappel fj le prière. le peutdemander à l'assistance du~pond re avec
rakblr, c 'eSl·â •dir~ la rormure qui consiste â un takbirdefa même manjêre qu'un an1mateur
énoncer• Allahri Akbar ' en fait é.galement peotdtn1anderà une foui!} de répét er un slogan
partie. Les musulmans omploient lréquemment populaire ou un-e devise commune. â tous.
c;:ette expression exclamative ep toutes son es le takbir peut a1,.1ssl é"tre l'axpressîon d'une
de cir.constances. On traduit habltueUement pîété personnelle, tout comme un chrétien
t:ette expression par " Dieu est grand » En poutponct.üoe,son dîscours de• louange it toi..
rait, une traduction plus lfttéraJe.sera!t «Dieu Seigneur .il,
est la plus grand 11 .
174 Troisième partie: La vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

La première prosternation (rak'a)


Selon l'heure de la Jo11r11ée e t la.1>rière associée, le cérémoniaJ de la prière
<:omporte e 11tredeux et quatre cycles de prosternation (mk'a), avec une
sêquence de gestes et de paroles d'accorn1>agnerneut. 1\u cours des cinq
prière~ quo1 ldiennes, le fidèle accompUt au minim um dix-sept raka. Dans
une salat en assemblée menée par un Imam (celui qui dirige la prière), les
fidèles récltenl les prières inté rieurement ou à voix basse. Avec de légères
variatfon.s dans la position du corps e t dans les paroles, à c haque éuipe. l.a
rak'O inclut les étapes sulva1,tes (chc.,cun des participants ayant au préalable
reconnu expliclten'1ent l'intention d'exécute r la salat) :

!. Debout, les pieds légèremellt écarté•, la personne lève les mains au


11iveau de le tête puis, les paumes tournées vers l'extérieur et vers le
haut, elle récite le takbir à haute voix. Les mains le long du corl)81 elle
récite la première sot1rate (Fatiha) e.t un autre passage de Coran.
Cette preJnlère posture se ter1nine µar la récitation d•un autre takblr.

2. Incliné, les 01alns sur les genoux, Je ridèle dit troi8 foJs : " Gloire à
Dieu tout-pu!s..~aùt. 11

3. Se red:ressan.t. Il dlt .i Dh?t1 e11ten1I ceux qui le louent. ô Seig:neur,


louw1ge ù toi 11 et termine par u.o autre takblr.

4. Le fidèle se prosterne, le front t·o\1chant terre, avec les deux mains à


plat au sol, et il dit "loué soit Dieu, le Trè.s-Haut ; qu'il &Oit loué " (trois
fois). Pulst U termine par 1111 takbir.
A près des années de pratique de ta salat, le ficlèle peut avoir sur le front
ur1e 1>etile l>os.sè bien v isible qui est considérée con1me le sJgne de sa
piété.

5. TI ~ red.re85ê et s 'assoit le pied gauche replié sous la cuisse gauche.. en


plaçant son pied droit .., poslUou ><ertlcale. les orteils touchant le sol
(plus l'aclle à faire qu'à expliquer 1).

Certains musulmans font à ce n1oment-lâ une demande de pardon pour


solliciter la rémission de leurs péchés, et tous 1>:rononcent u11 autre
takblr.

6. Pour clore la première rak'tJ. le fidèle fait une cleuxième prosternation


et se rc111c1 c11 position &$Sise.
Vouloir décrire le rltuel de la prière avec ses gestes e t ses paroles peut
p.;1raître un peu a rtUiclel et rigide. En fait, cela revient à déc rire la successioo
des gestes que l'on fait quand on veut saluer Ql1elqu'un en lui serrant la main.
À Qttel moment dols-je tendre la n1ajn ? Dois-je attendre que l'autre perso11ne
- - - - - - - Chapitre 9: les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 175
n1e tende la sienne? Comment dols--)e prendre la maln de l'autre personne ?
Que dois-je dire à ce mocnent-là 1 Dans la pratique, quand on serre la 1nain
à quelqu'un, oa ne pense pas à tous ces gestes. Il en va de même pour les
n1usulrnans qui pet.1ve11t fai re la rak'c1 en quelques mlnul es, sans penser aux
détails.
Dans la JJratique. les choses se font plus naturellement. avec une certaine
souplesse. Un musulman peut très bien faire sa rak'a entouré de petits
enfants qul gambadent. par exemple. Certains arrivent après le début de la
première rak'a et rattrapent sllencleusement ou répètent la rakO manquée à
la lin de la solot.

(@
~ Pour apprécier la snlal, Il faut L'avoir observée. Ë.n France comme ailleurs. les
a ~ mosquées sont très accue.illilntes aux non-rnusulmans. On vous y accu_e llle
~ avec beaucoup de chaleur et on vous lnvite à observer la façon dont se passe
~ la prière. S<\chei vous 11lo11tret respectueux et renseignez-vous à l'avance
sur les horaires auxquels vous pouvez venir sans problème. Vous serez
proba.b lement assis vers l'arrière (ou avec tes femmes si vous en êtes une)
et pourrez regarder sans participer. Élanl donné que beaucoup de paroles
sont dites à voix: basse, il vous faud ra quelques explications supplémentaires
pour saisir tout ce qui se passe. li exisLedes CD ou des DVD prévus
principalement pour de nouveaux convertis à l'islam ma.i s qui pourront vous
aidel' à mieux comprendre la salai e.n détail.

Les rak'as et les prières personnelles


facultati'1es
N'oublions pas que chacune des <:i11q 1>rièr es quoli<lle.nnes i1n1>llque deux
à quatre rak'as ( prosternations). Pour Jaire la rakà, il faut ëtre debout On
prononce un rakbiret on COlnmence le cycle suivant. À la fin de la deuxième
et de la dernière rak"a. u11e salutation type (la 1ah;yya) e-st faite fJOur·
demander les bénédictions de Dieu sor Mohammed. À la Nn de chaque cycle
clôturant Ja salât, Je .fidèle s•assoit et récite le témoig.oage (té1chahl1oud). suivi
de llnvocatl.on de ta bénédiction sur Mohammed et Abraham. A près une
prière finale pour la pa!x, le lldèle tourne la tête vers la d roite, puis vers la
gauche, en disant• la paix soit sur vous " (al·salamou alaykoum). La croyance
populaire d it que l'on s'adresse nnn seul ement aux personnes à côté de sol
mais également aux anges qui observent le Udè.Je dans sa prière: ainsi se
co1'\clut la salai formelle et obligatoire.

Fréquemment, le fidèl e continue à se recueillir en disant alors plusieurs


prières personnelles de son choix (du'a). Puis, li se lève et d it ol·rolqmou
alayJ?oum aux personnes qui sont à côté de lui. 11 peul a lors. s'11 le souhaite,
faire deux rak'as supplémentai res avant de s'en aller.
176 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

Voici un exemple de prièl'e facultative à la lin de la salai :
lin)' a d'autre dieu que Dieu, L'Unique. li 11'a aur:u11 ass('>e,ié. À lui
appartietJ/ la souuerai1te11! el à ,,,; uppc1rtien1 la louange. li est tout~
pttlssant. au-dessus de tout. 0 nton Dieu ! Personne ne peul pte.11dre ce que
tu donnes et per.ço11ne ne peut do111Jer ce Q(1e tu reh1ses. La magnificence
du Très-J1oul ne s'exercera patt conlre vous.

li existe bien d'auttes prières J)ersonnelles qui peuvent être dites en


de nombreuses circonstances. NatureHen1ent. le~~ prières attribuées à
Mohammed sont populalres, con1rne celle-éi que ron peut dire avant d'aller
se coucher :
Toute louange revient à Dieu qui foun1it le rePQs à mon corps. restaure
n1on 6me el t1te permet de i re pas l'oublier.

Un livre récent. paru au Seull en octobre 2007, regroupe les textes des prières
de cinq grandes religions- judaîsme. christianisme, islam. bouddhisme
et hindouisme. li peut vous aider à mieux saisi r la portée de la prière
musulmane. li est intitulé : Ce que les hommes disent aux dieux. Son sous~titre
est encore plus éloquent : Prières des grandes religions.

Jumu 1a : la prière communautaire


du (!endredi
Le vendredi, dans toutes les villes musulma.l\eS, la communauté tout
entière se réunit dans une grande mosquée conçue pour la grande prière
communautaire du vendredi (jum u'a) midi. Ce Jour-là, les fidèles délaissent
les mosquées de proximi té où ils vont habitue11ement en semaine.
Naturellement. dans les très grandes villes, li faut plus ieurs grandes
mosquées polir pouvoir accuetlllr tot1s c..-eux qui assistent à rassemblée du
vendredi.

En entrant da.n s une nlosquéc., le fidèle exécute habituellement deux


prosternations (rak D). Avant de démarrer réellen1enl la salai, uo lnta·m ou un
autre fidèle Instruit ntonte da.n.s La Cl\aire (tninbar) située à d roite de la .n iche
de prière (mihrab) . De là. il délivre un sermon (khutba). Certa.lns minbars
sont des chefs·d'œuvre mlnutleusemenl sculpté.!S. Dans des mosquées plus
modestes, l'imasn se t ient derrièr e un silnple lutrin. Le sermon part d'un
passage spécifique du Coran et commente un aspect lié à une c royance
ou à un con1por1en1e11t. Dans les pays musulmans. le sermon inclut
traditionnellement une bénédiction à l'intention du rot ou du chel d'État en
exercice. Tous les magasins, bureaux el lieux de t ravail ferment pendant le
set vtce du vendredi. mals rouvrent ensuite pour le restant de la Journée, t1ne
fois la grande prière terminée.
Chapitre 9 : les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 177
Le texte suivant tire du Coran (sourate LXII, 9-10) constitue la justification de
cette prière co1nmunautalrc du vendredi :
ô uous qui CTO)'t';. quand /'appel Il Io prf~re est p10elomé le jour de
l'aSJe1nbltt. empresse.z·uous de ff!venir uers Dieu. et ce.sse; uos- a/Toires..
C'est tt qu '11 y a de meilleurfXIU' uous •I uous le comprenez. El quand le
serot« d,._ prl~~ est t~nnini. d1sper.se;~uous oux quatre coins de la tel"l'I?,
chèn:hèx Io Jlinét0$1f' de Dl<!u et pensez soov.?nr à Dieu atm de prospérer.

Sl vous assistez a la grande prlè,., du vendredi dans une mosquée en Franœ.


vous trouvett:i peut·étre que '' ttrmon est 1rop tacite el moins connotë par
rapport à œux que l'on entend dans les tgllses cllrétlennes. Cependant. la
situation n'est pas co1n1:>arable. d'autant que l'Islam est divers. tandis que
l'observance de la prière est très suivie. Le niveau d'appréhen•lon est divers.
certaln.s sont 1rès avanc~s dans te domaine des connaissances reügïeuse:s et
attendent de l'imam un bon prkhe th~loglquc: d\iutres le sont bien moins
et cherchent &urtout des directives pour leur vie quotidienne. N'oubliez pas
que la grande pr1trc du vt:ndredl dans un pays musulman rëunit une vaste
assemblée à qui l'on peut délivrer un message qui peut êlre diversement
reçu par IC$ autorlt6 e111>l1ce. Parfois, le prêche est nettement en faveur
du gouvernement, 111011 Il arrive aussi qu~ la mosquée so1t une mosquée
dissidente, coinme ce fut le cas en tgypte avec les frères musulmans, et
en Algérie. au tem1>s du Front 1sla1nlquc du salut (FIS). Pour cette raiS-On,
le gouve.rneme.nt cherche à exercer un conl rôle strict sur les mosquées et
égalen1e11t sur la non1lnntlc.)n (le r1n1a1n.

La mosquée (masjid)
L'arcl1itecture et la cnlllgrapll le sont IC5 deux formes d'art les pl11s
Jmportantes d&ns l'lslom. l..es gr('nds cJ1cfs-d'œuvre architecturaux sont
les palalS (par exem1>le, l'Alhombrn on Espagne), le Dôme du Rocher à
Jérusalem, el les 3anctualres lun~rolres (par exemple, le Taj Mahal).
Cepe.ildan1, c'est dans l'arct,itecture des n1osquées que Je génie de râme
musuhnane se 1nun1resle nu plus hnul degré. Masjid, le mot arabe pour
" mosquée "·signifie le • lleu de la prosternation 11, f!Oullgna-n t combien la
prière rituelle est l'octlvltt! c~ntrale du culte. Le mot masjid peut signifier
n·lmporle quel terrain découvert qui ne soit pa.s rltuellemenl Impur et qui
soit opte à servir de Heu de prière
Le plan d·une n1osquff classique est calqué aur celul de la première maison
de Mohammed à Médine. Sur le cillé est d'une grande cour se trouvaient
les salles rt!servées aux éPouSes de Mohammed. Du côté sud de la cour.
deux rongées de piliers soutenaient un toit permettant de s'abriter du solell
brûlant d'Arabie. Le toit plat, les piliers, la cour et le secteur couvert orienté
vers La Mecque ont étt! repris pour le plan type d'une mosquée. Ce n'est
que plus tard. apr~s la conq~te de l'Iran. qu'est apparue la structure en
dôme qui a fié utilisée pour les mO<Squtts. Vot<l les caractéristiques d'une
178 Troisième partie: La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

mosquée qui néa.1l otoins ne se re lrouvent pas systématiquement dans


toutes:
.,, Mur de la qibla doté d'une niche de prière (p1ihrab) or1ent:ée vers
La Mecque.
.,, Pupitre (minbar) à la droite du mihrab.
..., Minaret.
Y Fontaine ou toute autre ir~sta llat i on pour la purification .
.,, Hall de prière .
.,, ·rapls de prière dans la grande salle et dans les salles attenantes .
.,, Espace spécial an\énagé pour les lemmes.
Dans une mosquée, li n'y a pas de sièges ni de chaises (excepté peut·être
au fond pour les personnes handicapées). D'autres structures peuvent étre
associées à une mosquée ou incorporées à la mosquée eJle-m61nc, com1ne
des écoles pour les enfanls en bas âge. des madrasas d ispensant une
formation plus élevée dans les é tudes islamiques, et des hosplce.s pour les
voyageurs.

Les mosquëes ne sont pas toutes pareilles. Dans certaines réglons d'Afrique,
le service d·u vendredi peul se tenir sur un grand terrain découvert en dehors
de la mosquée. Dans certains pays occidentaux où l'Jmplantation de l'Islam
est relativement récente., la mosquée peut être une ancienne église. Elle peut
aussi s'abriter derrière une ancienne devanture de magasin qui ne Laisse pas
deviner l'existence d'un lleu de culte.

Comme pour le minaret (voir précédemment l'encadré sur Jes nllnarets dans
ce c hapitre). l'architecture d'une mosqu.é e varie selon les régions du monde
rnusulma11 où elle se trouve. Le revêtement extërleur peut être aussi bien (le
la brique, de la pierre, de la terre battue. des carreaux de céramic1ue ou tout
autre mal'érlau. La fJgure 9·1 montre la mosquée bleue à Istanbul (en baut)
et la mosquée d'Al-Aqsa à Jérusalem (en bas). qui est la troisième mosquée
sainte de l'islam.

Vous ne verrez jamais de représentatior:is 1l umaines 0\1 clivtnes dans


Jes mosquées. Vous n'y verrez pas de vitraux ni de peintures murales
représentant des scènes du Cora.n, ni de st-<11ues d'anges ou de f\1ohanlnled,
ni d"au\res pctsonnages clés de l'islatn. Cela oe veut pas dire pour autant
que les mosquées ne soient pas décorées : la céramique. le stuc et la l)rique
fournissent un maté.r'lau qui pet1net de rnultiJ)les agencements élégants. Le
motif le plus fréquemment représenté est celui des versets du Coran~ dont les
arabesques et les volutes s'entrelacent si artistiquement, avec une sî grande
qualité d'abslractton qu'il est parfois difficile d'arriver à retrouver le te.xte
arabe même quand on connaît bien l'arabe. Frises décoratives et panneaux
de caJllg'faphle du Cora.n peuvent a_llerner avec des pa11neaux. de dessins
géom~trlques a llstralts ou des modèles de fleurs. de feuilles e t de branches
(appelés arabesques).
_______ Chapitre 9: les cinq piliers du culte: fondements de l'islam 179

Figure 9·1 :
Ot1ux types
de mosquée
-.
Lïnterdictlon des images se fonde sur le cornmandemènt de la Bible
l1ébra'i'que qui dit: • Tu ne te feras aucune lm.age sculptée• (Exode XX, 4 ;
Deutéronome IV, 15-18). Dans le bouddhls1ne el dans l'hlndoulsine, en
revanche, Jes Images divJnes jouent un rôle important. Dans l'islam,
l'lnterdiction des ln1ages s'a1>plique l'lgoureusemet1t aux 1nosquées mals
pas toujours à la décoration des bâtiments non religieux. Cette interdiction
calégorlque des ln1ages fait que l'art lslamlqlle ne conna.il r ien de comparable
à Ja tradition pictural e des pays o<:cidentaux. Pas de Rembrandt, de Monet
ou de Léonar d de Vinci dans l'islam. Il existe cependant une tr adition
d'illustration de textes non rellgie\l" transl'nise pc~r les 1l)a1l11scrlts persans où
l'art de La n1i.nJatu.r e s'est épanoui avec virtuosité.
J8Q Troisième partie : l a vie musulmane a u quotidien : tradition, pratiques et éthique

La première mosquée de l'islam


la biographie trodltionnollo de Mohammed chomeausemltolors6genouxmaitMohammed
rapporte l'histoire $u1van1e. quand Mohammed n'en descendit pas. Le chameau s'éloigna un
8S1 artivè l.a p(em1ère fois à Médine, plusjeurs peu mai.s.revint au même endroit et s"affaisse,
grandes fam11fes focal-es voula..nt qu' 11 dtmeure èpu1Sé, sur le sol Mohammed desceodrt de sa
chez elles. Mohammed. cependant e laissé à mon1ure et entra dans la m11son le n.itaur des
Ortu le som de cbo1s1r. Juch& sur son chameat.t.. orphelm raçU1 dt farglf\1 pour se maison et
11 s'est Jatss8 Qbider par fin.mal le chameau pour la te"a1n, Il c·111 I• que Mohammed et
1trn1a finatemen1àunemaJson1pp1r1enant â les sieM constru1s1ren1 ltur me1son qu, allait
deux orphelins etquî $8 trouvait sur un terrain devenir ta première mosquée
découvert u\11~ pour iarre sécher lu d1ues. Le

Zakat (troisième pilier) : solidarité


Toutes les religions Incitent leurs fidèles à soutenir llnanclèrement et
matëriellemenl les se:rvkes religieux ou sociaux et à contribuer à l'éducation
et Il la formation. Dans l'ls!Am, cette !orme de don est Institutionnalisée sous
la !orme d'un lmp61 obllgatolre. ta =<1ka1, que tout musulman doit versu
annuellement. Sans voulo1r rentrer dans des délalls un peu compliqués,
disons que le taux de base e<t de 2,5 %de tout t'actif disponible, en comptant
également les blcns qui rapportent. Des contributions e.n nature sont
spécillées pour le bCtall et les récoltes. L.a zakot n'est pus prélevée sur le
logement ni sur les possessions personnelles de base nécessaires. Si une
propriété est évuluéc comme étant en dessous <lu scull <l'h11position au
litre de la wkat (ce minimum ..appelle le nisab). la zokot n'est pas perçue.
Le nisab est évalué Ala valeur de 87,50 g d'or, ce qui, en décembre 2007.
représentait environ 900 eut0$. Il existe dC$ situ web et des publications
musulmanes qui ak:lt:nl le croyant à chiffrer Je monta.ni de sa =akat. Pour
calculer le montan1 de la UJ.ltat. vous pou\ICZ consulter te sire ln1erne1
suivant ;~ "" f 1ewrts11•.net/pagei/ta.t_czkt.ht11 . La z.akot peul être "·ersée
à ta mosquée. de son quartier ou à divers organl.smH Islamiques habilités à
reœvoir et à redistribuer l'argent récolté. La ;;akar e11 employée pour a ider
les pauvres el les malades. JJour diffuser la fol nlusulmane. 1>ayer la rançon
des prlson11lers1 aider les voyageurs, affranchir lc.s esclaves musuhnans.
soulager des deltes et, cl'une Jllanière gênêruJe, défendre l'Islam.
_______ Chapitre 9 : les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 181
Dans le Coran et les haditl1s, de nombreu.x passages exaltent les actes
charitables. La sourate Il, 267 dit :
ô les cro)f(Jnfs/ Dépensez les 1neilleures cJroses q,,e vous aue.z g<1gnées er
des récoftes que Nous avons lait sortir de la terre pour vous. Et ne oous
tournez pa.f vers ce qui est v;f pour en faire dé1>e1tse.

Un hadith rapporte que f\1ohammed a d it que .. celui qui pourvoit aux besoins
de la veuve c.t clu pauvre est con\parable à celui qui combat pour la cause
de Dieu, ou à celui qui se tient éveillé la nuit ( pour prier) et jeûne Je Jour"
(Bokharl 69.1). Un autre hadith raconte qu'une prostituêe a été pardonnée
de ses pêchés parce qu"elle a enlevé sa chaussure et qu"elle y a attaché son
foulard afin de pulser de l'eau d'un puits pour donner à boire à un chi<'.Jl qui
mourait de soif (Bokhari 6.6).

Il est également recommandé de faire d'autres actes de charité et de piété


sous forme de dons volontaires (sadaqa). Ces dons ne rentrent pas dans le
cadre de l'obligation légale de la zakal. En outre, les musulmans a1$éS créeri1
souvent ou contr1bue1·1t à des fondations charitables, par le b·iais de dons ou
de legs. Comme beaucoup d'autres fondations à vtsée philanthropique en
Fra.nec 01.1 ailleurs, ces ronds sonL destinés à des actions bien spécifiques,
telles que le soutien financier de madrosas {écoles is lan1iques), de mosc1uées
el d'hôpilaux, les subventions à des centres d'hébergement pour voyageurs
et l'aide aux plus pauvres.

Sau!m (<[uatrième pilier) : jeûne et


méditation
En Lemps normal, l'lslrun ne recon1mande pas l'ascétls1ne ou l'ab11~gatlon
absolus. Dieu a c réé le 1oonde physique et le corps humain pour le plaisir.
Le salut ae vient pas de la négation de besoins physiques liés, par e..'<emple,
au se:xe ou à la nourriture. Cepe.n dan1, le monde physique doit être apprécié
avec modér ation.

À l'origine, le jeûne avait lieu le dixième jou.r de muharram, le premier mois


de l'année musuhnane. C'est toujours un jour de Jeûne volontai re (parmi
d'aulres). Après rétablissement de la communauté à Médine, et avant la
mort de Mohammed.1 le ramadan a été rêvéJé comme étant Je mois du j eûne.
Ramadan (dont le nom signifie llltéralemenl 'grande chaleur 'ou " bra&ier •)
est le neuvième mois du calend.rier masulman. Con1me tous les mois,
ramadan commence au coucher du solen après la pren1tère ap1>arltlon cle la
nouvelle lune (!ri/a() à la fin du mois pré<:édent. cha'ban.
J82 Troisième parti e: La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Le début <:lu mol.s co1nnlence à J'l1eure de l a nouvelle June. C'est pourquoi le


croissant de la nouvelle lune est le symbole visuel le plus courant de l'islam
et couronne Jrêquemn1ent les toits des rnosquées. Les pays musulmans
a rborent souveut ce croissant de lune sur leur drapeau n.ntfona1.

La détermination précise du début du mois est très Importante au


moment du ramadan et du n1ols suivant. chawwal, car ces deux dates
marquent le début et la Cin du n1ois de jefu1e. Les musulmans, qui au
Moyen Âge étaient beaucoup plus avancés que les Occidentaux dans
l'observation astronon1lque, savent depu_ls longtemps que l'on peut calculer
3$tronon\iquement la date de la nouvelle lune. Néanmoins, la coutume qui
consiste à s'en remettre à un téntoln digne de confiance pour déterminer le
débu1 el la fin du mois simplement à l'œll nu persiste encore aujourd'hui.
En France, c'est le Conseil français du culte musulman (CFCM), composé
de représentants de plusieurs organisrnes musulmans, qui est chargé de
contrôler la visibillté de la nouvelle lune et d'annoncer le déb1Jt et la fin du
ramadan.

/ ~" Vous pouvez saluer vos an11s mu~uln1ans au début du nlois en leur souhaitant
ran1adan n1utxJrak (• ra1nadan béni 11), lis "'ous répondront ramadan karin1
(• ramadan généreux •),

De l'aube au crépuscule
Pendant le n1ois de ramadan, les musulmans Jeûnent de l'aube (le mon1ent
où l'on peut com11lencet à d istinguer un fil blanc d'un fil noir à la lumière du
matin) au coucher du soleil. Le jeüne., c'est:
fi"' Ne pas manger.

,..Ne pas boire.


v ·Ne pas avoir de rapports sexuels.
Y' Ne pas fumer.

Les théoJogiens 1nusulmans entrent dans des consîdér-atlons très subtiles


pour déterminer les actions qui constituent ou non une violation du jeûne.
Par exe1nple, une personne ne doit pas avaler de médicaments pen<la1lt
le jour mals peut recevoir des piqûres. Les fem1nes enceintes et celles
qul allaitent, ainsi que les personnes qui sont de maniè-re permanente
handicapées mentaJes ou physiques, sont dl$pensé:es d1..1 jeûne. Certaines
personnes peuvent repousser le j eûne pour une partie de ramadan mals
doivent alors rattraper les jours manqués au cours de l'année qui suit.
Les femmes qui ont leurs règles. les petso11nes malades et les voyageurs
peuvent ou doivent rernettre le S(ltvm à plus tard ea rattrapant les Jours
l'nanqués au cours de l'année suivante. Les enfants commenceot à jeûner
progressivement, augnlentant la période. de l'observance jusqu'à ce qu'iJs
_ _ _ __ _ _ Chapitre 9 : l es c inq piliers du culte : fondements de l'islam 183
puissent jeûner 1~ndant tout le n1ois de ramadan. Celu1 qui lnterro1npl
sciemment le jeüne sans avoir aucune excuse e!!-1. sévèrement mis à J'îndex
par toute la con1munauté.
La OdéUté de l'observance ' .iarie. Dans certalns pays musulmans, rttat ou des
groupes associatifs essalen1 d'obllger lous les musulmans à observer le jeûne
en public (il ne s'applique pas aux touristes). Cependant., dans l'intimité de la
n~aison, certains sont plus stricts dans l'observa11ce que d'autres. U est rare
aujourd'hui que quelqu'un quJ ne jeûne pas puisse le montrer ti ans les rues
cle pa>·s arabes ou musulmans. Il se fera rapidement rappe)er à l'ordre par
les c royants et la police même peut le coffrer au préte•te qu'il contrevient à
11dentité musulmane de la nation.

Un iour de ramadan
Lobser\rance du jeüne de ramadan varie légèr ement d"une culture à ttne
autre. 1nals l'essentleJ reste Identique. Les musulmans rompent Je jeûne
dès le coucher du soleil (se rappe ler qu'une nouvelle journée co1nrnenc:e
ao coucher du soleil). Ils pre.n nent leur repas principal plus tard en solrée,
avec éventuellement un repas léger la nuit, peu avant Qtie ne recomn)ence
le jeûne de la ntatlnée suivante qul s·annonce-. Il ne s·agit pas de se goinfrer
le soir pour co 1n~nscr Je manque: de la Journée. La soirée est un n101nent
de détente, de visite, de prière et de récitation du Coran. Dans les Corans
im1>rimés, le texte est divisé en trente sections pour faciliter sa lecture
intégrale penda11t le ran1adai1. Les psalmodies du Corno ryth1nent La
soirée. Les personnes pieuses peuvent faire une salai volontaire avec
vingt prosternatl<>n:;, ~ ur) mo1nent Ol1à un autre après la cinquième prière
prescrite de la journée. Certains vont à la mosquée pendant la soirée,
parth.:u1ièren,1ent <lurant les d ix cleri\lers Jours du mois. Un jour Impair de ces
dix derniers jours - il s·agit sou,1eot du vingl-septlèo1e Jour de ramadan-. la
nuit cle lailat a/.qadr (dite « de la pulssance • ou «du destin •). commémore
le moment où la première révélation coranique a été faite à M ohamnted.
La récltatfon du Coran pendant Je ramadan rappelle le don du Coran fajt à
Moha111rne.d.

La souriite Il, 183-185 d it : 0 IM croyants 1On oou.<a pre.«:rit le jeûne comme


on J'a prescrit à <·e ux d'avw1t vous, ainsi c1ttel11drez-vous la plété. pendant un
001nbre déterminé de joun... {Ces ;'ours sont/ le mois de ramadan au cours
d11quel le Coran i1 €té enOO)'é com1rte gr1ide pour /es geas.

Les musulmans commencent le jeûoe chaque jour en annonçanl leur


intention (nÎyya) d'observer le jeûne. Pendant la j ourrtée., les activités
nor1nales continuent. Ce ne sont pas des vacances ni une retraite religieuse.
CoJnrne vous pouvez alsémt..11t l'imaglncr, le ryfhme de la vie quo1ldlec1nc
ralentit. ttanl donné que le calendrier musulman est un calendrier lunaire,
sur 1.111 certain nornbre d'années, la pétlode de ramadan finit par Inclure
184 Troisième panie: La vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

toutes les saisons de l 'année. Dans la fraicheur de J'hiver, La période de j eûne


est plus courte et moins contraig.n ante que pendant les grosses chaleurs de
l'é té. quand la période du Jeûne peut dépasser·dix-huit heures en raiso11 de la
l ongueur des journées.

~
Si vous prévoyez un voy·a ge d'affaires à destination d'un pays musuln1an.
a tâcl'I~ d'éviter le rnois de ramadan ou alors soyez bien cooscient du rail que
vous ne pourrez pas accomplir votre t:<"i.che a\lSSi rapidelnent qu'à une autre
période de l'année.

La si9nification du sawm pendant le


ramadan
Les Occidentaux s'arrêtent souvent au sens prernier' des observances
musulmanes et ne se rendent pas touj ours compte qu'il s'agit seulement
d'un polnt de départ En réalité, on peut consldérer qu'il y a trQI• niveaux de
signification au mols de ranladJll'l:
"' Le niveau llltéraJ : r>as de nourriture, pas de boisson, pas de tabac, pas
de sexe.
VI" le niveau moral : en JeOnanl, le croyant apprend aussi à éviter d'autres
péchl!s, tels que le mensonge, la calomnfe ei la colère, qui peuvent
rapidement annuler reflicaclté du jeOne de la journée et exiger l'ajout
d'un a\Jlre jour de jeû.ne. Par le jeüne., le ridèle éprouve la prlva1 Ion
dont les pauvres souffrent tout au I01lg de l'a1lnée. li devient ainsi plus
sensible à leur situation dlfliclle.
..,,, Le niveau a;plrituel : e n se privant de d istractions pendant Je jeOne, tes
musulmans se tournent davantage vers Oieu. la seule et ultime réalité.
Les ·m usuhnans sentent une plus grande proximité ave.c Dieu pendant Je
ramadan.

L'observance du ramadan est une source de bénédiction et non u11 moment


d 'é preuve. La tradition dit que pendant le ramadan les portes du ciel sont
ouvertes, les 1>0r tes de l'enfer sont fermées et Satan est enchaîné. Le jeûne
du ramadan vaut trente fois plus que le jeOne à tout autre n1oment . Selon
le grand théologien musulman Al-Ghazali (1058-1 Ut), Je j eûne du ramadan
représente un quart de la loi.

'Id al-fitr (fête de la rupture du ieûne)


Quand s'annonce le soir du -v ingt-neuvième jour de ran1adan. les 1nusuhnans
attendent ar demment l'apparition de la nouve11e lune quj donne le sig.n al
de la lin du ramadan et Le début de la plus grande période de festivité de
- - - - - - - Chapitre 9 : Les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 185
l'Islam : 'id al·filr (l'autre grande fête est celle du sacrifice qui a Jieu pcnda1tt
la célébration du pèlerinage). Cette période de réjouissance dure trois jours.
Le premier jour. les fidèles assistent à une salut spéciale avec ser1non dans
la mosquée. Les musulmans donnent une zakat suppJé:meataire (zakat
al~litr) directement aux pauvres. l,.es coutumes l.ocaJes in\pllquent d'aller
au c imetière, de rendre visite.à des amis, d'échanger de petit·s cadeaux, de
préparer des nourritures spéciales et de restoyer ensemble.

~
Pendanl l'id al fitr. vous pouvez saluer vos amis musulmans en Jeur disant Aïd
4

8 · moubarak (• 'id bénie·~· lls vous répondrontAfd katln1 (- 'id généreux•). Vous
pouvez même envoyer une carte électronique de 'id en vous connectant par
. exemple sur wvw . ~ n1 11at t o n s-ea rL es . c:om

Hadj (cinquième pilier) : le pèlerina9e à


La Mecque
Même ceux quJ ne connaissent rien de l'islam utilisent le nom de La ~1ec::qu e
comme sy1tony1ne dt? « cle$tlnatlon suprême 11, « lleu 1nythlque 11. Le pèlerinage
dure du huitième au douzième jour de dhul-hljja, qui est le douzlème et
der11ie.r rnols de l'année musulmane. Les pèlerins ont préparé plusieurs mois
à l'avance leur voyage et 1eur séjour cla11s les villes saintes de l'islam. De. nos
Jours où ron peut voyager en avion en toute sécurité et de façon confortable.
le pèlerinage est deve11u très populalre: Lous les ans. plus de deux millions
de personnes font le hactj. La prise en charge des pèlerlns - nourriture.
logement, guides, déplacement d'un endroit à l'autre, hygiène et toilettes à
prévoir - est un défi logistique ilnportant pour le gouvernement saoudien.

Tout musulma11è 1l étal de le Jai re doit erfectuer le pèlerinage à La Mecque-au


moins une fois dans sa vie. Les musuJn1ans ne dolve11t 1>as s'endetter pour
cela ni sacrifier le bien-être matériel de leur famille alin d'entreprendre le
voyage. IJ est certain que celui qui fait le l1âdj en rctlre un certain prestige qu1
lul permet de recevoir le titre honorifique de hadji (hajja pour one rernme).

L'lmportance accordée au pèlerinage re111ont'e atix premiers temps de L'is'lam


con\me on peut s'en rendre compte en Usant la sourate XXII. 27-29. qui dit:
Proclamez le pèlen'n<~ge par1ni tes ho1u1ne.ç : il$ viendront à vous à pied
e1 sur toutes sortes de montuTes, fatigués par u11 long VO)'Ofle après avoir
traverSé de hautes 1no111,agne.ç et des rauins profonds... laisscz~les alors
accomplir les n'tes prescn'ts, remplir {e(ITS vœux et falre le 1our de la
maison antique fla Kaaba}.
186 Troisième partie : l a vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

Le hadj du rêve à sa réalisation


Avant la Oeuxiè1ne Guarre mondlale, environ parfois compter deux ans supplémentaires
10000 personnes peran fe1Salent 1• pèlerinage. pour le retour che1 soJ.
Le voyage était non seulement long, mais éga·
Selon une est1n\at1on, de nos Jours, environ 10 %
lomenl difficile QI coùteu• en raison du bandi-
tisme et d-es péagésimposésaux C"aravanes.-de des musulm:ans, â uo moment ou lt un au tee, font
pôlerins en route vers la Meçque, Beaucoup le pèlerinage. bien que cetfe proportion pulsse
de e-eux qui faisaient le voyage autrofois augmenter. Malgré la conuOle-strictBxercé par
s'arrêtaient pendant longtemps en chemin. Io gouverne.ment saoudien .sur le_pèteril'lage et
Des savants venus de loin restaient partois it sut le quota de pèlerins autorjsés par pays, le
1Iad1 reste-une occasion impor[ante d·lnte.rac·
Médine età la Mecque durant plusleurs nioii,
voire pfu$ieurs-années. échanoeant ainsi leurs tlon entre personnes or1gloaires de-diverses.
réglons du monde musulman.
idées ~vec-d'autressavants. le voyage du hadj
pouvait prendra deux ans et 1J fallait encore-

~
~ Si vous a·etes pas musulman. vous pouvei toujours observer comment
li se pratiquent la salai et le sawm du mols de r:unadart En rev;ul cl1e, vous
ne pourrez Jamais aller à La Mec<aue ni à Médine afin de voir le hadj en
personne. La zone qui enloure ces deux villes est un périnlètre sacré ln1er dlt
(liararn) aux non·musulmans. Rassurez.vous, cela ne veut pas dire que le
hadj soit entouré d'un gra11d secret. Grâce à des vidéos. vous ()QUVez vivre
le haclj par p rocuration. Régulièrement, les grandes c haînes oationa.Jes de
télévisio11, la c haîne franco-allernanc.le Arte e t mênle les chaînes du câble,
co1111nc Planète ou Voyage, di/fusent des reportages généraleme.nl bien faits
sur le pèlerinage à La Mecque. fi suffit d'y fa1re attention el vous aurez de
quoi nourr ir votre c uriosité.

Le centre de la terre
Pourquoi La ~1 ecclu e et le Jrodj sont·iJs si importants dans L'islam '/ La Mecque
étajt déjà dè.s le dëbut un sanctuaire arabe tmportanl, lleu de 1>èlerillage
à l'époque pré-Islamique, et les élément; importants du ri tuel du hadj
renl ontent à La période antérieure à la prédlcatJon de Mohamme<I. Au début,
en raison de la guerre e11tre la Jet111e comntunauté 1nusul1nane de Médine et
la vllle de 1-."l Mecque, les mtLsulmans ne pouvaient plus fair e Je pèler inage.
Quand les musulmans ont coaqu1s La Mecque e11 630. leur pren1ier ac.te a été
de pur ifier la Ka aba., le sanct\ Laire antique de La Mecque~ de ses non1br euses
statues païennes. Peu avant sa mort en 632, A1ohanl med a rait son pèlerinage
d'adieu à Ln Mecque. Ce pèlerinage rournll le nindèle définitif cle la manière
dont on doit effe<:toer le pèlerinage.
- - - - - - - Chapitre 9: Les cinq piliers du culte: fondements de l'islam 187
Ui Kaaba (littéralement • le cube•) est en fait un parallélépipède dont la base
carrée mesure 12 mètres de côté et 15 1nètres de hauteur. Ue.s t recouvert
de Ussu noir décoré d'une bande de versets du Coran brodés au fi1 d'or.
Cette tenture est fem1llacée tous-les ans. Une pierre noire sacrée (environ
30 cm x 40 cm) enchâssée dans uoe armature d'argent est insérée à environ
1,5 m du sol dans Je coin sud~est de la Kaaba. La porte d'entrée pour pénétrer
à l"lntérieur de l a Kaaba se situe à gauche de la l)lerr e no·l re, au centre du mur
situé à l'est. Le centre de la Kaaba est l'endroit vers lequel se tournent les
fid èles pour la prière. Une lois à l'inté rieur cle la Kaal>a, on peut prier dans
n'ln1porte quelle direction. La grande n1osquée. (Masjld al-Harn1,;) rei1fern1e la
Kaaba, qui se trouve d~ns la cour centrale découverte.

La grande mosquée
Même dans le Coran, le mot mas1ïdest ernployJ\ .sous la cfirecnon du cêlè.bra architecte Sinan
pour parier de tout endroit où l'on adore Oieu. eu xvl' siècle. Les seuls traveux de restaura·
L'emploi de ce terme n'est pas limité aux empla- tian.et d'agrandissemententrepris par la suité-
cements musulmans n1 à des bâtiments. la datent des années 1970 sous le ror Fayçal
gca"de mosquêe a êté construlte par Omar, le quj a tenu à préserver autant que pos'àible la
deuxième calife tsuecesseurde Mohemm~dl et structure ottomane. l a mosquée d'aujourd'hui
a àtéagrand1e et reconstruite un certain nombre peut contenir 1usqu'6 un million de.personnes1
de fois. La forme essentielle de le structure So œ111e est vingt fois supérieure à celfe d• I•
actuelle remonte à l'époque1JttOmane où des- basilique Saint-Pierre-à Rome.
ttav-aux de reconstruction ont ëtô ettectuôs

oiaprès le Coran, Adan1 est le l)remier à avoir construll 1a Kaaba. Plus tard,
Abraham et son fils Ismaël l'ont reconstruite. En effectuant le hodj, les
1nusulrnans reproduisent non seulement le pèlerinage d'adieu de Mohan1med,
mals rappellent également des é vénements liés à Abraham. Un hadith
(tradition) dit que la pierre noire est descendue du ciel et qu'Adam le premier
J'a placée dans la. Kaaba. Plus tard, l'ange Gabriel a m1s la pierre au gtand
Jour et ra donnée.à A braham pour qu'iJ la place dans la Kaaba reconstruite.
Selon une autre. tradition. la plerre était à l'origine blanche mais elle est
devenue noire à cause de la nojrceur des péchés de l'humanité. l...-1. Kaa1>a est
également a ppelée • la maison de Dieu • et elle est considérée comme étant
la reproduction de la maison de Dieu cla11s le septtème c.lel, là o·Lt se trouve le
trône de Dieu. Les fld·èJes, en déambulant autour de la Kaaba,. reproduise11t
les mouvements des anges qui tour11e11t sans cesse autour du trône de Dieu.
La biographie de Mohammed au vu1"' siècle par Ibn Jshaq rapporte que,
quand la Kaaba a été reconstruite en l'an 605 ap ~)roxlmativemenl- clng ans
avant que Mohammed soit appelé â étre prophète-, les disputes entré clans
pour savoir qui aurait l'ho1tncur de renlet.tre fa pterre à sa place ont fa iUI
1nener à la guerre civile. Mohammed. en raison de sa r éputation d'équité,
188 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

a été sollicité pour régler ce conflit. Il a placé la pierre sur un manteau et a


demandé à <:ha(Jue <:her de clan de saisir une extrémité d\1 n1anteau. et ainsi
cle portêr tous ensemble la pierre Jusqu'au n1ur de la Kaaba. Moha.m med a
alors replacé lui-même la [>ierre à sa place dans ie coin du nlur.

La journée du pèlerin
Les musulmans qui vont faire le l1adj s'inscrivent auprès d·une age.n ce
spécJallséc dans Je voyage religieux dans leur pays <.l'origine et sont inclus
dans un groupe. À son i:lrrlvée e 1l Aral>ie Saoudlte, chaque groupe est placé
sous la houlette d'us\ guide qu.i les aide pour effectuer les diverses activités
clu hadj, qul peuvent être compJlquées l)Our un musulman parlant mal l'arabe
et effectuant le hadj 1>our la première fois.

La consécration : ihram
Les pèlerins commencent leu·r ltodj en délaissaat leur mode de vie nol'male
et en se mcltant en état de consécration (ihram). La plupart des pèlerins
arrivenl â l'aéroport de Ojeddah oi:l lis procèdent à l'ihram s'ils ne l'ont pas
déjà fait dans l'avion ou dans leur aéroport de déparL Ils elfectuent d'abord
la purification principale (ghûsf), qui lrnpllque un lavage total du corps.
Puis les pêlerln.s proclament feur intention d'exécuter le hadj. Les ll00\1nes
s'habillent de deux tissus unis. bJaocs et sans coutul'e, <lont l'un couvre le
corps depu.i s la ta.i lle vers le bas et l'autre est drapé au.dessus de J'épaule
droite et noué à la taille. Aucune robe spécifique n'esl p-rescrlte pour les
femmes. Elles couvrent leurs cheveux mais ne portent ni voile ni bijoux ni
parfum. Tout ce qui est cou.st1ou en cuir n·est pas pern1is. aussi les pèlerios
porte11t-jl5 des sandales en plastique et une ceinture également en plas·tique
pour mettre leur argent et leurs J)apJers. Cela permet de gon1mer toute$
les différ<:nce-s e1ltre riches et pauvres, entre puissants el hu_m bles ; tous
sont égaux devant Dieu. E.n état de coosé<:ration, les musulmans ne sont
pas autorisés à se couper les cheveux ou )es ongles nJ à a.voir des relations
se:<ueJJes. À ce 1noment·là, les pèlerins font la prière. appelée Ja talbiyu. qu'ils
répètent fréquemment a:u cours de la semaine-suivante: labbayk allal1ou1n111a
Jabbayk (11 me voici. mon Dieu. me voicl 11) . La tra<.lltion attribue cette priêre à
Abraham au mo1nent où n a lnstil ué le rituel du pèlerinage.

Déambulatfr1n autour de la Kaaba : tau/a( et 'omra


Après la purification et rentrée dans La Mecque, les pèlerins déambulent
autour de la Kaaba en en faisant sept fois le tour dans le sens co11traJre des
aiguilles d'une montre. Cera s'appeUe le tawafet exprime l'unicité de Dieu
(tau;hid). Tous ess-aient de toucher la J)ierre noire mais la plupart doiveflt se
contenter d'esquisser un geste en direction de la pierre. Un had.ilh rapporte
que, pour éviter d'être taxé d'idolâtrie, Je caJife Omar a dit :• Je sais que tu
n·es qu'une pierre qui n'a 1>.as le pouvoir de faire le bien ou le nlal. Si je n'avais
- - - -- - - Chapitre 9 : les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 189
pas vu le Prophète t'embrasser, je ne t'embrasserais pas. •Après le ta<ool.
les pèlerins font une prière personnelle daos un endroit situé entre la pierre
noire et la porte de la Kaoba.
À la station d'Abraham, un 1>eu plus at1 nord-est, les pèlerins fonl une. solat
avec deux proster1\a11ons {rak'a). C'est ici qu'Abraliam s'est lCJlu quand il a
reconstruit la Kaaba. Alors qu'Agar courait dans tous les sens à la. rccl\erche
de l'eau pour éviter de voir mourir de saille petit lsmaêl, elle donne un coup
de talon dans le sol et l'eau en )allllL Les pélerins puisent de l'e•u dans ce
puits de Zemurn ., la bol,,.,nt Aujourd'hui, les pèlerins empruntent un
eK.alier qui les mùie plus bas à une galerie où se trou~nl des canalisations
~tulpées de robinets qui pern1~ttent de se servlT en eau propre.me11I. Pour
terminer, les pèlerins marchent et courent (sa' y) Kpt fols entre les deux
petites collines de Sa.fa et de P.1ari.A·a, falsaot ainsi mémoire d'Agnr qui
courail daJ\S rous les sens pour trouver de l'eau. Depult1 Io. restauration de la
n1osquée dans les anné.es 1970, ce 1>arcours d'environ 3()0 1nètres s'effectue à
l'intérieur du nlur d'enceinte sltlLé au nord-est de la mo!'quée.
Les a.cttvJtés évoquêes cl-<les.sus. quand eues sont exécutées en dellors de
la période du hadj, c:onsllluent l''omra (c'est-à-dire le • petit p~lerinage o). qui
est un acte de piété mals ne remplace pas le hadj. En dehors de la période du
hodj. les pèlerlns termlnen1 l ce stade l'étape de la consécration.

Station dans fa pfaine d'Ara{at


Avant la 1ombée de la nuit, les pèlerins partent pour le vlllase de Mina,
distant de 4 km de La Mecque, où ils passent la nuit. Certains vont plus loin
et passent la nuit dans la plaine d'Aralat. à environ 10 km nu 1l1Cl-ouest de
l..a Mecque. Le lendemain. le neuvième Jour du mols. ils passent uu certaln
temps. voire toute la journét, de midi au coucher clu solcll, sur ln plaJne
d'Arafat ou s ur le petit 11 mont de Io n1lsérlcorde 11 depuis 11'.'"(\\ICI ~t()ha111111ecl
a délivré son sermon lors de son pèlerinage d'adieu. Aujourd'hui, des
brumisateurs géants distillent une fraicheur bien appréciable. qui abaisse
un peu la 1empéra1ure étoulfante qui règne sur la plaine d'Aralat. Cet arrêt à.
Arafat est un avant-goOt du Jugt:ment dernier où. selon œrtalnes traditions.
les musulmans qui onl accompli k? hadj apparaïtron1 en habits de lrodj. Ce
)Our représente l'apogée de l'ex~rience que v1t le pèler1n.

Le sacrifice : Id af-adfta
Après le coucher du solell, le ntuvlèn1e Jour du mols. a lieu un rr1ouven1enl
de foule important. Les pèlerlns en masse se dépêchent <le revenir à ~Una et
h l.a M ecque, pour passer la nuit à P.1ouzdallfah. Le lenclen1aln Ils rainas.sent
1

49 ou 70 cailloux (pas plus petits qu'un pois chiche ni plus grands qu'une
uoiselte) e t partent pour Mina. À f\11na, Ils lancent sept cailloux s ur Ill plus
grande des trois stèles. Cela rappelle le jour o~ Dieu a demandé à Abraham
de sacrifier son fils lsmat':I. Abraham a été rëcompensé ave-c la nalssancc
d'l.sa3e de sa confiance a\feugle en Dieu au moment de sacrlOer so1t fils.
190 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition. pratiques et èthique

(Dans la Bible, au chapitre XXII de la Genèse. il est dit que c'est le ms cadet
Isaac qui dewilt être sacrifié., et non Ismaël~ La tradition nlentionne le fait
que S..'lt-a1\ a lllslstê par trois fols auprè~ d'lsmaèl pour qu•11 refuse ce sacrifice.
Le j et des pierres l'e1>résen1c le rejet de la tentation de Satan. Les détails
de la tentation V{lrl<:nt selon les traditions. certaines Incluant également la
tentation d'Abraham et de ln mèr~ d'lsmaël, Agar.

À ce moment-là et lusQu'au 12 du mols a lleu à Mina la IEte du sacrifice ('id


al-adlra). Le 10 du mols. lous les musulmans du monde comrnémoreot ce
même s-acrlfk:e. Dans certains pays musulmans. cette fête s'appelle la Grande
Fête (;\id e~Kéblr). La salutation traditionnelle est la mEme que pour le
ramadan : Aid 1nubaroll. Uflê chèvre. un mouton. un chameau ou une vache
sont sacrlOés en mfmolre du bé!ier que Dieu envoya miraculeusement
à Abraham pour le s~crlflce, épargnant ainsi son 1111. Le ch<-1 de ramille
accomp11t les gcittcs du sacrifice selon Je rituel prévu el partage la vlande
avec ses voisins e.t les pauvres. l,.a 1nanipulation et la dlstrib\111011 de toute la
viande présente e 1\ excès à Mina à ce momenl·là constitue 1111 défi logistique
exceptic>nnel, mals les nutorltés r c llgieu:;es onl npprls à tout gérer.
À 11mage d'Abrahn1n disposé à sacrUler ce qul était le plus précieux à ses
yeux. tout musulman devrait être prêt à tout sacrifier pour Dieu. Celui qui
meurt pendant son voyage de hadj est un martyr qui Ira directement au
paradis.
t:état de consécration prend lin. De façon symbolique, les hommes se
rase.nt la tête ou se coupent une mèche de cheveux.. Les remmes se
purifient seulen1cnt. Les pèlerins peuvent enlever leur tenue de pèlerinage
et reprendre des activités normales (excepté les rapports sexuels). li$
revie·n nent à La Mecque 1>our une deuxième déa1r1bul&tlon autour de la Kaaba
(fawaf al-lf<t1lu). Ceux qui n'ont pas !ait le taUJ(I/ à l'arrlvt!e, ou qui l'ont fait
1nals n'ont pa.s fall ln course entre Safa et l\1arwa, le font à ce nlon1ent-là.

Clôture du pèlerinage
Les trois derniers Jours du ha<IJ, les oniième, douzième et treizième Jours de
dhul-hijja. s'appellent lei• !ours de la viande séchée " Tous les jours. ceux
qui sont restés lancent •ei>< cailloux contre chllcune des trois stèles de Mina.
Une rampe moderne à deux t!tages pennel de cana.User le llOI des pèlerins
présents.

Les pèlerins peuve1111nettre fin au pèlerlnage le dou:tlènle jour. Au cours de


c:ette période, une nouvelle tentur'e est rnise sur la K&aba. Avant de quitter
définitivement La Meoque, les pèlerins font habltuellcn1ent une troisième
déambulation autour de la Kaaba (tatoaf a/..w<1d(J', 11 la déa1n bulatlon de
l'adieu o) et oflrent une dernière prière d'adieu; • ô Seigneur, lais que ce ne
soit pas n1a clernlère visite à ta maison et accorde-nlol ln chance de revenir
let à plusieurs reprises. •
- - - - - - - Chapitre 9: les cinq piliers du culte : fondements de l'islam 191
Statistiques et logistique autour du hadj
Voici quelques statjstiques intér1s11nte1 sur et l'eau de Zemzam. 11 y e eu 43200 lentes 6
le h1d1. D'un point de vue purement 1091111- Min•. abr~tant an moyenna 40 p•lerins cha~
que, 11 h4d/ 1pp1rail comme l'un dos •v6ne- cuna. les tentes sont do16ea dt toutes les
ments annuels les plus flu.,.h1nts. En 2002, commodités él,ment11rts, y compris 1'61ac·
2311468 pllorms ldont 45 % dt ltmmtsl ont tncité, d.. salles de bt•n• tt un systàme de
1111 le h1d1. contra 294000 pèlenns tn 11165 cllmatasabOO par 6vapor1tt0n. O.Ux mille cent
leur tmv•e s'est effectuée en 6226 vols• guides, 26500 forces de m11n11en dt l'ordr-.
d11t1nthon dt l'eeroport de Dieddah, ou les 14000 collecmin d'ordures 113300 corfleurs
ptlonnsont emberquê dens l'undts 15000 auto· lpo1"'1e ruage au momont dt 11 d6cons6crabon}
bus tflr6th. sont au serv1ce.das pèlerins Plus d'un m1llton
da chèvres et de moutani (dont chacun coûte
la pn1t versé pour l'obtention du vls1 pour 11 100 eurost ont été Hcriflh
had1 ut de 205 euros et inclut les 9uld11, le
log1m1nt sous la tente, les transports sur place

La flisite à Médine (al-zi1Jara)


Après le hadj, la plupart des ptlerlns lonl la visite (o~zlyaro) au loonbeau du
Prophète à Mêcllne, où Io tradition mentionne des endroit• a visiter et des
prières à réclle r. Les musulmans les plus Intégristes. tels les wahhabites,
c1ul régissent la p ratique 1nusuln1ane en Ar abîe Saoudite, découragent tout
ce qui peut contribuer a 1J culte.<l'un ~ tre humain, y compris les vlslles sur
les to,nbes des saints, et merne sur la to1nbe <le Moha1nmecl. S'Iis 1>euvt.11t
lnterdlre Jes visites sur les to 1nl>e.s des sa ints musulmans, les wo.hhabites
ne peuvent pas Interdire les visites au tombeau de Mohammed. Comme La
Mecque, Mëdine, deuxl~me vllle sainte de l'islam. où .se trouve également
la deuxième mosquée sainte (Mo•jod on-/\'o/Ji ou ol-mosjid ol< hanf), est
consld&ée comme un périmètre sacré (haram) ouvert uniquement aux
musulmans. En accord avec: la tradition disant que les proph~lt.s sont
enterrés là où lis meurent, Mohammed a été enterre dans la chambre de
son ~pouse prèfêrée, Aicha, dans les bras de laquelle 11 esl mort. Les trois
premiers successeurs de Mohammed, Abou Bakr. Omar et Othman, y sont
également enterrés.
] l) 2 Troisième partie: La vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

Où aller l'an prochain ?


Beaucoup font le h11d1 ou I' 'tJmt.t (petit pèle ri· d'une r4glon tou1 enllère et donné.nt heu•
nage/clrcumamt>ulatron) pJus d'unt fois dans pl-O$Îeurs 1ours. de c•tébratlons ritueUes
leur vie Mats il txisre 69al1mont d"eutres Ces têtes annuelles 011c lieu génêfalernent
pèlerm1g1$ que le.s mv$ulm1n1 peuvent f11re au moment de t'1nn1vtr\•1re du samt ou à la
•11urgré date annrvers.a111 dt SI mor1. qu. correspond
i sa renaissance au ciel fcf chapitre 10}.
,,,,,, Jerwsaf. . : viDe de p:àlennag11mpomnc1
dlftl>le çhri.s:uan&ime rtstam li lt JUd115me. """ P•rtic•lllr itt c•trte : les musulmans c-b:dtes
elle constitue une pomme Cie discorde entre observent le h1dj qui est aussi pour eux
cet: tfois. grandes roliglons monothéistes. l'un des cinq piliers du culte Cependant,
C'est la trolsil!me vllle sau\tt de fïslam. Le pour beaucoup d'ontto eut, ri est tout aussi
nom arabe de Jérusalom est Al·Duds (11 le import.an1, voue devan1age, de rendre visi1e
Sainte •l. La mo•quée Al-Aqsa (•Il mosqu6a eux sanctuulros où 1ont enterrés certeTns
la plus lointaioa •)est la 1t01stèfnt mosquôo imams. les deux lieux do ptiler1nage chiites
sainte de l'Islam La mosquée Al·Aq1u et le les plus lmport1nt1 sont Kerbela, où Hussein.
sanctuaire d'Omar (le Dt.ma du Rocher) sont re fils du Prophète. 1 •1• m1rtvr1sé Ei:n 680, e1
shué-s dan$le périmètre 11crt 1ppel6 l'Es· le sanc-tu11r1 de 'Al•• Ned1af. Ces deux sitas
ptanade des mosquées (Al~h1,.m 11-thanf se trowent en lrek (cf. chapitre 12)
1n arebe,,, le .$8nctua.re noble •t qut est
une esplanatfe construit• par ••rot H6rodt
"""'l• 111oade i"ltrieur • bien qua tes souf1s,
tors de lt rinovatlon du ltmpl1 •u•f qu•;t •
observentle ludj. car ils retpecœntlnonq
pilten du cultt, Ctftt1ns mettent l°~ccenl
en1r..prisa au premlar iiècle de no1r1 ere. En
sur la dimension 1p1r11ueU1 du hadj e-1 vont
plus d'être sainte aux yeux des musulmans
1osqu·à dire qua Io h•dJ I& plus significatif
an ra1sbn de s.on 8$soç1atlon evec Jésus,
8Sl celui que l'on ffl\t ln1ér,curemen1 quand
David, Salomon. Abraham 11 lot proph6tos
on-cherche a so r1pp1ocher de Dieu comme
Juifs, h~ ville 1)1$t égalen1ont 1aln11 p11rçe
le font las soufla.
qu·,,11e est identifiée camnui él&n1 11 dos·
t1natlon de Mohammed lors dl son voyage En France, la nom do Malcolm X, le Je:ader du
nocturne (al·1va'). Lu péler1ns 01 les tou mouvement n1tionah1te noir aux États-Unis-,
risres en vtsite au Dôme du Rocher peuvent est bien connu, a1n11 que sa convef,-ion à
voir l'empreinte de son pied 1u moment de l'tsfam. Son ptl1rlneg1 6 la Mecque en 1964
.-on asc-ens1on aux C-ieUX l•l·mt·ra1l (comme marqua un tourn1n1 dans sa -w1e Ar-ni goût6
Il est dit dans ta sou111e XVll.1·31 â l'esprit de commun1u1• qui règne pendant le
.,,,, LestG•lltMX desaim: b~n que constdêré hadJ oU tous, que ne Qut soit leur Of1gi-ne. sont
8 égallté. iJ abandonne le séparatisme racial
comme p11J orthodoxe- par 111 w1hhe~1es: et
pcôoé par te mouvtmtnt N1t1on ot Isle m. Son
d'1utres9roupos int6gns1e1. l0: ptl1r1nage
aux tOinbeaux des saints mu1ulma1l11oue expêrienca est felat6e dan.s son autobrograph1e,
t'A11toblographio dt Molcolm X. Malcolm X &
un rôle lmponant dans la p16t6 populalro
Ci;11·•a1ns de ces·sanc-tuolces ont une unpor~ AIOJ< Haley, Preuu Pock11 (1999), et dano le
film de Spike le•. Malcolm Xlf 992).
111nce qui peut Atre sln1plen1on1 locefci, mnls
d'autres attirent des piJorins d'un p11y1 ou
_____ Chapitre 9 : les cinq piliers du culte: fondements de l'islam 193
Où aller l'an prochain ? (suite)
Ano1er Ici qua Maurice Béjart (mon 1111 2007). Jacques de Compostelle pour les chrê~ens.
lt chor,graph1 français de renom, s'Ul lul Certains d'entre eux sonl r1venu11uréolês de
aussi convortl 6 l'islam, de mime que Henri l'odentoti de sage. Elle leur permet de recruter de
Corbin, ~t11nne Omat. Cal Stevens et bien nombraax adeptes autour d'eux Gén6ratoment.
d'1utre1 enc0<1 iis tiniuent P•r fonder une pttJte confrérie que
D'autres grallds personnages om 11nS11111 le l'on appe"9 • tanqa •.
voyage 6 La Macque. un peu comme Saint
Chapitre 10
Pratique religieuse: autres rites
et coutumes
•• • ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Dans ce chapitre
._ L'ar1niversalte du prophète Mohammed et autre::s fêtes annuelles
.... Les r1tes de passage dans la vie d't11\ fidèle
~ Respect des pratiques religieuses et des coutumes
• Les femmes et la pratique religieuse clcu1S l'islam
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

L es spécialistes des religloos ront souvent une distinction entre ce crue


certains appellent la grande Tradition (avec un T 1najuscule) et les
petites traditions (au pluriel!). On entend par grande Tradition tout ce qui
est du domaine de la religion officielle, tes dog1nes, le contenu de la foi tel
qu'on l'enseigne. La grande Tradition est vêhiculée depuis toujours par les
chefs religieux oîficiels - les penseurs, le.~ prêtres, les moines, les imams ou
les rabbitlS. En conséquence, jusque très réce tn1ner1t. cette grande Tradition
était également le renet de la rellg·1011 vue du côté masculin, étant d01'\né que
la plupart des postes de responsabilité dans le doma1ne de la religion étai ent
tenus par des hommes. À l'opposé, les petites traditions sont c.:eJtes qui sont
pratiquées et ëlaborées par les gens ordinalre5. dans les milieux populaires.
Ces traditions populaires ne sont pas toujours reconnues et attestées dans
les ~ritures saintes et peuvent même entrer en con(Ulavec la version
autorisée par la grande 'l"radit-ion ofticielle. Les tra,Utlons i>opulaires sont
souvent intégrées et pratiqt1Ee-.s par les femmes qui Urent partj de cet espace
de liberté pour exprimer leur manière de vivre la religion (et prendre une
certaine part <:1ctive à la direction des affaires religieuses), sans 1.er1ir con1pte
des conttalntes de La grd.nde Tradition qtd fai t peu de cas de leur apJJroche.

, .,
E.a parcourant ce chapitre., gardez touJours à l'esprit Jes points sufvalilS :
La manière de pratiquer tel ou tel aspect de la religion et le degré de

1 fidéJlté à telle ou telle observance varient considérable111c11t selon les


cultures, les pays et les âges.
196 Troisième partie : l a vie musulmane au quotidien : lredition, pratiques el éthique

,,,,,. Le.~ pratiques varle.n1 égalelnent selon réduca1 Ion, la classe sodaJe.
renvironneme111 urba1n ou rural, fa piété ~rsonnelle et l'âge..
V' Il est plus dllflclle de décrire ce que les gens lom effectivement que de
clécrire le contenu clrs enseignements rellglcux et ce que les fidèles
.. devraient • faire. SI l es Institutions religieuses donnent une définilion
claJre cles croyn11ces et des pratiques Qtt'eJles préconisent, l i n'en va pas
de rnême en ce Q\11 concerne les lnfom1atlons que l'on peut recueillir sur
la religion vécue au quotidien par des fidèles Issus <le tous horizons.
..,,,. Certains th~oglt-ns ~t juristes mu.sulman.s s'oppo~t à certaines
pratiques Il~"' l 11slam populaire pan;e qulls considèrent que ces
prallq1.1C$ ne tirent pas leurs loodements du Coran. ni de la pratique de
la prenùère ~ératlon de musulmans (la tradition oflldelle). L'islam a
connu bon nombr~ de mouvernents créés pour ~purer la religion des
1>ratiques folkloriques, dont certaines peuvent venir d·autres reJigions
ou même ê l re antérletares à l'Islam.

L'islam au t{uotidien
Comment se renselgn<:r sur 1'1$lam populaire (qui nt ~nélicie pas de la
même doeumenta1lon fournie que l'Islam des enseignements olllciels)? Ce
n'est pas facile. Une discipline universitaire s'est dévt".k>ppée au cours de
ces dernières décennies en vue d'éludier la culture populaire.. La religion
vécue par le peuple fait partie de la cul1ure populaire el l)(cut être étudiée
de la mên1e 1nanlère. Ces untversitaires ne cherchent pas Jeurs Informations
dans les tcritures saintes de la religion mals plutôt du côlé des traditions
orales, des éno11cés loriult.s (dont le s ujet central peut ~t re bien éloigné de ce
qui C$t effectivement dl!), de la poésie et des é<:rl1$ Inspirés par la dévotion
populaire. L"anthropologle fournit une autre source majeure d'informaUon
sur la rellgîon. Le8 anthro1><>1<.>gues vont da.ns les villes et les villages où ils
pe-.1vent vivre penclant plusieurs années en faisant des •études de cas •.Ils
observent le mode de vie des habitants sur le te.rralrt et font des comptes
rendus détaUlés de leurs entretiens. fondamentalement. les anthropologues
essaient de rassembter des données brutes. tout c.:ontme le ferait un
physicien. Citape aulvante consiste pour eux à essayer de donner un sens
à l'ensemble des do11n~s recueillies en fournissant un cadre interprétatlt
L:anthropologue prëte allcntlon aux explications données par les personnes
sujets de son étude rnl'1s c1terche égaleme.ilt d'autres expllcatlorts à ce
quil observe. Sans avoi r eu de réelle forma1 ion en anl hropo logle. cert.ahls
auteurs qui dâJlS le 1>A$Sé O•ll véctt ou voyagé \111 1>eu partout dans des pays
u1usuln1ans 0111 1nls par écrit leurs observations et leurs œuvres sont une
mine lnesl ht1ablé d'informations. Dans ce style d'ouvrage, on cite souvent
Je travail de E. \V. Lane sur les mœurs et coutumes des ~gyptiens modernes
(Manners and Ci1$loms of 1he ,\f0tlem Egyptians, Amerlcan Unlverslt:y ln Cairo
Pres<, réédité en 2002 mals non traduit en français). qui parut en 1836 et
s'appuie sur cinq ans cfe vie en symhlo$e a,..-ec les hobltancs du pays.
- - - - -- ~-- Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 197
P<>ur obtenir des renseignenlents sur la rellglon officJelle, 11 n'y a pas de
difficultés. Malheureusement, dès qu'il s'agit d'avoir une vue d'ensemble de
l'Islam popula.Jre, les choses sont beaucoup plus difliciles. Voyez comment
travaille un anlhropologut:. Il effect\1e ses travaux sur le terrain, d e façon
inl ensive, dans un seul village ou un seul groupe de villages. Dans 1e meilleur
des cas, quand n dispose de sufflsamment de matière pour son étude,
l'anthropologue ou un autre spécialiste des reUgions peut cornbiner ses
études pour parvenir à un panorama de l'isl am po puJalre. U faut e.n core
beaucoup plus de t ravaiJ et beaucoup plus d'études pour J>àrvenir à donner
une descrlpllon globo.Je de l'islam populaire. À cet égard, i! est Inté ressant
de consulter les passages se rapportan1 à l'ls1an1 clans h~$ a rticles traita.nt
de la religion populaire, du folklore religieux, des rites de passage et de la
liturgie dans l'Encycl<>pédle de l'i-1/am, redigée depuis le début du""" siècle
par un grand nombre de spéciallstes de l'islam. Il est également intéressant
de consulter la Risa/a ou lpttre sur les éléments du dogme de l 'islam ("tcole
malikit8;) d 'lbn Abi Zayd Al-Qayrawani, en par tietiller la 1 radoctloo qui e.n a
été [aJte par Léon Bercher (Alger. 1975). car il t raite d'un islam qui est proche
des gens. Pour les aspects Juridiques. la lecture d'un autre traité, celul de
f\1a\\•erdi, Les Statuts gouverneme11taux, publié en 1984. s'irnpose, au ru.oins
pour le.s informa1 Ions liées au droit musulman qu'U apport e.

À plusieurs ·reprises dans ce c hapitre, j'évoque des exen1ples tirés du


~1aroc . La raison eo c.sl tot1t sim1>lement que c'est là que les études
anthropologiques les plus fouillées ont été réalisées. Ainsi. beaucoup
d'auteurs français ont étuclié les ptallques collect ives des tribus marocaines,
ainsi que leurs usages juridjques et coutuntiers. Une autre source uUle en
ce qui concerne le droit lslamlque (et son a pplication au réel) est l"œuvre
de Jacques Berque, qui fut ava1'1l sa mort 1>rofesseut au Collège de France.
Pendant plus de cinquante a ns, cet a uteur a scruté les différents régimes
juridiques et légaux. tanl au Maghreb - qul lul l'éplceolre de sa recherche -
qu·au Proche-Orient arabe, à la fln de sa vie. Ua n1ême traduit le Coran de
l'arabe au fra)tçais.

Rites liés au calendrier de l'année


l.es c inq piliers du culte (cf. chapitre 9) OO! une Importance capitale du point
de vue de la religion o fficielle et sont prioritaires par rapport à d'autres rites
r eligletJX-, tels que la célébration de l'anniver saire de f\1ohammed ou des rites
de passage. Dans cette section, vous allez découvrir d'autres célébratloos
rituelles liées au calenclrler de l'année e t qui concernent la célébration de
l'anniversaire de Mohammed et d 'a utres ligures signlricatl\leS dans l'histoire
de l'Islam. Bien que ne fa isant pas pa rtie du corpus officiel de l'islam (et
même par rots t rit iqués par cer tah1s musulmans conservateurs). certajns de
ces rites sont pour beaucoup de musulmans tout au.s si i.m portants Qt1e les
cinq piliers.
198 Troisième partie : l a vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Célébration de l'anniiJersaire de Mohammed


Dans la plupart des religions délà anciennes, il est difficile de connaître la
date de naissance aul h~n1lc1ue <iu fondateur. Néan1no1ns. nvrès deux ou trois
siècles, La célébratlon de l'annlversalre clu fondaleur devient Importante,
comme on le constate dans des religions telles que le c:onfoclanlsme.
le christianisme et l'lslan• (mals pas le Judaïsme). Le christianisme a
tardivement fixé la naissance de Jésus au 25 décembre Oour de l'anniversaire
des divinités Mithra et fléllos adorées par les légions romaines), et 11slam
a fixé la naissance de Mohammed au dou?lèmc jour de Rabl'a Al·Awwal,
le tro<sième mois de rannée blamique. Selon la tradition, Mohammed est
égaJement mort à la nlême date.
~fawlld an-nabi est le non'I donné à l'anniversaire et à la cél~bration de
l'anniversaire de Mohammed. Le maJJJ/id, qui slgnlOe" anniversaire•, peut
prendre des appellntlons h!gèremenJ d ifférentes d'un pays à l'aul re: mawlid.
1nulLtd, milad et 111evlut. Cette fête est devenue 1rC-s po1>ulolre, autant que Jes
deux ll!tes de J'ATd (cf. chopltre 9).

L'histoire du mawlid
Peu après la mort de Mohammed, les musulmans ont commencé à aller
en pèlerinage à sa maison de Médine. là où Il mourut. Ce n'est cependant
que cent soixante-dix ans plus tard que la mère du ca11fe Haroun Al-Rachid
(766-809) (le gouvemeur musulman) entreprit de falre restaurer la maison
où il était né. à La "-1l"'CQUC pour en la.ire un lleu de vlsl1e et de recueillement.
Les maîJres fatimides d'~gypte (909-1171) furent les premiers à fai re de son
ëml1iversai re une célél>rul Ion ln1portante.

Une déS plus anciennes descriptions détaillées d'un mawlid esl celle
com.mandltée par le gouvernement abbasside en Jrak en 1207. L'auteur décrit
les processions au flambeau. les chatlts. les sermons. les poèmes et les
offrandes. Vers la lln du'""' siècle, la fête du maw/1d était devenue un grand
événement en E;gypte. et de là s'est répandue dans la majeure partte du
monde musulman.

Le mawlid, un temps de fête populaire


Bien que Jes détails vnrlenl considérablement selon les cas, la rêtedu mawlid
comporte habituellement les éléments sulvanls :
.,. . Un festival de plusieurs Jours, tulminant les deux soirs du oniième et du
douzième jour du mols.

1 v Une atmo$phtrc de carnaval avec de$ tc11tes. des divertissements et de$


bonbons spéciaux.
_ Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 199
v Ces derniers temps, certa.tns gouvernements ont cherché à minimiser
l'atmosphère festive de ce carnaval pour en faire un temps davantage
orienté sur le ressourcement moral et 1'1mitatioa de la vie cle
Moha1nmed.
,,.,.. Procession$ aux flambeaux, récitations et chants.
Y' Psalmodies du Coran, prières el ))Qèrnes sur Mohammed.
Y' Un lien avec des cérémonies soulies de dhi~r (cl chapitre 14).
Chaque pays a ses propres coutumes pour le mawlld. Au ~taroc. un enfant
est considéré comme chanceux s•u nait pendant le n,awlfd : 11 peut alors être
apJl"lé • Maouloudiyyo •. I.e mow/1d est également un temps propice à la
circontislon de.s garçons. Oi.lns certalns pays, il est de coutume de fajre; de
grands banquets et de donner aux pauvres.

Les poèmes de maulloud


Les récits de 111<1wloud sont typiques d'une célébratloo <le 1nawlld. Les
mawalid.• sont des poèmes en prose. à la J>oésle particulièrement soignée,
qui célèbrent la naissance de ~10lta1nmed.. Un mawloud 1>cut se composer
(Jlune série de plusieurs genres littéraires, tels que le qasida el le mathnaui
(cl. chapitre 2). Un mowloud 1yplque contient les élémen11 suivants :
.,,,,, lnvoca1ion d'ouverture et louange à Dieu.
Y' Louange pour la création de la• lumière de Mohammed • (cl chapitre 2).
.,,,,, Diverses lnformatlQns star la généalogie de Mohammed.
v Annonce de la conception de ~1ohammed â sa n1ère, A1nlna.
V U11 récit de sa naissance et des miracle.') Qltl se sont procJulls à ce
nJ01neJ11-là.
Les 11lawa/;ds peuvent Inclure des événements de la vie de Mol1ê11nmed. en
parllculier son ascension dans les cieux. D'autres ))Qèrnes lalsant l'éloge de
Mohammed, tel le Bctrda d'Al·Buslrl sonl fréquemment rêc:ltés. Des ))Qèmes
de mo14/oud sont également rtcllés au cours des drtrnonles de circoncision.
en commémorai.Ion d'un délunl regrcllé, el pendant le" drtmonles soulies
de dh1kr (cf chapitre l<f). La rkltallon confère une bénédiction (baraka) au
récitant et à ceux qui l'écoutent. Les enreglstremenl'5 de mawalid• par des
chanteu.rs professiortnels sont très popu1:1ires.
Deux exemples concer113n1 la conception et la naissance de ~1ohnmmed
Illustrent le type d'e ml)elllssement légendaire q\11caractérise cette littérature
populaire. Ces récits c'le naissance ont la même la tonalilé que les récits
populaires de la naissance du Bouddha. Le premier exemple est tiré d'un
mawloud turc très populaire. Le Clll!rif de meu/ud-1. écrit por Suleyman
Chelebl en Turquie (aux environ de 1400). Dans ce poème, trois dames
dlestes, dont la mère de Jésu•, annoncent à la maman de Mohammed
200 Troisième partie: la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

qu'elle va avoir un fils. Qu3nd le momen1 de la naissance approche, Amlna


ressent une grande soif el reçoit du del une c:ou1>e désaltérante. Un cygne
blanc vlenl soulager Amina.. la nlère de l\1ohamn1ed, au 1non1e11t où elle
entre dans les douleurs de l'enfante1nent, en lul frôlant le dos de son aile.
Un mau.:loud légère nient postérieur à celui-cl. très po1>ulalrc. surtout en
Afrique, vient du Juge lsla1nl<1ue du xv111' siècle, Al~BarzanJ I de Médine. Le
récit originel en prose a été traduit en plusieurs longues et transposé ert
poésie. La version cr• prose raconte <1ue la nuit où Mohanlmed a été conçu.
les fruits des arbre. se sont mis à mûrir et se sont approchés spontanément
de la personne qui voulait les cue!lllr. Les animaux se mirent à parler
d"al>ondance dans un arabe quittait celui de l'enlanc conçu par Amina. Ces
miracles (parmi d 'a utres qui lont la saveur des mawaltd•) soulignent la future
grandeur de Moha1nmed el vont à rencontre des prt:mlères traditions et
de l'avis des tbéologlcns pour lesquels le seul miracle de Mohammed a élé
de retransmettre Je Coran. Pour 1mag1ner l'impact de cette p~sie et de ces
fêtes sur l'âme rnusutmane, Il suffit de repenser à la rnngle cle Noël pour les
chrétiens, avec ses el1nn1.s, sa musique et ses contes po1>ulalres. Vous pouvez
égalemenl lire rouvrage lnlllulé Mahomet de W. M onl~O rnery WatL paru
aux édjtions Payot en 1958, puis en 1959 et fhtt1lcrne1)l en 1989, pour avoir la
meilleure description de ln vénération que suscite Mohammccl dans l'islam.

Condamnation des céfébrations de mawfid


Le juriste du XIV' siècle Ibn Taymiyya a condamn~ cette c:tfébratlon qui
constltu<O à ses~· une Innovation illégitime (btd'a) et les wahhabites
conservateurs d'auJourtfhul l'ont interdite en Arable Saoudite. o·autres
ont consldér6 le mawl;d comme une i11novation digne de re..spect. Voici les
atgurne.nlS de ceux qui son1 contre:
V' Le Coran et les ltacllths authentiques ne 1·n entlonnen1 paR cette
célébration.
Y" Ces cérémonies contribuent à vouer u11 cullc à Mohammed, qui fol
seuJement un homme.
v Ces cérémonies t~molgnent d'inHuences chré tl,nnes.
,; Ce type de ctlébratlon encourage les dtbordcmcnts d"émotlon$.
,; Le mawlid favorise une mixité hommes/lemmes qui est lnd~nte.

Honorer (es saints


Un sa.i nt dans l'lsla111 s'nppelle un 11 ami (wulO de Dieu •. Il peut être honoré
de plusieurs façons. En fait, rien qu'en ~gypte, on recense plus de 300 saints.
t:un des mawlids les plus connus est celui de Sayyld Ahmad Al-Badawl
( 1199-1276). le iondntcur de l'ordre souli Ahmadlyyo en ltgypte. dont le
n1awfid d'automne nttlre bien plus d'un mllUon de ptlerlns.
Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 20]
Bien que ni le Coran ni les hadiths ne mentionnent les @lis comme étant d6
saints. le conœpt est bien établi. La soorate X. 62 dit : • Les bien-aimés de
Dieu seront à l'abri de toute crainte. et lis ne seront point alfllgés. •
En dt:l1ors des wahhabites, quelques n1odernistes et latcls1es ont également
crlllqu6 l"admlralion que suseitent les saint" qu'ils qualifient de superstlllon.
On assiste aulourd"hul. avec l'urbanisation et l"élévallon du niveau d"études.
à !"abandon de certains sanctuaires et de certaines fetes au• relols très
animées qui sont aujourd'hui délaissées par Io plupart. Les saints continuent
néan1nolns à 1>rospé.ret dans l'Islam. Certaines fêtes de saints attirent de
10000 à 50000 passionnés par jour.
Certains slles associés à tel ou tel saint étalent délll sacrés avant que le pays
ou certaines personnes se convertissent à l'lslan•. En Indonésie, les serpents
sacrés (•OJlOS) Issus de la tradition hindouiste gardent rentrée de certains
mausolées. En Asie du Sud, les saints musulmans rtvallsent avec les saints
hindous en prestige et en efficacité à faire des ml racles.

D~1111ti11ns sur fa t11mbe des saints


Un t11e bien ancré dans la dëvotioo populaire corulste à se rendre sur
la tombe d"un saint quand on a une demande à lui Jaire. En entrant dans
le sanctuaire. le musulman s'approche du ton1beau du saint et y pose sa
main. Il offre une prière et se met un peu à l"écarL Les quémandeurs. qui
sont souvenl des lemm6 (cl. le dernier paragraphe du chapitre Intitulé
• ~s rl1es nu rém1nin •), viennent implorer l'aide du saint, par exemple
1>our demander la guérison d'une maladie, soigner une Infertilité. aider un
fils dans ses examens. régler des problèm<!$ de couple ou résoudre des
difficultés rlnanclères. La personne s'engage à faire une offrande au saint si
so clenlonde est entendue. mais 01' 11e 1>ale pas d'avance. Pour approfondir"
voLre COlllJ)réhenslon de ce phênon1è11e et cornprendre sa co1nplexitê, je vous
enguge à lire /,e C11/re des saints dons l'islum maglrrébln d'~rnllc Dermenghem,
aujourd'hui dans la collecUon • Tel • de Gallimard (1954. mals réédité depuis
en 1982).
Le tombeau d'un saint se visite en particulier à l'occasion du mawlid du saint
ou. dans certains cas. pour célébrer sa mort. qualifiée ( par les soufls) de urs
(noces). la mort étant assimilée à la rencontre avec faim~. le divin. Dans un
pèl.,rln.tge (ztyoro) au tombeau d\m saint. on tourne autour de la tombe du
saint tout comme le font 16 pèlerins du hod1 autour de la Kaaba à La Mecque.
Psalmodle5 du Coran. sermons.,. prières. offrandes. nourritures et cérémonies
soofles du dh1kr ponctuent la célébration du mawl1d
202 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

Mawlid au mausolée
les mausolées, ou tombeaux de sa1111, se trou· une m6squëe. dos dortorrs pour les visî1eur.s
vent aussi bien au milieu des grandes vllles qu'à et d'autres tnstallauons ta tombeau peut itra
la c1mpagne dans des androlt1 lsolis. lAllet survaillé par un ga1d11n résidant sur p~ace ou
sur le tombeau d'un s.int peut d'ellleurs être par de$ de:1cend101s du saint {certains sont
un htu de promenade ou l'occ111on de sorlJr même entretenus pat des fondanons pieuses
du ualn·tram quo1td1en POllt la 1ourn•e. sans que l'on 1ppelle waql) Dt~ les zones rurales
evoir véritabfemént de maov1t1on rehg1euse de certuts pays. on tombe sur des mao:soJi:es-
txphc1te.) le mausolée tqübb•. qui s.grutie • 1• partout oU ron va. Uri 1n1hropologue acalcu&ê
d6me •) u ca,actême par un Obme reposan1 que l'on trouve un tombe1u de saint tous
Sut un tembour octogonal blt1 1uJ une base tes 6 km., au Maroc (1011 un mausolée pour
carré• Cenams sonlplus élaborh eussoc1en1 150 personoesl.

Comment dellient·on saint l


Le mot .. saint• appliqué à une personne est propr~ au <:hrlstianisme.
Cependant. beaucoup <le religions ont une notl.o n équivalente. et en
lranÇAi$ nous quall/lons égalemenl de• sainls • les personnages ,,,;nérés el
charismatiques d'autres religions. À la différence du catholk:lsme, aucune
procédure ollk:lellc de canonisation (le lall de déclarer que quelqu'un
e,.-t;I officiellement reconnu com1ne saint) n'existe dans 11slam. La sainteté
s·acquiert en Islam de façon informeJJe dès qu·une peraonne est reconnue
comme telle par les autres. li faut e.n gêoéral attendre que la 1>ersonne soit
décédée pour 1>orlcr de sainte té mais il est parlol• dlfflclle de (aire la part
des chose$ entre lu sufntc1é réelle d'U1le personne nynnt vérlrablc1ne.nt existé
et fait preuve d'u1\ Cllarl~rne 1>erceptible et doté de talents J)artic-uliers (ou
de baraka, béllédlctJon) et une pers<:>nne cléfunle dont on vante les mérites
après coup. Le saint peul avoir des visions. ëtre Illettré, exécuter des
miracles, être non conrormlste ou s·abimer da.11.S t.i. contemplation. Les saJnts
peuvent être des hommes aussi bien que des fentmes.
Dans 11slam, Moise, Oanlel et Ùle sont des sainls. de meme que quelques
flg.,res héroïques de l'histoire Islamique. I.e ma"501~ d'Ayyub est l'un des
plus imponants en Turquie. C'était un conten1porafn de "1ohammed et le
por-teur du drape.au de rlslam qui mouru·t aux porte.s de Constantinople
lors d'une déralte C()lltre cette vUle en 669. La légende dll que les Ottomans
ont •!l'é lns1>irés par une lumière émanant du lornbeau d'Ayyub lors de la
conquête cle Constantlno1>le en 1<153. De mën1e, les neuf rnusulmans qui ont
introduit l'isla 1n en Indonésie sont consi<Jél'és COl'n1t1e des saints.

La plupart des londateurs d'ordre soufis (cl c h,pltrc 14) sont considérés
comme des saints. n•afs cela ne veut pas d ire quê tous les salnt$ soient des
________ Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 203
soufis. Dans fa doctrine chiite. la famille des Imams remplace les saints dans
l'i$1am sunnite (l'islam sunnite étant la manière la plus populaire de pratiquer
l'islam). Selon certains, la pratique du pèlerinage au mausolée de l'ayatollah
Khon1ehll e.n Iran Indique qu'll a acquts la qualité cle sal11t.

Al·1ïrmidhi (842-892), l'auteur d'un des six recueils llables de traditions


islamiques (hadiths), esL le premier à avoir écrit et r éflé<:hi sur ce qu'est la
sainteté dans l'islam.. Son travail est venu à un moment où les saints- étaienl
devenus hnportanls dans l'J.slan\. Les Intellectuels ont alors commencé
à s'intéresser à ce phénomène dans l'islam. Cela ne signifie pas que les
croya11ts ordlnaJres se soient beaucoup préoccupés de savoir ce qu'eil
pe1lSa.ie.nt les intellectuels. Pour les gens du cornmun, les histoires de saints
sont bel et b1en un genre littéraire populaire el une lnsp1ratlon pour leur
loi p~rsonnelle. Des guides onl été écrits pour les polerins qui se rendent
sur la tombe d'un saint. Les auteurs soufis (mystiques) on t tous une théorie
sur la hiérarchie des saints. La croyance lslaJnlque d it que Mohan\ll)Cd est
le sceau (le derr1ier) des propl1ètes envoyés par Dieu. Quelques indiv idus
ont prétendu être le·• sceau des sa1nt s •, Impliquant qu'ils étalent chacun
le dernier des saints de Dieu. Ce rut le cas d'Al·Tij ani (1737-1815), fondateur
d'un des principaux ordres soufis modernes de l'Afrique de rOuest et du
Nord-Ouest, qui a afrlr mé que (dans une vision) Mol1ammed fui-n1ên1e l'a,•alt
qualifié de 11 sceau des saints 11 et fondateur d'un nouvel ordre soufi.

Autres rites
Vous t rouverei ICI un aperçu d'autres rites molns importants que ceux qui
ont é të évoqué.s au chapitre 9 ou répertoriés dans les sections précédentes
de ce chapitre. Cert ains rites spécifiques, pro1>res aux c t1iites ou aux soufls
(le dhikr et le soma), foot l'objet d'un traitement à part respectivement aux
chapll res 13 et 14.
Y" Achoura: avant l'instauration du Jeûne de ramadan. les musulmans
jeùnaie.n t le Jour d'achoura. De nos jours, les sunnites peuvent encore
jeûner s'ils 1e sOllhaitent au moment d'achoura. Cette date n•arque 1e jour
où Adam et ~ve oat été expulsés du paradis et où Noé est sorti de l'arche
après le Déluge. Dans certains pays, la rate d'achoura est accom(>agnêe
de visites aux tombeaux des défunts. À La l'wtecque. la porte qui donne
sur 11ntérleur de la Kaaba (qui est vide), le sanctuaire le plus saint de
l'islam à La Mecque, est ouverte ce jour-là.
V Quinzième jour de cba'ban : la 1'radition d it que le quinzième jour de
cha'ban (le hulUème mols). l'arbre du paradis est secoué. Le oom de
chaque personne v ivante est inscrit sur une feuilJe. Si la feuille tombef
la personne mourra dans l'année à venir. A.p rès Je coucl1er du soleil, des
prières spéciales et la sou.rate XXXVI sont récitées. E.n Asie du Sud et
ea Indonésie, des cér émonies pour les défunts ont lieu ce Jour-là. C'est
éga1emenl la date cle l'entrée de Mohammed à Lc1 l\1ecq_u e en 630.
204 Troisième p:artie : Lli vie musulmane au quotidien : tradition. p:ratiques et éthique

"'Vlngt·sepllèt11e jour d e rajab : cette date commémore le voyage


nocturne de t.1ohammed à Jérusalem et son ascension dans les cieux
(commentés au chapll re G). Beaucou,p de musuhnans célèbrent ce j our
avec des processions et des prières.
Y" Autre-a joun &péclau.x : cllaque pays musulman n s<:s 1>ropres fêtes
de saJnLs t t· se.a propres commémoration$ clc tel ou tel événement de
la vie de Mohammed. Les musulmans turcs cél ~bren l la conception
de Mohammed dans le ventre d'Amina au d~but de rajah. Les cbütes
c6èbreot la nalss.'lnce de ·Au au trel•îème jour de ra)ab. Les Iraniens
célèbrent le jour de l'antique nouvel an persan (nowrou•) pendant douze
jours au moment de l'équinoxe de printemps. Ce mme jour. Dieu a créé
Adam. Abraham a détruit les idoles païennes et Mohammed a choisi •AJi
comme succes.seur.

Les rites de passa9e dans fa flie d'un


musulman
Beaucoup de rellglons. y compris l'islam. aspirent à Imprégner toute la vie
de ses fidèles. Quand la religion est ainsi présente au quotidien. les grandes
élapes de transillon de la vie d"un homme.. a.elles que la naissance, le mariage
et la mort (souvenl appelées rites de passage). prennen1 une slgnllication
particulière au plan religieux et sont marquée$ par des rlles spécifiques.

Bébé à bord!
Dans certaJa.s pays rnusulmans, comme dans cl'autrcs pays, la grossesse
et la période précédant l'o.ccouchemenl peuvent être marquées par des
célébrations, des vtsltes et des nourritures spéclalés. Com1nençons par
évoquer le premier événement principal dans te cycle de la vie. c'est·à-dlre
la naissance du bébé avec les rites qui lui sont associés. Cet événement.
comme tous les rites liés au cycle de la vie, peut ctre accompagné par un
rituel religieux imprégné de rites ÎSSl,IS de la culture locale qui ne sont pas
forcément étroitement reliés à !"Islam. Ainsi. dans la 1rlbu Yoruba au Nigeria.
beaucoup de pa.renlt musulmans fon1 une téré1_ n onle traditionnelle pour
l'octroi du nom. dest1né à assurer à reafant la sécurité ou mo1nent de son
entrée da1ts le 1noncle. lis y ajoutent une cérémonie rnusuhnane séparée.
Dans l'islam. le fait de donner un nom au bébé associé à d'autres r ituels a
pour but d 'accuellllr le nouvel enfant dans la com1nunauté musulma.n e et de
lul as.su ter une protection contre tous Je;s n1aux qui peuvent le menacer à
cette première étape des.a venue sur terre.

À la naissance. le pl!re ou la mère chuchotent le premier appel à la prière


(adhan). puis le second (1qama) (cl chapitre 9) dans l'oreille droite. puis
dans roretlle gauche de l'enfant. Le père est Invité à mlcher la chair d·une
- - - - - - - - Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 205
datte et a en mettre un peu dans la 1>ouche de l'enfant car. selon un certain
nofnbre de traditions (sans rexpliquer), c'est ce qu'a fait Mol,ammecl qu_a nd
ses enfants sont nés. Les amis apportent de petits cadeaux et la sourate 1, la
Fa1i/1a (cl chapitre 3), est récitée en présertce du 11ourrtsson.
Les célébrations marquent la naissance. Pendant les premières années de la
vie d'un petit enfant, les parents disposeat de toute une panoplie de nlesures
spéciales (telles que des talismans ou des formules à réciter) pour éloigner
de l'enfant les mau\•als djinns (cf. cha1>itre 7),

Le choix du nom
Le père choisit le nom de renfant en consultation avec la mère e t d'autres
pare.ilts. 11 peul donner son nom à reafantà la naissance, 1nais la non1iJ~ali01l
se produit normal en1ent quand le bél)é a déjà une sen1a1ne~ Dans l'intervalle,
les parents peuvent l'appeler Mohammed ou Fatima (le nom d'une des filles
de Mohammed).
Comment le père cl1oislt-ll le nom de l'enfant 1 Les noms corn1Josés qui
Indiquent une relation étroite à Dieu sont populai res - co1nme Abdal l ~h
(" le ser-,tltcur de Dieu •). En outre, tous les noms liés à Mohammed èt à sa
famille sont fortement recornn1andés. y compris Mohammed (ou ses dérivés
comme Ahmad, Hamada, etc.) ou 'Ali (le mari de Fatima) pour les garçons, et
F'atima pour les filles. Les 'nusuhnans c hiites tendent à préférer les noms de
membres des douze familles d'imams (cf. chapitre 13). Or1 peul aussl prendre
des nom$ qu1 ne soient pas en rapport avec l'islam, mais les mouvements
islamistes réformateurs modernes de.mandenL l'uLlllsatlon de noms arabes
qtal ont une slgnlOçatlon lslan1ique spécifique. Ea conséquence. les 11om.s
musulmans sont devenus de plus en plus -p opulaires dans les pays non
arabes tels rlndonésie, Ja F'rance ou les ttats-Unls. Da11s la culture a.rabe, la
personne reçoit habltuellen1ent toute une sêrie de no1ns - certains acquis
pendant sa vie - qui sont tous juxtaposés l es uns au:i< au1·r es et do11nenl des
infor1nations hnportantes sur la personne~ ce qui le reUe à un contexte social
(cl l'encadré intitulé • Le norn comme carte d'identité •).
Tous les musuhna1lS suivent Ja <;outu1ne qui consiste à chuchoter à l'or eille du
nourrisson l'appel à la prière et la F'atll1a. D'autres r ites particuliers peuvent
être pratiqu~s selo11 le pays. selon les personnes présentes à la cérémonie
(en plus du père, de la mère et du bébé). Le costume des parilclpants peut
être s1>éclflque ou bien un repas de fête particulier sera préparé. Au Maroc,
par exemple, la mère et l'enfant porten1 des vétements spéclau.x et leurs
visages, leurs mains et Jeurs pieds sont décorés de ntotirs peil1ts au llennê
(colorant cosmétique brun-roug~âtre) .
206 Troisième partie: la vie musulmane au quotidien: tradition, pratiques et éthique

Le nom comme carte d'identité


Pou1 un non·musulman, la longueur des noms ""la nisba indique hebl1uellomen1 de quel
musulmans- peut itre source de confusion endroit vient la per1onne Elle peut iga·
car un 1nd1v1du peut prendre plusieurs noms. lament indiquer dt1 liens tribaux ou des
Essayons de clarifoer cette 1ungle des noms. affinilés avec une 6cole turidique {comme
01n1 l'anc,en temps, les musulmans ont cinq •le H1nb1lrtt •I
rypes dt noms différents. cert11n.s lieur venant
Ces cinq catégor~s de noms sorn cooformesâ
d1 la natsSance et d'autres •tant 1cqu1.a. plu.1
I• façon de faore 111d1tionnellt arobe. lmaginet
tard dans la vie. Quand on donne l'ontégrahté que vous wuf11z rechercher dans une encycb-
du nom d'une personoe, on su11 en général
p.wïe une certaine personne significative dans
l'ordre donné cHlessou• (qui peut cependant
verit1 quelquefoisl . l'htstorre de r1sl1m. Il n'v. maJhe-ure:usement
-aucune règle qui dé1erm1ne 1ous lesquets des
,,, l' ism est le nom de naissance que le pète cinq noms cette personne sera répertoriée.
donne à l'enfant, comrne nous t'avons vu Vous pouvez simpleman1 essayer plusieurs des
précédemment. L'lsm est équivalent eu noms de cette personne pour trouver Ventrée
prinom en Occident et peut être un nom adéquate, qui est d'une manière générale le nom
non musulman (von· ci-dessus) sous lequel cette personne est habttueUement
connue. Oen.s un pays comme la France oO les
"" Quand les gens ont leur prtmtll' enf1n1, ils noms de famille gonl une t)ngence légale. les
1cquiir1nt un autre no'" titunya). qui PIU1
pers,onnes musulmanes ont nicessalrei:nem un
précéder I' tSm, et se prisen11 amsi Abou
nom deiaRYllo, qui leur• 616 •ttnbué lo<S de
Talob lie père de Talobl ou Oumm flbllll Il• rétablissement de leurs documems officiels.
mère de FawnaJ. Normalement, c"est """ Une fois établi, ce nom demeure la nom de
que l'on 1-~adresse i la personne
famine comme pour tout citoyen et c'est sous ce
~ le nasab indique la flhat1on par le père ou nom que la personne llgurera dans l'annualre,
par la mère et se présente ainsi. Ibn 'Alo lie par exemple. En relfon du respeol que l'on dool
fils de 'Alll ou Binl 'Ali (la lolle de 'Ali), Le à ses parents, on devrait normalement_garder
nom peut remonter à plusieurs générations son nom de ramille mêf"e si l'on se convertit
(fils d'A, qui estfils do B. 111inso de suote) a l'1sJ•m~ Cependant, les nouveaux coovertis
Plus ricemment, on a pris l'habitude de sa vivant dans 111 pays occidentaux aiment
contenter de juxtepo.str le nom du fils tl prendre un nom personnel arabe. bien que ce
du pere en omen1n1 le mot • Ibn • (hls) ou ne soit pas obhgeto1r1. Ctrtetns musulmtns
• 81n1 •)fille) : par eumple •'Ali d'Ahmtd • français ou europ•1ng on1 ch1ngé lew nom
pour Ahmed, Io hls de 'Alo de famille. mais plus souvent encore leur
prénom. e1r d1 con1tdér11en1 cau'un nom comme
"' lt l•q•b correspond à d1ll6ren11 types Mohammed ou Abd1ll1h est un réel frein pour
d'eppellations, parfois honoriloques ou leur intégration.
descrîptives 1 tais 11 le sourd • ou • le bou~
langer • (mais ces noms doivent toujours
ê tre en arebel.
_ _ Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 207
Offre du sacrifice
Le sacrifice ap~lé aqiqa, qui rappelle le sacrifice qu'Abraham élalt prêt
à faire de son fils, a souvent lieu quand on don1\e un nom au nourrisson
Agé d'une semaine. Seuls les Hanbalites disent qu'il s'agit là d'un rite
obllgalolre. Il esl également recommandé l"'r d'aulre• branche.• de l'Islam,
particulièrement pour les garçoas.
On rait alors le sacrifice de deux moutons. ou cieux chèvres, pour un garçon
e l d't1n seul pour une fille- si les parents peuvent se le permettre. Une partie
de l'anhnal est donnée aux pauvres. En outre. les 1>arents riches 1>euvcnt
couper les c lleveux de l'enfant. les peser et donner une quantité équivalente
d'argent, sous quelque forme que ce soit (espèces, obJcts de valeur, etc) aux
pauvres ou à une fondation charitable.

