Champollion - Panthéon Égyptien, Collection Des Personnages Mythologiques de L'ancienne Égypte
Champollion - Panthéon Égyptien, Collection Des Personnages Mythologiques de L'ancienne Égypte
Champollion - Panthéon Égyptien, Collection Des Personnages Mythologiques de L'ancienne Égypte
COLLECTION
DE L'ANCIENNE ÉGYPTE,
A PARIS,
M DCCC XXIII.
AN
PANTHÉON ÉGYPTIEN.
A TETE HUMAINE.
C<e dieu, de forme humaine, est ici représenté assis sur un trône,
comme le sont pour l'ordinaire toutes les grandes divinités de l'Egypte.
Sa carnation est bleue, couleur propre à ce personnage; sa barbe est figu
rée par une appendice noire qui caractérise les divinités mâles; et dans
les cercueils de momie, cette même appendice indique toujours une momie
d'homme; le dieu tient dans sa main gauche un sceptre terminé par la
tête de cet oiseau qu'Horapollon nomme Koucoupha, sceptre commun
à toutes les divinités mâles du Panthéon Egyptien , et qui était le sym
bole de la bienfaisance des dieux; dans sa main droite est la croix ansée,
symbole de la vie divine; sa tête est ornée d'une coiffure royale, sur
montée de deux grandes plumes peintes de diverses couleurs; de la
partie postérieure de sa coiffure, descend une longue bandelette bleue;
son col est orné d'un collier, parfois très-richement décoré; sa tunique,
d'abord soutenue au-dessous du sein, au moyen de deux bretelles, est
fixée vers les hanches par une ceinture bleue; des bracelets ornent le
haut de ses bras, et souvent aussi la naissance du poignet.
On reconnaît ici le Démiurge Egyptien , le dieu créateur du monde ,
décrit trait pour trait, par Eusèbe, dans sa Préparation évangélique.
Les trois premiers caractères de la légende hiéroglyphique placée
devant l'image du dieu , forment son nom propre ordinaire , et se lisent
3y.JUK (Amen ou A'mon); les deux signes suivants font souvent partie de
ce même nom, qui se lit alors 3)uuiîtpK {Amonré, Amonri ou Amonra).
C'est ce nom divin que les Grecs ont écrit A^wv, A[iouv et A(*(*ci>v, en
considérant cette divinité Égyptienne comme identique avec leur Zeuç , le
Jupiter des Latins.
Dans la théologie Égyptienne, Amon, dont le nom signifiait occulte
ou caché, suivant l'égyptien Manéthon , était le premier et le chef des
dieux (i), l'esprit qui pénètre toutes choses (2), l'esprit créateur procé
dant à la génération et à la mise en lumière des choses cachées (3).
La légende hiéroglyphique qui accompagne ordinairement les repré
sentations de cet être divin, est celle que porte notre gravure, et qui
signifie, dans son entier, Amon-ré, seigneur des trois régions du monde,
seigneur suprême ou céleste.
Amon ou Amonré fut la principale divinité des Éthiopiens, des Egyp
tiens, et des peuples de race Ethiopienne ou Egyptienne, qui habitèrent
la Libye aux plus anciennes époques; les siéges principaux de son culte
furent Méroé, en Ethiopie; l'Oasis de Syouah, dans la Libye; et, en
Egypte, Thèbes, la première capitale de l'empire. Les images du dieu
Amon couvrent les magnifiques monuments de cette ancienne cité , qui ,
dans la théologie Egyptienne, s'appelait même la ville d'Amon, nom
que les Grecs ont assez fidèlement traduit en leur langue par Diospolis,
la ville de Zeus ou de Jupiter. C'est à Amon ou Amonré que sont, en
effet, dédiés les principaux édifices religieux de Thèbes. Son image
occupe le pyramidion ou le sommet des plus grands obélisques Egyp
tiens , tels que ceux de Louqsor et de Karnac , et le haut de ces superbes
monolithes, ouvrages des anciens Pharaons, que les Romains transpor
tèrent dans leur ville , dont ils sont devenus les plus beaux ornements ;
les bas-reliefs, qui décorent les murs intérieurs ou extérieurs et les
colonnes des temples et des palais de Thèbes, nous montrent le grand
dieu Amon recevant les prières et les offrandes des rois; les Pharaons
présentés à cette divinité suprême par le dieu Phré (le soleil), ou bien
par le dieu Mars Égyptien et le dieu Phré ; Amon donnant aux héros
du pays le signe de la vie divine, en les élevant ainsi au rang des
dieux; les rois vainqueurs conduisant les prisonniers au pied du trône
du dieu, pour lui en faire hommage; enfin, dans leurs légendes, les
Pharaons prirent les titres d'enfant d'Amon, de chéri d'Amon roi des
dieux , et ài approuvé par Amon.
(1) Plut- de Iside et Osiride. — (2) Porphyr. de Abstin. lib. II. — (3) Hérodote,
liv. II , S- 65.
2 . bis.
des Dieux, Amon ou Amon-ra, le Jupiter- A m mon des Grecs. On le
nourrissait principalement dans les sanctuaires de Thèbes et de Saïs (i);
car l'une de ces villes était consacrée à Amnion , et l'autre à Nèith, la
première émanation d'Ammon , déesse qui, selon toute apparence , était
aussi figurée, comme son père, avec une tête de Bélier, ainsi qu'on la
trouve sur les bas-reliefs des temples de la Nubie, publiés par M. Gau (2) ;
mais malheureusement il n'a point dessiné les légendes hiéroglyphiques
de cette déesse criocèphale. Les médailles des Nomes Diopolite , Hypsé-
ute, Xoïte et Maréote prouvent aussi que le Bélier fut l'animal sacré
de ces préfectures égyptiennes.
Un nombre immense de monuments nous offrent la représentation du
Bélier, symbole d'Ammon. La figure coloriée de cet animal , gravée dans
notre planche, se trouve sur une momie du cabinet de M. Durand, mo
mie qui, comme la plupart de celles qu'on rapporte de Thèbes, offre la
représentation de cet emblême vivant d'Ammon , Dieu éponyme de cette
ville. Le Bélier sacré , paré d'un collier et d'une belle housse , est de
bout sur un autel dans un naos ou chapelle richement décorée. Sa tête
est ornée du disque et des deux longues plumes de couleurs variées, qui
surmontent la coiffure du Dieu Ammon lui-même, soit androcéphale ,
soit criocéphale (3). L'espèce de grand éventail qui, dans les bas-reliefs
historiques, n'est porté qu'à la suite des Dieux ou des Rois, est placé à
côté du Bélier d'Amon-ré, sur une petite stèle égyptienne qin représente
cet animal sacré, debout sur un autel, et adoré par un Égyptien qui lui
présente des offrandes. Cette stèle , trouvée en Egypte par M. Thédenat ,
est maintenant en ma possession.
Le Bélier sacré n'étant qu'une image symbolique d'Ammon, reçoit le
même nom et les mêmes titres que le Dieu lui-même; la légende Amon-
ré, roi des Dieux , retracée sur notre planche , accompagne le Bélier
sculpté sur ma petite stèle. Dans une des stèles du comte de Belmore ,
l'animal sacré porte celle AAmon-ré , seigneur des régions du monde (4).
Enfin , un nombre très-considérable de scarabées et de petites amulettes
de terre emaillée, présentent l'image du Bélier, soit debout, soit
accroupi , mais toujours décoré du nom ou des titres honorifiques du
Dieu Amon-ré , dont il n'est que le symbole.
C'est parmi les riches de'corations d'un cercueil de momie, faisant partie
du Musée royal égyptien de Turin, que nous avons trouvé la divinité
représentée sur cette planche. Les insignes qui surmontent sa coiffure,
une sorte de vase flanqué de deux plumes d'autruche vertes, les cornes
de bouc surmontées du disque, et deux urseus, furent, comme on le verra
dans la suite, communs à plusieurs divinités égyptiennes; le trait carac
téristique de cette image sacrée consiste dans les quatre têtes de bélier,
dont deux sont tournées vers la droite, et les deux autres vers la gauche.
La coiffure bleue qui est censée les recouvrir, prend ici une forme toute
particulière. Le corps du dieu, qui tient dans ses mains le sceptre de la
bienfaisance et l'emblème de la vie, est tout entier de couleur verte, et
l'inscription hiéroglyphique Aiiu-pH mhb (u) me Amon-Ra seigneur du
ciel, nous apprend que cette singulière image se rapporte à la plus grande
des divinités de l'Egypte.
