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TABLE DE MATIRES
Le postmodernisme alors/ postmodernism then
MIRCEA MARTIN Dun postmodernisme sans rivages et dun postmodernisme
sans postmodernit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VIRGIL NEMOIANU Notes sur ltat de postmodernit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
IOANA. EM. PETRESCU Modernism/Postmodernism: A Hypothetical Model . . . .
DAN GRIGORESCU Modernisme/postmodernisme: un processus de continuit?. . .
ANGLE KREMERMARIETTI La postmodernit: achvement ou
commencement? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LINDA HUTCHEON Postmodernism Goes to the Opera . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
AMELIA PAVEL Le postmodernisme et lhistoriographie de lart . . . . . . . . . . . . .
VALENTINA SANDUDEDIU Points de vue sur le postmodernisme musical . . . . . .
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ALEXANDRU MUINA Le postmodernisme aux portes de lOrient. . . . . . . . . . . . .
ION BOGDAN LEFTER La reconstruction du moi de lauteur . . . . . . . . . . . . . . . . .
GHEORGHE CRCIUN Entre le modernisme et le postmodernisme. . . . . . . . . . . . .
LIVIU PAPADIMA Postmodernisme littraire et modles culturels. . . . . . . . . . . . .
ION MANOLESCU La prose postmoderniste et le textualisme mdiatique . . . . . . .
ANAMARIA TUPAN The Rhetoric of Displacement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
RODICA ZAFIU Postmodernisme et langage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
AUGUSTIN IOAN Le postmodernisme dans larchitecture: ni sublime,
ni compltement absent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
MAGDA CRNECI The Debate Around Postmodernism in Romania
in the 1980s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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ION BOGDAN LEFTER Un pionnier: Mircea Horia Simionescu. . . . . . . . . . . . . . . .
CORNEL MORARU La chimre de la vision de lcriture:
Gheorghe Crciun. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
FLORIN MANOLESCU Exegi monumentum...: Mircea Crtrescus
The Levant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
SVETLANA CRSTEAN Mircea Nedelciu et les avatars du textualisme. . . . . . . . . .
OVIDIU VERDE Une parabole postmoderniste: Bacovia relu par
Cristian Popescu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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et maintenant/and now
MONICA SPIRIDON Postmodernism in the Past Tense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
CHRISTIAN MORARU Bodies of Work: Corporeality, Postmodernism,
Posthumanism . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ANCA BICOIANU Postmodernism is Grunge, the Aftermath is Vintage . . . . . . .
DUMITRU CHIOARU Aprs le postmodernisme: le nant ou bien un nouveau
classicisme? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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CAIUS DOBRESCU What is to be done About Romanian Postmodernism?. . . . . .
PAUL CERNAT La posie du nouveau paradigme: problmatisations,
tendances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PAUL CERNAT Les annes 80, postmodernisme, postmodernit. Un relief
typologique de la prose roumaine rcente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ADINA DINIOIU Mircea Nedelciu, le thoricien littraire . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
MIRUNA RUNCAN On Romanian Theatre in a... Belated Modernity. . . . . . . . . . .
IULIA POPOVICI La posterit dun projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
ALEXANDRU MATEI Penser le postmoderne en Roumanie. Les problmes
dune notion culturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
CARMEN MUAT Is There a Romanian Postmodernism? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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HAIM GORDON, RIVCA GORDON, Heidegger on truth and myth.
A rejection of postmodernism (ALEXANDRU MATEI) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
DAN GRIGORESCU, [Le jeu avec les miroirs et les arts postmodernes]
Jocul cu oglinzile. nsemnri despre arta i literatura postmodern
(ALEXANDRA VRNCEANU) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Argument
Le numro de notre revue que nous consacrions en 1995 au postmodernisme dans la culture
roumaine a t favorablement accueilli autant en Roumanie qu lextrieur. Des chercheurs
de la littrature et de la culture roumaine de ltranger nous crivent encore pour nous demander
comment et o ils pourraient se le procurer. Cest ce qui nous encouragea reprendre une partie
des articles que nous avons publis lpoque et dy joindre dautres, plus rcents, traitant
du mme thme. La possibilit nous est ainsi offerte de confronter, quinze annes de distance,
les diffrentes approches du postmodernisme en gnral et du postmodernisme roumain en
spcial appartenant des auteurs roumains, crivains ou critiques littraires.
Dans lintervalle 19952010 furent publies de nombreuses analyses, voire synthses sur
le postmodernisme roumain. Lvolution de la littrature roumaine elle mme a confirm
certaines caractristiques signales par les critiques et en a infirm dautres. La postrit
retiendra que le postmodernisme roumain sest affirm, structur et dfini sous un rgime
totalitaire en tant que contre-utopie littraire, frique ou sombre, loppos de lutopie
idologique et de la pratique communiste et quil sest prolong au-del de 1989 dans la mesure
o certains projets crateurs ntaient pas alles jusquau bout.
On peut constater quaujourdhui les thoriciens relguent le postmodernisme dans le pass
(Monica Spiridon) voire quils considrent quil exprime une confortable et voluptueuse
sclrose (Caius Dobrescu). Un certain manirisme lui est attribu mme par les critiques
qui croient encore son actualit. Suivant les tout rcents commentaires, le concept de
postmodernisme cesse dtre un paradigme, perd son caractre fdrateur.
Je risque une prophtie pour dire que lentre aussi hsitante, trbuchante et, de toute
faon, partielle de la Roumanie dans la postmodernit rejette paradoxalement dans
lhistoire le postmodernisme autochtone.
Autre paradoxe: bien que lide postmoderne ait perdu depuis longtemps son caractre
partisan (militant ou ractif), le dbat quelle suscite ravive passions, tmoignages personnels
voire frustrations et, surtout, bilans historiques ngatifs ou ngateurs. Une discussion autour
du postmodernisme roumain ne saurait viter la rflexion mlancolique ou acide concernant
le raccord vu comme dfaillant, prcaire de la culture et de la littrature roumaine avec
la vie du prsent, dune part, avec luniversel, dautre part. Cest ce qui confre certains textes
une tension supplmentaire, voire un certain dramatisme profitables, esprons-le, la lecture.
la fin de ce numro nous avons tenu exprimer notre attachement et notre admiration
pour la mmoire et loeuvre de Matei Clinescu, lun des membres de notre comit
international, un cher ami et collgue, vritable modle intellectuel pour nos plus jeunes
collaborateurs.
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polarisation des traits, leur redistribution entre les deux courants artistiques et, en gnral
parlant, idologiques.
Que se passetil? Non seulement certaines solutions que lon considerait comme
typiquement postmodernes se sont rvles comme tant apparues en plein modernisme (et
parfois mme, beaucoup plus tt!), mais des principes qui semblaient tre constitutifs du
modernisme sont attribus maintenant au postmodernisme. Par exemple, Norman Holland, mais
non seulement lui, considre que ce qui est dcisif dans le postmodernisme, cest la relation
textelecteur, alors que dans le modernisme ce qui serait prdominant cest le rapport entre
lauteur et le message du texte. Sensuivraitil que Valry, lun des classiques du modernisme,
faisait une profession de foi postmoderne quand il crivait que le changement du lecteur entrane
un changement dans le texte luimme? En tout tat de cause, il est aujourdhui plus sr que
jamais que la prtendue dictature de lartiste dans le modernisme (le renoncement, entre
autres, au critre de la vraisemblance, labstractionnisme, etc.) na t quun renforcement de
la dpendance de celuici (et de son uvre) lgard du rcepteur. La diffrence au regard
de lge postmoderne consiste peuttre dans le fait que lauteur est parfaitement conscient
de cette dpendance prsent et, en plus, la rend explicite mme lintrieur de son oeuvre,
la met en scne.
Il y a eu, certes, des manifestes spectaculaires du postmodernisme: songeons, par
exemple, aux textes dOlson, de Leslie Fiedler ou de John Barth. Ceuxci sont surtout dirigs
contre la tyrannie du rationalisme et de lhumanisme, ainsi que contre le formalisme moderniste.
Cependant si lon examine les choses dans leur ensemble, une impression simpose nous:
la sparation davec le modernisme sest ralise non pas tant par une mobilisation
polmique, par une opposition soutenue, que par un relchement, une saturation, une fatigue
par rapport aux tensions entretenues par le modernisme. Le renouvellement a lieu, cette fois,
par une dmobilisation idologique. On a parl dailleurs de la fin de lidologie.
La nouveaut postmoderniste existe, indiscutablement, et doit tre dfinie en dpit du mpris
programmatique quaffichent certains auteurs son gard. Lexprience postmoderne nous
invite mme une redfinition du concept mme de nouveaut: une nouveaut qui ne sassocie
plus le progrs, une volution qui nest plus du tout incompatible avec le retour au pass. Il
nous faut peuttre rappeler en passant que ni dans le modernisme lide de progrs
artistique na t accepte en tant que telle et dautant moins en tant que progrs des valeurs
(Croce a jou un rle cet gard). Lvolution mme des formes rendait dsutes les formes
anciennes. Thoriquement parlant, il ny a plus de dsutude dans le postmodernisme,
cestdire quelle nest plus valorise ngativement, lexception, peuttre, de certaines
formes artistiques modernistes plus rcentes. Ainsi, lesdits lments anciens, dsuets, sont
considrs sous dautres angles, on leur confre dautres fonctions, ils sont, en un mot, recycls.
La nouveaut dans le postmodernisme sobtient surtout par rcontextualisation.
Dans la mentalit postmoderniste, le retour au pass ne se fait plus obligatoirement dans
le sens et dans le but dune actualisation. Au contraire, on cultive lanachronisme en misant
maintenant non sur le contretemps, mais mme sur la dsutude. Les classiques nos
contemporains reste, de ce point de vue, une dmarche typiquement moderniste. Lattention
accorde au pass nest plus synonyme dinfluence assume ou ressentie inconsciemment. La
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La diversit des domaines de ralisation joue un rle incontestable. Les acceptions du terme
diffrent de la littrature larchitecture, des arts plastiques la musique, chaque domaine avec
ses traditions spcifiques lintrieur desquelles on peut tablir dautres diffrences entre la
pratique artistique et la thorie, entre le discours et le mtadiscours. On parle dailleurs de
postmodernisme non seulement dans les domaines de la philosophie et de la jurisprudence,
mais aussi de la thologie. Passant dun espace culturel un autre, de lEurope en Amrique
du Nord ou du Sud, les sens changent de nouveau, invitablement. Le postmodernisme
colombien, par exemple, est autre que celui franais ou tchque. Nous donnons le mme nom
des ralits diffrentes. tout cela sajoute une extension hypertrophique du terme, qui
menace de recouvrir tout ce qui ne peut plus tre nomm par un terme dj connu.
Tenant compte de tout ce qui sest pass jusqu prsent et de tout ce qui se passera
dornavant, car il existe encore des territoires o ce terme na pas manifest toutes ses
possibilits seraitil erron de dire que nous nous dirigeons, en fait, vers un postmodernisme
sans rivages?
Tous les grands courants littraires et artistiques ont engag des polmiques avec la
tradition tout au moins dans les premires phases de leur affirmation. La polmique atteint
son apoge dans lAvantgarde, quand elle est synonyme dune ngation totale, dun refus
global et essentiel. Jusqu lAvantgarde, il y avait des emprunts, des jugements favorisants
intresss, des alliances, des revalorisations, des restaurations. Les programmes des diverses
avantgardes ne trouvent rien restaurer, ils nient tout (ou presque tout) et exercent mme une
terreur par cette ngation.
Le postmodernisme est le premier mouvement qui nadopte pas une stratgie polmique
lgard de la tradition, tout le rpertoire de celleci tant considr comme susceptible dtre
utilis, mis en valeur, ftce dans une perspective ironique ou ludique. On pourrait mme dire
que le pass historique, littraire et artistique devient pour les postmodernistes ce qutait
autrefois la nature pour Baudelaire et les modernistes: un pturage pour limagination. Aprs
les exclusions et les contraintes de lAvantgarde, une ouverture aussi large a t, sans aucun
doute, ressentie comme une libration.
En tout tat de cause, ce retour du postmodernisme doit tre considr comme une raction
aux actions violentes de dlgitimation de la tradition, menes par lAvantgarde. Entre la
ngation radicale du pass et sa rcupration non diffrencie apparat une incompatibilit,
un critre de csure. Ce nest donc que par une erreur de perception historique quon pourrait
confondre la noavantgarde avec le postmodernisme. Une telle confusion a eu lieu et continue
encore avoir lieu chez certains commentateurs.
Une ressemblance fondamentale existe cependant entre lAvantgarde et le Postmodernisme
malgr tout ce qui les spare et celleci rside dans ce que je nommerais leur anticlassicisme
foncier. Questce dire? Les potes et les peintres avantgardistes avaient le sentiment que
la protestation quils se proposaient de transmettre sattnuait et mme spuisait dans
lapparence et la transparence de la forme. Et alors ils niaient la forme ellemme, la bouleversaient, la dynamitaient. Ngation qui ne pourra jamais tre mene bonne fin, des rudiments
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formels restant mme dans les expriences les plus audacieuses, exactement dans la mesure
o cellesci taient russies. La vhmence de lattaque avantgardiste rencontrait ici une
dernire et inexpugnable redoute: le conventionnalisme irrductible de toute uvre dart,
autrement dit son classicisme inhrent.
Sans suivre une telle ligne intrieure, les auteurs postmodernes sont implicitement
anticlassiques aussi longtemps quils ne misent plus sur lunit de luvre (garantie par le
caractre central du sujet). De ce point de vue, on pourrait dire que la vritable fin du classicisme
est reprsente non par lAvantgarde mais par le Postmodernisme.
Sur la toile de fond de cette ressemblance on voit aussi apparatre cependant une diffrence
importante: alors que lAvantgarde croyait encore en un sens intelligible et universalisable,
le postmodernisme accueille le problme du sens avec un scepticisme par avance sans illusion.
Lexaspration avantgardiste tait due la conscience de lincapacit de rendre compte, par
un discours cohrent et unitaire, dun monde chaotiquement diversifi. Les postmodernes ne
sentent pas la ncessit de nier lart, ni le monde; pour eux le monde se prsente ds le dbut
comme pluriel et incontrlable.
Si le modernisme proclamait et vrifiait (dans le sillage du romantisme) lirrductibilit
de lindividu, le postmodernisme affirme lirrductibilit du monde luimme. Malgr la
revolte antiartistique, lAvantgarde reste encore du ct du modernisme dont elle represente
le point culminant et la limite. Le modernisme aussi bien que lAvantgarde soutiennent
ou maintiennent encore une diffrence spcifique. Quelque immdiate quelle dsirerait
tre, lefficacit de lAvantgarde, son intervention dans le rel a lieu partir dun plan diffrent,
distinct. En ce qui le concerne, le postmodernisme se situe au sein mme de limmanence
du rel.
La priode postmoderne est une priode o, en dehors de beaucoup dautres distinctions,
propres la tradition et au modernisme en premier lieu, ont aussi tendance disparatre les
distinctions fondamentales entre la littrature et la vie proprementdite, entre la fiction et
la ralit, entre la culture et la nature. La littrature, les arts sont conus comme une partie de
la vie, la vie ellemme est considre comme littrature. Tant de littrature, tant de vie et tant
de vie, tant de littrature pourrait tre la devise de lre postmoderne. Tant de fiction, tant
de ralit et vice versa.
Il semble quil ne soit plus question ici dune simple indistinction, mais dun dfi
lincompatibilit, la contradiction irrductible: ce qui est dans lesprit du postmodernisme
pour lequel la logique traditionnelle, binaire, fonde sur le principe de la noncontradiction,
cesse dtre valable. Mais il y a aussi quelque chose de plus (ou de moins) que cela: les
propositions cidessus ne doivent pas tre comprises dans un sens substantiel, mais dans un
sens relationnel. En dautres termes, la vie, aussi bien que la littrature, perdent de leur
consistance spcifique la vie de sa matrialit, la littrature (et les arts) de sa (de leur) formalit pour se laisser dfinir par les rapports mmes quelles entretiennent lune avec lautre.
Cest l une manire daffirmer ou de reconnatre que non seulement la littrature a un caractre
symbolique mais aussi la ralit ellemme. Des philosophes et des scientifiques convergent
ces dernires dcennies vers une telle reprsentation.
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Le terme postmodernisme dsignetil une situation socioculturelle ou littraireartistique? Sagitil de lge dune civilisation ou dune culture, dune socit ou dune
littrature? Cette culture et cette littrature sontelles synchrones de la civilisation et de la socit
ou postrieures? Se pourraitil quelles soient antrieures? Voil l une possible approche de
la problmatique du postmodernisme autochtone. Paradoxalement si nous navons pas une
socit postmoderne il sen faut de beaucoup nous avons une littrature qui runit suffisamment de caractristiques postmodernistes pour tre considre comme telle.
Rien ne semble annoncer ou, tout au moins, expliquer a posteriori lavnement du postmodernisme en Roumanie. Sans doute, Alexandru Musina, en dnonant le premier comme
abusive cette dsignation applique certaines productions littraires roumaines, avait ses
raisons lui. Et pourtant, linstant mme o il faisait connatre sa raction, des textes
dinspiration postmoderne avaient dj paru qui ntaient pas toujours soutenus par une
conscience artistique postmoderne et malgr tout ce quon pouvait leur opposer dans la socit
autochtone contemporaine. Ces textes ont t suivis par dautres, les ides et les formes du
postmodernisme ont gagn dautres domaines artistiques aujourdhui le paradoxe est plus
clatant que jamais.
La Roumanie est un pays dont lindustrialisation force est loin davoir produit les effets
escompts, o lcart entre la ville et la campagne reste toujours important, o le niveau de
vie est encore relativement bas bref, un pays en cours de dveloppement, cestdire de
modernisation. Qui plus est, les consciences individuelles et les mentalits collectives portent
les traces des dizaines dannes dendoctrinement forc et de dictature. Circonstance
agravante le cloisonnement tous azymuths pratiqu par Ceausescu dans les annes 80.
Cela tant on ne stonnera plus de constater, parmi certaines catgories de la population, la
survivance de rudiments didologie communiste assortis dlments prcapitalistes.
Le postmodernisme roumain auraitil surgi de lcume de la mer pour contrarier la thse
marxiste, tant de fois vrifie par les historiens, de la dtermination de la superstructure
de la culture, donc par une base conomique? Toujours nestil que les formes de la culture
postmoderne en Roumanie pour autant quelles existent ne correspondent nullement une
socit de type postindustriel, comme cest le cas de lEurope de lOuest, des EtatsUnis et
du Canada. Autrement dit, le postmodernisme roumain nest rien moins que le produit dun
postindustrialisme roumain. Non seulement entre ces formes artistiques et la base conomique
locale ny atil pas de rapport de dtermination (aussi mdi quil soit), mais il ny a, non plus,
nul synchronisme rel. Elles appartiennent la mme poque sans pour autant tre
contemporaines. Notre culture postmoderne semble merger dune autre socit, tant le foss
est profond qui la spare de la structure conomique, du niveau technologique et du stade des
mentalits dont elle devrait normalement tre lexpression symbolique.
Les solutions littraires caractristiques du postmodernisme, visibles chez nous ds les
annes 70, la sensibilit postmoderne identifier dans grand nombre de productions de la
gnration des quatrevingtards seraientelles exclusivement le rsultat des suggestions
livresques, des influences, le fruit de notre esprit dimitation qui sest si souvent exerc au cours
des derniers sicles? Ou bien ladoption de ces nouvelles formes littraires seraitelle explicable
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les repres certains du vrai postmodernisme? Quel est le noyau dur du postmodernisme? Quels
sont les auteurs qui le reprsentent en Europe et en Amrique?
Ce ne sont pas uniquement les procds reconnaissables mais aussi une manire propre
de concevoir leurs rapports avec lcriture, avec la tradition culturelle et avec le monde qui
rangent certains jeunes et moins jeunes crivains roumains dans la catgorie des
postmodernes. Si leur vision est moins radicale que celle de certains de leurs collgues
occidentaux, cela nest pas tant un rsultat de leur exprience personnelle (historique et
artistique) quun effet du stade de dveloppement de la socit roumaine et de lge de la
littrature roumaine dans son ensemble. Dans la vie sociale roumaine, ltat de postmodernit
est encore inexistant. Il conviendrait donc de parler pour ce qui est de la littrature roumaine
et probablement, des autres littratures de lEst de lEurope dun postmodernisme sans
postmodernit.
Ce qui nest quapparemment un recours la thorie des formes sans fond, si souvent
invoque pour expliquer lvolution de la socit roumaine moderne. Il sagit cette foisci, des
rapports entre la littrature, dune part et la socit (ce qui veut dire non seulement
lconomie et la technologie, mais aussi le mental collectif), dautre part. On pourrait dailleurs
se demander si cette spcificit du postmodernisme autochtone est prendre comme une
carence ou si notre retard et notre marginalit ne nous offrent pas la chance de recevoir sans
perdre au change.
La rvigoration (replenishment) doitelle ncessairement se faire prcder par un puisement (exhaustion), comme veut nous le faire croire John Barth?4
Dans la culture roumaine, non seulement le concept mme de modernisme nest pas encore
fix, mais nulle tentative dhomologation en contexte europen na t entreprise son gard.
Son opposition divers traditionalismes en altre ou en particularise parfois les sens jusqu
leur enlever toute pertinence en dehors de lespace roumain. Le synchronisme qui structure
lvolution de notre culture et de notre socit partir des premires dcennies du sicle pass
na pas fini de susciter des adversaires. La querelle traditionalisme / modernisme, qui a t
dpasse ailleurs, fait encore vibrer ses chos chez nous. Elle a t dpasse, je crois, grce
la contribution dun Gide, dun Valry, dun T. S. Eliot, vritables classiques de la modernit.
Et bien que la littrature roumaine nait pas manqu dauteurs similaires je pense Blaga
ou Ion Pillat , lexemple de ces derniers na pas suffi dsamorcer lopposition
traditionalisme / modernisme qui, dans les annes 30, voire au dbut des annes 40, a connu
des formes des plus aigus.
La dictature communiste instaure en 1945 a falsifi le dbat; plus tard, elle allait rendre
impossible le dbat intellectuel authentique tout court. Les trois lustres de terreur et de ralisme
socialiste qui sen sont ensuivis ont rendu absolument ncessaire un nouveau dpart. Aprs
1964, les contacts ont t repris tant avec lEurope de lOuest quavec les sources vives de
la tradition nationale, dont les modles de lentredeuxguerres au premier chef. Ce fut la
gnration des annes 60 qui mena la campagne de restauration dune tradition bien vivante,
de rcanonisation esthtique, conscutive la dcanonisation stupide du proletcultisme. Les
jeunes auteurs des annes 60 se sont battus pour la restauration des droits limagination,
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mtaphorisme dsengageant en plan social et moral) avait t accept par le rgime, la raction
de subversion senrichissait dune autre importance et dune dimension implicitement
politique: elle devenait une critique du projet nationaliste et paternaliste du rgime.
Ce nest que chez les auteurs de la gnration des quatrevingtards que lon trouvera une
conscience postmoderniste; ils ont mme utilis lengrenage idologique et mthodologique
du postmodernisme pour lopposer aux inerties modernistes de leurs confrres plus gs. La
dispute Postmodernisme / Modernisme prend chez nous allure de lutte pour le pouvoir entre
la gnration des annes 80 et celle des annes 60.
Sans doute, les crivains qui se sont affirms dans les annes 80 ne sontils pas tous des
postmodernistes et leur gnration, dans son ensemble, ne dtient pas le monopole du
postmodernisme dans la littrature roumaine. On la dj vu, il existe des auteurs qui les ont
prcds et qui se laissent aujourdhui mieux lire travers la grille postmoderne. (On pourrait
ajouter aux noms dj cits: Emil Brumaru et Virgil Mazilescu pour la posie, Dumitru
epeneag pour la prose.) Et, ne loublions pas, une grande partie de la gnration montante
(celle quon appelle la promotion 90) se range sous le mme drapeau. (Encore que, lire
le dernier numro de la revue Echinox quinoxe , leurs proccupations portent sur les
chances, les difficults et les stratgies de laffirmation plutt que sur le postmodernisme
comme tel.)
Ce qui est sr, cest que, dans la littrature roumaine, laffirmation du postmodernisme
concide avec laffirmation de la gnration des annes 80. Que le postmodernisme ait t
discut et accrdit en Roumanie, il le doit la contribution artistique et thorique des
quatrevingtards (Mircea Crtrescu, Gheorghe Crciun, Ion Bogdan Lefter, Alexandru Vlad,
etc.) La rinterprtation, la rvaluation mme, au cours des dernires annes, des textes de
certains crivains des gnrations antrieures, relvent de leur souci didentifier des
prcurseurs. Par le caractre exprimental de grand nombre de leurs ouvrages, par leur mfiance
des significations mtaphysiques de la vision lyrique, par la valorisation du marginal et du
colloquial, les quatrevingtards proposent lexpression appartient lun dentre eux, Gheorghe
Crciun un autre pistme littraire. Ils dcouvrent et imposent dans la littrature roumaine
le postmodernisme tout comme les reprsentants de la gnration des annes 60 avaient
redcouvert et impos rencontre du ralisme socialiste les repres du modernisme.
La diffrence entre ces deux gnrations tient donc aussi un programme littraire, elle
nest pas le seul effet du rythme de la succession historique et de lapptit du pouvoir.
Jaloux de leur propre originalit (penchant qui nest pas tout fait postmoderne), les
quatrevingtards savrent extrmement pointilleux se dlimiter de leurs prdcesseurs et,
bien quune polmique explicite nait pas encore eu lieu, lopposition entre la gnration des
annes 60 et celle des annes 80 structure, en fait, la priode contemporaine des lettres
roumaines.
Cela tant, on a du mal admettre lopinion suivant laquelle la gnration des antres 60
serait, son tour, postmoderne du fait quelle a renou avec la tradition, surtout la tradition
proche, de lentredeuxguerres. N. Manolescu5 fonde cette hypothse sur lopposition
entre le postmodernisme et... le proletcultisme, sur ce que le premier recupre au lieu
dabandonner, mise sur la continuit et non pas sur la rupture. Deux remarques simposent:
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NOTES
1.
2.
3.
4.
5.
Postmodem Psychoanalysis, dans lhab Hassan et Sally Hassan (eds.), Innovation / Rnovation, Madison,
University of Wisconsin Press, 1983, pp. 291309.
Voir larticle dAlexandru Muina, dans la section Postmodernisme Postmodernisme roumain de ce volume.
De mme, larticle par Ion Bogdan Lefter.
John Barth, The Friday Book, C.P. Putnams Sons, New York, 1984, pp. 6277 et 193207.
Nicolae Manolescu, Literatura tnr i postmodernismul (La littrature jeune et le postmodernisme), dans
Romnia literar (La Roumanie littraire), 5 mai 1988, p. 9.
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Lerreur la plus frquente commise par ceux qui discutent de la littrature ou de la culture
postmoderne consiste dans le fait quils se htent de tirer des conclusions sans tenir compte
du moment historique. En ralit, il convient de faire une distinction entre postmodernit
comme type de condition humaine (existentielle, mais aussi sociale) et postmodernisme en
tant que courant littraire (ou culturel, si vous voulez), courant qui rpond un tat et, comme
on disait autrefois, le rflchit ou le reflte. Pour ne plus tomber dans le mme genre derreur,
je mentionnerai ici, sans trop mappesantir, quelquesuns des traits du moment historique de
la fin de notre sicle (de notre millnaire) qui, mes yeux, le caractrisent dans tout ce quil
a non seulement de postmoderne mais aussi de: postcolonialiste, postindustriel, postchrtien.
Les voici:
En premier lieu, la centralit de llment communication / mobilit: ce phnomne qui
est, bien videmment, mondial, commence ds le XIXe sicle mais distingue en tout cas dune
manire radicale ces deux derniers sicles de tous les autres, antrieurs, et cela sous toutes les
latitudes. La vitesse de dplacement va sacclrant: du train et du bateau vapeur vers la
bicyclette, la motocyclette et lautomobile, vers lavion et la fuse. Beaucoup plus rapide
encore est la prsence visuelle et auditive simultane de tous les points du globe grce la
tlphonie, la radio, lordinateur et la tlvision. Cest justement la socit amricaine
qui a t ds le dbut branche sur ce mode dexistence fluide / mobile / dynamique, cest une
socit o la communaut est remplace par la communication. On rencontre aux tatsUnis
une socit qui repose sur des substitutions, des complments et des coagulations de parties
disparates. Les techniques par lesquelles sexerce cette influence la psychanalyse, les
rclames, les propagandes de toutes sortes atteignent de vritables paroxysmes auprs
desquels les propagandes des nazis ou des communistes sembleraient naves et rudimentaires.
Cest maintenant seulement que la presse et les autres moyens de communication commencent
obtenir un rle prpondrant, dcisif dans la formation de lopinion publique.
Deux. La socit postindustrielle. Constitution du premier mode de production qui repose
sur le traitement et mme lobtention de linformation pure et non de matriaux bruts. Il sagit
donc dune socit o lon met laccent sur une industrie de haute technicit, sur des instruments
ultraperfectionns, des ordinateurs, sur la production dides et dorganisation, la production
de management. Le rle de lintellectuel a chang: il devient le principal producteur dans
les universits, dans le domaine de la presse et de la tlvision, dans lindustrie cinmatographique (sur la liste des plus importants magnats de la finance on voit de plus en plus
souvent les noms des proprietaires de presse). Les industries commencent tre organises
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non comme damples units territoriales, mais de plus en plus souvent comme de petites units
lies et coordonnes par ordinateurs. Cest ainsi quapparat la catgorie des tlordinateurs,
cestdire des personnes qui travaillent chez elles, la maison et qui se tiennent en liaison
constante avec leurs suprieurs et leurs collgues par lintermdiaire de lordinateur (au moins
20% des foyers amricains possdent un ordinateur personnel et environ 90% ont au moins
un tlviseur et sans doute plus de 50% en ont deux; la tlphonie comprend presque 100%
de la population). Or, on est en train maintenant dentrer dans une phase o ces trois instruments
commencent tre coordonns et lis entre eux.
Trois. La transition de la rvolution de Gutenberg, de lcriture rgulire, de limprimerie
(selon un ordre rationaliste implicite) au visuel tlvis et la prsence virtuelle ainsi qu
lordination interactive. Le processus denseignement, dinformation engendre de nouvelles
communauts de spcialistes ou de personnes qui ont des proccupations informationnelles
communes. En voici un exemple: les livres et les jeux pour enfants commencent stayer
sur des options propres, sur des dcisions concernant le sort des personnages, dcisions prises
par le joueur / lecteur avec ses multiples options, dcisions qui modifient le droulement de
lintrigue, le sort des personnages. La narration acquiert une lasticit inaccoutume et le lecteur
devient un coauteur actif, ftce ce niveau (pour le moment) extrmement simple. La ralit
est simule par des contacts sensoriels multiples: lordinateur reconstitue le son, reconstitue
limage et se substitue mme au contact physique (rotique).
Quatre. Ltablissement de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes. Le choc
concerne non seulement le patriarcat (par lmancipation de la femme), mais mme le soidisant
rgime du frre an (comme le nommait Juliet Flower McCannell). Tout commence par
un suffrage vraiment universel et par lample ouverture des professions. On assiste,
sembletil, au dclin de la famille et des liens organiques, la fin de la dpendance. Ce fait
social est renforc par la pression tatique qui pousse la substitution de la famille et par une
norme pression psychologique: la recherche systmatique des effets ngatifs de la codpendance, la recherche des mutilations, de labus infantile par toute une arme de thrapeutes
et dagents psychosociologues. Il sagit et je ne crois pas exagrer dun effort authentique
visant transformer la nature humaine. Reste voir si une famille fonde sur un contrat
galitaire plutt que sur une tension est capable de survivre. Il faudrait encore ajouter que mme
en Amrique on assiste une trs nergique opposition de la part de ceux qui signalent les
effets ngatifs que peut avoir sur lenfant labsence des deux parents: criminalit, dsaffectation,
drogues, destructivit gnrale.
Cinq. La tension entre le globalisme et le multiculturalisme. Le globalisme sinspire de
la philosophie des Lumires: il veut dcouvrir un destin commun pour la socit et mme pour
lespce humaine, il est universaliste, cherche des traits communs. Ses valeurs sont diurnes,
positives. rencontre du globalisme, le multiculturalisme, dorigine romantique, cherche la
spcificit sexuelle, la spcificit ethnoraciale, il se dirige vers des valeurs subversives et
dissolvantes. Tous les deux ont des parties trs ngatives mais aussi de trs nombreux aspects
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Virgil Nemoianu
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The revolutionizing of the postromantic poetic language, that results from a radical change
of the concept of poeticalness, corresponds to a fundamental mutation in the general model
of thinking that took place more than a hundred years ago. Nietzsche and Mallarm knew
intuitively of this change, which started with the discovery of noneuclidean geometries, was
carried out by the theory of relativity and by quantum physics, and was assumed as a new
cultural attitude by writers such as James Joyce, T.S. Eliot, Thomas Mann or Ion Barbu. What
does the change consist in? To put it in a nutshell, it consists in abandoning the anthropocentrical and individualistic cultural model which had been set up back in the Renaissance,
as well as the classical concept of science. I will map out the main directions followed by
the process through which the Renaissance model (i.e. the paradigm of our whole European
culture) visibly came to a crisis. In defining the new, nonCartesian epistemology, I will make
use of certain ideas taken from Bachelards and Heisenbergs works dealing with the philosophy
of science, or Anton Dumitrius Essays.1 The first revolutionary component of the new concept
of scientificalness is due to noneuclidean geometries. BolyaiLobacevskys and Riemanns
constructions are based on a proposition which opposes not only the fifth postulate in Euclids
Elements, but our own empirical spatial perception or to put it in Bachelards words our
geometric unconscious structured in a euclidean way as well. Still, they are perfectly coherent
since each of them can be modelled on a different type of areas: on a plane Euclids geometry;
on a pseudosphere BolyaiLobacevskys; on a real sphere Riemanns. But the perfectly
rational character of noneuclidean geometries calls in question the value of empirical data and,
generally speaking, throws doubt over how adequate intuition would be as a foundation of
rational knowledge. For it is obvious that we have to abandon our empirical spatial intuition
and to accept another type of space as being quite rational, for instance one in which Euclids
famous line has no parallels at all. Thus as Bachelard states in Le nouvel esprit scientifique
scientific reality is not to be defined as a generalization of data provided by an empirically
perceived reality, but as a verification or realization of a mathematically conceived
rational project (Just in passing, let me point to the fact that the rather late connection of literary
theory to this new approach of reality takes place within contemporary realism, by going
from the traditional mimetic theories all the way to conceiving the work as a model, and
art as a modelling system; this point of view, imposed by Lotmans works, had been clearly
stated by Ion Barbu earlier in the twentieth century, in his poetics of infrarealism.2) Actually,
the dissociation between scientific reality and the empirically defined reality does not seem
to be a discovery of our century (as Bachelard put it), but the most important consequence of
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the Copernican revolution. Really new in the new scientific spirit is not the methodological
orientation, but the plural content of this new scientific reality. The main fact is that, thanks
to noneuclidian geometries, mathematics urges us to accept the idea of opposed spatial models
which can still be unified within a pangeometry connected according to Bachelard to
a complemental thinking capable to lay the bases of an ontology of complementarity.
Mathematical thinking identifies different geometries in algebrical form, thus establishing their
reality not by reference to an object, experience or intuitive image, but by the relationships
that make them equivalent. The basis of mathematical psychology is given by the idea of group,
since each geometry and without doubt , in a general way, each mathematical organization
of experience is characterized by a special group of transformations. The new geometrical
philosophy finally sets up a universe in which qualities are strictly relational, not at all
substantial. I wish to stress this last conclusion drawn by Bachelard because I think it points
out the basic characteristic of this new model of thinking (or episteme, in Foucaults terms):
the preference of relationship over entity, equivalent in reexamining the ontological status of
the individual. This problem recurs in all domains of our centurys thinking, starting with
mathematics and physics and ending with psychology (were associationism is replaced by
Gestalt psychology), psychoanalysis (in which the self the ego is just a game space of
two transindividual instances the id and the ego), or aesthetics (what else is readerresponse
criticism but a dynamic view of the literary work which becomes an aesthetic object only
after having been perceived?). The crisis of the category of individual i.e. of the main category
of the Renaissance episteme means a crisis of the anthropocentrical cultural model too. I
will define modernism as the cultural expression of the crisis of the category of individual,
and further point out the dynamitelike process against that category which has taken place
within the main mutations of our centurys scientific thinking. The mutations produced by the
theory of relativity (which redefines the notion of mass in a relational way), and especially
by the quantum theory (which rethinks the matterforce and particlewave relationship, defining
the photon as a type of thinkingmovement) converge in building a new image of the universe.
This new universe is no longer a whole containing discrete objects or substantial entities, but
a web of interrelated events. Within it, the elements are defined as mathematical harmony;
the concept of objective individuality vanishes, and things are nothing but blocked
phenomena, Bachelard states in La Philosophie du Hon. It is the dynamic that Heisenberg
builds in Physics and Philosophy: The world thus appears as a complicated tissue of events,
in which connections of different kinds alternate or overlap or combine and thereby
determine the texture of the whole.3 Despite his acknowledged linguistic nostalgia,
Heisenberg replaces Platos views on geometrical figures as elementary (components of the
world by a dynamic variant of the same mathematical image of the universe: the fundamental
equation of matter. According to Bachelard, within this universe, the function of entities takes
precedence over their nature, and essence and relation are contemporary, because there are
no simple phenomena in reality; a phenomenon is but a tissue of relationships. Nowadays,
when deconstruction and other forms of textualism (still) dominate literary criticism, such a
frequent recurrence of terms like web or tissue used to define the structure of a purely
relational universe may appear confusing. Heisenbergs universe looks very much like a variant
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of Derridas generalized text. Yet, from a gnoseological point of view that both
deconstruction and TelQuelism choose to ignore, the theory of the text is just a local symptom
of a new ontology the ontology of complementarity, imposed by the scientific research
as well. In spite of theories about the text, the metaphors of textuality springing from the
philosophy of physics do not indicate the selfreferentiality of scientific texts; on the contrary,
they prove a general orientation towards this new ontology. The same orientation is certified
in the quantum theory by transcending the categories of time, space and substance, unified
in the dynamic concept of process4.
Instead of being individualized and reified, scientific reality is purely dynamic, and
proclaims the preeminence of mere dynamics over ontology; unlike naive realism, it does
not put the object ahead of its phenomena or the subject before its predicates, and asks
for a change in our basic concepts, that have to become dynamic Bachelard states in The
Philosophical Dialectics of the Concepts of Relativity. Still, we have to underline a most
important fact: Bachelard, as well as Lupasco or, later, Derrida, considers the dialecticizing
of our concepts in a nonHegelian way, i.e. as a sort of pluralism within which contraries coexist
in a complementary way, without reaching a logical solution through synthesis. In his
philosophical works, Lucian Blaga called dogmatic paradox this coexistence of unsolved
contraries, and opposed it to Hegels dialectic paradoxes. The new rationalism, Bachelard
states, is to be defined and has to be educated through a pedagogy of ambiguity (Le nouvel
esprit scientifique). The new rationalism proclaims a nonAristotelian logic; Stephane
Lupasco among others suggested such a new logic, which he programmatically opposed
to Hegels, and called it the dynamic logic of the contradictory. The new rationalism further
claims to redefine philosophical concepts: Derridas deconstruction fulfills this requirement
by entering a polemic with the European (postPlatonic) discourse, and by giving
preeminence over it to the preSocratic or Oriental thinking, both unlimited by the restrictive
logic of noncontradiction. Derrida deconstructs the Platonistic logocentrism and favours the
terms repressed by the European philosophical discourse, such, as text (repressed by
book), force (repressed by form), play (repressed by structure), mythical polycentrism (repressed by linearity) and so on; he thus provides the concepts with a dynamic
meaning, constantly using pairs of opposed terms, and practises like Bachelard a pedagogy
of ambiguity. The fact that his contraries regain balance, this transformation of an
irreducible antinomy into a structuring rule for the universe recall Niels Bohrs principle of
the complementarity of concepts: Atomic physics has to use different types of mutually
exclusive descriptions in order to obtain an adequate description of the processes through the
play of different images.5 The quantum theory imposed the alternative use of contradictory
concepts in order to found an ontology of coexistent contrary states that transcend the limits
of our reason modelled according to a logic of noncontradiction: We have to use alternatively
different mutually contradictory intuitive images to describe the smallest matter particle states
Heisenberg. But if this new ontology poses difficult problems to European thinking
(modelled as it is by Aristotelian logic), it seems perfectly intelligible to the mythical one in
return, would it be Oriental or preSocratic. Niels Bohr acknowledged that parallel between
the quantum theory and Oriental thought when he chose the Chinese symbols of the polar
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archetypal opposites yin and yang (taichi) for its coatofarms together with the inscription
Contraria sunt complementa6
Besides modifying the relationship between entity and process, the new concept of
scientificalness is based on a modified relationship between the observer and the observed
object. PostEinsteinian science cancels the opposition between the detached, objective observer
and the observed object which was a constitutional opposition in classical physics. Heisenberg
noticed that in atomic physics one cannot speak of the behaviour of particles independently
of the process of observation any more, so that the usual division of the world into subject
and object is no longer suitable. The quantum theory states the existence of an observer whose
dialogue with nature is carried out from within nature, to which we belong ourselves, since
we take part in its building.7 John Archibald Wheeler suggested to replace the notion of
observer by participator, considering our involvement in the universe we observe; Niels
Bohr noticed, with regard to the observers position in the universe: On the stage of the world
we are not only spectators, but we are actors too.8 The same cancelling of the transcendental
subject (a subject who contemplates the universe from the outside) took place in philosophy,
starting with the coincidence between actor and spectator in Nietzsches view of the Greek
mysteries, and ending with Derridas deconstruction of the concept of subject. Consequently,
the same process occured in literary criticism, which proclaimed the disappearance of the
author absorbed into the play of textual selfproduction.
The authors demiurgic status was celebrated from Renaissance to romanticism. Even
naturalism acknowledged the authors privileged position as an experimenter. Therefore,
the authors disappearance marks a climax in the crisis of the category of individual. la disparition locutoire du poete, proclaimed by Mallarm opened a new age in European culture. The
age I have generically named modernism has been defined by Thomas Mann, in his novels
(see Doktor Faustus) and essays (see Goethe as an Exponent of the Bourgeois Age), as the time
when bourgeois culture (meaning the cultural model of the Renaissance) comes to an end.
If we agree to define modernism as an expression of the crisis of Renaissance humanism
(i.e. a crisis of the transcendental subject and, by and large, a crisis of the category of individual),
a thinker like Bachelard, who guides us in understanding the new scientific spirit, will appear
himself as an exponent of the modernist crisis since his entire work relics on breaking up the
human being into two constitutive parts. To put it in other words, Bachelards thinking is based
on the structural and functional opposition between scientific meditation (the subject of his
works on the philosophy of science) and the poetic day dreaming studied in his famous works
on material imagination; hence, it is based on the opposition between reason and imagination
or between spirit (Ceisf) and soul (Seele), to use the terms Bachelard borrowed from Ludwig
Klages. The existence of the spirit is rational, active, free of the fixity of the subconscious;
the existence of the soul (expressed in poetry) is contemplative and conservative. The
nonanthropocentric character of contemporary scientific thought does not therefore disturb
the anthropocentricity specific to the souldominated space. In his wonderful Poetique de
Iespace, Bachelard opposes existentialism openly, and builds an image of the human being
as happily integrated into the void through poetic day dreaming. However, his works remain
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symptomatic for the modernist crisis since the happy cosmic reintegration of the individual,
that he promises, lies in fact on its former destructuring, on the ultimate divorce between
spirit and soul. Bachelards nocturnal man is a palliative, not a solution for the crisis:
he is totally unable to understand the revelations of the spirit, but perpetuates (by his day
dreaming) the happy unconsciousness of the childhood of mankind expressed in poetry; yet
poetry is only an atavism, even if a comforting one. In the new context brought about by the
nonanthropocentric thinking, Bachelards attempt to rescue traditional humanistic values by
means of splitting the human being into two irreconcilable psychic areas is thus the very
expression of the crisis of the transcendental subject.
However, from the thirties on, European culture seems interested again in rebuilding the
unity of the subject and rethinking the status of the individual. I will therefore call
postmodernism the cultural model which aims at a new synthesis by integrating the modernist
crisis and even going beyond it in an effort to rehabilitate (on a dynamic basis) the individual
as a category. Postmodernism is a term borrowed from architecture, its meaning not having
been clarified yet. It displays therefore all the shortcomings (and the advantages too) of such
a conceptual irresolution. The attempt to include the divergent cultural trends specific to the
latter half of the present century in the unique sphere of postmodernism has produced rather
contradictory results. Ihab Hassan, one of the first and most interesting theorists of literary
postmodernism, tries to define it as the crossing point of opposed trends which coexist within
contemporary pluralism, and he thinks postmodern irony to be the point where we begin to
move from the deconstructive to the coexisting reconstructive tendency of postmodernism.
Hassan also holds pluralism to be unable to tell postmodernism from modernism; he finally
suggests, as differentiating criteria, the coexistence of critical pluralism and a limited critical
pluralism (which) is in some measure a reaction against the radical relativism, the ironic
indeterminacies of the postmodern condition.
Recent theorists define postmodernism in terms of aestheticism, i.e. in terms of the
prevalence of aesthetics over reason, even if the postmodern aesthetic turn rejects
modernist elitism and absorbs so many themes of mass culture and the dominant values of
the consumer society10. Shusterman considers the modernism vs. postmodernism opposition
as the renewal of the classic vs. romantic dispute. Postmodernism becomes a sort of new
romanticism; its historical consciousness opposes the classic, nonhistorical. thinking specific
to modernism and expresses itself through the genealogical narrative which, according to
Shusterman, not only seems the best way to theorize the postmodern but may be the only valid
form that any postmodern theory can take.
Postmodernism is still, obviously, a term looking for its own meaning. Its ambiguous
conceptual status has some advantages too, of course; for instance, the advantage of leaving
us free to define it in terms correlated with those we used in defining modernism. In doing
so, I have to begin with an important remark: I do not consider postmodernism to be a cultural
stage following a closed modernist period, but a synthetic cultural model that arose (in response
to the modernist one) during the thirties. I think both modernism and postmodernism are still
active and do function as alternative cultural models. When I advance the hypothesis of a partial
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temporal coexistence of modernism and postmodernism, I am far from the complete freedom
Jean Franois Lyotard manifests in using the terms under discussion: in Lyotards views, a
work can become modern only if it is first postmodern. Postmodernism thus understood is not
modernism at its end but in a nascent state, and this state is constant.11
The criterion I intend to use in order to differentiate the two cultural models under discussion
is the destructuring and restructuring of the category of individual. I have to underline the fact
that this restructuring implies a full consciousness of the modernist crisis of the subject and,
consequently, the attempt to solve it by means of a new definition of the subject: the individual
will not be conceived as an isolated entity any longer, but as a dynamic system, a structural
knot of relationships through which the texture of the whole does exist. I will mention some
arguments in this respect, all belonging to fields outside literature. Let me recall, for instance,
the developments in psychology from the modernist Gestalt psychology to a dynamic
perspective achieved by Jean Piagets genetic structuralism which studies the process of
building the subject in connection with the process of building reality, i.e. of setting up the
object. Constantin Noicas contribution to placing logic on a postmodern basis also seems
most interesting. In his Letters on Hermess logic, Noica aims at rehabilitating the individual
within a traditionally nonindividual domain such as logic. Logic and ontology converge in
Noicas perspective, and the place of concepts is taken by holomers, i.e. by privileged
individuals in and through which the general does exist, does come into being. Noicas
holomers meet, within postmodern thought, the holons studied in biology by Arthur
Koestler. Dynamic wholes opposing the atomistic view, the holons allow us to study
organisms and their levels of dynamic structuring by isolating components that derive
meaning only from their place in the complete hierarchy.12 In a dynamichierarchical
perspective of life, man is a hierarchically structured being and a part of the hierarchical
structure in which he is included, at the same time. Inspired by Koestlers holons, Jeffrey
S. Stamps creates holonorny, a discipline that studies human systems.13 But the most
interesting arguments come from cosmology, which symptomatically turns towards an
anthropocentric cosmological model materialized in the anthropic principle, according to
which the whole cosmic evolution aims at creating the selfconsciousness of the universe, i.e.
the human mind.14 Thus defined in relational terms, the individual (a holomer, or a dynamic
holon) looks for his place in the tissue or texture of the world. The starting point of this
process is to be found In the thirties. A good example for such an early postmodern
reconstructive tendency might be found nd in Lucian Blagas philosophy centred on the concept
of metaphor. Diametrically opposed to Bachelards view on the splitting of the human being,
Blagas system unifies both cultural creation and postEinsteinian thought in the realm of the
dogmatic eon. The Romanian philosopher aims at unifying modernist pluralism within a
system that holds mans creative cultural destiny to be an ontological mutation: Our idea
about the ontological mutation is meant to hierarchize and amend the phenomenological pluralism from a metaphysical point of view, and to pave the way back for a total, unitary vision.
The cosmotic subconscious in Blagas philosophy, the archetypal structures Mircea Eliade
discovers both in mythical thinking and in the mechanisms of the contemporary novel, Matilda
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2.
3.
4.
5.
6.
7.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, 1934 15th edition, Paris, 1983; Id, Dialectica spiritului tiinific
modem (The Dialectics of the Modern Scientific Mind), vols. III, Bucharest, 1986; W. Heisenberg, Pasi peste
qranie (Steps Over the Borders), Bucharest, 1977; Anton Dumitiiu, (Elssays), Bucharest, 1986; Id, htoria
loqicii (A History of Logic), Bucharest, 1975.
I. Lotman, Lecii de poetic structural (Lessons in structural poetics), Bucharest, 1970; ld., Problema
semnificaliilor n sistemele modelat seconde (The problem of Meaning in the Secondary Modelling Systems),
in Sorin Alexandrescu, Mihail Nasta (eds.), Poetic i stilistic. Orientri moderne (Poetics and Styiistic s. Modem
Oncnt.itions), Bucharest, 1972; Ion Barbu, Pagini de proz (Prose Fragments), Bucharest, New York, 1958,
p. 107, New York, 1958, p. 107.
See I. Prvus Foreword to Heisenberg, op. cit., p. XXI.
Apud Heisenberg, op. cit., p. 125.
A thoughtful study on the relationships between the mythical and the contemporary scientific thinking is Florin
Felecans Fizic i filosofie. Spre un orizont categorial nou, neclasic (Physics and philosophy. Towards a new
categorial, nonclassical, horizon), in Filosofia fizicii (The Philosophy of Physics), Bucharest, 1984.
I. Prigogine, I. Stengers, Noua alian (The New Alliance), Bucharest, 1984, p. 315.
Apud Heisenberg, op. cit., p. 113.
lhab Hassan, Pluralism in Postmodern Perspective, in Critical Inquiry, vol. 12, n 3, Spring 1986, pp. 503520
(Hassan brings up hre the concept defined in his Dismemberment of Orpheus).
Fredric Jameson, The Idologies of Theory. Essays, Minneapolis, 1988, reviewed by Richard Shusterman in
Postmodernism and the Aesthetic Turn, in Poetics Today, vol. 10, n 3, Fall 1989.
J.Fr. Lyotard, The Postmodern Condition: A Report on Knowledge, Minneapolis, 1984, p. 79.
On Koestler, see G. Steiner, Extraterritorial. Papers on Literature and Language, London, 1972, pp. 183 & fol.
Solomon Marcus, Timpul (Time) Bucharest, 1985, p. 327.
Solomon Marcus, Invenie si descoperire (Invention and Discovery), Bucharest, 1989, p. 63.
Lucian Blaga, Trilogia culturii (The Trilogy of Culture), Bucharest, 1944, p. 476.
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Souvenons nous que, dans son manifeste de 1909, Marinetti dclarait que les muses peuvent
tre visits une fois par an comme on va au cimetire pour la Fte des morts et il poursuivait
en disant que admirer un tableau ancien cest comme si lon versait notre sensibilit dans
une urne funraire au lieu de la lancer le plus loin possible, dans les spasmes violents de laction
et de la cration. Et Virginia Woolf, esprit moderniste beaucoup moins radical, qui a gard
dans son uvre de nombreux lments de la tradition culturelle, faisait remarquer que les
procds les plus importants de la narration raliste sont, pour nous, tombs en dsutude,
leur conventions sont mortes.3
Une telle rhtorique a t reprise aujourdhui, constatent certains exgtes du postmodernisme. Mais, cette fois, ce nest pas la tradition dans son ensemble, mais le modernisme
qui est en butte aux attaques. Observant que le modernisme a t absorb dans une grande
mesure, Hal Poster en dduisait quil est dominant, mais mort.4 Beaucoup plus inflexible,
Leslie Fiedler crivait, il y a une vingtaine dannes: Le type de littrature qui sest arrog
le nom de moderne (avec la prsomption quil reprsente le moment suprme du progrs de
la sensibilit et de la forme, quaudel dune telle littrature la nouveaut nest plus possible)
et dont le triomphe a dur de la veille de la premire guerre mondiale jusqu tout de suite
aprs la seconde guerre, est mort, cestdire appartient lhistoire et non lactualit.5
Il est impossible de ne pas observer la distinction nietzschenne entre lhistoire et lactualit
qui provient videmment, de larsenal moderniste que Fiedler se rende compte ou non de
ce dtail. Mais mme si lon accepte lide que le modernisme est mort, on ne peut cependant
pas en dduire qui pourrait bien tre son successeur. Dautant plus que mme dans les
discussions sur lpoque daprs le modernisme, la mtaphore de la mort a t souvent
invoque. Franco Moretti, par exemple, soutenait que les grandes uvres du modernisme ont
constitu la dernire priode littraire (cest Moretti qui souligne) de la culture occidentale.
Dans un intervalle de quelques annes, la littrature europenne a atteint sa limite extrme et
semblait tre sur le point douvrir des horizons nouveaux, illimits. Mais il nen a rien t:
au contraire, elle est morte. Quelques icebergs isols et une multitude dimitateurs, mais rien
de comparable au pass.6
Sentiment qui a trouv son expression la plus clbre dans lessai What Was Modernism?
de Harry Levin. Convaincu que le mouvement moderniste comprend lune des plus
remarquables constellations de gnies de lhistoire de lOccident7, Levin considrait le
postmodernisme en premier lieu comme une perte de ltat de grce et comme la disparition de la race des gants (p. 278), sa littrature montrant trop peu dintrt pour la vie
de lintellect (p. 273) mais dcouvrant, en revanche, la qualit dans la stupidit et dans la
dfense de lignorance (p. 292). Lessai de Levin a joui dune large audience, il a t trs
bien apprci dans de nombreux cours universitaires; il convient cependant de mentionner quil
ne nous dit pas grandchose de ce qui sest pass, en fait, aprs le modernisme, bien que le
titre exprimait le dsir de dcouvrir la manire dont sachve cette priode, de telle sorte quelle
ne soit pas contamine parce qui sest pass ces derniers temps.8 Les jugements de valeur
de Levin russissent (peuttre sans le vouloir) exclure toute investigation analytique et
historique de la mutation littraire quil postule.
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Les questions essentielles que se posent les commentateurs des rapports entre les deux
priodes de lhistoire de la culture de ce sicle sont, mes yeux, engendres soit par la nostalgie,
soit par un tat desprit qui ressemble celui des artists de lavantgarde, habitus contester
tout ce qui appartient une autre orientation littraire ou artistique.
Peuton cependant prononcer le mot schisme, quon retrouve dans certaines tudes dil y
a une vingtaine dannes?9 En tout cas, lattitude de certains participants aux dbats qui eurent
lieu la fin des annes 60 et au dbut de la dcennie suivante est rvlatrice, un grand nombre
dentre eux tant des auteurs dune uvre influente, qui ne reconnaissaient pas lexistence dune
faille entre le modernisme et le postmodernisme.
Frank Kermode, par exemple, proposait quon fasse une distinction sommaire, trs utile,
entre les deux phases (cest nous qui soulignons) du modernisme et quon leur donne le nom
de palo et de nomodernisme; elles se sont consacres, dans la mme mesure, au thme
de la crise, vue sous le mme clairage apocalyptique; mais bien quelles aient eu ces choses
en commun, il y a aussi des diffrences entre ces phases qui, si elles seront tudies, pourront
tre dfinies et montreront quelles ne sont pas si grandes quelles ne laissent nous empcher
de les qualifier toutes les deux de modernistes.10 Ces mots de Kermode peuvent tre lus
comme une rponse aux demandes pressantes des artistes et des critiques des annes 60 dtre
nomms postmodrnistes. Dans un volume publi deux ans auparavant, Kermode reconnaissait que les aspects schismatiques... sont devenus plus vidents, mais attirait en mme
temps lattention sur luvre de Beckett, un pont entre les deux tapes et galement
lillustration de lorientation vers le schisme.11 Le palomodernisme aurait t obsd par
lide de rcrire son propre pass, alors que le nomodernisme serait bruyamment
antihistorique et nihiliste (p. 122). Ce dernier est, selon Kermode, plus accessible que la
premire phase du modernisme: Le fait quil est difficile de parler du nouveau modernisme
devrait reprsenter un signe quil y a un abme entre llite et le reste, et cela nest quun de
ses aspects apocalyptiques. (p. 115)
Les conclusions de Kermode sont lvidence opposes celles auxquelles sont
parvenues dautres thoriciens prominents du postmodernisme. Son interprtation du
postmodernisme est souvent schmatique: voulant dmontrer de quelle manire le totalitarisme
de la forme (terme par lequel Kermode entend la tyrannie de la forme) reflte le totalitarisme
dune socit autoritariste ferme, il en conclut que cest cause de cela que des crivains
comme Pound, Eliot, Yeats, D. H. Lawrence et Wyndham Lewis ont perdu le lien avec la
ralit. Il est significatif quon ne trouve pas Virginia Woolf dans cette numration, sans
doute parce quelle aurait compliqu la dmonstration. Mais, bien entendu, Joyce ne pouvait
tre absent: lomission aurait t franchement scandaleuse; Kermode a recours alors une
explication dune gaucherie surprenante: Joyce serait un raliste12 (lun des arguments qui
cherche sauver le crateur dUlysse de lenfer du modernisme). Ce qui est encore plus
symptomatique pour les consquences de la critique canonique (le canon est alors trop rigide),
la thorie de Kermode est applique exclusivement la scne littraire britannique, le
phnomne moderniste du Continent tant completement absent de sa dmonstration.
On en arrive ainsi donner raison une commentatrice relativement rcente, Marjorie
Perloff13, qui faisait remarquer que deux groupes de critiques du modernisme, introduisant
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dans le dbat des acceptions diffrentes du mme canon, peuvent prouver que la priode
moderniste est dfinie par deux crivains trs diffrents lun de lautre et quelle devient soit
Pound era, soit Stevens era. Ds quun seul crivain ou un groupe restreint (comme dans
largumentation de Kermode) est investi de ce privilge suprme, les problemes sorientent
fatalement vers une conclusion prformule. Mais le choix nest jamais convaincant et Perloff
aboutit la conclusion quil faudra parler daspects tout fait differents de lhistoire littraire
si lon accepte lide sans conteste lgitime que la premiere moiti de notre sicle peut
tre nomme Eliot era (p. 506).
Un livre publi il y a une dizaine dannes et qui a donn lieu de nombreuses discussions
Mapping Literary Modernism: Time and Development, de Ricardo Quinones15 tmoigne de
la diversit des points de vue qui peuvent dterminer la formation dun canon moderniste. Ce
livre met en vidence sans lombre dune hsitation son propre canon moderniste: Comme
il ressort clairement, cette tude mettra laccent sur les modernistes classiques, dont la tradition
a tendance crer des groupes sur la base de litanies devenues maintenant familires: Proust,
Mann, Pound, T. S. Eliot, Stevens, Joyce, Virginia Woolf, D. H. Lawrence, Kafka. (p. 18)
Quinones commence, en fait, son tude en isolant des chefsduvre modernistes de la
littrature du XXe sicle (p. 6) et les dissocie des diverses avantgardes parce que au bout
du compte, dans les chefsduvre des annes 20 et 30, les modernistes les plus importants
sont alls plus loin que leurs associations prcdentes avec lavantgarde et ont donn ces
crations un sens des rapports avec leur propre personnalit dont le rsultat est une exprience
esthtique complte (p. 19).
Quinones se rfre donc une scission historique, mais ses critres semblent tout fait
arbitraires16: comment les rapports avec leur propre personnalit et lexprience esthtique
complte pourraientils tre considrs comme des caractristiques intgrales de luvre en
question? Largument central de Quinones dmontre ainsi, une fois de plus, larbitraire du type
de canon quil emploie: le modernisme est considr un mouvement constamment orient en
avant, il se spare nettement de ses prises de position antrieures, ngativistes, et se rapproche
sans cesse des dimensions mythiques vocatrices de la tragdie grecque (p. 8). Quinones
dcouvre que ce but est atteint dans Quatre Quatuors, dans Joseph et ses frres et dans
Finnegans Wake. Mais Kafka, par exemple, nest qu peine mentionn, en passant...
Le point de vue oppos, celui de Kermode, qui soutient la thse de la continuit des deux
phases du modernisme est galement adopt par Julia Kristeva, bien que celleci accorde plus
dimportance aux phnomnes modernistes rcents. La littrature exprimentale moderne
(quon nomme lcriturecommeexpriencedeslimites) est expressive par la manire dont
le rservoir biologique menace le systme symbolique, ltre parlant se rvlant capable dune
restructuration inimaginable du langage ou du discours que guettent des crises ou des
effondrements.17 Le passage du modernisme au postmodernisme est considr plutt comme
une modification que comme une transformation radicale: La question est de savoir si cette
frontire de lcriture a chang daspect et dconomie, de Mallarm et Joyce nos jours,
ceuxci refltant ensemble la qualit radicale contemporaine de lcriture de frontire qui, dans
dautres civilisations, dautres poques, trouvait des analogies dans la tradition mystique.
Si lon prend Artaud ou Burroughs comme exemples, il devient clair que leur criture doit faire
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face plus directement que chez leurs prdcesseurs lasymbolicit spcifique de la psychose
ou au cours logique et phontique qui pulvrise et multiple le sens en prtendant jouer avec
lui ou bien la fuir. (p. 139)
Largumentation de Lyotard en faveur dun type de continuit ou plutt dun tat natif
permanent o le postmoderne est constamment une partie du moderne est plus surprenante.
Il y a mme plus: une uvre ne peut devenir moderne quen tant dabord postmoderne.18
Le postmoderne est lexpression exprimentale, dans lcriture mme, dans le signifiant, de
ce qui ne peut tre prsent. De telle sorte quil est that which, in the modem, puts forward
the unrepresentable in prsentation itself; that which dnies itself the solace of good forms,
the consensus of a taste which would make it possible to share collectively the nostalgia for
the unattainable (p. 81). La clbration de lexperimentalisme se marie, chez Lyotard, la
notion g nrale de condition postmoderne qui se caractrise par leffondrement des mthodes
narratives de lOccident et par la perte de la vigueur de leurs codes historiques et de leur force
dexplication. En termes esthtiques, sa thorie semble impliquer un programme litiste mais,
parce quil rejette une nostalgie que partage la collectivit, Lyotard peut tre considr comme
quelquun qui cherche reduire nant tout type de prise de possession fasciste, menaant
ceux qui explorent les frontires ou qui cherchent tudier en profondeur ce qui ne peut tre
prsent.19 Une telle lecture rapproche Lyotard, cet gard, de Kristeva, qui est tout fait
consciente de lambivalence idologique de lcriturecommeexpriencedeslimites
(parce quil existe toujours des forces prtes nous sauver du chaos). Mais Kristeva aussi bien
que Lyotard sont inflexibles quand ils postulent la continuit de la rvolution potique.
La plupart de ceux qui voient une continuit entre les deux modernismes sappuient
cependant sur leur perception ngative de tout le phnomne. La critique de Gerald Graff est
un tel exemple; dans Literature Against Itself, il soutient que toute la trajectoire de la littrature,
du romantisme au modernisme et ensuite au postmodernisme, de mme quune grande partie
de la thorie littraire moderne, est une attaque massive non seulement contre le ralisme, mais
aussi contre toute possibilit de maintenir lobjectif fix sur la ralit. Il conteste la description
standard du postmodernisme comme tant un renversement des traditions romantiques et
modernistes, soutenant que le postmodernisme doit tre plutt considr comme un
sommet logique des prmisses de ces mouvements antrieurs qui ne sont pas toujours
clairement dfinis dans les discussions sur ces questions.20
Nous serions tents de dire la mme chose des prmisses tablies justement par Graff lui
mme au sujet de la continuit du romantisme et du modernisme surtout lorsquil slve
avec vhmence contre lide de dissocier le romantisme du modernisme. Il signale, par
exemple, qualors que Barthelme pourrait avoir lintention de se sparer de la tradition
moderniste parce quelle accepte la nature de larbitraire et la nature artificielle de sa cration
(p. 53), cette sape consciente (qualifie de dplorable par Graff) de la lgitimit objective
de luvre est, en fait, partie intgrante des potiques modernistes.
Charles Newman, son tour, dans The PostModern Aura considrera que le pluralisme
de lart contemporain est parallle laccroissement de la division sectaire de la socit.21
Newman ne voit aucune contradiction dans la discussion dun systme qui est astructur
(p. 70) ou dun hyperpluralisme dans lordre social (p. 33). Ou, aprs avoir affirm que le
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capitalisme moderne est sans aucun doute un phnomne pluraliste et non unitaire (p. 53), il
aboutit mme, quelques pages plus loin, la conclusion que le problme de notre culture
pluraliste est quelle nest pas trs pluraliste (p. 135). Ce qui est rel au sujet du
postmodernisme crit Newman cest bien la manire dont il reflte une socit qui nest
plus, en aucun sens, concentrique, et qui est, dautant moins, celle dun capital concentrique
(p. 58). Surprenante perspective qui nest, en fait, quune actualisation du point de vue de
Lukcs lequel, souvenonsnous, affirmait que le chaos du texte, dans les crits modernistes,
nest pas une rplique mais un reflet exact de la socit capitaliste; la diffrence, cependant,
que le contexte tait alors dfaitiste.
Il ne faut donc pas stonner de voir Newman nous dire non seulement que le modernisme
est une rvolution sans ennemi (p. 192), mais aussi que nous vivons dans une socit sans
classes (p. 197) une allusion sans doute aux tatsUnis surtout. Et cela alors quun autre
exgte prominent du modernisme, Daniel Bell, accusait violemment le modernisme pour
ltat chaotique et hdoniste de la culture populaire moderne.22
Laccord final auquel parviennent Graff et Newman dans leur critique est un appel pour
mettre fin la prsentation antagonique de la production esthtique sous la forme de
lexprimentation et de lantimimtisme.23 Non parce quils croiraient leffet destructeur
de la culture moderne mais parce quelle est inutile dans une socit qui ne peut tre identifie,
daucune manire, comme tant hostile. Nous nous trouvons dans une situation o lon dclare
que le modernisme, quelle que soit sa forme, est bel et bien mort; mais acceptant un tel fait,
Graff et Newman se soumettent une puissante force idologique, savoir celle qui cultive
lillusion quil nexiste pas de centre idologique dans une socit capitaliste.24
Seraitce l largument final de ceux qui, constatant la continuit de lvolution capitaliste,
malgr ses nombreuses modifications, aboutissent la conclusion que le modernisme, aussi
bien que le postmodernisme, produit du capitalisme, sont tous deux des phnomnes
continus? Il nous faut constater que la plupart des thories de la continuit sont issues,
directement ou indirectement, de cette vision unitarienne. Ce qui rclame, sans doute, une
reconsidration qui parte obligatoirement non de la relation traditionnelle social / culturel, mais
de lanalyse compare des uvres mmes.
NOTES
1
2
3
4
5
Astradur Eysteinsson, The Concept of Modemism, IthacaLondon, Cornell University Press, 1990, pp. 103104.
Stephen W. Melville, Philosophy Beside Itself: On Deconstruction and Modemism, Minneapolis, University of
Minnesota Press, 1986, p. 75.
Virginia Woolf, Mr. Bennet and Mrs. Brown, in Collected Essays, I, London, Hogarth Press, 1966, p. 330.
Hal Foster, Postmodernism: A Prface, in Hal Poster (d.), The AntiAesthetic: Essay on Postmodem Culture,
Port Townsend, Wash., Bay Press, 1987, p. IX.
Leslie A. Fiedler, Cross the Border Close That Gap: Post Modemism, in Marcus Cunliffe, (d.), American
Literature Since 1900, History of Literature in the English Language, vol. IX, London, Barrie and Jenkins, 1975,
p. 144.
Franco Moretti, From The Waste Land to the Articifial Paradise , in Signs Taken for Wonders: Essays in the
Sociology of Literary Forms, trans. by Susan Fischer, David Forgacs and David Miller, London, Verso, 1983,
p. 203.
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Harry Levin, What Was Modemism?, in Refractions: Essays in Comparative Literature, New York, Oxford
University Press, 1966, p. 284.
Astradur Eysteinsson, op. cit., p. 106.
Par exemple chez Stephan Kohler, Postmodernismus: Ein begriffsgeschichtlicher berblick, in Amerikastudien,
22 (1977), pp. 818.
Frank Kermode, Continuities, New York, Random House, 1968, p. 8.
Frank Kermode, The Sense of an Ending: Studies in the Theory of Fiction, New York, Oxford University Press,
1966, pp. 114115.
Idem, p. 113.
Marjorie Perloff, Pound / Stevens: Whose Era?, in New Literary History, 13 (Spring 1982), pp. 485 510.
Voir galement Fredric Jameson, Ulysses in History, in W.J. McCormack, Alisier Stead (eds.), James Joyce
and Modem Literature, London, Routledge and Kegan Paul, 1982, pp. 126141.
Princeton, N.J., Princeton University Press, 1985.
Voir aussi, cet gard, les conclusions de lanalyse entreprise par Eysteinsson, op. cit, p.7.
Julia Kristeva, Postmodernism, in Harry R. Garvin (ed.), Romanticism, Modemism, Postmodernism (Bucknell
Review, 25, n 2, Lewisburg, Pa., Bucknell University Press, 1980), p. 187.
JeanFranois Lyotard, Answering the Question: What is Postmodernism?, trans. by Rgis Durand, publi comme
appendice The Postmodern Condition: A Report in Knowledge, trans. by Geoff Bennington and Brian Massumi,
Minneapolis, University of Minnesota Press, 1984, p. 79.
Astradur Eysteinsson, op. cit, p. 108.
Gerald Graff, Literature Against Itself: Literary Ideas in Modem Society, Chicago, University of Chicago Press,
1979, p. 32.
Charles Newman, The PostModem Aura: The Act of Fiction to an Age of Inflation, Eyanston, Illinois, Northwestern
University Press, 1985, p. 9.
Daniel Bell, Byond Modernism, Beyond Self, in The Winding Passage: Essays and Socioiogical Journeys,
19601980, New York, Basic Books, 1980, p. 293.
Charles Newman, op. cit., p. 198.
Astradur Eysteinsson, op. cit, p. 142.
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Un audel de la modernit?
Il y a dabord une question de mots. Lexpression postmoderne est apparue dans un
numro de Posie 44, au cur dun pome de Francis Ponge, intitul Posie postrvolutionnaire. Telle est lune des premires manifestations du postmodernisme, si lon suit
lesthticien Horia Bratu1 qui, pour sa part, compte trois types de postmodernisme. Dabord
un postmodernisme n du ralisme socialiste postrvolutionnaire en Russie, et auquel le pome
de Francis Ponge participe, sinon pour la forme, au moins pour les sens. Ensuite, ce qui fut
le modle de ce que lAnglais Arthur J. Penty dsigna comme la socit postindustrielle, et
que le sociologue amricain Daniel Bell consacra trs largement avec The End of Ideology2
suivi en France par les sociologues Alain Touraine et Joffre Dumazedier3. Enfin, le courant
contemporain, essentiellement artistique et philosophique: voici, pour ne citer que deux
ouvrages typiques, en architecture celui de Paolo Portoghesi, Le PostModerne. LArchitecture
dans la socit postindustrielle4, et en philosophie celui de JeanFranois Lyotard, La Condition
postmoderne5. Mais le postmodernisme reprsente galement un courant aux varits littraire
et musicale.6
Le postmodernisme correspond soit une dlgitimation de la modernit, soit un retour
du refoul: dans les deux cas, en bref, il sagit, non pas simplement de savoir ce qui est mort,
comme le faisait lavantgarde, mais de laimer encore. Surtout suivre les critiques littraires
amricains, les problmes de dfinition semblent se compliquer si, comme eux, on tente
finalement de faire endosser la notion de postmodernisme toutes les modes rcentes et tous
les noms en vogue de ces dernires dcennies. Pour Richard Palmer, Nietzsche nest pas le
seul avoir une vision postmoderne de lhomme, mais encore avec lui Heidegger, Gadamer,
Derrida et Foucault.7 Ainsi, on note, chez Matei Clinescu, la distinction entre lavantgarde,
la noavantgarde, et le postmodernisme8; toutefois, les nuances dans les dfinitions ne sont
pas toujours soutenues, comme le souligne lhab Hassan, puisque Clinescu peut assimiler le
postmoderne la noavantgarde, et mme lavantgarde. Comme on voit, interprt du point
de vue de lart, le postmoderne sopposerait moins au moderne qu lavantgarde: du
moins, le moderne, compar au postmoderne, impliquerait une volont incessante de renouveau, et donc le partipris de lavantgarde. Car et cela dans le langage des historiens ,
moderne ne soppose pas seulement antique, mais encore la notion de moyenge;
de plus, les historiens ne fontils pas succder la notion de contemporain celle de moderne?
Aussi Jean Lefranc faitil distinguer entre une modernit relative et une modernit
absolue9, la premire lie toute poque, la dernire, indpendante de la chronologie et
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nestce pas ce qui se trouve la base mme de la tendance moderne: une hyperconscience
de soi volontairement ignorante du corps, en mme temps quune hypertrophie spcifique de
lesprit, dveloppe au mpris du cur? Dune part, une dysharmonie entre lesprit et le corps
et, dautre part, cette autre dysharmonie entre lesprit et le coeur impliquaient le fait que ft
entam un srieux bilan de la modernit.
Lheure du bilan?
Sans doute, la pousse hypermoderne cristallisetelle les rsultats dun bilan.
Or, vieux dun sicle, nous trouvons dj, anticip chez Nietzsche, un vritable bilan de
la modernit. Ne prvoyaitil pas pour le XXe sicle, quil pressentait en prophte, une culture
de polytechniciens et de spcialistes, une rvolution sociale dcevante, la multiplication des
autorits, le renouveau des religions, le gaspillage du capital ancestral, la contradiction du
monde des valeurs, la perte du centre de gravit en mme temps que labandon de la dignit
humaine? Aussi ny atil rien de nouveau affirmer que la postmodernit philosophique
nat dans luvre de Nietzsche.13 Nietzsche natil pas prdit pour lEurope ce nihilisme dont
il voyait dj les cent signes ?
Notre civilisation europenne tout entire se meut dj depuis longtemps sous la tension
torturante qui crot de dcennie en dcennie, comme pour finir en catastrophe: inquite, violente,
prcipite; comme un courant qui veut en finir, qui ne rflchit plus, qui craint de rflchir.14
Le signe le plus gnral des temps modernes: lhomme a incroyablement perdu en dignit
ses propres yeux. Longtemps le centre et le hros tragique de lexistence en gnral; ensuite
au moins embarrass de dmontrer son affinit avec laspect dcisif et valable en soi de
lexistence, comme le font tous les mtaphysiciens qui veulent tablir la dignit de lhomme
en sappuyant sur leur croyance que les valeurs morales sont des valeurs cardinales. Qui renonce
Dieu, tient dautant plus fermement la croyance, la morale.15
Mais si le pessimisme moderne signifie pour Nietzsche la vanit du monde moderne, il ne
signifie pas cependant linutilit du monde, ni mme la nullit de lexistence. Il sensuit que
le nihilisme dfinitif de lEurope ne peut tre pour Nietzsche que lchec des valeurs morales
penses comme notre mobile fondamental. Dans cette optique, luvre de Nietzsche et, en
particulier, La Gnalogie de la morale sinscrit dans une voie contraire au nihilisme compris
comme consquence de notre valuation morale. Quant au pessimisme, il nest alors quune
premire forme de nihilisme.16 Pessimisme et nihilisme ne sont donc pas des positions
morales prises dlibrment, a priori ou absolument, mais des consquences de la modernit.
Contrairement lopinion reue, cest la modernit ellemme qui se pose audel du bien et
du mal, audel de lhumain et du trop humain: en face de quoi Nietzsche a rig son cole
du soupon, du mpris, du courage et mme de la tmrit.7
On voit quelle topique fondamentale se dessine alors entre le dernier homme, la fois
le produit et ladepte de la modernit qui, en retour et en dpit de tout, lui donne les moyens
de survivre, et le surhomme quil faut en fait plutt penser en tant que le surhumain,
cestdire une transcendance ouverte ce rejeton de lhumanit dpeint par Nietzsche dans
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lAvantpropos dAinsi parlait Zarathoustra: surhumain dont le dernier homme sest jamais
loign:
Voici, je vais vous montrer le Dernier Homme:
Questce quaimer? Questce que crer? Questce que dsirer? Questce quune
toile? Ainsi parlera le Dernier Homme, en clignant de lil.
La terre alors sera devenue exigu, on y verra sautiller le Dernier Homme qui rapetisse
toute chose. Son engeance est aussi indestructible que celle du puceron; le Dernier
Homme est celui qui vivra le plus longtemps.
Nous avons invent le bonheur, disent les Derniers Hommes, en clignant de lil.
Ils auront abandonn les contres o la vie est dure; car on a besoin de chaleur.
On aimera encore son prochain et lon se frottera contre lui, car il faut de la chaleur.
La maladie, la mfiance leur paratront autant de pchs; on na qu prendre garde
o lon marche! Insens qui trbuche encore sur les pierres ou sur les hommes!
Un peu de poison de temps autre; cela donne des rves agrables. Et beaucoup de
poison pour finir, afin davoir une mort agrable.
On travaillera encore, car le travail distrait. Mais on aura soin que cette distraction ne
devienne jamais fatigante.
On ne deviendra plus ni riche ni pauvre; cest trop pnible. Qui donc voudra encore
gouverner?
Qui donc voudra obir? Lun et lautre sont trop pnibles.18
Au contraire, lhomme rdempteur qui apparat dans la deuxime dissertation de La
Gnalogie de la morale, 24, est celuil mme qui saura racheter la ralit, et surtout racheter
lanathme que lidal actuel a jet sur elle.19 Contre un nihilisme de dclin, Nietzsche
propose un nihilisme compris comme force danalyse, et qui permettrait davoir le courage
de ce que lon sait. Car le fond du problme reste et demeure toujours le savoir; on se lapproprie contre le savoir mme: un savoir contre lautre, cestdire aussi un temps contre lautre.
Le postmoderne contre le moderne.
Aussi, que serait le postmoderne, si nous ngligions dy voir une rflexion rebours sur
le temps? On parle, en effet, du passisme postmoderne20, mais dans le sens dune
redcouverte et dune rappropriation de toutes les traditions et de tous les langages qui, dans
le pass, ont illustr chaque domaine artistique.21 De toute manire, le moderne a dj partie
lie au temps. Quon lise JeanPaul Doll quand il voque le Salon de 1846 de Baudelaire:
Le sens du moderne, cest lhorrible sentiment vcu, plus ou moins sublim par la
science, la politique ou lart, que rien ne va plus loin que le temps. La temporalit se
suffit ellemme; ni amont, ni aval. Plus de tradition, pas de transcendance, pas
davenir; la modernit, cest le vcu ou la connaissance du temps en tant que temps.22
On sait que le concept dhistoricit proprement dite est li la modernit. En effet, aprs
les anciennes chroniques au fondement thologique et pique, aprs lhistoire rhtorique, aprs
lhistoire hroque et moraliste, qui, les unes et les autres, ne se dployaient que comme discours
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forgs sur le modle spirituel ou moral, cestdire: aprs une histoire pour laquelle le temps
nexistait pas ou nexistait que comme ascse23, lhistoire moderne va se dfinir dans le rapport
au tempsprogrs. Le sicle des Lumires voit dans le dveloppement des connaissances
scientifiques la condition de toute valorisation individuelle ou sociale. Lhistoirevolution
aurait t impossible sans le progrs des sciences. Condorcet en est le champion. Ainsi la
dynamique de lhistoire commencetelle avec celle des progrs du savoir.24 Auguste Comte
pourra ensuite expliciter cet esprit positif qui nest autre que le devenirpositif de la
civilisation: lesprit positif est historique, car le mouvement historique est li au comment du
mouvement social et mental, et la civilisation nest quun autre mot pour le progrs.
Envisageant ensuite lavnement du positivisme dfinitif, Comte ne pourra faire autrement
que de le penser comme un accomplisement ramenant la fin ce qui fut au commencement
de cette histoire, avec un ftichisme postscientifique greff sur le positivisme accompli, les
grands ftiches tant la Terre, le SoleilUne sorte dternel retour...
Avant Comte, Hegel, suivant lhistoire de lesprit universel, dbouchait sur la fin de
lhistoire, une posthistoire, qui ntait pour lui que la ralisation (Verwirkiichung) de lesprit
dans lhistoire. Hegel revient aussi un tat initial qui est pour lui la monarchie. De mme
que le ftichisme auquel aboutit lutopie comtiste est un ftichisme organis, de mme la
monarchie laquelle aboutit la philosophie de lhistoire de Hegel est une monarchie labore:
on est pass dune premire royaut patriarcale et guerrire une royaut se situant audel
des dveloppements de la premire en aristocratie et dmocratie. Cette ultime monarchie pose,
selon Hegel, une puissance unique en face des sphres particulires. Dans la considration du
dveloppement de lesprit dans lhistoire, limmdiat fini, dont partait Hegel, devient le rsultat
final; et ce qui vient la fin, lesprit absolu, se renverse en immdiat vritable. Dans La
Philosophie de lhistoire, comme dans La Philosophie du droit, ainsi que dans La Raison dans
lhistoire, Hegel affirme le principe des peuples germaniques dont la mission civilisatrice est,
daprs lui, de raliser lunion des natures divine et humaine, la rconciliation comme vrit
objective et libert apparaissant dans la conscience de soi et la subjectivit.24 Ltat est alors
dvelopp en image et en ralit de la raison.27 Quel peut bien tre le lendemain dune telle
histoire? Marx luimme pouvaitil seulement concevoir ce quil souhaitait pourtant: la
ralisation dune histoire propre une socit sans classes? Pour le XIXe sicle, la solution
des problmes modernes et la fin de lhistoire ne faisaient quune seule et mme chose...
La menace qui pse maintenant sur les modernes est celle davoir se rendre lvidence
dune postmodernit; tant donn les aperus historiques prcdents, ce nest donc pas l une
contrainte nouvelle. Pas plus que Hegel, ni Comte, et pas plus que Marx, nous navons la
capacit de nous reprsenter une modernit adulte, continuant sa progression linfini, aprs
avoir converti ses crises de croissance ou de dveloppement et trouv ainsi que semble lavoir
fait le dernier homme voqu par Zarathoustra toutes les recettes, sinon toutes les mthodes
susceptibles de rsoudre tous les problmes de la modernit. Ce qui faisait obstacle aux
philosophes du XIXe sicle, dont nous smes nanmoins tirer nos belles illusions sociales,
ctait, malgr toute la logique de lhistoire, linfranchissable audel de leurs propres thories,
la limite mme des ralisations de leurs utopies.
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des premiers sens de larchitecture postmoderne. Refus des vieilles formes modernistes et des
interdits quelles impliquaient: refus, avant tout, de labolition de la tradition, de la
sacralisation du nouveau tout prix; refus de lobligation du renouvellement; refus des slogans
modernistes encourags par le CIAM30, et tels que: la forme est conforme la fonction, ou
lornement est un crime, enfin utile = beau. Contre ces mots dordre, larchitecture
postmoderne propose le pluralisme, la diffrence au lieu de lidentit, le mlange des anciens
courants aux nouveaux, le brassage, lhistoire ressuscite. Surtout, le retour au sein de lhistoire
de larchitecture permettrait de rpondre aux problmes ns des transformations culturelles
et sociales.
Enfin, ce qui apparat maintenant, cest que dans lhistoire passe se dcouvrent des modles
pour lhistoire future. Que lon considre lorganisation spatiale gyptienne, globale et absolue,
construite sans espace intrieur, ou lespace grec, htrogne et individuel, articul, ou bien
encore lordre cosmique que les Romains imprimentent leur difices politiques, ou lespace
statique de la Renaissance, ou bien encore le caractre dynamique et systmatique de
lorganisation spatiale baroque, jusquaux Lumires, larchitecture reflte une conception du
monde cohrente. partir des Lumires, quelque chose bascule, car des tches nouvelles
incombent larchitecte. La rvolution industrielle du XIXe sicle va confirmer et accentuer
ce changement en posant les problmes sociaux que larchitecte devra rsoudre dans
lespace urbain. Le dclin de lancien monde, en 1750, date centrale de la prise de conscience
du concept de science positive, va de pair avec les tches nouvelles de larchitecture: ouvrir
lespace la libert du choix.
Mais bientt cette libert sera limite soit par le dogmatisme, soit par le fonctionnalisme:
tandis que le dogmatisme sclrose en dformant, le fonctionnalisme limite ce que lon pense
alors tre lessentiel, mais qui est luimme restrictif. Peu peu, la marche en avant, la contrainte
de lavantgarde entrane loubli des dcouvertes du pass. Cest ainsi que le pass tout entier
est entr au Muse. Une architecture retrouve, au contraire, aborderait maintenant les nouveaux
problmes de la socit postindustrielle au milieu dincessantes ruptures et dinitiatives sans
repos. Aussi, dans le pluralisme postmoderne, une voix slve qui affirme: Il est encore
possible dapprendre quelque chose de la tradition et de relier son uvre aux belles uvres
du pass. Lespace, alors, se pliera notre conception de nousmmes si nos mathmatiques
peuvent traduire notre posie.
Les modes du vcu sont multiples. Ils peuvent tre penss, dcrits, inventoris. Les ensembles spatiaux peuvent tre analyss et classs. Selon les diffrents feuillets despace que
nous visons, nous passons des ordres de grandeur diffrents, et ces feuillets sont superposs.
Dans un mme ordre de grandeur jouent des effets qui sont euxmmes causs par un autre
ordre de grandeur. Cette superposition des effets est rpter partout o lespace est habit,
et lespace habit forme un milieu. Mme si lhabitant ne le sait pas ou ne le sait plus, il est
vrai pourtant que lhomme habite en pote, selon la parole de Hlderlin reprise par Heidegger.
Car le sens qui nous manque dans une modernit puise nous appartient cependant. En
recherchant le sens, nous ne pouvons que nous inscrire audel de la modernit, cestdire
dans la postmodernit. Avec cet art de vivre quest lart dhabiter, lobjet sest effac progressivement, tandis que lart de btir sest banalis sous la domination du principe de ralit.
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Nos habitations sont devenues des machines habiter, nos villes des villesmachines. Le
dmantlement du plaisir dhabiter est devenu contemporain du dmantlement du sujet. Cest
la ruine de lme dans les ruines de lhabitation. Mais, dit le pote, lhomme habite en pote,
et, si laction dhabiter est en crise, cest aussi lhomme luimme qui se trouve en crise son
mode potique dhabiter. La posie conduit lhomme vers lhabitation; celleci est mesure
avec laune de la divinit ou de la transcendance virtuelle en lhomme: lhomme mesure ainsi
lespace clos et ouvert de son existence. Mais questce qui est mesur, sinon le ciel et la terre,
et lentredeux du ciel et de la terre? Btir implique la construction de lartificiel sur la croissance
du naturel, ldification de lautre de la nature en vue dabriter lhumain. Heidegger nous fait
dcouvrir que btir habiter implique dabord le danger quencourt lhumain, sur terre, sous
le ciel, face au divin ou au transcendant, et il nous met en face du quadriparti que nous avons
prserver dans les choses sises au milieu des autres choses. Et ce quadriparti comprend les
mortels, les dieux, la terre, le ciel.32
Quant la formule lhomme habite en pote, elle signifie beaucoup plus pour nous. Elle
veut dire que nous sigeons avec lintuition de lespace dans le statut de limaginaire. Avant
tout, limaginaire est une pense vcue. Cest lapanage de lart et de lesthtique quil y ait
en priorit un statut de limaginaire. Toute notre existence, toutes nos actions baignent dans
ce halo imaginaire qui est notre conception du monde. Nos uvres accomplies renvoient
limaginaire qui les a suscites. Avant de devenir des concepts, lespace et le temps sont des
intuitions a priori (la leon nous vient de Kant): pourtant, lintuition mme de lespace se
produit pour nous sur un fond dintuition du temps, ne seraitce que le temps ncessaire notre
intuition de lespace. Aussi lessentiel, dans lhabiter humain, estil de nous mettre de plainpied
avec limaginaire. Pourquoi? Parce quon ne btit pas dabord pour habiter, comme une logique
moderne et prosaque pourrait le faire croire, mais on habite avant tout selon le statut de
limaginaire btisseur: celuici rpond la parole du pote et mesure avec du symbolique, du
divin, du transcendant, le positif mme de lhabitat. Le millefeuilles de lespace habit, projet
et construit, est englob dans lunit de champ qui constitue lespace cosmique. Cet habitant
par excellence quest lhomme commence par habiter dans limaginaire, et ne ralise quensuite
cette existence laquelle il prte sens: sa mise en uvre ne sera que rtroaction vers les moyens
matriels quil se mnagera.
Tout est trace: ne pas vouloir laisser de trace, cest encore laisser un vide signifiant.
Larchitecture est lart de la trace jouant sur le dj l naturel, assimil, pens, interprt, valu.
Cest une rponse lnigme de ltre par la technie dans ltant des pragmata: traces de
laction, mises au diapason du mot dordre moderne, lutilitaire. Mais ces traces sont devenues
entretemps le signifiant du malaise dans la civilisation, des symptmes.
Le symbolique crivait selon les pleins et les vides dune tradition monumentale
archaque, dont la finalit se conjuguait celle de la confection du tectoral que le toit ft
celui du chariot, du navire, de la tente ou de la hutte , cestdire de labri. Mais quil agisse
de mgalithes ou de palais, de tombeaux ou de foyers, cest un mode de pense qui peut prendre
la forme visible de lchec ou du succs. Quon salue la prescience de larchitecture qui fait
voir le rapport au lieu, lhistoire, la technique, tout en aidant dpasser le temps et ses
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rien dautre que la poursuite du nouveau, cote que cote? Et que sestil pass? Sasaki observe
que la crativit humaine est alle audel de ses propres limites: ce quelle cre maintenant,
ce sont, dans la psych humaine, de nouvelles exigences et de nouveaux dsirs; et elle tend
toujours plus les produire qu les satisfaire. Aussi cet esthticien espretil beaucoup dans
la philosophie de lart: un changement ne sera possible qu partir dune rflexion qui montre
que lart a permis aux modernes que lesprit se soit incorpor dans la matire et quainsi lobjet cr puisse rvler sa signification propre (dans lart, selon le mot dHenri Gouhier, cit
par Sasaki, lexistence prcde rellement lessence). Dailleurs, la science sest ellemme
transforme, et tout particulirement, en abandonnant lordre causal.
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Il nous faut un monde onirique pour dcouvrir les caractristiques du monde rel
que nous croyons habiter.51
De son ct, Gerald Holton, tudiant lhistoire des origines de la thorie de la relativit
restreinte, dcouvre que ce qui est le plus frappant, cest non pas le dveloppement de la
trajectoire conceptuelle mais un ensemble remarquable de polarits droutantes52: par
exemple, symtries et asymtries, propres Einstein, qui crivait:
ces lois lmentaires, aucun chemin logique ne mne, mais seulement lintuition,
appuye sur un contact intime avec lexprience.53
la fois rvolutionnaire et conservateur en physique, incroyant et religieux dans la vie,
personnage public et solitaire, Einstein apporte dans son oeuvre scientifique des polarits
comparables. Dune part, lattachement ce que Holton appelle le thma du continu, qui fut
permanent chez lui, dautre part, cet attachement ne la pas empch de contribuer la physique
fonde sur le thma oppos, cestdire sur le quantum discontinu.
