Izlan - M. Peyron, S. Chaker Et T. Oudjedi
Izlan - M. Peyron, S. Chaker Et T. Oudjedi
Izlan - M. Peyron, S. Chaker Et T. Oudjedi
25 | Iseqqemâren – Juba
Izli
M. Peyron, S. Chaker et T. Oudjedi
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1459
ISSN : 2262-7197
Éditeur
Peeters Publishers
Édition imprimée
Date de publication : 1 septembre 2003
Pagination : 3828-3832
ISBN : 2-7449-0424-4
ISSN : 1015-7344
Référence électronique
M. Peyron, S. Chaker et T. Oudjedi, « Izli », in Salem Chaker (dir.), 25 | Iseqqemâren – Juba, Aix-en-
Provence, Edisud (« Volumes », no 25) , 2003 [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2011, consulté le 01 mai
2019. URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1459
Izli
M. Peyron, S. Chaker et T. Oudjedi
1 Il s’agit de deux (éventuellement quatre) vers comportant souvent une rime interne ou en
fin d’hémistiche, et renfermant un sens complet. C’est la forme poétique de base chez les
Imaziγn du Maroc central, genre essentiellement consacré à la casuistique amoureuse,
bien qu’il existe des izlan (pl. d’izli) historiques et didactiques.
2 La présence de l’izli (‘distique’) dans le Moyen-Atlas marocain est largement attestée par
l’intermédiaire de diverses publications datant, pour la plupart, de la première partie du
XXe siècle. C’est l’existence de ce phénomène au sein du domaine oral des Bni Mtir (Ayt Nḍ
ir) qui, en premier, retient l’attention des observateurs (Abès, 1918 ; Laoust, 1939). C’est,
toutefois, le pays zaïan qui fournit la moisson la plus riche de l’époque (Loubignac, 1924).
À signaler, également, une étude de la même période (Reyniers, 1930), moins académique,
mais caractérisée par une approche fort intimiste, consacrée à la production orale de
Taougrat, la poétesse aveugle des Ayt Sokhman d’Aghbala. Plus près de nous, le travail
d’Abdel-Massih (1971), procédant d’une démarche de linguiste, nous livre un certain
nombre d’izlan non-traduits, mais annotés, et mettant clairement en évidence
l’association primordiale entre refrains et distiques, ainsi que l’ordre dans lequel ils sont
exécutés.
3 Les morceaux sont exécutés, soit dans le cadre d’une soirée privée réunissant quelques
personnes de connaissance et ne donnant pas nécessairement lieu à la danse, soit à
l’occasion d’une noce, circoncision ou fête importante, entraînant alors une participation
dansante. Au départ, il est impératif de réunir un accompagnateur sur tambourin (allun,
tallunt), cet instrument fournissant le rythme de base de la musique tamaziγt, ainsi qu’un
joueur d’instrument à cordes : soit sur violon (Ikamanja),soit sur luth (luṭar), ce dernier
opérant actuellement un retour en force assez spectaculaire sur la scène musicale
marocaine. Éventuellement, on fera appel à un jouer de chalumeau (bu γanim). Dans le
meilleur des cas sera présent un compositeur ou improvisateur, aneššad, animateur
détenteur d’un répertoire fourni en izlan.
4 L’ouverture qu’entame les accompagnateurs instrumentaux est caractérisée par un
rythme de base (d’une importance capitale en musique berbère) qui annonce, d’emblée, la
forme des morceaux à venir. Le compositeur ouvre le jeu en lançant un refrain (llγa
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)adapté aux distiques qui vont suivre, car, ainsi que nous le verrons plus loin, il ne s’agit
pas d’associer n’importe quel distique à n’importe quel refrain. Vient ensuite le premier
distique. Celui-ci sera repris en chœur par les femmes, avec insertion du refrain entre
chaque hémistiche. Au terme d’un court intermède musical, le compositeur va reprendre
une partie du refrain, souvent la partie terminale, pour prévenir de l’arrivée du distique
suivant, et ainsi de suite.
5 Un changement de rythme intervient assez couramment après trois ou quatre distiques,
un nouveau refrain introduisant éventuellement des izlan de facture différente. À
l’occasion de ces changements, on admirera la dextérité des habitués qui savent glisser
presque insensiblement d’un rythme à un autre. Un rythme plus rapide annonce, d’une
part, un passage purement instrumental consacré à la danse ; par ailleurs, une
accélération démesurée préviendra l’assistance de la fin imminente du morceau, au
moment où les exécutants reprendront en choeur les derniers vers. Dans le cas de
mariages importants en présence d’une nombreuse assistance bilingue, un rythme lent et
saccadé introduit un morceau qui sera chanté en arabe, par égard envers les invités non-
berbérophones.
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19 D’un agencement plus complexe, l’izli à quatre hémistiches. Après chaque point de césure,
qui en moyenne intervient après 6/7 syllabes, il y insertion du refrain :
ay ay aya a ta, imma-nw εef-aš imma-nw εef-aš a wa. (llγa)
ay ay aya a ta, imma-nw xir-aš ad itswalf d iγil !
O toi, ô ma mie, je t’en prie, ô ma mie, je t’en prie.
O toi, ô ma mie, prends garde qu’à tes bras je ne m’habitue !
20 texxa tayri n unebyi / am id isγa ša naεneε /
mš ur ismalu wdγar / qqenn ad ixser fimerra !
21 N’est point durable l’amourette de passage/ elle est comme la menthe qu’on achète/ en
un endroit peu ombragé,/ et qui rapidement se fane !
22 On relève, d’autre part, des couplets réservés plus particulièrement à la danse (izlan n uḥ
idus), chantés seuls et le plus souvent sans refrain. Ils sont eux-mêmes scindés en
subdivisions selon le tempo d’aḥidus concerné : soit lent (ḥayfa), soit moyen (tannamast),
soit rapide (tamssderft). On distingue enfin des distiques de noce (izlan n tmeγra). Voici un
exemple de cette dernière catégorie :
ullah meš da gganx am iširran,
ar d amẓex bubu-nnes i ten-nna rix !
Par Dieu, contrairement aux bambins, je ne puis dormir
que lorsque je tiens le sein de celle que j’aime !
23 Ce sont là les principales catégories d’izlan ayant cours dans le Moyen-Atlas à la charnière
du XXIe siècle. La plupart de ces distiques proviennent d’un corpus important recueilli
dans la région de Tounfit. Souvent entendus à la radio, ou en montagne à divers
occasions, il est permis d’affirmer que l’izli représente la manifestation la plus courante de
la poésie chantée du Moyen Atlas marocain. À l’opposé de la tamawayt, ou de la tamdyazt,
genres beaucoup plus exigeants sur le plan de l’énoncé et de la performance, réservés
habituellement aux seuls spécialistes, l’izli est ouvert à tout le monde. Fonctionnant
comme une sorte de défoulement, les distiques et leurs refrains sont, en effet, connus de
toute une population dont ils reflètent, en marge d’un vécu quotidien parfois terne, un
côté espiègle, évoquant très nettement la bonne humeur et la joie de vivre.
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BIBLIOGRAPHIE
M. Peyron
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INDEX
Mots-clés : Algérie, Kabylie, Linguistique, Littérature, Mariage, Mauritanie
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