On trouve que cet Amon à quatre tétes de bélier est reproduit sur des
monuments de divers genres. Il est sculpté sur la poitrine du Torse égyp
tien du Musée Borgia (1), fragment de statue du plus beau travail et d'un
haut intérêt, puisqu'il est couvert d'une foule d'images, en pied, de divi
nités égyptiennes, accompagnées pour la plupart de légendes explicatives.
Le dieu Amon est représenté assis, tenant les sceptres d'incitateur et de
modérateur, au milieu d'un disque soutenu par les bras élevés, sym
bole de la supplication et des offrandes : quatre ailes partant des épaules
du dieu rapprochent cette image de celle d'Amon-Ra Panthée, publiée
dans notre planche 5.
On reconnaît encore cette image sur un genre particulier de monuments
funéraires que nous avons nommés hypocéphales, parce qu'ils sont souvent
placés sous la téte des momies humaines. Ce sont des disques, soit en
bronze, soit en cartonnage de toile (2), gravés ou peints, et couverts de
tableaux symboliques accompagnés de légendes. Amon à quatre têtes de
bélier assis, et tenant les deux sceptres déja indiqués, en occupe toujours
le centre. Les scènes emblématiques dont ces hypocéphales sont couverts,
sont toutes relatives à la cosmographie religieuse; par leur forme, ces
(1) Aujourd'hui au Musée des Studj, à Naples.
(2) Le Musée royal du Louvre en possède six sous les n°» P. 22 à 27.
2 ter.
monuments rappellent celle du monde matériel; et la place du grand-être
cosmogonique duquel tout a procédé, était naturellement marquée au
centre même de cette composition symbolique.
Il resterait à remonter au sens caché des quatre tétes de bélier qui carac
térisent cette forme d'Amon-Ra; et les monuments nous satisfont plei
nement à cet égard.
Dans les textes égyptiens, en écriture sacrée, le bélier est très-fréquemment
employé à la place de Yoiseau à téte humaine , et d'un oiseau de la classe
des échassiers , tout-à-fait semblable à la grue. Ces trois caractères expriment
l'idée générale ame ou esprit; mais chacun d'eux présente cette idée avec
une nuance particulière : le bélier désigne une ame ou un esprit divin du
premier ordre; la grue une ame divine dans la quiétude, et l'oiseau a tête
humaine, une ame humaine , unie au corps ou qui en a été séparée; ces
trois caractères symboliques sont alors accompagnés de l'image d'un
encensoir, lequel est, soit la lettre b, initiale du mot bai, qui, suivant
Horapollon (i), signifiait ame en langue égyptienne, soit l'emblème de
l'adoration et du respect que méritent ces essences divines. Enfin les
divinités considérées comme Yame ou Yesprit directeur de l'univers, ou
de l'une de ses subdivisions, sont toujours représentées avec une téte de
bélier (2). Les quatre têtes de cet animal, que porte l'image d'Amon-Ra,
nous présentent donc ce dieu comme réunissant en lui-même les quatre
ames ou esprits principaux qui régissent le monde.
Cette conclusion, tirée de faits généraux, est clairement confirmée par
l'autorité irréfragable des monuments. Le zodiaque circulaire de Dendéra
nous montre, en effet, dans la bande inférieure, celle qui représente les
trente-six décans, quatre têtes de bélier groupées et surmontées du disque
soutenu par deux cornes : c'est l'image du second décan des Poissons ;
la petite légende qui la surmonte signifie simplement Yétoile ou la con
stellation des esprits ou des ames , et ce décan est situé entre le midi et
Vorient, la région particulière d'Amon-Chnouphis. La même légende se
lit également au-dessus du même décan, représenté, comme l'Amon-Ra,
gravé sur notre planche, par un homme à quatre tétes de bélier, sur l'un
des tableaux astronomiques (3) , copiés dans les temples de l'Egypte : enfin
un bas-relief du temple d'Esné va nous apprendre quels" sont les quatre
esprits représentés par cette image symbolique, lesquels étaient censés
réunis dans Ammon-Ra, dont chacun d'eux n'était qu'une émanation.
(1) Livre IIe hiérogl. , 140.
(2) Voir nos planches 2, 3, et leur explication.
(3) Description de l'Egypte, A., vol. I. Etlfou.
AMON-RA.
3. a.
les Grecs traduisirent-ils son nom par BaciXwxo;, mot dérivé de Ba<iiXeù«,
Roi, comme le nom égyptien lui-même.
1^ Serpent du Bon Génie, symbole de Cnouphis l'Ame du Monde,
est figuré sur les monuments égyptiens, soit seul, soit accompagnant le
Dieu même. Il nous a été facile de le reconnaître par le moyen d'une
scène mythique, peinte dans divers manuscrits et sur les cercueils de
plusieurs momies. Le Dieu Ammon- Cnouphis , qui occupe dans toutes
les copies de cette scène un rang distingué , y est représenté tantôt avec
un corps d'Homme à téte de Bélier, tantôt sous la forme d'un énorme
Serpent monté sur des jambes humaines; et, dans un beau manuscrit du
Cabinet du Roi (i), on lit, à côté du Serpent, l'inscription ( n° i de notre
planche), Dieu Grand, Seigneur suprême, ou Seigneur de la Région
supérieure ( PÉTPE ) , qui est la légende habituelle d' Ammon- Cnouphis ,
et qu'on retrouve à côté de cette divinité à téte de Bélier, sur ce même
manuscrit, et à peu de distance de la scène où le Dieu se montre sous
la forme d'un Serpent.
Ce reptile, emblème du Bon Génie, le véritable Serpent Agathodœ-
mon , est souvent barbu, comme sur notre planche; on le retrouve éga
lement barbu au revers de plusieurs médailles de Néron, frappées en
Egypte; médailles dans lesquelles, circonstance fort remarquable, cet
empereur porte le titre <le Nouvel Agathodcvmon , NEOArA0OAAIM£2>i ,
gravé autour du Serpent lui-même. L'inscription grecque du Sphinx
donne aussi à ce même prince le titre : Ô Àya86ç A«{[Awv ty-? otxoujAsv7iç , le
Bon Génie (l'Agathodeemon) de l'Univers.
Il est rare de voir sur les grands monuments, comme sur les papyrus,
une image d' Ammon- Cnouphis , monté sur sa barque symbolique, sans
y retrouver aussi le Serpent Agathodœmon , son emblême, qui recouvre
le Dieu sous les vastes replis de son corps. Cet animal sacré est figuré
sur un très-grand nombre de pierres gravées, dites Gnostiques ou Ba-
silidiennes. Le Serpent y porte des têtes variées; mais il est constam
ment accompagné de son nom égyptien transcrit sous les formes grec
ques, XNOVBIC, XNOV*IC et XNOVMIC.
(1) Diodore de Sicile, Hist. Bibliotb. liv. I , p. 12, D. Edit. llhodoman. — (2) Idem,
lbid. — (3) Théophraste, voyez Porphyre , <a?e Abstinentiâ , lib. II, §. 5. — (4) Hermès,
Dialogue intitulé Asclepius. — (5) Décret des habitans de Busiris , voyez Rechercfies pour
servir à l'Histoire de l'Egypte, par M. Letronne , p. 392 , 397. — (6) Foyez Jablonsky,
Panthéon sEgyptiorum, lib. IV, cap. 1. — (7) Pind., Pyth. IV; Parmenon de Byzance,
apud Athen. V , p. 2o3 , c.
3. ter.
Cette antique assimilation du Nil avec le Jupiter-Égyptien, Ammon-
Cnouphis, explique d'abord quelques passages des écrivains Grecs et
Latins sur la religion de l'Egypte, et nous donne ensuite l'intelligence
d'une foule de monuments.
On comprend alors, par exemple, pourquoi Cicéron affirme que
Phtha uo le Vulcain-Égyptien , l'Hercule-Égyptien et la Minerve-Égyp
tienne, sont fils du Nil (i), tandis que tous les autres auteurs les donnent
pour les enfants du Jupiter-Egyptien ou Ammon-Cnouphis. C'est dans le
même sens que Diodore nous dit que tous les Dieux Égyptiens tiraient
leur Origine du Nil, NeîXov irpôç w xai -ràç -rûiv Ôewv yevéaeiç ûmxpcjai (2); c'est
enfin parce qu'il était l'image terrestre du Démiurge Égyptien, Cnou-
phis , que le Nil reçut les beaux titres de Sauveur de la région d'en
haut , de Père et de Démiurge de la région d'en bas (3).
