Fiches Phytoremediation PDF
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PHYTOREMÉDIATION
Le 1er juin 2016
Selon le Bilan sur la gestion de terrains contaminés (au 31 décembre 2010), 65 % des terrains québécois sont contaminés
aux hydrocarbures (C10 -C50), 26 % sont contaminés aux hydrocarbures aromatiques monocycliques (HAM), métaux traces et
métalloïdes, et 23 % le sont avec des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Dans la majorité des cas, la contamination
est uniquement de type organique, mais parfois de type mixte avec des inorganiques.2
Les contaminants organiques ne sont pas des composants utilisés normalement par les plantes, il n’existe donc pas de transporteurs
spécialisés pour leur absorption. Les composants qui ont une certaine aversion pour l’eau (hydrophobes) peuvent pénétrer la
membrane cellulaire des racines (faite de lipides) par simple diffusion, en passant de la région la plus concentrée (le sol contaminé)
vers la région la moins concentrée (l’intérieur de la racine). Ceux qui ont une trop forte affinité pour les lipides resteront bloqués
dans la paroi cellulaire, tandis que ceux qui ont une trop grande affinité pour l’eau ne seront tout simplement pas absorbés.4 Une
fois dans les plantes, les composants organiques peuvent être liés à d’autres molécules (conjugaison) et entreposés ou encore
dégradés (par des enzymes).
Contrairement aux polluants organiques, les éléments inorganiques sont plutôt transportés activement à l’intérieur des racines
des plantes s’ils sont des nutriments, ou s’ils sont chimiquement similaires à certains nutriments. Les plantes peuvent synthétiser
des macromolécules organiques (phytosidérophores excrétés par les herbacées pour faciliter l’absorption du Fe, peptides servant
à complexer certains éléments) ou des acides organiques (citrate, malate, histidine) pour faciliter l’absorption, le transport,
l’entreposage et la tolérance des plantes à ces éléments traces métalliques. Les microorganismes de la rhizosphère peuvent aussi
excréter certains composants qui facilitent l’absorption des éléments traces par les plantes.4
Les méthodes biologiques peuvent être complémentaires aux méthodes non-biologiques. Par exemple, la décontamination peut
miser sur l’excavation des portions de terre plus contaminées et la phytoremédiation pour le polissage.
Figure 1
Survol de l’évaluation des sites contaminés et des options d’actions à entreprendre
La rhizofiltration repose souvent sur des systèmes en réacteur (flow-through) qui maximisent le contact entre l’eau et les racines, et
minimisent ainsi la durée du traitement.4 La rhizofiltration peut prendre la forme d’un étang artificiel ou d’un système hydroponique.4
Les marais artificiels sont documentés dans une autre fiche de la Société québécoise de phytotechnologie (www.phytotechno.
com/fiches-techniques/fiches/SQP_Fiche_MaraisFiltrants.pdf, 2014). Les systèmes intérieurs sont souvent plus coûteux alors leur
utilisation est restreinte à des applications ayant de faibles volumes à traiter ou encore à des applications bien ciblées, comme
l’enlèvement des éléments radioactifs.4 La rhizofiltration peut aussi limiter la diffusion horizontale des contaminants dans l’eau
souterraine si l’on positionne les plantes pour faire une barrière hydraulique, afin que les plantes suctionnent l’eau du sol et
limitent le mouvement des polluants dans l’eau. La rhizofiltration peut être exploitée par exemple dans des systèmes de bandes
riveraines.4
Les métabolites
Est-il possible Est-il possible de sont-ils plus toxiques
de contrôler la rapprocher les que les contaminants? Peut-on disposer des
Les plantes auraient-elles Est-ce que l’accumulation
contamination de contaminants un contact direct avec des contaminants menace végétaux de façon
la chaîne alimentaire? des plantes? les contaminants? la survie des plantes? économique?
Figure 6
Éléments à considérer dans le processus de sélection de la phytoremédiation, d’après Labrecque and Pitre 8 et Chevrier 2.