Circoncision et excision
La circoncision (lthitan) n'est pas mentionnée dans le Coron mais elle est
unl"e""llemenl pra1lquée sur les gaiçons musulmans. bien que seule l'école
Juridique chafiite l'exige. La circoncision masculine consiste à couper la peau
du prépuce. La circoncision masculine est fondée sur la croyance, partagée
avec les Juifs, qu'Abraham, l'ancêlre commun des Juifs el des musulmans, a
circoncis ses fils (cf. Genèse 17).1..a circoncision élalt également pratiquée
dan.s d'au1re.s cultures comme dans rtgypte antique. En atabe, ce rite
s'appelle aussi bien khitan (valable pour les deux sexes) que• purification •
(fal1aro), Indiquant aJnsi une de ses fonctions. Les Intellectuels 1nusulmans
peuvent <!gaiement associer la circoncision à Io mnîlrlsc (!nais non
l'éllmlnatlon) des passions de la chair (nafs).
L'âge de la cJrconclston pour les garçons 1)4;!ut aller selon tes pa,ys de la
11olssance à l'fige de 15 ans. Dans certains pays. elle est prallquée à l'heure
de la naissance ou dans l'enfance et s'inscrit dans lin contexte plus large
de rites Initiatiques qui accompagnent la naissance et l'enfance. L'âge le
plus courant pour pratiquer la circonc:lslon e.st probablement aux alentours
de 6 ou 7 ans quand le garçon est sur le p0int de comn1ence.r ~ ass\1mer
ses responsabilités religieuses en participant à la salat (prière islamique).
Dans certains pays comme à Java (réjJlon de l'lndon~sl•) ou au Yémen, la
clr<:onclslon est un rite d'accession à la maturit6 (puberté) quand l'enlanl
a entre 10 et 12 ans. Dans ce cas, la circoncision peut !tre llée au lait que le
garçon est capable de réciter le Coran tout ent Ier comme Il l'a appris à l'école
coranique~ Dans d'autres pays. la clrconclsion se fait un peu plus tard et sert
de prélude au mariage et à la pleine participation en tanl qu'adulle à la vle
de la communauté. Il s'agit parfois d'une grande fête qui exige des vêtements
partlcullers. de la nourriture en abondance el des processions. Parfois, la
(ête de ln circoncision peut concerner plusieurs garçons en môme temps.
Oc nos lours, les ra1nllles musulmtines préfèrent raire de Ja c l rconclsion une
nffulre privée et une tête de famille. La circoncision est recom1nandée n1ais
n'est pas exigée pour les hommes qui se convertissent à l'lsln1l'•.
208 Troisième partie: la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

J)our les filles. J'exclslon n'a Jamais été marquée par des célébrations
1mporlantes, alors qu'elle est censée être l'équ.i valent de la clrconcislon
mascuJlne. En rail, U s'agit d'une exérèse qui consL~le à enlever tout ou
une partie des lèvres et du clitoris. mais que les pré-posées pratiquent en
catimini. Si la circoncision est roccaslon de réioulssançes fam111ales, parfois
onéreuses, J'exclsl.on es1 une pratique honteuse que les familles cherchent
à 1nasquer. Cela rejoint les constatations (a.ites par les chercheurs et touL
le corps médical. En efret, toutes les étucles cliniques montrent que cette
ablation des lèvres et du c litoris. mais aussi lïnlibulation- c'est·à-dlre le
lait de suturer l'orifice vaglnal Jusqu'au marlage- 1>ortent préjudice à la
santé phys1que de la jeune fille e t com1,romelteJ1t durablement son équllibre
psychologique et son épanouissement. Il n·est pas rare que l'excision soit
sanctionnée par la mort de la patiente ou 1>ar des <:onlplications sérieuses
tors de la 1>énétrali01l étau mo1nent de J'accouchement. A lors qu'eUe est
combattue par 11slam, l'excision est couramn1ent pra,iqt1ée en Haute-€gypte,
au Soudan, etl So1\1alie, en Éllllos:>le. en Afrique de l'Ouest. en Asie du Sud,~E.st
et dans toute J'A.rabie où elle s 1est imposée depuis longten1ps. Selon toutes
les données historiques clo1tt 11ous d isposorls. la 1>ratique de l'excision (tout
co1r1n1e la pratique de la circoncision) est antérieure à rarrlvée de l'lsJam
et ne peut être Imputable à son Influence. Aujourd'hui, rextlsion gagne
rtgypt.e du DeJta, .4.lexandrle co1n1,rlse, et se répand même dans les villes
chrétiennes. 1\nciennement, e lle ëtalt cantonnée en Arable. a\1 Yéinen. dar1s
la Corne de l'Afrique e1 dans une large frange de populations allant du détroit
cle Bab a1-MaJ'ldeb jusqu'au détroit d'Ormuz. Dans tous les rapports émanant
d'organismes internationaux comme l'Unlcef. rexc1$10n gagne du terrain.
Elle affecte désormais les couches sociales moyennes qui étaient pourtant
préservées jusqu'alors. Et le chiffre généralement avancé est effrayant : elles
sont plus de cieux ml Ilions par an, e.Jltre 4 et LOans, à être victlmes de cette
mulllatlon d'urLautre âge.
En outre, l'excision est n1ollement combattue par les populations qui la
pratiquent. Les matrones e.n vivent et parfois, tels de ma.ova1s rnédeeins,
elles la pratiquent sa.ns même re<:our ir à l'ase1>sie du lnatérieJ, tout
rudlnientaire. qu•u est Il est par ailleurs évident que J'anesthésie n'est
pratiquée par aucune rebouteuse. ·routes ces raisons justifient amplement les
campagnes nationales et ir1terrtationales menées par les Instances n1êdlcales
contre toute forme de mutilation génitale. Le processus vient seu1e1ne.nt
d'être engagé. Il nécessite d'êl re 1>ot.1rsuJvi et encouragé. Car aucun abandon
de cette pratique - que les populations autochtones tiennent pour essentielle
à l'identité de la femme- ne sera possible sa1\S qu"il y ait une vaste prise
de conscience J><i.r1nJ les élJtes des pays c exciseurs "• et surtout parmi les
milieux féminins. J''aradoxalement, ce sor1t les mères qui tie:noent absolument
à faire passer leurs pro1,rcs fil les sous le bistouri. La raison avancée est que
celles-ci· doivent se tenir « comme Il faut • lorsqu'elles arrivent sous le toit de
leur époux.. Elles ne clotvent pas mo11trer un appétit t rop fort pour Ja chose
sc.x uelle, ne pas géinjr de plaisir à chaque copulation et demeurer sotJs la
coupe de leur mari. Enfin. l'idée fausse selon laqltelle une fen11llè' exciséè
- - - - - - - Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 209
$'occuperait mieu.x de son foyer tl ~lèverait plus consciencieusement ses
enfants doit faire parlle des clichés Acombattre, ce qui est déjà le cas avec
les nombreu.ses afrlcaines excisées qui écrivent des livres. donnent des
interviews à la pre.sse française'-' acceptent - chose eneouragea1lte - de
témoigner à visage découvert.
Sur la lol d'une tradition selon laquelle Mohammed a recommandé de ne pas
exciser trop prolo~nltnt. ctrt•lnes autorités musulmanes se prononcent
contre l'cxclslon des lem~• en falsanr remarquer que le Prophète ne
ra pa$ expremment recommandée : d autres. au contraire. considèrent
0

qu'une forme d'cxclsk>n mlnlmallstc est recommandée mals non obllgatOire:


d'autres encore disent qu'elle est obligatoire et d'autres qu'elle don etre
supprimée pure:me:n1 et slmpl'-ment, car c'est une mutilation du corps qui
va à l'encontre de la loi de Dieu. Dans un même pays, on peut très bien a' -oir
un groupe qui est pour l'excision des f~1nmes et un autre qui est contre.
Une campagne mo.ldlale es1 men~ a.c.1uellement pour futier contre les
• mut llalions g~nllales l~mlnlnes •. Elle vise tout particulièrement les pays de
la zone su.bs,aharlwne.

Âge de (a maturité
Pour définir l'âge de ln mnturllé dons l'Islam, on pourrait dire que c'est le
moment où l'enlont devient capable d'exétu1e r les cinq piliers du culte
(cf chapitre 9). Gênêr:1lcmen1, cela correspond à la pêrlode oil l'enfa nt est
censé obser ver les règles c~ u l dé1er1nlnent le n1ode de relation avec l'autre
sexe. Cependant, il n 1y a pa_s dnns l'lslnm de rite de passageâ l'age adulte
comparable h 1:1cérémonie de la bor-mll$vah des juifs. Da ns certains pays,
la c lrcQ11clslon (selon l'Age ouquel elle es1 pri11lquée) ou les cérémonies
célébra nt I ~ lin des éludes qui pcrmellcnl de réciter l'lmégra lllé d u CQran
sont con.sldér~cs c.01r1rne des <:éremonles d'accession à la mal urlté.

La bague au doigt
Comme dans le cas d'nulres rites de passage, la manière de célébrer le
mariage peut prendre diverses formes selon le contexte. Les conditions
minimales concernant lê choix du conjoint, le contrat de martage et la dot
(don de ble11s ou d'argent pour un rnontant convenu à l'avance versé par Je
mari à la lnariêe) sont respectées ~r tous les mu.sulmans â condJtion que
cela n"entre: pas en conflit avec la fol locale. Ainsi, les hommes musulmans
ne peuvent pas avoir plusieurs 6pouses dans les pays où la polygamie est
illégale. Au.delà de cc minimum, comme pour d·autres rites de passage. il
exlste une gra11dc diversité de coutumes e1 <le pratiques en ce qui concerne
le choix du conjoint et les cér~monrcs qui peuvent commencer par la
signature: du contrat cl se conclure par un banquet après la consommation
dumar~ .
2 J0 Troisième partie: La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

li est normal pour un musulman de se marier. Le Coran et les haditl)s


(traditions) reco1nn1ande11l de se marier jeune. L'homme et Ja ·femme doivent
a\•Oir atteint leur majorité au plan sexuel et l'homme cloll avoir les moyerts
de falre v1vre son épouse. En pratique. l'hOlrnne se marie idéalement aux
alentours de ses 20 ans et sa femme peut avoir le même âge. voire être un
peu plus jeune. Il existe encore des n1arla.ges précoces. Le rn_a riage ne repose
1>as a priori sur l'amour romantique mais plutôt sur des considérations
liées â la parenté. la propriété, Ja piété du promis ou de la pron1lse, et les
bénéJlces réciproques que peuvent en ti_rer les deux famiJles. Les couples
peuvent se réurtir en présence d'un tuteur avant de signer le contrat de
mariage, mais cette rencontre n'est pas exigée. $1 les hommes nl.usulmaas
peuvent épouser des femmes is.s ues d'autres religions du Livre (c'est·à·dire
des chrétiens ou des julls), les femn1es musulmanes, en reva11che, doivent
é1>ouser un n1ust1hnan afin de .s 'assurer que les enfants seront élevés dans
la re lig.ion musulmane. La loi islamique Interdit égaleme11t d"épouser des
parents proches. Dans les pays où les Ol ustalmans sont CJJ rninorité, les
organismes islamiques fournissent des services de rencontres matrimoniales
par l'intermédiaire d'Internet. li eJ<lste égaf4::)ne-n1 dans les rnagai:ines pour
musulmarls des petites annonces matrimoniales.

Formalités ;uridiques
Le mariage dans l'Islam est un contrat Juridique., _pas u11 sacre1nent reU,gieux.
Légalemenl, le. mariage repose sur un contrat (nikah) qui prévoit ce qui suit :
,_., ll est s igne par le père ou le tuteur de: la n1ariée en présence de deux
téo1otns. Cela a t1ormalen1ent liai avant la vraie nuit du maria.g e.
,_., Le père ou le tuteur de )a mariëe défend les intérêts de l'épouse dans les
négociations en vt1e du mariage. Oes différences ex.iste.nt entre les écoles
Jurid_jq,ues 1:>0ur savoir si le tuteur peut imposer son choix à la mariée
maJs, daas les pays musulmans aujourd'hui. Je père de la mariée ou le
tuteur est tenu d'agir dans l'intérê t de la mariée. Les fe.mmes adultes ont
davantage leur mot â d ire dans le choix du mari q·ue les }eunes femmes.
Au xx• siècle, certains Êtals musuhnans ont fixé un âge m inimal pour le
n\ariage (par exemple, 18 et 16 ans respectivement pour l'homme et la
femme) et ex:lgent l'enregistrement du mariage à l'état-civil,
""" Le cadeau f~it par le n1arlé. à Ja mariée est basé sur la sourate rv, 4. Sans
cette dot, le mariage peut être non recevable. Le montant du cadeau petit
être spécJOé dans le contrat. Si normalt.tnenl îl doit être versé avaal la
consornmation du mariage, le contrat peul tenir compre de paiements
en acompte. La dot reste la propriété de l'ér>ouse qui r>eut en faire ce
qu'el1e veut; <:e1>endanl. da11s certains cas, il peut être convenu que cet
argent servira à acheter le mobilier pour la maison. I~ dot peut prendre
ror:1ne d'argent ou de maJchandises. La Tradition indique que les cadeaux
nuptiaux ne doivent pas ëtre e.xagérément dispendieux tout en tenant
compte des usages et du statut social cJe la rnartite. EUe rapporte également
que Mottamn1ed a donné son approbation à des dots aussi simples qu·une
paJre de sandales ou une poignée de r~rlne dans le cas cl'un couple pauvre.
________ Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rite.s et coutumes 211
Ville fa mariée !
Le.s lraditlons musulmanes s'accordent pour dire que Mohammed a
recommandé de faire une fête ou un banquet de manage. bien que cela ne
soit pas exigé par une lof de l'Islam. C'est une façon de remplir la condilion
n«essalre qui veut qu'un mariage doit être rendu public. En dehors de cela.
les coutumes varient consldérablement d'une culture à une autre. mais on y
retrou'-e en ~néral les mêmes aspects festifs de chants. de danses. parfois
de récitations de certains passages du Coran. La fête de mariage (pour un ou
plusieurs mariages en même temps) peut ftre fiée à fa signature du contrat,
au rite qui consiste à accompagner la mariée lusqu'à la maison du marié.
à la nuit de la consommation du mariage et à un banquet de mariage dans
les deux )OUrS qui suivent le mariage. Quelles qu'en soient les modalités,
c'est une occasio1l Joyeuse pour les couples. les famJlles e:t la communaut~
tout entière. Au cours des lestlvllés. on observe la séparation naturelle des
hommes et des femmes. La lu1lf: de 1nl~ n'est pas une coutume musulmane
tradltlonnelle et. selon certains. Jes musulmans vivant dans les 1>ays
occidentaux ne devraient pas Adopter œtte coutume. D'autres. au contraire.,
constatant que le mariage en terre d'Islam combine des exigences liées à la
religion avec des coutumes locales, ne trouvent rien à redire à la coutume de
~ la lune de miel.
tl~ Uae personne lnvit6e à une célébrMlon de marl•ge est obligée d'accepter
'&,I l'invitation.

Prendre plusieurs épouses


Vous avez probnblenlent e.n1enclu dire que les musulmans peuvent prendre
jusqu'à quotrc é pouses. Cepe ndant, excepté da ns certaines familles
princières traditionnelles, 1><:u d'llOfTinles n1usulmnns ont aujourd'hui plus
d 'une épous4'. Dans les réglons d'Alrlque oO la polygamie était t rad itionnelle
avant l'lsla1n, elle a perduré nu1urellenle11t avt!C l'isla111.
Mohammed a dt!c:Jaré que le divorce est la chose la plu• dédaignée parmi
celle que Oleu néanmoins pt:r1net. Il n•y a J)as de honte ou d'opprobre à
épouser un ou une cllvo rc~e.. encore que la Tradition reeon1mande de choisir
1111 compagnon (ou une compagne) qui ne soit pas dlvorcé(e). Dans l'histoire
de l'Islam. Il y a eu des cas d'hommes qui ont abusé de leur droit de d lvoru.
Pour prévenir les ca.s où certains hommes musulmans abusent de leurs
droits en épousant de très jeunes Illies, un certain nombre de législations ont
été mises en place de nos Jours. Les musulmans auraient plutôt tendance à
dire qu'aujourd'hui ce aont plutôt les Occidentaux qui prennent des épouses
successives - l'un~ après l'~utre- et non les musulmans (cl chapitre l I).

Le maria9e : un rite de passa9e


Dans une certaine rne:sure pour les t101n1ne.s. mals beaucoup plus pour
les femmes. le mariage constitue un rite de passage dans les sociétés
musulmanes traditionnelles. La femme quille fa maison de ses parents pour
212 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

assumer les tâches dévolues tradttloo11eJlefne11t au" ren1rr1es ; te11ir sa n1aison


et faire des enfants.

Dans certains pays, (.'<~st la 1t<1lssà,11ce clu premier enrant - bien plus que
le 1nariage ou la c irconcision - qui marque la transition à l'âge adulte pour
La mère. Comme do,ns beaucoup de c 1lltures 1:>rémodernes. il existe dans
ce:rta1ns pays 1nusuhnans t·o ut un rituel de restrictions et de purifications
spëciales qui marquent la réintégration de la nouvelle n1ère dans la société (à
propos des <:ondltlc>ns <le 1>urification liées à la perte de sang, cf. chapitre 9).
Des purifications spécial es peuvent être demandées à fa mère. La tnère
(et l'enfant) peuvent dans cert ah1s cas passer par une période de retraite
- d"al>-0rd e1l restant dans leur chambre. sans contacts en dehors de la famille
immédiate, puis en restant à la malson. avec la possibilité d'avoir davantage
de contacts al• cours de cette période. Là encore, les détails de cette retraite
et de la purification nécessaire après une naissance varlen1 e t ne sont pas
fixés par des règles.

guand (a dernière heure a sonné...


Toutes les religions sont conrrontées ~ l'épreuve de Ja mort et doivent guider
le fidèle daos la manière de l'appréhender et de 1a gérer. Si en ce qui conceme
d'autres rites de passage l'islam a tradlt lonnellement été disposé à incorpor er
des coutume$ lotales ou du moins à les ignorer sans faire d'objection, quand
il s'agit de l'ultime passage - la mort -. l'Islam est moins d isposé à fai re
des co1n promls avec lts pratiques en vigt1eur local ement. Dans l"lslam, la
mort esl le point de convergence ultime où se dessine Je. destin éternel de
la personne. La mort . si elle est naturelle, est toujours considérée comme
u ll é\1énement i rnportant. Les croyances et les r ituels destinés à fai re face
à cette transition Incontournable dolvenl être t raités de façon stricteme11t
<;onfor1ne à l'lsL:-i1n ( J)Our e11 savoir plus sur la manière dont l'islam perçoit
la mort. cl. chapitre 1). Dès lors. Il n'est pas surpre11an1qu'll existe unu l) IUS
grande uniformité dans l'lslant concemanl les rituels l iés à la mort que dans
tout autre rite de pas.sage.

La mort
Quand la mort est lm1n in ente, la personne est tournée du côtê droit. On
chuchote à son oreille la profession de roi (11 U n'y a pas d'autres dleux que
Dieu •) et l'on réc.l te la $Ourate XXXVI, avec 11otanlment le verset 12, qui d it :
• C'est Not1s qui ressuscitons les morts et écrivons ce qulls ont fait [pour
l'au~delà} ainsi que leurs traces. Et Nous avons dénombré toute chose dans
un reg1stre explicite"· el plus loio: • La t rompette (du Jugement dernier
sonnera), et voilà que tous les êtres se dresserQnl devant Jcur Seignetir. 1t
________ Chapitre 10 : Pratique religieuse: autres rites et coutumes 213
Préparation des funérailles
Puisque la nlort est llature lle, aucun art irice 11e doit être déployé. pour la
masquer. TraditionneUement, le corps du déf unt n'est pas embaumé, bien
que, là encore, les musulmans suivent les ex1gences légales de l'endroil où
ils vivent. En raison de la résurrection des corps â prendre au pied de la
lettre, l'incinération n'est pas ·permise. Les parents du même sexe que le
défunt totirnent son corps vers La ('.1ecque et le nettoient par t rois fois avec
du savon, de reau et des pa.r fums. Ces of(iciants enveJoppent complèt emer1t
le corps dans des linges blancs ( trois pour les hom1ne$. d n<1 pour Je.s
femmes). Si le défunt a fai t le pèlerinage à La Mecque, on peut l'envel opper
clans ses vêtements de pèlerin (cl chapitre 9). Une prière rituelle spéciale
pour les défunts (salol al·janazo) esl dite à la mosquée. chez quelqu'un ou
êventueUemen4 en Occident, au luaérarlum.

Funérai((es
L'enterrement a lieu si possible-le jour du décès. Dans un pays musulman,
un cortège se déplace en procession dans la tue. quatre hornntes portant le
cercueil. Les personnes étrangères à la famille e t inconnues sont invitées
à suivre le cortège sur une pet1te d istance. Parfois, la famille engage des
pleureuses en noir qui expr iment haut et fort Ja douleur de la famille, mais
cette pratique reste mal vue de.s juris tes théologiens.
La tombe doit être assez profonde pour ne pas ëtre accessible aux animaux
sauvages et masquer les odeurs. Les musuln1ans peuve.1tt nlett re le corps
dans u1l cercueil mais ce n'est pas la pra tique habituelle, à moins que cela ne
soit requis par la léglsJatlon du pays eo question. À l'lntêrleur de la fosse, on
creuse une niche sur le côté pour y mettre le corps tourué vers La Mecque. Si
la profession de foi, la chahada (•il n'y a pas d'autre dieu que Dieu •), n'a pas
été pr'ononcée au moo1en1 o(l la personne était nl ourante, elle est dite à ce
moment·là. Après que l'une des personnes préseates a dit quelques mots, les
personnes en deuil récitent la fàliha . La tombe est refermée, les personnes
en deuil jettent. lrols poignées de poussière sur la tombe et le cortège s'en
va. On peut éventuellement rëcite.r- la Fatiha une nouvelle fois après avoir fait
quarante pas pour a ider le défunt qui est t rain d'être interrogé par les anges
Munkar et Na.kir (cl chapitre 7),

Après l'enterrement
t.a t radition ntusulinane reeo1nn1a.1ld.e la sh11p1icité en n1atière d'épitaphe ; le
nom du défunt e t quelques versets du Coran s uJfisent. Cela n'a pas empêché
la construcl Ion de mausolées et d'épitaphes très raffinés. Il est fortement
recommandé de se rendre sur la tombe du défunt. particulièrement quarante
jours aprè,s le décès.
Le deuil continue pendant trois jours pour la plupart des amJs e t de la
ramllie. Les veuves, elles, observent le deu.11 pendant quatre mois et dix jours.
214 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Us et coutumes des musulmans


L.a religion vue sOtls l'ang.le de la façon de vivre ne se limite pas aux pratiques
rituelles obligatoires et à l'obser,•ance du cycle de la vie. At.1 cor1traire tout
1

. t fait, peut prendre une d imension religieuse, y compris les


acte, corre<.:te1ne.11
actions les plus insignlfiantes et les plus comrut1nes. Ce qui IX>Ut des noo-
c royants r>eul relever slm1>lernent du domalne de l'éducalion, des coutumes
ou même de.s superstitions peut revêtir une signlflcatlo.n religieuse. La
nourriture - aussi ble11 ce que 1'011 mange que la 1nanière de le conson1mer -
a une slgo1fîcatton religieusé dans bien des cultures. Les vëtements que
l'on porte peuvent également avoir une sJgnlflf.allon religieuse, ce qui n'est
pas ré.<ervé qu'à la l'(lliglon musulmane. On peul identifier certains juifs
(m}•stiques) hassidiques par leurs longs manteaux nolrs et leurs cl1apeaux
bordés de fourru re, ou un prêtre catholique par sa t.radit ior1nelle soutane
noire ou son col romain. On reconnait un Yogi indien par les vëtements qu'il
porte, et le turban porté r1ar tous -les hom1ncs sikhs {\Ille re ligion répandue
dans le sud (le l'A' ie) les rend immê<l.iatement reconnaissables.
Pourquoi les J>ersonnes reJîgieuses observent-elles ces coutumes? Le
personnage pri11cipal du film turc Y61, qui traite des pratiques ance$trales
en Anatolie, répond à cette question qt11 lui est faite sur le pourquoi des
traditions de son village. La réponse est simple, mais frustrante: c'est
la tradjtion. tout simplement. Jls font ainsi parce que.Jeurs père et rnère
(a1salent déjà ainsi avant eux. Les t radJtions aident à c ln1enter les membres
du groupe et à les différencier des éléments extérieurs.

L'isJam apporte également une autre réponse: eJle prend pour modèle le
prophète Mohammed. Quand un n1usuhtlan essaie de cléter1nlner la n1anière
appro1>riée de se con1porte.r, il ou ell e recherche s'il existe des informatJons
sur ce que Mohammed a fait (ou dit) en parellle circonstance. Celle secuon
vous présente Jes us et coutumes d e l'islam. dont certaines sont dictées par
la loi de l'islam (par e xemple, les aliments permis ou défendus) et d'autres
relèvent des traditions POllulalres.

Nourritures terrestres
Beaucoup d'ouvrages évoquent la quesrlon de la nourriture en terre d'islam.
Certains COJlfrontent les Interdits alimentaires à ceux des autres religions.
Plus globalement, c'est Allah que l'on veut voir à t{lble. Que m{lnge-t-11 ? Que
préfère·L·ll ? Que re f1Jse-l-il ?
Chapitra 10 : Pratique religieuse : a utres rites et coutumes 215
Les restrlcllons sur la nourrltt1re portent uniquement sur les points sultJants:
V La sourate 11. 173 dit :· Il vous e51 Interdit la chair d'une Wte morte
(c'est·à-<llre qui n'a pas été rltuellcment tutt), le sang, la viande de porc
et ce sur quol on a Invoqué un autre que Dieu (des Idoles]. • Le judaïsme
a les mêmes Interdits, mals contraire.ment aux juif:s, les musulmans
peuvent manger des coquillages et des crusracês. Pank:ullèrement en
Chine. où le porc est souvent empl~ dans la cuisine, le fait d'éviter
absolument le porc es1 une pratique qui distingue clairement les
mU$uJmans chinois des non·musutmans. Les penseurs: 1nu5Ulmans. juifs
ou autres ont essay~ de trou~r des rai.sons k>glques à cet interdit sur le
porc (Invoquant par exemple des risques d'lnlectlon dus à une Viande
de porc mal culte) mals londamentalement 11 s'agil de pureté rituelle et
de respect de la parole divine. Les tabous sur la nourriture -chien, chat
et (génb'alement) cheval en Amérique. par exemple- sont nombreux et
existent dans toutes les cul1urrs. Stlo1l les antl1ropologues. les Interdits
alimentaires ont surtout pour fonction desceller l'ldentltéd'un groupe
qui marque ainsi clairement son appartenance religieuse (ou autre). Les
musulmans sc>nt des descendants d'Abraham et de ce fait ont repris
!'Interdit sur le porc transmis par la Tradition juive.
"" Pas de boissons alcoolisées.
,; Pas de consomn1a1lon cle sang ou d'animaux qui n'aient pas é té
correctement abattus. (Le processus cs1ldent lque à celui de l'abattage
cachère dans le Judaïsme.) l:cxosophage, ln trnchêe·artère et les a rtères
sont raplden1eJ1t sectionnés au niveau de h1 gorge Oou1 en r>ro11onçanl
le no1n de Dieu) de sor1c que le &Ang se vide raplde:1nent du corps de
l'anln1\ll.
Y" L...es 1nusulma.os peuve1lt n1angcr de ln nourriture" <:tt<:hère • c1uand la
nourriture (outorlsée) hn1al c:at lncllsponible car la nourriture o cachère•
$ult une norn1e rltllelle encore plus strlc1e que la nourriture t1alal.

Pour les 1nusulr11ons vivant dans un pays non musulman comme la Frailoe. il
est dilliclle de savoir si la nourriture tout pri!te n'a pas été souillée avec des
dérivés du porc ou de l'alcoc>I. Quel<1t1es sites v.•eb destinés aux n1u.su1rn311s
fournissent des lnformotlons dt!talllées sur la composlllon de diverses
préparations alintentnlrcs, notamn1ent sur celles qui sont servies dans les
fast-foods.
Traditionnellement, les rnusuhnans mangent avec la main droite. avec ou
sans couverts. précédant le repas par l'invocation de la bosmalluh (• au nom
de Dieu, le Tout Mls~rlcordleux. le Tr~s Miséricordieux o). Les musulmans
peuvent manget cl1et des non~musu l mans. ~tant entendu qu"ll ne s'agit pas
de leur servir du porc accompagn~ d'un bon petit vin roui"! Les discussions
entre: juristes musuln1ans vont bon train pour déterminer si les musulmans
peuvent manger ou même lravalller dans des restaurants qui servent du vin.
216 Trois ième partie : La vie musulmane a u quotidien : tradition, pratiques et é thique

Code t/estimentaire
Un bon musulman veille à son hygiène. est propre el s'habille slmplemtnt.
Les hon1n1es com1ne les femn1es peuvei11 porter des parru1ns. parce que les
odeurs plaisantes sont très appréciées dans l'isla1n. On doit s'abstenir de
manger de l'ail avant de sortir en public. Comme pour le reste. ces habitudes
reposent surtout sur les traditions disant ce que Moltammecl a porté ou dit
sur l'habillement. La sourate VII. 26 d it: « Nous avons fait descendre sur vous
un vêtement pour cacher vot re nudité. aln.$1 que des parure.s •(cl également
la sourate VII. 31), et énonce dai remenl la dire<: live de base qui est d'être
habillé de raçon plaJsante mais décente (Pour les hommes comme pour les
fe11tn1es). La Tradition dit q11e Moha1nn1ed met ert garde contre l'extravagaJ\Ce
dans le vêtement simplement pour ln1pressionner les autres et a même
lnterdil spéclfique1nent la soie el l'or pour les hommes tout en le peroletLant
(avec modération) pour les femmes. Une autre affirmation de Mohammed
esl qu'il faut • se nettoyer, parce q1,1e l'Islam est propreté •. NatureIJement,
ces conditions concernant le vêtement et l'hygiène ne sont pas réservées à
l'lsla1n, et le., musulmans considèrent que ces exigences sont conformes à ce
que l'on peut anendre du comportement et d e la façon de s'habiller de tout
être humain.

~
Chaque pays a son propre code vestimentaire et rien n'e1npêcbe les
fi musulmans de porter des vêtements de type occidentaux ou de mettre une
vesle sport à la mode d'aujourd'hui par-dessus une djellaba tradlllonnelle.
Vous trouverez ci..<fessous une description du vêtement traditionnel en islam
pour les homn1es comme pour les femmes. Les 1ne-m bres de mouvements
islamistes mais aussi certains musulmans vlvant en Occident adoptent ce
type de vêten1ent pour blen n1arquer leur tdentité musulmane. SI en Asie
du Sud et en Afrique de l'Ouest on rencontre beaucoup de musulmans et de
musuJmanes habillés en costume traditionnel, ceJa n·empêche pas d'autres
de s'habiller différemment. de façon qu'il est Impossible de dire s'ils sont ou
non musul mans.

Habillement pour les hommes et pour les lemmes :


V Femmes : longue jupe ou pantaJon convenable noa moulant ; manches
longues, hau1 la1ge non resserré à la Lai lie ; la t~te. cotaver-te. y compris
les épaules et la nuque. Si certaines cultures d isent que l'ista.rn exige que
les femmes soient entlè.rement couvertes de la tête au pied, y compris le
visage, d'autres sonl en désaccord (cf. chapitre 11 concernant le volle el
les passages du Coran relatifs au voile).
v Hom.mes: tunique à manches longues sur pantalon ample ou longue
tunique ample. Sur la tête, on porte un petit couvre~chef ou une calotte.
La barbe est hie.il Mtretenue et le port de la n1oustache est l1abituel.
À l'époque de l'Empire ottoman (turc), le couvre-chef principal (appelé
fez) était constitué d'un cylindre de feutre ag.r émenté d'un gland. Le
Chapitre 10: Pratique religieuse: autres rites et coutumes 217
couvre-chef nrabe du Bédouin (kefi•h), celul que portait le défunt
pré$1dent de !'Autorité palestlnlenne Arafat, con•tltue toulour$ l'un des
couvre-chefs les plus usuels.
Y Le londatcur de la Turquie moderne, Atatilrk (1881-1938), a Interdit le
port du voile (pour les femmes) et celui du fez pour les hommes.

Se garder du mauvais œil


Bt1n avant fafrrvêe de 1'1$1am, les Ar11bts ont egaltment d'ongine pr6islomique} de contre-
souventatttibu6 leurs m1lhturs 6r1<t>0n mal4 • c1r11r fact1on du m1uva1s œil cons1sta1t à
fiqu• de quelqu'un qui 1ur1111ttir611 mlUVllfl prts&nm 11 majn paome ouv•ne. avec les cinq
on/sur eux. Aussi redoutées que les sorcières doigts écartés Ces pratiques et ces crov1nces
dansl'unag1na1r1 occid•ntal, les vt1dl11 femmes ne sont certes pas c&nlrales dans l'islam et ne
célrbat•tre• ontétt cons,dirtes comme ayant llgurent pu dans te Coron Elfes n'en sont pas
tout p.artJcutM\rement le pouvo.,.d'1111rar le m1u· moins vivaces, tout comme on rencontre dans
vaisœil. les sorts et fes •mulett111ervetent i lu outres religions dH pranquas follclonquu
écarter le mauvais anl et les djinns tnalt1istn1s b11n éloignées de la théologie.
/cf. chapitre 7). Un outre moyen l111ur6mont

Les bonnes manières


Une tradition attribuée à Mohanl1ncd tilt: 11 La bonne éducation esL une
J)artle de ln fol.• tlre m11~ulmnn. c'est agir d'une l•çon humaine ap1>roprlée.
bien é loignée cle la 1nnnlère <lont d'autres créatures {en accord avec leur
nature) se co1n1>orten1 , Ainsi les musuhnans ont développé toute une
catégorie d'ouvrages llltérn1res sur le conlporternent et les bonnes manières
(adab). Voici trois exen1plca de bonrtes manières à respecter:
Y tire prornpl à remercier une personne en disant : • Que Dieu t'accorde••
récompense.• Selon une trnd ltlon, Mohamn-1ed a <lit: " Celui qui oublie
de re1ncl'cter tes autres oublie de remercier Dieu. •
v Ne pas essayu de retenir un élernuement. qui est une bénédiction
de Dieu. Quand une personne éternue, elle doit louer Dieu en disant
al·homdou /r/10/1 (•loué soit Dieu•).
Y La miséricorde et la bonté devraient caractérls<!r tous les aspects du
traitement des anlrnaux.
218 Troisième partie : La vie musulmane eu quotidien : tradition, pratiques et éthique

v Généralement le côté dro!I du corps (pied, onaln. etc.) est préférable


p-Our toutes les actions pos·i tives : manger. boire, tenir le Coran. serrer
la maJn de quelqu·un, s'habiller et 1nertre ses chaussures. Pensez-y
dans vos relations avec des musulmans. Cela pOllrra êtTe ressenti par
les gauchers comme une dlscriminat1on et il n'y a probablement pas
d'explication logique à cela en dehors du fait que dans bien des cultu.res.
l'adjectif" droit • a une connotat ion positive tandis que l'adjectif
• gauche ' à une con11otat.lon négal Ive. L'inverse aurait tout aussi bien
pu ê tre vrai. L'essentiel ici consiste à Caire la distinction, même dans les
gestes du corps, eatre ce qui est pur et ce qui est impur (en se rappelant
qu'in1pur ne signlfie pas 11 mauvais •).

Les rites au féminin


Traditionne11ement. les femmes ont été exclues ou limitées dans leur
participation aux grands rit.es rellgleux de l'islam, nota1n1nent dans leur
particjpation aox prières à la n1osquée (certaines parties de la rnosquée
peuvent ëtre réservées aax remmes). En France. si fa séparation des femmes
et des hommes est Loujours Ja r'lorme, les ren1)nes jouent néan1nohls un
rôle important dans les actj v ités liées à la mosql1ée. En outre, dans le lladj
(cf. c hapil"re 9), les femmes participent à égalllé avec les hommes.

Du fa.i t que les remmes n·ont pas le nième degré de partJcipalion que les
ho1nn1es 11 à l'islat)) officiel •, beaucou1) d·e.l''ltrc elles ont créé Jeurs propres
sphères d 'a ctivités religieuses. Les femmes jouent u.n rôle important daas
divers r1tes de passage, tels c1ue la circoncision e l le mariage. Elles sont plus
no·m breuses que les ho1nmes à se rei1dre sur la tombe des saints, do11lalnes
où elles sont libres d'affirmer leurs propres intérëts el d ésirs. Par exemple,
une reJ11rne stérile peut se rendre dilns uJ1 sa11ctualre et prlttr Dieu l)(>ur avoir
un enfant. Dans sa prièr e, elle (aJt vœu de revenl r prier et de louer Dieu et
~1 oha. mmed si sa clemande est exaucée. lei, Je vc:eu consiste slmplenlent à
promettr e for mellel'Oent à Dieu de lui r endre grâce. Cela n'a rien à voir avec
des vœux plus formels de chasteté ou de pauvreté tels que les pratiquent
tes 1noit1es catholiques ou bouddhistes et les teligie-tises. Dans la doctrine
chiite (cl. chapitre 12) , une (e·m me dont le flls est malade peut s·e-n gager à
fatre un dîner rituel pour ses a mies si le flls est gué.ri. Au cours de ce dîner,
les fem.mes écoutent des ser1nons et des lectures. Elles se font des visites et
réflêchlssent ensemble à certains aspects liés à la religion.

Dans certaines régions d'~g:ypteet du Soudan, les femmes ont une place
prédominante clans les cér émonies cle zar. qui trnitent cJes causes et des
trajtements de la 1naladie mentale ou physique. Le zar s'applique à une
fe-011lle po.sséctée par le démon et à la cérémonie qlJI doit la guérir. CettaJns
soufis (ou mystiques - cf. chapitre 14) sont des femmes, telles la sainte
médié\1ale légendaire Rabi'a. En outre. certaines gra11des figures du soufisme
- -- - - - - Chapitre 10 : Pratique religieuse : autres rites et coutumes 219
tel Ibn Arabi onl rendu l'lommage à leur5 professeurs fé-n1lnins. Dans cette
section, vous trouverez une simple évo<:tttlo11 de quelques domaines dans
lesquels les femmes s'arrogent une certaine partJclpatlon, à le.ur manière, aux
rites de 11slam qui peut prendre des formes très diverses s.elon les pays et
même d'une ville à une anll'e-
SI certains mouvements traditlonallstes veulent purement et slmplentent
remettre les femnlCS dans rombre. d'autres au contraire insistent sur leur
partIci pat.Ion active {beaucoup d 1e1ltre e lles 1ravaillent e t ont un niveau
univer sitaire). En l rn1l aufourd'hui, par3doxnlement, nJors c1uc les femmes
doivent po rter en public le tchadar qui les couvre totalement de ia 1e1e aux
pieds, elles peuvent e.xercer des fonc tion$ au Parlement et au gouvernemenl
Je subodore que l'évolution du rôle de la rcmme musulmane entre 1950 et
2050 sera bc.aucoop plus grande que tous les changements qui ont eu lieu
entre 1200 et 1950.
Chapitre 11

!:éthique musulmane:
vive la vie!
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Dans cc chapitre
... Qu'est-ce que l'éthique?
• Sources et principes de réthJque musulmane
... Une éthique fondée sur la raison. sur Dieu ou sur la personne?
... Probl~mes éthiques envisagés du point de vue de l'Islam
• • • • • •••• •• • •• • • • • •• • • •• • • • • • • • • •••••••••••••

L es ouvrages d'introduction à l'Islam ne traitent pas de façon spéclllque


de5 ~>robl~mes moraux et éthiques qui sont souvent évoqués de
façon 1>onctuelle, ce qui entretient une certaine conruslon dans l'esprit du
lecteur. C'est pourquoi j'ai essayé de regrouper dans ce chapitre toutes les
considérations théoriques et pratiques en relQtlon avt-c l'éthlc1ue musulmane.

Le Coron traite à la fols des obligations envers l)leu et du comportement


((UC l'on doit avoir envets ses semblalJle.s. Certains mnnt1els d'introduction à
l'éthique musulmane des tinés à des profane• abordent à la fols les principes
n1oraux et le.s bonnes ntanières en matière <le con1pc>rtement. Ainsi. on y
trouve sur le même plan de$ e•hortations à dormir du cOté droit et à ne pas
mentir. Dans ce chapitre, quand je parle d.Elhlque. je parle des obligations
que l'on a envers les autres et en-.'el'S soi-rnime. c'est·à·d1re de la morale
sociale et personnelle.
Tuutes les religions mettent l'accent sur l'éthique. Prenons l'exemple
~s enselgllt'ments de Confucius. qul lorment la base de toute éthique.
non simplement en Chine, mais dans toute l'Asie de l'Est. La principale
pr~patlon de Confucius portail sur Je comporten1,n1 que chacun devait
avoir avec les autres de sorte que la société pu1sse lonctlonner correctemen1
pour le bien de tous. Conluclus a prodigué de nombreux conseils de vie
et oonsldt'l:ralt qu'il existe des principes mor~ux absolu&. c'es1-A·dire des
co1npor tements dont chacun, du simple fait de sa nature humaine, sau
(ou clevratl savoir) qu'lls sont bons ou mauvais. Le 1>lus hnportant pour
222 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Confucius n'éla1t pas tani de dresser la liste des choses permises et des
choses Interdites que de construire la personnalité tnorale qui est ce qul
pour lui distingue ln nal ure humaine de toulc a ut te na Lure. Selon Confucius,
une personne l>lcn construlle aglra normalement lnstlnc1lve1nent de façon
n1orale sans avoir besoll\ c1u'on lui dise ce qu'elle doit foire de même qu'tane
personne b1e.n constr\alte au plan moral aura une bonne 1nfluence sur les
autres sans se laisser corrompre par d'autres à la personnalité molns bien
structurée. Confucius a ésatement mis raccent sur la modération qui consiste
à éviter les extrêmes. Il a ~tabll cinq niveaux de relations qui constituent
la trame de toutes les r~latlons humaines et déflnl$se11t un cadre moral :
relations enlre époux. entre parents et enfants. entre les enfants de mëmes
parents (les frères el sœurs), avec d'autres perso11ne1. et enfin entre le chef
de l'ttat et le citoyen. Chacun de ces rapports est réciproque, signifiant que
les deux côtés de l'~uatlon Ol'1t réciproquen1en1 des engagements l'un envetS
l'autre, ce qui n'exclut pas qu'il y ait aussl des engagements unllatéraux qul
viennent s'y ajouter. Pnr exemple, l'enfant a une obll86ilon de respect e t de
soin envers se:s pnrents.
L'Islam pourraît reprendre à son compte presque l Ollt cc qui est dit cl-dessus
de l'éthique conlucéennc. En effet, la plupart des rellglons s'accordent sur
les grands Jlrlnclpes moraux appllqtiés au compor1en1ent (ce. qui est permis
et œ qui est délendu). Coonalssez·vous une rellglon. par exemple, qui prône
le crime ou le mensonge. la fraude. l'exploitation des pauvres. l'adultère, le
vol ou la dureté de cœur envers les parents ? Lu rcllglons ont également la
même optique en ce qui concerne les traits de car&et~re 10t1hai1ables ou au
contralre ~réhcn•lbles - le$ vertus et tes vices -. par ~xemple le fait d"etre
généreux t'-1 de fuir l'avarice, la modestie à l'oppos~ de la vantardlse. l..a
princlpalc différence entre le confucia1lisme et l'islam tient à ce que l'éthique
d:ins l'lsla1n repose sur ln Révélation divine - la pnrolc de Dieu.

Blen que les lntelleett1els occlcleJltaux fassent de subtllcs différences entr e


l'éthique (théorie) et la morale (directives pratlQues), dan• ce chapitre les
deux tern1es soot utlll.sés de façon interchangeable, t1'tn <léplaise aux grands
esprits.

Fondements de l'éthil(ue dans l'islam


Les êtres humains sont faits à J'image de Dieu, d'où leur 1io1ent lei moral el
intellectuel. Selon la sourate XXXIII, 72. Dieu a proposé ln " responsabilitê •
aux cieux, à la terre et l"IUX n1on1agnes. Ils ont eu peur et l'ont refusée. Seul.$
les humains se sont 1uontrés d isposés à l'acceJ>ler. En d'autres i..er mes, La
morale esl un tlltr lbut spécifiquement hun1aln. C'est J)0\1rc1uoi la morale est
ausst centrale dans l'lslan1. l.es anges. eux, ne peuvent ~is pécher el n'ont en
conséquence i,as de choix moraux à faire. (Satan est une exception unique.
cl chapitre 7.) L.'octlon morale: n·est pas toujours la plus facile â faire car
Chapitre 11 : l'éthique musulmane : vive la vie 1 223
Satan et les mauvais esprits (djinns) lntervlenoent pour 1en1er les hommes
(el les femmes !) et les amener à faire le mal. Selon l'Islam, les ètres humains
ont la upacllé de choisir le bien et d'éviter le mal

Principes de base
Le Coran 1\ clalren1ent une 01>tlque n1orallste. Il condnmne expllcJtement,
pnr cxem1i le, les habllants de La Mecque pour la manière don1 Ils trallent
les pnuvre• (cf. la sourate CVll, 3) el les orphelins (cf. les sourate XVII, 34 e t
XCIII, 9) pour la fraude dans leurs aflalres cornmerclnles (cf. la soura1e XVII,
35). Voici six principes de base de l'éthique mu•ulm•rne:
...., Tot1te net Ion a une slgnJJlcatlon morale. La for mule la plus souvent
citée par les n1orali.stes musulmans est sans doute celle: qui est tirée
de la sourate lllf IG4 qui dit que la communauté nllLSulmane cloit
appeler au bien. ordonner le convenable el Interdire le blSmable. Ce
principe • d·appeler au bien et d'interdlre le mal• est \1ne lumière
qui doit servir de guide. Les• règles • spéclllques sont Importantes.
mals Il est nécessaire de faire preuve de discernement pour appliquer
correctement les règles (ou le prlnelpe géntral du •bien faire •).
v Les acllons morales sont celles qui ont comme conséquence la Justice
(adl. cf la sourale IV. 58). Dans des drcons1ances concrètes, une action
peut Impliquer des conséquences à la fols bonnes et mauvaises. On
dol1 alors choisir ractioa qui maximisera le bon et réduira le mal au
minimum, pour parvenir au plus haut degré de Jt•stlcc possible. selon
l'éminent jurlMe du XIV' siècle Ibn Tayn1lyya.
V Lo rot et les œuvres (les actes) sont toutes det1x nécc.ssolres. La
so\1rate Il. 25 dit : " Annonce à ceux qui c roient et pratiquent de bonnes
œuvres q1J'ils auront pour demeure Je parndis. " Le.s cl\olx moraux
que chacun fait, sa vie durant, sont lmpc>rtants dnns la mesure où ils
détermlnen1 le destin ullline de la personrie : le ciel ou l'enfer.
V l.t.s Intentions sont aussi importantes que les œuvr's (ce C(Uf est
également vrai pour les actes du culte). La slnctr'lté est une attitude
lnlérleure fondamentale. Le trio du • cœur. de la 1>4role et des actes •
est fréquemment menUonné... Chacun convient qu'il ne suffit pas de
pr<lner le bien (action de la langue) : encore faul·ll agir en conséqucnœ.
Selon ris.lam. une action faite slmplemenl pour M' conform"r à un code
extérieur n"est pas aussi bonne que. celle qui vient du cœur. Ce qui vient
du cœur transparaitra en paroles et en actes. SI des circonstances
extérieures empêchent raccompJlsse1ncn1 de l'action. l'intention du cœur
n'en dC'meure pas moins bonne.
224 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

to""' Pour agir de raÇ"Oll morale. iJ est tout au!$Si lm1>0t1ant d'a,iolr une
personnalité morale bJen const ruite. (intégrant les vertus telles que la
sagesse. le soucJ de la justice" la modération c l la volonté de se garder
de vlces lcls que la convoitise, l'avarice et la col~ re). Dan~ la plupart
des situations, les gens agissent iastinctlvernenl, en accord avec leur
personnalllt\ de ba•e, plutôt qu'à partir d'un ensemble de règles. Le
grand lhéologlen du xir $lèrle Al-Ghazali a écrit abo11damment sur l'art
de cultiver la verlll êl d'éviter l'inclination au vice. La sourate V. 105 dit:
• ô les croyants! Vous ~tes responsables de VOU$-mênl<l 1 La personne qul
s'est égarée ne peul pas vous blesser si vous ~t<S correctemem guklé$_•
v Se garder de tout e:xtrë:me ; suivre Je chemin de la modération, la vote de
réqulllbre-11 ne sert à rlen d'!lre arrogant ou de chereher à s'élever aux
yeux des autres. La sourate XXXI. 18-19 dit : • Ne détourne pas ton visage
des homn1cs. et ne roule pas la terre ave<: arrogance : car Dieu n'aime pas
l e 1>réso1nptueux 1>leln de gloriole. Sois 1nod~stc dans ta démarche, et
baisse la voix, cnr ln plus dêtestée des voix, c'est bien la voix des ânes. •

Textes à l'appui
Selon la Tradition, ~foharnrned a dit:• Vous n'êtes pa.s un vrai croyant si vous
ne souhaitez pa.s pour vos lrùes et sœurs ce que vous souhaitez: pour vous.
~-- • Cette règle d'or se retrouve dans toutes l<S religions, nownmenl
dans le Judalsn1e, 1e christianisme. le confucianjsme. et bien d'autres encore.
Il est exact que l'islam n'a rien d'équivalent aux dix commandemen1s issus
du judaïsme, n1als p1usleur$ textes coraniques récapl1ulen1 les conditions
morales fondamel'1tales. Se1011 la sourate XXJIJ, 3·11, • cet1x qui se détourncr1t
des futllltés, qui s'acqul11ent de l'aumône et qui 1>réservent leurs sexes [de
tout r apport} si ce n'est nv<:c leurs épouses ou celles qu'ils possèdent de la
main droite ( les c.s<.:laves), car là vraiment. on 11e peut les blft1ner ; mais ceux
dont les <léslrs vont nu~delà cle ces limites sont des transgresseurs : ceux qui
veillent à la sauvegarde des dépôts qui leur sont c.onffés et honorent leurs
engagements, qui observent strktement l'obligation de la prière. ce sonl eux
les bbîtiers qui h~rlteront du Paradis pour y demeurer éternellement •.La
sourate LXX. 22-35 blumère également les bonnes et les mauval$e$ actions.
Dans son sermon d'adieu prononcé lors de son dernier p!lerlnage à La
Mecque en 632, Mohammed a laissé un réupitulatlf des obligations morales
qui Incombent au musulman. Outre le culte e t d 1autres engagements, li a
mentionné les devoirs 3ufvants :
V Rendre tout bien nppartcnant à d'autres.
,,. Ne pas blesser qui que ce soiL
,,. Ne pas réclamer d'lnlérëts sur rargent prillé
,,. Les maris doivent bien traiter leur épouse. car Ils lont équipe avec elle.
Cho pitre 11 : L'éthique musulmane: vive la vie 1 225
v Se garder de ller amitié avec <les personnes mal lnteotl01lnées.
l ..,. Ne pas commeure l'adult~re .

Les sources de (a morafe dans f 1isfam


Comme dans toute rellglon. au-delà des prescriptions morales spéciftques
contenues dans les lkrltures saintes. Il existe d'autres sources sur lesquelles
les croyants peuvent s'appuyer pour savoir comment se co1nporter en bon
musulma1t :
V' Le Coran e:st naturellement la principale sourœ de la moral~ avec 5e$
lols expllclles et ses pr1nctpes moraux.
..,. Les tradJtlons (hadiths) prodiguent des conseils basés sur les paroles el
les actions de Mohammed.
..,. Les tcoles Juridiques de l'Islam. en recourant à l'analogie el aux autres
techniques de l'argumen1ot1on. d~ulsent des directives morales
supplémentaires à 1>3rtlr du Coran el des hadiths.
V Les vertus arabes prflslamlques. 1elles que l'honneur, le courage, la
fldéllté, l'hospltallté, le sang-froid et la résistance, continuent à être
1rnportantes da1ts l'Lslanl .
..,. Certaines figures de l'hlstolre lslomlque, telles que les quatre callles bien
guides et f'allma (tf. chapllrc4). fournissent des modèles éminents.
,,,,, l..a réflexion phlloso1>l1lquc sur les questions de justice et d•étbique faite
par les Mu'tazllltes (cf. chapitre 4) et d'autres mouvances ont permis
ct•apl) l'Ofoncllr ccrtolnes que8tlons nlorales.
Y" Les t ravaux des philosophes nloro.llstes grecs, traduits en arabe,
cons tituent une nulre source précieuse•
..,. Les attributs de Dieu et ses 99 noms (cf chapitre 5) fournissent un
n1odèle de co1n 1)ortement tt ln1lte.r par les musulmans. Ce$ noms tels
• le doux •,• le reconnaissant •,• le juste •, • le généreux"· • l'équitable•,
• raimant •, etc. sont autant de manières d'être à Imiter.
..,. Le soufisme (cf. chapitre 14) culllve un ensemble de valeurs morales,
notamrnent l'humllllé el la pauvreté•
..,. Les ouvrages d'adob sont des codes de déontologie, de bonnes pratiques
comme on dirait maintenant, adaptés à telle ou telle profession et
destinés à tout musulman concerné. Ils ne datent pas d•au;ourd'hui et
de nouveaux sont sans cesse publiés. On trouve par exemple des guides
de conseil pour les rois sur la façon de gouverner ou pour les médecins
sur la façon de: s'occuper det patients. En littérature~ l'adab est un genre
lllléralre qui a une vlst!e morallsotrk:e.
226 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Grands et petits péchés !


Certains péchés sont pJus graves que d'autres. Comme d'autres rellg.i ons.
l'Islam Identifie des niveaux de gravité différents dan.< le péché. Les péchés
graves sont ceux qui sont Je plu s susce1>tibles de cooduire en eofer au
n1oment du Jugement dernier. Pour les musulmans. pour qui cette v·Je
n'est qu'un prélude à ce qui vient après la n1ort, li est essentiel de faire la
dif(érenceentre les péch~s graves e t ceux qui le sont moins.
Le grand théologien du xu• siècle Al·Cha1.ali a discerné plusieurs degrés de
gravité dans les péché..; qu'il a définJs a iosi (sacl1ant que d'autres théologiens
peuvent adopter une autre catégorisation):
~ Les péchés les plus graves sont l'in croyance en Dieu (kufr) et l'ldolàtr1e
(ch;rk) qul consiste à associer autre chose à Dieu, ou à adorer p lusieurs
dieux (cl. la sourate IV. 48). Ce-s deux 1>échés sont souvent corlsidérês
comme Impardonnables et peuvent envoyer quelqu'un en enfer pour
l'éternité ou. selon la grâce d e Dieu, pendant t.in temps très long,
Y' Les deuxièmes p êcltés en Importance sont <..-eux qui vont contre la vie et
la ramille (par exemple, l e meurtre et l'adultère) .
Y' En troisième ran g v iennent les péchés d'appro,>rialion lr1due de biens.
Les péch és de deuxîème et de troisième rang peuvent valoir à un
frlUSl)lman de passer un temps plus ou moins long au 1>remier stade de
l'enfer ( le moins pénible). Cependant, ceh.11qui s'est n1ontré sincèremer1t
croyant pendant sa vie finira par aller au ciel.
V' La quatrième catégorie e.n globe tout le reste, y compris la coosommation
d'alcool et le m ensonge. Sans a ller jusqu'à dire qu'ils sont sans
bnportan ce. ces péchés ne sont pas de nature à empêcller u1'l musulman
d'aller au ciel au jour du .Jugentent de.r nier.

L'éthique en pratique
Quelle est la position des musulmans sur les grandes questions moral es
qui se posent aujourd'hui ? Comme cela est vrai poi1r toutes les cultures,
les spécialistes en la matière ont des opinions divergentes les unes des
autres. Vous pouvez très bien rencontrer u.a musulman qui vou s dise en
toute sincérité ; " voici la position de J'lsla1n sur telle question •et qui ignore
qu'il exJste des penseurs musuhnans quJ dé.fendent une tout autre façon de
voir les choses. Tous les musulmans n'on t pas forcéntent la même approche
s'agissant des questions d·éthlque les plus délicates. de même qu'autour de
vous, parn1l vos a mis et les personnes de la même culture que vous, tout
le rr1on de n'a p as La mëme sensibilité. Dans la suite-de ce chapitr e, vous
trouve,r ez un résumé de cc que peut être la position musulman e sur certaines
- - - - - - - - - - - Chapitre 11 : t.:éthique musulmane : vive la vie 1 227
questk>ns ma.ls ne soyez pas étonné si sur l'une ou rautre questk>n, certains
musulmans ne son1 pas cnti~emcnt d'accord avec ce qui est écrit ici.
Cardez bien A resprtt le lalt que la position p~ntée k:I représente celle
de• philosophes moralistes de l'islam sur le componemem que devrait
avoir le musulman. JI ne s·aglt pas Ici de décrire ce que font e lfectlvemenl les
nluSIJlmons oomme pourraient Je faire un sociologue ou un anthropologue.

la morale sexuelle
Soyons l1onnêtes et reconnaissons que, quand on parle de morale, on
pense tout de suite aux relations sexuelles. Rle.n d 'é tonnan1 à cela puisque
la morale lmpllque notre relation aux autres et que les relations sexuelles
sont justement le mode de relation qui Impliquent les personnes de la façon
la plus lmlme qui soit. Il est donc bien normal que ces questions occupent
UM place prépondérante. Aux yeux d'un non·musulman, la morale sexuelle
musulmane peut sembler assez austère, mals la. l~ture d'un ouvrage comme
celui de Abdelwahab Bouhdiba. la Sexua/1té en Islam (PUF. 1975, réédité
depuis dans la collectlon • Quadrige •) en donne une vue nettement plus
nua.ne&. Les relations sexuelle$ sont urne bonne c.hose en soi à condition
loucefol& qu'elles s'expriment dans des limites soigneusement définies.
v Let rapporta scxuels sont l1D don d e Die u c l 80nl bon.. l:islam ne
croit pas qu'une vie de célibataire (sans aucune rela1lon sexuelle et
sans mariage) soit plus propice à la sainteté qu'une au1 re. l.<!s chrétiens
considèrent que Jésus a é té célibalalre dur~nt toute sa vie e l sont
choqués que l'on puisse penser autrement. Les moines bouddll lstes
ne se marient pas (à quelques exceptions près d•ns le bouddhisme
japonais) et certains hindous, à la quatrlè1nc et dernière étape de
leur v ie (celle du sannya.sin), quittent leur 1naltJO•• el leur épouse pour
se concent rer entièrement à leur li~ratlon Intérieure. Les JuJfs, les
confucianistes, les taoïstes et les musulmans ne partagent pas cette
vision se.Ion laquelle le mariage: el le.s l'e lallo11s sexuelles peuvent
lnterfél'el' dans Ja recherche religieuse:. Pour Jes musulmans, les relations
sexuelles. tout comme d'autres actions entreprlsf:s avec modération
f:l dlsœrnemenl, peuvent être consklé:r~s comme un acte du culte et
devraient être précédées par une prière.
v Lei relations sexuelles sont source d"lmpurett rlluelle. On doit
1>roœder à la purilication rituelle après des rappons ou le lendema.i n
matin avant de commencer la prière rltuellc (pour en savoir plus sur ce
point, cl. chapilre 9). Les relations sexuelles Jm11llquent des émissions
corporelles. Or toute émission corporelle exige 13 pvrlrlca1Ion avant lout
acte cultuel.
.,,,, l"es rapports sexuels ne sont pas autorisés pendant les règles, en parue
parce que le con1act avec Je sang exige la 1>t.1rlffcat.lon.
228 Troisième partie : La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

V t:impuissance est un problème u1édl<;al à t.-ailer pa r les meilleures


méthodes tbé.ropeutlques q ui wieJl't. Ainsi. J"utilisation du Vlagra® esl
permise si e lle ne mène pas à des exigences sexuelles e xce$slves auprês
de l'épouse. Les tendances à la concupiscence (au désir) ne doivent
pas être encouragées. Aussi Je Viagra® ne doit-li pas être 1>ris par un
homme en bonne santé au plar• sexuel uniquement pour augmenter son
ap~)éllt se.-<ucl. Il faut d.ire aussi que certains courants foncla.1t1e.n1alistes
refusent d'en entendre parler car, pour eux, ce n'est là qu'une tentation
dlal>oUque nc1u\1elle et une pratique qui enfreint l'éthique musulmane.
V la mn.slu_rl>nUoo (les textes ne parlent que de ta maaturbatlon
masculine) est considérée comme indMimble (•ourale XXIII, 5·7).
Cependant. Il n'est pas clairement établi que le verset 7 se rappor te
réeUernent à la masturbation. L:école Juridique hanbalite (cf. chapitre 8)
autorise la masturbation aJin d'éviter la rornication ou J'adultère quand
l'l1omn1e 11e 1>eut pas se n1arier. L'éducation et l'Jndépendaf1Cè financière
retardée mènent souvent à de.' 1nartages tardifs, alors que la santé e t La
out rit ion 1nè1lent à une maturité sexuelle plus précoce. Cela représente
un défi évident pour l'islam qui condamné gravement les manquement s
au res1>e<:t <:le la sexualité èn dehors du mariage.
Y' En del1or8 des 1>énalités légales pour cause de .. fornication .., le8
c ultures musulmanes se montrcJ:.t traditlon:nellement tolérantes
en ver s les rela tions se~u eUcs m asculines avant le mariage. En
revanche. les relations sexuelles a\rant le 1narlage côté réminin sont
fortement condamnées et apportenl un grave déshonneur sur la fa1n llle.
Ces reslrfclions renvoient généralement au souc1 premier de la Camille
musulmane, la féeondlté de .l'épouse, el à son aptitude à donner une
descendance à la ram111e. Des relations hors mariage pour u1te ftJ11tne.
surtout si elle n'est pas encore mar1ée, peuvent tnener à un crime
d'honneur. et, clans certains cas, même une re1nme qui a été v iolée
apporte l'opprobre sur toute sa fan1llle. U $e 1>eut alors qu'un homme
de la famJlle (au sens lnrge) soit chargé de l'assassiner pour rachetet
l'hon1'leur de la famille. Les crimes d'honneur sont contraires à la loi
islamique mais néanmolns sont encore parfois d'actualité dans certains
pays rnusu1mans.
V' la 1>n>stitution est moral ement et légaleinc.nt co11dan1_n ée d ans J'isJam.
Cependant, les prostJtuées exis1·e.nt dans les sociétés musulmanes. La
sourate XXlV, 33, alnsi que diverses traditions (hadltllS), COl\darnne11l
le fait d'obliger les escla\1es (ou les servantes) féminines â se prostituer
( parfois c.1\ vue d'un bénéfice commercial de la part du propriétaire <tui
se transforme en proxénète).
Dans 11slam chiite duodé.chllain, il exjste une forme de mariage
provisoire (mut 'a) légale. Ce contrat de mariage s~cllie combien de
temps le mariage durer a (de quelques heures jusqu'à quatre.vtng t~d lx­
neuf ans) el ce qu'en sera le paiement. L'épouse n'a alors aucun clroit
- - - - - _ _ _ _ ___ Chapitre 11 : !:éthique musulmane : vive la vie ! 229
sur la succession mais ~enfants d'un lel mariage sont l~lllmes et
htr11ent. L.e.s musulmans sunnites coosidère111 la 1nut'O (li1têralement:
• loulssance •)comme une lonne de prostllutlon. l.a sourate IV. 26
est Invoquée à la fois par les sunnites et les chll1es. les pttmlers
lisant u11 cer1ain mot ttès Important oomnle signifiant• le cadeau de
la consolation •(donné à une lemme divorcée) tandis que les chiites
l'interprètent comme signifiant • le 1narlage provisoire 11. Même les
sunnites reconnaissent, el les lraditlong le confirment. que Moha1n1ned
t1 perJnls à l'origine le mariage provisoire pour les musuln1ans éloignés
de chez eux par des e<>mpagnes militaires ou do lointains voyages
commerciaux. Les sunnites disent qu'il s'aglssnlt là cl'une concession à la
falblesse hu1nalne. le mariage provlsolre étant somnle 1oute préfêrable
à l'adultère. Les sunnites font remarquer que plus tard Mohanlmed a
Interdit le mariage temporaire et que l'on peul comparer cette situation
à l'attllude de Mohammed à l'égard de l'alcool, autorisé au début (mais
avec des restrlcrJons) puis ultérieurement Interdit par le Coran (selon
l'lnterprétatlon normale). Les chiites attribuent la prohibition du
mariage provisoire non pas à Mohammed mals li Omar, le dewcième
callle (sucee•seur de Mohamm<!d). Pour les chiites. Omar n'est pas un
successeur légitime parce qu'il n'ét&lt pas descendant de Mohamm<!d.
Par conséquent~ Jes chlltes ne se sentent pas tenus de respecter son
Interdiction du mariage provisoire.
Y' Le sexe anaJ est déviant. L1slam enseigne que certains actes sont
contraires à l'intention de Dieu telle qu'elle se manifeste dans l'ordre
cré<!- un concept semblable à ce que l'on appelle parfois en Occident la
" loi nature.lie•. Dans la morale musulmane, les rapports vaginaux entre
un ho1n1ne e.l une. re1n1ne sont norn1aux, ta1\dls que les: ra pports anaux
ne le sont pas.
V l~'l•on1ose.1tuollt.ê e.st
dév1ante parce qu'elle est co11trolre à l'lntentlon
de Oieu et parce qu'elle est explic.::ilernenl condamnée dans le Cora,n
et les hadiths. Dans la sourate XXVI, 165-175, le sort condamne
l'homosexualité masculine des habitants de Sodome. La sourate IV.
16 semble se rapporter à l'homosexualité mnscullne et Indique que
ceux <t\11 la pratiquent devraient ftre punis sans lndlq\1er quelle sera
la punition. Certains hadiths recommandent de lapld4'r les persoones
coupable$ de pratiques homosexuelles se londant sur le lait que Dieu
a détruit Sodome et Gomorrhe en faisant tom.,.,r une pluie de pierres
sur ces deux villes. Si l'école juridique hanbalite applique des sanctions
graves pour les oct.e s homosexucls. l'école hanafite ne le lalt pas. (En
Malaisie, pays musulman. Je Premier ministre a fait mettre en prison le
vice-Premier ministre pour cause d110moseiruallté considérée comme
constituant une menace politique.) L'homosexualité est Illégale clans
les pti,ys musulmans, mais elle est souvent tolérée si elle est pratiquée
discrèten1cnt • ..\hlsi, vous ne. trouverez. guère de bors ouvertement gays
dans les pays musulmans, mais cela existe au moins sous forme de.clubs
réservés aux inltMs.
23 0 Troisième partie: La vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

Le Coraa, les badiths et les nrchlves hfstoriques évoque.nt peu


la questJ01l du le.ljbfanisl'nC. La plupart des 111t1sulmans diront
spontanément que ce type de rapports sexueJs est condanlnabte. l.e
fait de se travestir ou de vouloir cl1anger de sexe est condamna.ble
dans la morale musulmane. Le rôle de c haque sexe doit êt re clairement
différencié et tout ce qui about1t ~ une conrusion des genres est
considéré comn1e déviant.
,,,., La pornographie est condamnée parce qu'elJe cl1erche
lntentJonnellement à exclte.r plutôt qu'à maitriser la concupisœnceJ
et égaJe1.11ent parce qu'elle est dégradante pour les femmes. Dans u.n
livre fréquemment cité portant sur Le licite e1 / '1ïflcite er1 Is/an1, Yousur
al-Qaradawl explique que l'islam a pour principe général d'interd ire
tout <:e qui peut mener au péché. La pornograp1\1e et les actions n toios
ex-pllcltes qui peuvent susc:ilcr une stin1ulatio11 érotique (comme les
clans.es de saloa en couple) sont donc interdites comn1e sauvega.rde
contre un risque d·adultère évenluel ou de ra.p1>0rts sexuels illiCites {du
potnt de vue mus1.1lman).
V Les méthodes modernes de régulaUoo des nalasanees (aulre1S que
l'avortement) sont c:oura11tes dans l~isJam. Le recours à la contraception
est légitime pour éviter d'avoir une trop grande famille à élever. Ainsi.
on constate que dan.s les cinquante dernières années, le taux de
natallt.é dans \1n certain nombre de pays musuhnans a netten1eot chuté.
Cepe11dant, l:>eaucoup de musulmans conservateuts ont Joint leurs vol_x
à celle des catholiques pour s'opposer à certaines recomn1a.a dations
de la co11férence des Nations unjes sur 1a popuJation qui s'est tenue au
Caire en 199·5. Les musuln1<.'11$ se SOl\l opposés au fait que r~tat impose
des 1nesurês de régulation des naissaaces, y voyant mëme Lill complot
occidental destiné â réduire Je nombre de musulnlan.s dans le rnonde.
Y" L'fnséntlnatlon arlificlelle ·d e l'épouse avec le sperme du mari est
habitueUement autorisée, blen que œrtalns ne soient paa d 'ace-0rd.
Cependant. J'utllisatlon clu s1>ern1e d'un autre homme que le mari dans
le cas de la stérilité masculine est considérée com1ne un adultère. La
mat.ernité. de remplacement (par des mères por teuses) est égaleo1ent
lnterdile 1>ar la loi islan1ique. Un enfant né d'une mère porteuse est un
e11Jant illégitime au regard de la loi Islamique.
Y' L'islam condamne vlgoureu.senietal l'ullllsatio11 du sexe pour faire
vendre de$ produits. Vous ne verrez pas en pays musulmans de
femmes légère.ment vèt11es faisant rarUcle d'une voiture. dernier cri,
ni d'hommes en caleçon Calvin Klein lascivement allongés sur les
panneaux publi citaires placardés dans la r ue. !\'lais la société marchande
gagne du terrain. Cert.<i.h)es public it ~.s sur les aliments. les vêtements
êl les cosmétiques commencent aujourd'hui à envahir les écrans des
télév·i slons arabes, et nlê1ne C:.:(:r talns grands 1>a.n neaux de r éclame qui
poussent comme cles champignons dans les grands axes d es villes. Pour
l'heure, leur n1essage est assez soit. mals l'approcl'1e est progressive.
Dans certalns C.:flS (cosmétique èt parfun1s, notamment), le côté sournois
de la publicité est déjà sensible.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 11 : l'éthique musulmane : vive la vie! 23 J
Le maria9e et fa famiffe
Amour et mariage sont-Us lndlssoclablement liés dans la mentalité
musulmane ? Jusqu'à nos jours. la famille musulma1'te 11e conçoit pas que les
jeunes proml5 puissent se fréquenter as.sidûme.nt avant de rendre publique
leur union. l:ld~e sous-jacente est celle-<:I : • Qui veut l'un doit aussi prendre
l'autre.• Aussl Jes relations sexuelles. le mariage et le 3exe sont·il.s supposés
aller de pair dans le nlonde musulman.
v Le 1narlage, daos l't8ll\_m, c&t u1\ <:ontrnt 80C1ol avec une l>é.nédletlon
divine (110urnte XXV, 54). Il est fortement recommandé de faire
une célébration de mariage, ce qui se l"odult la plupart du temps.
Cependant. la condition religieuse cruciale est le contrat négocié par
l't•omme et le représentant ma.sculln de la femme, signé en présence
de deux témoins au minimum. Dan5 l'islam. le mariage ne doit pas être
contracté en cachette. C'est un événement public ( la fète donnée en
l'honneur des mariés eo fait un acte public:). Même si les prémisses du
marlage ne reposent pas forcément sur de romantiques émois. ramour
est Important dans le mariage. La sourate XXX. 21 dit que le mariage est
l'un des slgn6 de la sollicitude de Dieu pour l'humanité et que Dieu• a
mis l'amour et la bonlé entre• le mari et l'épouse.
V 11 ca:I recommandé de 5e marier je.une, aux ale.ntou.rs de 2.0 ana. ttant
donné que l'homme doit pouvoir subvenir aux be50lns de sa femme
el que le monde modeme exige de longuCJ! années d'étude avant de
pouvoir exercer un métier à temps plein. la dn.te du mariage est souvent
re1>oussée de ,, 1usleurs années.
V L'lalam aanctloune la polygamie. Certa_
lns 1>e11seurs 1nusuln\ans
1nodern l ~ les disent que le Coran privilégie la monogamie mals a
néan111oins autorisé la polygamie pQur tenir co1n1>te des COt\Clitlons
de vie de la première communauté musuhnane. Le rnari peut avoir
Juo<1u'à quatre épouses, à condition de les traiter b égalité. Cette égalité
de traitement concerne le soutien financlel' de.a épouses, et non les
sentiments. Un musulman qui vit dans un pQyS oO la polygamie est
lnlerdlte doit se conformer aux lois du pays oil Il vil. Certains pays
musulmans restreignent. voire interdiM:nt la polYSamle Oa Tunisie., par
exemple).
Lu femmes ne peu...--ent avoir qu~un seul mari et, d~ nos tours, la plupart
des l\Ommes musulmans n"ont qu'une seule fpouse. Dans certains cas.
l'~pouse peut mettre dans le contrat de mariage une clause qui Interdit
au mart de prendre une autre épouse.
232 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

,,. L'adulltre est l'un de. crimes les pl11S graveo. Le Coran mentionne
une punition de 100 coups de rouet (sourate XXIV, 2), nlais un hadit h
(tradition) 1iréconlse la mort par lapidation. Normalement, le hadith
est considéré comme remplaçant (ou même abrogeant) la punition
coraJ1lque. Dans l'un ou l'autre cas, des procédure$ de protection
veillent à ce que l'on n'en arrive pas à cette extrémité. Au Nigeria,
plusieurs tribunaux des résions du nord du pays ont appliqué la peine
de mort pat lapldallon. Le chel de l'État. un musulman, est Intervenu
activement pour tenter d'empêcher cette lnterpr~tatlon faussëe de la loi
lslamlQue. Une fausse accusatloo d'adull~re e$1 punie par 80 coups de
fouet (sourate XXIV. 4). ce qui montre bien que. selon le Coran. ce type
de calomnie est pre:sque aussi mauvais que l'acte d'adultère luHnême.
,,. Le d ivorce (ta laq). aelon un hadith bien connu, ett la plWI détestable
des action• a u torl~eo dan• l'islam. Le Coran recommande la
réconclllallon avec l'aide d'arbitres (sourate IV, 35). La procédure de
divorce consiste fondamentalement à ce que le rnorl dise trois fols
d·af filée" j e cUvorce cle toi•. Les deux première fols, le couple peut se
réconcilier. L'épouse continue à vivre dans la maison confugale (mari
et épouse ensemble) et le mari contloue à subvenir aux besoins de sa
lemme (d. la sourate LXV, 1). Ensuite la troisième !ois, le divorce est
prononcé comme étant déflnltil et le couple ne peut plus revenir en
arrière. à moins que la (emme ait ensuite contracté un autre mariage
(suivi d'un autre divorce) dans l'intervalle (ces déUtlls sont spbolfiés
dans la sourate Il, 228-232, 236·237). Plus tard, la coutume a été prise
d'accepter que le divorce soit prononcé d« que le merl a répété trols
lois d'allilée la formule du divorce(• talaq, talaq, tafoq o). Ce divorce
rapide e.içt devenu légal mais non recon1mandé et a prëté à de nombreux
abus de la part de certains maris. La législation moderne de certains
pays musuhnnns vellle à protéger l'épouse contre ln prat1que du divorce
arbitraire.
nest difficile pour une épouse de divorcer. Les raisons qu'elle peul
invoquer pour demftncler le divorce sont ll~e.s à la maltraitance. à la
négligence ou au défaut de pension alimentaire. à l'lmpulssance du
mari. à la débauche, à l'abandon. à la maladie chronique. à la folie ou à
la converslon à une aurre religion. En c:as de divorce. normalemen1. ta
lemme a le droit de garder sa dot.
,,. Le mari a l'obllgatlon de oubvenlr aux beaolno de oa femme
(sourate IV, 34). L'épouse est responsable du soin des enfants et de la
gestion de la maison. Si elle accomplit ces fonctl01lS, elle peut avoir un
1ravalJ en dehors cle la maison. l~e revenu qu'elle retire de son travail
est à elle et elle J)Cut en faire.ce qu~e lle veut : elle n'est 1>as obligée de
contribuer aux dépenses de base de la famlllc. Dans les pays où les
remmes vivent recluses à la nJaison (conUnées dans une partie de la
maison où leJ l'ommes extérieurs à la Ianillle ne les verront pas, comme
l'ont Imposé les talibans en Afghanistan). les opportunités d'emploi sont
- - - - - - - - - - - Chapitre 11 : L'. éthique musulmane : vive la vie ! 233
tr« limitées. Cependant. dans toute l'hbtolre musulmane el dans la
ma)ort1é des pays musulmans, on constate que les femmes ont exercé
toutes sortes de métiers.
v Maigri une volonté marquée d'égalltarllme dan• l'Wam, la famille
palrtarcale reste cons:ld.ê rée co1nmé la norme divine. Chacun se
soumet à Dieu. Les citoyens se soumetten1 à l'au1orlté du chef de
lttat. L'épouse est soumise au mari, el les enfants à leurs parents. La
ré<:lprocité est encouragée entre le mari et l'é.1>ouse1 et le 1narl s'c1t
remet normalement à son épouse sur les sujets co1tcerna11t la rnaison et
l't!clucntlon des enfants en bas âge. Il n'en reste pas moins vrai que si une
divergence de vues surgit et qu'une décision doit être 1>rise, c'est le mari
qui a le mot de la fin (voir la sourate IV. 34, ~propos des femmes Juste•
qui obéissent à leurs maris).
v Le• e.nrants sont une joie. Les enfants doivent honorer leurs parents,
et les parents doivent traiter chacun de leurs enfanis également, sauf
circonstances particulières (comme avoir un enfant handicapé). Un
hadith dl! : • Cralgr1e2 Dieu et traite% vos enfants aVtt la même justice.•
Les parents sont tenus de répondre aux besoins fondamentaux de
l'enfant - nourriture, habillement. hébef8ement, lormation religieuse et
Education.
Les pères doivent témoigner amour et affection à l~urs enfants car il
est dll que c'est alnsJ que ~tohammed s·est comportt. avec ses enfants.
L:lslarn considère qu'une mère témoignera toulours de l'a1nour à ses
enfants. Dans une afrlrmatJ011 célèbl'e.. Mol1amnled dit : • Le paradis
est aux pieds des mères. 11 Dans un autre hadltl1. quelqu'un clemande à
Mohammed : •Envers qui dols·]• témoigner de ln bonlé? •Sa réponse
• élé la suivante:• À ta mère, puis à ta mère, puis encore à ta mère, et
ensuite à ton père, puis à tes parents par ordre de proxhnlté."
v Le lol lslamlque n'autori..e pas l'adoption plénière (voir
aourate XXXIII, 4-5), selon laquelle l'en!ant adopt~ a le• mêmes droli..
d'héritage que les autres enfants. Un enfant qui a perdu ses parents est
conllé à la charge de sa famille au sens large. Un homme sans enfants
peut prendre en charge un orphelin. fi peut i~sucr ~ cet enfant jusqu'à un
tiers de son patrimoine. mal$ J'enfant n·~rlte pas de la mëme manière
qu'un enfant normal.
v Lu enranta une fols adultes s'occupent de leun vieux parents et leur
t~molgnent du ttSp«t, selon la sourate XVII. 23 : • Ne leur dites rien
de m~prisan1 et ne les repoussez pa.s. Au contraire adressct-VOU$ à eux
avec: des mots respectueux. 11 Le meme respect devrait être dû à toutes
les person11es âgt!es, comme l'a dit Mohammed : • Aucune Jeunesse
n'honorera un vieil homme en ra.lson de son grand Age sans que Dieu ne
nomme quelqu'un pour l'honorur dans sa vieillesse. •
234 Troisième partie: la vie musulmane au quotidien :tradition, pratiques et éthique

Y" La (amille au sens large est mora len1e1'1l responsable des dettes
contractées par un men1bre de la famiUe pauvre sans que cela soit
dû à une quelconque carence de sa part ou des det tes laissées par
un membre de la ramille qui esl décédé. Cependant. la famille élargie
n'est pas responsable de ces dettes au pJan légal et ne J>~ut 1>as ê tre
légalement tenue de les payer.

Rôle et statut des femmes


Le statut des femmes dans l'islam est l'un des points qlri suscitent une
attention particulière chez les Occidentaux. Ceux-ci s'iasurgent contre te
fait que les Cemmes musulmanes soient, selon eux, considérées comme des
citoyennes de seconde zo11e. Je partage leurs préoccu1Jations mais je suis
é:gale1nent d'accord avec tes critiques musul mans qui précisent qu'll y a
encore cent à cent cinquante a.ns, Jes femmes avaient plus d.e droits aux plans
juridique c:omrrie au plan éconolnique dans bon nombre de pays musullnans
que dans les pays occidentaux. En outre, les penseurs aussi bien rnusulmans
qu'occfdentaux sont d'accord pour d ire Que dans les premiers temps. les
J)rescri1>tions coraniques concernant les femmes ont marqué une avancée
au plan juridique, social et économique, comparée à ce qui existait avant
l'Islam. Selon certains (et j'en lais partie), par la suite, la place des femmes
s'est détériorée dans certaines parties du monde nlosulman non 1>aS à cause
du Coran. mals au contraire à cat1se <Ju Jaît que l'on s'est éloigné de l'esprit du
Coran.
Y" L'Islam revendique une politique oil la séparation n'exclut pas ltégalité
en ce qui concerne l es femmes. IJ est intéressant de remarquer que
certains auteurs hindous se situent dans la même optique et arguent
du faJt que les percept.Ions occid_entales du traitement injuste des
fecnmes dans l'hindouisme (ou J'islam) sont surtout dues au ma11que
d'appréciation des rôles co1n1)lémentaires de l'l1omme et de la femme et
du grand respect dans lequel sont tenues les femmes. Quand 011 a passé
une partie de sa Jeunesse dans le sud des États-Unis d'Amérique où les
Noirs étalent cen$és être à part (écoles séparées. postes d'eau potable
séparés, et a insi de suite), mals a égalité, on peut se mol1t rer sceptique
quant à la légitimité de cette revendication égalitaire.
'°' Les femu1es ont les n1ê1nes droits et les mêmes devoirs que les
hommes au plan religieux. Elles doivent, cependanl, se tenir à l'écart
dans les parties réservées aux fecnmes dans les mosquées, et elles
ne r.>euvent pas diriger la prière d'une communauté si un homme
est présent puisque c'est l'ho1nme qui doit assumer les (onctions de
direction dans la sphère publique. tout comme la femme le lall dans
la sphère domestJque. {Les soufis font exception daos la mesure où le
1nystlclsn\e fait a_bstracl ion des frontières sociales, mëme si l'éJémeoL
féminin est encore absent des séances publlques de m~dltatlon .)
______ _ ____ Chapitre 11 : L'éthique musulmane: vive la vie!
235
V Les fllles doivent être accueillies avec joie à la naissance. ~tanl donné
qu'en Arabie à l'éPoQue préislarnique les garçons étaient préférés (cf. la
sourate XLIII, 17), les petJLe.s Illies ëtalent souvent tuées dês la naissanc.e
(cf. La sourate LXXXI. 8-9). Le Coran condamne celte pra\ique. Les
traditions prophétiques clisent toutes qu'un musulman doit se réjouir à
la naissance d'une lille comme à la naissance d'un garçon. Cependant,
les ca.s d1nfant1cide féminin ont assurément continué et. com.1ne dans
beaucoup de ~ociétés (en Chine, par exemple), les fa1nilles musuln1anes
t raditionnelles ont continué à se ré-jouir à la nalssance d'un Ols et à
eonsidêre,r la naissance d'une f:ille comme un fardeau. lndépendamme11t
de ce que la religion les Invite à faire.
v La part d 'héritage d'une fille corresp<>nd à la moitié de •..,ne d'\m
garçon. f<>our les musulmans, cela s'explique par le lait que le garçon doit
subvenir aux besoins de sa femme tandis que la fille est lll)r C de faire ce
qu'elle veut de sa part, d'autant plus qu'à son mariage elle reçoit une dot.
v Le Coran ((1-0urate Il, 221 ; LX, 10) Interdit explicitement aux femmes
musulman-es d'épouser un homm-e non musu.l man mais per1n.e t à
un musulman d'épouser une femme non Dlll8Ulmane. Le but est
d'empêcher un musulman de quitter l'islan1, tandis que l'on pe11se qu'une
fen1me sera plus encline à adopter la religion de son mari.
v Le& rcn1n1es dc>iv~11t être voilée&. Le lt>~"<te spéclr1que du Coran
s'applique aux épouses de Mohammed (sourate XXXJIJ, 53). Deux autres
textes (sourate XXIV, 31.:12; XXXIII, 60) parlent des femmes musulmanes
qui couvre11t leur poitrine el portenl u11 mant.eau atnJ)le quand elle..i;
sortent. Certains interprètent ces textes de façon radicale en disant que
la remme doit complètement se couvrir de la t~te aux pieds, y compris
Je visage. Be.aucoup de femmes mt1sulmar1es comprennent ces textes
corn me une recomn1a11 datlon à se v@tlr avec décence et à couvrir leurs
mains mais pas nécessairement leur visage.
On ne peul pas ni er que le code vestimentaire des -femmes soit un sujet
p0Jémic1ue dans l'islan1 (coocer-nant le cas rrançais, cl chapitre 16).
Au cours des -siècles, les st}1les de couvre~chefs et de voiles pour les
remn\es mustllmanes on1 consldêrnblement évolué. 1·out le monde a déjà
vu ces Images de fen11nes er• Jrao, en Arable Saoudite oo en ;\fghanlstan
couvertes Intégralement de la tète aux J)ieds. avec simplement une
ouverture laissa11t à 1>cine voir leurs yeux. Cc type de vête~nent peut
varlerd'un pays à un autre; aba)'a, tchador el burqa oe so11t pas des
synonymes 1nals tous sont des espèces de 1nanteaux amples. qui
couvrent le corps tout entier. Le kh;marest un voile qui co11vre. toute Ja
tête jusqu'à Ja poitrine et peut se co·m biner avec un_jilbab, qui couvre
le reste du corps. Le ltidjob est le terme générique pour un vo11e, de
quelque type qu11 soit. à condition qu'il cache réellement le vJsage.
Pour afrit1n-er leur Identité musulmane, dans les v lUes comme Le Cal re,
beaucoup de femmes dont les mères ou les grands-1nères avaient reje'é
Je volte ont désormnts opté pour le port du voile.
236 Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

.,..., Les avis a11r Je (alt de confiner les femmes à la malson varient
oonsldêrablenien1. Les lntégrlsres disent que les femmes doivent r ester
à la maison, qu'elle.s ne pe uvent sortir (voyage y con1prts) qu'avec leur
mnrl ou d'autres l1ommes de la ramille , et qu'elles ne peuvent ~-ravallle r
que dans des envlronnen1ents exclusiveme11t fé.mlnlns. (t:Arabie
Saoudite a un centre commercjaJ moderne réser vé exclusivement aux
femmes:) En réalité, dans la plupar t des pays muJulmans, les femmes
sont plus pré.sentes dans le paysage public que ne le suggère cette
évo<:allon.

Déontologie en médecine
La médecine a toujours été une profession 11<>norée dans les pays
musuln>a.ns : Jésus. considéré comme un prophète de l'Islam, est vénéré pour
ses g'u érisons. Le Coran dit : 11 Celui qui sat1vc la vie fJ'un lncllvidu est comme
celui qui sauve la vie d'un peuple entier" (sourate V. 32). Les recueils de
hadith évoquent d es sujets médicaux.
Dans la rnédeclne, le principe moral de base est de favoriser la santé et la vie.
.,.. La médecine doit promou,'Oir la vie et ne rien !aire qui puisse la
compromettre. Le suicide el l'euthanasie sont condamnés dans l'islam
(sourate IV, 29). La st~rlllsation est normalement Interdite. Le musulman
ne doit pas prier pour demander la mort car c'est Dieu qui l!xe tneure
du d~. D'un a.ut re cOté. les médecins ne doivent pas eonpl0)1'r des
moyens dlsprOJ>Orl Ion nés pour prolonger ln vie après son terme normal.
V L'islam rie perçoit aucun conflit entre la. fol en Dieu e t l'usage le
meilleur de la 1clcnce n1édicnJe et de tra1teu1e11t1 pcnuettant d e
guérir. En !nit, le musulman doit à ln rois s'eflorcer cle faire tout ce qui est
erl son possible en tou1es choses, y compris dans le do1naine médical. et
finalement s'en ren·1cttre entièrement, pour l'issue de ses entreprises, à
la volonté de Dieu
V Dans le monde musulman, dimportanles contributions sont apportées
aux soins de santé dans des secteurs tcl.5 que les hôpitaux. les
dispensa.Ires. le soin des personnes ayant un handl«p mental et le
recours à la th~raplc musicale. Uexiste des manut:ls pour aider cenalns
à se méfier des charlatans et des guérisseur$.
Y' Certaines autorité• mu.s ulmanes permettent lu 1rt.fres d'organe.
D'autres en reva11c:l1e y sont opposées parce qu'elles les considèrent
conune des 1nutllatlons du corps humain, ce qui a des Implications sur le
corps appelé~ r essusciter au j our du Jugen1cnt dernier.
.,.. L'avortement el! Interdit (sourate XVII, 41), "'"'s'il •'•git de sauver
la vie de la fe1nn1e. Un fœtus a des droits de 1ucœ5slon. L'islam fixe
traditJonnellement le début de Ja manJiestatlon de la. vie à quatre mots.
À partir de cette date. l'avortement es-t clone: un meurlre.
- - - - - - - - - - - Chapitre 11 : l'éthique musulmane : vive la vie ! 239
tes natlons musulmanes n"a:rrivent pas à s·entendre sur la définition d'un âat
musulman. beaucoup reste à faire pour développer une éthique politique
Islamique moderne.
La seule cause qui justifie la révolte conrre le dlrlge..nt en Islam est celle où
ce dirigeant abandonne olficlellement l'islam. Cette • 1>proche est théorique
et contredit la réallté des choses car. dans la pratique. les révoltes existent,
bien sOr, et sont même assez courantes.

Autres aspects moraux


En dehors des aspects évoqués ci-dessus. voici quelques éclairages
supplén1er1tolres sur d'autres problèmes de société:
v L'al<:ool, les drogues et le jeu oont tous lnterdlls daoo l'Islam. Ces
actlvttés entretiennent le vice de la convoitise et obscurcissent les
fac:ult& mentales.
vTradltlonnellement, l'islam désapprouve l'art Rprollf qui constitue
à..,, yeux une contrefaçon de l'œuVtt crtatrtce de Dleu. L'an de la
statuaire e.st interdit en raison de son utlllsatlon dans les cul1es paîens.
Les jouets des enfants sont une excepllon parce que M ohammed n•a
émis aucune objection à ce que sa fllle Aicha jOue à la poupée. On trouve
désorm•ls des poupées babillées en costume de lemme musulmane
pour les petites filles en remplacement de la dlèbre poupée Barbie.
Les avis sont 1>artagés e.o œ qu1 001lcernc J~s arts en det1x dimensions.
En Iran. en Turquie, en Asie centrale et en Asie du Suc.1, 1es peintures de
scènes ê plques e t de récits ont prospéré. Les ouvrages médicaux ou
•clcntlllques s'appuient également sur des lllus trntlons.
Les photographies, les mms et les programmes télévisés sont
occeptab1e.s du point de vue moral (mê111e .si c:e_rtolns n1usulmans "'ont
fusqu'à les refuser) parce qu'ils Impliquent la reproduction mécanique
cl'une vrnle hnage et non une création d'image sortie de l'imagination
d'un artiste. De plus.• le côté éducatif de certaines ~nlsslons est
plébiscité par la plupart des teléspectateurs et cela dans tous les pays
musulmans. Naturellentent, les musulmans s'opposen1 souvent aux
ftlms occidentaux qui passent au cinéma ou à la télévbton en raison de
leur contenu immoral. La nudité des acteurs est réprouvée de manière
unanime dans toos les pays musulmans et, a for11ori, la pornographie.
qui est Inimaginable dans l'ensemble des pays musulmans. Dans
certaines monarchies rigori$tes. dont prtnclpatcmen1 l'Arabie Saoudite.
le toucher entre acteurs ou comédlens est mal vu et Je baiser est
proprement scandaleux. L.es carlcaturo sont d~sormals 1enues en
suspicion depuis qu'un petit journal danois. Jyllands·Posren, en a publié
(30 septembre 2005) quelques-unes Jug~es peu llalleuses pour le
prophète Mohammed. Depuis peu, Wlkl1:iédla Clll 1nlse en joue en raison
<le lo llgurnllon du Prophète dans la biographie qui lul est consacrée.
24Q Troisième partie : la vie musulmane au quotidien : tradition, pratiques et éthique

,,,,,, L'écologie est un champ relativement nouveau dans l'éthique


lslamlque. Les pays musulmans participent aux confére1lces des Nations
unies traitant de problèmes d'ordre écologique. comme la pollution ou le
changemen1c limatique. Les hommes peuvent enlployer les ressources
terrestres au profit de l'humanité mals doivent garder à l'esprit qu'ils
n'en sont que les gérants (califes) devant Dieu et qu·ns se doivent dé 1out
metl re en œuvre pour éviter d'abouti r à une catastrophe écologique. Les
n1usulmans font aussi référence à certains textes qui demandent que l'on
préserve les arbres des destructions causées en te.rr1ps de guerre.
,,,,,, A11tre préoccupation nouvelle en Islam : les d.roit,s des animaux.
Selon l'islam. les animaux ont été mis sur terre au service de l'hom1ne.
Pour autant, ils ne doivent pas ëtre maltraJté.s ou faire l'OlJjet de
souffrances inutlle.s. Ils ne devraient pas être châtrés ou génétiquement
modifiés. L'Jstarn interdit l'utilisation d'animaux pour servir <le cible
ou l'organisation de combats d'animaux (corridas ou combats de coqs
par exemple. mals des courses de dromadaires et de c hevau)( SOllt
organisées par les princes roturiers du Golfe). Les aniJnau.x doivent ëtre
respectés et bien traités. SI l'islam manifeste une certaine rét1cei1cc à
l'égard du chien, pour ne prendre que cet exemple c1ul est insuffisant car
le él1ier1de c hasse est vénéré, on sait que Mohammed ét ait un amoureux
des c hats. Le slouglll, c hien de chasse~ est l'a mi vertueux de to11s les
chasseurs. Uva sans dire que les ca1néltdés sont en honneur, aJnsi que
les chevaux, les faucons et les volatiles en génëral.
Quatrième partie
Une religion plurielle

•Le tr&j«t jùS<fU'à la Jl'.lOS<fùé<e lJ:le f'a.it (oùjoùr.S


pe.n.se.r &ù>' précepte.S <fù.i ùllissen( ],.,.s mùsùlm.ans :
st soùn:t<-ttre. à tljeù, p:l'ie.r cin<f fois par joùr e( partir
tl>t pottr réùs.sir à avoir ùne. pl1J.ce. de. parking."
Dans cette partie ...

L a d iversité des croynnts dons une reUgion peut êlre sourct de richesses et de
polémiques. En ~néral. quand on parle de 11•1am, on fait référence à 11slam
sunnite car 88 à 90 % des musulmans sont .sunnites. Dans cet1e partie. vous allez
faire connalssanc.e avec: cet lslam.tà. l"lslam sunnite. mals aussi avec d•autres
branche$ de l"lslam. et notamment le chli$me duodéclmaln et les groupes chiites
Ismaéliens septlmalns. Certaines branches du chüsme ont fini por former une
rellglon Indépendante.
SI les rites, les presc:rl1)tlons et les interdits sont lm1>0rtants en matière religieuse.
certains croyants nes'arrêten1 pas là e1veule11t avoir une vie splrltuelle plus
poussée et une plus grande lnthnlté avec Dieu. Le souflsn1e est le mysticisme de
l'Islam qui répond à ce besoin de splrlluallté e t fall l'oblet de tout un c hapitre, dans
lequel apparaitront égalcmc.111 quelques aspects de l'lslnm (Onfréri(jue.
Chapitre 12
Le sunnisme
• ••• •• ••••• • ••••• • •••••••••••••••••••••••••••••••
Dans ce chapitre
.... Définition du sunnisme
.. La science du hadith
.. Les trois savants du hadith
.... Le.s quatre écoles théologiques
••••••••• • ••• ••••••• • •••••• • ••••••••••••••••••••

L a sunna, voie tracée par le Pro 1>ll èle (<le J'('Jrabe sannat rassül Allah),
est Je mot employé par les musulmans pour désigner la religion qui a
été préconisée par le prophète Mohammed et qui a été scrupuleusement
observée par ses successeurs imn1édiats. Apri:s le Coran. la sunna
(compol'te1nent du l;irophète) est devenue la source majeure de la loi
religieuse puisqu'elle est suivie par 1:>lus de 88 % de nlus,uJmans dans le
monde, ce qui correspond à !milliard de croyants. LA! mot de 11 sunna t existe
déjà dans Je Coran et renvoie à la utradltlon • des Anciens. Ceux..ci sont liés
par un pacte, ce.l ui du consensus (ifma'). D'ailleurs, l'expression aral>e qui les
désig1le est sa1lS a1nhiguîté : ah/ as-sunna wal·ij1na'. o les partisans de la sunna
(conduite du Prophète) et du conseJlSUS v.

De fait, à la mort du Prophète, la communauté de Médine et de La Mecque


s'est trouvée devant un vide relatir en matière d'interprétation. ll.!S cas
d'innovation étalent d'ailleurs nombreux et pouvaient diviser les croyants ou
les opposer les uns aux autres. li fallait fa.Ire vite, nlals sans J>réct1lltatlon. Les
théologiens étaj ent déjà à l'œuvre, et nombr e de traités allaie.n t naitre dans
Jes années qui suivront la n1ort clu Prophète. Ces traités seront d'ailleurs
au fondement des tcoles théologiques ou m<ldhahib. car ils tracJulsent la
diversilé des nuances l iées aux r i tes fondateurs.

La science du hadith
Lorsque des situttlions nouvelles se pré-se.ntent. les premiers musulmans
re\•fenne11t au texte du Coran ou, à défaut. aux hadiths ( pro1>os ctu PrOJ)hète).
Prononcés 1>ar le fondateur de rlslam sous for1ne de commentaires,
244 Quatrième partie : Une religion plurielle _ _ _ __ _

d'appréciations et d'évaJuatlons sur le Cora il ou sur la vie quotidienne,


ces hadiths ont été conslg1lé$ par écrit à partir du vur- siècle, soit un siècJe
après La mort de Mohammed. On appelle si/si/a (• chaîne•) le processus de
conservation du hadith. Celui-cl est fondé sur la présomption c1ue la source
qui a fourn i l'inforn1atlon - le muhaddith - est parfaitement fiable. car Il a
entendu lui·même le Prophète proférer u1le sentence ou faire un commentaire
et qu'il l'a rapporté tel quel, sa.n s rien y ajouter de son cru. Lorsque le propos
a été confir mé par plusieurs muhaddi1iln, on considère qu'il est authentique
(sahifi) e t donc conforme à la Tradition. En revanche. lorsque le hadith n"a
pas été confirmé par des relais sêrieux (isnlîtf), Il est considéré comme
t faible11 ou • ondoyan1 i. ( isnâd dha7f). Au fur et à mesure, des recueils
Imposants se sont constitués à partir du substrat initial de chaque hadith,
le main. Cette source du droit et de la pratique Islamique est élevée chez
certalns théologlens au ra1'1g de science., une science qui sera partie prenante
des bases du droit musulman (usai al·fiqtl). Enfin, ses partisans. les sunnites
essentjelJement, sont ~galen1ent a1>pelés f>Our cette raj so11 ;.\h1 al-hadith,
.. ceux <1ut suivent le hadith •, tandis que des d isciplines très élaborées ont
été imaginées dans les ~coles théologiques musulmanes (médersas) pour
entretenir cette filière.

Voici dans l'ordre chronologique ta l iste des recueils les plus importants de
hadiths que le collège des grands thêologiens a , de tout temps, considérés
comme faisant partie du domah1e du 'i/m a/-l1ôdi1/1 {t la science du hadith:.) :
""' Le Mawaua de Malik Ibn Anas (vers 711-796)
""' Le Mrîsrrad de Shafi'i (767-820)
V' Le Müsnad de llmam Ahmed Ibn Hanbal (780-855)
""' Le Salrf/1 de Bokhari (8!0-870)
""' Le Sahih de Mûslim Ibn Al-Hajjaj (Slï-875)
""'Le Müsnad d'Abû DawGd (mort e11 888 ou 889)
""'Le MOsnad d 'lbn Maja (mort en 886 ou 889)
""' Le Mûsnad de Tirmidhi (mort en 893)
V' Le Mûsnad d'Al-Nasa'î (mort en 9 1 ~)

PJusieurs autres traités du hadith ont acquls une place de choix dans la
Littérature foisonnante du l\a<llth. On peut en citer quelques-uns :
""' Le Kilab al-Yawm wal-làyl d'lshâq Ibn as-Sunnl (mort en 974)
""'Le Kitab as-Sünan de Daraqtûnl (918-995)
V' Le Sharh' alriidït 0.1-Salrilrayn de Humaydi (mort en 1095)
""'Al-W<rsît, Al-Wajiz e t Al·Mustaslà de Ghazali (mort en 1111)
V' Le Sharh ·as-Sunna de Baghawl (mort en 1122)
V 1l1atn a/-Arba'ü11 de Na11;au;i (mort en 1277). sujvi de son Commenldire.
- - - - - - - - - - - -- - - - - - - Chapitre 12 : le sunnisme 245
Les « best seffers » du hadith
4

Les trois re<:uells les 1)1us hnportants de cette liste, à sa"oir le Sahîh de
Bokharl, le Sahih de Mûslim et le Mûwatta de l'imam Malik, surnommé • le
Maitre de Médine •, sont des best-·sellers de la littérature religieuse. On les
trouve dans toutes les (OôsQuées du mo1lde et dans toutes les librairies.
Par fois, ce ne sont pas moins que plusieurs volumes reliés. de-plusiet1rs
fonnats et paraissant sirnultanément dans plusieurs maisons d'éditiorL.