Le grand Démiurge égyptien Cnouphis , considéré comme le Nil
céleste et comme la source et le régulateur du Nil terrestre , est très-
souvent figuré dans les bas - reliefs des temples , sur les cercueils et
les diverses enveloppes des momies. Ses images ne diffèrent point
très -essentiellement de celle que nous donnons ici sous le n° 3 ter. Par
tout il se montre avec sa tête de Bélier et ses chairs de couleur verte,
quelquefois aussi de couleur bleue. On le distingue uniquement à sa lé
gende et à quelques attributs particuliers.
Les inscriptions qui l'accompagnent ne contiennent point alors son
nom propre Nef, Nouf ou Noum ; elles renferment un simple surnom
dont nous avons réuni toutes les variantes sur notre 2e planche 3 ter,
n°» i , 2 et 3. Ces groupes sont composés du caractère symbolique ou
symbolico-figuratif Dieu, et des deux signes phonétiques qui forment
le mot UN ou *N, qui se rapporte aux racines égyptiennes ou coptes
IIQN ou 4>QN, IIEN ou $EN ,fundere , effundere , mots primitifs d'où dé
rivent aussi les racines redoublées $ONIIEN et *EN*12N , superfluere , re-
dundare. Il est évident que les groupes hiéroglyphiques précités signi-
(i) Cicéhon, de Naturâ Deorum, lib. III, §. 16, 21 et 22. — (2) Diodore de Sicile,
Hist. Bibl. , lib. I, p. 12.
(3) Tilt (Atv avw cwTïipa, ttiç xaTW 8i xai iraTÉpa xsù Aïijuoupyàv. Hbliodore,
Mthiopicorum, lib. IX, p. 444» c. 20, Edit. de J. Comelin.
fient Deus eff'undens , ou De.us ejfusus , selon que nous lirons Noute-
Phon ou IVoute-Pnèx, en suppléant la voyelle omise, comme à l'ordi
naire, dans la transcription hiéroglyphique de ces mots. Quoi qu'il en
soit , l'une et l'autre de ces qualifications conviennent parfaitement à
Chnouphis considéré soit comme l'auteur du Nil, soit comme le Nil lui-
même.
Le sens de cette légende est d'ailleurs, pour ainsi dire, développé et
expliqué par l'image de Cnquphis-Nilus , reproduite sur notre ire plan
(1) Eusèbe, Préparât, évangéliq. , liv. III, chap. l2. — (a) Voyez supra, planche 3.
— (3) Descript. de l'Egypte, Antiqu. vol. II , pl. 34, n" 1. — (4) Idem, v. I, pl. 37, n° 2.
3 ter. *
Ce groupe de trois vases était le symbole du plus grand des bienfaits
du Démiurge, et du fleuve son image terrestre, envers la terre d'E
gypte. «Les Egyptiens, dit Horapollon, pour exprimer Yinondation du
« Nii , appelée Noun en langue égyptienne, peignaient trois grands
« vases fTpïîç vèfiat [AeyâAaç ). Le premier de ces vases représente l'eau
« que l'Egypte produit d'elle-même; le second, celle qui vient de l'O-
« céan en Egypte, au temps de l'inondation, et le troisième, les eaux des
« pluies qui, à l'époque de la crue du Nil, tombent dans les parties
« méridionales de l'Ethiopie (i). »
Ce passage important d'Horapollon nous dévoile en même temps le
sens de l'un des titres les plus habituels de Cnouphis , celui de Seigneur
de V Inondation , titre dont on peut voir les variantes hiéroglyphiques ,
ire planche 3 ter, n°' 3, 4, 5 et 6.
Ainsi, il est évident qu'Ammon-Cnouphis fut, sous certains rapports,
identifié avec le Nil, et que ce personnage mythique est le Jupiter Nilus,
le Dieu Nil, mentionné par les Grecs. Cela explique aussi pourquoi
Cnouphis est le premier et le plus grand des Dieux adorés aux Cata
ractes (2), lieu où le fleuve sacré, se faisant un passage à travers les
rocs de granit, entre sur la terre d'Egypte pour y porter la vie et l'a
bondance.
Cnouphis-Nilus est représenté sous une forme humaine avec une tête
de Bélier à cornes de Bouc , soit dans les bas-reliefs des temples , soit
sur la plupart des cercueils de momies, et principalement parmi les
sculptures des sarcophages de granit ou d'albâtre trouvés à Thèbes ou
à Memphis. Les corues de Bouc sont quelquefois surmontées du disque;
souvent aussi le Dieu est placé sur une barque; il est accompagne de
l'une des légendes hiéroglyphiques Deus ejfundens ou Deus effusus,
Deus magnus effusus, ou enfin de la légende gravée ire planche 3 fer,
n° i , Vmdex Mgypti Deus magnus effusus.
Les mêmes légendes se trouvent tout aussi souvent inscrites à côté d'un
scarabée ayant deux grandes ailes déployées, mais dont la tête, celle
d'un Bélier de couleur verte , est surmontée de deux cornes de Bouc
portant un disque flanqué de deux uraeus ornés de la croix ansée. Ce
scarabée est donc l'image symbolique du Dieu Cnouphis-Nilus ; la tête
de Bélier indique la suprématie du Dieu ; sa qualité de père et sa faculté
éminemment génératrice sont exprimées par le Scarabée et les cornes
de Bouc ; les autres signes, communs à plusieurs Dieux , sont l'expression
tropique de la royauté et de la vie, qualités inhérentes aux essences
divines.
Cette image emblématique de Cnouphis-Nilus (2e pl. 3 ter) , a été cal
quée sur une momie de la riche collection de M. Durand.
(1) Horapollon , Hiéroglyp., lib. I , §. 21 , pag. 36 et 38, Édit. de Pauw. — (2) Voyez
Recherches pour servira l'Histoire d'Egypte , par M. Letronne, pag. 367, 368, etc.
AMON-GÉNÉRATEUR, MENDÈS;
(pan, priape.)
L'image du dieu figuré dans cette planche, est très-multipliée sur les
édifices religieux de Thèbes et du reste de l'Égypte. Elle occupe le sanc-
_ tuaire de Karnac , le plus magnifique des monuments de l'ancienne ca
pitale; les hommages et les adorations dont cette image est l'objet,
prouvent qu'elle représente une des plus grandes divinités Égyptiennes.
Ses chairs sont de couleur bleue , et sa coiffure est surmontée de deux
longues plumes peintes de diverses couleurs, comme celle du dieu Amon-
/fr'(pl. i.); une longue bandelette ( i ) s'échappe de cette même coiffure
et pend jusques aux pieds de l'une et de l'autre divinité; et ces simili
tudes se trouvent complétées par la ressemblance de leurs légendes hié
roglyphiques ; celle (n° i) du dieu qui fait le sujet de cet article, signifie,
le dieu Amon (3bA*-î\ KOtlE. ) seigneur des régions du monde, et ne
diffère de celle du Démiurge Amon-Râ ou Amon -Ré (pl. i.), que
par l'absence de la dernière syllabe RA.
Les planches numérotées i et 4 » offrent donc la représentation d'une
seule et même divinité, Amon , Amen, Amoun ou Ammon , considérée
sous deux points de vue différents. Le Démiurge , la Lumière éternelle ,
l'Être premier qui mit en lumière la force des causes cachées, se nomma
Amon-Ra ou Amon-Rê (Amon-Soleil.) , (pl. i, 2, et 5. ); et ce créateur
premier, l'esprit démiurgique, procédant à la génération des êtres, s'ap
pela Amon, et plus particulièrement Mendès : cette planche représente
le Démiurge générateur, caractérisé d'une manière spéciale, et qui ne
permet aucune incertitude.
Etienne de Byzance (2) parle en ces termes de la statue du dieu qu'on
adorait à Panopolis : « Là, existe, dit-il, un grand simulacre du dieu,
(1) Consulter, sur l'usage de ce cordon ou bandelette, Hérodote, liv. II, S- 48, et la
planche 11 de la Description de l'Egypte, Ant. , vol. II.
(2) De Urbibus, au mot Ilavciç Tzôki;.