Pour Einstein, penser est un jeu libre avec des concepts, sans emploi de signes (mots),
inconsciemment.54 En parlant ainsi, nvoquetil pas une activit que nous pourrions
qualifier desthtique? Mais elle fut bel et bien pistmique; en fait, ce nouveau plaisir de
la musique natil pas aussi pour nom ultime crativit?55
En ce qui concerne globalement le savoir, nous retiendrons au moins lhypothse de travail
de JeanFranois Lyotard, qui est la suivante: Le savoir change de statut en mme temps que
les socits entrent dans lge dit postindustriel et les cultures dans lge dit postmoderne.56
Voulant mesurer ltendue des transformations essentielles dues lintroduction et au
dveloppement de linformatisation, Lyotard affirme que seul le langage traduisible en langage
de machine pourra se conserver. Certes, par rapport ce qui sera fix, il faut juger de ce qui
pourra tre dlaiss. On peut dj valuer ce qui commence tre dlaiss, lui exemple, dans
la science historique qui abandonne dlibrment le rcit au profit des tableaux dordinateur,
selon lanalyse quen donne Michel de Certeau.57 Toutefois, cette hypothse de Lyotard,
concernant une transformation du savoir par accumulation en donnes dordinateur ne peut
se soutenir: la science ne progresse pas par accumulation, mais par rformation, reconstitution
de la discipline comme, entre autres scientifiques, Wheeler la montr, ainsi, dailleurs, que
Laudan.58 Et mme si les connaissances se mettaient circuler ainsi que le fait la monnaie,
sans lenveloppe apte leur donner une signification, elle ne seraient gure que des informations
atomiques, voire molculaires, insuffisantes pour constituer un savoir. Cest l mme que se
pose la question de la lgitimit des noncs de la science. Si la double dcision dune autorit
scientifique et dune autorit politique (comme le suggre Lyotard) pouvait suffire grosso modo
lgitimer la science et le savoir en gnral, il est vrai que cette possibilit ne doit pas viter
de faire lanalyse des canaux de cette lgitimation. Ce fut le travail de Michel Foucault chaque
fois quil aborda une donne telle que la folie, la pnalit, la sexualit: la normalisation par
les disciplines prenant rebours de la lgifration de la loi; ou un discours sur la sexualit se
dveloppant paralllement la science de la gnration, le premier tant port par des instances
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sociales efficientes. Voil qui peut suggrer danalyser le lien social observable dont
Lyotard nous dit quil est fait de coups de langage. Mais il faudrait que nous puissions
expliciter ces interventions pour mieux voir et vritablement comprendre leurs effets.
Proposant lalternative moderne entre un fonctionnalisme la franaise (Comte,
Durkheim), illustr dans les annes 50 par Talcott Parsons aux tatsUnis, et le marxisme,
Lyotard la dpasse dans une solution postmoderne. Nous partageons avec lui la vue sur le soi
pris dans un lacis des rseaux de communication: Le soi est peu, mais il nest pas isol, il
est pris dans une texture de relations plus complexe et plus mobile que jamais.59 Entretemps,
les autoroutes de linformation nont fait que confirmer concrtement la ralit et lampleur
des rseaux de communication. Do, limportance actuellement accrue de la relation communicationnelle dun savoir, qui nest pas ncessairement la science, et qui passe par des jeux de
langage. Bien quil ny ait aucun effet de rciprocit entre le savoir scientifique et le savoir
narratif courant, Lyotard pense que le premier doit accepter de se couler dans la forme narrative
pour accder sa lgitimit, si toutefois celleci dpend dune autorit non spcifique. Mais
il y a dsormais crise de lgitimation, et mme parfois dlgitimation pure et simple: la science
ne peut se lgitimer ellemme, ni encore lgitimer dautres jeux de langage; enfin, il ny a
pas de mtalangue universelle. Dans ces perspectives, la science postmoderne fait la thorie
de sa propre volution comme discontinue, catastrophique, non rectifiable, paradoxale.60
partir de ces traits caractristiques, multiples et divers, et sur une base on ne peut plus
mouvante, la philosophie de la postmodernit parat devoir tre tout la fois fondamentale
en mme temps que dpourvue de thse. En effet, nous la dirons fondamentale ou plutt
originelle, car cest prcisment de labsence de fondement que nous souffrons, non pas pour
lgitimer quoi que ce soit, mais bien selon la leon de Nietzsche pour tre anims du
courage de savoir. En outre, dpourvue de thse, cette philosophie dnoncerait la
surabondance des exigences et des dpendances envers les nombreux impratifs modernes dont
nous souffrons chaque jour. Dailleurs, elle nous laisse dores et dj entrevoir une libert de
penser non assujettie suivre le droit fil de lhistoire progressiste, qui serait, diton, termine,
comme le serait galement le tempsprogrs. Mais cela estil du domaine du possible?
NOTES
1
2
3
Voir Postmodernism, Three Types, in Krisis, n 1, Houston, International Circle for Research in Philosophy,
Summer 1883, pp. 99103. Notons, toutefois, que, pour le peintre anglais Chapman, vers 1880, le terme
postmoderne signifiait simplement plus moderne (cit par Daniel Charles dans Temps, musique,
postmodernit, in Krisis, n 34, 1985, p. 202).
Cf. D. Bell, The End of Ideology, Giencoe, III., The Free Press, 1960. Daniel Bell est galement lauteur dun ouvrage
traduit en franais, Les Contradictions culturelles du capitalisme, Paris, P.U.F., 1979.
Voir Joffre Dumazedier, Sociologie empirique du loisir, Paris, Seuil, 1974. Voir galement Alain Touraine, La
Sociologie postindustrielle, Paris, Denol, 1969. Dans notre communication Les avatars du concept de loisir
au XIXe sicle dans la socit industrielle et dans la philosophie sociale, nous nous rfrons ces diffrents travaux;
voir Oisivet et loisirs dans les socits occidentales au XIXe sicle, Colloque dAmiens, 1920 novembre 1982,
prsent par Adelyne Daumard, Abbeville, Paillart, 1983.
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Cf. Ileana Marcoulesco, Axiomes de la dbcle, in Krisis, n 34, 1985, pp. 145164.
Dj cit. Signalons aussi la publication du Centre de Cration industrielle, Architecture en France, Modernit,
PostModernit, Paris, dite par lInstitut Franais dArchitecture, Centre Georges Pompidou, 1981.
Sigle du Congrs International dArchitecture Moderne, lanc en 1928. Le CIAM tait dchir intrieurement entre
les architectes franais formalistes et les architectes allemands fonctionnalistes, cestdire entre rformistes
bourgeois et rvolutionnaires marxistes. La premire Dclaration de 1928 du CIAM reflte toutes les idologies.
En 1944, une autre publication du CIAM: Nos villes peuventelles survivre?
Voir Angle KremerMarietti, Le Concept de science positive, Paris, Klincksieck, 1983; du mme auteur, Entre
le signe et lhistoire, Paris, Klincksieck, 1982.
Martin Heidegger, Essais et confrences, Btir, Habiter, Penser, prface de J. Beaufret, traduit de lallemand
par A. Prau, Gallimard, 1958.
Voir Jean Aubert, Lnigme du dessin prmonitoire, in Architectures en France, p. 63.
Voir la communication au Symposium de Cerisy, dj cit.
Cf. Brunella Eruli, Marinetti et Jarry: moderne et postmoderne, in Littrature Moderne, n 1, pp. 6578.
Cf. Dirk Higgins, A Dialectic of Centuries, New York, Printed Editions, 1978, p. 7. Cit par Daniel Charles, op.
cit., p. 203.
Cf. Lonard Meyer, Music, the Arts, and Ideas, Chicago, University of Chicago Press, 1967, p. 98. Cit par Daniel
Charles, op. cit., p. 203.
Cf. Daniel Charles, Temps, musique, postmodernit, op. cit., p. 204.
Cf. Hiroshi Watanab, Music at the 21st Century modern or postmodern?, in TLA, journal of the Faculty
of Letters, The University of Tokio, Aesthetics, Volume 18, 1993, Art at the 21st Century, published by the Faculty
of Letters, The University of Tokyo, Tokyo, Japan, pp. 4756.
Cf. JosephFranois Kremer, Les Grandes topiques musicales, Paris, Mridiens Klincksiek, 1994.
Voir Marjorie Perloff, Postmodernism and the Crisis of Lyric, communication au mme Symposium de Cerisy.
Cf. Kenichi Sasaki, Twilight of the Western Art Principle, in TLA, op. cit., pp. 5766.
John Archibald Wheeler, Beyond the end of time, in Krisis, n 1, pp. 6775.
Idem, p. 74.
Voir Ren Thom, Modles mathmatiques de la morphogense, Paris, Union Gnrale ddition, coll. 10/18, 1974.
Voir Jean E. Charon, LEsprit et la science 2. Immaginaire et ralit, 1985 (Colloque de Washington).
Voir Thomas S. Kuhn, La Structure des rvolutions scientifiques, traduit par Laure Meyer, Paris, Flammarion,
1983.
Voir de Paul Feyerabend, Contre la mthode, Paris, d. du Seuil, 1979; galement du mme auteur, Adieu la raison,
Paris, d. du Seuil, 1989.
Voir Gerald Holton, Limagination scientifique, Paris, Gallimard, 1981, ainsi que Linvention scientifique, Paris,
P.U.F., coll. Croises, 1982.
Cf. Paul Feyerabend, Contre la mthode, d. cit., p. 30.
Idem, p. 29.
Cf. Gerald Holton, LInvention scientifique, d. cit., p. 419.
Cit par Holton, ibid, p. 421.
Cit par Holton, ibid., p. 439.
Voir JosephFranois Kremer, Les formes symboliques de la musique, Paris, Mridiens Klincksieck, 1984, p. 17.
Voir JeanFranois Lyotard, La Condition postmoderne, p. 11.
Voir Michel de Certeau, LHistoire, Science et fiction, La vrit, Bruxelles, 1983, in Le Genre Humain, 78,
pp. 147169.
Cf. Larry Laudan, La Dynamique de la science, traduit de langlais par Philip Miller, Bruxelles, Mardaga, 1977.
Voir Lyotard, La Condition postmoderne, p. 31.
Idem, p. 97.
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Among the performance artforms flourishing today, none would seem more distant from
a postmodernist sensibility than opera. With those words, Herbert Lindenberger begins his
groundbreaking article, From Opera to Postmodernity. And yet, this exotic and irrational
entertainment, to use Dr. Johnsons terms, is, nonetheless, experiencing a revival that may
herald a return to its earlier historical position as a popular, accessible, indeed, democratic
theater though its locus and institutional frame have expanded significantly. Thanks to film
and televised productions, not to mention advances in the video and aural recording
technology, opera can now enter the home with an ease only dreamt of by the first listeners
to the Metropolitans Saturday Afternoon at the Opera radio broadcasts. Opera houses around
the world are moving from being museums of the past to becoming showplaces for the new
for revisionary, iconoclastic productions and even for new operas. The camera closeup and
the performing conventions of film have created audience expectations of a new dramatic
realism in performances too, and so are born a new look and a style of stage acting. If anything,
it would be this conjunction of new creation, reinterpretation, and technology that might make
possible the postmodern moment of opera. But, perhaps even more than in other artforms,
this is not an unproblematic moment.
A word of caution is in order, from the start: the use of the word postmodern here must
be conditioned by the fact that, unlike arhitecture or even literature, opera has had no particularly
dominant modernist form to which to respond. Thus, operatic postmodernism will exist
more by stylistic and ideological analogy with other art forms than by a precise arthistory
parallel. Indeed, it is less the modernist period than the one from Mozart to Puccini late
eighteenth to early twentieth century that forms the powerful and persistent canon to be
addressed in opera. As Peter Conrad put it: Throughout the twentieth century, opera adheres
to a past it rewrites but can never reject. (p. 216) Those short, difficult, austere modern operas
by Schoenberg/Pappenhaim1 (Erwartung), Stravinsky/Cocteau (Oedipus Rex), Bartok/Balazs
(Bluebeards Castle), and Poulenc/Cocteau (La Voix Humaine) are, as Lindenberger notes,
peripheral to the standard repertoire. Longer works have persisted, but are not exactly central
to the canon either: Stravinsky/ Audens The Rakes Progress with its parodic play with
eighteenth century music and painting would almost qualify, as we shall see, as postmodern.2
It is the general view of modern music as being difficult and serious and, since Schoenberg,
not traditionally melodic that has worked against modernist opera becoming as popular and
accessible as the nineteenth century repertoire, in particular.
The performed operatic text, however, has been given new life by its reinterpretation and
leshaping at the hands of a new generation of stage directors, whose often bias and fearless
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historicizing and politicizing manoeuvres have been interpreted as efforts to save opera by
minimalizing, pauperizing or sullying it by a variety of desecrations (Conrad, p. 278). Peter
Sellarss much publicized (and televised) parodic resetting of Mozarts three Da Ponte operas
(Don Giovanni, Cosi fan tutte and Le Nozze di Figaro), with all their class politics, brought
a new audience to opera in the contemporary multiracial United States, even as it perhaps
alienated another. In other words, what has become a directorial commonplace in the last
decades for Shakespearian productions, for example, has been seen as radical and iconoclastic
in operatic circles: Sellarss work has been called a powerful assault on performance tradition
(MacDonald, p. 707). Former East German director Harry Kupfer updated ducks
eighteenthcentury Orfeo ed Euridice to the present day, and when his Orfeo has to sing his
classic operatic parts, he dons a tuxedo jacket over his jeans and sweatshirt and sings with
a libretto in hand. Kupfers penchant for reflexive productions means that he will have Handel
appear in his own opera, Ciustino, as a composerexmachina, with the singers performing,
in the final scene, with parodic marionnettes of their characters. In this way, what, to an audience
today, might look like the artifice of a puppetshow plot is here laid bare for what it is (precisely
that). Through serfconsciousness, Kupfer recodes the opera and its possible appeal for
us today. In his green version of Der Ring des Nibelungs at Bayreuth (198892), he used
this reflexive recording technique to bring out those aspects of the libretti of Wagners cycle
of music dramas that might make them meaningful to current audiences, with their worries
about the ecology and nuclear arms proliferation. It is not that Wagners opera transcends time
to speak to us today, as might be argued within a humanist tradition; such productions simply
acknowledge the postmodern realization that any meaning we give to them today is
necessarily historicized through our current frames of reference. In their paradoxically critical
yet implicated way, these postmodern productions allow the canon Wagner, Mozart, Verdi
to persist, but give it a new and different significance.
Reflexivity, parody, and the kind of rehistoricizing of meaning are the fieldmarkings of
the postmodern in operatic production. Here, as in other postmodernist artforms, style itself
[is emphasized] as a way of coming to terms with the traditions of the past as well as the
discursive and ideological conflicts in the present (Collins, pp. 1389): HansJrgen
Sybernergs 1984 film of Wagners Parsifal illustrates the contention that this, like all of
Wagners work, cannot be viewed after the Nazi use and abuse of it as other than the
assemblage of all its past and present incarnations and appropriations (Collins, p. 140). Less
contentiously, when Ingmar Bergman filmed Mozarts Die Zauberflote in 1974 on
Drottningholm Castles courtly, eighteenthcentury stage, his reflexive camera went backstage
to show the artifice and to reveal the everyday reality of the performers before turning its
attention to the audience, cataloguing its various responses. Still other film makers have used
opera as a kind of play within the play to postmodern, parodic ends: Suzanne Ostens The
Mozart Brothers is a film about a fictional Swedish opera companys attempt to put on an
iconoclastic (postmodern) version of Mozarts Don Giovanni, an attempt that itself reflexively
and ingeniously enacts the plot of the opera.
To this familiar parodic/reflexive/rehistoricizing mixture, Lindenberger has added other
characteristics that a postmodern opera (rather than production) might manifest: first, an urge
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to test the boundaries between operas traditional high art status and popular culture (p. 41)
as can be seen in his example, John Adams / Alice Goodmans Nixon in China (1987), with
its recent and familiar historical subject and its Amonis big band inspired music, or perhaps
in Michael Nymans The Man who Mistook his Wife for a Hat (1986), whose musics
unexpected metrical shifts and harmonic angularities have been said to suggest a curious
conjunction between Stravinsky and rockandroll (Morreau, p. 683). Another typical
postmodern characteristic, for Lindenberger, would be a desire to rupture the union of word
and music which defines the genre (p. 41), as in Philip Glasss Einstein on the Beach (1976)
where the text made up of bits of newsclips, songs, adds chichs is not made relevant to
either the music or any narrative line. Example of another order might well be Eight Songs
for a Mad King (1969) or Miss Donnithornes Maggot (1974), two pieces by Peter Maxwell
Davies/Randolph Stow written for extended voice, in which all parts of the human sound
spectrum interact with parodic echoings of earlier, more normal music and do so in the
context of the librettos exploration of what the normal consider mad.
Lindenberger also believes that postmodern opera would have to attempt to provoke
audiences out of either identification or passivity (p. 41). But to provoke an audience without losing it is no mean trick, given the economics of grand opera, at least, that work against
the taking of too large risks. Once again, in opera, as in other art forms, postmodernisms
parodic play with, or even critique of, conventions, traditions, styles must remain in a sense
complicitous: its radicality is always going to be constrained by its desire to speak to an
audience with expectations formed by the operatic tradition. This, of course, is where parody
comes in handy, as we shall see shortly. More radical and less immediately accessible
avantgarde works like John Cages Europeras (1987, 1991, 1992), Luciano Berio/ltalio
Calvinos La Vera Storia (1982), or Robert Wilsons The CIVIL Wars (1984) have been called
postmodern by some (Birringer, p. 175), but seem to me much more a continuation of that
difficult modernist tradition that goes one step beyond Schoenberg and Berg into
multimedia, nonnarrative, nonmimetic explorations of both the institutions of music/opera
and the architecturalization of the performing body. While there are obvious analogies here
to what could be called the postmodern, as there are in those moves towards ritualization in
works like R. Murray Schafers The Alchemical Theatre of Hermes Trismegistos (1992), or
Karlheinz Stockhausens Donnerstag aus Licht (1981), the question of relative accessibility
or of complicity, to use the more negatively coded term remains for me what distinguishes
the modern from the postmodern in opera, an artform that has persisted in its appeal as staged
sung drama, despite the escalating costs of production that might have been expected to kill
it off by now: in order to hire a conductor, a director, an orchestra, a chorus, soloists, a stage
crew, designers and producers of sets and costumes, lighting technicians, and many others,
you have to be sure people will actually attend your live performances. (The filming of some
staged operas would change the economics somewhat today, but not entirely and not for most
companies.)
To be parodic and reflexive in opera is not, contrary to expectation, perhaps, to be
inaccessible, and the reason is that opera has been, from the start, drama about music, not
just accompanied by it (Conrad, p. 13). From Monteverdi/Striggios Orfeo (1607) through
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Wagners Die Meistersinger von Nurnberg (1868) to, as we shall see shortly,
Corigliano/Hoffmans The Ghosts of Versailles (1991), some version of the artist/singer/musician /composer figure has been at the center of many an operatic narrative. With realistic or
veristic opera, in the late nineteenth century, came what has been referred to as operas need
to justify itself by choosing artists as protagonists, for only they would be at home in the
shoddy artificiality of that theater (Conrad, p. 194): Floria Tosca is an opera singer because
only a temperamental soprano can in all conscience be permitted to behave operatically
(Conrad, p. 8). Out of the political and aesthetic crises of early twentiethcentury Germany
came a kind of historical allegorical form of artistopera that could be called, by analogy, the
Kiinstleroper: Hans Pfitzners Palestrina (1971), Paul Hindemiths Mathis derMaler
(1938) and, a little later, Schoenbergs Moses und Aron (1957) (see Bokina).
The metamusical is to some the very essence of opera (Cone, p. 125). But within opera
narratives, characters frequently sing realistic song toasts (brindisi), love serenades as
if they do not hear the music that is the ambient fluid of their musicdrowned world (Abbate,
p. 119). Operas rather bizarre illusion is that the characters are unaware that they are singing,
that the music emanates from some nonstage source and communicates to the audience alone.
But against this illusion operates an equally strong urge to reflexivity from the romantic
artistfigure like Wagners Tannhauser (1845; 1861) to the operawithinanopera of
Leoncavallos Pagliacci (1892) or Strauss/Hoffmansthals Ariadne auf Naxos (1916), and
on through Ravel/Colettes parodic romp through the history of opera in the playful
animation (and vocalization) of the objects in a childs room and garden in LEnfant et les
sortileges (1925).
More complex versions of operatic reflexivity can be seen in Strauss/Krausss 1942
Capriccio: Konversationsstikk fur Musik, an opera about the theory of operatic form that responds
to Mozart/Stephanies 1786 Der Schauspieldirektor: Komodie mit Musik by replacing his
competitive sopranos with a composer and poet who compete for the same womans love by
debating the relative importance to opera of music and words. Possible subjects for operas
discussed include those of Strausss own earlier operas, duly cited, to parodic ends, by the
orchestra. At the other end of the scale of moon and impact is the reflexive structure of
Bergs Lulu: the palindromic form of the music (with the second half inverting the first) is
echoed in the silent film interlude called for by the libretto to show the story of Lulus arrest
trial and imprisonment in the first half, which then reverses itself to show her switch in prison
with the Countess Geschwitz and her subsequent escape. The Prologue also frames the opera
in the reflexive trope of a circus: the Animal Trainer invites us to view his menagerie of beasts
the wild ones, not the domesticated ones in the opera house audience. Lulu herself is a dancer;
Aiwa, a composer who wonders at one point whether people would believe any opera he
wrote about the absurd life of Lulu.3 Musically, Berg parodies formal conventions arias,
recitatives but in such a way that he can invoke their traditional power while still contesting
their possible reification through ironic recontextualizing: for instance, Isoldes heterosexual
love for Tristan in Wagners Liebestod here becomes Countess Geschwitzs dying devotion
to Lulu.
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It would be no exaggeration, then, to say that opera has been reflexive from the very start.
Likewise parodies (as ironic reworkings more than ridicule) have accompanied popular operas
for centuries.4 The writing of parodic operas in and for themselves (rather in tandem with a
specific parodied opera) does seem to have increased in frequency over the years to the point
that it has been said that opera in the twentieth century is preoccupied with its history,
wondering if its an art whose time has run out. (Conrad, p. 226) That negative evaluation
from a critic, however, needs countering with the experience of a composer. John Adams,
whose music resonates citations of, and references to, the work of others, has put forward a
more positive view: My attitude towards creation is one of incorporating in my compositions
everything Ive learned and experienced of the past. Ive never received any powerful creative
energy from the idea of turning my back on the past. His analogy for what he does is the work
of postmodern architect Philip Johnson: both worked to the limits of modernism and then tried
to develop a new language that resonates with the past.
From the point of view of the audience, then, the use of parodic references by postmodern
architecture or music can work to counter the austerity of modernisms formalism and aesthetic
autonomy and, therefore, can actually increase accessibility. This might be especially true in
opera, where parody has become almost a convention. As Peter Rabinowitz has noted,
[b]orrowing itself, of course, is hardly new: one need only recall the plagiarism and
selfplagiarism of the baroque or the operatic potpourris of the Romantic virtuosi. But not
until this century has the listeners awareness of the interplay between new and borrowed
material become a significant determinant of aesthetic effect in large numbers of musical
compositions (p. 193). It is the fact that we are hearing borrowed music in a new context
as well as watching a borrowed (or parodied) narrative that gives initial meaning to a new
opera like The Ghosts of Versailles, based in part as it is on the third Figaro play by
Beaumarchais, LAutre Tartuffe ou La Mere coupable. The first two had wielded Rossini
/Sterbinis // Barbiere di Siviglia (1816) and Mozart/Da Pontes Le Nozze di Figaro (1786),
and John Coriglianos music, as well as William M. Hoffmans libretto, pay due homage to
both and thus draw on their audiences potential knowledge of these two familiar operas of
the canonical repertoire.
A review of the premier of The Ghosts of Versailles (1991) at the Metropolitan Opera in
New York claimed that this new work restored the fun and excitement of the past to opera
and did so partly by stripping away the barnacles of accrued tradition, partly by making a
big joke of them (Feingold, p. 89). On the contrary, I would argue that it relied on the
audiences knowledge of that tradition, ironizing it only somewhat but mostly drawing on its
continuing power and on the audiences remembered pleasure in a way parallel to postmodern
architectures parodic recalling of the classical tradition or postmodern fictions playing with
realist as well as modernist narrative conventions. The same review went on to assert that the
composer and librettist had invented something new and distinctively American: a huge
meltingpot melange of styles, events, and ideas that suggests a vaudeville show or a Ziegfield
Follies as often as it does a traditional operatic drama or comedy (Feingold, p. 89). But what
is even more clear than the Americanness of this opera is its postmodernness: its parodic,
reflexive rehistoricizing of the traditions and conventions of opera. Called A Grand Opera
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Buffa, The Ghosts of Versailles depends on its audiences recognition of the paradoxical
(portemanteau) generic mix of grand opera and opera buffa its ironic recognition that
an opera commissioned by the Met (with its 3,800seat capacity) was not going to be an
ordinary, cozy opera buffa like Mozarts Le Nozze di Figaro, the bourgeois, comic alternative
to the aristocratic classicism of opera seria. indeed, this new opera made full use through
over 40 featured roles, a large chorus, elaborate stage sets and costumes, and both a pit and
a stage orchestra of the full institutional facilities and resources of nineteenthcentury grand
opera that the Met seems to exist to perform. And perhaps its portmodern complicity and
accessibility can be traced through its critical and commercial success, despite what might
seem like real difficulties.
For instance, The Ghosts of Versailles manages to be even more complex in narrative
structure than the earlier two operatic adaptations of Beaumarchais plays had been. It exists
on three experiential planes, so to speak. The first is the frame world, a ghost world: the time
is the present; the place, Versailles; the characters, the ghosts of Louis XVI, Marie-Antoinette
and their court, and the playwright Beaumarchais who, in order to entertain the Queen, with
whom he is in love, writes an opera buffa called A Figaro for Antonia whose parodic
echoing of the music of Mozart and Rossini works towards making it unthreatening to most
listeners, as a reviewer tellingly put it (Keller, p. 23). This operawithintheopera is played
a bit more realistically than the stylized and defamiliarized, specialeffect world of the ghosts.
Nevertheless, these two planes merge in Act II, scene 2, when Figaro, the character, refuses
to stick to his creators text and therefore help MarieAntoinette escape the scaffold.
Beaumarchais enters his operas fictional world to right matters; then MarieAntoinette brings
Figaro into her world so that she can argue against his harsh evaluation of her. In order to change
his mind, she asks Beaumarchais to show Figaro her actual (and here, future) fate at the hands
of the Revolutionary Tribunal. We then enter the third world: the historical streets of Paris
in 1793, during the Terror. At the end the three planes overlap as the historical MarieAntoinette
is executed, the cast of the opera buffa plot escapes Paris in a balloon, and the ghosts of
Beaumarchais and his beloved Antonia (as he familiarly calls her) walk off into the fictional
gardens of Aguas Frescas, the home of the Almaviva family in the Figaro plays and operas.
The complex plot of Beaumarchais play La Mere coupable continued the narrative of his
earlier two plays about the trials of courtship and marriage of the Spanish Count and Countess
Almaviva. In this one, the mutual love of the illegitimate children of both partners is threatened
by the hypocritical, lying, manipulative Begearss. Set in Paris at the end of 1790, the Revolution
is present (the Almavivas can no longer be addressed by their noble titles) but is not a major
plot force of any kind. Hoffmans libretto departs from this by setting the action in Paris, but
in 1793, at the height of the Reign of Terror. Begearss is still a dangerous hypocrite, but this
time he is also a spy for the Revolution and, as we shall see, is parodically portrayed according
to yet another set of conventions, those of the melodramatic villain.
All three narrative planes are presented as the sites of reflexive selfconsciousness. The
ghost courtiers complain about how boring they find opera, an art which, in their day, was said
to offer an imposing and pretentious world, consistently sublime in tone, pompous and even
soporific to some, and essentially humourless (Johnson, p. 7387). One of them even enters
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in full (and anachronistic) Walkure gear to denounce the proceedings at hand: This is not
opera! Wagner is opera!! Louis XVI laments the plot complexity: I couldnt follow the last
act of The Marriage of Figaro and this is even worse. Hoffman is careful not to rely on his
audiences memory too much: he has his Beaumarchais fill in the earlier plot details for the
courtiers and for us. The intermission between Acts I and II is the same for the theater
audience of The Chosts of Versailles and for the ghosts audience of A Figaro for Antonia, who
return to their seats less quickly and obediently than the others. But then again, as Hoffmans
historicizing humor underlines, our convention of silent watching in a darkened hall is
postWagnerian too recent for the eighteenthcentury ghosts to be expected to know about.
With structural echoes of Woody Allens The Purple Rose of Cairo, Beaumarchais is driven
to enter his own fictional world when Figaro improvises, calling his ghost creators beloved,
MarieAntoinette, a spoiled, arrogant, decadent vampire and vulture. At her outrage and at
his own shock at this independence (Singers have no minds), Beaumarchais attemps to force
Figaro to obey him and participate in a plot to change history and to help MarieAntoinette
escape her death at the guillotine. He shows himself to his terrified characters, identifying
himself as a ghost to the music of the Commendatores ghost in Mozart/Da Pontes Don
Giovanni. In the Met production, holding out a finger to touch Figaros in a visual parody
of Michelangelos Sistine Chapel creation of Adam by God he identifies himself further:
I am your creator.
Besides the Ghosts clear musical and narrative parodies of the earlier operas inspired by
Beaumarchais7, the villain Begearsss outrageous Aria to the Worm suggested by Arrio
Boitos poem, // Re Orso is a parodic, evil credo worthy of Verdi /Boitos lago (in their
Otello). The choice of the worm as the metaphoric analogue might well be an operatic allusion
not only to Wagners dragon (Wurrri) in Siegfried (1876), but to Wurm, the adviser to the
devious and corrupt aristocrat in Verdi/Cammaranos Luisa Miller (1849), a character also
directly involved in marriage trickery. Any opera set in the time of the French Revolution and
with this particular plot potentially recalls a rich set of intertexts8: Giordano /lllicas Andrea
Chenier (1896) about the indictment and death of a poet and his beloved at the hands of the
Revolutionary Tribunal, not to mention von Einem /BraChers Dantons Tod (1947),
Benjamin/ Cliffes A Tale of Two Cities (1957), Poulenc/Bernanoss Les Dialogues des
Carmelites (1957), and Eaton /Creaghs Danton and Robespierre (1978). Puccini even
began an opera about MarieAntoinettes imprisonment, trial and execution (see Greenfeld,
p. 182), but decided that the French Revolution was already an overexploited subject9
(Ashbrook, p. 97).
This turbulent period in history saw the revival and great success of the rescue opera
genre, whose politics were useful for revolutionary purposes. Cherubini /Bouillys Les Deux
journees (1800), about the escape of an aristocratic couple from political danger through class
benevolence and egalitarianism (Arblaster, p. 48), is typical of the genre. The Ghosts of
Versatile ends with the death of the historical MarieAntoinette, but also with the rescue of
the Almaviva household from revolutionary Paris and the shared spectral love of Beaumarchais
and his Antonia. But what is striking about this postmodern opera is that it not only recalls
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the rescue opera genre and all those grand operas on historical and political themes from
Auber/ScribeDelavignes La Muette de Portia (1828) to Verdi/Piaves Simon Biccanegra
(1857) but it equally obviously draws on popular cultural intertexts. Corigliano, who wrote
the score for Ken Russells film Altered States, here also uses a cinematic musical technique
of crossfading to unite structurally the interconnecting levels of action (Keller, p. 23). And
when the ghostly Beaumarchais tells the spirit of MarieAntoinette that he will help her escape
her historical fate and that they will live forever in the New World, in Philadelphia, the ghost
of Louis XVI sardonically interjects: If you call that living, thereby recalling W.C. Fieldss
own epitaph: On the whole, Id rather be in Philadelphia.10
Popular television and film culture today is also the current home of melodrama, that
radically polarized form of dramatic confrontation and purgation that was born in the aftermath
of the French Revolution. Originally, as defined by Rousseau to describe his Pygmalion
(1 770), melodrama sought new emotional expressivity through the use of music combined
with monologue and pantomime. The historical flourishing of this particular form in
postRevolutionary France11 might have been one of its attractions for Hoffman and
Corigliano, who, as contemporary opera creators, might also have been trying to find a form
with democratic appeal in which to write about the same period in history and about the death
of French royalty. Peter Brooks, in The Melodramatic Imagination, has argued that
melodrama illustrates and contributes to the epistemological moment of the Revolution, one
that symbolically, and really, marks the final liquidation of the traditional Sacred and its
representative institutions (Church and Monarch), the shattering of the mouth of Christendom,
the dissolution of an organic and hierarchically cohesive society, and the invalidation of the
literary forms tragedy, comedy of manners that depended on such a society (p. 75). It is
tempting to draw a parallel between the apocalyptic discourse that has formed and informed
current discussions of postmodernity and Brooks articulation of this revolutionary moment,
but the difference might be that today the stage (musical or dramatic) is less often the scene
of the escape into the radical excess of melodrama, with its mode of heightened dramatization (Brooks, p. ix), its hyperbolic extravagance and concentrated intensity, and most of
all its moral manichaeism (p. 5) through a polarization of ethical forces into good and bad:
the site for this escape today is more likely television drama (including soap opera) and certain
genres of Hollywood film. But it is with the selfconscious awareness of melodramatic
entertainment as escape that Hoffman locates his melodrama specifically within the
eighteenthcentury reflexive and parodic operawithinanopera A Figaro for Antonia
Beaumarchais attempt to distract and entertain MarieAntoinette.
Brooks points out that the affective structure of a form like melodrama, with its grandiose
emotional states and vivid selfdramatizations, has much in common with the experience of
dreams (p. 35). And it is perhaps not coincidental that critics have noted the importance of a
kind of dreamlogic, with elements of nightmare, to the effect of the spectral frame of The
Ghosts of Versailles (Kerner, p. 83): the ghostly courtiers are restless; MarieAntoinette is
traumatized, reliving over and over the terror of her trial and death. Dream and nightmare
conflate as fiction and history also meet in the reenactment of that terror at the end of the opera.
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So many of the conventional staples of melodramatic narrative are invoked in Ghosts that they
become a major intertextual point of reference: against all historical evidence, MarieAntoinette
is turned into the very image of persecuted innocence (p. 20), wandering into the typical garden
of innocence (p. 29) that Aguas Frescas has come to symbolize; the topos of the interrupted
fete (p. 29) frames Begearsss seeming triumph; the melodramatic public hearing that restores
right (p. 37) is both evoked and ironized in the Revolutionary Tribunal trial of
MarieAntoinette.12 In almost every scene, spectacular stage effects also recall those of
melodrama (p. 46). All of the melodramatic bag of narrative tricks mysteries of parentage,
disguised identities, secret plots, occult power also make their way into Ghosts, but appear
under the sign of irony.
However, in the A Figaro for Antonia narrative, as in melodrama, the characters have no
psychological depth; but where Brooks argues that, in melodrama, this is because they stand
for pure psychic signs Father, Daughter, Persecutor (pp. 3536) in the new opera, these
very roles are ironized: part of the plot involves trying either to figure out or to hide the complex
parentage of a daughter and a son. The Persecutor, as in Beaumarchais play, masquerades
as a Protector, and successfully fools everyone but Figaro. Moral epithets typical of
melodrama (That man is a saint) are attached to Begearss, the hypocritical friend/enemy.
Parodying the melodramatic villain a swarthy, capeenveloped man with a deep voice
(Brooks, p. 17) Corigliano and Hoffman cast Begearss as a character tenor and make
enormous demands on the upper range of his voice. The histrionic acting style demanded of
melodramatic villains as the expressionistic externalizations of their evil and excess
(Brooks, p. 47) would seem to have guided director Colin Grahams conception of Graham
Clarks Begearss in the Met production. This is fitting for a character introduced by
Beaumarchais himself within the opera as the villain of the piece, who himself openly admits
he cant wait to betray Almaviva: It is true, Im low base, vile. But dont they know the king
of beasts is the worm? His Aria of the Worm, with its defiant Long live the worm refrain,
functions as the selfrevealing soliloquy of melodrama: It is the villain who most fully
articulates the stark monochrome of his moral character, his polarized position in the scheme
of things (Brooks, p. 38). An active force, even the motor of plot Begearss is the pure villain,
reducing innocence to powerlessness through his incitement of the dangerous mob of Parisian
women who are loud in their determination to have MarieAntoinettes head.
The setting of the opera in the context of the French Revolution, however, is what makes
The Ghosts of Versailles the operatic equivalent of what has been called postmodern
historiographic metafiction (Hutcheon) reflexive, parodic and contesting of the given
narratives of History. The appearance of characters based on and named as actual people
on stage is nothing new to opera, of course. And Hoffmans Beaumarchais does bear some
resemblance to the actual, historical personage who wrote those plays and at least one libretto,14
who was a secret agent for Louis XV and Louis XVI,15 who was a radical, but also an
opportunist and an entrepreneur (Arblaster, p. 23). But in the opera, his antiaristocratic
sentiments seem to have turned against him, for he has fallen in love with no less than the former
Queen of France.13
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The operatic ghost of Beaumarchais tries, not only to cheer MarieAntoinette up, but to
save her from her historical fate, to show her history as it should have been. He is stopped
from doing so only by MarieAntoinette herself. The librettist of Ghosts, however, could be
said to have changed history in another sense. Whether the reasons be a feminist rewriting of
history or simply sentimentality, the woman most historical accounts have presented as a
frivolous, extravagant, imprudent Queen who contributed to the popular unrest of the
Revolution is here revisioned as a sympathetic victim of villainous evil and mob persecution.
Her first aria in the opera juxtaposes her happy memories of Versailles (sung to a haunting
chromatic theme, Once there was a golden bird) with her relived terror of her trial and
execution (spoken harshly in Sprechgesang reminiscent of Bergs Lulu another ambiguous
tale of a female as victim/victimizer). The historical preRevolutionary Affair of the Diamond
Necklace (used to discredit the monarchy through accusations of MarieAntoinettes moral
impropriety with a churchman) gets recoded into its rather more innocent sale to finance the
rescue and escape of the imprisoned Queen.
As she watches A Figaro for Antonia, MarieAntoinette identifies with the victimized
young daughter, recalling her own arrival in Paris, lonely and homesick at age 14. Beaumarchais
reminds her Oh, how the people loved you setting up the contrast with the Begearssinstigated mob who will demand her head. She is obviously tempted by Beaumarchaiss offer to
risk his soul to change history for her, but warns him: Its dangerous to change history. To
this Louis XVI responds: Its only an opera. This single exchange, with its mixing of the
historical and the reflexive, is emblematic of the historiographic metaoperatic postmodernism
of Ghosts as a whole. Nevertheless, although the Kings humorous asides undercut
MarieAntoinettes histrionic desire to live again (Excessive in life, excessive in death, he
mutters), she remains touching in her vulnerability, both to the audience and to Figaro, whom
she manages to convince to save her from mob (in)justice and an unfair trial. Her decision in
the end not to be rescued, not to have history rewritten for her, but to accept her historical
destiny, is attributed to her realisation that Beaumarchais love and art offer a way out of
suffering in endless night through forgiveness as the only way to freedom. The clearly
melodramatic plot ending ofvirtue rewarded and order restored is thus simultaneously invoked
and made strange: reward comes, but only in the next world. What, by the end, seems to
look less like a feminist revisioning and more like a sentimental, nostalgic conclusion may
well be the most complicitous aspects of this postmodern opera. Its critical and even commercial
success might well be the result of this sentimental rewriting of history two hundred years after
the fact. No one, to my knowledge, responded to this as a feminist statement.18 One critic called
the score so fertile, so warmly tuneful, often so atonally wild, and just as often so disarmingly
dizzy that you dont have time to worry about dramatic motivation and other proprieties
(Kerner, p. 83). Perhaps, but, as with all postmodern works, the means of providing such access
warrant some attention, if not always worry.
This question of accessibility, important to the selling of novels and to the building of
buildings too, is crucial to an expensive art like opera. This is what, I think, most hampers any
radical potential of postmodernism in this artform. Lindenbergers final evaluation of what
constitutes the postmodern is a more extreme and avantgarde one than my own, and perhaps
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his view of the operatic may be more conservative than mine: To the extent that the term
postmodern challenges most everything we associate with opera, from the performing
personnel to the role of consuming audience, any operatic work that rigorously pursues a
postmodern program must seek its audience, if it can, outside the opera house (pp. 4647).
There is no doubt that postmodern opera by either of our definitions is taking place outside
the opera house: in small theaters (Nic Cotham /AnneMarie MacDonalds Nigredo Hotel,
1992, a marriage between Hitchcocks Psycho and Jungs psychology), at academic
conferences (John Beckwith /James Reaneys In the Middle of Ordinary Noise...: an
auditory masque, 1992, on the life and work of literary theorist Northrop Frye), even theme
parks (Robert Lepage, Laurie Anderson, and Brian Eno are working together on The Real
World, an avantgarde theme park to open in Barcelona in 1995).
However, as the popularity of The Ghosts of Versailles shows, the postmodern may even
be glimpsed at what one wag called the Metropolitan Opera Museum. Both Sellarss updating
of Mozart an act that reveals less a radical commitment to the works universality
(MacDonald, p. 707), than a historicizing interpretation in line with current cultural norms
and the new, filmic realism of recent (often filmed) productions might have been read as
conservative moves, were they occuring in another artform. But in opera, where acceptance
of a norm artifice and convention has long guided audience expectation, new stagings and new
operas too can play with a long history of parody and reflexivity, while introducing a historical
dimension that may be less radical than inevitable. This is clearly not the new noise that
Jacques Attali sees coming, one that can neither be expressed nor understood using the old
tools (p. 733). It is rather through those very old tools that canny (commercial) complicity
can and does coexist with the critical revisioning in operas postmodern moment.
NOTES
1
3
4
5
Admittedly, this doublename referencing is awkward and untraditional. Throughout this article, hower, the first
name will refer to the composer of the music and the second to the librettist. This is a literary critics perhaps futile
attempt to restore to the writer of the operatic text some sort of recognition, in the face of musicologys seeming
reverence for the composer alone. Where only one name appears, the composer has been responsible for the libretto
as well.
Modernist literary texts especially those of Thomas Mann have been made into operas which could be seen
as both modern (Benjamin Britten /Myfanwy Pipers Death in Venice) and postmodern (Harry Somers / Rod
Andersons Mario and the Magician). In Manns novel Doktor Faustus, Adrian Leverkiihn writes a modern opera
on Loves Labours Lost that parodies nineteenthcentury opera: parody, argues Leverkhn, is central to modern
art, thereby articulating and illustrating Manns own belief and practice.
Nicholas Munis recent production for the Canadian Opera Company reflexively worked with this remark and kept
Aiwa present on stage always sitting in a directors chair, playing with a model the stage action.
Parodies of popular operas performed at the Paris Opera in the eighteenth century played at the theaters of the
Parisian fairgrounds, the Theatre des Italiens and the Theatre de la Foire. See Johnson, p. 1388.
The following citations are from an interview with Jonathan Cott in 1985, printed in the notes to the Nonesuch
CD recording of Harmonielehre, whose very title invokes Schoenbergs 1910 study of harmony which he
dedicated to Mahler.
Figaros first aria is a parodic reworking and homage to Rossini /Sterbinis Largo al facto tum aria in // Barbiere
di Ssviglia; among the Mozartian echoes are those in the Aguas Frescas memories of the Countess about Cherubino
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and in the scene at the Turkish ambassadors party, where nineteenthcentury Turkomania (a. k. a. orientalism)
and Mozart / Stephanies Die Entfiihrung aus dem Sera/7 are both signalled and mocked through the singer Samiras
comic complaining cavatina, partly sung in Arabic.
To help its audiences memory, the Met scheduled both Le Nozze di Figaro and // Barbiere di Siviglia in the same
season as Ghosts.
See Noiray, pp. 36671 on the many operas about the French Revolution written and performed in Paris at the
time and on the changes in content and tone from 1790 to 1794. Not many of these have become part of the
repertoire, however. Many were propagandistic but, as Noiray points out, la Revolution represents lun des temps
les plus forts de la musique francaise (p. 378).
This hasnt stopped contemporany directors from resituating operas set in other periods in the tense and dramatically
suggestive time of the Revolution, of course. Frank Corsaro moved Prokofiev/Gozzis LAmour des Trois Oranges
from 1761 to 1789 where it reflexively took place in a Paris street theater (Conrad, p. 294).
In the Met production, Beaumarchais complains that he loves a woman who cares for me, and then pauses before
adding: not.
This seems a patent allusion to the irony mark for a world that doesnt understand irony: the not made famous
by the film, Waynes World.
Opera also flourished in these years and became not an expensive and exclusive form of museum culture, but
a popular and increasingly bourgeois form of live entertainment. See Arblaster, p. 45. From performing one new
opera a week before the Revolution, Paris theaters doubled or tripled their production with the opening of new
houses and the end of the royal privilege to determine what would be put on stage. See Noiray for complete
details.
Hoffmans use of the language of historical records for the trial scene could be read as a comment on melodrama
as well. As Brooks says: Like the oratory of the Revolution, melodrama from its inception takes as its concern
and raison detre the location, expression, and impo sition of basic ethical and psychic truths (p. 15).
By making Beaumarchais, the lover, a bassbaritone, they inverted the tradition of the tenor as hero/lover, but set
up a tension: baritones who fall in love in opera are often ingeious and will be punished in the end (Dumas, p.90).
His libretto to Salieris music for Tarare was political in theme: egalitarian, anticlerical, contesting the abuses
of power. See Spinelli, p. 1333. Tarare is also described by critics as aiming at a fusion of the tragic, the fantastic,
and the comic not a bad description of The Ghosts of Versailles. See Noiray, p. 363.
Louis XVI hired Beaumarchais to go to London to stop a libelous text about MarieAntoinette from being published:
given that he almost succeeded, in history, as in operatic fiction, he was almost her savior.
The historical Beaumarchais play, Le Mariage de Figaro, with its attack on the aristocratic droit de seigneur and
its elevation of merit goodness and cleverness over rank, had been banned by Louis XVI, though he did let
the first play, Le Barbier de Seville, be put on at the theater at the Petit Trianon at Versailles, with
MarieAntoinette playing the heroine, and directed by the playwright.
As mentioned earlier, Beaumarchais refers to MarieAntoinette by the affectionate Antonia, much to Louis XVIs
irritation, but there is also an operatic echo here of the sacrificial Antonia in Offenbach /Barbiers Les Contes
dHoffman who dies in order to sing. The librettists name (Hoffman) may not be utterly without relevance in
this postmodern play with names.
There has been surprisingly little feminist response to opera in general, as many critics have recently noted. See,
however, the important work of Clement and McClary.
See Felsin, p. 77, on the use of mass media representations within postmodern visual art as a means of providing
(positive) access.
WORKS CITED
Abbate, Carolyn Unsung Voices: Opera and Musical Narrative in the Nineteenth Century, Princeton, Princeton UP,
1991.
Arblaster, Anthony Viva la Liberta! Politics in Opera, London and New York, Verso 1992.
Ashbroock, William The Operas of Puccini, Oxford UP, 1985.
Attali, Jacques Noise: The Political Economy of Music, Trans, by Brian Massumi, Minneapolis, University of Minnesota
Press, 1985.
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Beaumarchais, PierreAugustin Caron de L Autre Tartuffe ou la Mere Coupable, Paris, Callimard, 1966.
Birringer, Johannes Theater, Theory, Postmodernism, Bloomington, Indiana UP, 1991.
Bokina, John Resignation, Retreat, and Impotence: The Aesthetics and Politics of the Modern German ArtistOpera,
in Cultural Critique, 9 (Spring 1988), pp. 15795.
Brooks, Peter The Melodramatic Imagination: Balzac, Henry James, Melodrama, and the Mode of Excess, New Haven,
Yale UP, 1976.
Clement, Catherine Opera, or the Undoing of Women, Trans, by Betsy Wing, London, Virago, 1989. Collins, Jim
Uncommon Cultures: Popular Culture and PostModernism, London and New York, Routledge, 1989. Cone,
Edward Music. A View from Delft: Selected Essays, Robert P. Morgan (ed.), Chicago, University of Chicago
Press, 1989. Conrad, Peter A Song of Love and Death: The Meaning of Opera, New York, Poseidon, 1987.
Corigliano, John, William M. Hoffman The Ghosts of Versailles: A Grand Opera Buffa in Two Acts, Milwaukee,
Schirmer, 1991.
Dumas, jean Le Melodrame, carrefourdes ambitions symboliques, in Esperienze Letterrarie, 7.1. (1982), pp. 8293.
Feingold, Michael Haunting Premises, in Village Voice, 37(14 January 1992), p. 89.
Felsin, Nina No Laughing Matter. Catalogue to No Laughing Matter Exhibition, New York, Independent Curators,
1991, pp. 711.
Greenfield, Howard Puccini: A Biographhy, New York, Putnams Sons, 1980.
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Aux nombreuses dfinitions du postmodernisme, il faudrait ajouter celle qui lui dcouvre
les fonctions dune diagnose. Pour les beauxarts au moins, cette dfinition devient essentielle
parce quelle peut prouver dabord que la ralit postmoderne ne se superpose pas compltement au postmodemisme; ensuite, parce que les principaux symptmes du postmodernisme
se trouvent dans lart moderne mme, dans celui quon appelle aujourdhui le modernisme
classique, qui date de la premire moiti du XXe sicle. Do vient alors cette opposition trs
catgorique que lon fait entre le pluralisme et la tolrance culturelles de lactualit dune part,
et dautre part lexistence, aujourdhui, de lobsession du style, mme dune unit du style,
obsession propre un pass assez rcent? Seraientce les dernires thories des artistes qui,
depuis un sicle, accompagnent leurs uvres de commentaires critiques? Certainement non.
Ce sont les historiographes de lart dune certaine priode les annes 20 et 30 de notre
sicle qui, par la tradition mthodologique des classifications quils ont garde assez
longtemps pour quelle se soit profondment enracine, ont ( part quelques glorieuses
exceptions) divis et isol les mouvements artistiques les uns des autres, contrairement leur
ralit profonde, qui les relie tonamment les uns aux autres. Cest surtout lhistoriographie
et la critique dart franaise, italienne et anglaise en premier lieu Jean Cassou, Giulio Carlo
Argan et Herbert Read qui ont dessin les contours trs prcis des principaux courants
artistiques du XXe sicle: cubisme, futurisme, expressionnisme, dadasme, surralisme, etc.
Ces contours savraient en mme temps commes des portes troites difficilement
franchissables, dun ct entre les propositions esthtiques ellesmmes, dautre ct entre ces
formes reprsentant lavantgarde et toute autre forme artistique de lpoque, soit
traditionnelle, soit dun modernisme modr, considres, par lavantgardisme extrme,
comme arrires ou mme de mauvais got. Lintrt prioritaire pour le langage des formes
tudi et apprci comme positif dans son volution du ralisme labstraction ou du sens
facilement comprhensible aux significations compliques ou ambigus, a lev des barrires
entre les diffrentes structures culturelles qui sont devenues pour longtemps ennemies. Lide
du progrs artistique en fonction de ladhsion lavantgardisme a fait natre des deux cts
toutes sortes de fanatismes, drlement ressemblants aux fanatismes politiques de lpoque.
Cest surtout le public et la presse de grand tirage qui en furent atteints. Les artistes ny taient
pour rien, sauf peuttre les surralistes de gauche: dautant moins que la fin des annes 20
a vu natre le noobjectivisme allemand (Neue Sachlichheif) qui marquait un recul du point
de vue avantgardiste et qui a attir plusieurs anciens abstraits, expressionistes ou orphistes
tels que Arthur Sgal, Max Bechmann, Otto Dit, Geng Grosz par un transfer opr sans bruits
polmiques. Le point de vue des critiques et historiens restait ferme, mais sans adhsions
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beaucoup dautres E. L Kirchner, Emil Nolde, Max Bechmann, etc. sur leur vnration
pour des artistes du pass culturel de lEurope et encore sans choix prcisment concour.
Rappelonsnous que Raphal faisait partie du portrait collectif des amis avantqardistes, peint
par Max Ernst. Un autre chapitre concernant lart davantgarde cette foisci il sagit de
lavantgarde russe et sovitique de lintervalle 19141932 a t repris par la recherche
historiographique dune nouvelle gnration dhistoriens et critiques dart allemands et russes
ensemble, loccasion des travaux pour la grande exposition BerlinMoscou, 19001950
ouverte en 19951996 Berlin dabord, ensuite dans plusieurs villes dEurope. Les rsultats
de ces recherches qui embrassent tous les domaines de lart visuel, donc architecture,
photographie, cinma, thtre, publicit y compris ont pu diagnostiquer certains symptmes
attribus au postmodernisme dans les diffrentes directions de lavantgarde classique du
modernisme. Pour rsumer lessentiel, ce sont: lesprit de synthse exprim dans lidal de
Iuvre totale, de pure essence romantique; lobsession du mythe national (contrairement
toutes les apparences et les interprtations historiographiques antrieures) il ne faudrait
que pensera lexposition organise par Daghilew Berlin en 1906 sur lart russe de licne
russe lart moderne et reflchir linfluence incontestable de lart religieux russe (la peinture
surtout) sur les peintres de lavantgarde russe de Kandinsky Gontcharova, de Lentulov
Malvitch et El Lissitzky, qui durant ses sjours en Russie, au dbut des annes 20, faisait
des expditions la campagne pour dcouvrir lart populaire national russe et juif traditionnel.
Dans lavantgarde allemande, ces symptmes ne manquent pas chez E. L. Kirchner, Emil
Nolde, Max Ernst, Georg Grosz, Heinrich Hoerle, mme si les points de vue sur la prsence
de llment national pendulent entre la conscience orgueilleuse dappartenir la culture et
lesprit gothiques (Kirchner, Nolde), la conscience amuse den faire partie (Max Ernst), ou
la colre moqueuse et lesprit de vengeance critique (Georg Grosz). Il y a ensuite lobsession
de lart comme action sociale. Comment aton jamais pu parler, en historiographe ou critique
dart, de lart pour lart comme tant le programme de lavantgarde? Les arguments, les
preuves contraires sont accablantes. Labandon de lautonomie esthtique absolue nest pas
un geste tout fait postmoderniste. Non seulement lavantgarde allemande et celle des pays
de lEurope centrale et de lEst sauf de rares exceptions ont eu, sinon des initiatives, au
moins des relations de gauche. Lavantgarde franaise a t modre en ce sens; mme les
surralistes et, un certain moment les dadastes, nenvisageaient ces problmes que sous un
angle presque comiquement intellectuel. Ce ne fut pas le cas des autres. Les grandes expositions
de lavantgarde berlinoise internationale riche en prsences hongroises, polonaises, tchques,
roumaines, de 1922, 1923, 1925 reprises dans les annes 70 et 80, proposaient leur projet
videmment paraesthtique et dcidment politique.4 En 1920, Maakowsky dclarait: La
rvolution des ides le socialisme et lanarchisme sont inconcevables sans la rvolution
des formes cestdire du futurisme5, le futurisme tant la dnomination gnrale pour
lart avantgardiste, ainsi que, dans les annes 20, en Roumanie, ctait le cubisme qui
jouait ce rle.
Un autre symptme qui annonait le postmodernisme fut lassociation de la culture
scientifique ou plutt technique lart. Au dbut, dans la version dadaste, les choses avaient
une teinte ironique ou ludique. Les Ttes mcaniques de Raoul Haussmann, les sculptures
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lectromcaniques de Tatlin, correspondaient assez bien une boutade dEinstein sur les
enthousiasmes de cette sorte: Ils se comportent comme si on leur avait amput une partie du
cerveau.6. Certes, la diffrence essentielle entre le modernisme et le postmodernisme et,
faudraitil ajouter, peuttre la plus consolatrice, cest la disparition du pathtisme utopiste,
de lutopie en gnral. Lide fondamentale des avantgardes de toutes sortes a bien t la
conviction quelles pourraient changer le monde, ou du moins influencer ce changement. En
renonant cette utopie, qui dailleurs navait pas en vue la morale, mais la politique, lordre
social et labsolu intellectuel, le postmodernisme a, en mme temps, par sa tolrance et, au
fur et mesure, par son indiffrence, ouvert la voie aux nombreuses formes de demiculture
ou mme de sousculture, qui affirment sans gne leur prsence, surtout dans le domaine visuel,
que ce soit peinture, vestimentation, cinma, tlvision. Quune certaine filiation relie ces
situations Marcel Duchamp, Kurt Schwitters et leurs objets trouvs, ainsi quau popart
et au hyperralisme amricain ne fait pas de doute. Le plus tonnant, comique mme, des
phnomnes postmodernes dans le domaine des arts visuels se trouve tre lintrt
considrable pour lart des deux totalitarismes nazi et stalinien. Consquence directe de la
pluralit de vues tolrante et calme, tout autre que la pluralit pathtique de lavantgarde
classique? Cet intrt nest pas tout dabord polmique, trangement, que pour certaines uvres
dun ridicule absolu. Les expositions successives consacres ces deux priodes ont plutt
prsent cet art comme une alternative qui peut coexister, historiquement parlant, avec le
modernisme et lavantgarde. Les faits rels de linterdiction et perscution de ces deux
prcieuses formes dexpression de lesprit du XXe sicle, semblent avoir laiss assez indiffrent le public de ces expositions qui ont eu un norme succs. Les plus importantes furent
lexposition de Vienne, en 19931994, Kunstund Diktatur; lexposition Art and Power
(1995) Londres; BerlinMoscou (1995) Berlin, cette dernire comprenant, cheektocheek,
lart avantgardiste et lart totalitaire. Le plus clbre collectionneur dart moderne et fondateur
de muses, Mr. Ludwig, a maintes fois dclar et prouv son intrt pour les nombreuses uvres
dart de bonne qualit appartenant soit lart du nationalsocialisme, soit lart
ralistesocialiste. Cest ainsi que le sculpteur Arno Breker avec ses gigantesques figures
dhros allemands exemplaires, ou le peintre russe Zineka qui a fait, dailleurs, dans les annes
20, certains sauts russis dans une modernit desprit matissien, parseme aussi du souvenir
de Picasso, se trouvent laise dans les muses Ludwig.
Le rle des muses pour la formation du got pluraliste est bien connu. Il faut rappeler ici
seulement que si une bonne partie des mouvements davantgarde futurisme et dadasme en
tte refusaient le muse, le moment postmoderne a cr lespace musal pour lart de
lavantgarde qui, de ce point de vue, entre dans les rangs des consacrs en renonant ce
quon considrait tre autrefois un privilge: la position de loutsider. Lambition de tout artiste
appartenant la plus ose des avantgardes daujourdhui promues par les expositions
Documenta de Kassel, est de prendre place dans un muse, de se faire enregistrer comme
citoyen du territoire des arts. La cration de nombreux muses dart moderne et contemporain
ne fait que confirmer labolition, par les postmodernes, de lune des ides chres lancienne
avantgarde dadaste: celle de mettre un signe dgalit entre la vie et lart. laide du muse,
les distances sont reprises, les modles assurs, le tumulte apais.7
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Si, pour linterprtation courante de lavantgarde historique comme innovation premirement, sinon purement des langages formels, lhistoriographie et la critique dart ont eu
le rle mentionn plus haut, ce sont toujours des historiens et critiques dart qui ont influenc
et prpar lvolution vers la mentalit postmoderniste, ainsi que linterprtation de
lavantgarde classique dans toutes ses significations. Aprs la raction contre lclectisme
artistique du XIXe sicle, mene par les noms illustres de lhistoriographie formaliste, de Conrad
Fiedler Benedetto Croce et Wlfflin, les annes 20 et 30 ont remis en question la recherche
iconographique tout autant que la cration artistique moderne. Aux tendances esquisses par
le psychologisme de Worringer sajoute le rle dcisif du viennois Max Dvork et sa conception
sur lhistoire de lart une histoire de lesprithumain. De cette faon, toutes les portes taient
ouvertes, toutes les voies possibles, toutes les interfrences acceptables. Ce ntait plus
lhistoire en esprit nietzschen des hros de lart, mais lhistoire des actions spirituelles
venues de toutes directions. Au dbut, lcho de ces ides ne fut que mthodologique, tant
donn que ni Max Dvork ni les reprsentants de la recherche iconologique de lcole de
Warburg (Aby Warburg, Fritz Saxl et, surtout, Erwin Panofsky) ntudiaient que les priodes
anciennes de lart, davant le XIXe sicle. Pourtant, cette renaissance de lintrt pour la
substance idatique de limage et pour ses irradiations symboliques (noublions pas linfluence
sur Panofsky du livre dErnst Cassirer, La philosophie des formes symboliques) a modifi lide
de Wlfflin sur la forme artistique comme destin; dici, les chances dlargissement des
principes et rgles esthtiques, largissement temporel et spatial la fois. Avec Hans Sedlmayr,
qui, une vingtaine dannes plus tard faisait des bestsellers avec La perte du noyau (Verlust
der Mitte) et la Rvolution de lart moderne, en soutenant quun art moderne spar de la
divinit et par l des valeurs essentielles de lesprit, est condamnable, a pris naissance toute
une ligne historiographique et critique qui se donne la peine de dcouvrir quen ralit lart
moderne et les avantgardes nont pas t prives, quen de rares cas, de ces bnfices spirituels.
En ce sens, ils ont leur part, dune faon ou dune autre, lextension postmoderne comprhensive de ce quon appelait avec un petit geste dexclusion, dorgueil et dloignement
modernit et avantgarde.
Prophtiquement, comme souvent dans ses bons mots, Jakob Burckhardt entrevoyait, en
1890, une des vertus du postmodernisme: Avoir lesprit universel, nest pas savoir le plus
de choses possibles, mais aimer le plus de choses possibles.
NOTES
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6
7
Cit par Sixten Ringbom, Kunst in der Zeit der grossen Geistigen, dans Mythologie der Aufklrung. Geheimlehre
der Moderne, Munich, 1993, p. 27.
Cf. Amelia Pavel, Peisaj natural, peisaj uman (Paysage naturel, paysage humain), Bucarest, 1987, p. 210.
Mondrian, Aufstellungskatalog, FrancfortsurleMain, 1981.
Die Zwanzigerjahre [Catalogue dexposition], Berlin, 1977.
Wladimir Maakowsky, Lettre ouverte aux travailleurs, dans BerlinMoskau, Munich, 1995, p. 112.
Dans Eva Zchner, Die erste internationale DadaMesse in Berlin, p. 122.
Cf. Stationen der Moderne, Berlinischer Galerie, Berlin, 1983.
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Le dbat postmoderne, en se dplaant, les deux dernires dcennies, des arts plastiques,
de larchitecture et de la littrature vers la musique, reste encore, cette fin de sicle, une
controverse inpuisable, tout en ttonnant vers une systmatisation possible de la cration
contemporaine ou avec plus dambition en essayant de dfinir les principes pour une
musique de lavenir. Lorsquil sagit de la terminologie, les attitudes pour et contre le
postmodernisme commencent dj se manifester, relevant (pour combien de fois?)
limage incomplte et quivoque offerte par un terme stylistique (en gnral). Avec toute leur
imperfection, les concepts stylistiques (baroque, classique, romantique, expressionniste,
maniriste, etc.) ont t adopts aussi en musique comme conventions. La convention
postmoderne est encore pleine de contradictions, de positions divergentes, justement, peuttre,
cause du sens si vague du terme.
Le postmoderne ne reprsente pas une solution terminologique par la relation mme quil
implique lgard du moderne. Il se traduirait par aprs le moderne, stricto sensu. Mais les
directions fondamentales qui ont servi dorientation aux philosophes et aux linguistes pour
expliquer le postmodernisme se rapportent au moderne soit comme une continuit de celuil,
soit comme sa ngation. Autrement dit: le postmodernisme se constituetil comme quelque
chose de radicalement nouveau, ou estil plutt lexpression radicalise du moderne? Les
rponses offertes ont marqu la multiplicit typologique de la pense des dernires dcennies.
Conformment aux opinions divergentes, le postmoderne signifie ainsi soit une perte de la
subjectivit, soit le retour la subjectivit; la fin du nouveau ou le plus nouveau; le retrait de
lavantgarde ou une avantgarde contemporaine; soit lantiesthtique, soit une nouvelle
esthtique; une conception rgionaliste ou globale; une logique culturelle du capitalisme
retard ou lopposition celuil1, etc. Quelle doit tre ensuite la distinction minimale entre
le postmoderne le postmodernisme la postmodernit (respectivement entre leurs
correspondants le moderne le modernisme la modernit)? Sa signification ne sentrevoit
pas travers les confusions gnres par la ngligence de ces dlimitations entre les divisions
en priodes, les caractristiques dtat et de style.
Il est possible que toute confusion naisse aussi du fait que de nombreux experts tendent
le postmoderne une priode donne, dfinie entirement comme telle. Or, au moins dans
la musique, une telle chose devient exagre, cause du phnomne bien connu
dindividualisation maximum des styles (la pulvrisation dans lindividuel dont parle le
compositeur Stefan Niculesco2). Dautre part, des crateurs diffrents pourraient tre
groups, du point de vue stylistique, par des coordonnes postmodernes, sans par cela
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postmoderne (post recevant soit le sens de continuation, soit celui de ngation du moderne),
avantgarde / acadmisme, nomoderne / noromantique, etc.
Dans une collection de prestige ddie au postmodernisme artistique et philosophique6
Lo Samana signe lessai Noromantique en musique: rgression ou progrs ?, en proposant
des distinctions dans le cadre musical de la notion postmoderne.
La tendance vers la rcupration du romantisme retard visible dans la musique des annes
7080 serait due la ncessit de certains compositeurs de revenir un systme fonctionnel,
soit par le minimalisme (une nouvelle technique greffe sur un quasitonal diatonique), soit
par le noromantisme (la reprise des modles de composition du XIXe sicle, continuant
ventuellement une classe de composition dun nom important de la priode romantique), les
deux orientations tant apparentes et pouvant tre incluses dans le postmodernisme
comme attitude de retour vers les repres de la tradition. La musique minimale gradual
process music (La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, etc.) absorbe des
influences de la musique pop, mais aussi des cultures musicales extraeuropennes7, vers
la Nouvelle Simplicit de la rception de la musique comme un rituel, comme une
incantation. Le noromantisme fera la redcouverte des compositeurs du pass (on parle dune
renaissance Mahler par exemple) sans les rendre contemporains (comme Berio le fait dans
la Symphonie), mais purement et simplement pour continuer un style de la musique tonale.
Les Amricains noromantiques dpassent souvent le seuil du kitsch et les clichs8 de ce genre
de romantisme qui peut renoncer pratiquement la particule no. (Il y a aussi des compositeurs
europens comme Penderecki qui, aprs avoir t placs parmi les sommets de
lavantgarde des annes 5060, ont choisi la voie vers une musique tonaleromantique et
le succs de la rception.)
Le postmoderne signifie pourtant plus de choses que ces voies faciles de retour dans le
pass: la rcupration de la tradition peut se raliser aussi par citation lun des chemins les
plus lgants et en mme temps dangereux9. Aprs le srilisme, le rapport entre la
dissonance / la consonance se rtablit ainsi dans une nouvelle hypostase, par citation (Alban
Berg a t le premier dans le contexte donn qui avait essay ce procd, ds les premires
dcennies du XXe sicle, par exemple dans lopra Wozzeck). Dautres moyens subtils et
complexes dassimilation de la tradition sans concessions se particularisent en fonction
des grands crateurs de la premire moiti du XXe sicle, qui incluent et dpassent la phase
du srilisme intgral, signalant les aspects dshumaniss (trop dinformation, lillusion de
lorganisation totale, le rationalisme hypertrophi).
Gyrgy Ligeti se dirige vers une nouvelle diatonie (bien sr nontonale, mettant laccent
de plus en plus sur la complexit des superpositions rythmiques (conformment certains
principes repris du folklore africain dans les tudes pour piano, par exemple) aprs avoir
initi cette technique micropolyphonique (dans les Atmosphres pour orchestre, 1961) et
stre approch dune manire passagre du minimalisme (Continuum pour clavecin, 1968;
Monument Selbstportrait Bewegung pour pianos, 1976).
Karlheinz Stockhausen, de mme que Boulez, lun des prophtes de lavantgarde des
annes 5060, aspire ct de Pythagore et Guru lharmonie des sphres, parfois dune
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manire authentique la Gershwin et dans un style dit oriental (Inori, 1974; Tierkreis, 1975;
Licht, 1977). Surtout dans le cycle wagnrienmgalomane Licht, ce sont les lments des
tendances srielles, postsrielles, quasinouvellement tonales, east meets west et lectroniques
avec beaucoup de penchant pour le show et le thtre qui sentremlent. (Lo Samana)10
Avec une volution sans changements si spectaculaires, sans rupture stylistique, Luciano
Berio a toujours prserv une certaine relation avec le pass, non concessive, modre avec
constance. (Ce que lon peut affirmer aussi lgard de Witold Lutoslawski.) Dans sa musique
(comme dans celle dun autre italien, Bruno Maderna), la subjectivit a toujours gard des
rapports quilibrs avec lobjectivit (en considrant que lexpression du moderne est objective
et celle du postmoderne subjective), bien que Berio ne soit pas daccord avec ltiquette
postmoderne que lon peut lui appliquer: Le postmodernisme est [] une simplification
des choses et une attitude que je repousse. [] Ce nest que larchitecture qui a le droit de
porter cette tiquette. [] Toute combinaison dlments stylistiques du pass de lhumanit
sentremet aux sentiments de confort; pour moi, cest une forme du mauvais got, il ne sagit
plus de crativit authentique, mais dune direction purement et simplement nonconvaincante.
Cest un chemin vers lextrieur, une vasion. Cest une voie pour les musiciens ou les
architectes qui vitent la responsabilit. (Berio)12
En abordant dautres nombreux aspects de la musique des deux dernires dcennies, ltude
de Lo Samana nous offre une esquisse possible dun postmodernisme qui contient, en essence,
lide de la rassimilation du pass, soit dans des cas extrmes (le noromantisme ou la
musique nave dArvo Prt), soit en nuances gradues, partir du minimalisme, la Nouvelle
Simplicit et jusquaux musiques qui filtrent les suggestions du pass sans ngliger les
conqutes de la modernit (Berio, Ligeti, etc.)
Plus intressante encore savre la parallle finale propose par Samana entre le noromantisme et le nomanirisme, surtout par lexistence du mme idal anticlassique.13
En gnralisant, lartiste du XXe sicle, semblable celui du XVIe sicle (conformment aux
prcisions esthtiques de Gustav Ren Hocke14), est proccup surtout par la technique, fait
des dcouvertes, dveloppe des thories nouvelles et des aspects techniques nouveaux, il est
un constructeur virtueux. La bella maniera, Variet, Effetti meravigliosi et, avant tout,
Imitazione della imitazione della natura au lieu de llmitazione della natura tout simplement
dAristote, appartiennent aux effets magiques du manirisme. Il formule des principes, ptrifie
lair vif, tente vers loverstyling. Le nomanirisme du XXe sicle essaie de renier le pass
et en mme temps dinvoquer le prsent en thories. Il se confie aveuglment au fait que ses
dcouvertes techniques sont suffisamment rsistantes pour fonctionner en tant que but (et non
pas comme moyen) de ces crations. Au contraire, le noromantique part son tour la guerre
avec des ides anciennes et des sentiments dj souvent vrifis. Il rend thorique aussi le
pourquoi et le comment de ses actions. Luiaussi, il est ainsi un nomaniriste. Lart contemporain existe au fait entirement sous le signe des plus importants symboles maniristes:
labyrinthe, miroir, masque.... (Samana)15
On ne peut pas tre daccord avec la gnralisation nonslective du manirisme (mme
sil est no) dans la musique contemporaine (du genre: le constructeur virtueux, raisonnable,
ddalique et le noromantique sont, au bout de compte, les deux, des maniristes). Si on
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ces termes esthtiques on doit appliquer la logique fuzzy: jusquo un compositeur / une cration
estil / elle moderne et o commencetil / elle tre postmoderne? Il y a lexemple de la
Symphonie de Berio dans laquelle uniquement la troisime partie fait appel aux citations,
collages, le reste du discours musical pouvant reprsenter trs bien la catgorie de la musique
nouvelle.
Les reprsentants de la tendance Die Neue Einfachheit (une gnration jeune: Wolfgang
Rihm, Manfred Trojahn, HansJrgen von Bose) se sentent libres de recourir la tradition (ce
qui en partie dpasse, en partie nie la catgorie de la musique nouvelle)22. Aux alentours
des annes 70, la crise du moderne sobservait dans laffirmation du contraire du slogan lart
doit tre nouveau pour tre authentique, dans lapparition (de nouveau) des concepts artistiques
de libert, subjectivit, intriorisation, intimisme, dans le retour de certains genres
musicaux (sonate, quartet, symphonie, lied, opra), autrement que dans le noclassicisme
non pas par la restitution des modles de phrase et de forme musicale, mais par llimination
de linterdiction moderne lgard de ces genres.23 Tout comme, vers 1910, du fait de la
seconde cole viennoise, le scandale de lmancipation de la dissonance tait provoqu; celui
de lmancipation de la consonance fait son apparition vers 1970. Mais leffort pour regagner
une certaine expresivitmusicale rencontre une difficult: la reproduction dune expression
du pass de seconde main, le danger du rapprochement des mouvements no (noclassicisme, nobaroque, noromantisme), rsultant ainsi un nomoderne.24
Toute cette confusion terminologique tient, la base, probablement, de la double interprtation du terme moderne: comme principe esthtique ou comme concept historique (dans
ce dernier cas il est possible quil sagisse dun nomoderne). Le nomoderne signifierait
donc un retour cette poque entre le romantisme et la musique nouvelle, manifest vers
les annes 7080 par diverses renaissances (Mahler, Janacek, Zemlinski, Schreker, Berg,
Bartok, Stravinski, etc.) En incorporant son tour la tradition, le nomoderne reste toujours
un aspect du postmoderne.
Une autre dmarche qui approche le postmoderne du manirisme, en opposant ces deux
termes lavantgarde, appartient au compositeur et chef dorchestre Hans Zender, dans le
troisime chapitre Komponieren in der Situation der Postmoderne de son livre Happy
New Ears. Das Abenteuer, Musik zu hren.25 Zender passe en revue les opinions gnralises
sur lveil de nouveau de la libert (postmoderne) aprs avoir rendu tabou ( lpoque
moderne) des formes du pass, le retour de lexpression, de la spontanit la place de
la discipline de lavantgarde, et propose un autre modle: celui du postmoderne comme
moderne zu sich selbst gekommene26, comme stade final de lavantgarde, comme fin et
but la fois.
En grandes lignes, la musique du XXe sicle se profile dans deux directions:
lavantgarde ou la continuation dune position esthtique qui dure depuis lpoque de
Beethoven;
le manirisme ou le regard en arrire, dans les sicles passs, dans les cultures extraeuropennes (avec laffirmation de larchtype, du mystiquemagique etc.).
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Tout lart maniriste repose sur des modles, des styles, des systmes de pense des
poques passes, mais il vit pour modifier dune manire esthtique ces modles, les interprter dans une autre orientation que celle qui correspondait leur intention dorigine: on
pourrait discuter aussi du point de vue contraire dune intgration des anciens contenus
culturels dans la conscience moderne. (Zender)27
En tant quaspects maniristes comme des images temporelles discontinues, lquivoque,
le choc de labsurde, etc. sont dtectables dans les courants du XXe sicle, respectivement dans
ceux compensateurs lgard de lavantgarde, empruntant en mme temps de ces couches.
(Lexemple concret offert se rfre Stravinski, qui a largement absorb la musique du pass
de la mythologie folklorique la tradition des XVIIeXIXe sicles , rverbrant sur le
pluralisme dun Zimmermann ou sur la technique de lloignement surraliste chez Kagel.
Stravinski avait t autrement oppos lavantgarde, la musique nouvelle, Schnberg,
par Adorno dans sa clbre Philosophie derNeuen Musik.) Si lavantgarde regarde en face,
y oeuvre dune manire formellelogique, le manirisme regarde en arrire, se ddie labsurde,
il est une sorte de psychiatre de lavantgarde, apportant dans la conscience des expriences
oublies et refoules, pour gurir le patient bless de lunilatralit de la rationalit
moderne.28
Entre parenthses, Hans Zender inclue aussi des aspects maniristes dans sa composition
au moins dans lopra StephenClimax (1986), daprs lUlysses de Joyce (roman considr
par Hocke comme un sommet du manirisme du XXe sicle) des aspects tels que: le scnario
grotesque, plein dhumour noir et de changement choquant; lenvoi de lauditeur dans un
labyrinthe dlments rationnels ou irrationnels, dans la simultanit du pass, du prsent, du
futur; des citations musicales, des collages, des associations, des rminiscences attaches
la ncessit de la dramaturgie, mais aussi la rcupration du pass; la prpondrance du
symbole ddalique (maniriste), tout comme dans le livre de Joyce (le hros principal tant
Stephen Dedalus). Nous tous, comme fils de Ddale, nous sommes prsent en danger
dcroulement si nous ne changeons pas fondamentalement nous nous conduisons dune faon
trop irrflchie, depuis longtemps, avec les trsors de la nature extrieure et intrieure. (H.
Zender)29
Cest la course en avant et la course en arrire que le compositeur Stefan Niculesco
met en discussion dans une de ses rares dmarches, ayant de la profondeur et de lexactitude
scientifique, sur le postmodernisme musical dans la musicologie roumaine: Un nouvel esprit
du temps en musique.30 Vu comment les quatre tendances cardinales de la cration musicale
contemporaine sont dcrites, on peut tracer une parallle entre les termes discuts jusquici
et ceux proposs par Stefan Niculesco: la course en avant ou ladaptation du dsordre individuel correspondrait lavantgarde; la course en arrire ou ladaptation dun ordre collectif
crit au noromantisme, ventuellement la Nouvelle Simplicit allemande; la
recherche dun ordre individuel, avec un accent sur la raison et labstraction la Nouvelle
Complexit; la recherche dun ordre archtypal dans les ordres collectifs oraux
partiellement la Nouvelle Simplicit amricaine, partiellement la musique de la mditation
(cette parallle reste encore insuffisante).
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Cf. Wayne Hudson, Zur Frage postmoderner Philosophie; aussi, Hans Bertens, Die Postmoderne und ihr Verhltnis
zum Modernismus; lhab Hassan, Pluralismus in der Postmoderne tous les titres de la collection dessais Die
unvolendete Vernunft: Moderne versus Postmoderne, d. Dietmar Kamper et Willem van Reijen, Suhrkamp,
FrancfortsurleMain, 1987, 573 p.
Stefan Niculesco, Un nouvel esprit du temps en musique, dans la revue Musica, 9/1986, Bucarest.
La difficult de synthtiser dans un concept unique les tendances musicales actuelles dmontre limpasse de cette
poque, le syndrome fin de sicle.
On prcise la distinction terminologique entre le concept allemand et celui anglosaxon: seriellen Musik contient
tous les types de composition avec des sries, dveloppes en Europe aprs 1950, en continuation de la dodcaphonie
schnbergienne (schnbergsche Dodekaphonie); srial composition signifie toute composition avec des sries,
surtout des crations de la seconde cole viennoise.
Le concept inclut deux orientations diffrentes: New Simplicity, ou lloignement dsir de la tradition europenne
de la musique minimale amricaine et Die Neue Einfachheit, ou la musique oriente vers la tradition et
lexpression dans lAllemagne Occidentale de la huitime dcennie.
Voir Lo Samana, Neoromantik in der Musik: Regression oder Progression?, in Die unvollendete Vernunft:
Moderne versus Postmoderne, d. cit.
Samana, loc. cit., pp. 454455.
Samana cite comme exemples William Schuman, David del Tredici (p. 464). On peut ajouter lexemple dun
compositeur de grand succs lheure actuelle pour la vie musicale amricaine John Adams lexposant du
romantisme contemporain rfugi dans le territoire tonal, en vitant les lments modernes, mis part une
technique minimale. Le choix des sujets dopra de lactualit politique voir Nixon en Chine (1987) et The Death
of Klinghoffer (1990) nest pas suffisant pour sauver la musique dun certain pigonisme romantique.
Cf. Samana, loc. cit., p. 455.
Idem, p.465.
Idem, p. 499.
Dans linterview avec Axel Fuhrmann de Neue Zeitschrift fr Musik, 5/1991.
La dichotomie moderne objectif / postmoderne subjectif se complte par une autre: classique / anticlassique
(Samana, p. 449). En ce qui concerne une complication de plus, pour prserver la consquence au noclassique,
au noromantique ou au nobaroque.
Voir G.R. Hocke, Die Welt als Labyrinth, Rowohlt, Hambourg, 1964 et Le Manirisme en littrature, d. Univers,
Bucarest, 1977.
Samana, loc. cit., p. 475.
H. Danuser, Die Musik des 20. Jahrhunderts, tome 7 du Neues Handbuch der Musikwissenschaft, Laaber Verlag,
1984.
Cf. Danuser, loc. cit., p. 393.
Idem, p. 397.
Idem.
Idem, pp. 397398.
La musique nouvelle de nouveau dans le sens donn par Adorno (Philosophie der Neuen Musik, Ve dition,
Suhrkamp, 1989), quand il opposait Schnberg = le progrs et Stravinski = le regrs artistique. Au del des
exagrations, la musique nouvelle reste synonyme (dans une certaine mesure) pour ce moderne progressiste
qui nie la tradition, pour pouvoir aller plus loin.
En contrepoids cette Nouvelle Simplicit allemande, une tendance de prservation et de continuation des
conqutes du moderne saffirme dans la Nouvelle Complexit, reprsente par Brian Ferneyhough, Emanuel
Nuez, etc. Labstraction de pense musicale y prdomine et la tradition nexiste que pour tre nie (dans une
partiture dune complication inhabituelle, dcriture davantgarde). Lesthtique du moderne, de la musique
nouvelle se conserve ainsi, paralllement aux orientations nomoderne ou postmoderne (voir Danuser aussi,
loc. cit., pp. 398400).
Cf. Danuser, loc. cit., p. 400. La diffrence se note dj dans les titres de certains ouvrages, de labstrait dEpicycle
de Ferneyhough aux dnominations comme Symphonie, Quartet etc.
Cf. Danuser, loc. cit., p. 403.
Paru chez Herdez / Spektrum, Freiburg im Breisgau, 1991.
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En guise dintroduction
Nous possdons, sans aucun doute, un des traits caractristiques de toute grande
littrature: priodiquement, le domaine roumain des lettres est agit par les vagues que soulve
lapparition dun termechoc: structuralisme, textualisme, protochronisme et, prsent,
postmodernisme. Peu importe si le protochronisme est, en dernire analyse, une manifestation
des complexes de la littrature roumaine, dj analyss par Mircea Martin, si les autres termes
sont apparus chez nous juste au moment o les Occidentaux taient sur le point de sen
dsintresser. Limportant, cest que nous avons nous aussi nos propres termes propos
desquels nous pouvons dployer notre nergie, taler notre intelligence, notre personnalit,
notre habilet et, surtout, la bibliographie, inaccessible au commun des mortels. En effet
nestce pas? la dmocratie culturelle a ses lois elle aussi et, au fond, pourquoi ne
btirionsnous pas notre prestige non pas sur une relle comptence et sur loriginalit de la
pense, mais sur le contrle des sources et leur valorisation sous la forme dtudes sur...
(cest ainsi que dix ans avant que lon traduise des textes de Freud, jai vu un livre sur Freud,
cest ainsi quil existe un livre sur Bergson sans quil y ait une traduction des textes essentiels
de Bergson, cest ainsi quon a publi des essais sur Teilhard de Chardin avant mme quun
seul de ses textes ait t traduit en roumain, etc.).
Mais questce que tout cela a affaire avec le postmodernisme? Malheureusement, cela a
affaire, et dans une mesure non ngligeable! Avant davoir en Roumanie les principaux textes
(thoriques et littraires) du postmodernisme, voil que nous discutons du postmodernisme.
Chacun a son ide (fonde invitablement sur une information partiale) au sujet du
postmodernisme.
Quant moi, je reconnais dentre de jeu ne pas tre ce quon pourrait nommer un spcialiste du postmodernisme. Mais la manifestation dans le domaine des lettres roumaines
de deux phnomnes denvergure diffrente, moblige ne pas me tenir coi: il sagit de
lapparition dune remarquable (et rvolutionnaire, sur le plan littraire) gnration
dcrivains (celle des annes 80) et de la brusque mode du terme postmodernisme, utilis
ces derniers temps avec une ptulance digne dune meilleure cause mais aussi avec une absence
de discernement (dans certains cas) qui donne rflchir.
Mes problmes seront prsent les suivants:
dans quel sens est et peut tre employ le mot postmodernisme dans notre littrature?
la gnration des annes 80 estelle, oui ou non, postmoderniste?
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Pourquoi postmodernisme?
Le terme postmodernisme, en tant que tel, nest en soi ni bon ni mauvais. Tout dpend du
contexte dans lequel il apparat, du sens quon lui attribue, de linfluence quil exerce
(positive ou ngative) sur la qualit et le niveau des dbats quil engendre, sur la configuration (et la valeur) des oeuvres littraires dont il stimule la production. En effet, un mot
emblme comme romantisme, modernisme ou, en loccurrence, postmodernisme joue,
parfois, un rle trs important non seulement pour la description et la dfinition, mais aussi
la cristallisation et la rception de certains phnomnes littraires (et non seulement
littraires).
Dans la littrature occidentale (je men tiendrai la littrature), aux tatsUnis plus
prcisment, ce terme est rpandu depuis une vingtaine ou une trentaine dannes et a trait
selon mes modestes connaissances un courant littraire concret et / ou un moment littraire
distinct (le terme a sans doute t employ plus tt dans les sciences humaines ou dans les
autres domaines de lart pour dsigner sur le plan de la culture et de la civilisation ce qui
correspondrait au postindustrialisme sur le plan technologique, mais, pour lheure, nous
nlargirons pas la sphre de cette discussion).
Lemploi du terme postmodernisme pour traiter des phnomnes littraires roumains
pourrait se justifier, selon moi, dans les situations suivantes:
sil existe, dans une traduction roumaine, toute une srie de textes parmi les plus
importants (littraires et / ou thoriques) des protagonistes du postmodernisme occidental, textes qui, dune manire ou dune autre ont influenc, influencent ou pourraient
influencer la pratique et la thorie littraires roumaines. Or, autant que je sache, il
nexiste aucune traduction de ce genre lexception de quelques romans de Kurt
Vonnegut jr., de quelques fragments de romans de Barth ou de Pynchon publis dans
la revue Secolul XX (XXe Sicle) et des Gloses au roman Le nom de la rose dUmberto
Eco, o le smioticien italien discute aussi, entre autres choses, du postmodernisme.
la limite, si lon croit lauteur, on peut considrer Le nom de la rose comme un roman
postmoderniste ou, sil nous faut trouver des traductions doeuvres postmodernistes,
prenons aussi en considration Vendredi ou Les limbes du Pacifique de Michel Tournier
(un roman traduit il y a plusieurs annes, mais qui na gure rencontr dchos) ou encore
quelquesuns des livres dItalo Calvino.
certains phnomnes littraires roumains contemporains sont similaires et peuvent tre
classs dans la mme typologie que les phnomnes littraires occidentaux (mme sils
sont apparus dune manire indpendante et dans un tout autre contexte). La discussion
se complique ici, ftce mme parce que le postmodernisme est, comme le faisait remarquer Eco, un mot bon tout faire. Et Umberto Eco de mettre le doigt sur la plaie (dans
Les Gloses... dont il a t question): Jai limpression quaujourdhui celui qui
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lemploie lapplique tout ce qui lui plat. Dun autre ct, il existe, sembletil, une
tentative visant le faire glisser en arrire: au dbut, il semblait adquat pour certains
crivains ou artistes qui ont cr ces vingt dernires annes (cest moi qui souligne
A.M.): puis, peu peu, il a fait marche arrire jusquau dbut du sicle, ensuite il est
all encore plus loin reculons et la marche continue...
Le terme est donc manipulable et en mme temps ambigu: si au dbut il dsignait un courant
artistique contemporain concret, il a maintenant petit petit tendance dsigner une typologie
cratrice concrte (comme le romantisme, le classicisme, le manirisme) qui se manifeste aussi
dans le cadre du modernisme, et mme avant le modernisme; la limite, le postmodernisme
devient synonyme de valeur et de viabilit artistique dans la perspective de la contemporanit.
Sans tre tout prix grognon ou chicanier, je crois que cette capacit du terme
tre manipul ainsi que son ambigut foncire le rendent non seulement attrayant mais aussi
dans le mme temps inapplicable, sinon prjudiciable lorsque, comme il est normal, nous
essayons danalyser ce qui se passe dans les lettres roumaines et surtout dans la posie et la
prose de la gnration des annes 80. Lapplication dun terme qui a, dentre de jeu, au moins
trois sens diffrents peut facilement jeter la confusion dans le monde qui, de toute faon, nest
pas trs clair, de nos lettres contemporaines. Mais voyons un peu comment est appliqu (jallais
dire manipul) le terme postmodernisme dans notre critique littraire.
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de plus en plus souvent employ et qui, je le rpte, peut avoir et a une valeur emblmatique.
Logiquement, il existe les possibilits suivantes:
renoncer ce terme;
lemployer en lui donnant le / les sens que ce terme a en Occident, savoir:
comme un courant de la prose de ces vingt dernires annes, surtout de la prose
anglosaxonne (des auteurs comme Pynchon ou Barth);
comme une typologie cratrice, en prtant attention aux objections dj formules
par Eco;
comme un moment culturel concret qui vient aprs le modernisme et se caractrise
par un tarissement de linvention, par le sentiment que la tradition nest pas suffocante, par lclectisme et la reprise / synthse (dans une tonalit ironique et
parodique) de toutes les formes / manires antrieures.
lemployer pour dsigner des phnomnes spcifiques de notre littrature contemporaine,
irrductibles aux modles occidentaux opration qui suppose une reconstructruction
des sens, une rlaboration thorique dun concept qui possde dj une autre biographie en Occident; mais tout cela pas avant, de prendre parti entre les points de dpart
suivants: le postmodernisme dsigne, dans lespace littraire roumain:
un courant potique lanc au Cnacle du lundi;
une gnration de cration distincte;
un moment potique concret, savoir celui de laprsguerre, qui se caractrise par
une rcriture, dans une autre tonalit, des modles (types) de la posie de
lentredeuxguerres (un aspect pas li, en fait, lide du moment culturel
mentionne plus haut, car cette rcriture si elle existe est dtermine, selon
moi, par des causes spcifiquement roumaines, particulires, extrieures
lvolution normale de la littrature la faille des annes 50 rcriture qui
nest pas, dans la plupart des cas, ironique, mais tout au plus involontairement
comique);
et, ce qui nest pas moins important, une certaine manire de faire de la prose qui
consonne avec celle dcrivains comme Barth ou Pynchon. cet gard, je peux
mme affirmer, la conscience tranquille, que Mircea Horia Simionescu est un
postmoderne (il est au moins aussi spirituel et ingnieux que John Barth et russit,
parfois, tre tout aussi ennuyeux que lcrivain amricain. De mme sont
postmodernes Paul Georgescu, tefan Agopian ou Ion Groan (dans La Caravane
cinmatographique et Lcole ludique, mais non dans La Grande amertume) ou,
du mme auteur, sous le pseudonyme de Ars Amatoria, dans des sries comme
Cent ans aux Portes de lOrient. Mais (et l est toute la question) Mircea Nedelciu,
Gheorghe Crciun, Alexandru Vlad, Sorin Preda, Viorel Marinescu ou Daniel Vighi,
six des jeunes prosateurs les plus importants, sontils des postmodernistes? Je crois
que non, malgr les techniques narratives sophistiques dont ils se servent, malgr
le caractre livresque de certains de leurs textes, etc. Ce qui reste dmontrer.
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peut tre lue comme le fait N. Manolescu que si lon situe au centre de cette posie (si on met
laccent sur) des potes comme Traian T. Coovei, Mircea Crtrescu, Ion Bogdan Lefter et
non Clin Vlasie, Romulus Bucur, Liviu loan Stoiciu ou Ion Murean (je ne discute pas,
maintenant du talent des potes appartenent ces deux sries mais du radicalisme des
renouvellements entrepris, du modle potique quils expriment).
La lecture de N. Manolescu, le modle implicite de la gnration des annes 80 quil
voque, la manire dont il met les accents sont parfaitement cohrents et correspondent aux
options antrieures du critique, relvent dun certain got, dune certaine comprhension de
la posie qui sont en gnral, communs aux critiques de sa gnration (et non seulement de
sa gnration). Il y a mme plus: si une telle lecture exprime elle aussi un moment potique
postmoderniste (cest dire maniriste aussi comme affirme Eco et Romul Munteanu
dcrit avec prcision la posie de Crtrescu en partant de la prmisse que nous avons affaire
un pote maniriste, dans le sens de Hocke), il est vident que les principaux potes de la
gnration des annes 80 sont (peuvent tre) Coovei, Crtrescu et Lefter. (Manolescu est
consquent avec luimme jusquau bout et cest pourquoi il est difficile de comprendre ceux
qui attaquent ses options en se situant sur des positions thoriques, sur des questions de got
et de comprhension dune posie similaire sinon identique.)