Deux approches de phytoremédiation existent. La façon traditionnelle est d’imposer un assemblage conventionnel de plantes
avec des qualités de phytoremédiation reconnues, mais souvent avec un faible potentiel d’adaptation local. La seconde façon,
l’atténuation naturelle, a un meilleur potentiel d’adaptation et de résilience face aux perturbations. Elle constitue une forme
d’organisation spontanée, qui survient lorsque des plantes locales colonisent naturellement un site ouvert. 33 L’atténuation
naturelle est souvent associée à la plus simple expression de la phytoremédiation ou encore à un simple abandon d’un
terrain contaminé qui se transforme en friche. Malgré tout elle nécessite une certaine forme d’intervention et de suivi de la
contamination pour atteindre des objectifs de restauration ciblés.4, 10
Par opposition, certaines plantes à croissance rapide concentrent peu les métaux dans leurs tissus, mais leur forte production de
biomasse racinaire ou aérienne leur donne un potentiel de phytoextraction intéressant.8 Par ailleurs, certains arbustes ou arbres à
fort potentiel de production de biomasse, comme les saules et les peupliers appartenant à la famille des Salicacées, peuvent rester
plus longtemps en place. Malgré les récoltes aux 2-3 ans, les pieds de saules peuvent demeurer productifs jusqu’à 25 ans. Ceci
peut représenter une opportunité d’économie par rapport aux plantes ayant un cycle de vie plus court.11 Chez les Salicacées, la
plantation de boutures (segments de tiges) en dormance facilite grandement les travaux d’implantation. Pour les saules, un segment
de 20-30 cm sans racines et en dormance peut simplement être inséré dans le sol. Après une saison de croissance, un recepage
permettra de favoriser la multiplication des tiges pour la saison suivante.
Si certaines plantes agricoles (comme le maïs, le canola ou le tournesol) ont un bon potentiel de phytoremédiation, il peut être
risqué de les utiliser si les contaminants qu’elles contiennent aboutissent par inadvertance dans la chaîne alimentaire.11
Pour remédier à une contamination organique, il faut privilégier les plantes ayant une forte biomasse racinaire qui favorise l’activité
microbienne dans le sol et conséquemment une meilleure dégradation des polluants.4, 8 En plus d’une forte densité de racines
fibreuses, on attribue aux herbacées de grandes qualités dans la prévention de l’érosion éolienne et du ruissellement de surface.
Aussi, elles accumuleraient moins les polluants inorganiques que d’autres Dicotylédones dans leurs parties aériennes, ce qui pourrait
représenter un avantage là où la faune sauvage risquerait de se nourrir sur des parties végétales contaminées. Finalement, parce que
les herbacées sont faciles à semer, et que des mélanges de graines comprenant diverses espèces résistantes et complémentaires
pour restaurer des sites dégradés sont parfois disponibles sur le marché, leur implantation peut être économique et facile.
L’utilisation des plantes indigènes est à privilégier parce que les plantes utilisées en phytoremédiation peuvent aussi accomplir
plusieurs services écosystémiques, en plus de la décontamination. À tout le moins, on peut se tourner vers des plantes introduites
déjà naturalisées qui poussent sur ou près du site parce qu’elles seront compétitives localement et ont le potentiel de bien tolérer
les polluants.4 Plusieurs plantes communes (introduites) au Québec comme la tanaisie vulgaire (Tanacetum vulgare), la vipérine
(Echium vulgare), la vesce jargeau (Vicia cracca) et la grande bardane (Arctium lappa) ont un potentiel d’accumulation des métaux
lourds et une biomasse élevée.34 La tanaisie, la vipérine et la vesce jargeau peuvent croître à plus de 2 m de hauteur et générer des
biomasses supérieures à 20 tonnes par hectare par an.34
Enfin, on peut aussi s’intéresser à la valeur esthétique ou commerciale de certaines plantes à fleurs ayant un potentiel de