4-
« habens veretrum erectum. Il tient de la main droite un fouet pour sti-
« muler la Lune; on dit que cette image est celle de Pan. » C'est là une
description exacte et très-détaillée de l'Ammon - Générateur , figuré sur
notre planche.
On voit donc ici l'image de la grande divinité que les Grecs confon
dirent avec leur Pan, parce que les Égyptiens avaient choisi pour son
emblême le bouc(i), animal qui, d'après Horapollon (2) , était le sym
bole de la génération et de la fécondité. Ce bouc sacré , nourri dans une
des principales villes de la Basse-Egypte, portait le nom de Mendes, qu'on
a attribué également au dieu lui-même (3).
Arnon-Mendès , ou l'esprit générateur de l'Univers, était censé sti
muler la Lune avec le fouet placé dans sa main, parce que, d'après
la doctrine Egyptienne, le dieu Lune répandait et disséminait dans les
airs les germes de la génération des êtres (4) , et présidait aux ames qui
devaient successivement leur communiquer le mouvement et la vie. Des
chapelles d'Amon-Géncrateur, le Pan Egyptien, existaient dans toutes
les parties de l'Egypte, et les membres de la caste sacerdotale étaient
d'abord initiés à ses mystères (5).
Les grands monuments de l'Egypte offrent de très-nombreux bas-
reliefs dans lesquels les rois, de toutes les époques, sont figurés pré
sentant leurs vœux et leurs offrandes à Amon-Générateur; à Médinet-
Àbou, par exemple, on voit successivement le Pharaon Ramsès-Mei-
Amoun se rendre en palanquin au temple du Dieu , accompagner à pied
sa statue portée par vingt-quatre prêtres, et, la ramenant dans le temple,
lui faire hommage des prémices de la moisson.
La légende marquée (n°2) sur la planche est le nom du Dieu exprimé
en caractères symboliques. Le n° 3 est la forme hiératique de la légende
n° i.
6.
leurs idées , fut le symbole fixe , et du sexeféminin , et de la maternité ( i ).
Cet emblême se rapportait parfaitement à la déesse Nèith , le principe
femelle de l'univers, à la déesse mère de tous les êtres créés.
Les monuments Egyptiens nous montrent Nèith debout , ou assise sur
un trône , à côté d'Amon-Ré , le premier principe mâle. La déesse, dont les
chairs sont parfois peintes en bleu comme celles de son époux, mais
plus ordinairement en jaune , comme toutes les femmes figurées sur les
bas-reliefs Egyptiens, a pour coiffure un vautour, les ailes déployées,
oiseau qui lui était spécialement consacré. Il est surmonté du Pschent,
coiffure royale, emblême de la toute - puissance. La tunique, formée
de plumes, est soutenue par des bretelles qui passent sous un riche
collier. Quatre bracelets ornent les bras de la déesse; les parties infé
rieures de son corps sont recouvertes par les replis de deux grandes ailes
de vautour. L'emblême de la vie divine est dans sa main droite; la
gauche porte le sceptre terminé parles fleurs de lotus épanouies, sceptre
commun à toutes les déesses Egyptiennes.
La légende ordinaire de Nèith est celle qui accompagne son image
dans notre planche. Son nom est formé du segment de sphère, T, article
féminin de la langue Egyptienne, et encore du vautour, emblême et pre
mière lettre du mot Mère (Mou ou Mout), en écriture hiéroglyphique.
Cette légende abrégée se lit took îih£i jÙ-uthe, et signifie : La mère,
dame de la région supérieure. Les monuments sont donc parfaitement
d'accord avec Horapollon, qui dit formellement aussi (2) que les Egyp
tiens voulant écrire Athène (Nèith), peignaient un vautour, et, de plus,
que cette déesse présidait à Yhémisphère supérieur du ciel.
Comme protectrice des guerriers , Nèith se montre sur les bas-reliefs'
de Thèbes , recevant l'hommage des rois conquérants , qui conduisent à
ses pieds les étrangers vaincus. C'est devant les images colossales de
Nèith que les rois vainqueurs , sculptés sur les pylones des grands édi
fices, semblent frapper un groupe confus de prisonniers élevant leurs
bras suppliants ; c'est enfin le vautour de Nèith, portant dans ses serres
l'emblême de la victoire, qui plane au-dessus de la tête des héros Égyp
tiens, pendant le combat, et après la victoire, comme dans la cérémonie
de leur triomphe.
(1) Le grand rituel hieroglyphique du Cabinet du Roi à Paris est incomplet : il con
tient seulement la 2e partie de ce livre mortuaire.
(2) Figuré sur notre planche 5. — Rit. funéraire, IIIe partie, sect. III, formule 20.
(3) Rituelfunéraire, IIIe partie, sect. III, formule 20.
(4) Rit.funèr. , id. , id.
(5) Rituelfunéraire, IIIe partie, sect. III , formule 19.
(6) Planche 6 quater, n° 1 .
(7) La troisième tête de la déesse , celle de vautour, est coiffée de la portion inférieure
du Pschent dans notre planche 6 ter, extraite du rituel funéraire rapporté par Belzoni ;
mais le rituel de Turin la montre coiffée des deux palmes , conformément au texte
hiéroglyphique.
NÈITH GÉNÉRATRICE.
Selon les débris de la doctrine Égyptienne, épars dans les écrits des
derniers Platoniciens et dans les livres Hermétiques, la déesse Nèith,
ou la Minerve Egyptienne , ne formait qu'un seul tout avee le Démiurge
Amoun, à l'époque même qui précéda la création des ames et celle du
monde physique. C'est en la considérant dans cet état d'absorption
en l'Être premier, que les Égyptiens qualifièrent Nèith de divinité à
la fois mâle et femelle. Le monde étant composé de parties mâles et de
parties femelles (i), il fallait bien que leurs principes existassent dans
le dieu qui en fut l'auteur. Aussi, lorsque le moment de créer les ames
et le monde arriva, Dieu, suivant les Égyptiens, sourit, ordonna que la
nature fut , et, à l'instant, il procéda de sa voix un e'tre femelle par
faitement beau (c'était la nature, le principe femelle, Nèith.), et le Père
de toutes choses la rendit féconde (2). On retrouve dans cette naissance
de Nèith , émanation d'Ammon, la naissance môme de l' Athène des
Grecs, sortie du cerveau de Zeus.
Notre planche représente Nèith, nulle et femelle, la déesse ApcevoG-^'j;
d'Horapollon (3). La tête centrale de femme est celle même de la déesse
(voyez pl. n° 6. ), surmontée de la coiffure Pschent, emblême de la
domination sur les régions supérieures et inférieures ; la tête de gauche
est celle d'un vautour, symbole de la maternité et du principe femelle ;
et celle de droite, qui est une tête de lion, caractérise la force. Proclus
nous apprend, en effet, que Nèith était regardée par les Égyptiens,
comme la force de la nature qui meut tout (4). La déesse étend ses bras
auxquels sont attachées deux ailes immenses , ce qui caractérise parfai
tement encore la Minerve Égyptienne, qui, selon Athénagore, était un
(1) Jîlian. de Natura animal, lib. II, cap. 46. — Hohapollo, hiéroglyph. hb. I, §. 1 1.
(2) Idem. Ibidem.
(3) Hohapollo , lib. I , §. 11, pag. 22. Édit. de Pauw.
(4) Voyez la planche, légende N0' 1 et 2. — Et supra pl. 6 et 6 ter, ainsi que leur
xplication.
6 quater.
l'image de ce même oiseau est devenue, pour cela même, le signe de
l'idée mère dans l'écriture hiéroglyphique.
D'un autre côté, Néith ou l'Athène égyptienne fut aussi, comme celle
des Grecs, la protectrice des guerriers. Sous ce second rapport, le vau
tour devait encore devenir son symbole, puisque, suivant les Égyptiens,
cet oiseau de proie, doué d'une certaine prescience, marquait sept
jours à l'avance et circonscrivait même le lieu qui devait servir de champ
de bataille à deux armées; il faisait face pendant le combat à l'armée
qui devait éprouver la plus grande perte. Aussi les anciens rois d'Egypte
envoyaient-ils, dit-on, avant d'en venir aux mains, des explorateurs
pour observer de quel côté se tournaient les vautours fatidiques (i).
Les plus anciens Grecs paraissent avoir eu des préjugés semblables.
Hérodote de Pont dit , du moins , qu'Hercule était ravi quand un vau
tour se montrait à lui au commencement d'une expédition militaire (2).