Le recueil de Bofthari
Le premier de tous est le re<:uell de Bokhari (810-870). de son vrai norn A.bO
AbdaUah Mohamed Ibn Isma'il al-Jûfl, mols apparenté à la vllle de Boukhara
oi1U est né. Bokhari a voyagé dans plusielLrs 1>ays el rencontré 1>1usleurs
de transmett·e urs de hadillls (!11tih<1dditOn). Son but était de collecter le
max1mum de hadiths en vérifiant au préalable leur teneur et leur véraclté4
Si un hatlltJ1 lui P<traît douteux, li préfère ne pas l'inclure dans son reeue.i l
qul, pour cette raisoa même. a acquis une réplst.atlc;>n qui ne s·est j amaJs
démentie. C'est une œuvre gigantes<1ue de plus de neuf mille eitations
contenues dans huit tomes en arabe, qui existent désormais en trançais (en
quatre volumes). Traduite et publiée à Paris. chez Leroux. de 1903 à 1917
(réédité depuis, S-Olt en 1977, par la Librairie d'Amérique et d'Orient, Adrien
~1alsonneuve), par Octave Houdas et \Villiam ~1<.lrçats pour les deux premiers
volumes et par Octave Houdas seul après le décès de Marçais pour les deux
autres volumes, cette œuvre de Bokhart est connue par les spécialistes sous
son titre habituel de Sahih al·Bokhari (• !.:Authentique• de Bokharl). Pour
le public français, les deux tl'aducteurs ont cru bon de donner un t itre plus
ample, Les 1faditions islamiques. car il est plus explicite. P<>ur se Jaire u11e
opinion personnelle, voici un had1t.h extrait de l'œuvre de Bokhari :
11 en est trois à qui Dieu n'adl'é$$em (Xl.ç la parole, qu'il ne regardera pas.
qu 'JI ne purifieta pas et qui auront un chiitirnent douloureri,.,· : l'ho1n1ne
qui, e-n Gours de route., c1ycnt plu$ d'eau qu'il n'en a besoin. refttse l'eau
<)un l}(')yageur ,· l'homme qu;, prëtanJ sennenr de Fidélt'té, ne le. fait quen
vt1e d'un profit terrestre et qui, alots, ne liant pas ses engagements ; enr;n.
/'homme qui, débaltanl le prix d 'une marcJ~o11dise, après l'heure de l'aprf!s 4

midi (équivalenr ll la pri~re 'oçr), jure par Dieu qu'elle o été payée par
lui telle ou telle som1ne. en sorte que l'autre. la prend à ce prix (Bokhari,
L'Authenllque 7radition musulmane, Fasquelle, 1964, p. 162).
Voici d'autres hadiths authentiques, que j'ai extraits du mêJne recueil, le
Sahi/1 de Bokharl :
Abou 'Amr Ach·Chayb<Jni a dit : ·Le maitre de cette maison ( 'Abdal/ah) m'a
raco1rti ceci: "Ji! demandais au Prophète qt1el était l 'acte le plus agréable
à Dieu le Très Haut? -C'est, 111e répond;t·il. la prière faite à l'l1eure
4

canonique. - Et ensuite ? -La piété filiale. - El ap~s cela ?- la guerre


sainte et1 Ul1e de Dieu." "AbdallafJ ajoute : ··Le Propl1ète Cl dit celu, 1iials si je
lui avais demandé de m'en dire (/âvtintag~. 11 /'aurolt fait. " .
246 Quatrième partie : Une religion plurielle _ _ __ _

~mr Ibn Choralrbn rapporte que "Abda/lalr Ibn Mas'oûd a dit : •J'ai
interrogé l'Entx>)~ de Dieu pour saooir quelle état! la faute la plus graue
lJ~ yeux du Selsneur. - C'est, 111e di1 11. de donner urt associé ù Dt'eu. car
4

c'o.st lui qui t'a cnM· (vol. IV, chapitre :• De l'UnltOde Dieu•).

Le Sahih de MIJslim
Le second est le Sah1h du théologien de Nichapour, MQslhn Ibn Hajjiij. Né
vers 816 et mort vers 873, Mûslim Ibn HaJl31 a lalsû une œuvre que tous
les musulmans érudits compubetit régulièrement, car elle leur fournit
de nombreux commentaires inëdits sur la lurl.sprudtnce et sur le droit
musulman. Ces deux recueils canoniques de hadiths ne sont pas les seuls.
mais ils sont les plus cotés.

Le Mûwatta dt l'imam Malik


À voir tous 1<:$ traités de doctrine musulmane des slècles passés, on peut se
<lire que le plaglal étall courant. Cela est vrai pour cle norr1breux ouvrages
récents qui $ltigenl ceux de5 ancie1ls, 111rus cela serait parraltement injuslilié
pOur cet ouvrage.

Malik Ibn Anas est né vers 711 à Médine. li serait mort en 796. Cet ealant
du VUl" siècle est fgalctnent r. inventeur• de rtcolc malikite qui domi.ne
aujourd'hui au Maghreb er dans une partie de !'Afrique. On lui doit un livre de
jurisprudence Islamique (fiqh) intitulé Al-Miiwallo (IA Plot Chemm. la /'faine),
généralement atlrlbu~ à ses disciples. au moins pour œ qui est de la collatlort
des textes et de leur publk:atlon.
La doctrine de l'imam Malik est celle qui était suivie dans les villes saintes
cru vwc siècle. tant à Lo Mecque qu'â_Médine. Cet :1s1;>cc:1 est essentiel car on
dkouvre !'attitude <les premiers musulmans clans des domaines aussi divers
que le mariage (nikah), '"guerre sainte (djihad) ou le dogme lui-même. Il est
sans doute le prc.1nlcr à avoir établi que la viande ho.lui doit être purifiée 1>ar
le boucher ou l'éleveur qul doivent prononcer le nom d'All;:ih au moment de
l'immolation (tasmiyo). Al·AfOwa_tta contient un chapitre conséquent sur les
règles de la >'Wle et du troc. ce qui est, somme toute. assez cohérent avec
la société marchande qui fut celle de l'Arabie au moment de l'avènement de
l'islam. Enlln, une grande diversité de thèmes esl abord~ en fin d'ouvrage.
Il s'agit des noms du Prophète, de ses qualités physiques et psydlologiquea.
des vêtements qu'il portait, de son éducation. etc.

-
_ _ _ _ _ _ Chapitre 12: Le sunnisme 2 4]

Pourquoi les recueils de hadiths


sont-ils si importants ?
le Coran eS1 c~nsé être le seul texte sacré pour l'.autre e:xptfcation est plus masquée: le Coran
tous les musulmans. les recuefls de hadiths ont étant difficile d'accè.s, l'islam populaire .s'est
poun8nt pris une u.ès grande Importance chez donné de,s théologiens et des commentateurs
les sunnites, tandis que les chiites avaie11t eux plus acc&sslbles afin de raider à trouvers.é voîe.
aussi leurs propreS"racueils de hadiths~ dont D'où l'importance morole et pratique acquise
Al-Kafi (• I• suffisant"' d'Al·KUtaynl (mort on par tes traitês de. hadiths et, partant, par teux
940). Alors pourquoi une telle Importance dans qui les on1 collectas, dont AbO Horavra !mort
un cas comme dans l'aurre ? en 6771. Anes Ibn Malek, le fils du Maître de
Mêdino (mort en 712) et Aicha (morte en 677),
la raison prfnclpale est la sulvanre : pour les l'une des épouses du Prophète.
musulmans qul .se reconnaissent sous l'ap-
pellation de·sunnltes, il s·a~it tout simplement
d'11·imiter •le Prophète, êtantdonné qu'il a êté-
exemplaire rou1 au long de sa vie.

Les hadiths du Prophète


Enfin, pour être complet sur cette question, Il fau t préciser qu'il existe aussi
des hadiths Inspires par Dieu au prophète Mohammed. Plus •nobl es • que les
hadiths ordina.ires, plu,s saints aussi (11hadlth qûdsf»), Ils rorment un noyau
extrême1ncn1 1>ulssant at1 cœur de l'enseignement sunnite. À telle poinl qu'un
auteur commeAn·Nawawi (rnort en 1277), de Damas, a cru bon de rédiger
un ouvrage complet sur tes quarante propos les plus vénérés (Arba'û11
An·A1au.J(J.w1'yd) que l'on peut consulter en français dans la traduction de Louis
Pouzet ( Beyrouth, Dar El.,\1achreq &iiteurs, 1982).

Voici le premier de ces quarante h aditl~s: •C'est l'lnte.ntion qui donne sa


valeur à 1,111 acte.• En lslan1. la bonne intentior1, a ppelée niya, conditionne la
prière, rawnône. le jeOne lé.gal, le pèl erinage et tout a.u tre acte majeur comme
le sacrifice, l'acte an1ou.r eux ou l'entraide.
Et voici le trente-scptièn1e hadith quj monl re <1ue la rellglon doit être, d'abord
et avant tout, Ulle école de pardon :
Dieu a r;,,·é par écrft les (P.uVte.S, botrnes e1n1auvat'.ses : il en a donné, par
la suite, u11e cfa;rc rtxplication : <1insi. /'œuvre b<>n11e qu'orl se pro110s.e
de fe1ire, sans lu réaliser (effecttvement), est con1ptée comme une œ11vre
parfa;1emen1 bonne. Qua1lt à celle qu'on s'est proposé de faire et que l 'on
a effecriventent réalisée, elle vaut. de dix œuvres bonnes à sepl cer11 fois
plus, er bien daua1rtage eitcore. Par co1Jtre, une œuvre mauvaise que l'on
248 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - -

s'est proposé de faire sans la réaliser effec1ioe1nent seta co1nptée pa.r Dieu
cor>t1ne u11e œ,1ure vtritabletnent bonne. Et .'îi on la ré,o/;se e.ffeaivement,
Dieu ne la comptera que comme une seule œuvre mauL'<lise.

Les l{uatre écoles théolotjil{ues (madhahÎb)


Nous avons vu en lntrodu.ction à ce chapitre que les assises théologiques
du sunnlsme épousenl les quatre écoles doctrlnales ou madhahfb (madhhab
au singulier) . Ce sont autant de rites et d'interprétations au sein de la même
mouvance maj oritaire de l'Isl am.

En effet, au.x yeux des sunnites, la différence essentielle qui existe enIre eux
et les chiites est donc celle-cl : dans un cas, les sunnites observent les deux
sources de loi que sont le Coran et le hadith, ce dernier venant compléte.r la
compréhension nue du Coran. Tandis que les c hiites, qui ne font pas appel au
11adith, reviennent surtout à des • références 11 théologiques (marja' taqlidi).
génér alement des descendants directs de l'imam 'Ali, et qui, ce faisant,
changent en fonction clu ten1p.s. Leur différenc.e est égaJement observable sur
le plan de la référenc..-e juridique : contrairement aux chiites, qui re.s pectent
les préceptes d'un aya1.ollah, les sunnites se sou1nettent a1.1x. prescriptions de
la tradition. voire à une compréhension littérale du Coran. D'autres r·èg1es.,
comme l'ijma (consensus omnium) ou le qiyiis (raisonnement cotnparatlr)
sont également en usage, y compris dans les spéculations thêologiques qui
ont an1ené la formation des quatre courants principaux du sunn1sn1e ou
écoles : Je mallklsme, Je hanafls1ne, le chafi'isme et le l1anballs1ne.

Le malikisme
Fondée par un théologien de Médine (cl plus haul, p. 246), Malik Ibn
Anas (vers 71 1-796), le malikismeesl la première tentative de théorisation
juridlque de l'islam, tant dans sa version pratique que dans ses projections
Lnrellectuelles. Dans son œi1vre majeure et unique. le Muwatta. ~ta1ik l bn
Anas se révèle comme un théologien Inspiré par l'œuvr e et l'attitude du
Prophète. Il préconise un recours systérnatlque à la co11sultatJ011 et à
l'i.stlslah, au sens où Je musuhnan sincère se doit de faire le bien au service
de tous ou tout au ntolns de le défendre et de le préserver. Les adeptes du
mallklsme sont essentiellefnent-les-Maghrébins et les ;\fricains.

Le hanéfisme
Abu Hanlfo Qnort en 767) esl le fondateur de la deuxième branche du
sunnisme. Ses adeptes sont surtoul les n1usulmans turcs et Indiens.
Chapitre 12 : le sunnisme 2fi 9
Le hanbafisme
On doll A l'imam Ibn Hanbal (mort en 858) la création du hanbalisme, c'est-à·
dire une branche de l'islam .sunnite plus orthodoxe que les deux premières.
Ses adeptes se recrutent essenUellement en Arable et dans les pays du
Oolle. GrAce Il Mohammed Ibn Abd Al-Wahab, les wahhabites tiennent à la
lois de leur vieux mentor et à Ibn Honbal et Ibn Taymlyya, deux théologiens
musulmans de l'époque médiévale.

Le chafi'isme
Enfin, le chafi'isme. fi constitue la quatrième et dernière école dogmatique
du sunnl5rne. Le chafi'ls1ne prend d'abord une orientation très Juridique
avec l'épître (Ri•ala) de son fondateur. l'imam Chafi'i (767-820), un théologien
de Gaza, •n Palestine, mais qui passera l'essentlel de sa vie en ~gypte où il
mourra.
Pour justifier les liens étroits que le Coran et la Sunna entretiennent entre
Nx. cc qui par ailleurs légillrne aux yeux des sunnl1cs une ccrta1ne proximité
ave<: 11slam des origines, Chafi'i écrit : •La sunna l'Envoyt de Dieu (prQPbète
Mohammed) explicite les significations voulues par Dieu : elle consrltue
une Indication pour le sens particulier ou le sen• géntral du dlscours divin.
En outre. Dieu a lié la sagesse a la 5u.ana et à son Livre en la mentionnant
lmmédiatc1nen11t leur suite.• Celte cltaLlon est exl raite de La RisCJla, les
fondements du droit musulman (Sindbad·Aéte$ Sud. 1997, p. 93) dans la
traduction accessible deLakhdar Souami.

li conclut : 11 li n'a confié ce privilège â aucune autre de Ses créatures qu'à Son
"nvoyé"'
Le Aeul reproche que les musulmans adressent aux quatre écoles
dogmatlc1ues du sunnisme esl, sans dO\lle. le fait que ln ré.flexion personne.Lie
(ray') et l'approfondissement de la sageSle coranique (lftihad) soient
momentané1nent Interrompus et cela à partir du '"' alè<:le. Mals si le poids de
ces grande1 formations doctrinales est sen.slble dans les écoles coraniques
aujourd'hui. Il est des voix qui sélèvent désormais pour 1enter de réactiver ia
dlale<:U<1ue interrompue par leurs ancêtres. li est donc ques1ion de rétablir le
iravall utile de l'lnterpré1ation des testes et de feur ~ptatlon au slèc:le que
nous vivons. Cela pose la question des en)cux de l'Islam de demain et de sa
ca1>aclté d'embrasser la modernité.
Le hadUh est l'une des clés du sunnisme, à la fols son cœur vibrant. son
architecture et son horizon~ nco11vlent de s·y arrêter un peu car Il est
dllflclle de comprendre comment des f3lts et gcgtes du Prophète el 1>arfois
se.s pl1rases elles--mêmes ont pu inspirer à ce point 80 %des n1usu1mans. li
faut d'abord 1111volr que le hadith est devenu t r~ vite une discipline lalsant
250 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - -- - - - - - --

partie du cursus des connaJssances que chaque tmam ou théologien doit


latégrer. Cette curiosité est née du fait que plusieurs compl1atcurs se sont
attachés leur vie durant à réunir les dlffére11ts hadiths, à les confronter Jes
uns aux autres. quant au conte11u (matn) et, partant, à les cJasscr. Ainsi,
cc.r tains l\adiths sont dits i' forts •, c'est-à-Qlre authentiques, et d'autres sont
jugés« faibles" car la chaîs1e de transmission (isnad) n'a pas été validée ou
qu'elle comporte des blancs (d p. 150). Une •science• de la divergence des
hadiths a fait son apparttion au 1x~ siècle. Si le hadith est incomplet, étrange
(gharfb) ou qu'il est contradictoire avec un autre hadith, les théologiens
s'évertuent à en montrer les divergences et les as1>~rités. Ils préconisent
dan.s certains cas d'abroger v~askl1) tel ou tel hadith! que cette abrogation
soit totale ou partielle. Plusieurs lheologlens, tels Ibn QOtayba (mort eo 889)
ou Zamakhcharl (mort e.n 1144). se sont illustrés dans ce domaine.
Chapitre 13

Le chiisme
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Dans ce cftapirre
.. Les événe1nents fondateurs du chiisme
... Qui sont les duodéclmalns '!
• Le culte chiite
.,. Point de vue chiite sur la théologie, la loi et l'interprétation du Coran
... Relations des c hJlt.e s avec les sunnites et les soulls

,
r_ant donné que les sunnites constituent 88 â 90 % de la population
f;, ~l1suln1ane, l'idée que se font Jes Occidentaux de l'islam correspond
surtout à l'islam sunnite. Quand on parle des c:hütes. c'est ên relation avec
la révolution Iranienne, la prise d'otages dans l'ambassade américaine de
Téhéran ou le nucléaire lra11ien. Enfin. la crise opposan1chllles et sunnites
en Crak est l'un des !acteurs d'instabilité dans cette région du monde.
lronie de J'histoire. si les Occidentaux associent (acilement Je c hiisme au
terro.r'is1ne et au fondanlentalisme, hlstorlquen1ent le chllsn1e s'est montré
plus dyn~mlque que l'Islam sunnite. (La constitution du la république
islamique d lran. par exemple, est quelque chose d'entièremenl nouveau
0

dans l'histoire du chiisme,)

Ce chapitre traite clu chiisme en généraJ et plus partlcullèrement du chiisme


duodécimain (également appelé /"1arni. c'est-à-dire. -.imamites 1• ou ltl1nâ·
achriya, terme arabe qui sJgnl[ie «du douzième lmam•). Les deux autres
branches du c hiisme sont celles des lsmaeliens (•du septième imam•) c L des
zaydltes (•du cinquième Imam it). La plupart des chiites sont aujourd'hui des
chiites duodéchnalns. qul font remonter la Jlgnée de Jeurs chefs religieux { les
imams) à "Ali jusqu'au douziè1ne imam Qui lui a succéd.é et a mystérieusement
disparu au 1~ siècle. Les chiites Ismaéliens (dits" septlmains •) et les chiites
zaydites se reconnaissent héritiers d'11ne succession de respectiven1eot sept
(d'où l'a.ppeUation de •• Septima.i ns•) et cinq imams. Les chiites za}·dites, le
plus petit de• grouJ)c:.~ chiites auj ourd'hui, est également le plus proche de
l'islam sunnite à divers l itres. Le c.hiisme sepümain a donné naissante au
nt du temps à u 1\ certain nc;mbre cle groupes dltrérents, dont beaucoup ont
252 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

déve.l oppé des doctrines et des pratiques plutôt ésotériques en comparalson


avec le chiisme duodéclntaln ou l'lsla1n sunnite. ( Pour plus d·1nfor1nalior1s sur
les ismaélie11s et le chiisme zaydite, reportez-vous aux chapitres 4 et t5J

Les musulmans chiites dans le monde


Les chiites représentent 10 à 13 %de la population musulntane dans Je
monde entler. les c ll lltes v ivent J~lajorltaire.ment dans les P<'tys suivants
(chiffres provenant de L'Aiias des religions, La Vie-Le Monde, 2007) :
v L'Iran : 87 % (e nviron 60 millions)
vL'Irak : 58 %(environ 15 mlllions, concentrés da.n s le sud)
v Le Ubao : 30 % (l.2 million, dans le sud et dans la plaine de la Beqaa')
V Bahrein (dans le golfe Persique): 74,5 %(environ 540000)
v Le Yéme11 : 30 % (environ 6 millions)
v L'Azerbrudjan (dans la région de montagne de Caucase) : 65 % (environ
5,5 millions)
v L'Arabie Saoudite : 8 % (environ 2 millions)
Y" Le Pakistan ; environ 28 % (environ 45 millions)
v L'Afghanistan : 19 % (environ 4,9 ml Ilions)
v La Syrie et la Turquie : 10 à 30 % (dont des d ruzes. des a laouites, des
aJevis, qui habitueUemenl ne veulent pas ë tre considérés comme des
chiites).
On trouve également beaucoup de n1usulmans chlltc.s dans les pays
occidentau• où Ils ont immigré au siècle dernier.

Une affaire de famille


Le n1ot O'C)l iite ... sigoifie • partisan (de 'AJf) 11, 'Ali. le plus jeune cousin de
Moha1nmed, a grandi dans la malso11 de Moha1nmed et a épousé sa fille
Fatima. C'est lui qui a occupé le lit de Mohamn1ed la nuit où il a quitté La
Mecque pour Médine. C'est lui qui a porté le drapeau n1usuJman quand Ils onl
conquis La Mecque en 630. C'est lui qui prenait les décisions à Médine quand
Moham1ned est parti pour sa dernière campagne militaire dans le nord de
l'Arabie, toujours en 630.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 13 : le chiisme 253
Le principe de base des chiites est que le chef de la comn1unauté musulmane
doit être un descendant de Mohammed. Aux yeux des chiites. les trois
premiers califes (cl chapit re 4) n'ont pas cette légltlmité. Pour les c hiites, 'Ali
a été l'imam ou chef splr11uel (el pollll11ue) de la mort de Mohammed en 632
j usqu'à sa propre mort en 661. et non pas seulement pour la période allant de
656-661, date de son califat. reconnu par les sunnites. qu·n a exercé à La suite
des trois JJremiers califes. Bien que 'Ali el ses partisans aient revendiqué dès
le début te titre de calife (c'est~à·d ire de successeur), il n'a pas c herché à raire
usage de la force qu(rnd n à é té évirl<:é par les autres. Par la suite, les chiites
ont considéré que Dieu avait imposé ces années de règne illégitime (632-656)
pour séparer Jes vrais croyants des hypocrites.

·routes les tTaditions musulmanes honorent 'Ali et le dépeignent sous un jour


lnvorable. Oa1ls l'Islam c.h llte. 'Ali est le modèle du musuhnail parfait. Il est
plus souvent désigné sous le nom de" comrnandeur des croyants• que par
son nont. On dit qu'il majtr1salt parfaitement bien Ja langue aral>e - étant
l ui~mëme qoraychite- et qu·u_avait une fière allure de guerrier, alliant la
Jeunesse et la beauté à la bravoure. Dans l'lcoaograpble n1usuJmane. 'AU est
représenté par l'épée à do\lble tranchant de Mohammed, ce qui correspond à
une vision de l'islam chiite que les sunnites ont tendance à récuser.

Dési9nation de 'Ali
Selon Ja Tradition chUte. qua.a d ti.1ohamrned est revenu de son voyage
nocturne à Jérusalem (cl chapitre 3). il a Jeté son manteau au-dessus de "Ali
et F'ati1na. Pour les chiites, cela a é té interprété co1r1rne étant le signe Q\1e
Mohammed lui~rnëme désignait ainsi 'Ali pour lui succéder. li y eut un autre
slg11e pl~1s lnlport.ant encore. Erl e.ffet, un lladitJ\ ra1>porte qu.e. au cours de
son pèlerinage d'adieu à La Mecque en 632, Mollammed reçut une révélation
divine déslgnanl 'Ail co1nmc son successeur. Mohanlmed a aLteadu de
se trouver à l'oasis de Ghadir Khumm. située sur la route qui ran'lène les
pèlerins â f\1êdlne, pour rendre publique cette annonce. Cette désignation
lui a été ins_pirée par Dieu. C'est ainsi que les ch iit-c~s con1prennent la
sourate V. 67 qui dit : 11 ô r-1·essager, transmets ce qui t'a été descendu de la
part de ton Seigneur.• Mohamnled a rassemblé tous les pèlerins et leur a
dit: "Celui dont je suis le maître, 'AJi est également son maître.• li a aJors
demandé à toutes les personnes présentes de reconnai tre 'A li. Par la suite, ce
récit a été e11core ernbelli.
254 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - -- - - - - -

Importance de ('imam chez (es chiites

~
. Si dans l'islam suanile r1mam esl te chef de la prière. dans le chiisme, en
{i revanche, l'lnl ain est le cl1ef de la comrrlunauté. li assume à la fols l.a conduite
pol.itique et religieuse de la comntunauté, tout co1lt1ne Mol'1a1nmed. À la
différence des prophètes~ l'imam ne;, reçoit pas de nouvelle révélation, mals
li est conseillé par les anges et a u11e connaissance unique de l'Éerlture
sainte. L'imam est respo1tsable de l'admlnistratiOtl des piJiers de le relig'ion,
de la prière. du jeûne du ramadan (sawm) , de la perception de l'aumône
légale (zakat). de la direction du pëlerlnage (fiad1). de l'action d'étendre et de
défendre le domaine de l'lslan\, d'imposer la loi islamique et d"interpréter la
slgnmcatlon du Coran.

Chaque prophète a douze adjoints (walis) selon la doctrine du chiisme


(luodécimai11 centrée sur la personne de !'Imam. 'Ali est le wat; à qui
Mohammed a enseigné Je sens caché du Coran. 'AJi est aussi celui qui a
recopié le Coran sous la dictée de Mohammed. Selon la doctrine chiite,
l'in1am caché est en pos.-,ession de cette copie du Coran et la fera connaître
quand Il revlef1dra.

Voici quelques concepts fondamentaux dans le chiisme concernant les


Imams.
,,,,.,Co1nme 'Ali et son fils, Hussein, tous les Imams ont été martyrisés,
excepté Je douzième ima1n. Aussi la famille de 'Ali est·elle appelée • la
maison de la désolation "· Parce que les cl1lltes ne sont pas venus à la
rescousse de Husseh1 au four de Kerbela (se reporter au paragraphe de
ce chapitre intitulé" Le martyre de Hussein à Kerbela•), la sourrrance et
le repentir pour les péchés con11nis joue11t un rôle Important dans la fol
chiite.
Y" Les imams supportent volontairement leur douleur au nom de tous les
c.royanLs. Au Jour du Jugement dernier, les imams ainsi que Fatima. ( la
rote de Mohammed) Intercéderont devant Dieu pour les Udèles chiîtes.
Le chagrin de Fatima à la mort de Hussein est comparable à la douleur
de Marie, la mère de Jésus. au pied de la croix.
Y" De même que ·M ohammed a dé~o;lgné 'Ali comme son successeur. de
même c haque Imam, guidé par une inspiration djvine, dês.igne (nass) son
successeur.
>" L:imam est sans péché et lnfallllble ('fsma). Il connaît également le sens
Intérieur (cac.h é) et extèrne des Ëcritures saintes et d·autres livres
secrets.
---------~--------- Chapitre 13 : le chiisme 255
,,.,,,, IJ doit toujours exister un Jinam visible ou caché. sinon l e monde
cesserait d'exister. Selon la doctrine de rocculta.tion (ghayba), l'imam
peut d1spar aître mals reste vlvar11 en ta1\t que cl'1ef de la com1rlunauté
musulmaoe. Le douzième iman1 est l'imam cachê- dont la présence est
occultée aux yeux des hommes mals demeure sous la prote<:l ion de Dieu
en V\1e de son retour à la On du ten1ps où il apparaîtra comme le mahdi,
qui établira la justice sur terre.
V La simulation (raq(vya) ou la dlsslmulatlon signifie que, afin d'éviter Ja
l>Crséeution, il est parfois légitime de cacher son identité chiite. Il en
découle qu~ua lmam chilte peut êtr e amené à se sountettte à un d irigeant
lllégll lnte. tout co1nme 'Ali s'est soumis à l'autorité de-s tro is premiers
califes.
V La connaissance ésotérique des textes (batin) est accesslble à l'éJite
spitituelle qui esl capable d'aJler au~del à du sens littéral des textes des
~ritures saintes.
Y6 La s·c,urfrance <les hnams est une grande injustice. Le souci de justice qui
émane de la doctrine chiite ('ad/) e t sa croyance que l'imam caché, à son
retour, viendra établlT un ordre mondlal Jusres. expliquent l'attrait du
ct1iisrne a.uprès des groupes utopistes et révolutionnaires.

Le mahdi et l'imam caché


Le mehdl esuin quelque sorte le messie qui Ibn Tumar111077-1130), le fondateur de l'ÉtBI
viendra à la fin des temps. Il vaincra fe- mat, almohade- en Afrique du Nord : Othman dan
donnera une-j1,1ste r'êtribution et rêgnero sur un Fodio, le-fo~dateuldu califat de So,oto dans le
monde 1déat où tout homme sera soumis-à Oieu. Nord du Nigeria (environ 1800): at le londataur
La paix et la justtce régneron1, et la pauvreté du mouvemen1 sanusi qui a créé l'Êht liby~n.
sera élîmlnée (cl. chapi11e 7). Les penseurs En 1881, Mohammed Ahmad Ibn 'Abd Allahs 'est
sunnites, au fil des siècles, se sont toujour:s proclamé mahdi eta fondé la nation du Soudan
montréf sceptiques à l'égard d~ cette attente sur des bases Jdéofogiques d~ restauration de
du messie. le mahdi n'est mentionné nî dans l'islam tel qu'il existait à l'origine â Mèclina.
le Coran, ni dans les deux grands recueils de
Le chiisme duodê:cimail'I n'appelle pas mahdi
hadiths sunnites, ni par al-Ghazali.
fes on~e premiers fmaros. le douzième imam
0&1'Sl'islam sunnite, r idée du mahdrestsouvoJJt caché-s'appelle fvlotia111med Al-Mahdi. Il est
combinée avec celle d'un rest-aureteurtenlpO· vivantsor'ter'r'e, tout en ayant des connections
raire de la foi (mufsddid), qui appareil ê la fin avec les prophètes déià au ciel, et reviendra
de chaque siècle. li y a eu divers mouvements t.1n jour comme rmam et Ma ~di. Ainsi, daos.,te
politiques réformistes, particulièrement en ~hiisrne. le concept de Mahdi se confond avec
Afrique, qui ont été menés par das-indiviçfus cetu1 de l'lmam çact\ê.
prétendant être le mahdi. Cilons entre autres
256 Quatrième partie : Une religion plurielle ______________

les deux 9rands éllénements fondateurs du


chiisme
Le martyre de 1All el de son fils HusseJn sont les deux grands événements
tondateurs du clliisme qui lui doonerit sa personnalité unique.

La trahison et le mart1Jre de 'Ali


Oit a sus1>ecté 'Ali de complicité dans le meurtre d'Othrtlan, te trolsièJne
calife. Cela explique que ·Ali ait dû reJever un certain nombre de défis durant
toute la courte période de son califat (556-561). Il nomma un candidat
en remplacement du neveu de 'Othman, t.1ou'awlya-. comme gouverneur
de Syrie. f\1ou'awlya refusa de céder sa place et les deux armées rival es
s'affrontèrent à l'été 657. au lieu d it de Silfin, situé sur !'Euphrate supérieur
(en Syrie actuelle). Pour éviter La défaite, les soldats de Mou'awlya fichèrent
au bout de leurs lë)nces des feuillets du CoraJ1 pour den1an<lt r \ln arbitrage:.
'Ali cëda à leur requête. Mou'awiya interpréta la décision d'arbitrage co1nme
une valldnt1on de sa demande et assuma l e rôle de calife à Jérusalem en 660.
Au mois de janvier suivant, 'Ali lut assassi.n ê par un kharidjite qui jugeait
que 'Ail avait trahi la cause de Dieu en acceptant un arbitrage hun1ai n. C'est
ainsi que 'Ali devint le premier des imams martyrs. Son tombeau à Nadj a! (en
lrak) est devenu le premier lieu saint de l'i slam chiite. Les chiites disent que
lorsqu'on creusa sa tombe, on y trouva une Inscription censée <later du Noé
de la Bib le disant que ce serait bien là un jour l'endroit où 'Ali serait inhumé.
De nos jours, Je ch1Jsn1e reste encore un mouvement pol itique relativement
mine1.1r. Les dévelOJ>pements ul tériêurs ont conduit le c hiisrne à représenter
une autre tendance de la religion musulmane.

Le mart1Jre de Hussein à Kerbela


Après la mort de 'Ali, son fils ainé, Hasan. fut procl amë lmam. puis calife, par
les partisans de 'Ali. Après des négociations entamées par Mou'awîya, Hasan
rènonça put,liquernent au califat dans la inosquée de Koufa, le foyer central
du soutien chilte. Hasan reçut de Mou'a\viya une pension généreuse et des
terres. Il vécut paisiblement Je reste de sa vie à Médine el resta à l'écart de
la politique. {L'imam est toujours le gouverneur légitime des musulmans
mals peut choisir délibérément d'accepter l'autorité Illégitime d'un autre.)
Hasan est mort entre 670 et 680 et est enterré au cimetière d';\l·Baqi', à
Médine, un lieu saint A la fols pour tes chiites et pour les sunnites. Les chiites
disent qu'il a été empoisonné par sa femme, à J'iustlgation de Mou'awiya,
mais les historiens pensent plutôt que Hasan est mort de sa belle mort, tout
naturellement.
_ _ _ __ _ Chapitre 13 : Le chiisme 257
~1ou'awlya mourut au prlntenlps, en l'an 680. après avoir désigné son fils
Yazld pour lui succéder, ou devenir le prochain calife, établissant de ce fait la
dynastie omeyyade. Des émissaires chllles vlnrc.n t de Koura pour demander
à Husseln. le jeune frère de Hasan. résidant à Médine, d'assumer la charge
de calife et de renverser Yatld. Hussein envoya un cousin pour étudier la
situation à Koula. Assurt du soutien de la population de Koula. Hussein se
mit en route pour Koufa en septembre avec: environ cinquante partisans ou
membres de sa famille. Le gouverneur de Yaild en Irak surVl!illa de près la
progression du groupe d lnsurgés et fit assassiner les principaux partisans
0

de Hussein à Koula. Quand le groupe s'approcha de Koufa. une patrouille


armée les chassa. En dépit des promesses de aoutien. aucun chüte de Koula
ne rejoignit Hussein.

Tous les él~menUJ étalent en place pour la confrontation entr e la fragile


•armée• de Hussein. comptant moins de cent personnes. avec la so1kfe
armée omcyyade. à Kerbela au nord-ouest de Koufa. Empêché d'accéder à
!'Euphrate. le groupe de Hussein souffrit de déshydratation et de malaises.
Husseln périt dans la btitalllc.

La mort de Hussein Il Kerbela est l'événement principal qui fit du chiisme


un mouve.ment re.llgleux et ex1>1lque e.n grande partie l'im1>0rtance que les
chiites accordent à Ja aouffrance, à leur $entlment de Ju$tlce bafouée el au
martyre. La th~ologle chiite d it que l lusseln est allé délibérément vers la
mort qui l'altendalt pour racheter les péchés des musulmans - mort tout
comme les chrétiens disent que Jésus l'a fait pour racheter les péchés des
ho1nnlcs. Tous le& 011s, les ct11ltc6 revivent les dix jours de muharram à la
manière dont les c.hrêLlcns revivent Jes événements de la dernière se1nalne
de vie de Jésus ( la semaine snlnte). Voici le déroulement de ces journées:
v Jours l -3 : échec des négoclaJlons li Kerbela quand Husseln a refusé de
reconnaître les prétentions do Yaild au califat.
Y" Jour 4: 1nnrtyret!c l·lurr ol·Tu1nlml, con1n1andant de la cavalerie de
Yazid, qui pa..a du oOté chiite.
v Jour 5 : martyre des cieux jeunes fils de la sœur de Hussein, Zaynab.
v Jour 6: Io fils aîné de lofusseln, 'Ali A l·Akbar, meurt dans les bras de son
père. Le dernier-né de 'Ali, encore nourrls~on, 'Ali al-Ashghar, meurt la
gorge transpercée par une flèche.
v Jour 7 : la tente avait été Installée pour la célébration du mariage du
neveu de 'Ali, quand les participants apprirent que le futur marié venait
de mourir au combat.
v Jour 8 : le deml· lr~re de 'Ali, Al-'Abbas, est amputé des deux bras alors
qu'll essaie d'aller chercher de l'eau à J'Euphrato.
v Jours 9·10 : dans la batallle llnale. Hussein et ses soldats sont tués. Ce
lteu devint dès lors un des grands lieux de pèlerinage.
258 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

V' La tëte de Hussein fut apportée au calife à Damas. Selon une tradition, elle
serait enterrée dans la cour de la célèbre mosquée des Omeyyades tandis
que. selon u_oe autre, elle aurait été finaJerne.nt enterrée au mausolée de
Husseln qui se trouve au Caire, deux lieux partrcullèrement vénérés par
les cll iites. Les fentmes et les enfants survivants. y compris fa $œur de
Hussein, Zaynab. furent amenés au calife Yazid, qui les traita avec respect
c l leur 1>ernt lt de retour11er à ~1édlne. Yazld per1nlt égale1nent à 'Ali
Zayn aJ·,\bidin, urt fils de 'Ali qui était souffrant et alité au n1oment de la
bataille, de se retirer à f\.1édine où Il mourut vers l'an 713.

Post·scriptum : la marche des pénitents


Le chef de la communauté chiite à Koufa se reprocha à luJ ..même et aux
aut-res chiites de ne pas être allés au secours cle Hussein, à Kerbel(L Pour
le repentir de Jeurs péchés, en novembre 684. ils organisèrent une marche
funèbre, le v isage tout en noir, déplorant leur culp-0bl1lté. Le lendemaJn du
jour où ils s·arrêtèrent à Kerbela. les troupes omeyyades les attaquèrent
et les massacrèrent. La lan1entatlon et rautopunition font pattie des rltes
obser vés au moment de rachoura, dont l'origine ren1oote à cet événcmeol cle
repentance collective Inscrite dans la mémoire chiite.

La fi9née des douze imams


Les récits fo11dateurs du c hiisme duodécln1ain se poursuivent jusqu'à
l'occultation du douziè.rne hr1an1en 874 • ..\près cette date. l'll lstoire du cll11sme
connait un certain nombre de bouleversements au cours de la période
abbasside, puis avec la foodatioo en lrao d'uo Étal chiite duodéehnaîn en
1501.

Le chiisme sous les Ome1J1Jades


'Ali Zayn al-Abidin (morl vers 715), également appelé As-Sajjâd (Celui qui se
prosterne devant Dieu}, a été suivi par son fils, Mohamnted AJ-Saqlr (676~
vers 733), qui devint le cinqu1èn1e hlla1n. Al-Baqir a vécu CL est mort à Médine
sans s·impliquer au plan politique. Plus tard. en 739.-740, un demi-frè re cadet
d'Al-Baqlr, Zayd. déçu par l'a cceptation de la domination omeyyade par
Al-Baqir. entraîna une petite centaine de ch iites à parti r de Kufa dans une
autre révolte sans lendemaln. Zayd fut 1nassacré en 740. nlais son fils, YaJ1ya,
réussit à s'échapper eo lrru1 Oriental où ses tentatives pour rassernbler les
chiites pour combattre les Omeyyades se soldèrent par sa mort en 743. Les
zaydites. ou les adeptes du cinquième Imam, qui reconnaissent Zayd plulôl
qu·Al-Baqir comme cinquième imam, forment une des t rois branches du
chiisme (cl c hapllre 13).
_ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 13: l e c hiisme 259
Bien qu'il ne se soit pas e ngagé au plan politique, le sixième Imam, Ja"lar
al-Sadlq (699-765). a établi le chiisme sur une base solide en tant que
mouvement religieux. Son ê.cole, de droit est la faculté de <lroit officielle du
chiisme duodéchnaln et est reconnue par les sunnites comme légi time, au
1nêrne titre que celle des chlites zaydites.

Le chiisme sous les Abbassides


la rév<>lte abbasside qui vint renverser les Omeyyades en 750 trouva un écho
favorable auprès de,s chiites meurt.ris par l'éc.lle<! de. leurs propres révoltes
des années 740 et 743. Abou! 'Abbas a l-Saffah, descendant de l'oncle de
Mohammed, Al·'Abbas, se conduisit davantage comn1e un callfe que cornrne
un descendant de 'AU. Les dirigeants abbassides exercèrent une surveillance
rapprochée s ur l'imam chiite. qui n'était pas Inquiété tant c~u11 ne faisait
pas de po1ltlque. Les chiites constituaient une rnlnorité ln1portante de la
population de Bagdad, capitale du tout nouvel ttatabbasside.
À la n1ort de Ja'Jar, la succession se compliqua du fait que le successeur
désig1té, Isma'il. Je rïls de Ja'far. mourut avant son père. li s'ensuivit
une rupture dans la !Ignée des Imams. la branche des sep timains
ne reconnaissant comme septième imam valide que ce flls décédé
(cf. chapitre 15).

Pour la n1ajorité des chiites. le successeur reconnu en tant que septième


Imam fut un autre !Ils de .fa'far, Moussa al-Ka,irn (745-799). Le calife
abbasside fit installer Moussa.à Bagdad où il pouvait ëtre étroitement
surveillé. Moussa e l le neuvième Imam, Mohammed a.1-Jawad (810-835), ont
été enterrés dans ur1 c irnetièr e situé au nord de Bagdad. Cet emplacement,
connu sous Je nom d'Al·Ka.zimiy}'G, est un autre sanctuaire c ltilte renommé.
Le calife abbasside al-,.,1a'rnouJ\ désigna le huitième imam. •Alt a l-Rida.
<:Onlrne celui qu'il choisissait comme héritier. On ne sait pas avec certitude
s'il eut jamais J'lntentlon de mettre so1l 1nte.ntlon à exéclLtio1t. Al-Rida mourut
(en 8 18) avant Al-Ma'moun (786-833) et la Tradition chiite a de nouveau
attribué sa n1ort. alnsi que celle de son père. aux caures. Al-Rida est le seuJ
Imam enterré en Iran (~ Masshad - ou Mechhed - , dans la partie orientale de
l'Iran équivalei1te au Khorassan),
La s.œur d'aJ·Rida, Fatima al-Ma'ssouma. rendit visite à son frère en Iran. Elle
tomba malade et y mourut. EJle est enterrée dans la v·ilJe de Qoum. où des
réfugiés chiites s'étalent Implantés en 7 12. Qoum devint un lieu de pèlerinage
important e t, beaucoup plus tard, le plus grand c;entre unlversitairt d'lran.
Les cal ifes instaJlère.nl les dixième et onzième iman1s à Samarra, leur
nou,.telJe capitale. les plaçant ainsi sous surveillance. Le mausolée qui abrlle
les tombes de ces llnams à Sa1narra esr é-galernent un l ieu saint chiite.
260 Quatrième partie: Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

Le 011zièn1e imam, A l·Hasan aJ~Aska ri , mourut en 873, ne laissant aucun


héritier masculin connu. Le chiisme duodécilnain prétend qu'Al·Askari a eu
un fils qu'il cacha dès qu'il eut 4 ans. Ce fils, Mohammed A l-Mahdi, est le
douzième, J'imam cach é, qui un j our réapparaîtra comme iman1 et comme
Mahdi. De874 à 941, pend~nl ta Jleltte période d'occ.,itation (,ghayba), les
chiites pense11t que l'imam cachë a gardë le contact avec la commu11auté
c hiite par lïntermédlalre d'une série de quatre messagers (saflrs). En 941 a
co1n 1ne11cé la" grande occultation ... Le <louzième Jmam est e11core vivant et
apparait dans les rêves-. L'absence de l'imam a suscité des questions quant
à la façon de di riger la eornmunauté chiite jusc.11.1'à son retour. Le douzième
imaJ11 caché est officielleinent le 11 chef cle rttat 11 en Iran n1oderae.
À l'époque du onz.ième imam, le caliJe abbasside avait un rôle pure.m ent
honorifique : la vraie puissance était exercée par de fortes personnalités qui
avah:?nt le til.re de vizir ou dë Sllftun. De ran~5 à 1055. la dynastie a.o pOuvoir
fttt celle des Bouyides. Les Bouyides étaient chiites - au départ zaydltes, puis
Ils sont passés au chUsn1e duodécin1aln car le fait <1ue le douzième ln1am soit
devenu caché leur permettait de régner sans que leur autorité soit contestée
par un c hef r eligieux. Bien qu'ils n'aient pas essayé d'imposer Je c hiisme à la
rnajorité St1nnite. les pratiques religieuses et les études furent florissantes
à cette époque. E11es ont marqué tout le chiisme. Le chiisme se développa
à l'ouest de Oa1nas jusq_u 'à l'es1 en Iran. Bien qu'aujôurd'hui les chiites
soient une minorité relativement petite, à ta fin du ~ siècle. un observateur
extérieur aurait pu penser que le chllsn1e éta11 $ Or le point de devenir
dominant. Les Bouyides., les fatimides en tgy1>te et plusieurs plus petites
dynasties chiites dlr1_geaienl la niaJorlté du monde musullnan, y compris les
v illes saintes cte La ('.1ecque et de Médine. f\1ais cela ne devait pas durer.

Adoption par ('Iran du chiisme duodécimain


t:Empîre abbasside tomba entre les mains des Mongols païens en 1258.
Les Mongols qui se sont implantés dans des régions musulmanes se
sont progressiveme11t coove.rtls à l'Islam sunnite. Au cours des siècles
qui suivireat, la situation politique fut instable. La plupart des ~tats
décentralisés étalent dl r1gés pat des dynasties sunnites, avec touL de même
(tuelc1ues basU011s chiites. Au :<" siècle. é1nergea en Azerl>aidjan un ordre de
moines soldats soufis lié au chiisme ismaêlien. Avec le soutien de quelques
tribus tutques, sa puissance s'est étendue des réglons du nord de l'lr-an
jusqu'à la Turquie orientale. Son chef, Ismaël, prétendait descendre de
~1 oussa aJ.Kazlm, le septlème Imam, et même être le A.1ahdl. lsn1aêl l'i fondé
la dynastie iranienne safavlde {ISOL-1722) qui a régné sur l'Iran et J'lra~
et a fait du chj isme duodéclmain une religion d'ttaL ~tant donné que les
chiites étaient minoritaires en Iran. des penseurs arabes y furent appelés. Ils
venaient de foyers chUtes du Liban. d'Irak et du Cachemire pour implanter le
chiisme dans la population et servir de chefs religieux el de théologiens pour
animer les n1adrosas ou séminaires à Mechhed. Nichapur. et plus tard Qoum.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 13 : le chiisme 26 J
Un haut foaclîonnaîre était chargé d'encadrer les chefs religieux. de nommer
les Juges, les dlrecteuro de la prière e t les autorités religieuses régionales.
Si le.s dirigeants safavlclcs pouvalenl revendiquer leur autorité religieuse
en tant que descendants du seJ>tlème Imam. te_Jne fut pas le cos pour les
dirigeants Qajar (1794-1925) el Pahlavi {1926·1979). Les relations entre l'ttat
Iranien el les autorité$ religieuses chiites ont toujours été tendues. Le clergé
de chiites était financièrement Indépendant et la plupart des lieux saints
et des foyers de rayonnen1ent chiites se t1ouvaient en Irak. en dehors de
la tutelle Iranienne. Avant 1979. les autorités religieuses n'aspiraient pa.< à
prendre le pouvoir. Quand leurs Intérêts coincidaient avec ceux de l'État, ils
coopéraient mals, à nnversc, quand leurs Intérêts étalent menacés, Ils se
montraient virulents contre retat. Le meilleur exemple d'o11posltlon efficace
au gouvernement est le bo)'COll du tabac de J891. Le gouvernement avait
accordé aux Anglais un mono1>0le à long terme sur le Labile. Cet accord
rnenaça la su.rvle des négociants locaux qui étaient les soutiens traditionnels
des penseurs chiites. Les autorités rellgleuses chlflès prononcèrent une
fatwa (décision légale) contre le iabagisme. Plus personne ne lumant, le
monopole du tabac était devenu Inutile et le gouvernernenL fut forcé de
revenir sur ses engagements.

Au XX' slèeie, l' État Iranien a laldsé l'éducation, les tribunaux ont aboli le
porl du voile et du tchador pour les lemmes, et ont recommandé le port
du costume occidental pour les hommes. Ces actions qui menaçaient des
lntéras religieux eiq>llquent pourquoi une minorité de chers chiites tels
Khomeiny se sont engagés en polUlque au point de renverser Je shah d'Iran
(p. chapitre 18).

Particularités du culte chiite duodécimain


Dans l'ensemble, les croyances. le droit et les rites chiites som Identiques
à ceux des sunnites. Voici cependant certaines partlcularllés que l'on ne
retrouve pas citez les sunnites.

Commémoration de Hussein (achoura)


Pour un observateur élran:ger, les célébrations d'ac;J1oura sont ce qui est le
plus spécifiquement assocl~ au CttJte chiite duodécimaln. Pcndunl les deux
premiers mols de l'année nlusulmane. et plus partlcullèrenlent pendant les
dix pren1lers jours du pre1nler rnols (muharram), les événenlents tle Kerbela
sont commémorés. La c:élébrotlon comporte:
v Des lamentations. le port de vl!tements foncé$ et le noircissement du
1 visage.
262 Quatri ème partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

Y" Des pleurs aux cris de « Ya, Hussein" et une prière pour l'eau (rappelant
la sol! des soldats à Kerbela) .
.,., l.a construction de tentes, de pupitres et de structures spéciales (Jekye/1
ou hoseyniyyeh). Les mosaïques décoratives des tek.vehs illustrent des
épisodes de Kerbela.
Y" Le fait de se frapper Je torse avec les poings. Les chelnises d'ho1nme qui
s'ouvrent sur le côlé plutôt que devant permettent d ·exhiber le torse plus
raeilenle1\t.
v t:automutlJation par les hommes ave<: des couteaux, des chaînes et des
laJnes de rasoir, les trois derniers Jours. Les dispositifs des premiers
soins sont m is en place pour soigner les blessés volontaires.
E11 l r~n. <:elte cérémonie se c.léroule e1t t rois parties :
V' Récilalion en pnblk des événements de Kerbela (le ramooh·khvani
slgnlfle te 11 récit du jardin a): le récit co1nmence en général par une
élégie funèbre en l'honneur de Mohammed, puis Wl chanteur de rowzo
entonne des histoires et des chansons au sujet de Hussein. À la fin, tout e
l'assistance entame le chant des lamentations. Le réci1, le plus célèbre
e.s t celui du~ jardin des martyrs o; (rawdat al·chouhada). L.:assistance est
actlvea1ent ilnpllc1uée et les o rateurs peove111 établlr des p"rallèles entre
Kerbela et des événements ou des gouvernants actuels.
Y Processions de rues dont l'origine remonte au moins au X" siècle : c'est
un J)f!u comme u1' 15 aoûL clans les campag11es françaises ou même un
• pardon 11 breton où chaque corporation, chaque association arbore
ses fanions et ses gulrlancfes. Les cercueils représentent les n1artyrs
de Kerbela. les étendards représentent les imams, et le cheval blanc de
Hussein, qui est également le chevaJ que 11mam caché montera quand Il
reviendra, (ont partie du cortège.
Y" Recon.stitutions dramatiquea (ta".ziyo, du mot arabe qui signifie
1;deull ,,): c:es mises en scène grandeur 11ature ont vu le Jour et se sont
développées aux X\1111" et x1xe siècles. C'est en quelque sorte une forme de
«théâtre Interactif 11 dans lequeJ les -acteurs, l'assistance et le producteur
s'impliQtlent tour à tour. Les aeteurs, ntanuscrits à la main. représeuta.r1t
Hussein et sa troupe. sont habillés en vert et dëclament leur rôle en
cbant.ant. Les odieux omeyyad.e s tout hablllés de rouge récJcenL eux
aussi leur texte. Le moment de tensio11 ma.ximale a lieu quand Hussein
apparait enveloppé dans son linceul mortualre. Dans les années
1920. l'Ë.tat iranien a interdit les ex<!cutions de ra'ziya dans le cadre de
tentatives menées pour moderniser le pays. Il existe également des
penseurs chll~es qu1 sont cool re c;e.rta_lns aspects cJe ces célébrations.
Depujs 1979, les célébra tions en Iran sont de nouveau autorisées .m ais
sont néann1olns moins spec;taculalre.s qu'au x1xie siècle. f.n Irak, au Liban
et en Azerbaïdjan, ces célébrations chiites prenne11t des (ormes plus
sobres. En Jnde et au Pakistan, les cérémonies de rachoura chez les
chJites duodécimains comporte.nt des récitations et des processions,
mais pas de représentations théâtrales.
_ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ ____ Chapitre 13 : Le chiisme 263
Pèlerina9e sur la tombe des imams
Dans le mé1ne style que les soufis qui commémorent J'anolversaire de leurs
saints et vont en pèlerinage sur leur tombe, les c hiites vont régulièrement en
pèlerinage sur la. ton1be des onze imams, qui sont toutes situées en Irak, sauf
une. Cela ne l es empêche pas - Join de là - d'honorer les lieux s.ci.ints de La
Mecque et de Médine, et partlculièrernent au moment du grand pèler1nage.
Les sanctuaires abritant les tombeaux sont d'une manière générale
surl'nonlés de grands dômes dorés. La célébration principale a lieu à la date
aaniversaire de la mort de l'ln1an' plutôt qu'à la date de sa naissance. ~tant
do1lné que le douzième imam est encore vivant, 11n'a a\.1Cun tombeau et sa
fête est célébrée le quinzième Jour du ntois de cha'ban. Un certain aombre
de sanctuaires Or\l d'énormes dotations et bénéficient de grands ensembles
architecturaux. De même que celui qui a a.cco 1npli le hadj s'appelle un hadji,
celui qui v~ en J)èleri nage dans un sanctuaire chiite Important prend un titre
l1onorifique compar able. Selon Ja croyance chiite, celui qui est enterré dans
l'un de ces lieux sacrés est dispeosé de l'examen que font passer les anges
Naklr et l\1unkir au défunt qui vi ent d'être en.seveJI.

Le pèler-lna.ge se pratique également à destination des tombeaux des


clescendants des imams et aux tombeaux de certains grands penseurs
reUg·Jeux. Comme dans l'lsla1n surinlte. lcs descendants de Mohan1med (les
chhlfs., c'est-à-dire .. nobles•) sontparticulièren1ent l1onorés êt peuvent se
faire appeler sayyid (Monsieur) et 1)-0rter des turbans noirs.

Des rites propres aux chiites


Les diffé.rences entre les rites su11nt1es et chiît.e-s sont mh1eures mals
permettent de Jes distinguer. Avant d'en faire l'énumétatlon, li fat1t rap1>eler
Que les cinq grands principes de l'lslan1, à commencer 1>ar la chahada,
la p rière et Je pèlerhtage. sont respec t~ universellement par tous les
musulmans.

Voici donc quelques-unes cle ces règles de spéciHcation :


i / Dans rappel à la prière, les c hiites ajoutent • J'atteste que 'Ali est proche•
et, en se prosternanL, peuvent toucl\èr du front une motte de terre de
Kerbela.
V' Les chiites combinent ensemble la deuxième et la troisième prières
quotidiennes d 'une part, et la Qtlatrième et la clnqurème. d'autre part, de
manière à n'avoir que trois temps cle prière dans la journée.
v Lors du hadj à La Mecque. les chllles font une déambulation de plus que
les su11nltcs autour de la Kaaba.
264 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

Le mode de pensée chiite


Les chiites ont imprimé leur marque dru1s le dornalne du dro1l, de la
théologie, de Ja phllosophle, de l'exégèse des textes sacrés et de la hiérarchie
religieuse.

le droit, côté chiite


L'é<:<>le Juridique lnsllluée par les chiites duodéelmalns est dite de rite
•• ja'farite •, du nom du sixième imam qui en est le fondateur. t:ima1n vivant
au beau 1nllieu de la con1n1unauté n1usuln1ane est né.cessairement inspiré
et infaillible pour interpréter la loi divine. Tant c1ue l'fn1am reste cacllé aux
yeux des hommes, les deux premières sources de la loi sont les mêmes que
pour les sunnites : le Coran et l es J1adl1J1s. Les chiites ont quatre recueils
Importants de traditions (hadiths); le plus ancien a été compilé par Al-Kulaynl
(x~ siècle). Ces re<:tiells diffèrent des recueils sunnites d'u fait qu·us contiennent
également des traditions relatives à ·Au et des traditions (des paroles el des
actions) relatives aux Imams. Un groupe intégris te. celui des Achkaris. était
partisa.n d'une interprétation littérale des textes el considérait qu'u_n cllllte
ordinaire ne clevaJt pas s'en remettre aux penseurs et aux intellectuels. mais
seulement au Coran et aux haditlls. l.eurs riva~ les OussouUs (du mot oussoul
qui slgnine • racines,., comme dans .. racines de la loi ..), ont été nlajorttaJres
et ont persécuté les Achkarls. Les Oussoulls prônaient l'usage de la raison
('aqO valable tant que le raisonnen1eut humain n'allait pas à l'encontre du
Coran et dei:; hadiths. Pour les chiites. les • portes de l'iitihad (interprétation)"
n'ont jamais été fer rnées. Contrairen1ent à l'isla1n sunnit.e , les décisions des
premiers juristes ne sont pas contraignantes pour la géné.ration actuelle des
intellectuels ou des croyaots. ce qu.1ne les empeche pas de reprendre les
conclusions de Jeurs prédécesseurs si le raisonnement va dans le nlême sens.
Voici trois domaines (en dehors des rites et clu rôle des in1ams) où le droit
chiite diffère du droit sunnite:
Y" Les frères d'un père décédé n'otlt aucune part d'hérltage.
"""'l.e.s droits de l a femme sont mieux protégés en ce qui concerne le
mariage et Je divorce.
Y" Le mariage te.inporaire (m11t•a) est autorisé en droit chiite (en vertu
de la sourate IV. 24). Il semble que l'objet principal de cette lui était de
fournir une Issue sat1sfalsal1le pour les hommes qui sont éloignës de
chez eux. Le contrat de mut'a est codifié en cles ter1nes p-,.Ecls, une dot
est prévue ainsi qu'une période de validité du contrat de mariage, le
mariage étant automatique111e11t dissous à l'issue. L.a femme n'hérite pas
et Je mari 111est pas obligé de subven.ir à ses besoins. Si des e nfants sont
conÇt•s, ils vont avec lê père. Au)ourd'hill, ce mtrtlage ten1poralre est
dénoncë par le régime des mollahs. Il répugne aussi à La majeuxe 1>arlic
des musuh~1ans d'Iran.
Chapitre 13 : l e chiisme 265
Le cfer9é chiite : fes mollahs
Les mu.sulm.ans disent souven1 ql1e r1slam n·a aucun clergé. Chaque
croyant se tlenl directement devant Dieu sans avoir besoin d'intermédiaire
humain. C'est vrai si ron comprend le mot •clergê• comme se réfërant à
des •prêtrH•. Cependant. li est Indéniable que les chréllens protestants
disent eux au$$1 que l'homme se lient directement devant Dieu et l'on parle
tout de même de •C~~· dons le protes1anti.sme. Le mot •clergé• peut se
comprendre au sens large comme une catégorie de chefs rellg1eux formés
dans une tradition religieuse blen pr~lse. Dans le chiisme, la fonction des
chefs religieux esl rela1lvemen1 similaire l ce que la plupar1 dH Oc:cidentaux
con•ldèrent comme caractéristique d'un clergé spécialisé. Le terme mollah
est un terme couramment utilisé pour parter d'un chef religieux da.os
l'islam chiite. Ou lall de l'occultallon du douzième Imam, les mollahs ont
progressivement assum~ les 1khes de l'imam en son absence.
En plus du gouvernement et des impôts rellgleux prescrits dans nstam
sunnite. li existe un impôt religieux c hiite spécial qui s'appelle le •cinquième•
(kiloums). Tous les chiites con1rlbuen1à hauteur d un cinquième de leurs
0

revenus aux besoin• de l'lmam. Cel Impôt est basé sur la sourate VIII, 41
que les .sunnl1es lntcrprètei1t comme s'appllquan1 seulement aux dommages
de guerre 111ais que les chll1es ln1crprè1en1 J)lus: largement comme étant
un impôt sur le.s reve.nus. l..3 nloUlé de cette somme rev·lent à l'lmam, et
la moitié se rt ~ subvenir aux besoins des sayyids (les descendants de
Mohammed). En l'absence de l'lmalll caché. les mollahs ont assumé la
tache de rassembler et de rcdlsl rll>uer ces sommes lmportan1es qui sont
e mployées pour l'éducation, le blen-!1re Cl la pro1>agatlon de la reUgion. Les
chiites peuven1 verser leur• clnc.1ulè1ne11 au mollah de leur choix. Un molla.h
de vlllt1ge gardera un tiers de l'ln11>01 pour so11 mandat local, et remettra les
deux tiers restal\ls il un molluh de plus haut rang, Les dons et l'impôt d it 'du
cinquième• expliquent lu capacité du clergé chll10 à rcsler Indépendant de
r€tal.
Au sein du chiisme. il existe une hltrarchle des chefs religieux. Les
postulants comn\encent par I<' 1>remlc.r niveau de simple mollah après avolr
suJv1 une formntlon appropriée dans un établissement religieux, validée
par les mu/rahids (signifiant llllérolemeni •celui c1ul lait des efforts • et qui
est considéré comme qualifié f>Our donner des interprétat1ons en matière
de clrolt cano1l). t:avancemcnt aux deux échelons supérieurs se (ait par
consensus et par réputation. Le litre de hu1jar al·islam s'applique au clergé du
niveau lnterm~lalre. À ce stade. le religieux porte le tlire de mujrahid. U où
Il vit. il est responsable de dlsclples moins avancés que lui. Au som.met de la
hiérarchie se situe IA •source d lmltatlon • (marja' taqlkti), qui peut ~alement
0

s·appeler un ayotolloh (osigne de Dieu o) ou même• un grand ayatollah .. Le


nombre de personnes parvenues aux kheJons supérieurs est restreint mais
o·es1 pas llmllé.11 peut patlols n·y avoir à cer1alnes époques qu'une seule
personne qui soit reconnue comme ~source d'imitation• au niveau supérleu.r.
266 Quatrième partie: Une religion plurielle - - - - - - - - - - -- - - -

Un laie se choisit un marja' en particulier (• source d'ln1ltatl<:>n.) comme


directeur et guide spirituel dont il doit accepter (imiter) les décisions. A
controrio, le sunnls1ne ne se reconnait aucu.ne structure clérlcale oflicieUe,
bien que les imams soient organisés selon l'importance des Jieux de culte
où l is officle11t. Depuis peu, dans certai ns pays, u1l grand imam est nommé
au niveau de l'État ann de délivrer d'éve·n tuelles fatwas el donner des
orientations éthiques d'ordre général.

Philosophes et théofo9iens chiites


Traditionnellement, les penseurs chiites se sont montrés plus ouverts à la
1:>ensée philosophique que les penseurs sun11ltes. J..es chiites ont été plutôt
favorables à la doclrh1e ntu'tazilite du Coran créé e t ont accordé davantage
de place au libre arbitre de rhomme, deux prises de position mu·tazilites
rejetées 1>ar l'ortllodo:<le sunnite. Voic:J quelques-uns de....; plus grands
th.éologiens philosophes chiites :
>' Al-Tusl (995-1067) a compllê deux des quatre recueils principaux de
hadiths duodêcjmains et est l'auteur de travaux rnajeurs e.n éthique. en
théoJogie et en inte.rprétation du Coran.
>' AJ-Souhrnwardl ( 1154-1191) esl le londa1eur d'une approche
philosophique connue sous le ttom de" mouvement d'lshr aqi 11
(lllu1n lnlsme). Seton lui, à la création. Je.s âmes sortt prisonnières de la
chair et oublient leur o r igine divine. I.~ lumière de Dleu ( illumination)
peut inspirer celui qui cherche à se rapprocher de Dieu au-delà de la
tr1or&. So11 œuvre a une grande l1)flue11cc dans l'Iran saravl<le des débuts.
>'Mollah Sadra (1571-1640) est le philosophe mystique théologien le.
plus iatluent de l'Iran. Il a fa1t La synlhèse d'éléments venant d'Aristote,
d'lbn Si na. de Souhrawardi et d'autres pour é laborer-sa propre vision
du monde en soulignant q·ue toutes les choses e.xistaates possèdent à
un degré plus ou moins élevé une certaine essence 'dtlme. La 1lersonne
humaine avance spirituellement selon quatre étapes. Au Jugement
dernier, l'ânte se réunira à un corps • glor'leux 11 {l)ar analogie avec te
vocabulaire chrétien) et les deux ne feront plus qu'un.
>'Mohammed Baqlr Majllsl (1628·1699) fut le plus grand chef religieux
chllle d'Iran de sa génération. Son œuvre la plus connue s'intitule
Bihar al·anwar (io océan de lumières ..), volumineux r ecueil de traditions
prophétiques. Majllsl a Influé sur révolution du chiisme duodéclmaln par
ses attaques contre le sunnlsme et le soufisme, l'importance accordée
à la mémoire de l'lmain Hussein et aux pèlerlaages sur Ja tombe des
Imams. Outre ses ouvrages rédigés en arabe. 11 a égalenlent beaucoup
écrit e n persan afin de renforcer l'attachement des populations
concernées à l'islam chiite.
Chapitre 13 : le chiisme 267
En ln1erpréhlnt le Coran. les chiites duodécimains ont mis l'occen1 égal sur
la signification exotérique (sens 111 téral) et ésotérique ou cachée (batin).
Les nomb-reuses couches su1:>erposées de sens cachés sont Intégralement
connues des iman1s qul représente.nt 11 le Coran en paroles •, 1)8r opposition
au Coran écrit qui est • le Coron silencieux.-. l:lnterpretatlon ésotérique
(ro'wil) fall ressortir dans le Coran de no1nbreuses références à 'Ali. à
Hus.sein et aux imams. Par exemple. le sens caché du mot • sl,g1les ~ dans les
sourates Ill, 1 et XLI. 53 s'applique au.< Imams. Autre exemple : en référence
au sacrlftce de son fils par Abraham dans la sourate XXXVII, 107. la douleur
exprimée par Abraham quant aux souffrances fulures de Huueln a incité
Dieu à remplacer son llls par un animal expiatoire. Les souffrances endurées
par Joseph. Moïse el Jésus préllgurenl la douleur el le sacrifice de Hussein.
l.a philosophie et la théologie des chliles ismaéliens e'1 beoucou1l plus
éso1érlque que celle du chiisme duodéclmain. Selon la doctrine Ismaélienne,
l'histoire est d ivisée en sept périodes. Chaque période s'ouvre par la
venue d'un prophèle qui donne ta révélation et la. loi nécessolre 1>our la
période entamée. Il est ald~ par un assistant (wa/1) qui lnterprè1e le sens
secret de J'enselgnen1en1 dta Prophète réservé à une élite sélectionnée. Ce
sens secret (batin) demeure con'1an1 au cours de toutes les périodes. La
signification intérieure et splr1tuelle est plus importante que la signification
externe (zahir). Chez certains théologiens Ismaéliens, cet ln1erprè1e est plus
Important que le Prophète lul-meme. L1nterprèle est suivi de six Imams, pul$
un nouveau cycle recommence. Mohammed et 'Ali sonl r~spectlvement le
Prophète et l'interprète de la sixième période (comme J~us et Pierre élaien1
ceux de la cinquième période, Cl avanl eux Moise et Aaron). Le septième
Imam après Mohan1111ed esl caché et reviendra un Jour co1nn1e ~1nhdl pour
ouvrir et clore la septième e t dernière période de l'bislolre (cf chapll re 15).
Cette réflexion devrall se prolonger pour vous grâce à ln lecture de l'œuvre
du plus grand iranologue fronçai• el spécialis te lncoutcst6 du c hiisme. Henry
Corbin ( 1903-1978). Je vous con se Ille en particulie:r son ouvrnge Intitu lé En
fJ/am imnien, û$pec/$ spfritueJs et philosophiques, paru (lès 1971 aux éditions
Gallimard (et maintenant dans la fameuse coUection semJ.poche •Tel •). Les
Intitulés de ces quatre llvrea vous donnent un aperçu de l"~tendue du savoir
de Corbin : 1- Le $/r'rsme duodklmain ; 11-Sollrowurdi tt les platonicieru de
Perse ; Dl - Les Fidèles d'anlOUr, 1111 'iJme et soolîsme ; IV - L't«xe d 'ispl)han,
l't«xe shaykhie eJ le douz1~me imâm.

Interactions entre chiites, soufis et sunnites


La dernière partie de ce chapllre étudie les raisons pour lesc1uelles le
soufisme (Je mysllclsnle <le l'lslan1) est n1ajoritairement sunnite et les raisons
pour lesquelles chiites et sunnites. quoique tous musultnans. s'affrontent
parfois.
268 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - --

Chiites et soufis
Le fondateur de la dynastie safavlde apparte.t1alt. certes, à un ordre soufi
chiite, mais Je soufisme reste davantage associé au sunnisme qu'au chllsn1e.
Pourquoi ?
Y" Chez les chiites. la dévotion aux imams et à leurs fam111es remplissent la
mê1ne fonction que le culte de-s saints et des soufis dans le sunnisme.
V" Le chiisme tnet l'accent sur le se11s caché de J'fcrlture sainte qui est
analogue mals aon identique au sens spirituel Oti Intérieur 1111s en avant
par les souris.
Y" Le soufisme et le tl1iisrne sonl tous deux propices à l'expression
d'émotions religieuses intenses.
Y" l..e-s théologiens chiites ont abordé plusieurs questions également
étudiées par les théologiens souris et connal.ssaleot bien les ouvrages
des auteurs soufis.

Chiites et sunnites
Aujourd'hui, Ja ·m a!orlté des musulmans considèrent que le chiiso1e et Je
sunnisme ont tous deux leur féglt.lmllé dans l'lslam. li n'en demeure pas
moins qu'U existe encore beaucoup de tens;ons et d'antagonls1nes CJ'ltre ces
deux tendances. Les raisons en sont complexes. En voici certaines :
VI' Pour les chiites, oe qu'ils perçoivent comme des lnlustlces 'faites à 'AJ1
et à Hussein .n e sont pas simplement des malheurs passés to1nbés aux
oubUettes.
Y' E:n 1802, les sunnites wahhabites (c'est-à-d ire les ascendants de la
famille royale Q\1i gouverne en Arable Saoudite) ont détruit le sanctuaire
de l'imam Hussein à Kerbela, massac.r ant 2000 personnes. On 1>ense
aussi que les wahl1abltes ont dét ruit les tombeaux de quatre imams
chiites enterrés à La Mecque.
v Dans les pays où les sunnites souhaitent imposer la loi islamique. les
chHtcs cr aignent d 'être obligés de se.conformer à la loi sunnite.
" Certaines pratiques rituelles c hiites. comn'le maudire les trois premiers
caUfes, sont extrêmement blessa11tes pour les sunnites.
v Les sunnites ont parfois accusé les chiites d'hypocrisie et d·lmmora1i tê
en raison de leur pratique de la dissimulation et du ·• niar-iage
temporaire" (mulà). Ils pensent aussi qu'ils sont sectaires el qu'ils ne
tolèrent que les musulmans qui adulent Ail.
_ _ _________________ Chapitre 13 : Le chiisme 269
V L'Arabie Saouclite é ta11t un bastion de l'orthodoxie sunnite et l'lran 1e
principal pays chiite, les tensions ancestrale.s entre Arabes et "Persans"
refont surface sous forrne de rivaJités pour la conduite du monde
musulman.
Y' La prln1e à la n1inorlté ~les sun11ltes pensent que la martyrologie chiite
est une résurgence du paganjsme mazdéen ou zoroastrien. L'islam
sunnite répugne en effet à marty·r lser le cotps humain, mên1e lorsque la
perso11ne se flagelle elle-même.
Méfiez-vous de l'amalgame rapide qui consiste à penser que A rabe égale
sunnite et Iranien égaJe chiite. Ne croyez. pas non plus que tous les chiites
pensent la même chose en Jl011tlque. Par exeinJ)le, si les Arabes c hiites
lr•kle.1s ont été persécutés et opprimés du temps de Saddam Hussein, lis
n'ont pas soutenu l'Iran au moment de la guerre entre rlran et l'lrak. Ce qui
est sOr aussi, c'est que la philosophie, la révolte intellectuelle et le débat ne
sont pas l'apanage des chiites et que les sunnites sont capables d'animer des
controverses tout aussi eJ\rlchlssantes. Ce se.rait là un maoql•Cde v1gilance
cle notre part et une affabulation. Enfin, la minorité n'excuse pas la violence.
Or li existe des tendances dans le chiisme qui sont fonclécs sur l'opposition
et la <:01,frontatlon avec ceux et celles qui ne suive.nt pas sa doctrine. Le
principe global qui doit nous conduire est donc assez si1nple: toujours
comprendre les enJeux en présence, évaluer les ldéologles et les <Joctrlnes:.
la l11rnière des principes universels d'l1un1anisme et délinlr un Jugement c lair
qui laisse toute sa place à la relecture et à la révision.
Chapitre 14

La voie mystique :
soufisme et confréries
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Dans ce clrapitre
... Le soufi,smc : pratiques et institut-Ions
.... Quelques grands maitres soufls
.. Les (J<lètes soulis
""' Les confréries 1naghréblnes
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

D epuis quelques années, on consta te une certa1ne a ttira nce ch ez les


j eunes pour ul\è for1ne de religiosité qui s'oriente vers des pratiques
New Age s'inspirant de traditions orientales ~ d'où une certaJne vogue du
soulJsme en Europe et .. u Etats -Unis. Sans être aussi populaire que le yoga
hindou ou le t ai~chi, on commence à ente11dre parler de cours de e danse o
soufle ou de séances de méditation. De n1ême c1ue ceux: qui 1>ratlquent lte yoga
ou le Taï Chi ne se sont pas Pour autant co11vertis. ces cours de danse soufie
nïn1pliquent pas davantage une conversion à lïslan1. Dans tous les cercles
soufis, le:; 'poènles du grand 1nai1 re soun, fonclatèur de l'ordre (les derviches
lourneurs Mevlevis, Jalal al·Din Roumi (1207· L273), sont partlculièrement en
vogue. Cet engouenlent a c-01nn1encé clans les an11ées 1960, d'abord aux États-
Unis, puis en Europe, bien avant que l'islam ne devi enae le point de mire de
l'actuaJilé Internationale.

Le soufisme a toujours été l'objet de polémiques dans l'islam. Certains


remettent en cause sa. légitln1llé et cllsent que le sounsn1e 11'a rtc1'I à voir avec
l'islam. C'est un jugement d'ord re t héologique car, du po int d e vue cuJturel.
le soufisme a toujours joué un rôle primordial dans l'Islam. Pour d'autres.
au contraire. le soufisn1e représente la quintessence de l'islam. Les grands
penseurs de rislam ont souvent été des soufls. Les grandes œuvres de la
lillérnlure ls lamlquc prémode.rne, notammenl poétiques. ont été écrites
par des maitres soufis. Ces œuvr es ont joue un rôle considérable dans
l'expansion de l'lslam. bien plus d'ailleurs que lout autre traité jur idique ou
272 Quatrième partie: Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

1>hilosophique et bien plus que toutes les batailles des armées musulmanes.
Les soufis ont largement contribué à la con,1ersion des peuples d'Afrique
subsaharlenne, d'Asie du Sud (le Pakistan, l'Inde et le Bangladesh) et d'Asie
centrale.

Le soufisme : l'islam mystique


Lé$ historiens des religions décrivent le sou- mysticisme pormat une connaîssance fntill\&,
fisme comme une forme de mysticisme dans directe, par opposition à la connaissance scien-
l'islal]l. Qu'entend-on par •mysticisme• 1 C'est tifique, philosophique ou celle des ~critures.
une façon partlcuHère.de pr:atlquer sa rell.glori. Etre 1J1vsllque Implique de pratiquar sa religion
Le 1aoîsme est Ur\& forme de mysticisme dans (gestes de dévotion, rites, olhique eturoyences)
la religion :chinoise. le-Tao ch1nois, livre de fa mais également de rechercher une plus grande
Voie, est l'un dt1s plus<grands écrits mystiques Intériorité, li ne s'agit pas seulel]lent d'obéir,
que ron connaisse. Le Tao est une réalitè non d'atte.ster-et de vôn-ôror Dieu mais de fe ren~
matérielle qui ne peut même pas.être non1mée contrerelde faire l'expêrlenee de se présence.
mals qui est lçi source de toute chose créée, Il ne faut pas confondre l'expêr1ence mystique
Dans le monachisme 00-01dent al, Il existe doux avoc un sen~imerr1 paniculièreme,n1 intense dé
grandes figures mystiques qui sont sainte religiosité Le rnysticlsfJle exige une aScè~e et
Thérèse d'Avila et saint Jean de Ja Croix. Dans une technique. Pour emprunter la v.oie mys-tique,
l'hlnilouismeJ Io yoga est un moyen d·accéder il faut se pléparer à un long voyage plein d'em·
de façon mystique à la dévotion, le eonnais- bŒches sal'ls avoirl'assuf8nce de pouvoîrjamais
$anoe et ltaction. l e f'IVSticisme met l'accent arriver'â de.stination. En gênéral, le·novice est
sur l'oxpérience personnelle. Le mvsllque guidé par un maitre p1us avancé qui t'aide 8
cherche à entrer en relation avéc le divin de passer par diffô:rentes étapes qu1 ramènera nt
façon directe. personnolle, saQs médiation. le progresslvementà l'extese ultime

En l{uête de Dieu
Le souflsme, (lui n1el l'ac<:ent sur l'expérience religieuse, of1re à 11slam un
contrepoids au légalisme e t au dogmatisme religieux.

Un peu d'histoire
Les quatre étapes dans l'histoire du soufisme se superposent les unes aux
autres. Chacune aJoute quelque chose de uou·vea.u mais ne remplace n.i
n'élin1ine ce qui précède. Pendant la première phase du soufisme, les fidèles
ont cherché à se ra1>procher de Dlell. Ces soufis cle la 1>retnière heure étaient
_ _ _ _ _ _ _ __ Chapitre 14: La voie mystique : soufisme et confréries 273
des athlètes spi.r ituels, toujours plus exigea ni s envers eux-mêmes. Les
différentes formes d'ascèse spi.r ituelle comportent notarnment :
, ,. Le chemin de l'oubli de sol et de la purification (J'approche négative) et
le chemin de l'amour (J'approche positive)•
1 ....- Un mystlc1sme Intérieur. par opposition à un mysticisme axé s ur l'extase.
Les premiers soufls étaient des ascètes (qui menaient une v ie austère, sans
p·rêter a ttentlc>n au bien-être physique) et portaient des vëteme-nts de laine
brute. nest fort probable que le mot • soufi" vicn1)C du 1not arabe souf qui
veut dire • laine •, bien qu'il exJste aussi d'autres explications. Les mots
• sOull > et • SOufls1ne .. ont <:té Jnttodulls dans Je vocabulaire franç·a is par les
spécjalistes occidentaux de l'islam. il y a plusieurs siècles. Le soufisme se dit
~n ara.be tasawwuf.

~ Êta nt donné. que Dieu est totalement autre et transcendant. pour


/ s'approcher de lui il faut se <lébarratoser de tous les atl-rlbuts cJe llodlvidu
(l'ego). La purification impUque de l imiter ses possessions. son temps de
som1nell et l'absor1>li01"1 de nourriture. En outre. Il fa.ut aussi se purif ier
de l'attachement à soi·rnême. La voie de l'an1our dît que ran1our hu1nah1,
josqu'à son expression dans l'amour sexuel, est rexpressJon la plus élevée de
l'attachement entre deux êtres. t:amour hu1naln est un avnntwgoOt de l'amour
de Dieu. Dieu a c réé le monde parce qu'il a désiré être connu dês ho1nn1es
pour qu'en retour ns l'aiment.
On J)f!Ul dire que le mystique intérieur suit le chemin de l'abnégation tandis
que le soufi, qui met l'accent sur l'a1nour de Dieu, te11d à une expression
plus exaltée et plus démonst rative. Le premier est-.il plus acceptable par
les autorités religieuses? En effet, on peut le dire, car ce mystlque~là ne
participe pas à l'activité politique de la cité et se tient à l'écart de tout. Le
mystique exalté, pour sa part, éprouve des altérations de l'état de conscience
qui peuvent trou\•er leur exp·ression dans des actio1'IS peu co1n111unes et des
formules surprenantes.

Les premiers souns n'ont pas eu véritablement le sentiment d'appartenir à


une branche spéclfictue de l'lslaln. J)ar La suite, aux alentours de l'an 1000, le
soufisrne s'est dav:antage structuré. Plusieurs 1>roblèn\eS se posèrent alors :
Y" Défendre la légitimité du soufisme face à ses détracteurs.
v Rendre le soufisme accessible à un plus grand nombre de fidèles (c:e en
quoi il a en partie échoué).
v Se faire connaître en fou.r nissant des manuels d iscutant le vocabuJajre
technique du soufisn1e en dé:finjsSàJlt différentes catégories de soufisme.
et en proposant des modêles de vie inspirés de vies de saints soufls
mls~s par écrit.
274 Quatrième partie: Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

Y' Présentation systématique et poétique du souflsrne en mettant l'accent


sur:
• Les étapes de Ja voie soufie.
• Le but de la quête spirituelle soufie.
• La base théologique et philosophique qui sous-tend le soufisme.
La troisième étape (xn11 siècle) est ceJle de l'lnstltutionoalisation du soufisme
qui aboutit â la création de loges soufies structurées et à l'appar ition des
ordres soufis prhlCiJ>aux (comparables aux différents ordres monastiques
dans le chrlstlanlsme) .
 la quatrième é tape (après 1500). le soufisme perd ses facultés de créativité
el d'adaptation. ce qui aboutit à son déclin en nombre de fidèles et en
spiritualité. Une nouvelJe opposition au soufisme se développe -aJors. Mê;m e à
ce stade. les exc.e ptions créatrices subsiste.rit; création de nouveaux ordres,
émergence de nouveaux saints soufis et parution d'œuvres slgnincatlves
dans le domaine de la philosophie e t de la littérature.

Te!ftes et étlénements fondateurs


Toote forrne d·expression qui se revendlq11e de l'islam doit tirer. sa légitimité
du Coran, d e J'exe,m ple donl'~é par r-1ohammed et. dans le cas de l'islam
sunnite, de cel1.ll des qua tre califes correctement guidés. Le souJisme fonde
sa légitimité sur:
1"" Des citations tirées d1,1Coran qui viennent étayer la démarche sou fie.

Y' Des l11jonctions à .. penser à Dieu-o, à répéter son nom (dhik.r), ce qui est
demandé à tout musulman cettes. mais caractéri se en part1cu11er le tire
le plus intlmernent associé à la pratique du soufisnl e.
Y' Des expressions qui mentionnent combien Dieu est proche du_croyant
(cf. sourate Il, 186).
v Des déclarations où Dieu est cité comn1e étant J'an1i ou ramant/l'aimé
(cf. sourate V, 54·56).
v Des allusions -à la face de Dieu présente. quel que soit le côté où 1'0 11 se
tourne (sourate Il, 115). Le soufi cherche à voir le visage de Dieu.
V Des réCérences à des concepts soufls explicités à partir du sens caché,
intérieur et symbolique du Coran (fa'wil).
Y' Allusion au voyage nocturne de Moha1nmecl qui a'
raversé les sept
niveaux du c iel pour par venir au trône de Dieu, parfaite Illustration des
étapes de progression dans la voie soufle.
_________ Chapitre 14: l a voie mystique; soufisme et confréries 275
v Citations extraites de hadiths qui ne figurent pas parmi les plus
po1>ulaires et où Moha1nmed est présenté co1nme Incarnant les valeurs
typiquement soufies telles que la pauvreté et l'humilité.
,,,. Cltallons de hadith qudsi (rapportant les paroles mêmes de Dieu) disant
par exemple; • J'étais un trésor caché et j'a1 déslté être connu.11
Y' Référence aux exemples de pauvreté volontaire embrassée par les deux
prerniers callres. '01nar, le deu"lème calife, a fait le choix de la pauvreté
à tel point que ses vêtements ra 1>iécés servent dè 1nodèle au manteau
rapiécé que le soutl reçoit au moment de son initiation dans un ordre
soufi.

Caractéristiques du soufisme
Que11es sont les principales caractéristiques du so·ufisme? En voici un
récapitulalll :
,,,. Ascétisme. oubli d e sol et purlficaUon
V' Pauvreté : 1 l\1a pauvreté est ma fierté 11, dit une tradition sou fie. La
pauvreté physique est liée à l'ascétisme. La pauvreté spirituelle. telle que
l'a pra tiquêe Rabi'a (713-801), ne désirant rien l)Our e lle, est synonyme
de paradis. On cléslgne souvent les soufis initiés sous le terme de lôqir
ou de deruisclre. Le premier de ces deu~ termes est al'abe tandis que
l'a.utre est perse. Les deux signifient oune personne pauvre 11,
V' Towoliku/~ confiance absolue en Dieu, e t rida, le fait de se contenter ou
ceaccepter tout ce qui vous arrive de bon ou de mauvais com1n~ venant
de Dieu.
Y' Amour d e Dieu : la versîo11 du con1e populaire de Afajnun et Laïta
(1 188) par Nizami est considérée par les souJis c.;OJTlme une allégorie
de J'an\our de Dieu. Empêch é d'entrer en contact avec sa bien~a imée,
Majnun de\•lent fou (c'est le sens du mot 1najnur1), e rrant dans le-dése.rt
tel Uf\ derv1che soufl. abandonnant toutes ses possessions, cherchant
désespérén1eni. et r épétant sans cesse (dllikr) le nom· de sa bien-ahnée.
Elle est n1orte avant qu'ils aient pu consommer leur u11ion. Cette quête
absolue de l'aimée rappeUe celle du soufl qui cherche Dieu et sait qu'il ne
pourra le trouver, plénitude suprême. qu'au-de.là de la mort.
,,,. Abandon à Dieu ( baqa) : Baqa est ce qui reste après l'annihilation (fana)
de soi et du n1onde. Ce • but •. auq\1el seuls les souffs les plus avancés
parviennent. est décrit comme étant une forme d'union mystique à
Dieu, pareiJle à ce.lie de l'insecte a ttiré par la flamn1e qui le consume.
Pour d'autres, cet état serait plutôt produit par la connaissal'ice 1>arfaiLc
(fna'rlfa) de Dieu.
2]6 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

V ra,vhid (unicité d e Dieu) : dans le soufisme, c::e concepl esl cornprls


comme étant le fait que Dle11 seul existe. Dieu est la réalité suprë1ne.
l'ultii~le vérité (al-hc1<rq). Si Dieu seul existe. toute c hose dans le monde
est un reflet de la réalité divine.
v Accent sur les aspects religieux liés à l'intériorité, la spiritualité,
l'ésotérisme par opposition à l'extérieur, l'apparence. Pour les sou fis. il
saglt là d'une étape qui va au-delà des rites e t de la loi religieuse mais ne
la remplace pas.
Y' La relation maitre-disciple : s'll existe depuis les débuts des derviches
etrants solita1res. ~n règle générale la progression spirituelle d'un soufi
s'effectue exclusivement sous la tutelle d'un guide spirituel (nrurchid) et
d'un 1naitre. Da11s le:; 1>ays arabes, Il porte le nom de cheikh el, dans Je-s
régions- qui englobent l'Iran. la Turquie et l'Inde. ceJul de pit.
Y' I:arbre généalogique spirituel Ç•ilsila, •chaîne•) qui permet de
reLrot1ver Ja flliatlon spirituelle d'un soufi à partir de son maitre jusqu'à
Mohammed ou 'Ali : dans la forme. cette chaîne rappelle ce.lie des lsnads
qui se trouvent en tête de tout hadith et le valident (cf. ch apitre 8). La
plupart des s;tsllas comportent la mention d'al~.lunay<l ou d'al-Bis t.ami
comme mallJons in11>ort.ants de la. cl1aîne.
V Le tfhikr ou zik.r (répétition). invocation rituelle d'une phrase sacrée.
Y' Stations (maqams) et états (hais) : les stations sont les différents
barreaux de 1·éche.lle à laquelle gri 1n1>e Je sou fi au fur et à mesure de
sa J)rogression spir îtuelle. Les états sont les expêriences pass~gère-s
affectives et psychologiques associées à chaque station. A tltre
d'exe1npJc., al·Sarraj (}._~siècl e)· donne Ja liste des stations .successives
(dans l'ordre) ; la repentance, la v1gllance, la refion clatl01'l, là pauvreté,
ln patience, la connance et l'ac<:eptation. 11 en existe d'autres comme La
gratitude, la crainte, l'espoir, l'amour et la connaissance.

L'apport de quelques grands maÎtres soufis


Dans une certalne 1nesure., la 1no11t.é e du souns1ne s'est faite en réaction à
l'att.achen1ent exce.~slf cles Ccillfes 0 111eyyades aux choses de ce monde. Les
sou fis rej etaient les notions de pouvoir, de richesse et de réussite sociale..
Le sou fi, pour sa 1>art, doit s'att.acl,er " au grand combat intérieur11 (djihad)
contre ses propres pulsions. Les premjers soufls jeûnaient souvent, pri aient
toute la nuit et évitaient bien des choses du lll(>nde perm_ises dans l'islam
afin de se garder du péché. Pour éviter les situations de cornpromlss1on,
bon nombre de soufls préférèrent rester céllbaLatres. bien que cela ne soit
pas la nor1ne en is lam, étant donné la connotatjon positive du mariage dans
le Coran. Les soufis s'en remettaient totale.1nent à Dieu e1\ c1ul ils 1nc.ttaient
toute leur confiance (!üUJOkktif). Certains allère11l même jusqu'à ne prendre
_ _ _ _ _ _ _ __ Chapitre 14: la voie mystique : soufisme et confréries 277
ni argent ni nourriture lors de leurs voyages. refusant toute ajde mêdicaleet
toute nourriture qui leur étaient offertes en chemin.

Hasan al-Basri (642- 728) rut Je premier grand saint soufL Co1nme bien des
so.ufis, al-Basri était un inte11ectueJ et un grand précl1eur. nincar11e plutôt
le souli •sobre• qui suit la vole ascé-ti<1ue et cons idère le monde matériel
cornme une «erreur•. Dans l'une de ses lettres au pieux callle omeyyade
'Omar U, a!~Basrl décrit le n1onde so11s la for me d'url serpent. doux au
l ouclter mals pro1ni)t à it'IOCuler son venin mortel. Hasan n'a pas Lnlssé de
document écrit à la postéritë mais li est souvent clt.é J)ar d'autres et il est
mentionné co.m me un malllo1l dans: la chaî ne des silsilas soufies (l'arbre
généalogique d'un saint ou d'un adepte du soufisme). Autre exemple de
c itation de Hasan : 11 Le monde esLune passerelle <tue l'on traverse (pour a ller
dans l'au-delà) n\ais sur la(LUelle 011 ne peut pas bâtir en dur.••

Un autre sou fi de la première heure est Ibrahim Ibn A dham (environ 730-nO).
Ibrahim allait d'un lieu à un autre, travalllant pour subsister plutôt que de
mendier. Il était connu pour sa gér1érosité et son ascétisme. Il acceptait
vo1ontalrerrierit d'être maJtraité par les autres en signe d'oubli de sot La
façon dont Il devint moine est auréolée d'une légende dorée: un jour qu'il
se regardait daris un 1n iroir. il oe vit dans la glace qu'une tombe. Une autre
fois. un animal qu'i l était en train de chasser lul parla et lu1 d it qu'il avait été
cr éé pour at1tre ci)ose qu'une v1e princièr e. C'est ai nsi qu"il décida. comme
te Bouddha, d'abandonner la vie de château qu'JI n1enaJt. Au cours de ses
vagabondages, Ibrahim rencontra al-Khidr, 1nystérieux. compagrlon de ~1oïse
(cf. sourate XV Il l, 61-83). Pour les soufis. Moïse, Je transn1etteur de la loi.
représente Je visage extérieur de la religion tandis qu'~li-Kl1idr incar11e sa
quintessence Intérieure. Af-Khi<lr a initié Ibrahim au soufisme et lui a donné
le nom de Dleu comme formule de dhikr personnel. li fallut quatorze années
à Ibrahim pour acco1nplir s-01l pèlerinage à La ~1e<..'Que, car il s'arrètalt pour
prier à chaque pas. Quand il arriva enfin à La Mecque, la Kaaba n'y était plos
car elle était allée à la rencontre d'une autre sainte, Rabi'a.

L'une des figures l es plus attachantes des premiers temps du soufisme est
celle de llabl'a al-'Adav.ciy.tt. Comn1e H~sa n et Ibr ahim. c'était une sou.fie
•Sobre•, la premïère à mettre autant l'accent sur l'amour de Dieu. EJle ne
faisait rien pour elle et tout pour Dieu. On r:-ipporte cette fJarole qu·ene aurait
d ite: • ô mo11 Dieu, Quelle que soil la part que vous m'ayez réservée en ce
monde. donnez-la â vos ennemis et quelle que soit la par t que vous m'av ez
réservée dans rauLr'C rnoncle, donnez.-1a à vos amis. Vous seul me suffisez. •
li existe un certain nombre de récits sur ses rencontres avec Hasan al-Bas:rl.
Chaque fols, son humilité à elle lrlom1>he de son orgue.il à lui. Un j our, il
éte11dil son tapis de pr ière sur l'eau et la mit au défi de venir le rejoindre pour
prier 3\'ec Jul sur les eaux. Elle lança S-01) tapis de prière dans les airs et lui
proposa de venir la rejoind re dans sa prière aérienne afin que le-u r piété ne
fût pas v isible au monde. Elle réplJqua que ce que Hasan avait rait-, un poisson
pouvait le faire landls ciue ce q_u'elte avait fait elle, seul un oiseau pouvait le
faire (pour en savoir plus sur RabPa, cf. chapitre 5) .
278 Quatrième partie : Une religion plurielle _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ __

Al-Mouhaslbi (751-857) écrivit s ur la psychologie de l'~me clans le soufisme.


Son ouvrage le plus cél èbre se préseJlle sous forrne de questions courtes
posées par un étudiant auxquelles Mouhasibi répond. Ainsi, U dorlne Ja
liste des quatre Cormes d'égoïsme contre lesquelles le sôufi doit lutter : la
suffisance, l'orgtieil, la va11ilé et l'autosatisfaction. Le t hème de la vanité est
introduit par la question suivante de l'étudia11t : « Par lez-nloi de Ja vani té :
qu·est-ce que c'est ? Oil s e niche+elle? Et comment l'éviter?•
Dhou al·Noun a l-Mis ri (environ 796-860) fut emprisonné par le calife
al-~4out.awakkll quai1d iJ refusa d'entér iner la doctrine mu'ta2lllte du Cora il
cr éé. Cepe r1dant, le témoignage émouvant de Ohou <11-Noun lui valut d'être
libéré par le calife. Se$ ouvrag~ se p résentent sous Ja forme de sentences.,
de poèmes et de prières. Quand une femme lul demanda ce qu'était la nn de
l'amour, U répondit que l'amour n'avait pas de fin. Dhou al ·Noun a élaboré la
tetl'nlnologie $Oufie concernant les stations et les êtapes de la progression
soulie. U fut l'ua des preLn lers soufls à cha11ter avec allégresse le monde
physique car tout dans la nature, du bruissement des feuilles au chant des
oiseaux. clame Les louanges de Dieu.

Abou Yazid al·Bistami (Baze-id en raccourc1), un Pet sÇtn qui vivait au


1x.., siècle, est run des soufls les plus célèbres pour ses extases et ses
Ivresses. Certains auteurs anciens en donnent une description très
contrastée, certains le décrîvant COlll rn e un soufî tout à fait or thodoxe et
d'autres co1nme une 1>ersonnalité plutôt excenrrique. li est céJèbre surtout
pour ses excl amations ex·u bêrantes (cl1atal1at). telles que subl~ani (11 Gloi re à
moi ! 11) ou "Comme e lle grande, ma majesté!•. Il faisait usage du paradoxe
PQur fair e passer la v érité, un peu à Ja manière des bouddltistes zen. Quand
quelqu'un cherch ait à le voir, li répondait que lui aussi cherchait Bazeid. 11
faisait $Ouvt.f\t réJérenc:e à l'ascension noc turne de Mohammed (lnlYcj) pour
expliquer sa vision personnelle de la n1anière d'ap1>r'Ocher Dieu.

Abou al-Qasim Ibn Mohamed a l-Junayd (mort en 909) était un mystique


intérieur de Nlhawand. Il est parfois appelé Al-Nihawandi. Junayd
condan\11ait les formes extr ëmes du mysticisme tel qu'il était axé sur l'extase
univoque. l i a surtout insisté sur le fait que lè mystique n'est pas sêparé ou
exclu du inonde ordinaire, et qu'après chaque extase - Instant donné à Dieu -
il se devait de vaquer à ses activités habituelles. A l-Junayd était commerçant
à Bagdad. Plutôt que de parler d'union myst ique comme le faisaient aJors· tes
autres soufls, IJ 1>référait évoquer des •états de conscience• de DJet1où la
personne revenait à son élat pr1mordlal (ou prééternel). à savoir le mithaq
concJu e:rttre Dieu et les honlmes avant mëme que l'histoire hun1aine n'ait été
enclenchée. Cette idée est exprimée par le Coran (sou.rate VII, 171) dans un
passage du Livre sacré où Dieu appelle les hommes à Je reconnaître comme
Seigne ur.

Husayn Ibn Mansour af-Halfaj (exécuté en 922) est le soun le plus t.,,nnu
parmi les mystiques prônant l'extase. Al-Ha llaj a attiré des fou les de
disciples. C'est une figure majeure, très populaire de l'islam. Sa poésie fait
Chapitre 14 : la voie mystique : soufisme el confréries 279
appel à quantité d'images, celle de l'lnsecte et de la namme, par exemple,
qui a été reprise par de nombreux poètes soufls. Il est célèbre pour cette
exclamation : •Ana al-1/oqqa Qe suis la. vérité/Dieu). Arrêté pour eau.se
d'hérésie, ap~s huit ans de prison. Il fut flagellé et décapité, et son corps
brûlé. U a accepté sa mort, en disant : • Tuez·rnol (...) car par ma mort, je
passe à la vie.• Comme Husayn, le ms de 'Ali, mort, al-HallaJ est devenu
l'une des grandes figures des martyrs de l'Islam et a eu une Influence
pr~érantc sur le souflsmc lndo-Persan.

Abou Nas as-Sa<raj (il' siècle) a réalisé la première description systématique


de la pen~ et du mode de vie soulls. Il y évoque les sujets les plus
controver~s. lels que les extases. les miracles et le recours à la musique.
Comme al-Ghazali, li a défendu l'idée que le soufisme est l'expression la plus
pure de l'islam. Son livre est devenu une rc!fc!rtnce sur laquelle s'appuieront
les théologiens soufls ult~eurs .
Abou Hamid al-Ghazali (1058-1111) est l'une des figures les plus marquantes
de la pensée Islamique. Sa contrlbutlol\ à la philosophie et à la théologie
islamiques (cf chapitre 7), ainsi qu'à l'él hlque (cl. chapitre 9), est immense.
Son ouvrage l:Affranchlsseme/11 de l'errY!ur (Al·Mllnqid mina od-dalàl)
constitue l'une des grandes autobiographies religieuses de l'islam. Venu
d'Iran. AI-Ghazali était le plus grand Intellectuel musulman de son temps
et occupaIl un poBle prestigieux A l'unlversllé de Nliamlyya que le vizir
seljouklde Nlzarn al-Mulk avait fondée à Bagdad. En 1095, Al-Ghazali traversa
une crise splrltue11e. li démissionna de .son p0$1e à l'unlverstté et s'orienta
vers une re<.:.herthe personnelle et spi rituelle. Ses onze années d'errance
l'emmenèrent Jusqu'en Syrie, o~ Il rrouva dans le soulisme la réponse à
ses quesllons existentielles. L<l quatrième e l dernière partie de son chef-
d'œuvre, l '/11ya Utam od·Dln (Reulufflcatlon des •clences religieuse~). est
consacr6c au soull•mc. Pour Al-Ghatall, le soufisme 61al1 l'expression
culn1inante de l'Islam, à condition que le aoufi ne néglige pas les rites. la loi
et la théologie musulrnanes. l~our la plu1>ar1 des penseurs musulmans, sa
position a h!gilim6 ln1>lace du soullsme da11s l'lsla111. Le )uris1e hanbalite,
lbn-Taymlyya (cf. cha1illre 8) et ses héritiers ultérieurs, les wahhabites, n'ont
Jamais reconnu le •oull•me comme légllhne, mal& d'aulres Juristes hanbalites
d'excepllon lurent l!.ux·mëmcs soufls.
Ibn Mohyiddln Mohammnd Ibn 'Arabi (1165-1240) $e silue à l'opposé d'Al-
Ghazall. 11 a réalise! la syn1hèse de la théologie el de la cosmologie soufies
qul a été constan1rnent défendue et réinterprétée p.1r s~ adn1lrateurs soufls
et condamnée par le-s pen$eurs conservateurs. Né et élevé en Espagne. deux
de ses professeurs soulls on1 été des femmes. li a prétendu avoir été Initié
par Al-Khldr. S'établlssanl par la suite ADamas, il a produit un grand nombre
de travaux théologiques Intellectuellement dlfnclles et ésotériques dont
les plus lmportanlS sont les Rtvl/!Jtrons mecqu<>1us (ol-FvtOl>at ol-mokJ<iyu)
et les Orâtons de Io wges<t ( FusDs ol·htlwm). Il présente l'amour comme la
~rité centrale dont dépend 1ou1 l'univers. Sa cosmologie comporte vingt-
280 Cluatrième partie : Une religion plurielle- - - - - - - - - - - - - -

huit niveaux. depuis l'essence divine loconnais$abte {le la ilahc1 ou " il n'y
a pas d'autre dieu que Dieu' de la shohada) jusqu'au niveau de l'existence
physique. Son concept le plus n1arquant est celui clu u,'<lhdCJI ol-wuj~1d, c'est·
à-dire" l'unitë de ce qui est"· Ce eo1lcept n'est pas aussi panthéis te,qutU y
paraît. Dans son désir d'être connu, Dieu s'est manifesté dans la pluralité
de l'être. Un autre concept Important d'lbn 'A_rabi est ceJui de l'être humain
(totalement) parfait. Cet hommo par fait est le prophète Mohammed parce
qu'H reflète de la façon la plus evlclente l'existence de Dieu. À chaque
génération, li existe uo autre être humain parfait. qui ftt.lt le lien entre le
créateur et les c réatures. li est J'« axe" (qutb) autour duquel tourne le cosmos.
Divers maîtres sou fis ont prétenclu par ta suite être le qutb de leur génération,

Rabi'a est l oin d'être Ln seule femme soufie ou sainte de l'islam. La tradition

M
~~
mentionne un certain nombre d'autres femmes soufles, telle Fatlnla de
NicllàJ)Our. Le soufisme a généra.l en1ent ofrert aux fe1nn1es de plus grandes
possibilités dans le doma111e rcllgjeux que. d'autres formes de spiritualité.