phytoremédiation. Par exemple, le pétunia (Petunia grandiflora) seul ou en combinaison avec une autre plante à fleurs (Gaillardia
grandiflora),7 peut décoloriser et détoxifier des effluents contaminés avec des teintures pour les textiles. L’usage des combinaisons
(aussi appelés consortiums) synergise les réactions enzymatiques entre les plantes et les bactéries au sein des bioréacteurs, mais
permet aussi de diversifier l’activité commerciale associée à la vente des fleurs coupées par des fleuristes.7
La couche superficielle du sol, parfois moins fertile et plus contaminée, peut être remplacée par un terreau adapté ou amendée
pour faciliter l’établissement des plantes (Figure 8). Pour la décontamination des composants organiques par rhyzodégradation,
on préférera un amendement inorganique plutôt qu’organique, ce dernier fournissant aussi une source de carbone facilement
accessible pour les microorganismes, en plus des nutriments, ce qui peut ralentir la dégradation des polluants organiques.4 Dans
le cas de la phytostabilisation, on peut ajouter des amendements stabilisants comme des agents alcalins, des phosphates, de la
matière organique, des biosolides et des oxydes minéraux qui vont limiter le lessivage et l’absorption par les plantes.2 Les agents
chélateurs, comme l’EDTA (éthylène diamine tétra-acétique), peuvent cependant être persistants dans les sols, et un apport
mal dosé peut entraîner une remobilisation excessive des polluants entraînant la contamination des nappes phréatiques. Pour la
phytoremédiation de sédiments contaminés, l’usage du compost améliore la structure du substrat (porosité, aération, capacité
drainante, rétention en eau), et apporte les éléments nutritifs qui font défaut dans les sédiments.35
Si certaines plantes favorisent une flore microbienne appropriée pour un type de phytoremédiation, d’autre fois, on introduit
volontairement des microorganismes (bioaugmentation) ayant de bonnes capacités à décomposer les polluants ciblés.4 Leur
introduction nécessite parfois l’usage d’une grande quantité de microorganismes, avec un succès relativement limité, car les
microorganismes déjà établis sur le site compromettent la survie de ceux ajoutés. Une bonne alternative à l’ajout des microorganismes
sur les sites contaminés est de favoriser des relations symbiotiques dès la préparation des plants en pépinière.36, 37
e
utur
-K
Bo 12 ppm
N-P
EDTA
Compost
La profondeur typique des racines des plantes herbacées est d’au plus 50 cm et celles des arbres d’environ 3 m, même si les
racines de certaines plantes phréatophytes (allant puiser de l’eau dans la nappe phréatique) peuvent atteindre 15 m ou plus.4 Ainsi
donc, les contaminants en profondeur peuvent être hors de portée des racines. On peut alors intervenir lors de la plantation
pour favoriser l’élongation des racines vers les zones contaminées. Ceci peut prendre la forme de tubes de plantation forçant
l’élongation des racines vers la nappe phréatique contaminée38 et réduisant la tendance des plantes à développer des racines en
surface pour y intercepter l’eau de pluie.4 Mais ces projets ne sont pas toujours faciles à mettre en oeuvre,38 surtout si la nappe
phréatique est très profonde (par exemple 6-7 m) sous la surface de la terre.39 Dans ces cas, il faudra apporter l’eau contaminée à
traiter depuis la nappe phréatique vers un bassin de rétention ou une usine de traitement des eaux usées en utilisant un système
de canalisations et de pompes. En milieu saturé (pouvant engendrer des conditions anaérobies), un apport supplémentaire en
oxygène peut aussi s’avérer utile,4 surtout lorsqu’on tente de remédier à de la pollution en profondeur, sans quoi même des
plantes tolérantes aux conditions de sol saturées comme les saules pourraient en souffrir.38 À l’inverse, sur les sites trop secs, il
faudra fournir un apport régulier d’humidité pour maintenir une forte évapotranspiration favorisant la phytoremédiation.