Le symbole de Néith, déesse dispensatrice de la victoire, le vautour,
la tête ornée de diverses coiffures, les ailes éployées et tenant dans ses
serres des insignes de la Victoire, est toujours figuré, sur les bas-reliefs
des temples , planant au - dessus de la tête des souverains de l'Egypte
faisant des offrandes aux dieux ou conduisant à leurs pieds des ennemis
vaincus (3); ailleurs, il ombrage de ses ailes le Pharaon Thouthmosis
que reçoivent dans leurs bras la déesse Néith, le dieu Amonra (4) , et le
Pharaon Ramsès-Meiamoun , grand-père de Sésostris , soit dans ses com
bats , soit dans la pompe de son triomphe , représentés sur les bas-reliefs
du palais de Medinetabou à Thèbes (5); enfin, le plafond de la porte
triomphale du sud à Karnac est orné de i8 vautours, portant l'emblème
de la Victoire (6) , et semblables à celui qui est figuré sur notre planche 6
quater, tiré des bas-reliefs du tombeau royal découvert par Belzoni.
(1) La plupart des légendes hiéroglyphiques sculptées sur les édifices les plus récents
de Calabsché , se rapportent à cet empereur.
(2) Voyez les planches numérotées 28 , 28 a , 28 b et leur explication.
(3) Voyez la planche 6 et son explication.
(4) Dans son Commentaire sur le Timée.
(5) HÉRODOTE, liv. II, § XLII. — StrABON, liv. XVII, tiquai SaÎrixi irpo'garo* xal etiêofrai.
— Clément d'Alexandrie, Admonitio ad gentes, pag. 25, B et C.—Théodoret, Sermo 111 ,
page 584.
NÉITH MOTRICE ET CONSERVATRICE.
(athénè, minerve.)
Les bas-reliefs sculptés sur les édifices religieux de l'Egypte, nous offrent
assez fréquemment la représentation d'une déesse, caractérisée surtout
par une grande feuille qui s'élève au-dessus de sa coiffure. Cette divinité
reçoit diverses offrandes à la suite d'Amon-Cnouphis, à tête de bélier (i);
elle est aussi figurée donnant la main au dieu Amon-Ré, sur un autel
que soutient une belle statue Egyptienne de la riche collection de M. Du
rand. Le nom hiéroglyphique de cette même déesse est toujours composé
de trois caractères qui, répondant aux lettres coptes Cth, doivent se
prononcer Saté ou Sati. Il est évident que , dans les mythes Égyptiens ,
la déesse Sati eut des rapports intimes avec Amon-Cnouphis ou Amon-
Ré, le dieu suprême.
Cette déduction est changée en certitude par une inscription grecque
du temps de Ptolémée Evergète II, gravée sur une stèle trouvée à Séhhélé,
île située entre Éléphantine et Philae (2). On y lit en effet que la divinité
locale , assimilée par les Grecs à leur Héra ( la Junon des Latins ) , porta
en langue Egyptienne le nom de Satis, ou plutôt de Sati, en faisant abs
traction de la finale grecque 2. Dans cette même inscription , Hera-Satés ,
ou Junon -Satis, est nommée immédiatement après Ammon-Chnoubis.
D'autre part, une inscription latine, copiée par l'infatigable Belzoni (3)
dans les carrières de Syène, nous apprend que l'autel qui la porte est
dédié à Jupiter-Ammon-Chrwbis et à Junori-Reine , divinités protectrices
de ces montagnes. Il est donc certain que Sati fut la Junon égyptienne ,
la compagne d'Amon- C houphis que les Grecs assimilèrent à leur Zeus.,
et les Romains à leur Jupiter.
7-
Sur notre planche n° 7 , cette déesse est figurée assise sur son trône ,
la tête couverte de la coiffure ordinaire des femmes Egyptiennes, mais
ceinte de bandelettes, ou plutôt du diadême. Le nu est ordinairement
peint en jaune, et quelquefois aussi en vert, comme les chairs de Cnou-
phis ; ses mains portent l'emblême de la vie divine , et le sceptre ordinaire
des déesses.
La légende, qui, sur notre planche, accompagne l'image de Sati, se
lisait, Oth TttcnrTE ^UJE HpH "THHfi. «-ne, et signifie Saté ou Sati,
déesse , fille de Ré, dame du ciel; et, comme cette légende est habituelle
ment la même partout où se montre la représentation de cette divinité ,
elle nous apprend avec certitude que Sati était fille du Soleil, dont le
nom était Ré, en langue égyptienne.
Que Saté fut l'épouse d'Amon-Cnouphis, comme l'ont supposé les
Grecs, en l'assimilant à Héra, épouse de Zens, ou qu'elle fut simplement
une Parèdre ou compagne assidue du Jupiter égyptien, c'est ce que nous
ne sommes point encore en état de décider.
Sati, YHéra Egyptienne, présidait à Yhémisphère inférieur du ciel (i),
comme Nèith à Yhémisphère supérieur; et, il est digne de remarque
sans doute, que les déesses compagnes d'Amon ou Cnouphis , le dieu
suprême, soient celles qui, selon la croyance établie, occupaient et régis
saient les deux grandes divisions de la sphère céleste.
La déesse Sati paraît enfin avoir rempli certaines fonctions dans le
monde inférieur, IA"menti ou enfer égyptien. Son image décore les portes
des superbes tombeaux des Pharaons , dans la vallée de Biban-el-Molouk ,
à Thèbes. Sur quelques manuscrits funéraires , cette divinité , portant la
légende Sati, déesse (2) , ou bien , Sati , fille du Soleil (3) , reçoit , à l'en
trée du tribunal de Y A'menti, l'ame du défunt, que lui présente une
seconde déesse , la tête également ornée d'une feuille , mais qu'il ne faut
pas confondre avec Sati, dans la plupart des manuscrits où. cette dernière
déesse ne paraît point.
7 a
vivante, stabilitrice , bienfaitrice de la région inférieure , et dominatrice,
comme le soleil, pour toujours (i). Il s'agit de savoir ce qu'il faut entendre
par cette région inférieure.
Horapollon affirme que la Junon égyptienne occupait Yhémisphère in
férieur du ciel xo xâ-rw (toQ oùpavoù) lipuaçaipiov (2). Mais le caractère qui,
sur le bas-relief précité, exprime l'idée région inférieure, caractère iden
tique, quoique d'une forme plus simple, avec celui qui occupe la partie
inférieure de notre planche 7 A. , ne me paraît point désigner d'une ma
nière spéciale ïhémisphère inférieur du ciel: j'ai acquis la certitude que
c'est là le véritable signe symbolique de la partie inférieure de la terre
d'Egypte, la région que nous connaissons sous le nom de Basse-Egypte, et
qui, dans les livres coptes, est appelée, tantôt Sampésèt-an-Kemé, c'est-
à-dire la partie inférieure de Kemé , tantôt Tsahet ou la partie septentrio
nale. J'ai été conduit à reconnaître la valeur de ce caractère, qui a passé des
anaglyphes, ou bas-reliefs allégoriques, dans l'écriture hiéroglyphique, en
analysant le texte en hiéroglyphes de l'inscription de Rosette, dans lequel
les mots du grec toï; Upeùci tûv xa-rà tyiv x"Pav "Pûv TCavriov (3), aux prétres
de tous les temples du pays, sont rendus par neuf caractères signifiant
à la lettre, aux prétres appartenant aux régions supérieures (les nomes
de la Haute-Egypte) et aux régions inférieures (les nomes de la Basse-
Egypte) (4). Les régions inférieures se trouvent exprimées par le redou
blement de ce bouquet de tiges plus ou moins nombreuses de lotus, mais
dont deux, les deux extrêmes, sont constamment brisées.
Ainsi, la planche 7 A. de notre panthéon, qui reproduit fidèlement la
plus grande partie de l'un des bas-reliefs peints dont est décorée l'entrée du
tombeau destiné à recevoir le corps du Pharaon Méiamoun-Ramsès , dans
la vallée de Biban-Elmolouk à Thèbes (5), nous offre la déesse Saté te
nant le signe de la vie divine, étendant ses ailes comme pour protéger
la légende du roi (6), et assise, à la manière égyptienne, sur le signe
symbolique de la domination surmontant le symbole de la région infé
rieure: ce bas-relief, comme un très-grand nombre de ceux qui décorent
les édifices de l'Egypte, est susceptible d'une véritable lecture, et il signifie
Saté, déesse vivante , dame de la région inférieure.