Je ne crois pas cependant que la lecture de Manolescu est la plus pertinente. La dmarche
potique fondamentale de la gnration des annes 80 nest pas permettezmoi de le croire
et de lesprer une dmarche maniriste, et ni mme postmoderniste (dans nimporte quelle
acception on donne ce terme).
Ce qui distingue (tout au moins au dbut) la posie de la gnration des annes 80 de la
posie qui la prcde, cest un certain engagement existentiel lgard de la realit.
Bien que pour ces potes la culture soit une nature, selon lexpression de t. Aug. Doina,
leur principale obsession est le rel, le vcu. Non pas tant lesprit assoiff de rel (heureuse
formule de Robescu, qui me semble caractriser le mieux la posie de la promotion 70)
que lesprit vivant dans le rel. Les potes de la promotion 70 ont raison, leur manire, de
protester quand ils affirment quils ont fait eux aussi une cole srieuse, quils sont eux aussi
livresques (comme on la dit au sujet des potes de la gnration des annes 80). En fait
lessence de la dmarche des potes quatrevingtards se situe plutt sur le plan existentiel
elle vise changer lattitude lgard de la posie et lgard du monde, changer les rapports
entre ceuxci. (Il est vident quune fois la perspective change, la manire dcrire change
elle aussi. Et lutilisation dun arsenal de procds tout fait impressionnant me semble dune
normalit dsarmante, qui dcoule du srieux et de la profondeur de leur dmarche, de la mise
denvergure et non en dernier lieu de ce quon nomme talent). Les potes de la gnration
80 sont des rvolutionnaires et non des aristocrates potiques. Tout au moins au dpart
sinon pour certains en fin de carrire galement. Ce qui a drang, ds le dbut na pas
t leur fronde des spcialistes en frondes nous en avons assez, de Tudor George
Mircea Dinescu mais leur dsir de changer les rgles du jeu littraire.
La manire dont ont t slectionns et valoriss les potes de la gnration des annes
80 est significative: il existe un certain ordre daccs aux maisons ddition. Traian T.
Coovei a dbut en 1979, alors que Vlasie et Bucur ont dbut en 1984 avec des posies crites
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pendant la mme priode que celles contenues dans le volume de Coovei; de mme, des potes
de la mme valeur occupent une position centrale ou priphrique.
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Mais les dmarches de ces quatre prosateurs, bien quelles aient le mme point de dpart
le textualisme sen loignent et partent dans des directions distinctes. Pour Gheorghe Crciun
(qui est aussi un excellent thoricien mais parmi les crivains de la gnration des annes
80 ce filon thorique nest pas du tout rare, ce qui est un autre signe distinctif !) crire /
textuer cest connatre son corps, le librer, en avoir conscience, le valoriser (voir galement
son essai Corps et lettre). Linstance ordinatrice et gnratrice de texte ne se trouve pas,
selon Gheorghe Crciun, au niveau du / des texte(s), ni mme au niveau de la pratique du texte
le texte ne scrit pas, nest pas crit, cest le corps qui crit: Le corps sait beaucoup plus,
affirme le narrateur dans Actes originaux / copies lgalises. Position tout fait originale grce
laquelle le textualisme est sauv de la strilit et transform en autre chose: instrument
dexploration de soi et dexploration du monde, non seulement sensuelobjectal mais aussi
(ce qui est nouveau) culturelsocial. Le texte est, pour Gheorghe Crciun, non pas un but, non
pas un objet, mais un moyen, une forme de manifestation dans le rel (permettant galement
dinfluencer et de matriser celuici).
Ingnierie textuelle tel est le syntagme sous lequel Mircea Nedelciu place sa dmarche
dcrivain. Nous nous trouvons dj hors du textualisme, bien que les principaux syntagmes
(et procds) textualistes nous les rencontrerons dans les thories (et la pratique) littraires
de Mircea Nedelciu. Par ingnierie textuelle, Nedelciu entend une forme de participation
lhumain / de construction dans lhumain par lintermdiaire / avec laide du texte. Lexistence
culturelle (et sociale) tant un permanent intertexte, o les codes engendrent des critres
axiologiques et des instances diverses, lhomme est dchir entre des codes / instances /
critres concurrentsallis qui lalienient, le manipulent. Qui substituent ses besoins rels
des besoins imaginaires, induits par le code / le texte qui le domine, code qui exprime des
intrts qui lui sont trangers ( lindividu ordinaire). Parce dmasquage permanent du
relativisme des instances / codes / textes, Nedelciu se propose de procder une dsalination
du lecteur. Il cherche lui offrir les instruments ncessaires pour djouer la manipulation et
pour se construire soimme. (Nous pouvons comprendre ici la diffrence quil y a entre les
ingnieurs dhommes la formule stalinienne et lingnierie textuelle de Nedelciu.
Celuici ne veut pas construire dans / des hommes, mais veut leur offrir les moyens pour se
construire euxmmes, pour rejeter la dconstruction engendre par les textes / codes au milieu
desquels il vit.) Nedelciu ne rejette pas lide de code et de texte, ni mme celle de manipulation,
car elles sont la base de toute structure sociale ou culturelle. Mais il veut contrebalancer les
effets destructifs, les blocages quentrane la prolifration cancreuse de certains codes /
textes il veut donner au lecteur la possibilit de penser et de construire son propre texte.
linstar de lingnierie gntique qui ne gurit pas les maladies mais cherche dterminer
(par des informations) lapparition de structures permettant au corps de se dfendre contre
les maladies tout seul, sur la base de ses codes.
Au sujet de Gheorghe Ene et dEmil Paraschivoiu je ne me permettrai pas de discuter
maintenant car, malgr la valeur de leurs crits (et malgr leur ge), ils nont mme pas publi
un seul volume et mes apprciations pourraient sembler gratuites.
Je marrte ici. Et je me demande: comment le syntagme postmodernisme pourrait reflter
ces dmarches littraires originales et fertiles, mes yeux? En aucune manire. Le
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postmodernisme est une tentative pour capter le lecteur mme en dehors dune relle
communication: Cest pourquoi si chez les modernes quelquun ne comprend pas le jeu, la
seule solution qui lui reste est de le rejeter alors que chez les postmodernes il pourrait bien
se faire que le jeu ne soit pas compris et quil soit ainsi pris au srieux...; Gagner un large
public pour peupler ses rves, cest peuttre a aujourdhui tre lavantgarde... peupler les
rves des lecteurs ne signifie pas ncessairement les consoler... Peuttre estce les obsder.
(Umberto Eco, Notes marginales et gloses au Nom de la rose, in Secolul XX, nos
272273274). Ce nest pas le cas pour les jeunes prosateurs et je crois que pour les jeunes
potes non plus. Le postmodernisme tel quon lentend en Occident peut dcrire certains
phnomnes littraires roumains qui sont cependant (relativement) marginaux. Le prestige
culturel des zones do provient ce terme ne pourrait quembrouiller encore plus la
perspective sur ce qui est vraiment nouveau, rvolutionnaire diraisje mme, dans la
littrature des jeunes. Ce serait de tourner lattention et les efforts dans une direction non
essentielle pour nous ici et maintenant, cela ne ferait quescamoter les problmes rels de notre
littrature contemporaine. Ce serait, pour employer une mtaphore, comme si on votait de
nouveau en faveur de Minulescu ou de Toprceanu et non pour Bacovia (je parle bien entendu
de ceux qui ne votent pas toujours pour Maria Cunan).
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Mais revenons au postmodernisme: il nous faut constater que certains de ses traits sont
sans conteste les signes dun alexandrinisme qui caractrise la (une partie de la) culture de
lOccident. Quand les forces vives tarissent (en ralit, elles dplacent leur centre
dintrt autre part, dans le domaine des sciences humaines ou dans celui de la
technologie pour reprendre une boutade dAndy Warhol je dirais, en citant de mmoire:
Aujourdhui les vrais artistes sont mdicins et entrepreneurs) on voit apparatre au
premier plan les grammairiens (lun deux tant justement Eco, si souvent mentionn ici). En
France, par exemple, les intellectuels contemporains les plus influents ne sont plus les crivains
( la diffrence de la situation dil y a trente ou quarante ans et selon une enqute de la revue
Lire de 1981) mais les spcialistes dans les sciences de lhomme: Lvi Strauss, M. Foucault,
R. Aron, etc. Il y a mme plus, le seul crivain (relativement) jeune (il a dbut en 1967), prsent
dans ce top est Michel Tournier, un postmoderniste (id est alexandrin), un rcrivain
typique.
Lclectisme, le scepticisme lgard dune communication simple, le retour sur le pass,
leffort visant capter le public en simulant, adoptant, acceptant, en dernire analyse, les
formes (et les rgles) de la littrature de consommation sont (par del le talent des crivains)
des signes dun certain puisement spirituel. Dans ses Gloses..., aprs avoir fait une analyse
exacte des limites du postmodernisme, Eco lui donne (se donne) nanmoins une chance. Mais
par un tour de main, en affirmant que les postmodernistes cherchent le chemin vers le grand
public non pas pour consoler ce public, mais pour lobsder. Cela signifie pourtant et Eco
le sait peuttre mieux que moi laisser le public dans le mme monde (o il vit), accepter
les rgles du jeu de la socit de consommation (que peutil y avoir de plus obsdant que
la publicit?). Quelle que soit la marchandise que lon vend, le fait quon cherche
communiquer avec le lecteur par les canaux (les procds) typiques de la consommation signifie
quon le traite comme consommateur, quon linstitue en tant que consommateur (car cest
l un truisme la littrature invente aussi son lecteur).
Le postmodernisme est, certes, la limite extrme du modernisme, il reflte lpuisement
de celuici, mais ne sarrte pas l: il marque une raction bien conservatrice, de repli, presque
inhrente dans les problmes de lhumain. Rapport au modernisme, le postmodernisme
constitue un progrs uniquement dans la mesure o le reflux est lui aussi un mouvement. Si
lon compare Barth Joyce (et si lon fait abstraction de leur valeur), lcrivain amricain nous
apparat, lvidence, plus facile et pourquoi pas? plus conformiste. Tous les procds
spcifiques de Barth (et, dune manire gnrale, des postmodernistes) rcriture parodique,
imitation des diffrents stylos et codes culturels, ironie, mlange des plans narratifs, etc. on
les trouve dj chez Joyce. Mais alors que chez celuici ils avaient une densit et une intensit
(presque) insupportables et servaient une dmonstration, la fois littraire et existentielle,
chez Barth tout a lair dun jeu de socit (littraire) o le lecteur est ensorcel et obsd
(mme sexuellement, parfois), mais non choqu et modifi.
Faisons aussi appel lhistoire de la culture: le baroque, affirme Hocke, emploie des
procds pararhtoriques, non conformistes, propres au manirisme, mais pour construire
un discours de lordre, centr sur les valeurs csariennes, les valeurs de lautorit (laques
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synthse drivant dune nouvelle vision, dun nouvel engagement existentiel. On cite de plus
en plus souvent lexpression de Malraux: Le XXIe sicle sera religieux ou ne sera pas, sans
trop approfondir le sens de ses paroles. Religieux peut signifier un culdesac, une nouvelle
alination, si cela ne signifiera pas, en fait, spirituel. Non une spiritualit pure, mais une
spiritualit du corps ou, si vous prfrez, un nouveau corps spirituel.
En guise de conclusion
Le postmodernisme est sur le plan littraire et artistique une expression appartenant
un moment intellectuel (mais aussi technologique et spirituel) concret, principalement
occidental; lemploi du terme dans notre littrature me semble, dans la plupart des cas,
inadquate. Ne nous laissons pas abuser par la facilit avec laquelle on peut dcouvrir chez
les crivains roumains contemporains, en particulier les jeunes, des procds similaires ceux
utiliss par les postmodernistes. Dans la dfinition dune typologie, dun courant littraire,
lessentiel nest pas lutilisation de certains procds (les figures tant, au fond, un bien
commun de la littrature de toutes les poques) mais surtout lattitude lgard de lacte
dcrire, la relation avec le lecteur, la vision du monde quon peut dcouvrir sous lcorce
rhtorique. Les romantiques ou les modernes ne se distinguent pas tant par la rhtorique (ni
mme par la potique) que par une certaine mtaphysique (Hugo Friedrich le dmontre on
ne peut mieux pour la posie moderne).
En simplifiant la question au maximum, je dirai que la mtaphysique du modernisme
consiste contester la porte du rel, du normal, du rfrentiel (do la transcendance
vide, la dshumanisation, la magie verbale, les univers seconds, parallles), faire
du pome un objet qui ne communique pas mais se communique et qui peut exister (qui
existe) aussi en labsence du lecteur. Les postmodernistes sont proccups de communication
mais ne peuvent remplir le vide mtaphysique des modernes quen ayant galement recours
des mots. Do la boulimie (lexicale, de langages, de codes, de structures narratives) des
postmodernistes, do la sensation de strilit produite par de nombreux crits postmodernistes.
La mtaphysique des postmodernistes est une mtaphysique du remplissage, de la
prsence (dans une page), de la productivit (voir galement les dclarations de John Barth
au sujet de son dernier roman, Letters). Le besoin dexister est pens (do la froideur, la lucidit
typiques des postmodernistes) et non senti, cest le fruit de dductions et non dun besoin de
manifestation vitale. Le postmodernisme est peuttre, un projet littraire, mais ce ne saurait
tre, en aucun cas, un projet existentiel.
Ce que jai appel, faute dun autre terme, meilleur, un nouvel anthropocentrisme propose
justement un tel projet existentiel. Sa mtaphysique, cest justement lhumain ordinaire,
cest une normalit (du vcu, de la perception, de la signification) ncessaire, refaite dans /
par la littrature. Il se propose de le revaloriser, de lui redonner sa signifiance ici et maintenant,
de recentrer lhomme pulvris par des technologies, des langages, des codes culturels et
idologiques, de reconstruire dans / par lcriture une ralit au centre de laquelle se trouve,
malgr tout, lhomme. Un projet qui nest pas encore trs clair et trs cohrent mais dont
jaime voir les germes dans Life Studies ainsi que dans les livres des Sibriens, dans ceux de
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Kundera ou de Sabato, dans Le corps qui en sait beaucoup plus de Crciun ou dans Lingnierie
textuelle de Nedelciu. Pour ne pas tre souponn de parti pris, je prcise que je vois
maintenant dans la position thorique et les crits de ces deux derniers auteurs (comme dans
les ouvrages de quelques autres jeunes crivains roumains) non pas forcment des ralisations,
mais bien plutt des prmisses qui annoncent de grandes uvres venir. Et puisque nous voil
de nouveau au point de dpart, lespace littraire roumain, je voudrais raffirmer ce qui suit:
soutenir que toute la posie roumaine contemporaine est postmoderniste est un gnreux
et beau sophisme qui fonctionne dune manire compensatoire et calmante (sur le plan
socioculturel) et comme un narcotique (sur le plan esthtique);
les potes et les prosateurs de la gnration des annes 80 ne sont pas, pour la plupart,
des postmodernistes; pour ne citer que des potes: au dpart, mme ceux qui peuvent
tre facilement interprts comme des postmodernistes (Traian T. Coovei, Mircea
Crtrescu, Florin laru) sont des potes. Les crivains de la gnration des annes 80
participent, par ce quils sont de meilleur, un projet existentiel (et, bien entendu, littraire) qui peut tre le mieux lu comme un nouvel anthropocentrisme;
je crois quil existe aussi des auteurs (surtout des prosateurs, comme Mircea Horia
Simionescu ou Paul Georgescu, mais aussi un pote important, Mircea Ivnescu) qui
pourraient tre analyss avec profita laide de l grille du postmodemisme; cette
direction comprend, notonsle, des auteurs en gnral mrs, qui crivaient dune
manire postmoderniste presque en mme temps que les Occidentaux (voil un cas
de synchronisme au sujet duquel il convient de mditer);
lemploi du terme simpose donc, mais seulement avec lacception que lui donnent les
thoriciens occidentaux, sans quon essaye de le manipuler et surtout, sans illusions;
sans illusions, en ce sens que lutilisation dun terme nouveau ne nous rend pas
forcment plus intelligents ou plus talentueux, que notre littrature ne devient pas plus
remarquable ou plus comptitive sur le plan universel si nous avons nous aussi nos
postmodernistes.
Et cependant... le postmodernisme aux portes de lOrient. Que cela sonne bien! Quelle
lointaine, quelle impossible histoire. La sincrit est triste, hlas! et je nai pas lu tous les livres.
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Le terme de postmodernisme est devenu lobjet dune attention suivie de la part du monde
culturel roumain du monde littraire tout dabord vers le milieu des annes 80, avec un
retard apprciable par rapport au dbut de la fortune de ce concept dans les cultures occidentales,
juste assez tt cependant pour ne pas rater la vogue criticothorique et philosophique des
dbats ouesteuropens et surtout amricains consacrs au postmodernisme dans la seconde
moiti des annes 80 et dans les annes 90. Sans liminer les connexions relevant du
comparatisme, qui expliquent la mode que connat ce terme et ce concept par la contamination
culturelle et limportation des termes, jesquisserai cidessous les autres motivations, dordre
intrieur.
En effet, le terme et le concept ne sont apparus et ne se sont imposs dans lespace roumain
que lorsque certaine volution de la littrature a rclam ncessairement leur prsence. Do
le dphasage par rapport dautres cultures. lpoque des premires bauches occidentales
de poetiques postmodernes, les arts roumains taient nettement domins par les tendances
nomodernistes qui se sont vigoureusement affirmes lors du dgel idologique admis par
le rgime communiste dans les annes 60, aprs plus dune dcennie de proletcultisme. Vers
la fin des annes 60 et tout le long des annes 70, les livres des pionniers de la postmodernit
roumaine comme les remarquables potes Leonid Dimov et Mircea Ivnescu ou prosateurs
Radu Petrescu, Mircea Horia Simionescu ou Costache Olreanu ont t sinon ignors, en tout
cas maintenus quelque part en marge du systme de la littrature roumaine de cette priode.
Seule lapparition, aux alentours de 1980, dune nouvelle gnration dcrivains a suscit un
dbat ample et passionn non dpourvu de tension sur la rforme profonde de tout le
domaine artistique national. Respectant une logique rfrentielle du langage mtaculturel, ce
phnomne de grandes proportions a prcd lapparition et la diffusion rapide de ce terme.
mesure quelle sest impose sur la place culturelle roumaine, une certaine ralit de la
littrature a t dbattue de plus en plus souvent et conceptualise, aprs quoi a t dcouvert
le terme adquat pour le phnomne en question le postmodernisme, bien entendu.
Les difficults auxquelles se heurte une analyse du postmodernisme littraire roumain sont
amplifies par linsuffisante laboration dune thorie de la modernit dans cette petite culture
nolatine. Se trouvant sous linfluence franaise surtout, la littrature roumaine sest
institutionnalise seulement vers le milieu du XIXe sicle; elle na russi rattraper lhistoire
du classicisme et du romantisme europens que vers 1880. La modernit roumaine sest forme
pas chancelants jusquen 1900 et avec imptuosit seulement pendant lentredeuxguerres,
perturbe en permanence par des tendances parfois trs fortes du type traditionaliste,
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Constatations et prcautions
Pour commencer il me faut attirer lattention sur le fait que la discussion autour du
postmodernisme a lieu, chez nous et ailleurs, quand mme le concept de modernisme nest
pas trs clair. On sait seulement quil existe des points de vue qui intgrent dans le modernisme
le symbolisme (comme modernisme prcoce, et le meilleur exemple cet gard est Hugo
Friedrich) ou lavantgardisme (comme modernisme radicalis, dans la vision dUmberto Eco,
par exemple). Le modernisme connatrait aussi une tape nomoderniste reprsente par la
littrature des premires dcennies aprs la seconde guerre mondiale, ou le postmodernisme
luimme est une forme de nomodernisme. Toutes ces distinctions et assimilations on les
retrouve dans le livre de Matei Clinescu, Five Faces of Modernity, rcemment publi en
traduction roumaine.
Dautre part, il pourrait mme y avoir, la rigueur, un antmodernisme postmoderne, quil
faudrait chercher en remontant loin dans le temps, la fin du XVIIIe sicle, dans la prose de
Lawrence Sterne ou dans la posie de Wordsworth, sinon encore plus loin, dans la posie de
Gongora et les romans de Cervantes. On peut se demander si la relation modernisme
postmodemisme a une valeur chronologique ou typologique. Le clbre livre de G. R. Hocke,
Le manirisme dans la littrature pourrait avoir aujourdhui pour titre, tout en gardant les
distinctions et les exemples de lauteur, mais en les renforant parci parl, Le postmodernisme
dans la littrature. Il sensuit que le postmodernisme est une variante du manirisme, bien que,
en fin de compte, personne nen mettrait la main au feu.
Si lon continue dexaminer les quivalences possibles, il est hors de doute que nous
risquons de tomber dans le jeu dangereux de lhgmonie des concepts, en nous demandant
inutilement lequel dentre eux est le plus fort. tant donn lambigut foncire des notions
avec lesquelles nous oprons, je ne crois pas que nous pouvons nous permettre un tel luxe.
Le postmodemisme existe, sil existe, seulement dans la mesure o il institue un nouveau
paradigme culturel. Seulement sil linstitue vraiment et ne se contente pas de reprendre et de
dvelopper celui qui existe dj, dans sa prvisible variante parodique.
Mais quelquun peutil dire avec la plus grande conviction que la nouveaut est possible
sans resmantisation? Lhistorique et le typologique se conditionnent rciproquement.
Lambivalence est implacable. Il nexiste pratiquement pas de concept historique qui ne suggre
pas tout de suite une sduisante extrapolation typologique. De cette ouverture drivent ensuite
de nombreuses confusions et complications. Il convient de noter cependant que la
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comme une crise grammaticale, comme une crise des structures linguistiques. Le moment o
se manifeste la suspicion lgard des forces de la langue, le moment o les potes essayent
de proposer des langages autonomes, possibles travers une autre grammaire que celle dj
connue, est implacablement li la seconde moiti du sicle dernier quand, selon lopinion
quasiunanime des spcialistes, la littrature se trouve branle pour la premire fois dans son
histoire par une crise du code qui est reste mme aujourdhui insurmontable.
Ce nest pas le fait quavec Mallarm et Rimbaud la posie aboutit la conviction quelle
est autre chose que le langage habituel, ftil orn de fleurs de rhtorique, qui re prsente la
couse de la rupture cest le retrait du code potique de sous le contrle du lecteur et la
suspension des comptences hermneutiques de ce dernier. Tout processus dautomatisation
du potique et du littraire en gnral trouve son reflet dans le pch (originaire pour toute
lhistoire ultrieure de la posie moderne) de lincommunicabilit. George Steiner (Aprs
Babel), ainsi que julia Kristeva (La rvolution du langage potique), se sont occups de cette
question dans leurs crits, avec un talent incontestable, aussi nestil plus besoin dinsister.
Je ne peux mempcher cependant de rpter que la rupture du pacte avec le lecteur est si
profonde non seulement parce que la posie, excde par la rigidit des genres et des espces
et par sa condition dart de lornementation prosodique et stylistique, a cherch purement et
simplement autre chose, des formes dexpression plus libres, qui lui soient propres, mais surtout
car il existait des raisons intrieures, ontologiques, commandes par un nouveau type de
sensibilit. Lintriorisation du lyrisme, la renonciation lanecdote et la discursivit,
lattention accorde lambigut et lopacit du message, la musicalisation du discours sont
des moyens pour capter les contenus psychiques irrductibles, uniques, donc impossibles
atteindre par lintermdiaire du langage communautaire. Il en va de mme dans le cas o la
posie vise non les couches obscures de lme, mais la transcendance des ides et le logos
primordial, comme dans la potique de Mallarm. Antrieur au symbolisme, la posie na t
quune illustration du clbre principe horacien docere et delectare, avec des accents plus
appuys tantt sur le premier terme, tantt sur le second, et poursuivait des buts implacablement
extrieurs. Aprs 1870, la posie devient connaissance, exploration intrieure, dmarche
orphique. Mais le destinataire de cette modalit gnosologique nest plus le lecteur, la
communaut sociale. Ou, en tout cas, on voit disparatre la proccupation pour un lecteur
extrieur, conventionnel, averti. Le langage priv devient essentiel: tout ce que peut encore
faire le lecteur est de sarracher des conditionnements de son langage public et dessayer dadapter sa sensibilit la nouvelle forme de communication. Une forme de communication libre
de lunivocit du sens, donc prive de toute certitude de la comprhensibilit du message.
Mais ce sont l des choses bien connues. Ce quon na pas assez remarqu cest la raison
pour laquelle on en est arriv cette situation qui fait que la posie se voit oblige de renier
sa nature et les fonctions institues par une longue tradition. On dit aujourdhui que la rvolte
de la posie contre sa propre condition ne reprsente quune tentative de gagner sa vritable
condition, sa vritable nature mtaphysique. Do la fermeture face au monde extrieur et
lautocentrage sur son propre tre esthtique. Il existait, dans la seconde moiti du sicle dernier,
lillusion dune essence lyrique, dun pouvoir absolu de signification qui peut tre atteint
irrversiblement. La posie veut devenir un art oraculaire, magique, soterique, une sorte de
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langage initiatique laide duquel on puisse parvenir linconnu qui se trouve dans lhomme
et dans le monde extrieur, la consubstantialit des existences et la correspondance entre
les mots et les objets.
Les discussions thoriques sur cette aspiration vers laccomplissement total du geste
crateur continuent de se drouler aujourdhui presque exclusivement au sujet du symbolisme
et de ses avatars modernistes. Nous connaissons le prjug selon lequel tout ce qui se passe
dimportant dans la littrature relve de lespace de la posie. On croit que le langage de la
prose est dpourvu de signification, parce quil ne peut jamais parvenir une spcificit,
tant fatalement tributaire de la communication usuelle et quil ne fait mme pas des efforts
tangibles pour se diffrencier de celleci. Or, il nen est pas du tout ainsi et la recherche
narratologique, qui nen est qu ses dbuts, nous montre ds maintenant que, dans le domaine
de la prose, le langage, et mme la vision du langage, sont aussi importants que dans le domaine
de la posie.
Selon moi, la modernit en tant que modle littraire cohrent construit presque simultanment ses principales caractristiques aussi bien dans la posie que dans la prose de la seconde
moiti du sicle dernier. Ce nest pas seulement le symbolisme qui devrait nous intresser dans
notre discussion, mais aussi le ralisme. Ces deux courants de pense littraire ne reprsentent
pas des orientations si opposes quon le croit. Dans les deux cas, il sagit du mme effort visant
imposer un nouveau statut du crateur, dcouvrir un nouveau langage et trouver une
nouvelle motivation pour la fonction de la littrature. Noublions pas que lomniscience et
lubiquit du narrateur sont des principes esthtiques que seul le ralisme russit atteindre
et que, sur le plan rhtorique, ils supposent une modification fondamentale de la manire de
parler du monde. Lide du narrateur comme homologue de la force divine est le reflet de cette
mme volont dassumer impersonnellement la cration quon rencontre aussi dans la potique
de Mallarm.
Il faudrait nous souvenir aussi de quelques autres aspects connus. Baudelaire cherche les
correspondances mystrieuses entre les phnomnes et les choses et suggre que la seule
relation naturelle entre ceuxci et le langage se ralise parsynesthsie. Mallarm affronte la
langue de luniversel reportage, cestdire la prose, et sachant fort bien que les mots de
la tribu sont donns une fois pour toutes, cherche retrouver leur puret transcendante, de cristal
idel. Rimbaud rve de parvenir linconnu en cultivant un langage informe, dune fracheur
tincelante, choquante, rsultat du drglement conscient de tous les sens. Toutes ces chosesl
sont, comme je le disais, des desiderata orphiques. Elles expriment la nostalgie dun langage
motiv qui puisse racheter le dfaut originaire des langues et retrouver la primordialit du
discours divin, qui est, dune certaine manire, la primordialit de la nature humaine davant
la perte du Paradis. La drglement des sens chez Rimbaud est, entre autres, une manire de
sortir des strotypes culturels du comportement, de la perception et de lexpression, de revenir
lunit humaine gnrique davant la dissociation entre la sensibilit et la raison. Obsd par
lessence du langage, qui se confond avec une essence lyrique, le symbolisme implique la fuite
hors du quotidien, la sortie hors du monde historique et la cration dune posie ayant des
valeurs mtatemporelles.
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Chez Baudelaire ou Tolsto, chez Flaubert ou Rimbaud, la fonction esthtique est le rsultat
dune nouvelle fonction de connaissance. Lcrivain ne se propose plus dadapter son discours
un rel dj form, comme produit idologique de la communaut dont il fait partie, mais
daboutir sa propre ralit, dcouverte et construite par ses propres moyens. La littrature
ne peut plus se contenter de versifier ou de raconter des thmes et des motifs donns. Le rel
est soumis par le pouvoir du texte. Balzac se considre comme un secrtaire de lhistoire
et tire orgueil du fait que lui comme individu, et non comme institution, est arriv cette
condition. Mais La Comdie humaine est une ralit textuelle qui ne copie pas la comdie du
monde, elle construit un simulacre de mots, dont la motivation se trouve dans sa propre
architecture narrative. Nous nignorons pas que lhistoire brute est dans son essence,
arbitraire. Et en ce sens la protestation que formulera plus tard Valry devient inutile: La
marquise est sortie cinq heures nest une expression du hasard que si nous la tirons de son
contexte naturel, romanesque, en lui annulant ainsi la ncessit narrative intrieure.
Je nai pas parl jusquici de la situation du roman psychologique, danalyse, du cas Proust.
Mais dans la perspective de la motivation, les choses me semblent ici beaucoup plus simples,
plus videntes. Lautonomie du langage par rapport au rel, la recherche par le texte dune
essence intrieure psychique et corporelle, la constitution de labme de luvre en faisant appel
aux abmes de la mmoire et du subconscient, lorchestration architectonique du discours, le
centrage de la dmarche narrative sur la nature particulire, irrptible, du moi individuel et
le dsintrt lgard des buts extrieurs de la littrature sont des acquisitions du roman
subjectif qui nont plus besoin de commentaires. La mthode de Proust nest pas loin de la
mthode de Zola avec cette diffrence cependant que lobjet de ses investigations est autre.
Et cette mthode, exprimentale ou phnomnologique, objective ou subjective, justifie sa
viabilit par sa propre cohrence intrieure. Virginia Woolt ou Camil Petrescu, Andr Gide
ou Italo Svevo sont des romanciers qui crivent avec mthode. Chez eux aussi, videmment,
la mthode danalyse (qui devient simultanment aussi une mthode de construction) est plus
importante que le sujet.
Quelques conclusions sont maintenant ncessaires, dautant plus que toutes les observations
et les distinctions que jai faites au sujet du symbolisme et du ralisme ont pu donner
limpression dun dplacement de la discussion sur le modernisme proprement dit vers ses
aspects priphriques, dans la zone des prmisses et des phnomnes encore fumeux, je suis
cependant davis que cest justement cette zone (la seconde moiti du sicle dernier) qui est
essentielle pour comprendre le modernisme. Et si en ce qui concerne la posie, grce aux livres
de Hugo Friedrich (La Structure de la lyrique moderne) et de Marcel Raymond (De Baudelaire
au surralisme) nous nous sommes presques habitus lide dun modernisme lyrique comme
un avatar du symbolisme, dans le cas de la prose il est plus difficile daccepter laffirmation
selon laquelle le roman de la premire moiti de notre sicle ne fait qupuiser une substance
narrative et les conditions de lunivers imaginaire institues par Balzac, Flaubert et Proust,
je crois cependant que cest l la vrit. Les modernes remodlent, rcrivent, renversent,
nuancent, amplifient et compliquent tout cet hritage du sicle dernier. Leur nouveaut est
technique, leur originalit est formelle, leur courage consiste aller de lavant sur un terrain
dj conquis. Mais quelques efforts quils fassent pour fragmenter, transformer, atomiser et
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lenchanement des images (sans parler de la discursivit typiquement whitmanienne des grands
pomes de Ginsberg) sont vidents dune incontestable potique de la transition.
tant donn que ces phnomnes sont aussi rcents, aussi proches de nous, nous devrions
avoir le courage de dire que le postmodernisme (comme nouveau paradigme potique) ne fait
que commencer, quil est seulement en voie de constitution. Mais, si nous entendons par le
concept de postmodernisme une seule des faces de la modernit, comme Matei Clinescu, alors
le cas de la posie biographiste peut sembler lucid. Le modernisme en posie finit avec
Lowell. OHara, avec sa thorie du personnisme a dj un pied dans le postmodernisme parce
que lattitude arbitraire, la spontanit, labsence de structure de sa posie sont des faits
indiscutables. Lowell, par son clbre volume Life Studies, esprait encore en la reconstitution
dune cohrence empirique et anamnestique du moi. OHara semble dj savoir quune telle
chose nest plus possible. Sa posie relve de lhistoire de la seconde, dans une ralit
temporelle o nous ne saurons jamais comment sera la seconde suivante. Cest la posie dun
ralisme quantique o lindtermination des mouvements du moi joue un rle essentiel.
La configuration de la posie amricaine de ces cinquante dernires annes peut
grandement nous aider comprendre o se situe la ligne de dmarcation entre le modernisme
et le postmodernisme. Le passage dune pistm une autre se manifeste implacablement
dans la contradiction (sinon dans le conflit) entre langage et ontologie. ses dbuts, un nouveau
langage et qui plus est un langage fondamentalement diffrent des principes smantiques
du symbolisme et du modernisme hermtique ne signifie pas obligatoirement un autre modle
potique, fond sur des valeurs existentielles distinctes. Pendant assez longtemps la
motivation est reste une aspiration fascinante de la posie, en dpit du fait quon ne peut plus
la soutenir, mme du point de vue thorique. On la retrouve chez les objectivistes (Reznikoff,
Zukovsky, Oppen), transfre de lessence des objets dans leur pure apparence phnomnale,
chez William Carlos Williams pour qui la seule certitude structurante du monde est la
perception, chez Edgar Lee Masters, avec sa potique des valeurs communautaires.
Les jeux typographiques et syntaxiques de Burroughs et de Cummings, le vers projectif
dOlson, le moi alatoire de Berryman sont cependant des dcouvertes postmodernistes. La
loi du caractre arbitraire du langage et de lexistence gagne de plus en plus de terrain au
moment o toutes tes possibilits de polarisation de la posie sur une dimension motivante
sont puises.
Mais, dun autre ct, tous les auteurs amricains susmentionns sinscrivent, du point de
vue du langage et des buts quils se proposent, dans un sousmodle unitaire, constitu au sein
mme de la posie moderne, et cela ds ses dbuts, mais qui est demeur jusqu aujourdhui
un stade non conceptualis et considr, de toute faon, comme secondaire, moins
significatif. Il sagit du sousmodle transitif, de ce que Wellek et Warren ont appel la posie
nonciative dpourvue dornements mtaphoriques, posie de la transparence et de
louverture vers le lecteur, qui commence vers 1800 avec Wordsworth, passe par les Feuilles
dherbe de Whitman et les potes imagistes du dbut du XXe sicle pour inclure ensuite Kavafis,
Brecht, Prvert, Ponge, Akhmatova, Mircea Ivnescu, etc.
La prcarit du concept de modernisme sexplique aussi par une absence symptomatique
dintrt lgard de la ralit potique complexe que couvre ce concept. Cest une raison qui
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me donne penser que toute lhistoire du modernisme potique devrait tre actuellement
repense. Personnellement je vois ici trois lignes de force principales: la ligne transitive, directe,
dnotative, prosasante, esquisse plus haut, la ligne rflexive (le modle Hugo Friedrich
Marcel Raymond Carlos Bousono), analyse dans la seconde partie de cet essai, et la ligne
avantgardiste et exprimentale, maniriste et ludique, dans laquelle sinscrivent des potes
comme Tzara, Pessoa, Queneau, Hanke, etc.
Le modle exprimental, avantgardiste, est aussi le plus proche de lattitude arbitraire
postmoderniste, avec cette prcision que chez les dadastes ou les futuristes le caractre
arbitraire na pas une valeur en soi mais exprime la rvolte, la protestation contre les structures
ossifies de la littrature, en affichant avec ostentation des valeurs renverses. Le ludique,
lexprimental et le transitif deviennent dans le postmodernisme des lments essentiels, mais
qui ont t hrits des traditions de la posie moderne. Ce qui est naturel. Le postmodernisme
sest dclar dentre de jeu un mouvement qui tend plutt rcuprer qu innover. Il existe
cependant aussi un problme de linnovation par rcupration, audel des facilits rhtoriques
de la parodie, et celuici seulement est en mesure de caractriser dune manire spcifique la
nouvelle direction de la pense esthtique.
Il nous faut encore signaler un paradoxe. En dpit du fait que nous sommes presque tous
habitus chercher tout changement littraire dans lespace de la posie, dans la perspective
du nouveau modle, centr sur lattitude arbitraire, sur lalatoire, le mouvement brownien,
lindtermination, lirrversibilit, le relativisme, le pluralisme, la dsintgration et la
dconstruction, la prose semble plus volue que la posie lyrique. Barth, William Gass,
Federman, Heissenbttel, Thomas Bernhardt, Georges Perec, Arno Schmidt, Beckett
Pynchon, Italo Calvino, Kurt Vonnegut sont vraiment des postmodernes. Je suis enclin ici
donner raison au pote Alexandru Muina qui considre que le postmodernisme est un
mouvement qui concerne avant tout lespace de la fiction narrative, la prose. Cest en effet
lespace qui a exig linvention de nouveaux concepts capables de dcrire sa nouvelle
configuration. Daccord, certaines notions comme celle de mtaroman ne sont pas
linvention des postmodernes et ne dsignent pas non plus exclusivement des aspects caractristiques du seul postmodernisme. Un mtaroman est Don Quichotte de Cervantes. Ce
mme concept est valable pour Tristram Shandy de Sterne, mais il serait tout a fait exagr
de dire que le postmodernisme commence avec ces auteurs. Presque tous les crits que Nicolae
Manolescu, dans LArche de No, inclut dans la catgorie du corinthien sont des mtaromans,
mais ils nappartiennent que partiellement lesthtique postmoderne.
Le concept de mtaroman est un mot trop vaste, trop lastique. Aussi les postmodernistes
amricains prfrentils parler de mtafiction, suprafiction ou fiction disruptive. LAmricain
dorigine franaise Raymond Federman, partant du concept de surralisme, obtient le terme
de surfiction qui lui semble plus indiqu pour ses projections narratives. Mais existetil
vraiment une relation profonde entre le surralisme et le roman postmoderne? Cette question
sinscrit dans le mme cadre de la relation entre la motivation et le caractre arbitraire. Aprs
Rimbaud, la possibilit dune motivation de la posie par la ralit du moi profond connat,
dans la potique prne par Andr Breton, ses dernires formes de manifestation. Pour parvenir
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la vritable nature humaine, celle qui motiverait tous nos actes, les surralistes proposent,
aussi bien dans le domaine de la prose que dans celui de la posie, que lon sonde le subconscient par la mthode de lautomatisme psychique pur. Sur le plan de lexpression, cette
dmarche revt la forme dun discours incongruent alluvionnaire, dcentr, mais motiv, dans
ses disjonctions logiques, justement par le fonctionnement sousrationnel dune importante partie
de notre tre. Un postmoderniste comme Federman ne retient du surralisme que la forme de
lexpression, comme dirait Hjelmslev, que la modalit (d)structurante, mise cependant au
service dune rationalit de la construction textuelle qui veut seulement montrer, dune manire
tout fait dsintresse et dsidologise, limpossibilit o lon se trouve de construire une
image cohrente de lhumain. En fait, cet homme extrieur, social, avec son individualit civile,
na plus aucune importance pour les postmodernistes. La ralit, de quelque nature quelle soit,
cette histoire brute dont nous parlions au dbut, nexiste plus comme ralit. Dans sa concrtion
la plus immdiate, cest une construction fictive, dpourvue de logique, de sens, de cause, de
transcendance. Il ny a rien comprendre la ralit. Il est inutile de lui faire concurrence.
Il est impossible de la transformer en objet dtude. Il est draisonnable de sintresser encore
elle. Raymond Federman faisait remarquer: La fiction ne peut tre ralit ou une reprsentation de la ralit, ou une imitation, ou mme une recration de la ralit, elle ne peut tre
quune ralit. Crer une fiction cest en fait une manire dabolir la ralit, et surtout dabolir
la notion que la ralit est vrit.
Le postmodernisme institue la ralit du texte (une autre conqute moderniste, comme nous
avons vu) comme seule ralit vraie, parce que seule lcriture est palpable, vrifiable,
consistante, libre, immdiate, sre. Cest une activit dans le langage, une construction dans
lespace linguistique consciente de sa nature mtarelle, obsde uniquement de sa propre
mtaralit, insensible aux contraintes tlologiques de lunivers alternatif, o les prosateurs
ralistes et modernes se sont si bien sentis. Cette criture est dans le mme temps, implacablement mtafictionnelle, parce quelle saffirme dans un sens dlibrment antiillusion. Ses
moyens peuvent souvent devenir une partie de sa substance. Des fonctions du langage qui
taient restes dans une sorte dhibernation smantique dans la prose du modle antrieur sont
maintenant ractives, avec une fureur digne de sa propre cause, dans des tentatives nullement
bonhommes, nullement lgantes de faire sortir le lecteur de son historique torpeur rceptive.
Les fonctions fac, mtalinguistique et conative pour employer la terminologie de Jakobson
, celles qui contrlent ladresse et le bon fonctionnement du discours, mergent au premier
plan de lintrt narratif. Do, probablement la note textualiste de lcriture postmoderne.
Lintrt pour lexpressivit du style ou pour la vrit informationnelle de celuici disparat
compltement. Le romancier postmoderniste ne sintresse plus ni la rhtorique, ni la belle
criture, ni au caractre concret de la vie, ni au bon got, ni la potique, ni lide de genre,
ni aux avantages de lomniscience de lauteur. Son criture est ironique parce quil ne peut
plus rien prendre au srieux, elle est intertextuelle avec humour et cynisme, parodique par une
joyeuse rsignation, htrogne par le mpris pour les manires littraires, non homogne
par lide que les schmas narratifs sont, eux aussi, des fictions contraignantes, drisoires.
Le postmodernisme se soutient par une idologie simplement constative, qui na pas
dambitions didactiques ou destructives et ne propose pas la place dune vrit tenue pour
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circonstancielle une autre vrit dclare infaillible. Il ne veut parvenir aucune essence et
ne croit plus, comme Mallarm et Joyce, quon peut tout dire, condition davoir une
reprsentation du mystre de lexistence et dinventer les moyens de textualiser cette
reprsentation. Il se dsintresse de la mtaphysique et de lindicible, quand il ne les tourne
pas purement et simplement en ridicule, il na pas laura tragique de limpuissance de parvenir
la chose en soi kantienne. Il est dsinvolte, apocalyptique, amoral, irresponsable, frivole, il
est vulgaire, subtil, dtendu, sceptique, spectaculaire sans partipris, dpourvu de toute utopie.
Il nest mme pas antihumaniste ou dshumanisant. Il est cruel sans intention et beckettien
sans raison. Il nest pas seulement lexpression dune faible pense, comme dit Vattimo, mais
aussi un rsultat de lide que, par rapport au rel, la pense ne compte pas purement et
simplement. Il nillustre plus, en aucun cas, une pistmologie logocentriste, mais un
mouvement dilettante, rsign, convaincu de sa propre strilit philosophique, mfiant
mme lgard des jeux du langage pratiqus cependant en abondance, exempt de complexes
culturels, indiffrent lgard des tabous, dmocratique dune manire carnavalesque et
pluraliste par la varit des masques quil essaye et que, temporairement, il porte.
Selon une constatation de JeanFranois Lyotard,
Le postmoderne serait ce qui dans le moderne allgue limprsentable dans la prsentation ellemme; ce qui se refuse la consolation des bonnes formes, au consensus
dun got qui permettrait dprouver en commun la nostalgie de limpossible; ce qui
senquiert de prsentations nouvelles, non pas pour en jouir, mais pour mieux faire sentir
quil y a de limprsentable. Un artiste, un crivain postmoderne est dans la situation
dun philosophe: le texte quil crit, luvre quil accomplit ne sont pas en principe
gouverns par des rgles dj tablies, et ils ne peuvent pas tre jugs au moyen dun
jugement dterminant, par lapplication ce texte, cette uvre de catgories connues.
Ces rgles et ces catgories sont ce que luvre ou le texte recherche. Lartiste et
lcrivain travaillent donc sans rgles, et pour tablir les rgles de ce qui aura t fait.
De l que luvre et le texte aient les proprits de lvnement, de l aussi quils
arrivent toujours trop tard pour leur auteur, ou, ce qui revient au mme, que leur mise
en uvre commence toujours trop tt. Postmoderne serait comprendre selon le
paradoxe du futur (post) antrieur (modo).
Le postmodernisme est, pour continuer lide de Lyotard et aussi pour paraphraser
Wittgenstein, le refus de garder le silence sur ce qui ne peut tre dit. Mais ce dfi aux principes
de la connaissance est conscient de sa propre drision. Au lieu dun silence assourdissant qui
suspend toute ide de sens, un vacarme tout aussi assourdissant nous est propos, qui rend
impossible le sens de nimporte quelle ide. Et juste titre, car le postmodernisme dans le
domaine de la prose tout au moins est un courant dides qui nie les possibilits du langage
dimposer des voix, des images articules du monde, des visions. Mme quand il prend en
considration, par sa composante intertextuelle aggresive, des visions prexistantes, il le fait
pour les dmystifier et les dcomposer, pour les dsintegrer et les rendre illgitimes. Cest trop
peu de dire que le postmodernisme est parodique. La technique usuelle de la parodie est,
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toutefois, dirige par une volont de construction, par une logique de la modification des
registres stylistiques. Alors que les crits des romanciers mentionns plus haut font de la
littrature une force qui suspend radicalement la logique et ouvre des possibilits
vertigineuses daberration diffrentielle (Paul de Man). On en arrive ainsi encore une fois
au caractre arbitraire. Le vacarme postmoderniste est autre chose que le spectacle
syncrtique dadaste. Et cependant les diffrences ne sont pas si grandes. Le postmodernisme
seraitil alors la forme discrte, mais bruyante, du noavantgardisme de nos jours?
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de telles hcatombes. Mais ce qui est fcheux, cest que lune des dominantes les plus largement
acceptes du postmodernisme, dans le domaine de lart tout au moins, est justement la
position tolrante, amiable lgard du pass, rcupr et revu, disait Eco avec ironie,
non avec innocence. Lpoque postapocalyptique (Gay Scarpetta) est parseme dune
multitude de concepts dfunts, pour la suppression desquels on a souvent mis, il est vrai, une
bonne dose dinventivit ludique.
Ce nest dailleurs pas le seul aspect sous lequel le discours sur le postmodernisme semble
entrer en contradiction avec ses propres constatations et affirmations. Constatant, par
exemple, le pluricentrisme culturel de lpoque contemporaine, la dispersion des valeurs
affranchies de tout systme universel de rfrence, le discours sur le postmodernisme tend
instaurer luimme un systme de convergences, o lart, la science, lhermneutique, la
politique, etc. fonctionnent solidairement, sur la base de prsuppositions communes. Bref,
lacceptation du postmodernisme comme un saeculum ou un Zeitgeist notions,
malheureusement, circulaires me semble problmatique.
Interprt sous langle dune pense historiste, le postmodernisme se heurte aux difficults
inhrentes toute thorie des seuils. Par exemple, la localisation spatiotemporelle. Pour
Arnold Toynbee, la frontire se situait dans la dcennie qui suit lanne 1970. La plupart des
chercheurs daujourdhui qui acceptent une dmarcation chronologique, la tracent au niveau
de la seconde guerre mondiale. La diffrence ne tient pas seulement, selon moi, des hsitations
dordre terminologique, mais plutt la comprhension de lHistoire en tant que telle, ou des
Histoires spcialises: de la littrature, de larchitecture, de lart en gnral, de la pense
philosophique, de la science, des idologies, etc. On a dit, juste titre, que la proclamation
du postmodernisme a eu pour effet la rvision la rinvention du modernisme do le
postmodernisme se serait dtach. Mentionnons de nouveau quil ne sagit pas seulement du
besoin de justifier un prfixe. Le choix de seuils diffrents conduit la construction dpoques
diffrentes non seulement sous laspect du dcoupage temporel, mais aussi du point de vue
de la physionomie de ces poques. Le modernisme, qui sappuie sur la Raison et le Mythe
du Progrs, lesquels ont pris tournure au Sicle des Lumires et sont issus peuttre de la
Renaissance, estompe excessivement, mon avis, un relief culturel assez accident, travers
par de nombreuses failles crises, rbellions, rvoltes... En tout tat de cause, il diffre
substantiellement aussi bien du modernisme de prfrence littraire et esthtique, situ dans
le prolongement de lindividualisme romantique, que de celui qui est apparu plus tard, partir
de la fin du XIXe sicle, marqu par la crise du moi et par celle du langage. Dans le primtre
littraire, un modernisme subsumant les orientations majeures de la cration europenne,
de Jacques le fataliste Absalom! Absalom!, de La Henriade The Waste Land, me semble
exagrment dilat. Et cela dautant plus quil entre dans une relation quivoque avec les
modernismes qui se sont affirms du point de vue doctrinal vers la fin du XIXe sicle et le
dbut du XXe, ou mme dans la priode qui suivit immdiatement la premire guerre mondiale,
dans une srie de pays europens ou en Amrique Latine. Quant la Roumanie, entre le
modernisme lovinescien et le concept rtrospectif du modernisme euroamericain, les
quivalences me semblent assez fragiles et dconcertantes. La droute de la terminologie
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intensifi par la tendance des autorits fermer les portes vers lextrieur. On ne saurait dire
cependant que toutes les nouveauts internationales de ltude littraire ont t accueillies avec
le mme intrt et que toutes ont eu lintrieur un impact gal celui quelles ont eu
ltranger, je rap pellerais seulement le cas de lesthtique de la rception qui, mme si elle
na pas conduit au changement de paradigme promis la fin des annes 60, a entran une
rorientation massive et rapide vers de nouveaux domaines de la recherche littraire. En Roumanie, ce virage conceptuel et mthodologique sest rpercut dune manire extrmement faible.
La problmatique du postmodernisme a cependant pntr chez nous avec une force
explosive pour devenir, assez abruptement un sujet lordre du jour, selon lexpression de
Ion Bogdan Lefter dans son essai publi dans Caiete critice (p. 139). Cependant limportance
de ce sujet pour la littrature roumaine est controverse dans ce contexte. Pour Ion Bogdan
Lefter, gnrationniste impnitent lpoque, le postmodernisme roumain apparat comme
un projet en cours, visant la transformation de la littrature par la gnration des annes 80.
Nicolae Manolescu, un des principaux mentors de cette gnration, rejette lide que celleci
reprsenterait la ligne de dmarcation entre la modernit et la postmodernit, en se distinguant
de la gnration des annes 60 de la posie roumaine (p. 54). Partant de la prmisse que
la posie roumaine de lentredeuxguerres a volu selon deux directions distinctes le
modernisme et lavantgarde Manolescu aboutit la conclusion, assez curieuse
premire vue, que la gnration des annes 60 et la gnration des annes 80 illustrent
deux formules de postmodernisme autochtone, lune nomodemiste, lautre
noavantgardiste. La question du postmodernisme a veill, lpoque, un intrt
particulier en Roumanie parce quelle se rattachait aussi un contexte polmique spcifique,
je crois que les accents polmiques ne se limitent pas cependant la confrontation entre les
gnrations littraires. Les options sont secondes, sinon influences, par la confrontation entre
deux modles culturels distincts.
En 1983, les ditions Cartea Romneasc publiaient Jurnalul de la Pltini (Le journal
de Pltini) rdit, ditions Humanitas, Bucarest 1991 un livre de Gabriel Liiceanu,
disciple, lpoque, de Constantin Noica, certainement la personnalit la plus influente de la
philosophie roumaine de laprsguerre, penseur profond, connaisseur avis des crits
fondamentaux, dou dun remarquable talent padetique et dune grande force charismatique. Ce journal dvoilait lexistence dune exprience insolite dans le climat roumain
de lpoque, exprience rarissime mme dans le monde occidental contemporain: une cole
sui generis de rflexion philosophique, dans la rclusion dune petite station des Carpates o
Noica stait dfinitivement retir et o il recevait souvent la visite dun groupe restreint de
philosophes et dintellectuels plus jeunes de Bucarest. Le modle hellnique et quelques
lments de la pdagogie initiatique orientale ont jou le rle de catalyseur dune exprience
intellectuelle gnuine qui, par la parution du journal, a eu pour effet de soumettre un dbat
public, pour la premire fois avec une telle ampleur, la problmatique de la culture roumaine
contemporaine dans la conjoncture historique o elle se trouvait et o, selon toute vraisemblance, elle devait voluer. Les prises de position dans la presse ont t suivies, peu de
temps aprs, par un Epistolar (pistolaire Cartea Romneasc, Bucarest 1987), publi
galement par les soins de Gabriel Liiceanu, qui rendait publiques toute une srie de lettres
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prives avec le consentement des auteurs gravitant autour des ractions suscites par le
journal et largissant ainsi encore plus le cadre polmique.
Mais quel rapport y atil entre tout cela et la question du postmodernisme roumain ? Aucun
rapport direct, immdiat et transparent en dehors de leur concomitance qui pourrait tre, au
bout du compte, une simple concidence. Et pourtant! Quelquesuns des thmes dvelopps
par Noica qui ont soulev des rpliques extrmement diverses taient lhgmonie
philosophique (llvation au concept tait lune des mtaphores chres au penseur de
Pltini), lopposition entre la culture et la civilisation reflet dune longue opposition entre
lesprit et la matire, avec les discriminations qualitatives connexes , le besoin duniversalit
Noica prconisait le retour permanent aux textes fondamentaux de la philosophie antique et
allemande , le salut par la culture. Je simplifie normment, bien entendu, anim du desir
de rendre plus clair le fait que lesthmes de Noica taient la fois des professions de foi
cohrentes qui plaidaient pour un certain type de comportement culturel lequel comprenait
et cela non en dernier lieu la rsistance la dgradation du climat existentiel roumain. Les
implications touchent deux des problmes majeurs de la culture roumaine de ces dernires
dcennies, lun axiologique et lautre praxologique. Le premier reprsente loscillation entre
un modle de lautonomie et un modle de lhtronomie des valeurs. Du point de vue
thorique, la question est sans doute oiseuse, mme lorsquelle sapplique des domaines plus
restreints de laction humaine comme par exemple les disputes autour de lautonomie ou
de lhtronomie de lesthtique. Pour la configuration et la dynamique dune culture un
moment donn, elle peut devenir primordiale comme dans le cas du criticisme prn par la
socit littraire Junimea de Jassy dans la seconde moiti du sicle dernier. Noica adopte
un point de vue autonomiste radical selon lequel les valeurs se dissocient sur la verticale, conformment une organisation hirarchique. Son essai de culturologie, Spiritul romnesc n
cumptul vremii (LEsprit roumain lpreuve du temps, ditions Univers, Bucarest, 1978),
est souvent stupfiant par lintransigeance avec laquelle des genres ou des formes de la
littrature et de lart son cots a priori sur une chelle des valeurs aussi cohrente que subjective.
La position de Noica avait de quoi irriter certains hommes de lettres. Je crois cependant que
cette irritation tait plutt due au sentiment quil y avait l une dissidence lintrieur du
mme camp. La discrimination des valeurs avait t le levier qui avait permis la littrature
de la gnration des annes 60 de saffranchir des servitudes idologiques imposes par la
dcennie stalinienne prcdente. Lautonomie de lesthtique avait jou, explicitement et
surtout implicitement, le rle de pivot de cette mancipation avec la ractualisation et
la revigoration de la critique maiorescienne et de la brillante critique moderniste de
lentredeuxguerres, dorigine lovinescienne. On pouvait reprochera Noica, et on na pas
manqu de le faire, des prtentions suprmatistes en faveur de la philosophie, sans
souponner cependant quune excessive autonomisation (dcontextualisation) des valeurs peut
toujours laisser la place de telles tendances. Au demeurant, on a souvent sousentendu une
sorte de suprmatisme littraire dans la posture ou la mentalit des crivains roumains des
annes 70 et 80, ceuxci tant pousss ou appels par la conjoncture historique jouer
le rle ennoblissant et accablant de conscience de lpoque et de seule voix publique, ou peu
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sen faut, bnficiant, par lintermdiaire des stratgies littraires et de lambigut foncire
de la littrature, dune certaine libert dexpression. Entre lautonomie de lesthtique, dune
part, et le mandat historique considrablement largi de la littrature, dautre part, on a vu donc
apparatre, comme dans le cas de lautonomisme axiologique panphilosophique de Noica, des
tensions invitables. Les crivains ont consenti, leur tour, la tendance vers llvation
la littrature, un pendant la sotriologie de Noica. Celuici avait formul lutopie des 22,
un pour un million dhabitants, qui par une slection attentive et un entranement philosophique
tenace et dirig avec comptence, puisse aboutir des performances de pense capables de
tirer la culture roumaine, et implicitement la Roumanie, de son provincialisme et de
contrebalancer les malheurs historiques subis. Pour les gens de lettres, le salut par la littrature
signifiait, par contraste, linstitution dun espace ouvert de conservation et protection des valeurs
authentiques. Un grand nombre dcrivains roumains, appartenant surtout aux gnrations plus
ges, ont dplor aprs 1989 la marginalisation de la littrature par lavalanche de
sousproduits culturels sur le march libre et lanantissement de la table des valeurs.
Praxologiquement, Noica aussi bien quune grande partie des crivains de la gnration
des annes 60 optait pour une culture alternative ou parallle face la culture officielle.
Lopposition entre ce qui est inauthentique conjuncturel, dirig idologiquement, populiste,
kitsch et ce qui est authentique est dfinitoire pour la physionomie de lalternative.
Cette position choisit de prfrence un modle disjonctif et puriste, sensible aux dangers de
la contamination.
Dune manire plus ou moins consciente, les crivains quatrevingtards ont tendance
adopter un modle axiologique htronomiste et accrditer lide dune contreculture.
Les sources et les ressources exploites en faveur de ce tournant, qui nest pas homogne et
ne concide pas non plus avec les frontires dune gnration, sont varies et, dans une certaine
mesure, alatoires: la posie amricaine ou, par lintermdiaire des potes dexpression allemande
de Roumanie, la posie allemande des annes 60, lavantgarde historique europenne et
roumaine, avec ses prolongements dans laprsguerre, le nouveau roman franais, la prose
non fiction, le textualisme tel quelien, le structuralisme barthesien, la smiotique, la
dconstruction... avec une srie de monstres sacrs qui figurent dans presque toutes les listes
nominales du postmodernisme: Joyce, Eliot, Pound, Borges, Beckett, Barth, Nabokov...
auxquels se joignent une srie de prcurseurs immdiats que chaque mouvement rnovateur
rallie sa cause: les prosateurs ludiques et livresques de lcole de Trgovite, Radu Petrescu,
Mircea Horia Simionescu, Costache Olreanu, Tudor opa, les potes excentriques comme
Leonid Dimov et Mircea Ivnescu... Le paysage littraire des annes 80 reste vari, en fonction
des inclinations tempramentales et des affinits de chacun. Il existe toutefois des lignes
dorientation qui confirment la rvolte dclare des crivains plus jeunes. On sent une tentation
de plus en plus grande de problmatiser la condition de la littrature, en rodant lautorit quelle
a acquise par les desiderata modernistes: transcendance, vision, signifiance, profondeur,
mystre, structure, langage autonome. Ce qui me semble notable au cours de cette tape, cest
lide de repenser la condition de la littrature du point de vue dun nouveau pacte avec le rel.
Lesthtique moderniste employait deux stratgies disjointes en apparence, mais au fond
parfaitement compatibles: je les nommerais vasion et vision. La premire, o lon reconnat
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non seulement les aspirations de la posie pure librer le mot de sa charge rfrentielle
mais aussi, par exemple, la forte condition de la fiction dans la narration, attribuait la littrature
le pouvoir dinstituer un ordre propre, non drivable, de construire dans son propre domaine
dexistence. La seconde postulait le pouvoir de la littrature de donner un sens au rel et mme,
la limite, de le dcouvrir. En mme temps, de limagination plastique lalchimie du verbe,
de la concurrence de ltat civil lpoque de la suspicion, la littrature a exploit de toutes
les manires sa nature duale: parler simultanment de rien et de tout, transformant sa propre
faiblesse en vertu explo ratrice, soit dans la direction du monde de lexprience, soit dans celle
dhypothtiques countries of the mind. Les crivains des annes 80 de chez nous ont ressenti
plus intensment que jamais, sembletil, la fragilit de cet espace, o la transcendance dvoile
son ossature de conventionnalisme, dartifice et de mmoire culturelle alors que limmanence
se montre nos yeux incertaine et inconsistante. Le lyrisme, priv de son aura mtaphysique,
est peu peu abandonn; entre les deux aspects du moi potique, laspect textualiste et lautre,
li la philosophie tririste, sapprofondit le sentiment dune rupture profonde audessus
de laquelle chancellent les ponts de lironie; la gesticulation potique cherche ttons son
chemin entre la citation et la paraphrase; le pote samuse et est pris dhystrie en se
contemplant comme acteur et comme spectateur. La narration avide dun concret insignifiant
denonce son artefact, versifiant des biographies communes, amalgamant les techniques du
reportage et du fait divers avec les commentaires victoriens de lauteur, talant ses ambitions
dmiurgiques avec des sourires complices. Ou, au contraire, lcrivain joue le jeu de loubli,
parlant de sa bienaime, de sa famille, de ses amis sur un ton de romance ou de bavardage:
la spontanit est une mmoire involontaire...
Les contours que jai essay desquisser sont videmment trop larges et trop vagues pour
que lon puisse prciser la physionomie dun postmodernisme roumain. Ils nont dailleurs
pas la prtention dtre autre chose que de simples lignes de convergence. Ce qui me semble
plus significatif, du point de vue de la localisation du postmodernisme roumain dans son
propre contexte historique, cest le fait, dj mentionn, quil a tendance devenir une
contreculture face la culture officielle. Exhibant en toute franchise sa fragilit, la littrature
du type postmodeme sest montre communicative et permable, malgr les difficults de
rception que soulvent le livresque et lexprimentation. Assumant massivement des
territoires qui relvent du quotidien, de lphmre, de linsignifiant du kitsch lexistence
kitsch la littrature des annes 80 a pouss loffensive contre la culture de masse sur
le terrain de celleci. Quelle aire dinfluence a eue cette contreoffensive, il est difficile de le
dire. Ce qui est certain, cest que le modle postmoderne, utilisant un concept de culture
faible, relativisant et contextualiste, offre aujourdhui un surcrot de salutaire flexibilit dans
la dynamique de la table des valeurs dont la perturbation a pu susciter tant dinquitudes.
Il est intressant que ce qui a t peru comme le triomphe de la culture dans la littrature
(Radu G. eposu, Istoria tragic & grotesc a ntunecatului deceniu literar nou LHistoire
tragique & grotesque de la sombre neuvime dcennie littraire, ditions Eminescu, Bucarest
1993) peut signifier aussi la nostalgie de ramener lart du mot vers son contexte originaire.
Lhistoire de la littrature, dans un clairage moderne, semble tre justement lhistoire de
ce dtachement. Comment se prsentera lhistoire postmoderne de la littrature?
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Aprs deux dcennies, ou peu sen faut, dactivit, le postmodernisme roumain dans le
domaine de la prose semble suivre deux directions essentielles: celle prdominante et facilement accessible du textualisme scriptural et celle minoritaire du textualisme mdiatique
ou virtuel. La premire direction, exploite jusqu puisement par des crivains comme Mircea
Nedelciu, Gheorghe Crciun, Hanibal Stnciulescu, George Cunarencu, Gheorghe Ene,
Gheorghe lova ou Nicolae lliescu, se trouve sous linfluence de la prose brve de Donald
Barthelme et prconise un textualisme thmatique fond sur le principe: crivons comme
on crit un conte. Le sujet de ce type de prose devient le mot ou le texte, les personnages vivent
dans un univers saussurien ou mme Tel Quelien et finissent suffoqus dans un torrent dencre
dimprimerie; dans le mme temps, le contrle accru de lauteur, qui sexerce sur la narration
par les moyens de lautorflexivit, de lautoironie ou de lautopastiche, empche tout
dveloppement narratif hors du trac prtabli. Grce un artifice dconstructiviste1, la prmisse
devient le contenu mme de la prose et les auteurs sont hirarchiss partir de lhabilet avec
laquelle ils savent llaborer; do une possible dfinition du talent narratif comme tant le
rsultat de la dextrit ludique et des aptitudes dingnierie textuelle.
Labyssalit mtanarrative propose par les prosateurs quatrevingtards de la
premire catgorie a le mrite de forcer une nouvelle approche du texte littraire, avec un
systme de rgles diffrent de celui des priodes antrieures, comme, par exemple, le
modernisme de lentredeuxguerres ou des annes 70. Par ailleurs, elle se consume lintrieur
de ses propres limites et, bien quelle impose un changement de la mentalit critique et de la
prose, elle perd sa crdibilit fictionnelle en faveur de la crdibilit thorique.
Au demeurant, les titres aussi bien que les sujets adopts par les tenants du textualisme
scriptural indiquent une fragmentation dlibre du souffle narratif, par linsertion de squences
thoriques et dautres constructions mtatextuelles: les rcits de Mircea Nedelciu ont pour titre
Un jour comme une prose brve et Le rcit lud, ceux de Gheorghe Ene et de Gheorghe Iova,
Une confession du texte et Un texte de lexcursion, et ceux de George Cunarencu, Reportage
un banquet pantagrulique et Ce qui se passe quand deux hros se rencontrent. Dans
lanthologie des crivains de la gnration des annes 80 Desant 83 (Descente 83)
Gheorghe Crciun dveloppe un Thme au choix qui commence par des dfinitions de la prose
et des personnages et dans le roman Compunere cu paralele inegale (Composition parallles
ingales), le protagoniste regarde sa propre histoire damour corche sur le papier peint dune
salle manger. Dans le rcit Loin pied..., Nicolae Iliescu est convaincu quil a du talent et
dans Carte blanche il est proccupe de lide dune prompte confirmation de la part du professeur Crohmlniceanu au cnacle Junimea (La jeunesse). Femeia n rou (La Femme
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en rouge), roman crit par trois auteurs et qui a t considr en 1990 comme un manifeste
du postmodernisme autochtone, ne se propose pas lui non plus de se soustraire aux
obligations thoriques strotypes du mimesis scriptural: transforms en personnages du livre
quils crivent Mircea Nedelciu, Adriana Babei et Mircea Mihie accompagnent lintrigue
du roman dun journal mtanarratif.
Moins mcaniques et pour cette raison, mieux disperss dans le texte sont les bricolages
de tefan Agopian, Cristian Teodorescu et Bedros Horasangian, pour qui le rcit (quelle que
soit la forme quil revt de Grande ou de Petite Histoire) doit tre tout aussi captivant que le
cadre thorique qui lui est attribu. Mais, dune manire gnrale, cause du dosage exagr
(symptomatique soit dun plaidoyer technique trop appuy, soit dune absence dimagination
narrative), le textualisme scriptural fatigue ses lecteures et, tout en recevant des accents
pathtiques et conservateurs, devient le fossoyeur de sa propre littrature.
Par rapport la deuxime orientation postmoderne de notre prose, le textualisme
scriptural peut tre considr la fois comme un point de dpart et comme un point de rupture.
Le prolongement et la ngation des tendances antrieures, tout comme le transfert de la proprit
exprimentale du postmodernisme scriptural vers le postmodernisme mdiatique rapproche
les deux phnomnes de la relation de lavantgarde avec le modernisme. Il y a mme plus,
la gnralisation des techniques virtuelles en littrature a toutes les chances doprer une
modification radicale de sensibilit esthtique et de donner ainsi un caractre classique
lavantgarde, caractre classique auquel celleci bien quelle lait contest avec vhmence
na jamais cess daspirer en secret2.
Le textualisme mdiatique ou virtuel propose un dplacement de laccent narratif vers les
moyens et les procds de lart cyberntique: imagerie virtuelle, simulations tridimensionnelles,
illustration fractale, jeux interactifs, etc. Se synchronisant avec les dernires volutions de
la technologie postmoderne, il a la capacit de relancer le roman autochtone, encore tributaire
de la tradition moderniste et trop peu convaincant dans la ligne postmoderniste du textualisme
scriptural.3
Les reprsentants de la nouvelle direction sont Mircea Crtrescu (dans le roman
Orbitor, Aveuglant), Sbastian A. Corn (avec son roman Adrenergic !, Adrnergique!)
et un ou deux jeunes prosateurs, forms dans le cadre du groupe Le Club littraire de Bucarest
qui nont pas encore dbut dans le roman.
Ce phnomne qui se trouve chez nous ltat embryonnaire connat une large diffusion
dans lespace culturel occidental. Les adeptes autochtones du textualisme virtuel manifestent
des affinits implicites ou explicites avec la prose du grotesque mdiatique de Thomas Pynchon,
avec le visionnarisme fantasmatique de Salman Rushdie et avec le cyberpunk patronn par
les romanciers William Gibson et Bruce Sterling. Partant de la Bible du cyberpunk, le roman
Neuromancer (1984) de William Gibson, passant par les performances du genre dans le
domaine de la musique (lalbum Cyberpunk du chanteur rock Billy Idol et ses vidoclips
multimdia) pour aboutir la cinmatographie dun Ridley Scott (Blade Runner) ou Paul
Verhoeven (Total Recall), le mouvement exerce une influence active sur la prose roumaine
de ces deux ou trois dernires annes quil dote des attributs de lhyperralit auparavant peu
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la couleur noire et la couleur rouge de la robe de Madame de Rnal, de mme que le moderne
Proust pouvait opter pour le got sucr ou aigrelet de la madeleine enchante; le processus
resterait donc le mme et les revendications du postmodernisme seraient de simples
reformulations de principes artistiques que depuis Aristote la philosophie et la thorie
littraire se sont efforces dappliquer.
Largument semble suffisamment solide pour clore la discussion; en ralit, il est
amendable. Si lespace virtuel entre mots, phrases, paragraphes, chapitres na jamais cess
dexister en littrature (ainsi que la possibilit du lecteur de le remplir), si Alexoi Feodorovici
Karamazov aurait pu tre non le troisime mais le quatrime fils de Feodoi Pavlovici
Karamazov, si les petits rideaux de mousseline de Madame Bovary auraient pu tre des
draperies de velours, si, enfin, le roman Enigma Otiliei (lEnigme dOtilia) aurait pu commencer dans le quartier Dudeti et Craii de CurteaVeche (Les Seigneurs du VieuxCastel)
se terminer Trgovite, ce que ni les auteurs, ni les lecteurs ne pouvaient obtenir dans toutes
ces situations, cest la matrialisation visuelle des transformations potentielles, la preuve
concrte que, mme sousentendu comme il est, le processus est enfin susceptible dtre
reprsent. En effet, bien que les mcanismes dlaboration du texte en prose soient rests
inchangs depuis des sicles, la possibilit de lauteur / du lecteur de se les reprsenter autrement
que comme de simples abstractions (dignes de figurer dans un trait de narratologie) nexistait
pas jusqu lapparition du postmodernisme.
Aujourdhui, les variantes affiches sur lcran de lordinateur peuvent suppler la distance
entre un mot et le mot suivant et on retrouve le trac de production / perception du texte littraire
dans les simulations cyberntiques interactives: les rideaux de Madame Bovary sont colors
instantanment dans nimporte quelle nuance: le dcor clinescien de la rue Antim glisse dans
un tableau de bton et de ciment et le monastre est dplac sur des galets; enfin, le triste
dnouement des Seigneurs du VieuxCastel peut tre vit, Paadia peut tre sauv et Pena
Corcodua rajeunie et assise la droite de John F. Kennedy, comme Tom Hanks dans le film
Forrest Gump.
En dernire analyse, la fascination que le textualisme mdiatique exerce sur le lecteurspectateur rsulte de lannulation des frontires entre le dsir et la ralit: la dictature de
limage abolit toute convention scripturale, transformant la lecture en un acte de sduction et
dhypnose visuelle; entre le signe graphique et son image acoustique se creuse une faille o,
guids par le principe freudien du plaisir, nous pntrons de plus en plus profondment. Les
volupts mdiatiques dune telle exploration sont dues parfois un raffinement achev des
synesthsies symbolistes, de lonirisme surraliste et des fantasmes PopArt; dans dautres cas,
elles revendiquent une gnalogie romantique dont lorigine est fantastique et visionnaire.
Aspirant reconstituer la simultanit originaire, le voyage dans le monde du textualisme
mdiatique quivaut un regard indiscret, mais privilgi, vers les laboratoires du Crateur.
De mme que les astronomes photographient lunivers dans ses zones les plus loignes,
colorant ensuite ses soleils, ses supernovae et ses galaxies sur la base de formules mathmatiques que lordinateur associe une certaine temprature, masse, densit, etc. inaccessibles
lil humain ou la lentille tlscopique9, de mme les prosateurs produisent des visions
fantasmatiques dune ralit primordiale quils saisissent plutt intuitivement, sans connatre
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son tout. Aussi la thmatisation obsessive du textualisme scriptural doitelle tre comprise
comme un phnomne strile et anachronique et la pratique textuelle mdiatique ou virtuelle,
comme une forme prliminaire de la sensibilit de lavenir.
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NOTES
1
5
6
7
8
Le dconstructivisme inverse toujours le rapport logique entre les termes et inverse les hirarchies de tout systme;
leffet prcde la cause, limitation existe avant loriginal et la littrature avant le langage (voir Jonathan Culler,
On Deconstruction.Theory and Criticism after Structuralism, Cornell University Press, Ithaca, New York, 1982,
p. 88).
lappui de cette ide on peut citer, parmi dautres textes, le manifeste intgraliste de Mihail Cosma de 1925,
qui affirme en conclusion: pas de gant, pas srs, nous nous dirigeons vers une incandescente poque de
classicisme (Du futurisme lintgralisme, dans Intgral, lre anne, nos 67/1925, reproduit dans Marin Mincu,
Avangarda literar romneasc (LAvantgarde littraire roumaine), anthologie, ditions Minerva, Bucarest,
1983, p. 577).
Une enqute rcente sur le thme De nouveau, nous navons pas de roman?, publie dans la revue Dilema (La
Dilemme, n 145/1995), reflte la raction antipostmoderniste et les nostalgies modernistes de la plupart des
interlocuteurs, critiques ou prosateurs: Nicolae Manolescu, Tania Radu, Nicolae Breban, George Bli, Constantin
oiu, Z. Ornea, Alexandru George. Le conservatisme critique devient surprenant chez une femme prosateur associe
au postmodernisme de la gnration des annes 80: Ne sommesnous pas les dernires gnrations dune
civilisation destine disparatre? Dautant plus que je vois comment la presse entre dans la zone lectronique,
les ordinateurs changent notre vie, llnternet est apparu... Le roman interactif, les hypertextes, les expriences
dEco? Je ne suis pas une adepte de lexprimentation en littrature. Je nemprunterais pas cette voie dussje vivre
encore trois vies (...) (Gabriela Adamesteanu rpondant une question de Dlia Verde, Que se passeil dans
le roman roumain aujourdhui?, p. 14).
Parmi les adeptes de cette ide, il nous faut mentionner: Arthur Kroker et David Cook (The Postmodern Scne.
Excremental Culture and HyperAesthetics, St. Martins Press, New York, 1988); Jean Baudrillard (La
Transparence du Mal: Essai sur les phnomnes extrmes, Galile, Paris, 1990); Lance Olsen (William Gibsons
Virtual Light An Analysis, dans Postmodern Culture, n 2/1994, traduit par Sbastian A. Corn sous le titre Lance
Olsen, Lumire virtuelle, de William Gibson une analyse , dans Jurnalul 5F (journal SF), n 115/1994) et
deux des thoriciens du jurnalul SF, Liviu Radu et lonu Bnu.
Mircea Crtrescu, Orbitor (Aveuglant), fragment de roman publi dans Litere, Arte, Idei (Lettres, Arts, Ides),
supplment culturel du journal Cotidianul (Le Quotidien), n 41/ 1995, p. 1.
Sbastian A Corn, Adrenergic !, fragment de roman publi dans Jurnalul SF, nos 8990/1994, p. 11.
Comme espaces et jeux des valences textuelles, les notions de diffrance et de pli sont illustres par Jacques Derrida
dans les volumes Positions (Minuit, Paris, 1972) et La Dissmination (Seuil, Paris, 1972).
Rappelons ici le concept duvre ouverte (Umberto Eco, Opra aperta, Bompiani, Milano, 1962) et le
phnomne de la trahison cratrice (Robert Escarpit, Sociologie de la littrature, PUF, Paris, 1958), tous deux
applicables des catgories extrmement diverses de textes littraires.
Les ralisations les plus importantes dans le domaine de la photographie astronomique sont attribues aujourdhui
au Britannique David Malin, chercheur lObservatoire AngloAustralien de Sidney.
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What is in a name like postmodernism when applied to the Romanian literature of the
last three decades? Enough to fill Noahs ark to the brim and have it boil over... Ideological
and linguistic subversion, playfulness, contempt of authority, telquelism, demystification,
ontological shifts between reality and the text, dialogism... Not all good literature published
within this interval goes into the postmodern paradigm; not all postmodern writing is good
literature. A distinctive mark is the presence of characteristic signifying practices in the early
sixties, immediately after the thaw (maybe even prompted by the demolishment of the
dogmatic idols).
The traditional author, writing with Aristotles Poetics in his hands, is a demiurge ordering
unruly matter into a harmonious design, cosmos out of chaos. The modernist writer is faced
with chaos in the very reality of a moribund civilization. Ruefully, he takes a backward glance.
What he sees there, in the cultural past, are not models which have outlived their time, but a
set of forms that he imposes upon the disorderly substance of personal experience. The
postmodern writer is a parasite somehow, an outgrowth of this orderly universe where chaos
has been defeated once more by the modernist Orpheuses. Yet he is rebellious, an ungrateful
apprentice, who will waste the toil of his forerunners. He displaces not only his predecessors
from the centre, but the very idea of a centre or origin. The centre blows up and the wrecks
float about, periodically landing onto continents with provisional and unstable outlines.
Displeased with the glorious summer of the modernist idea of order, the postmodern writer
turns it again into a winter of discontent (even if some critics prefer to emphasize the bridge
rather than the gap): rhetoric at odds with meaning, meaning with reference, standard with
popular culture etc.
The original sin that triggered the programme of deconstruction was committed by the
philosopher Lucian Blaga (18951961) who, like Nietzsche before him, denied philosophy all
claims to truth, ascribing to it a figurative discourse. The clearcut logical analysis and categorial
thinking were held to be no longer tenable in the absence of any grounds for authenticating
methods. A gnoseological crisis was caused by the presumed split within the object between
its phanic (Cr. phanein: to appear) and its cryptic (Gr. kryptein: to hide) sides. A part of
any object of thought will be accessible through a cognitive activity yielding concepts (the
socalled paradisiac knowledge) while the other lies in hiding, checking any cognitive attempt
on the beholders part. It is only accessible through Luciferic knowledge, that turns the
subject into a passive seat of revelation; the abysmal categories, which are the plastic
capabilities of the subconscious, will help the subject fashion simileworlds that is, worlds
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similar to the ones we inhabit. The subconscious produces imaginative doublets of beings.
Living within the horizon of existential mystery (God had been replaced by the Great
Anonymous), mans transcendental destiny is that of a creator of metaphors. These abysmal
categories resemble Lyotards matricial figure that engendre des formes et des images
(J.Fr. Lyotard, Discours, figure, Ed. Klincksieck, 1974, p. 327). Man appropriates the world
through fictions, metaphors, art. As a creator of simileworlds, man replaces the Divine Father.
As philosophy is denied a rationale or a selfcontained system of axiomatic truths, it retreats
into irrationalism. From an inflexible logic based on a meaningful activity of thought, it turns
into a structure having a formal dimension.
In 1960, the Romanian expatriate Vintil Horia got the Goncourt Award for his novel God
was Born in Exile. It contains the apocryphal diary of Ovid, the Roman poet exiled by Emperor
Augustus to Tomis, a former Greek colony at the Black Sea. The name is derived from the
Gr. tomy, meaning cutting, section, amputation, and the legend associated with this toponymy
claims that Medea had taken refuge here, delaying her fathers pursuit by strewing the sea with
the limbs of her slaughtered brother. Ovid too is severed from all family ties, shut out from
his matricial world and thrown into one of barbarians. Vintil Horias Ovid, however, is not
the familiar figure who cast his sad thoughts into elegiac letters to Rome. In fact, this is a story
about the world being disengaged from its orbiting around Rome as urbs et orbis and finding
a new centre to turn around. The Roman Empire was no longer a centred world. By the end
of the first century B.C. by the time of Ovid, in other words no single cult could be said
to dominate Roman religious traditions (Stephen C. Ausband, Myth and Meaning, Myth and
Order). The gods had become corrupted forms, down to idols. Each household had its protecting
genii, there was no ontological foundation in the sacred. To midcentury Europeans, Horias
Rome resembled a totalitarian regime, with the void cult of the leader, swarming spies, universal
cowardice and loss of human lives for the sake of artificially maintaining the Empires frontiers.
Ovid is now faced with a different humanity, by far less civilized, yet living in the cult of one
god, with moral values and in contempt of death. Rome is deconstructed from its imperial aura,
while another centre coalesces at the Scythian pole. To the exiled poet Tomis is gradually
revealed as a new home and a spiritual centre an idea which cannot be deemed from Ovids
heartrending elegies, being the novelists alone.
1963 sees the debut of a poet strikingly original in his very denial of originality. Marin
Sorescu feels as if he had been thrown into an already existing Bibliopolis; he is Singur printre
poei (Alone among poets), at the same time himself and those who lived before him in the
huge text of the world. The author is thereby displaced from his origin. The volume amounts
to a collection of textual experiments which provide an apt illustration for G. Genettes
Palimpsestes: parody, pastiche, imitation, metatexts, hypertexts, intertextuality, texts reading
other texts etc. The next volume of Poems (1964), assumed to be thoroughly original, are
even more shocking to the reading habits of the public Marin Sorescu dislocates the being from
its categorial articulations that blend together things of the real world and symbolic figures,
physiological states and geometrical configurations, quotes and idiomatic phrases. Adding
to the ontic confusion, various types of discourse coexist in the perfect democracy of his
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heteroglossia; existential questions are cast in the consecrated speech of bequests, a patients
complaint to his doctor, pharmacy recipes, the politicians langue de bois. Readings of history
are administered like pills, with a spoonful of water in the evening, before going to bed etc.
In the following passage from his often anthologized Shakespeare, the worlds most famous
dramatist replaces God in the concentrated idiom of the Bible or of a bequest: Shakespeare
made the world. In seven days. In the first day lie made heaven, the mountains and the deep
chasm of the soul./ On the second day he made the rivers, seas and oceans/ and other
excitements/ which he breathed into Hamlet, Julius Caesar, Antony, Cleopatra, Ophelia, Othello
and the lot,/ to be owned by them, and their rightful heirs/ in perpetuity. Rhetoric
subversively defects from the semantic function of the discourse. Subject and object, centre
and periphery, actant and recipient of the action, everything turns on the hinges of a revolving kaleidoscope, everything loses direction and intentionality. I quote from his poem entitled
Dante: Nine circles of sin, nine of waiting/ Nine of illusion,/ And all of them full to the brim/
And in the middle of them, there is Dante.// He keeps looking at the Inferno, Purgatory and
Paradise/ When he gets weary, he just changes the labels./ The one reading Inferno, he places
in Paradise/ And the other way round./ This happens again and again/ So that poor mortals/
hardly know where they are// Dante feels the swelling of his temples/ As he pushes the pyramid
from inside./ The pyramid moves slowly on the ground/ now backwards, now forewards/An
inch a year/ Unhurriedly. Meaning (the intelligible content) is often divorced from
references (the object to which the words refer or apply). Here are the very unfamiliar semantic
contents or the formulaic language for bequests in the mouth of a dying man: I must put out
with an eyelid all things which stayed alight,/ the slippers near the bed, the hallstand, the
paintings,/ As for the rest of lifes belongings, everything that can be seen, even beyond the
stars,/ theres no point in taking those with me, theyll continue to burn. (...) And in my will
Ive requested/ that to honour/ my memory/ at least on the more solemn days of remembrance,/
the whole universe shall be distributed/ among the people, as alms. The Romanian phrase
a fi dat de pomana is ambiguous: to be given as alrris (a widespread practice at funeral rites)
or to be given in vain, to no purpose at all. The world exists in vain if it is no longer present
in the selfs consciousness, if the self is no jonger there to bestow meaning on it. In Sorescus
play Jonah, the prophet as a universal subject and foreseer of a providential sequence of events
is replaced by a temporal subjectivity, selfconstituted by appropriating the world through
language. The very choice of this Biblical narrative is defining for the subversive technique
of a play much acclaimed on WestEuropean stages during the last two decades; as Hans
Heinrich points out in his Parmenides undjona (Suhrkamp Verlag, 1966), the brief narrative,
in contradiction with the rest of the Bible, shows the divorce between the divine word and the
concrete situation, thereby denying the creation of the world through Logos. Jonah knows that
Cod will not destroy Niniveh out of pity, so he refuses to carry there Cods threat, for fear he
might prove to be a false prophet He chooses to run away. In Sorescus play, Jonah is a common
fisherman of no time, imprisoned in the bellies of three concentric fish. He manages to cut
them open in turn and dive out to light. Yet he feels that mans existence will always be a prison,
that man lives within the horizon of the belly of a fish: trapped by the elements, the spirit feels
alienated. He will escape from the Leviathanworld by allegorically cutting his own belly. The
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progress outwards into the world is inwardly inverted into private memory and later into the
memory of the race, materialized in language. Language is a way of being together with others
in the world: Some prophet youve been, Jonah! I could see how you predicted your future...
Let me see you now predicting yourposr (...) Try to remember everything... What was the name
of that kind old couple who used to call on us when you were a kid? What about the other two,
the frowning man and the toiling woman you could see around in our home, who had not been
so old from the beginning ? What was the name of the building where I was taught? What was
the name of that fourlegged thing on which we would eat and drink, on which I even danced
a couple of times ? Every day we saw something round up in the sky, a red wheel that kept
revolving in one and only direction (...) What was my name?... As he asks these questions,
the woes of the tribe are kindled in our memory: grandparents, parents, school, table, sun...
Alienation has disappeared because the things have been transferred into meaning, res and
the self are now one in the continuum of signifies. Naming becomes Jonah: I remember: I
am Jonah. But the individual, autonomous, mundane subject is no longer there; he has
dissolved into intersubjectivity.
Displacement from the origin in history is the broadest figure on the canvas of Sorescus
historical play Rceala (The Cold). Sultan Mohammed imprisons the last Byzantine emperor
and his court in a cage and has them play the fall of the Empire every night. The great scene
of the world is reduced to a stage, the unique act of being is corrupted into the vacuous
repetitiveness of the performance.
The corruption of origins is the idea that triggers the action of The Book of Metropolis by
tefan Bnulescu, a leading novelist of the sixties (the book was published in 1977 as part of
the project of a tetralogy). Monica Spiridon devotes to it the first chapter of her book Melancolia
descendenfei (The Melancholy of Descent) that explores figures and forms of generic
memory in literature. In other words, the Romanian writers awareness of the palimpsestic
structure of culture (Derridas white mythology). Bnulescu imagines two Utopian cities,
Metropolis and Dicomesia, situated on either side of a river, pointing to their rivalry as well
as complementary relationship. Dicomesia is ruled by Constantin XI, the founder of a race.
However, he is not the origin but a lack in origin: he lacks parentage, he is called the foundling,
the lost one. The race is generated by a tailor and a topometrist; they extend spatially and
increase in numbers, yet they lack any axiological grounding, any mythical foundation.
Metopolis (meta after, ope opening, prolongation) symbolizes, on the contrary, departure
from the origin. It is a seat of repetition, succession, degradation of the origin. Decaying
Byzantium can be deemed in this worthless copy of its former glory. Metopolis sees itself
imitated by a subterranean world of clowns with which it finally merges.
The obsession for the basic axioms and values was probably engendered among the writers
of the sixties and seventies by the radical shift in the cherished idols of the dogmatic age. What
had been thought to be revolutionary landmarks in the progress of the peoples towards
communism was now crammed into the historical trash or the etcetera of history: On
Wednesday the war was over/ on Thursday collectivization and electrification began/ on Friday
oil lamps raised doubts and questions/ on Saturday etc. etc./ on Sunday etc. etc. and so forth.
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This is Mircea Dinescu, the leading poet of the seventies and a professed subverter of the Orphic
pose and of high culture.
The displacement occurring in the eighties meant the explosion of what was still left of
the logocentric fiction into a maize of private worlds: amorphous, chaotic, purposeless Or, to
quote poet Mircea Ortarescu, a tangle of nothing, nowhere, nevermore. The reality of
discussions still surfaces the apocalyptic dissolution, yet in what a confusing blend! The
dialogic discourse explores the frontiers of poetry; newly coined words, obsolete phrases, the
language of chemistry or anatomy books boil in the mixing pot of a poetic texture that finally
melts away into the oceans gelly, the barbed soil of the earth The title of his first book of
poems is Headlights, Windowshops, Photographs, things which are not. They only light,
point to, replace what actually exists in a copia. The poem looks in the mirror and sees the
rhetorical scheme of Andrew Marvells To His Coy Mistress: Oh, if we only had time and
space, space and time/ then would your shyness be less to blamie/ thru would I love thee down
to the flood/ while you deny me down to the coming of the Jews/ and then would I love thee
down to the Renaissance/ while you still shun me down to the belle epoque ... The crisis of
identity has reached a climactic point. Nothing stands in place anymore: author, poem, world,
text. As no one can go any further, we may expect the exhaustion of what threatens to become
mannerism. Paraphrasing Yeats, assuredly, some reconstruction is at hand ...
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Introduction
Bien que le langage soit impliqu dans les discussions sur le postmodernisme par la formule
des jeux de langage, du dialogisme et surtout par linformation gnralise par les mdias1
son rle dans la dfinition du nouveau paradigme semble diffrent de celui qui tait le sien
dans les potiques modernistes. Il ne sagit pas dun simple dtachement du mirage
linguistique2, plus ancien que le structuralisme, mais aussi, en mme temps, dun changement
daccent dans lacception de tous les termes concerns. Pour en rester au domaine de la
littrature, luvre qui saffirme en tant que postmodeme, ou bien le commentaire qui la dfinit
comme suivant tel modle sont contemporains dune autre vision sur le langage que celle des
prcdents manifestes modernistes. Pour que la littrature se proclame autorfrentielle, il a
fallu que le langage soit considr, dans son usage courant, comme tant essentiellement
rfrentiel. La distinction entre le rfrentiel et lautorfrentiel reste dpourvue dimportance
de nos jours, le langage luimme tant conu tout dabord comme une interaction, comme
une ngociation du sens entre ceux qui prennent part au dialogue.
Dailleurs, lacception pragmatique du langage consonne avec les tentatives des thories
postmodernes de trouver dans la littrature non pas une relation essentielle avec le langage
fondatrice ou ngatrice mais une rhtorique spcifique au moins, un complexe de stratgies
prfrentielles qui soit linstrument de la relation avec lautre. Matei Clinescu tient pour
ncessaire et possible de trouver une spcificit stylistique la littrature postmoderne: Pour
aboutir un modle sensible du postmodernisme littraire, il nous faut accepter comme
hypothse de travail lide que les textes postmodernistes usent indubitablement de certaines
conventions, de techniques et de procds structuraux et stylistiques rcurrents, mme si,
considrs sparment, leurs intentions, leurs implications et leurs rsultats esthtiques peuvent
tre trs diffrents.3 Cest en partant de cette hypothse que la prsente dmarche est construite
elle aussi, tout en tenant compte du risque de circularit: tant que la critique est loin davoir
russi constituer un corpus soitil mme relativement stable de textes postmodernistes
et tant quon trouvera impossible de d limiter le domaine partir des seuls critres stylistiques,
toute caractrisation du langage postmoderne dun texte est mise en question par le fait que
le texte nest pas reconnu comme tant postmoderniste.
Le langage peut devenir une face plainement visible de la littrature postmoderniste, sans
pour autant devenir son principe constitutif. Dans le cas particulier de la littrature roumaine
actuelle, la reconnaissance par le langage est peuttre une consquence du rapport postmoderne
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avec la tradition; citer les prdcesseurs cest sassumer, en partie au moins, la tendance
culturelle de valoriser (dune manire excessive, peuttre?) la performance stylistique.