~1alg.ré tout, on peut dire que le rôle des fc1nmes dans le soufisme a été
limité. Quelques loges férninines ont existé dans les grandes villes de
J'lslam n1édiéval. Mals, à que.lque-s exception~ près. une femme ne peut
pas diriger un ordre soull ou une loge locale mixte (hommes et femmes).
Certains maitres de loges soufies ont permis plus que d'autres, à cles degrés
divers, la participation cles feJnmes. Ils ont même officiellement initié des
femmes dans leur ordre, mais l'initiation officielle étaJt relallve.1ncnt rare et
la norme était que la participation des feo11l1es étaie1"lt restrelnte, souvent
marginale, dans les cérémonies sou(ies comn1unautaires. Les recueils de
blograpl'tles de saints Incluent un certain no1nbre de figures fén1inines, et
les n1usulmans vont volonl lers sur la tombe de ces saintes comme sur celJes
des saints. Il n'en reste pas moins vrai que le lien unissant ces fe1nmes au
soufisme institutionnel reste en général 1imlté. Un certain nombre de remmes
professet1res ou Lransmetteuses de badiths sont mentionnées.

Pour certains soufls, la distinctio11 entre homme et femme n'est plus


perth"lente pour celles et ceux qui ont atteint les 11lveaux les plus élevés de
la voie soufie. Ibn 'Arabi a admis qu'une femme pouvait même être Je qutb
( l'axe), le sou fi le plus exalté d'une époque donnée. On trouve des saintes
et des femmes soufies dans toutes les régio11s du monde musulman. Ainsi,
Fatima .lahanara, la fille ainée de l'empereur moghol Shah Jahan (xv1r< siècle),
a été initiée dans l'ordre des Qadlrlyya.
Chapitre 14 : La voie mystique : soufisme et confréries 281
Or9anisation de la communauté soufie
Dans les premiers slkles de l'lslam. 11 exls1al1 peu, voire pas du tout, de
communautés soufles organisées. Al.-Ghazall est run des premiers à être
rnentionné comme londateur d'une communauté struccurée autour d~une loge
centrale ( bâllmcnl) pour n.brller ses membres.

Ribats, khanl(as et zaUIÎIJas


Dans le sou/bm.,, 11 exls1e une 1ermlnologle bien précise qui correspond à
la façon dont une c.01n1nunaut6 soufle e.st structurée. Le terme de khanqo a
d'abord ~é ulll~ dans les Jose• de Perse orle.nlale (Khorasan). ~turne
turc équivalent est cclul de tekke. Dans les réglons arabes occiden1ales,
on parle de nbat (à l'origine une forteresse à la Iront ière) ou de ;:aq,'iya, La
khanqa avait de muhlples fonctions. Le cheikh y enseignait ses disciples. Ce
lieu servait d'hospice aux voyageurs. de soupe populaire et de dispensaire
pour les malades. La plupart accuclllnlenl les visiteurs bénévolemeat.
La khanqa est en général constituée d'une cour centrale où ont lieu les
cérémonies co1nmunautalres. De chaque côlé se trouvent des cellules pour
lelll adeptes résidents pern1anen1s (toutes n'en ont pas en permanence). On y
trouve souvent Io tombe du fondateur de l'ordre. l.a klwnqa peut également
con1porter une 1nc1dmso (école). une mosquée et d'autres bâtin1ents. Le culte
du saint se 111anlfeate souvent autour de 1'a tombe si blc11 que. au ru des
siècles, li arrive que ce l ul~el prenn(! le pas sur la pratique des rites soufts en
eux-mêmes (cf. c hapitre iO).

La confrérie soufie
Le mot 1orl<111 (• la vole• ou • le chemin•) désigne à la fois l'ordre sou!I en lui-
même en tant que communauté struc1urée, pérenne, el la vole spécifique
adoptée par l'ordre en question. On petit distinguer quatre catégories de
personnes a•socit!es 11 une khanqo particulière:
Y" L'éUte centrale cornprennlt ceux <1ul sont parvenus aux plus hauts
degrés d'initiation apirituelle. Ils avalent des pratiques soulles avancées
et pouvaient Initier d'nuires lldèles dans la tariqo. Le cheikh pouvait
d&lgner l'un d'entre eux pour lul succéder ou l'envoyer en misslon pour
for1der une autre loge.
v Un grand nombre ltalt.nt n1e1nbres A part entière et participaient
régulltrement à loutes les activités de la loge. comm.. la rêdtaUon
communautaJre du dh1/fr.
282 Quatrième partie : Une religion plurielle _ _ __

Y" Les novices (1rrurid) étaient des soufls en forn1ttitlon non encore lnlt.lés.
.,, Les laïcs a li Illés li la loge en étalent plus ou moins proches. Ils
reeo11naissaten1 !'autorité du cheikh et avalent un n1lnflnum de formation
soufle. Ils as•lstnlent aux célébrations d'anniversaire (maw/lrf), de dé<:ès
(u,., qui signifie littéralement •noces•) du cheikh fondateur. L:ordre
dépendait du soutien financier des laies alllllés. Les dirigeants et les
riches soutenaient les ordres ravoris qui se constituèrent ainsi des avoirs
parlois considérables (waqf•) Pour ces donateurs, le lait d'être...oclé
à une tarlqo avait Eaalement un lntéret d'ordre social. Certains ordres
étaient liés à une classe ou à une profession partlcull~re. À l'inverse,
certains ord~ pouvaient regrouper divers groupes professionnels ou
sociaux d'horlions divers. Dans certains pays d'Afrique, la plupart des
hommes musuJn1ans faisaient pactJe d'un ordre.

L'art et la manière d'être soufi


lt peut y avoir de grandes disparités d'une tariqa à une autre en ce quJ
concerne les règles. les rites et le quotidien. Les descriptions qui suivent
sont caractéristiques niais ne s•appliquent pas unlvcrse:llement de la même
manière.

Reioindre une confrérie soufie


Un musulman peut @tre Initié dans un ordre soufi par un certain nonlbrê
de c heikhs différl!nts. Cependant, Il doit e n reconn~itre un seul comme
son martre. La format ion de base avant ll nllfatlon µcul durer trois ans
pendant lesquels Il doit apprendre l'humilité el l'obt!lss.ince. Le novice
doit bien connaitre la si/silo de l'ordre. Cominence ensuite l'apprentissage
des rites de méditation. Cet apprentissage se termine par une période de
quarante jours de rkluslon. Au cours de la cérémonie d'initiation. l'inlUé
pronooçalt un vœu d'all~seanœ en serrant les mains du cheikh. Ce geste
symbolisait la transmluton des pouvoirs du cheikh (barol<a) à l'êtudianL Le
cheikh lui remettait alon le manteau rapiécé (llhirqa), qui était le vêtement
caractéristique d.. souns. avec une toque dont la forme était différente selon
les ordres. Il recevait ~gal'-ment un document. en queJque sorte un diplôn1e,
qui attesta11 de son Initiation et Je situait dans une $fl&llo.

Sui~re les rè9les de la confrérie


Comn\e dans Je.s communautés monastlctues chrétiennes. toute.confrérie
soune avait ses règles qui <levaient être suivies par ses membres. Les soulls
Chapitre 14 : la voie mystique : soufisme et confréries 283
étalent en g~éral mariés, mais pas nécessairement. Void quelques règles
qui étalent en usage dans une khanqo du x~ sltcle :
V' Porter des vêlements propres et être en étal de pureté rl1uellc.
V' Prier de façon assidue la nuiL
V' Pauer si possible le d ébut d e la matinée à Ure le Coran et ne pas parler
Jusc1u'au lever du soJeil.
V Entre le coucJ1er du soleil et les dernières 1>rlèrê$ du soir, réciter le dikhr
spécial, propre à chacun.
V ttre accuelllant envers le pauvre et le nécessiteux.

Penser à Dieu : le dhikr


SI le Ier me dhikr (également écrit el prononcé <ilu) est celul qui est employé
dans le Coran pour dire quïl faut penser à Dieu, Il caroctérl&e également la
pratique typiquement soune qui consiste à répéter de façon Incantatoire
une expres.slon. seul ou en groupe. Les expres.sloru: ~s plus courantes de
dh1krf0nt la répétition du nom divin ·Allah•, ou l'un des 99 noms de Dieu,
la preml~e partie de la sllohada. ou une formule exclamative, telle que
•gloire à Dieu• ou •Dieu est le plus grand • (Allahu Akbar). Le souli répète
cette expression un nombre de fois htd1qué ou pendant un certaln 1em1>s
spécifique. Une distinction est faite entre le dhikr sll~ncleux e t le dhikr parlé.
Dans le dlrikr Individu el, le soun peut cornmencer par le •dhlkr de la langue•
en prononça ni cer1ah1s mots, p·uis passer au "dll;kr dlt cœur~ et l)arvenlr au
son1rl1et de la contemplation avec le 11.dhlAr(lu fin f<>ncl de 1'être11. stade auquel
les 1not5 n'ont même plus besoin cl'être prononcés. 1nl!me 1nen1alement.
Les Ni\qshbru1diyya ne recourrent qu'au d/1ikr sllcncl<!l)X. IA! c/J1ikr sonore
de l'ordre des Rlfa'lyya leur a valu e n Occident le surnorn de • derviches
hurleurs•. li existe trots grands types principaux ded/1/kr:
v La rl!1>éllllon quotidienne et Individuelle par det membres aprèa au
molu deux dea clnq prièru rituelles quotld_lenne•.
V' Une lom1e plus raffinée de dhilu qui rappelle le yoga : Le participant
associe la répétition d'une expression avec du schtmas de respiration
en se focalisant mentalement sur une partie du corps. Ainsi, Il va répéter
lashahada, en expirant lorsqu'il dll •11 n'y a pas d'autre dieu• et en
Inspirant tout en disant •que Dieu•. La moJltùe de ce style de dhikr
p~nd u11 certain temps.
..., Dhlltf communautaire; Ce •dh;k,.de présence• a Heu habituellement
le lcudl soir et à certaines occasion• spéclalet. Quand on parle de
"Présence•, it s·agil id de Ja présence à Io. cérf:nlonle de Dieu, de
~1ohammed et des saints souns.
284 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - -- - -- - -

A' l'écoute de Dieu : sama'


Saina• est le mot arabe utilisé pour parler d'un orflce liturgique de prière
soufie qui comporte de la musique èt des c tiants. Ce genre de séance est
souvenl associé à la récitation du dhikr en con11nunauté. Certains ordres
soufis ont des théâtres (sa111a' k/1anoJ1s) spécialement réservés a.ux séances
de sama'. Certaines autorités musulmanes conservatrices se sont toujours
OPJ>Osées à Ja musique. disant qu'elle excite les passio11s et les pulsio1is les
moins nobl es cle la J)C-rsonne. En dehors clu contexte rellgleux, la n\usique
a toujours occupé une place pré pondérante dans les cultures musulmanes.
Un non-spécialiste qui écoute une psahnodîe du Coran dans une version
parlicullèreinenl raffinée consjdérera qu'ïl s'agit bien là d'u11e for1ne de
n1usique.. Cependant, il est certain c~ue les clirectlves sur la rëcitation du
Coran ont toujours veillé à maintenir la diffêrence, aussi ténue soit-elle. entre
le f.al t de cha1\te'f le Coran, c·e qui n'est pas permi$, et le fait de le réciter de
laçon psalmodlque, ce qui est autorisé (d. chapitre 3). Les ordres Qadlrlyya
et Naqshbandiyya n'ont f'as de séances musicales (sar11a) n\ais ne sont pas
opposés à ce que d'aul res ordres soufjs y recour ent. Les ordres Mevlevl
el Chistl, en rcva1\Clle. son1connus pour faire appel à la musique. Cer tains
o rdres enseignent à leurs membres à dominer leurs émotions pendant les
séances de soma~. D'autres autorisent des mouvements du co.r ps conlrôlés
pour accornpagner la mLLsique et seuls certains 1nembres entrent en e.xtase.
Ils peuvent alors c rier, pleurer, se lever, danser et s~écrouler au sol épuisés
â la fin de la séa11ct. Pour les Mevlevis (les " dervlcl1es lOl.lrneurs ~~. la
principale séance communautaire combine n.. osîque et danse : Jes dervfcl1es
tournoient grac1eusemc1lt, d'abord lentement puis prog·r esslvement de plus
en plus vite. Tot1s les membres partlclpent à cette J>rière en mouvement .
Une séance desama· peul également faire appel aux services d'un cJ1anteur
professionnel (fnu1tshld) .

Ceux qui défe,n dent ces séances de sama' (ont ren1arquer qoe le Cor an
1ne.ntîonoe le fait que David a adressé cJe$ psaun1es à Dieu : des jeunes filles
accueillaient le retour des guerriers musulmans avec des chaJ11s. Moha1nmed
écout..:1lt sa1'lS récrirnil1er ces jeunes IUies chanter <les hymnes joyeux les
j ours de fête. t tant donné !'opposition manifestée par certaJns à l'encontre du
souHsme et <lu re<:ours à ia musique dans les céré111onles religieuses. divers
auteurs soufis ont fixé des d irectives pour prévenlr les excès pendant Jes
séances de soma·. Le chanteur doit être un homme adulte. Aucun insLru1nent
de muslciue ne doil être utilisé. Les part icipants doiver1t concentrer leur
attention sur Dieu et seuls des hyrnnes approprjés au plan religieux $Ont
autorisés. Les détails rieuvent varier d'un groupe à u11 autre et certains font
usage cl'lnstruments de musique.
- - - -- - - - - Chapitre 14 : la voie mystique : soufisme et confréries 285
Dhikr communautaire af/ec sama'
Voici le déroulement d'une séance cle méditation soufie. Au début de ta
séance, les 5>artlc1pants sont disposés dans un ordre particulier, souvent en
cercle ou en deux rangées face à face. Qn co1nnlence par réciter la farll1a ou
une pr1ère écrite par le fondateur de l'ordre. Le muschid c l1ante un poème
ou combine des élén1e.ilts de 1>Jusiet1rs chansons. Il peut répéter plusieurs
fols des vers qui ont un effet ëvident et for t sur quelqu'un. L'amour pt1ur
Mohammed ou sa ran1llle est le tJ1ème dominant. Cbaque chanteur a son style
à lui à partir duquel il improvise. En Égypte, Je chanteur est accompagné de
son groupe qui utJllse des lnstruments tels le tambourin. les castagnettes, le
vtolon et la nûte. Ta1ldls que le munsllid s'exécute, les participants l)f!uven1
répéter le dhikr de rordre. Les invocations courtes a ppelant J'aicle des saint.s.
entremêlées avec la récitation plus Intense ou psalmodiée du dhikr, procurent
des moments d'é1notio11 certaine. Au fur el à nie.sure cle ravancenlent de la
soirée, le ryth1ne et la tension grandissent. Certaines personnes ressentent
le besoin d'expriltter 1>t1ysiquenlent leur émotioo : certains ont de la salive
qui leur monte:. la bouche, Us agitent les mains, se lèvent et enlèvent leur
couvre-chef. Il est à re1narquér que Je public peu1-assister à certaines
séances. y compris les femmes qui s'assoient ea général à f>art et doive.il\ se
1nontrer plus réservées dans Jeurs expressions r.orporelles.

La poésie au serflice de la foi


l.e soufis1ne est à l'origine d'une littérature très riche écrite en arabe. en
persan, en turc et da.ns diverses langues du su.d lle l'Asie. t.a poés1e esl le
premier genre littéralre de l'Arabie at1télslamfque et, tout naturellement, c'est
encore la poésie qui prime dans la littérature soufie. Voicl quelques grands
poètes souns :
v Ibn a t.farid ( 1181-1235) est considéré comme l'un des plus grands
poètes arabes. La langue arabe offre de nombreuses µossihilités cle Jeux
d.e mots exploltées par A1·Farid, dont on dit qu'fl composait dans un état
de transe et d'exaltation. Son Ta' lya cootient 760 vers, qui fhtlssenl tous
par la lettre,, t •. Dans son Ode au vin, il utilise l e thème de la ch aras.on
à boirè J>Our ~xprlmer rexpérience n1ystlque du sourt. l ..a ntêtaphore
du vin est presque aussi souvent t1tilisée dans le soufis 1ru~ <1t1e celle cle:
ramour pour parler de l'état clï v'fesse de celui qui s'approche de Dieu.
286 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - -- - - -- - - - - -

V' Farid ol-Din 'Attar (environ 11 19-1220) est sans doute le poète sou/i
persan Je plus br1Uant. C'était uo amuseur plein de talents aussi bien
qu'un maître de soufisme. Sa Conférence des oiseaux (.41at1tiq U1-Tayr) est
disponible en français (Slndbad, 1982). 11 a été t raduit dès le XL'' siècle
par Garein de Tassy. uo grand spécialiste de la littérature arabe et
persane. Basée sur une référence au roi Satornon et au discours aux
oiseaux de la sourale XXVII, 16, <:ette lon.gue fable parl e d'un groupe
d'oiseaux qui se mettent à chercher leur roi, le Sinlurgh, <lont ils n'ont
plus que de lointains souvenirs. La recherc he est difficile, et la manière
est Incertaine. Plusieurs des oiseaux abandonnent la recherche.
Finalement, trente oiseaux arrivent au 1>alais de Sirnurgh. Là. Us se
rende.n t compte qu'ils sont eux-rnêmes le Simur gh qu'ils rechercha,ient.
E·1l effet. Simurg·h est le mot persan qui ve1,..1l dire" trente oiseaux.,, Ce
voyage est une n1étaphot e de la quête souJie.
V Jalal al-Dln Rottioi, connu sous l'appetJation de Mawlana («notre
maîtr e11) , est le plus connu de tous l~s poètes soufis. Ses poèmes ont
acquis une grande notor iété en Occident. Sa vie est aussi intéressante
que ses poêsies sont source d'lnsplration. Né ver s 1219 dans la partie
orienta.le de la PetSe. sa famllle a dû fuir en raison de la menace mo11gole
et s'est lnsta.Uée dans la ville de Konya, en Turc1uie 1n0<lerne. Cette
région était à l'époque slluée dans l'Etnpire romain d 'Orient. et connue
sous le nom de Rl1m, d 'o ù l'appellation de" Roun1l 11 dans son no1n. Il
succéda à son père comme maitre et cheikh soufj, l:événement crucial
de sa v te fut sa rencontre avec Chams al·Din. de Tabrlz. en 1244. Rouol l
fut l1anté par Chams, trouvant en luJ le moyen de faire l'expér ience de
l'amour divin. Au bout de deux ans, Chams le quitta soudaineme.n t.
Roumi e1t fut .si déprimé que son IUs aïné partit à sa recherche. et le
ramena â Konya La famille de Roumi et plusieurs de ses disciples
furent scandalisés et faloux de remprise de Chams sur Roumi. En 1248,
Chanls disparut de nouveau, probablemenL assassiné. Roumi écrivit des
poèmes inspirés par Shams. Le Dit'à.n·i Cha1ns-l Tabrizi est un recucJJ
de ces poésies, riche en images et en sylnl'>oles. simple dans la forme.
À la de·m ande de Housam al- Oin Cllelebi, un disciple proche de Roumi
après fa mort de Chams. Roumi écriv it son chef·d'œuvr e, le Afathnawi.
Composé de 26000 vers, le 1Watll11Q11Ji de Roumi est souvent appelé o.Je
Coran écrit en persail 11. Roumi est mort en 1273. -
v Youuous Er11rè (xnl"" et xrve siècles) est Je plus grand poète ayant écrit
en turc. Ses poèmes sont r iches en hnag-es évocatrices et ont u.a ton
lyrique. Son styleèst influeocê par les chansons populaires turques.
L!un des thèmes favoris de Younous est que toute la création est un
hymne. un dikhr, à Dieu.
- -- - - - - - - Chapitre 14 : La voie mystique : soufisme et confréries 287
Établissement des confréries soufies
Le$ confréries soufies soli(Leme1\t établie.Ci n'ont commencé à émerger qu'à
partir du XII" siècle. Certains ordres se retrouvent dans l'ensemble du monde
musulman, alors que d'aul-res se cantonnent à une seuJe région. La conduite
de la. plupart cles ordres soufis devint ensuite héréditaire. Les ordres soufis
ont étê un factéur hnporlan:t cle propagation de l"islam. Parfo1s, les nouvelles
com1nunautés se transformèrent en de nouveaux ordres. la plupart des
ord res souris n'él.ant pas trës (ortement centralisés.

L(I confrérie soulJe est une synthèse équ111brée entre une doctrine
musulinane explicite (Je maJlkJsme, par exemple), un vocabulaire soufi plus
ou moins élaboré, générale.i11eot fo11dé sur l'oraJson, la contemplatio11 et
rorrrande, et une ln1pllcation pro(onde de ses l'nembres dans la vie de la cité.
à commencer par les œuvres caritatives.
De tout temps. les confr(:rles souUes ont voulu jQuer un rôle politique local,
car telle est leur vocation première. se 1nettre au service de Ja communauté
el la servir du mieux possible. Le résultat est que <lans les pays arabes. au
Pakistan, en Turquie, en Afrique, la tatiqa est souvent n1ieux suîvie par ses
notnbreux adeptes- des centaines, voire des Jnllllers, que le parti poJitjque
ou le syndicat t Il n'est donc pas rare que son rôle soit recon11u, y con1prls par
les autorités politiques du pays, surtout lorsque la tariqa arrive à recruter
dans plusieurs pays et qu'elle consacre une partie de son temps et de ses
moyens matéri els à aider les plt,1S nécessiteux. Certaines confréries soot
d'ailleurs devenues, u;a La baraka (bénédjction) donL elles sont porteuses.
des multinationales de la bonne gouvernance spirituelle. Elles ouvrent des
succursales dans plusieurs capital es du n1onde musulman. organisent des
congrès annuels é l mènenl des campagnes offensives pour fé<:Olt.er des
ronds, (';ar leur financement est géné-ralement lalssé à la discrétion d e leurs
adeptes ainsi qu'aux donations privées.
Après plus d'un siècle d'études assez approfondies, nous disposons
aujourd'l1ui d'une vue globale et asse:Z précise des confréries n\usulmanes.
Récemn1ent, dans son étude sur le soufisme au quotidien en Égypte, Rachlda
Chih a démontré que la plupart des fondateurs de confréries nationales
$Ont venus de Join. L'une des plus ln1portantes., La Chadiliyya, fuL d'ailleurs
ror1dée par un saint ntarocain du no1n dè AbOl-Hassan ach·Chadill (mort en
1258). D'autres encore, comme la Qadiriyya, la plus ancienne de toutes, et la
Rtfa:'lyya auraient des sources irakiennes.
De son côté, ta voie inltlatiqu-e 1naghréblne est féconde au point d'h10uer sur
l'ensernble des centres spirituels disséminés tout au long de la route du hadj,
le grand pèlerinage à La Mecque. Il est d'observation courante que ta plupart
des confrérfe.s soufies sont fondées par des pèJerlns revenant du hadj,
car le saint hon1me acctulert alors le niveau le plus élevé de son charisme
persoon.e1.
288 Quatrième partie : Une religion plurielle ____ __

Voici queJque5·uns des ordres soufis les plus Jmportants :


v La Qadlrlyyn est ba1>lisée d'après le nom d ..Abd a l·Qadlr Jllanl
( 1077-1166). AJ-Jllanl est peul-être le saint musulinnn le plus largemeol
vénéré, bien que l'ordre de la Qadlryya ait été fond6, aprè• Al-Jllani lul-
mème, 1>ar d'autres disciples venus après lui. Al-Jllanl é tait un juriste
hartbalite. et ion ton,beau à Bagdad est encore visité par les pèlerins.
L:ordre, qui est devenu la plus grande tari(/<l soulle à partir du xv< siècle.
est prédominant en Asie du Sud. en Afrique de J'Ouesl, au Maghreb, en
lndonésle el en Malaisie.
v La Rlfa"lyya, surnommée les •derviches hurleurs•, a ~I~ londêe par
Ahmad Ibn "AU al-Rlla"I (1106-1182) en Irak du Sud. C"est une ramlflcatlon
de la Qadlrlyya. Elle s"es1 propagée en €gypte. en Syrie, en Turquie, en
Bosnie, et dans la région au nord de la mer Nolrf'. Connus pour Jeur dhikt
tonitruan~ les 1nernbres de cet ordre sont également célèbres pour leurs
pratiques extrêntes de cracl'lturs de feu et de mangeurs de verre. des
personnages qui s'arracllent les globes oculalrc.s ou se transpercent les
mains et le coti avec des algullles rnétaJliques. déca1)ltcn1des serpents
vivants en leur mordant la tête. IJs partagent <:elle gestuelle avec une
confrérie n1aghréblne très connue., les Als.saouns. Jusqu'au 1.VC siècle, ce
fui l'ordre le plus Important, détrôné ensuite par la Qadiryya.
>'La Chadblliyya a ~té fondée par Abou Al-Hasan A~Chadhlll. Al-Chadhlli
a com~nœ sa carrière en tanl que prédicateur populaire en Tunisie.
En 1227, une vision l'a lncit~ à se rendre en €gypte où il a fondé son
ordre. L:ordre s'est r~pandu en Arable, en Syrie el au Maghreb. n n'a
aucun dh1kt spécial et permet à ses membres de continuer leurs métiers
séculaires. t:tgypt len Ibn 'Ata" Allah (more en 1309) es1 le deuxième
personnage le plus Important dans l'histoire de ln Chadhlllyya. Son
Hikam (206 proverbes) demeure l'un des textes soulls les plus populaires
chez les musuhnuns ordinaires. li est au!Ssl l'auteur d'une biographie de
son maître Al-Chadhlll el d'une controverse soutenue avec Ibn Taymlyya
(1263-1328) dont Il combat les poslllons doctrinales strictes.
v La Soohrawardlyya a t!lt! fondée par Abou a l-Najlb nl-Soultrawardi
(environ 1097-1168) et son neveu Abou-tlafs 'Omar al·Souhrawardl
(1135-1244). Il ne s'agit pas du même Souhrawardl que Suhrawardi
al-maqtoul (d chapitre 12). t:ordre. connu pour son enseignement et sa
rorme de soufisme sobre. s'est répandu en Asie du Sud. et noaamment au
Bangladesh.
v t:ordre dea l\fevlevl a é té fondê par le llls de Roumi et se concentre
surtout da11s la r~gion où se trouve le ton1beau de Jtouml, à Konya,
en Turquie. Cel ordre est célèbre p.our sa danse 1ournoyante, ce
qui lui valut le nom de derviches tourneur$. Il eut des adeptes dans
l'aristocratie de la société ottomane. Dans les onnées 1920, cependant, le
gouvemen1e.nt de Turc1ule ra interdit car 11 le considérait comme un frein
à la modernisation du pays. De nos jours, des représentations publiques
sont organi.sées pour les touristes. Le rite soufl est Anouveau autorisé
en Turquie.
- - - - - - - - - Chapitre 14 : La voie mystique : soufisme et confréries 289
..-1.a Bektasblyya tire son nom de hadji Bektash du Khorasan (xi1~
et x.1~ siècles). li a vu le jour au x\f't sièele sous la forme d'un ordre
rorteme11t centralisé donl le chef vivait dans 1e village de Haccl Betu.s,
en Turquie moderne. Les Bektashis sont connus pour avoir une forme
de communion qui témoigne sans doute d'une influe11ce chrétienne pour
leurs sympathies chiites, et pour ta distance qu'ils prer1nent vis·à-vis cLes
obligations r ituelles de 1'1s1am. Les femmes y sont égales aux hommes.
Vers la fin du xv1" siècle, l'ordre a été étroitement lié aux ïanissalres,
l'élile inilltalre composée d'esclaves à l'époque ottomane. Quand les
janissaires ont été s'1pprln1és en 1826. l'ordre a co11,menct à déc.liner
1nais survit encore en Albanie.
..- L'o rdre Chlstlyya a été fondê par Mu'in Ud-din Chlstl (1 142·1236). C'e.s t
un rejeton inclien Issu de la tradition Souhrawardi. Chjsll es1 e 11te rré
à Ajiner, près de Delbi. Cel ordre évite de s'engager politiquement el
pra tique la pauvreté extrême. Les membres donnent tout ce qui leur
reste à la nn de la journée. L'ordre 1\e doit pas accumuJer de ricJ1esses.
L'accent est mis sur la dévotion, et la music1ue j oue u11 r ôle si gnificatif
dans ses séances.
..- 1.a Naqsbbandlyya a é té fondée en Asie centrale (Bukhara) par
Baha'uddin Naqshband (1317-1390). C'est un ordre sobre, orthodoxe et
conservateur qui pratique le dl1ikr$ilenc leux. Touj our s politiqueme1l t
impliqué, après s'être Implanté en Inde. il a cornbattu les façons de
falre Jugées lax·i stes des o rclres soufis antérieurs qul se n\on\raient
un peu trop tolérants à leur goût à l'égard des autres reUgions . La
Naqshbandiyya et quelques aut res ordres soufis ont joué un tôle
Important dans le malntieo de l'isl am au cours de la période de
domination soviétique de l'A sie centrale. à l'époque. où te-s oulamas de
l'Islam offlclel étalent cooptés par l'État. En conséquence, le soufisme
est une force vlvante aujourd'hui dans cette région, ainsi qu'en Tur quie,
dans Je Caucase e t en Afghanistan .
..- La Badawlyya a été fondée par Ahmad a l-Badawi ( 1199-1278). Né
nu Maroc, îl mena l111e vie n1ondaine j usqu'au jour où li vécut une
expérience religieuse à l'âge de 30 ans. Par la suite, il s'est installé li.
Tanta. cla11s le delta éçyptien. Al~Badawl est connu pour ses exploits
d'athlétisme spirituel col'nn1e mar cher de lo11gues J1eures sans manger
ni parler. L.e festival annuel pour l'anniversaire d'AJ·Badawi, le saint le
plus populaire d'~gyple, attire plus de 1,5 mill.ion de personnes chaque
année.
..- L'o rdre Kubhlwlyya a été fondé. par Najinuddln Kubra ( l 145·1220) en
Asie centrale, au sud de lainer d'Aral. À partir de là, l'ordre s'est répandu
e11 TurQ\lit et en Inde ( particulièrement au Cachcnlire). Kubra a enseig11é
que l'homme est un 1nicrocosme de la réalité divine et a !f~l.s 1'.accent sur
le syn,bollsme des couleurs et sur les vlslons.
290 Quatrième partie : Une religion plurielle _ __

Y' La Tijanlyya est un ordre relativement nouveau !ondé par Abu-1-'Abbas


Ahmad al-Tl)anl (1737-1815). Uniqae parmi des ordres soufis, la Tljaniyya
se procla.11le coin me la seule forme Jégltlnle de soufisme. Il est présent en
Afrique de l'Ouest, ainsi qu'au Maroc et en Algérie. Oans certaines régions
de l'.AJrlque cle l'0\1est, l'ordre est devenu nc11r dans les mouvemenLS
a_ntlcolonlaJlstes. Cela est égalernei1t vrai p0ur un Autre ordre. celui des
Sanouslyya, au x1x• siècle. qui est à roriglne de la Lll>ye 111oderne.
.,, La Rabmanlyya, en Kabylie (XV1U' sli:cle), lait partie intégrante du tissu
de confréries maghrébines qui ont vu le jour dans celte parlie du monde
musulman (cf mfro •les conléries maghrébines-).
Bien que le soullsme soit depuis quelques slèc:Ies en déclin en nombre
de (id·èles. de nouveaux ordres continuent à surgir, comme la Hamidiya
Chazllya en f:gypte, fondée par Salama al-Rad! dans les années 1930.
Si vous voulez en savoir un peu plus, sachez qu'il y a un grand nombre
d"ot1vrages spéclaltsés sur le soufisme cl sur le 1nystlc11n1e musulman. Les
1>lus intéressants sont certes rédigés en langue arabe, persane ou turque,
mais voici un écha.nllllon restreint de traités acee.S.$lbles qul peuvent, cLa1lS
l'immédiat, vous servir de guides : Claude Add>s, Ibn Arabi ou la quête du
soufre rouge. Paris, Galllmard, 1989 ; Grorges C. Anawall et Louis Gardel.
J-WysJique mwu/mo.ne. aspects e1 te1klonces.. expénenctts et technique$. Paris.
J. Vrin, 1976: Titus Burckhardl, lntroduct1on aux doctrines tsolériques de
l'islam, Paris. Dervy·Uvres. 1977 ; Farld Jabre. E$so1 sur le lvaque de Ghaznli,
Beyrouth. Publication de l'université libanaise. 19i0: Louis Massignon,
la Passion de llusa)'n Ibn Mansûr l/a/liij, ma11yr mystique de l'islam, Paris,
Gallimard. 1975 ; Paul N"•Iya, Exéflb;e coranique el langa/lf! mystique ;
nouoef essai sur le fexiqlte technique des 1nys1;ques n1usuln1ans, Beyrouth,
Dar e l-Ma.c hreq, 1970: Asîn Miguel Palaclos, L'l•lam clir/stlanlsi! : i!1ude •ur
le •oufi•me à travers le.i œuures d'lbn 'Arabi de Murcie, PMls, Édition de la
Malsnle, 1975 ; ~va de Vltray·Meyerovltc h, A11//rolosie <lu soufisme. Pa ris.
Slndbad. 1978.

Les confréries ma9hrébines


À l'ombre des grandes mosquées de l'Occident mu•uhnan (sens du mot
Maghreb, soit •le Couchant o)-qul obéissent généralement au mallldsme,
l'é<:ole doctrinale-, l'Islam populaire maghrébin est lul aussi animé par un
grand nombre de confréries appelées tOruq (ou .s1nguller : tariqa) ou vojes
Initiatiques.
Déjà, à la fin du x1x" slkle, deux auteurs. Oclove Oepont et Xavier Coppolanl,
ont rédigé un ouvro.ge assez. complet. illuslré et docu1ncnté, sur Les
Con/ré.ries religieu-!Uf$ mi1sulmanes. L'ouvrage fut publié par Adolphe Jourdan.
à Alger. en 1897. Cette étude était elle-même pré<:édée de deux travaux
- - - - - - - - - Chapitre 14 : La voie mystique : soufisme et confréries 291
importants (hélas connotés historiquement), celui de Edouard de Neveu,
Les Khouan. Ordres religieux cJ1e.z le.'i mus,1frrt11ns de l'Algérie (Adolphe
Jourdan, 1845), et celui de Louis Rlnn, Marabouts et Klrouan. paru en 1884,
sans doute les premiers écrits francophones sur la question. À cette époc1ue,
la r ec11erc11e sur les confréries sou(ies, Ici appelées ordres religieux ou
marabouts, visait surtout le reeense:ment et J'évaJuatloa de leur puissance
pollllque, leur Impact spirituel. Mais, très vite, la sµéclalisatton du regard
ethnologique va perme.1 tre de mieux connaître les confréries une à une. Ce
fut 11ota1nment le cas avec René Brl.lnel qul se nxa pour objectiJ de présenter
1
de manière exl1austlve une grande confiêrie comme celle <1es A issaoua du
Maroc. Son livre, Essa; si1r Io confré.rie religieuse des :Aissaol1a au Maroc (Paul
Geuthner, 1926), qui a mal vieilli. est ponclué de prJères diverses liées au
rituel 'aïssaoua, de n1édltatioos et de sagesses. Mais il presente l'avantage
d'être lllustré, ce qui fait un docu.rnent vivant.. très proci1e de l'lnspiration
initiale de la conf rétle qui s'est rendue populaire pour ses acrol>aties. ses
tours de magie et ses charmeurs de serpents. Plt1sleurs autres ouvrages du
milieu du siècle dernier ont réservé à la question des co nlrérles de larges
chapitres. On peut aujourd'hui les consulter en bibliothèque, et parfois vous
les trouverez chez les bouquinistes du bord de Seine. n 1ne sufnt tnalntenant
de vous indiquer ruo des 1nellleurs ouvrages sur la question. Le Culte de.tt
,t;tl;111s dans l'isla1n 1nagltrébin d'Émile Dermengl\C:nl (Oalllma.rd, L954}. Quelles
sont aujourd'hoi les grande..~ confréries musulmanes et c1uel est leut rôle
exact? f'aut·il les distinguer des gra1lds sah1ts locaux, et surtout des grands
lhéologl~ns de l'Islam traditionnel?
Le detnler aspect du système rnag.h rébiu des confréries est la n1ainmise
Sltr des patients réels ou Imaginaires d'un certain nombre de n·1en·1bres de
celles~ci en matière de médecine tradltlonneUe. que ce soit les talebs ou
les rebouteux. De non1breuses études ont tenté de cerner ec phénomè.ne.
L'une des p lus connues. parce Qtie la plus ancienne, est l'étude qu'Ed1nond
Doutté a.consacrée au folklore populaire du Maghreb. Partie en août 1908
chez Adolphe Jourdan, fa Alger, cette œuvre porte sur l'interaction active
et très vascularisée entre la magie et la religion d'un côté, mais aussi,
incidem1nenl, entre le sacre et le profane et, de là, er1tte le tnoncle vis.Ibie
et le monde invisible. Edmor1d Ooutté tente de se- justlfier : 11 Le médecin
n'e st à l'origine qu'un contre-sorcier : le n1ot 1';bb en arab.e classique signilie
aussi bien magie que médecine: la médecine est fille de la 1na1liC. Aussi
bien, même de nos jours, le médecin dans l'Afrique du Nord ne se distingue
plus du sorcier c1uc 1>ar la maladie du djinn." L'auteur enteod patter tci des
médecins traditionnels que ron appelle raleb. Ce qu1 est sûr, c'est que la
médecine parallè le continue à jouer un rôle décisif dans le règlement des
conJJits psychoaffectiis, re latlonnels et nlême dans certaines affections
1>syct1osomatlques. li en va de même de ce que les A rabes appellent la
f médecine spirituelle~. u1'le sorte de mot.valise dans lequel Ils rangent
un nombre Incalculable de posologies strlcte1ne11t spirituelles. c'est-à~
di.re à base de prières et de méditations. au terme desctuelles beaucou1>
d'inhibitions sexuelles et de maux de l'â1ne soaL résolus. Les librairies arabes
292 Quatrième partie : Une religion plurielle ____ - - - - - - - - - -

présentent d'ailleurs en quantité un ouvrage: intitu1f; Lo Afidttine du Proplrète


dans lequel il est quesilon de nombreux dispositifs à vocation thérapeuUque.
Personne. cependaru, n'a. enregistré l'impact de œs <llrectlves sur les
patients. On ne saura pas non plus si les malades qui ont recours à de tels
médicastres sont réels: ou hnaginaires.

Pour aller plus loin. vot.15 pouvez <:onsuJter avec prorlt A. Allclaux, les
Guenaouas de /'Ordre c/e Sic/ Boulle/, Bruxelles. 1977 ou C. Drague, Esquisse
d'hi$10ire rel<gieuU! du Maro<, confréries ei zaouias, Paris, 1951.

Rejet du soufisme
En dépit de quelques excepllons notables. l'importance du soufisme dans
l'Islam a dlnl1nué au cours de ces derniers slècles pour un certain nombre de
raisons.
,,,.,,, Certains ordres se sünl trop centrés sur le culte du cheikh.
,,.... Les t ~hnlques destinées à favoriser l'extase ont conduit à un
éloignement du but spirituel recberchê dans le soullsme.
.,.,, Certains ordres el cheikhs soufis sont devenus principalement des
distnbuteurs d 'amulettes maglques et de chermes pour des fidèles
superstitieux.
~ D'autres groupes se sont à tel point éloignés des pratiques habituelles
de l'Islam qu'ils en sont arrivés à légitimer des pratiques Immorales
religieusement soncllQnnées.
~Les élltes aisées. souvent les lamllles de cheikhs l ltulalres d'une charge
héréditaire, ont parfois explollé l'incrédulité de fidèles pauvres pour
soutenir leur richesse e t Leur prestige.

Les ttats soucieux de moderniser leur pays ont soit complètement


Interdit la pratique du soufisme (Turquie), soit cherché à la llmlter et à
l'encadrer sous le contrOle du gouvernement (tgypte). Dflà au JOX' siècle,
la littérature française consacrée aux conf.tries est marquée par la trb
forte suspicion que les con(~ries locales avaient des ln1enllons Inamicales
pour la colonisation française au A1aghreb, et surtout en Algérie. Cenes,
la colonlsaU011 n'éta.ll pas encore combattue pollllquement, mais elle
re11contrait déjà d'énormt:.s résistances dans les milieux conservateurs
e t les zaouias. À cet égard, on pe ut rappeler le ton goguenard de Jacques
Ca,r·ret, auteur d'un petit 01>uscule fnUtu.l é le Marabo11rls11le et fe.s confréries
religieuses musulmanes en At11érie (Imprimerie offlclelle, Alger, 1959) lorsqu'il
parle de certains c.hefs de ces confréries : •En enLrant dans l'arène poliüque.
n1a.rabouts et chefs <le zaoula rec.herchent parfol.s des av3ntages personnel!
substantlels ~ honneurs. mandats électifs. appui financier. Beaucoup, dans
- - - - - - - -- Chapitre 14 : la voie mystique : soufisme et confréries 293
respolr d'élargir leur fief ou pour satisfaire <le vieilles rlva11t.és, 15chenl trop
souvent la pro1e de leur influence ancestrale pour l'ombre des mandats
électifs et des succès d'intrigues, (p. 15). Il conclut : "Les luttes politiques
auxquelles Us se l r'Quve:ill parfois mëlés portent atteinte à leur prestige, 11 Oe
fait. l'ambiguïté des confréries réside dans ce nœud gordien avec la polltic1ue
qu'elles n'ont jamais réussi à dénouer. hormis peut-être dans Je cas des
osaints • 1narocains de !'Atlas ou clans certaines zaouias retirées d'Algérie.
L:étude consacrée par Ernest CeUne.r aux tril)uS du haut A tlas marocaln. les
lgurramen, lntitulée les Saints de /'Atlas (Saints of the Atlas) parue en 1969 et
récemment traduite en français par Paul Coatalen (Éditions Bouchène, 2003),
a Je mérite de creuser la signification de cette notion de tribu en partant de
bases obj ectives et de l'histoire endogène du g.r oupe. On découvre que Ja
sainteté d'un clan et, a fortiori de son chef. est loin d'être un ctltère subjectif.
Bien au cont raire. elle est la résultante de projections extrêmement souples
venues soit d'un héritage, soit d'un ter r itoire et plus couramment d'u.n e
action conti1lue du saint lul~1nëme, au cours de sa longue vie. a fatal dire Que
le Maroc a toujours établi avec ses confréries u11e sorte d'entente cordiale.
Après t1voir refusé de dialoguer avec les confrérïes depuis son indé1>endance
en 1962, l~lgérie a repris les cor1tacrs avec ses za.ouJas, surtout celles du
Sud et de l'Ouest. en vue d'harmoniser les différentes positions à l'égard de
l'islamis me politi,1ue e t la constitution des maquis.
Après le succès du n1ouvement puritain wahhabite en Ar.abic Saoudile qui
a entraîné chez ses adeptes le sentiment dUne mission à accomplir pour
l>Urlfier l'islam dans le monde des pratiques <1u'lls Jugent peu orthodoxes,
telles <1ue la vé1'\ér atlon des saints et le soufisme~ les wahhabites e t ceux
qui partagent leurs opinions considèrent toute pratique rituelle qul n'est
1Jas expllciten1ei1t déterminée dans le Coran comme illégitirne. Ils rejettent
toute idée d'union avec Dieu, sans se préoccuper de la façon dont Jes soufis
inter prètent <::ette t1nlon.

Certains disent que le soufisme n'a aucun avenir dans l'Islam, mals de telles
prévlslo1\$ sont peut-être prématurées. Les attentes religieuses auxq\1elles le
soufisme fournit une réponse sont toujours présentes. Voilà une génération
ou deux, beaucoup de penseurs occidentaux considéraient les rellglc..lns
corn.m e une {orme de superstition appelée à disparaitre dans le monde
n1oderne. Le début du me siècle a rnontré J'inadéquatlon de ces prévisions
face au regain de vlt.a11té des religions dans le monde. Seul l'avenir 11ou.s dira
comment évolueront les différe11tes formes de soufisme qui exl stent dans
l'islam.
Chapitre 15

Autres doctrines
liées à l'islam
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • •
Dans ce chapitre
... L:lslam duodéclmala (Ismaélien) et ses différentes formes
.. Autres doctrines musulmanes
.. Les n1ouvances qui se sont séparées de l'islam
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •••••••••••••••••••

H our parier de l'islanl. nous avo1ts choisi d'aller du yétléral au partJcuJler.


,.,,, ~ulsque le.s sunnites constituent 88 à 90 % des musulmans, li est bien
naturel de commencer par eux, leur 1>oids planétaire étant nettement
supérieur à c~lul des chiites. En règle généra1e, cel ouvrage t raite
majoritairement cle l'islam sunnite. Les ouvrages d'introduction à l'islam
corr.porte11tsouvent un chapitre plus particulîèr eme.nt consacré à la doctrine
du c lJiis111é tluodéc:imain, de loin le p lus important groupe chiite. Il exJste
également dans l'islam d'autres sectes religieuses pa$Sionnantes à étudier.
Nous en évoquerons certaines.

Pot1r bien comprendre le chr istianisme, on peut étudier le catholicisnle,


l'orthodoxie orlentaJe ~t les gr andes égHses protestantes. Pourtant, ce
faisant , on passe à côtë d'éléments passionnants si l'on ne s'intéresse
pas égalen1ent aux doctri nes plus ou moins marginales issues de ces
relig,i ons ; les arnîsh. Jes C<Jptcs, les rnormons, les quakers et les unitariens·
universalistes, tous ont une h istoire fascinante. Il en va de 1r1ên1e ~lOUI' le
boudd hisme. 011 peul s'intéresser' aux prlnclp-0ux groupes bouddhistes
du ·n 1eravada et du Mahayana, mais si l'on v eut avoir u1te approche plus
complète. li raut également faire quelques incursions du cô té du bouddhisn1e
tibétain (Vayra}•ana) el de quelques nou,,eaux groupes bouddhistes qui ont
surgi au Japon.

La ni aforl té des sectes musulmanes n1olns connues appartle11t à la branche


secondaire du chllStne dJt i.smaëJ;en ( pour ea savoir plus sur les trois
branches principales du chiisme, cf. i.otroduet lon du c11apltre 13). L'origine
<le certaii1s groupes est un peu opaque, certains éJéments de leur doc! rlne
296 Quatrième partie : Une religion plurielle _____ _

p0uvant provenir de plusieurs tendances diJfé.rentes. et même avoir


subi 11nJJuei1ce d~ul rcs religions (cf.. Je schéma 14·1 qui donne un arbre
généalogique montrnnt la relation des divers groupes musulmans entre eux).
Certaines de ces sccle$ ne sont plus considérées par les autres 1nusulmans
(ou même par leurs propres membres) comme faisant pnrtle de 11slam.
D'autres, qui se considèrent toujours comme musulmones, ont des pratiques
el des enseignements qui sont rejetés par la plupart des musulmans.

J'emploie parfois le rnot secte pour parler de ces groupes minoritaires


comme le font les spéclallstes des religions quand Ils ~tudient des groupes
minoritaires ou marginaux d·une religion donnée. Il n·y a là aucune
connorat1oo péjorative nt Jugement de valeur sur la validité des théories
religieuses de ces groupes.

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IAMAÎS
1'91' tllcltl
h
groupes
musulmans,
- -- -- - Chapitre 15: Autres doctrines liées à l'islam 29 7
Kharidjites et ibadites
F.n 657, un certain no11'tbrc de partisans du quatrièn•e callre •AUIbn Abl
1à lib (mort en 66 1) décident de ron11>re leur alllance avec lui. Ce son! les
Kharidjites (du verl>e arabe k.Jraraja. •sortir•. en sachant que l'arabe est
khawarf}, •ceux qui ont fait sécession •). La raison é tait que celul< I •vait
accepté l'arbitrage que son adversaire - le fameux Mou'awlya (vers 605-680).
gouverneur de Syrie et desccndanl fortuné de la famille des Omeyyades - lui
avait proposé ann de régler la plus Importante ba1allle lra1emclle du débul
de l'islam. connue depuis sous le nom de bataille de Silfin. sur !'Euphrate.
Ce règlemen1 réalisé par des hommes a déplu. Aussi. au lendemain de ce11e
ba1aille dont l'issue aura li pu Etre dêcidée par Dieu lu~m~me - ce qui est la
lhèse de rupture des kharidjites-. ceux--ci quittent le clan des .. Partisans de
'Ali• à Koura. dans l'Irak d'aujourd'hui. lis fon dent alors un grand mouvemen1
Indépendant qui sera le c;let1xlènle plus grand schisme (le l'lalo1n. f\1als,
n'ayant 1>as accepté le départ des kharidjites, Ali finit pnr leur livre r batallfe
l'année su.ivante {658), ri Nahrawan, avant d'en disperser leurs derniers
adeptes. Si les kharldlltes ne sonl pas nombreux (mofns de 2 \\'.. du nombre
total des musulmans). 1eur Influence a toujours été marquante au point que
La Afe.cque et t.1.édine fallll~nl to1nber entre leurs mains. En outre., leur
&boratiOn théorique vlsan1 la gestiOn de la communau1é a ûdult un grand
nombre d'historiens car. pour gouverner. leur chef se doit d'ëtre le meilleur
de lous el non pas seule menl le de.cendant de telle famille ou le rejeton de
tel sou>-erain. Scion eux. li ne peut être questiOn d'• hérédllE •en matière
pollllque.
Mals les posltions extrên1es des kharidjites, notarn1t1ent en ce qui concerne
Je rneurlre pollllque au bénéfice de la cause, le• a d ivisés en deux branches
dis tinctes, les azrac1ultes et les lbadltes. l.es azraquites sont les partisans de
Nafl' Ibn a l-Azraq (llt1éralemen1 " Le Bleu •), landls que les lbndltes observent
l'enseignemelll de leur ancEll'e fondateur Abdallah Ibn Abblld (vu• siècle).
Les ibodltes. qui son1 aujourd'hui entre un et deux mllllons. sont les hérlllers
des kharidjites. lssus d'une mouvance politique et rt.llglwse p~sentée aux
chapitres 2 et 4. Le moovemenl lbadlle. dont le nom vie111 de c:elul de l'un
des premiers chefs Je ce mouvement 'Abd Allah Ibn 'lbad. est M d'une
scission dà\'ec le mouvement kharidjite vers 685. Les lbadlles élisent leur
propre inlam dans le secret et considèrent l'absence d1mam comme un état
de désordre. Comme les nlu'tazUites des débuts de l'Islam, contrairement à la
plupart des musulmans, les lbadltes considèrent que le Coran n'n pas ex.Lsté
de toute êternité, mals qu'il a élé créé. L:êcole juridique lbadlte est semblable
à l'école sunnite rnaliklle (cl chapllre 8).
Après l'lmamal des origines. élabll à Bassorah, les lbadlles son1 maintenant
concenlrés en Algérie, dans le pays du M'zab. à Djerba (Tunisie), en Llbye el
dans toute l'Afrique orleniale. suriout dans les villes côllères. el à Zanzibar.
naguère une possession omanaise. P.ials c·est dans le sultanat d'Oman~ où ils
sont majoritaires (au moins 75 li: de la popula1lon 1otale). qu'Us ont réussi à
298 Quatrième partie : Une religion plurielle _

recréer un mode de vie proche de leur utopie initiale. AuJourd'hul. l'êlémenl


kllarldjite est parfalten1ent Intégré à ta communauté rnusulmane dont il est, à
l'occasion, un rep~sentani respecté:.
La phlllsophle politique et rellgieuse des kharldjiles e•l subtlle Cl nuancée.
Elle d iffère •ur le plan doctrinal de la phllO•ophie sunnite cl chiite,
réeusant à l'un el ~ l'autre une part lncornpressible d~ déviationnisme. La
carnctérlstiq_ue principale Cie la doctrine kharidjite par rnpport aux autres
t ient, ••n• doute, dons sa (orme é laborée de raccès au pollllque (Imamat).
Les kharidjite$ n'admet1en1 aucune hérédité en matière de pouvoir; à
Jeo,.. yeux. seul le chd le plus mérllant peul y accéder. Aussi ne cessent-
111 de fustiger les élites corrompues qui. depuis Othman Ibn 'Affan (mort
en 656) , lui aussi maudit, ont saJi l'islam. Car, selon eux. le troisième caUfe
de l'Islam a dévié du droit chemin emprunté par ses p rédéceueurs Abu
Bakr (mort e n 634) et Omar (581-644). e l merne 'Ali, quoirlèmc calife, a
1urt1san1rnent trahi ln prophétie de Aitohnn1rned pour ètre assassiné par
l'un des leurs. Ibn Mu)lam, en 661. Mals c 'es1 Mou'awiya - e t sa famille
corrompue- qui est le plus décrié par Il\ llllérature kharidjite dont void
un extrait: •Quand 'Uthman régnait, li marcha pendant six ans sur I!\ voie
d'AbO Bakr et de 'Umar ; puis il se mit à Innover dans l'Islam. Et les liens de
l'unité se relachèrcnt ; tout un chacun voulait devenir calife. Vint alors le
rtgne de 'Ali, qui •'égnra dans la voie de Io vérité el s'avéra Inapte à guider le•
hommes. Ensuite a rrlvn Mou'awlya, llls d'Abû Sûfyan. llls muudlt d'un père
maudit. que le Prophète de Dieu lui-même avait maudit, et qui répandit le
sang lnnoeent comme si c•ftait de l'eau. et réduisit les servltturs dt- Dieu en
esclavage à son profit. un homme qui saisit à pleines mains l'or destiné au
service de Dieu, traitre à la FOi et ravlueor de femmes. qui laissa libre cours
à sa luxure ju•qu'à •• mort. Après lul vint son fils Yazld, Yatld l'ivrogne,
Yazld le chasseur, qui ne se souciait que de fatrcons. d~ l ~opards et de
slngc:s. ne consultait 1>as le Livre mals tes <fevlns, et égalcn1cnt se livra à la
luxure jusqu'à la n1ort, qt1e Dieu le maudis.se eLle punisse .. . • (in C. Classé.
Dictionnaire encyclop4dique d'Islam, p. 223).

Les dlllétences entre les lbadltt$ d'aujourd'hui et les musulmans sunnites


sont ln!imes. Avec le temps. l"ardeur puritaine des ancêtres kharidjite$ s'est
é1noussée. Les lbadltes sont con.sidér~s pat les autres musulma1\s comme
des nlCOlbres à parc entière de la con11nunauté musulmane.

Les zaljdites
Sl la majorité des chiites considèrent que l"hnam dolt lm1>ératfvement ê1te un
descendant de 'Ali et de Fatlma, les zaydlles, en revanche. reconnals..nt la
valldlté de lOute descendance issue sfnl1>le.rnent de 'Ail c1ul doit fournir l'l1nan1
c1ul sera élu par la comnlunauté co1nrne étant la personne la plus digne
pour e1re leur leader splrhuel. Après la mort du quatrième Imam en 713. la
- - - - - - - - - -- - Chapitre 15 ; Autres doctrines liées à l'islam 299
succt:sslon eot allée à son fils aîné, Mohammed Al-Baqlr. Certains chllles ont
considéré qu'Al-Baqir et son père chen:halent trop à se compromettre avec
les califes omeyyades. Ce groupe a préféré reconnaître tomme cinquième
Imam Zayd, un demi-frère cadet d'Al-Baqlr. Zayd mena une tnsurrectlOn
contre les Omeyyades qui se solda par une défaite. Les zaydJle1 se retirêrent
alors dans les n1ontagnes du Yémen et sur la côte méridionale de la mer
Caspienne. Ils dùigèrenl le Yémen du x' siècle jusqu'en 1962. En outre. il a
existé un ttat zaydlte qui a dirigé par intermitter1ce la région allanl du sud
nu au cl-ouest de la mer Caspienne de 864 à 1126. La majorité des zaydites
octuellement estirnée à environ l8 m1111ons de personnes, vit au Yémen, où
elle consUtue environ 40 % de la populatlon.
E.n de.hors des restrictions que les zaydites 1mposent quanl à la llgnée dont
doll !Lre Issu l'imam, Il y a peu de différences avec le sunnlsme. Les zaydites
reconnaissent la légitimité des deux preml.,rs califes, Abou Bakr e t Omar,
mals sont en dé$accord entre eux en ce qui concerne Othman (cf. chapitre 4).
Ils n'exduent aucune descendaoce de 'Ali pour le choix des Imams légitimes.
Ils ne croient pas à l"obllgatlon d'avoir un Imam vivant et récusent la t~rle
de l'imam caché. Us ont leur propre école lurldlque et, comme les ibadites,
Ils ont ~t~ Influencés par les théologiens mu'tazllltes. Leo autres musulmans
considèrent les zaydiles comme laiunt partie légitimement de l'islam.

les ismaéliens (dits chiites septimains)


lsmoêl, le fils de Ja'far al-Sacliq, sixième Imam chiite (699-765), mourut
avant lut. 1..o majorité des musulmans acceptèrent tic reconnaî1rc coin me
septlèn1e lntam son autre fils encore vivant. ~1oussa. Cepe11dant. certains
considérèrent que Ja'far avait désigné lsmaêl 1>our lui succéder. Par
consC-quent, pour eux, le septième lmam étall l sma~ I. et son fils MoJ1a1nmcd
le huitième Imam. Ces partisans d'lsmaêl (les septlmolns) ont considéré que
ce Mohammed (le huitième imam, el non le Prophète!) n'éLOlt pas mort mals
qu'll était entré dans la clandesllnlté pour év1ter de tomber entre les mains
de ses ennemis sunnites qui cherchaient à le tuer. Au 1x• sl«.lc. le chiisme
lsmaélle11 étall un mt)Uvement révolutionnaire qui envoya des n11ss1onnaJres
partout dans le monde musulman pour diffuser son message. En cas de
nécusltt, les Ismaéliens ont pratiqué la disslmulallon (loq1yyo) pour cacher
leurs convictions et feur identité. Comme certains soufls, les lsmaélien.s
ont ~l~ment privilégié l"exégèse du sens ésotérique du Cora.:1 sur le sens
littéral
3 OO Quatrième partie: Une religion plurielle _ _

Théologie ismaélienne
Selon les 11maéllens, l'histoira passe par sep1 A l'evénomont d'lsmtêl {ê~alen>ent considé-
cycles Chaque cycle commence par une période rée comme le Mahdll. la première période du
où lt bien règne sens que l'on ait besoin de cycle suivant démarre quand le sens caché est
recourir 6 la loi. Le monde se corrompt à la rendu pubhc fit que la roi n'est pas nécessaire.
deuxièmo période. Ale troisième, le Révélation Les cycles continuent jusqu'à ce que toutes
est envoyée pour rétablir 1'ordre1 Durant les &mes soient sorties de leur enrermem.ent
ctlle troisième période, fa loi véhicule le sons dans la matlè1e et revenues dans le giron de
•xtorno de l'Êcrilure sainte. l e sens intérieur 1'6mo universelle.
d1 l'Écr1ture sainte a étê rêvèlê au11; imams

l es qarmates
À La On du rx< siècle. au sein de La mouvanc• lsmaéllenne émergea le groupe
des qarmates, dont le nom provient de leur chel Hamdan Qarmatl (IX" siècle).
un missionnaire ismaélien actif en Irak. Lt:s qarmatts se révoltèrent contre
les Abbassides et d'autres groupes au cœur de l'Empire abbasside. Les
paysans et les Bédouins pauvres soutinrent ce•tc Insurrection menée comme
un coin bat messiaaJque contre Ja puissance et la richesse des dirigeants en
J>face. En 930, ils prirent possession de 1..11 Mecque e t rnppotlèrent la Pierre
noire (de ln Kaaba) dans leur lief de Bahreîn 1nals ln rendirent en 951. Un
~lat qarmateen Arabie orientale el à Oahrcîn a perduré Jusqu'en !076 sous
ln forme d'un.e co1nmunauté unique en son genre, reposant sur l'islam avec
des fondements socialistes el égalllalrcs. Ln dynastie qarmate s'est éteinte au
>..1V- siècle. Elle est lmportante pour compre1ldre le chiisme isrnaélien.

les nizarites
l.Aos nlzarites constituent l'une des dewc branches principales du chiisme
Jsmaéljen e1 $e subdivisent en plusieurs sous-sroupes - qui existent toujours
au)Ourd'hui (l'autre groupe est celui des borates).

Des Fatimides a~ Assassins


À la motl du calife latimlde d'~gyple, Al·MouSlançlr, en 1094, le vlilr mit en
prison son fils aîné, Nlzar. où Il mourut. li Installa sur le 1rône un füs cadet
(Al·Mousta'll). Bon nombre d'ismaéllens hors d'tgyple se révoltèrent contre
cette Ingérence et refusèrent de tcconnaître Nlzar con·une calife et i1nam
légitime.
- -- - - - - - - - - - Chapitre 15 : Autres doctrines liées à l'islam 301
Hasan·i Sabbah (mort vers J 124) était le vrai fondateur du nlzarls1ne. Se
rebellant contre les Abbassides. Il établit des bastions militaires depuis
le nord de la Syrie jusque dans le nord-est de l'Iran. Son quartier général
se trouvait à Alamut, dans les montagnes d'Elbourz, au nord de l'Iran. Ses
successeurs prétenditent être des descendants de Nlzar e t donc de la lignée
de la descendance isn1aélienne. Les Mongols conquir enl Alamut en 1256. ne
faissAnt que quelques groupes isolés de nlzarltes en Iran. en AsJe centraJe, en
Syrie et au Yémen.

Cette seete cles assassins a lntéressé plus d'un historien occidental. Vofci
quelques titres publiés en français (ou traduits de langues étrangères) qui
vous J)t:rmet1ent d'ap1,rofo11dir cette que.stion: Henri Laoust, Les Schismes
dans l'islam, Payot. 1965 et Sned, Alger, 1979: Bernard Lewis, Les Assassins.
Tètr<.Jris1ne et politique dans l îsfam fflédiéoo(, Berget·l..evratill, 1982 i i\tlar<:o
Polo. le Déuisetnenl du 111onde, t...-1 Déçouvett.e, 1998.
Les croisés cl1rétiens connaissaient fes nlzar1tes sous le no1n de hachachiyin
(• les tumeurs de llachisch •) . tt\ssassin 11 vient du 1not arab-e flacltacfliyin dont
te sen!:i rail référei1ct! au rait que les nizarites a\'aient l'habitude d'assassiner
leurs opposants politiques.

En 1817, l'imam niietrite Abot1'l H·assan AJI épousa la fille du sJ1ah d'Iran, ce
qui lui va.lu le titre J1onorlfique d'Aga Kl1an (.:seigneur et i11aître•) . Après
la chute du shah, l'Aga Khan est allé tout d'abord en Afghanistan en 1841,
puis s'est établi à Bo1nb<ly, en Inde. er• 1848. Les n1lssh)nnalres nl2.arites
avalent artel nt r lnde au xun siècle. et au~ siècle avaient converti à l'islam
la majorité d·une caste )'1indoue qui prit le nom de khoJas. L'Islam des kho}as
apparaft comme une forme mutante de l'lslaot, dans laquelle ·Au est considéré
comme le clixlè1r1e avatar(lncarnatlon) du dieu bindou Visbnou. E.n 1886, les
tribunaux britanniques du temps de la colooisalio1·1validèrent la prétention
de l'Aga Khan à diriger La communauté des khoj as. Bien que la maj orité
des men1bres de cette co1nmunaulé aient accepté la tt:telle de l'Aga Khan.
cet1alns s'associèrent au chiisme duodécimain, et une minorité des is1naélle1\s
issus des khoj ate.s refusè.rent de reconnaître l'Aga Kahn. L'émigration vers
rAfrlque de l'Est des négociants lnclie·ns khoj as aux x1xe et x~ siècles aboutit à
l'étabUssemer1t d'une Importante communauté ismaëlienne dans les pays de
cette région. Le troisième Aga Khan ( 1 885 ~ 1957} avait entrepris un progran1me
de 1nodernlsatlon de la comn1unauté nizarite en investissant dans l'éducation.
les hôpitaux et les c lini<1ues, le logement et l'améJloratfon du statut des
femmes. Son fils, Karim, le quatrième Aga Khan (for1né à l'universlté de
Harvard). a poursuivi dans cette voie. Il est le quarante·neuvi ème imam d'une
lignée qui se rattache à 'Ali. Récemntent, Karirn Aga Khan et son père ont
travaillé au râ1>prochen1enl de la coL n.munauté khojate/ njza.r ite des croyances
et des pratiques de l'islam chiite.

Les khojas ou ntzarltes se 1rouven1aujourd'hui en Inde, au Pak istan. au


Sri Lanka, en Birmanie et en Afrique de l'Est, surtout en Ta.ni.ante et au
3 02 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - -- - - -- - --

Kenya. o·autres communautû niurites plus anciennes que celles de rtnde


existent en Arabie. en Afghanistan. en Iran. en Syrle et en Asie centrale.
Elles reconnaissent rautor!té de rAga Khan. Le nombre de nlzar!tes s·élève à
plusleul'$ mllllons Qusqu'à 20 mlllions selon certaines sources).

Mousta'li, ta1J1JÏbis et bohras,


du pareil au même... ou prest{ue !
Après la scission au se.in de la mouvance nlzarlte, la lignée fatimide
principale (celle de Mous1a·11 ou Musta'llens) a continué à régner jusqu'à ce
qu'une deuxième sclssion intervienne à la more du cali fe Al·Amlr en 1130. La
clynastie fatimide a perduré de façon frrégulière g·râce à un cousin d'Al·Amir.

Cette lign~ descendante de Mousta'JI s'est éte:fnte avec la conquëte de


rtgypte fatimide par Saladin en 1271, Un certain nombre d'lsmaéliens
lallmldes en dehors de rtgypte s'opposèrent à la décision concernant la
successk>n du califeAJ..AmJr. lis reconnurent comme successeur légitime
son ms nouveau-né. Al Tayytb. Aboul·Quim Al Tayylb fui considéré comme
vivant dans la clandestinité sur terre <Ml dans le ciel. li est occulté en 1142.
En attendant son retour, une personne appelée le da'/ mu1/oq (o celui qui
appelle sans cesse•) le représente sur terre Ces lsrnaéliens • moustalites •
( parfois appelés tayylbis) se trouvèrent surtout au Yémen. Au xll' slèele en
Inde, les missionnaires moustalites commenœrent à convertir la population
h1ndOl1e. En 1556. le siëge de ce mouvernent se déplaça en Inde: ces
Indiens n1oustalltes sonl connus SOU$ le no1n de bohra$, d'après la caste
de négociants dont ils sont issus. licaucoup de bohras sont, en effet, des
<..-01nmerçants.

Une scission s'est produite en 1591à 1>ropos de la succession à la fonction


de da·;. Les deux groupes qui émergèrent prirent le nom de leur fondateur.
Aufourd'hul, environ 70000 Sulaymanlo vivent au Yémen et 4 00-0 dans la
partie occidentale de l'Inde. Les daudls. dont fe siège central est en Inde.
sont au nombre d'environ un million el se trOuVt.nt au Pakistan. en Inde,
au Sri Lanka. en Birmanie. en Afrique de l'Est el au Yémen. La théologie et
les rites rellgleux de ces groupes (iayylbVbohral/musta'Utes) sont restés
proches de ceux des Fatimides ismaéliens. Les daudis observent les sept
piliers du culte, y compris la prière, la Ulltot (aum6ne). le JeOne pendant le
$0Wffl. le pèlerinage de hadj. le djihad et la pureté. Le premier pilier est un
prolongement du premier piller lradlllonnel et Inclut l'amour de Dieu. des
prophètes. des imams et des dais. Oaudls el bohras renouvellent chaque
année leur serment de Hdélllé au do'I de leur époque. Les bohras sont
considérés comme des musulmans à part entière, e1 certains au xve siècle
devinrent des musulmans sunnites.
____________ Chapitre 15: Autres doctrines liées à l'islam 303
En mar9e de l'islam
Les groupes ls1naéliens que nous ve11ons de passer en revue sont en généra.1
considérés comme étant dans les Jimites de l'islam, mëme si certaines de
Jeurs croyances et pratiques leur sont propres. li existe d'autres grou1>es
issus de la mouva.n ce chiite qui ne sont pas toujours considérés par les
musuJmans comme appartenant à llsla.m. et certains 1nème ne se consldèrC'.nt
plus comme musulnlans.

Les druzes
'Ubaydullah A l-Mahdi, un missionnaire Ismaélien du X" siècle vlvanl en
Tu.nisie, déclara qu'il descendait d'lsmaël e t qu'il é tait le Mahdi. Il établit
la dynastie fa1Jmlcle. qui 1>endant un cerrain temps rival.is;:1avec l'Emplre
abbasside (cf. chapitre 4) .

Personnage éf1igmatlque, Al-f-lakir'11 fut le Sixiè111e imam fatimide. Influencé


par un Turc du nom de Al~Oara.zi (qui a donné son nom à la reJlgion .. dru2e '!)
et par un certa1n l'tanlei1 du no1n de Al-11amzi,, Af-Haki o• acquit la. coovi<:tion
Qu.il était l'i11carnatjon de Dieu. Al-Darazi envoya des missionna.i res dans la
région qui correspond actue llement au Liban pour diffuser son en.s eignement
relatif à A l-Hakim. Al-Hakim disparut en 1020, après être e"tré dans la
• clandestinité (occultaiion) selon la croyance druze. Les com1nunautés druzes
s'installèrent dans le sud-ouest de la Syrie, da11s le sud et Je centre du l jl>an
et dans la région de la Gal ilée en Israël. Vers l'an 1040. e lles devinrent un
groupe exclusif qui n'acceptait plus de convertis et. qul pra1lqu.aJ1 la raqfy>-a
au se.in de la comn1unauté sunnite majoritaire. Une élite ('uqqal, c'est-à-<flre
•1 les connaisseur s\)) représentant Al·Haklm caché dirige la communauté

Cl t ran$met les enseignements ésotér iques. Celte élite porte un vête·ment


spécial et suit une règle de vie assez stricte. La majorité de Ja communauté
est dans l'ignorance Uuht) et peut s'efforcer de faire en sorte de renaître au
sein de l'élite.
t:lmam fatimide AJ-liaklm esl le callle égyptien Qui a brûlé Le Caire el détrull
l'église du Saint-Sépulcre (que la Tradition désigne comme le lieu de la
cruclllxlon el de renterremenl de Jésus) ~Jérusalem .

Les druzes minimisent rimportance des rites musulmans. Ils n'exécutent


pas les clnq 1>rJèl'CS quotidiennes, n'observent t>as le suw11r du mois de
ramadan, et ne font pas le pèlerinage â La Mecque. Ils célèbrent néanmoins
la lêle du sacrifice ('id al.adlw) qui marque la fin du pèlerinage. Les clrutes
se rassemblent pour Ure les &:ritures saintes. faire la prière-et discuter des
afraires de la comn1unauté plutôt le j eudi soir dans des lieux de ctdte très
sitn1>les. Les tnausolées de saints druzes sont des lieux. s.aitlts e t leur symbole
communautai re est uae étoile à clnq branches. Les druzes se nomme.nt
eux-mêmes les Banou al-Ma'r ouf ( les fils de la génér osité) et quallflen1 leor
religion de 1nuu.1ahhld (• unicité "' absolue de Dieu).
304 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

Théologie druze
l·enselgnement d•At~ Hamza s'appuie sur une les écnts d'Al-Han'tza erd'Al-Mouqtana, un da
~hèologïe d'inspiration néopJatoniclenne. ses successeurs. ~ept commandement~ ont
Al-Hakim ètait vraisemblablement Ja ma ni- t-emplacê fescinq piJierstradîtionnets de l'islam.
festatfon au niveau cosmique de l'intelligence Un exemplo.: se soumewe à la volonté de Dieu
univer$elle car Al-Hamza estcensê" être l'un de tel quïl est inc1rné par Al-Hakim. Au moment
sesreprésentantsterrestres.Chequepofntde de ta mort, les âmes renaissent immédiate·
l'é1oile druze représente l'une des personnes ment,.at renombre de druteS-V1vants demeure
clés de l'hîstoire prbnitive-druza et un~ mani- ainsi constant. À la fin destemps, Al·Hakim et
festation de rintelligence unlver$elte. L'Êcriture Al-Hamza reviendront pour instatJrer ta paix
$8Îille drute. r .. épître de lasagas&e•. conhent el la justice.

Les d rules const ituent une minorité importante au Liban sur Je:; plans
culturel, poUtlque el religieux. Pour préserver Jeur spéclficitê et leur
indépendance, les druzes se sont fréquemment in1pl.1<1ués da11s des conflits
sanglants perpétrés sur des autorités extérie\1res à la région ( les ·rurcs
otto mans) , ah1sl que <!'a utres groupes locaux {les chrétiens n1aronltes). Us
ont même servi dans l'ar1née israélienne. Selon des éva.JuatiOl't s récent·e s, leur
nombre varie de 750000 ~ 1000000. en comptant les communautës émigrées
aux États-Unis. Puisque les druz.es ldentiOent Al-Hakim contme révélar1t plus
parfaitement encore que Moha1nmed la Révélation divine, d'une maniêre
généra le, Ils 11e sont r>as co11sidérés par les autres musulmans comme de
vrais musulmans.

Certa ins h istoriens font remonter l'histoire de la franc-maçonnerie


occidentale à l'époque des c roisés cl\rétlens qui entrèrent en contact avec
la commullauté drure. Le s ymbole de J'ordre maçonnique d'O rient pourrait,
selon ces historiens, pr.ovenfr de l'éto11c dru~e. C'esl une supposition
intéressante 1nals qui est loin d'être \•érlfiée.

Les alaouites (nusa1Jris)


Les alaouites constituent u1l groupe ethnique e t religieux qui compte environ
un n11lllo11 de personnes vivant dans le nord de la Syrie. lis représe11t·e11t
e 1lviron 10 % de la population de la Syrie. (..'adjectif 11.alaouite• re n,•oie à
l'att ribut Ion à 'Ali d'un statut quasi divin.. Les duodéclmains tradltl()nnels
considèrent cette exaltation extrême de la 1>crs.o nne de 'Ali comme une tonne
de gh.ulat (extré.misrne). Les alaouit·e s sont issus du chiisme duodéclmain
et ont probablement é té influencés â un moment de leur 1'1lstoire J)C.r des
contacts avec des lsn1aéllens e t des groupes religieux non mus ulmans.
_ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 15: Autres doctrines liées à l'islam 305
Le non1 tradllionnel deNusayriyya renvoie au fondateur, Abou Chou'ayb
Mohammad Ibn Nousayr QX' slè<:le). Celui-cl étail un compagnon du dixième
imanl <1ul a proelarné qu'il était de nature divine.
Les nizarites Ismaé.Ue11s et les alaouites se sont souvent opposés de façon
violente en Syrie. Les alaouites ont été réprimés ou tolérés, selon le type
d 'ttat musulman en place dans La région. Beat1coup ont servi dans les
forces armées <lu te.mps des français après la Première Guerre mo1ldiale,
el ils ont pris le commandement de l'arn1ée <iua_n d la. Syrie a conquis son
indépendance à l'époque moderne. Hafiz Al-Assad, qui a émergé comme c hef
du gouvernement syrien et du parti socialiste arabe ba'alh en 1970. était -u n
alaouite, de même que la plupar t des hauts fonctionnaires du gouvernerne1lt
et de l'armée. E.n 2000, Bachchâr al-Assad a succédé à son père à la tête de
1'1\tat. À partir du début des années 1970, les alaouites se sont rapprochés
publlquement cle l'tslan1 traditionnel duodécimain. Traditlonnellen1ent,
les alaouites comme les druzes é taienl considérés coinme des hérétiques
qui se sont écartés de l'islam. Mais en 1973. le principal religieux chiite
duodédmain du Liban. Moussa Sadr, a publié un décret (fatwa) déclarant que
les aJaoulles étalent bien des musulntans.
Auparavant, les alaouites n'accordaient ctue pet1 d'importance à la valeur des
rituels musulmans tels que le jeûne, la prière et les ablutions (purifications)
et preoalent part à certaine ïetes chrétiennes telles que Noêl, !'Épiphanie el
la Pentecôte. L'influence chrétienne remonte probablement à l'é.poque des
croisades. La théologie traditio11nelle alaouite met l'accent sur la trilogie qui
englobe 'Ali (qui est la ma'na, c'est-à-dire 11 la s ignifieation vraie de Dieu •) ,
~1ohammed (le hljob lsm. c'est-à-dire • le voile du nom vrai•) et Satman
Al-f'"arisi {le bab ou la porte qui permet la médiation entre les croyants et
Dieu qui se manifeste). Salrnan Al-farisi (également appelé Sa Iman Pâk)
tnourut en 656. De ce fait, li fut le con1pagnon Iranien de l\1ot)anlrned.

Les alérlis
Attention à ne pas confondre les a lévis et les alaouites qui n'o11t rien à
voir entre eux. MêmP. s1 les deux no1ns se ressemblent et que leurs régions
d'ln1plantatlon sont J)rOches l'une de l'autre, leur histoire est d lfrérenre.
Les a lévls sont une co1n1nunaulé elhnico-religieuse turque, concentrée en
Anatolie centrale e t en Turquie du Sud-Est. Les alévls représentent 15 à
30 % de la population de la Turquie (entre 6 et 20 millions). Des fédérations
a lévies sonl actives parmi les travailleurs émigrés turc$, parricullè.ren1er1t
en Allemagne. Environ 25 % cle Kurdes turcs sont alévis. Un facteur de
com1>llc:.atlon intervient quand le fait d'être alévis s'ajoute l'appartenance
à l'ordre souli Bektashl (cf. chapitres 24 et 14). Notez bien que l'ordre des
Be.ktashi n·est pas lh11Jté au'.\: a.Jévis ni à la Turquie. On peut rejoindre l'ordre
soufi des Bektashi, mais on nait dans la con1mu11auté AJévle, qui répugne aux
mariages en dehors de Ja coo1munauté.
306 Quatrième partie : Une religion plurielle _____________ _

Les alêvis accorde-n t peu d'importance aux rituels m.usu!mans traditionnels


tels que la prière, le hadj, le sawm (ou le JeOne) du mols de ramadan et le
fait <l'al ler à la mosquée. Ils proclament que le vraJ hadj est le hadj du cœur
plutôt qu·une adhësion for1nal1ste à des r1tes extérieurs. lis j eûnent mais
Sêulement pendant les douze premiers jours de muharram (Je premier mois
du calendrier musulman) à la mémoire des douze Imams. Comme pour les
alaouites. les r1tes alévls senl blent avoir été înnuencês pa.r le contact avec
d'autres religions. Les aJévis observent le festival d'août en rhonneu.r de Hacl
Bektash Ve ll, le fondateur de l'ordre soufl de.• Bektashl. Le gouvernement
semble s'être approprié cette fête pour en faire un événement touristique,
n1inimisant ainsi sa portée religieuse.

Le CeJ11 est le nom de la grande fête r eligieuse annuelle des alévls. Jusqu'à_
récemment encore, Il était célébré la nuit et en Se<::t'et. Le Cern commémore
le voyage céleste de MohaJomed (n1i'ra1). médite les souffrances de Hussein
et des douze imams. et comporte un repas sacramentel à la lumière cfes
bougies, avec de.s chants et des da11ses.

Les alévis ont eu des relations nuctuante-s avec rE:tat Lure moderne. Après
avoir été oppri rr1és par Jes Otto1nans, ils ont été de grands défenseurs
d'Atatürk, le père de la Turquie moderne. L:Étnl laïque d'AlatOrk a offert aux
alévls une pl·os grande ll_berté religieuse et culturelle. En outre, en raison
de leur peur de l'influence sunnite, beauc.oup de jeunes alév·Js se sont
Identifiés aux partis polltlques de gauche parce qu'ils font le lien entre les
1>rOgranJmes de gauche et Je souci de l'égalité des femmes en politique et. au
plan écooomJque, lajustlce pour les pauvres el la tolérance. Géoéralement,
Jes sunnites sont coodescendants envers les alévis. Il arrlve même parfois
que des foules sunnites manifestent de la violence à rencontre des alévls de
leur région.
Les e_fforts de Ja Turquie moderne pour créer une identité turque unifiée
se sont heurtés atlX revendications des aJévis el des Kurdes qui veulent à
tout prix préserver leur cuJture. Dans les années 1980, Je gouvernen1ent a
recommencé à sout.e1t ir la religion sunnite et, en réaction, Jes alévis se mirent
à revendiquer ouvertement leur propre Identité religieuse et culturelle. Ces
comn1unauté:.i; se réclament (l'u1l islarn authentîqu.e. d'une identité tur que et
anatolienne ancienne qui contraste avec le sunnisme qui est. selon elles. une
déformation formaliste et arabe de l'isl am.

AhmadÎIJIJa
À la fin du x1x"' siècle. un musulman Indien du nom de l\.11rza Ghoul am Ahmad
( 1835-1908) se prQclnma le rénovateur de l'islam (mo11jaddid). le successeur
de Jésus dans l'esprit, le mahdi des musulmans el le dern·i er avatar du d ieu
hindou Vishnou. Jésus, selon lul, n'était pa$ mor t sur la croi.x, et n'était pas
1nonté au ciel comme le pensent les musulmans. En revanche, Il serait venu
_ _ _ _ Chapitre 15 : Autres doctrines liées à l'islam 307
Jwqu'en Inde, y aurait vécu jusqu'à l'age de 120 ans el aurall 616 enterré à
Srinagar. Ce mouvement s'appelle l'Ahmadlyya.
Il existe en Afrique un ordre soul! qui porte ~lement le nom d'Ahmadiyya
1nals qui n'a rien à voir avec ce mouvement Indien.
Aprf:s la mort d'Ahmad, un conseil élul un successeur appelé le • vice-roi du
Messie • (kllatifat al·Ma"5ih). ny eut quatre vloe-rols, trois d'entre eux é tant
des descendants d'Ahmad. La mort du pren1lcr Jtucoesseur provoqua une
scission dans le groupe. Pour les tatiorites (ce noot vient du fait que leur
centre se lrouvall à Lahore) le mouven1ent devn1l être régi collectiveme11t.
Les la horltes ont également considéré Ahmad uniquement comme un
rénovateur. Outre le fait qu'ils ne le considèrent pas comme un t>rophète., ils
sont restés plus pr6 de l'i.sJan1 orthocloxe.
J.:autre groupe. celui des qadlanls (bapllsé aln•I du nom du lieu de naissance
d'Ahmad), considère Ahmad comme un prophète mals d'une nature dllférente
de celle de Mohammed. C'est pourquoi la plupart des musulmans ne
consld~rent pa.s la brancheahmadlyya comme auth4'ntlquement musulmane.
Une loi de 1984 au Pal<istan interdit à ce groupe de se pr~nter comme
musulman de quelque laçon que ce soit. cc qui Implique éaalement de ne
pas quallller de •mosqu~ •leurs lieux de culte. Les qadlanls de la branche
ahmadlyya, rependant. se considèrent conune les seuls vrais musulmans.
IJCs deux groupes ahmadiyya ont entrepris avec sutœs de dlffu$er leur
message en Alrlque de l'Ouest. en Europe. en Amérique et en Asie du Sud
e l du Sud-Est. On estime actuellement le nombre de leurs lldèles à plus de
10 mllllons. L'efficacité de leur organisation explique en partie ce succès.
Les nhmadlyyas ont fondé des hôpitaux et des écoles el !ont un travail de
dllluslon et de publication dans cllverses langues, y compris l'anglais et le
françnls. Jls ont 1>rodult la première traduction du Coran en langue swahfll, la
langue ln plus répandue de l'Afrique de l'Est. Bien que peu or1hodoxe, voire
non musuln1ane dans ses croyances, ln secte alln1a(liyya est un exemple de
mocJernlsatlon réussie el délibérément voulue c.omme telle pnr un groupe
musulman.

Les bahaïs
La "'llglon bahaïe est souvent considérée comme la plus rkente de toutes
les grandes religions. Celte mouvance esl originaire d'Iran. lnlllée par Sayyid
Mlrza 'Ail Mohammad, qui. en 1848. se présenta comme la bob (•porte>) et
le précurseur d'une nouvelle manllestalion divine. Ses disciples sont des
babls. i:un d'eux, Baha' UUah. en 1863. allirma publlquemen1 qu'il étall ia
11ouvelle manifestation divine. Emprisonné pe11da.n1 la 1najet1re partie de
son ministère mals ayant réussi à raire l'asser son message, Saha' Ullah eut
pour successeurs son fils puis son pellt·flls. Le 1t'1t,uvc.1n~nt se développa
ra1>tdemen1 et compte aujourd'hui environ 7 mllllons de 1nembres. Le groupe
30 8 Quatrième partie : Une religion plurielle - - - - - - - - - - - - - -

le plus Important est en Inde (2 millions). Les bahais sont présents dans plus
de 220 pays, dont J,ï mllllon en A frique et 600000 aux États-Unis (où lis sont
Implantés de1luls 1894). Ils sont autour de 5000 en France et en Italie. JOOOO
environ en Espagne et en Allemagne.

Les enseignements bahaïs


Les écrits du Bab Baha' Ullah, de son fils et de son petit-fils constituent les
~rltures saintes bahaïes. Les bahaîs croient en une l'évélatJon progressive
de la. religion. Dieu envoie un nouveau messager à chaque nouvel âge du
monde. Le message de Jésus a v isé à la perfection de l'lndlv·l du, celul de
Mohammed à la perfection de la communauté. et celui de &ha' Ullah à la
perfection de l'l1un1anité. D'autres n1essagers pourront venir après Baha'
Ullah, mals pas avant n1llle ans. Les bahaJs 1ni1itent act ive1r1e111 pour l'égalité
des llomrries e.t des fem1nêS, l'égaJité des races, la jusUceéconomique
pour tous, l'éduc.ation universelle et la palx dans le monde. Ils croient e-n
l'lm.mortallté <le l'âme qui progresse vers le salut dans uo royau1t1è splritueJ
accessible après la mort.

Les rites bahaïs


La doctrine bahaïe se présente comme étant r atlonneJle. moderne,
progressiste, socialement e.ngagêe et non ritualiste. l...es Bahal5 prie.nt
t rois fo1s 1>ar jour, O\ais 1>as de façon communautaire. Leur calendr ier
divise l'année en 19 mois de 19 jours chacun (plus quatre ou cJnq jours
supplémentaire• au déhut ou à la fin de l'année). Une fois par mois, Ils
se rassembJeot pour lire les tcritures saintes et en discuter ensemble.
Le dernier mois de l'année, Il s j eûnent du levet du soleil à son coi1cl1tr.
l..eur calendrier est solaire, la nouvelle année démarre avec l'équinoxe de
printemps et comprend un cer taJn nombre de lours spéciaux tout au long de
l'année.

L'qr9anisatiqn bahaïe
La doctrine bahaîe est organl•ée scion les prlocl1>es d'une démocratie
représentative, à plusieurs niveaux. Une assemblée spi r ituelle locaJe existe
partout où vivent au moins neuf membres ballai's. Au 1\iveau local, Ils élisent
un cons<~ll d'admht1Slrâtlon co1n1>osé de neur 1nembres. Les consei ls locaux
élisent des représentants à une Assemblée nationale. Tous les clnq a1ts, les
représenta.n ts élus assistent à la confére1l<:e 1nondiale des ballaîs qui a lieu à
la Chambre internationale de justice d'Haîfa. en Israël (siège du n1ouvement
depuis 1962).

Le site déjà magnifique du siège du mouvement bahaî sur les collines de


Haïfa qui dominent la Méditer ranée a encore été agrandi en 2001 avec une
série Imposante de terrasses qui descendent en cascades de la collJne j usc1u'à
la mer. On trouve des ten1ples bahaîs, tous dotés de neuf faça<les, dans se-1>t
autres cn<lroits dans le monde, dont \Vi1laJ11ette. dans 1111inois (i::tats-Unis).
Chapitre 15 : Autres doctrines liées à l'islam 309
Leur antenne française est située au Cenlre Ballai. 45 rue Pergolèse dans le
xvr•arrondissement de Paris (lél.: 01 45 OO 90 26). Ils dispOsent également
d'une librairie. au ru.de-chaussée (tél.: 01 45 OO 33 12). Le mercredl soir, à
partir de 19 heures, sont organl•ées des réunions d"rnlormalion. Le site du
temple bahal est : www.bihll.fr.

Les bahaîs ont une maison d'adora.tlon par continent. Celle de l'Europe se
trouve en Allemagne.
Des divers groupes présentés dans ce chapitre. Uest Mdent que celui
des bahaîs apparaît comme porteur d'une nouvelle religion bien éloignée
de rïslam. tlanl Issue de la re.llgk>n musulmane. cette mouvance a connu
la dl..:rlmlnatlon et la persécution. particulièrement en Iran depuis
l"établlssement de la rt!publlque blamlque en 1979.
Oulre les livres <1ue j'ai cités plus haut. rappelons que le journaliste Philippe
Azlz a consacré une étude globale à toutes ces sectes. Intitulée Les Sectes
-têtes de 1'1'/om, Paris, Robert uffont, 1983.
Cinquième partie
rislam dans le monde
contemporain :culture,
religion et société

• C.'e:.st chou..tte: cfu.e. tu .sois venu, mais j'aur.ai.s du


t'egpli<fue.r un pe.u plus cl.ajl"«ll'l"llt «)) quoi consiste:
la l"uptul"e: du jeilne: de ramadan. •
Dans cette partie ...

C ette partie traite de la place de l'islam dans le n1onde c:ootemporaln, que ce soil
en termes de cultures, de religions ou de sociétés.
Nous rerons tout d~abord un tour d'horizon de l'islam en France et en Europe: son
implantation, s.oo histoire, les problèm.es d'intégration qu'il soulève et son avenir.
Les musulmans de France ont une histoire unique en son genre, fondée à la fols sur
la cotonlsatio11 et sur l'llnml"gration qui ont tissé des liens forts avec ltt Frrulce.

Puis nous passerons sur la scène internationale, en évoquant tour à tour l'état du
dialogue inte,r religions e11tre les trois grandes religions du Livre- l'islam, le ju.d aîsme
et le chris tianisme-, puis l'état de l'islam politique dans le monde.

.Enfin. cette partie se terminera par un point st1r ravenlr de l'islam, quïJ faut chercher
en lut-même.
Chapitre 16
rislam en France
••• • •••••••••••••••••••••••••• • •• • •••• • • • ••••• •• •
&ns ce chapitre
.... Historique de l'îslam en France
... La mosquée de Paris
... Focus sur l'Islam en Europe
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

D ans ce Cllapltre. nous ferons un tour d'horizon de l'lslam teJ qu'il existe
aujourd'hui en France.et en Europe. Pour contprendre sa genèse, U nous
faut revenl:r à 1'1"11.st.olre des J)remières implantations. notamment en France,
premîer pays d'accueil en nombre et en ancienneté des musulmans, puis en
Europe.

lsfam de France ou isfam en France ?


Pays l.aîque. mals de forte sensibilité c hrétienne... la France accueille et
respecte à peu près dans sa totalitê les religions, cultes et doctrines
religieuse.s dès lors qu'ils ne 1nettent pas à n)al le 1>acte républicain ni
l'exlge)\CC du vivre e.nstmbJe. Il en va ainsi des religions monothéistes, du
bouddhisme, de l'hindouisme, de toutes sortes de 11petltes religions • et d'un
certain nombre cle congrégations religieuses étra.ngères.

la deuxième refi9Jon de France


l\o1éme s1 l'islan1 fa1t patler de lui plus que les autres, il est admis en France
de manière identique à toutes les autres religions. Depuis les année:..~ 1970,
l 'islam est la deuxlènle reJlglon de Fra-ilce, grâce au nombre présumé de
ses atleptes évalués à quelque quatre millions e t demi, voire cinq mllllons.
Elle est aussi la religion qui réunit le plus grand nombre de n•lionalités du
Sud, a fricaines surtout, co1n1ne le ~1la1i , le Sénégal et toutes les a.nciennes
colonies Crançaises. Plus de 80 % du total des musulmans en France sonl
des Maghrébins, principalement <les Algériens (45 %) el des Marocains
(30 %). La. question 1)()sée en titre, 11 lslan1 de France ou Jslam en France?-.,
314 Cinquième partie : !:islam dans le monde contemporain: culture. religion et société

Indult que l'identité de cette religion n'est pas encore déH1llllveme1ll établie
au rei;:ard des règles réput)licaines françaises. En raison de leur histoire
récente, le colooiallsme d'un côté- et ses consêquences sur les économies
des différents pays - et. de l'autre, l'im1-nigra1 io11 n1assîve quj s'ei1suivit et
qui devait connaitre un tournant nouveau à partir du choc pétrolier des
années 1970, un cllvorce latent caractérise tes relatio1ls cle l'islafn avec le
(ait national français. Je t'aime. je te déteste ou, au choix, je t'aime, moi
non plus : de part et d'autre de la Médlterranêe, et au-delà dans la plupart
des pays d'émigration, la question est posée quotidiennement. Aussi. en ce
dé.but de troisième mlllénalre, l'Islam ne parvlent fl pas encore à s'intégrer
4

sans passions excessives à la réalité française, en dépll ml!rne de son


ancienneté, de la vitalité de la communauté qui le porte et du respect que, de
part et d'autre. les lndlvidus prls isoféme111 se portCJll 01utucllen1ent. Cette
ancienneté, d'aucuns la font remonter jusqu'aux c.:roisades ou même 8\'ar1t.
En réalité, la vraie rencontre entre les deux civilisations. la c.h rétienne et la
musulmane, a eu lieu depuis que La France a prls plecl sur l'autre rive, soit à
partir -d e 1830. au moment de la folle équipée qae fut le projet colonialiste.
Depuis, l'Islam et la chrétienté d laJogue11t, 1nême s.i cela clolt se faire da11s la
douleur et avec un arrière·(ond de suspicion permanente.

t:lnterrogatlon qui a longtemps agité los milieux concernés par la question


musulmane était de savoir si J'on devait parler d'un .e islam de Prance11 ou
d·un • lslam en France•, tandis qu'un livre récent qoe l'on cloit à Bernard
Godard et Sylvie Taussig (Les n1usulmons en France. Courants, institutions,
communautés : un état des lieux, Robert Laffont, 2007) fai t état de la place des
musolnlan$ en France. Celte question n'est pas formelle. Car, selon l'option.
tes Français qui vivent sur le sol national sont vus comme des nationaux
ou c<nnme des érrangers. Le$ Algériens sont soit aral>es (l)erceptl<)n plutôt
négative), soit kabyles (accueil plus favorable). L'étranger bien inséré obtient
assez facilement la 11ationallté française et peut fonder un foyer, travalller
da1ls tous les secteurs de J'éconon1ie ou se lancer dans la réali$alion
de ses rêves. Enfin, les nationaux (comme les étrangers) ont des droits
constltut1onneh; qui Jtur J)C.rmet terlt de pratl(1uer une fe.ligion sans (lue
cela soit offensant pour les autres cultes et sans que. d'aiUeurs. le pacte
républicain soit com1lromls. ternis en <auestlon Qu rejeté. En reva_nche, si
l'isla1n est une religion importée, eJle risque d'être manipuJée par des forces
extérieures. Au pre.m ler chef, êvldemmenl, les pays d'émigration - Algé.rie,
~taroc, Turquie, ~la li , Sénégal - quJ seraient tentés d'lr1tervenir dans le
champ politico-religieux, en induisant par exemple des comportements
anachroniques par rapport à l.a réallt~ sociale en vigueur.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chapitre 16 : L'islam en France 315
La question du voile
la pertinence du phénon1éne du voîle trouve, entre la petite communauté de cinq millions
par certains côtés:. 'des explications danS" las de musulman$ aux origines diverses 1Algérte,
cultures autochtones des immigrés. li estvraJ Maro<l, Turquie, Afriqu•no1re et, chose curieuse
que les citadines du Maghreb ne portaient pas le et s; peu connue, des territoires d'outre-·merl et
voile dans leurs. pays.A l'inverse-, tJne population la souche judéo-chrétienne du pays prolond. 11
d'origin.o a~raire oqmme c'est le cas pour Jes faut dire que la France, pay$ à vocation laïque
immigrés venus de 1'Atl8s maro~in estplµs sen· par excellence, a ê:té.saîsîe par une campagne
sible à l&question de l'identité vestimentaire. médiatique sans précédent : ta lolsur la laîcité
la volonté molle de leurs portenolrosmosctlllns de- mars 200~ est v.enue rêverller un monstre
et leurtempéramentombrag_euxont f-avorisé la qui sommeillait depuis un siècle et qui~ subi-
gënéraJisation du port du Voife. D'autant que tement, allaitdéchainer les-passions. li en est
durant Io décennie précédente, 1980-1990,les sortJ un ba.nnissementde tout« sig.ne rehgl-eu~
doctrinaires du Tabtigh, missionnaires musul· osrensible" de l'univers scolaire, c.e qui inclut
11lans, et des groupuscules fondamentalistes de fait le voile des jeuneS<collég(ennes qui est
!comme les Frëres m1,1sulmans, les wah~abites maintenant totalement proscrit..
et plus tard les salafistesl n'ont pas. chômé.
Ils n'ont pas cessê un instant d'organiser, au
Plus de trois cerits jeunes fîlles n'ont pas
obtempéré.,et se sont retrouvées pour la pluparl
bénéfice das populatfons lmmig<ées.les plus
dèpentlantes et les plus lgoorantBs, Io mélange exclues de la sçolarité publique,. Si une rn1no-
Idéologique et pseudo· spirlruel le plus déton· rlté d'entre elles a accepté les bans oflices
nant depuis des slècle0< le voile de la femme des médiateurs et des chefs d'établissement,
comme étendard de l'islam. nombre de Jeunes filtes .se sont retrouvées
e)tclues de l""enselg.noment~ublic et ont dO
~otf1i1&adémarré en 1989 dans un collège d'une poursuivre leur scolaritf soit dans le privé, soit
très grande banlieue parisienne, Creil. Depuis, par çorrespondance.
-elle n'a cessé d'empoisonner les relations

La most[uée de Paris
On peut co1nmencer ce retour dans le passé eo disant un mot de Ja mosquée
de Paris, de sa concei>tion à son fonctionnement acruel, car eJle a traversé
tolites les mutatlo1\s que l'islam de France a connues depuis le début.

Construite dans le 5c arrondissement de Paris, la grande 1nosquée de Paris


est achevée en mars 1922 et inaugurée par Gaston OoLtmergue, président
de la République, en Juillet 1926. Elle symbolise la reconnal0<ance de
la patrie pour tous les e[forts et le-s sacrifices que les soldats d~Alrique
avaient consentis pour Ja défense du territoire. en particulier durant la
première grande guerre du siècle, 1914· 1918. Cel ensemble prestigieu"' est
316 Cinquième partie : L'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

<léno1no1é h1stltut n1u.sulman. n con1prend une salle de prière surmontée


d'un minaret, une bibliothèque, des bureaux, des logements Jl-Our les
fonct.ionnalres de la mosquée, un restaurant, un café, un hamn1am et un
bazar. Depuis les années 1920, la rnosqol!e <le Paris n'a cessl! de prêcher un
11 islam républicain •. a ttaché à la laïcité et visant â donn er aux musulmans

une consciex,ce à la rois n1ystlque el hun1aniste de leut fol. Aujourd'hui, la


mosquée de Paris est le lieu où sont télébrées les grandes fêtes de J'islam. On
y a1·111once le début et la fin du mols de jeûne (ramadan), ainsi que la grande
fête de l'Aïd el -Kébir. Depuis le 3 mai 2003, c'est aussi l'endroit où se réunit le
ConseD français du culte musulmaa (Cf'CM), l'organisme censé coordonner
lès actions des d llférentes obédiences de l'Islam français.
À son corps défendalll, et malgré quelques frictions quanl à ses attributions
au sein du laïcisme d'aujourd'hui, fa 1n.osquée de Paris donne une visibilité
positive à un islam qui cherche toujours ses marques dans le cadre de
la oatlOl'l fra·nçaise. Face aux extrêmes, elle montre le visage apaisé et
accueillant de l'islam de France.
En résumé, la possibilité pour l'islan1de trouver sa place dans la 1nosaïque
républlcajne reste fraglle et hésitante. Nous saurons dans un proche avenir si
des questlon.s l1ouvelles co1n o)e la n11xité sociale (égalité homn1es.femmes),
le régime matrimoniaJ (polygamie·monogamie). les mutilations sexuelles
(excision), les pratiques alimentai res (viande halal), le jeûne et la prière,
la circoncision. les carrés musulmans dans les c imetières et. surt out, la
construction de nouvelles mosquées seront facilement réglées par les
n1airies ou par t·o ute autre struct1,1re offlcielle. Car, jusqu'à maintenant. toutes
ces questions ont fait l'objet de débats publics plus ou moins houleux et.
dans certains C3$, plus 0\1 n1olns slncè-res.