La récolte périodique des tiges, ou parfois même des feuilles, peut être essentielle pour éviter le recyclage in situ des contaminants,
surtout dans les projets de phytoextraction. Cette récolte implique la manipulation d’une biomasse importante dans le cas des
espèces à croissance rapide comme les saules ou les peupliers. La récolte des tiges peut se faire aux 2-3 ans pour les saules, ou
encore aux 10-15 ans pour les peupliers, et les souches pouvant retiger peuvent être laissées en place durant plus de 25 ans
au besoin. Pour les herbacées aussi, la récolte des parties aériennes peut augmenter la rapidité d’un traitement. Par exemple,
après deux mois de croissance, certaines des herbes pérennes colonisées par le champignon mycorhizien Rhizophagus irregularis
(anciennement appelé Glomus intraradices) peuvent atteindre un plafonnement dans leur séquestration de métaux. Ainsi, trois
cycles de récoltes programmés durant une saison de croissance pourraient accélérer le processus de décontamination.41
Lorsque les objectifs de décontamination ont été atteints, il faut faire un suivi auprès d’un expert pour attester la réalisation des
travaux en conformité avec le plan de réhabilitation préapprouvé. Le ministère émettra un avis de décontamination au registre
foncier. Un rapport final peut être préparé par l’entrepreneur ou l’équipe de chercheurs pour compiler les résultats obtenus. Les
publications techniques ou scientifiques de divers projets contribuent au développement des phytotechnologies, et la compilation
de registres de projets de phytoremédiation pourrait éventuellement être utile à l’essor de ce secteur. Si le site est converti en
espace vert, les végétaux pourront rester en place (seuls les équipements de suivis devront être retirés). Par contre, si le site
est voué à un autre usage, par exemple un développement résidentiel, tous les équipements ainsi que les végétaux devront
être retirés. Ceci peut impliquer le déracinement ou l’essouchage des végétaux à plus grand déploiement, suivi d’un traitement
approprié des végétaux, en fonction de leur niveau de contamination.
7.1 AVANTAGES
La phytoremédiation exige beaucoup moins d’investissement, 8, 13 environ 10 fois moins que les méthodes de décontamination
basées sur l’ingénierie (Tableau 1), entre autres parce qu’elle fonctionne naturellement à l’énergie solaire, 5 mais aussi parce que
les travaux nécessitent moins de transport des sols excavés,4 et que les coûts peuvent être amortis sur plusieurs années. La
décontamination du plomb, sur un terrain de 0.4 ha peut coûter entre 50 et 65 % moins cher par phytoextraction et traitement
de la biomasse (150 000-250 000$ US 2000) comparativement à l’excavation et l’enfouissement (500 000$ US 2000).29 Selon
une autre étude, pour un site contaminé au plomb avec des dimensions similaires, la décontamination traditionnelle (incluant
l’excavation sur 50 cm de profondeur) peut coûter entre 400 000 et 1 700 000$ US, tandis que la phytoremédiation peut coûter
entre 60 000 et 100 000$ US (2004).10 La remédiation de solvants dans l’eau souterraine, sur un terrain de 1 ha pendant 3 ans,
peut coûter 50 % moins cher par la phytodégradation et le contrôle hydraulique effectué par des plantes qui assèchent les sols
ou font baisser la nappe phréatique (200 000$ US d’installation et de maintenance initiale) qu’un système de pompage et de
traitement (700 000$ US de coût d’opération annuels; estimé en 2000).29 Enfin, l’enlèvement des hydrocarbures pétroliers, sur
un terrain de 0.4 ha, peut coûter 80 % moins cher par la phytodégradation in situ (50 000-100 000$ US 2000) que par l’excavation
et l’incinération (500 000$ US 2000).29
Un des principaux avantages de la phytoremédiation est sa grande versatilité. 5 En effet, plusieurs types de contaminants peuvent
être éliminés dans divers types d’environnements, grâce à la multitude de plantes qui existent et à leurs diverses adaptations.