Le rejet par le paradigme postmoderniste dun principe comprhensif impose linvestigation rhtorique ou stylistique de sen tenir un niveau intermdiaire: il nest pas
ncessaire quelle couvre le texte tout entier, mais il nest pas possible non plus quelle lui
trouve la clef, la figure fondamentale, dans la monade dun seul syntagme ou dune phrase.
La potique de la diffrence, des discontinuits, de la divergence ne saurait tre saisie avec
les mmes moyens que celle de lquivalence, des isotopies textuelles, de la convergence;
le protisme postmoderniste ne se voit attribuer une identit que durant le dveloppement du
discours, entre des limites difficile fixer.
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Postmodernisme et langage
Dans La Femme en rouge, la stratgie est autre: la perspective do sont dcrits les contrastes
est celle dun spectateur qui dcouvre et fait siennes peu peu les diffrences: la fascination
du fait dassocier au moins deux espaces linguistiques et culturels spcifiquement incompatibles
(le parler dialectal de la rgion du Banat et langlais; le village traditionnel et la modernit
amricaine) est mise en scne et explicite par les instancesauteurs. Outre les diffrences
(ajoutonsen les sources pour la plupart littraires des langages chez Crtrescu, pour lequel
le vallachisme ou larchasme sont des citations livresques, tandis que dans La Femme en rouge
elles sont nonlittraires: loralit des tmoignages populaires, les notes personnelles, les
documents de ladministration, les journaux), le mlange spare dfinitivement les textes cits
de ceux dans lesquels lauteur sinstale dans un rle stable et dveloppe constamment un seul
registre du langage (par exemple, Marin Sorescu dans Chez les chauvessouris, ou Silviu
Angelescu dans Les Calpuzans, etc.)
Lcriture postmoderne observe une rgle de la variation, du protisme continu. Les
lments contrastants ont le mme statut dans la combinaison hybride; il ne sagit pas dun
registre privilgi sur lequel se projette lornement pittoresque; cest la prolifration de la
diversit qui fait de la sorte que tout soit galement ornemental. La diffrence visible et accepte
est la toile de fond idologique dune telle manire dcrire. Quoiquintgres dans un texte
donn, les diffrences ne sont pas assimiles, parce que ce nest pas une intgration institutionnelle quon recherche; la diversit dun texte noffre pas des certificats dadmission dans
une institution culturelle inexistante du type code littraire; elle reste tout simplement un cas
fortuit parmi dinnombrables possibilits. En mme temps, la diffrence fonctionne dune
manire surprenante: les associations inattendues illustrent le principe du plaisir narratif, du
sensationnel mme.
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livresques (dans Solstice troubl8, par exemple, un dialoguefleuve mlange des personnages
de plusieurs romans classiques, le langage cultiv archasant avec loralit argotique et la
notation moderniste). La libert linguistique se trouve quand mme contrebalance, chez les
deux auteurs, par un repre fixe, par une perspective narrative inflexible qui les empchent
de sintgrer dans un paradigme postmoderniste.
Le langagemasque
Ce qui ne cesse de revenir dans les commentaires autochtones sur le postmodernisme cest
le renvoi linterprtation que lui donne Eco: la dclaration damour intertextuelle9 semble
utiliser le langage en le prfaant, en le socialisant, et cela dune manire pas tout fait
diffrente de celle des codes de bonne conduite. Les jeux de mots et les citations peuvent alors
passer pour des figures de pudeur, en mettant daccord lintimit avec limage publique,
la sentimentalit avec lintelligence critique. Le jeu intertextuel ne dtruit pas, il double. Dans
ce vers de Crtrescu: Lecteur, de mes yeux les larmes tombent goutte goutte sur le
manuscrit,10 le langage marqu, emprunt (vieilli, rgional en roumain), ainsi que lattitude
fortement conventionnelle, se prtent tre interprts comme des masques de lmotion.
mon avis, une attitude authentiquement postmoderne demande que le masque soit impossible
sparer du personnage dautant plus que dans le langage la forme est impossible sparer
du contenu; seule la dtermination de transformer prserve lambiguit et relativise mme le
repre de la voix de lauteur. Pour Luca Piu, la performance linguistique est le plus souvent
le rsultat de la surprise priphrastique, de la traduction dun nonc dans le jargon auctorial:
la grandmre dj asilante religieuse dans un endroit sans pollution (la grandmre morte),
linstance maternelle (la mre)11; le discours associe le mot franais prcieux avec le terme
populaire, le clich traditionnel avec celui journalistique, etc. Lingniosit des substitutions
souffre nanmoins, cause de limobilit du moi12; le langage artificiel sapproche suffisamment de la formule du code secret.
Lautoironie
Lironie est un des critres incertains par lesquels se dfinit la rhtorique postmoderniste;
commune au modernisme aussi (et aux romantiques, en tout cas), elle semble caractristique
mais pas suffisante pour un diagnostic stylistique.13 En fait, si on prend lironie en gnral pour
une figure de lambiguit, pour une hsitation due labsence de toute marque explicite
entre linterprtation srieuse et celle joue, il faudra bien reconnatre dans les textes
postmodernistes une autre situation et un autre type dambiguit: lorsque les marques abondent,
on nhsite plus quentre lironie et lautoironie. Lironie elle sapparente de prs, en tant
que phnomne linguistique, la citation14 dpend, dans les cas hypermarqus, du degr
de participation la rplique, de la distanciation du personnage cit ou de lidentification avec
lui. Dans le vers de Crtrescu reproduit plus haut, seule limplication dans lhypostase dsute,
lacrymogne est incertaine. Lironie et lautoironie confirment, dailleurs, le manque dintrt
pour le problme de la rfrentialit: elles ne sont nullement des rapports de lnonc avec
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un rfrent idal ou imaginaire ou avec lnonc mme, elles sont des rapports entre les
individus locuteurs (par lintermdiaire du langage).
La superprsence
Lcriture quon suppose tre postmoderniste tend supprimer lorganisation du texte en
premier plan et toile de fond (foreground / background). Le texte est structur comme
une superprsence, une somme dlments apports au premier plan par lnumration
descriptive ou par la juxtaposition dnoncs narratifs. Thorise dans La Femme en rouge,
daprs Scarpetta Le tout passe dans lavantscne, sordonne et se dploie conformment
aux ncessits du spectacle16 , la stratgie est aussi mise en oeuvre dune manire sintactique:
Les trois entrent dans la mairie, cest le maire luimme qui les reoit, trs aimable, lis se
rendent compte quil est trs press, que le village est en pleine campagne, que lheure est mal
choisie. Ils ne le retiennent pas trop. Ils lui remercient pour les quelques informations. De
nouvelles sources. Danciens tmoins. Des vieillards revenus dAmrique. Le pre dun
monsieur respectable, lui aussi il a t en Amrique.17 Chez Crtrescu, les numrations
amples refusent la gradation ascendante ou descendante, nvitant la monotonie que par
linvention descriptive de chaque lment: Des ufs de muge les grains perls et marines /
Des truites allonges sur des plateaux dtain, / Des carpes coupes en long, avec leurs cailles
de verre / Et fourres de raisins secs dont se lchent les doigts les Grecs, / Entours de tranches
limpides de lmons doux mssinois / Des cochons de lait pleins de noisettes, la peau dj
creve / Saupoudre de poivre fort et dpices sur tout leur corps, etc.18 Lhypothse que la
distinction entre le premier plan et la toile de fond serait annule pose toutefois un problme
thorique trs simple: les deux termes se dfinissant lun par lautre, labsence de nimporte
lequel dentre eux mnerait des rsultats quivalents; on pourrait affirmer donc que le texte
sest transform en une toile de fond gnralise. mon avis, une distinction est possible entre
les textes rduits la toile de fonds et les textes rduits au premier plan, en utilisant les marques
linguistiques qui caractrisent les deux niveaux dorganisation discursive (les temps verbaux,
lorganisation de la phrase en fonction du prdicat). Le texte qui accumulerait des noncs
avec le verbe limparfait, ou bien des mots isols serait mme dlonger la toile de fond
en signalant une absence. Un procd typiquement postmoderniste serait de crer de cette
manire la sensation de lattente de ce qui devrait se trouver au premier plan et surtout du
vide. Le texte postmoderne insiste plutt sur la prsence.
La narration
Sil est vrai que le postmodernisme vite les mtarcits, les grands mythes intgrateurs19,
il cherche quand mme produire le plaisir par des petites narrations dont on attend toujours
la suite, grce la stratgie de et aprs? La narration sensationnelle est une technique de
composition, mais elle nest pas sans consquences dans les microstructures linguistiques
du texte.
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Je supposais cidessus que les propositions courtes, elliptiques, brusques du roman auraient
quelque chose de commun avec les phrases rhtoriques; amplifies du pome discursif, malgr
les apparences: ce sont l des techniques dgalisation au premier plan. Ajoutonsen que leur
progression prcipite provoque une tension narrative, un sentiment de lurgence. La succession
des propositions saccades dune manire journalistique et celle des membres dune phrase
rhtorique sont des numrations orientes vers une solution ou une irruption narrative.
Labsence du grand sens correspond aux menus sens locaux.
Crtrescu relativise les procds textualistes: lacte mme de lcriture surgissant dans
le texte ne dtruit pas la fiction, il la met en relation avec linfinit des mondes imaginaires,
tous galement rels. La rcupration est substantielle, non pas rduite au langage. Le
textualisme, en dynamitant la convention raliste, produit donc une vrit ultime de la
ngation. Il y a des faiblesses: il thorise et pratique une ngation absolue dans un espace aussi
restreint, donc il reste innocent et ne se rend pas compte quil cite. Chez Crtrescu, exhiber
la technique ce nest pas nier le pouvoir crateur de la fantaisie, cest affirmer lexistence des
mondes crs; cestdire, retrouver ainsi les traditions de lcriture antrieures au ralisme
et au textualisme.
NedelciuBabeiMihie font des noncs textualistes une manire danticiper et de
valoriser la narration: en dcrivant la qute, ils amplifient la tension, lattente de linformation.
Dans les deux cas, la technique textualiste semble un instrument employ par un autre niveau
de luvre. Au lieu que le texte devienne une mtaphore de la cration, quil soit invariablement rductible une art potique, les reprsentations de la cration et les noncs ressemblant une art potique forment plutt un protocole dentre dans le monde cr ou alors
un intermde distractif.
La perspective instable
Pour illustrer un des traits essentiels du discours littraire postmoderniste linconstance
du point de vue jai choisi un texte ayant comme thme une impression fortement fidle:
dans de la lave; la voix, la vision, la perspective deviennent ambigus, ce qui implique la plupart
des techniques discutes dj (langage hybride, langagemasque, autoironie). Ce texte (Despre
ateptare i disgraie, Sur lattente et la disgrce, de erban Foar20 est comparable jusquau
dtail avec un autre, apparent en ce qui concerne le thme (Cinele din Pompei, Le chien
de Pompi, de Lucian Blaga21); la comparaison entre les deux, que je ne fais que suggrer
ici, pourrait servir dmontrer dune manire presque didactique les diffrences entre deux
potiques, lune moderniste, lautre postmodemiste. Dans les deux textes il y a limage et
lidentification; Blaga dveloppe le sujet dune contemplation (Je vis Pompi ce chienl,
romain), valorise la conservation dans un sens positif, lternisation (moule conserv dans
la matire de la mort, / pour que rien ne le pourrisse, ni pluie, ni temps), en tire une narration
et finit par une vision et une invocation (Je Te vois, mon Dieu du plomb, des cendres, des
nuages). Tout le long du dveloppement discursif il y a un symbole unificateur: Le modle
cest chez Toi que je le chercherai.
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Le pome discursif, prosaque mme, de Foar est charg dlments descriptifs et narratifs,
dallusions historiques, de repres culturels qui renvoient lruption du Vsuve, la mort
de Pline, etc. Limpression de continuit savre un pige: le discours navance que par deux
longues phrases interrompues par des parenthses et des digressions, accumulant des dtails
et allant outre les limites du vers. Le vers luimme, bien que long, a son propre rythme, parfait,
une forme fixe qui met encore plus daccent sur limpression de continuit. Pourtant, dans cet
coulement se superposent des mondes diffrents, des voix et des perspectives diffrentes. La
superposition nest pas parfaite, bien entendu il reste entre ceuxci une distance: lespace
de lironie et de lautoironie. La Ire personne du singulier napparat jamais dans le texte: le
moi se trouve projet dans un autre monde par la seule ambiguit gnralisatrice de la IIme
personne (Imaginesles tous, y compris toimme, dans une salle / dattente dune cour
dassises, dune gare, dans une halle) et par le pluriel dinclusion (Dans notre cas il sagit
nanmoins de ladite aula post festum; regardons comme elle crache vers les vagues, comme
elle fume et elle neige, la bouche / du volcan, sine ira, elle sen fout de cette lave, de ces
cendres). Entre celui qui contemple une scne du pass et ceux qui y prennent part il y a un
loignement assez incertain. La mme superposition a lieu sur le plan temporel, tout dabord
par lutilisation du prsent pour le moment racont ainsi que pour celui de la narration, par
le dveloppement du discours potique. Des poques se superposent ensuite, avec leur panoplie
spcifique: le dcor moderne prsente des lments tels que la gare, la cour des assises, la
municipalit, la bire en flots et surtout la camra ces donnes sentremlant avec celles
dun dcor de lantiquit romaine, ce qui produit un saut hors du temps. Lensemble tout
composite se retrouve dans lhybride linguistique: le registre des nologismes les plus divers,
les plus livresques, les plus savants (des dtritus, des hexapodes, innarrable, se faner, un
triclinium) se mlange avec celui familier, avec des formes anciennes et mme avec des morceaux de texte en allemand ou en latin.
En numrant les mots ou les objets reprsents, on dirait que nous ne nous maintenons
qu la surface du texte; en ralit, ils refltent une htrognit de substance. Le pome de
erban Foar oscille entre la contemplation et la participation: on arrive au point o on regarde
le dcor et les acteurs dune scne tragique et on ne voit que les formes la salle, les costumes
non pas leurs contenus. Lidentification du spectateur avec les acteurs est nonce, mais elle
ne se fait quau niveau du langage, et l mme dune manire imparfaite. Aprs plusieurs signes
de la prsence de lauteur dans le discours (Imaginesles, dans notre exemple, il sagit de,
la dite aula), les derniers vers du pome contiennent un paradoxe: au seuil dun long, dun
trs long sjour / inconfortable, dans des costumes qui auront t jadis tenues de gala/ et qui
nous gardent la forme jusqu nos jours l, dans la salle. Lentit qui utilise ici la Ire personne,
ce nous, est essentiellement divise, car elle adopte le point de vue dun personnage, mais utilise
la voix et les mots dun auteur ultrieur: l, dans la salle ne se rfre quau lieu dont on paste,
non pas celui o lon est ou que lon regarde; de mme, lindcision sur le sujet des habits
qui auront t jadis tenues de gala est un signe de la distanciation. Le discours renonce
tout point de repre, il na plus de perspective unique.
Dans le monde dcrit, ceux que lon regarde regardent leur tour, ils contemplent le
cataclisme mais restent une simple camra; rien ne semble les toucher de ce qui veut dire
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panique lors dune tragdie, tout a lieu calmement, on dirait film au ralenti: la lave du volcan
sen fout en se dversant, elle pntre doucement, contamine par lhumain, dans le
triclinium / de telle villa. Une catastrophe est traite dune manire polie et un peu pdante,
sur un ton voulu conventionnel, euphmique ceux qui sont ensevelis sous la lave ne subiraient
quun long sjour inconfortable. La thtralit discrte du texte se combine avec
lautoironie: au final, la forme est prserve, le discours luimme na pas renonc au calme
et la bonne humeur. Au lieu de conduire la constitution dun symbole, le texte joue la carte
de lambiguit de la perspective dans sa tentative de regarder de plusieurs points de vue en
mme temps.
NOTES
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15
Jean Franois Lyotard, Condiia postmodern (La Condition postmoderne), trad. par C. Mihali, Bucarest, ditions
Babel, 1993, pp. 2730, 3541; Gianni Vattimo, Societatea transparent (La Socit transparente), trad. par
tefania Mincu, Constana, ditions Pontica, 1995, pp. 814.
Voir Toma Pavel, Mirajul lingvistic (Le Mirage linguistique), trad. par M. Tapalag, Bucarest ditions Univers,
1993.
Matei Clinescu, Cinci fee ale modernitii (Cinq faces de la modernit), trad. par T. Ptrulescu et R. Turcanu,
Bucarest, ditions Univers, 1995, p. 251.
Il me semble tout naturel que lon tienne pour repres deux livres classifiables comme post modernistes partir
de plusieurs particularits de structure et qui, en plus, se dfinissent euxmmes comme tels: Mircea Crtrescu,
Le Levant, Bucarest, ditions Cartea Romneasc, 1990, p. 54 (Mais au bout de maints pleurs, tentatives,
pripties / Dun opuscule postmoderniste, qui te plongent dans les rveries) et Mircea Nedelciu, Adriana Babei,
Mircea Mihie, La Femme en rouge, Bucarest, ditions Cartea Romneasc, 1990, p. 39 (Le tout passe dans
lavantscne, en sordonnant, se dployant en fonction des ncessits du spectacle... Cest a! Voici le
postmodernisme. Les voil dun pas dans lavantposte.) Ontils quelque chose de commun, ces deux textes, qui
les diffrencie dune manire essentielle dautres textes de la littrature contemporaine? Leurs traits communs,
sil y en a, se placentils, au moins en partie, au niveau du langage?
Sur linfluence stylistique de Joyce sur les postmodernistes, voir Matei Clinescu, op. cit., p. 250.
Iassy, ditions Institut Europen, 1992.
Paul Goma, Sabina, Cluj, ditions Biblioteca Apostrof, 1991, p. 18.
Paul Georgescu, Solstiiu tulburat (Solstice troubl), Bucarest, ditions Eminescu, 1982.
Dans ses notes marginales et gloses au Nom de la Rose, traduites en roumain dans Secolul XX (XXme Sicle),
n 8910, 1983, Umberto Eco illustre lattitude postmoderniste par une dclaration damour cite, par laquelle
lhomme vite la fausse innocence (...), mais dit toutefois la femme ce quil voulait lui dire: quil laime, mais
quil laime dans une poque dinnocence perdue; repris par Nicolae Manolescu dans Poeii pereche (Les
potes semblables, in Caiete critice (Cahiers critiques), n 12, 1986, p. 52 et par Radu G. eposu dans Istoria
tragic & grotesc a ntunecatului deceniu literar nou (LHistoire tragique & grotesque de la sombre neuvime
dcennie littraire), Bucarest, ditions Eminescu, 1993, p. 38.
Op. cit., p. 187.
Op. cit., p. 21.
Voir la prface de Ion Bogdan Lefter au volume cit: en ne nous offrant que des surprises..., ses textes tendent
vers une monotonie du spectaculaire et risquent daboutir eh bien! lennui (p. 10).
Linda Hutcheon affirme le rle dominant de lironie dans le postmodernisme, dans Commenons thoriser
le postmodernisme (traduit par Monica Spiridon), in RITL, n 12, 1987, p. 37.
Dan Sperber, Deirdre Wilson, Les ironies comme mentions, in Potique, 36, 1978, pp. 399412.
Voir Gillian Brown, George Yule, Discourse Analysis, Cambridge, Cambridge UP, 1983, ch. 4.
Op. cit., p. 39.
Op. cit., p. 17.
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Op. cit., p. 19.
JeanFranois Lyotard, op. cit., pp. 1516.
erban Foar, Copyright, Bucarest, ditions Litera, 1979.
Lucian Blaga, Oeuvres, tome 2, diteur Dorli Blaga, Bucarest, ditions Minerva, 1974, pp. 152153.
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Du postmodernisme et de ses relations avec lEurope de lEst je me suis occup en analysant lactualit du discours architectural autochtone dans mon livre Arhitectura i puterea
(LArchitecture et le pouvoir, 1992). Jaffirmais que larchitecture roumaine, marque
gntiquement par la vigoureuse progression du modernisme dans lentredeuxguerres, a t
plus proccupe, aprs lintermde stalinien, de refaire les liens de tradition et donc
didentit avec ce modernisme de lentredeuxguerres que de ragir dans un sens antimoderne,
comme cela sest pass lOuest dans les annes 60 (systmatiquement aprs 1966). Si le
modernisme a t / est une exprience inacheve en Roumanie, il convient de remarquer que,
par voie de consquence, ni la raction antimoderne na pu avoir de bases solides. Je constatais
toutefois, dans le volume susmentionn, ainsi que dans un texte publi auparavant dans la revue
Arhitext (1990), quil y a eu des solutions de rechange au discours architectural officiel, que
je groupais sous le titre gnrique LArchitecture parallle. Enfin, dans Cellalt Modernism
(LAutre Modernisme, 1995), jai propos une possible dmarche comparatiste qui puisse
mettre en cuation le postmodernisme et le ralisme socialiste. Je chercherai donc donner
une vue densemble du postmodernisme architectural autochtone, en rvaluant les
hypothses thoriques lances jusqu prsent et en cherchant surtout ce que lon discute
du laps de temps 19901995 qui peut nous offrir des tudes de cas dune surprenante fertilit
thorique. Grce lamabilit du professeur Mircea Martin il mest possible de relater ce qui
sest pass en Roumanie avec lart qui a engendr le postmodernisme.
Les thoriciens et les historiens de larchitecture roumaine (nous en avons si peu que cest
vraiment inquitant) soit ne tiennent pas compte du problme du postmodernisme parce quil
appartient une priode dont il vaut mieux ne pas se souvenir, la huitime dcennie, soit en
finissent avec lui en deux phrases: il ny a pas eu de postmodernisme dans les pays du
socialisme rel / multilatral, pour des raisons idologiques. Dans le mme temps, les architectes, gens encore tars par le statut servile de leur corporation avant la rvolution, ont des
crises dindignation quand ils entendent parfois la remarque de certaines mes naves (parce
quoccidentales) selon laquelle la zone du boulevard de La Victoire du Socialisme, sinon
la Maison du Peuple ellemme, serait la plus ample intervention post-moderne en Europe.
Que se passetil en ralit?
Si lon veut des dissociations subtiles et efficaces, il faut dcrire du point de vue hermneutique le paysage thorique, tant synchronique (le contexte ouesteuropeen et, surtout,
amricain de la critique antimoderne et de lidologie du postmodernisme) que diachronique
(linformation gntique dun possible discours postmoderne roumain) Il convient ensuite
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de synthtiser les hypothses que le moment 1995 nous permet de formuler sur une priode
de prs de vingt ans darchitecture roumaine lintrieur de laquelle le politique a provoqu
plusieurs csures svres. Nous ferons donc appel aux architectures alternatives, fussentelles
officielles ou particulires et, la fin, larchitecture qui est apparue aprs 1990, avec un got
marqu pour le style no et pseudovernaculaire.
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discours moderne, en poussant ses latences jusqu leurs dernires consquences. Ldifice
devient non austre, mais pauvre. Ce nest pas un difice fonctionnel, mais une expression
explose du schma fonctionnel mme. Ce nest pas un mcanisme mais un corch: les tuyaux
des installations sont exhibs lexterieur. II sagit, bien entendu, dune critique de
lintrieur, de mme que de lintrieur lutopisme des annes 60 et 70 enflamme les
mninges modernes: Yona Friedman, Nicholas Schoffer, larchitecture pop du groupe
Archigram (Collage City, Walking City, Plugin City), les villes sousaquatiques ou planantes
et bien entendu, larchitecture cosmique. Cest de la mme manire qua volu lhystrie
formelle de Paul Rudolph (ldifice de la facult darchitecture de Yale, 1963) ou Minoru
Yamasaki, qui croyaient que pour cesser dtre ennuyeux, le modernisme doit (seulement)
flchir ses muscles et draper un peu ses btons.
Il y a eu galement dautres doux schismatiques du modernisme qui ont mis celuici un
bmol. Les variantes rgionales, priphriques, de la modernit (larchitecture Scandinave:
Aalto, Saarinen, le cubisme tchque, larchitecture catalane, portugaise ou maltaise et plus
proche de nous, des architectures ethniques dans le genre de celle de Hassan Fathi en Egypte
ou Balkrishna Doshi aux Indes) sont invoques aussi bien par Kenneth Frampton, comme
gnitrices de son rgionalisme critique, que par Colin St. John Wilson dans sa rcente tude
sur LAutre tradition de larchitecture moderne, jachverai enfin cette numration par
lactivit du groupe New York Five, qui commence aux alentours de 1964 lInstitute for
Architecture and Urban Studies, coordonne par Philip Johnson, groupe qui dite la revue
Oppositions, dont la dmarche est profondment thorique, et le volume Five Architects, qui
est lorigine du late modernism (Meier Cwathmey, Hejduk), et a donne un postmoderne
historisant (Graves) et un militant du dconstructivisme (Eisenman). Il faut dire que Venturi,
aussi bien quEisenman, se meuvent sur la toile de fond de lmergence des tudes de
linguistique et de smiotique des annes 60, car ils sont proccups du statut de larchitecture
comme langage. Eisenman dsire une architecture comme syntaxe pure, sans signification,
alors que Venturi dissocie la signification de ldification et la place comme une affiche / un
signe devant ldifice (decorated shed).
Mais ce qui nous intresse cest lanne 1966, quand deux livres fondamentaux concernant
la dstructuration du projet moderne ont t publis. Le premier est Complexity and
Contradiction in Architecture de Robert Venturi. Dans la prface de ce livre, Vincent Scully
prophtisait abruptement: ...it is probably the most important writing on the making of
architecture since Le Corbusiers Vers une Architecture, of 1923. Lautre est le livre dAldo
Rossi: Architettura dlia Citt. Ces deux ouvrages ont port un coup fatal au modernisme.
Celuici tait exclusiviste. Larchitecture nouvelle et la ville devaient tre tolrantes, plus
permissives, des duos et des churs et non des solos, mme excuts de main de matre. La
ville amricaine (Main Street is almost ail right Venturi), avec sa diversit dconcertante
dimages, de symboles et de signes (Larchitecture est un abri dcor de symboles Venturi)
est plus riche, plus significative pour la vie communautaire que les gratteciel disposs
alatoirement dans le paysage. Il en va de mme de la ville mdivale, avec ses ruelles
organiquement entrelaces, soutient Rossi, qui voit comment, dans le domaine de larchitecture,
se forment et persistent des types (modles platoniques, archtypes), plus significatifs que les
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styles, parce que plus profonds. La diversit et mme ladversit doivent tre admises dans
larchitecture. Lambigut est fertile, les contradictions (quon ne rsout pas en tranchant le
nud gordien, comme dans le modernisme) amplifient la signification, la dcoration
(lornementation) et le dcor (lapologie de la faade urbaine) acquirent de nouveau droit de
cit. Rien nest plus comme avant aprs la publication des livres susmentionns et dautres
ouvrages dans la mme ligne. Les annes 70 dmolissent le discours moderniste dans des
universits prestigieuses: Yale, Charles Moore est lu doyen la place de Rudolph, Vincent
Scully fait lloge de Venturi, laxe PrincetonYale commence donner des architectes
sensibles au changement, par exemple Robert A. M. Stem ou Michael Graves. On voit
apparatre des constructions manifestement non modernes, presque toutes cependant perdues,
pour le moment, dans les forts des millionnaires du Connecticut.
Mme si Charles Jencks donne lheure prcise laquelle est mort le modernisme, il vaut
mieux observer quil existe deux difices postmodernes accepts comme tant les premiers:
Portland Public Building (Michael Graves) et AT&T Building (Philip Johnson). Le reste,
cestdire lassociation avec la rvolution conservatrice, limplosion dans larchitecture de
supermarch et Disneyland, lpuisement en moins de dix ans, est aujourdhui de lhistoire,
une histoire bien connue. On ne peut tre avantgardiste si on est adopt par la culture de masse.
Le postmodernisme meurt donc comme ce clbre personnage qui meurt de trop damour. Mais
le discours thorique a survcu au postmodernisme architectural, produisant des concepts
fertiles: la fragmentation, le collage3 et le pastiche (la citation fonction esthtique), la reprsentation et la simulation (lloge de la faade, de lartificiel et du superficiel), la thorie des
simulacres (Baudrillard), si utile non seulement dans ltude de larchitecture des mgalopoles
amricaines, mais aussi dans linterprtation du nouveau centre civique. Tous ces concepts
sont essentiels pour linterprtation de larchitecture du ralisme socialiste, ils nous montrent
non que les Sovitiques faisaient du postmodernisme ds les annes 30 mais que les deux
discours populistesconservateurs, clectiques, nostalgiques, schizodes sont irrigus
souterrainement par la mme sve. (La thorie des catastrophes applique larchitecture
roumaine)
Une brve digression dans notre propre pass situera sur un terrain ferme ce que nous dirons
au sujet du postmodernisme. Pour larchitecture roumaine, le stalinisme a fonctionn comme
une faille symtrisante. Ce qui se trouvait gauche (i.e avant) se rptait invitablement, mais
avec les nuances ncessaires, droite (i.e. aprs). Si lon ajoute ce schma4 le concept
darchitecture deux vitesses5, propre aux pays rgime autoritaire, mais o il peut y avoir
aussi des discours alternatifs (lItalie fasciste, les tatsUnis lpoque du New Deal, la
Roumanie), on obtiendra, en fait, deux registres dinterprtation, que je mempresse de prsenter
cidessous.
En ce qui concerne larchitecture officielle, il ny avait pas des carts significatifs, dans
la Roumanie davantguerre: ni priorits, ni retards. Lclectisme du sicle dernier qui a
conduit la monumentalisation de la ville, mais aussi la destruction du bourg mdival
revient comme dmarche dans les annes 80 quand larchitecture du nouveau centre civique
remplace des portions significatives du centre historique faisant, en mme temps, voler en clats
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la silhouette urbaine des zones respectives. La rhtorique noroumaine est de retour dans les
annes 70 dans larchitecture des difices administratifs et culturels sous la forme de la
spcificit nationale: de nombreux centres civiques dpartementaux sont des variations
sur des thmes folkloriques lchelle monumentale (avec une apothose hystrique Satu
Mare, la dernire dmarche de ce genre du coryphe Nicolae Gipsy Porumbescu avant 1989).
Ajoutons enfin que larchitecture du classicisme pur, de lentredeuxguerres, revient
comme source plausible dinspiration pour larchitecture daprs le stalinisme, non seulement
parce quun grand nombre des auteurs de ces difices (ou les membres de leurs quipes de
projection, voir le cas de Tiberiu Ricci) retournent la planche dessin (ou continuent dy
travailler le cas de Duiliu Marcu), mais aussi parce que la raction antistalinienne daprs
1960 a eu pour effet la reprise des expriences modernes do elles avaient t interrompues
par les hommes de culture de lentredeuxguerres (Marcu et Creang dans le domaine de
larchitecture, Blaga et Arghezi en littrature, etc.)
Le registre suprieur, de larchitecture du pouvoir, irriguait aussi celui des programmes
marginaux, mais dune manire assez diffuse pour que les choses ne soient plus si videntes.
Cependant, larchitecture pseudoclectique des faubourgs bucarestois est porte plus haut par
les immeubles du centre civique une plus grande confusion et le signe de la victoire de
lespace priurbain sur le centre. On reprend le style des hauts immeubles dcors de motifs
traditionnels torsades, fentres double ou triple vantaux ornes de colonnettes avec
cependant une image trs dgrade, aprs 1977, sous la forme dhabitations collectives faites
de panneaux prfabriqus mais avec des chandoles sur lattique. On retrouve le modernisme
svre aux allusions classiques, de lentredeuxguerres, des immeubles Aro / Patria (H.
Creang) ou le Building des Magistrats du boulevard Magheru (D. Marcu) dans larchitecture
des immeubles poststaliniens (Place Romaine, Place des Nations), alors que larchitecture
industrielle reste encore, lpoque du stalinisme, le refuge de nombreux architectes
modernes de valeur, ce qui en fait un exemple atypique du point de vue de notre hypothse.
Il convient sans doute dapporter une nuance cette grille interprtative forcment
schmatique dun sicle darchitecture nationale qui a commenc cependant avant la Maison
Lahovary et a pris fin en 1990: pendant lentredeuxguerres il y a toute une srie de manires
(Le postmodernisme dans larchitecture: ni sublime, ni compltement absent) dluder aussi
bien des architectures officielles quelles quelles aient t au moment respectif, que le
penchant ferme du march libre pour des programmes marginaux. Mme si de telles
tendances ont t exclues des livres dhistoire, leur prsence dans lorganisme de la ville le
rend plus complexe, plus ambigu et donc, comme dirait Venturi, plus expressif. Larchitecture
noflorentine et / ou nomauresque a fait fureur Bucarest. Ces villas upperclass
kitsch pour certains, pittoresques pour dautres font aujourdhui les dlices des lots darchitecture qui ne sont pas envahis par des buildings. Des images romantiques dans le genre
de ldifice aux tours crneles du boulevard Etienne le Grand ou de limmeuble dcor des
signes zodiacaux (arch. Radu Dudescu), situ Calea Dorobanilor, des impurets orientales
parvenues jusqu nous par lintermdiare de larchitecture de foire, dans le genre des
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Hurduc, voil quelquesuns seulement des auteurs de projets et douvrages raliss pour la
plupart des immeubles usage dhabitation o la volumtrie devient plus complique, et
o sur les faades, (plus) richement dcores apparaissent timidement au dbut des colonnes,
des arcs et des frontons postmodernes. Les travaux effectus dans les mirats Arabes Unis
par les architectes de lquipe coordonne par le professeur Cornel Dumitrescu ( lpoque,
recteur de lInstitut dArchitecture), vers le milieu des annes 80, ont t sans conteste des
exemples de synchronie historiciste. Des htels qui ntaient pas sans rappeler le faucon
des cheikhs, le Palais de lmir et de son successeur, Abu Dhabi, des immeubles fantasmagoriques tout ntait que dfoulement postmoderniste des architectes roumains, parmi lesquels
se manifestait de la manire la plus vidente Dinu Patriciu.
Sur le plan thorique, les chos de ce qui se passait sur le plan mondial parvenaient jusque
dans les pages de la revue Arhitectura (par exemple sous la forme de la srie darticles sur le
contextualisme de Dorin tefan, ou dune prsentation de certaines ralisations rcentes). Les
revues de lAmerican Library, ou lon pouvait trouver Jencks, Collin Rowe et Blake,
remplissaient dune manire disparate et fragmentaire les trous noirs de notre information
sur le postmodemisme, condition de prendre le risque de franchir le seuil de la bibliothque,
geste que trop peu dentre nous ont os faire.
Lcole ellemme tait lavantposte daffrontements violents entre les gnrations,
affrontements qui se transformaient en batailles stylistiques. tant tudiant entre 1984 et
1990, jai eu moimme loccasion de connatre directement la brche postmoderne, puis la
faon dont elle sest estompe, se transformant en dconstructivisme aprs 1988. Alors, pendant
les soires darchitecture du Club A, Dorel tefan et Viorel Hurduc nous montraient des images
de Paris: le concours pour le quartier de la Dfense, le parc La Villette, les projets de Bofill.
Ceux qui retournaient (quand mme) au pays aprs les excursions organises par le
professeur Mac Popescu lOuest apportaient au Club des diapositives. Nous les regardions
avec une sorte de religiosit. Les autorits mettaient tout en uvre pour empcher que pntre
le discours moderne. Coqueter avec le dernier cri de la mode de lOuest tait une tiquette
infamante que jai moimme porte avec une fiert occulte, comme une toile jaune. Nos
professeurs, fonctionnalistes par ncessit et mdiocres praticiens, taient vigilants quand il
sagissait de nous interdire les colonnes rouges, les citations historicistes, les ironies, bien que
leurs assistants fussent postmodernistes: Dinu Patriciu nous prsentait ses projets pour les
mirats Arabes et sa proposition pour le boulevard de la Victoire du Socialisme quauraient
pu signer avec enthousiasme Ricardo Bofill et / ou Lon Krier. tre postmoderniste tait une
douce subversion dans laquelle nous nous enfoncions avec frnsie, risquant de recevoir de
mauvaises notes pour nos travaux de projection. Or, ce nest peuttre pas un hasard, dans cette
perspective, que justement de province sont venus les premiers signes des annes 80 annonant
quun changement a lieu: timide, superficiel, modeste, mais changement tout de mme.
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des annes 80, il ny a pas eu de changements dans laspect triqu de larchitecture de masse,
autres que laction dajouter des lments spcifiquement nationaux. De quoi sagissaitil?
La tentative visant ethniciser larchitecture a, comme motivation sousjacente, le mouvement des communistes roumains vers un discours nationaliste. Un thoricien comme
Constantin Joja, dont les antcdents lgionnaires garantissaient lauthenticit de ses opinions
autochtonisantes, devient le portedrapeau de certaines prises de position protochronistes
selon lesquelles les traits du modernisme que lont louait tant sont trouver dans larchitecture
vernaculaire traditionnelle roumaine depuis quelque deux mille ans. Il ny a donc, croyait Joja,
qu transformer le rythme des terrasses archaques des maisons paysannes en structures
srielles lhorizontale, superposes en nimporte combien dtages, selon les ncessits.6
Lincorporation de la dcoration folklorique et son expansion lchelle monumentale a t /
est la spcialit qui avec le temps a atteint le ridicule de larchitecte Nicolae Porumbescu
de Jassy. Le thoricien Joja et le dessinateur Porumbescu sont la base de toute une
rhtorique, tout de suite adopte par les officiels et transforme en dogme uniquement pour
tre bientt dgrade dans larchitecture mineure des quartiers de prfabriqus, mais aussi par
son application lchelle monumentale, cestdire l o le noroumanisme avait lui aussi
chou. Aventure par laquelle larchitecture moderne devait acqurir des connotations
spcifiquement nationales et une identit ubiquiste (colle) de Buhui Turnu Severin.
Lidentit rgionale, qui fait que les architectures des rgions historiques roumaines autres
que les architectures de maisons paysannes soient si diffrentes, est occulte et supprime
par la dmolition. Tout ce qui tait identit locale devait disparatre.
Tulcea, par exemple, en bordure du delta du Danube, on a dmoli le centre oriental
par son expression, avec des bowwindows et des colonnes au rezdechausse pour construire
sa place des immeubles avec... des colonnes au rezdechausse. La place civique, projete
par un moderniste mineur de lentredeuxguerres, Jean Monda, au demeurant dcente par ses
proportions et son expression, a t orne dune statue du vovode Mircea lAncien. Sur la
falaise, on a bti tout un cran dimmeublestours sections typises faits de panneaux
prfabriqus peints en couleurs lipovanes et avec des attiques couverts de tuiles
mtalliques. De mme, une artre majeure qui est une voie daccs dans la ville, la rue Babadag,
devait avoir son trac modifi, ce qui aurait permis par la mme occasion de se dbarrasser
de la synagogue de la ville. Toute virtualit du site, dispos en amphithtre vers le Danube,
a t ainsi brise. Il ne reste qu attendre que lconomie permette un jour de faire voler en
clats toutes les absurdits de lpoque.
Le Disneyland communiste
La plus ample intervention postmoderne en Europe? Il ne saurait en tre question. Le
Boulevard de la Victoire du Socialisme et La Maison du Peuple sont des produits du mme
type dintervention urbaine qui se proposait de rationaliser, de monumentaliser les villes,
organiquement dveloppes, de lEurope. Ces implants urbains artificiels dans les tissus
mdievaux se trouvent, aprs les projets utopiques de la Rvolution franaise et de lidologie
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politique politicienne, que nous avons affaire lune des expressions du gnie constructif
dacoroumain. Mais la Maison de la Rpublique est aussi un smashhit international. Cette
architecture a du succs non seulement parmi les nouveaux parvenus mais aussi et mme
surtout parmi le menu fretin de la diplomatie. Des confrences internationales runissant
des reprsentants venus de lautre bout du monde ont lieu ici. Le concours international
durbanisme Bucarest 2000, le plus grand jamais organis en Roumanie, a dj sa propre
existence. Plus de cinq cents hectares dans la partie sud du centre de la capitale, celle o lon
est intervenu avec brutalit dans les annes 80, attendent des ides pour devenir, grce
limmense potentiel de dveloppement dont elle dispose, une nouvelle Dfense cette fois
dans le petit Paris, comme on appelait autrefois la ville de Bucarest. De mme que la Dfense
(le quartier des expriences architecturales / urbanistiques de Paris), la suite et sur la base
dun plan directeur obtenu par un concours, la zone du tissu urbain, aujourdhui mise en pices,
pourrait tre rgnre en quelques dcennies.
La restructuration de la zone a figur sur le calendrier de lUnion des Architectes ds 1990.
En 1991 on a mme organis un concours national dides concernant la zone de la Maison
du Peuple. Les ides prsentes alors sont encore intressantes, mme celles dont lapplication
reste pour toujours une simple utopie. Pardessus tout, elles mritent dtre cites ici parce
quelles sont minemment postmodernes.
Lattribution de la Maison aux enfants pour quelle soit peinte de toutes les manires
possibles une architecture pompeuse recouverte de graffiti, comme dans les villes amricaines a t lune des solutions mentionnes. Le pseudojournal Mine (Demain), dit
loccasion de ce concours par les architectes Florin Biciuc et Dan Adrian, annonait les
rsultats dun rfrendum national o 85% de la population de la Roumanie avait trouv
que ldifice tait beau. Du coup, un dcret tait publi en ce sens. La reprise symbolique
de la Colline de lArsenal, par la transformation de cet endroit en un tombeau, un tumulus de
la Maison, ne laissait la surface que son dernier registre. Certes, on aurait continu dutiliser
la Maison, comme un bunker souterrain. Ds lors quil est impossible de grer lespace qui
se trouve la surface, il est difficile dimaginer combien aurait cot lenfouissement des plus
de 18 000 mtres carrs. Un autre projet proposait que lon recouvre la faade de ldifice dun
immense triangle de verre. Ce qui en aurait rsult en dehors du fait que lon cachait ainsi
la hideur de la partie postrieure tait vident: la Grande Pyramide du Petit Paris. Lallusion
la pyramide de I. M. Pei de la cour du Muse du Louvre tait transparente. Mais le grand
prix a t remport par une dconstruction de la zone dont larchitecture doit tre de nouveau
traverse / lacre par les ruelles de jadis.
Malheureusement, tout cela ne reprsente que des interventions ponctuelles qui ne rsolvent
pas les problmes vraiment majeurs de cette zone: la circulation et les dchirures du tissu de
la rue. De mme, on na pas encore trouv de solution limpossibilit de terminer une fois
pour toutes ldifice autrement que dune manire superficielle. Mais les leaders du parlement,
qui se sont pris de lui, continuent de prodiguer des sommes importantes pour sa finition.
Louverture dune immense galerie dart du ct de la rue lzvor fait partie de ce programme.
Mais accessible seulement llite, cette galerie est dpourvue de sa raison dtre. Il en va
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agressivit, peut tre amadou et devenir pittoresque grce des oprations simples
empruntes aux exemples paradigmatiques mentionns plus haut. Nous avons dans la ville
un possible Disneyland communiste. Ce pourra tre vraiment et alors seulement le plus
important succs postmodeme: commerce, entertainment et culture de masse.
Quelle est la fonction optimale pour la Maison de la Rpublique? Un immense casino:
Caesars Palace, avec abri antiatomique transform en safe monumental. Les deux places,
celle de devant la Maison et la place de lUnion, peuvent tre des sites pour de sympatiques
LunaParcs o, la sortie du MacDonalds (incontournable dans un tel paysage), les gosses
feraient du patin roulettes, et puis des orgies de lumires et de rclames. Des colonnes
rouges, des chapiteaux verts et bleus, Coca Cola et des tours dans le genre du lamentable
StarLido: cela sembletil un paysage apocalyptique? Non, pas pour une foire. Non, pas
pour Bucarest
Et voil pourquoi: les transformations radicales que la capitale de la Roumanie connat de
temps autre sont presque toujours trop radicales. Le sicle dernier, les tremblements de terre
et les incendies ont eu pour effet le remplacement de presque tous les difices importants qui
existaient auparavant, lexception des difices consacrs au culte. Dans son tude Bucarest
une ville entre lEst et lOuest, la chercheuse Dana Harhoiu, rcemment disparue, parle de ce
martyre inflig notre propre mmoire urbaine. Ainsi, bien que la premire mention
documentaire date de 1459, les plus anciens difices existants nontils t btis que dans la
seconde moiti du XVIe sicle. Luvre urbaine du royaume, qui a clectis le centre de
Bucarest, est difie sur les ruines des anciennes auberges et des anciennes rues de bourg,
mdivales. Le boulevard Magheru, qui a reprsent le premier axe moderne important de la
ville (ctait, lpoque, une priorit europenne et rehaussait le prestige de la ville
patriarcale) a remplac son tour des difices prexistants. Le Muse Simu, ce dlicat
templemuse, a disparu pour faire place aux immeubles jumeaux du magasin Eva. Le roi
Carol II et ses architectes projetaient de faire de Bucarest une ville comme celle laquelle rvait
Clinescu: hroque, marmorenne, noclassique. Seul le temps a empch la transformation
de la capitale en un autre EUR41 fasciste. Enfin, il convient encore de dire que la Colline
de lArsenal a reprsent un site privilgi, conserv en tant que tel dans les plans urbanistiques
de lentredeuxguerres en vue dun futur centre administratif.
Cet tat perptuel de palimpseste qui caractrise la ville (selon lexpression de larchitecte Alexandru Beldiman), de stratification gologique de ses diffrents ges, se manifeste
aussi par labsence de continuit des fronts construits. Calea Victoriei est un exemple privilgi
cet gard. Lalternance de styles, de hauteur des corniches, de places et de squares confrait
justement son caractre propre au Pont Mogooaia (lancienne Calea Victoriei). Cest pourquoi,
peuttre, dans les fronts denses de Budapest, le centre daffaires rcemment construit respecte
lalignement, la hauteur et les registres des btiments noclassiques voisins, mme sil sagit
dun difice hightech. Dans le mme temps, Bucarest, on peut proposer et bien entendu
recevoir lautorisation de construire une tour immense, lamericaine, sans aucun lien avec
le site, avec lhistoire de lendroit, avec la circulation suffocante, et cela o? prs de lAthne.
Discontinu, fragmentaire, clectique cest ainsi que peut tre dfini le centre de Bucarest.
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Voil pourquoi un plan directeur doit tre la base du dveloppement urbain futur de la zone
qui se trouve aujourdhui en ruine. Si de tels dfis peuvent avoir lieu dans une zone dj constitue du centre historique, il est difficile dimaginer ce qui pourrait se passer en labsence dune
vision urbaine structurante l o stendent auhourdhui des terrains vagues. Aussi le concours
pour un centre des annes 2000 estil un voyage plein de risques sur le chemin qui spare une
ville comme Bucarest devenue sauvage, avec des tours acphales comme Hongkong ou
Singapour, dune capitale europenne articule, fluide et intelligente dans une perspective
urbanistique. La balle se trouve maintenant dans le camp des quipes participantes, mais elle
passera bientt dans le terrain de la politique immobilire, financire que lurbanisme peut
seulement piloter en profondeur.
Le Tsigane postmoderne
Au sminaire international Beyond the Wall. Architecture et idologie en Europe centrale
et de lEst, qui a eu lieu au dbut du mois de juillet Bucarest, organis par lUnion des
Architectes, le remarquable architecte Ion Andreescu, professeur la Facult dArchitecture
de Timioara, a prsent la situation des palais tsiganes de sa ville. Ces supermaisons,
les meilleurs dentre elles, sont des rpliques de lclectisme dorigine franaise du sicle
dernier, ralises dans des matriaux naturels, des difices dont le prix slve des millions
de dollars. Il existe mme des architectes qui se sont spcialiss dans larchitecture
classicisante et qui font ce travail honntement, ce qui est, dailleurs, tout fait estimable.
Largument que faisait valoir mon collgue tait que les rsidences de ce genre sont, en fait,
des manifestes dun monde marginalis qui refuse dornavant daccepter son statut de paria.
Mais, comme tout manifeste, ces rsidences sont excessives. Et si lon a voulu sortir de
lisolement par exclusion, nous avons maintenant affaire un isolement au sommet de la
hirarchie de largent. Souvent, limplantation dans des communauts nontsiganes conduit
la contamination ngative des zones respectives, qui sont peu peu abandonnes par ceux
qui nappartiennent pas lethnie en question, leffondrement des valeurs immobilires et
la longue, leur transformation en slums. Il est intressant de voir que les masses, les
Roumains autochtones, ne refusent pas, linstar du milliardaire tsigane, larchitecture en style
pompier que celuici a adopte. Bien au contraire, les nouveaux riches dethnie roumaine
construisent pour eux des copies en pltre et matire plastique des palais tsiganes, pastichant
en marbre un style lclectisme son tour minemment emprunt, coll. En fait, cest l
que devient agressif le kitsch architectural et non (obligatoirement) dans les rsidences
exceptionnelles des Romanichels. Lincessante imitation, progressivement amnsique, du
modle originaire dfigure et appauvrit le sens dune architecture destine exalter le prestige
social on tout au moins lopulence du propritaire. Ce no / pseudovernaculaire qui ne le
cde en rien celui que clbre Charles Jencks parmi les possibles ramifications du
postmodernisme, fait office de rhtorique antimoderne aujourdhui la plus violente
visuellement, comme relation urbaine et la plus explosive quantitativement.
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Southfork Ranch in Hermes Land reprsente un cas particulier de postmodernismevernaculaire, pop culture et Disneyland la fois. Cas unique dans larchitecture roumaine,
M. Ilie, le patron officiel du groupe de firmes Herms, patronne le jeu tlvis Robingo, jette
de sa voiture des oranges loccasion de Nol, achte des ordinateurs pour lcole o tudie
un de ses rejetons et rnove la maternit o doit venir au monde son dernier enfant. Mais le
produit le plus spectaculaire de son esprit magnanime, quaucune tude srieuse sur
larchitecture contemporaine roumaine ne saurait dsormais passer sous silence, est Herms
Land, le complexe postapocalyptique situ prs de la ville de Slobozia. Cest l que coexistent
une rplique du Southfork Ranch de la saga des Ewing dans un paysage artificiel do ne sont
pas absents des chteaux mdivaux, des puits artsiens et une rplique de la Tour Eiffel! Contre
une taxe modique nimporte qui peut visiter cet ensemble hollywoodien. On parle de deux
millions de visiteurs depuis son inauguration mais les chiffres tant fournis par le propritaire
sont sans doute exagrs comme il lest luimme. Si lon veut contempler ce que na pas russi
faire Ceauescu une intervention postmoderne majeure (mais dun postmodernisme
entendonsnous bien involontaire) qui singularise la Roumanie comme le lieu dune Jrusalem
de pacotille ce nest pas dans le centre de Bucarest quil faut le chercher mais bien prs
de Slobozia.
En guise de conclusion
Le rponse la question: Y atil du postmodernisme dans larchitecture roumaine? nest
pas facile car elle est en fait polymorphe, quivoque, complexe et contradictoire comme le
postmodernisme luimme, nestce pas? Nous ne pouvons rpondre catgoriquement: oui,
sans nuancer / effminer tout de suite laffirmation.
Voici quelques rponses possibles: a) On peut identifier nous avons essay de le montrer
cidessus une architecture moderne atypique et non moderne. Le caractre atypique de ce
modernisme est attribu soit en liaison avec le phnomne international (larchitecture
spcificit nationale) soit en liaison avec la mainstream architecture de lintrieur: des
difices uniques en leur genre avec des chos latemodernistes et postmodernistes; b) il ny
a pas eu une critique manifeste, explicite du modernisme, une critique de la manire souvent
dforme dont il sest manifest dans lespace excommuniste; c) il y a eu une dcennie
postmoderne lcole darchitecture, qui a concid pratiquement avec le phnomne
postmoderne luimme, dcennie marque par les figures de certains architectes jeunes
lpoque (Dorin tefan, Dinu Patriciu, Viorel Hurduc, Florin Biciuc); d) ce qui a lapparence postmoderne, ou est constitu de procds communs avec ceux du phnomne postmoderne nappartient pas en fait au postmodernisme: le nouveau centre civique. Mais tant
donn que le potentiel existe, il peut tre rcupr pour le postmodernisme par des procds
que les interventions fragmentaires du nouveau vernaculaire sur La Victoire du Socialisme
peuvent nous suggrer.
Nous sommes donc les possesseurs dun virtuel Disneyland communiste. Au contraire, ce
qui ne semble pas tre postmoderne larchitecture pseudo / novernaculaire, des palais
tsiganes lHerms Land et certaines choppes trangement flamboyantes a des gnes
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NOTES
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La raction contre la mainstream architecture peut tre considre parfois comme une opposition au groupe
majoritaire et ses traditions: Are Le Corbusiers style and impact in Britain at all related, for example, to the
fact that his ancestors were Huguenot?, demande Linda Colley (In the British Taste, Times Literary Supplment,
Nov. 10, 1995, p. 3). Et largument peut tre dvelopp, sans doute, avec son obsession contre le Paris mdival,
catholique, mais aussi avec lobstination sectaire de construire des communauts alternatives (doublement
utopiques: aussi bien comme type durbanisme que comme option gographique) dans lAmrique des lumires
et mme en URSS, aprs 1917.
laquelle J. L. Cohen, le directeur de lexposition Scnes of the World to Corne European Architecture and
the American Challenge, 18631960 (Montral, 14 juin24 septembre, Edinbourg 317 novembre 1995) se rfre,
abusivement mon avis, quand il la dcrit comme une expression de (amricanisation de larchitecture europenne
(cestdire britannique), car celleci a assez de conditionnements insulaires pour que nous ne soyons plus obligs
dinventer dautres gnalogies et dautres influences.
Louvrage de Collin Rowe publi en 1978, Collage City, une rplique amricaine du livre de Rossi, a jou un rle
essentiel lpoque. Lidalisme utopique de la moralit, ses visions globales se sont rvls naifs, croit Rowe,
ds lors que la ville a toujours t un collage, une juxtaposition de fragments plus ou moins fortuits.
Que jai formul graphiquement et expliqu en dtail dans Arhitectura i Puterea (LArchitecture et le Pouvoir),
Agerfilm, Bucarest, 1992.
Jaffirmais, toujours dans Arhitectura i Puterea, que le pouvoir se rserve quelques domaines privilgis daction
en ce qui concerne larchitecture les difices de ladministration centrale et locale de prfrence sans toujours
pntrer dans ce qui est (relativement) marginal pour laffirmation du discours politique dans larchitecture: parfois
lhabitation (Hollein a survcu pendant le rgime nazi en projetant des villas prives), le plus souvent
larchitecture industrielle (avec quelques exceptions mineures lpoque du stalinisme sovitique qui, bien entendu,
voulait classiciser aussi lespace proltaire). Les pressions exerces par les esthticiens bien en cour sont directes
et totales sur le registre suprieur, indirectes, sporadiques et priphriques sur le registre infrieur.
Sur la confusion qui se fait entre le vernaculaire (folklorique) et larchitecture savante de Joja, jai crit amplement
en 1991 dans la revue Arhitectura, tude reprise ensuite dans Arhitectura i Puterea (1992). je renvoie ces textes
le lecteur qui sintresse une critique plus solidement argumente des ouvrages consistants de joja.
Mais quelque part, au plus profond dellesmmes, de nombreuses villes antiques et mdivales qui se sont
dveloppes spontanment ont pour matrices des schmas sacrs, idaux. Pour ceux qui tudient larchitecture
de la ville de Bucarest, la conclusion laquelle est parvenue la regrette architecte Dana Harhoiu est sans doute
une surprise. Celleci affirme, en effet, dans un livre paru aux ditions Simetria (de lUnion des Architectes) que
Bucarest est une ville moins chaotique que nous serions tents de la croire. Au contraire, il existe, sembletil,
un dveloppement concentrique des lieux sacrs autour de la Colline de la Patriarchie qui, avec le nombril du
bourg Sf. Gheorghe Vechi et avec Mihai Vod forment une matrice triangulaire du bourg. La bissectrice de
cet angle dont le sommet se trouve Sf. Gheorghe Vechi est justement Calea Moilor, ancienne route commerciale
venant de Moldavie.
Les premiers immeubles de La Victoire du Socialisme, ceux qui font face la Place de lUnion sinspirent
la suggestion de Ceauescu luimme, sembletil, de limmeuble hystriquement dcor de Petre Antonescu
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After more than twenty years now of debates, polemics, numerous books and special issues
of magazines from the widest of fields, I suppose almost everybody agrees that postmodernism
is probably the most important topic that has aroused the interest of the international cultural
milieus since the end of the 1970s and the beginning of the 1980s. As it is known, this
phenomenon should be linked to a larger debate on modernity and modernism, held in
practically all domains of theoretical and artistic activity a debate that brings to the open a
probable change in the mental and cultural paradigm (JeanFrancois Lyotard, lhab Hassan etc.).
From the multitude of themes and perspectives on this undoubtedly fashionable issue, I
would try to approach a subject very little tackled so far: Postmodernism in Eastern Europe.
For the easiness of communication, under the label Eastern Europe I understand here all the
European excommunist countries. My paper could be then subtitled: Is there something like
postmodernism in Eastern Europe? Or How was it possible to have something of a
postmodern symptomatology under a communist regime? Or, furthermore, What could
postmodernism mean in a small, marginal and isolated European country? And so on.
These predictable questions intend to suggest that, from what is generally and vaguely
understood by postmodernism in Eastern Europe, it is not obvious at all that this rather
mysterious phenomenon could have appeared, even in discreet, modest or minor forms, within
this geographical area, only recently liberated from totalitarian political rules. What I want
to prove here is quite the contrary.
If one takes into consideration postmodernism only as a period term as it frequently
happens because of the prefix that makes it a compound word it is obviously difficult to assert
that postmodernism could have arisen in Eastern Europe as a superstructure effect, generated
by the socioeconomic reality of the postindustrial civilization, as it was asserted for the
Western world (Toynbee, Daniel Bell, Fredric Jameson). The difference between the
posttechnological, or postconsummerist societies of the West and the postWorld
War M, or postcommunist societies of the East is only too obvious and need not to be
demonstrated.
But things become more complicated if one takes into account postmodernism as a cultural
concept a perspective beginning to prevail in todays theoretical discourse. It is not simple
to define what a cultural concept is but, for our purpose, I will point out here only the fact
that in the views of many theorists any accepted cultural concept like classicism,
romanticism or modernism can be used with three different and complementary meanings.
Besides the historical meaning, related to a certain period of time, there functions the typological
meaning, stressing the specific structural stylistic dimensions of a cultural phenomenon; and
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finally, there is also the axiological meaning, that enlightens the evaluative ways of perceiving
and appropriating such a phenomenon. Any cultural concept can be made use of in one of these
three specific dimensions, but it is preferable to keep in mind all its meanings when trying to
describe and understand a cultural reality.
Since postmodernism as a cultural concept has already been accepted in various academic
circles, I will try to use it in a heuristic way, in order to capture and explain certain cultural
facts that occurred in the cultural space I belong to, during the last decade. I admit that this
use of postmodernism may be only a strategic tool (Matei Clinescu) for a better focusing
of the analysis and a better understanding of the circumscribed phenomenon I wish to bring
into attention. But, as Matei Clinescu puts it, the function of this kind of provisional
constructs is not to reflect an objective, externally existing reality better or worse, but to
shape and reshape patterns of significant relations, to separate and recombine them for
purposes of understanding and, why not, for intellectual manipulation.
My claim is that a certain postmodern state of mind and certain cultural facts of a
postmodernism type really occured in Eastern Europe, as an effect of a specific and complex
expectational horizon. Postmodernism did not have socioeconomic causes in this region
(as in the West), but it had a similar cultural and psychological motivation. The interest about
postmodernism in these small EastEuropean countries should/could represent rather a way
in which to overcome mentally and artistically the local difficult sociopolitical conditions,
it was a subtle symptom of a diffuse premonition of change (see Heller, Feher, Jencks).
In this respect, the forms taken by the theoretical arguing around postmodernism, as well
as its influence, real or not, in various artistic languages, deserve a thorough analysis. In each
of these countries, both the proportion of debates and the specific modes of perceiving
postmodernism could supply new points of view to the particular way in which each local
culture lived the relationship between the ideological constraints and artistic freedom: it could
also provide interesting information about the hopes and chances of these cultures for
international cultural integration.
As the analysis of postmodernism should be carried out against the political and cultural
background of each country, I will try to briefly present Romanias particular case and
eventually to draw some general conclusions.
My analysis starts again with a central rethorical question: How was it possible to have a
public cultural debate around postmodernism, vividly covering several years, in the
EastEuropean country with the most restrictive and dictatorial communist regime, in
Ceauescus Romania of the 1980s?
Here is some necessary information. The term postmodernism appeared in the cultural
press in 1980, as a period term, but it was hardly noticed. In 19831984, the term started
to be increasingly used; in 19841985, several translations of foreign articles on this issue were
published; and in 19851986, postmodernism became a hot cultural matter, intensely
discussed in the literary cercles and cenacles. A special issue of Caiete critice (Critical
Papers), devoted to this topic and published at the beginning of 1986, was the starting point
of a vivid debate displayed in the Romanian cultural press in the interval 19861988. That is
to say that towards the end of the 1980s, in the last years of Ceauescus aberrant regime,
postmodernism can be considered to have been the main challenging issue of the cultural milieu.
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This is probably one of the many paradoxes that characterized and still characterize Romania
when seen from abroad
Anyway, it is certain that in those years (up to now), a rather large part of the Romanian
cultural community was drawn to the perception of an important cultural change that pushed
many of the most prominent writers and critics to involve themselves in public disputes. As
was noticed at that time, the issue of postmodernism became the most serious and important
debate in the Romanian culture of the postwar period of course, if one leaves aside the
precautionary campaign for the autonomy of aesthetics at the beginning of the 1960s.
The numerous commentaries published in those years throw light upon two general types
of reactions or attitudes. Among those who manifested a positive attitude of acceptance,
postmodernism was understood in two different but finally complementary ways. On the one
hand, postmodernism was perceived as a new and welcome attempt at completing
modernity as a crowning of modernism rather than as its critique, as the latest offshoot of
the modernist aesthetic principles rather than as their defeater. It is significant to notice that
this position was sustained by the most important names of the cultural generation which made
its debut at the beginning of the 1960s.
In order to understand this position, one should not forget that the normal assimilation of
artistic modernism in this country (and region) was interrupted from its sane development by
the postwar political situation: abhorred in the 1950s, slowly/cautiously rediscovered in the
1960s, rapidly assimilated in the 1970s. Such a specific historical situation helped modernism
remain a central cultural theme (battle) for the postwar generation, a kind of aesthetic victory
upon political constraints, that had to be preserved, continued, accomplished at some time.
In accepting postmodernism, the representatives of this generation laid stress upon unity,
continuity, solidarity between generations, opposing the spirit of recuperation and the
tolerance of postmodernism towards the intolerance of proletcultism, for example. For
this reason, they gave a soft version and a weak meaning to the issue (maybe out of political
precautions as well).
On the other hand, postmodernism was understood by another part of those who
acknowledged it in a more radical sense as a new literary/cultural paradigm appearing for
the first time in Romanian culture. The sustainers of this hard version were obviously
representatives of the younger generation that made its appearance on the cultural field just
at the beginning of the 1980s therefore they named themselves eightyists.
In the views of these young critics, writers and artists, Romanian modernism after being
artificially interrupted during the 1950s was revived in apparently fresh forms in the 1960s,
but became completely exhausted of its creative disponibilities in the 1970s. For them,
modernism was a closed cultural structure, on the way of historicization at the beginning of
the 1980s, when a new literary/cultural paradigm was just emerging.
This new structure, as they often named it after Hugo Friedrichs Structures of Modern
Lyrics, had new, distinctive characteristics. I will recall here only a few: the refusal of the
high, pure, abstract modernist forms; a new opening towards the surrounding reality, towards
the authenticity of the real human person; the striving to regain and express all the levels
(biological, biographical, sexual, social, cultural, spiritual etc.) of the human existence; a new,
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realistic style stating the democratization of the language of art; but at the same time, an
appropriation of a large cultural storage of styles, themes and techniques, taken from the national
and international tradition, used in an eclectic manner in order to better convey the new
synthesis envisaged by the new sensibility and creativity etc.
It is important to notice here that these ambitious theoretical assertions were in fact accompanied by a young artistic production largely perceived as really featuring new aesthetic
characteristics: narrativism and multistylism in poetry, biographism and irony in criticism,
textualism and intertextuality in prose, savage figurativism and neoexpressionism in the
visual arts etc. The theorists of this new generation even produced such new critical concepts
as textualist engineering, fictional sociography, new anthropocentrism etc.
Furthermore, it is highly significant to notice that inside this new artistic generation two
different attitudes appeared towards the notion of postmodernism. Some young critics asserted
that this new artistic production was to be named postmodernist, not due to a fashionable
synchronization with the Western trend, but by virtue of its internal evolution and
characteristics that made it similar to the international postmodernism. The fact that the term
entered their scope only towards the mid 1980s that is, after their first books and exhibitions
was an argument in this sense. Although acknowledging the influence of the American beat
generation and other more recent currents upon their own education, they argued the existence
of specific aspects in their own creation that should pretend to elaborate the concept of a
Romanian postmodernism (I.B. Lefter).
Some other young theorists, fewer than the first ones, took position against the use of this
term. From their point of view, postmodernism would label only a strictly aesthetic project
of Western provenance, that could rightly cover only some marginal products of the new
generation: namely those artworks in which imaginary comfort, livresque seduc tion and
intertextual fantasy would prevail. In their views, postmodernism represented in fact a
hedonistic and reactionary attitude, mostly conservative, even conformist with respect to the
rough reality around. They even claimed that this postmodernism would repre sent a kind of
nice diversion, by shifting the cultural attention from the real aspects art works should focus
their attention on towards illusory worlds. Instead of postmodernism, they suggested the term
new anthropocentrism, better fit, in their opinion, for the new existential engagement and
the total human synthesis that this new art had to pursue (Alexandru Muina).
This special interpretation of postmodernism, inside the camp of its real supporters, seemed
to meet in a strange manner the position of its active detractors. In fact, the negative, unfavorable
attitude against postmodernism was defended by the representatives of the official culture,
mostly by the theorists of protochronism (a bizarre nationalist theory asserting that the
Romanians had previously discovered many western scientific innovations and cultural
achievements). In their opinion, postmodernism was only a ail turai import, a decadent
evasion, nocuous for the local socialist culture. This attitude was sustained by important names
of the older generation too, representatives of a classical modernism, artists already
officialized and rewarded with high political or social positions.
During 1989, as the sociopolitical situation grew much worse, only a few echoes, mostly
negative, of this cultural debate managed to appear in the media. After 1989, the general
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confusion of the socalled period of transition, in which the intellectuals paid attention mostly
to political issues, made the relaunching of the debate equally difficult. But during the years
1992 and 1993, several articles published in the cultural magazines showed a renewed interest
for the postmodern topic.
After this short historical review meant also to point out some structuralstylistic
characteristics of evaluative positions related to our issue, I would like to draw some general
conclusions, by setting it in relationship with the western postmodern condition. As one can
see, many of the questionable aspects related to postmodernism have been touched in the
Romanian debate. But regardless of the right or wrong meanings it was given, let me stress
again that this debate could actually occur in a communist country (Romania) towards the mid
1980s that is to say only very few years later than in the West, where postmodernism reached
its real peak with the public opinion at the begining of the 1980s and during the same decade.
The possible causes of this phenomenon can be divided into general and particular. One
should obviously take into account the external influence, the circulation of ideas and
information between West and East, made possible through massmedia, books, magazines
and individuals. This cultural interaction/interchange could sublime the political frontiers
of an apparently very closed and isolated cultural space. But the necessary condition was a
local cultural evolution, as well as a state of mind, an expectation horizon that made its
occurrence desirable and possible.
This state of mind, this diffuse atmosphere meant in the East, as in the West, a kind of
awakening or refusal of all kinds of theoretical monolithisms, intellectual fanaticisms and
all sorts of cultural and political absolutisms. The decline of the metanarratives, as Lyotard
put it, has become a generalized phenomenon towards the end of this century. In the East, as
in the West, the theoretical and practical bankruptcy of some major postulates of modernity,
related to its pretence to found its legitimacy on the project of emancipation of humankind,
has become a live reality. It is not fortuitous that the interest for postmodernism coincided with
the last, decadent phase of state communism in Eastern Europe. Marxism scored a theoretical
defeat in the West, but practically underwent a catastrophy in the East. During the 1980s, the
economic and social disaster of the communist regimes became visible even for their rulers,
not to mention the populations, once and for all discrediting in this way any revolutionary theory
based on Utopia and authoritarianism, not on economic and social efficiency.
Postmodernism has been generally interpreted as a cultural phenomenon typical for the
postindustrial countries, but for some analysts the beginnings of the postmodern period
coincide with the downfall of marxist politics and planned economy in the socialist countries.
For Charles Jencks, postsocialism may be considered one of the most striking symptoms of
postmodernism. And for Heller and Feher, the reality of postrevolutionary societies may be
regarded as a proof of a new, postmodern political condition, characterized by theoretical
minimalism, regional pragmatism and historical relativism.
In the same way, postmodernism has been perceived in the East, as in the West, as an
abandoning of the modernist cultural project, already ossified in classical, consumerist
or authoritarian formulas, which have made obvious the depletion of such concepts as
avantgarde, progress, innovation etc. As it was frequently asserted, in the West this
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of the cultural universe of modernity has been continuous and made obvious by a third generation, the postmodernist one, which I consider myself to belong to.
The comparison between Western and Eastern determinations of postmodernism could
continue on other levels, but I will stop here. In the end, what I would like to infer out of these
few remarks is that maybe we should give up the idea of an irreducible ideological difference
between the cultural evolutions of the two sides of Europe divided after World War II. As my
example of Romanian postmodernism would like to illustrate, in spite of numerous limitations
and risks, a certain cultural liberty did function to some extent in Eastern Europe nevertheless:
there has always been a certain autonomy of the cultural facts from the political conditionings
sometimes even to a higher degree than one might have expected or the communist rulers would
have been ready to accept. The study of the Eastern European art created after 19561960 could
easily prove a continuous tendency towards lining up with the major trends of the Western
artistic evolution, despite all political and ideological constraints. Cultural concepts prove to
be more fluent and insidious than the political ones, and the cultural dynamics has a different
rhythm than the political development, that is actually influenced and modified due to this very
difference. In this respect, postmodernism could be interpreted as a significant symptom for
a larger transformation in the collective state of mind of the region. This kind of cultural
symptom should be taken into account, in my opinion, by the new historiography when it comes
to better understanding the EastEuropean rapid evolution of the last decade, concluded by
the revolutions of 1989.
One could argue that this interpretation of postmodernism in Eastern Europe is a kind of
fiction, stressing common similarities but overlooking specific differences. I may accept such
an objection, with one single correction: maybe it is a necessary fiction. That is to say, maybe
we should give up the idea that recent history can be understood only in terms of political,
social and economic development: maybe we should give up the hard sense of history in
favor of a softer one, in which cultural and psychosocial changes are equally important.
Maybe this interpretation of postmodernism in Eastern Europe is a kind of intellectual
manipulation, built on a provisional concept, as it was said at the beginning, in order to
taste and better evaluate our recent cultural heritage, and to articulate a significant understanding
of our recent history in a creative manner. After all, isnt it a truly postmodernist attitude?
BIBLIOGRAPHY
Clinescu, Matei Modernism, Late Modernism, Postmodernism, in Dedalus, 1991, n 1.
Clinescu, Matei Introductory Remarks, in Calinescu M., Fokkema D. (eds.). Exploring Postmodernism, |. Benjamin
Publishing House, 1986. Heller, A., Feher, F. The Postmodern Political Condition, New York, Columbia UP,
1988. Hoesterey, j. (ed.) Zeitgeist in Babel. The Postmodern Controversy, Indiana UP, 1991.
Postmodernismul (Postmodernism), special issue of Caiete critice (Critical Papers), Bucharest, 1986, n 1.
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Sept ans aprs la chute du mur de Berlin et des rgimes communistes de lEurope de lEst,
le grand enthousiasme des retrouvailles entre les deux moitis de notre vieux continent
semble stre teint. Le march culturel occidental, qui stait brusquement et gnreusement
ouvert en 1989 sur le monde artistique et intellectuel de lEst, est revenu peu peu et tout
naturellement son traintrain quotidien. Aprs quelques annes, il nest plus rest
grandchose de lintrt en quelque sorte fbrile de 1990 ou 1991, de lattraction exotique
pour un monde qui, de lautre ct du rideau de fer, avait vcu ses tragdies dans la solitude
et avait gard en grande partie son mystre. Cest pourquoi, le fait quun artiste, un crivain
ou un philosophe soit venu de lEst a cess dtre un bon argument pour quil soit lanc sur
le march de lOuest dont les systmes de slection et de promotion fonctionnent selon des
rgles non seulement svres en soi, mais aussi peu connues des intellectuels de lautre partie
du continent.
Cela tant, une question se pose toutefois: au cours de ces annes, lEst europen atil russi
prsenter ses valeurs, foutes ses valeurs sur la scne internationale? La rponse est
catgoriquement ngative. Je nen veux pour preuve concrte que lexemple du prosateur
roumain Mircea Horia Simionescu, sans doute lun des plus originaux crivains europens de
laprsguerre, mais compltement inconnu en dehors des frontires de son pays, bien quil
ait dj son actif une uvre considrable. Toute une srie de circonstances ont contribu
le maintenir dans les limites dune notorit locale. Il sagit, en premier lieu, dun auteur
qui na eu la possibilit de publier son premier livre quassez tard, la fin des annes 60,
lge de 41 ans (n le 23 janvier 1928 Trgovite, il en a aujourdhui 68). Le rgime
communiste de Roumanie, qui avait connu vers le milieu des annes 60 une priode de dgel
poststalinien, avait permis alors linstitutionnalisation de jeunes crivains qui avaient
redcouvert les critures modernistes, mais sous des formes simples, navesmtaphoriques,
dpourvues de la vocation des recherches vraiment novatrices, et donc inoffensives sur le plan
des idologies culturelles et cratives. Ce sont ces auteurs qui ont t admis dans les dcennies
suivantes comme marchandise dexportation littraire. Les crits de Mircea Horia
Simionescu (et non seulement les siens) ne ressemblaient pas du tout un nomodernisme
sage et ingnu. Un exprimentateur radical, un nonconformiste structural, un livresque subtil
et un parodiste froce de tous les clichs de la littrature tel tait et est Mircea Horia
Simionescu; donc, un incommode du point de vue de la propagande dtat. Par dessus le
march, il faisait aussi partie dun groupe littraire que les commentateurs ont nomm lcole
de Trgovite ( ct de Radu Petrescu et Costache Olreanu, deux autres grands prosateurs).
Or, lide de groupe, dinitiative collective non contrle par le systme tait considre en
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soi dangereuse par les rgimes est europens de lpoque. Aussi le systme culturel centralis et rigoureusement surveill par la censure du parti communiste atil permis Mircea Horia
Simionescu de publier ses livres lintrieur du pays un rythme assez soutenu, sans le
promouvoir officiellement audel des frontires, cependant, et sans lui permettre de prendre
dautres initiatives personnelles afin de se lancera ltranger. En Roumanie et, bien entendu,
dans les autres pays esteuropens, il existe aussi dautres crivains de premier ordre compltement inconnus sur le plan international. La future Europe communautaire devra tt ou tard
prendre acte de leur existence et les intgrer dans son patrimoine littraire commun, dans son
riche multiculturalisme...
Quand Mircea Horia Simionescu a dbut comme prosateur, ni lui ni les critiques qui lon
soutenu ne savaient pas quil tait un grand postmoderne. Ce terme ne circulait pas encore
dans le monde et dautant moins en Roumanie. Quand la nouvelle gnration de la littrature
roumaine des annes 80 sest autoproclame postmoderne et a impos le dbat autour de ce
concept, lui, Mircea Horia Simionescu et quelque autres auteurs des gnrations plus ges
ont t dcouverts comme grands prcurseurs nationaux de ce courant, comme une sorte
de classiques vivants du postmodernisme roumain. Son ouvrage le plus clbre est la
ttralogie Lingnieux bien tempr, une vaste construction en prose, difficile dencadrer dans
les espces consacres du genre. Je vais essayer de la dcrire dans les lignes qui suivent. Toute
luvre de Mircea Horia Simionescu est dispose autour de cette ttralogie: une grande partie
de ses nombreux romans et nouvelles reprennent dailleurs des personnages et des situations
de la ttralogie et les dveloppent librement, comme dans un processus virtuellement infini
de prolifration de la matrice que constitue LIngnieux bien tempr.
Le premier volume de la ttralogie, Dictionnaire onomastique (1969), qui sarrte la lettre
I et continue, jusqu la fin de lalphabet, dans La moiti plus un (1976), est un dictionnaire
proprement dit, compos selon lordre scientifique consacre. Un faux dictionnaire, bien
entendu: en effet, au lieu des articles explicatifs, tymologiques et contextuels habituels figurant
dans les dictionnaires onomastiques ou toponymiques du monde entier, lauteur a plac, ct
des noms rangs par ordre alphabtique, de petits textes fantaisistes qui, en quelques lignes
ou en quelques pages, prsentent des personnes prtendument relles, brossent leurs portraits,
dvoilent les cancans qui les concerneraient directement ou bien relatent des vnements
auxquels les personnes en question auraient particip. Le tout avec une verve ludique, ironique
et parodique extraordinaire qui transforme ce Dictionnaire en une nouvelle comdie humaine.
On retrouve les typologies les plus diverses dge, tempramentales, sociales et ainsi de suite
dans le jeu dchan de ce premier volume de la ttralogie. Dune manire parodique, lauteur
procde un inventaire systmatique, alphabtique de lhumanit il trouve mme bon ...
dinventer une lettre qui nexiste pas!
La parodie est dautant plus son aise dans le deuxime volume intitul justement
La Bibliographie gnrale (1970). Lauteur passe ici des hommes aux livres et, suivant cette
fois lordre des volumes bibliographiques, feint dinventorier une immense bibliothque. Dune
manire mthodique, enregistrant des noms dauteurs, des titres, des maisons ddition et des
annes de parution, il dresse des centaines et des centaines de fiches de livres, o il relate
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brivement les sujets. Presque inutile de prciser quil sagit de livres invents! Le rsultat a
une saveur indescriptible. Toutes les formules jamais inventes dans la littrature, et non
seulement dans la littrature mais aussi dans les domaines de la philosophie, de lhistoriographie
ou de la recherche scientifique sont parodies loutrance. Lauteur a recours aux techniques
ironiques, comiques, parodiques les plus diverses. La subtilit de La Bibliographie gnrale
de Mircea Horia Simionescu ressort du double sentiment quelle veille la lecture: le lecteur
se rend compte dune part quil sagit dun auteur possdant une parfaite connaissance de la
galaxie Gutenberg, dun rudit omniscient, et dautre part quil a affaire un humoriste qui
ne connat pas de limites, un nonconformiste absolu, prt persifler nimporte quoi et dispos
tourner en ridicule toutes les choses graves. On pourrait dire quaprs la comdie humaine
du premier volume, le second nous offre une comdie des livres, de tous les livres cestdire,
donc vraiment gnrale, pour ainsi dire exhaustive.
Dans Le Brviaire (Historia calamitatum, 1980), le troisime volume de LIngnieux bien
tempr, Mircea Horia Simionescu dpasse la phase des inventaires (que lui restaitil
inventorier aprs les hommes et les livres aprs lhumanit relle et lhumanit fictive ?)
et regarde le monde en mouvement. Ici les personnages se meuvent dans un espace commun,
discutent et surtout prorent. Le livre est construit selon le modle des dissertations
philosophiques ou philosophardes. Il est vrai que presque une moiti du livre est reprsente
par la section finale, avec des Notes explicatives, tout un apparat technique que lauteur
transforme en un espace de divagation comique et parodique, bien entendu, aprs avoir fait
semblant de lemployer avec tout le srieux possible. Finalement, on verra que les thories
de la premire partie du livre ne sont pas srieuses elles non plus, car il apparatra que ce
ntaient que les discours paranoaques des pensionnaires dun asile dalins. Par dl la verve
comique permanente de son criture, lauteur nous livre ainsi un message dramatique: la vie
sous la forme abrge du Brviaire nest quun dlire incessant une maladie, une illusion
organise dune manire rpressive. la fin, les fous se rvolteront en vain cependant. Le
sens implicitement protestataire de ce livre publi sous un rgime dictatorial, carrment
paranoaque, est vident.
Enfin, aprs les inventaires exhaustifs de la ralit, dresss avec une apparence scientifique, aprs limage de cette ralit en mouvement, quelle pouvait tre la suite? Dans la
grande construction de Lingnieux bien tempr, sur larche ainsi construite comme une
image parabolique du monde, il fallait aussi faire monter quelquun, quelquun de spcial: ce
sera lauteur luimme. Une sorte de... No tragicomique. Aussi le quatrime volume, La
Toxicologie, ou Par del le bien et au de du mal (1983) est... une autobiographie. On a sans
doute compris de ce que jai dit jusqu prsent que Mircea Horia Simionescu nest pas le genre
dcrivain qui peut raconter sagement sa vie, comme le faisaient nos bons vieux crivains
classiques. Cest ainsi que lautobiographie, qui commence selon toutes les rgles du genre,
voquant latmosphre de lenfance, de la vie de famille, de lespace originaire, sen carte
tout coup pour verser dans le fantastique et le grotesque.
Oeuvre trange que cet Ingnieux bien tempr! Questce que cela peutil bien tre? Cest
sans aucun doute un texte en prose. Roman ou cycle de romans? Assez difficile daccepter
quand on voit que les deux premiers volumes surtout ne ressemblent pas du tout ce que nous
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savons que doit tre un roman! Ce nest pas non plus un recueil de nouvelles ou de rcits, de
mme que le dernier volume nest pas, proprement parler, une autobiographie, cest... autre
chose. Lample construction littraire de la ttralogie tale un radicalisme exprimental
tourdissant. En labsence de catgories descriptives adquates, il nest peuttre pas exagr
de revenir lide (que jai mentionne tout lheure en passant) darche de No, dimage
parabolique de lhumanit: Lingnieux bien tempr nestil pas alors excentrique, comique,
grotesque comme il se prsente une cosmogonie , une replique parodique des anciennes
descriptions du monde ? Lauteur a fait luimme un jour une allusion en ce sens, ce qui me
semble on ne peut plus intressant: il y aurait dans sa ttralogie des sens philosophiques,
des sens plus profonds, trs gnralisateurs, des dessous dune cosmogonie (cest moi qui
souligne I.B.L) [...] Ma littrature est une littrature tragique des dsaccords possibles entre
la forme et le contenu il me conviendrait de dire entre lapparence et lessence cest une
tragdie de lhomme moderne qui vit en permanence ces dsaccords [...]. La littrature que
je propose veut exprimer par des phnomnes concrets des lois trs gnrales, les lois dun
monde qui risque de se dtruire luimme. [...] Je crois que cest une cosmologie (idem) [...].
En dessous il y a un drglement du monde. Le monde peuttre seulement une partie du
monde se drgle, bien que mon scepticisme me dise que le phnomne est gnral. [...] Ce
sont des mcanismes drgls, depuis les mcanismes objectifs, extrieurs, jusqu ceux du
langage et de la communication et mes livres noffrent pas de solution, mais ils surprennent
ce drglement. (Extraits dune interview publie dans Convorbiri literare Conversations
littraires Jassy, n 10/1981).
Il sagit donc dun grand crivain postmoderne europen qui attend que lEurope le
dcouvre...
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La premire tentation, aprs la lecture du roman Frumoasa fr corp (La Belle sans
corps), est de reproduire les propres ides et suggestions de lauteur, tires dun commentaire sur soimme qui stend dans presque tout le texte, mais qui est surtout concentr dans
le chapitre final, Le reniement de la peau (moment authentique de disgrce, qui fait
pendant ltat de grce, lequel marque le dbut du livre), renforant encore plus le caractre
rflexif, autorfrentiel par excellence, de la prose de Gheorghe Crciun. Mais ce nest l quun
pige. En ralit, les interventions programmatiques de lauteur sont constitutives de la
substance narrative proprement dite, cestdire quelles relvent de la manire du roman,
elles ne srigent pas tout prix en linstance narrative suprme que nous souponnions quelles
taient un moment donn. Pour un instant, lauteur se confond peuttre totalement avec son
propre texte, ayant cependant lintuition du danger que dornavant non seulement nous ne
pourrions plus nous comprendre les uns les autres, mais que la prose ellemme risque dtre
rduite une transparence impropre sa nature. Lide mme dajouter un pilogue, quelque
peu inattendu, et de redonner tous ses droits au personnage, la convention fonde sur une
fiction (ayant, prsent, il est vrai, aprs la longue digression rflexive, un degr accru de
crdibilit) montre quun tel seuil devait tre franchi et quil tait ncessaire ensuite didentifier une nouvelle zone de mystre, mais au mme niveau de ralit. Aussi dans la dispute,
non exempte de dramatisme, entre lauteur et ses personnages (plutt des similipersonnages)
nul ne sort effectivement vainqueur. Ce qui est sauv, en revanche, cest lintgrit ineffable
du discours narratif, construit sur plusieurs niveaux de comprhension mais rptonsle
au mme niveau de ralit. Nous sommes obligs de cette faon dassumer, pardel le caractre
fragmentaire inhrent une telle stratgie de la construction / dconstruction textuelle, toutes
les virtualits de luvre.
Au fond, toute cette dmarche programmatique, dj autocontenue et entirement intriorise mesure quelle est oublie et entre dans un tat de latence, de germination fait
partie intgrante dune thorie propre de lauthenticit, bien entendu au niveau dune autre
sensibilit et avec dautres arguments que ceux des grands prosateurs de lentredeuxguerres.
Notons ainsi que lauteur semble vraiment se retrouver seulement dans la rvlation dun autre
syncrtisme originaire: corps et lettre. Do un penchant vident au polymorphisme structurel
de cette espce de discours total, frisant une certaine indiffrence, elle aussi reconnue, lgard
de la spcificit des genres. Lcriture si rigoureuse de Gheorghe Crciun nadmet quune
direction extrmement svre de sa matrialisation: des etats de choses (ou desprit?)
ncessaires il sied demployer seulement des mots necessaires. Lauteur rpond entirement
cette exigence.
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Le problme pressant qui le tourmente presque tout le temps est cependant la confrontation
avec la transcendance foncire du langage. Il est hors de doute que la gense du texte ne signifie
pas en fait la gense du langage, mme si lauteur, par la distinction quil opre entre langue
et langage, introduit avec finesse, dans lquation, un lment supplmentaire dambigut.
Mentionnons galement que la rfrence une sorte dadamisme assum de la langue nen
constitue pas moins une autre chimre: avec toutefois des suggestions assez intressantes,
lcrivain luimme dressant une liste de mots mythiques ineffables, les nommetil qui
lont fait sveiller initialement lexistence. Il est vrai que le langage, qui ne peut tre que
la langue incarne, nest pas toujours donn. Mais, dans la mme mesure, tout est prescrit,
exclame un moment donn George, un alter ego de lauteur, du type omniscent et omnipotent,
qui joue non seulement avec le temps et lespace, mais aussi avec les penses des autres. La
diffrence anthropologique affective, cherche avec ferveur par notre auteur, nannule pas
le moins du monde la translation, en apparence seulement insolite, de la langue pense la
langue parle, et surtout de lcriture mentale lcriture proprement dite. Sans cette dernire
dissociation, la vision de lcriture serait impossible et cest justement cette rvlation vcue
par le personnagenarrateur qui dclenche, vers la fin du premier chapitre, la gense mme
du roman. Cest un moment de haute inspiration o la conscience de lcriture et ltat de
grce de la dicte scripturale se superposent. Cest maintenant seulement quOctavian se
souvient, avec une prcision stupfiante, des mots dune phrase qui semble avoir dj t crite
et qui se substitue, comme un autre miroir, au dcor naturel o il stait jusqualors fourvoy,
ttonnant comme un somnambule entre le rve (lexcitation onirique) et ltat de veille. Mais
le vritable rveil, ce nest que la vision de lcriture qui le provoque. Toutes les qutes
fbriles antrieures semblent avoir le mme sens: Pour dcouvrir encore une fois, stupfait,
le pouvoir magique des mots. Le monde existeraitil uniquement dans ce but, pour que sa
matire aille se perdre dans les brumes dune phrase? Cest ainsi que saccomplit pour lui
lespoir que dun moment lautre lair moite de la cour clairera son me, lui permettant
dadopter une attitude sublime et hors de lhumain, lui donnant une force capable daffronter
les ans, la mort, la tristesse, tous les dsastres de la nature... Ce moment de grce tant rappel
aussi dans lpilogue, leffet global ne peut tre quagglutinant: il unifie les parties en un tout
et les homognise dans la substance textuelle intgratrice. Mais surtout il resynthtise, dans
une perspective narrative unitaire, toutes les voix du roman, autrement dissmines dans
la diversit des rflecteurs. Mme si, ensuite, le texte le plus directement li une confession
(Le reniement de la peau) divulgue tout ce quil fallait divulguer au sujet de lidentit
de lauteur, les grandes questions inquitantes ne sarrtent pas l. Toute laventure de la qute
de soi, sans cesse dissimule sous dautres masques, semble un trac initiatique parcouru en
plusieurs tapes. Chaque tape est une prose parfaitement cristallise, presque autonome, mais
lie cependant aux autres. Avec cette diffrence que les liens deviennent prsent encore plus
expressifs, quils rendent visible la structure. En particulier les passages, au dbut insaisissables,
de niveau et de perspective narrative, dune prose lautre, contribuent la structuration de
lensemble. Chaque chapitre contient et intgre lautre: un embotement de structures successives, avec tels bonds de comprhension que suppose un tel exercice. Mais mesure que
le trac narratif sclaircit un niveau, au niveau suivant il senfonce encore plus dans linconnu.
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Une telle prose ne peut tre absolument transitive et peuttre que lauteur na mme pas eu
lintention daboutir une telle performance. Toujours restetil assez de place pour lonirique,
pour la digression psychanalytique qui stend souvent sur nombre de pages (fixations de
langage ou de nature obsessionnelle) et surtout pour le commentaire autorfrentiel daspect
manifestement programmatique sur lequel nous attirions lattention au dbut.
Certes, ce qui surprend le plus dans le roman de Gheorghe Crciun, cest lampleur des
projections oniriques auxquelles les personnages sont plutt contraints participer, sans volupt,
dans des circonstances troubles, parfois mme prilleuses. Dans dautres cas, le personnage
se rend luimme compte quil est la dupe de son imagination en plein exercice dexploration de la ralit immdiate. Mais le geste se rpte dans les situations les plus diverses, qui
vont jusqu la mise en scne, pas forcment avec humour, dune vritable comptition
dautosuggestion trompeuse. un moment donn, il est difficile de faire une distinction entre
lhallucination des sens et ltat dexcitation onirique devenu permanent. Octavian et Gil
ne vivent effectivement quentre des pressentiments et des dsillusions tmoignant de la
mme disponibilit naturelle avec laquelle Vlad, lauteur du Cahier bleu, tablit ses
programmes dexistence, bien entendu non moins illusoires. Tous se laissent abuser par un
mirage. Mme George est le plus souvent une apparition onirique, il donne la froide sensation
(qui semble pntre dun frisson dmoniaque) dune rencontre avec son double. Vlad,
lcrivain, nhsite pas, par exemple, le nommer cet homme que jtais moimme,
rvlation caractristique pour tout crateur la sensibilit dchire, de plus en plus obsd
par la poison de lcriture, comme il se considre luimme. Par ailleurs, mme la structure
composite, polymorphe des textes (rassemblant esquisses, rpliques, penses disparates,
squences alatoires, fiches didentit, passages lgiaques et analytiques, auxquels sajoutent
des exercices exceptionnels de textualisation, avec certains chantillons doralit inimitables,
plus un cycle de pomes vritables tudes daprs nature) a aussi un substratum onirique.
Assoiff plutt de prvisions que de certitudes sensorielles, lil intrieur glisse peu peu
audel des choses, dans une zone des chimres inaccessibles.
La belle sans corps, je lai cependant nomme chimre de la vision de lcriture.
Larchtype eminescien, ayant de trs anciennes racines platoniciennes (la couverture
botticellienne du livre renforce de telles suggestions) est projet dans lirralit hallucinante
des sens, troubls plus que jamais par la prsence vivante et tangible du corps rel. un moment
donn, le conflit se droule entre lhomme de papier et lhomme vivant, entre la chimre
livresque et ltre concret, en chair et os. Le thme est repris dans Le Sommeil du buveur
deau, tablissant un lien entre limpalpable Cloe qui renvoie un autre roman de lauteur,
et la si matrielle Adela, non sans allusions intertextuelles au clbre personnage dIbrileanu.