Et chez nos ~oisins européens J


Voici la situation actuelle des rnusulrnans résidant dans les autres pays
européens e t la Suisse (les c hiffres qui suivent proviennent du rapport
annuel l11temotio1uil Re/;gious Freedo1t1Report 2007 et cle L'.4tlas des religions,
La Vie-Le Monde, 2007).

En 8e/9ique
Bien plus récente qu'en France. la COl'nmunauté musuh11ane de Belgique
compte près d'J million de personnes. essentiellement des Marocains (52 %),
des Turcs (32,5 %) cl des Algériens (6 %), mais aussi des Tunisiens (4,5 %) ,
des Yougoslaves. des Albanais, des Pakistanais et des Kurdes. C1est une
c-0mmu11auté impo rtante de l'ense1nble belge: elle constitue plus du quarl de
la population étrangère de ce pays.
- - - - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 16 : L'islam en France 317
Cisla1n est certes un fait nouveau en Belgique. Pourtant, avant la vague
actuelle de résidents maghrébins et turcs c1ul retnonte aux années 1960,
Léopold Il (1835-1909), roi des Belges au temps de l'expédiiio11 coloniale
au Congo, a. montré tout 11ntérêt que la couronne devait progressivement
accorder à la connaissance de l'lsla1n. C'est dans les années 1960 que les
musulmans deviennent visibles en Belgique. Ce sont tout d'abord des
t ravailleurs émigrés qui, à l'instar de leurs coreligionnaires dans toute
l'Europe, voulaient repartir dans leur pays. Mais la fixation qu'a constiluée
d'abord la famllfe arrivée du pays. pujs la naissance des enfants, a précipité
leur intés r~tion à la société belge. En 1969, un terrahl dOlll.anlal situé au cœur
de Bruxelles a été accordé à la communauté musul mane en vue d'y ériger une
n1osquée. Depuis lors. Ja LJgue lslanllque mondiale gère le bâtiment, qui sert
aussi de centre islamique. de lieu de fonnation et de bibliothè<rue.

Mais c'est seulemenl à parlir du 14 juillet 1974 que l'islam a ét~ olflclellement
adm1s au seln de la mosaïque religieuse composant le pays. De-puis. plus
de deux ct:::1'11S 1llOSQuées ou lieux cle c1,1lte ont été constrt11ls e11 Belgique.
On y enseigne Ja religion musulmane bien sûr, mais égalernent des cours
de langue, des matière...:; scientifiques et mén1e des cours de civlllsatlon
occidentaJe. Alors que la terre belge a toujours été c lé1nenl'e pour les
rellglons 11on chrétiennes. l'islam va malheureuseme11t connaitre des
débuts difficiles ; e.r1 t989, deux <tssasslnnts xénophobes sont 1>erpétrés
sur deux musuhnans. le directeur du Ce11tre islamique de Bruxelles et son
blbllothécalre. Depuis lors. les liens entre les différents corps de l'f:tat
et la représentation - même aléatoire - tles rnusulmans de Belgiqve sont
tendus. À cela, Il faut ajouter un environnement politique qui ne cesse de
se dégrader. En effet, la poussée du Vlaamsblock. parti flamand d'extrême
droite, fait craindre un très fort repl1 identitaire et cela même au moment
où les instances politiques de la v ille de Brw:elles s·ouvrenl part leJleine.111 à
des représentants de la communautéétrangèrei dont )es Marocains (que l'on
appelle affec1t1euse1nent les ~tal'oxellols).
p.i\aJs l'Islam en Belgique n'est pas seuJernent une source de conflit, il
est égaleme1lt un facteur d'enrlchissenlCJlt 1>our tout le pays, à la fois
culturellement et économique·m ent. Pour ne citer qu'un seul exempl.e : la
diversité politique de ce pays. Elle rend perple.xe Lous ses voisins. y compris
la France qui, longtemps, a cherché le modèle Idéal (et laïque) pour Intégrer
SC:.4i musulmans, et qui n•y parvient qu'au prix de mille agencements.

Au-delà, Il raut rappeler que plusieurs éminents savants de l'islam sont


d'o rigine belge. Celut que l'on cite le plus souvent est le père jésuite Henri
Lammens qui, depuis un siècle, reste l'un des meilleurs connaissetirs de
l'Arabie llntlque. Dans le Berceau de lïsla111, run de ses ouvrages publié à
Rome en l914 par l'Institut pontifica1, Lammens nous <tonne le l)Qrtrait du
Bé<;louJn : • La plus lncontestab1e qualitê du Bédouin - encore un fruit de
son ind;v.idualisroe. l'elè::ve·t-il - c'est. nous l'avons déjà noté, sa ténacité,
sa co·n stance à lutter contre la nature ennemie, contre les éléments. les
iauves, les ho1·n 1nes, cenl rois plus redoutables que les loups et les hyènes
318 Cinquième partie : L'islam dans le monde contemporai n: culture, religion et société

du désert. Cette ténacité lui a fo-r mé un tempérament d'acier. à la fois souple


e1 résistant ; telles tes v ieilles la.mes de Damas!• Tous ses Jlvres sont ainsi
colorés, tout en étant précis el savants. Lammens est en outre celui qui a
voulu démythifier l'Arable ancienne en montr ant Jes divers mét1ssages dont
elle est Issue.

Outre Henri La~ome.ns.11 falat rappeler au 01olns deux autres non\S, ceux
d 'A rmand Abel et de G. Ryckmans. auxque1s on doit d'excellentes recherches
sur l'Arabie préislamlqt1e.

En Allema9ne
En Allemagne vivent 3,5 millions de mu$ulmans (International Refiglo11s
Freedom Report 2007), pour la pluparl d'origine turque (75 %). Le problème
qui se pose aux musulmans dans ce pays est celui de la naturalisation, car
le d roit allc.mand e.-;1 encore large.ftlent Condé sur Je jus sarJguinls. En 2002 et
2003, la question du foula.r d s'est posée à plusieurs Lander. mais elle a vite
été réglée par le blal!; de la concerlatlo1l.
Aujourd'hui, la l·urquie reste r un des partenaires privilégiés de l'Allemagne
réunifiée. Cette dernière, de son côté, semble constituer le meilleur cheval de
Trole pour l'entrée de .La Turquie en Europe.

On peut s'attarder Jonguerne.nl sur les reJatlons de l'Allemagne avec l'isl arn.
et ceJa à par tir de la constitution de l'Empire austro·hongrois. Par la suite,
ce sont les 11rh1ces de san.g, les savants. les 11oètes et les voyageurs qui ont
entretenu une relation féconde avec r unJvers islamj que. Avec son Divan
~cide11tal er oiillnral (1819), Johann Wolfgang von Goethe ( 1749·1832) a
été, à ce. µoi nt de vue, le plus éminent et le plus avancé des Allemands à
entreprendre un dialogue avec rlslam. Plus récemment, dans la continuité
de Vatican IJ. le défunt pape Jean-Paul U avait dit, lors d'un voyage eu
Allemagne : •'C'o us les étrangers de ce pays ne sont pas chrétiens : un
groupé parUcullèrement lmportanl s e réclame de la loi de l'islam. À eu•
aussi, j'adresse cordialement ma bénédiction .. (cité par L. Hagemann, in
Dicrionnaire de l'l•lam, Brepols, 1995. 1>. 66).

Au Ro1J.aume~ Uni
Au J~oyaume~Unl vlvenl un peu moins de 2 mllllons de musulmans,
originai res des a11ctennes colonies britanniques, essentlellen1eot des
lndo·Pakistanais. Fondé sur le princlpe du d éveloppement séparé des
co1nmunautés eL~urtouL sur la 1100--cllscrilnh1a.t1on entre Je.-; races ( 1976),
le cas anglais était présenté il y a peu comme exemplaire, du moins
jusqu'aux attentats qui, le 7 Julllet 2005, ensangla.nt·è rent le pays. J usqu'alors,
l'Angleterre élalt figée sur la doctrine de la liberté d'expression et sur le lait
- - - - - -- - - - - - - - - - Chapitre 16 : l'islam en France 319
que cl1aque citoyez'I britannique pouvait prat1quer Ubrement sa religiont cse
quJ anangeait beaucoup de comn1unautés. Selon cette règle, on 1>0uvalt
voir des policiers au cceur des grandes villes portant le turban sikh. des
infirmières en tchador et des banquières e..n ki1>1>a.
Ainsi, pendant des 3l'll\ées, 1'A11glete:rre est devenue La terre promise de tous
les fondamentalistes relig,ieux qui. rejetés de la pluparl des 1>a.y$ arabes et
ne pouvant séjoul'ner en France ou en Espagne. s'y sont installés. Selon un
sondage datant de janvier 2007 et én'lanant de l'lnstltut indépendant l'oflcy
E.."lcha.nge. les musulmans britanniques sont dans l'ensemble plus proches
de leurs pratiques relrgleuses que dans Je reste de l'Europe. La revendication
identitaire est une exigence plus marquée chez les n1usuhnans de Grande-
Bretagne qui n'o11t 1>as t.ncore 25 ans, alors qu'eUe est plus atténuée chez
leurs aînés ( 55 ans et plus). F.nlin, un tiers <les citoyens britanniques d'origine
musulnlane, soit des Pakistanais, des lndiens et des Proche-Orientaux. sont
prêts à vivre selon les règles de la char ia, dont le port du volte pour les
fen1mes el l'école séparée pour musulmans sont les plus manifestes.

Au départ. pourtant, les musulmans v ivaie1\l e1\ bonne intelligellce avec


le reste <le la population. Certains se sont engagés dans des causes
humanitai res ou politiques et sont deven11s avoc:i.ts, médecins ou
dépulés. Six d'entre eux oat d'ailleurs été anoblis par la reine. Mais deux
phénornènes sont venu$ tout cl1ambouler: les attentats d'une part et. d 'a utre
part, la rigidité d 'un grand a ombre de rnusulmans (eomn1e Je llrêcheur
(ondan1eJ1taltste AbO Hamza) et de musulmanes (toutes ce1les qui, oomn1e
l'enseignante Ais ha 1\zmi. s'o1,posent à ôter le rriqab - voilette recouvr ant le
visage. généralen1ent de couloir noire, comme la burka) leur ont aliéi1é une
grande partie de l'opinion anglalse. tuS<1u"alors plutôt t.olêrante et modérée.

~1ais. surtout, l'envlronne.1nent global n'est pas favorable à l'adoption d'un


Islam r igoriste, en raison des quiproquos idéologiques et des polé.mfques
politlcleil11es que certains mentors de la droite dure pouvaient ouvertement
ex-primer. L.es représentants désigr1és de la communauté musul mane
crient au loup. lis considèrent que l'islam est devent1 un enjeu de politique
i11térieure et c1ue les questions du volle et de la mixité ne sont qu'un a.l ibi
pour pourfendre le mu1ticu1turalisn1e. le credo qui servait de n1odèle
d'intégration à l'anglnise. Après des débats houleux à la Chambre des
communes, après de non1breuses controverses savamment animées et
orchestrées par les tabloîds - qui relaieat les thèses tes p1us ambîguês - . le
calme semble maintcoant revenu dans le pays. En attendant d'autres crises ...

Dans les autres palJS européens


En Italie et en E$11agne vivent respectivement entre ïOOOOO et L millfon de
musulmans dans chacun des pays, ce qui repré.~ente des pourcentages très
bas par rappor1 à la population globale des musulmans en Euro1:>e. soit
32Q Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

2 % environ po1rr chacun des dcttx pays. tn comparaison, ils sont S % en


Suède (ée qui équivaut à 453500 personnes), 3.4 % en Angleterre, 4,2 % en
Allemagne (essentiellement des Turcs). 3,7 '.\\ au Danemark (soit un 1leu moins
de 200000 personnes) et 6 % aux Pays-Bas (978000 personnes).
Dans Je cas de l'Italie, ce sont surtout des musulmans d'origine libyen.n e
ou tunisienne. Beaucoup de réfugiés qui transitent par Je pays pour aUer
rejoindre Jeurs fan11Lles en Anglcte-tre se Axent. raute de mieux. en I talie et
viennent grossir les banlieues de Rome. de Gênes, de Turin et de Miian. Ce
sont surtout des l\llarocalns qui vivent en Es1Jagne. Le plus grand oornbre
t ravaille dans 1'industrie e t le bâtiment, mais beaucoup de propriétés
agricoles s'attachent Jeurs services, car Il s'agit d'une maln~d 'œuvre très
compétente.

La question de l'immigration clandestine


Deputs quelques années, la perception de cet temps m:ener des- campagnes répressiveS-
istam par les autochtones s'est passablement contre iies émigrés clandestins et ôdifier aux
détériorée.. Les- immigrés clande..stlns ql1J frontières e11térleures deTEurope des 27 une
échouent sur les côtes itallenries- ou espagnolesbai rière-électronîque, sans donner los moyens-
venant de Libye, ou de Tunisie, les anentars de aux diflêrents pays du Sud de p.ou119lr assurer
Madrid, los boet people africains des Canaries un d•veloppernentloc•I suffisant? Aujourd'hui.
ou des côtes-marqcaines ... autant de .sujq:ts Il est guasîment admfs que la politique do 13
lourds qui mobilisent lesresponsables pofit;qoes 1nain tendue ne pèut plus fonctionner à sens
de ces deux pays unique. Il faut r accompagner d'une gouver-
nonce spëcttique visant â " fixer 11 les futurs
D•ns une large mesure. les difficultés occasion· elandèsti.nsdens les différents pays de la rive
nées par l'arrÎvôe massive de ces populations
oe sont pas d!i! natute technique, elfes sont sud de la Môditarranê~. Aussi, une meilleure
collaborat100 entr.e les services et.surtout de
économiques et politlq_ues". Maîs le problème
qui se pose à l'ensemble des peys européens nouvelles per<Spectives d'emploi ~aMces pays
dolvenrétre mises en pfa~e,au bénéfice même
est.surtoutéthlque : commenten eff.etconcllier des États européens, lesquels continuent par
les principes fondamentaux de la plupart des
républiques eu(opéennes - notamment ceux 110\curs - 1T1oittaos trop le clamet-à souhaiter
une 111 (ivêtr.app(êc1abJe d'lmmigrès • officiels•
qui militent pour les dro1ts de l'homme et les
droi!S des réfugiés politiques - et en même hautement qua liftés.

Un cas particulier : fa Suisse


Située au cœur de l'ëurope continentale , la Suisse reste - pour l'heure-à
l'extérl ~ur de l'Unlon européeo11e, avec la particularité d'h.éber_,ger sur son
sol plus de 1,5 million d'étrangers (ce qui correspond à 18 % de sa population
- - - - - - - - - - - - - - - - Chapitre 16 : l:islam en France 321
nationale, mals le non1bre de musulmans est assez lndéterminé, autour
de 300000 personnes). Avec plus de 75 :li de' o.rn •au référenduin de 2001
suJvant lequel les autorités pouvaJent engager des pourparlers d'adhêsion
à l'El1rope, les" 1tooistes" ont enterré pour longtemJ)S Ja possibilité d'une
rencontre ordinaire eutre les deux entités, ce ((ui fait d ire à certains
observateurs locaux que la fusio.n Union européenne.Suisse est renvoyée
aux cal endes grecques. Dans les faits, les échanges entre la Coofédératlon
helvétique et Je reste de l'Europe sont plus complexes qu'il n'y paraît, et
pas seuleme11t en raison rie l'attrail financier que constitue une place forte
comme Zurich. capitale économique du pays, ou Lausanne. Sur Je pla1'1
écono·mlque, les relatlons sont en elfet t rès riches. D'ailleurs, depuis peu, la
circulation des personnes qui travaillent eu Suisse et l1abilettt à l'extérieur
du pays, en France par exemple, est facilitée. Enfin. sur le plan cultureJ, la
Suis.se a 1)par1 le.nt h~c.léoiab l ement au bloc européen el ne peut s'en détacher.
~1ieux. sa position stratégique qui est mjtoyenne entre trois grandes cultures
- la germanique, l'italienne et la française - donne à la Suisse des i><>sslbllltes
infinies pour participer de manière organique à l'activité (.'Ulturelle de
l'Europe. Elle rappelle. ce faisant, qu·eJ1e est J'une des destiJ1ations Jes plus
prisées de la c ré ation - musicale, J>iCturale Cl éclitoriale.

La neutralité de la Co1ifédératton a 1>ermis que se tiennent sur son sol de


nombreuses consultations entre belligérants. Ce fut le. cas. naguère. avec la
délégation PLN qui devait négocier l'indépendance de !"Algérie. C'était aussi
le cas, plus réceminent, avec les Partisans de la paix aujourd"hul, une sorte
de plan lsraélo-pa.lestinien initié ~1ar des représentants de la société civile.
Cependant, le tro1> petit i\on1bre de musulmans en Suisse emJ>êche ce 1>ays
de jouer un rôle majeur dans l'établissement de liens conséquents entre Ja
clvlll.s atton chrétienne d'un çôté, surtout calviniste et luthérienne. et un Islam
encore domiàé par une recherche de conformité avec le texte.

Si vous souhaitez en savoir pl\tS sur l'islam dans le n1011de, je vous


recommande de consulter L'ttat du monde (éditions La Découverte) un
lnstrume11t de trava11 qui perJnet annuelle1nenl de suivre ré\roJution de
l'islam el des débats qu'il suscite dans sa globalité et plus parllculièrcrnent
en Europe. Un cahfer complet situé à la fin de c haque volume vous présente
des centaines de sites sur toutes les questions liées à l'Europe, tant
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Chapitre 17
Islam, judaïsme et christianisme :
les trois religions du Livre
• ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • ••••••••
Dans ce chapitre
... Une généalogie qui remonte à Abraham
... La Bible telle qu'elle est perçue dans le Coran
... Évocalion de Mohammed dans la Bible
... Dialogue lnterreligleux
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • ••••••

L es adeptes de l'islam. du judats·n1e et dta chris tlanlsn1e représentent plus


de 50 % de la popul ation mondiale. Ce chapitr e s'intéresse a ce qui relie
ces trois religions dans une' mêrne fa1nllle 1o, la famille abrahamlque, de la
mëme manière que l'hindouisme, le bouddl1isrr1e et le ja·1'nlsme constituent
une famille de rellgior1s parentes. ,..,1ettant l'accent sur ce que l'islam~
le judalsme et Je christianisme ont en commun. ce cl1apitre .s'intéresse
nota1nrnen1 aux réclL<t cle 1a Bible quJ trouvent ua écho dans le Coran. En
conclusion, nous verrons sur quoi se fonde la croya1lCC des musuln1ans da11s
rannooce de façon prophétique dans la Bible de la veuve de Mo11a1nmed.

Une 9rande famille


Trois é léments rellent le fudaïstne, Je christJanlsme et 11slam : un Dieu
con1mun. un ancêtre commun er des ecrltures saintes en corrélation.

Abraham, un ancêtre commun


Abra1'1am est l'ancêtre commul'1 des ju1f$. des chrétiens et des musulmans.
Agar est la mère du premier fils d'Abral1am1 Ismaël, dont descendent tous les
A rabes. Abraham et Sarah ont eu un llls, Isaac. Le rus d'Isaac, Jacob/Israël.
est le père des douze fils qui donneront naJssancc aux douze eribus Juives.
324 Cinquième partie: l:islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

Le Nouveau Testament retrace la généalogie de ~sus. depuis le roi David et


avan1 cela depuis Abraham (el même Adam). (Cl. schéma 16-1.)

Adamet~e

1 1 1
Cain [Kabd) AbeHHabill SOlh
_J
1
Enoch (Anush)

Noé

Agar et Abraham et S1rah

l
ISllC
······--------~

..•
ScUt1111'-1 : Ismaël
J1cott11sr•lt .•
1 •
Arbrt Joseph. BenJ1mln. Jud1s.
gtn61lo·
gique qui ................ , ..!~ ~~~) .'.~'!'~~.'~!'!..
tllu11r1 le1
: MUSULMANS ; ......................
: = 12 TRIBUS • JUIFS :
~

lhérit1ers spiriwels.
11elne1
communts
Fihr (Quroysh) Moise d'Abraham)
don rehglons Ot1vid
Hashim
issues
d'Abraliu1n. Jésus
Mohammed

Un seul et même Dieu


Chacune des trois rellgions prétend adorer le même Dieu, rue.ne si,
malgré tout. certains chrétiens aujourd'hui récusent l'idêe que le Dieu des
musulmans se puisse èue le même que le Dieu des chrétiens. Quand Paul, le
juil. s·es1 conver11 au christianisme, Il n'a pas considéré qull avait changé de
l>ltu. En revanche, sa perception du Dieu qu'il avait toujours vénéré a évolué.
Aujourd'hui. quand un membre d'une des trois religions Issues d'Abraham se
converl Il à une autre de ces religions du Livre. li considère qu'il change de
religion mals vénère Je niènle Dieu. E11 revanche. quand un paTe.n se convertit
à l'lsln1n, au chrislianisme ou nu judo.i.s111e, 1outc sa conception de la religion
et de Dieu en est bouleversée.
_ _ Chapitre 17: Islam, judaïsme et christianisme: les trois religions du Livre 325
Pour les musulmans, Abrah an1 n'est ni chré tien ni jul( (sourate lll, 67). li est
1>lutôt l e pre.1nier monothéiste et. parta1ll, le premier 1nusuln1a11 dans le sens
oil i1 se soumet . au sens pr opr e. au seul Dieu vrai. Pour )es musulmans, les
c hrétiens et les juifs pr atiquants sont parents des musullnans dans la n1est1re
où ils se sou1nettent à Dieu.
Dieu a prls un e11gagen1ent ave<: Abraham, lsaac et Jacob <1ul a pris s.a fotn1e
définitive avec l'alJiance passée avec l\1oïse au mont Sina'i. Dieu a également
fai t des promesses à Ismaël (Genèse X VII, 20), bien que le terme d'• alliance •
ne soit pas e1nployé à 1>ropos d'lsmaèl. Les chrétiens se consid\:rC-1)t <:01n1ne
les fils spirituels d'Abraham et les héritiers de l'al liance conclue par Dieu
avec Abraham ( Genèse XV ; Galatcs Ill, 6). I.e Coran dit q11e Dieu a p r is des
engagements avec les enlants d1sraël (sourate V, 12), avec les c hrétiens
ç,oura le V, l4) e t avec les mlJsulmaos (soura te V. 7). Pour l'lslant, à la base de
tous ces engagements, il exis te un engagement implicite remontanl à Adan1
entre Oieu et tous les descendants d·Actam (sourate VII, 172). !.:élément le plus
fondan1enta1 de ces engagen1ents esl la reconnalssance du Dieu unique. Ce
Dieu e-s t la seule rëalltë ultime, le créateur du monde. Je Seigneur de l'histoire
qui impose ses commaocleJtte11ts a\1x c roya1, ts, et c1ul 1>rocédera au Juge1ne111
dern ier et â la résurrection des hommes.

Un même litlre
Pour les musulmans, avant même les Ëcrltures saintes du c hristianisme. de
1'1slam et du Judaîsme, U existe un 1>rototy pe éternel et céleste du LJvr e sai nr.
appelé par les n1us\1hnans la 11 mère du l.iv re '>. 1..es révélatlc1ns consignées
dans les tcritures (la Tora h. les psaumes, les ~vangiles, le Coran) tran.s111ises
1>ar les messagers proplléti(1ues sont des exemplaires de ce livre céleste
même si, du point de vue musulman, seul le Coran représente une version
con1plèt.c el 0011 corro1npue. C'c.sl justen1en1 parce que toutes leurs Écritures
saintes r e;n voienl au même Dieu que musuln1ans, juifs et chrétiens sont tous
appelés les • gens du Llvre "·

Histoires de famille
Les trois religions Issues d 'Abraham n'ont é videmment pas le më.me point
de vt.1e théologique sur la f.:1.ÇO•'t d·exprhncr le rapport de cl •acune aux deux
autres. Oe la meme manière que le chrJstinnisme se considêre comme
l'approfoncllssen1ei1t el l'accompllssement du Judatsn1e {sans pour autant
supprimer la validité de l'alliance dans le judaïsme). l'islam se considère
con1n1e perfectionnant et accomplissant le message c hrétien (sans supprimer
pour autant les alliances juiv el> el cllrétiennes). Bien que c hacune de ces
religions espère ardemment la venue ou le retour d'un messie ou du n1ah di .
c hacune se co11stdère c::om1ne la révéla.tian f1nale. L'Islam se considère
non se-u lemeat comme la réalisation des pro1nesses faites aux juifs et aux
326 Cinquième partie : L'islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

chrétiens mais également comrne leur J>rédécesseur. en arguant du fait que


l'Islam e~<tl la rcllglon norntale de l'humanité à la. naissance. aussi bîen que
la fol d'Abraham. En réalitë. Je christianisme el l'Islam ont alt sein de leur
propre fan1Ule rellgleuse des prophètes et des révélations qui se prësentent
chacuns et chacunes comme apportant l'ultinle révélation.

Chaque tellgion a son regard ~ur Jes deux autres qul lul e.i;t llropte. 5~1011
les époques, le christianisme a assimilé l'islam à un retOLtr au légalisme, à
une hérésie c hrétienne. à une reJigion qui prépare les Arabes à embr.asscr
le christianjsme vrai, ou comme un signe de l'lntn1il1ence de la fin des
temps. Certains penseurs Cllréliens et n1usulmans considèrent que le fait
de eonc:evoir que le:ur religion est donnée par Dieu esl un gage de son
authenticité, tandis que les autres religions sont des créations hu1nalnes.
Certatns intellectuels musuln1ans modernes utilisent Je 1nodèle 11thèsc-
antithèse-syntbèse• dans lequel le judaîsrne est la thèse (ave<; la loi, le
matérialisme, le partlcularlsrne, l'attac::hement aux alfaires de ce monde), le
christlanis1neest l'antithèse (amour, idéalisme. universalisme. attente de
l'au-delà). tandis que lïslam représente la synthèse équilibrée. offrant une
réconçlli;ition de la t hèse et de l'aatlthèse..

La Bible telle qu'elle est perçue dans le


Coran
Environ un quart d.u Coran est consaeré au" histoires de prophètes, dont
la plupart. sonl des prophètes de la Bible (bien que tous ne soient pas
considérés comme des prophètes dans la Bible). Étant donné que ces
J1istoires e t ces références sont le 1>lus souveat cUspersées dans tout le
Coran, un lecteur novice aura Je plus grand mal à se faire ,1ne idée de la Bible
telle qu'elle est perçue dans le Coran. Dans cette partie, vous trouverez un
récapitulatif de la visior• <:oranfque de ces histoires bibliques et égaJernent
d'autres r êcJts qui ont été ajoutés ultérieorernent. att rn des t raditions
musulmanes.

Les personnages e t les histoi res de la Bible ont circulé en A.r abie
antélslamlque. Quand le Coran évoque brièvement un persor1nage de la Bible.
les coatemporains de l\1ohan1n1ed com1>rênnent cle quoi il s'agit sans qu'il
ait besoin de raconter toute l'histoire. Selon le biogtaphe de tvlohamined.
lbn Ishaq, ceux qui ont reconstruit Ja Kaaba, à l'épo<1ue où Mohammed était
encore un jeune homme, yo11t trouvé une pierre portant une inscrlptloa
en syriaque de ce qui est d it dans rtvangUe de Matthieu (Matthieu VII, 16).
Selon un historien de La ~1ecque du 1xe siècle, on aurait trouvé sur une
colonne 1>rès de renlréê de la Kaaba des représentations d'Abral1.am1 de
Jésus et peu1~ëtre de Marie. Certalns disent que f\1ohammed n'aurait pas
touché à ces dessins quand il a nettoyé Ja Kaaba de ses Idoles païennes
_ _ Chapitre 17 : Islam, judaîsme et christianisme : les trois religions du l ivre 327
après avoir conquis La Mecque en 630. Mohammed et ses contemporains
ont ainsi eu connaissance des histoires cle la Blble qui circulajent en Arabie..
li aurait tté en relation avec des chrétiens et de• Juifs qui ont pu lu! parler
de la Bible. Les noms bibliques tels qu'ils sont menlionnés dans le Coran
semblent Indiquer que ces rklt$ ont été transmis à partir de traductions en
syriaque ou en araméen (deux langues proches de l'hébreu) de la Blble plutôt
que de te.tes originaux en hébreu et en grec. La plupart des intellectuels en
concluent que Mohammed lul-même n"a Jamais lu la Blble. Le Coran n'emploie
pas le mot de •Bible• mals plutôt ceux de Torah (klurof). de psaumes (zabu"
et d'tvanglles (in1il). cc qui rappelle la manière dont le Nouveau Testament
se rélère à la Bible judalque (Ancien Testament) en mentionnant •la loi. les
proph~tes et les psaumes•.

Décafa9e entre les récits de fa Bible


et du Coran
Même un lecteur occasionne! de la Bible perçoit racllement le décalage qui
existe entre les récits tirés de la Bible et les memes histoires relatées dans
le Coran. Les lnte11ectucl.s non musulmans disent généralement que ce1a
s'explique pal' le rait que "1oha1111ned n·a eu qu'\lOC oonnalssance Indirecte
et Inachevée de la Bible. Par ailleurs, les histoires bibliques véhiculées dans
la culture po1>ulalre à l'époque de Mohammed avalent lnclu également des
éléments Issus des trad Ilions Juives e t c hrétiennes postblbllques.
Cette ex1)1itatlon est évldc1nn1ent pelaconvaincante po1,1r les musuhnans.
Après loltt , de leur point de vue, Mohammed • n'a pas composé,. les récits
bibliques qui llgurc nt dans le Coran. C'est plutôt l'ange Gabrlel qui les a
transn1ls à Moha1n1nctl en les 1lrnnt cle la p~role de Dieu qui est éternelle.
Dieu el Gabriel $Ont peu suscept11>les d'avoir été Influencés par les versions
bibliques qui clrculalent au v1,. slècle en Arable. Puisque le Coran contient
la version orlglnnle de l"hlstolrc en prise d irecte avec le livre céleste, les
n1usulmnns n'o11l aucune rnlson d'étudier la Bible, à part vouloir mieux
défendre leurs positions Il l'égard des chrétiens e l des juifs. Ils considèrent
que. quand lia version coranique d"un récit biblique dHrère du texte de la
Bible. c'est parce que les chrétiens et les Jui!s l"ont, lntentlonnellement ou
non, corronlpue et rr•o<llflée. Tahrif est le terme arabe pour désigner cette
théorie d'une &Itération du sens. Ces altérations ont-elles été Intentionnelles 1
Selon bon nombre d'ouvrages destinés à un public musulman. le g)issement
de sens est volontaire. En revanche. on trouve également des penseurs
musulmans. tels Al·Tabarl. Al·Chazall. Ibn KathIr et Ibn Khakloun. qui
confirment llntégrlté du te.te biblique transmis par les chrétiens et les juilS-
Par ordre de fréquence, les personnaaes bibliques le plus souvent
mentionnéf sont Moise. Abrahaan, N~ et Adam. Des références multiples
sont faites également l Jacob. à David. et l Salomon. D'autres personnages.
328 Cinquième partie: L'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

tels Loth, Isaac, lsn1aêJ el Aaron, sonl mentlo1}nées parfois seuls et parfois
dans le cadre d'u11 r éciL concernant un autr e personnage plus connu. Le récit
le plus complet que l'on ait de la vie d'un personnage reste celul <le .losep1'1
(sourate XII). Des versions assei complètes des histoires de Noé, d'Abraham
et de Moïse existent également, biea que pour reconstituer toute leur hlsto1re
i l fallJe regrouper plusieurs sourates. On Lrouve aussi une brève mention
d'itlle, d'Elisha et de Job. Jonas est le seul personnage des douze livre$
prophêtiques de la Bible Judaïque qui soit 1ne.ntiono~ (avee peut-être Élie aux
sourates xx1. 85 et xxxvm. 49).
Dans les résumés d'histoires bibliques qui vont suivre. relatées dans le
Cora1t, vO\IS t rouverez au début de chaque partie la mention des fai ts
racontés. puis une slml)le allus1on à d'autres textes traitant du même sujel.
Certains événements. qui sont mentionnés dans le Coran mals pas dans la
Bible, sont suivis d'un astérisque (').

L'histoire d'Adam
Le récit le plus complet de la créatJon se trouve dans les sourate..c; li, 30-39;
VII, 11·31 et XVIII, n -85. Dieu Informe les anges de son intention de créer
un kl~alifa• (il représentant•) sur terre. Les anges se montrent réticents..
en faisant val oir le fait que les humains serot•l Portés au JJéc.hé ta11dis que
les anges glorifie.nt natu.relfement Dieu. Dieu crée Adam de la poussière
et insuffle son esprlt en lui. Il enseigne à Adam le noln de loutes choses.
À l'h1Jonctlon de Dieu, les anges se prosternent• devru1t Adam, sauf lblis qui
refuse parce qu'il est créé d'une nature st1périeur e, cel le du feu. Dieu c hasse
alors lblis du j ardin n1als lui per1nel de tenter les hommes•. La sourate XX,
115 1nentlonne un pacte entre Dieu el Adam•. pacte qu'Adam oublie de
respecter. Dans le jardin, Dieu dit à Adam et à son épouse (anonyme) de
ne pas s'ap1>rochet de «Cêl aJbre• {il n'est fait allusion qu'à un seul arbre).
Satan (lblis) les tente en leur disant qu'ils vivront éternellement s'ils mangent
du frult de cet arbre. Céda1lt à la tentation, l is en mangent effectivement et
couseJlt des feuilles pour couvrir leur nudjtê dont ils viennent de prendre
conscience. Dieu les chasse do jatdin et les envole sur terre. Enfin. Adam
clema1l<le pardon à Dieu et promet de le suivre*.

Dans La tradJtlon must1li11ane postcoraniql1a. Dieu envoie les anges Ga"briel et


Mict,eJ sur terre pour prendre de L'argile qui servira à créer Ada,m . Quand ln
terre refuse. Dieu envole l'ange de La O\Ort qui p rend de 1'argile rouge, blanche
et noire, représentant les trois races humaines. afin de rabriquer .l\.dam. Dieu
crée tve du bout de la côte d'Adam. tve fabrique du vin et Adarn s'e11ivre.
Satan s'introduit rurtiveinent dan.s le Jardin en se mettant dans Ja bouche
d'un serpent pour tenter Adam. Plus tard, sur terre,, Adam construlL la Kaaba,,
y plaçant la Pierre noire envoyée du c iel, Adam et Ève font le hadj.
_ _ Chapitre 17 : Islam, judaïsme et christianisme : les trois religions du livre 329
Dieu n'accepte le sacrifice que d'un seul des deu.x frère~c; sans que l'on sache
duquel il s'agit. Quand Caïn menace de tuer Abel. ce dentier refuse de se
venger". Dieu envole un corbeau qui gratte l e sol à l'endroit où Cain doit
enterrer so11 frère•. À ce mo1ru;?rlt·là, Cain se repent. Le texte dit que tuer un
homme revient â tuer toute l'humanité, et de mëme sauver une personne
revient à sauver toute l'humanité•,

Abraham, Loth, /smaë( et Isaac


;\braham est mentionné dans 25 sourates, les récits les plus longs figurant
aux sourates Il, 124-141. VI, 69-83, XIX, 41-50, XXI, 51-72 el XXXVII, 83-113.
Abraham est un prophète apportant un livre• ( Liii, 37), un imam pour les
nations•. le premier musulman (Ill, 67), et un adepte de la voie droite• (XVI,
121). Abraham est au départ enclin à l'adoration des créatures célestes•
n\al$, réalisant sa folie, 11 se résoul à adorer à fa place leur créateur et devient
monothéiste. Il réprimande son père qui a le culte des idoles• et les détruit"'
(XXI, 58 - 65). Quand les hommes essaient de le briiler, Dieu le sauve. li part
pour Canaan (XXXVII. 99). où Il reçoit la promesse d'avoir une nombreuse
descendance et une alliance (U, 125). La promesse biblique de la terre n•est
pas mentionnée. Des ,atlges v iennent informer Abraham de la naissance
prochaine de son fils Isaac (XI, 69-76). Ils lui racontent la destruction cle
Sodome et Abraham plaide en faveur de Loth.

La sourate XXXVII. 83~11 3 raco11te l'l1i.stoire du sacrifice du fils d'Abraham


(dont le nom n'est pas menlionné). Contrairement à la Bible où Dieu demande
à Abraham de lui sacrifier son fils_, c·est Abrahan1 qui dit à son fils ce qui
est sur le point de se produire et le père et le fils se soun1ettent tous deux
à Dieu. Bien que certains musulmans des débuts, dont Al-Tabari, soient en
accord avec la Bible pour ldentll1er le fils comme étant Isaac. la plupart des
commentateurs musuhna1'IS disent que c..-e fils est lsmaêl et que la naissance
d'fsaac est u·n e récompense Abraham pour son obéissance. Les deux fils
sont quall!lés de " prophètes .. La fierté el 11dentllé jouent un rôle dans
la discussion portant sur Je (ajt de savoir que.I est le fils impliqué car les
julfs font remonter leurs origi.n es à Isaac et à sa n1ère Sarah_. tandis que les
musulmans (el plus spéc.iliquement les Arabes) font remonter la leur (ou,
dans le cas des Arabes, leur ascendance tribale) à Ismaël et à sa mère, Agar.
Le Coran mentionne la reconstruction de la Kaaba par Abrahan1 et ls1naël,
l'observance des rituels de hadj, l'in1plantation d'lsmaël et d'autres croyants
à La Mecque, vallée sté rile rendue habitable grâce à la J)rière d'Abraham
(XJV, 37).
330 Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

Joseph : << la plus belle histoire »


La soura te de Joseph (XII) donne le récit le plus détaillé de toutes les
l1istoires de la Bible mentionnées dans le Cora11. Le Coran d it que c'est
• la plus belle des l1istoires)•, Contraireme11t au récit narratif de la ver-slon
biblique, la version du Coran, plus courte, est s tructurE,e autour d'une série
de scènes d ran1atiques contposé es de dialogues avec un minimum de récit.
Se1JIS Joseph et Jacob sont explicitement mentionnés dans la sourate XII.
l:histoire dit que Joseph, Jalousé par ses frèrès, est vendu comme escla'V·e
en Égypte, où n flnil par accéder au poste dïntendanl prlncipaJ du pharaon.
À une épOque de gr ande famine, ses frères viennent en Égypte pour acheter
du grain et, après u11e série de rencontres avec Joseph, toute la famille est
réuoie.

Je ne mentionne lcl <}'1Je c1uel<1ues-unes des variantes de cette llisto1re Llrée


de la Bible et racontée dans le Ct)ran. Un j our. en Égypte, l'él)Ouse du patron
de Joseph essaie de le séduire. li esl centé tnals Dieu l'empêche de céder.
Pendan t Q•>'il court pour s'échapper, la fe:mme déch1r e s~ chemise par
der rière. La c he1n ise d échirée dans le dos atteste que Joseph a essayê de se
sauver p lu t·ôt que (le se jeter sur la séductrice. L'épouse invJte les remmes
à un banquet où, stupêfa.l tes par la beauté de Joseph, elles se <::oupent les
doigts avec leur couteau. Plus tar d . en prison. Joseph prëche le message de
l'Jslam à ses deux compagnons de cellule. Lorsque ses rrè res revienneot-en
tgypte, Joseph révèle son Identité uJ"dquernenl au t>lus jeune (Benjamin, dans
la Genèse). Qua nd, de douleur d'avoir perdu son fils Joseph, Jacob devint
aveug.l e, Joseph luint
parvenir sa chemise en la confiant à ses frères quj
revenaient à Canaan el leur cle1nanda d 'en en velopper leur père pour qu'il
recouvre la vue. èe qui arri\•a. Le père e t les frères retournent en €.gypte et la
famille est de nouveau réunie.

l..a t radition musulmane postêrleure souligne la beauté de Joseph. Toute la


beauté a é té donnée à l'origine à Adam. Et quand Adam a péch é, une grande
part de sa beauté est passée à Jose.p h.

l'histoire de Moise
Moîse est rnentionné dans plus d'un tiers des sourates du Coran. ce qui fait
de lui la pe rsonnalité biblique le plus souvent citée. Les sourates XXVIII.
1-42, VII. 103-71, XX, 9-98 et XXVI, I0-58 résument une grande partie de soo
h istoire.

L'histo1re co1nmen<:e par Dieu qui dit à la mère de Moïse de le mett re dans un
couffin et de le laisser dériver sur le fleuve. parce (Jue le pharaon a ordonné
que tous Jes enfants juifs en bas âge soient tués. Les Égyptiens réc upèreut
l'enfant qui est êlevé par l'épouse du pharaon. Plos tard, elle en arrive A
cr oire en Dieu• (sourate LXVI, 11). La tradition musulmane donne mên1e son
nofn, Asiya, l'une des quat re femmes parfai tes-. le~ 1rois autres étant Mar ie.
_ _ Chapitre 17: Islam, judaïsme et christianisme : les trois religions du livre 331
la mère de Jésus, Khadija, l'épouse de Mohammed, et Fatima, la fille de
Moha1nmed. Quand le petil Moïse refuse de téter. la $œur de f\1oïse fajl venir
sa. vraie mère pour s'occuper cle Ju1. Quelques années plus tard, ~1o'ise voll un
Êgypt ien et un juU qui se battent et il tue J'Égy1>tlen. Se rendant compte que
ce meurtre lui â été dicté sous l'influence de Satan, ~1o'i'se se repenr~.
Moïse s'enfuit li Mldlan et épouse les deux filles de Je1hro. En déplacement
avec sa famille, il voil un jour du feu sur le mont Sinaï. Dieu lul parle alors
e-L lul clenlande de.se déchausser. Dieu donne à Moïse deux signes: le
biton qui se traosforn1e en serpent et sa main qui devlc11t blanche et JuJ
demande d'aller avertir Je pJ1art1on de ses péchés. Moïse, qui a un problèJ'o e
d'éloculion, den1ande à son frère Aaron de raider. Moise CL Aaron \IOOt voir
le pharaon. Le bâton de Moisé <lévore l es baguettes des mages égyptiens'*.
Pharao1'\ tourne Moîse en ridicule et d·emande à son homme de main,
Haman•. de construire une tour• qui puisse monter jusqu't1u Dieu de Moise
(cf. Gellèse 12). Les tgyptlens tuent les enfonLs juifs de sexe masculin (ce 4ul
rappelle le mass.acre des enfanL'i juils qu'a connu ~1oïse à sa naissance et qui
est rapporté dans la Bible). Les Hébreux se plaignent à Moïse cles tourments
qu'il leur a apportés. Moïse accomplit neuf mlracJe.s, culminant avec la
séparation des eaux de la 1ner Rouge, les juUs passant ainsi à 1>iêd sec tandis
<tue tes Égyptiens périssent noyés par la mo11tée subite des eaux après le
passage des Hébreux..

Une rois arrivé a\1 mont Sina'i, ~1oïse passe qlrarante nuits dans Ja monta.gne.
JI clemande à \IOir Dieu n1ais. QUaJ'\d Dieu se révèle. la montagne est noyée
dans l a poussière• et ~loîsese repent d'avoir voulu appréhender la nature de
Dieu. Dieu donne à Moise les ·rables de la Loi. Les Dix. cosnn1andements en
t.a nt· c1ue tels ae sont pas expllctte.rne111 mentionnés dans le Cor ai1. Une fQl$
sur la montagne, le pel1ple, à l'instigation d'Al·Samiri* el contre tes objections
d'Aaron. fait fondre tous les bijoux dont li d ispose pour fabriquer le veau
d'or. En punition, AIASamlri erre de par le nlonde. se lamentant en disant
• ne me toucllez 1>aS 1•. Une tradition postérieu.re l'identifie comme étant un
Samaritain, Issu d'une tribu juive qui existait déjà du temps de Jésus.

Le reste de l'histoire n'est pas rnentfonnê en détail. hor111is quelq\1es


incidents qui figurent également dans les réeils de Ja Bible.

t.:h1stolre du voyage de f\1oïsé avec Al··Khad1r•, le n1ystérieux "homme en


vert• (sourat·e XVIII, 60.82), est particulière. Moise et son serviteur partent
à Ja re.cherche de rendroit ol1les cieux bra.s de mer se séparent, prenanL
un pols:;on avec eux. lis remettent à l'eau le potsso11 qui s·enfuit aussitôt.
C'est a.lors qu'lls reocontrent Al-Kha.dir ~Moise lui deJnande s'ils peuvent
l'acco1n1>agn.er pour profiter de son savoir. A l-Khadlr accepte mals précise
qu'ïls ne devront en aucun cas e:ontester ses actlo1\S. Al-Klladlr rait couler
un bateau, tue un jeune homme et rebâtit le 1nur d'une vilte inhospitaJièrc .
Chaque lois Moise demande pourquoi. Al·Khadir ftnlt par aba.n donner Moîse,
non sans lui avoir donné d'explicallons ralsonnubles à ces actions étranges.
l..t"l tra<lition dit qu'AJ·Khadir est immortel et que, c haque vendredi, Il fail sa
sa/at à Jérusalem, à La Mecque, et à Mêdlne.
332 Cinquième partie: l'islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

Selon des récits ·tradJtlonne.Ls postcoranlqucs, quand (l.1oïsc encore enfant


touche le rr1enton du pharaon, celui-ci, outré, veut le tuer. Asiya place un
tas d'or d'un côté de (\1oïse et des charbons brûlants de l'autre côté. Qua.net
Il tend la main pour atteindre l'or, GabrieJguicle sa Olain vers les charbon.s
ardents. 1'o1oise porte lu main à ses lèvres. C'est ce qui explique pourquoi JI
eut par la suite un problème d'élocution. Quand le pharaon essaie de tuer les
enfants en bas âge, Moise est caché dans un four brûlant et protégê par Dieu.
Le bàton de l\1oïse vient du pren1ier arbre planté dans Je paradis par Ada1n el
a été 1.11 illsé1>ar d'autres pro1>hètes avant lui.

La mort de Jésus
Contrairement à tous les chrétleos. à Ja plupar1 des historiens noa
musulmans et atLX sour ces historiques de l'Antiquitê non chrétiennes,
relatJvernent peu nombreuses. qui acceptent le récit de l'Évangile qui dit que
Jésus a ét~ c rucifié par les Romains. les musulmans. eux, n'y c roient pas car
le Coran nie explicitement sa mort sur la croix. Dieu Intervient toujouts pour
sauver ses prophètes et pour punir ceux qui essaient de leur nulr·e. Dans la
sourate IV. 157-58, • les juifs diseal "·n ous ont avons tué le ri.1.essle, Jésus, le
fils de !\1arie, le 1nessager de Dieu", in.ais en fait Ils n:e l'ont ni tué ni crucifié.
Ce 1l'est qu'un sosie qui l eur est apparu 1••• J. Ils ne l'ont certalnement pas
tué mais Dieu l'a élevé jusqu'à lut •. La sourate Ill. 55 vte11t er'I corn1>lé.ment
quand Dieu dit : • J~sus , je vle1ldrai te prendre et t•élèverru jusqu'à rnoi. •
La sourate IV. l59 dit que, avant Ja mort de Jësus, tous les gens du Livre
croiront en Jut, et qu'il v iendra tén1oigJ1er lors du JugeJne11t dernier. Dans Ja
sourate XIX. 33, Jésus parle 11du jour où il est né, du jour où il meurt et du
jour où Usera êlevé et vJvant 11. D'après ces versets, les 1nusuln1ans disent que
c'est quelc1u·un d'autre c1uf a été substitué à Jésus sur la croix et que.Jésus
lui·même a été enle\1ê au ciel où i.I vit auj ourd'hui encore. Dans les derniers
tenlJlS, Jésus rcvle.n dra, 1>eut-être comme le mahdi attendu (rigure du A1essie
dans 1'islatn), il vaincra l'anti·~l ess i e et vivra pendant quarante aos sur terre.
Il mourra alors (pour la première rots), seta enterré dans- un endroit réservé
J>Ottr lui 1>rès de MoJlammed à Médine et sera ressuscité au Jugement dernier
où, comme rous l es prophètes, li viendra témoig11er 1>our (ou contre) sa
co1n1nun-autE.
Le désaccord enLre les chrétiens ~t les 1n11!;ulmans concernant la crucifix:ion
est lié aux débats concernant la aature de Jésus et la manière dont les
hommes seront sauvés. Le christtan1sme c1lselg1le que J'ltu1narlité est
essê.ntlellenlel'lt 1>éche.resse et que les gens ne peuvent pas surmonter le
pêché seuls. La réden1ptioa triomphe de la pujssance du péché, 1nals cela
nécessite une force d ivine. Jésus • doit • être Dieu afin (le st1rrt\onter le péché
par sa roorL Ainsi. pour Je christianisme. la divinité de Jésus est cruciale.

La con<:e1>tlon du • péché.- da11s J'isla1n est différente : les péchés sont des
actes individuels de désobéissance à Dieu plutôt qta'lnhérents à la nature
humaine. Adan1 a pécl1é C-1\ 1nan.geao1 du fruit de l'arbre. mais cela était dû
_ _ Chapitre 17: Islam, judaïsme et christianisme: les trois religions du livre 333
à son ignorance et à son oubli cle Dieu. t.a solution est de penser â Oieu et
de suivre le c h emi n qu'il a révélé par l'intermédiaire de ses prophètes. Ceux
qui respectent leurs enseignements reçoivent la bénédictlon e,n ce monde
et dans l'autre. Le Cor an ne reconnait pas la crucifi xion. <:e qui s'inscl'tl
dans la logique de son démenti de la Trinité ( IV. 171). Le Coran souligne que
Jésus n'a pas dit que les êtres hv1nahts devaient l'adorer comn1e un Dieu (5 :
116). Ceux qui disent que Jésus est Dieu sont dès incroyants (V, l7). Co1n1ne
Moh ammed, Jésus da11s le Coran est u1l être supérieur, niais simplement un
être hun1ain.

Mohammed dans fa 8ibfe


Outre le p assage du Coran où Jésus prévoit la venue de Mohan101ed
(sourate L.XI, 6), Je5 musuhl1ans trouvent également la mentlon de
Mohantmed dans les prévisions de la Bible. Cette dén1arche s'inscrit dans
le prolongen1ent de celle des chrétiens qui voient dans la Bible l1ébraîque
J'annonce de la venue de Jésus. Naturellement, bien rares sont les chrétiens
qui acceJltent de reconnaitre c1ue les passages t1e li) Bible <:ités p:ir les
musulm ans parle11t de Moha1nmed. De l a mëme manière. les juifs refusent cle
cr oire que les passages tels qu'lsaie 7 et Isaïe 52,.53 se rapportent à Jésus.
Y' Pour les n1usulmans, les références au ParacleL (Jx1ml<le1os en grec) sont
très importantes : Il est ce.l ui que .Jésus, ou Dieu à la demande de Jésus,
en verra après Jésus et en son nom (Jean XIV. 16-26 ; XV, 26 ; XVI. 7 : Il. !).
Les con11nentateul"$ cl1rétlens conviennent que les textes font allusion à
quelqu·un qui sera Jlrése11t auprès de la le\1oe cornmunnuté c hrétlenJ1e
dans la génération qui suivra le départ de Jésus. Le cl1rlstla11isn1e a
naturelle1nent COl'OJl r is cette allusion co1nme une référence à la troisième
personne de la ·rrinlté, le Saint·Esprit. L'islam identifie ce Paraclet
con11ne élanl l\1ohanl n ted. Cette vision des c hoses est tout aussi valide.
ou inacceptable que celle des chrétiens qul parlent cle Jésus comme
étant • le serviteur souffra.n t •,comme daos Isaïe 52-53.
.,... Dans le Deutéron orne XVIII, 15-18, Moïse dit aux Hébreux que Dieu fera
venir p-0ur eux un prophète issu de leur 1:>eu1, 1e. Les juifs de l'époque
comprl r"ent c1u'U parlait d'un prophète hébreu. Certains chrétier1s
on t réinterprété ce passage comrne faisant rérérence à Jésus et les
1nu_$ulmans y onl vu à leur tour une référence à Mol1amtned.
Y' D'autres te.xtes bibliques sont c ités mals Us sont moins importants que
Jes deux cités plus haut. Par exen1ple, les proolesses raites à lsn1aël dans
Ja Genèse se seraient acco1nµ lles avec la venue de Mohammed (Genèse
XXI, 13). Le passage d"lsaïe XXI, 13- 17 es1 censé se rapporter à la bataille
de Badr en 624. tandis que le verset t iré d'Habakkuk Ill, 3 <:sl censé se
rappor ter à l"/iijru de Mohammed de La Mecque à Médine en 622. Ces
textes ont convaincu les musuhnans tnais pas les autres inletprètes non
rnusuln1a11s cle la Bible,.
334 Cinquième partie: L'islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

En résumé, les 01usu_ Jma.n.s én toute sincérité et tout à fait natureJlen1ent


lisent la Bible h la lumière de leurs croyances d'une révélation <1ui
s'inscrit dans une progression et culmine ave<: la révélation coranique. Ils
réln1erprète11t les 1>assages bibliques en leur donnant une signlf1c.atlon qui
n'avait jamais étë envisagée ava.n t l'lslan1, de la même façon que les thrétier1s
font slncère1nent la 1nême chose avec la Bible hébraïque. tvldemment, l'un
des facteurs de tension entre les religions Issues d'Al)ral1am est l'utilisation
qui peut ëtre perçue coin me nbusive de rtcriture sainte par un membre
d'trnc autre reUgion du Llvre.

Les musulmans et les autres reli9ions


La sourate V.18 dit: •À.chaque lcommunauté) p._1rml vous. nous avons
prescrit une lor et une vole ouverte. Si Dieu avaJI voulu. il aurait pu faire de
vous un seul peuple. ~1ais il a soul1aité vous mettre à l'épreuve dans cc qu'U
vous a donné. Aussi, efforcez.\ro·u~ de faire Je bien les uns env ers Jes autres. 11

Ce passage exprime une conception m usuln1ane posltJve envers les at.1t res
religions. Bien qu'il s'en pre1111c au 1>aganlsme arabe, le Coran est plutôt
a1n blgu en ce qui concerne les chrétiens et les juifs . Cettalns passages sont
favorables et d'autres moins. En r aison du CO•tteJ<te historique qui a fait
que le contact avec des personnes d'aut res religions a surtout concetné
les relations avec les chrétiens et les Juifs. le Coran 11c dit rien au sujet de
l'hindouisme et du bouddhJsine. Avéè le temps, le s tatut s pêèial des chrétiens
et <les juifs en tant que" gens du Livre•• (en référence à tout.es les ~rit.ures
saintes qui dérivent du n1ênl e livre ou de la nlême parole céleste venant
de Dieu) a élé étel'1du au.x adeptes d'a.u tres religions. tels les zoroastriens
(aujourd'hui les parsis), et par quelques théologiens musulmans aux Hinclous
(qui, natur eJle1ne1lt, ont leurs propres tcrltures saintes, telles que les
U1>anishads, les Vedantas, Jes Pu·r anas et d'autres encore).

Deux traités histori'{ues


Mêrnesi certains historiens modernes peuvent remett re en cause <1ueJques
détails des récits tradltlon1teJs des débuts. dêwc traditions anciennes ont un
rôle ht'IJ)Ortant en ce qui concerne la manière dont les musuhnans traitent les
adeptes d'autres rel igions.

Le trailé de Hodaybiyyah que Mohammed avalt conclu avec les habitanls


de La Mecque en 628 fournit un modèle cle paix pour tr aiter avec un ttat
non musulnl an. référence toujours d'actualité pour beaucoup de mtasulillans
dans la codification de.s relaUons entre un t!.tat n1\1S-ulman et un État non
musulman. Un autre docurnent, connu sous le nom de traité d'On1ar. est
censé avoir été signé quand Omar a conqu1s Jérusalem en 637. JI fixe les
_ _ Chapitre 17 : Islam, juda'isme et christianisme : les trois religions du livre 335
règles permettant à de• chrétiens et à des juifs de vivre dans un Ê:tat
musulman. ces règles pouvant facilement être appliquées à des membres
d'autres religions (cl chapitre 4).

Pendant la période lnltlale d'expansion de l'Islam. nombreux sont les


habitants des terres conquises qui ont fait bon accueil à la règle musulmane,
jugée prél&able à la domlnallon (persane) byzantine ou sassanide. En
général. Us n'ont pas été lords de se convertir à l'Islam. li était d'ailleurs
plutôt dans 11nt·érët de la communau1é musulmane que tous ne se
convertissent pas en m~me temps, pour des raisons llnancières. ToujOUrS
est·ll que l"obligatlon Incombant à un t1a1 musulman de faire la guerre aux
t\ats non musulmans afin de ~s ame:ne:r à vivre sek>n la loi de Dieu a bien sûr
suscité des sentiments négatlls envers 11slam.

Le statut de dhimmi (proté<JéS)


La loi Islamique prévoit un s1a1u1 spé<:lal de protection (dhimml) pour les
julls et les chrétiens et. plus tard, pour d'au1re.s •gens du Uvre •. Sou,,ent.
ces croyants, comme dans l'Empire ottoman, ont bénértclë d'une lmporrante
auto11omie Interne et out é.tê rt.présen1és au gouvernement musulman par
le chcl de leur communauté religieuse. SI les religions minoritaires ont été
mieux trait~es dans les pays musulmans que les Jt1tfs et les musuln1ans dan.s
les nations chrétiennes, ce statut de pro1ection dt.s minorités religieuses
(dhirnmi signifie• protégé•) impllquall une discrimination tant sur le plan
rellgleux que sur le plun clvll c1ue personne n'accepternlt de bon cœur
aujourd'hui.
Out l'e les ln1pôts spéciaux c1ul étalent prélevés chez les no11-1nusulmans
dhi1111,,; (en partie J">Our conipenser 1e fait qu'iJs ne servaient pas dans
l'armée), d'autres obllgatlons leur ont été Imposées:
v Ils n'avalent pas le dro1t cl'nfficher OAlenslblement leur appartenance
relJgle.use afin <le ne pas potttr ombrage aux musulmans.
v Ils ne pouvaient pas appclet publiquement à assister à leurs services
religieux.
fi' lis ne pouvaient paB porter les armes, revêtir une armure ni servir dans
l'ar1née•
.,,,,, lis avaient l'interdiction de convertir lts musulmans à leur religion.

Le statut des minorités rellgleuses dans les pays musulmans et leurs


relations avec la ma}orlté musulmane ont évolué en fonction des dirigeants
et des époques. t:tgypte. au cours de toute son histoire, a toujours eu
une minorité chrétienne Importante, tout comme le Liban d'aujourd"hul
Les gouverneurs muwlmans de l'Inde ont dû trouver des moyens pour se
concilier les bonnes grlces de leurs sujets restés hindous. La domination
336 Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

d'.A.kbar au xw siècle a supprimé la plupart cles reslrïclions hnposées aux


Hlndous, mais son arrlère-petlt-fi1s , Aurangzeb. est revenu sur cette politique
conciliante d'Akbàr et a supprimé l'égalité de traitement des différel'lts
croyants. En Asie du Sud et en JnclonésJe, certains soufis ont des relations
posJtlves avec les bouddhistes et les hindous, tandis que d'autres musuhllao.s
les voient d'un mauvais œll. Les lois llmltant la liberté religieuse des non·
musulmans sont en v1gi1eur aujourd'l\ul dans quelques pays musulmans, tels
que l'Arabie Saoudite.

Un dialo9ue interreli9ieux en marche


L'histoire du d ialogue interrelig1eux avec les «•USltlrnans a co111mencé avec
certains des premiers califes <1ui ont favorisé les débats tbéologlques à la
Cour C-1ltre 1nusul1nans et non..musulmans. J'>Jus tard. J)<:nd.ant des pérlocles
limitées. un dialogue fructueux s'est noué entre les musulmans, les julfs el
les chrétiens en Espagne. Par la suite (au xv1" siècle), l'empereur moghol de
l'Inde, Akbar, fut un .fervent parlJsan du dialogue interreligieux â sa Cour où IJ
voulait encourager la r echerche de la vérité religieuse. où qu'elle se trouve.

Dans les temps ntodernes, un 1nouve rnent organisé pour le diaJogue


lnterr eligieux a surgi pour la première fo is dans les années 1960.. Cévénement
principal en fut la" déclaration sur la relation de l'~glise avec les relis.Ions
non chrétiennes• hliliée J)ar le concile Vatican li en 1965. Selon cedocu1nent,
te salut ~tait possjble non seulen1ent POUr les c hrétie.rts majs également pour
les juifs et les musulnla11s. À partir des années 1960, un certain no1nbre de
conférences lnterreUgieuses internationales de haut nlveatt se sont tenues.
certaines à l'initiative de mu.sull1larlS. d'autres de chrétiens. De temps en
temps, des juifs ou des membres d'autres religions y participent égaiement.
De nos jours, U existe un cer tain nombre d'instituts modernes quJ prône11t
le dialogue relig.ieux., dont plusieurs en France, aux Ë•ats-Unis, en Grande~
Breta~ne ou en Inde: le Ce11ter for Muslim-Christian Understanding (à
l'université de Georgetown University, Washington, OC). le Dune<1n Black
McDonald Center for the Study of is lam and Christian·Muslim Relations (au
séminaire de Hartford. Connecticut). le Centre for the Study or Islam and
Christian-Muslim Religions (à l'université de Birn1ingha1ll, Grande-Bretagne),
l'lslamic Foundatlon (à Leicester. Grande-Bretagne) et le Henry Martyn
lnstitute (Hyderabad, Inde).
l ...a Fraternité d',\braha1n, qui agit en France depuis des décennies, vise
à rapprocher les t rois religfons monothéistes en organisant des di ners.
des séminalres. des dé.bat-; el des voyages. Depuis peu, une émission
de télévision intitulée 11 Les Enfants d'Abraham • existe sur Dlrect 8, une
chaîne française généraliste.. Son but est de traiter les événements de
l'actua.l lté politique et sociale française ou internatlon-a.Je en s'appuya n~ st.1 r
trois spécialistes de ces religions. Plusieur~ Initiatives sont prises par les
_ _ Chapitre 17 ; Islam, judaïsme et christianisme: les trois religions du Livre 33 7
autorités publiqties. donl la ntairle de Paris et les ma.iries des grandes v ille.i;
françaises pour favoriser ce dialogue. EIJe s'ajoutent aox én1lsslons té1é
du d imanche 11tatin (S\lr France 2) et aux publications remarquables sur la
c1uestlon du dialogue interreligieux c1ue la plupart des éditeurs cherchent à
populariser. Parntl tous les magazJnes francopl1ones ou strictement français
qui traitent cle relîgion, le A1011de des Religions, publication laïque, parait
tous les deux mois et tente de faire la synthèse de l'ensemble des courants,
opinions, philoso1>llies et activités des ·religions en France el dans le
monde. Vous pouvez joindre ses anhnateuts, en particulier Frédéric Lenoir
(directeur), e t Djénane Kareh Tager (rédactrice en chel) à l'adresse suivante:
contact@lemondedesrel1 glons. f t ou sur le site www .1 e 11onde·des· rel lglons .fr

Principes de dialo9ue
Pour rencoatrer des personnes d'une autre reJigion que ta sienne. le
mieux est encore de raire parlie de l'une ou l'autre de c-es organisations
interconfel;$i01) 1)eltes ou de les approcher. Vous découvrirez a1n$1 non
seulement une autre religion mais \'OUS connaîtrez égalernent de manièr e
approfondie des personnes qui ont une foi différente de la vôtre, ce quj sera
un enrichissement mutuel. Dans ce dialogue lnterreligieux. iJ est irt'.IJ>Ortant
de respecter un certain no1nbre de critères :
V Faites p~u ·ve d'empalhJe: chaque partie cloit faire un effort honnête
pour apprécier à sa juste valeur l'attrait de l'autre religion pour ses
rne1nb:res et comi>rendre comment la religior1 fonctionne el a du sens
pour ses adeptes.
v N'utUlsez pas les tentures sai_oteJ> à n1auvafs escient: dans le dialogue.
vous ne i>Ouvez pas appliquer rtcriture sa.lote tie votre J)ropre religion
pour dêterm iner Ce (lui est valide ou lnacce1>table dans l'autre religion.
Si vous le faites, aucun dialogue ne pourra avoir lieu et chacun se
contentera de citer ses propres textes â titre de preU\'e.
v Restez ouvert au change1nen1 et à la remise en cause : les par ticipants
ne sonl pas ve11us u11lque111ent pour 1>rêsenter leur optique reJlgleuse
sans tenir compte de ce que cliL l'autre partie. Sinon. il ne s'agit plus <l\.1n
dlaloguc mais de deux 1nontllogues inlassable.ment ressassés.
"'Gardez-vous de8 ju_gcm.e nts sommaires et des polémiques: au<:uo
dlaldgue ne peut avoir lieu si l\111e tles cieux parties se contente de
d'é11oncer tes positions de l'autTe. Le dialogue n'est pas vn déb.1t clans
lequel run cherche à do1niner l'autre.
v Fttit e& preuve de réclprocJté ; appliquez à vous-mtiJne, à votre propre
religion et nu.x tcritures saintes les mêmes normes que celles <1ue vuus
appliquez à la religion des autres.
V' Gardez-vou• dc.o prêjugés : Us partent du principe que les questions les
1>lus sensibles sont déjà résolties ou qu'elles ne valent pas la peine d'êt rc
abordées.
338 Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

v Veilla à éviter leo g~ntralbations biitlve1 (pooltlve1 ou négati,'es) :


cela. r-end plus ol>sc:ures les ambiguités cl les c11ffé.rences d'une rellg1on à
une autre.
V Abordez. a,·ec fro11cblse les z.ooes de déaaccon:I : ftC soyez pas trop
susceptible c l ne vous sentez pas lnsullé 1rop ra1>ldement
v Évita l'utllloallon •ile< live de passagee de l'tcrlture oalnte, de la
Tradition ou de l'hl•lolre eo abonlant de• oujeto de dlscu55ion :
mentionnons par exemple le fait de citer uniquement des passages du
Coran qui parlent de violence pour les comparer aux passages de la
Blble qui parlent exclusivement de l'amour et de la pai x - ou v..:e versa.

L'at!enir des relations interrefigieuses


Dans une cer1alne n1csurc, le dialogue prospe<.:tlf esl toujours affecré
par des événements polltl<1ues aux niveaux régiontil et International. Les
perspectives diffèrent selo11 chaque pays : par exenlple, le conflit nctueJ entre
les Palestiniens et les lsraéllens ne crée pas un cllmnt de dialogue salutaire.
De petits grou1>es de personnes des deux bords es.salent d'œuvrer pour
la paix. la justice et la tolérance. mais leurs actions se retrouvent souv~nl
en butte à la m'l)orll~ de leurs rorrellglonnalres En Inde actuellement, les
t~$iOns persistantes entrainées par le conllit portant sur le C.acl1emire et le
nationalisme hindou croissant contrastent avec la sltuatk>n qui prévalait au
début du xx< $iècle, quand musulmans'" Hindous pank:l~rem ensemble au
mouvement pour l'lnd~1>e11dance du pays iace à la dornh\at ion britannique.
Heureusemen1, actuellement. les contacts e.ntre les membres des diverses
co11fessions contlnuenl à se développer da11s le monde. et la plupart des
chefs politiques nntlOn{'ux encourageat publl(tUCnlent la tolérance religieuse.
Chapitre 18

rislam face à lui-même :


enieux et défis
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
!>ans ce chapitre
.... Perspectives pour une dé11loc ratle ntusuhnane
._ Con1prendre les réforn1lstes nlusulnluos
.... Une forme de gouvernement islt1n1lque: Khomeiny el la république d'Iran
~ Regards sur l'Afghanistan, les 1allba11s, Oussama Ben Lad en et A l.()alda
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• •• • •••••••

b~
C: e chapitre constitue une Introduction à la place de l'lsl•m dans un
monde globalls~. Vous y trouve= des commentaires el des propositions
sur la manière dont l'Islam pourrait faire face aux défis qu'il doit relever.

Petite histoire de la démocratie en Islam


La démocratie est devenue la llOr1ne à laquelle se réftre, au 1nolns en paroles,
la majeure partie du monde moderne. En 2004. le rapport des Nations Unies
sur le développement humain arabe notait que si, li y a vln.gt ans. U était rare
de trouver des régimes dt!mocrallques dans la majorilt! des pays en vole de
~veloppement, le monde arabe se retrouvait d~ormals à la traine derrlm
d·aulre$ régions du monde en développement dans le n1ouvtme.n1 vers la
démocratie.

À la fin du x1x' slècle el au début du XX'. les modernistes n1usuhr1an1 tels


que le Tunisien Kheyreddlne ( 1822°1889). l'tgyptien Moh11mmed Abdouh
(1849·1905), l'lndo·P•k1•1a11als Mohammed lqbal ( 1876- 1938) et le Pakistanais
Mohammed Ali Jinnah (1876°1948) ont envisagé d'adapter l'Islam à la
1nodet n1Lé en introduisant quelques réformes inspirées pur l 'ex p~rlence
occidentale. tout en nlalntenont une identité musulmane au1 hentlque. Cette
1nodernlsation est habltue:llen1ent allée de pair avec une œrt.nlne forme de
gouvememenl démocra1lque dans le. pays musulmans postcolonlaux. 1ou1
34 Q Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

en assumant le faJt que la démocratie en Islam ne pouvait pas se contenter de


reproduire les schémas de la démocratie en Ocddenl .

Islam et démocratie sont-ils compatibles ?


Le droit 1n1etna1Jonal e1 les-déclarations sur les ot quo Io gouve1 nemen1 feprésente la volonté
droits de l 'hon1me reconnaissent le droit des du peuple, alors que le gouvernement is1ami 4

personnes à prendre part à la gouvernance de que lncerne la volonul de Dieu telle qu'elle est
leur pays. Le monde musulman, et partlcujlère· exprl111ée par If charia. Beaucoup de mu1ufmans
ment le monde arabe, no se sont guère montrés perçolvont la démocrB1ie comme une impor·
pross6s d'évoluer vers une certaine forme. de tatlon occidentale et 1•en méfient de manière
régime dômocra11que. Certoins pays musulmans quui réflexe. o·eutres regardent les démocre-
ont un système démocratiquesurle papier mais, l•OS de papier qui ont émergé dans la période
dans les f11ts, li s'avère que cette démocratie postcolon1ale et voient la démocratie comme
est d1r196e par un seul pani pofîtique. souvent une expérience qui a échoué dans le monde
donun6 par un homme fort ou une.caste milnaire musulman Ctrt11ns Occidentaux soutiennent
o·eutru ttats musulmans sont dirigés par des que la démocratie est et sera -1ncompat11Jte
mo'11rch1ts hirécfü11res. On esume quo plus dil a'iec l'l:Slam ~rct qu*etfe repose sur des.valeurs
11 moitié des musulmans dans te monde vi'V-ent qu'ils 1ugen1 contraires a la charia islamique.
actutllemtn1 dans des démocraues qui !one· Beaucoup mttttni en doute la volonté affichée
t.anntnt effectrvrment comme telles. ycompris par tes mouvements 1s11mtSt1s da promouvoir
11 Turquie, le B1nglad•sh. rtnde, l"lndonés1e, 11 dfmocre11e. dts lors qu'ils ne cherchera;ent
l'lren 1111 M1ht1sie. qu'à l'ut1h.ser pour prendre le pouvoir lêg1time.·
ment. Après quoi, !"hypothèse la plus probable
Le démocr1t.1e est..elle compatlbl&-avec r;slam 7 qu'ils s'en débarassera1ent aussrtôt. la
A chacun son oplnton les musulmans qui serait preuve étant co slogan · " Une seule personne,
1aje1ten1 la dêmocralle précisent que dans ce
une soule voJx, une seule fo•. 11
genre d"organisatlon poli1ique, le puissance el
l'autohté du gouvernement viennent du peuple,

Dans le monde poSlcolonlal, les pays musul mans on1 été plutill des
monarchies ou des démocraties de pure for n1e- t.n effet, contme dans les
pays commun!st es, la forme de gouvernement pouvait donner l"lmpres$lOn
0
d e1re démocratique alors qu'en réalité tl n'en était rien. Certains l':tats
musuln1ans sont passés sous la tutelle de partis soci&Ustes qui ont lnstUué
la règle du parll unique (comme en Irak, en Syrie, en Ubye. en Algérie).
n1~me si les partis d'opposition existaient rnals uniquement de façon
symbolique. Certains l':1ats ont connu un rfglme militaire (tels l'Êgyp1e. le
Pak istan. l'Al gérie, le Pakistan. le Yémen ou la Turquie à un cerlain moment
de leur h1stoire). bien que ce type de gou,rernen1ent alt toujours été comprls
comme é1ant provlsoire. destiné à d isparaitre d~s que les cond itions le
pern,ettralent. Parce qu'ils c.ralgnalenl que çela ••e débouche sur des rég:in1es
Islamistes. que cela n'engendre u1}e politique antlocclclentale ou que cela
ne d éstablllsegrandemeat les pays, les €tnts occlcle n1a ux ont e ncouragé la
_ __ Chapitre 18 : l'islam face à lui-même : enjeux et défis 341
répression de certains n1ouvements démocratiques en Irak. en Iran (avant
la révolution de 1979), en A lgérie el ailleurs. Il laut reconnaître <1ue ces pays
Olll souvent eu à faire race~ des problèmes particulièrement cornplcxes
- ma1aise Interne, population non1brcuse et chômage 11·n porta11t {notamment
chez les Jeunes), rnanque de ressôurtes f1aturelfes et d'infrastructures - qui
sont l't1alheureusement et gt:né ra len1ent un lreln au dévelo1>pe.me.nt de la
démocratie.

En dépit de périodes de régime mlll1alre. le Pakistan d'aufourd'hul


fonctionne dans une certaine mesure ron1me une démocratie. Après de
longues périodes de gouvernement dictatorial sous S..karno (1901-1970)
et S..harto (né en 1921). 1'1ndon6sle est elle aussi devenue une démoeratie,
de meme que le Bangladesh ou)ourd'hui. En Malaisie, en dtplt d'un régime
politique monopolisé pendant longtemps par un seul homme. plusieurs
pal'tls polltiques pnrtlclp<'-nL activement à la vie politique. Les 1nonarchjes
telles celles quJ sont au POuvolr en JordanJe. au Maroc et dans certains des
~tais les plus petits de la péninsule arabe ( Bahre'i n, Koweîl) ont commencé
à Initier un processt1s dé11l(>crn1lque de participai ion po1,ulalre à la vie
politique du pays. La Turc1ule enfin. en dépit des périodes de régime militaire.
u t aujourd'hui une démocra.lle f lablie. gouvernée depuis ta victoire a.u x
dernières élecUons de l'AKP (ou Parti pour la justice et le développement)
par une majoritë religieuse et <:onservatrice...

Méme certains rtformlStes de l'Islam déclarent rechercher la dM>oeratie.


Dan$ ce.ttalns cas. cet tngagemcnl semble sincère. Dans d'autres. èes
déclarations d'attachement à la dén•ocratle peuvent ne rclc~r Que de
ruanœuvres politiciennes. C"t.st notamment le ca.s lorsque le.s mllltalres du
llers·monde prétendent gouver11er en attendant l'avènenlcnt d'un régime
démocratique. En atten<lant, Ils y sont pOur c.ertatns depuis un c1unrt de
siècle. et parlols bien plus...

li .5'(1vè;.re 1>rudenl de raire f)reuve d'un optirnisnle 1nesuré quant ll\l Pr'Ogr'èS
de la démoc,.atle dans les 1>ays 1nusuln\ans. Les extré1nlstes lslrunlstes
fornlent certes une partie r~uile d.e la population de ces pays, 1na.ls une
partie militante. Il esi donc encore dllficfle et risqut de faire des pronostics
pour ravenir.

{lue/le est la situation de l'islamisme


aujourd'hui !
Contra~ te et diversité sont les (Jeux termes qui s'appllqucn1 à la situati<.)n
actuelle. En Jran. au t>aktstan, en Afghanistan, en Arabie Saoudite. au Soudan.
~u Nigeria. en Palestine e.1 en Son1aJie, où les rellgle.ux sont aux oomn1a1ldes
des tlats, le passage à l'acte violent est eondamné du boui des lèvres. sauf
s'll touche aux intérêts corporatistes du régime. li faut dire que l'•lslam
3!, 2 Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain : culture. religion et société

politique• sécrète 1taturellen1ent un Islam mllltalre fondé sur la confrontation


"'""'les tyri1ns à la solde de l'Occident (une phraséologle très usitée dans
l'Islam chiite) et avec les mécréants (kouffar) ou ennemis d'Allah ('udiyân
Allah) qui es! une phraséologie en vigueur dans le sunnl•me.
En Algérie, la décennie qui vlenl de s'écouler cl le pacJe Initié par Je pouvoir
- qui accorde une 81'âce (roh111a) a11x is lamistes ayanl pris le maquis et qui. de
ce fait. peuvent déposer les armes - leur donnent un crédit et une puissance
jamais égalés auparavant. Ils afrlchent maintenant dans l4' r\1e, au vu et au su
de tous. des convktlon.s rellgîeu.ses extrë.mement conservatrices..
En tgypte. le parti pseudo-légall$Je des Frères musulmaM est la deuxième
force du pays, tout de suite aprês le parti du président, pourtant sans
partage au point de vue de la propagande et des ~las . En réalité. les Frères
musulmans sont déjà la première loroe morale du 1>•Y•·
Au Maroc, les islnm1s1es son1 aux aguets. lis n'attendenl qu'une occasion
ravorable pour s'emparer déflnitivemetlt du • gouvcr nc111ent Invisible•. celul
qui pilote réellenlcnt les couches soclaJc.<i; les plus modestes.

face à ces défis. le& 111\1sulmans n·ont qu·unc seule vole où 8'engager:
combattre la misère. réduire les Inégalités sociales et donner plus de gages
aux lon::es vives de la na.tlon. à commencer par la parole démocratique. Un
challenge puissant qui relève de conditions externes qu'il faut identifier et
aménage...

Ret!endications identitaires des palJ.s


musulmans
Déçus par l'Occident, beaucoup de mus-uhtlans sont tentés de relelcr le
modèle occldeillal pour revenir à un modèle de société vérl!ablement
Islamique.

Qui sont les islamistes '!


Les réformistes de t"lsl111n continuent à exister da1\S les soclétés musulrna_nes,
bien que certains se volent contraints de rester discrets. Le.s traditionalistes,
qui veulent conserver l'lslanl tel quïl a existé depuis l 1é1nergence de la
synt hèse médlévnle, sont toujours présents. Clsla1n radical 1nenace et
conteste leurs prt!tcnllons li la suprématie. La piété pcrso11nelle exprimée
dans Je mouven1ent souri 11'a pas disparu, en d~pit des nt111ques des
matêriallste:s et des lslnnllstes.
Chapitre 18 : l'islam face à lui-même : enjeux et défis 343
Les auteurs emplole11t différents termes pour se référer aux mouvements
Islamistes: on parle de $<llafi.'ftt!!t (en se référant aux ancêtre1)1 <1'1slan1lstes,
d'Islam politique, de renouveau de l'Islam, de réform1sn1c musuln1an, de
néolrnclltlonalisme, cl'lsln1rt r(l(llc.!al, extrémiste ou intégriste. Beaucoup
d'Occ ide.ntau>e en11llolent le ternie qui leur est famlUer de fondoolCJttall~rne.
Les musulmans récuserll l'emploi de ce terme, faisanl remorquer que la
plupart des musulmans sont des tradllionallsies. des tabllghls. des Frères
musulmans. etc. La preuve en est que ce terme s'est appllqu~ surtout
à
certains mouvemen1s ch~tlen.s aux tlats4Jnis. Cependant. dans le monde
anglophone en partk:uller, le te'111<! de londamentall5me est celui qui s'est
Imposé pour parler du mouw.n1ent de retour aux sour«:s qui s'est opéré
dans uo certa1n nombre de religion.s au cours de ces crentc demttres années.
Dans le monde francophone:, on parle plus généralement d'lnt~grlsme.

Les initiateurs de ('islamisme :


trois mouvements
Trois mouvements el leurs fondateurs ont considérablement favorisé
l'êmergence de l'islamisme ou .X- siècle -les wahhabites d'Arabie Saoudite,
les Frères musulmans en r.gypte et la Jamfat-islami du Pakl5tan. Les Frères
m~ulmans et la Jaml'at sont actifs dans un certain nombre de pays et
ont Inspiré d'autres mouvances avec lesquelles Ils sont e.n llalson. Les
wahhabites. forts d'un appui financier Important de la pari de l'Arabie
Saoudite. soutiennent ne:tlve:me.nt Ja diffusion de 11slam dans sa version
wahhabite dans beaucoup de pay•, y compris en Occident.

Le wahhabisme et l'ttat saoudien


Le n1ouvement wahhablte est Issu de r aUlance d'un lntellcéluel 1nusulman.
Mohammed Ibn Abd a l·Wahhab (1703-1791), avec un c hc l de tribu local,
Mohammed Ibn Saoud (mort en 1792). lnlluencé par le juriste médiéval
hanbalite Ibn Taymlyya (1262-1328), Mohammed Ibn Abd al-Wahhab a
préconisé <!"imposer à la f>Opulatlon une forme Intolérante et puritaine de
l'Islam. li a appelê à r"""nlr au Coran et aux hadiths, à releter le soufisme
et à mener le djtha<! contre les musulman$ qui n'acceptent pas son point de
vue. U a rejeté l'innovation (btd'a}. parce que tout comportement doit être
ba•é sur l'exemple de la première communauté musulmane à La Mecque. Ibn
Saoudf qui se réclarne donc autant de son mei1tor direct que d'lbn Taymiyya.
l'ancêtre hanballte. a conquis ln majeure partie de l'Arabie. D~)n. à cette
époque, il a voulu "l>Url ffer" le $Ol 1nusulrr1an <les avatars paTens <1ul, selon
lut, le polluaient.
La fan1ille saoudienne 11 par l' passé é té dominée pnr une or1née ottomane
venue d'Égypte en 1818, mais elle a refait surface aux\• siècle. Soutenu par
les wahhabites, Abdoulazlz Ibn Saoud a rétabli la monarchie saoudienne
344 Cinquième partie ; l'islam dans le monde contemporain ; culture, religion et société

en 1932 et a Instauré comme religion offlclelle de rtlat le sunnlsme dJ>ns sa


venlon wahhablte. À partir des années 1950. la manne pétrolière a permis
à rttat saoudien d'exporter avec succès la vision wahhabite de llslam.
Beaucoup d 'e xtrémistes Islamistes ont d'allleurs pas~ un certain temps en
Arable Saoudite, où Us ont adopté le point de vue wahhabite. quand ils n'y
sont pas nés, tout sJmplemenl !
Le wa.1\llabisrne saoudien est le frull d'une conjonction de radicalisme
th~o l ogiqu ede Mohammed Ibn Abd al-Wahab et d'une volnnté messianique
Initiée par l'ancêtre des Saoudiens d'au)ourd'hui, Mohammed Ibn Saoud.
Résultat, c'est Je régime le plu.s conset\l{l\eur et le plus traditionaliste qu1
existe au)ourd'hui. Il est d'autant plus conservateur qu'il est par ailleurs le
"gar<Jlen des Lieux saints de rlslam, ô savoir La ~1ecque et Médine• et. à ce
titre, l'organisateur du pèlerinage annuel à l..a Mecque.

Recherche d'une « théodémocratie" : Mawdoudi


et la Jami'at·islami
Mawlana Mawdoudi {mon en 1979), journaliste dans l'lnd<! du temps de la
colonisation, a !ondé la Jami'at-islaml en 1941 qu'il a conçue comme étant une
avant-garde révolutionnaire et élitiste. Mawdoudl a été le premier à appliquer
aux aoclêtés non musulmanes du XX" siècle 1., concept de jahiliy)'a {<les temps
de l'ignorance•). qui qualifiait la société polenne à l'époque de Mohammed en
Arabie. Mawdoudi a critiqué les chefs natlonallates qui ont refusé dïnslituer
la lol lslamlque et les oulémas traditionnels li avait l'habllude de parler de
~ th~é1nocratie • pour décrire sa vision d'un t1at Islamique bâti sur une
vision romantique de l'E:tal sous les trois premiers califes. Mawdoudi et
la .lttnlt'at-lslaml se sont montrés modérés dans leur position en\rers J'f.tal
f)akistanais. le crlt1quant parfois de l'extérieur. soutenant p.irfo1s cerLahlS
leaders en particulier. En dépit de l'infl uence Cl de la popularité de Mawdoudl
parn'll lcs n1usulmans dans le monde e11tlc'r (3C3 livres sont encore largement
lus), la Jnml'at-islaml n'a jarnais été beaucoup plébiscitée dans les élections
pakistanaises.

Faire du Coran la ÛJn$titution de l'Êtat : les Frères musulmans,


Hassan Al-Banna et Sa1111id Qoutb
Hassan Al-Banna {mort en 1949) a établi la confrérie des Frères musulmans
tn !lgypte en 1928. Ce mouvement s'esl rtpandu au-delà de rtgyp<e. en Syrie.
en Palestine (le Hamas). en Jordanie, au Soudan et dans d'autres pays. •Le
Coran est notre Constitution•. r&ume leur vlslor' d'un tt&t islamique. Selon
Hassan Al-Banna. les musulmans doivent abandonner la synthèse médiévale
et revenir aux sources de l'islam. À la dlflérence de la Jami'aHslaml (d les
1>aragrapt1es précëdents), la confrérie est une organisation de rcrraln qui, en
plus de son prograin1ne politique vis.ant à lnsl l1uer un État islamique. s'est
engagée dans des projets de services ''ducatils el sociaux au niveau local,
recevant alnst un large appui populttire.. Ce mouveJtlenl a rapidernent atteint
Chapitre 18 : l'islam fac.e à lui-même : enjeux et défis 345
le million d'adhérents dès 1919. Mais quand le Premier ministre égyptien
a E:té assassinê en 1949 1>ar un Frère musulman, l'Rta.t a pris des n1esures
contre la confrérie. H:lssan al-Sauna n été tué par la police de. sécurllé
égyptienne. Une tentative d'nssnsslnat du J>résldent Na••er eu 1951 s'est
enfin soldée par un contrôle plus étroit de l'organisation. et la plupart des
chefs ont été e1n1>rl!>onnés.
Sayyid Qotb (mort en 1966) est la deuxième grande ligure de la conlrérie
des frères musulmans. C'Ht un personnage plus radleal que t\tawdoudi ou
Al-Banna. En v1slte aux €.tats-Unls à la Jtn des années 19'10, li a été dégoûté
par Je matérialisme, le racisme. r~alage de la sexualité et l'lnlluence du lobby
juif sur la politique américaine. Emprisonné de 1951à1964.11 s'est eocore
radicalisé~ Ses livres $Ont largement dlfrus& dans le monde 1nu$ulman : la
démocratJe, le capitalisme, le communisme, le chrlstlanl.sme et le Judais1ne
sont les manifestations d'une conspiration é ternelle co11trc l'àslam par des
forces de lajahiliyya (le pugnnlsme préislamique). Qotb a rejeté la possibilité
de réror1)1er progr essivc1ncnt l'~lnt. 11 prône l'action rév<>l11tlonnalre viol ente
qui peut viser des cllrlgeants, des 1t1usuln1an$ ordinaires non engagés. et
des non-n1usulmans qui sont <léclarés kafir (kouffot; slgntflant hérétiques ou
idolâtres). Qotb a été exkuté en 1966, mals sa mort n'a lait que dt!cupler son
influence sur les extré.n1ls1'& lslamJstes.

L'idéo/09ie salafiste
t:ldée prlnclpale du discours londomeotalisteou salali•te (du n101 arabe
soluf. , ancien .. ou $Olaf a.s·solt1h, ' 1>leu ancétre•) est que l'lslon1 peut. sans
condition préalable, retrouver son lustre d'antan. celui du ca.llfut, voire la
période bénie de Médine.
Cela ln1pllque que les safaf1sles respectent scrupulcu.se1ncnt les règJeis de
vie et de croyance de J'lslanl prh1111 1r et tournent le dos à lôute •Innovation •
(bidïi) qui mellrall à mal leur Credo.

l.:histoire leur donne ralson ca_r. pour les $3.laflstes. l'Islam ~ait en melJJeure
posture par le passé et ne l'est plus aujourd'!lui. Par conH<Juent. la personne
religieuse est relatl'.-ement sanctlllée, de manière un peu obsessionnelle.
On projette sur elle toutes les espérances <Uçues. les vœux de yrandeur à
venir, les désirs non encore &atl.sfalts. À 11nverse. les carênCH du monde
arabe d·aujourd'h11i - Sllr lcsc1uelle.s il y a consensus - seraient hnpt1tabJe-s
nu con1exte pathogène dons lequel l'Occident placerait l'Islam. Et lorsqu'il
y a zizanie enl re deux groupe'1 de musulmans. ch iites..a11nnltcs, ou avec 11n
souverain local - souvent vu c.01n 1ne un pote ntat nu ser vice de l'e11nen1i, un
tyran-. ce serait là encore lié au contexte politique d'aujourd'flul qui, selon
eux, défavoriserait l'isla1n e t le placerait dans une situation confllctuelle.
En un mot~ toul pouvoir qui ne serait pas fondé sur des rtglCJS lslamiques
$Craft dans l'erreur. Et dc>nc Inutile. voire nocif.
34 6 Cinquième partie : L'islam dans le monde contemporain : culture, religion et société

Aujourd'hui. le sa.lansme se préserlte <..'Omme u.o courant n~rondamentaliste


de l'islam. U hé.rite dlrecten1ent d'uae pensée lnsplr~ par les wahhabites
d'Arabie Saoudite el par leurs différents émules dans le monde musulman.
dont les Frères 111usulmans. qui sont dêjà à leurs yeux dé1>assés, Al-Hijra
Wa-Takflr (• l!.xll et Expiation•), autre groupuscule fondumenlalisle, le
Tabligh (•la Prédication .), etc. À cet égard, le •alalisme fédère la plupart des
groupuscules qui nglsseut en vue de redonner à l'Islam so11 lustre d'antan.
d'oille Jcrme souvent employé pour les qualifier, rqj'iya (o réaction>) ou ruju'
(le fait de revenir à de meilleures dispositions). Certains ont voulu y voir une
autre forme de réforme de l'islam. Mals la réalité est plus complexe.
Car s-tJ y a réforme. le s.ala(isme ta pose comme un rempart contre l"ïnvasion
des Idées modernes occidentales et comme l'emprunt que font les Jeunes
musulmans à ce 1nonde--tl, envisaaë comme globale.m~nt paîen. sans foi ni
loi, impur. C'e.;;1 donc plus une contre·réfor1ne à vocation fondamentaliste
qu'un TC11ouveau positif.

Le fait qu'une telle réfor1ne prenne parfois des nllureiJ 1nolns guerrières el
plus piétistes a Indult en erreur certains spéclnUstes occidentaux qui leur
ont prêté: des Intentions semblables à celJes du luthérlanlsme (ce qui est vrai
pour le premier attlc.le : •La reconnalss.ance de ta Bible comme seule autorité
en matière de fol•), mal5 pas pour les conséquence.s pratiques. Je crains
en effet que l'assimilation ne soit que doctrinale. ca.r le combat permanent
que les salalistes opposent aux innovations (bid'a) et aux d~viances (zino)
supposées des musulmans les place plus du c6lé de fondamentallstes lâchés
contre la modernité que de celui de simples moines soldats qui mllltent pour
•un retour lnoffen5lf au Coran et aux prescrlpllons du Prophète• (article ll!lf
de la charte des salallstes).
L'attilude de l'OccldcnL à l'égard du saiaflsme est très umbivalente. D'un côté,
on veut cornbattre toutes tes Idéologies qui prêchent la haine et la mort ;
de l'autre, oit veut 1nénager les salafistes, car Ils se présenten1 localement
comme une médiation acceptée avec les djihadistes. un degré moindre dans
la négation. On sait que les <ljihadistes (« partlsans de la guerre sainte ou
djihad•) préconisent l'usage de la violence et n'hésitent pas à s'enrôler dans
telle ou telle milice locale ou à devenir merceruilres de Dlw en Tchêtcbénie.
en AJghanlstan. en Irak. au Pakistan. en Algérie, en ~•auritanle e1 sur d~utres
fronts encore.
La tolérance à l'égard des salaHstes procède aussi d'une méconnaissance à
peu près complète de ce n\OuvemenL On l"utlllse un peu pour se faire peur et
pour stigmatiser $&ns 1>reuves réeJles des g-r oupuscules qui échappent au
schéma conventionnel cle l'lsla1n ouvrier. dit aussi l 'lsln1n des caves, car
jusqu'à une date récente JI nl ai1quait cruelJemenl cl~ llcux de culte. Ce qui
fait que soudainement, ou périodiquement, on découvre des sala listes à
Belleville, des salaflstes ou Pakistan, des salaflstes à Londres. à Alger ou à
Madrid. D'oil l'idée d'une nébuleuse qui se serolt répandue sur l'ensemble de
la planète. un peu comme li a été dit pour aJ.Qalda. do<11 lc salafisme ae serait
au fond que la version $()(1.
- - - - - - - - - Chapitre 18 : L'islam face à lui-même : enjeux et défis 34]
Aujourd'hui, on en v·Jent à plus de raison. Tous les salafistes ne sont pas
violents, même si une partie d'entre eux peut baSC\ller dans la violence
politique et devient ipso facto djihadiste. De même, tout terroriste violent qui
lait exploser sa bombe n'est pa.s forcément lié à al-Qaida.
Enfin, un kamikaze est sûrement un terroriste violent, mais pas du tout
un salafiste au sens ordinaire du terme, cal' li trahit Je message de paix de
l'Islam. Le contexte dans lequel s'expriment ces groupuscules explique en
grande partie te caractère Inachevé et artisanal de toutes ces opérations.

Différences entre réformistes et extrémistes


islamistes
Les extrémistes et les réformjstes ont <leux v isions radtcaletrlent d lf(érentes
de l'Étal n1u.sulman qal devrait adveair. Les extrémistes disent souvent que
seule leur version de l'islam lncar11e un lslam authenllque. Un Êtat islamique
adopta.nt ce polnt de vue serait à coup sOr plus autoritaire C-l moins Loléranl à
l'égard d'autres !ormes de l'Islam qu'un État privilégiant la voie de la réforme.
Les réfot1n lstes de J'lSJam sont disposés à s 'engager dans un processus
démocratique pour accécler au pouvoir grâce au verdict des urnes.
Convaincus de la nëcesslté du compromis en politi(1ue qui permet d'aboutir à
une solutloo acceptable 1>ar tous. les réformistes sont souvent plus disposés
au dialogue que les extrémistes qui J'rôueat la théorie du • tout ou rien 11 . J..es
rnusul1na1ls soutiennent plus volontiers les réformistes de l'islam que les
extrémistes islamiques.

Les rélormlstes considèrent le djihad mllftalre comme une arme de dernier


recours et sont en désaccord total avec les extré1n istes sur la Question des
attentats.suicides et tout acte violent visant des populations civl1es. Les
mouvements rêformistes de l'islam ne s'engagent pas en général dans des
ac;tes de terrorisme dirigés contre des tlers. Les extrén1istes Q\1ant à eux
Sô\ltiennent que rOcclclent <la1lS son ensemble - «l'Occident impie o, selon
leur lerminologie - est leur ennemi commun e l doil ti ce titre êll'e coo1battu.
Parn1i les groupes extrémistes actirs en Ègypte qui ont rejeté l'approche
re latlven1ent modérée des Frêres musulmans figurent Je Djihad et la Ga1naa.
lslamiyya. À part ir de l'assassinat du président Sadate en 1981, ces groupes
se sont engagés dans des attaques ''isant des étrangers, dêS banques, des
libra.l rtes. des c hrétiens coptes et d'autres cibles pendant les années 1980
et 1990. La réplique du gouvernement égyptien el de l'armëe, si elle n'est
certes pas toujours conforme aux normes internationaJes définissant les
droits de l'homme. s'est avérée e fficace pour élln1lner presque totalement
dès l'a n 2000 les attaques terroristes en Égypte. En Algé rie, le parti religieux
du FIS (Front ls famlque du salut) quJ avaft été autorisê â participer à la
34 8 Cinquième partie: L'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

première élection natlonale llbre en 1991 a rem1)orté une majorité des sièges.
L'ar-m ée est it1terveoue et a arlnulé le dernier tour du scrutin au début de
l'anaée 1992 pour empêcher la vi ctoire électorale prévisible du FIS. De 1992
à 1997, des combats féroces ont éclaté, avec des atrocités commises des
deux côtés par des éléments Uês au pouvoir et surtout pa:r un groupe de
terroristes extrémistes, les GIA (groupe.$ lslan1i(1ues armés). Cepe ndant,
l'extrélnisrne des actions des GIA a entrainé une batsse du soutien de La
classe moyenne qui avait contribué au succès du FIS aux é'lectlons. À partir
<le L997, le gouvernement a réussi à éJimlner la plupart des actes terroristes.
Encore aujourd'hui, quelques attent ats sporadiques arrive.nt à pert-urber Ja
quiétude revenue de ce J)ays et celle de son voisin, le Maro(. Plus jnquiétant
cependant est le pacte que les derniers djihaclistes algériens v iennent de
passer avec at.Qaida. On verta dans les mo1$ à veni r si cette annonce revêt
véritable1ne.nt une menace où s'il s'agit seulement de rodomontades.

Qu'est-ce que le djihad ?


Comme nous l'avons vu au ch-api1re 9, le·sens Dieu. Avec. la hagmentation de l'1sJam en un
premier du m-0t djihad est celui d'« effort». On certaîn nombre d'Ë1ats, la Tradition musulmane
le consi dère parfois comme un sl~lèrne pilleJ a maintenu l'obligallon du djihad de J'êpée pour
de l'islam. Une tradition dit que, au retour d'un la défense de 1•rstam 1ncombanta tout homme
raid militaire, Mohammed a dit aux soldats mtl-sufman.
musulmans qu'Us étaient revenus du petit
djihad mais qu'ils devaient maÎntonant faire SI certains limitent
1
le djihad d6fensif aux cas
lace au grand djihad. Ce grand djihad est celul d'invasion d un État mus-ulman, d'autres le
du cœur qui doil lutter contJe les passions de la comprennent de laçoo beaucoup plus large.
chairUe nais). Le djihad de la langue(la parolel l,es eslarnlstes radicaux nient la validltê da la
distinction entre petil et grand djihad ~nterne
dttfuse les enseignements de l'islam elle dji~ad
et externe-) et Invitent tous les musuimans à
de la main s'engage dans des actions visant à
instaurer la iustice. E11 dernier lieu intervie.nL
prendre partmîli1alrementou de façon violente
Je djlMd de l'épée - la lu!te mllltalre au nom contre ceu1l qu'i1s consi dèrent comme étant ôes
musulmans infidèles ou, de'S: non.. musulmans
de Dieu Dans l'islam cla~s1que, le calife é.tait
obttgé de faire la guerre pour soumeltre les (•un djihad d'enbas ' ·par opposition au djihad
d'en haut imposi.)lar l'autoritë de l'~ta1).
réglons non encore musulmanes à la loi de
- -- - - - - - - Chapitre 18 : l'islam face à lui-même : enjeux et défis 349
Formation d une république islamique chiite
1

Les deux événements des cinquante dernières années qui ont eu le plus
g:rand impact dc1os le n1onde musuln1an sont la création de l'État d'lsraêl e t
la révolution iranienne (pour ~n scavolr plus sur l'Islam tranlen des 1>r emlers
temps. cf. chapitre 13).

A'1ènement de fa ré'1ofution : KhomeinlJ


E:a 1963, le shah d'Iran Mohammed RezaShah Pahlavi, né en 1941, o Initié
sa révolution blanche- ufl progra1no1e de moder nisation+de té(orrnes
foncières et d'industrialisation qui a affecté d'hn1>ortant$ group es en Iran. De
plus e n plus, le gouverne1ncn1 s'est mts à gouverner par décrels, recourant
souvent aux forces de sécurité. la très redoutée Savak, une sorte de police
politique. pour ré1>rin\er la d issidence. Bien que les autorilés religieuses: ne
s'lmpJiquent généraJement pas <laos les afralres polit iques. e"lles sont restées
à pel1 près la seule lnstltutioa à l'abr i de tout contrôle clu gouvernement. Les
sources de revei1us subst.antlelles des religieux et leur réseau d'écoles et
cte tnosquêes é talent devenus le lieu et 1e ri'1oyen de propager les critiques
à rencontre du gouvetnen1ent dans les prêcl1es et <1e mobiliser les foul es
pour les- manifestations. Un religieux re1atlve1nent j eune. Ruhollah Kl1omeilly
(1902-1989), s'est fait connaître en 1963 comme l'un des op posants les p lus
farouches du régime. Dans ses setn1ons. Khomeiny critiquait. le régirr1e 1>0ur
s-01i 1rnltatlon de l'Occident. son appui à 1sraêl, sa nature autoritaire. son
impuissance à réaliser la justice sociale et sa politique de réfor1nes foncières.
Ses ser mons lors de la célébration annuelle du martyre de l'imatn Hussei n en
1963 provoquèrent ~on ar restation. li fut exilé l'auoée suivante en Turquie,
puis en lrak et flna lernent er1France. Depttls Neauphle-le-Château où Il s'étaiL
lns l~ ll é en octo bre 1978. Khomeiny pouvait librement poursuivre sa critique
publique du shalt, sans <1uc celui·cl puisse l'en empê<:.her car 11 risquait de
s'attirer l'opprobre général da11s so11pays.