EMBLEME DU SATE.
9-
vie divine. Ses chairs sont toujours peintes en vert ; enfin , la légende
hiéroglyphique (i et 2) qui accompagne ce personnage , nous apprend que
c'est là l'image du dieu Phtha. Les trois premiers signes sont phoné
tiques, représentant les lettres coptes ITr^ ou "î^^, et se prononçaient
Ptah ou Phtah selon les dialectes (i). Les légendes 3 et 4 ne diffèrent
que par les attributs ajoutés au caractère symbolique final Dieu, qui,
par ces additions, devient purement représentatif. Le n° 5 est hiératique.
Les Égyptiens qui voulaient rattacher l'histoire de la terre à celle des
cieux , disaient que Phtha avait été le premier de leurs dynastes ; mais
que la durée de son règne ne saurait être fixée. Les Pharaons lui avaient
consacré leur ville royale, Memphis, la seconde capitale de l'empire;
ainsi, les quatre principales villes de l'Egypte, Thèbes, Memphis, Sais
et Héliopolis , étaient chacune sous la protection spéciale de l'une des
quatre grandes divinités, Amon-Cnouphis, Phtah, Nèith et Phre'. Le
magnifique temple de Phtah à Memphis, où se faisait l'inauguration des
rois, a été décrit, en partie, par Hérodote et par Strabon; les plus
illustres d'entre les Pharaons le décorèrent de portiques et de colosses.
L'être auquel on attribuait l'organisation du monde, devait néces
sairement le connaître à fond , ainsi que les lois et les conditions de
son bien-être et de son existence; aussi les prêtres Egyptiens regar
daient-ils Phtha comme l'inventeur de la philosophie (2) , bien diffé
rents, en cela, des Grecs, qui ne citaient de leur Héphaistos que des
œuvres matérielles et purement mécaniques.
Phtha est représenté sur notre planche, dans une chapelle richement
décorée; les monuments le montrent, pour l'ordinaire, renfermé dans
une construction de ce genre; ici, il est appuyé sur un grand nilo-
metre, son emblême spécial, et ce signe est celui de la stabilité.
(1) Ce nom divin est en effet écrit IItS-^ dans les textes coptes thébains.
(2) Diogène Laerce , De vitis Philos., Proœmium.
\
PHTAH-SOKARI.
( SOCHARIS.)
Les écrivains de l'antiquité, soit Grecs soit latins, ont été jusques
ici les seuls guides pour les savants modernes qui se sont occupés des
mythes de l'ancienne Egypte. Ceux d'entre eux qui ont voulu se former
une idée exacte de cette religion, que tout concourt à présenter comme
la source d'une grande partie de la croyance des Grecs, ont recueilli
avec soin les divers passages des auteurs classiques relatifs aux diffé
rentes divinités Égyptiennes ; mais lorsqu'ils ont voulu .coordonner ces
matériaux, il n'en est résulté qu'une nomenclature assez bornée, et
une courte série de récits mystiques appliqués confusément à plusieurs
personnages différents, dont les noms, le rang, et la filiation, n'ont
d'ailleurs entre eux aucune espèce de rapport.
Cette incohérence et la confusion qui règne dans les dires des au
teurs grecs et latins sur le culte de l'Egypte , démontraient assez la né
cessité de suspendre toute opinion à cet égard , jusqu'à ce que de
nouvelles lumières pussent éclairer ce point si ténébreux des recherches
historiques. Les monuments seuls pouvaient les produire; et l'étude
des innombrables restes de l'art Egyptien, qui grava sur la pierre les
images des dieux, leurs noms en écriture sacrée, et très-souvent aussi
leur généalogie, doivent nécessairement devenir nos meilleurs guides.
En recueillant avec soin les faits nouveaux que présentent , avec profu
sion , ces produits de la sculpture Egyptienne , nous pouvons espérer
de saisir enfin l'ensemble et les principaux détails du systême religieux
de l'Egypte, systême immense, dont l'antiquité classique ne nous a
transmis qu'une esquisse partielle et incomplète à tous égards.
La certitude déja acquise que les légendes qui, sur les bas-reliefs et
les peintures, accompagnent les images des dieux, contiennent les
noms propres de ces mêmes dieux , et la découverte de l'écriture hié
roglyphique Phonétique (i), sont des moyens puissants qui doivent jeter
(1) Dans des légendes royales d'Épiphane, dessinées à Philae et à Thèbes, par
M. Huyot; et à Dendérah, par la commission d'Egypte.
(2) Horapollon, liv. I, n° 10.
TORÉ, THORE, ou THO.
La plupart des auteurs grecs ou latins, et, à leur exemple, les savants mo
dernes qui ont écrit sur la religion égyptienne, affirment, par cela seul que
la Lune était une Déesse dans la Mythologie grecque et romaine, qu'il en était
de même chez les anciens Égyptiens; Jablonski, surtout, a prétendu prouver
l'identité d'Isis et de la Lune, et établir que l'épouse d'Osiris n'était autre chose
que la Lune personnifiée (i) : cette opinion, quoique contraire à une foule de
témoignages de l'antiquité, quoique frappée de nullité par l'autorité positive
des monuments, a prévalu toutefois, et on la trouve reproduite dans la plus
grande partie des ouvrages publiés, de notre temps, sur le culte national de
l'Égypte.
Mais selon la doctrine véritablement égyptienne, la Lune était un dieu, une
essence mâle, et, par conséquent, une divinité forcément distincte d'Isis et de
toute autre essence femelle. L'auteur, quel qu'il soit, du traité d'Isis et d'Osiris,
avance, à la vérité, que les Egyptiens regardaient la lune comme étant à la
fois mâle etfemelle (Âpoevoô7iXuv) ; mais Spartianus dit plus clairement encore
que, dans la croyance religieuse des Égyptiens, la lune était un dieu (2), ce
qu'affirme formellement Ammonius en assurant que le nom de la lune en
égyptien était un nom du genre masculin (3). Jablonsky n'a tenu aucun compte
de ces trois passages qu'il cite cependant en entier dans son Panthéon (4),
parce qu'ils contrariaient trop directement son système, qui est de ne voir
dans tous les personnages mythiques de l'Égypte , que des personnifications du
soleil, de la lune et des autres corps célestes.
- Au défaut même des témoignages que nous venons d'invoquer, il resterait
encore démontré par le mot seul qui, dans la langue égyptienne, exprimait
l'idée lune, que cet astre était considéré comme un dieu et non comme une
déesse; OOH (la lune) en dialecte thébain, et IOH en dialecte memphitique,
sont des mots masculins et que précède constamment l'article masculin P ou
PI, dans tous les textes coptes, c'est-à-dire, les textes en langue égyptienne
écrits avec des lettres grecques. Ainsi dans la religion de l'Égypte, comme
dans les mythes hindoux , la lune était une divinité mâle. Il a été facile , avec
(1) Descr. de l'Égypte. A. vol. 11, pl. i3, N° 1. Voyez notre pl. 14 a, N° 4-
t2) Idem A. vol. III, pl. 32, N° 4. — A. vol. III, pl. 67, N° 2. — A. vol. I, pl. 43,
N° iy. — Id. pl. 95 , N° 8. , en face $Ammon générateur. Voyez notre pl.
(3) Voyez notre pl. 14 a, Nos 6 et 8; et Descr. de l'Égypt. A. vol. II, pl. 36, N° 5.
(4) Idem. A. vol. II, pl. 35, N° 3.
(5) Idem. A. vol. IV, pl. 22, N° 1.
(6) Se^'vYiç Si <ju[AêoXov , to, Te ^ijtotojaov xai àjAipuwpTov. Porphyiïus apud Euseb.
Prseparat. Evangelic. lib. III, cap. i3, pag. 117, Edit. Viger.
POOH, PIIOH, IOH.
LA LUNE, LE DIEU-LUNE.
i4 d.
périeure représente le dieu Pooh assis sur un trône richement décoré;
devant lui, est un autel chargé de pains arrondis, d'un vase contenant
des mets consacrés, de diverses sortes de plantes, et d'un superbe bou
quet de lotus lié avec des bandelettes de diverses couleurs.
Les insignes du dieu ne diffèrent point essentiellement de ceux qu'il
Eorte déja sur notre planche n° \^a; la tunique seule est blanche sur le
as-relief de Turin; le disque et le croissant sont aussi peints enjaune,
et l'ornement qui retombe sur le devant du collier est d une forme bien
plus distincte. h'Urœus, ou serpent, emblême de la puissance royale,
est fixé au diadême qui ceint l'étroite coiffure du dieu , toujours de cou
leur noire.