La belle serveuse oblige sans cesse Vlad, lcrivain, revenir la ralit, mais celuici finit
par se laisser dfinitivement vaincre par la vision de lcriture. Cest dailleurs pour la
premire fois que Vlad apparat directement, quil est en mme temps auteur et personnage.
Il cherche vivre sur deux plans diffrents de la ralit, avec ses propres fictions, mais aussi
avec ceux qui se trouvent auprs de lui. Peu peu la diffrence sestompe. La partie finale
du roman est un troublant intermde onirique, dune trange concrtisation des dtails, avec
la fille sans corps, dont il ne reste finalement que lair de son corps, lair de lillusion.
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Esprit crateur chez qui la fibre morale a une valeur authentique, remarquable reprsentant
de sa gnration, proccup donc dexprimentation et de linnovation littraire extrme,
Gheorghe Crciun ne sinscrit pas moins dans la mouvance essentielle de la prose transylvaine.
Ses livres sont de plus en plus homognes, tmoignant dune discipline de lcriture et dune
rigueur spciale, de la nature des nergies froides qui ne senflamment qu mesure quelles
se manifestent dans des projets piques denvergure.
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Mircea Crtrescus poem The Levant counts among the foremost ten or fifteen great
volumes of Romanian poetry no less, for instance, than Eminescus volume of Poems of 1883,
Arghezis Flori de mucigai (Blooming mould) and Cuvinte potrivite (Matching words),
Bacovias Plumb (Lead) etc. Coming from such an outstanding writer whose books published
so far have never failed to impress his readers, it is not in the least surprising. And yet, when
he first read the opening chants of The Levant in the Junimea (Youth) literary circle, it
came as a breathtaking surprise, because the poet usually showed up at the meetings
unexpectedly and made vague promises about submitting a short story, or maybe an autobiographical novel, or just a poem. Here as well he differed essentially from almost all the
other members of the circle who carefully prepared their appearances or came as special guests,
Crtrescu simply stunned everybody at the Junimea that evening with what he read. There
were talks, not lacking emphasis, about the historical quality of the moment and about how
lucky the listeners were, who had had the privilege to witness it. Moreover, there hovered a
feeling of unspoken complicity in the air, since Crtrescus epic poem contained all the signs
of the age in which it was written: the famine, the freezing, the fear (The three Fs), the
darkness and filth in the streets in other words, our miserable everyday life. One thing,
however, spoiled the first impression, namely that nobody then and there could have certified
that any better times were yet to come, which meant that Crtrescus poem already qualified
as a classical instance of drawer literature. In the Twelfth Chant of The Levant, the poet himself
foresees such a fate (Oer the years, maybe, my reader, on your lifes path/ Youll come across
this here body of glaze and fog/ That feeds on my brain, that pecks from my spirit,/ Or else
it will burn and its smoke will waste into thin air). The censorship is also present, with all
its absurd humours: in the Third Chant, for instance, the poet lancu Aricescu addresses a letter
to Zenaida, in which he relates in detail how the censor used a pocketknife to delete or modify
words and phrases from his book of odes, elegies, satires, fables and translations from Lamartine
and concludes, in an outburst of anger: ...may his name be written and then scraped with the
same pocketknife from the memory of the living.
Beyond these petty details, however, the main reason for which Mircea Crtrescus The
Levant had no chance to be published resided in the story in the poem.
The startingpoint is the wellknown letter sent by Ion Ghica to Vasile Alecsandri, entitled
In the age of the riot. Ghica tells his friend that:
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Riga, the poet, former secretary to Prince Alexandru Ipsilante, together with Scufa,
a Creek tradesman from Odessa, with Professor Santo the pharmazon and Diceu the
archimandrite had established a secret society called Eteria (Comradeship)
Those who wanted to become bloodbrothers went to church dressed up in their
Sunday clothes and there, on the threshold of the altar, sticked a needle into each others
arm until a drop of blood emerged that they licked with the tip of their tongues; they
then exchanged weapons and said these words: Your life mine and your soul mine...
This story, combined with that of Conrad, told by Bolintineanu and thereafter by Nicolae
Blcescu, or even with Byrons famous poem Childe Harold, seems to have offered
Crtrescu the idea of the extraordinary conspiracy the young poet Manoil and his sister Zenaida
become part of, together with the awesome pirate Jaurta the OneEyed, master of all Greek
seas. The two men meet at sea and immediately recognize one another as members of the
fraternity, then stab their fingers with the knife, according to the eterist ritual. Through another
poet, Iancu Aricescu, who eventually turns out to be the Princes man, Zenaida receives
instructions from Wallachia in enciphered letters recommending her to look for the great
inventor Leonidas the Ampotrophagous on the Island of Hosna. He would build a balloon
for the rioters to reach Bucharest and kidnap the Prince at night. This apparently so simple a
plan becomes more complicate with the appearance of a French spy, and the meeting itself
with the Ampotrophagous, on the Island of Hosna, is no easier since the tatters wife, Zoe, is
furiously republican; finally, the inventors den, a mixture of popular book and sciencefiction,
seems borrowed from another world, populated as it is by housesize shellfish, by crabs with
snakes mouths, where the boulders are translucent and carved in the form of furies or satyrs
with huge testicles; the group of rioters walk across the rainbow that arches over the island
splashing their bodies and clothes in its colours, down to a miscellany of mechanical
mumbojumbo that performs the wildest of jobs:
A machine that uttered buzzes, neat and small like a canary Flew a few feet in the air
and tried catching all the flies.
...........................................................................
Yet another, short and robust, there polished with a brush The rough rock from
underneath, until one could see through it, Through the whole thick Earth down there,
antipodean continents With the cities upside down, where they go by, all those fools,
With their feet propped up and their heads turned, hanging low, So they may in all their
freedom look under the beauties skirts.
A whole bunch of pipes there spring from a tall wide melting pot
That keeps boiling a black foam, starspangled cerebrum,
And the smoke rolls up the chimneys, it builds spheres on the sky
That swarm peacefully up high, like flickering ephemeras,
For they are all and each a planet, holding peoples, lands and kings,
Floras, animals all kinds, laws that no one can spell out,
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You enormous stately dome oer which these statues cry Tell me what is poetry,
whereto its heading now, Be my prophetess and show me all those spirits deeply wise
That will take into the future sweet melancholy of dreaming... (Seventh Chant)
Although unnamed, the seven coryphaei of poetry are easily identifiable from the verses
they recite: in a first, diamond, hall stands Eminescu (Of the seven coryphaei he comes first,
he is the youngest,/ Noblest lover of the Muses and of Venus the fair god dess), followed by
Arghezi, Barbu, Bacovia and Blaga, masters of the poem in a century so changing, and, in
the last hall, by Nichita Stnescu, a statue made of lucent pearl, himself followed by the statue
of pure glass of the last significant poet of the centurytocome who recites the first fourteen
lines of The Levant. So, in the Mechanism of Poetry Manoil witnesses a fascinating history
of the whole Romanian lyrical creation that Mircea Crtescu interprets and rewrites in a
state of seducing grace, in the unifying mode of the stylistic synchronism that characterizes
his writing. Such performance could be interpreted as a game as well. But there is no question
here of any parody or pastiche: the poet is completely involved in an unprecedented challenge
to literature and to his own destiny.
In the Ninth Chant, the conspirators manage to repair the torn balloon and resume their
journey through turkished Bulgaria, all the way to Giurgiu, where the poet Manoil actually
comes out of the authors typewriter and after a short fight drags the author himself, as a
character, into his own poem, among his own other characters (They all live, they breathe,
none among them seems aware/ They are born onto a page, in the deepest dungeon locked/
And 1 wonder what huge body is now staying at my table/ Typing there in the kitchen where
I used to type myself).
The Tenth Chant complicates the adventures even more: the group of heroes, now including
the author himself, drop by an old hags, a witch who lures them into a backward church
from which a giant hermaphrodite rises to the sky holding between his fingers a mystical rose.
His grandiose apparition coming after the delightful Walt Disneystyle cartoon from
Leonidas the inventors island or the initiatory dream from the Mechanism of Poetry, with
caves, talking statues and magi, more appropriate to German romanticism, adds a genuine page
of psychoanalysis of the abyss to the otherwise rich enough imagination of Crtrescus poem.
When they finally reach Bucharest in their balloon in the Eleventh Chant, the rioters are
surprised to discover that the riot can no longer take place, because the Prince has been informed
of the whole plan by the traitor lancu Aricescu who has been bought with the permission to
have his censored booklet printed. As in Francis Godwins novel A Man in the Moon, the Prince
too has had a boat made for himself, drawn by seventy swans in the sky, and flies out of the
city to fight the conspiracy.
Still, with help from the Ampotrophagous, the rioters manage to escape this new trial and
engage in another thrilling journey through the underground catacombs of the city, that take
them, after numberless obstacles, all the way to the princely palace looking rather like an
outlaws den (There are rooms with wine pots in their earthen shell/ With black wine so spiced
your mouth is set on fire,/ While in other cells deep hidden lie and rot, for all forgotten,/
Blindmen, lepers, all those fools who have ever fought the tyrant) But, to everybodys surprise,
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the wise poet Manoil refuses to take over the countrys affairs, as if we were in nowadays
Europe and the poets, philosophers and playwrights argued over power with the professional
revolutionaries:
No, my friends, for me everything is but illusion,
I would only like to feel eternitys most bitter scent, One line only if I wrote, like
a tiny drop of dew That contains in it the world now so old and yet so new, If one line
were to survive me, I would then think of myself A\ more blessed than an angel, holier
than the Lord God
At the end of a prolonged experience with nothing gratuitous in it in spite of the gratuitous
experience called poetry, Manoil meditates like Plato about the wise Socrates. For him, true
life is now the one within himself, not the outside life, the act of creation or concentration that
is the true sense of the journey he has just made. He has set out on an exile and conspirators
journey, like Conrad, Bolintineanus hero, and has reached its end like Homers Ulysses or,
rather, like Saint John Perses explorer in the Anabase, another great poem to which
Crtrescus The Levant seems endebted.
The pirate Jaurta is the one who rises to the throne of Wallachia, a Prince as mean and
changing as his predecessors; the author looks out the window of the princely palace and sees
the University, the Underground entrances and a walkietalkie militiaman, so he grabs his
chance, sneaks away, gets on Tramway 21 and rushes home.
In the Twelfth Chant he has resumed his work at the typewriter when someone rings the
bell: before the door stand all his fellowconspirators from the poem, including the noble poet
Manoil. The authors wife, Cristina, offers them an instant coffee she has kept for special
occasions and then listens amazed to the great story of stories they have gone through.
Eventually, Manoil reaches out towards the bookcase in the room to pick a book, The Levant:
From the overladden shelves of the bookcase high and wide
Manoil casually takes down a book like no other seen:
Its pages shining like sheets of pure crystal,
On its cover golden letters fabulously carved in shape
Spell the title:
THE LEVANT.
Towards the end he opens it
And the following he reads with a soft and worn out voice:
From the overladden shelves of the bookcase high and wide
Manoil casually takes down a book like no other seen:
Its pages shining like sheets of pure crystal,
On its cover golden letters fabulously carved in shape
Spell the title:
THE LEVANT.
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du discours et, dautre part, ralisent le lien avec le roman proprement dit. Un exprimentalisme
de ce typel apparat dans tous les volumes de Mircea Nedelciu, sous diverses formes: la prose
conue comme un possible dialogue entre deux variantes du mme rcit, sous des angles
diffrents, lcart entre ces deux variantes restant non discut mais dterminant des effets
implicites (Greva de zel Grve du zle, dans Efectul de ecou controlat Leffet dcho
contrl), la cration dune rime intrieure dans de trs nombreux textes en prose du volume
susmentionn, rime assume ironiquement, la tentative visant transcrire divers dialogues,
fragments de rpliques, marqus ou non par des argotismes et repris tels quels, ayant pour
consquence lmiettement du discours narratif dans Trgul de animale mici, peti de acvariu,
psri cnttoare (Le march aux petits animaux, poissons daquarium et oiseaux
chanteurs). Ajoutons lintertextualit qui rend possible la runion dans le cadre dun texte
unique de nombreux autres textes appartenant des niveaux stylistiques extrmement varis,
phnomne qui correspond au mme miettement explosif du discours. Dans la voie de la mme
pulvrisation des certitudes consacres dans la prose traditionnelle (discours unique, linaire,
perspective unique ou tout au plus enrichie par la prsence de rflecteurs ayant un statut
clairement dtermin), mentionnons la problmatisation de lide de narrateur ainsi que de
celle de lecteur, la construction de proses fondes sur lemploi de la deuxime personne (dans
plusieurs textes de Amendament la instinctul proprietii Amendement linstinct de
proprit; prcisons que ce procd est plus efficace et supportable sur des espaces restreints
que tout au long dun roman comme La Modification de Butor). La multiplication des plans
narratifs conduit la dsorientation du lecteur en ce qui concerne la perspective aborde un
moment donn: qui parle, qui raconte, pouvonsnous souvent nous demander pendant la lecteure
du roman Traitement fabulateur. Lhistoire circule, les instances narratives se multiplient
apparemment sans contrle. Il semble impossible de dresser la carte du discours, son auteur
pousse lhistrionnerie son point extrme. Plus le lecteur attend avec nostalgie la stabilisation
du texte autour dune instance unique qui soit lauteur, plus il aura affaire des dlgus de
cette possible instance.
Le procd pourrait sexpliquer par le besoin dune mtamorphose que ressentent aussi bien
lauteur que le lecteur (Lauteur nest pas loin de laborigne qui se sent kangourou, se
mtamorphose psychiquement en kangourou pour chasser un kangourou. Il se mtamorphose
en son personnage; Donc Abra qui coute et cherche comprendre se mtamorphose en
Vio, qui raconte et cherche comprendre, et tous les deux, cause de lhistoire quil y a entre
eux, cherchent se mtamorphoser en Luca et celuici, son tour, est une mtamorphose de
Florean qui, en se mtamorphosant, raconte au sujet de Marcu et...). Les figures de la
mtamorphose circulent en une srie infinie: pour raconter, tu tidentifies lauditeur / au
lecteur, pour couter / lire, tu tidentifies au narrateur. Ici le concept fondamental
didentification justifie sa double dimension, il se circonscrit autour du jeu textuel implicite.
Lidentification peut tre simple, comme dans Jenny sau balada preafrumoasei conopiste
(Jenny, ou La ballade de la trs belle scribouillarde): Elle ouvre de nouveau le livre et plonge
dans londe du fleuve leau violette, un soleil bleutre lui brle la nuque et un jeune bien
vivant descend de la fuse; ou sans issue, comme dans Traitement fabulateur. La consquence
nous la dcouvrirons au niveau de la structure du discours: celuici naura plus un air gnral
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de stabilit comme dans la prose traditionnelle, mais se stabilisera dune manire discontinue
par lintermdiaire de ces figures mtamorphoses, porteuses ellesmmes du discours.
Le concept propos en substance par Mircea Nedelciu est la msalliance: le texte final est
une msalliance entre dinnombrables voix qui, pour parvenir les unes jusquaux autres, se
mtamorphosent rciproquement, cet accompagnement pouvant produire des changements
essentiels dans la littrature, de mme que, au niveau social, la msalliance est une forme
de la mutation inconsciente qui se produit dans la socit.
Le ct exprimental continue jusqu Femeia n rou (La Femme en rouge), volume
publi en 1990 sous la signature de lauteur dont il est question, mais aussi dAdriana Babei
et de Mircea Mihie. La Femme en rouge mne son apoge le plaisir textualiste de construire
un livre, plutt que de raconter une histoire: le livre vit par lautorfrentiel, par la capacit
de son discours dattirer lattention sur la manire dont on peut construire le Livre, et on y trouve
aussi un texte mtacritique avis. La postface truque souligne, avec un peu de cynisme, la
manire ouverte, lgre et pleine dintrt lgard de la littrature de lEst de lEurope, manire
que tout vritable critique amricain ou occidental a inscrit dans son code gntique. ces
procds correspond, dans le texte Probleme cu identitatea (Problmes didentit) du
volume i ieri va fi o zi (Hier aussi sera un jour, 1989), la partie finale appartenant au
personnage Murivale, qui fait lobjet des deux premires parties du texte.
Dans le volume Amendement linstinct de proprit, publi en 1983, lauteur systmatise
dans le texte ayant pour titre Decalogul (Le Dcalogue) ses procds et sa vision
narrative, insistant sur lide de proprit. Qui est le vritable propritaire du rcit? Le
textualisme luimme dmontre la qualit douteuse de propritaire dun texte. Lintertexte en
est une preuve: Si deux rcits apparaissent quelque part ensemble, lun deux prend possession
de lautre. Le huitime prcepte du Dcalogue (Le rcit est une petite entreprise) est
illustr par Mircea Nedelciu dans Traitement fabulateur, la Valle des Pleurs, mais aussi le
Phytotron, sont producteurs de fiction, lune est dirige vers le pass (vers un monde oubli),
lautre vers lavenir (par la cration de nouvelles varits de fruits et de plantes), chacune ayant
un calendrier diffrent, parallle celui du monde rel.
Mme en respectant, au dpart, les problmes principaux de la thorie textualiste, les proses
de Mircea Nedelciu sloignent de latmosphre suffocante suicidaire, comme on la nomme
des romans de Sollers, par exemple. Lexprimentation textuelle souvre sur un monde haut
en couleur, le plus souvent balkanique, soit de la ville, soit du village roumain, objectiv par
lexistence dune ironie qui relativise lactivit purement textuante.
Lobsession principale autour de laquelle sont construits presque tous les textes de Mircea
Nedelciu est celle de lidentit. Dans Traitement fabulateur, Amendement linstinct de
proprit, Hier aussi sera un jour, La Femme en rouge, la proccupation des personnages de
dfinir leur identit se combine avec le jeu textuel des mtamorphoses dcrit plus haut et qui
se droule entre lauteur, le narrateur, les personnages et le lecteur. Marius, dans Traitement
fabulateur, cre un espace parallle au monde rel, en un temps qui pourrait constituer un nouvel
ge dor de lhumanit, tout cela par la dcouverte dune nouvelle identit possible. Cette
identit nest que souponne, aussi devratelle tre fabrique par les habitants de la Valle
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des Pleurs. Chacun deux devient chercheur et fabricant dune ide spectaculaire, bien
qualtre, place dans un monde du pass, obligatoirement aristocratique.
De la mme manire, les trois personnagesauteurs de La Femme en rouge se dcident de
reconstruire lidentit du personnage (traditionnel) Anna Sage. Bebe Prvulescu, dans
Amendement linstinct de proprit, qui dcouvre sa mre aprs de nombreuses annes,
cherche recrer toute lhistoire de celleci et de son mari, pour pouvoir se redcouvrir
soimme et sortir de lanonymat, de lindtermination. Son ami souffre dune connaissance
trop exacte de son identit, dont il cherche se dlivrer en rpudiant ses parents.
Son pre, un clbre chirurgien, a un renom discutable, plutt fabriqu par nombre de
truquages quauthentique (les patients qui attendaient, sembletil, depuis tt le matin devant
la porte du mdecin taient en fait pays par celuici, ils dormaient toute la nuit dans la maison
du docteur, aprs avoir fait le mnage dans toutes les chambres).
Par consquent, bien que lidentit soit fondamentale pour tout individu, elle nest souvent
quune construction conventionnelle. Limportant, cest lhistoire, la fiction.
Les personnages de Mircea Nedelciu sont ternellement la recherche des traces: traces
qui mnent au manoir, traces vers lAmrique, traces qui ramnent en arrire vers lidentit
de leurs propres parents. Ce concept de trace se combine dans la dmarche dconstructiviste
de Jacques Derrida avec celle dcriture: lcriture institue une trace. Cest pourquoi les traces
que dcouvrent les personnages des textes mentionns marquent un devenir du rcit, de
llaboration de la fiction, le devenir du livre: la trace est linfini son propre devenirnon
motiv. La trace ne renvoie pas une destination, mais une autre trace, de mme que, dans
un tissu textualiste, les textes se rclament lun lautre. Lespace de la Valle des Pleurs est
un espace de la fiction o seul Luca peut avoir accs. Lexistence de ce lieu est due uniquement
au dsir qua Marius de sinventer une autre identit. Lactivit de reconstruction a des chances
de se concrtiser seulement par lintermdiaire de ceux qui habitent lbas, chacun tant charg
dexaminer une des traces existantes. Cette relation de dtermination rciproque entre Marius
et les habitants du Manoir peut tre traduite sur le plan textuel par le rapport qui existe entre
un auteur et ses personnages. Mentionnons la nature livresque de ces traces: des textes plus
ou moins documentaires. Le devenir continuel des traces rend cependant insoluble le problme
de lidentit: Les mystres de ta vritable identit peuvent tre multiplis linfini. Il en
va de mme du texte qui se construit en partant la recherche de cette identit.
Toutes les remarques faites jusqu prsent deviennent elles aussi des traces qui nous
conduisent un autre concept, cette fois plus gnreux que le textualisme, savoir le concept
de postmodernisme. Au demeurant, dans ses efforts visant former un corps propre duvres,
dauteurs et dorientations littraires isoles, celuici a revendiqu aussi le mouvement Tel
Quel. Une modalit permettant de rattacher les textes de Mircea Nedelciu au postmodernisme
est justement lapproche de ce problme de lidentit. Il existe deux grands aspects dfinitoires
pour le postmodernisme: lindtermination ( laquelle sajoute limpossibilit datteindre le
prsent) et la crise didentit.
La solution de la crise didentit (que ce soit de lauteur, du narrateur ou du personnage)
a lieu, pour Mircea Nedelciu, galement dans lespace de la fiction. Comme nous le disions
un moment donn, limportant cest lhistoire et son laboration. La finalit de la dmarche
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reste rfugie dans le plan textuel et non dans lobtention concrte dune identit: Donc, voil
ce que tu es finalement: UN NON IDENTIFI. Pourquoi me suisje senti toutefois oblig de
te donner un nom? toi, un non identifi, qui nappartient donc personne. Mais voil,
ladjectif possessif se rvle de nouveau un instrument imparfait. personne signifie que
tu es en possession du rien ou que le rien te possde? En labsence dune histoire personnelle,
tu es contraint de te bourrer sans cesse dhistoires qui appartiennent dautres. Romans
damour, changements de titres de proprit.
Une non identification, cette fois assume dune manire stratgique, est justement
laventure du texte qui constitue le roman La Femme en rouge. Les trois auteurs restent non
identifis dans le cadre du discours, ils mlangent de bonne grce leurs identits par un geste
purement dmonstratif, pourrionsnous dire. La notion de mtamorphose et celle de
dtermination de lidentit se traduisent ici par la problmatisation de lide de frontire. Des
paysans roumains des rgions de louest du pays sont partis pour un temps, au cours de la
premire partie de notre sicle, en Amrique. Les traces que cette aventure a laisses dans leur
mmoire effacent les frontires physiques, de mme que lhistoire dans son ensemble ne
comprend pas de frontires que lon puisse remarquer entre les parties du texte appartenant
chaque auteur. Il est intressant de voir comment ce livre illustre le monde moderne dans
sa totalit: une circulation universelle des textes qui savalent sans scrupules les uns les autres,
un dsir deffacer les frontires, une thorisation de ce dsir.
Revenons la ncessit de la mtamorphose. La mtamorphose suppose labandon dune
identit en faveur dune autre. Le texte postmoderne se mtamorphose linfini, abandonnant
tour tour dinnombrables identits. Dans ce cas, les personnages finissent dans une joyeuse
apocalypse, un autre terme postmoderne, qui appartient cette fois Broch. Cet tat de joyeuse
apocalypse nest pas tranger au double dnouement de Traitement fabulateur: celui du monde
rel et celui de lespace parallle de la fiction.
En conclusion, la qute de lidentit constitue llaboration dun texte construit sur la base
dun jeu textuel. Au texte pulvris dans ses articulations correspond une identit pulvrise,
spcifique de notre fin de sicle et de la culture postmoderne. Les livres du prosateur Mircea
Nedelciu appartiennent sans aucun doute cette culture.
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potes parlent la premire personne, mais le moi bacovien reste anonyme (le pronom
est une instance de discours, selon Benveniste, repris par Barthes), alors que le moi
popescien est dtermin surdtermin, mme par le nom. Cela ne reste pas sans
consquences sur la manire dont lauteur sautoreprsente dans le texte comme personnage:
Bacovia est le vagabond (lindividu sans feu ni lieu) tragique, le solitaire aphasique, etc.,
alors que Cristian Popescu est le pote de la famille dans tous les sens. la limite, on
pourrait dire que lauthenticit bacovienne est antibiographique par la suspension des
rfrences (un examen des manuscrits montre aisment les proportions de lautocensure) par
contraste avec un hyperrfrentiel qui, chez Cristian Popescu, va jusqu la transcription
du certificat de dcs prsum du pre, preuve suprme du nom de famille.
Toute la parabole du pseudonyme dans le pome sur Bacovia semble vouloir dire que le
choix du nom nie la distinction usuelle entre vie et uvre. Dans un autre passage clef,
Cristian Popescu cite une interview o Bacovia, se reportant son propre roman Dintrun text
comun (Dun texte commun) et au protagoniste de celuici, dclarait: Un ami ma conseill
de le nommer Stan ou Bran, de lui donner un nom dhomme. Moi (on sousentend ici un
cependant O. V.) je ne vois mon personnage que dans un sens symbolique. Comme moi
ou les autres hommes, il passe par une srie dtats dme... Anticipe par lide de
lobsession du ddoublement chez Bacovia, la citation est commente laconiquement:
jaurais t plus tranquille si BACOVIA avait pu donner son personnage le nom de Mitic
ou lonescu ou Popescu et non de Sensitif. Dune manire assez trange, le nom hors du
commun de ce personnage est interprt comme une rptition symptomatique du pseudonyme.
Lventualit suggre nest pas le nom rel Gheorghe Vasiliu, mais un nom commun au
choix, considr comme plus transparent; une sorte de degr zro de lonomastique littraire
(le critre reste ambigu: la vrit historique ou la vraisemblance artistique?).
Ce dtail se rpercute de manire implicite sur les rflexions antrieures concernant le
pseudonyme: la gnralisation ayant trait aux potes de ce sicle, limplication touchant la
croyance moderniste au sujet du langage, le lien direct avec un ddoublement prsum.
Sous un angle thorique, tout cela est, certainement, discutable. Cristian Popescu ne
thorise pas cependant le nom en tant que tel mais, linstar de Bacovia dans linterview
cite, le choix du nom. Chez les deux potes nom est associ symbole. Un personnage
symbolique ne saurait avoir un nom dhomme raisonne Bacovia justement parce quil
est pareil moi ou aux autres hommes: le nom est donc une convention arbitraire. Pour tre
pareil objecte Cristian Popescu il doit avoir un nom dhomme et non un nom choisi
arbitrairement: le nom est un symbole dans lancienne acception religieuse du mot, synonyme
de lien direct. Il lie ontologiquement lexistence, le langage et la ralit. Il le fait comme
signifiant, dans un sens, pourraiton dire, lacanien (cf. le concept de nom de pre), de sceau
autobiographique.
KITSCH ET MYSTIQUE. Transpos dans luvre, un nom aussi populaire que Popescu
aura une connotation kitsch. En ce sens, lart Popescu est contemporain du Pop Art ou
dautres potiques du minimal, de la srialit et du simulacre. lantipode du pseudonyme
artistique, le nom rel devient une subversion de lArt comme prtention lunicit, la
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puret autonome et impersonnelle, etc. Cristian Popescu parodie une posie qui figure dans
les manuels scolaires tout en gardant cependant le message contenu dans le titre: Et parce
que toutes ces chosesl devaient porter un nom on leur a dit, tout simplement: Caragiale
(Elles devaient porter un nom). Bien entendu, avec la substitution de nom (Eminescu
devient Caragiale) le contenu idologique et le paradigme littraire changent radicalement.
Lintertexte caragialien, qui tait si rpandu dans le postmodernisme de la gnration des annes
80, devient chez Cristian Popescu une question personnelle. Paradoxalement, les virtualits
du nom de Popescu nauraient pu se raliser sans la mdiation de Caragiale: Le lien direct
entre lexemplarit typise des personnages de Caragiale et lextension considrable du nom
Popescu chez les Roumains me donnent la possibilit de lire Caragiale comme je lirais mon
propre horoscope. (Caragiale la table de travail dEminescu); Lefter Popescu est une icne
du paradoxe. Et le Popescu issu de Lefter Popescu, cest moi. (Sur la mort, la nuit et la
littrature). Ainsi, la filiation proprement dite sajoute, sans rupture du type moderniste,
la filiation littraire.
La potique du kitsch se rclame dun rcit clbre de Caragiale o le chefduvre dun
artiste capillaire une peinture gniale faite de cheveux de toutes les nuances est
srieusement lou, comme les clichs de la rhtorique romantique (Caragiale, Gic Petrescu
et les coiffeurs). Quand il se dclare touch par la beaut hilarante et grotesque, fabuleuse
et fantastique du kitsch, Cristian Popescu diagnostique implicitement un phnomne dorigine romantique, devenu endmique lpoque moderne et rcupr par le postmodernisme
comme point de dpart obligatoire pour toute exprience esthtique (Matei Clinescu). Il
y a de nombreux exemples de motifs ou de citations kitsch dans ses propres pomes: vitrines,
graffitis, art funraire (auquel Bacovia ntait pas lui non plus tranger), ncrologies, petites
annonces publicitaires, textes du genre le livre des records, lalbum de famille, etc. Les
procds du collage avantgardiste sont cependant subsums une vision candide, o le pome
ne se veut plus texte ternel, destin un public sans visage, mais lettre, discussion avec
des amis ou long regard dans les yeux de la femme. Autrement dit, le pseudoart exorcise
lart comme domaine sacrosaint du pseudonom. Il ne sagit pas dun esthtisme renvers ou
dune apologie de la consommation, mais dune nostalgie de la communication par un
pome qui regagnerait sa valeur dchange (voir Lventaire de pomes).
Deux exemples de fantaisieskitsch transposent littralement la mtaphore dun art la
mesure du nom. Larbre gnalogique de la Famille Popescu est, dans le mme temps, un
arbre concret situ dans le jardin de Cimigiu, prs du lac, et un prototype qui dj laqu
et incrust de motifs populaires, multipli dans de nombreux bois et forts..., peut offrir
tout un chacun un souvenir (Larbre gnalogique). Un Cristian Popescu artiste,
proccup seulement du beau, reproduit, comme autoportrait, le modle du coiffeur de
Caragiale: Il restait toute la journe sur la terrasse de la maison paysanne, sirotait un petit
verre de vin et humait son nom. Il avait, en effet, plant des chrysanthmes dans le jardin et
les avaient arrangs de telle faon quils formaient lettre aprs lettre son nom: POPESCU.
Son nom crit avec des fleurs... (Heureuse ncrologie).
Le saut du kitsch la mystique nest pas, comme on pourrait le croire, la contrepartie
srieuse de lironie et de la parodie. Certes, on voit apparatre des doublets sacrs de motifs
profanes (photographie icne, enfant ange, soliloque intrieur prire, etc.), mais la vision
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densemble est celle dun paradis naf o les Popescu dicibas sont numriquement
submergs parceux de laudel. Comme luvre de Caragiale, lApocalypse est, pour
Cristian Popescu, une question individuelle. Lexprience mystique part de la perception
hallucinante, bacovienne, de latmosphre nocturne: ...ce vide dnergie qui se manifeste dans
les rues et dans les maisons tout autour, vide quon ressent en ralentissant les battements du
cur. Tu es le seul, veill dans lair qui devient presque glatineux cause de labsence de
mouvement, de labsence de pensee des Autres (Travail repos). Laltrit nocturne de
lcrivain, inaugure vers les 1516 ans est la rptition de la scission entre lexistence jour
aprs jour et lcriture ligne aprs ligne, ... un jugement dernier du jour qui vient justement
de scouler (Sur la mort, la nuit et la littrature).
Le fait que, dans le pome sur Bacovia, la mditation au sujet du nom tait associe au
dilemme de lidentit du pote au Jugement dernier ne saurait tre une simple concidence.
En se distanciant des potes modernistes, Cristian Popescu ne le faisait pas dans les termes
dune potique diffrente mais selon un postmodernisme littral, eschatologique, distinct
du postmodernisme littraire qui rejette, diton, toute vision finaliste de lhistoire universelle
(J. F. Lyotard) et ne cultive plus quune transcendance culturelle (R. G. eposu). Audel
de telles distinctions, un postmodernisme revu et redfini pourrait avoir des points communs
avec ce que Cristian Popescu nomme une critique thologique de la littrature. Ltrange
alliage stylistique du roman Arta Popescu suggre une homologie: la mystique pourrait tre
par rapport aux normes religieuses ce quest le kitsch par rapport aux normes artistiques
(transgression, dconstruction, htrodoxie). Pens dans la perspective du ddoublement
o Cristian Popescu reste contemporain de Bacovia, comme nous avons vu un projet de
vie normale ne peut tre que transhistorique et thologique: ...un journal de 365 jours
(crit pendant de nombreuses annes)... qui ne serait pas seulement une uvre potique, qui
ne serait pas seulement une vie vcue, mais les rsoudrait, les reposerait toutes les deux lune
par lautre (Le travail repos 2); un livre crit par Dieu o ton nom figurerait toujours
entre guillemets comme une citation ou comme une note dinfrapage (Sur la mort et
la planification).
UN ALBUM DE FAMILLE. Les passages cits jusqu prsent nont pas montr comment (de quelle manire) a t tu Gheorghe Vasiliu. Srigeant en psychobiographe,
Cristian Popescu affirme que lagent conscient / inconscient du crime a t sa mre qui, ds
la naissance de lenfant, a commenc se servir de lui pour prparer la naissance de lautre:
GEORGE BACOVIA. Linconscient maternel monologue la manire de Caragiale:
...Pourquoi nen ferionsnous pas un artiste? Oui: Il le faut absolument! On prouverait ainsi
cet homme et ce pre insupportable auprs duquel nous avons gch notre vie (Monsieur
Dumitru Vasiliu tenait un petit commerce dpicerie et un bistrot Bacu) quil existe aussi
autre chose en ce monde. La deuxime femme dans la vie de notre hros, son pouse, est une
rdition encore plus explicitement parodique de la mre: je ne crois mme pas quelle aurait
support de vivre toute sa vie aux cts dun Gheorghe quelconque, je considre Agatha
GrigorescuBacovia comme le plus pur exemple de membre de la Socit protectrice des
Muses DacoRoumaines... (voir Une confrence de Tonton Iancou).
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Cristian Popescu ne fait que dramatiser ici une lecture biographique prsente chez
beaucoup de critiques de Bacovia ( commencer par la monographie de M. Petroveanu). La
manire dont la mre projette sur le fils des ambitions artistiques non ralises, anticipant un
destin pseudonyme nest abstraction faite de la vridicit du cas que la transcription
dipienne du conflit moderniste entre lartiste et le commerant (le grand art et la
consommation, largent, la socit), mis en vidence aussi par la catgorie du kitsch. On
commetrait cependant une erreur en cherchant dans la posie de Cristian Popescu des aspects
qui soient antithtiques ou quivalents la mre bacovienne. On peut y trouver, en effet,
de nombreuses images oniriques rgressives, incestueuses, ftichistes, ncrophiles, sadiques
ou rparatoires lies la figure de le mre, ce qui est naturel dans une posie de la nvrose,
mais jamais une une incrimination explicite pour son propre destin de pote. Si lon songe
que dans luvre de Bacovia il nexiste aucune mention de la mre (ou du pre), on pourrait
affirmer que la posie de Cristian Popescu exprime un inconscient moderniste refoul en
mme temps que le nom rel. preuve, on peut citer des Conseils de la part de la mre,
raisonnables en apparence, mais contradictoires au fond: Cristi, il faut le comprendre. Il
dit beaucoup de choses notre sujet, mais ne le prenez pas au srieux. Il nous aime et nous
respecte. Et nous, nous avons toujours cru en son talent...
Si lon examine le plan du nom, on trouve une rverie faussement innocente qui est en mme
temps une clef du titre Arta Popescu: Ah, mon Dieu ! Toute la soire jai pens cette
chanteuse... Arta Florescu. Si je rencontrais seulement une fille qui sappelle comme a: ARTA!
Je nhsiterais pas un instant: je lpouserais surlechamp! Et avec des papiers en rgle! Arta
Popescu! (La musique un psaume de Popescu). Dans cette image dune passionmariage
entre le prnom Arta et le nom de famille Popescu, lhypothse est similaire, au fond,
celle de la biographie bacovienne (Pourquoi nen ferionsnous pas un artiste?). Dans un
autre pome, Cristian Popescu mdite en marge de caragialien du rcit Un homme qui a de
la chance, en le justifiant avec une rigueur syllogistique: Si la femme cest le style... si
le style cest ladquation au monde, cest le destin... Lart de vivre, lArt de mourir... Si moi
je mappelle Popescu, alors moietmondestin sappellent Arta Popescu (Pour lamour de
lart). Lallusion lart de mourir nous ramne en arrire, la squence o Cristian Popescu
compose son nom fait de chrysanthmes et qui se poursuit ainsi: ... crit avec des fleurs.
Seulement voil, ces chrysanthmes sentaient vraiment trop fort. Bref, des fleurs de tombeau:
elles empestaient! ... On voit aussi apparatre une nigmatique fleuriste qui lartiste offre
lune aprs lautre les lettres de son nom. La concidence avec le nom de jeune fille dArta
FLORESCU est confirme sil en tait encore besoin par le personnage allgorique nomm
ma mort faite de fleurs qui veut... me voir enterr dans le jardin de Cimigiu, prs des
balanoires, des tas de sable et ...que mon masque mortuaire normment agrandi... soit coul
en argent et utilis comme toiture sur lune des coupoles de lglise de la rue de lOlympe,
l o nous avons, il y a longtemps, clbr notre mariage (Ma mort faite de fleurs).
Dans la mesure o la femme est en effet le style (ce qui, pour lespace de la posie
moderniste transparat galement travers la critique psychanalitique de Charles Mauron ou
de Julia Kristeva), Cristian Popescu reste, tout comme Bacovia, sous la tutelle dune Socit
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RFRENCES
Cristian Popescu, Arta Popescu, Socit Adevrul S.A., 1994;
Alexandru Muina, Antologia poeziei generaiei 80 (Anthologie de la posie de la gnration 80), ditions Vlasie,
1993;
Radu G. eposu, Istoria tragic & grotesc a ntunecatului deceniu literar nou (LHistoire tragique & grotesque de
la sombre neuvime dcennie littraire), ditions Eminescu, 1993;
Charles Mauron, Des mtaphores obsdantes au mythe personnel, ditions Jos Corti, 1968;
Julia Kristeva, La rvolution du langage potique, ditions du Seuil, 1974;
Matei Clinescu, Cinci fee ale modernitii (Five Faces of Modernity), ditions Univers, 1995.
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et maintenant/and now
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Je suis absolument persuade, et cest l le principal argument de mon tude, que le temps
est venu de parler du postmodernisme au pass. Qutaitce que le postmodernisme? plutt
que Questce que le postmodernisme? semble tre le problmecl de ce dbut de XXIme
sicle. Dans une valuation rtrospective, le postmodernisme ressemble un vhicule de transit
que toutes les aires culturelles sont obliges demprunter pendant un temps plus ou moins long
pour sortir de la Modernit. La postmodernit stendait une aire de faits culturels impossibles
grer au moyen dun seul systme de rfrence. Dans une perspective temporelle plus large,
la situation nous laisse encore plus perplexes: elle mne des impasses conceptuelles telle
lpineuse relation moderne/postmoderne/contemporain. Cela tant, le genre proche de la
soidisant postmodernit fut la bizare axiomatique dun audel qui a impos un changement
hermneutique radical des discours culturels quils fussent scientifiques, religieux,
artistiques ou littraires.
Keywords: modernism, postmodernism, postmodernity, deconstruction
Once upon a time there was a preposterous cultural frenzy, usually known as Postmodernism
or, slightly differently, Postmodernity. By that time, almost every imaginable hardcover or
paperback, academic or popular study, high art or consumerist product was expected to
somehow put on display this mesmerizing utterance. In a newspaper of that time, you would
notice aPostmodernist building for sale!
As it was meant to happen, with the passing of time, the ultimate expression of Postmodernism constantly kept evading us and clothing itself into mystery. Highly overrated and
far too frequently used or abused, the increasingly flexible and extensive notion developed
into confusion, nothingness and a speculative void.
Starting about a decade ago, the trend has visibly changed. In this respect, even an occasional
lexical x ray exam of cultural titles could prove symptomatic and revealing. I quote at random:
beyond postmodernism, neopostmodernism, post or even pastpostmodernism, after
postmodernism and so on. Subtitles are reading: In memoriam, or have a strong touch of
epitaphs. Some authors already venture to present the state of the notion very bluntly:
Now that Postmodernism is dead and were in the process of finally burying it, something
else is starting to take hold in the cultural imagination and I propose that we call this new
phenomenon AvantPop.(America. Mark, Olsen Lance 1995, 3)
It seems quite clear that from now on we can talk about Postmodernism in the past tense:
What was postmodernism? is a more familiar question than What is postmodernism?
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A possible answer is that Postmodernity had been something like a break, a passage, an
interval, an interregnum, a stopgap, an interim or an inbetween Modernity, on one hand, and
something different, which was expected to follow thereafter, on the other. Now, in
retrospect, we are able to contemplate this once unforeseeable future as our near past. In more
than one respect postmodernism now resembles a transit vehicle, which almost all cultural areas
had to ride for certain lapses of time in order to escape Modernity. After which they all took
turns to abandon it. As a matter of fact, between mid sixties and late eighties, postmodern
was no more no less than the synonym of Now or Nowadays.
There was moreover an ambiguous subtext to the discussion in the confusion between the
postmodern age as an intellectual set of options as well as a period chronologically following
modernity and, on the other hand, the existence of postmodernism as a style of expression
and as an artistic program on the other.
As far as its first hypostasis is concerned, special emphasis should be put on the strong
pressure and influence of science: thermodynamics (Prigogine, Stengers,1979) and their la
nouvelle alliance; mathematics and pshysics with Heisenbergs equations, fuzzy logic and
fuzzy systems, the uncertainties of quantum pshysics, nonEuclidian geometry and especially
Mandelbrots thesis of the infinite fractal dimensions of the Britain coastline. Mandelbrot, as
a case in point, has been canonized by Lyotard as a practitioner of postmodern science. His
fractals have become an icon of the chaotic processes that sum up the endless fragmentations
of postmodernity. (Mandelbrot, 1977). It challenged the Euclidean strategy of approximating
the ideal and unchanging forms of the world and replaced them with a geometry of endless
change and differentiation. Equally it challenged cultural topographies and the realm of values
thus becoming the genetic impulse of the so called Aesthetic of chaos.
Cutting through the otherwise huge bibliography gathered on the matter reveals almost as
many if not more postmodernisms as there are geographical areas, cultures, fields of speculation
and creation. The Babellike polysemy of the notion finally triggered conflicting reactions that
suspected postmodernism of clearly incompatible tendencies: it seemed guilty of harboring
an excessive historicism and at the same time a pernicious anachronism, of a nihilistic
radicalism as well as of a nostalgic conservatism, of a commercialism that verges kitsch but
also of an elitist arrogance and so on and so forth.
Postmodernity covered an area of cultural facts impossible to master by means of a unique
reference system. It became a generic homonymy feeding a considerable confusion and
consequently it left several fundamental questions open to discussion:
When exactly did postmodernity emerge? Was it immediately after World War Two or
rather after the exhaustion of the postwar radical and exclusive neomodernisms?
Did we witness a self sufficient cultural age or just a steppingstone into a new century
as well as into a new millennium?
With respect to modernity, was postmodernity an exclusivist movement or was it on the
contrary, an inclusive, accumulative one?
As far as artistic creations (the languages of arts) are concerned, was there any
postmodernist reality accessible to genuine perception or were we dealing with an intellectual
product in search for an empiric raison dtre?
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This aside to complicate matters even further, the notion stretched its significance from
the phenomenological sphere to that of axiology, where it became a basis for sharp value
judgment. Seen from opposite angles, the same qualities became cause of both when judged
by the standards and norms of postmodernity.
Put in a broader temporal perspective the situation seems even more tricky, leading to
conceptual dead ends such as the relationship: modern/postmodern/contemporary.
Consequently Arthur Danto maintains that it is much better to talk about a posthistorical
contemporaneity emerging After the Death of Art, when no other discernible direction likely
to be of help is emerging:
In any case, the distinction between the modern and the contemporary did not become
clear until well into the seventies and eighties. Contemporary art would for a long time continue
to be the modern art produced by our contemporaries. At some point, they clearly stopped
being a satisfactory way of thinking, as evidenced by the need to invent the term postmodern.
However, perhaps postmodern was too strong a term, too closely identified with a certain
sector of contemporary art. In truth, the term postmodern really does seem to me to designate
a certain style we can learn to recognize, the way we learn to recognize instances of the baroque
or of the rococo. (Danto 1997, 11)
According to Danto, postmodernism marks a specific style and we have already passed
this first age of the progressive death of art: the primeval moment following the genuine
question: Why I am a work of art? or When it is art? But clearly this moment is still a historical
and hence an obsolete one on our way moving towards Who knows where
Conceived oppositionally, as the negation of everything bourgeois, Modernist freedom could
have dreamed completely new worlds within art. The term postmodernism referred to a
departure from both high Modernism and the neoavantgardes. In the absence of foundational
truths and values, that Modernity spurns, could any principle of solidarity be found?
Fragmentation subjectivism, anarchy, perpetual conflict and anomie seemed the inevitable
consequence of the breakdown of religious and philosophical certitude.
In a specific way, postmodernism extended the anarchistic attacks against humanist
foundations, against the existing order and against the explicit quest for a true pluralism. It
celebrated heterogeneity; it revived earliest visions of a unified world and undermined
monoliths wherever they were. Due to the overwhelming number of modernist style models,
there have been as many forms of postmodernism as there had been high modernisms in place.
Postmodernism was thus progressively moving towards relativism. In the idioms of various
arts, postmodern pluralism occasionally labeled as eclecticism took shape by virtue of its
own law, which was specifically the apocalyptic belief that anything goes, the fatalistic
modernist belief that nothing works, turned upside down.
Under the circumstances, the either genuine or phony claim of pristine invention was
irreversibly lost. Postmodernity rendered legitimate the return to any former method, any former
status, any former technique or manner as a simple prerequisite. Any already existing formula
in the cultural repertoire could be promoted and brought back onto the scene. Postmodernism
shrewdly played the card of memory. Cultural successorship the creator as an heir of the
already created was granted value and became one of the few artistic norms still observed.
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Yet, as far as literature was concerned, there were at least a few features to be found that
could conveniently converge under the postmodern sky. Among them, tolerance and the drive
towards compromise in the aesthetic area. After having contended for the territory of fiction
ever since Cervantes, the socalled two GreatTraditions eventually managed to coexist and
even to cooperate, both theoretically and practically. One is the allegedly mimetic reference
to the world and the other open selfreflection.
The unprecedented diversity of recipes is also worth mentioning. It allowed for the thriller
to coexist with the speculative essay; the autobiography with the historical document and the
bookish fantasy; kitsch neosentimentalism with metafiction etc. The era of postmodern sign
also marked the revival of story telling and of imagination, hence the strong impact of fantasy
not only on the public but especially on the pontiffs of theory. In this particular respect,
postmodern literary practice failed to produce the appropriate analytic instruments for
specialized, professional reading. Its theoretic effort towards generalization or towards specific
analysis, interpretation and evaluation was doomed to failure.
On a speculative level, post modernity had been perceived as a postmetaphysical and
definitely as a panlinguistic age. Therefore, postmodernism is hardly conceivable without
continental poststructuralism Derrida, Barthes, Foucault and so on. By its strategies of
reading that have become lumped together under the term deconstruction postmodernism
demonstrated that texts always contain the very elements that they most wish to deny possessing
(Foster, Hal, 1983, XXVI).
The very core of the American deconstruction was its rich stock of implicit or explicit
hypotheses on language and on linguistic practice. By the time when deconstruction took to
central American stage as a newborn star, Richard Rorty whom Harold Bloom used to identify
as the most interesting living American philosopher was being engaged in a personal
campaign of subversion, targeting the alleged foundationalism of the occidental epistemology.
That is not to mention his emphatic obsession, especially during the eighties, with the strong
acting potential of language and even with its unavoidable privatization if we may say so.
In his turn, John R. Searle was probably the bestarticulated commentator and the most
formidable overseas interlocutor of Jacques Derrida. In a wellknown series of polemic
exchanges with Searle, the French philosopher, in obvious selfdefense, retorted that he had
been misunderstood and even misread, careful at the same time to avoid any hint as to any
more appropriate interpretation of his allegations.
The import of the derridean hypotheses on the American shore, via the harbor of Baltimore
and from there directly into the departments of French and English, without passing through
the customs of the American philosophy, was harshly questioned by Searle. The Berkeley
professor of the philosophy of mind and language targeted especially Derridas quasitotal
ignorance by of the modern philosophy of language, beginning with Frege, followed by Russell,
Wittgenstein, Carnap, Tarski or Quine (Searle, John R. 1995).
Although he insisted on conducting an assault on both the linguistic and the philosophical
presuppositions of the socalled occidental logocentrism, Derrida remains, no less than
Husserl himself a prewittgensteinian philosopher. Therefore the rather traditionalist guru of
deconstruction could only claim the title of absolute innovator in the area of the obscure and
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of control over its powers but, as Berman puts it the Archetype of a century of modernist
manifestos and movements the first modernist work of art (Berman, Marshall, 1982, 89).
The New order and the New Man who was supposed to bring it about were to be followed
by a New Literature as well. A literature which succeeded in getting rid of all its traditions
and should search for new standards, new canons, new criteria, new genres and forms, new
themes and new styles of expression. The renewal of realism was also included in this overall
remodeling plan: socialist realism was born as a result and what it had in common with the
former vanguards were the nonconformist antibourgeois radical options.
In Romania, for instance, efforts to recapture the vanguards tradition from between the
wars were evident for a short period of a socalled thaw between 1965 and 1971 the year
when Ceauescu launched his Cultural Revolution la chinoise. It was in this context that
the postmodern theme emerged in the Romanian intellectual milieus of the early eighties. The
youngest writers of the eighties the textualist generation, who had had taken advantage
of the conjunction between French textualism and some western leftist, even Maoist
ideologies started to claim in retrospect by the end of the decade, a postmodern drive. Their
debut as postmodernists was an articulated effort to recapture and revamp whatever was worth
resuscitating in an alleged forerunner of local postmodernism. This was the beginning of an
interesting game between the writers and the ruling power and its censorship. Eventually they
were stigmatized as proAmerican, decadent, cosmopolitan, bourgeois, western mercenaries.
Simultaneously postmodernism became a fetish and succeeded in establishing strong links
between literature and the other arts and cultural areas such as architecture or urban studies.
Some EastCentral European countries, especially in the last decade before the fall of
communism, witnessed the spectacular advent of a nominalist brand of postmodernism: an
emphatically theoretical program with little or no empirical application in literary production.
This was related to the attitudes towards Postmodernism adopted by Western versus Eastern
leftist ideologues. It was in fact the reluctance of postmodern attitudes, options, rhetoric to
adopt any of the prevailing Great Narratives that communist totalitarianism (especially in its
most radical form in Romania) perceived as the greatest threat.
Despite the obvious lack of substance of postmodern literary production, the East European
advocates of postmodernism instrumentalized it into an implicit retort to the communist agenda.
The writers tried to question at least on a theoretical level the myth of the unique valid
ideology, the worshipping of Marxism as the only coherent explanatory theory and as the true
representative of contemporary humanism.
After December 89, in Romania the recaptured will to synchronize with the West gave
Romania postmodernism certain impetus. The visible result was a sort of carnivalization of
postmodernism as it acquired a somewhat vulgar appeal. It was in the early nineties that
postmodernism became the synonym of everything good, enjoyable and holding favorable
overall connotations. Students of humanities and social sciences paid little attention to any
course, which did not feature in its title the passepartout notion.
On a purely theoretical level, the imitation of feminist, postcolonialist, and multiculturalist
discourses helped to keep the postmodern obsession alive, in a two way relationship of mutual
lending and borrowing of fancy concepts. Similarly, the creative practices of the youngest
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generation of writers betrayed the early symptoms of the foretold death of postmodernism,
whose twilight was drawing near with the end of the century and of the millennium.
No name has been found yet for the innovative practices that called themselves symptoms
of a new sensibility, allegedly nourished by the innovations in media and communication
technology. Recent manifestos of this generation claim that the forthcoming literature will send
the vegetable garden metaphysics along with the inconsistent fantasies of urban modernism
and especially the emphatically selfreflexive postmodern tradition of the 80s straight into
the rubbish bin of history.
Postmodernism has been, above all, a particular way of seeing, which resided on our contact
lenses we see everything through for a while. Its only touchable manifestation is to be found
in the very studies on postmodernity. Has our way of see changed of late?
Some tell tales facts encourage us to be acquiescent, mainly as a response to what appear
to be new challenges, some of which are in fact new faces of the resurrected eternal dilemmas
of literariness and of culture as a whole. At least the cultural output of the new media the
socalled mediagenic reality, the cyberspace, the virtual reality, and the hypertext
seems in bad need of appropriate analytic categories. A possible and desirable adjustment of
the good old postmodern concepts was attempted but it didnt work. (Ryan MarieLaure, 1999).
Some of the venerable gurus of deconstruction tried very hard to become the early
prophets of the specific type of culture manufactured by the new media. Up to a certain point,
the development of the socalled electronic writing was mistakenly considered a consequence
and an illustration of the earlier hypotheses of Jacques Derrida and of Jean Baudrillard,
regarding textuality, representation and the media. Nowadays and from a theoretically rigorous
perspective, such attempts are as disputable as they are risky.
One branch of late poststructuralism was making great and constant efforts to keep up with
the pace of the boom of computer based intellectual production. In this context, particularly
Derrida and Baudrillard are publically selfappointed theorists of the new technologies. The
abusive way in which Baudrillard assimilates VR (the Virtual Reality) as a hypostasis of the
hyperreality is becoming increasingly obvious. Starting with his book America (1986) the
French theorist describes television and themeparks such as Disneyland as ideal types of a
distopic nonreality or of a third degree imaginated reality, a view which remains highly
questionable. By the same token, Derrida redefines the category of virtuality for his own use
especially in his various commentz on spectral realities or on hallucinatory substance of some
political representations, in a manner than could and it did stirr the sarcastic reactions of
some professionnals specializing in the area.
Even the above cursory remarks on the situation warn us against the risky equivalences
between virtual reality (VR), on the one hand, and the spatial dimension of the visual reality,
on the other. The most dangerous temptation is the inference of axiomatic affinities between
electronic writing and the postmodern aesthetics. Alternatively, to put it differently, most
dangerous is the hypothesis of a direct relation between the postmodern theories and the
electronic textuality.
I must confess it is appealing to approach literature in the framework of dichotomies such
as linearity versus spatiality; the text as an experience of profoundness versus the text as an
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experience of surface; hermeneutic depth versus surfing, the hierarchical versus the free
structure of the text, order versus chaos, continuity versus fragmentation and so on. The next
step is to proclaim the equivalence of every second element of the oppositions above as
converging symptoms of postmodernity and of the electronic textuality.
Unfortunately on closer scrutiny the presupposition that the borderline between modernity
and the printed text, on the one side, and postmodernity and electronic textualism, on the other
passes in between these two antinomic series is as inaccurate as it is deceptive no more, in
fact than a mere fallacy. As a matter of fact, the new means of communication are playing
on both teams and, when examined from this point of view they appear to be complementary.
At this point a Chicken or the Egg question becomes unavoidable: Are the new concepts
generated by the new technologies best fitted to the preexisting postmodern literature? Or is
it the other way around is this type of literature stimulated especially by the devices of modern
technology as the novels of Thomas Pynchon or of Don DeLlilo in particular seem to suggest?
Talking about Avantsensibility, Mediascape, Mediagenic Reality, Information
Superhighway we have to bear in mind that every time new faces of very old dilemas of
language and literature reemerge automatically. (Landlow, George, P. Delaney , Paul, 1993).
The very concept of virtuality provides a case in point. Its destiny bears the mark of an
old manicheism, whose roots descend towards the scholasticoaristotelian bynome in actu
versus in potentia , both present in the two faces of the reputedly postmodern virtual space:
on the one hand the counterfeit (the product of to fake) and on the other the simulacrum,
the illusion, the specular reflection, the endless generation (the product of to make).
Another slipery concept tentatively appropriated by postmodernism, Cyberspace, had a
spectacular carrier in the most unexpected cultural areas strating with art theories and finishing
with advertising or with the columnist discourses. Very few really know that we are dealing
with a mere epistemological metaphor coined by the writer William Gibson in the early eighties,
in a famous paragraph of 33 words, placed on the 3rd page of the first novel of the trilogy that
includes Neuromancer (Gibson, William, 1984), Count zero (Gibson,William,1986) and Mona
Lisa Overdrive (Gibson, William, 1988). Later on in a famous and often quoted public statement
the novelist himself made a revealing remark concerning the spatial substance at which his
concept was pointing: There is no there, there. Free of any cultural tradition the empty
recipient of this concept has since the very beginning functioned as a pure virtuality or as a
dream catalyst. In fact, almost the completely terminological bunch that has its sources in
Gibsons book has a rich ludic dimension. Its potential is to highlight the hidden theatrality
of the world produced by the computers, playing on the double meaning of the word
performance.
According to one of the leading figures of the AvantPop, an alleged successor of
postmodernism:
Most of the early practitioners of Postmodernism, who came into active adult
consciousness in the fifties, sixties and early seventies, tried desperately to keep themselves
away from the forefront of the newly powerful Mediagenic Reality that was rapidly
becoming the place where most of our social exchange was taking place. Postmodernism found
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it overtaken by the popular media engine that eventually killed it and from its remains,
AvantPop is now born. (America. Mark, Lance Olsen. 1995, 11).
As a matter of fact, the effort to identify new patterns of significance in the electronic
literature called by some postmodern can be seen as the last episode of a quest as old
as European culture itself. During its different ages, the European culture asigned the mission
of symbolizing the ideal Model of the wholeness to one type of cultural product after another.
In the Middle Ages it was The Cathedral; during the Enlightenment it was the Encyclopedia;
for modernity it was the Book of Mallarm and may be the novel of Proust, in itself a verbal
cathedral, as the author himself seemed to suggest in his essays on John Ruskin; for
Postmodernity it was the Endless utopian intertextuality where even the tyniest part reflects
the structure of the whole.
This kind of endless textuality requires a theoretically unlimited interpretation and
postmodernity abused of this concept in every possible respect., especially due to its devices
of mere reading. In the early nineties, this type of abuse is identified by Eco as overinterpretation and closely questioned in his public and published dialogues with Jonathan Culler,
Richard Rorty and Christine BrookRose.
According to Stefan Collini, the editor of Eco exchanges with the abovementioned
theorists, he thus expressed his protest against what he sees as the perverse appropriation of
the idea of unlimited semiosis (Eco, Umberto, 1992, 8).
The necessity of setting axiomatic limits whether they be communitarian, historic or
both is by no means new especially not after the appearance of readeroriented interpretation
theories and their variants, including that of the Konstanz School. The leader of the latter, Hans
Robert Jauss was relying strongly on a certain amount of authority of interpretive communities,
which postmodernity has regarded with reluctance as oppressive instances. How can Eco
succeed in riding his boat between Scylla and Charybda?
His first move was to challenge the allegedly postmodern anthem Everything goes!
I have however decided that is possible to establish some limits beyond which it is possible
to say that a given interpretation is a bad and farfetched one. As a criterion, my quasi Popperian
structure is perhaps too weak, but is sufficient in order to recognize that it is not true that
everything goes. (Eco, Umberto, 1992, 144)
Ecos next step is to prove that there are several degrees of acceptability of interpretations
(Eco, Umberto, 1992, 149), although, as a rule, people are using texts for implementing the
most daring deconstructions.
Where do these degrees of acceptability come from? Howe do these criteria of evaluation
work and are the interpretive communities implicitly following their guidelines?
A global and convenient answer is that we should put ourselves in the shoes of all previous
interpreters; this is because every new interpretation automatically challenges any previous
interpretation. Consequently, we are left to adopt the standpoint of the history of the texts
interpretations.
It is this history that provides us with the required degrees of certainty and uncertainty,
some of them deeply rooted in a philological ground. There is a strong degree of certainty that
Homer wrote before Dante. Based on this collective certainty Eco can argue that the Homeric
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texts were produced before the Divine Comedy and that it is difficult to interpret them as the
intended allegory of the Passion of Christ. (Eco, Umberto, 1992, 150)
This suspicion towards the reputed infinity of free, deconstructionistlike interpretation is
only one of the symptoms of an ongoing syndrome of over saturation. As always the flexible
and versatile Eco is in vanguard and, this time, the vanguard is pastpostmodernist .
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CRISTIAN MORARU
En partant de certaines opinions des plus pessimistes et, en rgle gnrale, les moins bien
informes sur le rle de la technologie dans la vie de nos corps et de nos esprits, cet essai
explique, arguments lappui, dabord que, moins naturelle que lon ne le croit, la corporalit
humaine possde une forte dimension technoculturelle, ensuite que le postmodernisme change
considrablement la prsence de lartificiel dans nos corps. Je suggre, par la suite, que nous
devrions considrer le postmodernisme comme un stade politicoculturel la faveur duquel
lhumanit met compltement nu sa posthumanit. ce point, ce qui devient dune vidence
criante cest une comprhension postrationnelle de la dynamique espritcorps. Suivant cette
dynamique, le corps, nouveau producteur de discours, nest plus la Cendrillon de la raison.
Il en rsulte que la posthumanit est reprsente par le corps humain dans son ge
postorganique, postinstrumental et postrationnel.
Keywords: corporeality, postmodernism, posthumanism, techonology
I: After Prosthesis
My title, if not my argument itself, is indebted to Kathy Ackers 1997 essay collection
Bodies of Work and more generally to the postmodern corporeal philosophy and discursive
practice Acker championed throughout her career. To some, Acker is no more than a gratuitous
pornographer, a silly bricoleuse at most. Others seize her as an outspoken renegade, a rebel
with a timely cause experimenting provocatively both with form and hotbutton content and
making writing and politics again synonymous. In Acker and countless other writers, artists,
activists, and critics in the wake of postmodernism, what warrants this synonymy is
discourses grounding in the body yet not in the traditional sense that the body is simply an
instrument, a tool of reason or of the imagination and otherwise the minds docile prosthesis.
The body is no longer to mind what, in Derridas account, writing is to speech or voice. The
body becomes now the very site of reflection, embodied thought. It bears witness, cries out,
is eloquent; it thinks, dreams, invents, produces discourse, hence it challenges the dominion
of rationality. Thus, the past two decades or so have witnessed a spectacular and characteristic
return of the body in the humanities. This return can be determined as a postmodern turn
insofar as it calls into question one of the basic premises of modernity, namely, the Cartesian
definition of subjectivity and, embedded in it, rationality as undisputed mark of humanity.
Relentlessly queried throughout modernity, this premise nevertheless solidifies, takes center
stage after Hegel, and is virtually institutionalized by the rationalism and positivism of the late
19th century. It is not until the 1960s that, by and large, the critique of this assumption becomes
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radical and systematic enough, hence symptomatic of a new representation of body, mind,
and human. If the last in this series had been posited as a testimony to the rule of the second
(mindmind or spirit, as reason) over the first, new bodily claims, models, and practices put
forth a new meaning of corporality and by the same token call for a posthuman retoolingand
revaluingof the body. This means that the post in postmodernism and posthumanism is
the same.
This also means that the body comes not just comes back after the human, complicating
our historical and conceptual narratives, as all posts do when they mess with their pasts.
It is precisely what cultural and material studies practitioners try to wrap their minds around
when they point to the return of the repressed in the arts, popular culture, technology, the media,
and across all sorts of disciplines. They realize, in other words, that this return forces us to
rethink our humanity and how we have imagined it historically. In so doing, they fuel the
expanding discourse of posthumanism the new, interrogative, fundamentally dubitative
discourse with the human as its problematic object. The advent of the body, the new awareness,
resurgence, and celebration of the body in material and political contexts shaped by identity
parameters such as sex, gender, race, ethnicity, dis/ability, and so forth get the human in trouble,
or trouble it deliberately rather, with respect to the postCartesian method. Which is why human
identity traditionally conceived is in trouble these days. And so are the humanities themselves,
cultural studies argue, because the humanities do not put out reliable knowledge anymore, do
not manage to describe mankind credibly. Whatever they may still be discoursing on, we are
told, hardly recovers or name a truth, origin, or presence. According to Derrida again,
the very name of the human [lhomme] the humans representations, worldviews (Weltanschauungen), the human sciences altogetheris the name of that being which . . . has nursed
the illusion [rve] of full presence, of a reassuring foundation, origin, and finite play (1979,
427). Tirelessly puncturing this ontotheological pipedream, Derrida struggles to figure out
how we might move beyond the human; indeed, how to account for a move that has already
taken place; how to conceptualize the posthuman, in other wordsand quite literally in other
words, that is, in new terms, which might help us deal with, if not swerve around, older traps.
For what plays out in the return of the body in theory no less than in the culture this theory
draws fromis a posthuman becoming of the human.
This becoming is an increasingly defining concern not just for Derrida. In fields as diverse
as philosophy, political science, theology, information technology, robotics, medicine,
critical theory, aesthetics, and literary studies, this endeavor has involved rethinking the human
and humanity, and by the same token modernitysand modernisms legacy broadly speaking.
Core categories of the universalist narrative of the Enlightenment and therefore, as Donna
Haraway points out in her Manifesto for Cyborgs, prime modernist figures (86), the human,
humanism, humanity, and the humanities are now undergoing deepreaching reassessments
and displacements as a result of the abovementioned return of the body. Unavoidable as they
may be, such changes need to be addressed critically, for posthuman physicality, sexuality,
and sociality, their politics, genealogies, historical formations, and present reformations are
anything but predictable.
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of posthuman representations, cannot but renegotiate the interplay and hierarchies of reason
and flesh, spirit and materiality, naturalness the reasongoverned body as given, made
once for ever and going through organic growth and constructedness the body as material
object shaped by competing discursive forces, the body as subjectivity, the human as subject.
For the sake of terminological clarity, now, I offer at this point a distinction between
posthuman and posthumanist. Where physical metamorphoses and generally speaking
physicality are at issue; where these changes affect primarily, if not exclusively, the human
body, deforming it, dehumanizing and stripping it of the expected human features, rendering
it monstrous or inhuman, excessively organic (biological) or insufficiently, partly so
(cyborglike), I propose that we witness a posthuman becoming. But where critics try to get
a handle on this process by theorizing posthuman developments and debating their
implications in and for the human sciences; where, relatedly, they run up against the limits
of classical humanism in defining the human and its posthuman mutations, and in response
critique the culturalphilosophical, humanist roles the human has played as a rational entity
in the West; where, lastly, this critique lays bare the unexamined, universalist albeit
Eurocentric and masculinist assumptions underpinning the human subject, I deem posthumanist
a better choice. Further, the posthuman is depicted chiefly in the arts, supplying regularly raw
material to fictional discourse; the posthumanist is a matter of metadiscourse instead, a topic
chiefly for critics, philosophers, and scientists working toward a revisionist rethinking of the
human, via the body, outside the humanist box. Otherwise, the dichotomy is fairly
undependable. Bodily changes bear upon the mind, too, upon the rational subject capable of
reflection. Nor does thoughtthe thought of the posthuman includedoccur solely in scientific
or philosophicalspeculative form. After all, postmodernism merges language and
metalanguage, reflection and selfreflection.
One more time, the aforementioned posthuman shifts and renegotiations belong to a process
already in place. Yet the process has accelerated of late, has become impossible to ignore.
Arguably, the postmodern is the metadiscourse where this posthumanist reflection or
realization obtains, as well as that which, within the contemporary, provides the instruments
the corporeal tropes, themes, vocabularies for the discursive production, for a picture of the
posthuman, so much so that, as I say above, for some critics the post in postmodernism and
posthumanism is the same.
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racially, and otherwise relentlessly inscribed and reinscribed into them, written and rewritten
into being what they are. Further, culture at large is more and more turning into an interfac[e]
between bodies and technologies (Hayles 1993b, 165). The technological is a posthumanizing
agent in that it has been reworking the human in its various, eccentric embodiments, which
often, if not always, lead up to an entire phenomenology of corporeal disruption and
manipulative reincorporation. This not just a cyberpunkstyle reincorporation fantasy but
already reality, perhaps not the reality of Deleuze and Guattaris bodies without organs
not yet but already the reality of technologysaturated bodies, bodies that are no longer
prostheses and tools yet full of prostheses, implants, inorganic fluids, devices, and mechanical
parts, so much so that, as William Gibson proposes, the natural, original body, the
humaninthe-body, is more and more something of a vague memory, a residue, an
anachronism.
Thomas Pynchon, too, figures the human as a cultural space eroding the binaries of inert
and alive, static and mobile, material and intellectual, physical and nonphysical, natural and
artificial, biological and inorganic. Gravitys Rainbow, for instance, shows off staggering
combinatory capability, foregrounding what Donna Haraway has identified as leaky
distinctions. While the modern age was obsessed with the specter of the ghost in the
machine, in postmodern culture, Haraway maintains, machines encroach upon the realm of
the spirit (1990, 193) only to render the latter a mechanism, scheme, artifact, material
construction with a cultural history behind it. Even though Pynchons characters are not cyborgs
like Philip K. Dicks (a poorman Pynchon, a critic calls him) or Gibsons, they feature a
similar structure. Mechanical components and instruments are built into peoples brains,
undermining human organicity, the site of the spiritual, and along with it the notions of
reason, mind, individual autonomy, and agency: Inside their brains they shared an old, old
electrodecorvariable capacitors of glass, kerosene for a dielectric, brass plates and ebonite
covers, Zeiss galvanometers with thousands of finethreaded adjusting screws, Siemens
milliammeters set on slate surfaces, terminals designated by Roman numerals, Standard Ohms
of magnese wire in oil, the old Glcher Thermosule that operated on heating gas, put out 4
volts, nickel and antimony, asbestos funnels on top, mica tubing (Pynchon 1973, 518). Thus,
the novel unearths a frail, heterogeneous structure of the subject, of a fragmented subject
colonized and practically displaced by technology, by the fruits of its own runaway
rationality, as Anthony Giddens would say. While the human body is relegated to the status
of hardware, techne, in the modern, perverted sense Heidegger takes aim at, stands for
the actual subject, enjoys a vitality of its own (Pynchon 1973, 401), unnoticed by the
managers and plutocrats who still nourish the illusion of controlling [le] technologique (401).
Ironically, it is an inanimate object like Byron the bulb that boasts of having a soul, and
Pynchon plays here upon the complex meaning of the German Seele, the Hegelian counterpart
of Geist. He underlines a process that postmodernism has been keen to underscore:
technology posthumanizes the human, uncovers its culturalintertextual makeup, which, as
I note above, has been there since day one. For, to be sure, technology has always been
embedded in the structure of the self, inlaid and reproduced in the structure of our bodies. As
objects of technology, we take it in, so to speak, we become already are it. We have never
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been modern, Bruno Latour proclaims in the title of one of his books. To paraphrase him,
one could say, We have never been human and Slavoj _i_ek has said it in On Belief, where
he urges us that One should claim that humanity as such ALWAYS ALREADY WAS
posthuman (44). It appears that we have always been impure, material, constructed,
in brief, bodies, bodies of works (texts, representations, scripts and inscriptions), and bodies
at work, through which we have been projecting a world, to quote Pynchon again. On the
other hand, the advent of the posthuman does not eradicate the human subject. Nor is the
latter killed off by the poststructuralist logic warranting this advent: the human subject (and
the subject of humanism) is instead decentered, and its formerly unexamined agency is
questioned (Spivak 1999, 323).
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pain and enjoyment, ability and disability, stigma and beauty, disease and health, then,
especially with French feminism, the reinvention of the body as an authorizing place of
resistance and antipatriarchal selfempowerment have impacted politics most forcefully, in
fact have given birth to another political body, to unforeseen sodalities and alliances. It all
started with the issue of representation: with body as representation, with concerns about how
certain bodies have been imagined historically, from what perspectives, to whose benefit, and
so forth. Then all these aesthetic issues, concerns, and claims spilled over into politics
proper, into how we wanted our bodies to be seen, spoken of, referred to, and otherwise treated,
either in public or private. Thus, written all over by history and culture, the bodies of
postmodernity have reinscribed themselves into the body politic with a vengeance and hold
out the promise to rewrite history and culture.
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Apter, Emily. 2001a. The Human and the Humanities. October 96 (Spring): 7185.
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Zizek, Slavoj. 2001. On Belief. London and New York: Routledge.
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Cet ouvrage se donne pour but dexplorer deux moments faudraitil dire plutt deux
tendances? dans la littrature roumaine contemporaine: dune part la fiction postmoderniste
des annes 8090 (en nous centrant sur leurs rebondissements ultrieurs), dautre part, la
tournure narrative qui se manifeste depuis 2000. Le point central de notre argumentation est
le suivant: la fiction postmoderniste ne fait que continuer la littrature moderniste antrieure
dans ce quelle a comme prmices majeures alors que la tournure narrative installe dans la
dernire dcennie entrane un dplacement significatif de lattention vers un complexe diffrent
dintrts, valeurs et stratgies.
Keywords: modernism, postmodernism, Romanian literature, representation, narrativity/
narration, antimimesis
In the good old tradition of New Historicism, I would like to begin with a short biographicallyflavored account of my encounter with literary postmodernism and the subsequent
relationship we established, which eventually proved to be rather troubled. While this account
is by no means interesting or humorous, it may in turn shed a proper light on the standpoint
to be detailed further on, and it goes like this:
Some ten years ago, when the postmodernismrelated debate was still topical in Romanian
academe, as well as in cultural magazines, and was getting ready to creep out of the highbrow
institutions only to reemerge sur le parvis, I succumbed to the temptation of considering it a
breaking off with modernitys major premises. Such a fact was undoubtedly due to the
postmodern rejection of what had come to be seen as modern literatures major claim: its
allinclusive tentative representation of a multilayered, secretly symbolic world, together with
the consciousness (or self)based correspondence between its numerous strata. This totalizing
ambition, whose discursive shape is either the theoretical grand narrative or the joycean
allround fiction, rapidly became the focal point of the postmodern challenge.
But, however substantial it may seem, the postmodern challenge is but a mere effet de
discours. Or, to put it differently, the practice bullies once again what the ideology struggles
to defend. At a first glance, as it had been repeatedly pointed out during the lengthy discussions
devoted to the relationship between modernism and postmodernism, the formers
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This would probably make an interesting subject for fiction, but reality is far less dramatic.
In Romania just as anywhere else postmodern fiction is still produced on a wide enough scale;
postmodernismrelated issues still cause heated debates; literary canons are redefined; the
criteria of inclusion/exclusion are revaluated. At the same time, while both newcomers and
wellestablished writers continue to explore the artistic potential of postmodernism, the seismic
change I mentioned above does not leave Romanian literary field unaffected.
Although it is still too early to pinpoint the nature of this change, some recent novels e.g.
Filip and Matei Florians Side Street Boys, T.O. Bobes My Summer Holiday and Rzvan
Rdulescus Teodosie the Lesser could give a pretty fair idea of the direction it will
probably take.
One of the favored reference points when it comes to approximate the change such works
bring about is, of course, the generation of the eighties, whose poetics is central in most
theoretical accounts of Romanian postmodernism to the point that a significant broadening
of the definition so that it accommodate writers outside the group itself and use a more relaxed
timeframe became widely noticeable no sooner than the late nineties.1 Various criteria were
used for the construction of the said definition, ranging from the sheer inventorying of the
stylistic features typical of postmodern writings to a more ambitious, ontological
characterization focused on the condition of liminality2 embedded in them. But, diverse as
they may be, all these definitions amount to acknowledging that
[p]racticing a selfstyled textualist engineering, blending intertextual games with a
zest for live broadcasts of unmediated reality, and deliberately blurring the
borderline between fiction and fact, the representatives of the Generation of the Eighties
(that I will subsequently refer to as G80) have earned critical acclaim as the first
practitioners of postmodern writing in Romania (Ooiu: 87).
As one may easily notice from Ooius brief summing up of the specific tenets of Romanian
hardcore postmodernism, this kind of writing is far from being postrealist or antimimetic
as postmodernism at large was oftentimes described3. Although I agree, as I have already
mentioned above, that the understanding of reality underlying the notion of realism differs
greatly from earlier acceptations, it seems to me that the problem of representation epochal
for the long modernity as a whole maintains its prominent position, just as the awareness
of language the second feature I posited as typical of modern literature does. While it is
obvious that the term antimimetic is meant to point out at the shift in literary consciousness
from literatures alleged function of mirror or reflection of reality to a fictional reenactment of the various ways reality is in fact constructed, I daresay that using it in relation to
postmodern literature is both hasty and misleading. In my view, a properly antimimetic
literary work would be one that utterly abandons the concern for representation, and not merely
change its object and devices. Or, to put it differently, as long as reality (and its relationship
with literary fiction) is problematized, it will remain a problem.
Against the current train of thought, then, Id like to point out that if an instance of
antimimesis is anywhere to be found, it is not postmodernism, but its aftermath that should
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be labeled as such. That the new literary paradigm which is about to emerge moves towards
what I would call the educated autonomy of fiction, in the sense that its practitioners are
no longer interested in twisting, turning, negotiating and testing the limits of literatures
relationship with reality. Need is to point out that such an attitude is far from being a return
to the selfreferential, selfsufficient understanding of fiction specific for a certain stage in the
evolution of modern literature. What makes such an attitude possible is not the belief that
literature can do very well without a referential support and does not need to be grounded in
real life, since its true nature is that of a gratuitous language game. On the contrary, the
postmodern lesson resulted in a keen and sometimes bitterly received awareness that such
a connection is always at work, much as wed like to ignore and discard it. Once this becomes
an accepted fact, reality can eventually be ranged among the various materials of fiction, without
further ado about this conflation.
Contemporary literatures gradual distancing from the problem of representation
(post)modern fiction deals with under the guise of the dilemmatic nature of the wor(l)d is
thoroughly observed by another postmodern champion, John Barth:
[A]lthough most of the leading practitioners of what is called Postmodernist fiction are
by no means finished yet with their careers [] and may feel themselves to be still in
the process of exploring the style [] it cannot be doubted that the pendulum swung
in the 1980s from the overtly selfconscious, processandhistory conscious and often
fabulistic work of Barthelme [], Gass, Pynchon [], Barth & Co toward that early
Hemingwayish minimalist neorealism (in Ziegler: 184),
who, for lack of a better term, uses neorealism as an equivalent for traditional
fictionwriting. It is highly significant that Barth empanels Hemingways early works as a
ground for comparison, since the most striking feature of, say, the shortstories is not the
portrayal of Marlboro mans American way of life, but the pleasure the writer finds in the very
act of storytelling, that is of waving into his text whatever materials he happens to come upon.
Hemingway does no fret over realitys elusive nature, and he cannot be bothered to deconstruct
his characters worldview. His chief interest is to write a story, and if he uses real places or
historical facts for his emplotment thats because they come in handy. His approach to reality
is not problematizing, but pragmatic, and together with the rejection of textual experimentation
this is precisely what accounts for the innovative quality of the new literary wave.
On the Romanian literary scene, this change has already been heralded by the works of
the young writers in the Ego. Proz series Polirom Publishing House started to campaign for
a few years ago. In my opinion, they serve as a turning point between postmodernism and its
aftermath, and due to their transitional nature they can hardly be grasped as a whole, as proved
by their resistance to fall under a generational model or any other traditionallyconstructed
classification. However, we can identify in these writings several common features, some which
pertaining to the postmodern legacy, others paving the ground for a new kind of literary practice.
The mimetic concern is still visible in the subdued form of the autofictional writing, a
subgenre which investigates the process of selffashioning through/in writing by means of
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narrating personal, often intimate experiences from an overtly subjective perspective. The main
focus of novels such as Ionu Chivas 69, Drago Bucurencis RealK, Ion Manolescus Skidding,
Cecilia tefnescus Love Sick or Cezar PaulBdescus Luminia, Mon Amour is the capacity
of fiction to absorb/distort/deliver autobiographical information, and this interest for the changes
undergone by real facts as they are translated into writing bears a strong resemblance to earlier
postmodern work by, say, Simona Popescu or Mircea Crtrescu. Unlike them, Filip and Matei
Florians Side Street Boys, a novel with a very strong autobiographical core, does not tackle
representational issues, neither does it abandon itself to literary experimentalism. This
doublevoiced narration of childhood memories from 1980s Communist Romania carefully
avoids any political or literary stake for the sake of telling a story, and if the authors make
full use of the most refined discursive techniques, it is quite obvious their role is merely
instrumental. Given the subject and the double authorship with everything it entails at a narrative
level one would probably expect clever considerations about the persistence of the past into
the present, deft exploitations of the ambiguous relationship between history and fiction and
spectacular dialogic effects and indeed there are such things in Side Street Boys, except that
the authors make it very clear from the very beginning such elements are only coincidental,
and not a goal in themselves. If there is something they are entirely devoted to, this is le plaisir
du texte a pleasure which, unlike the kind theorized by Roland Barthes, proceeds not from
the reading, but from the writing itself.
At this point, it is worthwhile to linger a bit over a matter of historical contextualization.
As I have mentioned at an earlier stage of the argument, the possibility that literary
postmodernism had exhausted its potential for innovation and the realization that new modes
of expression were about to emerge came to the fore during the late eighties. This global shift
of paradigm, together with the regionspecific political and cultural changes in the countries
of the former Soviet block, led to the superposition of three distinct literary ages: the
postmodern, with its still strong impetus, the postCommunist, whose main concern is to explore
possible ways of dealing with the past in, and by means of, literary practices, and the
antimimetic, which waves a spectacular farewell to its representationandsentencefocused
counterparts. And since all three models inventoried above are (still) able to generate notable
works, significant examples of literary mestizaje are very likely to occur.
The transitional Ego. Proz writings also share another important feature: their metafictional/intertextual character. Although constructed with an ironic detachment that
anticipates its instrumentalization in antimimetic literature, this cultural awareness
postmodernism held dear continues to be a focal point in the literature of the early 2000s. As
pointed out in relation to John Barths observation, this too will be discarded (although not
entirely) once the antimimetic literature takes to constructing its
fictive stories with traditional devices which demonstrate how vacuous the
deconstructive impulse in prose has become (Krasztev: 81)
A noteworthy statement of purpose in this respect is T.O. Bobes My Summer Holiday,
a novel with a classical chronological emplotment and for the most part devoid of
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sophisticated narrative devices, an option cleverly motivated by the writers use of the
convention of a ten years old child school composition. Just like the particular dialogism in
Side Street Boys, T.O. Bobes carefully controlled minimalism signals a return to the very roots
of storytelling, a penchant further documented by the favoring of the oral quality of language
over the textual consciousness of postmodern fiction.
The novel is set in the postCommunist transition period, but T.O. Bobe shares with the
Florian brothers the refusal to politicize the relationship between pre and post1989 worlds.
The legacy of the ancient regime is present as a background element that often filters through
to reach the main narrative, but no emphasis is placed on it, historical reality thus becoming
just one of the components that inform the period of transition.
How long it will take until this wind of change stabilizes into a new literary paradigm is
hard to say. What are the questions the emerging literary paradigm is going to ask and how
the writers belonging to it will construct their answers is still to be seen. But, as Pter Krasztev
argues when talking about a similar phenomenon in Hungarian literature,
certain is merely that they worked hard to cleanse literature of literariness, to bring
language closer to everyday life, and to smuggle back sentiment and a personal voice
in the content. Our readerly instincts, sharpened by postmodernism, find them
occasionally didactic and sentimental, and [it seems] generally disconcerting that shortly
after 1989 some fiction became once again uncoded and cathartic, but this, perhaps,
is due to the swinging of the pendulum (Krasztev: 81).
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NOTES
1
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asupra romanului romnesc postmodern (Piteti: Paralela 45, 1998); and Mihaela Ursa, Optzecismul i
promisiunile postmodernismului (Piteti: Paralela 45, 1999).
See: Adrian Ooiu, An Exercise in Fictional Liminality: the Postcolonial, the Postcommunist, and Romanias
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In his study, The Postcolonial and the Postmodern (in My Fathers House: Africa in the Philosophy of Culture,
New York: Princeton University Press, 1992, pp. 137155), Kwame Anthony Appiah argues that both
postcolonial and postmodern literature are postrealist, since realism was but another way of advocating dominant
discursive constructions, i.e. imperialism, nationalism and the like. In his view, postrealism is the token of a
decolonized literature, very much in the same vein with the rejection in the EastCentral European literature of
socialist realism. However, both his account and Ihab Hassans description of postmodernism as antimimetic
are misleading, since the reading of these terms is political, rather than literary.
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This study considers postmodernism as the moment of death yet, at the same time, of the
resurrection of art. The mythical model used is that of Orpheus, whose life and death constitute,
in equal measures, the evolution of art. Postmodernism marks a crisis of the creative act, a
ludic transition towards either nothingness i.e. as the arts irreversible death or even towards
a new classicism, perceived as the beginning of a new historical cycle.
Mots-cls: postmodernisme, la mort de lart, Orpheus, textualisme
Pendant deux dcennies, chez nous, bien quavec un dcalage de deux autres dcennies
par rapport lOccident, on a parl et crit normment sur le postmodernisme, le plus souvent
en jetant un coup doeil dans les livres de rfrence parus sur dautres mridiens (les
contributions autochtones ont commenc paratre rcemment et, parmi cellesci, la plus
substantielle cest Le postmodernisme roumain par Mircea Crtrescu) de faon que cest plutt
largot par lintermdiaire duquel il a paru au public largi le fait que les nouveaux venus veulent
se distinguer des anciens, donc pour ainsi dire par un terme excessivement employ, lui aussi
un nouveau paradigme de connaissance et de cration. Le postmodernisme est devenu
dominant parmi les autres directions, le transavantgardisme et le noexpressionnisme, dans
lesquelles se sont affirms les crivains de la gnration 80, comprenant au fait un nombre
restreint dcrivains identifis parmi les potes du Cnacle de Lundi (Mircea Crtrescu, Traian
T. Coovei, Florin Iaru, Alexandru Muina, Ion Stratan et al.) ou parmi les prosateurs du cenacle
Junimea de Bucureti (Mircea Nedelciu, Gheorghe Crciun, Gheorghe Iova et dautres),
auxquels on ajoute les devanciers crivains de la gnration antrieure, considrs
marginaux jusqu prsent: des grands potes comme Leonid Dimov et Mircea Ivnescu
ou les prosateurs de lEcole de Trgovite (Radu Petrescu, Mircea Horia Simionescu et
dautres). De nos jours, quand le postmodernisme est encore en vogue, bien que des pigones
et des contestataires ne fussent pas en retard apparatre, il existe plus que jamais le risque
que ce courant devienne, pareil au romantisme et au modernisme leurs poques, une sorte
de panace qui lie et dlie tout ce qui se passe dans lart contemporain. En fait, une fausse
monnaie, par laquelle beaucoup de graphomanes et les promoteurs dune souslittrature
prsents sur toutes les chanes de diffusion en masse essaient se lgitimer. tre postmoderne
nest pas un jugement de valeur, mais tout dabord une option dcrire confondue la recette
du succs dans un langage aussi lgitime que dautres langages contemporains qui manifestent
leur vitalit cratrice.
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fait qui correspond dans le mythe au dmembrement dOrphe par les Bacchantes. LHistoire
de lavantgarde reprsente un fleuve nocturne travers par le courant de lantiart, comme
une continue subversion par laquelle tout essai de constituer une tradition est usurp.
Lavantgarde artistique sest voulue non conventionnelle et, dans ce but, son radicalisme a
abouti jusqu llimination du mot comme hritage qui, comme le disait le dadaste Hugo
Ball, peut tre dtruit sans que le processus crateur en souffre. Il na qu gagner,
sembletil4. Mais lavantgarde a pris fin en silence, sans que ce silence signifie lunit
mystique du soi avec ltre, mais sa ngation, le nant. Ntaitelle pas arrive, par un autre
chemin, la posie pure moderniste de type Mallarm et Valry au mme rsultat?
Le modernisme au sens large du mot, par ses diffrentes faons de manifestations
historiques, de symbolisme lexpressionnisme, imagisme, surralisme, etc., en passant par
le futurisme et le dadasme, est en paraphrasant John Barth un art de lpuisement de ltre,
en finissant en silence/dans le nant. La mystique de loriginalit et de la puret artistique qui
dans lhistoire sest manifeste sous la forme des idologies extrmistes, en menant aux guerres
et aux rvolutions, lHolocauste et au Goulag, a baiss pendant la priode daprsguerre
la faveur dune convention base sur limpuret/clectisme, ouverture/familiarit, en obligeant
lart une plus lucide prise de responsabilit politique du message. Lexistence de lart est
mise de nouveau sous le signe de linterrogation. Le philosophe Theodor Adorno reformule
le verdict de Platon, en se demandant si lart est encore possible aprs Auschwitz. La mort
de lart pouvait tre dcrte au nom de lhumanit.
Mais lart a sa propre histoire. Audel de la simplification schmatique cidessus, on
dcouvre une structure rptable cycliquement par une sorte de dialectique interne,
conditionne ou non conditionne par les changements de lhistoire. Lart daprsguerre est
marqu par une attitude de reconsidration de la tradition. Lamicale visite du pass par laquelle
on lgitime le postmodernisme reprsente une tentative de renouvellement de la mmoire et
dveil de la nuit de lancienne structure de lart. Le postmodernisme cest la nouvelle aurore,
correspondant lancien cycle de la Renaissance. Il marque le dbut dune nouvelle boucle
de la spirale de lhistoire. Je massocie en ce sens John Barth qui, dans un article publi en
1980, repoussait linterprtation fautive de ses livres, La littrature de lpuisement (1967),
applique non au postmodernisme mais au modernisme, et La littrature du renouvellement
(1980), faisant rfrence au postmodernisme: Un surprenant nombre de gens ont compris que
jaffirmais que la littrature, au moins la fiction, est arrive la fin: que tout a t dj fait et
aux crivains contemporains il nest rest rien dautre que la prosodie et la pastiche des
prdcesseurs cest dire exactement ce que certains critiques dplorent comme tant le
postmodernisme5. Le nouveau cycle de lhistoire de lart, la postmodernit, est greff comme
la Renaissance a t conditionne par limprimerie sur les technologies actuelles de communication audiovisuelle, ralisant une synthse de ses formes traditionnelles et en ouvrant
de nouveaux horizons esthtiques et thiques, qui modifie la relation entre auteur et rcepteur, entre lacte de cration et celui de la rception. Au lieu de la gnialit nave de la
Renaissance; lacte de cration est prsid par lintelligence ludique de lartiste, en jouant
linfini avec les possibilits du langage et du texte, de sorte que luvre devienne une construction
virtuelle, ouverte, par une pratique souvent excessive de lintertextualit et de la parodie.
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ne sera identique au nant, marquant ainsi sa mort dfinitive par autodestruction, il est possible
comme raction envers la dissolution de la grande culture dans celle de masse un nouveau ordre
classique, rtablissant lquilibre entre le contenu et la forme, entre thique et esthtique, par
la rationalit du processus de mise en uvre de la ralit. De tels retours la norme ont dj
eu lieu dans lhistoire de lart. Il suffit de nous souvenir du classicisme du XVIIe sicle qui a
suivi au baroque ou au courant parnassien du XIXe sicle, comme raction noclassique envers
le romantisme.
Ces spculations lgard de la postmodernit nont pas, videment, la valeur dune
prophtie, mais dhypothses qui peuvent tre vrifies seulement en comparaison avec un
mythe de lart et avec un modle dpoque historique close, la modernit, hypothses que la
ralit peut confirmer ou infirmer. Mais avant dachever cet essai je me demande comme Ihab
Hassan dans la postface de 1982 de son livre Le dchirement dOrphe: Vers un concept de
postmodernisme: Produitton encore notre poque une mutation historique dcisive,
impliquant lart et la science, la grande culture et la culture populaire, le principe masculin
et celui fminin, la partie et le tout, ou bien, comme disaient les prsocratiques, lUnit et la
Multiplicit? Ou bien le dchirement dOrphe ne se prouve pas tre autre chose que
lexpression du besoin de lintellect humain de sexpliquer, laide dun modle mental de
plus, la fluctuation de la vie et la condition humaine passagre?10. Il serait possible quun
nouvel Orphe ne soit que lopration esthtique de lancien. Une chose semble pourtant tre
sre: la modernit est morte. Vive la postmodernit!