Khomei ny, dont les ser1-non.s ont été- largen1ent diffusés en lran par l e bi.a,is
de cass ettes. C$t devenu la figure c harismatique autour de laquelJe s'est
cristallisée l'oppôsllion. Depuis la France. K l1omeiny exJgea le rei1versen1ent
de la monarchie. IJ compara le s l1ah à Yaild, le gouverneur omeyyade dont
l'armée avait tué Hussein. Ceux c1ul avaient souffer t sous la police secrète
du shah étaient comme les n1ar tyrs de Kerbela. L.:idéologie religieuse
constitua le langage commun permettant â toutes les forc~s d'opposition au
régln1e de se ·rassembler po11r déclcJer d'une action commune. L'opposition
comptnit des étudiants. particulière1nent les 1noudfahldln radicaux dont
Jes iaclinations socialisantes trouvaient un écho dans les tnilleux chlltes
1raditlonnels ulcérés par l'injtisUc:e, chez les communistes, )es réfor mistes
libéraux, les rellgleux, les pauvres des villes el les négociants traditionnels
du bazar. Le choc pétrolier du 1n lUeu des années 1970 clonnc1 te coup de
350 Cinquième partia : L'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

grâçe au gouvernement du shah. Sa chute survint à la suite crune d ramatique


série de manifestations vers la fin des années J977 et 1978. La mol>illsation
populaJre massive et les grèves nationaJes paralysèrent le pays, forçant le
shah à s'elllulr en tgypte (où Il mourut en juillet 1980) et pe.r mettant le retour
de Khomelny au début de l'année 1979.

Nouflef(e orlentation de ('Iran


Les partJsans de Khomeioy élaient divisés quant à la nouvelle orientation

W
& que devait Jlrendre l'Iran. Les idêes personnelles de Khome·i ny sur le mode
de gouvernement à adopter étalent relative1nent inconnues. Son idée
principale - et théologiquement nouvelle - était qu'en l'absence de l'imam
caché, l'etat devait être guidé par le vifayc1-e-fa9ih, dans lequel un conseil
de religieux et de Jurlst<:s ou 1nême le juriste le plus qualifié et le mellleur
représentant de l'imam caché gWderalt la révolution. KhomeJny a assu1né
cette fonction de gardien ou de guide s1>iritt1eJ de la révolution qui a été
lnstlt"utlonoalisée dans la nouvelle Constitution.
Le nouveao système de gouvernenlent a été massivement approuvé par
un référendum national. Essentiellemenl, ll y avait deux organls1nes
par allèl es de gouvernement : les com1nissaire.s religieux. ou 11 gardiens de
la Révolution •, et le gouvernement constitutionnel avec un parlement, un
Président et un Pren1ier ministre (plus tarti supprimé). Le guide spirituel
devait malnlenir l'autortté suprême., bien que Khome.iny n'ait pas gouverné
à cour>s de décrets autoritaires. Les Instances religieuses no1n1'n èrent des
mollal1s Jocaux, approuvèrent les candidatures au Parlement et à d'autres
organisn·te-s. supervisèrent les tribunaux (parce que la loi lslamtque
constituait la base du droit natlonal) et Je ministère de la Culture (qui
Imposa la prohibition de l'alcool, l'obligation du port du voile et l'éllmlnat Ion
de l'infJue,n ce occidentale, notamn1ent at1 c:lné1na el à la télévisio1\), Des
conseils révolutlo1\nalres locaux. essentiellement des groupes de vlgllance.
contribuèrent à im.poser la révolution dans la rue.
Au cours des premières années. les purges et les procès éliminèrent
bon nombre de groupes d'opposition potentiels. Différents groupes
manœuvrèrent pour trouver leur place. au Sein des organismes du pouvoir
ei1 J;>lace : parmi ce.ux~ci figuraient un g:roupe conset'Vateur de re Hgieux
traditionnels, un groupe ra<llcal l) lù$ Jeune qui souhaitait ardemment
poursuivre sur la voie cle la révolution permanente da1lS le but d'instaurer
la justice so~iale dans le pa)1S et d'ex~>Orter la révolution à l'étranger, et
un groupe modéré d'hornmes 1>rag,m atiques qui souJ1aitait le retour à une
situation normale. s'orientant vers une forme de démocratie et uoe société
plus ouverte sans pour autant reJlOl'•<:er aux idéaux de la révolution et de
la république lslan)ique. Les tensions entre ces dlffére11ts groupes auraient
pu sonner le glas de la révolution, n1ais K1101ne,i ny sut tirer parti de trois
événements pour ra$se1n1>1er les forces de la rëvolution.
_________ Chapitre 18: L'islam face à lui-même : enjeux et défis 351
V L'occupat ion d e l'ambassade américa.ine et la prise d'otages de fin 1979
à janvier 1981 focalisa l'atte11tlo11 sur le' Orand Satan •, eX)lresslon qul
désignait aJors les ttats~Unis. par opposition au • Petit Satan ... Israël.
v La guerre a\1ec l'Irak de 1980 à 1988 a envoyé au front une jeunesse
pauvre et urbaine, imprégnée de l'idéologie des mar tyrs de Kerbela,
pour lutter contre un ennemi adepte de la laïcité. Bien que la révolution
lranie1tne ait lns1>lré de nombreux 1nusuln1ans de par le monde, l'appel à
renverser les gouvernements en place n'a eu aucun êêho dans le 111onde
1nusulnl'a11.
Y" La conda_
n1nati01\ en 1989 des Ver$ets sotoniques et la fatwa de
condamnation à mort prononcée contre l'auteur du livre, Salman Rushdie
(né en 1949, à ll-01nbay), onl à nouveau rassemblé la Ioule, épuisée
psychologiquement, militairement et financièrement p.;1r ta guerre contre
l'Irak. Cet événement a fourni à Khomelny l'occ.aslon de réaf(irmer son
leadership dans le monde ntusuhnan pour avoir opportunément endossé
Je rôle de défenseur de l'islam contre le 11 Grand Satan n.

Perspecti'1es d'a'1enir
Le nouvel ordre a facilement survécu à la c rise poteatieUe qu'aurait pu
provoquer la mort de Khomeiny en 1989. L'ayatollah Ali Khamenei (nê en
1939) devient le guide spirituel et Ralsandjanl (né en 1934), le président de
la Républ ique. Dans les années t990, le temps passa.n t, une grande par tie
de la population 1rar1lenne n'a plus aucu1t souvenir direct du shah. Le
gouvernement sous la tutelle des religieux constitue désormais la nouvelle
c!Jlte au 1)()uvoir. Il est pour l'heure lndé.Jogeable. Ces tl1èmes sont dêbattus
dans les universités et dans une presse plus ouverte à leur cause el à
leurs ·p erspectives d'aven1r. L'élection du précédent président, l'ayatolla-h
Mohammed Khata1n i (né en 1943), a été ~ne surprise de taille. Khataml a
remportë le scrutin avec 67 % des voix. U était fortement soutenu par les
jeunes (la majorité de la population), les femmes (qui ont le droit de vote) et
les professions libérales. li a été réélu en 2001 avec 77 %des voix. Khataml
lu1·nlêJllC avait élé démis de ses fonctions de ministre de la Culture en 1992 à
cause de sa politique relativ ement libérale.
OepuJs 2005, c'est au tour d'Alunadinejad de diriger le pays. Après avoir été
Je maire ultra~conservateur de Téhéran, il sera élu par les classes moyennes,
surtout les com1nerçants des vllles (ceux que ron ap1>elle les ba-zarjis) et la
population t.rad.i tionnelle, traumatisée par les b rusques c hangements de l'ère
de l'ouverture.
Les adver saires de la libêralisatlon et d'une démocratie vér itable restent
puissants, partlcullèremenl par leur malnn1Jse sur les tribunaux. les diverses
for ces militaires et paramilitaires à leur disposition, el leur <lroll de veto
de l a législation (Par le Conseil des gardiens de la révolution) . En juin 2002.
352 Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

Hashem Aghajarl, un professeur d'université, a déclaré dans un discours que


les laïques ont auta11t le droit qu'un religieux d'inte.rpréter la loi religieuse.
Il a été arrêté et condamné à mort. Les étudiants. qui ont joué un rôle si
Important dans d'autres <:ri ses at1 <:ours des <:ent dernières années. sont
descendus dans la rue. Aghajari n'a rien d it que le grand idéologue de la
révolution. Ali Sharlatl, n'ait déjà dit.

Pour aller plus loin, j e vous signale deux titres de ce penseur publlé en
français: Mul1a1n1n<1d <le /'Hégire à la 111ort. Beyrouth. Al-Bou.raq, 2008 e l
l'Oumma et /'Imamat. Beyrouth. Al·Bouraq. 2-008.
La Qtlestion de la d irection future de l'Ira n reste ouverte, au moins pour
une raison principale : le nucléaire. Comment va réagir la communauté
h1ternatlonale, après que ses nombreuses n1jses en garde ont été ignorées
par le régime des molfabs et, à leur tête. Ahmadlnejad?

Mondialisation de l'islam radical :


Ben Laden et l'Af9hanistan
Retraçons tout d'abord le fil des événements qu.l ont an1ené le réghne taliban
en Afghanista.n avant de poursuivr e par quelques réflexions sur Ben Laden et
al·Qalda.

L'Af9hanistan
ny a seulement quelques annêes, les Américains ou les Européens n'avalent
en gén~ral qu'une \tague idée de l'eJ1droi1 où se trouve l'Afgha11istan.
t\vant 1973, c'était une monarchie dans laquelJe les conflits tribaux entre
f>achtouns, Ouzbe.k s, ·ra.dJlks, Hazar as et 1\Jrktnènes allale-n1à l'encontre de
l'unité nationale. Des tensions existaie11t êgaJen.1ent entre la majorité sunnite
et une minorité relativement importante de c hiites. et e11tre les groupes
soufis el lsla1nlstes. En 1973, le p rince Mohammed Oa\vûd, un cousin du roi
Zaher Shah, renversa la monarchie et se proclama. président. ~tant donné
la position géostratégique de l'Afghanistan qui jouxte l'Union sovhltique. les
Russes ont considéré qu'il se trouvai t. dans leur sphère d"ln[luence. En 1978,
un coup d'~tat a installé un gouvernen1ent çomn1unlste. En 1979, quand les
groupes Islamistes se sont rebellés contre ce nouveau gouvernement, les
armées soviétiques ont envahi Je pays. Pet1dant les di x années suivantes,
nt
la guerre civile rage eJtt re les partisans du gouve rilement com1nuniste
soutenu par rarmée soviétique et les moudjahidin, combattants islamistes de
la liberté (expression lorgée à partir du terme de djihad). De.< sympathisants
venus d'autres pays musulrnans vinrent rejoindre les rebelles afghans au
Pakistan. Les États~Unis. le Pakjst.an. l'Arabie Saoudite et divers groupes
_________ Chapitre 18: l'islam face à lui-même : enjeuJ< et défis 353
islamistes apportèrent leur soutien aux moudjahidin. À partir de 1989. les
Sovlétlqties se lassèrent de ce co1nbat Interminable et se retirèrent. Privé
de 1appui soviétique, le gouvernement communiste d'Afghanist3J1 tomba e11
1992. Les divers ~roupes qui s'é taient unis pour combattre les Soviétiques
se retotirnèreol le-s u11s co11tre les autres pour la do1nination du pays. l..es
volontaires étrangers, appelés les Arabes afghans, repartirent dans leurs
pays où beaucoup s'engagèrent clans cles grou1>es radicatlX loc.-1ux.
La mo11tée du mouvement taliban (ce dernier n1ot signifie t1 étudlant s ") a
démarré vers la fin de 1994, principalement au sein de l'ethnie pacl1toune.
Ces(> étudiants • étalent des réfugiés de la guerre civile qui étaient souvent
Issus des madrosas (unive·rsltés Islamiques) situées du côté 1>akistanais de Ja
frontière. Les madrasas, pour la plupart entretenues pa:r l'argent saoudien,
étalent sous la houlette du mouven)en1 lsla1n iste radical oéo-Deoban<ll au
Pakistan el de son parti, laJamiyyat-i·Oulama-1-lslam. En t999. laJamlyyat
a proféré l)Ub1iquement des menaces de mort contre tous les Américains
au Pakistan, a attisé Ja violence des foules contre les c hiites pakistanais,
et a peut-ét re étê hnpllquêe dans des tentatives avortées d'assassinat du
président Pervez Musharraf (né en 1943). L.es é<:oles étaient <les centres
d'endoc trinement et de recrutement d'où sont sortis les soldats talibans. En
plus de:; Afghans et (le 80000 Pakistanais ou plus, des musulmans venus du
monde entier ont fréquenté ces écoles pour 1>articiper au djihad des la1Jbans.

Les Afghans, épuisés par plus de ciuinie ans de gtJerre et d'al)SeJl<:e de


gouverne.m ent et de sécurité efficaces. ont fait bon accueil aux taJibans,
qui <>nl apporté la stabilité el rordre. En 1996, les talibans on1 ainsi conqul•
la capitale. Kaboul. el régnèrent en maitres pendant plusieurs années sur
90 % du territoire. Les tribus qui ont constitué l'Alllance du Nord avec à leu.r
tête le commandant Massoud, assassiné quelques jours seulement avant le
11septen1bre2001. sont parvenues à se maintenir uniquement dans certaines
parties du 1)ays.
Ce n'est qu·après avoir pris le pouvoir que les taJiba11s ont dévoilé leurs
intentions extrémistes. lis ont interclit la musique, la télévision, lês films et
même certains jeux pour eafants. lls ont expulsé les femmes des écoles et
de leur lieu cte t ravail et letir Ol)l h'OJ>Osé la /)utqo (un v@te.nlc1ltqui couvre
le corps de la tête aux pieds). Considérant leur perception de l'islam comme
étant la seule qui soit authenl lqu ~ les talibans ont également persécuté la
minorité chiite, qu'ils considèrent comme hérétique. À l'étranger, beaucoup
de dirigeants musulmans onl condamné les actions des ta.l lbans. les
qualifiant d'abe rrattorls n'ayanl rien à vo1r 3\1ec l'isla1n. Parmi l es pays
musulmans, seuls le Pakistan, l'Arabie Saoudite el les tmirats ont reconnu
le gouver1le1nen1 taliban. Les État.s-Unls. paradoxa1e1nent, ont soutenu
les talibans pendant la guerre civile. ~1a is après le 11 Septembre, eux qui
auparavant étalent restés en grande partie silencieux sur les exactions
con1mises 1>ar les ta.l ib.ans Ol'll changé de J>Olltique, envahi J"AfgJ-.arllstarl èl
renversé le r égime taliban.
354 Cinquième partie : l'islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

Ben Laden et af-[!aida


Qui est Oussama Ben Laden l
Oussama 13en Laden est né à Riyad (Arabie Saoudite) le 10 mars 1957; Il est
le dix-septlè1Y1e cle 52 enfants. Son père, décédé dans ua accident d'avion en
1967. é tait venu du Yémen du Sud autour de 1930. Ben Laden a srandl dans
une fa1nllle pieuse, et a fréquenté pendant sa jeunesse le collège ,\J-Tl1aghr.
à Ojeddah (196S). li épousa une cousine originaire de Lattaquié, en Syrie, el
célébra son premier mariage en 1974.
Au départ simple ouvrier, il est entré à l'unJversilé Abdela>l• de Dieddah
en 1977 et a cr éé ce qui est deve·nu l'une de-s plus g·randes entrepr ises de
construction du pays et est n1ainlenanl t rès riche.
Diverses hlflt1e.i1ces ont Jalonné son l1lstolre. bans les anaées soixante,
son père s'est fo rtement in1pliqué dans la eause palesrlnienne, et la défaite
de 1967 lacell Israël les aurait profondément marqués. Il eut également
l'occasion de côtoyer beaucoup d'intellectuels musulmans e t d'islamistes
radicaux, en particulier son professeur syrie.il qui. dit-on, était nlembre cles
Frères musulmans (dès 1971).
Une autre innuence subie par le jeune Ben Laden fut celle, en 1984, d'un
F'rêre musulman jordar1ien radical, le ctocteur Abdallah Az1.a.tn, qui est sans
doute le premier à avoir conceptualisé une doctrine de djihad global. li crée
ave<: lui le JJremier noyau d'al-Qaida. appeJé Bureau des services pour les
combattants.
Ben Laden a été l'un des premiers Arabes à offrll' son soutle:Jl aux rebelles
a nticommunistes d'Afghanistan. De 1979 à 1982. il a rassemblé des fonds e t
des matériaux pour S0\1lenir la cause rebelle e t est entré en personne dans le
pays avec des machines de construction pour soutenir les rebelles e.n 1982.
Dès l984, aen Lad~.o avait établi un centre du côté pakistanais de La frontière
destiné à abriter les Arabes qui partaient rejoindre les moudjahidin en
Alghanlstan. En 1986, n Installa ses propres camps d'Arabes afghans placés
sous son commandement.
En 1987, Il fait une rencontre décisive, celle du médecin égyptien Ayman
AJ·Zawahiri. Il se radicalise plus encore e t quitte Abd.a llah Aiz.am, son mentor
syrien. En août 1988, Ben Laden crée a l·Qalda (• la base, la direction•), une
orgai1isatlon qui lui permet de contrôler le recn1teme11l des con1battants
pour rA fghanistan et les fonds qui proviennent de partout.
Après le retrait soviétique, Ben l..aclen est rentré cl1ei lui. Il a offert de lever
des LTou1>es pQur défendre l'Arabie Saoudite quand l'Irak a envahi le Koweït
e n 1991 el s'est senli trahi quand les Saoudiens ont lait appel aux Infidèles
américains pour défendre les lieux saints de l'islam.
- - - -- - - - - Chapitre 18 : L'islam face à lui-même: enjeux et défis 355
La mê1n e année, Ben Laden s'instaJJe au Soudan, où il continue à s 'enrichir
grâce à ses entrepr ises. Son ultinle r upture avec la famllle toyale saoudienne
date de 1994.
Quand Je gouvernement soudanais force Be.n Laden à 1>arljr1 Il rev1enl en
Alghanistan et lnsuille son QG à Tora Bora (1996) , où JI est de plus en plus
proche du chef taliban. Mollah On1ar, ta11dls que l'influence <lu docteur
égyptien Ay1nan al-~'lwahlrt s'accroît. La mème année, Ben Lade11 publie
sa .:décla ration d e d jihad ' contre l'Occldei\t e t l'Amérique, e ssayant de
prouver que son djihad répondait bien aux critères du cljihad juste selon la loi
islarnique.
Pour Ben Ladeo, toute action d irigée conrre l'Amérique et l'Occident
constitue un djihad dêfensil car l'Occident s'est depuis longtemps e ngagé
dans une c roisade cont re l'Islam. La création en 1998 du front mondial
du djihad lui permet d'éte ndre sa doctrine à l'ensemble des groupuscules
dis persés dan s le monde. En 2000. le Front islamique mondial passe à un
oj veau d'organisation 1>lus é.l evé. Désormais, Il veut s'attaquer aux croisés et
au.x juifs. Ben Laden publie urle fatwa disant que tous les 1nusulma ns ont le
devoir de tuet les Américains et Jeurs alliés. L'attaque du Il septembre 2001
- qul a touché au cœur New York et visé \Vashlngton - faisait partie de ce
djihad Ininterrompu.
Ben Laden n'est ni un chef d'État ni une J)ersonne lnstridte dans la lol
Islamique , rnals un 11 révolutionnaire •. Selon la loi islamique traditionnelle.
U n'aurait aucune autorite pour proclacner le dllha.d ou publier une tat\'.'a.
Cependant, en tant qu1nd1vidu prêt à tenir tëte aux États·Unis, il est
populaire chet: les musuhnans de la rue qui pour autant ne sont pas p·r ëts à
prendre part personnellement aux actions terroristes que r evendique Jeur
idole.
Deputs qu'll a échappé aux troupes a1néricaines es1décen1bre 2001, Be.1't
La.den reste intr ouvable. Seuls quelques enregistrements viennent de temps
à autre ponctuer sa croisade co11tre les impies. O'au<:u_ns di sent qu'il est
maJade, cl'autres 1>r étendent qu'll est enseveli sous les milliers de toJ1nes de
gravats des bombardements cle sa cache à Tora Bora.

Que penser â'at-Qaida ?


Al-Qaida res te dangereuse. Bien que largement décimée depuis Je
11 septembre 2001. e lle s 'est reproduite dans une multitude de cellules
dormant.es qui n'ont aucun rap[X>.r t avec la 11base •1 mais qui agissent de
manière réactionnelle . c •est dans de te ls grOUJ)US-Cules. faibles OU SOUS
Influence, que des per sonnalltés lsolêes peuvent décider tel ou tel geste
gra\•e ou passer à l'acte après avoir v isiOflné une cassett e vidéo appela.nt à la
guerre sainte (djihad), vu à la télévision une opé ration kainlkate ou subi un
alfront de la part des autorités.
356 Cinquième partie : !:islam dans le monde contemporain: culture, religion et société

Ré<:emmenl encore, a l·Qaida a montré qu'elle sait se redëployer sur des


zones qul étaient ëloignê.es de son centre d'actlvité : aJ ~Qaidn ~tnghre b, qui a
touché l'Algérie. gngne maintenant te Maroc. la ~4auritanJe et la Libye.

Le renoue/eau de l'islam, enjeu de demain


Aujourd'hui , l'islam en général est donc confronté à son adaptation au réel.
Le sun1lisme doit j ouer son rôJe, puisqu'il est la branche prlnc.l palc de J'lsJam.
C'est le problème de la• rê lorme• (is/ali),
On appelle réforn1e route acrlon mente par un l>enseur 1)\1JSuhna11 dans l'un
des pays de la terre n1ust.1llnane, que ce soit sur un thême de d roit ou sur
toute autre problén1atique de son c hoix.

Plusieurs précurseurs ont vu le jour entre le xi"- et le xvc siècle, c'est..à-dire


entre l e moment où tout allalt bien pour l'Islam (fin dll XJ' siècle) et le mo1nenl
où lOul commençait à aller mal (début du xiv') : Ibn Hazm (994-1063). juriste
zahiriste d e son état, qui était d'aborcl un théologien sévère, le mystique
Al-Gha:uall (1058-1111) , Io philosophe rationaliste Ibn Rochd ( 1126-1 198)
- Averroès-. l'autre grand mystique Ibn Arabi (1165-1240) et même, par
certains côtés, Ibn Tayn1lyya ( 1263-1328 ou 29), aujourd'hui tête de Hie des
néorondamentalistes (salafistes). et le s-ociologue d'orjgine tunisienne Ibn
Khaldoûn ( 13.32-1406) .

Le dernier mouvement de modernisation de llslam est né en Asie.


essentiellement en Inde et au Pakistan, pays à majorité sunnite, malgré leur
voisinage av ec le foyer c hiite. Tout ea prenant appui sur la Tradl Uon, les
nouveaux réfornlateurs musulmans (mou<ljahldin) ont compris la nécessité
de s'ouvrir sur lé monde tel qu'il se présente et de ne pas s'enfe.r mer dans une
lden.tité qui serait illusoire el donc stérile.

L'é~aluation de l'ijtihad
Tous ces mou·vements, toutes ces personnalités, à comn1encer par Ja plus
ancienne d'entre c lics, Sayyld Ahmc d Khân (1817-1898) - qu11 ne faut pas
confondre avec Ali Pacha (1815-187 1). homme d'l?.tat turc et auteur des
tanzJmat (ou réfor1nes) qui a llaient amf:Ile.r l'avènen1enl de Mustapha Kéma1
Atatürk.-, toutes ces doctrines sont d'accord sur un point : 11jtihad. qui est
l'effort d'interprétation et de renouveau de la pensée lslamlque ell vertu des
évolutlons soclétales d'auJourcl'hul. Le seul 1>0int de cliver gênce entre les
d ifférénls cowants est celui de l'é\raJuation de cet effort.

En l'espèce, 1.a question est double : est-ce que l'ijtihad est applicable à
toutes les sources de la Traditlo.n e t de la Jurisprudence, avec one possibilité
_ ________ Chapitre 18 : l'islam face à lui-même: enjeux et défis 357
de re·v olr <fe fond en con1ble les édits religieux du passé ? Ou vise·t·CI
seulement à adapter fo rmellement la charla aux conditions de vie nouvelles,
sans toucher à l'essentiel? Faut-li tenir compte de l'avis personnel (ray'r)
du 1nusulman, dès lors que son expérience est de plus en plus diversifiée,
ou faut·U à tout prix préserver le bon vieux prlnci1>e consensuel de l'ijtna'
(co11sensus ornnium)?

La question de la modernité
Aojourcl'l'IOJ, l'islanl est con[rônté à lïntrusion d e La modernité et au
phénomène de la mondiallsat1on. Faut-li moderniser l'fsla1n ou islaxniser
la moder,1i1é ? c·~st là un parallèle qui n'a pas lieu d'être, car l'is lam étant
une reUgion aclossée à une doctrine, c'est aux musullnans de pl'Océder à
une mutation décisive <le leur <:onduile au cœttr même des transformations
actuelles. Que ce soit pour des questions ëthlques ou pour accompagner un
progrès sc-ientitlque parfois effrayant, les musulmans sont appelés à investir
la rupture et la transformation de leurs usages. Idem pour les questions de
d roit Est·il admissible que les femmes puissent encore avoir droit à une
demi-part d'héritage lorsque ~e rtaines d'entre elles, par leur engagement
dans le monde professionnel. ramènent le salai re du couple?
La modernité s'immisce ciuasiment partout, aidée en cela par f éducation des
jeunes et en particulier des filles. Les médias nationaux el Internationaux
agi ssel~t pour leur part sur les consciences individuelles, pour les faire
évoluer vers un concept malheureusement unique, celui de la société de
consommation. Toutes ces évolutions. bonnes ou ttJauvi1ises. participent
d'un c redo très fort, celui de l'adaptation à. la v ie tellequ·eue se manifeste
aujourd·hul.
Enfin. l'exode r ur al et l'édification r apide d es villes ajoutent Jeurs poids à
ces mutations. Lorsqu'on habite un F3, on ne pet.il pas espérer avoir plus de
quatre ou ~ in q enfants. JI y a donc une limitation objective des nalssances
que la mëme famille n'aurait pas été contrainte de faire dans les campagnes
où ron disposail de plus d'esfJace, avec ua accès plus aisé aux produits de la
ferme~

Toutes <:es raisons expliquent pourquoi la question de la modernité de l 'Islam


et des musuln1ans sera l'un des enj eux du XX.le siècle.
Ex-cursus

La sagesse musulmane
• • • • •••••• • ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
Difinition Je fa sa9esse musulmane
... La sagesse dans le Coran
Il>- La sagesse populaire
... La sagesse de l'imarn Ali

• •••• • •••••••••••••••••••••••••••••••••••• • • • ••••

D ans ce chapitre, sorte d'ex-<:ut'$uS con1plète.meut différent des


prt!cédents à la fois par sa fo rme et par son contenu, on parlera de
sagesse coranique, de proverbes arabes ou nlltsulma1lS et de sentences
universelles. De hadiths aussi (propos du prophète Mohammed), l'une des
bases de la Sunna el de )'islam, un peu comme l'a été le L..lvre des 1>roverbes
pour la chrét1enté.. 11 est rare en effet c:1u'un peuple, une elbnie ou u.n groupe
social musulman ne s'y reconnaisse pas car, depuis longten1ps, l'Or1enl a
apprivoisé toutes ces disci1>line:; de l'ora.Jité el du u vivre ensenible•. C'est sa
partie aériê11ne et lyrique, mais aussi une autre façon de rendre hommage
à AJlah 1 d'autant que 11 la sagesse et la puissance sont Ses attrlbl1ts• (Coran,
30, 27). Bien avant l'isla1n, les tribus bédouines rivalisaient entre eJles de
bonnes paroles que les scribes enreg i stral~nt ou appreoalei1t par cœur. U1te
sorte de" 84.)urse réglo11ale de l'ora1ité• était organisée à Okaz.. la Coire de La
Mecque. et dans toutes les cités caravanière.s de la péninsule. La poésie et
les bons mots ont ê.té reconnus par l'lslan1, au point que certains poèn1es
glorieux étaie1\t suspendus au temple de la Kaaba. Depuis lors, un grand
nombre d'auteurs. des chroniqueur s, des savants, des t l1éo1ogiens 01)t voulu
t.ransrnettre leur savoir en passant par le truchement du vers poêtiqueou de
la sentence.
c · est a1ns1 qu·Avicenne écr ivit son Poème de ta médec;ne, paru en français. en
arabe et en latin aux Be.lies Lettres en 1956, où n dit notarnnleot :
Dieu a réparti entre tous le.ç J~otn111e.ç Ja rrJr'son et les sens en même
temps que la vie. 1Wais chacun a son caractère propre et en cela éclate Sa
Aferueilleuse Sagesse. AltJ$i1quico1tque a banni cle $On ô rne la L<Iidetlr,
o pu ocquérlr la Vertu. la Parole et les Arts différencient l '/1omme de
l'animal.. .
360 Ex-cursus - - - - - - - -- - - -- - - - -- - -

Il a dit aU$SI à propos des parfums:


Toute pfontP aron1atique, tüute. fleur pol$~de u1r tcf1~ptr<1met1I clraud, à
/'exception de cinq d'qntre elles : myrte, s<1ule, 11d11upltar. rose eJ violette
qui répa11den1 tin t1tô1ne Frold. La cl1aleur e.'it dons les 1x1rf111ns e1 les bois
odoriférants. lt l'exception du santal et du ca1np/Jrler.

La littérature ar3tJo..,p ersane est riclie de plusleuris centaines d'ouvrages


où cette sagesse roule avec l'esprit du temps et s't:xprln1e Ubrement.
Généralement, ce sont les prillee$. les march•ndJ et les Imams qui en usent
Je plus. mais les enseignants. les parents et les amis ne manquent pas d 'y
faire recours
Pour mémoire, Je citerai ql1elques titres d'ouvrages qui vous permettront
d'approfondir cet aspect. en 01nettao1 volontairement les t ravaux de Sacy,
Cherbonneau, Chauvin, Freytag. Quatremèrc, Zan1nkhcharl. Barbier de
Meynard, Lane e t (\1ontet, car Ils sont très anciens :
v /JnigmP.< 1u11islenne., Jean Quérnéneur, 'l\rnls, réédlt Ion IBLA. 2005.
"' légendes et cou1ume• afghanes, Rla Hackln e1 Ahmad Ali Kohz.ad, Paris,
Imprimerie na1ionale. 1953.
v Prooerôes et dictons syro-libana1s, M.-A\. Feghall. Puis, lnstitul
d'ethnologie. 1938.
v u Cadi et ta mouche. Jahlt, Pam. Slndbad, 1988.
v La Beuutt esr le gibier des cœurs. Tha311bl, Paris, Slndbad. 1987.
Y' Chez le marchc11rd de n1u.sc, Ahmed Rassim, Paris, Clancier·Guénaud,
1988.
v Mille et 1111 contes. rt!cits et légendes arabes de llené llasset. Paris. José
Cortl. 2005. 2 vol.

La sa<Jesse coranit{ue
l:ethique musulmane a des in<:k1ences dlrecres dans ta vie quottdienne.
Certes. le Coran ne fait pas de place pa.rtkuli~rt à l'homme. au sens où
nous l'entendons aujourd'hui, et surtout depuis l'av~nement des sciences
humaines (fin MX"début du xx" siè<:le), mais li ne cesse de l'évoquer. tant du
polnt de vue de la co1tdultc moraJe que des consé<;1uc.nccs plus ou moins
néfi!Stcs de se!\ actes. L'ho1nn1e dans le Corail est enrlèretnent contenu dans
le proj et divin, e 1\ grande partie dans son ra1>l)(lrt plus ou moins sincère à
la foi, seule entrée valide aux yeux de l'islam. P•r allleurs, nous avons vu
tout au long de ce livre que le Coran était riche de r~férences consacrées à
l'éthique sociale et Individuelle, à la famille, au respect des générations entre
elles el à l'amour du prochain. li fourmille de direc tives morales visant à
,

____________________ La sagesse musulmane 361


alerter le flclèle sur les devoirs qui lui lncornbenl, tant ~1 l'égard du 1>rochain
Que du Dieu Tout-Puissant.

Dans ce norllège. j'ai voulu dor1ner un aperçu large et non exhaustif


des options les plus fondamentales du Livre sacré des musulmans en
commençant par les versets relatifs à l'l\omme et à sa co11dition hu1:naine.

Tout d 1abord1 sa conception. On lit dans le C'...oran: • Ô vous les Ho1n_mes.


Nous vous avons créés à partir d'u1' 111âle et d'une femelle. Nous vous
avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous reconnaissiez.
Le plus noble d'entre vous, auprès de Dieu. est l e plus pieux • (Coran,
Al-Hujû.r at. XLIX. 13). P'u js, son tempérament, son caractère : 11 t:Homme est
créé d'impatience• ( XXI. 37). • J.:Homme est '"<lé
d'inquiétude • (LXX, 19),
« l..'Hom1ne est c r éé de faiblessei. (IV, 28). Enfin. sa perfection ; • Dieu a donné
à l'Homme une !orme exemplaire, parfaite • ( XL, 64 et XCV, 4).
Les vingt~cinq versets coraniques· qui suivent pré.sentent la que.~tlon
de !'éthique Individuelle de manière exemplaire. Nous les découvrons
ensemble:

L • La vie d roite se distingue de l'erreur • (U, 256).


2. • Le bien e l le mal ne sauraient avoir le même poids• (XLI, 34).
3. " Le bie.n qui t'arrive provient de Dieu : le mal qui t'arrive ne peut venir
que de toi-même• (IV, 79).

4. 11 Ne vous dl ffan1ez pas n1otoelle1nent ,. (XI.IX., 11).

S. " La meilleure communauté est celle quJ appelle au bien et q·u l prohibe
le mal • (ln. 104 et l IO).
6. • Pas de contra.lnte en reJlgion • (Il. 256).

7. • Celui qui prend part à uae mauvaise a.e tion est Imputé (dans rau-deJà)
d'une part <le cette act ion. Celui Q\1i a ide à la réalisation d'une bonne
action acquiert une part de cette action 1t ( IV, 85).

8. " Ai<lez-vous 111utuèllement dans la voie du bien et de la vert'u •(V, 2).

9. •La rêconcillàtlon est un bien • (IV, 128).


IO. " Heureux ceux qui sont prémunis con1·re le ma.I de l'avarice o (l.IX, 9).

11. • Quiconque commet un pêché ne l'a commis que contre lul-même.


Allah le sait. Allah est sage• (IV, 11 1).

12. • Rien n'échappe Ala connaissance de ton Dieu, quelque minuscule que
cela puisse être. ni sur terre ni a\1 ciel. que. ce soit er1core plus petit ou
plus grand, car toat est écrit dans le Livre évident "' ( X. 6 1).
362 Ex-cursus _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ __ __

13. 11 Oh vous quj croyez, teoez vos eogageinenls (ou respt"!cte2 les

contrats que vous avez ~lassés) (V, 1).


l4. 11 Êloignez-vous des faux serrr1e1lts et du n1ensonge11 (XXlr, 30).

15. 11Allah n'aime ni la suffrsauce ni la prétenll01l" {XXXI, 18).

16. 11 folonoret votre cngagen1ent, car l'engagement est assorti de


responsabUité• (XVII. 34).
L7. • Nous n'imposons de choses à u1le J>t-rsonne (littéralement • à une
âme <l) que ce qu·eUe est capable d'assumer• (VI, 152).

18. 11 Et si vous vous expr imez, fa ites-1ê avec êquilé 11 (VI, 152).
19. 11 faire une aumône en l)Ublic est tine bénédiction~ mals le faire
discrètement est encore plus louable it (Il. 271).
20. " Une bonne parole et un pardon valent n1icvx qu'une aumône suiv ie
de reproches • (Il, 263).
21. L~c tion de celui qui fait un don uriiqueme1\t par ostental1on est
11 semblable à une grosse rocl1e recouvert.e de terre meuble qui vient

d'etre lavée par une forte pluie, laissant le rocher à nu' (Il, 264).

22. ·•C'est Dieu qui vous a donné l'ouïe. la vue et un cœur pour sentir.
Combien JJeu reco11naJssent ses bier1falts • (XXJIJ, 78).

23. ... Nous leur avons apporté la vérJlé, et ils persisteJ11 dans le
mensonge... • (XXJll, 90).
24. u Chaque fois qu•ils allument un feu pour la guerre, Dieu l'éteint •
(V, 64).
25. , çetul qui a.ura fait le bien du poids d'un atome, le verra. Celui qui au rd
lait le mal du poids d'un atome. le verra • ( XCIX, 7-8).

la sagesse populaire
À l'instar du Coran et des Mille et Une ,vu;1s. les peuplel:i n1us1,1hnans ont
fait 1>reuve d'une grande créaUvtté oral e et d'ingéniosité. Ils ont imagloé
toutes sortes de situatjons où l'homme en ac1 Ion, l'llomme social, le 1narl
ou l'épouse. le père ou la mère, ram.i ou l'étranger de passage. le confidt1\1
OU l'e nne.1nl $0111 Observés Cl questionnés. l:adage popuJaire d it d'ailleurs :
«Questionne J'homme d·expérîence et tu peux te passer du 1nédecin "• tant,
Je savo1r pratique est valorisé, surtout s'il a eu te temps de reposer. Il est
pour l'homnte du monde plus sOr c1ue toute autre connalssa1tce fraîchement

____________________ la sagesse musulmane 363


ac<1uise. Des volumes conséquents ont été rédigés dans ce sens. L-e but avoué
est d'éduquer le croyant el de raider à s'améliorer dans la vole t racée par les
pieux ancêtres.
Voici une cinquantaine d'expressions qui reflètent celte 1>ensée populaire
en vigueur dans la plupart cles pays musulmans. Vous remarquerez que le
choix qui en a é té fait est parfai temenl aléato.l re. une façon comn1e une autre
de faire Ogurer toutes les sensibilités, y c.o mpris celle des Touaregs et des
Pachtounes. Bokhari, Muslim, Zamakhcharl, Ghazali, Isfahani, Aboul-'Ala
sont des érucllts m-..sulmans ; Sala.clin, un souverain.

1. • La vie de J'honlme s'écoule con1me une c t uC}le d'eau• (sagesse


populaire).

2. • Noblesse el générosité sont la sagesse des hommes


pieux •(Mutanabbi).
3. l..'homme noble est celui qui est utile à tous l es hommes 11 (sagesse
11

popula ire).

4. "Être juste envers les gens vaut une aumône• (B.okharl).


5. 11D<1nnez à celui qui a faim, visitez le malade e t délivrez le prlsonnler11
(Bokhari).

6. 11L'éducation de l'l1omme vaut mieux que l'or qu'il possède• (sagesse


populaire).
Variantes : • L"éduc.ation vaut plus que la richesse• ; • Tous les nlaux de
l'ho111me lut vle11nent de sa langue,.,

7. .c U faut craind re l'hon1me v11 quand il e st rassasi~ " (sagesse populaire) .


Variante l : • Redoute l'hon1me de rlen si tu le traites avec honoeur.•
Variante 2 : • t.:homme de rien. si tu l'oins, te donnera un coup de
poing.•
8. • L'ho1nme qui, par ses bienfaits, met s a réi)utatlon à l'abrJ de la
c.rltlque. augn1cnte sa renom1née : mais celui Qtli ne craint point la
censure en deviendra l'objet 11 (poèmes suspendus à ln Kaaba).
9. • Celui-là verra sa gloire changée en ignominie, et se repentira de ses
bienfaits, qui les aura répandus sur des ho1nmes qui en sont h1<0g11e5•
(poêmes sus1>èndus à la Kaaba).

10. • Quiconque n'a 1>olnt les armes à la 1nai1\ J>Our clérendre sa c iterne, en
ve.rra les bords renversés : et celui qui s'abstient de toute violence sera
la victiJne de l'injustice• (poèmes suspendus à la Kaaba).
364 Ex-cursus _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ __

11. 11la langue de l'homme est la moitié de son ~tre ; son cœur en est
l'autre moiti~ : Il n'a de plus que la figure, qui est un composé de chair
et de sang• (poèmes suspendus à la Kaaba).
12. • Le délire de la vieillesse n'est point s uivi d'un Age plus raisonnable,
comme renlance. dont '" lolle falt place à l'adolescence• (poèmes
suspendus à la Kaaba).
13. •Le silence est une sagesse ; de lul procèdent toutes les sagesses. Si
le fils de la tourterelle ne roucoulait P'JS, li n'attirerait pas vers lul le
serpent qui erre• (Abd ar-Rahman El·Madjdoub).
14. 11la valeur de l'ho1nme n'est pas dans les deux plus petites choses que
sont le cœur et la langue; elle est dans les deux plus grandes, à savoir
les œuvres et la loi • (ZamakbcharO.
LS. • Au nom de Dieu, le Clément. le Mlsé rlcordleux : "Dis : il est le Dieu,
runique. li c.i l'impénétrable. U n'a pas engendré et Il n'est pas
engend1·é. Nul n'est égal à Lui."• (sourateAl·/kh/as. CXU)
16. •Sols le plus sage des sages au mmeu des ••lies e t si tu es a vec des
fous sols plus fou qu'eux • (sagesse arabe).
17. On lient de l'imam Moussa œtte parole du Dieu Très-Haut : .Je n'al
point rendu les riches puissants pour qu•its se montrent généreux
envers mol. et je n'ai pas privé les pauvres de tout, pour qulls soient
méprisables à mes yeux : mais j'ai voulu ~prouver les riches par tes
pauvres. srle$ pauvres n'existaient pas, jarnal$ les riches n·entreraient
au paradis • (hadith).
18... on exigera cle tof ce que la nature t'a donné ; car. h l'ho1nme éloquent,
on derr1andcra un langage subl1111e ' (Abôlll·'Ala).
19. 11 La bea.ut6 des hommes n·est point pour eux une parure. lorsque
l'éloquence ne seconde pas la beauté • (lmad·Eddln Isfahani).
20. •Le bon cheval se reconnaJî a ses yeu• • (sagesse populaire}.
Se dit d'un homme dont l'extérieur annonce des qualités intérieures.
21. • Lorsque cle deux Cll0$es. la meilleure est un men.songe, toutes deu.."<
sont mauvolses. •
Ce proverbe •'applique à celui qui, pour se justifier d'une rnauvalse
action, a recours att 1nensonge-. On dit aussi : • Son excuse est pire que
sa faute ...
22. • Le mépris pour un hon11ne vn esr encore une Indulgence• (sagesse
populaire).
23. · M ~me le menteur dit parfois la véritt!• (maxime syro-llbanalse).
____________________ l a sagesse musulmane 365
24. • Il arrive que d'une. petjte chose naJsse une grande. Ainsi des noyaux
de dattes poussent des palmiers• (Aboul-'Ala).

25. «La meilleure des conduites est celle qul se s1tue au milieu.•

Thème de la modération.

26. •Si ta générosité est destinée àun ê tre de bonne éducation. tu


deviendras son obligé. Si ta générosité est orientée vers un être de peu
d'éducation, il sera ingrat. "
27. •Toul mot que tu arrives à tenir entre tes lèvres est un escJave; celui
que tu prononces mal à propos est ton maitre • (sagesse arabe).
28. • Abondance d'enlants v•ut mieux qu'abondance de biens. '

• Le sehl ne s~uralt engendre r d'e11neml ,. (sagesse tunisienne).


29. «Le Paradis musul ntan est sous les pieds des mères. •

Respect des mères et des ainés.


30. «Si ton ami est du n1iel. ne le lèche pas complètemes1t" {sagesse
populalre anony1ne).

31. • La vraie religion se juge à travers les actes (et non pas dans les
déelar alions)• (J>ensée musulmane courante).

Pas d'ostentation en matière de foi. Le commerçant quJ raJt du zèJe en


fréquentant la 1nosquée et qui augmente ses prix ne 1>eut se réclamer
de l'humilité du vrai musulman. Un musulman qui prie toute la journée
à la mosquée en oubliant sa famille n'est pas 1>lus sincère que celui qui
s'acquitte de ses seules prières canon.iques.

32. • L'auteur d'un doo ne se mentionne pas. celui quj reçoit l'a ide ne
J'oublie pas • (sagesse anonyme).

Un don se fait seJon sa conscience et non selon la publicité qu'il


procure.

33. • Pardonner par erreur nte plaît davantage qu.e punir à tort" ( Saladin) .

34. • Aucun de nous a·est croyant tant qu•u ne désire pas pour son frère ce
qu'il désire pour lui-même ' ( Bokharl et Musiim).

35. •le suis une amante. dit la liberté, ceux qui veulent être des esclaves,
j e ne les embrasse.rai pas • (pensée pac.htoun-e) .

36 . .- E1ttr'er par la porte des passions est c l'lose alsée: en sortir esL
diUicile •(sagesse arabe).
366 Ex-cursus _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

37. (1 Le meilleur des princes est celui qui fréquente le.'J $avants, le pire de$
savants est celui qui fréquent·e les 1>rin<:e.8" (sagesse per sane) .

38. "Celui qui possède des biens en abondance - Ji.lrdln, verger, servantes.
esclaves, or ou argent - soulfre plus que celui qui possè de peu, au
moment de l'agonie. pulsqu'll doit se sépare r de ce-s hier'I S" (Ghaza·U).
39. "Voisin tout proche vaut mieux que frère très éloigné• (pensée arabe).
Le respect du voisinage est sacrë en islam.

40. li n'y a aucune différence entre un Arabe et un non-Arabe. sinon le


11

degré de la foi de chacun• (sagesse coranique) .


41. • La conjecture du sage est plus sOre que ta certitude de l'fg·norant ..
(adage populaire).
42. .: Donner vaut m.ieux que prier; donner vaut mieux que jeûner •
(proverbe touareg).
43. • ~tre juste envers les gens \•a.ut une aumône .o (hadltl\ rapporté 1>a.r
Bokharl).
44. • Cett.e vie n'est qu'un meuble frag ile. Insensé celui qui s'y attache l Ce
qui est passé est mort ; ce que l'on espère est caché : tu n'as à toi que
l'instant où tu resplres• ~c;.agesse musulmane).
45. oLa vraie richesse, c'est la satlsfactlon 11 ou 11 Le sentiment de ple ine
satisfaction est un lrésor inépuisa.ble •.
Quelqu'un quJ est saUsfait de son sort a J) IU$ de valeur aux yeux de
la société que quelqu'un d'autre. très fortuné mais avare et toujours
Insatisfait.
46. 11 C'est de la Cemme que naît l'homme11 (sagesse populaire).
47. "Fals à ton procJ)aln lt bjen q u'il n'a pas su te faire• (proverbe
touareg).

Variante; " Fais à ton prochain le bien que tu voudrais que l'on te
fasse.•

48. KÔ toi dont rapparence est flatteuse, qui es-1u vraiment à lï otérleur ?•
(e.-.presslon populaire maghrébine).
r

_____________________ La sagesse musulmane 36 7


Les sentences de l'imam Ali
Plusleurs recuells de sagesses attribuées à Ali Ibn Abl Taleb (mort en 661) ,
compagnon du Prophète et gendre par sa fille Fatima, cifculent parmi les
populations chiites. Certains éditeurs de t raditions prophétiques se sont fait
une spédalitéde ne 1>ubller crue cela, sans jamais se soucier ni du nombre
exact des sentences qui est ici de 157. ni de leur véracité. Mals la conviction
commune Jlrétencl que Ali a véritablement prononcé ces sentences. Ainsi, la
sagesse populaire a réussi à e n faire une sorte de catéchisrne pour tous les
jeunes enfants, qu'ils soient chiites ou sunnites. Là encore, on remarquera
que ce:rtair1es maxltnes croisent celles que nous avons vues at1paravant. ou
s'en approchent de très près, ce qui, après tout. est une bonne chose pour
l'établisscmenl de la version définitive :

1. Les amis de ce siècle sont les espions de nos défauts.


2. Le re pos de rame a lieu dans le désespoir.
3. C'est avoir du courage que de cacher ses afflictions.
'1. La vertu d\1 père et de la rr1ère vaut une anc1enne noblesse.
5. Dollne ce monde-cl ~)Qui' l'autre, tu feras un marché. avar1tageux.

6. Sols n1atinaJ, tu feras fortune.


7. Le ventre de l'homme (être humain) est son ennemi.
8. Le bonheur de Javie consiste à bien faire.
9. L'homme s'éprouve par la langue.
10. Ne perds pas ton bienfait en le reprochant.
Il. Celui qui donne d'un air gracieux fait un double présent.

12. Mets ta confiance en Dieu. cela suffit.


J3. Différer une mauvaise action. c'est la commencer.

14. Répare dans ta vleillesse les fautes de ta jeunesse.


15. Augure bien de ton entreprise, tu réussiras.

16. Le respect mutuel resserre l'amitié.


17. ~vite tout mal, tu seras honoré.
18. Fa is-toi une parure de l'abandon des vices.
368 Ex- cursus _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

19. Trois choses perdent l'homme: l'orgueil. l'avarice el le plaisir.


20. Un tiers de la fol est 11ntelllgence. un tiers la pudeur. un tiers la
générosité.
21. l.a terre du tombeau pourra seule remplir la bouche de l'avide.
22. La paix du cœur est un habit qui ne s·use point.

23. Double ton bienfait en le cachant.

24. La justice est l'appui de la royaut~.

25. Louer son bienlalteur, c'est demander un nou·veau bienfa1t

26. Sols libéral de ce que tu possèdes.


27. Le règne du 1nensooge n'est que d'un n1om.ent, celui de ln vér·l té est
éternel.
28. La perfection du discours, c'est d"l!trc court.
29. Ce n'est pas peu de chose que de se trouver en bonne compagnie.

30. Fréquente les pauvres, tu remercieras Dieu de me.illeur cœur.

31. La douceur de caractère est un secours pour J'homme.

32. La science est l'ornement de l'l1ornme.


33. La pudeur sert de voile à l'homme.
34. Les outTages des enfants brûlent le cœur des pères.

35. L.a témérité de l'homme le perd.


36. L'arbre qui n'a pas de racines ne peut s'épanouir.

37. Avoir un métier, c'est avoir un trésor.


38. Crains Dieu. tu n'auras personne <l'autre à redouter.

39. Résiste à toi-même, tu connaitras Je repos.

40. Le meilleur des compagnons est celui qui oriente le voyageur sur le
bon chemlr1.

41. Dis·mol qui tu fréquentes. je te dirai qui tu es.

42. La crrunte de Dieu purifie les cœurs.


43. Les meilleures richesses sont celles que l'on emploie à l'avantage de
Dieu.
____________________ La sagesse musulmane 369
44. Le remède aux peines du cœur, c•est de se résigner à ta volonté de
Dieu.
45. La 1naladle la plus ordinaire à l'âme, c'est l'avidité.
46. On connait l'esprit de l'homme par ce qu'il fait. et sa science par ce
qu'il dit.
47. Ce qui fait Je bonheur des gens vils fait le maJheur des gens d 'honneur.

48. Les êcus de J'av.a re sont comme des pierres.


49. La religion d~un homme, ce sont s es actions et ses paroles.
50. Comprime toujours ta colère, tu t'en trouveras bten.

51. Laisse l'insolent dans son Insolence.


52. Une seule oflense c 1esr beaucoup, mille services sont peu de c hose.

53. Les mets que donaent Les rois brûlent les lèvres.
54. Louer les amis de Dieu. c~est s'attirer sa rniséricorde.
55. La ba ssesse de l'holllme paraît dans ses désirs.
56. Celui qui s'estime peu est beaucoup devant Dieu.
57. Le souvenir de la Jeunesse fait soupirer la vieillesse.
58. La vue d·un ami réjouit le cœur.
59. Honore ton père, ton fils t'honorera.

60. La douceur <le la vie conslste dan.s la sécurité.


61. Le rang que donne la science est le plus é levé de tous.
62. Ce qui t'es• nécessaire te rec herc he, tiens-toi donc e n repos.
63. La naissance est le messager de la mort.
64. Observe toujours la justice. même dans le!> entJ)Ortemen t.s <le l':trne.

65. Pèse les homrnes à leur bala nce.


66. La pt~rte de la science est moins fâcheuse que la mort des savants.
67. Visite celui ctul fait cas de ta visite.
68. La dévotion du vulgaire est e rreur, t-elle du sage est une grâce.
69. Les visites entretiennent l'amit ié.
370 Ex-cursus _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

70. Le mon.d e regorge de maux.


71. Celui qui visite Jes gens de basse condition montre son humilité.
72. Les joies de ce monde ne sont que vanité.
73. Le plus grand défa.u t esr le manque de sincér!Lé.
74. Les actions ordinaires de l'homme (ont connaître le secret de ses
pensées.
75. Les plairites sont l'arni e des faibles.
76. La modestie élève l'homme.

77. La Jactance est l'opprobre de la science.


78. L'avarice du riche est son supplice.
79. Jl vaut mieu.x savoir un peu qu'agir beaucoup (sans savoir).
80. Les chêveux blauc:s SOl'lt les prerniers m.essagers de Io n1ort.
81. Un riche avare est plus pauvre qu'un pauvre libéral.

82. !:habitude rend l'action moins pénible.


83. Est méchant homme celui que les autres craignent.
84. La sincérité sauve l'homme (de bien des périls) .
85. La 1>rière de la nuit rond le Jour prospère.

86. Sots Je compagnon des bons, tu ne craindras pas les méchants.


87. Le silence de J'ignorant est sa protection.
88. La piété se conserve par la continence et se perd par la eonvoilise.
89. Les desseins de celui qui plate son espoir ailleurs qu'en Dieu ne
sauraient réussir.
90. Un coup reçu d~un ami est plus douloureux que celui qui vient
d'ailleurs,

91. CeluI qui ne mange que des viandes permises a le cœur pur.
92. Ce qui serre le cœur est plus fâcheux que ce qui fait resserrer la main
(la pauvreté).
93. Celui dont la main a été obligée de se resserrer a aussi Le cœur serré.
- - - -- - - - - -- - - la sagesse musulmane 371
94. I.e monde esr trop étroit pour loger deux "nncmls.
95. Celul qui se confie à Dieu est toujours content.
96. Heureux celui qui a de quoi vivre. et la sant6 en plus.

97. Une longue vie pa.s sée dans les exercices de la piété est le propre des
prophètes.
98. t..a vie d'u11 hon1me est longue quand ses travaux Bont courts.
99. Fuis les choses embrouillées.
LOO. Qui a de courtes espérances a de longues douleurs.
101 . Obéir à l'ennemi c'est se perdre, obéir à Dieu c'est se sauver.
102. L1njusrlce conduit l'homme à sa ruine.
103. La soif que l'avare ressent pour l'or est plus vlolente que celle que
l'homme altéré ressent pour l'eau.

104. I.e roi esr l'ombre de Dieu sur terre.


105. Les ténèbres de lïnjustiœ obscurclssen! la toi.
106. t:ombre du boiteux est tordue.
107. Vis conte.nt de ton sort, tu se.ras un roi.
108. Ton ennemi est entre tes deux côtés.
109. l..> honre de la pauvreté est plus légère que celle de la richesse.
110. t:adversltéest l'avant-coureur de la prospérlt~.
11 l. Un sage ennemi vaut mieux qu'un roi ami.
112. Je suis étonné de voir les uns qui esp~rent et ne font rien ; les autres
qui n'espërent rien et qu.t font.

113. C'est avoir eu sa par! au butln que de se sauver.


114. L'agonie de la mort est moins 1·acheuse que lfl co1npagnie d'un homme
qui dt!plaîl.
115. Il n'y• point de pari pour ceux qui sont absents.

116. La colère. quolqae juste, est une chose honteu•e.


117. lieureux celui qui se sauve de sa pro1>re 1nallce.
372 Ex-cursus _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

118. L'action de l'homme parle de son origine.


119. Ta faibles.se vient de La force de ton adversaire.

120. Oa1\s cl1a<1ue eœu.r se toge un souci.


121. Le bien que l'on fait à un Ingrat est ptrdu.
122. Recevoir la véritë est un acte de rellgio11.
123. !:avidité tue l'avide.
124. ,_.fesure tôJl entreprise à tes forces. tu réussiras.

125. l.e prix de l'homn,e, ce $Onl ses bonnes œuvres.


126. U11 cœur est dur quand Il est plein.
127. La parole de Dieu est la méclecjne de l'âme.

128. C'est ét:re assez malade que d'ëtre vieux.


129. L'envieux trouve dans son envie mêrne une punjlion suUisante.

130. La perfection de la science consiste dans la douceur.

131. Les biens du monde onlun c)éfaut qui seul peut te les faire apprécier à
leur juste valeur, ils sont périssables.
132. Adoucis tOl'l eœur, tu ser<ts aimé.

133. L'empire de la science esL lm1nuable.


134. Toute haine peut cesser, excepté cel le de l'envieux.
135. Si l'homme connaissaj t le prix de la récompense qui l'artend, n
renoncerait à s·es vaines occupai Ions.

136. Un cœur ambitieux a de longs soucis.


137. L'académie des savants est un des prés du paradis.

138. Être avec des 1néchants, c'est vo}•ager sur mer.


139. Où l'eau est bon.ne il y a foule.

140. Le mérite de l'hon1me est sous sa langue.

141. Dors sans souci. tu seras dans le n1el1Jeur lit du monde.


142. N'obscurcis point la lumière de tes cheveux blancs par tes débauches.
la sagesse musulmane 373
143. Le vrai bonheur tj1I dans la bonne fol.
144. Faire du bien à qui ne le m~rlte pas. c•est faire du mal.
145. Il est à plaindre celui qui joint à un mauvais physique un natwel peu
avenant.
146. Qui ne te hait polnt t"aime.
147. Celui qui prend IOln d·un ofJ)helln est béni de Dieu.
148. Card.,.tol de suivre ravis d·un ennemi.
149. Lape~ de rautre monde n·occupe guère que celui qui est heureux :
le malheureux ne pense qu·l celui-cl.
150. t:amour d~sordon~ de sol est la perte de l'homme.
151. Donne ce que tu peux. on t'en saura gré.
152. Un homme d·esprll n·esl jamais pauvre.
153. Ur' inenlcur n'est poln1 un hornme d'honneur.
154. Il ne se trouve 1>olnt d•tnjure à dire à un Infâ me.
155. Qui n'a rien de superllu n'est point riche.
156. Un calomniateur fo.lt en un 1r1oment des maux qui durent Lrès
longte111ps.
157. La peur est passée quond le mal est venu.

Celte 11.stc des sentences de l'lnla1n AU n'es1 pas exclusive de toutes celles
qui traitent du pouvoir et de la religion - une spécialité tout orientale- de
la bêtise humaine, de djulla (le fou le plus sage de la littérature orale) et de
la médiocrité des go\1vcrnan1:s, qui trouvent là 1.1ne rlposle acerbe d'autant
plus virulente qu'elle est généralement Interdite. Enfin, les t raités d'éthique
ntusuln1ane regorgent cl'une snplence savoureuse qui fonctionne comme un
miroir de la psychologie collective el de ses tourments. li est certain que
nou.s n·avon.s là qu'un pe:t1t ~chant Illon d' la sagesse immémoriale que les
terroiro a rabo-andalou, maghrébin, perse, afghan et turc ont distillé depuis le
début de l'islam jusqu'à nos jours.
Sixième partie
La partie des Dix

·~
L'"21. pt'OC IÛl1, 11011.S 'ri•JlS 1J'lou.s avon.s
pr•j•l<>n.s cl'aller fa.ire le fait J. ?J>•ll>• g•nrc cl•
haclj av«: "IJ:l01l. niari. Il c:hose: l"- J».Oi.s dernier.
parait ~·jj y a1U'a cleu..< li s'agissait clu
n:Ullion.s cl• pileri= pre?l>i•r m•rcnd.i cles
C0111ll'le no-u.s. Soldes.
Dans cette partie .. .

L 'islam est à Ja fois une reUgion et une c ivilisation. Dans cette partie, nous nous
lntéresseroos à d ix graodes contril,utions de la clvllisation Lnusuln1ane et à dix
personnes qui ont marqué l'histoire universelle . Si certaines de ces personnes et
de ces contributions sont étroitement liées à l'ls lan1 en tant que religlo1\, d'aut.res
concerne1lt davantage la Ctilture dans laquelle la religion musuln1ane s'est épanoltie.
Le dernier c.h apltYe a1>orde t.in do1na.1ne dirférent. Vous y ferez. le tour du monde
tnusulrnan en dix grandes régions, dont certaines font l'objet d 'une attention quasi·
quotidienne de Ja part des méd ias h1terrlatlonaux.
Chapitre 19

Dix grandes contributions de la


civilisation musulmane
• • • • • • • •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
!Hins ce chapitre
... Avancées en n1athématlques et en nstronomte
.,.. A tné.lloratlo1l des connaissanceis dnns le don1aine de la sanlé
... Avancées dans le domaine de l'lngénlerlo ol de la technologie
... Splendeurs de pierre
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

1ent~
D ans ce domaine. comme dans d'autres. chacun sera de
mentionner les contribution• qui lui paraissent les plus significatives,
laIssant nécessairement danJS l'ombre d'autres apport!! non moins
ln1p()rtants. La sélection o~réc par chacun est fatalenlent n1arquée par des
choix subjectifs dépendant de la culture mais aussi des préjugés, du lleu et
de l'époque dans lesquels vit l'auteur. Inévitablement, donc, lu liste présentée
Ici ne peut qu'être limitative et ne préjuge pas de 11mportance <JUCd 'autres
pourraient accorder à des contributions non mentionnées Ici mtl.ls tout aussi
va~bles.

Ce chapitre n'est pas cen~ dresser une Jiste des dix tontrlbu1tons les
plus impo.Untes que les musulmans ont apportées au monde. li s'agit
plutôt d"une liste qui fait ressortir dix contributions lmportanles qui. nous
l'espérons. vous paraîtront lnté.re$Santes à connaître pour parfaire votre
connaissance de l'l.slam. Cette liste n'englobe pas toutes les pa1tles du monde
rnu$ulman, ni toutes 1e.s périodes de l"histoire musulrnone vl,llle de mille
quatre <.:.érltS ans.
L'Islam t:.Sl à la lols une religion et une culture. Dans ce c hapitre, vous
trouverez des ex1) Jicatlo1ls sur certains aspects c ultl1tels c1ue le reste de
cet ouvrage - princlpalen1c.i1t consacré à la religion - n'c.nvlsage pas. Notez
bien que nous ne répétons pas Ici les Informations présentées dans d'autres
chapitres de cet ouvrai:ie.
378 Sixième partie : La partie des Dix - - - - -- - - -- - - - - - -

La transmission des écrits 9recs


L'lntétêt de l'Islam 1>our la science a entrainé te recueil et la lraduction
e.n arabe d'ouvrages de J'A ntlqulté clans les don\aJnes de la médecine, de
l'astronomie, des 1nathé1natiques e t de la philosophie, venant pri1lcipale1r1ent
de Grèce mais également de Perse et d'Inde. Haroun Al-Rachid et al-Ma'moun
(aux v11111 et 1:<' siècles) <nll envoyé des émissaires dans l'Empire b)f!antlr1
pour rasse1)1b1er les manuscrits rédigés en grec ancien pour la bibliothèque
officielle, Bayt Al·Hikma (-la maison de la sagesse•). à Bagdad. Honaîn Ibn
Ishaq (80.1·873), un Arabe chrétien, lut le premier grand traducteur. Une
gra11d.e 1>artie du savoir grec. qui avait été oubliée e11 Eltrope occidentale, fut
plus tard rélntrodultt? par des t raductions eJl latin faites à partir de l'arabe,
part leulière1nent ea Espagne et en SicJle où Jes Intellectuels musulmans,
chrétiens et juifs se sont mutuelletnent influencés.

L'a/9èbre et les mathématit{ues


Le mot 11aJgèbre• est tiré du titre de l'ouvrage d'AJ-Khawarazml (vers
780·850) Intitulé Kitab al·Jabr wal·Mouqabala (le livre de la transposition et
de la comparaison), premier ouvrage systén>atique sur ralgèbre. Al-jabr a
donné. ..:algèbre" en français, tandis que le mot 11 aJgorlthme11 vient du nom de
l'auteur. 1\l-Khawarazmi.

A l-Khawarazn1i a eu tout à fait conscience de la nouveauté de son travail et a


inventé de nouveaux ter11les pour exprimer ses concepts :
"*" ~1/·jabr désignait Je processus de transposition des 1.ern1es, selon lequel,
par exemple. x • JO • 60 - 3x devient 4x = 50.
Y" Al·muqabala se rapporte à l'annulation et â la réduction dans les.que.lies
!'équation 50 • x2 = x2 • lOx devient 50 • lOx e t, aprè s réduction, devient
5 ~X.
Un certain nombre d'intellectuels ont développé ce champ d 'é t udes qui a
atteint son apogée avec le travail d'Omar Al·Khayyam (1048- 11 2~) . l:étude
d'un doma1nc particulier des mathématiques a meJlé à des avancées et
à des applications dans d'autre..-; donlaines, telJe-s la trigonométrie et la
géographie, auxquelles les premiers savants médiévaux musuhna.n s ont
apporté d'importantes contribut ions. De l'arabe, par e..xemple. vient le tc.rm.e
de • sinus 11 uti lisé en trlgono1nétrie.

~
'[(.,\\. Omar AJ Khayyam est mleu.x connu en Occident pour ses poèmes Intitulés
4

:J Ruba'iyat (• quatraills •), 1raduits du persan en anglais au x1x" siècle de


faço11 t rès l ibre par Edouard Fitzgerald et, defJujs, en français dans de
nombreuses éditions. Lat raduction de Fitzgerald a eu un grand succès en
____ Chapitre 19 : Dix grandes contri butions de la civilisation musulmane 3]9
Grande-Bretagne et aux f:tats~Unis. Elle est intéressante en_soi mais, bien
qu'inspirée d'Al-Khayyam, elle ne rencl pas préclséme-nt compte des pensées
de cet auLeur. Cette traduction a ëté reprise un peu partout dans le 111oude.
y compris dans la patrie même cle Khayyam, l'Iran. En 1961, un éditeur de
Téhéran, Amir Kabir, a (ait paraître une édition Illustrée en quatre langues, le
persan, l'anglais (traduction d'Edouard Fitzgerald), l'allemand e t le français.
Mals la traduction française que je préfère est celle de Jean-Baptiste Nicolas,
qui fut naguère premier drogman (interprète) à l'ambassade de Fra.nce en
Perse avant d'être nomoié consul de France à Rescht. Son éditi on bilingue
persan.français est parue chez Jean Maisonneuve et est datée de 1981 .
De toute ra_ç on. vous pouvez vous faire une idée précise en tapant tout
simplement • Omar Khayyam" dans la barre cre volte moteur de recherche
s ur lnternet.

Les chiffres arabes


Les Arabes n'onl pas lnventé les chiffres arabes à proprement parler mais ils
en ont affiné le système qui leur vient des Sassanides d'Iran (qul le tena.i ent
eux-1nê1nes de l'Inde hindouiste) et est passé ensuite à l'Occidenl , ol1 on le
trouve référencé à 1>artir de l'an 976. L:amëlloration principale a été de faire
ngurer dans La zone réservée à une valeur nulle un nouve.:'lu c hiffre appel é le
zéro (signifiant ainsi qu'aucun chiffre ne peut figurer à la place occupée par le
zéro). Avec ce système, tout nombre peut être écrit avec une con1blnals.o n de
dix symboles (les chiffres). Les Hindous mettaient un point ou un cercle pour
indiquer qu'uoe. colonne était vide (sunya) ; les .4rabes ont t raduit le sun)'O
hindi en sifr qui a donné en français les mots • zéro• et •cillffre •.
Par exemple, dans les chiffres romains qui 1\e connaissent pas le chlf rre zéro,
321 s'écrit CCCXXI. Avec les chillres arabes, 321 signifie3 fols 100, 2 lols 10 e l
l fois 1. Si l'on prend le c hiffre 320, le zéro fin al signifie 0 fois l.

Les premières pierres de l'astronomie


Pulsant dans la sagesse de Babylone. de l'Inde et plus particulièrement
de la Grèce a11tlque, les sclentlfJques arabes ont apporté d'i.m portantes
contributions à l'astronomie par des observations consignées par écrit
et de.s réflexions théoriques. Us ont clairement distingué l'astl 'onomle de
rastrologie. L'astronomie arabe a é té orientée par des motifs religieux et
pratiques : améliorer la navigati on nautique. déterminer tes cinq ten1ps
quotidic.11s de la prière. la date de La nouvelle June Omportante pour
le calendrier religieux) et la direcllon de La Mecque (pour la priêre et
l'orientation des mosquées). Ils ont défini cette direction com1r1e étant celle
380 Sixième partie : La partie des Dix

de l'arc le plus court d'un grand cercle allant de La Mecque à n'importe


quel endtoU donné. En e(fectuanl ces calculs. les astronomes musulmans
ont déterminé avec une grande exactitude la latitude e1 la longllude de
nom breu.~cs vllles rnusulmanes.

Le système de Ptolémée du mouvement clrculalre des 1i lnnètes (et du


Solell) autour de la Terre (1~ siècle) a été accepté, mals des modJOcations
signUicatives y ont été apportées en raison d'anomalies constatées par les
sclenUflques arabes enlte la théorie de Ptolémée et les résultats de leurs
observatiOns.
Le même Al-Khawarazml qui a donné l'algèbre au monde a également écrll
le premier Uvre arabe sur l'astronomie que l'on ait conservé. La première
synthèse dans ce domaine est celle d'.AJ-Blrounl (973-1048) avec son ouvrage
A~Qanoun Al·Masoudl. Plusieurs noms d'étoiles provlennen1 du liure de<
constellatiotL< d'Al><I ni-Rahman al·Souli (1009). d'où Ils sont passés au latin.
puis au rrançals. [..'arabe n donné des tetlnes tt:chnlques au français reis
nadir. azimut, et zét1i1ll. Ibn Al-Haytham (connu en Occldenl sous le nom
d'Alha2an. 965·1040) a déterminé que la Vole lact~e est composée d'une
myriade d'étoiles faibles. très éloignées de la terre.
Le prenlier vtr1table observatoire astronomique au monde fut sans doute
celui de Maragha (..- slttle). situé dans le nord-ouesl de l'Iran el dingé
par Nasslr al-Din al-Toussl (1201-1274). Alors que le télescope n'avait pas
encore été Inventé. les sclenllHques arabes ont apporté des amélioration•
importantes à d'autres Instruments. tels que f"astrolabe. lnstrument portatif
de base pour observer remplacement des corps célestes. Les astrolabes sont
souvent des o1>je.Ls d'une très belle facture el d'une très gra1tde beauté.

La roue et autres inf/entions techno/09il{ues


Les apporu Islamiques à l'ingénierie et à la technologie sont évidenu,
comme en témoignent leo vestiges archéologiques. les archives historiques
et les structures qui subsistent encore. Les ingénieurs n'ont en général pas
laissé par é<rlt le fruit de leur travail mais on dlspœe de deux ouvrages qui
décrivent des dispositifs teehnologiques juste pour le plaisir. Cependant,
la meme technologie a élé employée pour des appllcallons ullUsées dans le
monde réel : les co1nmu1a1eurs, les valves coniques (y compris les soupapes
à flotteur), le.~ siphons, les changements de vitesse. les vilebrequins e t
autres. Le liure <les dlspositlfs ingé11ieu:r é<:rll 1>ar les ttols frères Banou
Moussa au 1x< siècle à Uogdad décrit cent disposltUs mécaniques intelligents,
y compris un rnasquc à gaz destiné à êlre ullllsô dans les mines polluées.
Le.Li.ure de la co11f/als$OnGé <les dispositifs "1écanique.'l ingénieux d'Al·Jazarl
(1206) comporte de• diagrammes expliquant les molérlaux, la consltucllon
et le fonctionnement de cinquante dispositifs. dont notamment des horloges.
Chapitre 19 : Dix grandes contributions de la civilisation musulmane 381
des rklplents. des appareils de mesure. des fontaines et des machines à
faire monter l'eau.
Le plus grand Intérêt de ces appareils fut d"améllorer la production agrk:ole.
Une •érle de dis1>0si11!s de relèvement de l'eau a rendu possible l'irrigalion à
grande échelle. Une roue à aubes g~ntes de plus de dix mètres de diamètre
est tou1ours en place à Hama en Syrie. Les roues à aubes ont égalernenl
act1onné des moulins utilisés pour 1noudrc le grain et pour d'autres usages
de fubrlcatlon. La rotation des cultures, les greffes. Io croisement des
espèces et J'introductlor1de nouvelles cultures 0111 augmenté la production
allnlentalre. Des manuels furent rêWgés pour conselller les fermiers sur les
dlfrérenla ty1)es de sol, sur les planles, sur l'époque des semis e l la période
de récolte.
Des techniques sophistiquées ont également été employées pour la
con.structlon navale. rexploitation des mines, la production de papier et de
tcxtlle, et la métallurgie. Les manuels que l'on a retrou~s fournissent des
informations explicites sur les méthodes de fortlflcatlon. les machines de
sl~e et la construcrlon d'armement. Les bateau~ sur le Tigre et l'Euphrare
au X" alècle étaient équipés de grandes roues à aubes pour moudre le grain
à grande écllelle. Des techniques particullères furent appllquées pour la
construction de barrages et de c.anaux d1rrlgatlon. notamment des canaux
souterra1ns sur plusieurs kilomètres.

La médecine
À un moment où la guérison en E:urupe était 1>rl11clpaltinen1 lnlssée à la
grll.c.e de Dle1.a, les soins médlcaux dans le mon<le ntusulnlOll onl ra1>lclco\ent
prolfressé. Les œt1vres de Galien et cl'Hlppocrate ont été parmi les premiers
textes grecs traduits en arabe. La médecine arabe. poursuivait tin clouble
but : à la fois préserver la santé et traiter la mal.ldle, mals aussi instaurer un
climat de connance entre le médecin et son patient.
Le premier ~rltable hôpital du monde a fonctionné à Bagdad au début du
IX" siècle. De plus grands hôpitaux ont été dotés de lacullés déUvTant les
dlpl6mes adéquats. La médecine arabe a mis l'accent sur l'observation,
le dlagnosllc et l'expérience cliniques p0ut augnlenter la connaissance
et améliorer le 1ralleinen1 des maladies. Al·Razl (SS0.925), le Rham
des médlévls1es, et Ibn Sin.a (980-1037). plus connu en Occident sous le
nom d'Avlcenne, son• deux des plus célèbres médecins et cllercheurs de
l'époque. J:œuvre majeure d'Al-Rad, le Guide complet dt Io ml!decine, est
une encyclopédie médicale en 23 volumes. Il a i!crll le pre1nler 1ralté sur la
variole et la rougeole, a idenllrlé l'existence et la cause de la fièvre des foins.
et a travaillé sur les calculs rénaux. Le Ca11011 de Io 111édecfne d'lbn Slna est
un ubrégé de ln connaissance médicale et phnrmaccullque de son époque. Il
382 Sixième partie : La partie des Dix ________________

était encore employé comme ouvrage de référence en Europe au xvu"' siècle.


Ibn Si na a souligné l'importance de facteurs tels que le régime allmentalre,
l'environnement et Je climat.

Abou Al-Qaslm Al·Zahrawl (9:l6-J013) est un chirurgien célèbre qui a


écrll un ouvrage en 30 volumes pour décrire dans le détail les opérations
chirurgicales qu'il a effectuëes et les lns~ruments utilisés. En dépit de
scrupules religieux, l'anatrunie a été pratiquée, menant à la découverte de
la circulatîon pulmonaire du sang. Les chercheurs médecins arabes ont
égaJement dé.veloppé les domaines de l'ophta,ln1ologte Cl de l'a_nesthéSiologie.

Le déf/efoppement de fa pharmacof09ie
La pl1arn1acologle a é té reconnue au 1xf' siècle comrne une dJsclpline séparée
de la botanique et la profession de pharmacien distincte de celle du médecin.
Des officines ont é té attachées aux grands hôpitaux, e l le prenlitr apothicaire
a ouvert sa boutique à Bagdad au v:e siècle. La profession de pharmacien était
réglementée et contrôlée par le gouvernement. De t.1aterla A1edica (Sut tes
sujeu médicaux) de Dloscorlde, le texte grec de base, a été traduit en arabe
e l demeure un manuel de référence. Jabir Ibn Hayyan (722-815) est crédité
de l'un des premiers traJtés phar1naceutic1ucs arabes. Ibn Sahl (1xe.siècle) a
écrit l in manuel pratique donnant des formu1es chinliques. avec le dosage
et des instructions pour administrer l es médlca.m ents. A.1-Ratl et Ibn Slr1a
(cf. le paragraphe h1l"ltulé •La médecine• dans ce chapitre) ont également
apporté d 'importantes contributions à la pharmacologie. Ibn .4.1-Bayt:ir (vers
1190· 1248) a réaUsé une COO)J)llatior1 d 'une grande partiè de la connaissance
pharmaceutique co·n nue à cette époque dans son Dictionnaire des aliment.s e1
des médicaments simples.

L'optit{ue et fa beauté de f 'arc~en~cief


La recherche en optique a démarré ave<.: la tra<luction des principaux
ouvrages grecs en arabe. Ibn Al-Haytham (cf. le paragraphe intitulée • Les
premières deJ'astronon1ie11 dans ce chapltl'e) a combtné l'expé.r lmer1tatlon
clinique avec l'analyse géométrique. associée à l'amélioration des
connaissances de Ja physiologie de J'œ.U, pour produire une théorie
consldérabJe1nent anléllorée de la vision. A l-Haytham a montré que ce qui est
vu par l'œil n'est pas l'objet en lui·mème. En réal ité. J'œil perçoit la lumière
réCléchie par l'objet et transmet cette fnfo.rmatlon au cerveau qui construit
u11e 1r11age de l'objet.
_ __ _ Chapitre 19 : Dix grandes contributions de la civilisation musulmane 383
Kamal a l-Oin a.1-Fars l (vers 126()-1320) est célèbre pour avoir expliqué le
phénomène de l'arc~en-ciel <lu'il a compris en combinant la t héorie de la
géométrie. l'expérience et les connaissances acquises sut la transmission
de. la lumière. Il a organisé une expérience dans laquelle la lu1nière était
réfléchie par une sphère aquatique pour produire un arc-en-ciel. Quand les
rayons du soleil traversent une goutte d'eau. deux. ré(ra<:tioos (convexion)
et une seu1e réOexion des rayons à l'inté:r leur de la goutte produisent un
premier arc· ett·· Cle.I. Une deuxième réflexion interne p roduit un arc-en..o<:ieJ
secondaire, avec ses couJcurs t1lversées.

Des monuments de l'architecture mondiale


La technologie, l'ingénierie et le tale1lt des arUstes se combinent dar1s
certains- types cl'arcl1ltec1ure. Les deux conlributions n\ent1onnées ici
concernent deux des monu1nents architecturaux les plus connus de J'isla1n.

le Tai Mahal
En 1631, Moumtaz Mal\al, l'épouse tant aimée du shah Moghol Jahan, meurt
en donnant naissance à son quinzièl'ne eofant. L'a11née suivante, le shah fait
construire un mausolée qui est aux yeux des non-musulrnans le monument le
plus célèbre de l'architecture 1nusulmane. OaJ1s le monde anglophone. le Tal
('.1ahal est bleJl connu g·r âce au peintre de paysages Tl1onlas Oaniell. qui luJ
consacra de nombreuses toiles datées de 1789. En France. ce so11t les voyages
à Agra de nombreux amoureux de l'Inde qui l'ont popularise. Depuis peu,
dans le paysage audlovlsue.I de la TNT, el en particulier sur les cl1aînes de
voy;(lges, Planète et Voyage, d'excellents reportages permettent de découvrir
les fastes de ce monun1ent funéraire, sans doute Je () lus célèbre au monde.

le Ta] l\~ahal est situé sur une plate~forme, h l'lnsLar des temples hindous,
sur la rive gauche du flt live Yamouna, à Agra.. Il constitue lndénlablement
run des quatre joyaux de J'architecture funéraire moghole à un moment
où l'empire était au sommet de son rayonnement (pour en savoir plus sur
les Moghols. cl chapitre 4). Outre des artisans hindous e t des maçons
musu_lntans venus du Cachemire, des artisans ont été <1menês de tout
l'Ë.mpire ottoman. de Sit,narkand, de Chiraz. de Boukhara et cte Qancla.11ar.

Le tombeau est placé au milieu d'un grand jardin, bie1t structuré, divisé
en quatre quarts de cercle à J'h)tcrsectJon des bassins qui peuvc11L
représenter Je Lac et Jes quatre r iv i ères (lu paradis. Au~dessus du portail
massif de l'entrée, à l'e.xtréo1lté sud du Jardin, est Inscrit un passage de
la $-()urate LXXXVC (o- l."Aube») q_u l se ler1nlne par une in\1itation à entrer
au paradis. Le grand dôn1e à bulbe du tombeau semble e11 suspension
.au-dessus des bassins où se projette son reflet. Contrairement au grès rouge
384 Sixième partie : la partie des Dix

habituellement e1n1>1oyé dans ce genre d'édifice, c·est un marbre blanc


poli, sclntlllanl de mllle éclats, qui a servi de matériau de construction. Sa
oouleur évolue au fll de la Journée en fonction de la luminosité. Nombreux
sont ceu-x qui d isent que le Taj MahaJest bien J)lus beau encore Illuminé par
le clair de Ju1te. Prescrue nu son1met, les quat re coh1s de ln base du dôn1e
sont rehaussés cle quotre petites coupoles voûtées. QtJlltre grands minarets
élancés e11cadrent l'ensemble du complexe runéralre. Une grande voûte côté
sud marque l'entrée du mausolée. Elle est assortie de voOtes Identiques sur
les trois autres côtés. Sur ces derniers est Inscrite la sourate XXXVI, qui est
traditionnellement rklrée pour les défunts. Une mosquée et un bâUment
pour les Invités, à peu 1>rk Identiques vus de l'ext~rleur, llanquent de chaque
ciité la structure du mausolée et sont Incorporés dans les murs d'enceinte
qui entourent le co1nple.xe du jardin et du mausolée. À rintérieur se trouvent
les cénotapltcs (monuments funéraires maî.s qui ne contiennent pas le corps)
du shah Jaban et de son épouse. La décoration, à l'lnu!rleur et à l'extérieur.
se con1pose de calligraphies de versets coraniques et d'incrustations
rafllnées de fleurs entre lacées. Nul besoin d'être musulman pouT être pétrllîé
d'admiration devnnl le Ta) Mahal ou d'avoir l'ln1pres11fon d'y goO t ~r les
;J J'>l' 'é1n ices du ciel.
{/~ Grâce à la recherche d'images du moteur de recherche Googie, il sulfit d'un
'&} clic pour trouver les plus belles phOIO$ du Taj Mahal.

Alhambra
SI le Taj Mahal s'apprécie mieux de l'extérieur, l'Alhambra, en revanche, se
découvre peu à peu au fur et à mesure des pièces visitées. L'Alhambra est
le bouquet final du feu d'artifice de la présence musuhnane en Espagne.
Même s'il s'agit là de l'u11 des palais musulmans le$ nlleux préser vés,
certaines parties aont tout de même en ruines ou n1asquées par des ajouts
architecturaux plus tnrcllfs. Depuis des années cependant, les autorit~s
espagnoles ont pris conscience de la vaJeur lne.s111nable de cet héritage et
ont d~c:·idé d'employe.r les moyens nécess.aires peur le restaurer. Des artisans
chevronnés se sont dooné pour tâche de retrouver lts couleurs originelles et
de restaurer les mosaTques, les frlS« et les calllgraphles

Si la citadelle originelle date du.,.. siècle, les éléments leo plus célèbres
font partie du palais const rult aux...,. siècle par la dynastie Nasrlde de
Grenade. Les chercheurs disent que, à l'orlglne, 11 y avait sept complexes
architecturaux princiers el vingt-trois tours. Les palais se composent de
cours agrémentées de bassins et de fontaines, entourés par des vestibules
re.llés aux salles Intérieures. La cour aux Lions doit son norrt à la célèbre
fontaine aux douze lions de la gueule desquels Jalllll un filet d'eau. 1..a cour
des Myrtes est connue pour son long bassin central où se reflète l'image des
be.aux: portiques nord et sud et celle de ta tour nord.
____ Chapitre 19 : Dix grandes contributions de la civilisation musulmane 385
Comme le Taj Mahal. l'Alhombra symbolise une certaine violon du paradis.
Les plafonds de certaines salles Intérieures s'appellent les sept cieux e t
le dôme du ctel. Partlcullè.re:ment lmpresslonnante es1 la décoration en
mouqarnas (dentelle de stuc de forme alvéolaire), dans laquelle des rangées
superposées de niches en demi-lune fabriquées en stuc s'élèvent jusqu'au
plafond. chacune étant dotée d'une protu~rance qui retombe de chacune
des nk:hes (semblables au• stalacllles qui s'allongent vers le bas comme des
glaçons qui tombent de la voOte d'une caverne).
Grâcoe à la recl>erche d1mages que permet le moteur de recherche Google.
Il sullit d'un clic pour trouver les plus belles photos de !'Alhambra, avec la
cour des Myrtes et la cour au• Lions. Vous pouve2 aussi lire les <:entes de
/'Alhambra. ouvrage qu'lrvlng Washington, ancien ambassadeur des fiats.
Unis établi en Espagne. avait ~Igé au temps de sa mandature. Car au
XIX' siècle. !'Alhambra tombait en ruine et seuls les soudards et les sans-abri
y habitaient. Depuis. sa rburrectlon est totale et tous ceux qui acceptent d'y
faire le voyage n'en revte.ndron1 pas lnde.mnes. la beauté étant par défln_
îtk>n
une transfiguration.
Chapitre 20
Dix personnalités musulmanes
d'hier et d'aujourd'hui
•••• ••••••••• ••••••••••••••••••••••••••••••••••••
&ns ce cflapitre
.,. Un peu d'histoire et de géographie
..,. Deux grands 1>ersonnages qui ont rnorQué !'histoire de l'lsla1n
._.. Les grands esprits se rencontrent : un penseur médjéval et tut f>llllosophe du
xX' siècle
._ Un architecte.. un romancier et une cha11teuse
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •••••••••••••••••••••••••••

L es présentations qui vou.s sont faites dans ce chapitre de quelques


grands personnages rnusulmans sont trop brèves et ne peuvent que
vous dooner un aperçu rapide de la cultu.:re musulmane. Elles fo1..1rnls.se.nt
néanmoins des portraits concrets de certaines personnes <1ul onl réellement
e.xislé ou existent encore.
Nous nous sommes efrorcés de trouver un équilibre e11tre 1es 1nusuln1ans
qui ont marqué leur époque et ceux qui ont jouê un rôle dans le n1011de
moderne (il y a moins de soixante-quinze ans). Ils vous sont présentés par
paires de personnes (ou. dans un cas. en trio) dont les contribullo11s ont été
semblables. Si l'un de ces personnages ne vous intére..e pas. n'hésitez~ à
passer à un autre.

~
Nous avons gardé le mellleur pour la lin ; une chanteu.e. et non des
/'~ rnoindrM. puisqu'il s·aglt d'Ourn Kalthoum. la ptus grande chanteuse
~ égyptîenne du xx• siècle. SI vous ne deviez lire q11'une seule présentation, ee
devrait être celle-cl. Faites connaissance avec cette fen1n1e fascinante, ou
apprenez-en un peu plus sur elle pour 1nlcux _goûter le charme de ga n1usique.
388 Sixième partie : la partie des Dix _ _ _ _ __

Un si lon9 f!01Ja9e : Ibn 8attouta


En 1325, Ibn Bat1out• 1>nrtlt de sa ville natale de Tanger, au Maroc. pour faire
le hadj. un voyage: qui normalemen1 prenait tle un à trois ans. Il revlnt chez
lul vt11gt-c1.nq ans aprè1. Après avoir effectué deux voyages supplémentaires
plus courts en Espagne et en Afrique de rOue•t, Ibn Baltouto comptablllsait
120000 km et plus de q04rante pays visités. Et dire qu'il n'a m~me pas eu
droit à des miles suppl~mentaires dans le cadre: du programme fréquence
plus <fAJr France ! Le sultan du Maroc a demond~ au ~te de la cour
Ibn Jozayy d'écrire les m~molres que lui dictait o rale~nt Ibn Battouta.
Le résultat se compte en un peu plus de mllle pages (dans la traduction
en français). Ce récit qui s'intitule Un cadeau à ceux qui co111emplent les
merveilles de-& dti.& eJ les grandeurs du uoyage est étonnamment précis et
détaillé.
Voici la version abrégée de l'itinéraire retracé:

1. Parti eu)ulu 1325, li voyagea par vole de terre le long de la côte


d 'Afrique du Nord jusqu'au Caire, puis jusqu'à Dama• pour rejoindre
u.n e caravane de hotQ qui aUalt à La Mecque, on Il arriva en 1326.
2.. Au cours de• dnq ann~o •ulvanteo. Ibo Battouta nt deu.x pèlerinages
supptœentaltta tout en voyageant dam toute l'Arabie et le long de la
côte orientale de l'Afrfque..

3. U entreprit alors de gagner l'Inde en tulvant un Itinéraire circula.ire


qui l'amena en 'fürqule, à Con5tantlnople, à Bouk.hara, à Samarkand
et â Kaboul, pour arriver en Inde en 1333.

4. En 1342. le sullon de Delhi l'envoie en Chine en mission diplomatique.


En raison de divers ma ll"leurs, y compris un nllufrage, il passe un certain
te-mps aux Maldives.
5. 0 devait ensuite paMer par le Sri Lanka mai. lut victime d'un autre
naufrage avant dt pounulvre vers le 8eogaJe, Sumatra. et ta Chine.
6. En 1347, Ibn Battouta é tait revenu en Inde, pub continua vers la Syrie
et le Caire, qui avalent ét~ happés par la peste noire qui entraûia plus
de 21 000 dêœa par jour.
Il s'en retourne par la rne.r au Maroc.

7. Ses det1K dernie rs voyoge8 l'an1eoè.rent à Grcnode. en r~pagoe, puls à


travers Je dé.sert du Sahara vers l'Afrique de l'Oueat notamment, e1afin
en chemin llavcne pour revenir.
Ibn Battouto fut juge religieux au Maroc jusqu'à sa mort en 1369.
- - - - Chapitre 20 : Dix personnalités musulmanes d'hier et d'aujourd' hui 389
la mémoire de l'histoire: Al·Tabari
Ibn Jarlr Al-Tabarl est né M 8:l9 dans la région qui se t rouve ou sud de la mer
Ca.spie.l'ane. À l'âge de 7 a11s, Il çonnatssait tout le Coran 1>ar cœur. Il alla à
Bagdad pour étudier avec le grand spécialiste de la lol lslamlquc. Ibn Haobal
(780-855. cl chapitre 8), qui mourut avant son arrivée. Al-Tabarl o ainsi
passé un certain nombre d'a1,116e$ à étudier et à rassembler des documents
en Perse. en Irak, eo Syrie. en Palestine et en tgypte. Finalement. li revint à
Bagdad, où il devint un prolesseur célèbre de hadiths et de droit (certaines
sources disent qu'il écrivait plus de quarante pages par lour).
Al·Tabari se situe à mi-chemin enlTe les mu~Lazl11tes el les chiites. <rune part.
eth?$ traditionalistes extrérnlstes représentés par Ibn Hanbal. d'autre part.
Ses deux ouvrages les plus célèbres sont un comme1ttalre clu Coran (la/sir)
et une f/istoire (tarlkli) di!.f propJrètes et des ro1:s. Ces cieux travaux sorll des
son1rnes volunl lneuses conclcnsanl toute l'érudition nluSulrnanc acqujse
par AJ: rabari sur son e110que cl les époques précédentes. On raconte que
Al-Tabari souhaitait écrire des ouvrages plus volurnioe-ux encore mais que
ses amis ront convaincu d'Etre plus concis, ce qui a permis de ré.duJre de
chacune de ses deux grandes œuvres à trente vo1u1nes seulement.

Son tahirest une 6plk:Uatk>n du Coran verse.1 par verset, acco1npagnée de


tOU$ les avls antérieurs sl,gnlficatlf.s sur chaque ver~I. Son commentaire
du Coran est la principale source qui permet de comprendre l'hlstolre
des débuts de 11nterpr~tatlon coranique. Après lui. tous les ~tudlants el
chercheurs musulmans l'ont étudié et Il demeure encore au)ourd"hui un
ouvrage de référence bien fondé. Le comn1entalre et l'histoire sonl compllés
comn1e ti n recueil de hildlths : 11 donne l'isnad (la c l•aîne des trans1netteurs)
pour chaque lnterprétat Ion ou événement (cf. chapitre 8). Par sa ffAçon de
c:hoisir le matériel et d'en rn1,1>roct1er certains, Tabarl Iodique subtilement
les lalblesses de cerl alns rapports par opposition à la véracité d'autres. Son
histoire commence par la création. se pou-rsuil avec la période biblique, puis
aborde la période de Mohammed el se termine en l'an 915 de notre ère. Son
histoire, avec la biographie de Mohammed par Ibn 1$haq. constitue l'une
des deux sources majeures pour connaître l"histoire de nslam à ses débuts.
AJ.Tabari meurt à &gdad en l'an 933.

le pou"oir de l'épée : Saladin


Salah a l-Oin (connu sous le nom de Saladin e n Occ l ~en t) a ét6 un grand
guerrier qui vécu1 1,endant ln période des croisades (cf çhn1>l1 re 4). respecté
par Jes chroniqueurs des deux bords Pour sa chevalerie, sa gé-nérosllé
envers les ennemis défaits et 1a fldé.Jltê. Un peu plus de cent ans après sa
mort, dans sa Divine Comédie, Dante a Inclus le personn1111e de Saladin qul
390 Sixième partie : La partie des Dix - - - -

est le seul de ses contemporains à aller dans les llmb<!s (un lieu Intermédiaire
pour ceux qui ne vonl ni au ciel ni en l'enfer), avec les anclen.s, lets que Platon
et Hon1ère. Au x1x" siècle, la rencontre de l'Anglals Rlchord Cœur de Lion avec
Saladin a êté reprise par Waller Scott corn me élément de l'intrigue de son
roman Tali$tnc111.

Saladin, aé aux environ• cle 1137. était kurde. Sa famllle s'ln$1alla à Alep, au
service de la dynastie locale. celle des Zengldes (ou Zenguldes ou Zankldes,
1127-1222). qui gouvernait le nord de la Syrie à l'époque. Saladin accompagna
son oncle, Shlrkuk. au cours de trois expéditions en ltgyple, el quand celui-cl
meurt en 1169, li lul succède à la tête des troupes syriennes et devient vile
maitre de rtgyp1e el fondateur de la dynastie ayyublde (1 169-1252) qui vient
remplacer la dynastie fatimide (d. chapitre 4). La maîtrise de l'tgypte faisait
partie du plan de conquête de Nour al-Oin (de la dynaotle Zangl, appelée
Noradln par les Latins, 1118·1174) pour reprendre Jérusalem et chasser
les croisés européens l1ors de la région. En réaction à la présence des
croisés. 1'attachemcnl musulman à Jérusalem se renforça, e t une littérature
•h<>ndante encourage au djihad afin de reprendre la ville. Après la mort de
Nour aJ~Oin en 1l74, Salaclln finit par devenir le n1oitre des terres iengides en
Syrie et au nord <le la M ésopotamie. li réussit à vaincre les armêes locales de
croisés à HatUn, en Galilée, en juillet 1187. En octobre. Il reprend Jéru$alem,
épargnant ses habitants (ce que les chrétiens n'avalent pas fait quand ils
avalent conquis la ville quatre-vingt-huit ans plus tilt). Au cours des deux
années suivantes. la plupar1 des bastion5 chrétiens rc.stants tombèrent:
seule Tyr. sur la dite. resta aux mains des croisés. Les rois français.
germaniques et anglais se concertèrent p0ur mener une nouvelle croisade
en vue de reprendre Jérusalem mais ils ne parvlnr~nt à reprendre que Saint·
Jean-d'Aere el quelques autres vllles côtières en 1191. Le roi Richard, malade.
conclut une trêve en 1192 et se retira. Sal adin revint à Dan1as, e t mourut
l'année suivante.

Splendide Majesté : Akbar


Alcbar (1542-1605) est le troisième dlrlgeant moghol (ri chapitre 2) mals
le londateur de la plus grande dynastie musulmane de l'Inde. Du tôté de
son père, Il descendait du conquérant mongol Genghls Khan et de Timur
(Tamerlan), d'un grand conquérant llm: et du fondateur de la dynastie des
Timurides ( présentée au c hapitre 4) . Du côl~ de sa mère, Il descendait d'une
famille de dirigeants musulmons lraniCJ'IS. La ntère du llls (et successeur)
d'Akbar. Jahangfr, était une princesse hindoue. Cette ,généalogie fait ressortir
les rc llglons cl les cultures qui ont façonné la 1>crsonnallté d'Akbar où se
côtoient des Influences turques, persa.nes (iraniennes), mongoles, et nlême
hindoues.
_ _ __ Chapitre 20: Dix personnalités musulmanes d'hier et d'aujourd'hui 391
L'œuvre d'Akbar s'est exe.rcée dans quatre domaines principaux ; conc.1uêtes
rr1llltalres. centralisati on administrative du gOU\'ernement. tolérance
religieuse et syulhèse ré,1ssle des traditions artistiques musulma1\es et
hindoues. Akbar. qui n'avait que 13 nrLS quand il fut proclarnê empereur en
1556. prit les rênes du gouvernement en l560. À sa mort, n avait accru la
tallle du petit l:'.tat dont il avait hérité, de sorte qu'il s'étendait des confins du
Bengale, à l'est de l'Inde, jusqu'au Pendjab. en Inde du nord, et Jusqu'au centre
de l'Inde actuelle au sud de son enlplre.

Pour gouven\et cet Ë.tat considérabJemeat agrandi, Akbar a repensé le


système riscal de sorte que la majorité de.') -recettes fiscales r evenaient a\t
gouvernenle.n t central alors que les fermiers conlinuale11t à êtte lncltés à
augmenter Jeurs pr0<luc:tlc>n$. assura11t de ce lait la prospérjtê éco1)01111que
du pays. na conçu un système dans le<1oel l(1ut es les nominations de
fonctionnaires, civi1s et mllltal res. procédaient de l'empereur ta1\dls que
leurs appointements étaient versés pal' Je trésor' lntpérial. Les fonctionnaires
de 1taul et de moyen rangs. dont une bonne partie était constlluée de
11obles hindous. étaient fréquemnle.1lt mutés a111eur s, afin d'empêcher que
ne se dévelop.pen1 des centres de pouvoir loeaux rlsqu.ant d'être tentés
de contester le pouvoir de ren1c>ereur. Au niveau local. il y avait une autre
catégorie d'adn1inistrateurs qui rendaienl compte cllrectement à l'empereur.
Les magistrats étaient égalen1ent sous la tutelle impériale. et un réseau de
Journé,tllstes était chargé de tenir le roi au courant des faits et gestes des
fonctionnaires locaux.

De façon magistrale, A kbar a réalisë la sy11lhèse des divers courants religieux


qui foisonnaier1t en Inde à cette époque: diverses formes d'l1indouisn1e,
l'lslan1 des juristes théologiens (oulémas), dlrférentes mouvances soufies et
chiites. Un décret de 1579 fait de l'empereur l 'arbitre final sur certains points
cle droit islamique. i\kbar est <:on nu - et parfois détesté par les musulntans
conservateurs - pour sa tolérance envers les atitres re11gtons. Il a supprimé
l'impôt spêcial <les 1100-11lus1llmans et l'h11pôt exigé <tes pèlerins hindous.
11 a encouragé la construction de rr1osquées et cle tentples. U a suscité des
conversations non seolen1ent entre n1usulmans et hîndotis, mals également
entre des prêtres catholiques jésuites. qui tésldalent à Goa sur la côte sud-
ot1est. et des 1ne1nbres d'autres religions. Akbar a TTlêrne rondé sa propre
re11gion en 1582 (Dln·l-ifof1i. ce c1ui slgnUle •la Coi divine 11) , qui n'a jain~ls attiré
que quelqves personnes, dans son cercle restreint d'amis.

c·est en(ln dans le domaille de l'art qu'il a œuvré de façon remarquable.