De plus, la phytoremédiation étant généralement pratiquée in situ, cela permet de conserver la structure et les propriétés des
sols, de limiter l’érosion et le déplacement des polluants.4 Certes, dans les projets de phytoextraction, il faut traiter les végétaux
contaminés, mais comme ceux-ci concentrent les métaux, seuls de petits volumes de biomasse sont déplacés (jusqu’à 95 % moins
de volume)12, comparativement à des tonnes de sol avec les méthodes conventionnelles ex situ.3 Enfin, la phytoremédiation étant
une méthode basée sur les plantes, ces dernières rendent généralement divers services écosystémiques en plus de permettre
la décontamination d’un site. Elles contribuent ainsi à assainir l’air, séquestrer du dioxyde de carbone et à enrichir la biodiversité
des sites dégradés.8
L’acceptabilité sociale de la phytoremédiation est généralement grande grâce à son effet visuel esthétique rapide, son faible taux
de nuisances sonores, et son opportunité d’éducation. L’image ‘’verte’’ de cette technologie incite les entreprises y ayant recours
mettent leurs actions de l’avant dans leurs rapports de responsabilité sociale ou encore dans leurs campagnes de marketing.4
Seuls de rares cas d’opposition à son application ont été documentés, soulignant l’importance de prendre en considération les
inquiétudes du public au tout début d’un projet visant un site pouvant concerner directement les communautés locales. 5 La
phytoremédiation est aussi une solution verte compatible avec les grands principes du développement durable 8 et en adéquation
avec diverses politiques (Loi sur le développement durable (2006), Politique québécoise de gestion des matières résiduelles visant à
bannir l’enfouissement des matières organiques, Règlements sur l’enfouissement des sols contaminés, etc.).
ANNÉE ET
TYPE ÉTAPE DE RÉHABILITATION COÛT
RÉFÉRENCE
Préparation du terrain et des sols 10$/tonne de sol 20148
Contrôle hydraulique avec des arbres (pour traiter un aquifère de 250 000$ 200029
20 pieds de profondeur, sur une acre de terrain)
Excavation des sols contaminés, élimination des débris et 125$/tonne de sol 20148
chargement
Excavation et lessivage 250-500$/m3 199742
Mise en remblai (ajout d’une couche de terre) 22$/tonne de sol 20148
La phytoremédiation reste une solution à long terme, limitée par la croissance ou l’efficacité des végétaux utilisés, comparativement
aux techniques de décontamination traditionnelles.8 Elle contraint donc le propriétaire du terrain à être patient avant de pouvoir
utiliser ou vendre son terrain contaminé.8 En ce sens, la phytoremédiation est une solution à privilégier dans les cas où les
investissements majeurs des solutions traditionnelles de décontamination sont repoussés à long terme parce que leur coût est
supérieur à la valeur du terrain, qui est alors la plupart du temps laissé en friche. Pour des projets de phytoextraction de métaux,
un horizon de 18 à 60 mois est à prévoir, comparativement à seulement 6 à 9 mois pour l’excavation et l’enfouissement ou
encore 8 à 12 mois pour l’excavation et le lavage des sols.42 Pour évaluer le temps requis pour nettoyer un site, on peut faire des
estimations en fonction du taux d’accumulation d’un contaminant dans la plante, de la masse initiale de contaminants dans un site
et de la concentration finale visée.42, 44
La survie et la croissance des plantes sont difficiles dans les sols très contaminés (même si les amendements peuvent aider)
alors il existe une certaine limite à la concentration des polluants pouvant être traités par phytoremédiation.4 Après 3 ans, il a
été observé que dans un sol contenant >20 000 ppm de Pb et Zn, 50 % des Populus sp. avaient péri, mais cela ne représentait
pas nécessairement un échec de revégétalisation si l’on considère l’ensemble de la communauté végétale s’étant établie. Dans
un autre cas de site contaminé (As, Cd), la mortalité des Populus sp. a atteint 95 % mais ce n’était pas seulement à cause des
taux de polluants: les chevreuils et la température peuvent aussi avoir joué un rôle.42 Le climat peut donc être un défi pour la
phytoremédiation au Québec, mais pas nécessairement un obstacle insurmontable: même lorsque les hivers sont froids, l’activité
des végétaux est ralentie, mais dans le sol, à l’abri des plantes, un certain niveau de décontamination microbienne peut persister.