NOTES
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
G.W.F. Hegel, Prelegeri de estetic (traduit de lallemand par D. D. Roca) (fr. Esthtique), Ed. Academiei,
Bucureti, 1966, p. 17.
Ibidem, p. 87.
Friedrich Schiller, Despre poezia naiv i sentimental (fr. Sur la posie nave et sentimentale), in Scrieri estetice
(fr. Ecrits esthtiques), Ed. Univers, Bucureti, 1981.
Matei Clinescu, Conceptul modern de poezie (fr. Le concept moderne de posie), Bucureti, Eminescu, 1972,
p. 197.
John Barth, Literatura Rennoirii: Ficiunea postmodernist (fr. La Littrature du Renouvellement), in Caiete
critice, 12/ 1986, p.169.
Gianni Vattimo, Sfritul modernitii (traduit de litalien par tefania Mincu), (fr. La Fin de la modernit), Ed.
Pontica, Constana, 1993, p. 55.
Mircea Crtrescu, Postmodernismul romnesc (fr. Le postmodernisme roumain), Ed. Humanitas, Bucureti, 1999,
p.24.
Ibidem.
Al. Muina, Unde se afl poezia? (fr. O nous en sommes avec la posie), Ed. Arhipelag, TrguMure, 1996;
Sinapse (fr. Synapses), Ed. Aula, Braov, 2001.
Ihab Hassan, Sfierea lui Orfeu: Spre un concept de postmodernism (fr. Le dchirement dOrphee: Vers un
concept de postmodernisme), in Caiete critice, 12/ 1986, p.186.
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The notion of a Romanian postmodernism has been met with an equal measure of
enthusiasm and hostility. The enthusiasts accuse the hostiles of nationalism, parochialism,
traditionalism, fundamentalism, or provincial complexes. The hostiles, who, more often then
not, are the merely prudent, suspect the enthusiasts of being plagued by provincial complexes,
cheap mimeticism, intellectual opportunism, or simply affectation.
A patriotic cast of mind could take pride in the fact that, despite our technological
backwardness, our culture has been able to give birth to such an intensely uptodate polemics.
Unfortunately, however, the way in which this polemics was launched harks back to the disputes
between Romantic agrarianism and symbolism, or to those between orthodoxist traditionalism
and the freethinking avantgarde, to such an extent that one begins to entertain the suspicion
that we are actually not debating the issues of the present turn of the century at all, but merely
runofthemill domestic matters. Or else, as they say, we keep washing the same tattered
linen at home.
Let us try a simple question: what does the concept of postmodernism do for us? This
pragmatic reduction rests on the following provisional hypothesis: in culture, or, more
appropriately, in the sphere of cultural doctrines, truth is a construct, a perspective, or else a
point of view. Our problem is not to find out whether we are, in our essence, postmodern. It
will suffice for us to understand whether and in what manner we can significantly and efficiently
relate to this concept.
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Against the backdrop of the late Ceauescu era, the circulation of the idea of a Romanian
postmodernism entailed a political attitude and conveyed a will towards an integration into
Europe in the context of a complete political closure. Romanian postmodernism was a
masked response of certain intellectual circles to nationalcommunism. The rejection of the
notion of Romanian postmodernism had a rather ethical than political motivation. In the midst
of the dire poverty of the 1980s, the interest in the synchronization with Western Europe came
out as somewhat unlikely, if not a clear proof of indifference and disengagement towards the
reality of quotidian life, as well as of a missing sense of responsibility for the suffering of
ones fellows.
However, between the proponents and the opponents of postmodernism there is
agreement in two fundamental respects. Nobody is denying that, from a theoretical standpoint,
the concept of postmodernism allows one to coherently articulate certain structural features
that characterize the Romanian literary production of the last few decades: its intertextualism,
its jocular selfreferentiality, its taste for parody and for rewriting, its irony, its sophisticated
sensuality. Beside the above features, one has also to count in the symptoms of a plebeian
reaction to modernism: a new realism, a biografism, a predominance of orality, brushes with
the rhetoric and the imaginary universe of mass media, an ostentatious iconography of
contemporariness, etc.
On the other hand, both supporters and adversaries of the concept agree that the concrete
Romanian circumstances, mentalities and dominant sensibility do not allow us to speak of a
postmodern or postindustrial moment of civilization. The disagreement occurs only with the
interpretation of this fact. Enthusiasts consider that we are just as entitled to speak of a literary
postmodernism of the 1980s as we are to label as romantic the literature of the 1840s, when
the socioeconomic reality of the Romanian Principalities was extremely dissimilar from that
of Western Europe., Beyond socioeconomic determinations literary structures have their own
intellectual evolution. The antagonistic party, instead, considers that literature should not be
mechanically incorporated into Western theoretical frameworks, but rather into a certain human
concreteness, into a type of experience and a moral tradition; from this point of view, therefore,
postmodernism is declared null and void.
If about the first consensus, namely that there is formal concurrence between the
literature of the 1980s in Romania and the Western literary mainstream, matters appear to be
clear, in what concerns the second consensus, the one that stipulates a rift between
postmodern civilization and the Romanian cultural stage, enough nuances can be brought
forth to modify the big picture. That is because the debate has been carried out in concrete
terms and not at the level of morphological analogies or at that of possible similarities of
psychological climate. On this particular subject we shall linger a little more in what follows.
Postmodernism is generally placed in connection with postindustrialism, a phenomenon that
brought about an unprecedented decentralization of society, the humanization of production
through the gradual correction of its tendency towards massification, a new managerial
flexibility, the relativization of the opposition between work and play, the dissemination of
decisionmaking process, the decrease in the number of the blue collars (industrial
workers) in favour of the white collars (employees from the domain of services), the total
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imaginable form of corruption, the machine functioned so very well that it no longer required
a human factor. The individual was thrown into a no mans land, where he joined whom
else but his fellowman from the postindustrial society, who, in turn, experienced the same
rupture. He too was coming from a very old world, burdened with a heavy heredity and with
an impeccable social rotation, which evidently, even ostentatiously, functioned by itself.
Western man is born in a state of prosperity, Eastern Man, in one of precariousness: they
do not meet under the auspices of postmodern hedonism. Still, they communicate through
something that is of the very essence of this hedonism: a keen feeling of loneliness and
vulnerability. This feeling immediately translates into an infinite selflove and selfpity. This
delicate, passionate, devoted, feverish love for ones own person, selfinvolved to the point
of neurosis, crossed through the Iron Curtain in every direction, as if through soft cheese.
A case in point, to return to literature, seems to me to be the poetry of the Romanian 1980s
generation. It is the work of people raised in admiration of the sacred monsters of the 1960s,
growing on the idea of multilateral freedom, of the multifaceted man, of militant innocence,
and of the poetic imaginary capable of changing the world. Permeated by a leftism as vague
as it was explosive and generous, this poetry gradually evolves towards a total closure onto
itself, towards lonesome fantasies, towards indulging in the authors own neuroses, towards
the pleasure of the play with the combinatorial possibilities of language, towards the utopia
of comfort, towards an aestheticism at times superb, at times merely precious. Through all these,
the spirit of the poetry of the 1980s comes extremely close to the sensual autism that dominates
the Western literature of the same period.
Reading the above, most of all the passages which may sound as if they lament the fate
of poor Western people, to the mind of any man of good sense will have come the healthy
saying: A dog dies of too much walking, and a fool from worrying about other peoples
business. Let us go back, therefore, to what we have set out to accomplish, namely finding
out how we can profitably relate to the concept of postmodernism.
In what I have said above, I have taken for granted that there exists a corpus of stylistic
facts, of literary technologies, of motifs and themes common to the 1980s writing in Romania
and elsewhere. I have then insisted that, beyond this purely formal level, we can also discover
analogies with certain movements of the soul, with certain collective reveries and phobias of
the socalled postindustrial civilizations. In conclusion, we may declare that there is an area
in which the Western world and the Romanian world of the late 20th century meet both
semantically and with respect to a common sensibility.
Now, this is the area in which the concept of postmodernism may operate. The concept
as such is not called to define, or express, the intuition of a phenomenons essence. What
postmodernism must accomplish is what in the jargon of sociology is called an interface
relation, exemplified by me Tarzan, you Jane. It must establish a common language and
a climate of goodwill in the (real or potential) dialogue with the Western world. In Roman
Jakobsons terms, this pertains to the phatic function of communication, which is that of
controlling the channel of transmission. From the point of view of Romanian literature,
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postmodernism ought to be thought of as just such a phatic instrument. Whereas the critic
must be, to resort this time to Joseph Hillis Millers term, a host, an Amphitryon.
One must, therefore, understand that this concept has a purely pragmatic value. It functions
just as a first approximation, as a first translation, an electronic and a quasiautomatic one.
Romanian postmodernism is a public relation strategy, an operator meant to tame the image
of the Other, to render it more familiar. Starting, however, from this platform, that of the similar,
you may progressively stir the interest for what is dissimilar. What is different will then lend
itself to be perceived no longer as exotic, picturesque, vaguely ridiculous, but, directly, as
fascinating. The critic must lure his foreign guest beyond analogies with postmodernism
and postmodernity, into a new determination, which utterly modifies the meaning of what
has passed as familiar until then. This will be a point beyond which everything that has to do
with the rhetoric or the psychology of postmodernism changes its aseptic and congenial
appearance and begins to serve for the unravelling of a story of terror and mute desperation,
of maddening expectation, of slow degradation, stubbornness, patience, cunning and
cowardice.
Speaking of the mediation between Romania and the West, it remains to be said that this
West is in fact noting but a slice of the Romanians own consciousness, one lobe of their brain.
Eastern intellectuals, the Marxian included, matured, without exception, on the tradition of
European thinking. Their concepts, values, taste are born quite naturally out of the Western
tradition. The reality that these people inhabit is physiologically different from that of the West,
yet they simply do not have any other mental model of the world except the Western one. This
West, in fact, is a deeply internalised cluster of norms and criteria, a superego that
permanently supervises them and makes them feel guilty.
The problem of the critic is, perhaps, that of reconciling the superego with the self, and
that of employing the ruse of postmodernism, while denying it from inside, by stealth. He
will then lead the alienated and snobbish Romanian intellectual consciousness into a gradual
awareness and understanding of the real life in the midst of which it finds itself immersed.
There may be just one more fact left to bring to mind: that the years 1980s are over, and
with them the illusion that history is at an end. The world we live in is unpredictable for
everyone, rich or poor, strong or weak, intelligent or dull. Postmodernism already belongs
to another epoch. It once gave shape to a comfortable and voluptuous sclerosis. However, now
people are beginning to realise that they are not safe and that they cannot find their security
through comfort, but only through moral effort. Postmodernism is over, has shut itself up
for ever in the shell of the 1980s. The chance of Romanian literature is to take part in this
feverish search for the revelation, for fundamental experiences meant to lead to a rebirth and
to an intellectual revolution.
To justify ourselves using postmodernism is a shrewd and useful ploy, yet in moments
such as these, when it is possible to discover unexplored territories, this may just as well be
a huge waste of time.
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The article envisages the new postmodern poetic paradigm, constituted in the 80s and
substantially differing from the previous literary generations. The author discusses the diversity
of expressions the poets from the 80s use, especially since they do not rally to a single mode
of thought and creation, although adopting a rather vague, tentaclelike concept of poetry.
Mots-cls: Postmodernisme, la gnration littraire 80, potes postmodernes, manifestes
postmodernistes
Si, pendant la dixime dcennie, parler de postmodernisme devient de plus en plus lgitime,
les choses se compliquent ds quil sagit de posie bien que les partisans de la cause naient
pas mnag leurs efforts au cours de ces vingt dernires annes. En dfinitive, ce que lon a
dsign par optzecism soit la littrature des annes 80 tait un terme dusage local, difficile
expliquer audel des frontires de la Roumanie tout comme, dailleurs, ce cloisonnement
dcimal des gnrations/promotions de crateurs. La priodisation en question dont Laureniu
Ulici fut le plus fervent dfenseur prit forme lintrieur du systme communiste comme
une combinaison entre le classique esprit du temps et les plans quinqennaux. Ce nest que
le postmodernisme qui fournit, dans la seconde moiti de la neuvime dcennie, un passeport
qui ouvre la nouvelle gnration les portes de lunivers la globalisation du rve
amricain et le dclin sovitique aidant (Nicolae Leahu va parler dun postmodernisme qui
sautochtonise). Il fut, en mme temps, ce terme intgrateur, de synthse que ne pouvaient tre
ni le textualisme ni lexprimentalisme ni le lundisme (le nom vient du Cnacle de
Lundi). Ce furent pourtant les potes du nouveau paradigme, bien plus vhments que les
prosateurs, qui se dressrent contre ce concept vague, protque par excellence. Les ranger
sous la mme enseigne risquait de soulever des ractions de rejet, notamment parmi les
promotions les plus rcentes et les 80 priphriques qui ne se rclament pas du isme
en question. Les explications ne manquent pas et, pour mieux comprendre le phnomne, il
convient dignorer lcran dformant des courants pour ou contre, des jeux de pouvoir,
des strotypes idologiques et des comptitions qui prennent le canon pour enjeu entre
identits culturelles. Il faut dire que presque toutes les approches monographiques du
phnomne potique respectif appartiennent des gens du systme ou des partisans de
celuici: Radu G. eposu (Lhistoire tragique et grotesque de la sombre neuvime dcennie
littraire), Mircea Crtrescu (Le postmodernisme roumain), Ion Bogdan Lefter (Flashback
1985. Les commencements de la nouvelle posie), Andrei Bodiu (La direction quatrevingt
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dans la posie roumaine de laprsguerre) et Nicolae Leahu (La posie de la gnration 80),
ce Bessarabien quatrevingtard outrance, relativement excentrique. Gheorghe Crciun est
le seul avoir tent un placement systmatique dans un cadre typologique international: dans
lIsberg de la posie moderne il en discute comme dune espce de posie transitive et se dfend
dutiliser le terme de postmodernisme. On pourrait imputer la critique labsence dune
approche synthtique neutre, nonimplique, aux contextes multiples, nuance de la gnration
80. Mais tout nest pas perdu, llaboration dune histoire ne fait que commencer...
Lun des problmes qui na pas reu une rponse suffisamment satisfaisante concerne la
relation entre le nouveau paradigme potique et le postmodernisme. Ce dernier estil devenu
une fatalit pistmique en voie de se gnraliser cependant quon assiste au problmatique
puisement du modernisme et des noavangardismes ou bien il prolonge une tape
dpasse, illustre en premier lieu par le noyau dur du Cnacle de Lundi, cette citadelle de
loptzecism et par quelques noms isols ? Je ne prtends pas (ce serait excessif de ma part)
de rpondre cette question. Plus modestement, je me propose desquisser un bilan dtape
et une synopsis des principales tendances potiques actives qui se rattachent lpineuse
question. Mais dabord un rapide tat des lieux.
Mis part les rares cas des pionniers de lexprimentalisme underground des annes 70
(Mircea Nedelciu, Gheorghe Crciun) et les interventions de certains critiques de la
gnration respective, ce que nous pourrions appeler la rigueur lidologie 80 fut labor
avant tout dans la zone de la posie. Les premiers textes sur le postmodernisme qui paraissent
en Roumanie (Barbu Brezianu, 1974, tefan Stoenescu, 1980) parlent de potes amricains.
Le quotidianisme, le biographisme ou la texistence sont des concepts (ou des pseudoconcepts) vhiculs par les potes et aprs 1990 aprs 2000 surtout la contestation de
loptzecism et du postmodernisme ressort cette mme zone. Que les potes aient choisi pour
se manifester un milieu quasiinformel savoir le Cnacle de Lundi de la Facult de Lettres
de Bucarest patronn par le numro 1 de la critique littraire de lpoque (Nicolae Manolescu)
et que les prosateurs se fussent groups autour de Ov. S. Crohmlniceanu, critique et historien
littraire au pass ralistesocialiste bien connu et dont limplication dans les batailles
idologiques du moment staient faite plus discrte ne manque pas de signification. Les
rivalits entre les critiques qui tentaient, en lgitimant ou en dligitimant la nouvelle
gnration, dacqurir un surcrot de capital dautorit dans le champ culturel furent plus visibles
dans les dbats qui prenaient pour cible la posie. Le conflit idologique qui a domin la culture
roumaine ce momentl et qui mettait aux prises les adeptes de lautochtonisme protochroniste
soutenu par la Securitate et ceux du synchronisme cosmopolite, libral qui bnficiait du
soutien trs discret de certains membres de la nomenklatura moins attachs aux dogmes du
parti entrana dans son tourbillon surtout la posie jeune qui tait montre du doigt et
stigmatise comme insanit, singerie dmythisante, anarchique et hostile aux valeurs
nationales. Il ne faut pas oublier que la posie a constitu, tant que dura le rgime communiste,
un discours privilgi aussi bien comme arme de lagitation, de la propagande et de la
flagornerie officielle que comme refuge et vasion avec un maximum de tolrence (en raison
dune audience plus modeste) pour les crivains insoumis. Dailleurs, commencer par
le sicle romantique la posie a toujours t un lment constitutif du discours identitatire
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autochtone dont lautorit na fait que saccrotre avec lmergeance du mythe du pote
national Mihai Eminescu. Lnorme audience dont a joui dans les annes 7090 le Cnacle
Flacra dirig par un pote (Adrian Punescu) et qui tirait sa substance de laction potique
de masses, les festivals et concours plthoriques organiss un peu partout dans le pays sous
le regard bienveillant des plus hautes instances politiques parlent suffisamment de ce rle
lgitimateur. Le Cnacle Flacra (par lentremise dAdrian Punescu) avait import et
confisqu au profit officiel la contreculture amricaine beat et flowerpower des annes 60.
La posie de la gnration en jeans a t, son tour, un piphnomne de la contreculture
hippie mais rebours: active au sens strictement littraire et oppose lamateurisme teinte
idologique de la culture de masses. La subversion esthtique, la drision ironiqueparodique
que lon rservait aux poncifs de la culture officielle ou confisqus par cette dernire,
limplication perdue dans les donnes du quotidien immdiat (espace public) et de lautobiographie nue (espace priv), dans ses sensations, ses fantasmes et ses sentiments mesurent
lrosion et la dcomposition de la mythologie du Systme. Dautant que les lments de
quotidien plben qui envahissaient le tissu potique dfiaient lembelissement utopique
du rel voulu par la propagande du rgime et que le personnalisme et le style informel,
dmythologisant et antisolennel contrarient limpersonnel et la solennit ampoule,
oraculaire des styles institutionaliss. Il nen va pas autrement, ou peu sen faut, pour ce qui
est des prcurseurs invoqus obsessionnellement par les cartographes de la gnration:
si la typologie postmoderne de certains des prosateurs de lcole de Trgovite runit un
consensus relatif, la posie offre bien plus que des traits de famille: les premiers pomes
de Ion Vinea ou Tristan Tzara, la posiereportage de lavantgardiste Geo Bogza, la notation
biographique nue de la posie du dernier Bacovia, la gnration de la guerre des annes 40
(Geo Dumitrescu, Ion Caraion, Constant Tonegaru, Victor Torynopol), en passant par le
carnavalesque de Leonid Dimov, par lintertextualisme maniristephilologique de erban
Foar, par la frie intimement sensuelle dEmil Brumaru et par le biographisme fantasque
de Mircea Ivnescu (temprament de Bacovia qui proustianise sur le modle de prose narrative
de la posie amricaine) et jusquaux potes allemands quotidianistes et politiquement
subversifs des annes 70 de lAktionsgruppe Banat (Herta Muller, Rolf Bossert, William
Totok, Johann Lipett, Anemone Latzina, Richard Wagner), les nombreux auteurs rallis la
tendance mentionne: lintimiste Petre Stoica, lexistentialiste calophile Florin Mugur, la
noexpressionniste Angela Marinescu et labsurdiste Constantin Ablu, le postonirique
Virgil Mazilescu, le funambulesque Mihai Ursachi, sans oublier les dveloppements plus tardifs
de la posie des coryphes de la gnration poststalinienne Nichita Stnescu et Marin Sorescu,
le surralisme domestiqu de Gellu Naum ... etc. Mais le modle le plus productif de la posie
des trois dernires dcennies reste sans conteste Mircea Ivnescu.
La critique est relative unanime admettre que si les annes 70 voient sinstaller un certain
manirisme et un puisement des formules nomodernistes que lon avait dcouvertes et
imposes avec un trs sincre enthousiasme aprs la parenthse proletcultiste, les annes 80
ont impos un nouveau modle cratif, une nouvelle vision du monde et, implicitement, un
nouveau paradigme potique. Par ailleurs, si la rcupration dans un nouveau contexte
culturelhistorique du modernisme de lentredeuxguerres par les potes de la gnration
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60 (du dgel postStaline) a reprsent un type dattitude rgressive, nostalgiquerformatrice, laction de la gnration 80 est ressentie comme resynchronisation progressiste,
de perspective. Son dcalage par rapport aux modles externes est de 1020 ans alors que les
crivains des annes 60 point tout fait trangers, pourtant, aux tendances internationales
contemporaines semblent dater face aux tendances novatrices de laprsguerre. Autre
chose: si ces artistesl ont un rapport naturel et spontan avec le langage et la convention
textuelle, sils prolongent ainsi une attitude euphorique de type romantique, la gnration 80
dnaturalise et dmythise la convention, elle ouvre le texte limmanence du rfrent du
rel et du texte en mme temps. Dans LIsberg de la posie moderne, Gheorghe Crciun
rappelle que la posie (no)moderniste des annes 6070 a une dominante rflexive (leve,
nonrfrentielle, orphique, abstraite, oraculaire, caractrise par la transcendance mtaphorique
et symbolique) alors que la posie des 80 postmoderne, ventuellement est un mlange
de posie textuelle ludiqueexprimentale, obsde par lexploration des conventions du
langage et de posie transitive, fortement dnotative, prosasante, ouverte tout naturellement
au contingent plben, la matrialit du texte et au concret immdiat du vcu quotidien
et biographique. Pas tonnant, ds lors, que le modle de la posie de Blaga (des annes
2030) proche du mythe et du folklore, panthstebucolique, rcupr en grande partie y
compris par le discours patriotique officiel dans les annes 6070 soit rejet en bloc au profit
dune variante adoucie exprimentalement de la posie de lavantgarde double par la
rcupration de certains ingrdients tels la dnotation existentielle, carrment biographique,
apparemment libre de convention de Bacovia, le concret artisanal de Tudor Arghezi et
pourquoi pas la rigueur intellectuelle de Ion Barbu. La prsence dchos (nullement parodiques) rappelant Nichita Stnescu, visibles surtout chez Ion Stratan et Traian T. Coovei ou
vennat de la zone de lexpressionnisme oraculaire postBlaga ne peut tre ignore mme si
on considre quelle nest pas spcifique: en ce moment de rupture qui se situe la fin des
annes 70 et au dbut des annes 80, la potique des gnrations prcdantes se singularisait par un contraste frappant, choquant. Quant la composante exprimentaliste thorise
par Marin Mincu dans la voie ouverte par Angelo Guglielmi et Umberto Eco elle est loin
de la vhmence de lavantgarde historique. Son intrt est centr sur les articulations
formantes de loeuvre et sur lexploration dun nouveau type dauthenticit personnelle qui
sactualise dans le texte. Paradoxalement, mesure que lauthenticit autobiographique, la prise
sur le rel quotidien et la biographie de lindividu concret gagnent en importance, que les
ingrdients modernistes, lyriques, visionnairessymboliques, intellectuels sestompent dans
le tissu de la posie, entre les textes des auteurs il y a comme une ressemblance de plus en
plus accuse, ressemblance qui devient flagrante dans la posie jeune des annes 90 et,
surtout, 2000. La plupart des commentateurs sempressent de faire remarquer labsence de
lyrisme, de mtaphore propre ce type de posie. Pourtant, pour viter les confusions, dont
certaines furent dlibrment entretenues, il convient de prciser que ni le lyrisme ni plus
forte raison la mtaphore nont t vacus mais dots dune nouvelle signification. Ils quittent
lavantscne pour se retirer, discrtement et rcessivement. et occuper une place plus modeste
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courants) avec des enjeux et attitudes fort diffrents. Parmi eux, les jeunes reprsentants du
groupe de Braov, disciples dAlexandru Muina: Andrei Bodiu, Caius Dobrescu, Simona
Popescu, Marius Oprea, auteurs, en 1990, dune anthologiemanifeste, Pause de respiration.
Les diffrences rgionales existent bien mais elles sont relatives et rendent compte de mentalits
et strotypies spcifiques: les Transylvains et, de manire gnrale, les priphriques sont
plus attachs la mentalit de lEurope centrale et plus permables linfluence du lyrisme
noexpressionniste ou existentialiste, grave, dramatique, sentencieux, ferms au ludique frivole,
balkanique tandis que les Bucarestois lundistes savrent plus tents par le manirisme
pittoresque et lesthtisme levantin, ludique, imag et carnavalesque (dans la ligne
ArgheziLeonid Dimov). En tmoignent les pomes de Ion Murean, Petru Romoan, Andrei
Zanca, Viorel Murean, Marta Petreu, Virgil Mihaiu, Dumitru Chioaru, Mircea Crtrescu,
Florin Iaru, Traian T. Coovei. Pourtant, il y a parmi les Bucarestois des potes Mariana Marin
ou Elena tefoi, par exemple qui doivent beaucoup la premire tendance mentionne. Et
le manirisme de Bogdan Ghiu ou Ion Bogdan Lefter nest ni ludique ni pittoresque ni
spectaculaire, il est rflexif, conceptualiste, frlant lessai. Y atil un optzecism potique
moldave ? On peut se le demander: quel rapport entre la drision colloquiale, touches
sarcastiques de la narrativit mythopotique de Ioan Liviu Stoiciu (Au fanion, Le coeur de
rayons) et les paraboles fantasques de Nichita Danilov o percent des chos qui rappellent tantt
le surralisme et tantt Dostoievski ou Poe (Arlequins au bord du champ) ou encore entre les
calligraphies amresintriorises de Mariana Codru et le pathtisme existentiel qui rententit
dans les pomes dAurel Dumitracu et autres ? Ce lien seraitil le lyrisme noexpressionniste ?
Pour ne plus parler dautres exemples, difficilement classables, Clin Vlasie, par exemple,
originaire de la ville de Piteti, un nobarbien prdispositions pour la distopie S.F. ... Une
rponse, entre autres, serait que nous sommes estce un symptome postmoderne? sur un
terrain des nbuleuses conceptuelles, o la seule chose qui compte cest lair de famille. Au
fond, tous les panoramas critiques de la posie des 80 mettent laccent sur sa diversit
typologique. Ce nest ni dans le biographisme ni dans le quotidianisme ni dans
l exprimentalisme, dans le textualisme, l ironie ou lintertextualisme parodique
que lon trouve la vritable essence du changement de paradigme. Elle est dans le refus de la
transcendance abstraite, nbuleuse du texte et dans lacceptation naturelle de limmanence
textuelle nonobstant le caractre fantasque, exprimentaliste ou biographiste outrance de la
formule adopte, que lon choisisse le pome long, alluvionnaire, discursif ou le pome court
concentr, lucarne qui donne sur la matrialit nigmatique du rel ou du texte.... Et toujours,
quelle que soit la formule, la note spcifique de la posie des 80 reste la conscience
thorique/lintellectualit plaque sur du concret, avantages et limites (motion asptise, lyrisme
vacu) compris. Exprime dans des volumes trs remarqus (Mircea Crtrescu, Ion Murean,
Nichita Danilov, Mariana Marin, Magdalena Ghica, Florin Iaru, Alexandru Muina, Romulus
Bucur etc.) la potique de la gnration risque souvent de dvorer ses protagonistes.
Une des particularits signaler est lenracinement dans le citadin. Il jouit dun immense
prestige dautant plus que, quelques exceptions prs, attribuables dhabitude aux
prcurseurs, la posie des annes 6070 avait t domine par le ruralisme, le bucolique,
le retour la nature fort bien reprsents chez Ioan Alexandru, Marin Sorescu, Ana
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Blandiana, Gheorghe Pitu, Adrian Punescu, George Alboiu. Un choix qui, fort probablement,
nest pas uniquement sociologique mais idologique aussi, en raction la politique
officielle qui rvait dun retour des intellectuels dans les campagnes (et qui saccompagnait
dune propagande idalisante) et en hommage potique lidologie citadiniste qui avait prvalu
dans lentredeuxguerres, modernisatrice et synchroniste. Ctait une mancipation culturelle
et civilisationnelle de la tutelle du ruralisme provincial dans un moment o, de toutes faon
le mal tait fait puisque lindustrialisation avait provoqu une hybridisation rciproque entre
la ville et les campagnes. Vu soit travers des verres compensateurs, quasimythisants (Mircea
Crtrescu, Magdalena Ghica, Virgil Mihaiu ou Traian T. Coovei) soit dans toute sa grisaille
hideuse, dsolante ou grotesque (par de nombreux autres reprsentants de la gnration), la
ville dominante nangoisse plus, nest plus source dinadaptation ou de nostalgies champtres
cependant que le discours ruralisant subit le vitriolant humour estudiantin. (voir les corrosives
Gorgiques de Crtrescu). Porteuse dune attitude bourgeoise par excellence, la gnration
80 constitue (aux cts du futurisme et du constructivisme de lavantgarde historique) la
premire direction potique importante en Roumanie pays dominante rurale jusquil ny
a pas longtemps o lunivers citadin est assum en doses massives et avec beaucoup de naturel,
sans traumatisme aucun.
Une vrit banale: toute la posie des dbutants contenue dans ce volume des annes 80
nen relve pas. Bien au contraire. Mais comme notre propos ntait pas un panorama complet
de cette production, nous nous attacherons en enregistrer les nouvelles directions
productives. partir dun certain moment, les jeunes qui rchignent accepter les servitudes
imposes par le rgime ont de plus en plus de mal dbuter par un volume individuel. En 1985,
le Cnacle de Lundi est interdit (la mme anne voit la disparition du clbre cnacle Flacra
car le systme communiste, en voie dextinction, bouche les soupapes), il est extrmement
rare quun des membres mme marquants du cnacle estudiantin Universitas (dirig par
Mircea Martin) puisse tre publi en volume. Une de ces exceptions: un excellent pote
postlundiste, Cristian Popescu (La Famille Popescu, Collection le plus petit livre qui soit,
1987, Avant propos, ditions Cartea Romneasc, 1988). On a toujours dit que les diffrences
entre les lundistes et les nouveaux venus tiennent plutt lattitude qu la potique
proprementdite. Et pourtant: insolite et productive, la formule de Cristian Popescu, un
authentique damn, mort prmaturment, a offert un vritable repre aux potes de la dixime
dcennie. Sa nouveaut tient moins dans la composante stylistiquerhtorique (il crit des
pomes en prose o la confession biographique et lessai se fondent dans des faireparts
la Urmuz) que dans les ingrdients utiliss: fantasmes obsdants de lalination et de la mort,
ses textes dvoilent le visage tragique du kitsch y compris du popart quotidien, lesprit
tutlaire de Caragiale rend des chos grotesquesmtaphysiques aprs avoir tt du Dostoievski
et du Berdiaeff. Les potes qui se sont affirms bruyamment au dbut des annes 90 sous
ltiquette de ces annes, prcisment (les 90): Horia Grbea, Daniel Bnulescu, Floarea
uuianu, Rodica Draghincescu, Mihail Glanu, Lucian Vasilescu, Valentin Iacob etc. sont,
en gnral des auteurs dune valeur ingale, chez qui la sexualisation de basfonds, affectant
la bohme et parfois proche du journalisme du discours potique risque daggraver lexcs
parodique que lon attribue gnralement des prdcesseurs (Crtrescu, Iaru, Stratan). Leur
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style marqu par laffectivit est moins contrl au niveau rhtorique, le dtournement par le
kitsch de la culture leve fournit, au mieux, un spectacle grotesque et dramatique de lhumain
en drive (Daniel Bnulescu, Lucian Vasilescu) quand elle nchoue pas en effets dun got
douteux (Mihail Glanu, Valentin Iacob). La volupt avec laquelle ils plongent dans le
vulgaire et le suburbain, le got pervers pour lexibitionisme sexualisant, attitudes
abondamment encourages par DanSilviu Boerescu, le critiquementor du groupe, les situe
en dessous de la potique plus surveille, plus technique, plus engage dans une direction
existentielle des auteurs du groupe de Braov: nigmatiquesymbolique chez Marius Oprea,
mlange dexpriment discursif et esprit punk chez Caius Dobrescu, maximum de simplicit
ralistebiographique ambigue, partition de linnocence enfantine orchestration polyphonique
sur canevas dges personnels chez Simona Popescu, lune des voix potiques les plus
authentiquement raffines des 15 dernires annes, elle reprsente au fond une radicalisation
de lattitude de la gnration 80 dans sa variante personiste. la fin des annes 80, le
groupe de Braov comptait dautres noms intressants: lexprimentaliste Marius Daniel
Popescu ou le subtilrflexif Sergiu tefnescu. Emigrs politiques, leur rcupration sera
tardive et sans cho.
Tout comme dans la prose, laprscommunisme facilitera le retour du refoul thmatique
et lexical: les rfrences sexuelles, politiques et religieuses, lexploration physiologique, la
ractivit sociale envahissent dautorit le devant de la scne cependant que saccrot la pression
de la culture pop et media. remarquer que, aprs 1990, cest la province qui domine la posie
tout en se manifestant, parfois, dans la Capitale. Judith Mesaros (Arad) valorise dans ses pomes
le (no)expressionnisme psychdelique, la narrativit biographique ample, transitive,
chappes (anti)mythologisantes sur les souterrains de la condition priphrique atteint des
sommets dans la posie de Ioan Es. Pop (Maramure), lauteurftiche de la dixime dcennie.
Chez les potes qui saffirment aprs 2000 (Ruxandra Novac ou Ioana Nicolaie), on peut dcler
des chos venus de leur posie. Un filon surraliste existe aussi, qui renvoie Gellu Naum:
il traverse la posie, souvent transfigure, de Nora Iuga, visite Dan Stanciu et Simona Popescu,
est explor avec des rsultats ingaux par les jeunes Adela Greceanu et Iulian Tnase. Au
niveau social et esthtique, le phnomne des auteurs groups par zones et/ou par cnacles,
dune htrognit qui dfie tout programme de circonstance ne manque pas dtre
signitificatif. Ils sont coaguls gnralement autour de ... la gnration 80 que ce soit Braov,
Iai (Club 8), Cluj (Direcia 9), Timioara ... les exemples ne sarrtent pas l, on les
retrouve dans dautres centres universitaires. Le groupe de Braov, ou ce quil en reste, runi
autour dAlexandru Muina dans la nouvelle Universit de la ville, russit attirer de jeunes
potes alternatifs venus dune priphrie de lEst: la Rpublique de Moldavie. Les
Moldaves, certains dentre eux (Dumitru Crudu, tefan Batovoi, Alexandru Vakulovski, Iulian
Fruntau), ptrissent dans un discours de lexaspration, de la frustration et de la rvolte des
ingrdients exprimentaux, existentiels, biographistes, intertextuels ou mystiques. Dautres
Moldaves (post) 80: Vasile Grne_ ou Emilian GalaicuPun resteront fidles aux commandements civiques de la revue Contrafort de Kichinew. Deux auteurs, originaires de Braov,
qui dbutent vers la milieu des annes 90, jetteront un pont vers les milieux des cnacles de
Bucarest: Mihai Ignat, introspectif, elliptique, intellectuel, influenc par Mircea Ivnescu et
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Virgil Mazilescu et son jeune condisciple, Marius Ianu, nobeatnik anarchiste, qui fait
penser au jeune Geo Bogza et qui cache, histrion, sous une rvolte impnitente, une sensibilit
de Bacovia et une alination accents sentimentaux. Auteur dune scandaleuse pastiche
second hand dAllen Ginsberg (LAmrique reformule en La Roumanie par Petru Ilieu de
Timioara) il deviendra vers la fin de la dcennie le prophte dune nouvelle sensibilit quil
appelle fracturiste dans un manifeste crit avec Dumitru Crudu et que certains critiques (en
gnral hostiles loptzecism idologique) dcrivent comme millnarisme ou gnration
2000. Une sensibilit antiintellectualiste, viscrale, rebelle, attire par le sordide de
lexistence et la misre morale de tous les jours quoffre la socit de consommation agonise
dans les vers voisins du reportage des reprsentants les plus visibles de cette tendance. Hants
par des cruauts noexpressionnistes et par des confessions violentes, autofictionnelles,
ils refont les gestes provocateurs des beatniks (combins avec la vulgarit zonarde de la
culture hiphop) et enregistrent fidlement le diagramme psycholittraire dune gnration
sans mmoire qui sest alin le pass des parents et la mmoire de la culture classique.
Dautres groupes dont la visibilit les recommandent (mais qui ne sont pas les seuls, loin de
l): le Club 8 de Iai transgnrationnel, ce qui explique sa longvit et Le Clbre
animal dArad.
Autres prcdents invoqus tort ou raison par certains protagonistes: Bacovia, le jeune
Geo Bogza, la gnration de la guerre (Geo Dumitrescu, Ion Caraion, Victor Torynopol,
Mircea Popovici), Mircea Ivnescu, les potes de lAktionsgruppe, Ion Murean, Romulus
Bucur, Ioan Es. Pop qui indiquent la continuit plutt que la rupture. Ce nest pas par hasard
que les potes de limage (Voronca, Tonegaru, Dimov, Crtrescu celuici prement contest)
sont absents: dans une civilisation suffoque par limage, crase par le bombardement
mdiatique, cette absence est un rejet compensatoire. La frie de la ville mirifique
sestompe, happe par le sentiment dalination urbaine. Significativement, les fracturistes
rcuprent massivement le ct contestataire, anarchiste, provocateur des beatniks amricains
des annes 5060, quasiabsent dans les pomes de leurs disciples des annes 80.
La facult de Lettres de Bucarest a continu abriter, aprs 1990, des cnacles dtudiants,
espaces informels qui au dbut navaient pas de mentor (Club Littraire, Cnacle Central), qui
en prirent, par la suite, un ex80 en la personne de Mircea Crtrescu (le Cnacle Lettres).
Le dernier en date est le Cnacle Fractures dirig par Marius Ianu. Aux dernires nouvelles,
les cnacles ont t substitus par les communauts virtuelles des blogs et par les soires de
posie de Club A (Les potiques du quotidien, coordonnes par Rzvan upa). Certains de
ces groupes ont russi produire leurs propres anthologiesmanifestes: Fictions (1993, avec
Ion Manolescu, Fevronia Novac, Andrei Zltescu, Alexandru Plecan, Vlad Pavlovici et Ara
eptilici; la seule pote, Fevronia Novac, crit des vers clinsfriques qui rappellent Dimov),
Tableau de famille (1995, avec Sorin Ghergu, Svetlana Crstean, Rzvan Rdulescu, Mihai
Ignat, Cezar PaulBdescu et T. O. Bobe), Du Top (1996, avec Florin Dumitrescu, Sorin
Ghergu, Dan Mircea Cipariu, Bogdan O. Popescu) et Fentres 98 (1998, avec Ioana Nicolaie,
Iulian Bicu, Marius Ianu, Cecilia tefnescu, Angelo Mitchievici, Victor Nichifor et Doina
Ioanid). Difficile dire dans quelle mesure les potes cidessus ont contract une dette
essentielle envers un modle interne prexistant ou envers qui que ce soit dautre. Mais ce qui
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cest de mettre en scne les drames et les frustrations de leur propre existence quotidienne.
Le style direct, le langage souvent violent, obscne (de lauthentique nonpollu par
lhypocrisie des conventions) tente daffirmer le plus fidlement possible lidentit dboussole
des enfants de la transition. Leur rvolte antipostmoderne fustige les intellectualistes,
le livresque, la sophistication, le ludique, le parodique et lopulence intertextuelle et prne le
discours simple, authentique, direct et motif. Car si cette promotion a un mrite, cest
bien la rvalorisation de lmotion, de lintensit de la communication affective alors que
les 80 (la plupart, en tout cas) avaient tout fait pour aseptiser le discours par une
autosurveillance ironique, technique. Dommage que lmotion suscite soit rarement esthtique. Les principaux dangers restent, pour le moment, la standardisation, lhypersaturation,
le prvisibilit du dfi biographiste, le conformisme du nonconformisme et la prcarit de la
culture potique.
Plus que dans la prose (o, dans les annes 90 il y a eu quelques manifestes postmodernistes caractre militantthorique), les annes 2000 ont enregistr un retour des
manifestes potiques dauteur: le fracturisme, le dprimisme, lutilitarisme ou le
performatisme ne reprsentent pas seulement, comme on pourrait le croire, une rcupration
du geste avantgardiste, agressif et provocateur, destin scandaliser et contester
lestablishment. A lpoque de la rclame gnralise et de la publicit, ils expriment dabord
un besoin d(auto)promotion identitaire, souvent trs personnalise. Autrement dit, ils
deviennent des brands littraires.
Cette volont appuye des potes des annes 2000 de prendre leurs distances par rapport
leurs prdecesseurs postmodernes peut sexpliquer aussi par leur refus de se bloquer dans
le projet quils reprochent la gnration 80 laquelle, plus de vingt ans aprs, continue
dautolgitimer, par une partie de ses membres, comme nouvelle/jeune gnration. La
persistance dune telle mentalit, nourrie sans doute par une institutionalisation didactique
tardive ( la diffrence de celle, extrmement prompte, de la gnration poststalinienne) et
par le traditionalisme rsiduel, forte teinte nationaliste qui prvaut dans les lyces de
Roumanie risque de gnrer des anomalies. Pas tonnant que, linstar des prosateurs (plus)
rcents, beaucoup des jeunes potes bien quinforms dans les moules de notre postmodernit
naissante refusent de se ranger sous la bannire du postmodernisme idologique (une
contradiction smantique pour lOccident!) et que, tels de nouveaux Oedipe, ils brandissent
le drapeau de la rvolte insparable de leur ge et le besoin de la diffrenciation identitaire.
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The author tries to define and state the protean concept of postmodernism, starting with
the diversity of the literary works of the 80s authors. A typology of the Romanian
postmodern prose is possible not only by revising the writers techniques and methods, but
also by acknowledging their specific categories and theorising them.
Mots-cls: Postmodernisme, postmodernit, stratgies postmodernes, typologie narrative
Au cours des deux dernires dcennies les dbats thoriques sur la nouvelle prose roumaine
ont tourn obessivement autour de deux concepts: le premier, socioesthtique, a trait la
gnration. Pour faire court, on la appel optzecism ce qui signifie la littrature des annes
80; le second, esthtiquephilosophique cest le postmodernisme (dans sa variante locale).
Arriv des tatsUnis, ce dernier devient ds 1986, lorsque la revue Cahiers critiques lance
le dbat sur le phnomne en question dans lespace roumain, la bannire sous laquelle se range
la nouvelle gnration dcrivains qui dbutent autour de 1980 et lemporte sur des termes qui
existaient textualisme ou exprimentalisme mais dont la porte ntait plus en mesure
de satisfaire. Le postmodernisme finit par simposer et non seulement comme un courant
littraire mais comme paradigme aussi et/ou pistme (cf, entre autres, Liviu Petrescu, Potique
du postmodernisme, Piteti, 1996) ou, en cl anarchiste, comme la fin de tous les courants
cautionn par le anything goes de Feyerabend. Pourtant, si le terme optzecism sest avr
bien trop formaliste, trop technique et trop impopulaire pour tenir ne seraitce que pendant
la neuvime dcennie, sinscrivant ainsi dans lhistoire littraire comme premire phase du
postmodernisme (sans renoncer la priodisation gnrationnnelle, certains, Bogdan Lefter
entre autres, ne parleront plus doptzecism lui prfrant la dnomination de gnration
postmoderne des annes 8090), lexpriment reste le blason des militants de la gnration
80 (voir Monica Spiridon, Ion Bogdan Lefter, Gheorghe Crciun, Lexpriment littraire
roumain de laprsguerre, Piteti, 1998). Non point au sens du concept d exprimentalisme introduit dans la critique roumaine par Marin Mincu dans la foule dAngelo
Guglielmi et du Gruppo 63 italien. Le programme/le modle gnrationnel impos lopinion
critique par les militants du groupe qui, aprs la chute du communisme ont investi
massivement la vie universitaire et institutionnelle du pays, a fini par savrer tout au moins
aussi rsistant que la littrature des crivains les plus reprsentatifs si bien que la pntration
dans le canon didactique du optzecism/postmodernisme a prcd parfois celle de ses
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auteursphares. une exception prs, et de taille: Mircea Crtrescu qui se dtache du peloton
et fonce en coureur solitaire avec lapparition de lpope Le Levant et son retour la
prose, qui plus est, auteur de son premier volume synthtique sur le postmodernisme (littraire)
roumain, cautionn par les ditions Humanitas (1999) qui valent leur pesant dor dans
le domaine.
Si dans les annes 80 et dans la premire moiti des annes 90 la bataille du postmodernisme se limite, en grandes lignes, un discours de lgitimation typiquement
synchroniste (au sens que lui donnait Lovinescu) en qute dun alignement mancipateur sur
la haute technologie (y compris narrative) et sur la mentalit pluralistedmocratique de
lOccident postindustriel (que soustend le modle amricain en voie de globalisation),
lintgration progressive de la Roumanie aux structures euroatlantiques ouvrira, au fur et
mesure, la perspective dune approche plus pragmatique o laccent tombe sur le spcifique
rgional et les identits priphriques. son tour, ces dernires annes, le dbat littraire qui
a pour cible le postmodernisme semble avoir diminu dintensit, remplac, loccasion, par
des disputes idologiques centres sur les thmes de la postmodernit (multiculturalisme,
globalisation, political correcteness, posttotalitarisme, postcolonialisme, relativisme etc). Pour
la plupart des crivains et, notamment, pour les prosateurs qui se sont affirms pendant la
dernires dcennies, le postmodernisme ne reprsente plus un problme. Tout au moins, il nest
plus assum comme leur problme. Fort dune validation critique et acadmique (des volumes
lui ont t consacrs par Liviu Petrescu, Dan Grigorescu, Gheorghe Crciun, Mihaela
Constantinescu, Adrian Ooiu, Mircea Crtrescu, Carmen Must, Gheorghe Perian, Radu G.
eposu, Ion Bogdan Lefter, Andrei Bodiu, Mihaela Ursa, Ion Manolescu etc pour ne plus parler
des numros spciaux et des dbats qui traitent du phnomne dans nombre de publications
littraires) ce modle tend tre peru comme une impasse strilisante ou comme, encore, un
establishment universitaire. Vers le milieu de la dixime dcennie on voit apparatre un relatif
consensus thorique sur lessoufflement du modle 80 qui ne dteint pas sur le modle
postmoderne . Adrian Ooiu (Trafic de frontire. La Prose de la gnration 80. Stratgies
transgressives, Piteti, 2000) en fixe la borneterminus lanne 1995. Dans Le Postmodernisme roumain, autour de la mme date, Mircea Crtrescu estime que la prose
des annes 80, dpasse, est en marche vers un postmodernisme net. Dans un essai
programmatique de 1995 (La prose postmoderne et le textualisme mdiatique), Ion Manolescu,
lui, signale lpuisement du postmodernisme textuel/textualisme scriptural de la gnration
80 et plaide pour un postmodernisme virtuel/textualisme mdiatique adapt aux nouveaux
media communicationnels, raccord une nouvelle pistm technoscientifique et sa
nouvelle structure dfinie avec un terme emprunt aux mathmatiques comme fractale.
Vient aprs Mihaela Ursa qui, dans un livre au titre suggestif Optzecism et les promesses du
postmodernisme, Piteti, 1999, dnonce le caractre ambigu de loptzecism et distingue entre
les deux modles partiellement superposs. Dautres voix nient lexistence dune rupture entre
optzecism et postmodernisme (le premier terme nest mme pas pourvu de fonctionnalit)
et parlent dun enrichissement/dveloppement/expansion continue de lpistm postmoderne
impose par la gnration 80 (cf. Ion Bogdan Lefter, voir, entre autres, les textes de
Postmodernisme. Le dossier dune bataille culturelle, Piteti, 2000, 2002). Il est vident
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que la prose quon nous livre depuis 1995 (quon lappelle postmoderne ou non) a une autre
physionomie que la prose des annes 80, quelle est bien plus cohrente et plus unitaire (la
plupart des reprsentants actifs de la gnration, dailleurs, ont chang de manire pour crire
dautres choses, ils sont en train de rcuprer thmes historiques et formules consacres): le
systme lui mme a chang tout comme le public et ses attentes. Dans les conditions actuelles,
lexistence de nouvelles gnrations de cration nationales, avec une potique distincte et
une stratgie commune est problmatique. Trs vite aprs les vnements de dcembre 89,
le groupe des 90 (Cristian Popescu, Horia Grbea, Ctlin rlea, Daniel Bnulescu, Mihail
Glanu, Floarea uuianu, Rodica Draghincescu, Dan Silviu Boerescu etc) a tent de
saffirmer comme une nouvelle gnration de crateurs en prenant loptzecism contrepied.
Ce fut une reformulation dsinhibe de la dimension quotidienneparodique, un dferlement
de sexualit, une rcupration de la veine mystiquereligieuse et des thmes existentiels
vitriolants. Alors, de deux choses lune: soit loptzecism fut le postmodernisme par excellence
et dans ce cas les 90, en se dtachant des valeurs faibles de loptzecism ont tourn le dos
au postmodernisme aussi soit loptzecism ne fut que la phase originaire, programmatique,
militante du postmodernisme et la suite na fait que le consolider et le radicaliser par intgration.
Reste voir quelle est la pertinence conceptuelle de la soidisante gnration 2000 (terme
critique avanc notoirement par Marin Mincu et plusieurs jeunes critiques et qui, n surtout
sur le terrain de la posie a gagn pour la quasitotalit des commentateurs le statut de marque
de toute une littrature). Ce qui simpose trs vite comme une vidence cest moins
lexistence de nouvelles gnrations ou promotions de crateurs pouvant prtendre une
couverture nationale mais la prsence dun milieu extrmement diversifi, chaotique presque,
peupl par un grand nombre de groupes littraires aux physionomies parfois incertaines et qui,
en tout cas, diffre radicalement de celui quavait connu la neuvime dcennie. Cest la prose
qui annonce tout de suite cette diffrence et , en admettant que le modle dominant de roman
dans la Roumanie daujourdhui en soit un de type postmoderne (pour le moment, le terme
de postmodernisme de plus en plus vhicul nest pas trs parlant) il nen reste pas moins
que ce postmodernisme est carrment autre que celui des annes 80 et de la premire moiti
des annes 90.
Il faut reconnatre, quoi quon en dise, que loptzecism , quon le prenne pour une plaque
tournante ou pour une identit de programme gnrationnel dune phase de dbut ne se
superpose que partiellement au postmodernisme de la prose et si nous pouvons accepter que
nous vivons dans la postmodernit, nous devons aussi admettre que tous les modles actifs
de la prose actuelle ne sont pas exclusivement redevables au postmodernisme. Or, le courant
littraire ou culturel nest pas, il ne peut tre pris pour le paradigme, tout au plus on peut
lassimiler une pistm comme laffirme Liviu Petrescu en conclusion sa Potique du
postmodernisme. Par ailleurs, le modle 80 est par dfinition datable et certains
doctrinaires sen sont dbarrasss aprs la chute du communisme. Sauf que, dissmin dans
la plupart des formules actives de la zone de la littrature commencer par la fiction
(auto)biographiste et hyperraliste et en allant jusqu la (mta)fiction fantaisiste ou
fantasmatique, partir dun certain point le postmodernisme devient difficilement sinon
impossible localiser ne seraitce qu titre de concept vague, rejoignant par l le destin du
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Gnalogie et physionomie
Un certain nombre de prosateurs, assez grand en fait, avaient dj affich dans les annes
6070 des tendances qui les apparentent au postmodernisme: Dumitru epeneag, tefan
Bnulescu (Le Livre du Millionnaire mais certains rcits aussi), Nicolae Breban (La Bonne
Nouvelle), George Bli (Le Monde en deux jours), Alice Botez (LHiver fimbul, La Fort
et trois jours, lEclipse), Sorin Titel (Le Dejeuner sur lherbe, Le long voyage du prisonnier),
Mircea Ciobanu (Les Tmoins), Paul Georgescu (Solstice trouble), Radu Cosau (le cycle des
Survivants), Snziana Pop (Srnade la trompette), Alexandru MonciuSudinski (Rebarbor),
Ion Iovan (Commission spciale), Norman Manea (Les annes dapprentissage dAuguste le
Plouc) etc. Une indniable influence du ralisme magique, de labsurde noexistentialiste,
des (no)avantgardes, de la contreculture occidentale et du Nouveau Roman franais se fait
sentir partout. Certains auteurs qui se rclamaient du modernisme de lentredeuxguerres se
sont adapts sur le tas aux nouveaux flux narratifs (Gabriela Adameteanu, Constantin oiu).
La critique se montre consensuelle pour reconnatre aux prosateurs de ce que lon a appell
Lcole de Trgovite le rle de prcurseurs (Radu Petrescu, Mircea Horia Simionescu,
Costache Olreanu, Tudor opa, Alexandru George), identit facilit par leur appartenance
un (autre) groupe solidaire, avec une potique, une attitude et une stratgie aisment
reconnaissables. Ce qui distingue leur prose autorfrentielle de la prose des annes 80 cest
moins la prfrence marque de cette dernire pour le drisoire et le quotidien mesquin dont
les mentalits et les langages plbens sont fidlement transcrits au fond, ce sont des traits
qui se retrouvent chez bien des auteurs des annes 70: Gabriela Adameteanu, Radu Mare,
Alexandru Papilian, Norman Manea etc , cest plutt la combinaison spcifique de
microralisme social et scientisme philologique avec des apports de sociologie, de thorie du
texte, de thorie de linformation, de smiotique, de structuralisme, danthropologie. La
combinaison de livresque et de biographie est prsente chez les crivains de Trgovite aussi
sauf que ceuxci ont une solide formation humaniste classique (y compris prmoderne) et
leur mtalittrature avec damples dveloppements romanesques chez Mircea Horia
Simionescu et de savoureuses miniatures fabulatoires chez Costache Olreanu , leurs
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visant miner lautoritarisme en commenant par le discrdit jet sur les mcanismes de
la prose canonique taxe dpiphnomne pervers du discours du Pouvoir. La relativisation
ludique ou ironiqueparodique des perspectives (lomniscience discrtionnaire devint leur
vritable bte noire), la vision moqueuse de lHistoire, la mise nu autorfrentielle des
procds, le contigent quotidien et les incursions dans lintimit du processus de cration
de lauteur qui figure en couverture, la dconstruction des prsuppositions fortes,
ontologiquement fondatrices de la fiction se constituent ainsi en reflexe littraire dun systme
de valeurs qui offre une alternative aussi bien par rapport au systme officiel quau systme
estthique du maximalisme anticommuniste, messianique et sotriologique. Une critique
biaise de lautorit dont la performance technique affiche doit tre comprise comme une
attitude critique universellement suspicieuse.
Bien que dvie, relativement aseptise, ampute de dimensions et thmes tabou que
la prose postcommuniste sempressera de rcuprer, la prose des 80 reste, quoi quon en
dise, une littrature normale du point de vue esthtique. Et, en mme temps, le rsultat dune
aberration de systme ou, si lon veut, avec un terme moins svre, dun expriment social
rat (la modernisation communiste). Il y a un roman de Mircea Nedelciu Traitement
fabulatoire qui rend admirablement les marges de libert mais aussi les servitudes de sa
gnration et qui surprend prcisment ce trait pertinent. Une fausse prface conformiste
cense endormir la vigilance de la censure au risque de mettre lpreuve la patience du
lecteur innocent dissimule une ingnieuse antiutopie ironique (le falanstre de Fuica, les
expriments de Fitotron, le jeu avec un pass impossible rcuprer...)
Le noyau dur de la prose des 80 est, sans doute, celui des pionniers runis au dbut
des annes 70 autour du groupe Noii (Les Nouveaux) issu de lunderground exprimentalistetextualisant (Gheorghe Crciun, Gheorghe Iova, Gheorghe Ene, Mircea Nedelciu,
Emil Paraschivoiu), fortement influencs par le structuralisme et les noavantgardes
europennes des annes 60. Deux de ces crivains Nedelciu et Crciun deviendront
emblmatiques alors que les autres ne publieront pas de volume individuel et resteront pendant
longtemps des hros de lunderground gnrationnel. Progressivement, dautres prosateurs
du quotidien se joindront eux, plus ou moins sophistiqus et ironiques: Constantin Stan,
Ioan Lcust, Sorin Preda, Cristian Teodorescu, Adriana Bittel, Bedros Horasangian, Stelian
Tnase, Hanibal Stnciulescu, Nicolae Iliescu, Cornel Nistorescu, Cristina Felea etc. dont la
plupart saffirment dans le cnacle Junimea dirig par Ov. S. Crohmlniceanu, des prosateurs
excentriques venus de Timioara Daniel Vighi, Viorel Marineasa et Carmen Francesca
Banciu, de Cluj Alexandru Vlad et Radu uculescu, de Moldavie Petru Cimpoeu et Tudor
Dane etc. Presque tous cultivent la combinaison entre le rendu en prise directe et la conscience
de la convention, entre la mise en vedette de la convention et lauthenticisme nu. A ct,
la prose fantastefabulatoire, ouverte sur limaginaire, sur la fantaisie, luchronie, lanachronisme dlibr est modestement reprsente: tefan Agopian (adopt par les 80, il
nappartient au groupe que par son dbut tardif), auteur de plusieurs remarquables mtafictions
historiques, voluptueusement oniriques (Le Jour de la colre, Take de velours, Le Manuel
des histoires, Tobit et Sarah), Ioan Groan redoutable dans le genre court, versatile, avec une
gale disponibilit pour le quotidien, la parodie livresque, la parabole et le fantastique, George
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Cunarencu, spcialis dans le recyclage satirique et parodique des contes de fes sur fond
de quotidien (Trait de dfense permanente, Le Tango de la mmoire), Ioan Mihai
Cochinescu qui ne dbute quen 1991 avec LAmbassadeur, un roman raffin pseudofantaisiste, le chimrique Mihai Mnuiu (devenu depuis un important metteur en scne au thtre),
le prolifique Tudor Dumitru Savu, auteur de romans de facture ralistemagique (La Bout de
lempire, Trentetrois, Le long du fleuve, Le Fort), les paraboles purement science fiction
empreintes desprit apocalyptique de Cristian Tudor Popescu (Planetarium), les tranges proses
dAurel Antonie ou les fries quasisurralistes de Florin Toma. Cest au carrefour des deux
dernires tendances que nat la prose courte du Rve de Mircea Crtrescu. Mais cest avec
La Femme en rouge, synthse polyphonique des tendances mentionnes que la prose des 80
atteindra son apoge. Oeuvre du trio Mircea Nedelciu (Bucarest), Mircea Mihie et Adriana
Babei (Timioara), roman dtective de la frontire, de la qute impossible et de linsoluble
incertitude identitaire, le roman annonce et ce nest pas le moindre de ses mrites
lpuisement dun type qui avait domin la dernire priode communiste: le romanenqute
et, en mme temps, la rsurrection postmoderne dun type de roman qui avait t refus par
programme dans les annes immdiatement antrieures: le roman total.
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dAlexandru Vlad, la plupart des romans dAgopian ainsi que des volumes de prose courte:
Aventures dans une cour intrieure et Hier sera encore un jour de Mircea Nedelciu, La
caravane du cinma et Le Train de nuit de Ioan Groan, Le Jardin Ioanid et LOrange dadieu
de Bedros Horasangian, Avec des yeux tendres de Ioan Lcust, Julie en juillet dAdriana Bittel,
Trait de dfense permanente de George Cunarencu, Le matre clairagiste de Cristian
Teodorescu ou Le Rve de Mircea Crtrescu. Certains, pourtant Adriana Bittel, Hanibal
Stnciulescu ou Ioan Groan dont la veine satirique smousse quelque peu dans La Plante
des mdiocres et dans la babylonique parodie levantine Une centaine dannes aux Portes
de lOrient resteront, pour lessentiel, des auteurs de short stories. Tout compte fait, dans
son ensemble, la prose jeune des annes 80 russit un quilibre relatif entre la prose courte
et le roman. Aprs 1990, lquilibre sera rompu en faveur du roman qui lemporte sans conteste
sous la pression du march. Les textualisants les plus irrductibles vont flirter, au dbut des
annes 2000, avec le roman. Sous une forme hybridise outrance, ultraexprimentale (De
combien de types aton besoin pour la fin du monde de Gheorghe Iova, LAroman de la rose
de Gheorghe Ene), ces auteurs vont adopter toutva thmes, tendances et motifs dont lpoque
est friande (la sexualit, la nvrose posttotalitaire du politique, la religiosit). Bref, voir dans
la prose courte une forme de subversion ladresse du maximalisme totalitaire que
reprsentait le roman est pour le moins discutable mme si pas totalement faux: en dfinitive,
fautil rappeler le nombre de nos grands romanciers qui ont dbut dans le genre court? Et
les prosateurs des annes 60 qui ont commenc comme une forme de subversion dirige
contre les romansfresques baignant dans le ralisme socialiste par des volumes de nouvelles
et rcits? Si au dbut du XXme, le genre court lemportait et de loin ce nest que dans les
annes 20 que le roman allait prendre la relve.
Il serait intressant de signaler des affinits entre des prosateurs qui, proches par lge, sont
nanmoins perus et attribus des gnrations diffrentes en raison du moment du dbut.
Entre Une matine perdue, le romanrepre de Gabriela Adamesteanu (ne en 1943) et des
annes 80 et La Salle dattente de Bedros Horasangian (n en 1947) il existe plus que de
simples affinits bien que le roman de ce dernier romandpt ou romanarchive de la
mmoire enchane avec la prose exprimentaliste de son congenre Gheorghe Crciun
(n en 1950). Dans les deux cas, le roman historique hante tel un fantme le roman
dactualit les deux romans se regardent en miroir la petite histoire se glisse par une
pluralit de voix et de microperspectives parallles la place de la grande histoire qui sen
trouve frange et relativise. Limplosion de La Vrit va de pair avec lincertitude
identitaire et la dissolution/la prise en drision des discours forts du Pouvoir.
Il semble pourtant que la prose postmoderne des annes 80 se laisse dfinir par la note
exprimentalistelivresque et theortisante o lon pourrait voir, la rigueur, un lien avec le
modernisme tardif, dans sa variante noavantgardiste et conceptualiste. Et dans ce cas, la
prose des 80 ferait plutt figure de phase primaire, militante et programmatique,
avantgardiste au fond, dun postmodernisme qui pour spanouir, sous des formes sensiblement dtendues, bien plus proches de ses origines, teinte pop, qui nous venaient des tatsUnis
et de lEurope de lOuest allait attendre la chute du communisme. Le postmodernisme sans
postmodernit (cf. Mircea Martin) sefface progressivement au profit dun postmodernisme
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une plante chtive et perverse dans les cours intrieures des tours et de ladolescence hippie
aline livresc dans un Bucarest suffoqu par lomniprsence empoisonne de Ceauescu. Ce
livrervlation auquel lauteur ajoutera le microroman Travesti et le premier volume de la
trilogie Aveuglant, Nostalgie est le produit dun auteur qui russit satisfaire au plus haut point
lhorizon dattente des Roumains dans annes 90: synthse entre les nouveaux ingrdients
de loptzecism et lvasionisme litiste de la survivance par la culture leve, la prose de
Crtrescu remet lhonneur la beaut, le sentimentalisme et lidalisme romantique aprs
le cynisme gnralis des dernires annes du rgime de Ceauescu. Dans la foule de Thomas
Pynchon, faisant vibrer des chos venus de Mrquez et de Sbato, Aveuglant amorce
spectaculairement le (mta)romanconspiration qui allait connatre une vritable fortune avec
des variations individuelles: Petru Cimpoeu (LHistoire du Grand Brigand, Christina
Domestica et Les Chasseurs dmes), Florina Ilis (La Croisade des enfants), Ion Manolescu
(Drapage) etc. Des lments similaires apparaissent dans des contextes diffrents dans
la mtafiction historique dAlex. Mihai Stoenescu, La Passion de Saint Thomas dAquin ou
dans Les sept rois de la ville de Bucarest de Daniel Bnulescu, le dernier pionnier avec Radu
Aldulescu et Mircea Danieliuc du naturalisme apocalyptique dans la prose de la dixime
dcennie.
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lentredeuxguerres et Dans lintimit du 19e sicle. Une mixit de succs, qui ne doit rien
au postmodernisme mais qui reprend dans un registre spiritualiste lauthenticisme des
annes 30 allie l(auto)biographie avec lessai philospophique padeque: cest Le Journal
de Pltini de Gabriel Liiceanu et le pathtique Vol cibl. Essai sur la formation de
H.R. Patapievici, Bildungsroman philosophique, nonfictionnel, crateur de mythologie mais
dpourvu de lquilibre goethen du premier, confession pistolaire et autobiographie
culturelle initiatique, caractristique de lunderground spiritualiste de la Roumanie des annes
7080. Les romans du mathmaticien Constantin Virgil Negoi, Amricain dorigine
roumaine, mlange fuzzy de parabole biblique fragmentariste et dessai mathmatique, sont
encore une illustration de la hybridit fictionnelle.
Dveloppements posttraumatiques
Aprs dcembre 1989, la prose roumaine enregistre un changement visible. Le
misrabilisme social, la sexualit agressive, le rejet des tabous nobeat, la (mta)fiction
politique, les histoires personnelles occultes, limaginaire apocalyptique, la rcupration
sur fond grotesque de la thmatique spirituelle, sont autant dlments qui deviennent
omniprsents et que lon aurait du mal identifier dans les fictions antrieures. Des pas, timides
au dbut, de plus en plus dtermins par la suite sont franchis en direction du SF et du fantasy
(bien que certains antcdants significatifs fussent dj prsents dans les annes 80): George
Cunarencu, Ioan Groan, Sebastian A. Corn, Cristian Tudor Popescu, Adrian Ooiu, Radu
Pavel Gheo, Bogdan Suceav. Mme incursions du ct du paralittraire ou de la littrature
de gare. Horia Grbea et dautres poussent outrance le si souvent invoqu esprit tutlaire
de Caragiale cher aux 80, des 90 renchrissent dans la fiction argotique et sordide,
intensment sexualise tandis que des milieux extralittraires mettent sur le march des
noralistes/nonaturalistes comme Radu Aldulescu ou Petre Barbu qui ne tarderont pas se
faire un nom et ouvrir une brche dans le front des prosateursphilologues, jeunes universitaires forms dans les cnacles 80. Le front va se consolider pourtant au cours de
la dixime dcennie par lapport dauteurs forms dans latmosphre cnaclire des annes
80: Adrian Ooiu (carnavalesque encyclopdique, inter et hypertextuel dans LEcorce des
choses ou en dansant avec lEcorche, apocalypse parodique qui beneficie dun traitement
informatique dans Cls brlantes pour fentres molles ou encore Maladresses et normits),
Simona Popescu (essai biographiste dans Exuves enfantinsophistiqu), Caius Dobrescu
(Bordel ou les pionniers de lespace, alliage de misrabilisme punk, expriment joycen
et scnario de BD), Ion Manolescu (la petite monographie western Histoires de notre petite
ville, le roman fractal Alexandru), Ovidiu Verde (autofiction argotiqueadolescentine dans
Musique et phases), Alina Nelega (satire cyber dans Ultim@vrajitoare), Ruxandra Cesereanu
(manirisme fantasterotisant dans Tricephalos etc) Mis part lexemple de succs de Mircea
Crtrescu, la conversion passagre ou dfinitive la prose de potes qui avaient fait date
dans les annes 80 se poursuit pendant la dixime dcennie avec Matei Viniec (Le Caf
PasParol), actuellement un dramaturge francoroumain trs pris, avec Liviu Ioan Stoiciu,
Nichita Danilov etc. Les potes postmodernes apportent dans la prose une ouverture spciale
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The text aims to discuss the theoretical positioning assumed by the writer Mircea Nedelciu
through his texts, whilst placing them in the sociopolitical context of the 80s. At least
according to the declarations Nedelciu makes in the 90s, the socalled textual engineering
used in his prose is conceived as a subversive strategy against the official censorship.
Starting from 1980 onwards, it is becoming increasingly clear that the young generation
(with or without any quotation marks added to its name) selfimposes itself through the
theoretical vocation it displays, thus renewing its links with the theoretical gusto previously
displayed during the interwar period (and, taking a step backwards, over the 60s and the 70s
generations, too). Amongst the 80s generation, Mircea Nedelciu was considered one of its
leaders due to the precision and incisiveness of his theoretical positioning, not to speak of the
fact that he was the first to make his debut amongst cogenerational peers, in 1979.
The failure to resist politics through an Aesop fablewriting type of discourse questions
the very ability of the literary text and its active reading to have any actual social impact. Yet,
it is already a seeming fact that Nedelciu (alongside his peers) initiated the advent of a strong
generation of theoreticians, where it was felt and theorised though without generically using
the term as such since, at the time, the term was rather vague and he was far too rigorous as
a theoretician to have used it the change of paradigm known as postmodernism.
Motscls: Mircea Nedelciu, la gnration 80, textualisme, anthropogeny, postmodernisme.
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Son texte littraire et thorique nous frappe doublement: dabord, par lattention spciale
quil consacre au lecteur (idal ou implicite) et puis par la mise en relation de ce profil
de lecteur la ralit sociale contemporaine. Autrement dit, ce nest pas un renouveau de la
prose dans labstrait ayant comme lecteur un modle tout aussi abstrait, que Nedelciu propose.
Bien au contraire, il se sert de la littrature pour intervenir dans le rel, pour remodeler, travers
les habitudes de lecture, un homme nouveau (qui soit, avant tout, une autre sorte de lecteur).
Ce processus, quil appelle anthropognie (daucuns lont dnomm un nouvel anthropologisme, un nouvel humanisme), il veut lappliquer la littrature par ingnierie textuelle.
Nous voici en prsence de deux concepts importants que Nedelciu nhsite pas dfinir avec
lassurance du thoricien comptent: Tous les auteurs se doivent de crer leur public. Si lon
veut, la limite, limage approximative du public rel dans une socit donne et un moment
donn rentre elle aussi comme composante initiale de toute cration. Une forte exigence de
lauteur lors de la formation de cette image rend plus visibles les traces de son effort
remodeler son lecteur, notamment pour ce qui est de son attitude visvis des conventions
littraires antrieures. Pourtant, remodeler le lecteur cest, en quelque sorte galement,
remodeler lhomme, cest de lanthropognie. Et lon saperoit tout coup que cette dmarche
est bien plus srieuse, quelle nest pas simple caprice, quelle implique des responsabilits
accrues4. Nedelciu aspire former un lecteur attentif, sensible aux conventions littraires,
du lecteur naf (devant lequel les lettres dfilent et se ressemblent) il rve faire un lecteur avis,
qui surprenne les stratgies littraires et aille audel. Cest un souci thorique qui a pour
pendant au niveau de lauteur le dpassement des conventions littraires, de la possibilit
du nonconventionnel en littrature. Son ingnierie textuelle est un effort de contrler et
surtout de dpasser le cercle des conventions littraires dans lequel lcrivain se laisse
dhabitude enferm et, tout autant, davertir le lecteur, de lentraner dans cette aventure de
lexploration aux frontires du littraire. Le nonconventionnel est un autre nom pour
lauthentique qui se retrouve (en dpit de lopinion dAdrian Ooiu5 qui met en opposition les
deux exigences importantes de la gnration des annes 80 les techniques textuelles et
lauthentique) audel des techniques de lingnierie textuelle, tout au bout, une fois quelles
sont puises.
A. Muina, qui lui demandait si le nonconventionnel tait possible dans un texte littraire,
Nedelciu rpond affirmativement: elle est contenue dans lattitude ironique de lcrivain qui
puise pour passer outre toutes les conventions littraires: Le nonconventionnel est
possible, mais seulement quand nous avons puis mentalement ou rellement toutes les
formules conventionnelles, quand nous prenons, tour tour, la voie de chaque convention pour
labandonner, aprs. Dans ce sens, lironie savre constructive. Cest l un trait de la littrature
de la jeune gnration sur laquelle il vaudrait sarrter6. Dans ses morceaux de prose courte,
le thoricien Nedelciu ne se lasse pas dexemplifier ces desiderata. Il est un de cas rares joindre
la thorie la littrature: il excelle jongler avec les conventions du genre (parfois en vertu
dun programme, comme dans DEX 3057: il cre un texte cursif et attention! ironique
partir des mots qui se trouvent la page 305 du DEX, des mots pris dans le tissu textuel par
ordre de leur entre de dictionnaire), les manipule avec lintelligence et le dtachement
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constructif dun auteur qui, en passant outre, sinterroge obstinment sur les sens ultimes de
la littrature.
Pour Nedelciu, nous lavons prcis, les considrations thoriques ont lorigine dans un
temps et dans un espace (la socit roumaine des annes 80). Ds lors, la rsistance au rgime
communiste, par le dni littraire de ses codes et valeurs, simpose avec la force dune vidence.
Djouer toutes les conventions littraires suppose, avant tout, dconstruire les conventions et
les codes (littraires et non seulement) communistes, les signaler au lecteur et, implicitement,
sen dfaire avec ironie. Cest un processus formateur pour le lecteur, mais pour lhomme tout
court aussi, prenant pour cible la rsistance au communisme. Nedelciu se range la conviction
de Foucault: cest en mettant nu et en dconstruisant lordre du discours sociopolitique
communiste quil peut sy soustraire et le miner de lintrieur. Question valable pour lcrivain
et pour son lecteur rel aussi. Nous aurions l linterprtation du terme anthropognie dont
il fait un motcl comme processus de grande responsabilit sans doute littraire mais,
jajouterais, surtout sociale qui dfinit exactement les implications sociales de la littrature,
la finalit ultime de son jeu faire chouer les codes littraires. Gardant la rserve envers le
concept dhomme nouveau, une des manies du communisme aussi, si, dune part, lidentit
de noms du concept communiste et du sien le met labri de la censure, dautre part cette
ambigut est source de malentendus et contresens pour son entreprise dstabilisatrice. Cest
dailleurs ce qui est arriv sa Prface au roman Traitement fabulateur8 (jy reviendrai tout
lheure): on a cru y voir une concession faite au rgime!
Ce discours thorique humaniste plonge ses racines dans la foi aujourdhui plus que jamais
mise en question dans la primaut de la littrature sur toutes les autres sciences humaines
(la tradition littraturocentriste chre notre culture): non seulement la littrature est le
langage qui rassemble les sciences humaines mais ces dernires nont dautre sens que dtre
des recherches prlittraires; elles ne spanouissent que dans la littrature, mme si on leur
prte une certaine utilit en politique (laquelle a souvent des motifs de scarter dlibrment
de la vrit quelle en dcouvre et utilise parfois linformation fournie par les sciences humaines
contre lhomme, si lintrt oblige!), dclaraitil dans son dialogue avec Al. Muina9. On prte
(en 1987!) la littrature une position centrale et centralisatrice quavait occupe jadis la
philosophie et que nulle science humaine ne revendique plus aujourdhui en exclusivit.
Nedelciu avait lintuition du changement de paradigme qui prendra pour nom le postmodernisme (un terme sur lequel, ce momentl, il ne sarrte pas) et pourtant il continue
privilgier un centralisme de la littrature (au dtriment du relativisme postmoderne) qui
lui permet de lgitimer son discours sur laction formatrice, sur la responsabilit dont est
investie la littrature. On peroit dans laffirmation de cette responsabilit sociale un cho de
la critique exerce par lEcole de Francfort et une parade aprs coup aux accusations insistantes
portes contre le textualisme ce momentl. Dune part, cest une ouverture du texte sur une
autre chose, sur le lecteur, sur le social et dautre part Nedelciu ne cesse de le souligner dans
chacune de ses interventions aprs 1990 un combat subtil, textuel, avec la censure et un refus
de la politique dEtat (la parenthse cidessus, relative la politique qui utilise les vrits des
sciences humaines contre lhomme, peut figurer en exemple de dsaveu de la politique
communiste, travers le texte).
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Dans une interview avec Andrei Bodiu10, publie dans la revue Interval, le thoricien
explique lingnierie textuelle par les vertus manipulatrices redoutables, par la capacit de
lcrivain de miner le politique: Lorgueil qui sexprime dans lexpression ingnierie
textuelle sousentend que le texte peut dire nimporte quoi et le contraire sil est bien matris
et que, aprs tout, si les crivains sont un peu perscuts cest parce quils ont la capacit de
dire nimporte quoi par un texte, car ils ont du talent ou cette dextrit que jappelais ingnierie
textuelle (c.a.q.s.) Ils peuvent dire nimporte quoi et le contraire et ils peuvent convaincre; ils
sont donc des facteurs manipulateurs redoutables.
Evoquant un moment donn les dernires phases de la censure aberrante des annes 80,
N. Manolescu se souvenait de la censure des mots, totalement alatoire, qui coupait des passages
au mpris du contexte voire de la syntaxe pour la simple raison quil sy trouvait des mots
tabous relatifs au capitalisme, la royaut, la dchance, la mort, la sexualit etc. Dans
cette situation, il est clair que lutter contre la censure avec les armes de la textualit tait,
probablement, tout aussi hasardeux quenlever des mots dans un manuscrit ou un autre. Je pense
au sabotage textuel, aux stratgies subversives, celles qui rognaient imperceptiblement, de
lintrieur, le discours communiste sur le territoire de la littrature. Le discours du pouvoir,
aux termes de Foucauld, est bien structur, bloc immuable, maonnerie de langue de bois dans
laquelle les salades des crivains viennent sinfiltrer, le plus souvent avec une infinie et
quasiimperceptible subtilit. Malheureusement ou heureusement, le sabotage textuel nest pas
fait que de mots inlassablement traqus par les censeurs mais aussi de syntaxe (phrases
et de contexte) et dimplicite. Telle fut la rsistance textuelle (ou par la culture) dont
je vais parler par la suite en marrtant au cas de Mircea Nedelciu et, indirectement, sur celui
des crivains des annes 80 qui passaient en gnral pour des rvolts, rfractaires au systme.
Dans une interview publie par Observator cultural11, lcrivain Gelu Ionescu qui avait
migr lpoque communiste et qui vit en ce moment Berlin, posait un regard plus lucide,
un regard extrieur, sur la soidisante rsistance par la culture qui fut, selon lui, trompeuse,
une libert dotages: La plupart, qui ont refus le compromis avec la Securitate, ont vcu
dans la zone de la rsistance par la culture. On avait vraiment le sentiment (c.n.q.s.)
daffronter ceux qui crivaient pour Sptmna ou Luceafarul. Ce type de combat ne fut
pas dpourvu dimportance et donnait le sentiment dune certaine libert. Mais ctait une libert
insuffisante, ctait ce que Matei Calinescu a si bien saisi une libert dotages; nous
acceptions que la censure coupe dans nos livres, nous vivions dans le conformisme. Bien sr,
considre aujourdhui, toute cette littrature sopique, de sousentendus, reste une belle (?)
illusion, un chteau de cartes effondr et peuttre une preuve de lchet mais, essayer de
se rappeler le contexte dans lequel ils crivaient et limplicite de leurs stratgies subversives,
il apparat quon a gagn/rcupr une chose importante: le mirage de vivre et dagir lintrieur
dun grand texte, la littrature, et dy saboter le texte officiel, lidologie. De fouiller, peuttre,
les marges de la littrature, Derrida dixit, pour voir jusquo peut porter le combat des mots,
pour voir si nous pouvons, avec les mots, faire non pas des choses mais de la subversion.
Ainsi, lexprimentation littraire des crivains des annes 80 en matire de conventions
littraires (les repousser jusqu la limite pour les transgresser aprs) se superpose une autre
exprimentation, dexploration des marges de la littrarit du ct du social et du politique.
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Ce on avait vraiment le sentiment dont parlait Gelu Ionescu est prcieux ne seraitce que
pour la bonne foi et pour la conviction littraire; il vaut en soi que lon tudie les stratgies
du sabotage du discours du pouvoir, la manire dont des crivains comme Nedelciu
croyaient faire opposition au rgime en dialoguant avec le lecteur rel, et non idal, par le texte.
La Prface de Nedelciu son roman Traitement fabulateur est un exemple dsormais classique
pour la lutte avec la censure dans les annes 80, autant par les chos quelle a eus ce
momentl que par le commentaire de lauteur lorsque le roman fut rdit en 1996 (il avait
t publi en 1986 chez Cartea Romneasc). Cest un exemple trs instructif de textualisme
mis en uvre, de texte utile, de textechamp de bataille, de texte de sacrifice. De texte pig,
enfin, qui appte toutes les suspicions prtes suffoquer le roman proprementdit, un texte
qui fourvoie la censure par lutilisation du vocabulaire officiel, qui fait semblant dadhrer
lidologie socialiste tout en voulant lanantir dans cette treinte mortelle, dans une espce
de dialogue intratextuel qui va audel de la littrature pour toucher le lecteur rel. La tentative
de Nedelciu sera impitoyablement critique par Monica Lovinescu qui, au micro de la Libre
Europe, accuse lauteur de textualisme socialiste et par son ami et congnre Mihai Dinu
Gheorghiu12, qui deviendra un sociologue rput. Des ractions qui indiquent les limites du
texte, ses prtendues vertus sopiques, combien illusoires en ralit.
La lutte avec la censure, dissmine dans le texte, allusive, lironie essentielle, le soustexte,
tous ces avertissements textuels passent souvent inaperus pour le lecteurcible (ce lecteur
intelligent, avis, libre des pressions communistes), la lecture que lauteur appelle de ses
vux nest pas toujours au rendezvous; il arrive mme que, lus de travers, ils soient traits
de complicit avec le rgime/la censure. Lsopisme est un couteau double tranchant, comme
lest en gnral la lutte sur deux fronts: avec la censure, dune part, et celle pour lveil du
lecteur de lautre. Ironiquement, pour comprendre les vrais enjeux de la Prface, il a fallu une
remise ultrieure dans le contexte, une rdition du livre, une remise en situation, il a fallu
des explications postfactum de lauteur. Toute une dmarche qui, finalement, montre qu
lui seul le texte est impuissant avoir gain de cause en misant sur lindirect, limplicite, sur
le demimot. lpoque pourtant, ce fut comme une trouvaille, comme une possibilit
ensorcelante, miraculeuse
Mihaela Ursa remarquait qu partir dun certain moment (dans les textes thoriques, bien
sr) la gnration des annes 80 commence ragir ltiquette passiviste des textualistes
par un vocabulaire belliqueux, doffensive arme: une fois que le textualisme (ltiquette
de la premire heure de la gnration) sest vu affubl dune connotation pjorative sous le
prtexte de la passivit exprimentaliste les directions dvolution de la gnration se prcisent
de plus en plus fermement dans le vocabulaire de loffensive arme, alternative constructive
ellemme, fondatrice, de toute faon prfrable lquidistance du livresque13. Ce qui est
sr cest que Nedelciu insiste prendre ses distances par rapport au textualisme franais qui
clture le texte, alors que son option lui va vers une activit textuante qui lui permette
dintervenir de manire constructive dans le monde. Plus clairement, cet activisme
connotations sociales (mais ontologiques aussi du moment que Nedelciu et ses congnres
parlent danthropognie, de nouvelle sensibilit etc.) repose sur une relation de dialogue, de
coproprit et de coparticipation avec le lecteur, le vrai personnage principal des proses, selon
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Nedelciu. Les tudes consacres la gnration 80, vrai dire peu nombreuses, se
demandent encore si cette crise littraire, si cette rupture et reconfiguration ontologique lances
par les quatrevingtards (ce qui sera appel par la suite le postmodernisme roumain) furent
conues ou peuvent tre considres aprs coup comme une forme de rsistance face au rgime
communiste.
Il ne faut pas oublier que la rsistance textuelle fut dresse contre un autre texte/discours,
celui du pouvoir, contre le mcanisme textuel de la socit communiste. Dans la Prface
de ldition de 1996, Nedelciu sexplique: Le mcanisme textuel de la socit est,
videmment, la propagande. La littrature textualiste se servait de la parodie ou de lironie
pour intgrer le mcanisme textuel de la socit, pour amputer la propagande de toute
efficience en la ravalant au risible. Malheureusement, la lecture ne rendit aussi visibles quon
laurait souhait ni lencodage, ni le soustexte: les raffinements textuels vinrent mourir contre
le monolithe invariable, mais si reconnaissable, du langage de la propagande, impuissants
le fissurer. Le discoursappt, forcment contamin par le lexique de lidologie suspicieuse,
devint luimme un discours suspicieux car, cest connu, les mots finissent par trahir Une
prface susceptible de capitulation morale, de caution accorde la censure dans ce qui tait
la rocambolesque aventure de la publication dun livre sous les communistes. Mihai Dinu
Gheorghiu ne cache pas un dbordement dironie amre: Par une remarquable ingniosit,
le prosateur a trouv un moyen scriptural de limiter les dgts que jappellerais vu que nous
nous trouvons dans la zone smantique du visage partique (c.a.q.s.) (de paresis, dtente):
celui de parler avec une moiti de la bouche tandis que lautre reste crispe, fige dans un rictus
qui chappe au contrle de celui qui parle. La Prface du rcent roman Traitement fabulateur
fait ressortir ce qui dhabitude reste cach, enfoui dans le corps du livre, savoir les limites
du dicible, les frontires acceptes du texte, en sparant le thme libre du thme obligatoire,
les deux inscrits au programme de la gymnastique intellectuelle. Consquence de cette mise
jour impose ou seulement suggre, le roman a lair dun nouveaun qui, tout en poussant
ses premiers cris, trane encore son cordon ombilical qui lui pend, mou, le long du corps (je
ne doute pas que certains commettent lerreur de le confondre avec lorgane du pouvoir: en
ralit, il nest que lorgane de la dpendance face au pouvoir, tant dpourvu de tout pouvoir;
preuve, travers lui, lauteur tient mettre sans cesse en vidence sa position subalterne)14.
Chose remarquable: la rplique de Mihai Dinu Gheorghiu qui reprochait Nedelciu sa
subordination ombilicale lorgane du pouvoir fut publie en 1986, anne de la parution
du livre, par la revue estudiantine Dialog de Iassy
En fait, cette fameuse Prface, comment fautil la lire? On aurait rpondu lpoque (la
question ne se posait mme pas, cela allait de soi): entre les lignes. La lecture entre les lignes,
on en tait alors des experts, tout naturellement; aujourdhui cest un exercice danalyse de
rhtoriquepragmatique. En plus, le texte ne rsiste pas cette analyse, les indices textuels sont
insuffisants. Mais lpoque, lcrivain comptait sur une complicit extralittraire avec le
lecteur rel. Nedelciu en a acquis dailleurs la conviction durant la priode o il fut libraire
Cartea Romneasc. Ce fut alors une exprience pratique qui, jointe ses propres sources
bibliographiques, la aid laborer ses propres textes thoriques sur la collaboration (littraire)
avec le lecteur. Il sagit des articles Un nouveau personnage principal (1987)15 et Le dialogue
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dans la prose courte (1980, une srie de trois articles)16. Chronologiquement parlant, ces textes
encadrent la Prface (qui, elle, date probablement de 19841985 et reprend des passages sa
thse de licence) avec laquelle, comme le dvoile un regard attentif, ils entretiennent une relation
spciale: outre quils se rclament dune ligne thorique commune, ils fournissent au lecteur
de la Prface la cl de lecture. A dfaut de mcanismes intratextuels qui avertissent le lecteur,
nous avons donc cet ensemble de textes thoriques ample intertexte de lauteur qui guide
le lecteur.
Sans les prcisions ultrieures (sans, surtout, ldition rvise par Nedelciu en 1996), la
lecture de la Prface nest gure concluante. On voit combien les risques du soustexte sont
considrables. Il y a pourtant une chose qui est claire, savoir lapptit de Nedelciu pour les
considrations thoriques. Avant dtre une forme de rsistance au rgime, la dimension
thorique est une option programmatique, destine distinguer un groupe. Au dpart, Nedelciu
a fait partie, avec Gheorghe Crciun, Ioan Flora, Gheorghe Iova, Ion Lcust, Gheoghe Ene,
Constantin Stan, Sorin Preda, Emil Paraschivoiu, du groupe universitaire Noii (Les
Nouveaux), actif dans la Facult de Lettres de Bucarest entre 19701973 (et, par la suite, dans
le cnacle Junimea au sein duquel est ne lanthologie collective Desant 83).17
Lexprimentation littraire radicale nourrie des sources bibliographiques dcouvertes
dans les annes dtude la facult (ctaient aux annes de dgel) reprsente un premier
mirage et un premier engagement dans la profession littraire. Gh. Crciun18 va caractriser
trs exactement la passion du groupe des textualistes (dont il faisait partie) pour
lexprimentation radicalise: deux ou trois exceptions prs, louverture du groupe
lexprimentation radicalise, malgr les risques de lchec et de la marginalisation qui en
dcoulaient, est indiscutable. On rvait, presque tous, dun nouveau langage, dune nouvelle
perspective, dune nouvelle syntaxe (la syntaxe de la libert de dire, selon une formule de
Gheorghe Iova) alors que le dsintressement pour la littrature du moment jusque vers 1978,
quand on dcouvre Radu Petrescu, est presque total.
Il existe dans ce premier groupement un vritable fanatisme de la recherche, de lerrance
travers les zones blanches du social et du dicible, la volont de coupler sa propre exprience
biographique lexprimentation rhtorique et linguistique, de dpasser toute contrainte de
genre ou de style et dinventer ainsi le plus libre discours possible (c.n.q.s.). De lemportement enfivr des dbuts, des ttonnements thoriques natront quelques concepts viables qui
stimuleront les sdimentations des ides, consolidant ce que lon appellera plus tard la
potique textualiste19. Parmi ces concepts: lide telqueliste du texte (qui dissout les espces
classiques), la notion de textuation dfinie par Gh. Iova, lingnierie textuelle de Nedelciu,
les investigations sur lauthentique et sur le rapport corpslettre entreprises par Gh. Crciun.
Autant dacquis thoriques aliments par les lectures des annes de facult comme lexplique
aussi Nedelciu: Dans les annes 6070, la Facult de Langue roumaine tait un milieu
extrmement propice louverture culturelle, lexprimentation littraire; mme linformation
mise jour sur les cultures dautres pays tait plus accessible, elle aussi; limplication de lauteur
de texte dans la vie sociale tait regarde comme une chose essentielle et non comme une
obligation. Il me semble que, depuis, lapptit de participation a pris du plomb dans laile.
Il y aurait beaucoup dire sur cette priode du cnacle Junimea, sur le niveau thorique des
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discussions qui volaient trs haut, sur les revues exemplaire unique que lon accrochait aux
murs de lUniversit et o on publiait, avec superbe et navet, des manifestes littraires.
Ce fut le cas de la revue Noii (14 ou 15 numros) [...]. Bien des propositions crites alors
sur un ton apodictique ont t oublies, dautres furent intgres la dmarche des auteurs
cidessus (du groupe Noii) (c.n.q.s.) dans des formes presque mconnaissables mais, dautre
part, quelque chose de la dsinvolture qui nous semblait toute naturelle ce momentl a rsist
mme si les freins de la maturation et de lautocensure ont commenc fonctionner et je pense
que cest l une bonne chose. Dune certaine manire, des signes extrieurs comme ceux qui
nous valent aujourdhui ltiquette de postmodernistes taient dj visibles20.
noter que les opinions des deux reprsentants de pointe des crivains quatrevingtards
bucarestois (membres du groupe textualiste) concordent pour ce qui est de limpact des
annes de formation sur les prises de position ultrieures, quelle fussent textualistes ou
postmodernistes. Jajouterais que, avant dtre une forme de rsistance au politique,
lingnierie textuelle est, on le voit bien, la consquence constructive de leffervescence
thorique juvnile dont elle a conserv aussi lenthousiasme que lesprit de suite. Nedelciu
semble avoir t le cas heureux du thoricien qui confirme sa pratique littraire et qui ne doit
pas se rtracter ou samender sur ses premires prises de position programmatiques. (Ce qui
ne veut pas dire que la critique littraire na pas identifi dans la potique des annes 80 nombre
de contradictions)
Il conviendrait de sarrter sur la fortune quallait connatre le terme dexprimentation
littraire, commencer par les quatrevingtards mmes (le terme apparat dans la citation
cidessus de Nedelciu). La passion thorique du groupe Noii est paule par celle de
lexprimentation. Lexprimentation convient parfaitement lesprit juvnile nonconformiste,
aiguillonn par llan des dcouvertes et cest bien ainsi quil a t trait par la critique littraire
de lpoque. Mais les insurges ne sen contentent pas. Dans Experimentul literar romnesc
postbelic21, Gh. Crciun dun commun accord avec les deux autres coauteurs, Monica
Spiridon et Ion Bogdan Lefter traite lexprimentation comme une dimension dfinitoire de
la littrature roumaine de laprsguerre, savoir de la littrature des annes 80. Dans la prose
des annes 19801990, Craciun identifie lexprimentation en tant que tel/radicalis et
lexprimentation intgr. Il range les textualistes du groupe Noii, ,,parrains par les
prosateurs de lEcole de Trgovite, leurs pres spirituels, dans la catgorie du premier
type. Lambition des textualistes roumains crit Adrian Ooiu22 cest de transformer le
textualisme de simple rhtorique en vision, de lui donner donc dimension ontologique (sur
ce point, Mihaela Ursa va mettre des rserves, que Adrian Ooiu, lui, ne partage pas au sujet
du postmodernisme des quatrevingtards).