Grand btltissevr, ll ordonna la construction de pl\1Sieurs rr1osquées,
tombeaux et palais. JI a fait bâtir une nouvelle capitaJe (abandonnée ensuite),
Fatehpur Sikti , dont les 1nonuments sont toujours vis1l>Jes aujourd'hui. U a
installé des ateliers d 'a rt im1>érlaux qui ont fusionné les t raditions t1intloues
et per sanes daJ\S l'art de la miniature et <les enluminures, produisant ai11si
des manuscrits rnagn1nque.m ent Illustrés. Akbar, qui est loin cl'être un modèle
pour les musuhnaas traditionnels. n'er1clerneu-re pas moins une ligure
fascjnante qui a laissé clerr1ère lui une œuvre immense.
392 Sixième partie : La partie des Dix - -- - - - - - - - -- - - --

Un penseur médiérlaf : Ibn Rochd


Ibn Rochd, mieux connu sous le non1 d'Averroès en Occident, est né à
Cordoue, en Espagne, en 1126. Il a reçu une éducation exigeante en exégèse
corctnlque, e n droit, en théologie et en tnédeeine. Vers 1166. iJ rencontra le
calife de la dynastie Almoha<le qui régnait alors sur l'Afrique du Nord-Ouest
et de l'Espagne, Abou Ya'qub Youssou~ qui lul demanda si le c iel (l'univers)
était éternel ou bien s'il était apparu un beau Jour. Ibn Rochd était peu
disposé à répondre. Aussi le calife fit-il la réponse à sa propre question, ce
qul 1nilla entre eux deux une longue dlscuss1011 crordre philosophique. À la
den1ande du calife, Ibn Rcx:hd entrepr;t de rédiger un condensé des travaux
d'Aristote. et Jllê n1e de la Républiqtte de Plato.n. Il a également écrit un certa.i n
nombre de commentaires sur ces œuvres. fort de l'appuJ royal qu'il avait
mérité, Ibn Rochd devl.nt juge à Séville en J 169, puis juge principal à Cordoue
en 11 71 et médecin royal du calife à la cour de Marrakec h en J 182. Quand il
tomba subitement en dlsgr3ce aux alentours de 1195, Il fut exilé e l ses livres
brOlés. li lut réhabilité par la sulte et mourut en 1198.
Ibn Rochd a écrit trois Jivres traitant des problèmes central,.lx du rappOrt
entre la raison et ta Révélation. Dans l'un, Il ré futa point par point le rejet
d'AJ-Chazali de l'• lnc;.0J1érence des philosophes• et. au contraire, Il estin-ia
que la 1>l1ilosor>hie et la religion ensefg·nent La n1ê1ne vérité; les philosophes
pourront obtenir la. plelne co1n1>rél1ension de cette vérité par la preuve
philosophique tandi.$ que la plupart des personne$ acceptent la vérité sous
l'autorité de la Révélation. Le Coran lul-1nême demande aux musulmans de
rechercher la connalss.a11ce, ce qui revient à encourager le questlonrlement
philosophique.
Pour Ibn Rochd, les théologrens comme aJ-Chaza.11sont111oh1s concrets que
d es philosophes parce que les théologiens s'engagent dans des spéculations
non fondées. contraire.ment aux philosophes qui s'appuient sur la preuve et
aux croya11ts qui se contentent des 1nots simples de la vérité contenus dans
l'~riture sainte. Ibn Rochd a 1>assé en revue un grand nomb.re de questJons
qui tracassale11t les pc-emiers philosophes musulnla.n s: la créatiort du
monde, les a ttributs de Dieu, la causalité. le libre arbitre et la prédestination.
et ce qui arrive à J'Ame après la mort En tant que tnédlateur cl'Aristote.
Ibn Rocl1d étajt mieux connu en Europe occidentale que dans Je monde
musulman, où l'époque de la philosophie musulmane étalt sur le déclin. En
Europe, ses Jivres ont été brûlés à l'université de la Sorbonne, à Paris, en
1277. Les ouvrages qui ont été 1>réservés de la destruction. dont certains
ne sont connus que par des traductions latines. ont eu un regain d'intêret
au d ébut du x1x~ siècle. aussi bien en Occîclent que chez certains intellectuel
musulmans. En France, Er11est Renan a consacré sa thèse à Ibn Rochd. Son
lnlltulé, Averroès et /'all'!rroisme. a marqué le début d'un intérêt qui a profité à
la philosophie d'lbn Rochd, mals aussi à tout l'islam des Lumières. C'esl ainsi
que Je Liure du discours décisif (Fas/ al~maqal) a fini 1>ar êtr e réédité et que de
_ _ _ _ Chapitre 20: Dix personnal ités musulmanes d'hier et d'aujourd'hui 393
nombreux traités ont été consacrés à Ibn Rochd. L:un d'entre ,eux est
un "Que Sais-Je ?n, Averroès el /'averroi'sme. écrit i>ar cieux $pécialistes
reconnus, Maurîce-Rvbtn Hayoun et Alain de Ubera. qui se lit t rès faciJe1nent
(PUF, !991).

Ibn Khaldoun : père de la philosophie


de /'histoire et de la socio/09ie
Ibn Khaldoun est consldéré comme le premier philosophe de l'histoire et
le père de la sociologie. Il est né à Tunts, en Afrique du Nord, en 1332, et
est mort au Caire en ! 406. Son autobiographie. terminée l'année précédant
sa mort, fournit d'abondantes lnfo-tn1atlons sur l'homme et son temps. Ses
parents sont morts au moment de l'épidé1nie de peste. ootre en 1349, un
évêneme11t Qui le marqua profonémen1. À l'âge de 20 aos. il avait terrniné: ses
études selon Je cursus traditionnel et se lança dans une carrière qui devait
alterr1er des 1>ériodes d'études avec des périodes d'activité politlque. De
1375 à 13791 i1 se retira de la vie de cour pour se consacrer à son grand projet
d'écriture, la Muqod<litna. Ce long travail a servi tt'introductlon à l'c)uvrage
historique qu'il projetait d'écrlre (kital> al·'lbar), qui retrace la vie çles Arabes
depuis la période antéislamique jusqu'à son époque. Après avoir été malade,
Ibn Khaldt)u11alla s'installer au Caire, qui, sous les sultans mamelouks, était
la plus grande ville du monde arabe. Là, il fut parfois juge, juge principal.
professeur, puis maître d'un Jmportant ordre soufl 1 tout en poursuivant la
rédaction de sa biographie et de sa Muqaddima.

Le but principal d'lbn Khàldoun fut de créer une science de l't1isloire qui
explfqueralt la montée et la chute des <:îvilisati01lS. Sa A1uqaddima est divisée
en slx parties traitanL des Influences de l'environnement sur l'llistoire, de li'.!.
société primitive et rurale, des formes de gouvernement, de )a civllisatioo
urbaine et des facteurs économiques qui influent sur le cours de rhlstolre.
11 traite aussi des origines, du rôle, de la nature et des d iUérents types de
conna1ssa.nce et de.culture humai11es. Soit COli<:ept l)rinclpal est celui de
'asabiya, qui signifie .:l'esprit de clan•, un terme qu'il ap1>lique à tout groupe
ayant Ja notion d'une identité coo1mune de tous ses n1embres. Cet esprit de
clan (comn1e ce fuL le cas dans Ja tribu qoraychite qui é Lalt do1n lnante à La
Mecque aux débuts de l'expansion de l'Islam) permet au groupe de l'emporter
sur ses rivaux. Par la suite, Je groupe acct1mule les ressources économiques
oécessa.ires à la croissance. d'une société urbaine, qui à son tour favorise
le développement des arts et du ramnement. Le sentiment fondateur de
partage d'un intérê t commun s'én1ouss~ en raison de rivalités internes.
l.JÉtat s'affaiblit, ouvrant la \•oie à un autre groupe quJ prend le relais de la
croissance et s'affirme, entraînant ainsi le démarrage d'un nouveat1 cycle.
394 Sixième partie: La partie des Dix _ _ __

Shirin Ebadi : prix Nobel de la paix 2003


Shlrln signllle d.a douœ•. Cette lemme. auJourd.hul igée de 70 ans. est la
première Iranienne à avoir obtenu un prix Nobel de la paix alors même, ou en
ra1son du fait que cc pays a été gouv<~rné par les mollahs depuis trente ans.
Avocale de profession et rélorrniste modérée de l'isl.a111 c hiite, Shlrln Ebadl
n été la première lemme Juge en Iran ( 1975) et l'une de ceux et de celles qui
ont été écart és du 8"rreau pour leurs Idées en 1979. date du retour en Iran de
rayatollah Khomeyni. Depuis lors. celle qui est née dans le sillage de l'ancien
régime ne cesse de mlllter pour l'alflrmatlon des droits de la défense et la
modernisation du proc:essus Judlclalre.
Son père, déjà dans les années 1940 el 1950. êtall un proche collaborateur du
Premier ministre Mohammed Hedaye l, dit Mossadegh (1881·1967), celui-là
n1t'!me qui (ut dépoa6 en 1953, deu.x années à peine après son Installation.
par le Jeune shah Mohammed Re:za Pahlavi au motif qu'll avait osé s'opposer
à la nationalisation du pétrole. Or les Intérêts des Anglais et des Américains
ttalent dlrec:tement vbés par celle politique d·a11ranchlssemen1 de l'un des
plus gra_nds fournlsseurs d'or noir au monde. la monarchie dut s'incliner.
Au)ourd'huJ~ Shlrln E.badl lutte contre une autre forme d'obscurantisme: la
mollnrchie conservatr1ce. Bien que musuln1nne C!Oyante, elle considère que
l'Islam - comme le Juda'1'sme ou le christianisme-doit pouvoir évoluer vers
une organisation sociale et politique moderne et s'adapter à l'évolution de
notre temps. HêJas. Jusqu'à maintenant. l'Iran millênalre n·a pas choisi cette
vole et persiste dans JOn choix de société. d'ailleurs confirmé par les urnes
puisque les •musulmans modém • ont perdu les demiùes élections. À elle
seule, Shlrln Ebadl a beaucoup fait pour la promotion du statut de la lemme
en Islam, en parUculler au sein de la cosmogonie iranienne. Bien qu·e11e soit
ostracisée par le régln1e qui n'a pa.s reconnu officielJement 1'011 nouveau
statut~ elle se bal pour fa.Ire e.nt.endre une voix nouvelle et modérée.

Grand bâtisseur deflant l'Éternel : Sinan


Les annonces de re.crutemen1 pour entrer dans l'armée Invitent les Jeunes
à s'engager pour apprendre un métier. Sinon aurait été un nlervellleux
exemple pour étayer ce genre de publlclté. En effet. Il rut formé au métier
d·archltecle par les militaires. Sinan (1489-1588) a même été le plus grand
architecte de rlslam. une sone de Vauban de l'Islam. Il a à JOn actil 34 palab
et 79 mosquées. sans compter les bains publies, les écoles, les hospiœs
pour voyageurs. les tombeaux. les hôpitaux, les fontaines et lu aqueducs -
477 bâtiments en tout. Les historiens ne savent pas avec cenltude lesquels
de ccs 1>rojets Il a n1ené de bout en bout, ceux qu'il a slm1>le1ne11t conçus et
ceux pour lesquels Il a servi d·e consclller architectural. une grande partie du
_____ Chapitre 20: Dix personnalités musulmanes d'hier et d'aujourd'hui 395
travail étant conJiêe à d'autres. En to\1t cas, les projets les plus remarquables
ont bien é té conçus et exécutés par Sinan.
Né en Anatolie en 1489. il a été incorporé en 1512 clans les t roupes d'élite
de l'ar1\)é:e des ja11ls~alres. composées de jeunes chrétiens é levés par le
gouvernement dans la religion musuhnane. Sinan a construit des ponts e t
d'autres infrastructures militalres pour l'armée. Vers 1539. il s'est orienté
vers les s tructures non militaires et est devenu l'arci1ltecte en c-hel de
l'e1npire. Bien que certaines de ses plus 1:>etites <.:onstru<:llons soienl des
chefs-d'œuvre d'exceptJor1, Il est surtout renommé. pour trois grandes
mosquées et leur complexes :
v La mosquée de Sehzade (Istanbul, de 1543 jusqu'à 1548).
v La mosquée de Souleyman (Istanbul. de 1550 à 1557).
1v La mosquée de Selim (tdirne, de 1569 à 1575), celle qu'il prélérall.
Une grande partie de l'aspect act-vel clu Dôme du Rocher à Jérusalem est due
à la reconstruction de Sinan, y compris le travail nlinutieux <le n1osaîque.
Il a pris comme modèle pour ses grandes mosquées le plan des églises
byza11tlnes, avec Jeur grand dôme central, 1nais Ile.na modifié l'lntérleur
pour dégager le grand l1all centraJ de prière sous le dôme. Des innovation~
techniques da.ns la concepUon lui ont per1nis d'incorporer beaucoup plus de
ren~tres dans la part ie supérieure afin de baigner de lumière l'intérieur de
la coupole. À l'extérieur, il a ajouté de plus petits dômes et des demi.dômes
autour du dôme centraJ, dotarat l'en.semi>le d'imPort«nls 1r1lnare~s élancés de
chaque côté.
I.:E1l'IJ)1re ottonlan était à son apogée sous Suleyu1an ("', I ou.rnissant au grand
ar chitecte les moyens de concrétiser ses vues dans la pierre. Quand il meurt
en 1588, Il est enterré dans un tombeau qu'il avait conçu 1>rès de son c hcf-
d 'œuvre. la mosquée cle Suleyman.

Un autre prix Nobel : Na9uib Mahfouz


Naguib Mahfouz, le ron1ancler arabe le plus populaire du monde, a reçu Je
ptix Nobel de liLtéra.ture en 1988. Le jury clu prix Nobel ;i: décrit Mal'lfou2
comme w1 aute-.1r qui .. à travers des œuvres riches en nuance- par fois
déllbéJ'ément réalistes. pa.r fois subtileinent a1nblguês-. a donné rorme à un
art de la narration proprement ar abe qui s'applique à toute l'humanité"·

Né en 191 1, Mahfouz a é té fonctionnaire du gouvernement égypilen fusqu·à


sa" retraite • en 1971. qui l';:i la1ssé libre d'écrire plus à loisir. Il a écrit
presque quarante romaas, dont certains ont été adaptés au c inéma. Ses
prenllèrs ron1a1lS ont pour toile de fond l'itgypte antique et co1npor tèlll
des allusions à la société et à la po1ilique égyptiennes contemporaines. Sa
396 Sixième partie : la partie des Dix - - - - -- - - - - - - - - --

trilogie (1956-19a7) dépeint la vie de trois générations d'une famllle au Caire


<Jepuis le contexte des événements de la Première Guerre mondiale jusqu'au
renversement de la monarth1e en 1952. Ces romans. sont considérés comme
des archives précieuses de ta société égyptienne de J'époque..

Le ro1nan le plus co1ttroversé de ~1ahfouz est celui Intitulé les Enfants de


notre roe ( 19·59). Ce roma.a retrace l'histoire de la famllle Gebelaawi sur
plusieurs génératJons. En pa.rallè1e, les personnages et tes événements
renvoient à l'hJstoire de Moïse, de Jésus et de Mohammed. Le livre a été
interdit dans la majeure partie du monde arabe quand iJ est sorti la première
fois. Vingt ans a1>rès. Mal1fouz a condamné la Catwa de mort prononcée
par Khomeiny contre Saiman Rushdie (cl cha1>ltre 5). Dans sa réponse,
le groupe extrémiste égyptien du djihad islamique a déclaré que tous les
1nusulnlans onl une obligation morale de tuer Rt1shdle et Mahfouz. Er) 1994,
des extrémistes ont poignardé ~1a.hfouz à ta nuq1..te. mais il a survécu à ses
blessures, et cetle agression a été vigoureusement condamnée par le grand
public et par Je cheikh Tantawl, le plus haut dignitaire religieux de Jtgypte.
Parml les autres ro11\ans tiaduits de Mahfouz.. vous pourrez vous délectet
à la lec ture de Passage des miracles (Sindbad. Actes Sud, 1970 pour la
traduction française).

La lloix d'Oum Kalthoum (ou Kalsoum)


Pendant plus de quarante-<:lnq ans, Oum Kalthoum Ibrahim a dominé la
scène tnusicaJe de rtgypte et du monde arabe. Les :villageois se réunissaient
impatiemn1ent autour d'un poste radio pour écouter la retransmission
hebdomadaire de ses concerts. Plus tard. les gens se précipitaient au Caire
pour assister le jeudi soir à ses concerts où t Jle apparaissait. maj estueuse
dans sa robe longue de soirée d'une élégance toute simple. La tessiture de 5a
voix, très étendue et profondément émouvante, était capable de déplacer les
fouJes. Après Ja guerre cle 1967. elle devh\t, avec le président Nasser. la voix
de l'Éfl)lt>le à l'étranger.
Oum Kalthoum, c1ue l'on pronoace parfois Kalsoum, est née dans un petit
village appelé Tamay al·zahlra, province de Dakhalléh, vers 1904. Son père
é tait le directeur de la prière (Imam) à la mosquée Jocale. Elle est allée à
l'école coranique de son village. En entendant chanter son rrère plus âgé, elle
a commencé à l'imiter et b1entôt fol (lemandée pOur <:hanter lors de fêtes ou
de mariages locaux. Pour éviter les questions embarrassantes, son père l'a
d'abord habillée en garçon pour chai1ter en public. La famille s'installa au
Caire en 192,3 pour faclllte.r sa carrière. mais elle n'oublia j an1als son village
natal, usa11t de sen inOuence pour lui permettre d'êtl"C l'un des premiers à
recevoir l'électrlclté.
_ _ _ _ Chapitre 20 : Dix personnalités musulmanes d'hier et d'aujourd'hui 397
Son répertoire comporte des chants reJlgieux. des chant s d'amour e t de
passjons llumaînes. ainsi que des chansons patrîo1iques. Qua1ld elle 1nourut
en 1975, plus de quatre millions de pe,r sonnes suivirent son ente rre.ment, les
gen:; du 1,euple arrac1'1an1 son cotp s envelopp é: des mahls des porteurs du
cercueil e t le passai1t de l'un à l'a utre pendar1t les trois longues l'1eures de la
pr()(:esslon funér aire.

Les chansons de la d iva égyptienne sont toujours aussi populai res et se


vendt'!.nt 1>ar centaiiles <le 1nlll!P.rs. Les rayon s de La \Vorlcl Music de la Fnac,
de Virgin et des disquaires spécialisés vous donneront entière satisfaction.
Vou s trouvere2 égalen1ent des d1sques en vente sur ln tern.et. Le lie.n
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Chapitre 21

Dix régions musulmanes


sous les feux de l'actualité
• • • • • • • •••• • •••••• ••••• • • ••••••••••••••••••••••
&ns ce chapitre
.. l.'ls lôm en Afrique; Nigérla, Soudan
.. l.'ls lam en Asie: Bangladesh, Inde. Cachemire. Malaisie, Les Phlllp(llnes
.. l.'lndc>néslc. le plus peuplé des P•Y• mu•ulmans
... !.'Islam dans les E:tats balkanlc1ucs
.. La Russie. ancienne Union sovlé1lque
.. l.'lslam au Proche-Orient : le Liban. la Syrie
.. La Palesllne et ls"'ël
.. t:lslam nu Moyeo-Orienl : le cas de l'lrnk
.. Une notion n1usulmane au seuil de l'Europe: la Turquie
.. Le MaHt>reb: Algérie, Maroc, 1\inlsle. Llhye, Mauritanie
•• ••• ••••• ••• •• ••• •• • • •• •• • ••• • •••••• • • • • •• ••••

A vant les attaques terrori.sles du 11 septembre. avant la guerre contre


les talibans et con1re •l·Qalda menée par les Américains, el même
avanl les tensions enlre les tla11°Unls et l'Irak dès 2002 et 2003. le monde
musulman érait déjà fréquemment sous les feux de l'actualllé. Les conflits qui
font rage dans diverses r~lons depuis environ une trentaine d'années sont
assez nombreux. mais certains ne sont évoqués par les m~las qu•à certaines
occasions pui.s retombent dans l'oubli sëlns disparaître toutefois. D'autres,
cependant. comme le conflit lsraélo-paJestinien, sont constamnlent à Jaune
des Journaux lélévlsés et de ln presse.
Ce cl1apitre vise â vous rournlr une Information de bnse sur certain$ de ces
conflits dont vous en1c1ldez 1>arler et sur les grandes réglons rnusulmanes
du n1onde d'une façon 1>ll1S générale. Il est certain que chaque situat ion
considérée séparémen1 mêrl1eralt d'être lraitée plus longueinenl pour
expliquer en détail son hlsiolre. son évolution. les persan~• Impliquées et
la slluatlon actueUe. Les brèves descrlpllons qui sont fal1es dans ce chapitre
!.,OO Sixième partie : la partie des Dix _ _ ____________ _ __

n'ont pour ambition que de vous donner un aperçu général des régions
musulmanes dont on parle auj0\1rd'hui et un résumé succinct de certains
c.onfllts que nous n'avons pas encore abordés dans ce llvr e.

~
. Pour e11 SàVOlr plus sur rutiJjsation du terme • lslamiste11 dans ce chapitre.
& I\ utilisé à propos des mouvements p-0.l ltJques musuln1a11s radi<;aux du
J' xx• siècle, reportez-vous au c hapitre 18.

L'Afrique
Ce livre parl e peu de l'Afrique, en particulier de l'Afrique subsaharlenne.
Le chapitre 18 évoque l'~gypte et mentionne brièvement la guerre civile en
Algérie dans Je dernier quart du xx" siècle. L'Afrique est ëvoquée rapide·m ent
dans plusieurs autres contextes. Oaas cette. partie , nou.s vous livrons
quelques observations sur le Nigeria et nous envisageons brièvement La
situation du Soudan.

Le Ni9eria
!.:Islam est J)r ése11t dans le nord du Nigeria depuis presque un millénaire
(et plus encore dans d'autres régions de l'Afrique de l'ouest). LA plupar t des
observations montrent que les musulmans sont mainte11ant une majorité
da.n5 la population du Nigeria, bien que certai ns chiffres don11e11t aux
c hrêtiens une légère avance.

Depuis l'indépendance en 1960, le Nigeria ( 140 à 150 n11Jlions d'habitants),


pays Je plus peuplé d'Afrique, a fait l'expérience d'un régime démocratique,
d'une.dictature militaire et de la guerre civlJe. Le Nigeria éLa11t caractérisé
par un srand nombre d'e.tltnles et de dialectes. les frictions ethniques sont
plus lmport.ant.es que la religion dans Jes conflits, même si le facteur rellgleux
a souvent joué un rôle. Vous ne se.r ez pas surpris d'appren<lre que certains
hommes politiques tire11t 1>arli de ces tensions religieuses pour servir l eurs
propres intérêts.

Faisant partie du califat de S-Okoto au xlX'siècle, le nord du Nigeria était


naturellement soumis à la loi islamique - un des objectifs de la guerre qui
a établi le califat était d'im1>oser une forme plus stricte de loi lsla1nique.
Après l'indépendance, la constitution du Nigeria n'a établi aucune religion
et n·a nulle part Imposé la loi islamique. Cependant, nombreux sont les
inusulmans qui souhaitèrent imposer Ja loi islamJque dans les régions du
Nord princ ipaJement musulmanes mals où existent de pêtites mi11orités
c hrétiennes. Aussi, il arrive que se produisent des heurts sanglan1s entre
1nusulmans et chrétiens- dans des v illes t elles que K~no et Jos, se soldant
par des incendies de mal.sons, d'entreprises et de lieux de culte (des deux
religions) et par des n1assacres de foules. Parfois, ces conflits se propagent
_ _ _ _ __ Chapitre 21: Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité 401
jusque dans la capitale ou dans d'autres v111es. ll )'en at1ra certainement
encore d'autres. Cependant, le Nigeria n'a pas été éprouvé par une guerre
civile due •W< opposllions religieuses.

On a entendu parler du Nigeria en novembre 2002, quand des musulmans se


sont 01>pôsés à la tenue du concours de Miss Urtlvers. Quand t.in journaJi.ste
a écrit que Mohammed aurait très b-ien pu choisir une épouse parmi les
candidates, plus de 200 personnes on1 péri da11s les é1ncutes qui ont suivi. Le
Nigeria a également (ait parler de lui en 2002 lorsqu'un t ribu1tal a condamné
une femme adultère à la mort par lapidation. En réalité, ce cas n'était pas
isolé, mals Jusqu'alors, le gouvernen1ent et le chef de 1'€t.at avaient toujours
réussi à empêcher re..xécut1on de cette sentence.

Le Soudan
Le Soudan (41 mllllons d'habitants) a une population en grande partie arabe
et musttlnlanedans le Nord et une popuJatlon païenne et chrétienne non
arabe dans te Sud. Le Nord domine le pays politiquement et militairement
depuis l'indépendance. Diverses formes d'lslant existent au Soudan, y
compris des mouvements issus de la mouvance du Mahdi datant de la fin du
XIX.- slèc l.e (cf. chapitre 18). des groupes lnflu.encés par des ntouvements de
renouveau soull (cf. chapitre 14) et des mouvements lsla1nistes nloder1lts.
Bien qu11 y ait eu des périodes de trëve provisoire. les rebelles du Sud
résistent aux efforts du Nord qui cherche à renfotcer s.a n1alnmlse sur
l'ensemble du pays, notamment en s'e (forçanl d'imposer Ja loi islamique
coo11ne droit oatloJ"i al. Certa1ns accusent le Nord de transformer en esclaves
les prisonniers non musuJn1ans du S.ud, ce que n1ent, bien entenclu, les
musulma_ns et le gouvernement soudanais.
Le mouvement de réforme islamiste pri:n cipal au Soudan est le front
Islamique national, dirigé par Hassan Al-Tourabl (né en 1932). Ai-Tourabl a
exercé d iverses fonctions dans le gouvernement dirigê par A l·Bashir et est
considéré pa_r certains comme celul qui exerce réellement le pouvoir dans les
coulisses. Cepe.n dant, probablernent parce que les J)e-rsonoalit.ês 1n ilit.alres
au sein du gouvernement l'ont jugé trop puissant. il est assi gné à domicile
depuis 2000. AJ-Tou.rabl déclare êtn) un homme humble, sans ambitions
politiques. En raison du rôle joué par le sou(isme dans la culture soudanaise,
A l-Tourabi se garde bien d'adopter le discours violemment antlsouO des
wah.h abites et adopte une v ision plus égalitariste sur les femmes dans l'islanl.
Al·Tourabl est l'un des premiers prédicateurs islamistes.

Rappelons Ici que depuis 2003, le Darfour, province située dans l'ouest du
Soudan. est le tlléâtre d'un conflll arnl é. violent aux causes complexes et
d'une très grave crise humanitaire. le rôle de 1\l·Tourabi n'est pas <'-lalre1ne.nt
établi. Ce conflit a déjà !ait plus de 200 000 victimes et a provoqué le
déplacement de près de 2 millions de personnes.
402 Sixième partie : La partie des Dix - - - - - - - - - - - - - - - -

AuJou_rd'httl , on attend beaucoup de la mission hybride des Nations Unies


et de l'Union Africaine au Darfour ( M lNUAD) pour pac.lfier le conllll
apposant Jes rebelles à l'arn1ée soudanaise. et <tux n1f11ces soute11ues par le
gouvernement f\.1ais de nombreux observateurs dénoncent les moyens trop
limités dont elle dlsp<>se pour agir efficacement.

En Asie
Dans cette partie, nou$ nous inléres~ons succincte.ment à quelc1ues pays
asiatiques. notamcnent le Bangladesh. l'lnde actueJle et le Cachemire.

Le 8an9(adesh
Le Bangladesh ( 146 millions d'habitants) a fait partie du Pakistan de 1947
à 197 1 et constituait 55 % de la population du pays . Cependant, le Pakistan
occ idental dominait le pays n1llitajrerr1ent1 économiquement. politiquement
et linguistiqueme.n t. D'autre part, J 600 km de territoire Indien séparent le
Bangladesh de la partie ouest du Pakistan.

En 1971 , la guerre civile a conduit le Bangladesh à son Indépendance.


avec une orientation modérément socialiste. De 19;5 à 1991, la nation a
été dirigée par plusieurs chefs militaires, qui ont Impr imé une lonalité
lsla.mlque mu<lérée au sein du gouvernement. 88 % tie la population sonlcles
musuJmans swmites. Environ 10 % sont hindous.

Depuis 1991, dewc partis politiques importants se s uccèdent alternativement


au pouvoir, le mouvement plutôt laique de la Ligue Awan1i, et le parti
nationaliste du Bangladesh (PNB) qui a remporté les dernières élections
en 2001 dans une coalition avec deux petits partis isl.amlque.s. L'un <le ces
petits partis est la branche baJlgladaise de la Jama'at+lslaml dont le but
est d't!t:iblir un État musulman appliquant la charia. Les groupes islamistes
n1Uitants ne sont pas très actifs au Bang1ade.~h. 1nais te petit parti HUJI
(Harkat-ul-Jlhad-Al-lslaml) a mené des attaques terroristes en Afghanistan,
en Inde et au Cache·mire. Un de ses c hers a signê Ja fatwa de Ben L~d en en
1998 ordonnant le djihad comre l•,s Ëtats-Unls. Bien (Ille des désaccords
occasioonels éclate11t entre hindous et musulmans au Bangladesh. les deux
communautés arrive.nt généraleJnent à s'entendre n11cux <1ue dans les autres
pays d'Asie (lu sud.

L'Inde
!.:Inde e.itt u11 état-lai'que dont la population est principalement h'indoue
mals dont 12 à 15 % de la population est musulmane, rune des 1>h,1s grandes
communautés au monde. La lol lsla1nlque s'ap1>lique aux 1nusulmans daus
des domaines lels que le droit de la famille.
_____ Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité 403
Le sentiment nationaliste J1indou a grandi ces vingt dern.ières années.
augmentant les te.i1slons entre musulmans et hindous et déclenchant
des mouvements de foule violents. L'événement le plus révoltant fut ta
destruction par des militants hindous de. la mosquée d"Ayodhya. datant du
>M" siècle. lis revendi(1uaicnt le lai t qu'à une époque antérieure à l'Islam se
tTouvalt à cet emplacement un lieu saint hindou.

le Cachemire
Le Cachen1ire est une région principaJement musulmane, située dans la
partie nord·· ouest de l'ln<le. Qua11d Ja don1inatton colonlale br1tannlque
prit fin en 1947, le dirigeant local cho1slt de rattach.er cette régio11 à
l'Inde. Les confUts à pro1>os du Cache.mire ont provoqué la guerre entre
l'Inde et le Pakistan en 1947. puis de nouveau en 1965. Depuis 1987, des
groupes musulmans militants, opërant par(ois avec l'appui. sembJe...t·il.
du Pakistan, mènent une guerre de Hbi:rat lon. aboutissant à de.') contre·
n1esures répressives par les troupes indiennes. Ces conflits ont fait plus
de 60000 morts. Cependant, li est probable que les groupes terroristes
islamistes actifs s·lnscrivent davantage dans la mouvance des extrémistes
lslamistes extérieurs au pays plutôt que dans la lignée de.s revendications
musulmanes cachemiries. Un sondage r évèJe que 82 % des personnes
Interrogées récemment onl déclaré prêîérer que le Cachemire devienne un
État Indépendant plutôt que de faire partie de l'Inde ou du Pakistan. Ces deux
pays ê.tant en possession de l'arme nucléaire. une guerre totale entre eux
pourrait avoir des conséquences lnrernatlonales désastreuses.

la Malaisie
l.a Malaisie (25 millions d'habitants) a une situation unique parmi les pays
musulmans et est parfois regardée co1nme un rno-Oèle d'islam p rogressiste
et moder11e. t:lslam a été Importé en Malaisie par les négociants aux xrvc
et x~ siècles. et aujourd'hui, la Malaisie ést musulmane à envi ron 60 %. Le
gouvernement nationaliste, plutôt laïque. a dü créer une identité nationale
mafajse, éc1uilibrant les divergences ethnfques et religieuses des t rois
grandes communautés - malaise. chinoise et indienne.

Pendant l a majeure partie de la période rnoderne, la Mal aisie a été dominée


par la coalition menée p.a r l'ONtvtU (Organisation natioaale malaise unie),
d irigée depuis 1981 par Mahathlr Mohammed, qui a démissionné eo 2003.
Le parti Islamique principal, le PAS (Parti Islam SeMalaysia). mi lite pour un
État islan1lque.. L; QNl\1U a réussi à raire a ccepLer sa propre version d 'une
islamisation modërée, lout en préconisanl le pluralisme, le capitallsn1e e t la
1nodemlsatlon. ~1ahathlr aspira à jouer un rôle prépondérant dans le concer t
404 Sixième partie : La partie des Dix _______________

des nations musulmanes, offrant une autre approche de l'Islam dans Je


inonde moderne.
Mahatl1ir a été un dirigeant cle type autocratique et ses manœuvres
politiciennes pour abouUr à l'empriso11nemer1t de son ministre respecté,
Anwar Ibrahim. à la (ln des années 1990. a attiré sur lui l'opprobre de
Ja co11lmunauté interr1ationale. Aujourd'l1ul. la l\1alai.sie rail montre d'un
dynamisme économique spectaculaire. Sa capitaJe. Kuala Lumpur. qui
compte plus de 1.5 millions d'habitants, est l'une des mégalopoles les plus
attractives du Sud·Est asiatjque.

Les Philippines
Les mêmes négocla.ots et soufis qui ont ap1>orté 1'1.slam en MalaJsie et en
Indonésie 1'011t véJ1iculé aussl dans la partie sud des Philippines. où les
musulmans constituent entre 5 el 9 %de la population. Des sullanat.s
Indépendants ont ë té é tablis, n1ais la domination musulmane ne s'est pas
éte11du_e au Nord dlJ 1>ays. Quand les Es~agnols se sont h'lstallés au xv1e slècle,
ils ont essayé de prendre le contrôle de la totalité des Philippines. Lors cle
11nclépendance en 1947, Je nouveau gouvernement a réclamé la totalité de
l'archipel.
Le MN\.F (Front moro de libération nationale) a mené la lutte pour
l'indëpendance ou rautooomie des régions musulmanes du Sud. Après
quelques accrochages, le gouverne1nenLs'est engagé à ntettre en appllcatlon
à sès propres coaditions l'accord signé à Tripoli le2 septembre 1996.
mals Jamais entièrement ratifié. En mars 2000, le petit groupe de militants
extrémistes. le groupe Abou Sayyar ~ Celui qui porte l'épée ·~· qui a lait.
sécession du ~1N LF, s'est engagé dans des activités terroristes. pratiquant
notam1ne1lt les enJève1nents (cinquante-11uft JJersonnes dans une école de
BasiJan el dix touristes occidentaux capturés en Malaisie). Abou Sayyaf
pourrait avoir eu des llens avec al-Qalda e t est. depuis. en opposltlon avec le
MNlF.

L'Indonésie, palJS musulman le plus peuplé


au monde
C'est en Indonésie (241 millions d'habitants) que se t.rouve Ja plus importante
communauté n'lusulmane au monde. même si les c l1rétie1lS y sont toujours
nombreux et qu'il y a quelques communautés hindoues dans certaines
réglons. Comme la Màlalsle, l'Indonésie a connu un développement
économique significatif jusqu'à l'effondr e1nent asiatique des années 1990.
_____ Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité 405
Le contexte culturel de l'Indonésie et de la Malai sie, ainsi que celui des
Philippines, est sensiblement dllfé1ent de l'islam tel qu'il est v écu en Asie du
Sud ou dans d'autres pays. bien que l'islam se soit introduit dans ces t Tois
tlays le long des ltinéraltes commerciaux. l..e.s négociants e1des $Oufis 011t
été plus les vecteurs principaux de propagation de l'islam que la conquëte ou
l'immigration de n1asse de mu$ulmans venus d'autres pays. L'cnsen1ble de la
1égloo du Paci!lque est aussi sensiblement Influencé paJ le Japon et la Chine,
et par conséquent l'éthique confucéenne (en général mais pas teJle ou telle en
1>arl iculler) constitue Je socle S\1r leque.I vient se greffer l'islam qui s'adapte à
une culture locale différente de celles rencontrées dans d'autres régions du
monde.
L'ls1am s'est étendu progressivement en Indonésie depuis les vllles
c.omrruuçantes côtières à part11 du xu~ siècle. Bien que la majorité de la
population soit devenue musulmane, l'islam indonésien a aussi incor·porê
des éléments issus de la 1radltlon locale. abouHssanl à une forme d'islam
p1utôt facile à vivre. Par la suite, au retour ct•un pèlerinage â La Mecque.
ce-r tahls nlusulma\1s sont revenus déterminés à purifier l'lsf·a1n lndonésie,n
de ses éléments j ugés non musulmans. Ce 11e fut pas bien accueilU par les
autorités n1usulmanes locales. Le colonlallsn1e hollandais et l'occupatJon
japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale ont aj outé des facteurs de
complication supplémentaires.
Un mouvement nationaJiste laïque puissant a surgi, de mëme qu'un
n1ouvement communiste bien Jllus laîciste encore. L'Jndo,1ésle unifiée a
é:1nergé après la Deuxième Guerre nlôOdiale. non pas sur la base de l'islan1
mais sur la proclamation par le président Sukarno des «Cinq principes"
(pu11wsfla). comprenant le nationalisme et le monothéisme. Les efforts
des partis n1usul mans en faveur de la création d'un Êtat musulman n'ont
pas recuellll la majorité des voi x, en dépit de la présence d'une Importante
commuuauté musulmane. L:isJarn a é té accepté. par un gouvernement de
plus en plus autorltalre, d irigé par Sukarno, comn1e une force religieuse
et culturelle qui n'est pas inquiétée tant qu'elle ne conteste pas le
gouvernement en place. La menace d'un revirement communiste local au
milieu cles a111'lées l960 a abouti à l'éviction de Sukarno el à un rôle accru
des militaires dans un régime dirigé par le gènérnl (président) Suharto. Bien
que les wnl1h.abltes sole.nt actifs e n Indonésie pour soutenir les mouvements
rêformistes islan1istes et a ider financièrement les écoles islamiques
(comme Ils Je sont égalen1ent en Malaisie e t au Pakistan), l'Islam Indigène
traditionaliste demeure un contrepoids solide. Les par tis islaJnique.s ne
constituent guère une menace importante pour le régime de Sul1arto.
Le plus grand parti islamique est le NUD (Nahdatul Ulama), dont le chel,
Abdurrahman Walld, a été choisi comme président après la chute de Suharto.
11 prônait la démocratie, le plura1is1ne. la tolérance et le respect des droits
de l'homme universels, niais iJ n·a pas part fcuJJèrement bien réussi comme
1>résident et a été rcruplacé par son vice-préSl(!eor, Megawatl Sukarnoput ri.
une femme (comme il y en a déjà eu plusieurs à la tëte de ce pays et dans
406 Sixième partie : La partie des Dix - - - - - - - - - - - - - - - - -

d'autres 1>ays musuhnans). Aprês un attentat à l'explosif dans une boite de


nuit en octobre 2002 à Bali. Je gouver·nen1ent a pris des n1e.sure!=i de ré11ression
b l'encor1tre des grou1>es raclicaux islamistes. tels c1ue la Jemaa lsla1niya. et
a arrêté son chef spirituel. Abou Bakar Bashir, qu1 a nié toute aff11iatlon cte
sa part à ce groupe et a a tlribu6 l'alleHtal de Bali à la ClA américaine. Ces
groupes se sont développés au cours de ces dernières années en optanL pour
des actions extré.m lstes après leur échec à gagner surflsa.n11'11enl la confiance
populaire J)Our remporter les élections et accéder au pouvoir...

La Jen1aa lslao1iya, est un groupe islan1iste rodical dont le but est d'établir un
État panislamique qui inclurait l'Indonésie, la Malaisie el les Philippines du
Sud. On suppose qu'il a des liens avec a l-Qaida. En vérité. le déterminisme
économique.et Ja compétition 1nondialisêe dans la région laissent peu de
place à cette hy·p othèse.

L'islam dans les États balkanil{ues


La Bosnîe-Herzégovlne, le Kosovo et l'Albanîe 011\ des co1n1t1unautés
nu.isulmanes iniportant es dont l'histoir e remonte à l'époque de l'Empire
ottoma11. Après la Deuxième Guetr e mondiale. la IJos11Je-Her1.égovine cl
le Kosovo ont fajt partie de la Yougoslavie, alors que l'Albanie devenait un
~tat communiste à part. Environ 20 % de la populaLlon de la Yougoslavie
étalt musulmane avant son déntantèlemenl en 1992. dont 40 % en Bosnie-
Herzégovine. Près de 70 % des Albanais sont n1usul mans, mals )'Identité et Ja
liberté rellgleuses ont été resLrelntes en Yo1.1gosl<)vie - aujourd'hui défaite - el
en Albanie pendar1l Ja période con1muaiste. Les Serbes sont majoritairement
orthodoxes (chrétiens). Le Monténégro, dont les relations futures avec la
Serbie sont incer-taioes, a une 1nhloritê musulmane qui représente à peu
près 15 % de la popularion. Ce qui est sûr, c'est qu'une partie de la déflnltioo
concrète de l'Islam evro1>éen se joue dans cette région enclavée et mal
connue.

La 8osnie-Herzé9o~ine
Avec ledémanti!le.menl de la Yougoslavie eH 1992. la Bosnie-Herzégovine a
déclaré son indépendance. C'est une nation mulll rellgleuse el multletl1nique
composée des Bosoia(tues rnusulrna.ns. et des Croates et des Serbes
chrétiens. En 1992, les Bosnlaques musulmans étaient fortement laîdsés.

l.a Serbie, puissance dominante dans ce qui est demeuré de la Yougoslavie,


a envahi la Bosnie à peu près en même telnps que les cornmunistes se soot
retirés d'Afgl1an.istan. Beauooup de moudjahJdin recherchaient un t.erraln
d'action où poursuivre Je djihad, et envlron 4 000 d'entre eux ont atte.r rl en
Bosnie pour co1nb.attre les Serbes.
Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité !,07
En raison d·un embargo occidental sur les armes. les forc:es musulmanes se
sonl approvisionnées en armes en Iran. via Istanbul. tandis que plusieurs
pays musulmans fournissaient une aide humanitaire.. Une cenaine tension
r~nall parmi les mercenaires prowahhabltes qui considéraient de leur
devoir d'enseigner un islam pur (et dur) aux mu.sulmans bosniaques. Quand
les combats ont cessé à la conclusion des accords de paix de Dayton en 1995.
les combattants moudjahidin ont été Invité~ h c1ult1er le 1)8;)'5.

La Jlêrsonnallté musulmane la plus en vue dans cette période, par ail1euJs


re1:>ré.sentant bosnlaque musullnan dans le 1rlurnvlrnt 1>r6sldentiel jusqu'en
2000, csl Alljn lzetbegovic, fondateur du paril de l'action démocratique (SDA)
et tltulnlre de la présidence collective bosnlaque depuis 1990.

Le Kosof/o et f'Afbanie
Le Kosovo lait partie de la Serbie. En d<'fplt de sa population albanaise
majOrltalrement musulmane, le Kosovo abrite des lieux historiques très
lmporlants pour les Serbes. Les ennuis ont commenc~ entre natlOnali.stes
serbes et rebelles kosovars dans la deuxième molUé des an.tts 1990. U en a
rûultl! une campagne aérienne puis terrestre de l'Otan pour le maintien de
la paix.. La paix entre les deux communautés esl encore prtt.1re. d'anciens
rebelles du Kosovo-Albanie essayant d'expulser les Serbes nés au Kosovo.
Une arande partie de la populalioo du Kosovo voudrait aboutir à un certain
type d'union avec l'Albanie, avec qui Ils ont des a.fflnltb religieuses et
ethniques. Situé au sud de la Yougoslavie, le pays de l'ex-ttutocrale défunt
Enver Khodja (qui s'j;crlt aussi Hoxha), l'Albanie (qui se dit en albanais
Shqlpnljn ou Shqlprlja) est l'un des moins bien connus d'Europe. Dans ce
1>ays cohabitent plus de 70 % de musulmans, 20 % de chrétiens orthodoxes
orientaux et JO % de chrétiens cathollques.
Longtemps fermée aux touristes étrangers. rAlbnnte est .sortie cle son
Isolement au lendemain de la chute du mur de Berlin. Après une longue
histoire romaine et byzantine. l'Albanie clevle1ldra tour à tour une province
bulgare. serbe, albanaise et finalement ottomane. C'est au XVI' siècle que
cette petite enclave balkanique de 29000 km' environ passera à l'Islam.
Non sans mal d'a!Ueurs, puisque de oombreuses révoltes opposèrent les
Ottomans awc autochtones qui ne lurent soumis que très superfk:lellement.
En 1905. l'Albanie arrache son autonomie aux dépens de la Sublime Porte,
avanl d•obtenlr son lndépendaoce totale en 1912. Elle connaîtra un XX" siècle
agité, ar les belligérants de la Premlère et de la Seconde Guerre mondiale
furent trop puissants pour elle et que les enjeux globaux de ces conflits la
d~passalenl. Aussi, en janvier 1946. l'Albanie est-elle devenue une Républiq~
soclallSle et populaire. mals d'uo socialisme radical qui la place plutôt
du côté de la Chine communiste que du côté de l'Union soviétique. Ses
dirigeants se couperont du reste des 1>ays européens, y compris de l'Italie
avec laquelle, 1>ourtan1. Il y avail des llens de proximité (l'Italie a d'oilleurs
1,08 Sixi ème partie : La partie des Dix - - - - - - - - - - - - - - - -

occupé l'Albanie. pendant quelques années, au moment de la Seconde Guerre


1nondiale).
!:is lam albanais est à la fois i<lentique et dlffêrent de l'islam des Balkans. Il
esL identique en rai son de sa source d'insplratlon lnltla1e, l'Empire otton1an.
mais il -est différe.n t en rai$OI\ des nlutations internes de la société albanaise.
lA,')ngtemps soumis à l'idéologie de l'athéisme et du matërlalisme dialectic1ue
version URSS tusqu·en 1961. puis version Mao Tsé-toung, Jusqu'en 1978.
l'islam albanais est devenu religieux et parloJs- conJidenlieJ. Il est celui de
quelc1ues vieilles familles de notables qui prt!ièrent composer avec les
autorités plutôt que de le$ affronter. Durant Je régime commtanis-te d'Enver
Khodja., les couvents ont remplacé les mosquées et Il n'y avait que la mort.
parfois, et ses rites funéraires pour rappeler que cette terre était celle de
l'islam. AuJourd'hui, les Albanais redécouvrent leur histoi.r e et tentent Cie
restaurer le tissu religieux et folkloriqtle rol'Opu tout au long du xx• siècl e. En
2007. i ls étaient environ quatre n1llllons.

La Russie, ancienne Union so<liétil{ue


Les n1usulmans constituaient le cleu-xlème gr oupe religieux daas l'ancienne
Union soviétique avant son effondrement. Certaines réglons musul manes,
tel le pays t atar, faisaient autrefois partie d'un Empire n1ongot au xnl° siècle
(,·l chap1tre 4), plus ta.r d incorporé à la Russie. D'aut.tesmusulmans ont été
Incor porés à la Russie quand elle s'est agrandie vers Je Cauca.se et les réglons
d'Asie centrale au x1x* siècle.
Sous .le joug soviétique, la liberlé rellgteuse était restr einte, et certaines
pratiques religieuses se faisaient en cachette. C\!pcndant, d-ans les dernières
années qui précédèrent la dlssolutlon de l'Union soviétique eJ1 1991, le
regain de liberté religieuse donna â l'islam une nouvelle vitalité. Les anciens
patrons communistes loc.-1u x - reconvertis en nationaUstes - prirent la tête
de la p.lupart des républiques d·Asie central e nouvellement indépend.antes :
Ouzbé kistan (27 millions d'habitants), Turkménistan (5 mllllons). Kazakhstan
(15 m ilJioas), Tadjikistan (7 mllllons) e l Kirghizistan (5 millions). Inspirés J)ar
1e.o; événements en Afg·h aaistan (25 mil lions d'l\al')!t.ants), des mouvements
islan1iques radicaux ont én1crgé d ans ces pays. La Russie a coopéré pour
éradiquer ces mouvements. Jusqu'içl, aucun d 'eux n'a encore posé de
problème.
Dans la région mont agneuse du Caucase, entre la ll\Ct N()ire et la mer
Caspienne. ]'Azer baïdjan e.st devenu un Êtat indépendant avec une
orientation musulmane modérêe. Le Daghestan (2.5 millions d 'habilants)
et la Tchétchénle (700000 habllants). plus au nord daas les montagnes du
Caucase, sont restés cependant intégré·s à la Russie. En 199.l, le président
Dudayev a décla ré rlndépendance tchétchëne. Les Tchétchènes ont un passé
de résistance permanente à la domination russe qui remonte au X\'llc s·i ècle.
Les trOUJ)es russes se sont de nouveau déployées cl.ans cette région en
- - - - - Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité !., 09
1994 et à la fin des années quatre-vingt..dix. Quand certains moudJahldl·n
gagnèrent la Bosnie après le retrait cotn mu11fste d'Afghanistan, d'autres
firent route vers 1â Tchétchér1ie et d'autres endroits alln de poursuivre leur
rëve d 'un .Ë.tat islamique radical. Les ter·r orlstes tchétCl)èJleS ont fr appé
en Tch étchénle et à Moscou. Les Russes disent que les rebelles sont une
minorité criminelle. agi tée par la propagande \vahhablte et par d'aulres
extTémistes lslamlstes. Les musulmans considèrent ce conflit C'omme un
épisode de plus dans la lutte des musulmans pour résister à l'lmpérlallsme
russe. MaJgré la On des hostilités, la tension demeure v ive dans ce territoire,
présidé depuis mars 2007 par Ramzan Kadyrov, homme fort du Kremlln.

L'islam au Proche-Orient
Le Liban
Le Liban en tant qu'ttat est né à la fin de la Deuxlè1n e Guerr e n101ldiale.
Un accord de partage du pouvoi.r a assuré sa stabiUté pendant un certain
nombre d'annêes. Les chrétiens mar onites. formant la p lus grande
communauté, ont obtenu la présidence, les m1,1sulrnans sunnites 011t reçu
le poste de Pre1n ier miltiStre. et les musulmans chiite-s ont pris celui, moins
prestigieux, de pré-s ident du parlement. Les druies (une communauté
ethnlco-reJîgie.use Issue du c hiisme ismaélien au xie siècle - cl chapitre 15)
ont également un cer tain poids politique dans le nouveJ Ét.at.
Le.~ 120000 réfugiés qui avaient fui le nouvel ~tat d'Israël qui venait
d'accéder à J'indépendance en 1948 représerl lê fll uoe autre co1nposante de la
populat!on.
La Syrie avait des vues sur le Liban ~fh~ de constilt1er u11e Grande Syrie, tant
et sj bien qu'en 1976 ell·e fit entrer ses troupes au Liban au moment où éclatait
la guerre civile. La population c hiite a considéra blemeltt augmenté pour
deve11lr le plus grand grou1:>e au Liban. Amal, un n1ou\.·ement c hiite mené par
l'in1am Musa Sad r (rlisparu en 1978), a dynamisé cette con1munauté chiite.

lospiré par la révolution iranienne et soutenu par l'lran, un groupe plus


radfcal de chiites a émergé en 1982. 11 s'agit du He•bollah (• parti de Dieu •O.
Ce groupe fournit du olalérlel éducatif, des dJspensaires et des services
sociaux. C'est désormais un acteur de poids dans le Jeu politique libanais. Le
principal leader Islamiste du Hetbollah est le cheikh Hassan Nasrallah.
L'OLP (Organisation de libération de la Palestine, créée en 1964) était basée
au Liban, à partir duquel elle e lfectuail des raids en Israël. En 1982. rarmée
israé1ienne a envahi le te rritoire libanais, forçant l'OLP àcse re plier en Tu11lsie.
Les Llbanal$ du Sud, qui s'étaient sentis menacés par la présence de l'OLP.
ont bien accueilli les troupes israêJiennes au début. l\1a.is Je désastre de
Sabra e t Chatlla ( 16-18 septembre 1982) a terni l'ensemble des belligérants.
410 Sixième partie: La partie des Dix - - - - - - - - - - - - - - - -

C'est là, en effet. avec l'accord tacite de l'ar1née israélienne qt1e les troupes
1>hal.aog:lstes libanafses massacrèreot plus d'un millier de civils palestiniens
pris au piège du camp de réfugiés, ce qui souleva J'ln<llgnatton de toutes les
consciences à. tra\lers le nlonde., y compris dans la gauche israélienne. Les
deux années l975 et l9ï6 furent les plus sombres de J'hlstoil'C palestinienne.

En 1nai 2000, l'armée israélienne s'est retirée, et Je,s forces du Hezbollah oot
rapidement occupé ses pos1tloas, en inlllt.:tnl pour l'é.tablissen1ent d'un État
musulman au ~lban et pour l'élimination de l'Etat d'Israël. En 2004, e t après
trois décennies de présence syrienne au Liban, le Conseil de Sécurité de
l'ONU a exigé le retrait des fo rces syriennes du Liban. Aujourd'hui pourtant,
c.L après plusieurs années agitées, l'incertitude politique perdure dans le
pays e t le conflit entre la maJorlté antlsyrlenoe et l'opposition, soutenue par
Da.m as et TéJ1éran, en1pêcl1e pour l'heure l'élection d 'un président.
Pour bien apprécier la co1nplexltl: de la situation. /.lban. nation rnartyre (Pity
the Nation), le fa1neux livre de Robert Flsk, correspondant de guerre et
e·n voyé spécial du 1ïmes au Procl1e-Orlen1, vient de paraître en français (A&R
Êdltlon/ Pa11ama. 2007), augn1enté d'un supplément intitulé Post·scriptunl à
t1ne tragédie où il relate jour après jour les conditions de l'assassinat en 2005
de Rallc Hariri, ex·Ptenlie.r n1il'1 lstre du Liban. Cette somme personnelle.sur le
Liba11 a é té saluée par toute la presse Internationale.

La S1Jrie
~Syrie (18 miJlions d'habitants) est un Etat â parti unique <>il Je parti
socialiste Ba'ath dirige le pays depul.s 196:1. date à laquelle une union de
cinq ans avec l'~gypte vola en éclats. Un soulèvement Islamiste (des Frères
musulmans) dans la vllle de Hama en 1982 a été Impitoyable.ment écrasé, et
10000 à 25000 personnes environ ont été tuées sur ordre du gouvernen1ent.
Depuis lors. aucune opposition islamiste efficace n'a agi légalen'1ent e11 Syrie.
Maliz Al-Assad a é té président de 1967 jusqu'â sa mort, le JO juin 2000, où
u 1\ référendum où iJ a été
son fils, Bachâr, lui a succéclé en s'a1>puyant sur
plébiscité par un vote univoque de 97,29 % des suffrages. La lanùlle Assad
vient d'une mouvance musulmane. les alaouites (cf. cllapltre 15), qui a des
c royances musuln1anes asse7. r>eu or thotloxes. Le voisinage de la Syrie divise
e1oppose frontalement une grande partie de l'él ite llbana1se.

La Palestine et Israël
À la fin du xixe siècle. Je mouvement sio11ls te a commencé à favoriser
lïmmlgratlo1l Juive en Pa1estine avec l'idée d'y rétablir une patrie jui·ve.
lncaJ>ables de parvenir à un accord entTe Juifs et Arabes, 1.e s Anglais, qui
avai ent aJors la mainmise sur la, Palestine a.près la Première Guerre mondiale.
_____ Chapitre 21 : Dix régions musul manes sous les feux de l'actualité 477
ont confié le problème aux Nations unies en 19r17. Un plan de partition du
pays élaboré par Les Nations unies luL accepté par les Juifs mals rejeté par les
;-\rabes. Après le retrait britannique en 1948, 1es JuJfs ont déclaré la naissance
de rttat d'Israël, et les nations arabes environnantes ont envoyé des troupes
pour combattre ce nouvel €tat. Les Palestiniens lurent délogés des zones
sous contrôle juif. Quand des armistices ont été s ignés en 1949, Israël
contrôlait 75 % de la Palestine. À l'époque. la population juive ne représentait
pas plus de 30 % du total (li % en 1922). Pendant la guerre de 1967 entre
Israël et ses voisins arabes, JsraëJ a envahi les tert ltolres situés sur la rive
ouest du Jourdain (Cisjordanie).

Dès lors. l'OLP, dont Je siège était en Tunisie, est devenu la voix principale
des Palestiniens. L'OLP, qui comptajt aussi bien des Arabes chrétiens
c1ue musulntans. prônait la création d 'un Éta t unique laîque en Jsraêl qui
inclueraît à la fois les juifs. les chrétiens et les musulnutns. Son chef. Yas.ser
Arafat (mort à Clamart lfranceJ le 11 novembre 2004), Idole du monde arabe,
a fa it preuve d'une capacité étonnante cle survfe à chaque nouvelJe crise.
Au cours de ln guerre de 19ï3, lsraël a pris le contrôle du Sinaï à l'tgypte
et du plateau du Golan à la Syr ie. Alors que le Slnaî est restitué à l'Égypte
depuis le 26 mars 1979. suite aux accords de Camp David, le Golan demeuref
aujourd'hui encore, sous Le contrôle d 'Israël.

La première Intifada (non1 donné au soulève1nent pa1esthtien spontané et


porJulaire ou "Révolte des pierres ..) a. commencé à la fin de 1987 et a. s tiscité
la création du mouvement is1antiste radical Hamas, une ramification des
Frères musulmans en Palestine dirigée par Ahmad Yassln. Le Hamas a fait un
programme en t rois points :
, ,., renouvellement spirituel individuel,
Y" réseau éte1\du de service$ sociaux et é<l\u:.atifs.

1 Y" actjon militaire contre Israël.


Son objectif ultime est de chasser les Juifs et de créer un 1':tat islamique
comprenant toute la Palestine. En 1988, l'OLP a accepté l'existence de
1•t>1a1 d'lsral!I. cc qui a 11céparé te terrain pour les accords de paix d'Oslo
(13 septembre 1993).

Au}( termes de ces accor<ls, les Israéliens devaient se retirer par étapes de
88 % de 1a Cisjordanie. pour aboutir à la constitution d'un ttat palestinien
Indépendant. En conséquence. en 1994, Arafat et l'OLP ont m is en place une
Autoritê nationale palestinienne (ANP), dont Acafat devint le président. Mals
sa responsabilité a été brimée dès le dépar t. Il s'agissait en effet d'exercer
une autorité policière lirnitée dans certaines parties de la bande de Gaza et
de la Cisjordanie. lsra.ë l a quallOé cet accord de "généreux•. Ses adversaires
l'o1'lt qualifié d' • impossible "· lsraêt garderait le COl\lrôle de la sécuritê- dans
des zones importantes de l'ttat palestinien qui se.rait Juj~mëme divisé en
412 Sixième partie : la partie des Dix - - - - - - - - - - - - - - - - -

<1uatre zones différentes sépatées par des zones maintenues dans le giron
d'Israël.

Is raël a tardé à restituer à l'ANP certaines zones, attendant que toutes


les attaques contre lsraël alent cessé. Cela ne risquait pas de-se réaliser
car le ltanlas et le Djlllad îslan1lque n'étaJent pas pa.r tles prenantes de cet
accord, et !'Autorité palestinienne n"avai1 1>as les rnoyens de l'inl i;>oser. l.sraëJ,
contrairement aux résolutions des Nations unjes et à la pression américaine,
a eontinué Jes implantations de c::olontes Juives St.Ir la terre qui d.evalt faire
partie de rt1at palesllnlen. En septembre 2000, le ministre de la Défense
is raélien ArieJ Sharon, dans le but de récupérer des voix israëliennes aux.
prochaines élections au poste de Pr emier mh\ iStre, a fait une Incursion
sur l'esplanade des Mosquées (mosquée d'AJ-Aqsa) à Jérusalem. Les Juifs
n'éta.n l nornlalement pas aulorisés (nlê'Jne par le gouvernement israélien)
à venir dans cette zone, les nlusulmans ont tout nature lleme.i)t cons i dér~
cette visite, faite avec rorce publicité et sous escorte policière, comme une
provocation. À partir du 28 septembre 2000, les protestations musulmanes et
les représanles Israéliennes à ces protestations ont provoqué une deuxième
Intifada. Des actions militaires. précéderr1rne11t confinées à la ClsJorda11le, ont
é té entreprises par Je DJll1ad islan1ique et Je Hamas en lsraël - des centres
conunerc::iaux. des autobus et des événen1ents festifs ont été visés, aussi bien
que des cibles militaires. Cela a légitimé des iocurslons is raé liennes dans les
te rritoires cle l'Autorlté paJe..:;tlnienne el la destruction des Infrastructures
civiles palestiniennes.

La questio11 palesUnlennc den1eure le meilleur fer1nent d·unité des


musulmans au plan politlque e t le principal obstacle à l'amélioration
des rclatio11s entre n\usuJmans et An1érlcatns, en raison du soutien
inconditionnel des Ëtats·Unis à Israël. Après la réélection début 2003 de
Sharon (1lé en 1928) co1nn1e Premier ministre à une majorité écrasante e t sa
mort " clinique•, puls l'arri\'ée au pouvoi r d'E11ucl Olmert, les perspectives
pour ur~e amélioration des relations entre Palestiniens et Israéliens
demeurent très faibles (c'est un euphémisme !). Aujourd'hui !'Autorité
palestlenne ( Mahmoud Abbas) souhaite la création d'un €tat palestinien.
Mais les tensions ioterpalestlennes entre le Fa.tah et le Hamas complexl(ient
encore la situation. tandis que le blocus tsraëlien de Gaia. au 1nains
du lofa.mas clepuls Juin 2007, font craindre le pire.aux observateurs
internationaux.
\'ous e11tendrez peut-être parler de Septentbre noir. Cette da.te constitue un
traumatisme particulièrement douloureux pour les Palestiniens. En effet,
le 17 septembre 1970, l'armée jordonlenne mène un combat fratricide et
sanglaJ1t contre les Iedaylne de l'OLP. Cette m1niguerre se ter111lnera par une
boucherie, des centaines de combattants palestiniens ayant é té exterminés.
Après ce d rame, l'OlP a décidé de s'installer à Beyrouth (Liban).
Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité 413
L'islam au MolJ.en-Orient : le cas de l'Irak
En 1958. une révolte nallonali$te et mllllalre renver5" la monarchie
hoch~mlte qui avait été installée par la Grande-Bretagne après la Première
Guerre mondiale. Plus tard, en 1963. le parti LaTque soclallste du Ba'ath
prit le pouvoir par un coup d'l".tat et resta aux commandes luS(lu'à la chute
de Saddam Hussein. L:lrak (25 millions d'habitants). aujourd'hui déchiré,
était l'une de.i; J)ulss.a1tces phares du monde arabe, et un pays de grande
clvillsatlon.
Snddam Hussein, qui fut membre puis chef du parti Ba'ath, est devenu
président en 1979 et a gouverné dès lors de façon dictatoriale. Saddam était
un musulman sunnite. Or les chiite$ constituent la majorité de la population.
Un petll groupe extrémiste de chiites Irakiens, ad-Da'wa al-lslamiya, fut actif
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays à partir de 1957. Pendant les dix
anntts de guerre avec l'Iran dans les années 1980. les chiites ont en général
prlvllég1é la fidélité patrloilque plutôt que celle de la rellglon. soutenant l'Irak
contre ~rs fr~res chiites en lralL
l:lnvaslon du Koweil par rirai<. qui voulait annexer J'tmlrat à son territoire.
a mené à la guerre du Colle en 1991. Un soul~ement chiite dans le Sud a
été Impitoyablement réprimé par les troupes républicaines (sunnites) de la
garde de Saddam Hussein. Quelques grands ayatollahs chiites ( l'ayatollah
Baqlr Al-5adr et l'ayatollah Khol) ont été exi!<:utés par le gouvernement ou
sont morts dans des circonstances douteuses alors qu·us étalent assignés à
ré.sldencc.
Snddom Hussein a sauvagement opprimé la population kurde sunnite dans
le nord du pays. mals J'établlssemenl d'une zone cl'excluslon aérienne
américaine a eu pour conséquence de garantir une o.utonon1le de fa1t a.ux
trois provinces kurdes. À partir de la guerre du Golfe, l lu..e ln a essayé de
rev!llr le manteau de l'Islam, ajoutant •A/lohu Akl>or" (o Dieu est grand>) au
drape.au et construisant des mosquées grandioses à Bagdad. Un mouvement
chiite d ·opposltlon à Saddam Husse;n, le Conseil suprême de la révolution
Islamique en Irak, également connu sous le nom d'Assemblée suprême, a
o~rt à partir de l'Iran. Bien que le gouvernement om6r1caln ait suspecte
Hussein de coopération avec les terroristes i$l&mlstes 1ntematlonaux. ces
accusations n'ont pas été prouvées. Uest dlfllclle de c roire. étant donné
son passé. que Hussein soit allé Jusqu'à un Islamisme radical, même s'il est
certain qu'il ~tait prêt à coopérer avec tout groupe pouvant lui apporter un
avanta~.

Oepuls ptus1eurs années et sous 11n(luencc des néoeo1is~rvateurs


américains, la guerre menée par les €tats-Unls pour s'emparer des champs
pét rollfères Irakiens a lalt plusieurs centaines de milliers de morts, y compris
dons les rangs des Gl's. Malgré le fiasco - dénoncé l>llr un grand nombre
de responsables politiques et militaires de l'establishment démocrate à
414 Sixième partie : La partie des Dix - - - - - - - - -- - - - - - - -

Washington - l'administration du présldent George Bush s'obstine à Jmposer


sa politique à une coalition qui s'effrite de jour er• jour.

Au nord du pays. le Kurdistan Irakien a désormais acquis une sorte


d'autonomie par rappor t à rautoritê centrale de Bagdad, encore mal
assise. Région fière de so11 héritage et r lcl\e de nombr-eux puits de pétrole.
le Kurdistan se voit déjà voler de ses propres ailes. Mais cette $ituati01\
Inquiète le grand voisin du Nord. la Turquie. En effet, toute indépendance
de la province entraînerait Inévitablement des remous au sein de la société
turque, qui tient plus que tout à son intégrité territoriale. Les velléités kurdes
à vouloir recO•lStiluer leur État déchu dans les années 1920 r isquent de peser
à terme sur un équilibre régional d'autant plus instable que ses con1posantes
sont dlversemerit r iches.
Au moment où nous mettons sous presse, le sort de l'Irak reste incertain el la
sltuatton Instable. En 2005 ont eu lleu les premières é lections démocratiques
depujs plusieurs décennies et le 30 décembre 2006 était exécuté Saddam
Hussein. Mals aujout d"hul, trois ans après la fin u officielle• de la guerre. les
violences (attentats) se poursuivent et les tension.s entre chiites el sunnites.
la crise du Kurdistan Irakien et la lutte entre Je pouvoir e.n place et les
groupes Islamistes fragilisent le gouvernement.

Une nation musulmane au seuil de


l'Europe: la Turquie
La Turquie (69 milUons d'habitants), le seul ttat dans le monde musulman
qui soit explicitement la'1'que, de style occidental, a fa1t la une des journaux
en novembre 2002 (exploit renouvelé en 2007) quand un parti religieux
n1odéré - le parti de la justice et du développement - a remporté la majorité
aux élections r>arlementaires et a for1né un r1ouveau gouver11en1ent. Le
parti s'est engagé à poursuivre 1a politique pro~occidentale de Ja Turqu.ie
el les négociations pour l'adhésion du pays à l'Union européenne, retardée
pour cause de manquement au respect des droits de l'homme et un passé
Interventionniste de 1'01tgarci1fe militaire dans les affaires politiques. Le
chef du parti, Tayyip Erdogan (né en 1966), n'a Initialement pas eu le droit
d 'exercer ta fonc tion de Premier minlstre à cause d'une peine de prison
purgée en 1999 après avoir été ace~ de lecture publique d'une poésie
.:antilaîque.,., La loi a finalemen t été modifiée et il a pu prendre Ja tête du
gouverne1ner1t,
La 'Jùrqule est née au Lendemain de la Première Guerre mondiale e t à la
fin du callfat ottoman. Le• père• de la Turquie moderne, Kemal Atatl!rk
{1881-1938), a vu l'avenir de la Turquie dans une modernisation allant de pair
avec. celle de l'Occident, tout en étant assise sur un sentiment solldeme,n t
e nraciné d'ide11tité nalionaJiste. Le nalionalisme a impliqué d'éliminer les
_____ Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité 415
identités ethniques réfractaires à la fusfon (@ nous sommes tous des Turcs~
est le slogan fédérateur), menant à des connlls armt!s récurrents depuis 1984
contre les rebelles kurdes (menés par les travailleurs du parti du Kurdistan,
le PKK) dans le sud-est du pays. La religion a été reléguée à la sphère privée
et toute expr ession politl<Loe de l'islam est réprimée. L'é<:h.1cation était en
grande partie laïcisée et le port du voile interdit pour les fen1n1es. Les ordres
soufis ont été également supprimés. Pendant les deux dernières décennies.
le gouvernement a assoupli ses restrictions â l'expression reJigie-use sans
vérltablen1ent n1odifier sa politique fU)tlonale et ses bùlS sur le fond.

Un point d'histoire. On doit à Mustapha Kemal, dit Atatürk, d'avoir étendu


ta laïcllé politique à l'ensemble du pays. En 1920, Mustapha Kemal m ~ne un
combat ouvert contre le call(at du sultan WaJ1id ad-Din établi à lstanlJul.
Au terme de nombreuses péripéties, Wahid ad-Din c~ul t te le pays en
novembre 1922. Ankara, la capitale qui a succédé à Istanbul, l e déclare déchu
de toutes ses prérogatives de suJtan et érige. à sa place, Abd nl-~1aJld, mal.s
sans ft1l donner de pouvoir réel. Peu de te1n1Js après. le ter septe1nbre 1922,
Je caJifa.t est aboli. c·est alors que Mustapha Ke1nal. qui ne s'est pas encore
donné le titre d'Ata1Qrk, Introduit les r~lorones (t<Jnzimal} que l'on traduit
aussi par" réorgru1isations11 ou11restructurations11, Atatürk pensait ainsi
mettre au diapason de l'hlstolre u11 pays qui, sans être e.xsangue, n1ontraît
déjà de grands signes de faiblesse. Evidemme,nl, la série de nouvelles règles
prêconisées par 1't1ustaplla Kemal n•ont r ien à voir avec le dépoussiérage
qui a él é mené à la nn du x1x" slt-clc 1>ar deux autres sultans otto1na11s,
Mehmet U et Abdül·Medjid. Il s'agissait désormais de tout réformer : code
clv11 d'lns1>lratlon suisse eo ren1placement de celui qui était en a1Jplicatlo1l,
aboJition des conlréries religieuses car elles a\.'aient une emprise réelle Sllr
l'Islam populnJre, interdlcrion du port du voile et de tout Insigne religieux,
substitution du calendrier grégorien au ca.l endrier héglrlen qui était en
vogue à l'époque - et toujours d"actualité en Arabie Saoud.Ile. du moins
ofriclellen1ent - . flxallo11 d'un jour de repos l•ebdo1r1adaire en r em1>lacen1en1
du vendredi.

11 est courant aujourd'hui de voir de nombreuses femmes voilées. et ce même


dans les administrations publiques, les écoles, les uni\•ersités, les hôpitaux.
etc. Par ailleurs, dans $On souci cl'lnt.égratlo1l à l'Union européenoe, re.ororcé
par le princi1>e de son adhésion lors du Conseil européen d'Helsinki, les 10 et
11 décembre 1999, la ·rurqule poursuit ses efrorts. Son dossier s'enrichit d e
jour e11 joltr. Outre le bon déroulement des é leclions de 2007. c'est surtout
l'act i\.•it·ë économique et les taux de c roissance annuels qui s'avèrent les plus
décisifs. Reste la quest IOI\ des droits de l'homme. On verra dans les mots el
les années â venir si la Turquie a réussi à dépasser de.ux points essentiels ; le
pren1ler co11cer11e son histoire (Je génocide artnénlen. appella1 lo1l qui lié.tisse
le poil des nationaliste.s turcs) et la question kurde. avec son inévitable
coronaire, la question du re~-spect cles droits de l'homme. La n1osa'i que de
peuple.Lnents dans cette région, les crlspatlo11s Internes entre les tuodérnlstes
et les nationalJstes et surtout le fait que 1es Kurdes soient répartis sur cinq
pays voîshls (depuis le r raité de Lausan1le. en 1923) ne facilitent pas le
règlement de cette crise larvée qui est ranimée périodiquen1ent par le PKK,
416 Si.xième partie : La partie des Dix - - - - - - - - - - - - - - - - -

parti des travailleurs du K\lrdistan. Le chef, Abdullah Ocalan, arreté en


février 1999, condamné à mort en juin de la mëme année avant de voir cette
condamn.atlon commuée en un emprlsonne1ncnt à v1e, est enco·l'e derrière les
barreaux.

L'ensemble ma9hrébin
L1Al9érie
Pays francophone. l'Algérie (33 millions d'habitants} a été sous domination
fra.nçaise pendant un siècle et demi, et ce depuis 1830. Après son
indépendance (1962), elle s'oriente d'abord vers le système socialiste qu'elle
ne peut mettre en œuvre con1plètement ni voir aboutir. La composante
sOCjale est aujourd'hui à très forte majorité musulmane. Un islam sunnite
essentiellement, bien que la région du M"zab (la pentapole du M'zab) soit
habitée par une catégorie de musulmaJls appelés les lbadltes, une sous-
division des kharidjites (cf. chapitre 15).
La particularité de cet islam s'est maniCestée au le11demain de la victoire d'un
parti islamiste, le f lS (front Islamique du salut) qui, dans les années 1980 et
1990, a mobilisé une grande 1>artie de l'électorat populaire. Ayant remporté
les élections législatives Jors du premier scrutin pluraliste. le FIS a rëvé un
moment à la fondation d"une République Islamique à l'image de celle qui
venait de s•imposer en Iran. Pénétré par différents courants divergents. le
FIS ne put voir son rêve s'accomplir. Peu de fours après la proclamation des
résultats - la presse laïque a alors parlé d'un "raz de 1narée islamiste .. -, les
•généraux• - qu.I sont les vrais ma.îtres du pays - mirent brutalement an
au
processus de démocratisation du pays. Ce fut dans l'immédiat la suspension
du résultat du vote, jugé par trop dangereux pour la survie même du FLN.
qui était alors accusé de toutes les tares du système dont le népotisme.
la gabegie, la corruption. le manque de transparence et le clanisme. La
suppression du FIS e.o tant qu'organe représe.ntatlr de ropposltion tellgleuse
au système Instauré par le fLN depuis l'indépendance s'est avérée contre-
productive. Ce rut le début de la .:déœnnje noire•, une expression quj
désigne la rupture du pro~essus é lectoral. l'interdiction du FIS et de
toutes les obédiences religieuses, la chas.se aux militants islamistes. leur
emprisonnement, et rinale1nent la constitution d'un maquis religieux aux
abords de .la capitale.
La rapidité avec laque lle les organes politiques du FIS et des autres partis
religieux se sont transformés en groupuscules armés a surpris tous les
observateurs de la scène a lgérienne. Plus de 150000 morts ou disparus ont
résulté de la lutte fratricide qui a opposé. dix années durant, d'une part les
forces de l'armée dans toutes ses composantes (militaires de rang, services
de sécurité, gendarmes. policiers, gardes comrnunau.x. etc.) et. d"autre part,
_____ Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité ~17
les élérnent.s arnu!s qui tiennent les dltférents maquis el qui se sont. depuis.
organlsées eo katlba et flna1ement en perhs émirats. La violente des attaques
surprî$eS des 8r'Oupes armés - qui agissaient essentie1tement la nuit - et la
répression méthodique des services de rordre de rarmée, et de l'armée elle-
même, ont montré le grave fossé qui s'est creusé entre les différents clans
au pouvoiI (et ceux qui leur contestent ce pouvoir). Un lourd traumatisme
c:olleclll s'•n est 1ulvl. Oepul•, I• population est meurtrie de voir que des
Algériens peuvent en a"lver à de te.ls excès pour des questions liées au
pouvoir. à son partage et à sa transmlssk>n. La rente pétrolière est rune des
clés de la situation de blocage <JUC connait le pays. Le traumatisme a touché
en pleine croissance une nation alghienne qui. depuis trente ans. cherche à
se hluer au rang des pulss.nœs m~itcr·ran~nnes comme l'Espagne ou la
Grèce et sortir ainsi de son sou.s--dM.k>ppe:ment endëmique.
Aujourd'hui. après que beaucoup de sang a été versé, une nouvelle
génération de musulmans modérés semble prendre fait et cause pour la
réallté cornplexc du terrain afh\ tte se co1lstltuer en une alternative crédible.
Le pou\'olr s'est par ailleurs adjugé des prérogatives étendues, dont
J"Jnstaurallon d'un couvre·feu et l'~tabllssement d'un ~at d'exeeptJoo qui
a duré plusieurs années. Depuis qu'ils ont été instaurés, l"état d'exception,
l'état de siège, le couvrt:·feu et les Innombrables points de contrôle sur les
axes routiers du pays ont donné de l'Algérie l'image d'un pays militarisé à
outrance. Le maintien de certains points de oontrôle sur Jes plus importants
axes rout lers est vu con1n1e une survivance de cette pérlc>de troublée.
L'exce1,tic>n est devenue ltt règle, tandis que le factuel s'est mué en une
donnée récurrente de J'analyse politique dans ce pays. !.:Islam prend
Loutclols les allures d'un axe fondotcur cl 11011 négocial>le de la vie colle<:tive.
Tout fonctionne comme s1 le paradoxe d'une guerre civile me\1rtrière devait
1>rodulre CJ\ 1nêJne 1c 1n1>s des garan1les Olorales e t s1>triloelle.s pour <lu'une
idenllté religieuse. plut6t rcllichée Il y n une trentaine d'annêes, se précise
dé.s<>rn1als el clevie1tne l'un <les détcrml11onts cle base de la personnalité
nationale.

Le Maroc
Au yeux des Français. Je Mnrcx: (30 mllllons d'habitants) est devenu l'un
des pays familiers les plus appréciés e t, partant, celui que l'on visite le
J>lu• souvent. Ave<:. ln 1\inl•le, Il est la desllnatlon touristique principale du
Maghreb. li faut dire que lea compagnies aériennes pratiquent des tarifs
souvent très lnt~ ress.ants. que Tanger. à la polnre nord du pay$, n'est qu·à
trois quarts d'heure dt: l'Espagne et que la desserte marilime ne cesse
jamais.

Le ~1aroc dispose d'un syst~me de gouvema.n ce qui lui permet d'"associer


très largement les élites religi euses awc prises de décision à long terme. Le
maillage asscx:latlf, la petlle et moyenne bourgeoisie ainsi que les cadres
contribuent positivement à la stabilité du régime. Mais selon la thèse la plus
418 Sixième partie : La partie des Dix _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

courantt!: dans les années 1980, c'est La paysannerie - encore importante-


qui est• }e défenseur naturel du trône ... Aujourd'hui. le r-.1aroc. est en butte
à plusieurs ptoblèmes majeurs dont certains sont des défis, d'autres des
carences. La première de toutes les carences est sans doute I.e très fort
clivage social. Entre la couche la plus basse et celle qui dirige le pays. Il y a
un dénivelé de richesse qui va dans une échelle graduée de 100 dirhams par
famille de 1 à l 000. Pour 100 dirhams gagnés à la sueur de son front par un
ouvrte.r modeste, le cadre gagne 10000 dirhamsf voire plus. tvidemment, t.Lne
classe de rentiers s'est depuis lon_gtemps emparée des rouages du Makh.zen
et c;onlpte le 1>rotéger contre vents et marées.
L:enjeu est l'ouverture économique du pays à l'Euro1>e et, partant. au reste de
la pJaoète. Le Maroc semble de ce point de vue avoir pris une certaine avance
sur ses voisins. Non seulement la mondiallsatlon ne lui raJt pas pe-ur, mais
li se1nble la prendre à bras le corps. Le tourisme est le. fer de lance de cette
politique qui, en effet, manque des atouts- hydrocarbures essentiellement -
dont dispose J'AJgérie voisine. Le savoir-faire ma_rocatn est reconnu da.os tous
les domaines de l'accuell, de f'hôtellerfe, de la cuisine. de l'artisanat et de la
petite entreprise de transformation.

La Tunisie
C'est un parti nationaliste qui dirige la llinlsie (10 millions d'hnbftants)
depuis qu'elle a gagné son Indépendance à l'égard de la Fra.n ce en 1956. Feu
le président Habib Bourguiba (1903-2000), chef du Nêo·Destour, y a instauré
un ttat laîque et moderne. li a géré ce pays à la manière d'un despote éclairé,
paternaliste. charismatique et populaire. En 1975, il imposa au parti socialiste
destourien (parti unique) de le nommer président à vie. mals, en 1987, fi
fut destitué par Zine el-Abidfne Ben Ali, actuel président de la République.
Grâce à son statut personnel, la Tunisie se dilfér:encfe de la plupart des pays
maghrébins. En ettet, le statut de la femme y est parmi les plu_s avaiteés du
monde arabe et même musuln1a11, excepté, peut·être, la Turquje.

Le parti islamiste d'an-nahda (•parti du renouveau.-) a obtenu un certain


succès aux élections de 1989. Le gouverne.ment, ayant pr1s la mesure de la
guerre civile en Algérie, a voulu éviter de se retrouver dans la même sltu.atlon
(et nature.lleme11t en gardant le pouvoir). IJ a donc sensiblement renforcé sa
lutte contre les islamistes.

li a en particulier interdit le parti d'an-nahda. Son chef, Rachid


Al-Ghannoushl (né en 1941, et de son vrai nom Rached Kheriji), • é lé
emprisonné en 1981 Qusqu'cn 1984) puis de nouveau en 1987 Qusqu'en
1988) ; fi est envoyé en exil à Londres au début des années 1990, où li obtient
f'asi.le flOllllque (1993).
Chapitre 21 : Dix régions musulmanes sous les feux de l'actualité !, J9
Malgré ces carences. reconnues par 1es autorités elles~mêmes. la Tunisie
demeure l'un des pôles les plus stables de la zone Maghreb. Son économie,
csseo1lellement touristique, a explosé. Le tertiaire a également trouvé une
terre d'accueil où Il pouvnll s'éi>anoulr. Il faut dire que les cJélo<:allsatlons de
grandes sociétés de service ou de petites manuractures sont à l'avantage très
nel cle la r ive sud de la Méditerranée et en particulier de la 'J\1nlsle. Mais à cet
égard. l'lnde, le Pakistan et la Chine sont des adversaires redoutables.
Le résultat est qu·une bourgeoisie moyenne-. plutôt dynamique, s'e.st peu à
peu constituée, tandis que les abords des grandes villes d~lennent jour
aprù jour mêconoaîssablea. Les 10 millions de Tunisiens aspirent à vivre
dans un Ùal Indépendant, mals solldalre avec les autres pays du Maghreb.
C'est sans doute là le seul point noir de toute la région. à savoir l'absence de
volonté politique partagée 1>ar les cinq pays de l'Union du Maghreb arabe
(UMA) en vue de constituer les ~•ts·Unls du Maghreb.

La Libue
Ce pays regroupe les anciennes provinces de Tripolitaine. du Fezzan et de
la Cyrénaïque. et s'étend sur 1759500 km' (3 fois et demie la franoe) pour
une population cinquante fols moindre. soit 6 millions d'habitants. Pays
neuf et vieux à la fols - dans l'Od)'$$ée, Homère y situe déjà l'~sode des
lotophages - . la Ubye vient d'~tre redécouverte à l'occasion de l'affaire
des Infirmières bulgares et du médecln palesllnlei1. MaJs son potentiel
économique immense la protège des turbulences que d'autre s pays auraient
pu vivre en de pareilles circonstances. Ces turbulences ont duré plus de
trente ans, de 1986 jusqu'à 2007 : bombardements américains du QG de
Kadhall (né en 1942. de son vrai nom Mouammar al·Guaddafl) en 1986, c rash
de l'avion de la Pan Am au.dessus de l.oc.kc rbie, en ecosse (1988). e t crash de
l'avion de l'UTA au-dessus du Ténéré (Tchad) en 1989. li s'ensuit un Isolement
diplomatique au sein de la Ligue arabe, tandis que le blocage onusien durera
de 1992 jusqu'à 1999.
Aulourd'hui, la Ubye offre aux Occidentaux des débouchés extr!mement
Intéressants. li n"est pas un jOur sans son lot de contrats mirlflqU«!'s passés
avec les grandes compagnie$ pétrolières, les trusts de l'armement. l'aviation
clvile. le chemin de fer, les ports, les routes. les barrage•.
Pourtant, il est un aspect de la ~!bye que nous ignorons à peu près
complètement : ses vestlget arc héologiques disséminés comme un collier de
perles autour de Tripoli. la capitale. Les plus fameux sont les sites de Le ptis
Magna e t de Sabratha. En Cyré naîque, Il y a Cyrène et Qosayr a<l·Daffah.
dans le sud de Tobrouk. la fameuse ville frontière de l'~gypte où se distingua,
naguère, le gênbal allemand Rommel, l'un des inventeurs du concept de
blitz.krieg, la guerre éclatr. On peut se mouvoir avec une œrtahte émotion non
pas dans des sites ordinaires. mals dans des villes antiques parlaltement
conservées. Par on ne sait quel enchantement. le visiteur mod,rne est vite
420 Sixième partie : la partie des Dix _________________

plongé dan.s l'amphjthéâtre, là même où~ jadis, des gladiateurs Livraient leurs
mortels combats. Pl·us loin., on Imagine encore un groupe de musiciens Jouant
cle la harpe ancienne e t de la flOte cle pan. Là. ce sont les thermes, là-bas
l'agora. le lieu du marché et, plus loin, au bord de la mer Méditerranée, les
villas cosstses où Septime Sévère a vu le jour.

La Mauritanie
Indépendante depuis 1960. la République Islamique de Mauritanie se présente
co1:rune l'un des pays musulmans les plus tolérants de la planète. Sï l n'y
avait ses nombreux esclaves-évalués à plus de 200000-, vérîtable talon
d'Achille e t dont une troisième loi d'abolition vient d'être votée (8 août 2007),
il aurait pu être un pays modèle par son développement social. hunlaln e t
religieux. Peu d'habitants. 3 mHHons tout au plus. une pratique coutumière.
des rites simplifiés et un réel goût pour le savoir coranique. un peu comme
au Sénégal et au Mali, deux pays voisins. À cela s'ajoute un mode de vie fondé
sur .la pêche traditionnelle et sur le pastora1isme.. Outre le cuivre à Akjoujt.
et i>lentôt le pétrole en j)lelne mer, plusieurs centaines de milliers de têtes
de <;an1élidés, des ovins, des bovins et des caprins en constituent la richesse
principale. Le n1ode de vie est r~sté très proche de la vie paysanne, mals
l'exode rural a depuis longten1ps fait expJoser la démographie des villes -
avec:: tous les aléas des grandes métropoles - . dévorant le cadre urbanistique
si singulier de villes comme Atar, Tldjlkja ou Aîoun el-Atrouss. À Nouakctlott
n1ên1e, ur1 grand t'id_onville Jépret1x porte le nom de,, Dépotoir o, La
mystérieuse cité de Chinguettl, ancien lieu de savoir enclavé. est prisonnière
de la 1ner de sable qui l'environnè et qui, en même temps. Ja conserve.
Partout l'Islam sunnite est pratiqué avec pondération et gravité. La monnaie
locale est rougulya, la langue vernaculaire est l'arabe (hassanlya). tandis que
le costu.me de fête, constitué d'une am,ple tuniq·ue bteue pâle ou blanche qui
descend Ju$qu'aux çhevilles. est un n'lélaog:e entre le vêtement touareg d'une
part, y compris pour le chèche, et le style urbain du Sénégal.
Les deux lnstar1ces n1aje.urès qui regroupent Jes musulmans (Ja Ligue arabe
d'un côté, avec ses 22 pays membres. et l'Orga11lsatlon de la Conférence
Islamique (OCI) de l'autre, ave<: ses 51 États membres) avancent le c hiffre
approximatif de l,3 milliard de musulmans sur une planète qui regroupe
aujourd'hui un peu plus de 6 milliards d'âmes.
Voici les pays musulmans qui n'ont pas été sélectionnés dans la llste des
d ix: Alghanlstan (29 mlllioos d'habitants - cf. p. 352-353) ; Arabie Saoudite
(26,7 millions d'habitants - cl p. 3~3-344) : Djibouti (700000 habitants) ;
~gypte (73 mlillons d'habitants) ; Emirats arabes unis (4,5 millions
d'habitants) ; Iran (69 milüons d'habitants - cf. p. 349-352) ; .Jordanie
(6 rnilllons d'habitants); Koweît (2 millions d'habitants) ; sultanat d'Oman
(2.3 millions d'habitants) ; Pakistan (162 millions d'habitants); Qatar
(900000 habitants) ; Somalie (8,3 millions d'habitants): Yémen (20 millions
d'habitants).
Septième partie
Annexes

• Les cin<f co~viction.sde .base de l'i.slani m'ont


vrai:r;pent changé la vie.
Avant, me.s convictio~. c'était de ne pas :me faire avoir
pat' la publicité, de ne pas manger d-u. pois.son de la
v~ille et de civer wes chaus.sur«s Avec application. •
Dans cette partie...

Q uand démarre l'année musulmane ou le jeüne de ramadan cet te année? Le


__.. calendrier musulman est un cale.n drier lunaire (basé sur la lune), contrairemenl
au calendrier occidental qui est solaire (basé sur le soleil). Dans cette partie,
vous trouverez Ja liste des niols du calendrJer 1nusuhnan avec leurs noms et vous
apprendrez comment convertir n'importe quelle date occidentale en date musulmane
correspondante. et inversement.
Cette par tie comporte êgalement un glossaire des termes techniques les plus
Importants, notamment des mo[s arabes, avec leur ex·pJlcatlon et queJques termes
persans. Reportez.vous au glossaire chaque fois que vous rencontrez un terme
Inconnu ou dl fOclle à comprendre, même si bien sûr nous n'avons pas pu y Inclure
tous les terrnes difficiles.
SI vous avez envie d'en savoir un peu plus, J'annexe C votis livre quelqties pistes de
lecture aJin de parfaire vos connaissances et satisraire votre curiosité.
Enfin, une chronologie de l'islam des origines à nos jours et un dictionnaire des
noms propres pourront - nous l'espé:rons - satisfai re J'lntérêL de chacun en offrant
<les ressou_
rces conséquentes.
Annexe A

Le calendrier musulman
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

T :ut comn1e les chrétiens datent leur calendrier à pa.rtlr de la naissance de


1 jésus el les juifs à partir de la date trac.Utionnelle de la créatiO•l du monde.
les musulmans, e ux. font démarrer leur calendrier â partir de l'émigration
(hijra) de Mohammed et de ses diSciples de La Mecque à Médine en l'an 622
de notre ère (ap. J .•C.). A insi, l'année 622 correspond à l'an l de l'hégire
(lAH). De plus, les nlusuhnans commencent l'année au Jour où 11/ujra a eu
lieu. Ainsi. le 16 juillet 622 correspondra à 1 mouharram (premier mois de
l'année musulmane) de l AH (an110 hijroe, l'année de l 'hégire).

La plupart des livres publiés par des éditeurs non musulmans se conle11tent
d'indiquer les dates du calendrier occidental. Ce n'est pas étonnant étant
donnë que la majeure _p artie du monde emploie désormais ce calendrier
occidenta l, même si, parrols, un autre ty pe de calendrle.r peut ê tre utile.
Jusqu'à il y a cinq ans, le Jérv${1/e1n Post (utl journal juif) i1n primait la date
du jour en haut du journal dans Je calendrier chrétien, juif et musul man.
À vrai dire, je ne sais pas très bien à partir de quand, mals un beau jour Ils
ont supprimé la date corr espondant au calendrier musuJman. Je suppose
(peut-être à tort) que cette o ol.i&sion de la date musulmane reflète un regain
de tensions entre les musulmans et Jes juj(s en Palestine et e.n Jsraêl e t. peut~
erre. une orientation globale.ment plus conservat rice prise par le journal.
En reva11cl1e, dâns plusieurs pnys arabes. te retour au cale1ldrler hégirlen
- i:léjà amorcé ny a plusieurs décenn.l es par l'Arabie Saoudite - est devenu
une réalité visible. En Égypte, en Jordanie, en Syrie, au SOlJdan. en Libye. l'ère
chrétienne est mise en concurre·n ce avec l'ère musulmar1e. Parfois, seule la
date de l'hég1re est mentionné·e.
Le calendrier religieux musulman est un cal endrier lunaire. En conséquence.
par rapport à un calendrier $Olaire, utilisé largemen1 par les ô-ccldentaux et
dans Je monde enlier, tous les ans le mê111e événernent se produi t 11 jours
plus tôt que dans notre calendrier, l'année lunaire é tant de 354 jours (et
le calendrier solaire d'environ 365 jours). Nolet que, pour cette affaire de
la vie courante, les musulmans emploient souvent un calendrjer solaire,
pa rfois qualifié de " clttétlen .. ou de 11 cale11drlet du !\1essle • ou 11 calendr1er
grégorien • - c'est·.à·dire le calendrier occidental. Après tout, les rerrniers
424 Septième partie : Annexes - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

veulent savoir' quand planter leu.rs semences, et cette Information est liée au
soleil et non pas à Ja lune.

Pour les affaires religieuses. en revanche, le calendrier religieux musulman


e,st employé. Voici l.es noms des douze mois de l'an:née musuln1ane. qui sont
Ici présentés dans l'ordre, avec la signification du sens des mots. N'oubliez
pas que ces mois n'ont rien à voir avec ceux du c.alendrier occidental.
.,.. Mubarram : le mols sacré .
.,.. Safar: le mois vide (ou mois du voyage).
.,.. Rabi' al·awwal: le premier printemps, également appelé rabl t•
.,.. Rab'I al-tbanl : le deuxième printemps, également appelé rabi 2 .
.,.. Jumada al-ula : le premier mois de la sécheresse. également appelé
jumada 1.
,.., Jumada al·lhanlya: le demJer mots de la sécheresse, également appelé
jumada 2.
"""' Rajah : le mois honoré .
.,.. Chaban : le mois de la division.
*' Ramadan : le mois de la fournaise.
V Chawwal : le mois de la chasse.
.,.. Dhul-qa' da: le mols du repos.
.,.. Dhul·hljja: Je mois du pèlerinage.
Notez que la transcrlptioo des noms en français peut varier légère.ment selon
les documents que vous consultez.
À un moment donné, vous pouvez vouloir convertir une date occidenta.le
en une date 1nusulmane ou vice versa. Ou vous pouvez ëtre curieux pour
découvrir votre date de naissance dans le caJendrier musulman. Comnlent
fa1re? Voici la formule de conversion:
v Pour convertir ''"e date chrétienne (occJdentale) en date musulmane,
employez cette formule, où Gest la date chrétienne (calendrier
grégorien) e t H est la date musulmane (de hijra) : H • G • 622, [(G - 622)
+32]. Vous trouverez pour l'année 1990 (ap. J.-C) l'année musulmane
1410AH.
v Pour conver tir une date musulmane en date chrélienne, voici la rormule :
G • H" 622 • (H • 33). Ce la signifie que l'année musulmane 1421 AH a
commencé en 1999 ap. J.-C. ( 142 1 • 622)- ( 142 1+ 33) . 1999.
_________________ Annexe A: le calendrier musulman 425
~~
· De toute façon. la présence des musulmans en nombre, Ici roe.me en France.
a- · mals aussi en Belgique, en Allemagne et dans toute l'Europe, sera un bon
indicateur pour retfouver le fil dans tout cela. Les rnusu1rnans observent
le ra1nadan une fols par an. Cela vous donne un repère pour coonaître leur
calendrier. 11 y a aussi les fêtes de l'Aîd e t le départ à La Mecque, régulier lul-
aussl. Enfin, vous pouvez demander à vos amis musulmans ; ils sauront vous
répondre avec plaisir c tir cela les flattera que vous les Interrogiez sur leur
religion.

Tableau A-1 : les dates à retenir en 2008


Célibration Calendrier musulman Calendrier chrétien
jour de l'An l mouharram 1429 10 ianvier 2008
achoura 10 mouharram 1429 19 janvier 2008
naissance du Prophète 12 rabi'al·awwal 1429 20mars2008
début du ramadan 1 ramadan 1429 2 septembre 2008
Révélation du Coran 27 ramadan 1429 2B septembre 2008
aïd -al-fitr 1 chawwal 1429 2 octobre 2008
aîd al-adha 10 dhul·hiüa 1429 9 dêcembre 2008

La minorité reli,g ieuse des ch;iles célèbre le dix-huitième Jour de dhul-hllla ( le


mols du hadJ). le Ghadlr al Khum, jour où, selon leurs croyances, Mohammed
(après son pèlerinage d'adieu) se sera.li arrêté à l'oasls de Khum et aurait
alors désigné 'Ali comme successeur.
Annexe B

Glossaire
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • •••••••

D ans cette annexe, vous trouverez des mots et des expressions,


principale1ne1lt tirés de l'arabe, qui sont hlcontournables (luand on
parle d e l'Islam. Quand vous aurez la tê te pleine de consonances a.rabes et
que vous confond.erez le n1fl1tab avec le 1ninbar. reportez-vous à ce glossaire
qui v iendra à vot're secours. Vous ne trouverez pas lei les tercnes qui
n'apparaissent qu'une seule fois et qui soot expliqués directement à l'endr oit
où ils sont utilisés. En outre , ce glossaire n'inclul pas non plus les noms de
personnes, de groupes, de partis ou de lieux (villes, pays, e t régions).

A
adab : bonnes manières, bonnes mœurs. étiquette. politesse (c'est aussi un
genre littéraire qui traite de ces sulets).

adhan : appel à la prière (,«Jlal).

ahl al-bayt: l es membres de la maison (du Prophète).


aJd : aïd al..adha (fête du sacrifice); se prodllit vers la fin du pèlerinage. ai'd
al-fitr ( fête de fa rupture du jeûne) à la fin de ramadan.

aJ han1dullllah : 11 Gloire à Dieu •, une expression souvent utilisée dans la


eonversation.
ansal"8: on a1>pelle ainsi l es c itoyens de Médine qul ont accuellll et soutenu
Mohammed et ses compagnons (moulwdjirûn) , lors de leur ex.i l de La
Mecque. en 622. Vo.l r moubadjlrûn.

•aqlda : foi musulmane avec les croyances e t les pratiques de base.


'aqlqa : le fait de c.o uper les cheveux de l'enfant nouveau-né.
arkan al-iman : cinq piliers de la fol (aman of-kiloms) - c royance en Dieu,
dans ses anges, ses prophètes et ses livres ; au Jugement dern.i er ; et au fait
que Dieu déter1nine toute cltose.
428 Septième partie : Annexes - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

'acbu_ra' : dixième jour du premier mois musulman (muharram) qui


commémore la mort de Hussein.

aya (au pluriel : ayat) : signe ou 1>reuve de Dieu. égalen1ent un verset cJu
Cora11.

8
baraka : bé.ru:dicllon liée à Moha1nmed et à quelques saints.
barzakb : la barrière el'\tre la v ie et 1nort. qui perdure jusqu'à la résurrection~

basmaJlah: "Au nom de Dieu le compatissant, Je miséricordieux i., Cette


e:."<·p resslon ouvre cllaque sourate sauf u11e. la sourate IX.

bâtln : la s ignification cachée el ésotérique de Coran. Voir la' wll.


bid'a: innovation ; toute déviation des pratiques et <les croya11ces par
rapport à l'islam des premiers temps, considërëe par beaucoup con1me un
péché.

c
calife (khalifa) : titre d'un souverain sunnite musuln1an ; slgnine
littéralement 11 le st1ccesseur •.

chahada: « Il n·y a pas d'autre Oleta que Dîeu et ri.1ollammecl est le messager
de Dieu '"•soit Ja proression de fois musulmane.
chari'a : loi Islamique.

chaytan : n1ême mot que Satan en français ; au singulier, on l'appe1le aussi


l'ange lblis.
cbelkl1 : chef de tribu ou de c lan ; également utilisé pour les chefs soufis.
1
cblrk : Je fait d associer autre chose à Dieu. le J'é<;hé le 1>lus grave dans
l'Islam.
ch11tes: branche mln.orltalre de l'lsla1n qui se focalise sur 'Ali et ses
descendants.

choura: consultation : corps qui choisit ou conseille le calife ; parfois utilisé


pour parler des organes législatifs modernes.
Annexe B: Glossaire 429
D
cl&r al-hart> : 1erriloire pas encore dominé par l'Islam (domaine de la guerre).
dar al.tolam : territoire soumis à 11slam par opposition au précédenl.
da·wa : • appel • des personnes à l'Islam ; prosélytisme.
derviche (da rwlsb): le termeesl employé pour porter des soufls; signifie
lltlé.rale1ncn1 u1le • personne pauvre 11 (en persan).
dhtkr : souvenir ; cérémonie de soull qui lmpllque l'invocation rituelle des
noms de Dieu.
d hln1ml : • personnes protégées • : au comnlencemeot, chrétiens et
lulfs - plus tard également les zoroaslrlens e t cer1alns odep1es d·aulTes
confessions - vivant dans un ttat musulman.

dln ; rellglon.
djlbad : • efforts • ou • guerre saû1te •.
djinn (• génie•): divers é1res laits de leu.
du'a' : prière volontaire et Individuelle ; par opposlllon à la oalat.

F
falsufo : 1erme a rabe pour la philosophie.
faqlh : expe rl en matière de Jurisprude nce (droit).
laqlr : sou!I ; derviche.
lard : Indique un devoir obligatoire.
Fe,Uba : la •commençante•, qui est la première sourate du Coran.

fatwa : une décision par un théologien juriste Islamique sur un point de la loi
Islamique.
ftqb : lurl$prudenœ (droit).
Rtn• : différends : lait réltrenœ à plusieurs rébellions qui ont menacé l'unité
de l'Islam à ses débuts.
cinq piliers du culte (arkon al-lt11om1) : Io profession de loi, la prière
quot ldlenoe, le Jeûne de sawm, l'aumône obligatoire el le pèlerinage à La
Mecque.
43 0 Septième partie : Annexes - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

G
gbayba: occultation ; Je fait que le dou.z ième imam soit caché.
gbusl : la purification principale avant les rites (grandes ablutions).