Par contre, les contaminants doivent nécessairement se trouver dans la zone d’influence des plantes, ce qui peut représenter un
défi particulier par exemple, là où la contamination se trouve en profondeur, hors de portée des racines (les pompes ou des
tubes de plantation pouvant aider dans certains cas). Les sols avec une granulométrie fine (comme les argiles) ont une plus grande
capacité de retenir certains ions (forte capacité d’échanges cationiques), ce qui rend difficile leur décontamination. Les sols avec
une grande concentration en humus ou en matières organiques sont généralement enclins à retenir certains ions, mais aussi
les polluants organiques hydrophobes.4 La biodisponibilité de certains polluants peut alors être limitante. Là encore, l’ajout de
certains amendements peut aider: par exemple, l’ajout de chélateurs comme l’EDTA peut faire augmenter le taux d’assimilation
des éléments-traces métalliques par certaines plantes comme Brassica juncea.43
Pour que les végétaux puissent croître convenablement et décontaminer efficacement un terrain, ils doivent avoir un espace
suffisant. Cependant, même sur des superficies restreintes, il peut être possible de recourir à la phytoremédiation, en employant
par exemple de plus petits végétaux. Si l’efficacité de la phytoremédiation pour certains sites particuliers doit être démontrée dans
les conditions spécifiques à chaque projet (études en serre ou projets pilotes), afin de choisir l’assemblage végétal et la méthode
de traitement la plus appropriée pour un site, il existe quand même une abondance d’études techniques et scientifiques appuyant
les méthodes les plus communes et généralisables. 5 Plusieurs exemples témoignent d’un grand succès de la phytoremédiation: en
rhizofiltration, Helianthus annuus peut réduire les concentrations de 137CS et 90Sr de 90 % en 2 semaines, ou les concentrations
en Uranium de 95 % en 24 h (de 350 ppb à <5 ppb).42 En phytotransformation, des taux d’enlèvement de plus de 90 % ont été
atteints pour des explosifs (TNT et RDX) avec des élodées (Elodea sp.), des joncs (Scirpus sp.), et de l’alpiste (Phalaris sp.) ou pour
des produits agrochimiques (atrazine, nitrates) avec du peuplier hybride.42
Même si certains insectes ou autres animaux semblent dédaigner les végétaux contaminés à cause de leur mauvais goût,19 il ne faut
pas négliger le potentiel de contamination de la chaîne alimentaire avec la phytoremédiation. Pour limiter ce potentiel, on peut
préférer des espèces qui séquestrent les métaux lourds sur leurs racines, plutôt que d’utiliser des espèces qui vont transloquer
ces métaux vers leurs parties aériennes. Sinon, on peut aussi clôturer les sites, utiliser des filets, du bruit ou des épouvantails pour
éloigner les animaux. Lorsque ces précautions sont prises, certains sites phytoremédiés peuvent ensuite devenir des sanctuaires
pour la faune et la flore sauvage (voir exemple de cas du Parc Opémiska à Chapais).4
Étant une technologie liée à l’innovation, la phytoremédiation fait parfois face à des défis réglementaires, ou encore à des défis
liés aux marchés. 5 Si la science a maintes fois démontré le potentiel de la phytoremédiation, l’émergence d’un secteur commercial
semble avoir été limité par le développement d’une image commerciale unifiée et d’un système de normalisation. Il semble que la
production de biomasse utile (bois d’oeuvre, biomasse énergétique ou production d’espèces écologiques importantes) pourrait
être une avenue permettant le développement de ce secteur dans les années à venir. La combustion de la biomasse contaminée
pouvant entraîner la volatilisation de certains polluants comme le mercure, l’arsenic ou le sélénium, il importe d’avoir un bon
contrôle sur le processus de combustion ou sur le type de contaminant à traiter.
Saules
Égoûts
Pompe et
contrôles
Usine d’épuration
Eau traitée
Boues
• Historique: La ville de Chapais a été fondée en 1955 pour • Direction: Chapais-Énergie sec, Lucien Bordeleau
des activités minières. Aujourd’hui, les 1630 habitants y (Biolostik Lté)
vivent plutôt de l’activité forestière. Pour diversifier son
économie, la ville a accueilli en 1995 la première usine • Référence: 46, 47, 48
de cogénération à la biomasse forestière au Québec. La
communauté désirait un projet durable et innovant qui ne
se limiterait pas à la vente d’électricité à Hydro-Québec.