Crdits par Gh. Crciun dune tradition, les exprimentalistes radicaux sont prsents
en parallle avec une seconde vague de prosateurs qui, eux, pratiquent une exprimentation
intgre. Le radicalisme esthtique des premiers signifie, dune part, jonction de la biographie
avec la littrature exprimentale et, dautre part, dpassement des conventions de genre, style,
thme etc. afin dobtenir le plus libre discours possible, affirmation qui ne peut pas tre
dissocie de la zone du politique.
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mentation pratique par Nedelciu qui tait justement cette mise en relief des techniques
littraires dans le texte est une preuve du changement de paradigme non seulement littraire
(les prosateurs sont conscients que lomniscience et la mimsis traditionnelle sont devenues
insuffisantes) mais social aussi. La multitude, la diversit vertigineuse des ralits sociales
contemporaines sont tellement puissantes quelles ne se contentent plus dans luvre
littraire traditionnelle, gre par son unique narrateur, omniscient. Dans cette littrature
personnages, lauteur est seul matre bord, il est le montreur de marionnettes ou, si lon
accepte la terminologie conomique prfre par Nedelciu, celui qui dirige le mouvement
des titres de proprit et peroit limpt25.
La convention sur laquelle repose lauthentique dune telle uvre nest plus
dmontrer, elle nest que leffet dune trompe lil voulu par lauteur. Autrement dit, le terme
est utilis abusivement et il est mal venu dans une littrature nondmocratique: Lauthentique dun tel auteur est constamment emprunt abusivement: elle est globale et gre.
Mais questce qui change dans le nouveau paradigme littraire? Questce que le nouvel
authentique? Nous lavons dit dj, Nedelciu veut arriver quelque part du ct des marges
de la littrarit, il veut transgresser les conventions jusquau territoire du nonconventionnel,
l o lauthentique littraire devient authentification au niveau du social. Le statut des deux
termes du schma de Jakobson change automatiquement: metteur (auteur) rcepteur (lecteur).
Le premier mouvement nonconventionnel essentiel pour postuler un nouvel authentique
cest de faire apparatre lauteur (avec un nom propre) dans un texte littraire26. A ce moment
on peut parler de la dmocratisation de lcriture, de relations de coproprit et de la
coparticipation auteurpersonnagelecteur llaboration et la gestion du texte. La simple
dmission de lauteur de ses pouvoirs conventionnelsdmiurgiques, son implication biographique dans le texte change quelque chose dans la relation du produit littraire avec la
socit qui laccueille, modifie le statut du lecteur [...], redonne du naturel au dialogue et donne
de la vigueur certaines fonctions sociales de lart littraire27. Cest un texte de 1982, antrieur
donc la clbre prface dont il a t question cidessus et dont la lecture ncessitait lclairage
de ce genre de textes descorte, antrieures comme date de parution.
Au moment o disparat lauthentique global contrl par lauteur, il est remplac par
les discours libres des personnages rels, qui ne doivent rien lintervention de lauteur;
lauthentique acquiert ce sens de nonconvention, dacte social et, par la suite, dacte
engageant: Lcriture littraire devient consubstantielle avec de nombreuses autres activits
sociales et la socit o elle est produite et, par le fait mme quelle authentifie (c.a.q.s..) toute
lecture, elle est engageante28. Le seul problme qui reste rgler par cet auteur qui a renonc
ses prrogatives de dmiurge concerne la mthode de transcription du rel; il est exclu quelle
rsignifie/falsifie la ralit comme dans le cas de lauthentique global que le narrateur grait,
fort de ses titres de proprit. Mais lintelligence thorique de Nedelciu flaire le pige: des
exemples concrets lui fournissent la preuve quil ny a pas de mthode/transcription qui limine
compltement les doutes, qu aucune manire de transcrire le dialogue nest idologiquement
innocente29. Il ny a point de technique littraire authentique au sens dun authentique nonconventionnel (except les conventions littraires) car nous sommes, fatalement, pris dans un cercle
vicieux (la littrature). Nedelciu trouve la parade: postuler une autre opposition, entre le
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texte, le texte est mis entre parenthses par la question; le lecteur ne peut avancer dans la lecture
qu condition de se poser des questions sur le texte, de mettre entre parenthses son tour
le texte33.
Nous rappelions plus tt un cho de la critique de lart affirmatif entreprise par lcole
de Francfort: la prose de Nedelciu semble appartenir la catgorie de la littrature engage
tenir en veil lesprit critique, entretenir lhumanisme (ftce le nouvel humanisme) et
non encourager lalination de lindividu ou, avec un terme dont il use souvent dans la Prface
au Traitement fabulateur, la marchandisation de celuici. Vu le contexte sociopolitique
roumain, il est vident que la critique de la littrature marchandise enfante par le
capitalisme doit tre lue lenvers, que cest la critique de la littrature idologise et un
plaidoyer pour la rsistance de lesprit critique individuel (du lecteur rel) sous le rgime
communiste. Ce type de rsistance, par la littrature, la politique officielle sest heurt au
scepticisme des exgtes du phnomne quatrevingtard. Caius Dobrescu34 sen montre trs
svre et, passant en revue les contradictions des quatrevingtards, A. Ooiu note son tour:
les jeux textuels sophistiqus risquent de dtourner lauthentique de ses commandements
sociaux, den faire un jeu de salon, un concept relatif et tronqu35.
Lancs comme concepts thoriques purs, opposs au nomodernisme (ou au
tardomodernisme, selon Crtrescu36) des crivains des annes 60 et 70, les deux concepts
dfinitoires pour les quatrevingtards respectivement pour Nedelciu acquirent
progressivement un sens social de plus en plus marqu: ils doivent rpondre des commandements sociaux et, le thoricien insiste ldessus, malgr de possibles similitudes avec
le textualisme franais ou le postmodernisme, ils sont issus de la ralit engage dans les
transformations de notre socit, issus du devenir historique rel et rcent de la littrature
roumaine, de la ralit des relations que cette littrature entretient avec la socit dans laquelle
elle est crite et publie37.
Dans une perspective radicale, nous dirions que lenjeu des thories de Nedelciu (et des
quatrevingtards) est le social, un enjeu qui, en fin de compte, nest pas atteint et cest l
lunique contradiction quon peut lui imputer. Lchec dune rsistance au politique par
lcriture sopique met en question, au moins, la possibilit de limpact social du texte
littraire et de la lecture active. La gnration des annes 80 appartient dj lhistoire littraire,
notamment pour ce qui est de lingnierie textuelle et de toutes les techniques drive du
textualisme. Mais aussi en ce qui concerne les homologies entre le littraire et le social qui
aujourdhui font plutt figure de jolie utopie. Il nen reste pas moins vident que Nedelciu (et
ses congnres) ont initi une gnration thorique puissante, quil a pressenti, quil a
thoris sans lui reconnatre/utiliser le nom ( lpoque le terme tait assez vague et notre
thoricien trop rigoureux pour lutiliser comme tel) le changement de paradigme quon allait
appeler postmodernisme.
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Gheorghe Crciun, Competiia continu. Generaia 80 n texte teoretice (La comptition continue. La gnration
des annes 80 en textes thoriques), ditions Paralela 45, Piteti, 1999.
Indivizii scriu cri, generaiile creeaz literatur (Les individus crivent des livres, aux gnrations de crer
la littrature), in Amfiteatru (An XIII, 5(149)/mai 1978), p. 10; Nicolae Manolescu en dialogue avec Clin Vlasie.
n actualitate: problema generaiilor (Dans lactualit: le problme des gnrations), in Amfiteatru (nr.
1(169)/janvier 1980), pp. 45.
Mircea Nedelciu Alexandru Muina. O convorbire duplex(Mircea Nedelciu Alexandru Muina. Un
entretien duplex in Echinox (n 34/1987), pp. 1213.
Adrian Ooiu, Trafic de frontier. Proza generaiei 80 (Trafic de frontire. La prose de la gnration 80), ditions
Paralela 45, PitetiBraovBucuretiClujNapoca, 2000.
Voir note 4.
Dex 305, in Mircea Nedelciu, Proz scurt (Prose courte), ditions Compania, 2003, pp. 626630.
Mircea Nedelciu, Tratament fabulatoriu (Traitement fabulateur), ditions Cartea Romneasc, Bucureti, 1986;
IIe edition, ditions All, Bucureti, 1996.
Voir note 4.
publi dans Interval, nr. 4/1998.
E foarte greu si asumi duplicitatea (Il est fort difficile dassumer sa duplicit), in Observator cultural (nr.
69 (326)/2228 juin 2006), interview avec Gelu Ionescu prise par Ovidiu imonca.
Prefeefee. Rspunsul sociologului la provocarea prozatorului (Prfacesfaces. La rponse du sociologue mis
au dfi par le prosateur), in Dialog (nr. 114/oct. 1986), pp. 56.
Mihaela Ursa, Optzecismul i promisiunile modernismului (Le courant des annes 80 et les promesses du
modernisme), ditions Paralela 45; Piteti, 1999, p. 54.
Voir note 12.
Voir note 1., pp. 242245, respectivement pp. 305313.
Desant 83. Antologie de proz scurt (Descente 83. Anthologie de prose courte), IIe dition, prface et dossier
critique par Ion Bogdan Lefter, ditions Paralela 45, PitetiBraovBucuretiClujNapoca, 2000.
Experimentele unui deceniu (19801990) (Les expriments dune dcennie (19801990), in Monica Spiridon,
Ion Bogdan Lefter, Gheorghe Crciun, Experimentul literar romanesc postbelic (Lexprimentation littraire
roumaine de laprsguerre), ditions Paralela 45, Piteti, 1998, pp. 4546.
Idem, p. 46.
Voir note 4.
Voir note 18, pp.
Voir note 5.
Voir note 18, pp.3537.
Voir note 10.
Dialogul n proza scurt (III). Autenticitate, autor, personaj (Le dialogue dans la prose courte (III).
Authentique, auteur, personnage), Echinox (nr. 567/1982), in Gh. Crciun, Competiia continu. Generaia
80 n texte teoretice, ditions Paralela 45, 1999, p. 310.
Idem, p. 311.
Idem, p. 311.
Idem, p. 311.
Idem, p. 311.
Dialogul n proza scurt. Transcriere i construcie (Le dialogue dans la prose courte. Transcription et
construction), Echinox (n 8910/0980), in Gheorghe Crciun, op. cit. la note 1, pp. 305309.
Idem, p. 308.
Idem, p. 308.
Voir note 25.
Idem, p. 312.
Caius Dobrescu, Modernitatea ultim (Modernit ultime), ditions Univers, Bucureti, 1998.
Voir note 5, p.29.
Mircea Crtrescu, Postmodernismul romnesc (Le postmodernisme roumain), avec une postface par Paul Cornea,
ditions Humanitas, Bucureti, 1999.
Un nou personaj principal, Romnia literar (Un nouveau personnage principal, La Roumanie littraire) (nr.
14/ 2 aprilie 1987), in Gh. Crciun, op. cit. pour la note 1, p. 245.
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la diffrence de la littrature ou des arts visuels, dans le thtre que lon pratique chez
nous depuis des dcennies les directions postmodernes sont la trane des autres pratiques
culturellesesthtiques, elles ont pris un retard considrable et sont dpourvues de cette nergie
polmique propre les dfinir. Coinces dans la zone des variations stylistiques comme
affectes par une sorte daphasie identitaire, elles nont jamais franchi le seuil dune constitution
esthtique. Partout dans le vaste monde, les mcanismes associatifsvocateurs de la
modernit tardive discrditent par leur fonctionnement mme toute prtention de vrit ultime.
Leur enjeu est bien moins ambitieux et les stratgies fragmentaires ephmres de discours
ne sacharnent pas grand refort de tambours rsoudre quoi que ce soit. Alors que chez
nous, les constructions scniques des auteurs omniscients ne consentiraient pour rien au monde
abandonner le jeu trompeur des petits cailloux colors en nourissant lillusion triste en
dernire instance que la personne du spectateur / du public acqurrait de la noblesse et
rentrerait dans lordre transcendant rien quen pratiquant lempathie avec le commentaire
culturel & narcissique.
Peuton concevoir un discours de la modernit tardive qui, tout en valorisant les
diffrences, reste logo(ego)centrique?
Keywords: theatre, dramatic literature, Romanian theatre, comparatist constructivism
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Romanian theatre, as it is and such as it is, meaning the theatre on stages, not the one
confined between literary covers (which is merely a proposition/challenge to which
theatremakers can choose to react or not), is, in a dismal tradition of sorts, allergic to concepts.
It is bohemian and philosophises solipsistically, yet it does not take it upon itself to ask
ontological selflegitimating questions. It is, in other words, rather like a spoilt child, bred in
luxury, born in the Eastern horizon of bourgeois Romania, as a symbolic product of an urban
society in direr need of ornament than of sewerage, of villas with gold polished stuccos than
of reliable schools, and of a promenade road than of many roads competently paved. This spoilt
child, raised in the luxury that only parvenu sloth can supply (swiftly wiping away the
constructive, gruelling, effort that ought to lie behind the circumstances of opulence), has learnt
only with great difficulty, if at all, to raise serious questions on its own condition, functions,
responsibilities, and powers.
Having swiftly bounced from the condition of budgetassisted figurehead of national
culture to that of a cultural industry, just as centralised and budgetsupported yet intended...
for the working people (!?!), theatre in Romania has obstinately shunned any currents, trends,
tribulations, transformations, changes of discourse or of content, even in the most dramatic
moments of its existence. It has chosen rather to... adapt through books, or in other words, to
adapt in its formulae, not its anxieties. This was true even in those sorrowful times when theatre
was the... only direct and socially open form of artistic expression, as in the last years before
the revocoup. Its heroism of survival, over which there was so much noise for more than
a decade after the fall of the Berlin wall, was, to a critical extent, the result of the closure: it
was the closure that preserved and exacerbated this leisure practice of urban populations,
preserving and exacerbating the practices of theatrical discourse already established in the 1960s
and 70s. What came about this way was an exponential increase of... authors (read directors)
stylistics, in parallel with the complete shutting off of any space of debate or even respiration that bore upon the theatres very condition for existence.
However odd it may sound, a discussion on Romanian theatre in postmodernity (or, more
correctly said, in Vattimos train, in late modernity) seems to me inescapably pained as long
as we do not raise enough distance between ourselves and the current literary practice. Without
such a distance one could never distinctly grasp the fact that the theatres condition
(selfassumed as often as not) is that of a museum exhibit proud of itself. I am ignorant as to
whether the Romanian state of affairs is indeed unique, yet I have long tired to state again and
again that the theatrical mainstream keeps banking on the favourable state of affairs, which
is that of a prolonged and irresponsible childhood: theatre is because it was begotten, and it
must be given because it will be given. Why it was begotten or whether it deserves to receive
is... not its affair.
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greatest part, is quite deadly, in spite of the fact that it is beautiful and precisely because it
is kicking. As Brook said, genially, the deadly theatre is indeed virulently alive.
The first clear dimension, shelllike, surfacelike, which strikes you when you look at the
late modern theatrical landscape of Romania is the blatant and severe asynchronism between
the dramatic literature and the stage production of the last two decades. The post1989
dramatists, by which I mean those from the first postrevolutionary interval, excluding Matei
Viniec, but to some extent including those in his succession, had no directors, and continue
not to. More precisely, they have no directors from the class of the famous, the iconic, the
exportready, but merely in the happiest cases from the class of professionals, often
considered to be just craftsmen...
Let us not delude ourselves. The cultural interest in Viniecs postBeckettian theatre came
not so much out of the stage artists acute need to embrace his theatrical universe, but out of
a sense of duty that descended upon certain theatres, urging them to curtsey at a Parisconfirmed
celebrity. The fragmentarily academic dramatic constructions, the collagelike recompositions
of theatrical clichs/mythemes signed by Horea Grbea have hardly, if at all, established any
partnerships with directors, which amounted to nothing. Vlad Zografis texts of the last decade,
which, as I never tire to declare, are exceptional, have passed almost unnoticed, despite their
excellent reception in literary circles: Petru has barely enjoyed two stagings, both much
narrower than the ambit of the literary venture (which is in the late modern, reflexivepolemical
line that has gained so much acclaim among the British through Howard Barker, among the
Germans through Fassbinder, etc., while also receiving a dependable philosophical grounding
through thinkers of Sloterdjiks breed). The King and the Corpse enjoyed only a few
performances, while Oedipus in Delphi, a play that has much to offer, even from the point of
view of the naked performance, has never been staged.
A much more productive dramatist, because he is much more stubborn in his determination
to be professional and comprehensive, Radu Macrinici (master of a singular poetical
discourse, stemming both from a palimpsestlike scanning of the successive cultural layers
enveloping being and the subject and from obsessive plunges into the individual and the
collective unconscious) has been staged by a few fans in provincial theatres, and has come
to be patrimonised while only one single play by him has ever been put on in Bucharest,
namely The Electric Angel (directed by Radu Afrim).
In his own fashion, Macrinici is the Romanian dramatist that may, in letter and in spirit,
have come closest to a genuinely appropriated tradomodern drive, if we only look at the fact
that his texts, at core, thematise the idea of communication: communication that engenders
the event be it comic, tragic, conflictual, or dramatic but is forever deviant from the causal
point, an accidental one, which is that of the character expressing him/herself. Macrinicis world
deconstructs the fluid flesh of the word in plain sight, overthrows its significations through
an operational cleansing, and reveals the tragic side of relativism1.
I, at least, still find it inexplicable (if not downright dumbfounding) that some of his most
vibrant pieces, genuine carnivals of spirit, fantasy and depth, yet also free constructions, not
in the least confined in a sacrosanct rhetoric, overflowing with subtlety and jovial at the same
time [such as A!Frica! (Rom. frica = fear), or T/_ara mea (M/My Country)] have never seen
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the limelight; while others such as Ping Body or Mama Lolita have only enjoyed one single
staging each. The former at least, written almost a decade ago, has finally come to be a show
that captured the lively tone and interactive dynamics inscribed in the textual proposal (with
Theodor Cristian Popescu as director).
An even more drastic situation is that of the newer generation of dramatists, coming straight
from the literary field with lingering traces of that fragmentary and pamphleteering
combinatorics, with rebellious pert touches, which is the province of postmodernism taking
itself seriously: only one play of Caramans, Dead and Quick, has been performed a few times,
yet with no farreaching consequences, while so many other plays have hardly ever seen the
limelight, if at all; Dumitru Crudu has suddenly found himself in the position of an
awardwinning, yet barely staged, author, the TV production of one of his plays emerging rather
like an inexplicable eccentricity. The saddest of all seems to me the case of Saviana Stnescu,
a truly original and powerful author even before she left Romania, with a discourse that overtly
declares itself postmodern, who has been staged only with works from her poeticexperimental
stage, dating from almost a decade before; her theatre still remains a kind of terra incognita
here, even if The Inflatable Muse came out in volume form and three other plays in an
anthology already two years ago, even if in New York she is increasingly enjoying a
welldeserved recognition, and so forth. Yet, as an actress symptomatically said at the radiant
premire of Waxing West: You mean to say that those Americans really have a theatre?
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There would be nothing unusual here, let alone anything bad. Except that the creative
freedom set on a bibliographiccomparatist foundation has gradually become a readypacked
recipe for commercial success (in the eyes of the critics and of the producersexporters, not
in those of living audiences, which clap in timid astonishment and shrug as they leave the hall).
One may then justly speak of collage techniques and of the inter and transtextual
decentering that sweeps the archetypal away with the force of an imagistic tsunami as used
to happen in Purcretes large and polemically baroque compositions, such as Ubu Rex with
Scenes from Macbeth, Phaedra, or even, more recently, in Closing Night at the Fun Fair).
One may also speak of intertextuality substituting paradigm in the construction of significations
(or, to put it differently, of the fact that the show begins to speak only vaguely about something,
freely evoking other works instead; this shift is visible in the distance reached by Purcrete
after The Danaides and by Mona Chiril after Servant for Two Masters); or of the
metalinguistic siege on the actual poetics of performative discourse (or, to put it differently,
of the fact that the show directs its strategies chiefly towards exposing its own stylistics, as
it happens in some of Tompas celebrated shows, from the unparalleled Bald Singer to his much
more edgy Hamlet or his recent Lear). One may just as well speak of the tendency for cultural
contaminations to substitute themselves excursionistically, even walking with kitsch on
kitsch to the messagebearing construction, pulverising the semantic flux (as it frequently
happens in many of the serial constructions by Mihai Mniu_iu, increasingly independent of
verbalisation, from Sptmna luminat to Mr Leonida, and from The Wedding to the recent
A Hot Summer on the Iza). And so on, in many gestures of adaptation to the late modern
discourse procedures. Such adaptive appearances may even push one unsuspectingly towards
the most dangerous of confusions: believing that one has sufficient elements to speak of an
aesthetically constituted late modernity in the Romanian theatre.
Nonetheless, right from the outset, between Bob Wilsons dream of shaping the discourse
of oneiric images, which defied any centralising/universalistic pretension, and the endless,
journal of ideaslike, rereadings, or even quotes through selfquoting, of our great
productions of the last decade there is a considerable, and not purely formal, distance. This
distance relies, dramatically and selfdestructively, especially on the functional mimicking
of the largest associative freedom, while the semantic nuclei, such as they are, are forever
and totalitaristically universalistic.
Differently put, how is it that nobody finds it strange, or at least discomforting, that the
seamy and lyrical, selfexploring, theatrical discourse of the great Romanian shows is
inexorably centered on the great themes? Man, sin, atonement, the religious condition,
DEATH? (Not Mr. Joness death, but the eternity of death!) Temptation, the condition of
the chosen man (the tragic hero again, what do you know!), the great migrations, the clashes
and contaminations between civilizations, the end of history...? These are as many plus a
few more (but not a lot more) topoi/themes, all preserving the (unacknowledged?) pretension
of recentering, of the final paradigm, even if merely a nostalgically reminiscent one, manifest
through dazzling personal collages, sub and surrealist. All of them enforce the unique voice
of a total author at the directing desk, who temporarily (yet this impermanence has lasted for
decades now) usurps the position of the prophet.
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Otherwise, in the world at large, the late modern associative and reminiscent machineries,
winking at the addressee, often in a flippant and selfparodic mood, undermine, through their
very functioning, all pretense at ultimate truth. What is at stake there is a lot less pretentious,
and the fragmentalist, ephemeral, discourse strategies do not have the bombastic steadfastness
doggedly meaning to solve something: all they can do, at best, is induce an extension of the
critical spirit. Whereas here, the scenic constructions of our total authors resort, as usual, to
the vehicle of kaleidoscopic stones (jumbled, diffuse, fragmentarist, encyclopedistic) with the
illusion a sad one at core that the spectator/publics self becomes uplifted and reenters
the transcendent order through the simple exercise of empathising with their cultural and
narcissistic commentary.
Is it possible to conceive a discourse of late modernity that valorises differences, yet remains
logo(ego)centric? I find that to be a numbing paradox, a getting stuck in nonsense. My honest
mind? I believe that our theatrical postmodernism is just as postmodern as, in its
time, Mistress Chirias French was indeed French. Yet, as Brook said, this does not mean
that it is dead, but merely that even this way, not fully begotten, it is sometimes quite
virulently alive.
NOTE
1
Now, with the passage from modernity to postmodernity, force appears to become signification, being to become
word, and operating signifying. In the signifying rationality of postmodern culture, the operationality of modernity
actually triumphs. Communication is taken for signification, significations are taken possession of by massmedia
technologies, and semantics are dominated by syntactics. Aurel Codoban, Postmodernismul, o contrautopie?
[Postmodernism, a CounterUtopia?], in Postmodernismul. Deschideri filosofice [Postmodernism. Philosophical
Openings], Dacia, Cluj, 1995, p. 99.
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Starting in the latter part of the 60, postmodernism played several roles throughout its
onstage performance career ranging from happening performance art forms to guerrilla
theatre. These artistic forms of expression were marked by an increasingly pronounced
diminution (eventually turning to sheer dissolution) of the gap separating the artist from
spectators, intermediacy1/interdisciplinarity2, the antithetical (yet, complementary) polarization
between the hypertechnological drive and the exclusive accentuation of the concrete reality
underpinning the performers scenic presence associated to the gradual reduction of the role
played by the theatre text per se, within the dynamics of the show3. In the long run, the evolution
of what is considered to be constituting performance art did not lead to the disappearance of
the dramaturgy concept, but to the emergence of new types of writing designed for theatrical
interpretation, ranging from documentary dramas to, lets say, the manifest which literally
pulverised the Aristotelian theories about the text.
It is this particular dimension pertaining to the postmodern character of showbiz, which
is best, if not solely represented in the Romanian language theatre through the work of
dramaturgy practitioners like Gianina Crbunaru and Nicoleta Esinencu a text author, whose
texts authorise, in turn, shows that are a pure spectacle.
Motscls: postmodernisme scnique, happening, performance art, lart live, thtralisation
du texte, le thtre documentaire
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dfis qui remettent en question la domination du texte. Les premiers dfis remontent
lavantgarde historique, Antonin Artaud au premier chef. Dsormais, le texte ne sera plus
quun lment dans la scnographie et lcriture performative gnrale du thtre. 8 Voici
lune des prmices de ltude de HansThiess Lehmann laquelle, publie en allemand en 1999
(Postdramatiches Theater) ne sera traduite en anglais quen 20069: toutes les formes
rattachables ce domaine que lon peut appeler thtre dans la plus large acception qui soit
se rclament de lloignement de ce que lon appelle spectacle comme interprtation dun texte
prexistant: elles voluent de lart en tant que mimesis, que reproduction/imitation de la vie
vers lart en tant que prolongement/emphase de la ralit, en comptition avec la vie ellemme
pour laquelle chaque scnario textuel est unique et irrptable. Cest la dfinition de Lehmann
qui tente de scarter de la notion de performance art puisque sa thorie stend aux mises
en scne traditionnelles aussi qui brisent les cadres et les canons du dramatique pour le thtre
postdramatique.
Dans le long terme pourtant (et Lehmann luimme semble agrer lide), cette volution
vers le thtre postdramatique ou vers ce que lon appelle performance art na pas limin
le concept de dramaturgie10, elle a permis lclosion de nouveaux types dcriture pour le thtre
allant du docudrame au manifeste, aux collages, aux textes crits daprs la dicte
automatique etc qui ont dynamit les thories aristotliciennes du texte beaucoup plus que ne
lavait fait dj, dans la premire moiti du XXme sicle, la dramaturgie brechtienne.
Cest prcisment cette dimension du postmodernisme du monde du spectacle qui trouve
sa meilleure expression dans le thtre de langue roumaine encore que, grce dheureuses
exceptions, elle ne soit pas la seule soutenue par Gianina Crbunaru et Nicoleta Esinencu,
auteurs de textes et, en mme temps, auteurs de spectacles11.
En fait, dans lespace thtral de langue roumaine12 le postdramatique reste encore une
rfrence plutt thorique: la scne est toujours domine par la figure tutlaire du metteur en
scne dmiurge, qui entretient, encore, une troite relation ambivalente de amo et odio avec
le texte.
Peru comme un dveloppement thtral postmoderniste qui choisit, souvent, la
dconstruction, dune perspective pragmatique, des textes dramaturgiques accrdits (un odio
en version soft, charge dironie), le genre de spectacle pratiqu par Radu Afrim13 nest point
une exploration du potentiel performatif de certains textes mais simplement une stylistique
dauteur. La plupart des spectacles dAfrim (si lon excepte Kinky ZoOne et Americastietot14,
raliss dans le bar de Green Hours, postmodernistes par la gratuit et lantiesthtisme et
postdramatiques par la primaut accorde limprovisation et linteractivit, dconstructionnistes en rfrence appuye envers les canons quils dcomposent) ne vont pas audel
dun modernisme attard ou dun postmodernisme titubant. Ce que Afrim (et non seulement
lui mais aussi dautres metteurs en scne de la jeune gnration, Radu Apostol15, par exemple)
fait entrer dans la pratique de la scne roumaine cest la prfrence pour des comdiens dont
les donnes psychophysiques se rapprochent jusqu une identification souhaite avec celles
du personnage interprter et, aussi, labandon presque total de la construction et de la
composition; ce que Afrim et Apostol tentent dobtenir du comdien et leurs spectacles en
sont souvent trs fragiliss cest de faire en sorte que ce dernier assume jusquaux dernires
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consquences la situation thtrale comme relle pour ce qui est du soi civil. De la vie,
de la vie, pas de fiction, rclame un artiste roumain hiphop trs en vogue16, sauf que des
comdiens capables dinterprter lart comme ralit sont encore en uf, dans un thtre dont
lcole interprtative se rclame encore furieusement de Stanislavski.
Le thtre roumain daujourdhui compte une figure part: Carmen Lidia Vidu. Cest la
seule auteur de spectacles qui utilise comme lment fondamental les nouvelles technologies17
dans des structures de scne o le texte reste un lment indispensable mais de toute vidence
secondaire. Bien accueillies en milieu underground, ses mises en scne passent difficilement
ou pas du tout dans le mainstream et dans le monde du thtre en gnral. Pour le moment,
elles se cherchent un langage commun avec celui que lon connat et accepte.
Les mises en scne de Gianina Crbunaru dont lexprience dramaturgique influence par
la philosophie Royal Court Theatre la pousse donc de plus en plus vers une criture , rvlent
un penchant performatif vers des explorations indites de lespace. Ses textes18 ont valeur
performative dans la mesure o ils sont mis en scne par ellemme19 ( remarquer pourtant
que Stop the Tempo, travaill avec les trois comdiens partir de leurs expriences concrtes
et allant jusqu la lecture live des coordonnes de leurs cartes didentit est bien plus proche
du performatif que son texte suivant, madybaby.edu, o les monologuesmanifestes de rvolte
sociale sont glisss dans une structure thtrale conventionnelle). Dans la mise en scne de
la pice de Maria Manolescu SadoMaso Blues Bar20, le potentiel dramatique est exploit par
une exploration resementise de lespace rel. Si aprsdemain avanthier est une pice
distopique, o lon peroit des chos de Thomas Pynchon et Don DeLillo et qui se rclame
dun postmodernisme mfiant de la convention des pratiques sociales bonnes vs
mauvaises, le plus rcent scnario thtral de Gianina Crbunaru, 20/20 dclare son option
(momentanment) dfinitive en faveur du noralisme scnique documentaire: elle propose
un travail de mmoire critique du conflit roumanomagyar qui a ensanglant la ville de Trgu
Mure en mars 1990 travers des interviews avec des personnes bien relles, plus ou moins
impliques dans les vnements. Les interviews sont reconfigures au gr des improvisations
des acteurs. Dans une telle approche, le dramaturge sen tient la gestion du matriel
documentaire quil organise en vue dtre reprsent. Cest une extension (par le traitement
de textes primaires nonlittraires et nonthtraux) de la perspective sur la fonction de geste
secondaire de la dramaturgie que lui attribue les thories de Lehmann.
La plupart des textes rcents de Nicoleta Esinencu sont soit explicitement verbatim (mthode
de construction thtrale dans laquelle le texte dramatique reproduit le texte document dans
le total respect de ce qui a t dit ou crit) comme pour Radical.md21 qui parle de racisme
et xenophobie en Moldavie , soit une documentation qui ne recourt pas des techniques
dclares darchivage (la collecte du matriel ne rsulte pas dune recherche) comme cest
le cas dans Antidot22 qui traite de la manipulation en tant que politique dEtat. Les pices de
Nicoleta Esinencu23 sont structuralement adramatiques aux normes des schmas classiques,
dans la plupart des cas ils misent sur la convention (fausse) du monologue. Ce sont des pices
sensorielles, carnales, qui exigent la recomposition de cette carnalit dans une forme
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spectaculaire mais cause de leur brutalit (sans liaison directe avec la violence du langage)
la lecture raliste nest possible que par litote.
Fuck you, Eu.ro.Pa! a connu trois montages diffrents en Roumanie24: Braov, Claudiu
Goga a adopt la formule dun spectacle minimaliste qui met laccent sur le jeu de lacteur,
avec un minimum de dcor, au mouvement presque inexistant, avec un eclairage qui tache de
mettre en lumire ce qui devrait tre peru comme un climax psychologique (le jeu de lactrice,
Ligia Stan, accentuait lui aussi le ct psychologique). Galai, Alexandru Berceanu a propos
la formule du double de la voix narrative(un ego pig par son enfance sovitique et un autre
alter ego qui se renie en tentant dassumer le rgne du consumrisme, ce qui implique un vrai
tour de force dinspiration freudienne), il a imagin aussi dajouter un personnage extratextuel
dans la personne du fantme de Lnine qui hante les lieux embarqu dans son cercueil
personnel. Le spectacle de Cluj est le seul avoir prserv le texte dinterventions, la mise
en scne exprime la tentative de reencoder le monologue dans les termes de la dramaturgie
spectaculaire classique; on y trouve toute une construction cohrente, dailleurs
dactions scniques. Dans les trois cas, il rsulte une thtralisation du texte ainsi quun
loignement de son essence antibourgeoise (il ne sagit pas dun lapsus de la mise en scne
car Fuck you... aurait permis une trs ample variation de versions scniques mais dune
dpendance de la stylistique thatrale traditionnelle). Lcriture de Nicoleta Esinencu violente,
directe et potique la fois, nobit pas un thtre de lidentification mais une vision
postbrechtienne de la rvlation du rel servie par une rhtorique du spectacle superpose aux
principes du performatif.
Et pourtant, pour dfinir un espace thtral ce qui importe ce nest pas lexistence
dapproches performativespostdramatiques, du type de celles dont nous venons de parler.
Limportant cest de sassurer quelles sont des points de repre reconnus.
Outre quelle mme prte des controverses identitaires (sans rapport avec le thme de
la citoyennete incertaine25 souvent repris dans plusieurs de ses textes mais en rapport direct
avec son propre passeport26), les pices de Nicoleta Esinencu sont quasi inconnues au public
roumain. Fuck you... est la seule pice quon lui ait joue. Une mconnaissance qui nest pas
imputable aux thmes de ces pices. Si le public reste perplexe devant la formule textuelle
cest surtout quil nen a pas lhabitude car il y a lieu de penser que ce nest pas lapptit qui
lui manque pour une dramaturgie performative extrmement nonconventionnelle et agressive.
Les pices de Gianina Crbunaru connaissent ltranger une fortune qui nest gure
comparable avec labsence dintrt local. Certes, elles veillent la sympathie du public mais
on ne peut en dire autant pour la critique de thtre qui reste avare en chroniques (les artistes
eux mmes manifestent une empathie assez modre pour son thtre vu que les mises en scne
nont pas dpass le niveau de la mmoire affective). Elle produit, pour la plupart, des textes
qui lui sont commands par des thtres trangers et participe des projets qui lemmnent
un peu partout en Europe (Suisse, Grande Bretagne etc) alors que sa prsence en Roumanie
est rduite la portion congrue; son plus rcent spectacle, Sold Out qui renvoie lhistoire
de lmigration des Saxons et des Souabes de Roumanie vers lAllemagne Fdrale, daprs
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un scnario propre quelle a crit aprs stre documente auprs de ces communauts parties/
vendues a t produit par Kammerspiele Mnchen en mai 2010.
Il est vident que le dclin du dramatique nest nullement synonyme du dclin du thtre.
Cest tout le contraire qui se produit: la vie sociale tout entire est thtralise commencer
par les tentatives individuelles de produire ou de mimer un soi public ce culte que lon a de
sautoreprsenter et de sautorvler par des marques de la mode ou par dautres signes encore
qui ont pour but de signaler le modle personnel (bien quemprunt pour la plupart) un autre
groupe aussi bien qu une foule anonyme. (...) Si lon y ajoute la pub, la mise en scne du
monde des affaires et la thtralit de lautoreprsentation mdiatise en politique, on a tout
lieu de penser que nous sommes devant une forme perfectionne de ce que Guy Debord avait
dcrit comme un phnomne mergeant dans son ouvrage La socit du spectacle. Cest un
fait fondamental des socits occidentales contemporaines que toute exprience humaine (vie,
rotisme, bonheur, reconnaissance) a trait aux biens ou, plus exactement, leur consommation
et possession (et non au discours). Ce qui correpond rigoureusement la civilisation des images
qui ne peut que se rapporter limage suivante et en produire dautres. Lintgralit du spectacle
est la thtralisation de toutes les aires de la vie sociale.27 En Roumanie, le seul domaine
que la thtralisation ne fait queffleurer est le thtre lui mme.
Note et suite: Lanne 2006 a vu merger, en milieu urbain dabord ( Bucarest), plusieurs
tentatives exprimentalperformatives dues de trs jeunes tudiants et diplms de
lUniversit dArt Thtral et Cinmatographique (UNATC) Ioana Pun, David Schwarz,
Bogdan Georgescu28. Ce qui a commenc comme un programme de spectacles qui visaient
lexpriment dans le domaine de lesthtique (redfinir lespace de jeu, redfinir le rle passif
du spectateur, de la relation spectaculaire entre le textescnario et limprovisation du comdien
etc), spectacles qui taient produits en rgime indpendant et rcupraient des pratiques
thtrales des annes soixante que la Roumanie navait pas connues au bon moment
socioculturel, sest poursuivi dans une direction nouvelle, que le thtre roumain officiel
navait gure explore: lart engag. A partir de lt 2006 et jusquen 2008, rpartis en deux
groupes (tangaProject et Offensive de la Gnrosit), les jeunes artistes (metteurs en scne,
dramaturges, comdiens, scnographes) ont document par des spectacles successifs la vie
telle quelle scoule derrire les lumires de la rampe des habitants du quartier Rahova, cet
innomable basfond de Bucarest. 29 En 2008, avec la mme quipe, Bogdan Georgescu a
coordonn le projet de thtre communautaire Lvacuation de la Maison des tudiants de
Timioara. En 2009, il met en train le projetspectacle Tourne dans les campagnes. I Am
Special. Cest une premire initiative artistiqueducative destine aux communauts rurales
(le projet envisageait de soutenir la rhabilitation des maisons de la culture dans les
villages). Attaquables et attaqus vu la forte odeur de thorie socialiste de lartiste engag
qui sen dgage (le relvement du niveau intellectuel et de conscience) de la classe ouvrire,
ces projets sont, avant tout, un dni des concepts de lart lev qui prvaut dans le thtre
roumain. Labsence dun enjeu esthtique de premier plan leur interdit la comptition base
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T.N. i.e. Translators Note: Auslander, after Baudrillard, defines postmodern performance as both live and mediated;
see Auslander, Philip, Presence and Persistence: Postmodernism and Cultural Politics in Contemporary American
Performance, University of Michigan Press, 1922
T.N., Moran, Joe, The New Critical Idiom, Routledge, 2002
T.N., for example, when the theatre is viewed as text see Becketts Waiting for Godot, Endgame etc.;
http://www.samuelbeckett.net/.
Terme introduit pour les propres constructions performatives par un pionnier du performanceart, Allan Kaprow
(19272006), qui accentue la disparition du contexte pour lacte physique et lannulation de la distance entre lart
et la vie.
Jutilise un quivalent approximatif de loriginal environments, concept que Kaprow emprunte la peinture dans
les annes 60 pour parler dun spectacle (performance) qui liminait les frontires conventionnelles entre la fiction
et son rcepteur et instituait une relation privilgie avec lespace relhte. Au cours des deux dernires
dcennnies, le terme fut remplac par sitespecific/in situ.
Fluxus est un rseau international dartistes, actif dans les annes 60, qui combine techniques et pratiques darts
divers (arts visuels, musique, littrature, architecture); le point de dpart de Fluxus (lapparition du terme
dintermdialit sy rattache) taient les concepts thoriss vers la fin des annes 50 par le musicien John Cage,
quant la philosophie du groupe (trs htrogne, dailleurs), elle privilgiait la simplicit, laccessibilit de luvre
dart et lantimercantilisme.
Vu quil nexiste pas dquivalent roumain pour cette formule, je prfre lui rserver un traitement dexpression
en soi et garder la forme anglaise.
Karen JrsMunby, Introduction HansThiess Lehmann, Postdramatic Theatre, traduit par JrsMunby, Routledge,
2006, p. 4.
Publie en roumain en 2009, traduction Victor Scorade (ditions Unitext, Bucuresti).
Thoriquement, le sens que lon donne au concept de dramaturgie dans le thtre postdramatique (comme dans
la performance en gnral et dans la danse contemporaine) est la manire dorganiser le matriel qui fait le
spectacle et reprsente une successions de dcisions qui se conditionnent rciproquement de construction de
lvnement qui a lieu sur scne. Dans ce texte cependant, les deux sens seront pris en compte, y compris celui,
premier, de criture pour le thtre.
En suivant des voies presque totalement opposes: Crbunariu montre un penchant pour lexploration des valences
performatives de lespace thtre conventionnel; Esinencu, elle, travaille exclusivement certains de ses propres
textes uniquement sous forme de performance dans des espaces en dehors du thtre.
Rpublique de Moldavie comprise.
No Moms Land daprs Becket (Thtre LUNIde Green Hours, Bucarest, 2001), Algues. Bernardas House Remix
daprs Garcia Lorca (Thtre Andrei Mureanu, Sfntu Gheorghe, 2002), joimegaJoy daprs Katalin Throczy
(Thtre Odeon, Bucarest, 2006), Herr Paul de Tancred Dorst (Thtre Tineretului, Piatra Neam_, 2009), Miriam
W. Its All Greek to Me de Savyon Liebrecht (Thtre Toma Caragiu, Ploieti, 2010) etc
Les deux spectacles sont de 2005.
Son plus rcent spectacle Comme toimme de Maria Manolescu (Thtre Foarte Mic, Bucarest, 2010).
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Ombladon.
Bitter Sauce dEric Bogosian (Thtre LUNI de Green Hours, Bucarest, 2005), I Hate Helen de Peca Stefan (ArCuB,
Bucarest, 2005), Une station (Thtre de Comdie, Bucarest, 2006), Le rossignol et la rose daprs Oscar Wilde
(Thtre National Bucarest, 2007), Ce nest pas une chanson damour (Festival Temps dImage, Bucarest, 2008).
Stop the Tempo, madybaby.edu, aprsdemain avant hier, 20/20, Sold Out.
Stop the Tempo, au Thtre LUNI de Green Hours, Bucarest, 2004, madybaby, au Thtre Foarte Mic, Bucarest,
2005, aprsdemain avanthier, Thtre Mic, Bucarest, 2009, 20/20, Studio Yorick, Trgu Mure, 2009; aucun des
textes de Gianina Carbunariu na connu en roumain dautre mise en scne professionnelle.
Thtre Foarte Mic, Bucarest, premire en mars 2007.
Cr en 2008 pour le projet Moldova Camping de Berlin, repris en juin 2010 Chiinu.
Contract par Goethe Institut pour le projet After the Fall, 20082009.
La septime kafana, collaboration avec Mihai Fusu et Dumitru Crudu, Fuck you, Eu.ro.Pa ! (Akademie Schloss
Solitude, 2004), Zuckerfrei (Akademie Schloss Solitude, 2005), Dromomania, Taptarap (Biennale Priphrique,
Iai, 2006) , A (II) Rh, Face Control (Sommerfest, Akademie Schloss Solitude, 2007), Footage (Club 513, Chiinu,
2009).
Au thtre Sic Alexandrescu, Braov, 2005 (mise en scne Claudiu Goga), Thtre Dramatique Fani Tardini,
Galai, 2005 (en coup avec Zuckerfrei, mise en scne Alexandru Berceanu), Thtre Impossible, Cluj, 2006 (mise
en scne m.chris.nedeea).
v. Monica Heintz (coord.), Etat faible, citoyennet incertaine. Etudes sur la Republique de Moldavie, Curtea Veche,
Bucarest, 2007.
La publication dun fragment de Fuck you, Eu.ro.Pa ! dans le reader du Pavillon roumain de Venise a fait un beau
scandale public Bucarest: lauteur sest vu reprocher, entre autres, sa citoyennet moldave.
HansThiess Lehmann, Postdramatic Theatre, p. 183.
Lets Food ! performance par Ioana Pun et David Schwarz (Thtre Sans Frontires/Tanga Project, 2006), XXX
Project par Bogdan Georgescu (Thtre Desant, 2006), Locked par Ioana Pun et David Schwarz (Thtre Desant,
2006, dans le cadre du projet Protect par Paul Dunca), Made in China, adaptation libre par Ioana Pun daprs
Rodrigo Garcia (UNACT/ Thtre Desant, 2007).
RahovaNonstop, projet La Carte sensible, un collage de minispectacles intitul Construis ta communaut !
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This paper has two goals. In its first half, we shall pursue a longlasting debate between two
cultural frames whose topics hadnt been the same until the postwar globalizing era: modernity.
This debate makes sense in defining late modernity: on the one hand, the American late
modernity named postmodernism (Fredric Jameson), and on the other hand, the French one,
named hypermodernity, surmodernity (Jean Baudrillard) or antimodernity (Antoine
Compagnon).
The last half of this paper rebounds on the Romanian echoes of the postmodern debate,
in late 80ies and in the postcommunist era, in order to show that its cultural dimension was
entirely elluded. In exchange, Romanian intellectuals found two versions of postmodernism
effective in terms of cultural politics: an epistemological one (an irrational postmodernism)
and a historical one (a teleologist postmodernism). Both concepts had a definite role in
Romania culture before and after 1989: the first postmodernism was meant to form and promote
a different epistemology than the positivist paradigm whose reign was officially absolute,
whereas the second postmodernism was there to ensure an aesthetic promotion for a group
of young writers in the 80ies.
Motscl: postmodernisme, Europe de lEst, postcommunisme, lhypermodernit,
lantimodernit
Cet article comporte deux volets. Dans le premier, on observera un dbat qui a longtemps
attendu son heure et qui, aujourdhui, prend timidement essor; ce dbat a lieu entre deux espaces
culturels structurants de la modernit: le premier, franais qui reprsente lEurope et le
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second, anglosaxon dont les tatsUnis sont le portevoix. Des diffrences dordre culturel
qui impliquent des traditions et la dfinition dune weltanschaaung invitent en effet
opposer le postmodernisme, terme anglosaxon, diverses drivations de la modernit, par
exemple lhypermodernit de Marc Aug et lantimodernit dAntoine Compagnon.
Dans le second volet, on sintressera au dbat roumain qui a lieu autour du
postmodernisme, une dcennie aprs la chute du rgime communiste. Y seront nonces
et discutes deux acceptions du terme, diffrentes et relativement autarciques: lune est
pistmologique et est le fait des intellectuels, qui voient dans le postmodernisme un discours
nonrationnaliste, nihiliste et antidterministe; lautre est historique et lon a alors affaire
la dfinition dun nouveau paradigme littraire, qui est ncessaire du point de vue
historique et esthtique (et sinscrit astucieusement dans une voie de pense posthglienne
dont fait preuve, par exemple, LAdieu la littrature de William Marx1) et qui vient lgitimer
une nouvelle gnration dcrivains2. Penser le postmoderne aujourdhui y est lune des voies
du devenir Europen.
Pour les lecteurs franais, cet article peut tre lu comme un essai dhistoire culturelle.
Peuttre ne peuventils sintresser de prs aux enjeux des dbats culturels roumains. Mais
je crois pouvoir en dborder le thme et faire entrevoir une gurilla dinfluences la charnire
des annes 1990. Cest alors que, pour daucuns, la manire franaise de concevoir et de
pratiquer la littrature (textualisme, phnomnologie, mort du sujet et priorit donne
linconscient lingustique) est tombe en dsutude en faveur du modle anglosaxon
(postmoderne, colloquial, biographiste et quotidien. Dans la foule des vnements
politiques et des retombes culturelles du dbut des annes 1990, le dbat postmoderne peut
tre regard retrospectivement, avant tout, comme labandon dun camp pour un autre; cet autre
camp, mal connu, a pu constituer pour les crivains et pour quelques intellectuels roumains
de lpoque un vritable paradis thorique et pratique, dont lambiguit et les traditions taient
alors encore peu visibles.
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qui commence avec Baudelaire et Rimbaud et qui est aujourdhui encore avec nous. Cette
lecture du postmodernisme est prcisment ce quon appelle en France, depuis Baudelaire et
Rimbaud, moderne.5 Ce nous franais nest lvidence pas le our anglais. Dans le
dictionnaire culturel francoanglais, nous et us ne sont pas synonymes.
Pour la pense anglosaxonne, le postmodernisme est plutt une attitude dapparente
rconciliation: Une comprhension plus subtile et adquate du postmodernisme se ralise une
fois quon le considre non pas une priode historique, mais une attitude. []6 Apparemment,
car cest une attitude antilitiste: Le postmodernisme se dclare antilitiste.7 la diffrence
du modernisme: Les valeurs modernistes sont, lheure actuelle et pour la plupart, devenues
une monnaie courante dvalue parce que nous navons pas vraiment besoin dautres Finnegans
Wake ou Cantos pisans accompagns de leurs quipes de professeurs attitrs pour les
expliquer.8 Parmi les seize caractristiques du postmodernisme musical qunonce Jonathan
Kramer, il y a, en dixime place, le rle de la technologie: Le postmodernisme considre la
technologie non seulement un moyen de prserver et de transmettre [la musique], mais elle
aussi profondment implique dans la production et lessence de la musique.9 On peut
facilement remplacer, dans cette citation, musique par art. Ce que les deux auteurs veulent
dire par l cest que le postmodernisme nest pas un prolongement ou une radicalisation de
lge culturel moderne, mais une attitude esthtique antilitiste sans projet politique mettre
en oeuvre, qui a pour support les dveloppements technologiques, eux aussi destitus de tout
us politique. Cest, en gros, ce que manque la pense franaise, lorsquelle passe ct de
la pense anglosaxonne: une uniformisation sociale qui se traduit par le dialogue sans rivages
entre les rangs hirarchiques, apparemment sans faire acception personne. Aujourdhui on
sait que ce postmoderne aura t plutt une raison de plus pour que tous contribuent un
change social et conomique accrus. On verra comment linterprtation franaise du mme
terme diffre point par point de celle quon vient dnoncer.
Le cinquantime numro du Dbat10 insre un dictionnaire dune poque o lentre
postmoderne commence ainsi: Postmoderne ditesvous? Plus de quinze ans aprs son
apparition sur la scne culturelle occidentale, prononcer ce mot fatidique appelle, en France,
la mme raction, identique et indfiniment renouvele, incrdule et souvent agace: Mais
voyons, a nexiste pas!11 Lauteur de larticle concde plus loin que: Pays largement rural
jusque trs tard, en butte au poids de lacadmisme, la France na pas vraiment enregistr, durant
lentredeuxguerres notamment, le grand tournant urbain de la modernit, ni dvelopp, comme
en Allemagne, lidologie fonctionnaliste qui laccompagnait. En outre, le pays berceau de
lart moderne qualifie de contemporain, poque ou objet, ce que partout ailleurs on nomme
moderne.12
En dautres mots, la France a du mal accepter lide du postmoderne dans la mesure o,
si elle le faisait, elle devrait accepter que son retard technologique a eu pour consquence un
dgt sur le march culturel mondial. Car, si une technologie avance permet une culture
avance, alors cette culturel nest pas la culture franaise. On a essay de surmonter le
problme. Une technologie avance ne doit ncessairement pas tre le fruit dune forte
industrialisation. Ce qui est important est le savoirfaire dans les domaines pionniers du
dveloppement. Cest ainsi que la culture franaise rcente a pu se vanter de ses succs dans
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2. La Trahison du postmoderne
Le postmodernisme littraire tout le moins a vaincu. Cest ce qui explique la
disparition, depuis quelques annes, du terme dans les dbats mens au sujet de la littrature
roumaine contemporaine, concomitante avec son avnement soudain dans des humaniores peu
pratiques chez nous mais trs devloppes ailleurs comme lanthropologie culturelle18, la
thologie19 ou la politique20. Une fois que le postmoderne soit sorti du champ restreint des
discussions littraires, les pionniers roumains qui lavaient acclimat au milieu des annes 1980,
cestdire les littraires euxmmes, qui en avaient infr la naissance dun autre paradigme
culturel, se font remarquer par un silence lourd. Mis part le scandale issu par la parution de
Omul recent de H.R. Patapievici, peu consitant, les implications du postmoderne dans les
sciences humaines contemporaines sont hautement ignores par ceux qui avaient fait de leur
mieux afin douvrir le dbat. Cest que le postmoderne a cess trs vite davoir pour eux la
signification dun moyen du savoir. A comparer les dossiers publis neuf ans et une rvolution
anticommuniste distance que les revues Caiete critice21 et Euresis y ont consacr, le lecteur
peut se rendre compte des distances qui sparent le premier, crit malgr la censure et donc
en sachant trs bien lincommensurabilit entre ce quoi rfre le postmodernisme et le contexte
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social dans lequel ces rfrences snoncent, et le second, construit comme en parataxe, au
milieu dune confusion dj persistante. Car, aujourdhui, loin dtre un acquis, le postmoderne
se traduit par une srie de questions qui attendent encore non pas leurs rponses, mais au moins
leur nonciation. Quelquesune de ces questions ont dj t poses au cours du dbat de 1986,
par exemple dans un article qui aujourdhui, plus de vingt ans aprs, me semble encore trs
actuel: Mitul ieirii din criz. Cest l que Monica Spiridon propose une typologie du dbat
postmoderne: modernisme naissant, naf, dans la version de Lyotard versus modernisme
tardif, puis les deux versions continentales versus un postmodernisme paradisiaque, un
fel de ntruchipare a contiinei vizionare din Europa romantismului22 Mais elle fait surtout
un constat essentiel, celui que jai choisi pour lun des motos de cet article: le postmodernisme
dfraye la chronique de la littrature roumaine avant que le problme de la modernit ait t
ne seraitce que pos en des termes consensuels: estce quil existe vraiment un puisement
de la littrature roumaine moderne ou bien, plutt, la cration artistique en Roumanie est depuis
toujours appele remplir des formes et des buts exclusivement imports? Peuttre lge
postmoderne auraitil pu offrir aux littraires, ce qui semble de nos jours en cours
dacquisition, une halte, une parenthse dans cette compulsion rattraper lHistoire. La vritable
trahison du postmoderne nest donc pas le refus de faire foi aux potentialits infinies de la
littrature roumaine suivre le trend, mais la prminence du dsir par rapport au penser. Plus
on veut tre postmoderne plus on se refuse laccs au postmoderne. Je mefforce donc de me
placer lintrieur de cette parenthse historique do la volont toute moderne dun
postmodernisme roumain est absente, afin de projeter sur la notion de postmoderne une
perspective un peu plus dtache.
En 2007, le dbat roumain sur le postmoderne avec ses variantes: le postmodernisme et
la postmodernit se sera teint depuis pas mal de temps faute dune forte motivation des
combattants. Le dbat a t clos non pas par un accord sur la manire dont il faudrait approcher
le terme ce qui en effet aurait peuttre tonn mais non plus sur une version gnalogique
commune do le dbat pt saffiner selon les comptences diffrentes de ceux qui voudraient
bien le poursuivre. Le premier malentendu manifest autour du postmodernisme paradigme
de lhistoire littraire ou bien nouvelle weltanschauung dote dune tradition qui reste encore
embrouille a eu lieu aprs la parution de Omul recent de HoriaRoman Patapievici en 2001.
ce momentl, un schisme est apparu entre les littraires et les philosophes, dont lenjeu
essentiel pouvait tre expliqu par une double ignorance, dun ct et de lautre: les littraires
avaient du mal sapercevoir des enjeux idologiques du postmodernisme dans sa variante
originaire, amricaine, tandis que les philosophes sintressaient peu au postmodernisme
en tant que courant littraire, la bataille canonique des littraires leur semblant dpourvue
daucune validit dans lordre du savoir, et ils navaient sans doute pas tort de juger ainsi. Dun
ct il y a eu donc la rvolte contre une vision ractionnaire du monde contemporain et
on saperoit dj de lapparition des adjectifs idologiques de lautre, dune rponse tout
aussi outrage contre une nouvelle gauche qui signorait ellemme. A posteriori, les deux
camps ont ralli des supporters: les littraires se sont vus dfendus par une gnration
mergeante de penseurs de gauche et/ou libraux (Sorin Adam Matei et Ciprian iulea, ou
encorela fministe Mihaela Miroiu), les ractionnaires par les penseurs de la tradition et
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antipolitically correctness, borns ou non, tels Cristian Bdili ou Traian Ungureanu. Des
fissures lintrieur mme du bloc littraire ont dmarqu des groupes identits variables,
apparus surtout comme consquence dune nouvelle configuration du march littraire:
lcrivain roumain le plus li lavnement du terme de postmodernisme, Mircea Crtrescu,
est lauteuremblme de la maison dditions qui a publi Omul recent (Humanitas), ce qui
contribue au silence que lcrivain garde prcisment ce sujet et fait que, douze ans aprs
la parution des premiers numros des cahiers Euresis consacrs au postmodernisme dans la
culture roumaine, le noyau du dbat se ft de par luimme noy sous les diffrentes prises
de positions idologiques faible portance thorique mais forte importance de status pour
les protagonistes.
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4. En guise de conclusion
Il me semble donc que les deux discours sur le postmoderne en Roumanie pchent chacun
de son ct, bien que chacun deux ait rnov le champ du dbat sur la modernit men
auparavant entre un autochtonisme qui avait des liens puissants avec la pense allemande31
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et une ouverture aux altrits, esthtiques et politiques, qui avait t le fait des avantgardes
et tait arrive son comble durant les premires dcades du XXe sicle. Les tenants du
changement de paradigme pistmique accolent le terme postmoderne sur un dbat bien plus
vaste qui confronte deux concepts de la modernit. Cet anachronisme est exemplaire de lessai
de Corin Braga De larchtype lanarchtype. Lessayiste y cherche dpasser la postmodernit comprise comme la fin de la modernit, nihilisite et destructive un mme paradigme
donc dans une post postpostmodernit augurale dote dune pistmologie plurielle,
renchantante32, dtache de lintgrisme humaniste rvolutionnaire, pistmologie
ractionnaire sil y en a, quincarne par exemple Joseph de Maistre dans cette fameuse citation:
Jai vu dans ma vie des Franais, des Italiens, des Russes, etc.; je sais mme, grce
Montesquieu, quon peut tre Persan, mais quant lhomme, je dclare ne lavoir rencontr
de ma vie; sil existe, cest bien mon insu.33 Or, il sagit bien plutt du paradigme, si cen
est un, jen doute mais enfin, antimoderne, sur les pas dAntoine Compagnon pour qui
lantimoderne est toujours et tout dabord un vritable moderne: Les vritables antimodernes
sont aussi, en mme temps, des modernes, encore et toujours des modernes, ou des modernes
malgr eux.34 Les autres, ceux qui encensent le postmodernisme littraire, roumain de surcrot,
auront compris depuis longtemps que ce nest plus quun ethos retrouver dans toute lhistoire
de la littrature, depuis Rabelais et passant par Laurence Sterne, dfinir selon une histoire
des mentalits positiviste, dun ct, et selon linfluence de la socit de masse dont Irving
Howe a donn une image nette dans un article qui ftera bientt son jubil: Mass Society and
Postmodern Fiction, 195935.
Ce que je me suis attach dmontrer dans ce texte est la dimension culturelle irrductible
de la notion de postmoderne dans un court aperu comparatif entre la prise en charge du terme
aux tatsUnis essentiellement jubilatoire car couronnant lessor de la socit de masse
communicationnelle36 et sa prise en charge franaise qui voit dans la postmodernit sous
couvert de fin de la modernit, hyper ou surmodernit leffondrement de toutes les illusions
quant la refondation de la socit et de lhomme la rigueur par la rupture de la rvolution.
NOTES
1
William Marx, LAdieu la littrature. Histoire dune dvalorisation XVIIIeXXe sicle, Paris, Minuit, 2005. La
dialectique de la littrature que lauteur y esquisse, dont la dernire tape doit encore se raliser, prolonge dun
ct les tudes de Jacques Rancire sur la rvolution dans le partage du sensible laube du XVIIIe sicle; de lautre
part, elle subit les critiques dAntoine Compagnon (Adieu la littrature, ou au revoir?, Critique, vol. 22, no
706, 2006, p. 291301) sur la manire de formuler lide de la littrature, cestdire sur lobjet de recherche
de W. Marx et sur le rapport quil tablit entre le discours de la littrature et dautres discours ports sur le devant
de la scne publique au XIXe sicle, notamment les sciences, dont la prise en compte aurait fait entorse la
mcanique trop huile de la rhtorique.
Jai en vue le livre de Colin Davis et Elizabeth Fallaize, French Fiction in the Mitterrand Years: Memory, Narrative,
Desire, Oxford, Oxford University Press, 2000, o le roman Lac de Jean Echenoz illustre la dimension
postmoderniste du roman franais aux annes 1980, et ses comparses de chez Minuit avec (Patrick Deville, Eric
Chevillard et JeanPhilippe Toussaint au dbut de leur carrire, Christian Oster, etc.). Et cela en dpit des dclarations
de lcrivain luimme qui rejette la validit de cette appellation en littrature.
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Postmodernism is our moment Stanley Rosen, Kojve Paris. Chronique, in Cits no 3/2000, Paris, PUF,
p.206.
It is only when French writers address the world outside France (which for them almost inevitably means the
United States) that they feel the need to use the term postmodernism Geert Lernout, Postmodernism in France,
in International Postmodernism. Theory and literary practice, edited by Hans Bertens, Douwe Fokkema, John
Benjamins Publishing Company, Amsterdam/Philadelphia, 1997, p. 353.
Postmodernism signals the end of the avantgarde, [] a kind of art that is never temporally defined but that
begins with Baudelaire and Rimbaud and that is still with us today. Postmodernism on this reading is precisely
that which has been called modern in France since Baudelaire and Rimbaud, ibidem, p. 355.
A more subtle and nuanced understanding of postmodernism emerges once we consider it not as a historical period
but as an attitude Jonthan D. Kramer, The Nature and Origins of Musical Postmodernism in Current musicology,
nr. 66, 2001, p.8
[] postmodernism claims to be antielitiste; ibidem, p. 7
John Barth, La littrature du renouvellement, in Potique nr. 48/1981. (titre original: The Literature of
Replenishment, The Atlantic Monthly, january 1980)
Postmodernism considers technology not only as a way to preserve and transmit music but also as deeply implicated
in the production and essence of music: Jonathan D. Kramer, art. cit. in op. cit., p. 10
Le Dbat no.50, 1988
Flix Torrs, Postmodernisme, in Le Dbat, nr. 50/1988, p. 213.
Idem, p. 214.
Alain RobbeGrillet, Les tapes du Nouveau roman, entretien avec Jacques Bersani, in Le Dbat, nr. cit., p. 270.
JeanFranois Lyotard, LInhumain. Causeries sur le temps, Paris, Galile, 1988; ed. rom., Inumanul, ClujNapoca,
Idea Design & Print, 2002, p. 2535.
Idem, p. 26
There is a significant difference between these two aesthetics: antimodernist yearning for the golden ages of
classicism and romantism perpetuates the elitism of art music, while postmodernism claims to be antielitist,
Jonathan D. Kramer, art. cit., nr. cit., p.7
Lyotard, LInhumain, d. cite, p. 34
Gabriel Troc, Postmodernismul in antropologia culturala (Le Postmodernisme dans lanthropologie culturelle),
Bucarest, Polirom, 2006.
Mihail Neamtu, Gramatica ortodoxiei. Traditia dupa modernitate (La Grammaire de lorthodoxie. La Tradition
aprs la modernit), Bucarest, Polirom, 2007. Les occurrences du postmoderne ny sont pas centrales, mais un
dbat est engag concernant la place de la foi dans la socit posttotalitaire.
Cest cet endroit que lon peut citer le livre de HoriaRoman Patapievici, Omul recent (LHomme rcent), Bucarest,
Humanitas, 2001 qui, entre tous, semble plus doctrinaire et ignore lorigine amricaine du dbat postmoderne.
Caiete critice, nr. 12/1986: Un model teoretic: Premize, repere (Un modle thorique: prmisses, repres),
pp. 5152 et Euresis. Cahiers roumains dtudes littraires: Le postmodernisme dans la culture roumaine,
nr. 12/1995, pp. 3308
Monica Spiridon, Mitul ieirii din criz (Le mythe de la sortie de la crise), in Caiete critice nr. 12, 1986,
p. 83.
Ioana Em. Petrescu, Ion Barbu si poetica postmodernismului(Ion Barbu et la potique du postmodernisme),
Bucarest, Cartea Romaneasca, 1993 et Modernism. Postmodernism. O ipoteza (Modernisme, Postmodernisme.
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Liviu Petrescu, Poetica postmodernismului (La Potique du postmodernisme), Piteti, Paralela 45, 1996
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Polirom, 2006
Mihaela Ursa, Scriitopia sau fictionalizarea subiectului auctorial in discursul teoretic (LEcritopie ou la
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John Barth, The Literature of Exhaustion, in The Atlantic Monthly, 1967 et The Literature of Replenishment,
The Atlantic Monthly, 1980.
Ce qui compte avant tout, cest la dfinition correcte du concept et son emploi tout aussi correcte, de sorte
que le nom auquel on saccorde de donner une signification recoupe une ralit. Ion Bogdan Lefter, Secvente
despre scrierea unui roman de idei, (Squences sur lcriture dun roman dides) in Caiete critice, nr. cit.,
p. 140. Le positivisme dun tel souhait renvoie au volontarisme scientifique de Zola, dun ct, et confirme,
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Parcourant la fois les textes thoriques des crivains roumains des annes 80, leurs romans
et leurs rcits, lauteur cre un modle du postmodernisme roumain, en juxtaposant les traits
de la prose roumaine postmoderne avec ceux identifis par les thoriciens occidentaux,
dfinitoires pour le profil de la narration postmoderniste.
Keywords: postmodernism, authenticity, textualism, biographism, dialogism, intertextuality,
parodic sensitivity
In what follows I shall once again take up the debate on the margin of Romanian
postmodernism, begun in the 1980s in university circles, and which exploded in the literary
press in a double issue of Caiete critice [Critical Notebooks] magazine (12/1986) dedicated
entirely to the subject. Fought from the entrenched positions of the neverending Romanian
strife between traditionalists and modernists, the canonical battle on the terrain of Romanian
literature showed from the outset the signs of a battle between generations. Moreover, since
in the circumstances of the 1980s any novelty and any group action (let alone a desant1, be
it merely literary) were frowned upon suspiciously by the party, postmodernism asserting itself
as an artistic movement also had the connotations of a political gesture of defiance. I shall limit
myself here only to those contributions which have highlighted the major features of
postmodernism, and in which their authors have either attempted to accredit the existence of
the current in Romania or have vehemently rejected the idea, most often by resorting to
Maiorescus arguments from his theory of forms without substance. However, aside from
controversies, statements, refinements or rejections, or perhaps owing to some extent to this
effervescence of critical debate, Romanian postmodernism has evinced the tendency to develop
from a theoretical concept into a literary fact, as substantiated by the large number of works
most of them published after 1989 where one may recognize the characteristics of the current.
To be sure, one of the main reasons for the reticence that accompanies any discussion about
Romanian postmodernism has been the absence or the dearth of the volumes written by so
many of the authors in the abovementioned category. In an editorial climate that was anything
but favourable to debutants, the publication in magazines most of them students
magazines or the reading evenings in literary societies were the most frequent forms of
becoming recognized.
Still, the prominent writers of the 1980s generation began to speak of a major change
in the way in which literature was written and perceived long before the term postmodernism
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actually penetrated into the Romanian literary jargon or critical awareness. The signs of a
change of attitude and mentality in conceiving the relationships between text and reality, author
and character2 emerge also in the theory, not just in the practice, of fiction after 1979,
together with the first pronouncedly theoretical articles and texts signed by Mircea Nedelciu,
Alexandru Vlad, tefan Agopian, Gheorghe Crciun, Ioan Lcust, Bedros Horassangian,
Daniel Vighi, Cristian Teodorescu, Adina Kenere, Ioan Groan, Gheorghe Iova, Gheorghe
Ene, Maria Mailat, Constantin Stan, Vasile Gogea, Carmen Francesca Banciu, Nicolae Iliescu,
Viorel Marineasa, Hanibal Stnciulescu, Emil Paraschivoiu, etc. In an article dating from 1980,
which differentiated between the realism of the method of transcription and the realism
of the attitude towards the real, Mircea Nedelciu was the first to signal the new direction in
fiction, as well as the difficulties of classifying texts by fiction writers as diverse as Mircea
Horia Simionescu, Costache Olreanu, Radu Petrescu, Tudor opa or Petru Creia into a genre.
The difficulties arose from the fact that these authors challenged the readers to reconstitute
not just the narrative as such, but the very world of the fiction. The dialogism of the new
literature, which made the reader the main character of his/her work, and the authenticity
of the different discourses the authors, in his/her own name, the narrators and the
characters were, in Mircea Nedelcius opinion3, distinctive features of such narratives, and
consequently were extensively commented upon in a series of articles by him:
The document, the record, the direct transmission of an event that actually occurred in
real life can enter the economy of the literary text, where they will no longer be
artistically transfigured, but authenticated. The status of the character changes
inasmuch as the utterances attributed to it no longer exist except as traces in texts written
by real persons.
The idea of authenticity, as mentioned here by the author of the volume Amendament la
instinctul proprietii [Amendment to the Instinct of Property] inevitably connects to the
personal identity of the transcriber or the writer, without definitively bracketing away that of
the interlocutors. In his turn, when he invoked the etymology of the word authentes which,
in ancient Greek, denoted the author, Gheorghe Crciun probably the most substantial and
subtle theoretician of the new manner of writing in these parts correlated authenticity with
the undisguised presence of the author in the text. Autobiography thus became, not only in
theoretical articles but also in the novels and short stories produced by the authors of the 80s
generation, a symptomatic, essential material. Both in Acte originale. Copii legalizate (a
programmatic title) and in the succeeding volumes, Compunere cu paralele inegale
[Composition with Uneven Bars] and Frumoasa fr corp [The Bodiless Beauty], Gheorghe
Crciun systematically resorts to biographemes, to the insertion of his own name into the texture
of the narratives (a gesture with a different finality than in Camil Petrescus novel), always
preoccupied4 by
the experimentation of new compositional formulae that proclaim the natural
discontinuity of the act of narration, the initiation of new syntactic models based on a
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more analytical awareness of language, the problematisation that goes up to the point
of demonstrating its quality as a narrative incentive to the status of the character, the
reconsideration of the authors position towards the development process of his/her
writing, and, broadly speaking, the opening towards techniques and materials exterior
to the genre.
At any rate, even as early as 1982, Gheorghe Crciun spoke of the interest shown by the
fiction writers of the 80s generation in the mechanisms responsible for the generation and
functioning of the narrative text, a preoccupation that set the young writers apart in the literary
landscape of those years, bringing them closer to the representatives of the French Nouveau
roman or to the American experimental prose (John Barth, Donald Barthelme, Kurt
Vonnegut, etc.) than to the Romanian fiction writers of the moment, excluding, of course,
Mircea Horia Simionescu, Radu Petrescu, Costache Olreanu, or Tudor _opa, as well as the
writers of the oneiric group, on whom the literary press of the 80s was keeping an almost
generalized quiet, even as the only oneiric writer still active in Romania was the poet Leonid
Dimov. Not only a very talented fiction writer, but also, like Mircea Nedelciu, a redoubtable
theoretician of narration, Crciun, in his 1982 essay entitled Arhipelagul 7080 i noul flux
[The 7080s Archipelago and the New Flux], put forward an extremely synthetic portrait
of the generation. This portrait, although in it the term postmodernism is not mentioned once,
reunited a series of characteristics of postmodern prose at roughly the same time in which Ihab
Hassan commented upon the same in the 1982 edition of his book, The Dismemberment of
Orpheus5. Starting from the observation that the fiction writers of the 80s generation were
synchronous with Western literature and with the theoretical thinking of their epoch, the author
of Composition with Uneven Bars believed that
the deliteraturization of perception and of narrative discourse, the disputation of certain
aesthetical relations of production so far kept under wraps (writingreading,
statementenunciation, authornarratorcharacter, living tonguelanguage, descriptionnarration, narrationpresentation), the revision of the nature and importance of the
categories of species and genre, the practical reconsideration of the ideas of
invention and representation, the option for the text as an open structure, these
are problems that crop up in the manifestations of that theoretical consciousness that
I have talked about earlier.
These obvious modifications of narrative structures were, in Gheorghe Crciuns opinion6,
motivated by the rapid evolution of the surrounding world, which rendered the old fictional
formulae unserviceable:
The probing of a world of extraordinary complexity, in which social structures have
an unprecedented dynamics, in which psychical stress, the RTS process, the
informational onslaught, the aggression of the technological environment against that
of the senses, and the syncopation of the mental flux are everyday commonplaces,
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demands, most of the time, that working tools should be built on the fly, that preexistent
literary techniques should be either reconditioned or shattered, that the perspectives of
perception and discourse production should be swiftly altered, that one should turn to
the naked document and to the jargon of various specializations as well as focus on the
forms of manifestation of oral language, that the movement of syntax should adapt to
the rhythm of narration, of the report, of analysis, and ultimately to the rhythm of
textuation. Irony, pastiche, parody, quotation and selfquotation connect to the same
specific way of setting the subjects issues inside a universe where, the fact is much
too well known, culture has transformed into a second nature for man.
Again, there is no explicit reference to postmodernism, although all the traits of the new
prose enumerated here fall under the postmodern paradigm described per se not just by Ihab
Hassan, but also by Matei Clinescu or Brian McHale, to name only the most prominent
commentators of the so many who have discussed the phenomenon. The elements of the new
narrative poetics stood out gradually from most of the young writers press input: the rejection
of the novel as a genre and the resurrection of short fiction, the concrete imagination and the
absorption of the real into the imaginary Stelian Tnase7), the recourse to unspecialised
narrators, whose role was to bear witness, the rethinking of the relations between author and
text (Cristian Teodorescu8), the exposure and reexamination of the conventions of the epic
genre, the connection between the tragic and the ironic, the pseudodemystification of culture,
the farcitura (in Paul Zumthors acceptation9) and the revue as the epitome of todays
civilisation (Nicolae Iliescu10), the minimal fiction, telquellike, progressive, psychedelic or
newromance, the new mannerism and the appropriation of kitsch George Cunarencu11), the
informality of the stylistic exercise, [the] experimentation (even if on the exclusivist,
negativistic, autarchic side) with diverse narrative modes, debates, sometimes implicit, at other
times explicit, on the text, on the act of writing and of creation through a metatexting that
discloses in and of itself if not the attitude of a monumentality sure of its own achievements,
at least an acute awareness of creation understood as an irrevocable fact (Daniel Vighi12),
literature and life, expression and content as the two faces of a Moebuss strip, visionarism
and indetermination, the poetic self as a biographical fact (Ioan Buduca13), the (educated)
misfortune of the human condition, induced by the fact that todays man, in a world where
power is textual, feels himself and knows himself to be written (Gheorghe Iova14), the
paraphrasing, recreation, decomposition and relaunching of quotations, the ambiguity and
gliding between text and reality, the intertextuality (Simona Popescu15). What we have here
is a group selfportrait that captures the main innovating aspects of the 80s fiction without,
however, labelling it in any way.
The inventory of postmodern techniques made by Matei Clinescu in Five Faces of
modernity is worth invoking here, if we are to be able to compare the narrative typology of
the 80s generation with that of a postmodernism theoretically certified a new existential
or ontologic usage of narrative perspectivism, different from the rather psychological one
that we found in modernism [...]; the doubling up and the multiplying of the beginnings, the
endings and the narrated actions (e.g., the alternative endings in Fowels The French
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Lieuteunant Woman); the parodic thematisation of the author (the reoccurence of the
nagging and manipulative author, this time, however, in a special selfironic disposition); the
thematisation, not any less parodic, but a lot less disconcerting of the reader (the involved
reader becomes a character, or a series of characters e.g., with Italo Calvino, in If on a
Winters Night a Traveller); treating action and fiction, reality and myth, truth and lie, the
original and the imitation equally, as a means of accentuating imprecision; the selfreferentiality
and metafiction as a means of dramatizing the inexorable spinning in circles (in Borges
Circular Ruins and Tlon, Uqbar, Orbis Tertius); the extreme versions of the doubtful narrator,
paradoxically used sometimes to obtain a rigorous construction (the perfect crime of which
Nabokov speaks in Despair, via a selfdeclared, but also selfdeluded mythomaniac).
Nowhere in the texts quoted above do the authors resort to an umbrella concept to place
all the works of the new wave under. Nicolae Manolescu16, one of the best informed
commentators of the young fiction of the period, also stayed clear of it in his 1985 review of
two volumes of short fiction by Bedros Horasangian, Curcubeul de la miezul nopii [The
Midnight Rainbow]17 and nchiderea ediiei [Closing Edition]18, where he discerned five
essential traits of the new style:
1) the observation of daily reality, through painstaking description and the photographing
of its components; 2) the exact, audiotapelike, recording of the nonliterary idiom spoken in
the street, slang or jargon, with voices intermingling as in a telephone switchboard; 3) the
merging of the most varied techniques and procedures, many of them avantgarde, in an often
experimental manner; 4) the absence of a subject and of its classical stages, the plot, the climax,
and the rest; 5) humour, irony, both in the attitude towards the real and in that towards literature,
the use of intertextuality, of bookish references, of metalanguage, etc. All can be found, in
different doses, throughout the works of the 80s generation...
Among the first writers to speak of the impact of the postmodern sensibility in Romanian
literature was Cristian Moraru, in a 1985 article where, employing the term in the acceptation
given to it by Ihab Hassan and by other Western theoreticians of the postmodern phenomenon19,
he determined a direct connection between the narrative discourse of the 80s generation
writers and the distinctive marks of postmodern writing the mockconspirative denunciation
of the mise en abyme, of textual symbolism and of textuality itself, the selfexposure of writing
and the predilection for irony and selfirony, stylistic polyphony, intertextuality, paratextuality,
quotation, interpolation, cultural allusion, the text within the text. In the same year, Mircea
Crtrescu announced postmodernism20 as the chance of a rebirth for Romanian poetry, and
defined it as
... refined textualism (involving techniques of metatext, paratext, hypertext and
selfreferentiality), an intentionally prosy biographism, and finally a stylistic synchrony
(a stylistic Babel, employing, in a sham traditionalist fashion, all available historical
styles).
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These lines sketch not just the profile of the new literary paradigm, but also the project of
the Levant, a work which was to be published a few years later 21 and in which the author
rewrote the history of Romanian literature in a parodic key. The postmodern gauntlet once
thrown down, the concept began to gain ground and, in a very short span of time, it recruited
just as many enthusiastic advocates as it did vigorous adversaries. Among the former, Mircea
Martin [with his 1986 volume, Singura critic (The Only Criticism)], Mircea Mihie and Ion
Bogdan Lefter stand out as the commentators of postmodern Romanian literature most careful
about nuances and most capable to argue in a wellinformed and lucid manner for the need
to situate both the recent fiction and its interpretation in a universal context. Although authorities
on the postmodern phenomenon and the latest theories, Monica Spiridon and tefan
Borbely saw in the debate on the theme of postmodernism in Romanian literature merely the
reflex of a desire to be up to the times: I do not believe that we have a postmodern literature,
so much less a generation of postmodern authors, claims Monica Spiridon22, an assertion
subscribed to by tefan Borbly the following year23. The most outspoken dismissal, however,
came from an author who the irony! was the first to use the term in 1982, albeit in a singular
acceptation, quite different from what Englishspeaking critics and theoreticians have had in
mind when referring to postmodernism. In Postmodernismul, o frumoas poveste
[Postmodernism, a Beautiful Story], an article published in April 1988 in Astra magazine24
that inveighed and for good reason against the terminological confusion deriving from the
frenzied invocation of the term postmodernism in countless critical articles of the day,
Alexandru Muina rejected any attempt to see the specific traits of the 80s fiction as marks
of postmodern literature, convinced that postmodernism, as understood in the West, may
well describe certain Romanian literary phenomena which are, however, (relatively)
marginal. Moreover, connecting the artistic typology of an epoch with its economic,
technological and political background, Alexandru Muina25 spoke of the inadequacy of the
term to describe Romanian literary realities and warned,
one must not allow oneself to be carried away by the ease with which one can
discover in Romanian contemporary authors, especially in the young ones, techniques
similar to those used by postmodern writers. In defining a typology, a literary current,
what is essential is not so much the use of certain techniques (the figures of
language being, after all, a common good for the literature of all times), as the attitude
towards the act of writing, the relationship with the reader, the world vision that can
be discovered beyond the rhetorical surface.
The observations are quite correct, in essence, but for the fact that, when one takes a closer
look at the literature of the Trgovite School and of the 80s generation, and also at the
theoretical contributions of their representatives, one discovers that it is not so much the use
of certain narrative techniques that warrants a postmodern reading grid as is exactly the attitude
towards the act of writing, the relationship with the reader, the world vision...
The passage of time and the publication of a large number of literary works by these writers
caused the attitudes towards postmodernism in Romanian literature to be enriched with
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countless nuances. Ten years from the first ample debate on this topic Postmodernism in
Romanian Culture the subject was tackled26 with considerably more theoretical precision
than in 1986. Meanwhile, the critical studies dedicated to the phenomenon piled up, both
because essential books were translated (Lyotard, Linda Hutcheon, Steven Connor, Gianni
Vattimo, etc.), and because theoretical studies or articles came out under the authorship of
Romanian authors Liviu Petrescu, Mircea Crtrescu, Magda Crneci, Mircea Martin, Sorin
Alexandrescu, Monica Spiridon, Ion Bogdan Lefter, and Gheorghe Crciun). Although often
quite different in terms of theoretical options and critical perspectives, the abovementioned
authors all agreed on an extremely important aspect: Romanian literary postmodernism was
not and was not to be treated as a phenomenon of cultural mimeticism. Describing the Romanian
postmodern model in terms of four specific traits the predilection for short fiction, the
postulate of authenticity and of the trivial, the nonmimetic poetics and the postulate of a new
humanism, endorsed especially by the poets Alexandru Muina and Clin Vlasie and to a lesser
degree by the fiction writers of the 80s generation Liviu Petrescu saw in this new literary
paradigm not a cosmopolite model of postmodernism, but an organic one, which was in
harmony with certain literary traditions and evolutionary lines in Romanian literature. To
him27, the 80s generation
... represents not only the most systematic theoretical model of postmodernism to be
generated in Romania, but also one of its versions of considerable interest that exist
in the world at the present time.
As for the relationship between Romanian modernism and postmodernism, Petrescu spoke
of two distinct epistemic categories, one built on the principle of totality, the other on that of
plurality. Appropriating the typological scheme used by Frederic Jameson in Postmodernism
or the Cultural Logic of Late Capitalism (1991), the theoretician from Cluj distinguished, inside
the modernist paradigm, between the first modernism, where he included the socalled
scientific novel and the realism of the 19th century, and the great modernism, or the late
modernism, which brought along the erosion of the mimetic theory.
Also in search of theoretical and literary landmarks for homebred postmodernism,
Gheorghe Crciun turned to modernism, dissatisfied with the precariousness of the concept.
Just like Liviu Petrescu, he considered that modernity as a coherent literary model almost
simultaneously establishes its main characteristics both in the poetry and in the prose of the
second half of last century [the 19th, translators note], but, unlike the binary model put forward
by the previously quoted theoretician, Gheorghe Crciun opted28 for a typological description
of the modernist model of poetics and there he delineated three main lines of force:
... the transitive, direct, denotative, prosing one [...], the reflexive one (the Hugo
FriedrichMarcel RaymondCarlos Bousono model) [...], and the avantgardeexperimental, manneristludic one, which includes poets such as Tristan Tzara, Pessoa,
Raymond Queneau, Peter Handke, etc.
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Here postmodernism was seen, perhaps also because of its restorative nature, both as a
crowning of certain developments that were actually initiated in the period of modernism
(Liviu Petrescu) and as a fiercely polemical reaction to it, which originated in a vital urge,
an almost biological necessity for normality, as, for instance, Caius Dobrescu stated in a 1987
essay included in the Competiia continu [The Competition Continues] anthology. Although
he did not plan to discuss the concept of postmodernism, Ion Bogdan Lefter29 observed that
... while the approach of the 60s generation was more restorative than innovating, that
of the 80s generation came as a first attempt to go beyond the modernist current.
In Lefters opinion, the polemical reaction of the 80s generation was determined by an
overwhelming feeling that the dominant literary structures of the epoch were exhausted. This
was essentially the same feeling as the one that in the last couple of decades has brought about
the transition to postmodernism in all the literatures of Europe and America. Still, the
innovating approach of the 80s generation was not a strictly nihilist one, but a restorative one
at core, which is evident in the dialogic, living relationship that its representatives entertained
with tradition. Even if they rejected the literary formulae of the 60s generation or, if only in
part, the formulae of the 70s generation, the 80s writers proposed a novel way of reading a
series of important interwar authors, such as M. Blecher, Mateiu I. Caragiale and Hortensia
PapadatBengescu, or, from among marginal contemporaries (in fact marginalized in relation
to the official canon), Gellu Naum, Mircea Ivnescu, Virgil Mazilescu, Leonid Dimov, Radu
Petrescu, Mircea Horia Simionescu, Costache Olreanu, Sorin Titel, and the list might, of
course, continue. The natural consequence of this rereading was a new canonical configuration
of interwar and contemporary Romanian literature, which as time passed and the attitude
of the most important representatives of this generation radicalised incited reactions as diverse
as they were vehement. Moreover, the 80s writers preference for the work of Mister
Caragiale, at whose door many of the fiction writers of the generation schooled themselves,
carries great significance in the economy of their cultural venture.
Starting from a series of essential questions for the aesthetic profile of the phenomenon
in Eastern European countries, namely How was/is it possible for something akin to a
postmodern symptomatology to exist in countries with a communist/postcommunist
regime? and, consequently, What can postmodernism mean in a small, marginal, isolated
country?, Magda Crneci advanced a hypothesis both interesting and pertinent. She saw in
the fashion of postmodernism, which spread like wildfire in countries governed by communist
parties, not only a characteristic aesthetic way to surpass aberrant political conditionings,
obsolete social struggles, artificial cultural blockages, but also a subtle symptom of a diffuse
premonition of change. The subversive nature of the debate around indigenous postmodernism
thus stands out poignantly from 30
... the fact that the pluralist, antimonopoly vision, so typical of postmodernism, is only
possible when grounded in an acute sense of freedom. Or, as plenty of commentators
from outside and from inside the communist phenomenon have noticed, despite
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numerous limitations, constraints and risks, there has always been a margin of liberty
in communist societies, especially in the sphere of the arts a degree of freedom even
larger than the rulers were inclined to tolerate.
Evidently, the subversively political dimension of Romanian postmodernism, the same as
what the trend experienced in other former communist countries, fully contributed to the
emergence of unique aesthetical structures, quite different from those of postmodern
American literature. What I have in mind here is, first of all, the new humanism theorized
by Alexandru Muina and considered by Liviu Petrescu to be one of the distinguishing marks
of the literary model of the 80s generation. The effect of a particular horizon of
expectations, Romanian postmodernism had its origins not so much in a given political and
economic context as in a series, as Magda Crneci noted in the essay quoted above, of
sociocultural and psychological causes, among which the opposition against the new man
designed by party ideology played an important role. The fiction writers of the 80s generation
showed an unconcealed interest in the authenticity of everyday speech and life, and in the
ordinary person as well as in the oversophisticated, refined and erudite individual. The grip
on reality or the fidelity in rendering, the direct transmissions or the selfreflexive
positioning, the new sensibility obsessively directed at everyday experiences and the street
bustle, the rediscovery of man after decades in which literature seemed interested only in
generic beings, pure abstractions after all, when not mere sums of commonplaces borrowed
from materials of party propaganda this whole pursuit of authenticity, captured from every
compartment of human existence, reflected to the highest degree the symbiosis between ethics
and aesthetics, so typical not only of the literature of the 80s generation, but also of a fiction
writer such as Gabriela Adameteanu, whose career was in full swing in the ninth decade of
the 20th century.
The question that serves as a title to this chapter received a completely affirmative answer
in the book published by Mircea Crtrescu at the beginning of the year 1999, entitled
Postmodernismul romnesc [Romanian Postmodernism]31, an imposing plea both because of
its dimensions and because of the objective that it set itself. An extremely talented poet and
fiction writer, Mircea Crtrescu came up with an original panorama of Romanian literature,
interpreted in a postmodern grid. The central thesis of Mircea Crtrescus study is that32
... postmodernism is not just a stage in the evolution of artistic forms, nor is it just a
literary current, but an interruption of that cultural order in which it is possible for forms
and literary currents to evolve, a convalescence after the modernist illusion, made
possible by a shift of civilization, and not merely one of culture.
Proclaiming the relative independence of the culture of marginal zones from the
socialpolitical and economic reality of those zones, the poet/theoretician did not with
wellgrounded arguments consider it necessary for a direct relationship to exist between
postmodernism and postmodernity as a postindustrial stage; what was important, in his opinion,
was the rapid circulation of ideas, capable of triggering a substantial transformation in the world.
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As a person with an insiders understanding of the 80s generation, Crtrescu knew only
too well how large an impact rock music, hippie and Flower power movements, blue jeans
and television had made on the artistic cast of mind of his generation. The most striking
characteristic of Romanian postmodernism, and also of its different incarnations in the other
East European countries is precisely the reversal of causalities. As a matter of fact, this is true
of all artistic movements that are mentioned in the history of Romanian literature, and
modernism itself is no exception. Even Maiorescus revolt against forms without substance
was, after all, caused by the same perpetual and typically Romanian lack of synchronization
between infrastructure and superstructure, a lack of synchronization that did not prevent
Romanian literature from burning stages periodically on the contrary, it may be argued that
it actually offered an impulse out of an overwhelming desire to concur with the uptodate
trends of Western literature. Still, I find Mircea Crtrescu less convincing when, for didactic
purposes, he simplifies the relationship modernity/postmodernity and considers the world of
the 1950s and 1970s as not so different, in fact, from the interwar one, and also when he
sees in the 80s generation the first posthistorical occurrence. For reasons that I have
extensively commented upon in an earlier chapter, I do not believe that what we have been
living through for the last couple of decades may be called posthistory, as I do not believe
that the modernity of the literature of the 1950s1970s is of the same mettle as that of the
interwar epoch. That is for the simple reason that, whilst the modernity of the interwar period
was genuine and in sync with the same current flourishing all over the world, generated in a
democratic climate and in a sociopolitic context in which freedom of thought and of expression
favoured the production of a great variety of literary formulae and structures, the second
modernism, that of the 1960s1970s, was out of sync and nostalgic, timeless and aesthetically
eclectic, totally apolitical in its refuge in abstractness and at the same time paradoxical,
extremely politicised as an attitude, given the opposition towards the evident dogmatism of
socialist realism. In the name of defending the aesthetic realm from the intrusions of
everydayness, the writers of the period, completely isolated from their congeners in the free
world, rediscovered interwar literature after many years in which the authors and the literary
works of the period had been on the black lists drawn up by the censors of the communist
regime. Consequently, one cannot pretend that we are dealing with an informed choice for
modernism, but with a conditioned reflex additionally motivated, it is true, by the nostalgia
with which the young people of the time looked back at the interwar period in a situation
in which any dialogue with Western literature was broken, and the only alternative available
inside the country was the lecturing dogmatism of socialist realism.
The 1980s arrived with an entirely different intellectual climate, even though the
ideological pressure was equally great, and the cult of personality reached its climax. Only a
few years of the systems relative relaxation (19641971) were sufficient in order for the
freedom which was then only glimpsed to take firm root, especially in the artistic and academic
milieus. In fact, it is here that one must search for the signs of postmodernism, in the literary
societies for students that were set up in the major university centres Bucharest, Cluj,
Timioara, Iai. Their role in shaping the Romanian literary scene has also been highlighted
in Mircea Crtrescus book, as in most studies and articles dedicated to the literature of the
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1980s. I shall not insist here on this particularity of Romanian postmodernism, which has been
extensively analysed in most contributions on the theme of the 80s generation. What I believe
to be important is the diversity of the narrative formulae that the 80s writers experimented
with, which fundamentally distinguished them from their immediate predecessors. Although
one of the steadiest promoters of Romanian postmodernism, with his threefold role of poet,
fiction writer and critic Romanian Postmodernism can and has been read also as a manifesto
of the 80s generation, a vehement and at times unfair pro domo plea Mircea Crtrescu
resists the temptation to identify the writing of the 80s generation with postmodernism33,
convinced that
... like the poets, the 80s fiction writers do not follow a single direction, but are diverse
and versatile, filling up the space of contemporary poetics from the almost
traditionalist prose up to the most advanced avantgarde, oneiric and postmodern
experiments.