Le nom du dieu reproduit sur notre planche est composé de quatre
caractères, non compris le signe déterminatif d'espèce Dieu, qui en
indique la fin. Le premier est un disque entièrement noir sur la stèle,
mais que j'ai retrouvé peint en jaune, ou bien strié, dans ce même
nom divin inscrit soit sur des cercueils de momies , soit dans des ma
nuscrits funéraires. D'autres circonstances , qu'il serait trop long de dé
velopper ici , me persuadent également que ce premier signe n'est qu'un
caractère figuratif, une simple représentation du disque de la Lune que
l'on peint en noir ou en jaune, et que l'on strie souvent encore, pour le
distinguer du disque du Soleil, peint en rouge dans les inscriptions co
loriées , ou figuré par un simple cercle dont l'intérieur est blanc, ou porte
seulement un point noir à son centre dans les textes en hiéroglyphes
linéaires.
Les trois derniers signes sont phonétiques , et répondent aux lettres
coptes wcor , de sorte que ce nom entier pouvait se prononcer Ooh-en-
sou , ou Ioh-en-sou , suivant les dialectes ; il exprime bien certainement
une phase particulière de la Lune , un des états du Dieu ou de l'astre
auquel il préside : si nous remarquons en effet que le second caractère u
est un signe de rapport répondant à la préposition de , il nous restera
le mot cor (jo«) qui , dans tous les textes coptes , se place comme déter
minatif devant les nombres exprimant le quantième des jours du mois.
Ainsi cor b MAeuip signifiait le secondjour du mois d'Athôr; et dans les
différents dialectes de la langue égyptienne , les mots cota ( soua ) , cotai
(souai) , et coreei (souééi) , exprimaient à la fois et le premier jour du
mois, et la Néoménie ou Nouvelle Lune. Il est bien difficile de-ne point
reconnaître une étroite connexion entre la syllabe hiéroglyphique sou,
qui termine le nom du Dieu- Lune , et le mot copte cor appliqué aux
subdivisions du mois, période calquée primordialement sur le cours de
la Lune et ses diverses apparences.
EMBLEMES DE LA LUNE,
(i) Précis du système hiéroglyphique, tableau général des signes, n°* 234 et 234 «.
i4 e.
L'une de ces deux, barques symboliques nous montre le globe de la
Lune flanqué de deux yeux configurés d'une manière particulière ; cet
emblême , que l'on a pris tantôt pour une tête de coq , tantôt pour celle
d'un cheval , n'est qu'une manière conventionnelle de représenter desyeux
de taureau, ainsi que nous le montrerons dans un article spécialement
relatif à ce symbole , commun au dieu Pooh et au dieu Phré, comme à
Osiris.
Un nouveau nom hiéroglyphique du Dieu- Lune se présente sur ces
deux stèles; c'est le véritable nom propre de cette divinité, écrit phonéti
quement et suivi d'un signe déterminatif qui ne laisse aucune espèce de
doute sur sa valeur. La feuille, le bras étendu, et la chaîne, ou nœud,
forment les éléments phonétiques de ce nom ; les deux premiers sont des
voyelles qui expriment , suivant l'occasion , les sons A , I , ou O , dans tous
les textes hiéroglyphiques; le dernier (la chaîne) répond au z (hori) des
Coptes ; nous avons donc ici incontestablement l'orthographe hiérogly
phique des mots coptes ooz ( ooh) , wz ( oh ) , et 10e ( ioh) , qui expriment
d'une manière spéciale l'idée Lune dans le dialecte thébain et le dialecte
memphitique.
Ce mot phonétique est suivi , dans les deux stèles où il est reproduit
cinq fois , d'un caractère déterminatif : le Croissant de lu Lune ren
versé, ou le disque combiné avec le Croissant dont les cornes sont éga
lement tournées en bas; ce qui ramène encore à l'idée du mois ou période
lunaire. Enfin le nom hiéroglyphique du dieu Thoth ( le deuxième Her
mès) est lié, sur les deux stèles, au nom du Dieu-Lune, comme pour
rappeler la liaison intime qui existait , dans les mythes égyptiens , entre
ces deux divinités , que les monuments d'ancien style identifient par une
telle communauté d'attributs et de fonctions, qu'on est tenté de les con
sidérer comme ne formant qu'un seul et même personnage mythique.
La légende hiéroglyphique, inscrite au-dessus de la première barque
symbolique, signifie textuellement Ooh ou Ioh-Thôouti, Dieu grand;
Seigneur suprême , Roi des Dieux; celle de la seconde stèle porte seule
ment les mots Ioh-Thôooti , Dieu grand. Le titre de Roi des Dieux ne
peut avoir été donné ainsi au dieu Pooh ou Ioh, que tout autant qu'on
le considérait comme une des formes d'Amon-ra , le grand Démiurge.
LE CYNOCÉPHALE,
O il arrive souvent que les descriptions, données par les auteurs grecs
ou latins, des simulacres ou des statues des dieux adorés en Egypte, ne
paraissent point s'accorder avec ce que nous montrent les monuments
originaux placés sous nos yeux , plus souvent encore nous sommes forcés
de reconnaître leur fidélité à cet égard et l'exactitude des renseignements
sur la foi desquels ils écrivirent. Ainsi la description de l'image du dieu
Cnouphis adoré dans l'île d'Eléphantine, est tellement circonstanciée
t
dans Eusébe (i), que les membres de la Commission d'Egypte, visitant
les ruines d'un des temples de cette île , reconnurent aussitôt la repré
sentation du dieu parmi les sculptures de l'édifice du sud. C'est également
dans le même Traité de ce savant Père de l'Église, que se trouve un do
cument précieux, à l'aide duquel j'ai reconnu plusieurs nouvelles formes
symboliques, ou conventionnelles, que les Egyptiens donnèrent aux
images de leur dieu Pooh ou le Dieu-Lune.
Dans le troisième livre de sa Préparation évangélique , après avoir
parlé de la statue de Cnouphis à Eléphantine, Eusèbe affirme que, dans
la ville d'Apollonopolis, les Égyptiens adoraient principalement la lune
et qu'on l'y voyait représentée sous laforme d'un homme a tête d'éper-
vier ( lepaxoTCpocWTCoç avôpuiroç ), unjavelot à la main, et subjuguant un hip-
(2) Tô Si (hÛTipov çûç rii(2eXw»{, iv ÀffoXXwvoc UAii x*6i«pwtou - lm ii t«ûtou oûftëoXov Upoucsirpo'oôMto;
àvOpwitoç, (lëùvTi xiipoûp.ivo( Tufûva lintoicoT«(x<i) iixaapévov. Euseb., Préparât. Evangelic. , lib, III,
cap. xii.
(3) Descript. de l'Egypte, A, vol. I, pl. 59, n° 5.
et qui se réduit pour l'ordinaire aux idées suivantes: le vivant et bienfai
sant dominateur de la région inférieure , comme le soleil pour toujours.
La divinité adorée par le roi Lagide, est assise sur un trône placé sur
un socle élevé. Sa tête est celle d'un épervier, ce qui a pu la faire prendre,
à la première vue, pour une représentation de Phré ou le soleil : mais le
Disque ou Amphieyrte , placé sur la tête de l'oiseau, est très-clairement
combiné avec la dychotomie, ou moitié du disque lunaire; et nous avons
vu que ces deux phases ainsi réunies étaient, en Egypte, l'emblème ordi
naire de la lune (4). VUrœus au milieu du disque entier, est le symbole
de la toute puissance inhérente à ce personnage, l'un des premiers et
des plus anciens dieux de l'Egypte. Il faut donc reconnaître ici une nou
velle forme propre au Lunus égyptien , appelé indifféremment Ioh, Ooh
et Ooh-ensou.
La légende hiéroglyphique sculptée à côté de ce personnage divin, ne
laisse d'ailleurs aucune sorte de doute à cet égard, quoique très-incorrec
tement copiée par la Commission d'Égypte , ce qui provient sans doute
du mauvais état du bas-relief ; les sept premiers signes sont très-reconnais-
sables et signifient clairement : ceci est l'image d' Ooh-ensou dieu: la gra
vure publiée dans la Description de l'Égypte , met un scorpion à la place
de la tige de plante à quatrefeuilles, qui termine ordinairement ce nom
du Dieu-Lune (5). Le dernier signe de ce nom divin, le signe déterminatif
d'espèce , est ici l'image même du dieu , tracée de petite proportion avec ses
principaux attributs, comme cela arrive sur les grands monuments à la
suite des noms propres phonétiques des divinités égyptiennes (6).