Ainsi, on souhaitait que la récupération de la chaleur de Phragmites
• Référence: 35
Figure 17
Sédiments de la rivière Saint-Charles avant phytoremédiation.
• Historique: Le fleuve St-Laurent et la rivière St-Charles
(à Québec) ont subi 200 ans d’activités industrielles
(notamment des raffineries de pétrole) qui ont entraîné
diverses contaminations, incluant des HAP, du Zn, du
Pb et du Cu. Le dragage est la méthode classique de
décontamination, mais le traitement de cette boue est
coûteux.
Figure 18
• Phytoextraction, phytovolatilisation et phytostabilisation:
Projet de phytoremédiation avec diverses herbacées et des
Décontamination de 1400 tonnes de sédiments HAP, du
mycorhizes sur des sédiments du Port de Montréal.
Zn, du Pb et du Cu épandu sur 40 cm d’épaisseur (675m2)
durant des essais de 2007 à 2009 (Figure 17).
Figure 19
Projet de phytoextraction dans une fonderie.
Figure 20
Projet pilote de phytoextraction à l’aide
d’un mélange d’herbacées.
Le gouvernement du Québec et le Fond municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités offrent des aides
financières pour la réhabilitation des terrains contaminés. Le programme ClimatSol Plus financé par le Fonds vert (enveloppe
totale de 55 millions sur 5 ans) vise à soutenir financièrement les municipalités et d’autres demandeurs souhaitant réhabiliter
des terrains contaminés, incluant ceux ayant un fort potentiel de développement économique. Des agences gouvernementales
(comme l’agence américaine de protection de l’environnement, USEPA) mettent aussi à la disposition du public des données
techniques (https://clu-in.org/techfocus/default.focus/sec/Phytotechnologies/cat/Overview/) ou du financement pour des
projets particuliers. Le gouvernement du Canada a aussi créé un site permettant de comparer diverses approches de
remédiation, avec plusieurs données techniques sur les analyses requises et le type de contaminants, incluant des techniques
de phytoremédiation (http://gost.irb-bri.cnrc-nrc.gc.ca/techlst.aspx?ind_lang=fr). Il existe des bases de données de plantes
spécialisées pour la décontamination de divers types de polluants, par exemple les hydrocarbures pétroliers (PHYTOPET) ou
encore les métaux et les métalloïdes (PHYTOREM).4 Une base de données en ligne peut aussi être utilisée pour choisir les
bonnes plantes adaptées à divers polluants (www.steviefamulari.net/phytoremediation/index.php). Enfin, il y a aussi plusieurs
laboratoires académiques actifs dans la recherche et le développement de nouvelles applications de la phytoremédiation,
notamment à l’Institut de Recherche en Biologie Végétale, et ils pourraient être intéressés à réaliser de nouveaux projets de
phytoremédiation sur des sites particuliers.
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iasson, P.; Jaouich, A.; Gagné, S.; Moutoglis, P., 32. Eisenhauer, N.; Beßler, H.; Engels, C.; Gleixner, G.; Habekost, M.;
Phytoremediation of zinc and cadmium: a study of arbuscular Milcu, A.; Partsch, S.; Sabais, A.; Scherber, C.; Steinbeiss, S., Plant
mycorrhizal hyphae. Remediation Journal 2005, 15, (4), 113-122. diversity effects on soil microorganisms support the singular
15. Giasson, P.; Jaouich, A.; Charbonneau, H.; Massicotte, L., hypothesis. Ecology 2010, 91, (2), 485-496.
Phytorestauration des sites contaminés: Méthodes de 33. Mitsch, W. J.; Jørgensen, S. E., Ecological engineering: a field
disposition des plantes récoltées. Vecteur Environnement 2004, whose time has come. Ecological engineering 2003, 20, (5), 363-
37, (5), 42-46. 377.
16. Graham-Rowe, D., Agriculture: Beyond food versus fuel. Nature 34. Giasson, P.; Jaouich, A., La phytorestauration des sols
2011, 474, (7352), S6-S8. contaminés au Québec. Vecteur Environnement 1998, 31, (4),
17. McGrath, S., Phytoextraction for soil remediation. In Plants 40-53.
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Brooks, R., Ed. CAB International: New York, 1998; pp 261-288. et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques. Université du
Québec à Montréal, Montréal, Canada, 2010.