A representative work for the diversity of narrative poetics frequented by the 80s writers
is the collective volume Desant 8334, a genuine manifesto for the new sensibility. To the fiction
of the 1980s, the volume had the same importance that Aer cu diamante [Air with Diamonds]35
and Cinci [Five]36 had for poetry. As, above all, a prospective anthology, Desant 83 marked
not so much the editorial debut of certain fiction writers as the innovating onslaught that a group
of writers, each different from the others but sharing the desire for the renewal of literature,
lead on literary structures that were felt to be obsolete. What followed after 1989 was the
confirmation and consolidation of the project of the 80s generation, where the postmodern
direction is one of the best represented ones. The novels and short stories published by the
most iconic authors who gained renown in the eighth/ninth decade gradually but irreversibly
undermined the dominant structures of postwar Romanian fiction.
Consequently, I believe it becomes selfevident that the answer to the question posed in
the title can only be a plain yes, now, at almost two decades since the onset of this debate.
The pages that follow shall hopefully offer a more refined image as to the specific traits that
distinguish the poetics of Romanian postmodernism, as they stand out from the analysis of
several of the most significant works written not only by the 80s writers but also by the fiction
writers of the Trgovite school, with whom the former share countless (s)elective affinities.
Gabriela Adameteanus work, situated at the border between neorealism and postmodernism,
must also be taken into account, as both Diminea_ pierdut [Lost Morning] and the short
stories in Varprimvar [SpringSummer] stand among the most accomplished works of the
Romanian fiction of the 1980s. As I do not believe that one may licitly equate postmodernism
with the 80s generation, even though its writers had a major contribution to establishing
the term, the adventure of writing initiated by the representatives of the Trgovite school
who composed postmodernist texts at a time when socialist realism was in full swing, with
the same assurance with which Monsieur Jourdain wrote prose without knowing it seems
to me to be the first pronouncement of an authentic postmodern sensibility, for which the space
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of the World becomes undistinguishable from the space of the Library, because the world is
a book in which each sign leads you to another,37 and
... to read is to go as far as the words will take you. And where will the words take you?
To heaven or to the earth, into our own selves or into the selves of the things around
us, into the past as well as into the future, into a birds flight as well as into the depths
of a thought...
The writers of the Trgovite school discovered the paradise of reading in an age when
reality was an inferno and they took refuge in the Library, imagining how they would mount
learned sieges upon platitudes, with arsenals made of books, regiment trains packed with
libraries and miraculous cures obtained from stewing old manuscripts, apt to cure the ailments
provoked in one by ones unrelenting contact with reality. Unlike them, equally fascinated by
books yet all too little inclined to withdraw into the library and ignore the surrounding world,
the writers of the 80s generation perceive the real as a text that generates itself, in permanent
motion, while their own existence experienced as texistence is systematically circumscribed
to a paltry everyday reality, the only space left undistorted by party propaganda.
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Allusion to Desant 83, an anthology of young writers published in 1983 that breached the literary norm of the
age and, while not openly dissident, showed the disquieting drabness and the absurdity of life in communist Romania
(translators note).
Crciun, Gheorghe, Acte legalizate, Copii originale [Certified Documents. Original Copies], Cartea Romneasc
Publishing House, Bucharest, 1982.
Dialogul n proza scurt [Dialogue in Short Fiction] (1982), in Crciun, Gheorghe (ed.), Competi_ia continu.
Genera_ia 80 n texte teoretice [The Contest Continues. The 80s Generation in Theoretical Texts], Paralela 45
Publishing House, Piteti, 1999, p. 311. Other articles on the same theme by Mircea Nedelciu: Dialogul n proza
scurt. Transcriere i construc_ie [Dialogue in Short Fiction. Transcription and Construction] (1980), Un nou
personaj principal [A New Main Character] (1987), Noile structuri i limbajul [The New Structures and
Language] (1988), all of them reprinted in the anthology quoted above.
Autenticitatea ca metod de lucru [Authenticity as a Work Method] (1987), in Crciun, Gheorghe (ed.), op.
cit., pp. 2712.
Towards a Postmodern Literature, New York, Oxford University Press, 1971, 1982.
Arhipelagul 7080 i noul flux, in Crciun, Gheorghe (ed.), op. cit., pp. 2156.
Conul de umbr [The Shadow Cone] (1983), ibid., pp. 31720.
Proza tinerilor ncotro? [Young Fiction Whereto?] (1983), ibid., pp. 32931.
Zumthors definition The insertion of vulgar passages as interpolations or as tropes in a classical text is quoted
by Nicolae Iliescu in his text. (See infra, note 8).
Proza tinerilor ncotro? (1983), in Crciun, Gheorghe (ed.), op. cit., pp. 3313.
Ibid., pp. 3334.
Ibid., pp. 3356.
Banda lui Moebus [Moebius Strip] (1984), ibid., pp. 147.
Cititorul [The Reader] (1985), Ac_iunea textual [Textual Action] (1989), ibid., pp. 293304.
Compendiu despre noua proz [Compendium on the New Fiction], ibid., pp. 24652.
Literatura romn postbelic. Lista lui Manolescu [Postwar Romanian Literature. Manolescus List], 2nd volume,
Proza. Teatrul [Fiction. Theatre], Aula Publishing House, Braov, 2001, p. 275.
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auteurs ont jet sur lauteur du Postmodernisme explique aux enfants. Je suis pris
otage par lautre, je suis toujours lotage de
lautre, cest un concept essentiel quEmmanuel
Lvinas illustre dans son livre de chevet,
Totalit et Infini (1961).
Ce qui reste tout de mme ahurissant
dans lessai de ces deux acerbes critiques du
postmodernisme cest que leur rejet nest
pas la consquence dune argumentation,
mais vient de lobservation de linadquation
entre le langage pratiqu par les tenants du
postmodernisme et celui heideggrien: Put
succintly, the role of the philosopher is not to
cleverly interpret, deconstruct and arrange. It
is to think so as to bring forth truths about the
Being of beings. (p. 7) Ainsi arriveton la
question du style, qui pourrait paratre
surnumraire au lecteur de philosophie mais
qui, vu cet essai, ne peut pas ltre. Voulant
battre en brche la thorie lyotardienne du
relativisme de la vrit comme validation,
chaque fois, dune mtanarration, les deux
auteurs y oppposent la vrit de la cosmologie
hliocentrique. Outre la confusion entre le
concept heideggrien de la vrit, diffrente
de celle produite par le discours scientifique
et ce sont les auteurs euxmmes qui
sattachent rencherir la diffrence entre la
vrit ontologique comme dvoilement,
aletheia, et la vrit ontique comme adquation au fait , la phrase qui boucle le
paragraphe pose carrment: Nor are these
truths relative. Borrowing a locution attributed
to Galileo Galilei, the truth of the matter is
that earth moves around the sun and
this truth is valid always, at every moment,
whether the postmodernist likes it or not!
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arta i literatura postmodern, Ed. Universal Dalsi, Bucureti, 2000, 364 p.
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ADINA DINIOIU
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Adrian OOIU,
[Trafic de frontire. La prose de la gnration 80. Stratgies transgressives] Trafic
de frontier. Proza generaiei 80. Strategii transgresive, Editura Paralela 45, Colecia
80, Seria Eseuri, Piteti, 2000, 262 p.
[LOeil bifurqu, la langue bigleuse. La prose de la gnration 80. Stratgies
transgressives] Ochiul bifurcat. Limba saie. Strategii transgresive n proza generaiei 80,
Editura Paralela 45, Colecia Deschideri, Piteti, 2003, 280 p.
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PAUL CERNAT
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BIANCA BURA-CERNAT
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DELIA UNGUREANU
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Born in 1931, Mircea Ivnescu made his debut with a volume unassumingly titled versuri
(lines) in 1968. The volumes that followed bore similarly neutral, unassuming titles, and this
may have contributed to the fact that his powerfully original but selfeffacing presence in
Romanian poetry was truly discovered, with a few exceptions, only in the 1980s and 1990s,
by the postmodern generation of poets who acknowledged him as a major precursor. No wonder
then that the first comprehensive anthology of his poetry was put together by the chef de file
of Romanian postmodern critics and theorists, Ion Bogdan Lefter, in 1996. What the
postmoderns particularly admire in Mircea Ivnescu is his selfreflective playfulness, his ironic
bookishness, his distinctive use of a poetics of citation and of intertextuality, his mindbending
manipulations of ekphrasis or miseenabyme, his subtly poetic prosaisms and his revaluations
of stockphrases and clichs encountered in popular literary genres, on which he manages to
bestow an unexpected, if ambiguous, metaphysical dignity. Given the constancy and richness
of his poetic production, one can only be amazed by Ivnescus parallel activity as a translator,
from English (Joyces Ulysses, six novels by Faulkner, two by Scott Fitzgerald etc.) and from
German (Musils Man without Qualities, Kafkas short stories, Journal, and Correspondence,
Hermann Brochs Sleepwalkers etc.). It is noteworthy that a comprehensive anthology of
American poetry compiled and translated by himself (1986) was withdrawn from circulation
during the communist dictatorship of N. Ceauescu. The reason? The cover reproduced Jasper
Johns American Flag at a moment when American symbols (even in a popart version) were
unfavorably looked upon. One has the impression that in the case of Mircea Ivnescu the
borderline between effectively translating and just reading is very fluid.
Almost always present at the center of Mircea Ivnescus poetry which may be broadly
classified as a form of love poetry with a difference that can go all the way to selfirony
and exquisite selfmockery is She, a woman or the mere shadow of her loneliness, an object
of love on the part of an extremely selfconscious poet or, sometimes, the victim of some
nameless crime of which the poet himself feels ultimately (magically) guilty. She is usually
evoked in a cold, rainy, wintery landscape or, also during winter, in anxietypervaded interiors,
both familiar and strange, easily recognized by the sophisticated reader of detective fiction
or thrillers. The poet takes pleasure in exploring what is not said in such popular works, in
discovering the metaphysical implications of their silences and gaps, in identifying both with
the detective and the criminal. But She is always there: even more intensely present in her
absence.
The poem I intend to discuss here typical of a significant part of Ivnescus world is
made up of a series of seven sonnets and is written in English by the multilingual poet: the
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lady in the lake (wouldbe poems, Sibiu: Hermann, 1992, limited edition). I should note in
passing that Ivnescu writes almost exclusively in lower case (like e.e. cummings) and that,
while the bulk of his poetry is naturally in Romanian, he has also extensively written and
translated himself in French and in English. For a reader who is aware of the often invisibly
bookish and highly intertextual quality of Ivnescus poetry, the title, the lady in the lake,
taken by itself, might seem to contain a triple allusion. Given the poets vast culture, one may
think that it somehow points to the medievalromantic poem by Walter Scott, The Lady of the
Lake (1810) (not a right guess). Then, it might point, however indirectly, to Tennysons
adaptations of the legendary motif of the Lady of the Lake in The Idylls of the King (again a
false track, although suggestions from the arthurian cycle may be identified in other poems
by Ivnescu). Third, it points literally and this time rightly to The Lady in the Lake by
Raymond Chandler (1943) and perhaps to the 1947 Robert Montgomery film noir, based on
the novel, which the author might have seen. (Incidentally, I happen to know that Ivnescu
is a great Chandler fan). Even so, in the poem, Chandler is present only as a remote, very vague
background, helpful only insofar as it helps the reader focus on the theme of murder, central
but halfhidden and thus easily overlooked. the lady in the lake is essentially a convoluted
love poem, delicate and cruel, at once (self)parodic and lyrical, doubled by a meditation on
time time moving both clockwise and counterclockwise: The story could be told the other
way round, we read in sonnet 4, which reveals the crime: going from Sunday to Saturday
to Friday a blank day to Thursday, the eve of the murder (the murderer is of
course the poet himself, but his weapons are unconventional: memory and forgetfulness).
the lady in the lake is a fine example of Ivnescus approach to poetry, secretly erudite
and playfully poignant, ironically sincere, in which certain apparent or oblique references are
just pieces of a larger lyrical puzzle with many solutions, each one of them quite rigorous.
Another example could be the opening poem of his first volume, versuri, translated into English
by tefan Stoenescu (with the help of the author) in the collection Mircea Ivnescu, other
poems, other lines (Bucharest: Eminescu Publishing House, 1983). Here is the poem, titled
but there are also true memories, which sets the tone of his subsequent poetry:
i too once carried a memory
in my hands, holding it tightly, for fear it might escape.
(it had slipped from me once and it rolled down
onto the ground. i carefully brushed it with my coats sleave,
i was not afraid. My memories are rubber balls
they never break. If they slipped out of my hands
however, they might roll away quite at a distance
but im loath to run after them, to try to reach out
beyond my boundaries, stretching my hand,
ever downwards to chase my memory.
id rather pick up another. this too might be a fake one.)
and so i too once carried a memory
in my arms (thinking awhile, a spiteful grin
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Matei Clinescu
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An epochal synthesis
MIRCEA MARTIN
Upon his departure from Romania, in 1973, Matei Clinescu was leaving behind an
important literary work and a first class intellectual reputation. As a reputed University
professor, a literary historian, an essay and prose writer and also a poet, he was promising to
reiterate G. Clinescus wideranging creative experience, on whose work he had commented
with incisive affinity (see Aspecte literare i.e. Literary Aspects, Bucharest, 1965). He made
his debut with a book about Eminescu, Titan and Genius in Eminescus poetry (Titanul i geniul
n poezia lui Eminescu, Bucharest, 1964).
Yet, right from his debut, it was noticeable that Matei Clinescus distinct way of conceiving
exegesis differed from that of his illustrious namesake. He chose to stay very close to the text
and avoid not just the sparkle of some risky analogies but, mostly, the seductions of the artistic
style. His later books were to confirm and even theorise such an attitude. The rigour and the
poetry of criticism are defined in memorable words and, we can be sure, they would have been
quoted on countless occasions in our literary magazines had his oeuvre not fallen under the
incidence of communist censorship after leaving the country: If the poet has wings, which
he flaps spectacularly covering wide open spaces in the process, the true critic, walking the
geometrical boulevards of science with sobriety has, despite this modest guise, inwardly grown
wings: wings that expand in the world of ideas thus allowing the critic to retrace, on a different
plan, the poets mysterious itinerary1.
The lesson in rigour, stylistic sobriety and dissociative passion for ideas is undoubtedly
caught on by Matei Clinescu from Tudor Vianu, whom he had known since adolescence, and
whose assistant he was for the last years of his academic career. In Memories in Dialogue
(Amintiri n dialog, Bucharest, 1994), a book he wrote together with Ion Vianu, Clinescu
recognises this spiritual ascendancy. As a young critic and researcher, Matei Clinescus interest
in elucidating some of the major concepts in literary theory and history is undoubtedly linked
to the encouragement received from and the example set by this illustrious aesthetician. The
same goes for his habit of drawing a historical timescale of the concepts being researched,
or the pleasure he took in competently refining literary analysis until the discovery and
formulation of a new conceptualising issue. Matei Clinescu retraces the history of a given
concept while he himself conceptualises further concepts with similar ease. There is no need
to call on his wider studies on classicism or about the fantastic to document this assertion since
any of his essays can serve as a testimony in this respect. A conceptualising dimension
characterises his comments on the works created by wellknown writers from home or abroad,
and on contemporary literature.
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Though he steps aside from literary criticism per se rather early (much like Tudor Vianu
does too), only to return sporadically from then on, Matei Clinescu still makes a decisive
contribution towards launching and helping bring to prominence some of the Romanian
literatures most important writers of the 60s generation. Mircea Ivnescu, Nichita Stnescu,
Cezar Baltag or Nicolae Breban these are some of the authors which the young critic had
wagered a bet on. Beyond his ongoing critical commentaries, his works as a comparatist and
exegete of classical and modern Romanian literature turned him into a central character of the
Romanian literary scene during the 60s. Without actually seeking it, through assiduous
publicising or wheeling and dealing as some of peers did, Matei Clinescu enjoyed a true
authority amongst Romanian writers.
His last major contribution before choosing the exile was The Modern Concept of Poetry
(published in 1971 and 1972) a book that also served as his PhD thesis. The continuity of his
(intellectual) pursuit apparent between this book and the following one, written in English and
published in the United States, Five Faces of Modernity (Indiana U.P., 1977) is most evident.
In actual fact, this was only natural since, by the age of 35, when Clinescu reaches Indiana
University in Bloomington, as a Romanian language and literature lecturer, he was already
a seasoned intellectual, learned, an erudite even who had travelled around Europe (a UNESCO
scholarship offering him research residency in Paris and London). He already had an established
demeanour and a personal outlook on literature, both of whom were of a markedly Olympian
structure (and character). Judging by his rather haughty detachment from all ideologies and,
in view of the ironical reservations he held against any type of (cultist) adhesion, I do not think
Clinescu would have suffered any cultural shock upon entering the American way of life.
Nor do I think he had any difficulty in adapting to it.
In fact, in just a few years time, he becomes full professor and, at the same time, a
comparative literary and cultural critic whose competency starts being noticed. The invitations
he receives from other Universities, the research bursaries he receives, his participation at
various international congresses and his employment on the boards of prestigious literary
magazines confirm his full integration into the American scientific and academic community,
and the beginnings of a truly international notoriety.
Would all of this have been possible had he stayed in Romania? Would his oeuvre had
looked differently then? These questions sole purpose is to prepare a third one, also rhetorical:
would our authors American oeuvre have been possible without its Romanian counterpart?
Matei Clinescu is not the only literati who fulfilled his career in the United States.
Alongside him, prestigious university professors and authors of internationallyrenowned
works, such as Virgil Nemoianu, Toma Pavel, Sanda Golopenia, Mihai Spriosu or Marcel
PopCorni stand up to be counted. Is there something that unites them while setting them apart
from their American peers? Is there a common source, pertaining to their Romanian cultural
formation that can still be detected in their works? Or, is it that their Romanian foundation
melts into something more comprehensive, European, whereby this latter constitutive
element is what sets it apart? These are but some of the questions to which only a very close
comparative study of each and every one of these personalities and their oeuvres, considered
in their American context, may give an answer.
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In respect to Matei Clinescus oeuvre, the continuity between its two eras and their
particular aspects is not merely thematic, for this is also methodological. In both his Modern
Concept of Poetry and Five Faces of Modernity, the author considers, beyond definitions and
concepts, the artistic endeavours theoretical implications per se. His preoccupation for
terminology, which is most evident here, is recognisable not just in his Modern Concept of
Poetry, but in other Romanian works too, whilst, in turn, his etymological curiosity precedes
this. Somewhere in his Critical Essays (Bucharest, 1967) book, the author speaks of a poetic
side to etymology.
Surely, today, this modern poetry book would have been conceived by Matei Clinescu
differently. For instance, the synthetic chapter on symbolist poetry would no longer be placed
after the chapter in which the poetic origins of antipoetic is approached, nor would Ezra
Pound and T.S. Eliot be considered concurrently, in symbolist posterity. Beyond such changes
of perspective, certain interpretive constants can be established between The Modern
Concept of Poetry and Five Faces of Modernity, only if to reveal the comments made on
Baudelaires attitude towards modernity or, the revolutionary character of Rimbauds
poetics. They are in fact, and in the nature of things, similar to their appealing to the very same
fundamental quotations.
Certain replays leave themselves open to interpretation on a different level, too. Quoting
in both these works Genettes thesis on the literality of poetic language shows our critics
permanent consideration of these things in that the sole valid and authentic interpretation of
a text rests with its literal interpretation. This type of interpretation is the only one respecting
the texts immanence. Yet, how can the texts immanence be respected other than by repeating
it or by actually rereading it (anew)? Are we mistaken in considering these 1972 excerpts as
being germinative for the massive work that Matei Clinescu will publish twenty years later,
in 1992, on Rereading, Yale U.P., 1992)?
..................................................................................
The author titles this book as an intellectual history and cultural genealogy essay. Indeed,
his approach here goes way beyond the strictly literary framework by getting involved in
debates where philosophy, sociology and the history of ideas and mentalities are brought to
the fore in equal measure. How have concepts like modernity, avantgarde (i.e. vanguard),
decadence, kitsch or postmodernism been formed and to what extent were they functional in
any of the EuroAtlantic cultural evolutionary periods this is the main thrust of his endeavour.
Matei Clinescu declares at one point how, in actual fact, his (research) interest is the same
one exhibited by a physiologist, a genealogist and/or that of an etiologist even.
The history which this synthesis reconstitutes here is not a literary one, for it is
conceptual. It is evidently apparent the indirect, mediated approach to artistic reality, which
is a rather frustrating evidence given the fact that the critics analytical virtues are no longer
exercised against the works proper in the oeuvre. They are nevertheless employed against the
terms and ideas whose complex intertwining is followed, with erudite finesse and abstract
accuracy, by someone like Jean Starobinski.
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Major concepts are generally considered at least on two different levels: sociopolitical and
culturallyartistic, and in cases where the historical context requires it, the last section is, in
turn, further divided. The division is nevertheless imperative given that terms can mean different
things, in different contexts. Yet, in the case of personalities, an exegetes (archaeological)
effort is to uncover the coherence and the parallels drawn between, say, political and artistic
considerations.
I wish to draw the readers attention to a procedural detail: Matei Clinescu offers careful
consideration not just to the history of a particular concept but also, to the way its sequence
of acceptations have shaped, at various moments in time, its currently accepted version which
has a predominantly artistic value. What is even more interesting to note is the fact that the
act of retracing the terms (conceptual) progress towards its current understanding does not
alter its socalled final evolutionary imprint, and does not attenuate its constituting radicalism;
on the contrary, it brings to the fore its (intrinsic) value even more.
Beyond chronological factors, the bond tying Matei Clinescus considered concepts rests
with the fact that these reflect intellectual attitudes directly linked to the concept of time.
The implication here, of course, is that this is not the philosophers or the scientific communitys
time, for it is the human time which is about the sense of history as it is lived and evaluated
culturally (supra, p. 10).
One more thing: though the authors investigation is opened to several different levels of
considering the existence as such and (its) culture, its major thrust is cultural. The faces of
modernity are, each and every one of them, multiple yet, this very modernity is, if not first
and foremost then, at least in the final analysis, aesthetical.
Not solely the massive introductory chapter but all the remaining ones and, in
particular, the chapter on decadence offer Matei Clinescu the chance to undertake edifying
incursions into the history of artistic and literary doctrines while making pertinent
considerations about modernitys highly complex composition. Each time, the authors
substantiating analysis converges towards the idea that each and every one of the concepts and
movements listed in the books content form an inalienable component of this modernity.
As the critical commentarys density and the multitude of references and dissociations on
display make it (virtually) impossible to analyse the book in its entirety, I believe that focusing
on a single chapter could be revealing for the books overall consistency. The reason why if
I am focusing on the idea of avantgarde here, owes to my considering this to be (for a whole
host of reasons) the books main conceptual hub and one which has very close connections
with the rest of the concepts presented (modernism and decadentism, on the one hand, and
kitsch and postmodernism, on the other).
..................................................................................
The term avantgardes first time appearance is traced by Matei Clinescu during the
Renaissance. He credits the French humanist, tienne Pasquier with it because of the comments
this makes on the erudite linguistic and poetic performance of the (16thcentury French
Renaissance poets group) La Pliade. Starting now, the rectilinear representation of time and
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the sense of advancement and progress become present. Yet, beyond the metaphorical transfer
proper, what is significant though is its application in the literary domain. Yet, this early use
of the term is nevertheless lacking the proper conscience needed to belong to the vanguard.
In order for this term to signify a conscious option and an assumed programme too, it had to
be adopted in politics; moreover, it had to consider the role which it was willing to invest in
art and the artists.
Even if Matei Clinescus remark is intriguing at first, eventually, it comes to pass: Though
it can be found in the generic language of the war, the modern notion of vanguard is more
akin to the language, the theory and the practice of a relatively recent type of war, [namely]
the revolutionary civil war (supra, p.69). This rings true, for is it not so that extremism and
experimentalism define any revolution? The word vanguard has become common ground
for revolutionary rhetoric (supra, p.74), with the added mention that, in the LeninistStalinist
idiom, its use in any other contexts but political was viewed as a blasphemy.
Though it seems that, at the time of the Paris Commune, a duality existed between the
political and artistic avantgardes, if only the example set by Rimbaud is considered, later, the
principled incompatibility between revolutionary social activism and revolutionary art forms
becomes ever more evident, despite the temporary selfdelusion of certain socially aware
creators. Renato Poggioli speaks in The Theory of the AvantGarde (Harvard University Press,
1981) about a divorce between these two manifestations of the avantgarde, though Matei
Calinescu is of the opinion that the distance separating them is not unbridgeable (supra, p.77),
at least when it comes to the socalled historical avantgarde.
In fact, the historicization of the avantgarde concept happens (virtually) everywhere in
postwar Europe, where neoavantgarde phenomena (NeoAvantGarde, Avantgarde Critical
Studies, ed. David Hopkins, 2006) appear, in various social and political contexts. The most
spectacular event taking place after the war though, was the recuperation of the avantgarde
by the bourgeois society, despite so many revolutionary manifests and the contempt shown
for every one of its values: the avantgarde, whose limited popularity had been for long based
exclusively on scandalous actions, suddenly becomes one of the major cultural myths of the
50s and 60s (supra, p. 82).
In the avantgardes genetic makeup itself though, had been inscribed its failure through
its success, and because of this success. This surprising equation, much like the movements
selfcontradictory posturing (Hans Magnus Enzensberger) led to what Matei Clinescu
considers to be the crisis of the 60s avantgarde concept. To back up his claims, Angelo
Guglielmi, a representative of the Group 63 in Italy, is quoted as claiming that the notion
of avantgarde itself, with all its connotations and soldierly implications, is dated in this day
and age of intellectual relativism. Incidentally, the question Im asking myself though is whether
one of the avantgardes major objectives beyond the ridiculing of bourgeois values had
not been one of making all values relative. From this point of view, we might say that the
avantgarde (which does not mean just Breton or Marinetti) gatecrashed into an age of
permissiveness. It is not surprising in fact, observes Matei Clinescu, that even the
neoavantgardes who adhered to Marxism practice an anarchisttype of aesthetics (supra,
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p. 88). This anarchist dimension, according to him, confirms the validity of the more general
equation between the cultural avantgarde and the crisis culture (supra, p. 88).
Generically speaking, modernity can undoubtedly be put under the sign of the crisis, and
can even be considered as the culture of crisis. Yet, in the case of the avantgarde, this genetic
conditioning is turned into a radical programme. As usual, the critics defining phrase goes
beyond superficial or banal aspects, whilst reaching the essential: Far from being preoccupied
by novelty per se, or by novelty in general, the avantgardes tries in fact to discover or invent
new forms, aspects or possibilities offered by the crisis (supra, p. 84). At this particular point
of the discussion, the decadentism analogy becomes de rigueur an analogy which is further
supported by a (certain type of) selfdestructive euphoria, recognisable in both movements
manifestations even though they are distinct from one another.
A feature of maximum interest and originality in Matei Clinescus analysis arises in the
relationship he establishes between the advent of the avantgarde phenomenon and the
Humans crisis in the unhallowed modern world. Using Ortega y Gassets insightful essay
as a starting point to the Dehumanization of Art, our author attributes the avantgardes oeuvres
a prophetic quality: Corrupting and often eliminating the human imagery from their works,
fragmenting its natural representation, dislocating its syntax, cubists and futurists were, surely,
amongst the first artists who became conscious of the fact that the Human itself had become
an antiquated concept, and that humanist rhetoric had to be removed (supra, p. 86). Obviously,
the Humans crisis started much earlier, with the death of God announced by Nietzsche, only
to end up in a similarly apocalyptic note in the death of the Human itself, as was decreed
by Foucault yet, within this entire process, the Marxist contribution is not negligible. Calinescu
adopts here Althussers perspective, one of the most important Marxist thinkers of out time,
according to which humanism remains but a mere ideology and in so far as Marxism has
proclaimed itself a science, it must, logically, adopt an antiideological stance and,
implicitly, an antihumanist stance as well (supra, p. 86).
It is this fundamental ambiguity between science and ideology that explains, in Matei
Clinescus opinion, the penchant for Marxism exhibited by certain strands of the historical
avantgarde or the neoavantgarde. Humanisms crisis is followed through by a crisis of
ideology in general, something which is visible on a number of levels yet, carrying important
aesthetical consequences: the refusal of placing value judgements and/or of focusing on a
particular scope, both of whom characterise a good deal of the avantgarde art, whether this
is older or more up to date.
Where I differ from Matei Clinescu is when I am inclined to see these manifestations as
consequences of the humanisms crisis rather than symptoms of an impending crisis of
ideology. The ideological factor has always been a valuejudgements inhibitor and, as long
as we are ready to accommodate the existence of an ideological plurality or, in other words,
the existence of several reading systems then, the axiology question can best be avoided or
rendered relative. Equally, it is only apparently that ideologies help to maintain a teleological
tension; in actual fact, they pulverise the intended scope into (a myriad of) more or less
immediate objectives. I tend to believe that this contemporary antiteleological orientation
is also driven by humanisms crisis. Of course, this can only be true if we consider humanism
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to be something more than just a mere ideology. In other words and to finish what I was
about to say humanisms crisis is not a particular aspect of ideologys crisis, for it may well
be its exact opposite.
Towards the end of this chapter, Matei Clinescu distances himself from a couple of
relatively widespread mores in American (literary) criticism of conceiving the avantgarde
and its rapports with what precedes and follows it. He does this in a sequence, titled Avantgarde
and postmodernism, which was meant to fill in for the absence of a special presentation of
this most recent literary and artistic phenomenon, in the books initial version, dating from
1977. In fact, postmodernitys arrival or, better said, the debates triggered by it, bring to the
fore the sheer distance separating the European and the American representations of this modern
revolution.
In the American critique an equivalency this euphemism is used only to avoid calling
this confusion is being made between modernism and the avantgarde. The European vision
which Matei Clinescu shares draws a clear distinction between the two movements, without
negating the complex rapports of dependency and exclusion that govern their relationship.
Our authors argumentation is, arguably, definitive: As for modernism, regardless of the
specific representation of the term in different languages or by different authors, it fails to
expresses that sense of Universal and hysterical negation which is so characteristic to the
avantgarde. Modernisms antitraditionalism is, more often than not, subtly traditional. This
is why it is so utterly difficult, when viewed from a European perspective, to conceive of
authors, such as Proust, Joyce, Kafka, Thomas Mann, T.S. Eliot or Ezra Pound as
representatives of the avantgarde (supra, p. 95). Moreover, Matei Clinescu launches a
personal hypothesis with regard to viewing the avantgarde as a parody of modernity, which
offers him a chance for an aesthetical reflection of great finesse, as memorable as it is valid
in itself, whilst almost detached from its very object. (I wonder whether one cannot talk in
these very same terms about postmodernisms parodic qualities as they were primarily exercised
against modernism.)
The second approach on which our authors opinions differ (from that of American
exegetes) concerns postmodernism, more precisely, with regard to the incorporation of the
avantgarde within postmodernism, and the confusions resulting thereof. Paradoxically, both
these validations can be found in the books written by the same author, Ihab Hassan, a
worldrenowned figure for his contribution to defining postmodernism. On the one hand, he
includes, in his acceptation of modernism, the historic vanguard and, alongside it, virtually
any movement and almost every personality of some importance to the Western culture, dating
from the first half of the [twentieth] century whilst, on the other hand, he considers
postmodernism to be something that is, largely, an extension and a diversification of the
avantgarde, predating The Second World War (supra, p. 97). In other words whilst
somewhat overemphasising the point we could conclude that, in Hassans representation (the
way Clinescu presents it, without insisting on the contradiction), postmodernism is
essentially similar to modernism. The nucleus of this likening is constituted by the
avantgarde itself which, by subsuming or even integrating it into either modernism or
postmodernism, the American critic simply eludes it altogether, something which results in
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it losing its independent significance and/or specific weight. Whilst this opinion is by no means
singular in America, we are probably entitled to see in it a consequence of the fact that American
exegetes have simply not been confronted by an avantgarde phenomenon of its European scale
and magnitude.
The relatively systematic distinction that Ihab Hassan draws between modernism and
postmodernism is therefore unfettered by the avantgardes distribution in both eras. The
subsequent criteria setting the two movements apart are antiformalism (Peirce, James, Holmes)
and postmodern antielitism. Other benchmarks acquire in postmodernity specific
representations and functions that are different from those acquired during the modernist era:
urbanism, the technological drive, the dehumanizing effect etc. and, at this particular point
in the discussion, Matei Clinescu voices his reservations. Here is but one of them: The
argument according to which the postmodern culture is antielitist because it is popular with
particular reference to writers, who are no longer ashamed by the bestseller phenomenon
looks to be an utter sophism. Being popular in this day and age means creating for the market,
answering its demands []. The result of submitting to the market forces is neither elitist, nor
antielitist (both notions have been overused to the maximum, until they were voided of sense)
(supra, p. 98). Even though the validity of this last sentence appears to be questionable, the
examples offered by the author seem to have an inbuilt ability to turn this dispute to its
advantage: As regards the truly great artists representing the spirit of postmodernism such
as Beckett or even Pynchon, for example, are they are no less popular or accessible to the
public at large than were the most sophisticated amongst modernist or avantgarde writers
(supra, p. 98).
Yet, in the last sequence of his discourse on the avantgarde, Matei Clinescu manages to
surprise us: after documenting and publicly defending the existence of an avantgarde concept,
distinct from modernism and postmodernism, he seems to take a step back, by seeking refuge
in a compromise solution. Without offering any special argumentation to support this claim
and despite the fact that he had already made a unitary presentation of both the historical
avantgarde and of the neoavantgarde, he now seems ready to dissociate one from the other
by attributing each one of them to either modernism or postmodernism, respectively.
Accordingly, he claims that there could now be a new, postmodern avantguard, which is
also profoundly intellectualised (supra, p. 98) that could be measured up against the old
avantguard. What then is there left of the distinct concept of the avantguard?
A difference between the historical avantgarde and the neoavantgarde undoubtedly exists
yet, these differences are not so striking to allow their separation and subsequent pigeonholing
to other movements. And even if such a net distinction were still imaginable, entitling us to
speak of an avantgarde stage in modernism and postmodernism, respectively then, the
avantgarde concept itself would become useless.
There are a number of irreducible, incomparable even elements pleading against such a
(reductionistic) division. The avantgardes antiaesthetic (Meyer, Ross)2 and/or antiformalist
features distinguish it radically from modernism. (In this succession of ideas the placing of
the French new critique and of the French literary theorist, Grard Genette, in particular
within the postmodern avantgarde frame (supra, p. 99) seems ever stranger. Both
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literarity (Derrida) as well as literality are typically modernist concepts.) With regard to
the relationship between the avantgarde and postmodernism, the most convincing argument
in favour of their firm dissociation is brought by Calinescu himself (even though his argument
had been facing the opposite direction) when speaking (according to Leonard Meyer) about
stasis as being one of the characteristics of contemporary culture.
He is, of course, wellaware of the paradox resulting when placing together the terms stasis
and avantgarde, and he meets the challenge headon: One of the telling characteristic of our
era, which is revealed by the public condition of the new avantgarde, is that we have become
accustomed to change. Even the most extreme artistic experimentations seem to raise far too
little interest or enthusiasm. The unpredictable had become predictable. Generally speaking,
the ever increasing pace of the changes tends to diminish the relevance of any particular change.
The new is no longer new (supra, p. 99). The opposition between the current mentality and
the mentality of the historic avantgarde is defined accurately and with much gusto: The old
avantgarde, destructively, sometimes deceived itself into believing there really were new
avenues to be opened up, new realities to be discovered, [and] virgin territories to be explored.
Today, however, after the historic avantgarde had enjoyed so much success whereby it has
been turned into a chronic conditioning of the arts, both the destruction rhetoric as much
as that of the novelty factor have lost all traces of heroic attraction (supra, p. 100).
What still remains though is the association made between this stasis and the
postmodern neoavantgarde. In support of his thesis, Matei Clinescu quotes Leonard
Meyers subtle remark, according to which this stasis does not mean the absence of novelty
and change a complete and utter calmness but, rather, the absence of an orderly sequential
change (supra, p. 100). Yet, could the definition of any avantgarde, including here the new,
socalled postmodern avantgarde do without even this type of change? Why then is there
any need for a new avantgarde when all this could be but a plain and simple case of
postmodernism?
Tolerance, pluralism, the increasingly modular structure of our mental Universe, the stasis,
alas, all of these do not necessarily plead for the existence and the consistency of a new
avantgarde; rather, they plead for a different social and cultural age which, for lack of a better
term, we call postmodernism. The term avantgarde used here i.e. in the syntagm postmodern
neoavantgarde preserves only its etymological sense, shedding its typological one. The
neoavantgarde, defined as stasis can no longer belong to the avantgarde, but to
postmodernism.
I believe that the movements for which Matei Clinescu uses the catchall neoavantgarde
must, in turn, be further dissociated: some of these are indeed neoavantgarde i.e. reeditions
in new contexts and, as such, acquiring new meanings to the avantgarde phenomenon, whereas
others are already forms of postmodernism. If we stubbornly insist in marking the innovative
character of some of the postwar currents then, instead of using neoavantgarde we ought
to rename them going beyond the slightly risible dissonance of the word itself as
prepostmodernist(!).
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Yet, what good could there be in such a terminological and situational debate in this day
and age when the old and the new, the construction and the destruction, or the beautiful and
the repulsive have become, through categorization relativization, almost voided of sense, as
the arts blend with the antiart (Marcel Duchamp) whilst the stasis has become the major
criterion for any significant artistic activity? (supra, p. 100) All of the above are but a
consequence of modernitys very own contradictions that have led to an imaginative crisis
which the avantgarde further exacerbated.
..................................................................................
The chapter on postmodernism, which Matei Calinescu adds to the 1987 edition of his book,
does not constitute a mere addon, for it clarifies here some of the demarcations made in earlier
chapters. And, at the same time, whether explicitly or not, these chapters revision flows from
the authors integrative endeavour in his quest to present postmodernism as one of
modernitys aspects, or faces. Ten years ago, in the Faces of Modernity, he says, I was
considering postmodernism as one of the avantgardes subcategories, essentially, as a
contemporary avatar of the old avantgarde (supra, p. 186). We can now understand better
what the postmodern neoavantgarde means for our author or, otherwise said, we can see
that, in actual fact, he was attaching it to the avantgarde rather than to postmodernity; more
so, postmodernism itself was conceived as a contemporary avatar of the old avantgarde.
This last section, in particular, has every reason to shock and, not surprisingly, Calinescu
abandoned it in the end.
He still maintains the opposition between modernism and avantgarde yet, he considers
necessary to revise it in such a way as to incorporate the recent opposition, much firmer this
time, between modernism (including here the avantgarde) and postmodernism (supra, p. 186).
Thus, the rapport between modernism and the avantgarde no longer is (in this chapter) one
of exclusion but one of inclusion.
Pressured by postmodernism which in the meantime, has taken over not just the literary
and artistic critique domain but also, over the social sciences and epistemology, too Matei
Clinescu adopts the American vision of the avantgarde as forming an integral part of the
modernist project (supra, p. 186). Still, if he discusses postmodernism in a book about
modernity, he does so because he considers it to be not a new name given to a new reality,
or mental structure, or world perspective, but a perspective which allows certain questions
to be asked about modernity in its few embodiments (supra, p. 187). The authors
motivation is seducing while being mostly productive yet, why all this reluctance to admit to
the possibility that postmodernism is also a name given to a new reality, mental structure
or world vision as it appears from its very analysis?
Matei Clinescu is, however, extremely reluctant to give real substance to the term
postmodernism. Even against a corpus of illustrative writings, which he himself had put
together, he feels obliged to add: better said, of writings considered as postmodern (supra,
p. 199). Moreover, he considers his very own perspective on postmodernism as being
metaphorical and based on family resemblances, physiognomic even.
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This nominalist type of precaution is in fact present throughout his book, in forms that are
more or less explicit. The authors conviction is that the terminological adventure remains
independent from the artistic one. There is only one instance where he is seemingly affirming
that the history of the word largely coincides with the history of the phenomenon which it
designates (supra, p. 82) namely, with regard to the avantgarde. The assertion is anguishing
since it instantly begs the question: what happens then in the rest of the cases where a
parallelism is missing? Can there be a conceptual history possible without a premise, even the
presumption, admittedly (it goes without saying, requiring constant discussion and verification)
that behind this spate of concepts there still are certain facts pertaining to literary and artistic
history? Have we not reached the stage up to a point, certainly where realism has become
inevitable?
The very type of research undertaken by Matei Clinescu obliges him to prioritise the
crystallization of the concepts in question whilst referring to one writer or the other only when
the needs of the theoretical or terminological debate require him to do so. Even in the case
of fortuitous coincidence posed by the avantgarde, there is little mention of the avantgarde
literature per se. It is equally surprising and symptomatic too watching the author explaining
the avantgarde concepts survival in the 60s, not through the neoavantgardes manifestations,
but due to the fact that the concept had been secretly protected from its own internal
contradictions (supra, p. 84).
There is a curios phenomenon going on: not just once, especially during the first part of
the book, the terminological avatars are left to their own devices when having to give an account
of the literary movements evolution proper, about which the author has little to say other than
in the briefest of passages. The terms (used) have, of course, their very own history, which
is different, separated even, from that of the works themselves yet, not independent. On the
one hand, there is always a gap left between the manifestations of a particular movement and
its artistic achievements: not only because the former usually tend to be maximising (some
times even hyperbolical) but also because, sometimes, they happen to be minimising, in other
words, they fail to become conscious, they fail to signal certain specific aspects of the works
they represent, at least from a theoretical point of view. Failing to follow this ensuing gap
closely enough, Matei Clinescu becomes, inadvertently, the victim of certain deductions of
a realist type.
It is true that a confrontation of the terminological signifiers with the reality on the ground
at various times (in its historical evolution) would have led not only to an extension of the
research undertaken but also to a significant change in the structure and overall finality of such
a book. The positioning of a particular writer within a certain literary current or another may
lead to a search for ever more accurate specifications and neverending controversies. I do
believe though that establishing for every term considered for discussion a corpus of safe
literary works (by that I mean the least likely to arise controversies) would have clarified better
the authors own theoretical standpoint whilst avoiding potential confusions or puzzlements.
A proper periodization would have added to its exactness i.e. in terms of consistency had this
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been the result of the difficult harmonization between concepts and illustrative artistic and
cultural facts.
There is no single chapter of the book where the absence of framing a literary corpus is
more keenly felt than it is in the introductory one, where modernity and postmodernism appear
many times over as synonyms. What strikes us first is the fact that Matei Calinescu gives great
width (temporal hence, implicitly semantic) to the term modernity. When speaking of tienne
Pasquiers modernity, for instance, he feels the need to use inverted commas yet, when he
speaks of authors which he defends Ronsard, Du Bellay, Peletier he does not shirk away
from calling them modern (without any inverted commas whatsoever). In fact, these authors
would fit the modern type yet without them having any modernity to speak of. On the other
hand, modernity is stretched right up to the avantguard, which it implies and prefigures:
Probably, there is not a single feature of the avantgarde, in any of its historical
manifestations, which had been implied or even prefigured in modernitys more general sphere.
However, there still exist significant differences between the two movements (supra, p. 66).
Undoubtedly, having such a looselydefined modernity concept allows the author not to
treat the apparent differences between various cultural and literary movements, in view of their
more or less radical programmes, as absolute. Every one of these movements gains from
appearing as a face of modernity. Modernity itself gains, in terms of its diversity and
complexity. Yet, there is someone (or something) that gets lost in this ample encompassing,
which is insufficiently differentiated. By extending the term, with particular reference to the
past but also with regard to the future, Calinescu leaves undefined (or at least, insufficiently
defined) the very core of modernity, its hard core modernism.
One can talk of a modern era starting in the Renaissance, during the Enlightenment.
Romanticism could also be considered as one of the faces of this most spacious modernity,
yet modernism is that particular movement which only starts during the last quarter of the
nineteenth century, via an everincreasing dissociation from Romanticism. Modernism opposes
therefore Romanticism, even if it carries its ideas and its initiatives further, same as it would
happen later, when the avantgarde would radicalise (sometimes, to the point of affirming its
opposite) the Modernist programme.
Clinescu seems not to sense the dissociation between modernity and modernism as being
indispensable, though this would have facilitated, among other things, postmodernisms
integration into modernity. What seems important to him is to underline the indissoluble link
between modernism and modernity: modernism [] is essentially the search for
modernity, he wrote (supra, p. 55).
However, it is no less true that our author invokes an independent notion of modernism,
whose sense is preceded and conditioned by the establishment of the distinction between
modern and contemporary (supra, p. 60). We are even told that, at the beginning of the
twentieth century, the movement called modernism becomes fully aware of itself (supra,
p. 61). We are also told that the identity between time and self constitutes the foundation of
the modernist culture (supra, p. 8).
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An Epochal Synthesis
Yet, at the same time (and occasionally, even on the same page), the confusion between
modernity and modernism lingers on. We have seen before that the avantgarde and
modernism are considered on a level playing field as two movements (supra, p. 66).
Somewhere else (supra, p. 6465), modernity is defined as a culture of discontinuity and
it is characterised by rupture and crisis. Are these not features of modernism, rather?
Unlike his American colleagues, Clinescu distinguishes, in a most convincing way,
modernism from the avantgarde, though he fails to differentiate clearly modernism within
modernity itself. Here is a further example of unexpected equalisation within the frame of a
laudable dissociative effort: It is crystal clear that the avantgarde would have been difficult
to be conceived in the absence of a distinct and fully formed conscience of modernity; in any
case, admitting to this fact does not justify the confusion between modernity or modernism
and the avantgarde, a frequently encountered confusion in the AngloAmerican critique, which
the current terminological analysis will try to dispel (supra, p. 66).
Modernity or modernism, that is the question. Our critic does not seem prepared to give
modernism a literary reality, though he makes detailed forays into the historical timeline of
the terms acceptations. He refers more than once to some of the pivotal modernist authors,
such as Proust, Thomas Mann or T.S. Eliot yet, fails to establish that much needed corpus of
modernist oeuvres. We all know how particular oeuvres are resistant to being pigeonholed
to any given conceptual pattern, and we also know how this pattern is, in turn, lacking in unity
and homogeneity. The risks inherent in such an undertaking are nevertheless inevitable in the
sense that they have to be assumed.
..................................................................................
These questions and/or objections serve no purpose other than verifying the flexibility and
toughness of an imposing theoretical construct, admirable in so many ways. First and foremost,
Matei Clinescus fair measuring of accents and balanced judgements are indeed admirable.
His preferences do not lead him to overbidding whilst his problematizing vocation does not
obscure poor value judgements. (His stylistic considerations visvis the kitsch phenomenon
constitutes particular exemplars for the safety of his value judgements.) The author knows how
to put an end to his classifying endeavour the moment the crowding of details, variables and
nuances risks pulverising the concept itself. He always knows how to make chronology
meaningful, how to make sense of the evolution by evidencing essential connexions that are
so often hard to trace.
Though his book is dedicated to notions entering the semantic areas of modernity, Matei
Clinescu does not shirk away from highlighting the abuses made visvis tradition. Those
accusing the modern civilization are not necessarily (and automatically) taxed as reactionary
retrogrades. Even extremist movements regardless of how promising they appear to be in
theoretical terms or how provoking they may be in terms of their foreseeable social effects
are considered carefully, benevolently yet, critically too. The author does not get carried away
by any fashionable tendency, be this ideological or artistic and, amongst other considerations
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too, one symptomatic detail about him is that he does not consider dated certain critical works,
published in the 60s.
Whereas he remains conscious of contemporary humanisms limits, Clinescu does not
trifle with the various forms of anarchism and counterculture that so many of his fellow
American intellectuals are seemingly inclined towards. The Marxist and the Marxified exegete
clichs are met with short, polemical bursts, whereas socialist realism provokes, retrospectively,
(a lethal dose of) poised sarcasm. Such sequences, however, remain atypical instances for his
overall intellectual conduct, which is neither Manichaeist nor is it impassioned. The critic does
not absolutise the aesthetic value and does not consider elitism to be a merit in itself; whilst
failing to demonise the market, he does not consider it to be an exclusive criterion, either.
He also makes a net distinction between being a public success and the value of intellectual
credibility (supra, p. 178). The dialogical, Bakhtian polyphony disseminated by him verifies
once more his constitutive Olympianism.
Without ignoring certain ideological and methodological thresholds, Matei Clinescu
positions himself firmly within a qualitative meditating and writing frame, conceived in such
a way so as to transcend the act of translation. He remains a thinker that is able to clarify whilst
transfiguring his thematic by applying spiritual lucidity to a rigorous observation of the subject
at hand, enriching, surpassing and extending its scope through a number of observations made
en passant, remarkable by their resounding fairness and extreme subtlety.
Five Faces of Modernity is more than a mere conceptual history endeavour, it is a synthesis
of culture, from which none of modernitys major problematics are missing. Whilst
considering his field of expertise more from a European rather than an American perspective
and adopting in the analysis of certain American phenomena a European point of view even,
Matei Clinescu offers us a meditation on the historical sources of modernity that starkly brings
them into relief, on modernitys landed aporias and its chances of survival in an intoxicated
world of the future.
The conceptual landmarks chosen by Clinescu allow him to build a coherent World view
out of (puzzling) sections. The epoch which we are currently traversing is offered a
reflection in which it can consider itself. Moreover, he is exploring not just the attested
terminological configurations but also, their creative theoretical potential. It is this very last
quality that brings into relief its book amongst many other successful endeavours of
memorable syntheses of modernity and postmodernity. All of this and even more make me
confident in my final conclusion about this book being an epochal synthesis. I would wish this
appreciation to be understood not merely as homage to the authors constant preoccupation
for literality littralement et dans tous les sens.
NOTES
1
2
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I could say that I had a special friendship with Matei Clinescu. This friendship was based
on a blend of congeniality and recognition of common cultural affinities, seasoned with enough
incompatibilities to harness a spirited debate that also had a ludic fibre to it.
To give one single example, we were both fascinated by imagining an age during which
we would have liked to have lived, if we had a choice. Our wishful choices were converging
towards the end of the nineteenth century, when we could have benefited from a certain
tranquillity pleasantly combined with the comforts brought on by civilization; we would have
travelled short distances by coach and long ones by the Orient Express.
Things were different when the rules of the game were imposing that a choice had to be
made about the cultural age during which we would prefer to have lived. Matei was declaring
that he would have chosen the avantgarde, though I still believe the baroque would have suited
him better. I, for one, would have preferred without a shadow of a doubt the Renaissance yet,
he was insisting that classicism would have fitted me like a glove.
Anyway, the imaginary screen play where I frequently meet Matei is one where were
chatting against a background of prolonged flneries through various urban spaces (Bucharest,
Paris, Munich or Bloomington) from the scenery of which there is seldom missing the cafbar.
In the following reverential regards, I will try to capture not so much the profile of the man
which was Matei Clinescu, but rather the tropism inherent in his writing.
I believe that there can be distinguished at least two unifying criteria between Matei
Clinescus books on critique and those on literary theory, otherwise heterogeneous, that have
been published in two different languages and cultures: on the one hand, his vocation as an
intellectual discourse analyst (in all of its aspects, be they ideological, rhetorical, moral, thematic
or formal) whilst one the other, his propensity towards categorising in the synthesis sphere
(which is, mostly, a nominalist type of propensity).
We could eventually consider the extent to which these convergent propensities support
one another.
His debut volume Titan and Genius in Eminescus poetry: the significance and directions
of Eminescus ethos (Titanul i geniul n poezia lui Eminescu, Bucharest, 1964) suggests
that a creative typology had to be established, apparently following in the footsteps of those
authors previous studies about Eminescu (in particular, D. Popovici, as has already been
mentioned before). Still, it is easily apparent how his investigative ethos differs markedly from
that of his predecessors. In the simplest terms available, Matei Clinescu signals the
existence of a Bifrons (demonic) Eminescu, whose Janus effigy would later be legitimised by
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Ion Negoiescu, in a fundamental book. More recently, one of D. Popovicis descendants, Matei
Clinescu, appears himself as a precursor of Ion Negoiescu. Why so? Because, by comparing
him to the former, he interprets Eminescu from a visibly positioned standpoint, same as the
latter does: from a particular type of aesthetics perspective, which emphatically relies on the
modernist experience.
From here onwards follows another differentiation in Matei Clinescus book by
comparison to the preceding Eminescologists: the interest shown in placing a creative
physiognomy individualistic or as a group in ample epistemic frames. Regardless of their
immediate object, the interpretations offered are constantly quartered within the perspective
offered by the symptomatic relationship between an intellectual (Eminescu) and the Time of
his era. In the conceptualising perspective offered in the book, Eminescianism becomes an
ample sensibility category that prefigures a series of cultural options becoming available in
the twentieth century.
As it is reread now, with the benefit of the hindsight offered by his latter works, Matei
Clinescus debut book attests the keen and rather precocious interest of the author for the
intellectual rhetoric of the past two centuries.
From the same alleged perspectivist angle, European Classicism is approached in a
monograph volume. The books problemspecific design closely follows the avenues opened
up by the history of ideas, in the following centuries. (A single example of this occurrence is
the career made by the neobaroque in our century.) Taking advantage of the opportunity thus
created, the author reveals, with much practical spirit, the convergence and the stability of the
hypotheses advanced on classicism, dispersed and sometimes diffusely permeating most of
his syntheses. What I mean by that is that in his book on Eminescu, or in his other book on
modern poetry as well as in his latter book theorising on the ages and faces of modernity,
classicism is ritually invoked as an ab quo element. And this is because Matei Clinescus
fixed vantage point always allows an optimal perception of the creative differentiation and
its labile norms.
As a confirmation of the above, Matei Clinescus doctoral thesis demonstrates how the
modern poetry logic radically contradicts primarily the classical axioms of poetic language:
its imitative function and its sheer instrumental value. Starting from this point, poetry surpasses
yet another landmark, namely romanticism preponderantly relying on the expression of
emotiveness and creative imagination to reach, progressively, the current use hypothesis on
poetics, as a particular form of handling language in the manufacturing of the sense.
Of the volumes preceding the exile, these two most evidently betray the speculative
continuity with particular versions of modernitys grand syntheses, that were to be later
published across the Atlantic: Faces of Modernity: AvantGarde, Decadence, Kitsch (Indiana
University Press, 1977) and, respectively Five Faces of Modernity: Modernism, AvantGarde,
Decadence, Kitsch, Postmodernism (Duke University Press, 1987, the revised edition, where
a new chapter On Postmodernism is added, and is subsequently translated into Japanese,
Spanish and the Romanian language published at Univers Printing Press, in 1995). A series
of studies and satellite essays, published in various magazines or in collective volumes enter,
before and after publication, in its gravitational sphere. I believe that special mentioning has
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to be made to the Modern, Modernism, Modernization chapter, which was published in the
volume edited by Walter de Gruyter, The Turn of the Century (University of Antwerp, 1992).
Apart from this, for over a decade, Matei Clinescu had been one of the animators of the
tempestuous international debates on postmodernism and/or coeditor of several critical
anthologies dedicated to this matter.
It must be said that in its final version, which included all five faces, the book achieves
the record of putting a house inside which a Babylonian chaos seems to be prevailing at
this point in time, one where everyone can express themselves as they see fit in order.
Matei Clinescus American synthesis on modernity offers maximum return on the
investment made through the two defining tendencies of his production as an anatomist and
historian of cultural forms: the propensity towards nominalism and, alongside it, a type of
perspectivism open to contextual pressures ideological, writ large as has been exerted upon
the artistic creation at various times in history.
The book is an indispensable guide allowing one to find their way through modernitys
topography, signalling the errors and the projective illusions fuelled by its acceptations and
definitions, for over a century. It is the product of a modern intellectual, committed to
prospecting modernity and, in parallel to that, someone committed to verifying his own tools.
One must at least mention that selfreflexivity constantly shadowed Matei Clinescus oeuvres,
his poetry writing and prose as a cultural radiography.
Upon the concept of modernity Matei Clinescu operates a triple semantic projection.
Firstly, an axiological angle involving an added value or not. (Modernism arose as a pejorative
concept, for instance.) Secondly, there is a historical angle, postulating the terms acceptation
as covering a certain segment in the cultural time. (Modernity starts around the conventional
year 1950; afterwards, the new acquires an offensive character.) Finally, there is a strictly
typological angle, with a propensity on the qualitative aspect of this instrument for
systematising such a category. (It is admissible, for instance, to speak about the modernity
exhibited by an author from the middle ages.)
In the book itself, modernity is defined as a relationship concept, committed to operating
amongst multiple oppositional tensions. On the one hand, it is opposing tradition and/or its
forerunners, generically speaking. Afterwards, it opposes the bourgeois modernity, which
believed in utility, rationality and progress. (As the author distinguishes between the two types
of modernity, which are in permanent conflict. One of these is aestheticallycultural whilst
the other pertains to the social realm of civilization. The first rhythmically appoints itself as
a response to the other generated by technological progress, the industrial revolution and
the massmedia, giving birth, in the process, to the massculture phenomenon).
At last, modernity opposes itself, as it threatens to turn itself into a source of
authoritarianism and even a hypostasis, seen here as an underlying reality of tradition.
Every one of the five faces of modernity identified in the book are the result of an intricate
play of forces, including complementarities and contrasts, all of whom are projected onto the
background of this triple tension mentioned before.
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Another fact worthy of attention concerns Matei Clinescus acceptance of the literary
terminologys parallel regime against that of (artistic) creation, without suffering from the
nominalist legitimacylacking complex.
It is illustrative in this respect the remarkable study made by published in the volume
Exploring Postmodernism (coedited by himself and by D.W. Fokkema). He warns against
the danger of turning our working concepts into ideal essences, or resolutely probing their
reality or, in other words, their inclusion amongst other historical accessories.
The Rereading volume (Yale University Press, 1993) which I have to admit to it being
the book I like best out of Matei Calinescus entire oeuvre articulates most explicitly, into
a theoretical project, a series of diffuse obsessions, which are present in his earlier writings.
In time, rereading has been turned into a theoretical archthematic, involved in the literature
production, consumption and evolution. In fact, this volume has had a sequel in the making,
under the working title: Rereading Poetry.
The regressive perspective adopted in studies of cultural morphology whereby Matei
Clinescus observational vantage point is placed within his own time, much as the
landmarks of his aesthetics are automatically involve a migration from the present towards
the past, meaning an act of rereading.
Let us not forget that in the authors memoirs, the act of rereading is invested with an
essential dignity. Equivalent to a retroactive recuperation of the lost sense, rereading
becomes the instrument for resisting the mystification of history. In the terms in which it is
being defined, in the Preface of the volumes third edition, postcensorship becomes, in turn,
a perverse variant of rereading, betraying the equation writer/power which is specific in relation
to a certain point in time.
Therefore, it is not at all surprising that in most of the aspects revealed in Matei Clinescus
books, literature is read, reread and is even from its end towards its beginning and not the other
way round. As a monographic object of study, rereading is an instrumental concept, a
speculative visor and maybe even an epistemological metaphor.
The book suggests a coherent theory of rereading, starting at a crossroads where poetics,
philosophy, ethics, psychology, the theory of mentalities and even politics meet. Rereading
is understood as a moment in the great chain of repetition where reading, writing, rereading
and rewriting become simple names which are accidentally different yet belonging to the same
creative gesture.
Practically, what is currently termed reading is but a Utopian ground zero: upon measuring
against it, everything else is rereading. Matei Clinescu makes a methodical inventory of the
specific dimensions and the essential strategies of rereading. Viewed from a normative,
therefore canonical, perspective, the hypothetical polarity readingrereading allows the author
to peek through its visor to watch the chicanes and the various ages of the Western mentality.
It opens up towards the historical horizons of the perpetual confrontation between New and
Old in Creation, following closely the manner in which the rapport readingrereading had been
formulated, at key points in the modern cultural conscience and, particularly, what other values,
outside literature, had been frequently associated to it.
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If we admit the internal coherence hypothesis, whereby there are no spectacular advances
or ruptures in Matei Clinescus writing then, it worth mentioning the project which was started
at the Woodrow Wilson Center, in 19941995, The Intellectuals and Nationalism in Eastern
Europe: The Case of Romania (19301993) a project that still remains operational. Its initiator
quarters in this main area of interest: perspectival rereading of the discourse belonging to
successive cultural ages, the clarification of conceptual and valuing milestones, the role played
by intellectuals, in particular, the role of these creators within contemporary mentalities
dynamic etc. Thus, the book on Eugne Ionescu is but a piece which has been separated from
this mosaic.
Through everything he wrote, at home or abroad, and regardless of the diversity of genus,
thematic, methodology or language, Matei Clinescu enlightens the tension between the
Multiple and the One in culture, by turning it into a constant subject of meditation.
Maybe this way will become clearer why I continue to believe to this day that the best
cultural age for this intellectual that passed away would have been the baroque.
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For a while now, I have become definitively convinced: Romanian culture is allergic to
theory and it has every reason to be that way. History is most unpredictable here hence,
Romanias history of philosophy can merely tell us that one day its fine, the next its black.
Nothing is ever that clear cut, not even the black depths of hell, if only! Romanian literature
has little time for linguistic innovations starting from, within and for its Romanian language
host. Therefore, one wonders, what good is there in having literary theory?
Romanian political philosophy is, one the one hand, largely reduced to a moral discourse
about religious beliefs whilst on the other, it passes various judgements for which the sole
evaluating criterion rests with personal experience i.e. if I had a bad time then, it was generally
bad or, if I had a good time this means it was plain sailing for everyone else. The truth is we
get by. We do not collapse yet, we are not top of the pile either. If we cannot invent anything
worthy of the name, at least we can get to know each other better and forget about worrying
by using intense social networking. At least here, on our own turf, we can be admired or cursed
or, we can be heroes or victims, because this is our own world which no stranger to its confines
knows any better so, we can pretend this world is but the Universe itself.
Considering language in terms of its internal or external validity cannot constitute a worthy
rallying call made by a Romanian critic to its peers. Being preoccupied with the coherence
of your own discourse alongside the foreseeable consequences of it being uttered beyond the
page it was written on seems to be but a Wittgensteiniantype of critical pursuit as it actually
is, in its final analysis. The Romanian critic who formulated this pursuit could not have
remained forever just a Romanian critic. And nor did he stay that way.
Today, I read for the first time excerpts from Fragmentarium the tenth title in Matei
Clinescus bibliography. He was 39. This was the year he left Romania for the USA. I read
there articles published between 1968 and 1973, where he reflects on other literary criticism,
philosophy and European literature books. Matei Clinescu writes as every other European
intellectual does. He quotes in French and translates quotes from other foreign books. He gives
thoughtful consideration to everything he writes the first of these texts is also the longest
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and it is about irony as a condition for the morality of writing: a rubricator of these fragments.
Now watch him rise to the surface: the problem with literary anonymity is mostly a moral
problem and only afterwards it becomes an aesthetical pursuit (the decision or the
consequences of anonymity always have a moral explanation to them); the interpretive effort
incorporates an inalienable moral value (interpreting results in making semantic decisions
with varying buoyancy values; as long as these always imply an other, they attain a moral
value); irony the supreme hubris and the supreme humility also; for LeviStrauss, ethnography is, of course, a science yet, beyond that, it is the expression of a moral attitude []
Now: reading Matei Clinescu here, in Fragmentarium, I cannot possibly see how he could
have continued publishing in Romania for much longer, without making compromises. Who
wouldnt get angry listening to Matei Clinescu speaking about the morality involved in the
act of writing, about the sanitising role played by critique and philosophy, and the ultimate
exigency of anonymity as fulfilled by great writers? This is 1973, and the literary circle
Flacara (the Torch) is about to come into being; a year later, Ceausescu becomes president
whilst holding on to a sceptre; in 1978, unable to keep quiet, Noica publishes The
Romanian Sentiment of Being. Once more, I offer a quote from Matei Clinescu: Ironical
silence may occur in many situations that refuse to be pigeonholed. In the 70s, the word
family bonding around the noun Romanian was getting pinned into an insect collection box;
the syntagm, in which the ideological sentencing pin was inserted, during the last decade of
communism, was the wellknown: the Party Ceausescu Romania. The chance of being a
Romanian intellectual was but a Fata Morganatype of mirage, here in Romania. Matei
Clinescu is neither the first nor is he the last intellectual whose destiny proves that a Romanian
intellectual cannot remain an intellectual per se other than by going into exile. Before 1989,
in Romania, there was a manifest impossibility to follow, without derogation, Matei
Clinescus prescription: meditating on language as the foundation of the critical act. The
moment a Romanian writer chose to pursue a career thus becoming institutionalised in the
process he was obliged to make amends to the standard of exigency of such morality.
Nowadays, acting as a public figure on the Romanian intellectuals stage involves different
types of compromises and alienation.
As happened before with Eliade, it may well be that Matei Clinescu resisted as a Romanian
intellectual, by preserving his status as a Romanian language writer. It may well be that
Romanian culture is like a mother that has to be left behind before one gets affected by the
mummys child syndrome. In 1996, walking the Cismigiu parks alleys, I read Matei
Clinescus The Life and Opinions of Zacharias Lichter (Viaa i opiniile lui Zacharias Lichter)
in its new edition published by Polirom. Previously published in two editions, one in 1969
and the second, in 1971, this book reminds me of Robert Musils The Man without Qualities.
Placing this man without qualities on a pedestal, at the height of communist fervour, smacks
me as a subtle form of antisystemic resistance, rather belonging to the (epistemological
awakening) avoidance techniques later suggested by Michel de Certeau. This form of moral
resistance prefers the avoidance of affirming suicidal assertions or compromises. This text
avoided censorship simply because the censors found it harder then to attribute a political
significance to this type of avoidance: Zacharias Lichter is not only a social character but is
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also one that openly cultivates a certain type of sociopathic behaviour as an expression of moral
revolt and a means to his salvation: he is cynical (in the etymological and Diogenian sense),
desperate and mystical at the same time, a mystic who turns his cynical negations into
paradoxical means of purification (my quote is from the authors preface in the 1995 edition).
Zacharias Lichter is a character seldom found in the Romanian literature as hard as it is to
find critics of Matei Clinescus stature amongst his Romanian peers. In light of such
preoccupations and techniques of viewing the act of writing as a form of asceticism, I can see
Livius Ciocarlie as being a critic who lives up to these exacting expectations.
Zacharias Lichter was not fond of the sea I know how taken aback I was back then. I
was about to head for the sea, to read Matei Clinescus Five Faces of Modernity. In this book,
we find Clinescu in the guise of an American academic, intelligent yet modest, disciplined
and moderately eloquent. Modest, as I was saying before hence, for this particular reason,
unremarkable. I cannot say that I prefer Matei Clinescu, the theoretician to Matei Clinescu,
the writer. Alongside Toma Pavel and Virgil Nemoianu, he belongs to those brilliant Romanian
literati that offered themselves the chance to become world figures in literary theory. The eldest
of the three is the one who departed us first.
Matei Clinescu departed this world at the dawn of a new era in Western critical thinking.
We see now the arrival of a global intellectual who can write and publish in both English and
Romanian languages, for example, irrespective of what corner of the globe he/she finds itself
in. It is an era where one is no longer forced to leave their country so they can write in their
mother tongue and become intellectually alienated in the process. To be able to think (critically)
nowadays in Romania, one has to resist to be institutionalised. He/she has to be contented with
this type of deference success. And this is what seems to be the most difficult thing to achieve.
I also read excerpts from Ms Portray. I can now say that this man, Matei Clinescu, was
forced to live according to the moral principles of antiquity which he theorised despite the
fact that he may not have been that keen to practise them too. Being forced to handle the death
of the life he had given. Zacharias Lichter too had been forced to assume the experience of
his ill sons death. The former dandy was forced to turn into a father stricken by the loss of
his child. It was at this point that Matei Clinescu came to practice moral writing in the most
direct way imaginable, without having to resort to any theoretical or fictional underpinnings.
For me, this book becomes today a selfadministered admonition.
Matei Clinescu the person that I never met shadowed while illuminating the intellectual
residing in Matei Clinescu, enough to turn him into an aesthetical as well as theorising yet,
discrete human being. His literary work reminds me of the shattering silence in Musils
lonesome reflexivity yet it also has some of that transposed onto his son, M. His theoretical
writing is eloquent and has a discreet limpidity about it, disciplined and consistent yet, devoid
of stupendous artifices. The two styles employed remain distinct and maybe this is the true
lesson to be learned from him: Being so hard to remain nameless, it would be ideal to carry
your name as if this were an accident whose consequences have to be assumed and never
forgotten. It couldnt have been easy being Matei Clinescu.
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In an interview with The Sunday Newspaper (Ziarul de duminica), dating from the 25th
of May and the 1st of June 2004 respectively, Matei Clinescuwas asked en passant about the
heterogeneity of his work, which includes poetry volumes, prose, critique, journal, memoirs
and literary criticism. More precisely, he was asked whether a guiding light or even a pattern
in the intricate tapestry underpinning the grand puzzle of his books could be found. The answer
Matei Clinescu gave back then deserves to be read in extenso:
I have always been obsessed by the vividness of my memories, even as an adolescent,
hence my project, which had yet to gain consistency by that stage was autobiographical and
thus, willynilly, I started piecing together various fragments, belonging to different genres,
into a semblance of autobiography which I have yet to finalise as there are still several pieces
missing from this puzzle. Zacharias Lichter is essentially an autobiographical work despite
the fact that its main character uses a reallife model, which I have already explained. It is a
personal portray yet, strangely enough, it bears no relation to my other writings dating from
that period, which were either circumstantial or scholastic. I wish to draw attention to the fact
that out of my past writings, The Life and Opinions of Zacharias Lichter (Viaa i opiniile lui
Zacharias Lichter) is the only thing worth remembering [] this was a book that I did not
believe in for a very long time I disowned it for many years only to rediscover it after 89,
when I wrote, between 9293, Memories in Dialogue (Amintiri n dialog), as a series of
lengthy letters with Ion Vianu where Im discussing this at greater length...
Interestingly enough, during this 2004 interview, out of the many writings predating his
exile, Clinescu retains just one piece of work, which he had previously reneged on namely,
this lyrical essaynovel, Zacharias Lichter that appears to be recognised now as an
autobiographical piece of writing, despite it being, in equal measure, the portray of a reallife
model. One wonders why is it that the author reclaims only this particular work out of the many
writings created during his initial stay in Romania. My hypothetical answer to that is the
following: all this has to do with him returning, for the last years of his life, to his initial project,
namely, this Proustian autobiographical Project whereby its autobiographic nature rests with
this phantasmal recovery of his personal memory.
Matei Clinescu rekindled his interest in this autobiographical Project only after 1989. This
fact owed to the possibility of returning to Romania and, more to the point, it owed to the
distinct possibility of reintegrating himself into the Romanian language. His physical and
metaphysical return to his mother tongue and its rather intimate cultural space, allowing exiled
persons to recover their lost identity is what makes him return to poetry, via the 2004 book,
You: Elegies and Inventions (Tu: Elegii i invenii), some thirtyodd years later. This same
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return must also be linked to his introduction of a novel Romanian chapter on Mateiu I.
Caragiale, in the Romanian version of Rereading, something that I will return to a little later.
According to the authors own admissions, made during that interview, apart from the
chapter dedicated to The Beaux, Rereading (Crailor, A citi, a reciti), overall, this is one very
personal, very autobiographical book, not surprisingly dedicated to his son, Matthew. The
subject of reading is seen in this essentially academic book mainly from a psychological
standpoint and from the point of view of my own biography as a reader hence the reason for
the existence of an underlying autobiographical plan supporting and reinforcing this entire
theoretical endeavour. It is for this particular reason that the hidden treasure reading model
is so important in this book, a psychological model pertaining not just to the passions for secrets
and games harnessing the child or the adolescent readers psychology, but also to the recovery
of those treasures hidden inside the interior castles of the self, as Saint Augustin would
have it.
Matei Clinescu admits, during that same interview, being influenced in choosing this
framework for seeking the secret through rereading by Mircea Eliades postwar stories, where
he perceived a latent secret asking to be deciphered. Moreover, an entire book was later
dedicated to this quest for the secret: About Mircea Eliade and Petru Culianu (Despre Mircea
Eliade i Ioan Petru Culianu) a book which the author says it also derives from an
autobiographical project, representing a kind of parable, which should be read as such
I will not decipher here these books secrets and parables; I will only collect some of the
shards scattered around this puzzle demonstrating there is a certain structure about it. Even
if superficially considered, Matei Clinescus oeuvre, published after 1990, becomes
increasingly autobiographical: Memories in Dialogue, Ms Portray (Portretul lui M), A
Different Kind of Journal (Un alt fel de jurnal) or, the poetry volume, You. The rest of his books,
whether dealing with Ionescos identity and existential themes, with (re)reading (To Read and
Reread) or the book about Eliade and Culianu are no less autobiographical, yet they remain
at project level. These books answer personal questions or follow the winding trajectory of
inner quests and experiences. In any case, the autobiographical nature must not be seen as
lifestory material, as an external biography; it should rather be seen as a story or parable for
ones innerlife, a musical, Proustianmemory cathedral.
I will pause to reflect on the most important book, published after 1990, To Read and
Reread: The poetics of rereading. I will analyse the novel Romanian chapter briefly, which
is centred on two consubstantial themes: rereading Mateiu Caragialestyle within the circular
time of memory and shifting the accent from rereading towards rereading the self. These
suggestions appear in the Preface to the Romanian edition, where we are told of the books
hidden, autobiographical1 sense and they are further reinforced in the Addendum, the chapter
on Mateiu Caragiale, written in Romanian, in 2002, a chapter that can be seen to be an
introduction2 rather than an epilogue. This is because, the author adds, true introductions
are always written after; they are the equivalent of rereading ones inner self3. Another
parenthesis: generically, the act of literary reading presupposes a certain type of
introspection or reading of the self4, whether this is done consciously or not.
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The act of reading and, even more so, the act of rereading is an operation which takes place
within ones inner time, inside the readers memory, occurring when tracing those memories,
bookish albeit emotional, imprinted by books to the most profound levels of ones identity.
Thus, true reading implacably leads to a reading of ones self or, better said, to an ongoing
rereading of the self via the books one reads. Consequently, even the theory of rereading itself
may therefore become a form of introspection and autobiography.
Moving now to the actual text of this Romanian chapter, I will pause to consider a revealing
fragment from Memories about the Book of the Beaux (Amintiri despre cartea Crailor), the
first subchapter of the Addendum:
I like to believe that true Mateiu Caragialetype of readers may still be found. For such
people, the type of (re)reading required by Memories about the Book of the Beaux bears,
aesthetically speaking, something of the piousness required by the periodical return to a sacred
or, at least, quasireligious text: the type of reverence manifesting itself through the inner recital
of the text, a liturgical reverbalization, amongst other things. Pious reading, be it religious
or secularly modern has an obvious social dimension attached to it: it cannot flourish outside
a limited circle, [] within an association of (fanatical) followers, within a certain group whose
members know and recognise each other according to a set of protocols, rituals and codes,
with passwords that remain indiscernible to the oblivious eye. []
It was fall, around late October, possibly even November, a time for tears, at the end of
high school and we knew all too well this was a forbidden book, circulating underground. In
my group of friends, a lot of musiclistening was going on, vast amounts of reading was done,
samizdat poetry was written [] and adolescentstyle drinking bouts followed by neverending
discussions and confessions []. In a way, the Beaux a book where a lot of drinking takes
place all the time [] awarded an imaginary peerage to our otherwise modest, au tapis franc
reunions, giving them an air of aristocratic decadence, extending into the literary space [].5
This fragment has clear autobiographical implications attached to it yet, also intratextual:
the piousness of reading superimposes itself on the existential piousness towards the
forbidden texts that were elevating the adolescent drinking sessions from before. The small
group of insiders, of Mateiu Caragialetype readers, in whose existence the author still wants
to believe, melts with the group of friends from the real authors youth. The current essay
about The Beaux, which was edited in OctoberNovember of 2002, starts both symbolically
and as an autobiographical project in that late October, possibly even November of his
adolescent youth. The comments made by these Beaux are echoing, both as an epiphany and
a ritual too, the mythical beginnings of the Beaux that also took place around the months of
October and November of 1910 (maybe even on the 16th of November, which coincides with
Saint Matthews Day).
Let us now add the content of note 20, made in the Addendum chapter:
Ive spent a pleasant October morning, in 2002, browsing with devotional care through
the pages of item no. 16, at the Lilly Library, the University of Indianas rare books
and manuscripts section.6
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On the one hand, a note such as this one would be far better suited to a journal rather than
a Reading Theory book. On the other hand, item 16 sends us to the numerological comments
made on the Mateiu Caragiales text and to the cabalistic speculations made about Borges
texts. Note 15, from the first chapter, refers to the date of 16th of June 1904, during which time
Joyces Ulysses is supposed to take place, a date which also coincides with the only possible
explanation for choosing this particular date, its autobiographical connotation!7 (In passing,
one might add that Matei Clinescu was born on the 15th of June, hence this play on the numbers
15 and 16 also has, in this context, an autobiographical connotation attached to it).
This autobiographical correspondence leads us to re(read) the beginning and the end of
the Addendum, where Mateiu Caragiales novel is compared with (Joyces) Ulysses a book
which, allegedly, cannot be read, as it can only be reread. This paradox is verifiable not just
in the case of The Beaux of the Old Court (Crailor de CurteaVeche) or Borges El Aleph, the
two books which initiate and conclude, respectively, Matei Clinescus book about rereading
but it also becomes, to my mind, the anamnesis principle underpinning his book. Through his
informal Romanian chapter about the beaux, Matei Clinescu chooses a tiny Aleph in the
Balkans to reflect himself in, same as it happens with the first person narrator in El Aleph
(which is Borges himself) reflecting in the Aleph hidden in that Buenos Aires cellar.
I would venture a different interpretation to the question what book would you take with
you to a deserted island? What else can this book, that we would take with us onto a deserted
island, be other than the islands hidden treasure itself, the Aleph which diminutively reflects
the entire world while reflecting us too? To read and reread represents, upon introducing this
Romanian chapter, a type of translation and/or rereading of the self from the academic, exoteric
position of the author into an esoteric, Mateiu Caragialetype, Romanian one. And the key to
this autobiographical (self) conversion rests with the chapter on Mateiu Caragiale.
Throughout this entire book is woven a subtle network of correspondences and intra/
intertextual hints between the author of the sacred text, Mateiu Caragiale, and the author
Matei Clinescu(the namesake coincidence is not haphazard either in this equation), between
the primary text and its comment, namely, the current rereading act, and between the time of
the first reading as an adolescent and its current, conceptualising rerun. It is selfevident
therefore how the type of reading which we, the readers, are asked to employ must implicitly
be similar.
To Read and Reread addresses a (re) reader as it creates an ideal type of what such a (re)
reader should be like. Matei Clinescu even mentions at some point, in the Addendum, an ideal
angelic memory, pertaining to details, or the concurrently linear and circular time of the
act of reading (in Epilogue), to memorys mythical time or to the model of a time which
is metaphorically circular8. The conclusion to the first part reveals the great challenge of
(re)reading: the possibility to imagine and explore through reading a mythical, circular time9.
Whether this time has connotations implying an exit from the (physical) time of this world,
as happens in Eliades novels, or whether it wishes to signify a descent into St. Augustins
memoria sui, an (integration into an) internal, nontemporal time, (re)reading presupposes
an act of reading and discovering the self10.
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In the Epilogue, the entire poetics of (re)reading is sublimated with an invitation made to
such Mateiu Caragialetype of readers, such as these have been postulated here, to meditate
on the act of rereading and its epiphanies.11 The autobiographic Project, seen as the act of
writing an internal biography and of rereading ones self, also presupposes a manifest or latent
desire to attain, through such autobiographical writing, an epiphany. An epiphany that may
convince in turn a rereader to start seeking an epiphany of the Mateiu Caragialetype.
NOTES
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
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Experiencing Vacuity
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In this article, I will consider Matei Clinescus book about Eugen Ionescu, Teme identitare
i existeniale [Eugne Ionesco: identity and existential themes], published in Iai, in 2006,
at Junimea. To begin with, I wish to draw attention to the fact that Matei Clinescus study
considers not only Ionescus works as they were published in French, but also his identity shift
from Eugen Ionescu to Eugne Ionesco, his works written in Romanian and the way Ionescus
relationship with Romania evolves over time. Current studies about Ionescus plays offer but
a straightforward linguistic xray, which limit the possibilities of textual interpretation by
expressing the experience of absurdity as the sole solution to penetrating a static Universe,
voided of significance. What seems to have been left unexplored though is the way in which
Matei Clinescus discourse is articulated by it being constantly referenced to Ionescus
experience, to his published journals, to the evolution of his plays and also to the way in which,
over time, these plays came to be received by the public thus establishing a strong bond between
the Romanian and the French period of his work. This impasse is nonetheless negotiated with
a great deal of courage and analytical finesse through the extended version of the book: Ionesco:
Recherches identitaires (published, in the French translation made by Simona Modreanu, in
Paris, at Oxus, 2005). Thus, Matei Clinescu offers the choice of an indepth, biographical
analysis of Ionescus works, from the particular perspective of symbolic criticism, which
preserves its vitality at interpretive level. Excerpts from the Romanian text were published,
between 2004 and 2005, in various literary magazines: Cuvntul, 22, Lettre internationale (in
the Romanian version), Vatra, Echinox, Apostrof. Matei Clinescus study took into
consideration Eugne Ionescos complete works as a French playwright, going beyond the
identity perspective, in particular, from which this book destined to become part of the series
Les Roumains de Paris was conceived.
The assumed research areas consider, on the one hand, the issues surrounding the identity
of this Romanian and French writer [], crucial in terms of understanding his entire literary
career and spiritual biography (p. 8) and the way this study is received by virtue of the Borges
effect, for the polemical energy of the text, for its interrogative intelligence, [and] for the good
quality intellectual spectacle it offers. On the other hand, the extended chapters on analysing
the plays aim to identify and define the distinct procedures which underpin Ionescus plays,
a type of play act where contradiction (selfcontradiction) has an essential role in revealing
the meaning of theatre plays. Matei Clinescu does not hesitate to wire up Ionescus
contradictions to the French writers halfRomanian identity, associated and often confused
with his father, a figure which he tries to exorcise with no success. He only manages to turn
it into a personal myth, apparently dark and negative yet, in fact, rather ambiguous and
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ambivalent (as otherwise, it would have turned into a caricature rather than a myth) a complex
myth, with both comical and tragic features, where the potency of Ionescus writing in French
is verified. Here too, Matei Clinescu is categorical, ascertaining that, like Beckett, a truly
perfect bilingual, Ionesco suffered identity modifications of a linguistic nature, simply because,
in the final analysis, his fathers language had been the language in which he had done his
difficult literary apprenticeship.
Learning a foreign language may just be a gate towards the discovery of Universal banality,
of absurdity and, at the same time, of the generic tragedy of language yet, it can be the first
resort of the impulse to set language on fire, stoking the blaze by dislocating it from the clichs
and stereotypes (p. 122) certifying a linguistic identity, which had been segregated to the point
of it becoming contradictory, a semantically centripetal tendency of textual effects (p. 151,
authors added emphasis) even, the meaning of which rendering that the resulting apparent
chaos (or idiocy) reverberates with a quasimusical internal necessity, permanently
counteracting. Matei Clinescu insists upon Ionescos language, more precisely on the
availability of Ionescus plays to be perceived as a confession, an avowal of an internal world,
chopped to pieces, disembowelled, a mirror or symbol of Universal contradictions.
The superimposition on names, the duality of identity in Ionescu/Ionesco lodges a complaint
about a stigmatised identity (p. 46) whereby the onomastic ambiguity between roumain
and romanichel (whereby the latter has the unequivocally pejorative meaning of gypsy)
brings to the fore the problem of being a foreigner in France, and the various avatars of his
plays as emblems of a diffuse linguistic identity. The distinction between identity and alterity
employs the same analogy used in interior exterior, via a series of abstract reasoning reactions.
Moreover, this is about questioning the importance of roleplay, of finding out the connections
between text and biography. Though aware of Eugen Ionescus Romanian cultural filiations,
Matei Clinescu does not dwell on the matter. Caragiale and Urmuz, both of whom are
spiritually close to Ionesco, are not recognised as Romanian influences, despite the fact that
Ionesco translates Urmuzs work into French while adapting and translating, alongside Monica
Lovinescu, excerpts from Caragiale.
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how the characters express the words autarchy by transferring the accumulated anguish upon
others, whereas in Jacques or Obedience, subject to immense exaggerations yet, with a finely
tuned musical ear, language is subjected to Ionescus typical distortions [], a play on echoes,
allusions, literal translations of colloquial words and phrases, comical non sequitur,
juxtapositions of contradictory terms, words with prefixes or suffixes intentionally misplaced,
rhymes, assonances and funny alliterations (p. 154155). Maybe The Chairs is his only
piece of work where the means of expression become a saintly duty, whereby the entire
Universe seems to have been left waiting to hear the message, which has to come from the
Speaker yet, this is a character which is mute and incapable of uttering anything and thus unfit
to deliver the message.
Matei Clinescus script (sic!) is built as a sheer balancing act between uttering as such
and waiting for (Godot?) some essential revelation. The critic shifts the focus from the canvas
of closures to that of contrasts muteness/loquaciousness, solitude/crowd, visible/invisible,
playfulness and an apparent lowest common denominator. In The Chairs, for instance, both
the Old Man as well as his Old Lady are fretting in wait for the Guest, the owner of existential
truths, to arrive while the Orator is running late, thus accentuating the anguish of the two acting
characters. The critic himself is muted. His analysis is but the catalyst for plural interpretations.
The conscience of discontinuity becomes therefore essential, both for the discourses
utterance and for the way in which life itself is received as such. The muted, autistic Orator
refuses the speakers and, instead of giving an answer to the old peoples pleas to end their
waiting, an utter silence is drawn, one which does not even allow an echo that may lead to
interpretation; there is nothing in the uttered word to potentialise language; rather, there is a
silence insinuating itself, gradually and irreversibly, in the gap arisen between the speakers,
and between the language used and the message.
Matei Clinescu returns to the issue of identity, obsessive and unable to be found a resolution
to. Outraged and exiled from his own environment, Eugen Ionescu felt ill at ease inside the
Romanian culture, not so much because this was small and peripheral (a poor relative of
the great European cultures rather, though this too, represented a considerable obstacle), but
mainly because of its obsessive preoccupation with its own specificity, the socalled national
character, responsible for its stifling parochialism, an authentic hurdle against it managing
to find an answer to grand, existential issues (p. 9). The split identity Eugen Ionescu/ Eugne
Ionesco: If I were French, I might have been a genius reveals an identity dilemma of a
family, ethnic, linguistic and, of course, cultural nature (including here others which were
literary, confessional and political) which was soon turned into an inner conflict that
incorporated, or better still, was incorporated within his relationship with his mother and within
his open conflict, often revealed by Ionesco himself, with his father a personal conflict that
may even have had an Oedipuscomplex about it (if we are to believe in psychoanalysis,
including here Jacques Lacans theory about LeNomduPre, but a conflict which was
undoubtedly cultural and political (p. 41).
It is important to note how Matei Clinescu focuses on an identity palimpsest of elements,
on superimposing oneiric episodes, lyrical and symbolical, and on the realitychecks, igniting
roars of laughter in the audience (p. 378). Also, the neverending absurdity as much as the
linguistic deregulation mechanisms determine, in Matei Clinescus perspective, Ionescus
oneiric realism i.e. the constancy towards the dreams reality, that live transcription of
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the dreams content and profound reality, obviously, within the confines structured by the
internal logic of dramas, performance and showmanship (p. 386). Eugne Ionesco combines
distinct linguistic realities, thus forcing an apocalyptic message for transmission, which is
affixing all other truths in the world, in order to destructure his own discourse. Yet, the question
remains as to the measure in which these identity conflicts could have been resolved, especially
if one considers how the critics opinion raises further and further questions and increasingly
fewer answers. Matei Clinescu filters Ionescus French experience by constantly measuring
it against his writings during the time he was based in Romania. The language used there is
voided of all signifiers whilst the waiting dehumanizes: the characters identity resembles
an empty identity resonance box, from which can be heard either one voice, or another, carrying
different tonalities and the most varied of implications, for longer or shorter periods of time,
in an apparently haphazard sequence (p. 389). Ionescos characters blend in with the objects
populating our living space, in the sense awarded to it by Baudrillard (in The Consumer Society:
Myths and Structures, Paris, ditions Denol, 1970): we live under the muted guise of
hallucinating and obedient objects, that keep repeating the same old discourse, a sign of our
jellyfish power. In fact, this type of muted communication is, for Eugne Ionesco, but a
ritual, a mask and a transfer of power.
The oniric episodes superimpose themselves onto the absurd repetition of broken
mechanisms. Many of the dreams dramatised in The Man with Suitcases and Journeys Among
the Dead can be found in Ionescos journals: Fragments of a Journal (1966), Present Past/Past
Present (1971), Antidotes (1977), The Man in Question (Un homme en question, Gallimard,
1979), The Intermittent Quest (1988). The transcription of reality (considered as real and not
as a (meta) fiction about fiction), imbuing characters with desolation and panic is what turns
his characters into brutish occurrences, derailing their existence. Though precarious,
communication still remains functional, at least at a subliminal level. Reminiscences from these
indecisive yet, incisive communications determine a revamping of the codes. Characters refuse
their identity, even though they seem to be searching for one, whilst being mistaken for the
objects that surround them.
To conclude with, (I would venture saying that) whilst lacking in psychological consistency,
Ionescus marionettelike characters risk turning into the objects of a farce which transcends
them, subjected to the same type of pity that ancient tragedy characters were forced to endure.
The balancing act between one state or another, between one option and the next, both of whom
are as much restricting as they are blameworthy, suffocate the discourse into a type of exiled
loneliness which is voided of any significance whatsoever and where psychotic pleasures
become aesthetical. Total communication is viewed as total refusal. The only option available
rests with living a role thus, living by proxy as the need for mediation is permanent while
creating a network dependency. Matei Clinescu allows us to see in books not just mere (work)
tools, but also lives waiting to be avowed; moreover, they allow us to distinguish between the
life of a character and that of a narrator, even if, at some point, they superimpose one another.
NOTE
1
Matei Clinescu, [Eugne Ionesco: identity and existential themes], Eugen Ionescu, Teme identitare i
existeniale, Iai, Junimea, 2006, 494 pages.
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Anca Bicoianu, Phd. candidate, University of Bucharest; Matei Clinescu, d. 24 iun. 2009;
Magda Crneci, poetess, art critic; Svetlana Crstean, poetess, professor; Bianca
BuraCernat, University of Bucharest; Paul Cernat, University of Bucharest; Dumitru
Chioaru, University of Sibiu; Gheorghe Crciun, d. 30 ian. 2007; Adina Dinioiu, Phd.
candidate, University of Bucharest; Caius Dobrescu, University of Bucharest; Raluca Dun,
University of Bucharest; Irina Roxana Georgescu, Phd. candidate, University of Bucharest;
Ilina Gregori, Berlin Libre University; Dan Grigorescu, d. 15 apr. 2008; Linda Hutcheon,
Toronto University; Augustin Ioan, Ion Mincu University of Architecture and Urbanism;
Bogdan Lefter, University of Bucharest; Florin Manolescu, University of Bucharest;
Ion Manolescu, University of Bucharest; Angle Kremer-Marietti, exprofessor at
Saarbrucken University, Paris X and Paris VIII; Mircea Martin, University of Bucharest;
Alexandru Matei, University of Bucharest; Cornel Moraru, Braov University; Christian
Moraru, University of North Carolina, Greensboro; Carmen Muat, University of Bucharest;
Alexandra Muina, Braov University; Virgil Nemoianu, The Catholic University of
America, Washington, D.C.; Liviu Papadima, University of Bucharest; Amelia Pavel, art
critic, essayist, translator; Ioana Em. Petrescu, d. 1 oct. 1990; Iulia Popovici, theatre critic
for Observator Cultural; Miruna Runcan, Babe-Bolyai University, Cluj; Valentina
SanduDediu, The History of Art Institute; Monica Spiridon, University of Bucharest;
Ana Maria Tupan, University of Bucharest; Ovidiu Verde, University of Bucharest;
Delia Ungureanu, Phd. candidate, University of Bucharest; Alexandra Vrnceanu,
University of Bucharest; Rodica Zafiu, University of Bucharest.
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