H
hadith: tradition ancienne rapportant ce que Mohammed a dit ou a fait :
également une des raci nes du droit.
hafiz : personne qui a mémorisé le Coran.
hadj : pèlerinage à La Mecque ; un des cinq piliers du culte.
h adith qu<hl (hadith fSaèré) : parole de Dieu qui n·est pas dans le Coran.

halaJ : oourrltur.e et ac:tlo_os autorlsées.


hanif: monothéiste musulman avant l'heure, avant la 1>érlocle <le Mohammed.
Abraham est le plus con11t1 cles hanifs.
harrun: nourriture et aeti01lS interdites.
bijab : le voile. On l'appelle aussi, selon les pays, tc hador, k/Jin1ot, burqa,
'abaya, etc.
bilai : croissant de lune ; nouvelle lune qui marque le dé but d'un nouveau
n1ois.

hl)ra: hégire, émigration de Mohammed en 622 de La Mecque à Médine.

hudud : offenses el pénalllés défli1ies dans le Coran pour certà.l ns crimes


sérieux ; Je singul.ier est badd.

I
'ilm : sc ience. connaissance.
'lbada : s ervice de Dieu, particulièrement le culte.
lhram : é tat de pureté rltuelle : J)articulièrement irnportant 1>e.ndant le hadj
(pèlerinage).

lhsan : vertu. éthique, bonnes œuvres.


l 'jaz : lnh11 l tabtll~é du Coran. impossible à imiter, incomparable..
_ _ __ _ _ _ _ Annexe B: Glossaire 431
ljma': coase,nsus (accord de la communauté enti~re des 1n\lsulmans ou des
s..1ges), une de-s quatre racines du <lrolt.
ijtUtad : effort (appliqué nu travail des Intellectuels pour Interpré te r la lol).
imam: chef de la prière quotidienne; successeur de ~1 oh&n1med chez les
chiites.
lman : foi, croyances.

ln •ha'a·llab : • SI Dieu le veut •, fréquemment utilisé dans la conversation.


'lsma : doctrine de I'• lmpec:cabllitê •de Mohammed et des premiers
prophètes bibliques selon lies sunnites : propre à Mohammed et aux Imams
chez les chUtes.

l•nad : c haine de la transmission du hadith qui fait partie du mul1addith {!lom


de celui qui a rapporté le hadith et de ceux qui l'ont précédé).
l•ra' : voyage nocturne de Mohammed de La Meeque vers Jérusalem.

1
jablllyya : temps de!"• Ignorance• pajenne en Arable, avant l'appel de
Mohammed.
al-janua : le jardin : le terme le plu• commun pOUr le paradis.

K
kafir : incroyant, athée.
""1am : lhéologle Islamique en tant que discipline savante.
kllanqab : Heu de réunion ou de logement d'un ordre soull.
khédive : nom du vice-roi d'€SYpte au temps des Ottomans.
khlcan : circoncision.
khutba: sermon lors de la prière communautaire de midi le vendredi.
kltob : mot ara be pour le livre, el aussi ' le Livre • (Coran).
klafr: il'1croyance ou tdoUltrle.
432 Septième partie : Annexes

M
madbbab : une des é<:oles juridiques reeonnues.

madrasa: école l$IU1Til<1ue.


mahdi : figures du Messie n1u.s1dman qui apparaitront à la fin des temps.

mabr: cadeau nuptial. dot.


mujld : mot arabe pour mosq~; littérale-nt. • l'endroll où l'on se
prosterne•.
matn : le corps ou le contenu d'un hadith.
mawUd al-nabl : a.nnlversalre de M ohammed ; fête ~lébra nt son
nnntversaire.

mawla : utilisé dans les pren1lcrs temps pour parler d'un converti non
musulman qui se rattache à une tribu arabe par adoption.

ntlh.rab : niche dans le mur d•une mosquée qui marqt1e la qlbla.


minbar : pupitre dans une mosquée.

ml'raj : montte au del de Mohammed pendant 1"1-ra.

mollah : chel religieux chiite.

moubadjirûn : musulnta11s qui ont émigré avec Mohn1nmed de La "1ecque à


en
Mi!dlne 622. Voir an••"'·
mousbaf: excmplulrc physique du livre céleste de Dieu (le Livre).

mufti : personne qua11fiée pour donner un avls juridique ou une sentence;


voir ratwa.

moujaddJd : selon la croyance chi1te, • rélotmateur •qui est censé venir


renouveler l'l$1am (du verbejoddoda) à la On de chaque siècle.
muezzin (mu'adhdhln}: la personne qui lance l'appel à la prière.

N
nabl : prophète. S'applique Il tout propltèle. Outre le nabl, l'l<l•nt reconnail
Je messager de Dieu (fassOI). Le rassûl est forcé1nent nabl. le 11abi n'est pas
forcément un nl<l$Sagcr de Dieu.
naskb : un verset cornnlque que Dieu plus tard a annulf. habituellement
désigné en français sous le terme de (verset) abroge.
Annexe B : Glossaire 1,33
olkah : contrat de marrage, mariage au sens légal (voir Ora).
ntyya : r. Intention,. qui conduit les .actes rituels, en panlculie.r la prière
(eal•I).

0
'omra : pelll pèlerinage à La Mecque qui peut ~tre fait à tout moment.
oulén1ae: Intellectuels religieux traditionnels <le 1'181nm: voir également le
mu.n a.

p
plr : un terme pour désigner un chef soufi, synonyme de cheikh.
qadl : un luge islamique dé$1gné par un gouverneur.

Q
qlbla : direction de La Mecque.
qlyu : analogie, une des quatre racines du droit.
Qu'ran (le Coran) : tcrlture sainte de base de 1'11lam, le Verbe de Dieu, et
l'une des quatre racines du (lroll tslamlque.
qutb : le• plvol "ou axe du inonde; l'ëtre humain parralt.

R
rai<' a : cycle complet des positions à adopter pendant la salai {prière).
ramadan : le mols du jeûne (saoum) de l'aube au cr~puscule.
ruul : messager; l'apôtre.. comme dans• ~1ohammed est le messager de
Dieu •.
ra·y: aplniOn personnelle d 'un disciple sur une question de droit Islamique.
r1ba : usure ; Intérêt d'un prët. ce qui est Interdit dans l'Islam.
434 Septième partie: Annexes

s
1 : •Que la 1>alx soit sur vous " ; salutation n\ui;t111nane
salam alalkt111_
courante.
salat : le rituel formel de la prière cinq (ois par jour.

sama' (écoute): omce ll1urglquc souli comportant de la musique.

sawm : jeùne obllga1olre; un des dnq pilier$ du culte.


saly: le fait de courlr d·une colline à rautre. rituel fa ln.nt panle du rituel de
hadj.

sayyld: tllrc de respect pour les descendants de f\.1ohammed par Fatlma. la


lllle de Mohammed.

sadaqa: charltû volon1alre, au-delà de la 1.akat annuelle obligatoire.

sllsUa (chaîne) : l'arbre ~énéaloglque spi rituel d'un soull ou d'une famille
religieuse (chourola).

sûbba : perles ou chapelet de prière utilisé pour réciter les norM de Dieu.

ooufi : mystique de l'Islam (fasowwufesl le terme arabe pour soufisme).


a:unna: pratique usutllt du Prophète et de sa con1n1unauté.
s-unn_i: nom com1nun de la branche de l"islam majoritaire.
sourate: lerme commun pour les 114 unltês de base (chnpltres) du Coran.

T
tal.slr: commentaire du Coran.
tahara : purilieatlon requise avant les ei<kuUOns rituelles.

takbir: la formule• Dieu est grand• (Alla/lu Akbo1'.


talaq : divorce.

•albiyab : l"expres.slon • Ille Vôici à toi .. , • prOJlOOCéC l>Cndant le hadj et


destin<e à Allah.

taqlyya: dlsslmulal Ion, silence lactique. Cl certains chiites Ismaéliens.

tariqa: la " vole •. 1er1ne e.n1ployé pour parler tlt <llverses branches du
soufisme.
_ _ AnneMe B : Glossaire 435
tasllya : la formule de l'ilwocalion de la bénédiction sur Mohammed (< La
paix el les bénédk:tlons soient sur lui •, abrtgœ en PBSL en français).
lawaf : tourner dans le sens contraire des afgtlllle.s d'une montre autour du
Kaaba en tant qu'élémenl du rituel de pèlerioa,ge.
tawhld : unicité de Dieu. l'un de ses attributs les plus hnpor1an1s.
ta'wll : lnlerprétalion a llégorique ou ésotérique de Io slgnlllca1lon du Coran.

u
u11tn1a : la communauté musulmane univcl'selle.
Ora : cérémonie de mariage (voir nlkab).
usul al·flqh : racines de jurisprudence musulmane - le Coran. les hadiths, le
ql)'DJ,CI l'î/ma.

w
wall : ami (de Dieu) : désignation des saints souns.
waqf : fondation charitable islamique.
wudu' : petite purification avant la prière.

wuqul : la cérémonie de la s1atlon s ur la plaine d'Arofnl pendnnl le /rad}.

z
tiiblr : la signification externe d'un texte (opposé de bfttln) .
1akat : aumône annuelle et obligatoire i un des cinq plllers du culte.

z:lyara: visite aux mausolées des personnes saintes.


Annexe C

Références
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ••••••••••••••

S: vous voulez. approtlfOn<llr votre connaissance de l'tslan\, vous


pouvez vous tourner vers quelquu essentiels, comme le Coro1r dans
&a traduction par Denise Masson ( Paris. Gallimard, 1967) ou par ~ouard
Montet (Paris, Payot, 2001, 2 tOmCJI) et l'E11cydopédie de /'/$/am (Leyde,
E.J. Brlll, Paris. Maisonneuve et Larose, 1960-1995).
Voici en outre queJques p1stes de lecture, qui viennent s'ajouter à celles qul
sont déjà citées dans le texte.

8iblio9raphie
A
ABD EL-JAUL J.-M., Hist0tre de la lflléroture arabe. Paris, G.-P, Maisonneuve et
Larose. 1943.
ABDERRAZIQ Ali, l 'Islam et les fondements du pouooir. Paris, La Découverte,
1994.
ABDUH Mohammed, Ruwldt a1-Tawl1ld (Épilre <k /'Untat~ diu111e), Le Caire.
1920.
AUU Roc:hdy, Qu'eJt-« que liJlam ?, Paris, La Découverte. 2000.
AL.JAHIZ, le Cadi et la moucl1e. traduclion Lakhdar Souaml. Paris. Sindbad,
1988.
AL-JAHIZ. Rassa71 (€pTtre•). Le Caire, €<!. Haroun, 1964-1979.
AL-MAS'UDI, w P1·oiri•• d'or (/'<fur(lj <•d-duhob), traduction Charles Pellat.
Paris, Paul Geuthner. 1965. 3 vol ..
AL·MUNADJDJID Salah al-Oin, U, Concept de jusJiœ soaole ~11 ISiam. Paris.
éditions Publisud/Alg.,r. OPIJ, 1982.
438 Septième partie : Annexes - - - - -- -- - -

ANAWATI G.-C.. GARDET L., lntroduaion à la théolO(lle musulmane. Paris,


Vrin, 1948.
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444 Septième partie : Annexes _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

Les sites internet


Volcl les adresses Internet du Conseil français du culte musulman (CFCM) ,
de l'Institut du monde Arabe (!ma), de l'Jremam (Aix·en·Provence) et de
dJ!fërentes ln$tltutlons étatiques ou Indépendantes qu'Jl peut être ut Ue de
consulter.
Y"ww.cfcm.tv
Y" ww.etudes •11usu l1tanes.co111
v wvw. tmarabe.org
,,,., wvw.mash.univ· aix. fr
V w111w.musl 1ma .com
Y' www.oum11111 .corn
Y' ht tp;/ / la documenta t i onfranca ise .fr
Y" Wl4W. sou f is•e .orç
Annexe D

Chronologie
••• • ••••••••••••••••••••••••••••••••• •• ••• •• • • •• •

(A ici les prhtcl1>au.x événen1ents de plus de deux mille ru1s d'histoire, de


a naissance du Prophète à aujourd'hui.

570 ou 571 - Naissance du prophète Mohammed à l..a Mecque. La Perse


a1\lique était gouvernée par Khousrô l"' Anôchrvan, mort en 578. Byzan<..-e
avait à sa tête l'empereur Justinien (5.27-565). Celte année-là, Abraha, général
y~ménlte, envahit La ~1ecque avec ses éléphants, d'où son norr1" année de
rtlêphant " am (1/-fil.

610 ou 611-Débul de la Révélation coranique au Prophète; vers 613, début


de la Ptêdication.
615 - Mohammed envoie une <lélégaLlon de musulmans ea A'byssinie. Le
négus chrétien Al...Asham leur f'd:it bon accueil.

607 - Khousrô Il (591-628) entre en Palesllne, occupe l'A natolle (608) puis
Constantinople (609).
6 13 - Les armées perses envahissent la Syrie. Dan1as est ocçupée, puis
.lêrusalem (614) el enlln l'Êgypte (619).

622 - Début de l'béglre (calendrier musulman).


628 - Traité de Hudaybiya où a lieu le pacte entre le Prophète et les
Mecquois.

630 - Mohammed entre pacifiquement â La tv1ecque.

632 - Mort du prophêle Mohammed (6 ou 8 juin) à Médine.

632 - Début de la gouvernance par les califes : Abou Bak.r (632-634), Omar
(634-644) , Othman (644-654). 'Ali (656-661).
63S - Les armées musulmanes occupent la Méso1>otamie.
634 -À Ajnadayn (Palestine). les musulmans remportent une première
grande victoire aux dépens des Byzantins.
446 Septième partie: Annexes _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ __

635 - l'Islam esl en Syrie.

636 - À Qadislyah, vlccoire musulmane sur les Perses sassanides et sur le


fleuve YarmOk (637).

640 - Le général musulman 'Amr Ibn Al-'As est en Égypte. li fonde Fûstat.
l'antique cité du Caire.

644 - Mort violente de Omar ; début du califat de Othman.

649 - Les musulmans sont à Chypre.


650 - ~tablissement de la vulgate coranique.
656 - Mort violente de Othman. Bataille du chameau opposant 'Aîcha et son
cl an à 'Ali. 'Aîcha est battue. Ses partisans sont exécutés. tandis qu'elle est
ramenée à Médine. Elle meurt en 678.

657 - BataJlle de Siflin. Mou'awiya el Ali négocient la paix. mals les kharidjites
la refusent et font sécession.
658 - Mou'awiya se déclare calife.

661- Mort violent·e de 'AJi, dernier caliJe « bien guidé "·

661 - À Damas. Mou'awiya Jonde la dynastie des Omeyyades.

667 - Début de l'installation des musulmans en Asie centrale.


670 - Mort de Hassan, fils de 'Ali. Conquête de la 'l'unisie. Okba Ibn Nali fonde
Kairouan.

680 - Assassinat de Hussayn, fils de 'Ali, à Kerbela (devenue depuis haut lieu
du chiisme).

691 -Construction du Dôme du Rocher el d'AJ-Aqsa, à Jérusalem.

693 - La première monnaie lslamlque est mlse en circulation à Oarnas.


705 - Construction de la mosquée des Omeyyades à Damas.
711-Tarik Ibn Ziyad l raverse le dét roit de Gibraltar (qui, depuis, porte son
nom, Djebel Tarik). Début de la conquête de l'Espagne.
717 - Présence attestée des musulmans dans les P}•rénêes. Narbonne est
prise en 719.

728 - Propagation de Ja doctrine mu'tazlllte.


732 - Charles Ma.r tel arrête les musulmans au nord de Polt1ers.
____________________ Annexe 0 : Chronologie 44 7
738 - ~Ile des kharidjites en Irak.
740 - Mon de Zayd, fondateur du zaydisme.
7SO -Chute de la maison omeyyade. Les Abbassides - ainsi nommés en
relation avec Abul·Abbas As-Salfah - déplacent la capltale de l'empire de
Damas à Bagdnd.
755 - Fondation par Abderrahmane I«, surnommé Ad-Oakhil (L.:Entrant), de
l'émlral de Cordoue.
762 - Début du chiisme ismaélien. 13agdad est londée 1>ar les Abbassides.
765 - Mort de Jaalar as-Saddiq.
786 - Haroun ar-Rachid a rrive au pouvoir, 1usqu'à •• mort en 809.
813 - Calllat d'Al-Ma'mOn, souverain éclairé.
822-ZJryab. le mmlclen de Bagdad. sexile à Cordoue o\i il londe une
académie de musique.
827 -Occupation de la Sicile. Cette occupaUOn durera trois siécles.
830 - Nal•sanœ de la Maison de la sagesse (Bayt al-hlkma), un embryon
d'université.
831-832 -1..es Arabes sont en Italie : 831-1072 - Palerme: 831-902 - Raids sur
Bari. Rome, Malte. Syracuse et Taormlne.

836 - Fondation de Saina rra.


868-905 - Les Toulounldes d 'Égypte s'aJfranchlsscnl de la dynastie
abbasside.
869--883 - Révolte dans le Bas-Irak des esclaves ianJs.
870 - Les musulmans sont à Malle.
877 - COn$tructlon <le la mosquée d'lbn 1\alOn.
878 - Occullatlon du douzième Imam qui est censt revenir /a la lin des temps.

880 - Les musulmans sont en Provence. Ils y resteront lusqu'à la fin du


or slkle.
890 - Les qarmates font leur apparition dans le sud de l'Irak.
897 - Imamat zaydite au Yémen.
902 - La Sicile est dominée par les Arabes.
448 Septième partie: Annexes _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ __

909-Dynastlc des FaUmldes en Tunisie, puis en ~gypte (969) el fondation du


Caire.
910 - Établissement des Fatimides au Maghreb.
929- Fondation du ca lifat de Cordoue.
929·930 - Les qarmates sont à. La Mecque. Us s'empatenr de Ja 11 pierre
noire•, ser tie dans la Kaaba. et la gardent jusqu'en 951.

969- Fondation du Caire par les Fatitnicles qui prennent le p0uvoir jusqu'en
i 171.
970-972 -Construclion de la mosquée-université Al-Azhar, toujours en
activité.

1000 - Début de la pênétration musulmane en Inde.


siècle - L'Islam est aux co11fins de l'Afrique (Soudan, Tchad , Niger.
X'-:U'
Nigeria .. .)
1039 - Dynastie des Saldjoukides.
1051 - lndépe11dance de la dynastie tunisienne des Zirides.
1055 - Les Saldjoukides s'emparent de Bagdad.
1001-1147 · Les Almoravides tentent d'unlher le Maghreb e l l'Espagne.

1085 -Toghr ul fonde la dynastie des Grands Saldjoukldes.


1063-1082 - Les Almoravides au Maroc. Fondation de Marrakech.
1065 - Nlzam al-Moulk fonde la Nizamiyya. une sorte de grande école à
vocation religieuse.
1090 - Le Vieux de la Mont agne s'installe à Alamout, au nord de l'Irak.
1095 - 1291- Grandes croisades. Prise de Jérusalem par les croisés (1099):
Saladin reprend Jérusalem (1187).
1120 - Au Maroc, Ibn Tourner\ prêche pour une autre religion. Début d e la
dynastie des Almohades.

Ll4~1 269- Les Almohades chassent les Almoravides de leurs possessions


maghrébines et veulent faire mieux qu'eux en Espagne.

U74 - Saladin, maî tre de rtgypte, de La Syrie et de Jérusalem.

1206 - L'Islam est désormais en Inde.


- - - -- - - - - - -- Annexe 0 : Chronologie 449
1212 - Batallle de Las Navas de Tolosa. Les Rots catholiques enregistrent leur
preml~re grande victoire.

1229 - Les Hafsides en Tunisie.


1238 -Conslructlon de l'Alhaml>ra de Grenade.
1269-1420 - Les Mérinides dominent le Maroc.
1250 -Sac de Bagdad par les Mongols. Chute de la maison a bbasside.
1250·1517 - La dynastie des Mamlouks (anciens esclovcs) s'empare de
rtgypte.
1256 - La forteresse d'Alamout cède devant la progression monghole.
1258 - Mise à sac de Bagdad. Les Monghols renversent les Abbassides.
1300 - Sultanats musulmans à Sumatra.
1338 - Les Ottomans occupent le Bosphore.
1354 - Création du corps des janissaires, troupe paramilitaire d'~lile
Oltornane et progressiOn dans les Balkans.
1369 - Premte:res lneurslons de Tamerlan dans les terres musulmanes.

1475 - l:lslam e<t au% Phllli:>pines.


1492 - Chute de Grenade. Les Rois Catholiques reprennent l'Espagne.
1502 - Le chiisme devient religion d'€tat en Iran.

1517-1805 - L:tgypte devient une province de l'Empire ouoman.


1520·1566 - Règne de Soliman le Magnifique qui assiège Vienne en 1529.
1vf' •l ~cl e - La Course en Méditerranée.
A partir de 155-0 - !:Islam en Asie: Java. Bornéo, Les Moluques...
1553-1659 - La dynastie des Saadiens au Maroc.
1556·1605 - R~ne d'Akbar en Inde.

1571 - Batallle de Lépante. tchec culsant pour les Otttomans.


1m - Le shah Abbas i- en Iran.
1609 - Début de la persécution c hrétienne face oux morisques en Espagne.
Expulsions n1a.ss1ves.
450 Septième partie : Annexes _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ __ _ _ _ _ __

1631-1632 - Construction du Taj Mahal, à Agra ( Inde musulmane).


1669 - Conquête de la Crète.
1683 - &bec du siège de Vienne par les Ottomans.
1699- Signature de la paix de Karlowitz.
1713- Règne des Deys, à Alger.
1745 - Naissance effectJ\•e du wahhabisme, la doctrine religieuse qui inspire
le royaume saoucllen d'aujourd'hui.
1785 - lnsurre.ction des musulmans de Ct1ine.
1789·1807 - Règne du sultan Séllm Ill.
1789·1813 - Napoléon Bonaparte et la campagned'tgypte avec. en
particulier, la victoire de celui-cl aux dépens des Mamelouks (Les Pyramides.
1798).
1803-1813 -Les wahhabites, maîtres des L.ieux saints de l'Islam.
1808-1838 - t.:ordre des janissaires périclite en Turquie. Règne de Mahmud li.
Indépendance de la Grèce ( 18.30).
1821 - Imprimerie au Caire.
1830 - Début de la colonisation française en Algérie.
1837 - Naissance de l'ordre senoussi en Cyrénaïque.

1839 - Ère des réformes (tanilmat) en lùrquie.


1840 - Autonomie égyptienne par rapport â fa Sublime Porte.
1853 - La confrérie des tijaniyya s'impose dans tout l'Ouest afrlcala.

1853-1869 - Percement du canal de Suez.


1871 - En Inde, le collège Allgorh prône un islam moderne, presque affranchi
cJe toutes ses pesanteurs.
1878 - Congrès de Berlin. L'Empire ottoman perd sur tous les fronts.
1881 - Traité du Barclo. La Tunisie devient un protectorat françals :
autoproclamation d'Ltn ~'lahdJ soudanais.
1882·1885 - t.:tgypte passe sous mandat britannique. Au Soudan, le Mahdi
est en passe d'occupe.r la capitale. Khartoum, n~ais il est arrêté par Kitchener
0896).
____________________ Annexe 0 : Chronologie 451
1899-LeSoudan passe sous contrôle anglais.
1905 - L'avènement des Jeunes-Turcs (Istanbul).
1912 - les Italiens occupent la Libye. Les françaJs sont au Maroc.

1912-1913 - La guerre dan.s les Balkans. L'Empire ottoman est dépoulllé de la


plupart de ses possessions (accords Spykes-Plcot de 19 16).
1917 - Déclaration Balfour en faveur d'une colonie juive en Palestine.

1920 - Révolte de Abd el-Krim dans le Rif! mar""'1in. Le 10 aoüt, le traité de


Sèvres n'est pas ratifié par le Parlement turc, qui le trouve désobligeant.
mais la Turquie ottomane est dépouillée de toutes ses possessions
méditerranéennes.

1922 - Mustapha Kemal, dit Atatürk, dépose le dernier sultan, puis abolit le
califat ( 1924).
1928 - Naissance du mouvement des frères musulmans, dans Je delta du Nil.
1930 - Les Frères musulmans sont au Caire, en Égypte (1940), puis, à partir
de 1950, dans le reste du monde arabe.

1935- La Perse devient l'Iran.


1947 -Naissance du Pakistan.
1949 -Assassinat au Caire de Hassan al-Banna, fonda teur des Frè res
musulmans.

1952 - Le roi Farouk d'Égypte abdique devant la montée de jeunes officiers


emmenés par Gama! Abdel Nasser.

1956 - Naissance de la Tunisie moderne. Départ du Bey de Tunis. Interdiction


de la polygamie. Fin du protectorat français sur le Maroc.
1957 - Habib Bourguiba est président de la Tunisie.
1962 - Indépendance de l'Algérie. Adoption d'un régime soclallste.
1967 - Guerre des Six Jours.
1969 - Chute du roi Idris de Ubye. Le colonel Mouarnmar a l·Gueddali se
proclame chef d'f'.tat.
1971 - Indépendance du Bangladesh (origfnellement •Pakistan otlental •).
1979 - Retour de ri111arn Khomelny en Iran. Début de la 11 révolution
islamique" e t inst auration de la mollarchle au dépens du shah ~1oha1nnled
Reza Pahlavi, qui meurt en e xil (Égypte).
452 Septième partie : Annexes - - -- - - - - - - - - -- - - - - -

J9SO.. J988- Guerre fratricide entre t'lran et l'Irak.

1989 - En France, à Creil, début de l'affaire dite• du voile'-


1994-1996 - La guerre en Tchétchénle, avec une réplique en 1999.
1996 - Après l'Afghanistan. Kaboul tombe en.tre les -mains des talibans.
1997 - Moha1ttmed Khataml. considéré coinme un n1usulnla1\ 1nodéré, est élu
en Iran.

1998 - Le Pakistan procède à des essais nucléaires.


1999 - L'Otan inter v ient militairement en Yougoslavle. Auto11ontle du Kosovo.

2003 - Lancement au Maroe du projet de la f.1oudawloana, régfnte du code


person11el qui est censé harmoniser les relatloos e11trc honune.s et femmes.

2004 - Signature de la loi interdisant à l'école les signes religieux


••ostentatoires "·
2005 - Publication de douze caricatures du prophète Mohammed par le
journal danois Jyiklnds~Posren.
2006 - Discours du pape Benoît XVI. suivi d'une polémique dans Je monde
arabe. Fini le d ialogue d'Assise?
2006 - Saddam Hussein est pendu le 31 décembre, le jour meme de l'Aîd
el·Kébir.
2007 -Quarante ans après la gllerre des Six Jours Quin 1967). la question
palesth'lienne est eacore au cœur de toutes les dlscussions. Périodiquement,
les appels au meurtre de Ben l.aden et de Zawahiri rappellent que Je front
du djihad n'est pas encore totalem~nt maîtrisé. !.:Afghanistan el l'Irak font
toujours des morts dans le rang de-s soldats de la coalitlon et, surtout, on
assiste à un réveil Inquiétant des cellules d'al-Qaida-Maghreb. Outre les
pouvoirs e.n place, a1Qaida menace clalrement la France et l'Espagne.
4

2008 - ..\près plusieurs années d'attentisnte, J'annt!e 2008 devrait of_frir


l'occasioo à de nombreux pays Impliqués da1ls des conJJits a·rmés de
réinvestir le camJl de la paix. Les urgences économiques, la lutte cont re
la pauvreté e t les pandémies ainsi que. désorn1als, le souci écologique
imposent un autre rythme aux é.c::hanges politiques. Va--t -il être su1vl?
Annexe E

Dictionnaire
des noms propres
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

I "'icJles noms de ceux qui ont fait l'ls1a.n1 depuis le Prophète jusqu'à
V :.os jours. Ce dictionnaire comprend les théologiens, les philosophes,
les savants. les poètes, les Juristes. les grammairiens. Jes clieJs d'État et les
rê lormateurs dont l'action ou la personnalité ont modelé l'islam.

A
ABBAS Ibn Abd Al-Mutlallb (mort en 652 ou 653)
Oncle paternel du prophète Mohammed. li donne son nom à la future
dynastie des Abbassides.
ABBAS I«, dit Abbas le Grand ( 1571-1629)
Il lut shah de Perse (ancien Iran) pendant plus de trente ans, de 1587 à 1629.
ABBASSIDES (749-1250)
Deuxième dynastie de l'islam dont la capitale était Bagdad. !:une des plus
brillantes. Parmi ses plus éminents souverains, il faut c iter Al-Mansour (mort
en 775). Al-Mahdi (mort en 785), Al-Hadi (mort en 786), haroun ar-Rachid
(mort en 809). Al-Amin (mort en 813) et Al-Ma"mûn (mort en 833).
ABD AL-JABBAR (935-1024)
Théologien mu'tazillte et maître à penser de la dynastie bouyide.
ABD AL-QADER JILANl (1077-1166)
Mystique ira.nien de Jilan. On Lui attribue la fondation de rordre souli des
Qadiriyya.
ABDARRAHIM, Khankbanan {1556-1627)
Militaire lndo-musuln1an de haut rang et poète.. Auteur de plusieurs
opuscules rédigés en urdu. e.n ltindi, en turc et en persan.
454 Septième partie: Annexes ___________________

ABD AR·RAHMAN AS-SÜFI Abul-Ha88an (903-986)


Conr1u au Moyen Âge sous le nom cl'Azopl1i. il fut mathématicien et
astronome.
ABD AL·AZIZ Ibo Saoud (1876·1953)
Père fondateur du royaume d'Arabie Saoud ite, dont Il esl le roi de 1932
juS<lu'à sa mort. Son fils Saoud Ibn Abdel·Aziz (1902·1964) lui succède à la
tète du royaume. Son frère Fayçal Ibn Abdel-Azlz As.Saoud (1904-1975) lui
succède en 1964. mais Il est assassiné en 1975.

ABD AR-RAZIK Ail (188$- 1966)


T héologien ré(ormateur d'~gypte. De fonnatîon azharienne, il est nommé
grand cadi â Alexandrie et enseignant en droit et en histoire religieuse à
Al-Azhar. Il est l'auteur de /,'/$/Om et les fondements du pouvoir (1925) qui pose
la question de la nature du )Jouvoir en islam.

ABD EL-KADER AL·MAGRERBI ( 1867-1956)


Formé par Hocine Al·Jisr, Abd el-Kader al·Magherbl, né en Syrie, a appelé à
u1\e révolution so<:ir.le à partir cle l'isla1n.

ABDELWAHAB Mohammed ( 1703-1791)


Gra11d prédicateur mustLlmao, né dans le Najd. en Arabie. centraJe, et
prédicateur lnsp1ré du wahhabls1ne, la doctrine qui por1e son non1.

ABDUH Muhammad (1849-1905)


t:un des réformateurs égyptiens te.c; J' lus <léte.r1nlna.nts de la fh'l du x1x' siècle.

ABU AL-'A LA AL·MAARI (973-1058)


Ê<::rlvaln et phtlosopl'le d'origine syrienne, Al·Maari est consîdérê comme un
sceptique Invétéré.

ABUL ATTAHIYA (742-825)


Poète mystique de Koula (Irak).

ABU AYYUB i\L.ANSARI (mort en 672)


Compagnon du Prophète et combattant dans la voie.de Dieu. L'actuel quartier
d'E:yyup à Istanbul (Turquie) rappelle son souvenir.

ABU BAKR, dit As-Seddik, clil •Le Véridique• (mort en 634)


Proche compagnon du Prophète et premier calife de l'islam, pendant deux
ans.

ABU DAWUD (mort en 888)


Compllateur de l'ladlths. 011 lui dorl notamment un Kitab as·Sû.nan.

ABU HACHJM (mort en 933)


Philosophe mu1azilite.
_____________ Annexe E: Dictionnaire des noms propres 455
ABU HANIFA An·Nu'man Ibn Tablt (696 ou 699·î67)
Théologien et maître à penser du hanaflsme, l'une des quatre écoles du
sunnisme, sans doute la p1us importante numériquement (d chapitre sur le
sunnisme).

ABUL-FARAJ AL-ISFAHANI (ou AL·ISBAHANI) (897.967}


Écrivain et chroniqueur des Omeyyades et des Abbassides.

ABUL-FIDA lamai! (1273-1331)


Historien damascène.

ABUL-HUDA AS-SAYYADI (1849-1909)


Ufut l'w1 des théologiens les plus influents au temps de Abdülmahid Il. qu'il
servit jusqu'à la fin, c'est·à· dlre jusqu'à sa déposition en 1909.

ABUL·HUDAYL Al·ALLAl' (752-840)


Philosophe mu'tazlllte de grande puissance.

ABU HORAYRA (vn• siècle)


Co1npllateuT et transmetteur de hadiths.

ABU MADIYANE (1126-1198)


Sou fi andalou ayant donné Sidl Boumêdiène dans toute l'Oranie (Algérie).

ABU SAID (mort en 899)


Soufi musulman de Bagdad.

ABU 'UBAYD (mort en 838)


Compilateur de hadiths et théoricien de la Hnance islamique.

AfLAK Michel (19!0·1989)


Chrétien orihodoxe de Syrie - li est né à Damas - . Allak a joué un rôle décisif
dans la prise de conscience arabe, et donnera des aiJes aux inteUectue.Js et
aux politiques qui, plus tard, se reconnaitront dans le panarabisme.

AGHA KHAN
Che! splrltueJ de la branche kl1ôdja de la c:o1n1nuna1.1té lsn1aé1len11e.
d'obédience chiite.
AGHLABIDES (800-909)
Dynastie maghrébine. Elle a dominé dans une grande partie du l\1aghreb et
en Sicile.

AHL·I HAQQ (littéralement • Les Gens de la Vérité ·~


Secte à te,ndanc::e chiite dont les men•bres vivent surtout à l'ouest de l'Iran et
dans le Kurdlstan.

AHMADIYYA
Mouvement spirituel fondé par Mlrza Ghulam Ahmad (1835-1908) dans l'Inde
musulmane. En 1975, le mouvement ahmadiyya est dénoncé comme étant
une secte.
456 Septième partie : Annexes _____________ _ _ _ __

Am!ED KHAN BAHADUR, Sayyid {1817-1898)


Historle1t inoderlllste et llbéral, sa.ns doute le p1us grand de l'Inde à la fin du
x1xe siècle.
AICHA (morte en 678)
La plus jeune des épouses du Prophè te, lille d'Abu Bakr (premier calife).

AKBAR
Empereur moghol en1re 1556 à 1605.
AL-ACH'ARI (873-935)
Théologien de Bagdad e l théoricien de l'école dite du Kalam.
AL-BANNA H3$8an ( 1906 ou 7-1949).
Instituteur égyptién de la petite ville d'lsmaîllya, Il est à l'origine de la
confrérie des Frères musulrna.ns.
AL-AFGHANI Djamal Ad·Dln AJ·Hu&sainl (1838 ou 39-1897)
Grand rélormateur afghan ayant fréquentê l'i'.gyptien Mohammed Abdouh.
AL·ALUSSJ Mohammed Clûbab ad·Din ( 1802-1853 ou 54)
Né à Bagd.ad au temps de l'occu~)ation ottomane. U est l'auteur d'une étude
sur le Coran.

AL·AWSSI Moba.m med Cbûkrl (1856-1924)


Réformiste musulman et contemporain des tani.lmates turques
(res tru ct\1 rat ions).

AL-ANSARI (1006-1089)
Mystique et théologien chali'ite et hanbalite.
ALAOUITES
Dynastie marocaine. Elle règne depuis 1631.
AL-'AUZA'I (mort en 773)
Juriste musulman originaire du Sind, dans le Pakistan actuel.

AL·AZM Raftq 8ak ( 1867-1965)


Réformiste et auteur d'un ouvrage non encore tradu.i t et explicite1nent
consacré à )a critique reJigieuse, Nakd ol-fikr ad..(}i1ti (Critique de la pensée
religieuse).
AL·HALLAJ Al·Hussayo Ibo Mao•ur al-HaUaj (858-922)
Mystique musulman dit 11 le f\1artyr •. li est emprisonné. supplicié et exécuté
devant une foule Immense en 922 en raison <le son cri blasphén1atolre, Ana
al-Haqq (• Je suis Ja vêrJté •), autrement dit 11 Je suis Dieu "·

AL-HAKIM (985-1021)
Il est le sixiènle calife fatimide. li est considéré comme déviationniste et
sectaire. Son appartenance supposée à l'lsmaélisme a entraîné sa chute..
_____________ Annexe E: Dictionnaire des noms propres 457
AU ŒN ABI TALEB (mort en 66 1)
Cousin et gendre du Prophète, par le biais de Fatima. Il est le quatrième calife
" bien guidé • à partir de 656. IJ est assassin~ en 661.
AL·IDRISSI Abu Abd Allah (1099-1165/1180)
Médecin et géographe de Ceuta. Il devient célèbre après que le roi Roger fi de
Sicile l'a chargé de rédiger un livre de géographie intitulé le livrr! de Roger.
ALI SENOUSSI Mohammed Ibn ( 1787-1870)
MystJque, prédl<;ateur et fondateur de la confrérie UbyeJ1ne qui portes.on nom.

AL-JISR Hodne (1845-1909)


lnteUectuel et militant syrien.
AL-KALBI AbouJ-Mundbir (mort vers 821 ou 822)
Historien de l'avant-is lam (Le liure des idoles). Il est aussi spécialiste du
hadith.
AL·KAWAKIBI Abd ar-Rahman (1848 ou 1949-1902)
Sunnite d'origine syrienne. inteJlectuel ré(ormateur et a.uteur de plusieurs
lraités de philosophie politlque.
AL-KHATIB Muhibb ad·Din (1887·1979)
Réformiste et prédicateur non azharicn.
AL-KJNDI Ibn Ishaq (vers 796-vers 870)
Médecin, érudit e l philosophe arabe, l'un des premiers. li est aussi
traducteur d'œuvres grecques.
ALLAL AL-FASSI ( 1910-1974)
Nationaliste marocain. Il est l'a uteur de L'Autotritlque (!in-Naqd a<J.Dhat1)
(1946).
1U ·MAARI Aboul·Ala (973-1057)
Poète et lettré a ra be de Syrie.
AL·MAGHERBI Abdelkadcr (l867-l956)
Enseigna.n t et ir'lte.llectuel socJalisant syrien.

AL-MA'MÛN (783-833)
Calife abbasside éclairé.
ALMOHADES (1130-1269)
Al·Mûwahhldûn ( Les Unitaires). Dynastie maghrébine qui s'est imposée au
Maghreb (Maroc s urtout) et en Espagne.
ALMORAVIDES (IOS6-l 147)
Al-MOrabitûn en a rabe. Nom d'une dynastie maghrébine qui a régné au
Maghreb et en Espagne et qui fut chassée par les Almohades.
458 Septième partie: Annexes - - - - - - - - - - - - - - - -- - - -

ALP Ziya Gôk ( 1875 ou 76-1924)


Réformiste turc.

AJ'vHN Husselo Ahmed (à cheval sur le xix• et lexX' siècle)


Réformateur égyptien du début du xx• slède.
AMIN Qasim (1865-1908)
Penseur et auteur d'un livre, /.a Libéra1io11 de /(1 fert11rle (Tal;rir ul·mar'à), quJ
ntgrand bruit en particulier dans les cercles traditionalistes d'~gypte.

AMIR AU SAYYID (ou Ameer Ali) (1849-1928)


Il est l'auteur d'un ou\•rage qui a faJLgr-and bruit à Calcutta, The Sp;rir of lsfan1
( 1891).
AMIR KHUSRAW ( 1256-1325)
Poète qawwali du nord de l'!ride. 11 est l'autet1r fécond de mathnawls en
persans et en hindi.

AN'NADIM AbdaUab (1845-1896 ou 97)


lnleHectuei et agitateur p-0ll1lque ~ypllen.
AN· NAZZAM Ibrahim (mort vers 840)
Philosophe mu'lazlllte.
ARSLAN Cb.aldb ( 1869-1946)
Ho1nme de lettres libanais, des-cendanl d'une famille de druzes. Arslan est
l'un des réformateurs les plus actifs du début du xx• siècle. Après avoir
l>eaucoup voyagé, Il lait la connalssa.nce de Moharned Abduh e l de Dajmal
ad·Din Al~Afg,hani. JI la.ncera à Genève une revue progressiste.

AS-SABBAI', voir MUSTAPHA HUSNI AS-SABBAI'


ATATÜRK, voir MUSTAFA KEMAL
A:ITAR Farld ud-Dun (vers 1l19-vers 1220)
f\.1ystique persan très fécond et Inspiré. 11 est l'auteur. notamment, de
la. Conférence des oiseaux.
AVERROts, voir IBN ROCHD.
AVICENNE, voir mN S INA.
AYYOUBIDES { I 169-126-0)
Dynastie kurde ayant brillé en Ëgypte et en Syrie entre 1171 et 1250 e l dont le
plus prestigieux représentant e.st SaJadln (voir Saladln).

AZAD MAWLANA Aboul·Kalam ( 1888-1956)


l~éforn1lst.e -musuln1a11 d'origiJ1e it1dienne.
Annexe E: Dictionnaire des noms propres 459
8
BABISME
Nom d"une secte chiite dont le chel est Mln:a Ali Muhammad, le Bib.
BACHCHAR IBN BURD (693·783 ou 7&4/785)
tcrtvaln pe:rsan. a~ugl~ de nalssance et auteur d'ouvrages et de rkils
blasphématoires. Il est exécuté par la milice rellglewse du calife.
BADI' ZAMAN AJ...HAMADANI (967-1007 ou 1008)
&rivaln arabe. auteur de stances llttéralres (Maqamat) qui Inaugurent le
genre • divan •.
BAK AJ...ADKM Raflq (1867-1965)
Intellectuel syrien. réformiste et auteur. Il est l'auteur d'une diz.aine
d"ouvrages. parmi lesquels llgure une anthologie sur la guerre et la politique
en Islam.
BAl..ADHURJ (mort en 892 ou 895)
Chroniqueur. historien. généalogiste et auteur d'une suite intitulée Conquête
des Pays (Fûrüh al-BO/dan).
BANNA Husan Al· ( 1906-1949). Voir AL·BANNA.
BAQILLANI Abou Bakr (rnort en 1013)
Théologien sunnite au temps de ln dynast le Bouylde (932-1055).
BATIANI Abu Abdallah (858-929)
Celui que les medlévls tes a ppellent All>ategnlus était un astronome et un
mathématicien génlal. Il est f) l'origine des Tables llstronomiques (Zij) et
réussll à calculer les équinoxes.
BAYOAWI Abd Allal1 (mort en 1291)
·rhéologlen persan et auteur d'un c.'On1nlenta1re du Coran.
BEKTACHJS
Nom d 'une se<:te de Turquie.
BEN ACHOUR Mohammed Tabar (1879-1970)
Juge suprême el g.rand rnourtl. Il est l'auteur des Fondeffrents socioJogiques
en islam. de la Critique scienrilique du Uore de /'/&Jam et d'une Introduction à
/'inrerpn!torlon du CorYin.
BEN BADIS Abdelbamld (1889-1940)
Grand réformiste rellgleux de Constantine et l'un des concepteurs de la
doctrine de l'lndépendanœ algérienne.
BENNAlll Malek (1905-1973)
Auteur rélormlstc algérien. On lul doit Lo Voeotic>n de /'ulom (Paris, 1954) et.
pl"" ancien encore. u PMnomlM coromque, Essai d 'une théorie sur le Coron
460 Septième partie: Annexes - - - - - - - - - - -- - - - - - - -

(1946). Réformiste au sens actuel du terme, Ma.tek Bennabl a bénéficié de


l'expérience de ses prédécesseurs, mals sans s'afrubler de leur démagogie
transformatrice.

BICHR IBN AL-MU'TAMIR (mort en 809)


Philosophe mu'tazlllte de Bagdad.
BIRUNI (AL-) Abou Rayhan (973-1048 ou 1050)
Savant el voyage\1r n1usuln1a11 d'origine ouzbèke. Il était respecté comme un
Maître, ûstad.
BISTAMI Abou Yazld (mort en 874 ou 875)
Mystique et ascète. nest l'auteur de Propos extatique,f (Chattahât).
BLACK MUSLIMS (• Musulmans noirs •)
Mouvement polltlque né aux États-Unis ( 1930), surtout dans les milieux
séparatistes a1)lértcaj11s. Bien que n'ayant pas réussi à empêcher l'intégration
des Noirs à la société amëricaine globale, le mouvement des Blacks Musllms
a fo.r1né la conscience politique d'un certal11 nombre de militants comme son
fondateu r, Elijah Muhammad (mort en 1975), mais aussi Malcolm X (devenu
HaU Malik Chabbaz) qui meurt, assassiné. en 1965 el Wallace Warlth Oeen
Muharnmad, le propre Uls d'Elijab.
BOKHARl/ BUKHARI (AL-) (810-870)
Le plus crédible des compilateurs de hadiths. U e.st l'auteur d'une somme
intitulée 5"-ahilt, littéralement J:Au1l1e11rique.

BOURGUIBA Habib (1903·2000)


Fondateur du Néo-Destour ( 1934) eL premier p résident de la Tunisie.
Bourguiba s•est aussi distingué gràce à son rapport à l'islam. qu'il a voulu
moderne et dépoussiéré de sesvfeJlles antiennes.

BOUYIDES (932·!062)
Nom d'une dynastie lrako-persane répondant au nom arabe de Buwayhides.

c
CHADILI Aboul-Rassan (1196·1258)
ri.1ystique d'origine tunislenne et fondateur de l'ordre des c.hndllyya.
CHAFI'I (767-820)
'fhéologien et fondateur du chafllsme (cl chapitre: st1r le sunnls1ne).
CHELEBI Katlb, dit Hajji Khalifa (1609-1657).
CHICHTI Mu'io d-Oin Muhammad ( 1142·1236)
Grand mystique Indien e l fondateur de la sec te des chichliyas.
- - - - - -- - - - - - - - Annexe E: Dictionnaire des noms propres 461
D
OAMLRI (mort en 1405)
SavanL 11 est l'auteur d'une Vie des anlfl)<JUX (Kitab al·hayawan) quJ est
reçonnue dans le doma.lne de la zoologie.
OARIMI Uthman (mort en 869)
Théologieil sunnite, philosophe antimu'tazilite et auteur d'un ouvrage de
théologie intitulé Kitab <Js·Sr1nan.
OARKAWI Moulay al-'Arabl (1737-1823)
Nom d'un saint homme du_Maghreb.

OflA.HABi Chams od-Oln (1274-1348)


Hlstol'len, biographe et théologien sunnite.

DHU NUN AL-MISRI (796-859)


Mystique n1usu1mao d'Égypte.
OIHLAWI Wall-u Allah Ahmad (mort en 1762)
Spécialiste du hadith, théologien et réformateur lndo·paklstanals.
OINA\VARI (inort en 895)
Savant et botaniste 1nusulman.

E
ELIJAH Muhammad, voir BLACK MUSLIMS.

F
FAKHR AO·OfN AR·RAZI (1149-1209)
Théologien et comrnentateur du Coran.
FARABI AbO Nasr Mohammed (872-950)
Grand philosophe rati01laliste. auteur en particulier du Traltd sur la Citd
~-ertueuse. U est surnommé le .. Deuxième maitre 11 , a1>rèo\ Aristote, le • Premier
maitre"·
FARAG FOOA (mort en 1992).
Il est l'un des militants de la lalclté à l'égyptienne dont on a le plus parlê
d\lrânt les vingt dernières années, surtout deJ>\1is son ass.:.asslnat
le 8 juin 1992.
FARIO WAJOI Mohammed ( 1875-1954)
Homme de lettres el journaliste égyptien, Il a publié, dirigé el coordonné
plusieurs revues traitant de l'islam, dont la Revue de Al-Azhar.
462 Septième partie : Annexes _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

FATIMIDES (909-1 171)


l:une des plus grandes dynasties de l'is la11). Elle s'est Imposée contre les
Abbassides de Bagdad. On lul doit la fondation du Caire.
FIRDAWSI Abonl·Qasim Mansour (940-1020)
Poète persan. Il est l'auteur du Shahnamh, un po<!me long de plus de
60000 vers.

FRtR.Es MUSULMANS G•x• sit·<:le)


Désigne un mouvement po litlco~religieux égyptien qui a t u ses heures de
gloire dans les années 1950, d'abord en l\gypte. puis dans le reste du monde
a ra be. Parti de la Basse--_~gypte dans les années 1930, le 1nouvement est crêë
par un 1nstiluteùr - vite devenu prëdicateur - du nom de Hassan a l-Banna.
U prëche d'abord à des adeptes des villes comme lsmaïllya (sa ville natale),
puis. Le Caire, avant d'étendre son action à l'ense mble du pays. Certains
activistes du rnouvement ont é té 1nanipuJés par Nasser qui voulait liquider la
vieille garde d'opposants. avant d'être défaits à leur tour, et leur mouvement
interdit. On 1>ense que c'est l'un de leurs é1nules des Jamaat aJ·lslan\iyya,
plus politisés, qui, des années plus ta rd, nnlra llllr tuer le président Anouar
Sadale le 6 octobre 1981 , lors d'un meeting populaire. Aujourd'hui, les Frères
musulma11s sont bien i1npla11tés en Europe et en France.
FRÈRES DE LA PURETÉ, voir IKH\VAN AS·SAFA.

G
GAMAL ABOEL-NASSER, voir NASSER.
GHAZAU Mohammed (1058-111 1)
De loin, le plus consensuel (les t héologiens musulmans. On lui doit Al·J\.funqld
1nin ad·dalâl (Le l ivre qu; sau1.ie de l'ignorance) et un gta1ld nombre d'autres
travaux, encore d'actualité.
GÔK ALP Alp Zlya (18ï5 ou 76-1924)
Intellectuel et réformiste turc.

H
HABACHES
Nom d'une confrérfe sou fie nëe au Liban dans les années 1970. Son g·ulde est
le cheikh Al-Ha rra r!, de Harrar (en ~ry1hrée), d'où leur nom a ra be, habachi$,
qui appartiendrait à Ja conrrérie des Rtfa'lya de Damas. La thèse principale
des habaches est de sortlr t•lslam de son o r nière fondameJ1talis te, dont le
prototype et en même temps la bête noire. presque le bouc émissaire. est l e
r égime wahhabite d'Arabie Saoudite.
_____________ Annexe E: Dictionnaire des noms propres 463
HACHÉMITES D'IRAK (1921-1958)
Dynastie de souverains ayant ·régné sur l'Irak jusqu'à l'avènemeat de Sacldan1
Hussein.

HACHÉMITES DE .JORDANIE
Nom d'une dynastie arabe qui préslde aux destinées de la Jordanie depuis
1923. Elle était un moment en charge de la Transjordanie et de la Palestine.
HADDAD Tahar (1899-1930).
Militant syndicaliste et politique tuntste.1I. La publication de son livre Noire
femn1e da11s la rioc1r;11e el Io société luJ valut d'êtTe écar·té de toute action
militante.

HAFSIDES (1228-1574)
Nom d'une dynastie maghrébine. EUe a régné surtout sur la 'funlsie et sur une
partie de l'Algérie.
HAJJJ KHAUFA (1609-1657 ou l658)
Hlslorien. géographe e t enc.yclopédlste d'Istanbul.
HALLA.J AbQ a l-Mau.sûr (857 ou 858-922).
Littéralement• Le Cardeur"· Mystique, philosophe. prédicateur et
sermonnaire du début des Abbassides. On lui doit des écrits symbolistes très
puissants.
HAMZA (v1~ siècle)
Oncle du Prophête et l'un de ses melUeurs soutiens.
HAROUN ar-RACHID (i64·809)
Callfe abbasside presligiellx, de ceux qui ont marqué l'lmaginalre
musuhnan (et par ricoc-het occidentaJ en raison de sa correspondance avec
Charlemagne).
HASSAN AL-BASRI (642-728)
L'un des tout premlers mystiques de l'islam.

HASSAN AL-BANNA, voir AL-BANNA.


HASSAN IBN TAB.IT (mort en 665)
Poète de Médine e l auteur d'un panégyrique du Prophète.
HASSAN-! SABBAH (x~ slècle)
Propagancnste nizarlte et maitre â penser des réfugiés de la rorterésse
d'Alamûl.
HILL! (1251}-l325)
Théologien chiite du temps cle la dynastie des llkhanides (1260-1353)
également appelé Al-Allama (littéralement : • Le Savanlisslme ,),
H UJWIRI Aboul-HaS&aD AU (mort en !077)
Mys1l<(ue pers<1n et auteur d'un traité sur le sou fi soie.
464 Septième partie: Annexes - - - -- - - - - - - -- - - - -- -

HUNAYN IBN ISHAQ (809-873)


Médecin nestorien de JondichapOr et traducteur de Galien.

Husayn HAYKAL MuJ1ammad ( 1888-1956)


pour qul •une nation vit tant qu'elle laisse l'evlvre son passé • (cl Von
Grunebautn, ln 1.'ldentitl cul/ure/le de /'Islam , p. 171) .
HUSSAYN (ou AJ-HUSSAYN)(624-680)
~uxième âls de Ali, Ive calife, el martyr de l'lslam aux yeux des chiites.

I
IBADITES
Nom d'une subdJvision des kharidjites. Aujourd'hui, c'est dans la peotapole
du M'Zab, d&ns le Sud a lgêrlen, qu'on les trouve. Cf. l'ouvrage de Pierre
Cuperly. Introduction à l'étude de l'!Mdi5me (1984).
IBN ABDELWAHAB Mohammed (1703-1787)
Théologien et prédicateur d'Arabie. Il est le n1aître à pe1lser du wahhabisme
(voir ce mot).
IBN ABI DU'AD (mort en 854)
J'hilosophe mu'tazilite.
IBN ABI ZAYD, dit AL-QAYRAWANI (922·996)
Juriste de Kairouan (Qayrawan), en Tunisie, et auteur d'un lTaité de doctrine
malikite.
IBN ABD AL·QUDOUS Salih (x' siècle)
li est poète.. Il est condamné à mort pour hérésie au temps du pren1ter calife
latlmlcle. Al-Mahdi.
WN AJIBA (1746-1809)
SouH marocain.
IBN ARABI Muhyi Ad·Din (1165·1240)
Mystique de l'islam et auteur d'un grand non1bre de traités. 11 est surnommé
le t plus grand cheikh "·

IBN al-KHATIB ( 1313-l:l74 ou 1375)


Il fut vizir, krivain et principa_lh_lstorlen de la dynastie des Nasrides
d'Espagne. So11 fflçtoire des sultans de Grenade fait autor-lté.

IBN al·MUQAFFA Abdallah (721-756)


Bien qu'élltlste, cet écrlvalo arabe d'origine persane a traduit vets l'arabe
la fable indienne de Bidpaï, connue sous le titre de Kalifa wa Dimna. et
donl la première traduction en français laite par Sylvestre de Sacy date de
1816. Accust de manic héisme (zandaqa), il est exécuté au temps du calife
abbasside Al-Mansür (morl en 775).
_____________ Annexe E: Dictionnaire des noms propres 465
IBN al-WACHCHA Mohammed (mort en 936)
Grammairien et homme de Jeures de Bagdad.

IBN ATA ALLAH (mort en 1309)


Mysticlue n1aliklte et auteur de plusieors 1raltés.

IBN BADIS Abdelbamld (1889-1940)


Réformiste algérien, de formation z:aj'tounienne (université religieuse de
Tunis) et héritier spirituel de la confrérie des Qadlriyya, Ibn Badls est le
réformateur algérien le p1tis co1lnu.
IBN BADJDJA ( 1106-1138 ou 1139)
L'Avempace de Saragosse était un phjlosophe et un médecin arabe fort
e,stlmé. au point d•lnfluencer Averroès. Jl est l'auteur du Traité de /"lime et du
Régitrle du solitaire.
IBN BATTA (917-997)
1"héologien hanbalite.

IBN BATTOUTA (1304-1377)


Voyageur de Tanger et auteur d'une bonne relation sar un grand nombre de
pays aral>es, africains et musulmans (cl chapitre 20).

IBN DAWUD (mort en 907 ou 908)


Juriste et mystique de Bagdad. Il est l'auteur du Tra{lé de l'amour <Ourtois.

IBN DIRHAM (mort en 742).


Théologien et helléniste. li a été apostasié.

IBN FADLAN (x< siècle)


Missionnaire mttsulman envoyé en 921.922 par le calife abbasside pour
islamiser les Bulgares cle la Volga.

IBN al-FARID Omar (1181-1235)


~tysti qu e cairote et auteur d'une. Ode att vln appelée.Af·Kflamriyya.

IBN HAJAR al-'ASQALANI (1372-1449)


Traditionniste et collecteur de hadiths ayant vécu au temps des Mamelouks.

IBN HANBAL Aluned (780-855)


Théologien de Bagdad et fondateur d'une école de pensée sunnite, le
l1anbalisn1e. 1)lu1ôt rigoriste. Le hanbalisme est surtout observé en Irak Cil
Syrie e l dans le Nadjd (Arabie Saoudite) (d chapitre 12) .

IBN RAUi (993 ou 994-!064)


Théologien et juriste du temps de l'E.spagne musulmane.
IBN HICHAM Abou Mohammed (mort en 834)
Biographe clu Propl1ète. Il est l'auteur d'une excellente Sira.t rassül Allah
(W. Vie du Prophète).
466 Septième partie : Annexes - - -- - - -- - - - - -- - - - - -

IBN ISHAQ Abu Abdallah Mohammed (704-767 ou 768)


Premier biographe clu prOJ>hète Mohammed.
IBN al-JAWZI (11 16-1200)
Sermonnaire cle Bngdad et théologien hanbalite.
IBN al-KALBI Hlch1tn1 (737-819 ou 821)
Historien du temps de la dynastie abbasside_ spéclalls~ sur l'antélslam el
!'Antiquité religieuse.
IBN KAmrR (~rs 1300-1372 ou 1373)
Crand érudit musulman. hlsllr'len et commentateur du Coran. On lui doit une
histoire de nslam lntitul~ A~Bkfaya wan-nillaya.
IBN al-MUQAFFA' Abdalla h (721-756 ou 757)
tcrivain d'origine persane. 11 a traduit les lobles Indiennes de Bldpai,
aujourd'hui Kalllall wa D/111110.
IBN KHALOOUN Abd or-Rahman (1332-1406)
Historien de la clvlllsatlon arabe e t Islamique. sociologue des religions et
homme d'ttat maghrébin. Esprit universel, Ibn Khaldoun est l'auteur de
plusieurs traitées, dont la Muqadd1ma (Prolégoml>nes) (cf chapitre 20).
IBN &IACHICH Abd as-Salam (mort en 1228)
Mystique et maître à ~ser de la confrérie chadlllya.
IBN ~IAJAH (1125-887)
TraditlonaJste et auteur d'un livre reconnu du hadith.

IBN MANZUR Jamal ad -Oin (1232-1311)


LexlcograJ)he arabe el auteur, à ce tltre, du l.ls.<on ol-Arob en 14 tomes.
IBN MASARRA Mohammed (883-931)
Pbilosopbe et myst lque andalou.

IBN NAOIM Molutnuned (mort en 995)


Libraire de Bagdad et grand encyclopédiste.
IBN NAf1S (1213-1288)
Médecin de Damas et déccouvreur de la clrculatlon pulmonaire.
IBN QAYYIM AL-JAWZIYYA (mort en 1350)
Philosophe et théologien musulman. li fut le disciple direct d'ln Taymlyya
(voir ce nom).

IBN QUfAYB/\ (828-889)


Théologien e t philologue arabe, mals dont l'origine serolt Iranienne. li est
l'auteur de Tmit4 de Io poésie et des ~tes.
_ ____________ Annexe E: Dictionnaire des noms propres 46 7
IBN ar·RAWANDI (820-860)
T héologleJ·l iranien de Harnadan et Jibre penseur placé au ser vice du dernier
sultan saldjouklde. Ayant vécu à la Cour. li la1ssera une bonne cles<:ription
des mœurs royales de so111ernps.
IBN ROCHO Mohammed (1 126-1198) ou AVERROÈS
Phlloso1lhe el méclecin musulman de Cordoue. On lui doit des commentaires
d 'Aristote et u.a grand nomb re d'autres travaux (cl chapitre 20).

IBN SAB'[N Qulb ad-Dio (1217-l269 ou 70)


Philosophe, hermétiste et théologleo.
IBN SA'D AL-BASRI (784-845)
Historien et btogra1l he. na été le secrétaire d'Al-\Va.qidi. Juriste e t historien au
temps des Abbassides.
IBN SAUD (ou IBN SEOUD) (1880-1953)
Il est le fondateur de l'État saoudien d'aujourd'hui.
IBN STD AL-BATAYUSI (1052-1127)
Grammairien et philosophe n1ustll11lan de Badagoz.
IBN SlNA (980·1037) ou AVICENNE
Philosophe musullnan el médecJn. li est l'auteur d'un tr aité appe1é le Canon
de la médecine (Qanün fit-libb).
IBNTAIMIYYA Tuqui ad· Din Ahmed ( 1263-1328)
Théologien hanbalite extrêmement popu laire clans Je.s milieux salafistes
actuels. Son rigorisme e t son lntèrprétation litté raliste du Coran en ont Cait
un modèle .
IBN TUFAYL (1 110-1185 ou 1186)
Celui que l'Occident nomme Abubacet a élé un n1édec::ln et un philosophe
réputé. L'un des plus lnvenll(s de l'Espagne musulmane.
IBN al-WACHCHA Mohammed (mort en 936)
14om1r1e de lettres de Bagdad et auteur du Livre c.h amarré ( Kltab
al-Mûwachcha).
IBN ZUHR (mort en 1162)
Crand médecin arabe de Séville a:>pelé r~aguêre J\venzoar. Il fu t le
contemporain d'lb11 Rochd el d'lbo Tu!ayJ.
IBRAHIM AL-A'ZAM (mort en 777 ou 783)
Soufi de Balkh devenu personnage quasi légendaire eo Syrîe.
IBRAHIM an-NAKH'I (mort ea 713)
Grand juris te.
IDRISSI, voir AL·IDRISSI.
468 Septième partie: Annexes - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

IDRISSIDES (789-926)
Nom d'une brillante dynastie marocah1e.

ILKHAJlllDES
Nom d'une dynastie mongole qui a régné sur la Perse et la MésOl)Qtamle
entre 1256 et 1353.
IKHWAN AS-SAFA (à partir de 950)
Llttéralemenl • Les Frères de la pureté"· PhiJosophes de tendance
ismaélienne el auteurs coll~tlfs, en arabe, de cinquante-deux épîtres
scientifiques.
IKHWAN Al-MUSLlMlN, cl. Frères musulmana.
!QBAI. Muhammad (18ï3 ou 77· 1938).
Réformateur lndopakistanals célèbre. Il a tenté de concilier la philosophie
lndo·nlusulmaae des siècles ar1térieurs av~c la.1>htlosophle occidentale. en
particulier avec la philosophie de Bergson. Son ouvrage le plus important est
Recon$truiJ·e la pensée religieuse de /'fslat11.
ISMA.tlŒNS/ISMA'ILIENS
l:une des branches du chiisme duodécimain (765). So•' credo reste la
prédication (da'wa) 1>acifique 11nafs à 1ravers un vocabulaire codifié
(cf. chapitre 12).

'IYA.0 IBN MÙSA (Il est appe lé le Cadi 'lyâd) (1083-1149)


Juriste mashrébln. Il propage un malékisme ôrlhodoxe.

J
JAAFAR AS-SADDIQ L'imam (700-765)
Descendaal du Prophète el maître splriluel. On lul prëte un gra nd nombre
d'~pophtegmes et de récits sentencieux.

JABARTI Abd ar-Rahman (1753-1825)


Chroniqueur el écrivain égyptien. Il fut le contemporain de MéhémeL Ali.
JABIR IBN HAYAN (vers 721-vers 804)
Alchimiste et médecin mu~uhllan.

JAHIZ (776 ou 777-$68 ou 8&9)


lkrivain de Basra et sans doute i>reinîer prosateur vrai de Ja langue arabe. Il
éta1l également un observateur et un ethnologue é1nérite .

•JALAL UO-DIN RUMI, voir RÜMI.


JAMAL A.0-DIN AL-AFGHANI, voir AL-AFGHANI.
JMIJ' Nûr ad-Dio (14 14-1492)
Poète et mystique persan.
____ ________ _ Annexe E: Dictionnaire des noms propres 461)
JAWDA1' PACHA (1822-1895)
À la suite de Mohammed Abduh, Jawdat Pacha a publié une revue Intitulée
fjtihad, dans laquelle Il défendait des t hèses réformistes.
JAWISH AbdulAzlz (1876-1929)
Nationaliste égyptJen d'origine nlarocaine. né à A.lexandrie. li a accompagné
l'idée nationaliste en Égypte et en Turquie.
JILi Abd al-Krfm (1365-1417)
Mysli<.1ue de Jil. non loin de Bagdad, et auteur cle l'Ho1nme parfait.
,llNNAH Muham.nrnd Ali (1876-1948)
Homme d 'Ëtat pakistanais qui participe acl ivemenl à la création du Pakistan,
lors de sa partilion d'avec l'Inde en 1947.

JUBBA'I Abu Ali al- (mort en 915 ou 916)


T héôlogien mu'tazllite et maiûe à penser d'Al-Ach'arl (voir ce nom).
JUNAYD Aboul-Qo.,.im (mort en 910)
Gra11d soufi des débuts de l'islam.

JUWAYNl Abd al-Malik (mort en JOSS)


ThéoJogien ach'arite surnommé Imam al-l1aramayn. car iJ ensejgna à La
Mecque e1 à Médine.

J UWAYNI Ala-ad-Dl.n ( 1226-1283)


Historien et gouverneur au temps de la dynastie monghole.

K
KALABADI Abou Bakr (mort en !000)
Mystique musulman.

KALBI, voir AL· KALBI.


KATIB CHELEBI, dit Hajji Khalifa (1609-1657).
KA\VAKIBI, voir Al-KAWAKJ.81.
KEMAL, vol> MUSTAFA KEMAL.
KHAL\VATIYYA
Norn d'une confrérie musulmane établie en Anato lle~ en AzerbaîdJan et dans
le Caucase.
KHAN Ahmad Sayyed (1817-1898)
Réformateur Indien et fondateur de la Muhanunadan Anglo·lndlan Oriental
College à AUgarth, en 1875.
470 Septième partie : Annexes - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

KHARIDJITES
l:une des grandes subdivisions de l'Islam (cf. chapitre 12).

KHATAMI Muhammad ( 1943:)


Homme politique Iranien et président élu du pays à partir du 27 mal 1997
Jusqu'à l'arr1vée au pouvoir d'Ahmedinejad, le président actuel.

KHAYYAM Omar ou 'Umar (1047 ou 1050-1123)


P.1athé1natlcien, astronome et poète de Nichapour. Spécialiste d'Euclide. il
était surtout connu pour ses Qua1ro1n$ phifusvplilqves. esnpreints de dér ision
et de scepticisme.

KHEDIVE
T itre attribué par les Ottomans à leur vice-roi d'1'.gyp1e. li lut porté pendant
un siède el demi, de 1867 jusqu'à la lin du khalllat, en 1922.

KHEIREDDINE ( 1822-1889)
Esclave cherquesse, né dans le Caucase, acheté par Ahmed Bey de Tunis,
Khelreddlne a grandi dans le palais du Bardo et est devenu l'un des
fonctionnaJres les plus en \'lle . 11 est l'auteur d'un ouv·rage intitulé Le.~
Afeilleurs Co1nportements dans La connaissance des royaumes.

KHOMEYNI Rubollah (1902-1989)


Dirigeant religieux. li sera le principal acteur de la 11 révolution islamiste 11
d'Iran.
KHUSRAW Naçlr-1 (1003-1060)
Homme de lettres. poète et propa,gandiste ismaélien.

KHUWARJSMI Aboul-JMlar (mort entre 840 et 847)


Connu sous son nom latin Alchoarismus (J>uîs Algorisn1us). Al·Khuwarismi,
d'origln.e iranientlC, était un mathématicien de renom. Il travaUla à Bagdad,
dans la Maison de la sagesse.

KUBRA Nujm ad-Din (mort en 1221)


Mystique originaire d'Iran.

KULAYNI Mohammed (mort vers 939)


Théologien chiite et auteur de recuells de hadiths.

KURD AU Mohammed ( 1876-1953)


Né à Damas d'une mère cherquesse et d"une lamllle kurde d'origine Irakienne.
Ku rd Ali a contribué à la prise de conscience de l'unjté arabe dont Il dirigea
l'une des premières organisations.
Annexe E: Dictionnaire des noms propres {J 71
M
MA"ARI, voir Al..MA"ARI.

MAHMOUD de Cbuna (971·1030)


Souverain musulman d"Alghanls1an et fondateur de la dynastie des
Ghaznavides.
MAJUSSI Mohammed Baqtr (l628·1699)
Théologien chfile et auteur de plusieurs opuscules importants.
MALAMATIYYA
Nom d"une sec:tc sou fie de l"lslam asiatique qui prône rhumlllatlon comme
unea~se.

MALIK IBN MIAS (715 ou 716-;95)


Surnommé• L'hnam de Médine•. Il est le ro1ldateur d'une école orthodoxe
du sunnlsme. le mallklsme. répandue au Maghreb et en Alrlque noire. li
est l'auteur d"un manuel de 1héologle lnlltu l éA~MOwulla. Remarque; les
Musulmans vivant en France sont pour la plupart sunnftes. de rite ma1Jkl1.e
(cf. chapitre sur le sunnlsme).
MALKUM KHAN Mina (1834·1903)
D'origine arméno.persane. cet auteur moderniste a milité pour l'adoption
d'u1\ code nllxte, oriental el OC<:ldental, afin de pallier certaines déficiences
constatées au Sud. Son fer de lonce lut QonOn (•Lol •,•Droit •),la revue qu'il
avait lait parafi re b Londres entre 1890 et 1898.
MA'MAR IBN RACHID (mort en 770)
Complfateur de hadiths prophétiques.

MAMELOUKS (1250·1517)
Nom d'une grande dynastled"esclaves devenus le• maîtres de regypte et
de la Syrie. Leurs descendant$ sont défaits par Napolêon lors de la bataille
d'~gypte en 1798. Les Mamelouks sont finalement massacrés collectlvement
par Méhémet Ali en 1812.

M A"MUN, voir Al..MA"M0N.

MAQDISI Ibn Qudama (mort en 1223)


Juriste originaire de Jérusalem et auteur de traités de droit hanbalite.

MAQRIZI Ta.ql ad·Dln (1364-1442)


Historien des dynasties fatimide. ayyoubide et mamelouk d"tgypte.
MAltlNIDES. voir MtRINIOES.

MAS'Ool AbouJ·Hauan (mort en 956)


Chroniqueur arabe Important au temps des Abbassides et auteur des Proiries
d'or.
472 Septième partie: Annexes - - - - - - - - - - - -- - - - - - -

MATURUDI Abou Mansour (vers 870-944)


Théol.ogien et (ondateur d'un mouvement de pensée qui porte son nom. le
rnaturudis1ne.
MAWARDI Abul-Hil$83n (974-1058)
tminent juriste chaféite de Bassorah. Il est l'auteur des Statots
gouvetne11ie11taux (Al·Ahkrun as-.sültaniyya) dont la traduction française est
parue à Alger en 1984 (cf. E. Fagnan, Les S1atuts gouvernementaux ou reg/es de
droit public et administratif de Mawerdi. Alger. OPU, 1984).

MA\VOOUDI Aboul-'Ala (1903-1979)


Théologle1l et réformateur lndo·paktstanaJs.

MAWERDI Aboul-Hassan Alll\lohammed (974-IOSS)


Juriste et théologien de Bagdad. li est l'auLeur des Statuts gouvernen1entau.x,
t raité de droit public musulman.
MEHEMET AU ( 1769-1849)
Vice-roi d'tgypte, Méhémet Ali, fondateur de la petite dynastie des
Kl1édives, a 1noder11l$é so·n pays. Son pouvoir et celui de ses successeurs se
maintiendra jusqu'à l'avènement de l'Egypte néssérienne (1953).
MEHMET U (1429-1481)
Sultan et conquérant au temps où la dynastie ottomane était au fane de sa
1)uissance.
MtRINIDES (1196-1464)
Grande dyr1astie 01arocaine.
MISKAWAYH Aboul-All (vers 932-1030)
Moraliste, pédagogue et écrivain. 11 est l'auteur d'tin Tr<1i1é de l'étl1lque
musulmane.
MOGHOLS ( 1526-1858)
t:une des plus grandes dynasties de l'Islam asiatique, et plus
pa.r ticuJièrement de l'lnde. Le plus farneux de ses représeJlta1,ts est Babûr
(14$3-1530). 11 en est aussi le fondateur.
MOHAMMED (570·632)
Prophète de l'Islam. Cl partie 1, chapitre 2.
MOHAMMED Ahmed Ibn Sayyld 'Abd Allah (1844· 1885)
Chef J'OUtique et relig.ieux. En se proclanlant " Mahdi du Soudan •, Il s'opposa
à l'occupatioa angJo..égyptienne de son pays.

MOHAMMED ALI, voir MÉHÉMET ALI.


MOLLA SADRA SHIRAZI (1571-1640)
t rudit e t penseur chiite. li est l'auteur de travaux dans le domaine de la
mystique.
______________ Annexe E: Dictionnaire des noms propres 473
MOU'AWIYA (vers 605-680)
Grand seigneur omeyyade. U rut notamment gouverneur de Damas, avant de
s'opposer fr ontalement à Ali Ibn Abi Taleb (v oir ce nom).

MOUFID Cb aykh (950-!022)


Théologien et pe1lset1r cl~ iite.

MOUSLIM Aboul-H uMayn (816-$73)


Compilateur de hadiths, classé parmi les plus fiables. On lui doit un ouvra.ge
intituléAs.S0/1111 (l'Authentique).

MUHASSIBI Abou Abd allah (781-857)


Philosophe et mystique arabe de Bagdad.

MÛLÜK AT:J'AWA'ït~ voir REYES DE TAIFAS.

MUSTAPHA KEMAL Pacha dlt A tatürk (1881·1938)


L'honlme politique le plus déterminant de l:i Turquie moderne dont il est le
fondateur incontesté, le surnom Atatürk signifiant llttéraJement 11 Le Père (de
la nation) turque •. U fut également un grand visionnaire du xxe slècie.

MUSTAFA HUSNI AS-SABBAI' ( 1915-1964).


Enseignant de la charla et membre innuenl de l'associatlon des Frères
1nusulmans dont il était le correspondant à Damas.

MUTANABBI Abou Tayylb (915-965)


Littéralement : «Le Prëtendant à la prophétie•. Grand poète syrien à l'époque
de la dynastie ha.n1danlde.
MU'TAZILITES (V11J".1x• siècles)
Nom d'un mouvement de théologiens et de philosophes musulmans
rationalistes.

N
NAGUIB MAHFOUZ (1911-1994)
l!:crlvaln égyptien et prix Nobel de llttêrature (cl c hapitre 20).

NAQCHABANDrYYA
Confrérie soufie fondée pa r Naqchadandi (1317-1389) à Bouk.hara. Elle est
surtout implantée en Asie centrale.
NATION DE L'ISLAM, voir BLACKS MUSLI.MS.

NASA'! Abou Abd ar-Rahman An-Nasa'I (mort en 915)


L'un des plus ;mportants traditionnistes de l'lslam. On lui doit 1'un des six
recueils de hadJths.
!, 7!, Septième partie : Annexes _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

NASRIDES ( 1230-1492).
Nom d'une dynastie musulmane ayant régné en Andalousie. On lui doit
!'Alhambra. à Cordoue.

NAS.SER Gama! Abd An- (1918-1970)


l,.01nme d'Ét,a,t égyptien et natjonalîst-e arabe, au te.1nps du panarabisn1e.

NIFARI Mohammed (mort en 965)


Mystic1ue arabe et auteur de traités sur les ~tats spirituels.

Nl'MAT AU.AH, Chah Wall (mort en 1431)


Mystique et fondateur de l'ordre qui porte son nom, les ni'matullahi.

NIZAlll AL-lllULK (1018-1092)


Grand vizir au ten1ps de la dynastie saldjouklde. Il fut très proche de Alp
Arslan (1030-1073) el de son fils Malik Shah (1055-1092).

NIZAMI llyas lbn Yûsûl ( 114 1-1202)


Mystique persan et poète.
NURBAKHCH Mohammed ( 1393-1465)
~1ystique , prétendant au califat et fondateur de la confréri e des
nurbakhchlya.

0
OMEYYADES (661-750)
Première dynastie de l'islam. Sa capftale était Damas.

OMEYYADES D'OCCIDENT (756-1031)


On appelle ainsi la branche omeyyade quJ a régné en Espagne, après qu'elle
eut été défaite par les Abbassides.

OTHMAN IBN 'AFFAN (mort en 656)


Troisième calHe de l'islam.
OTIOMANS ( 1342-1921)
L'une des plus importantes dynasties de l'islam. car eUe gouverna un empire
qui allalt de l'Algérle centrale jusqu'en Arable. Sa cap!tale é tait Istanbul.
OUM KALTHOUM (1904-19ï5)
t:une des plus grandes chanteuses du monde arabe (cf. chapitre 20).

p
PAHLAVI ( 1925-1979)
Dynastie persane dont l'ambition a été de ,,. moderniser,, Je pays.
Annexe E; Dictionnaire des noms propres 475

QADLRIYYA
Ordre soufl fondé par Jllanl (voir ce nom).

QAZ\Vll'll Abou Yabya (1268-1338)


Cosmologlstc de Qazwln (Iran). naturaliste et savant encyclopédiste.
QOTB, voir SAYYlD QITl1l/QOT8.
QUCHAYRI Aboul-Quolm (mort en ion)
Mystique persan el auteur de traités au1our du Coran.

R
RABIA AL-ADAWIYYA (713·801)
Mystique musulmane de Bassorah.

RACHID RIDHA Mohammed (1865·1935)


L'un des acteur s de la ~forme de l'Islam /1 1• nn du x.- siècle en €gypte. Il est
l'auteur d'un ouvrage sur les droits de la fen11ne en Jslam.
RAHMANIYYA
Confrérie soufle de Kabylie (Algérie). Elle est fondêe au xvur siècle par
Mohammed Ibn Abd ar-Rahman al.JOr)Qrl.

RASSOULLDES (1229-1454)
No1n d'une dy11astle yé1'nénlte.

RAZI ou RHAZES Abou Bo.k.r Mohammed (850-925)


Philosophe et 111é(lecln 1>ersnn de ll nyy. Il fut le pionnier de la médecine
psychosomalf<1ue et l'un des encyclopédistes qui ont (ail avancer Ja notion
de d iagnostic et de clinique. On lul doit un grand nombre d'ouvrages parmi
lesquel Le /./ber Conrlrien1 (Al·Hawl) qui fut traduit en latin, en grec et dans
toutes les autres langues européennes.
REYES DE TA'IFAS (ou MOIOk aMawa'îf, littéralement • Rois de clans•)
Noms des roitelets musuhnans qui ont gouvern~ l'Espagne musu_lmane au
moment du d~clln, soit à partir du xr siècle.
RlfA'A TAtITAWI Badawl (1801·1873)
Rélormisle égyptien de premier plan. li fait partie de la première délégarlon
envoyée par Méhémet Ali pour étudier et comparer les deux systèmes
éducatifs

RU~U Jalal ud·OID (1207-1273)


Mystique musulman de grande notoriété. li est l'auteur du Maihnowi. suite
poético-mysllque de plusieurs mllllers de vers.
4]6 Septième partie : Annexes - - - - -- - - -- - - - - - - - - -

RUSTtMIOES (ou ROSTtl.UDES) (779-909)


Nom d'une dynastie de l'Algérie centrale et occidenta le.

s
SAADIDES (ou SAADIENS) (1511-1628)
Nôm d'une dynastie marocaine.
SAORA SHIRAZI, voir MOLLA SADRA SHIRAZI.
SADIQ AL-'AZM, voir AL-'AZM (né en 1934).
SAFAVIDES ( 150 1-1732)
Nom d'une dynastie chjiteperse ayant régné sui' l'Iran , le Caucase.
l'Azerba:idjan et l'Afgtrnnlstan.

SAFFARIDES (867-fin xv• siëcle)


Dynastie de la l'erse o rientale.

SAHL TUSTARI (818-896)


MystJque de Tustar (lran) et maitre à penser.
SAID NUSRI Bedluu.aman (1873-1960).
SALADIN (de son nom arabe Salah Ud-Dln YOsûl al-Ayyûbl) (vers 1138-1193)
Général musulman (cl. chapitre 20).

SALAFISTES (début du xx• siècle)


Désigne u1t mouve1nent poUtico·refigieux plutôt rlgorlste., né à la suJte de
la Nahda (renaissance) du x1X" stè<:le et surtout en opposition à la gabegie
des rég:hnes aral>es c1ul sont aujourd'huJ en place. Salaiveut d ire .. Ancien "•
" Premier" et .. Salafist es • 1 11 Les Partisans des pieux an<..-êtres "· Le mot
d 'ordre des salafistes (en arabe Salafiyya) est de rejeter comme blâmable
(bid'a) toutè attitude quJ ne correspond pas aux agis.sements des premjers
compagnons du Prophète. Cc mouvement est organisé autour d'une Idée, le
retour au saint Cor<t.n et à la Sunna (ruju'). Pour y parvenir. fi met en avant
une attitude piétiste fondée sur la purification (!asfîya), la rééducation
(tar'biya) Cl la rev-ivification ( ihya); tels sont les concepts qui crrtlcu1enl
la thèse satafiste, ani mée par une génération de n1usuln1ans désireux de
retrouver Je message original de l'islarn et, ce faisant. refusent en bloc toute
Idée d'évolulion reUgieuse.

SALDJÛKlDES ( !038-1 194)


Nom d'une brillante dynastie d'Iran.

SAMANIOES (819-1005)
Nom d'une dynastie chiite qui a régné, sur l'Iran et sur une partie de l'Asle.
Annexe E: Dictionnaire des noms propres 477
SAOUDITES
Nom d'une dynaslle contemporaine - celle des Ibn Sa'ûd - au pouvoir en
Arable depuis le xv1.. siècle.
SARAKCHI A> (mort ~rs 1090)
Grand 1urt.ste et auteur d'un irait~. A~Afal»ût, en trente volumes.
SAYYID QUTB ou QOT8 ( 1906-1966)
Théologien doctrln•lre et militant de l'Auoclatlon des Frères musulmans,
très active en son temps. avant d'êlre emprlsonné par le colonel Nasser à
partir de 1954, lonsq"" le Rais dklda de mettre Un aux activités des Frères
musulmans.
SATI AL-HUSIU (1880-1969)
SEFEVIDES, volr SAFAVIDES.
SELDJOUKIDES, voir SALD.IOKIDES.
SENOUSSI Mohammed Ibo Ali (1787-1870)
Théologien, prCdlcaleur et fondateur de la confrérie libyenne qui porte son
nom.

SHADILI Aboul·Hus•n, voir CHAOILI.


SHAFI'I, voir CHAFI'I.

SHAHRASTANI Aboul-Futh (!076-1153)


Héréslo~raphe d'orl~lne Iranienne. Il rédigea un traité consacré aux sectes de
l'Islam.
SHAMS·AD· DIN AT: fABRIZI (mort en 1247)
Mentor c l parrain de Jnlul U<l·Dln ROml, grand mystique musulman.
SHARJATI AU {1933-1977)
Miiitant politique el lntcllecluel Iranien au Lemps du shah Reza Pahlavi.
dont il était un opposant farouche. Au début des années 1960, il est allé â
Parls, oi:l Il a obtenu UJ'l doctorat en sociologie et en études islamiques. De
retour en Irati en 1955. Il a passé six mols en prison. Sa popularité en tant
que prolesseur a mené 11 sa suspension et. en 1967, li s'est Installé à Téhéran.
où Il est deY<!nu le conférencier Ala Husselnlya-l·Ershad. Son but était de
combiner le mes5age social ra<llcal du marxisme avec les Implications
révolutlonnalres et égalltatres <lu chiisme originel. Plusieurs de ses livres
viennent d'être publlfs par les édlllons Al-Bouraq.
SHIRIN EBADl
Avocate Iranienne et prix Noœl de l.t paix en 2003 (cf. chapitre 20).
SIN~ ( 1489-1588)
Grand l>àllsseur au temps des Ottomans (d chapitre 20).
478 Septième partie; Annexes __________________

SJAHJUR ( 1909-1966)
Pren1ler 11)lnlstre indonésien. Il joua un rôle d'émancipateur pour son peuple.

SOHRAWARDI Cblhab ad-Din Yahya (1151 ou 1155-1191)


Mystique iranien et maitre de 1'.. Illumination •.

SOYOUTI Aboul-Fadl (1445-1505)


Le.xi'cographe égyptien et auteur de nombreux écrits dans ce doroalne.
SUHRAWARDI, voir SOHRA\YARDI.

T
TABARJ Abou Jaafar Mohammed (838-923)
Historien musuln1an au tem1ls des premiers Abbassides (d. chapitre 20).
TABLIGH
Littéralement « le fait de transmettre une lettre. un message., une
information "•du verbe ballagha, «informer "· • transmettre••. Le nlol
désigne J'un des mouvements Les plus vis1blcs do nlêSSlanisme islamiste.
Né entre l'Inde et Je Pakistan, grâce notamment à Mohammed llyas et à son
mentor Al-Mawdoudi (voir ce nom), le mouvement du Tabligh est d'abord un
mouvement piétiste Qui compte un grand nombre de jeunes assez cultivés.

TAHA HUSSEIN ( 1889-1973)


Écrivain égyptien de grande ré putation.

TANTA\VJ JAWHARI (1870-1940)


Auteur égyptien fécond, élève de la mosquée Al-Azhar. puis enseignant dans
différentes écoles du pays.

TANUKHJ Abou! Ali (940-994)


Juge et chroniqueur de tendance 1nu'tazilite.

TA\YFIQ AL·MADANI Ahmed (1899 - 1983)


t:un des oulémas qui ont demandé l'indépendance de l'Algérie et dont les
slogans ont fait florès.
TAWHIDI Abou Hayon (927-1023)
Linguiste arabe et philosophe au temps de la dynastie Bouyldes (X'·xl" siècle).
THABIT IBN QURRA (836-900)
.Mathén1atlen, astronome et mé-d~h~.

THIRMIDI Abou 'Issa (842-892 ou 898)


Théologien et compilateur de hadiths prophétiques. Il est l'auteur d'un traité
de compilation appeléAl-Jamï.
______________ Annexe E : Dictionnaire des noms propres 4]9
Tl.JANIYA
L'une des confréries religieuses les plus réputées d'Afrique et du ~1aghreb .

TIMOURIDES {1370-1506)
Nom d'une dynastie d'Iran (11mour-Lang) qui a régné sur une grande par tie
<l'Asie centrale.
TOULOUNIDES (868-905)
Non1mée d'a pr~s son fondateur, Ibn TouJoun, cette dynastie a pris le pouvoir
en ~gypte et en Syrie.
TUMAMA IBN AHRAS (mort en 828)
Philosophe mu'tazlllte de l'éco.le de Bagdad.
TUS! Nasr Ad·Din (995-1067)
T hé0Jogie1) el auteur de travaux liés à la doctrine chiite.

u
UlllAR IBN AL-KHATTAB (mort en 644)
Deuxième calife de l'Islam.
UlllAR KHAYYAM, voir KHAYYÂM OMAR.

w
\VAHABlSME
No1n de 1·a doctrine observée par les wahhabites d'Arabie Saoudite. dont c'est
la religion d'ttat. Elle est directement inspirée de l'action de Mohammed Abd
AJ.Wahab (1704-1787).
\VAJOY Mohammed Fadd (1875-1954)
Homme de lettres égyptien, Journaliste et directeur de la Reuue de Al-Azhar.

WAU ALLAH AD·DlHLAWI Chah ( 1703·1762)


Réformateur Indien au temps de la dynastie n\oghole.

WAQl DI Abou Abda llah (747-822 ou 823)


l·listorien des religions. théologien et exégète au temps de la dynastie
abbasside.

WASJL IBN 'ATA (vers 698/700-749 ou 750)


Théologien de Médine e t maître à penser à son époque.
480 Septième partie : Annexes __________________

YAZIDIS
Secte aux pratiques é tranges dont les adeptes sont répandus essentiellement
dans le Kurdlstan Irakien.

YOUSSEF Ail (1836-1913).


Homme de lettres égypUen. Son hebdomadaire Al-Adab (Les Lettres a rabes)
a joué un rôJe appréciabJe dans Ja cristallisation des idées politiques e t
rell.gleuses au temps du k.h édlvat.

z
ZAHRAWI Abdelbamld (1871-1917)
Réformiste syrien aux derniers temps de la puissance ottomane.
ZAGHLUL Pacha Salld (1858 ou 186-0-1927)
Militant politique e t homme d'~tat égyptien. Il Incarne le réforn1isme
politique de llslam sunnite.

ZAMAKHCHARJ Mahmoud ( 1075-1134 ou 1144)


Lexicographe Iranien. théologien, commentateur du Coran et expert de la
langue arabe.

ZAYD IBN ALI (n>Orl en 738)


Commentateur du Cor an et théologien. On luJ prête la fondation de l'école
zaydlte de (1roit et, partant, de ta branche doctrinale qui s'en réclame, en
particulier au Yémen. Voir ZAYDITES.
ZAYDITES
L'une des branches du chiisme, surtout répandue au Yémen.
Index
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

a l-Qalda .155 Be.lglque 316


A Al-Souhrawardl 266 Ben Laden 3S4
Abassides 80, 259 Al-Tusi 266 Bible .15, 326, 333
Abou Bakr SI. 69 amen 65 bid'a 148
Abraham 323, 329 Andalousie 85 Bokhari 245
achoura 203, 261 anges 110. 128 bonnes manières 217
action, catégories d' 159 animaux 240 Bosnle-Hel'2égovlne 4116
Adam 328 aJ11\iversalre cle bouddhisme 15
adhon 172, 17.1 Mohammed 39, 198
adoption 233
adoration 108
ansar 29
apostasie 72 c
adultère 232 appel à la prière 172 Cachemire 403
Afghanistan 352 Arabes 18 cachère 215
ahmadlyya 306 Arable antéislamique 20, 21 calendrier musulman 423
ald e l-Kébir 190 arc-en-<:iel 383 califes 69
Akbar 390 art figuratif 239 calligraphie 63
alaouites 304 11 Assassins • 320 Cem 306
Albanie 407 astronomie 379 chafi'isme 249
Al-Banna. Hassan 344 Atatürk 415 chahada 46. 100, 168
alcool 215, 239 attrlbuls de Dieu 102 récitation de la 169
alév1s .~05 Averroès 392 char1a 151·152
algèbre 378 avortenlent 236 chiffres arabes 379
Algérie 416 aya 101 chiisme 251
al-Ghazali 279 duodêcimain 89, 251,
Alhaml)ra 383 260. 261
A/-hamdu/il/ah 61 ismaélien 295
bahaîs 307 septlmaln 251
Ali (ou 'Ali) 69. 75, 253. 367
t rahlson el martyre d' Ba ngladesh 402 chiites 14. 79
256 septimains 299
barzaklt 134
rites 263
al-Jahi/iyya 23 basmallah 17. 64 chirk 109, 226
Al-Khawarazml 378, 380 bataiUe d1ouro 74
Al-Khayyam, Omar 378 d'Ohoud 32
deBadr 32 c hrlsllanisrne /5, 323
Allah 100
du fossé (khandaq) 32 c iel 114, 139
Allohu Akbar 173
Bédouin 22 c inq piliers 108, 165
Allemagne 318
482 l'Islam pour les Nuls _ _

cinq prières rro tcrlture sainte 44 hanafite 157


cfreonclslon 207 égaillé des lemmes 234 hanballsme 158, 249
confrérie(•) enfant 2.13 hanéllsme 248
•Oulle 281, 282, 287 enfer 114. 127. 137. 138 Hégire 29, 423
maghrébines 290 enterreo1ent 213 henné 205
consécration 188 Espttgne 319 héritage 235, 264
contraception 230 éternuement 217 Hezbollah 410
Coran 43, 51, 326 éthique 108, 221 hl<IJab 235
crtailonnis~ 118 lndlvlduelle 361 hindouisme 15
Credo 124 excision 208 homosexualité 229
croisades 84 extrémistes 347 houris 140
crucifixion 332 Hussein 79
martyre de 256
F
D Fat/ha 47. 64
(/Or Ol·llOrb 69 lallmldes 320 I
<for a/./s/om 69, 78, 87 latwa 161 ibodo 108
darura 156 lemmes 218, 234, 280 ibadites 297
daudls 302 figuration du prophète ZJ9 ibah• 156
démocratie 339 l/qh 152, 161 lblls I //, 132
deuil 213 FIS 416 Ibn Battouta 388
dhillr 106. 283 lîtna 75, 19, 80 Ibn Khaldoun 393
d/11mml U , 335 roi 108. 118 Ibn Roc.hd 392
dialogue interreligieux 336 profession de 124 lbrll 130
divorce 211, 232, 264 France 313 'id al-adho 189
Dix commandements 331 Frères rnusulmans 344 'id al·fltr 184
djihad 169. 347. 348 funérailles 213 /l1rom 188
djinns Il/, 131 /llSOf/ 108
dot 209
• droit chemin • 65
G /j11/1ad 160, 163, 264, 356
ikhl~r 162·163
droit chiite 264 Gabriel 130 lmam 172. 254, 263
droit Islamique gros5"sse 204 • Imam caché• 90, 255
consolldatlon du 155 Imamat 298
origine du 153
droit, côté 218
H Iman 108
hadll hs 104, 146. 147. 148, Immigration
druzes 303 clandestine 320
243
évaluation des 150 Impôt rellgleux 265
E recueils cle 149. 244, 247
transmission des 149
Impuissance 228
/r1ch'ollah 47. 115
Ebadl, Shlrin 394
11oq; 33. 185, 188 Inde 402
école coranique 61
Hamas 411 Indonésie 404
écologie 240
llan1wno"'" 92
---~------------ Index 483
inimltabilllé du Coran mariage 209. 231. 264
(/'J(J:) 56
K temporaire 264
intercession 37, 136 Kaaba 23, 187 contrai de 210
inlerprétalion 59, 160 kalir 109. 122 Maroc 417
ésolérlque 59 kamikaze 347 mas}id In
exotérique 59 khanqa 281 mas1urbatlon 228
lnllfada 411 kharldjlles 14, 297 mathématiques .178
Irak 413 klrlmar 2.3.5 ttJ(l/11 146
Iran 8.9, 260. 349 kltil(ll) 207 maturité 209
Isaac 329 khojas 301 Maurllanle 420
isla/1 .156 Khomeiny 349 mausolé~ 202
Islam 2, 13 khoums 265 mauvais œll 217
islamique IJ Kosovo 407 Mawdoudl 344
islamisme 341. 343 kufr 226 mowlid 39, 198
ism 206 kunyo 2IJô mawloud 199
Ismaël 329 Kurdlstan 414 médecine 236. 381
Ismaéliens 299 Médine 12, 22, 29, 191
1.snad 146 conslllutlon de 31
lsra· 28 L médl1a1lon 181
Israël 410 IJaz 56 ~ mère du Uvre • 325
islihsan /SS La Mecque Il. 21, 185 messager 34
lstishab 156 laîclté 315 ml'ral 28
lsllsloh !SS, 163 Liban 409 Mlkall 25, 130
Italie 319. 320 libre arbitre 114 1nlnnre1 172
lz.r nîl 130 Libye 419 miracles 36
Ligue arabe 420 Mjllsl. Mohammed
limbes 142 l~nqlr 266
J Livre. religions du 43, 323, modernllé 357
Jamml'al·lslaml 344 324 moghol. emµlre 91
Jemaa fslamlya 406 Loth 329 Mohammed Il. 19, 26, 34,
Jésus 35, 332 333
jeûne 181 les noms de 38
Jibrll 25
M Moise 3$, 330
Joseph 330 madhohib 248 mollah 90. 265
judai5me 15. 323 mod10$0 152 Mollah Sadra 266
jugement dernier 13. 135 mahdi 255 morale 222. 223
jumu'a 176 Mahfouz. Naguib 395 ttxuelle 227
jurisprudence • mahométan • 13 sources de la 225
islamique 152 main gauche 168 mort 133, 212
Malaisie 403 d~un enra.nt 137
juslice sociale 237
Malik Ibn Anas 246 mosquée 177. 180. 187
maliklsme 157, 248 de Pans 315
Mou'awly• 78
484 L'Islam pour les Nuls

moudjahidin 352
p Révélation IJ, 45
ribat 281
mouhojiroun 29 Palestine 410 Royaume-Uni 318
Mousta'li 302 paradis 121 Rushdie, Salman 98
muezzin 172 pauvres 238 Russie 408
mufti 161 péché 226. 332
mufawwad 62
mujtahid 265
pélerlnage 33. 185, 188
pharmacologie 382 s
Munkar 131 Phlllppines 4<H saarnce 207
mu1'tlttal 62 phllosophie 120, 393 salavlde. empire 89
Muslim 246 piliers. cinq 108 sagesu
musulman /J, 121 poésie 39 coranique 360
Mûwatra 246 soune 285 musulmane 359
polygamie 211, 231 1>0pulalre .162
polythéisme 23, 96 saints 200, 202
N porc 215 Saladin 389
naissance 204 pornographie 230 salallstes 345
Naklr 131 prière, appel à la 172 sa/or 46, 170
nosab 206 pronooclation du Coran 49 sama' 284
Nlgérla 400 prophète(•) 34, 113 sanctions 159
11isba 206 prostitution 228 Satan ///, 132
ni.Uritcs 320 purgatoire 142 sawm 181
nom 206 purification 166 Sayyld Qotb 345
noms de Dieu /(H sœ<>u des prophètes 34
nourriture 215 Septembre noir 412
nusayrls 304 fJ sexe 227
qadlanls 307 shali'lte 157
qarmates 300 Sinan 394
0 qibio 171 solidarité 180
OLP 409 q(yoma 135 Soudan 401
Omar 51, 72 qorayshite 24 $0uAsme 14, 268, 272
Omeyyades 18, 2$8 rejet du 292
soumission à Dieu 13
'omra 188
optique 382
R sourate 3, 45
o rdres soulls 288-290 rok'a 174 datatlo11 des S6
Organisation de la ramadan 181·185 Suisse 321
Conférence lalamlque rapports sexuels 227 sultan 260
(OCI) 420 rtcltatlon du Coran 46, 61 sunna 148
Othman 51, 74 rtforme 356 sunnlsme 243
ottoman, empire 87 réformistes 347 sunnites 14, 268
ouléma 90, 153 reJne.rcjer 217 suprématie de Dieu 101
Oum KaJthoum 396 respect du Coran 48 Syrie 410
r~surrectlon 135
_ _ _ _ _ Index ~85

T (/
ta'wfl 59 vendredi 176
Tabari 389 verset(•) 45
Tabligh 315 duTr6ne 102
taf'sir S9 abrc>Sés 60
Taj Mahal 383 • sataniques • 91J.99
tajuùd 62 vecements 216
lakbir 173 vleraes du paradis 140
10/aq 232 vizir 260
10/eb 291 voile 235, 315
talfiq 162-163
tariqa 281
Jawa/ 188
w
wahhabisme 293. 343
taUJ/ûd 96, 109
tayybls 302
Jchacfor 219 z
Tchélchénie 408 •ahlr 59
• lhéodémocratle • 344 zokat 180
théologie 120
'"' 218
tombe 134 :awlya 281
tradition 148 Zayd Ibn Thoblt 51
Tradition 195 zaydltes 298
irai té zoroastrisme 24
d'Omar 73, 334
de Hodaybiyya 33, 331
Tunisie 418
Tur(1uie 414

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unicité de Dieu 96, 109
url 156
usure 231
Explor z es rich sses
deuxi me r ligion de Franc !
Ou es.t le- prophète Mohammed 1Quel~ sont les gr;,nds co1.111mts d l 1slam ?
OtJ 'est-ce que- ~e ramoi'K.ian, le souftsme, la c ircon<:i~owi 7 Qu'ap-pelle+on I~ i: n.q
pfüets. du cutre müsulman 1 O\Jelles relations f 15lam eritret1enr Il e'tilt'c I~ autr'es.
grorufe.s rel Ion~ 7

Aujc:turd'hut, plus de 4,5 m Ilions de Fra~.als 50(1t mu!iulrnans. rnai~ 1islam re5te
plutôt méconnu. ~toigne de taule ,deologie ~t dèpourvu de visees polemiqt.JP.S1
cet ouvrage s.e dorme pour mt5:s.lon d'Hpliq\Jer <e qu'e~ l'~t.m - 50n hl!'ïtQlfe,
!:tes fondérnt!nu, sa prarfqiJe, ~a culture er ses multîples vl~ges - de façon
~lmple et da1n~- lettJ!urs curieux de toutes religions et cfe tous hQnzons, œ llvri!'
voù5 ouvrira grand s portes dll moride musulman

Malek Chebel est anthropologue, l•imNier1 et èc!ivom t1> ''-' renom" e


mrernarioooI!, Pien~r d u~ religion modt'me er 1ntêgfee dans i<A Ripul'H1que.
I~ pklide ~Jr un lifom da. lJJm;&~. Ses livra tendent tous v~rs '"' but tommurt •
ê'-,,llqu~I' ~a cuit ur~ ~r sa tellgk>n avtt pMagog;~ ec sam cabou.

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