Photographies:
Merci à Lise Servant de la Médiathèque du Jardin botanique de Montréal pour plusieurs photos : Frédéric Pitre (IRBV, Figure 7-1),
Ahmed Jerbi (IRBV, Figure 7-3 et 11), Jardin botanique de Montréal (Figure 7-4 et 7-5), Édith Smeesters (Figure 7-6),
Michel Tremblay (Figure 7-7), Normand Fleury (Figure 7-9), Gilles Murray (Figure 7-10 et 7-11). Autres photos par Pixabay (Figure 7-2),
Louise Hénault-Ethier (Figure 7-8), Michel Labrecque (IRBV, Figure 9), Lucien Bordeleau (Biolistik, Figure 13, 15 et 16) et
Philippe Giasson (Enutech, Figure 17, 18 et 20).
Merci aux personnes qui ont fourni des informations, de la documentation ou ont participé à la révision de cette fiche: Les
membres du conseil d’administration 2016 de la SQP, Michel Labrecque (IRBV), Lise Servant (Jardin botanique de Montréal),
Frédéric Pitre (IRBV), Philippe Giasson (Enutech), Marc Hébert (MDDELCC), Antoine Karam (Université Laval), Sébastien Hue (Viridis),
Martin Beaudoin-Nadeau (Viridis-Terra Innovations), Lucien Bordeleau (Biolistik), Ahmed Jerbi (IRBV), Éric Clayessen, Maxime Fortin
Faubert (IRBV), Isabelle Dupras (Horticulture Indigo), Michel Rousseau (Groupe Rousseau Lefebvre), et Alexis Fortin.
Courriel :
info@phytotechno.com
Mise en garde :
La présente fiche est un instrument d’information. Son contenu ne constitue aucunement une recommandation, une liste exhaustive
de procédés ou de règles en vigueur. Il demeure la responsabilité du lecteur de se référer aux recommandations, procédés et
règlements en vigueur, ainsi qu’à toutes autres normes applicables, le cas échéant.
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Exemple de quelques plantes ayant un potentiel de phytoremédiation disponibles sur le marché commercial québécois, ou présents dans nos écosystèmes. Leur port (Herbacée, arbuste ou arbre) et
leur habitat (terrestre, aquatique, riverain ou saumâtre) sont décrits. Quelques exemples d’applications de leur potentiel de phytoremédiation sont donnés, avec des commentaires. Pour la disponibilité
commerciale: D = Disponible; MA = Disponible sur le marché agricole; DS = Disponible sous forme de semences; ND = Non-disponible ou difficile à se procurer. En plus des références citées dans le texte,
les références 2, 4, 8, 13, ainsi que la base de données PLANTS du USDA (Département américain de l’agriculture) et Canadensys ont été utilisées pour compléter le tableau.
Hyperaccumulatrice
Phytovolatilisation
En milieu riverain
Phytostabilisation
Plante aquatique
Phytoextraction
Plante terrestre
Forte biomasse
Rhizofiltration
Eau saumâtre
Disponibilité
Herbacée
Indigène
Arbuste
Arbre
Hyperaccumulatrice
Phytovolatilisation
En milieu riverain
Phytostabilisation
Plante aquatique
Phytoextraction
Plante terrestre
Forte biomasse
Rhizofiltration
Eau saumâtre
Disponibilité
Herbacée
Indigène
Arbuste
Arbre
Hyperaccumulatrice
Phytovolatilisation
En milieu riverain
Phytostabilisation
Plante aquatique
Phytoextraction
Plante terrestre
Forte biomasse
Rhizofiltration
Eau saumâtre
Disponibilité
Herbacée
Indigène
Arbuste
Arbre
Hyperaccumulatrice
Phytovolatilisation
En milieu riverain
Phytostabilisation
Plante aquatique
Phytoextraction
Plante terrestre
Forte biomasse
Rhizofiltration
Eau saumâtre
Disponibilité
Herbacée
Indigène
Arbuste
Arbre