Le roi Ptolémée Evergète II est représenté, dans ce même bas-relief,
en acte d'offrir un sacrifice au Dieu-Lune ; et l'animal qu'il égorge sur
(7) ÀxaSapatscv Si ypâçovn; , Ôpita Çuypaçoûaiv " ÎTtuSri éir' àva-roXriv «px.cu.ivr,; tt; Seahkhî, àrtviÇuv eiç
tt|v 9e4», xpauyriv Trotetrat , oùx eùXcymv aÙtriv, oùSi lùfYipûv . ir.uiïcv Si tcÛtcu ivapytsratov. Toi; yàp ijiirpia-
SÎ01; adroO axtXsaiv âvopûaamv t-»iv yiiv, Çuypaqpcï éauroù ta; x5pa; - ùaircpei àyotvaxrûv xai uÀ ^cuXo'jievs; iSili
rfa r-iic Secû ivaroX-rîv. Hor apoi.lon , Hïerogljrph. , livre I, § 49-
POOH, ou P1IOH HIÉRACOCÉPHALE.
1 4 f. ter.
que les Égyptiens donnèrent au Dieu-Lune la tête d'un épervier, l'oiseau
consacré au soleil : voulant exprimer ainsi que la lune est illuminée par
le soleil , et quelle reçoit de lui toute sa force vitale (3).
Le Dieu-Lune ( planche i^f. bis) est représenté accompagnant Amon-
ra, dans les fragments d'un papyrus du musée de Turin; ce manuscrit
était orné, à en juger par celles qui restent, de figures en pied, de sept
pouces de proportion au moins, exécutées avec une très-grande recherche.
C'est dans la même collection, vraiment royale, d'antiquités égyptiennes,
que j'ai aussi reconnu la singulière image du Dieu-Lune , gravée dans la
planche \{\f. ter, à laquelle ce texte se rapporte.
Ici le dieu est figuré avec deux tétes d'épervier adaptées à un corps
humain. Le disque entier et le croissant caractérisent l'astre que repré
sente cette bizarre composition. La divinité, déployant ses ailes au nombre
de quatre, appuie légèrement ses pieds sur les têtes de deux crocodiles.
On a déja vu que ce terrible animal était l'emblème du temps , du lever
et du coucher des astres ; que sous un autre rapport , il exprimait la fé
condité. Il était donc , pour ainsi dire , inévitable de le trouver en contact
avec les images du Dieu-Lune, de l'esprit recteur de l'astre qui, selon
les Egyptiens, engendrait et entretenait toutes les choses nécessairés à
la conservation de l'univers (4).
Cette représentation symbolique est sculptée au milieu d'une foule
d'autres, sur la tunique d'une statue qui, comme le fameux torse du
musée Borgia, présente un véritable Panthéon égyptien presque complet.
La légende hiéroglyphique qui l'accompagne , nous apprend qi^e c'est là
l'image du Ooz-ucor xp i\zu MMiintire , puissant Ooh-en-sou qui est dans
les deux.
(3) Toû ti Up&xcîcu irpoawirou, rb àç' ÔXîou çdmÇeaSou nai irviOft» Xap6s(viiv. ld. , ibid.
(4) Horapollon , Hiérogljrph. , liv. I , § 49-
OOH, POOH, OHENSOU.
( LE DIEU LUNE. )
(1) Voyez notre planche, légende N° 2, et Description de l'Egypte, A. vol. I, pl. 10,
N» 2.
(2) C'est-à-dire, Trismégiste. Le second Hermès à tête d'Ibis ne porte habituellement
dans les inscriptions que le titre de deuxfois Grand. ( Voyez les légendes inscrites au-
dessus de son image dans les papyrus funéraires. ) C'est ce titre du second Hermès que
le texte grec de l'inscription de Rosette exprime (lig. 19), parles mots [Aéyaç xai j«'yaç ,
grand et grand (deux fois grand).
LE DISQUE AILÉ ET LÉPERVIER,
Il existe dans le dialogue que Cicéron a écrit sur la Nature des Dieux ,
un passage fort, remarquable relatif aux personnages divins appelés
Thoth par les Egyptiens, Hermès par les Grecs, et Mercure par les
Latins ; passage qui donne une grande idée de l'importance que le pre
mier Hermès paraît avoir eue dans les mythes sacrés de l'Egypte. L'ora
teur romain a connu et confirme d'abord une distinction que j'ai cherché
à établir, celle de deux Mercure ou Hermès chez les Égyptiens. Il
affirme que ce peuple avait deux Mercure bien différents l'un de l'autre.
Le- premier était nls du Nil (c'est-à-dire, né du Démiurge Ammon-
Cnouphis (i)); et les Egyptiens , ajoute-t-il, regardaient comme un crime
de prononcer son nom, « (Mercurius) Nilo natus quem JEgyptii nefas
habent nominare » (2). Quant au second Mercure connu en Egypte,
poursuit Cicéron , c'est celui qui a tué Argus et qui , à cause de cela ,
sjétant réfugié en Egypte, donna des lois et les lettres à ce pays. Les
Égyptiens l'appellent Thoyth, du même nom que le premier mois de
leur année (3). Il est évident, d'après ce passage, que le premier Hermès
ne porta point le nom de Thoyth (le Thôout des livres coptes), appel
lation propre au second Hermès : était-ce celui de Thoth 0«6 , par lequel
Manéthon le désigne directement ? C'est ce que nous ignorons encore :
mais, ce qui ne saurait être douteux, le premier Hermès, dont, suivant
Cicéron , il était défendu aux Égyptiens de prononcer le nom , est bien
certainement le même que le dieu nommé par Jamblique, d'après les
livres sacrés de l'Egypte , EIKTON , le premier des dieux célestes (Oùpâvioi
ôeoi), intelligence supérieure émanée de l'intelligence première, Knèpn, le
grand Démiurge; Èicton, dont la divine essence ne pouvait être digne
ment adorée que par le silence seul , Ô &i xaî Six aiyrç (/ovyîç OeparavsTai (4).
(1) Inscript, de Rosette, texte grec, lignes 36- et 47 > texte hiéroglyph. lign. 6 et 10.
(2) Idem, texte démot. lig. 1 , 7,9, 19 ; texte grec, lig. 1 , 11 , 33 et 36.
(3) Voyez ci-dessus , pl. 8 , n" 6 , et pl. 9.
(4) Idem, pl. i3 et son explication. Le dieu est parfois représenté par un Nilomètre,
auquel sont adaptés deux liras humains tenant les insignes de la divinité (voyez la
Description de l'Egypte, Ant. vol. 1 1 , pl. 84 , n° 5.) Nous verrons dans la suite qu'Osiris
fut aussi figuré , comme Phtah , sous la forme d'un Nilomètre ; les légendes seulement
distinguent alors ces dieux l'un de l'autre.
ATHOR ou HATHOR.
Les auteurs Grecs ont mentionné parmi les Déesses Égyptiennes une
Divinité sous les noms d'Aôwp (Athôr) et d'Aôup (Athyr). Jablonski, en
traîné par l'esprit de systême , crut remarquer des rapports frappants
entre Aôwp et le mot Egyptien EDJORH ou Adj'ôrh, qui signifie la
Nuit. Il a voulu conclure de ce hasardeux rapprochement que la Déesse
Égyptienne Athôr était la Nuit et le principe de toutes choses. Cette
Déesse est, en conséquence, placée à la tête de son Panthéon ; ce savant
a été conduit à cette détermination par un passage de Damascius , por
tant que, dans les livres Egyptiens , on célébrait, par des hymnes sa
crés , le principe unique de toutes choses , l'obscurité inconuue ( Sxo'toç
ayvwcTov), l'obscurité au-dessus de toute intelligence (Sxo'toç Û7tèp rçacav
voViv (i). Mais ce principe inconnu n'est autre que le grand Être Dé-
miurgique, Ammon, dont le nom Égyptien, comme l'a dit le grand-
prêtre Manéthon, signifiait occulte, caché, ou inconnu (2); et il n'est
nullement question d'Athôr dans le passage de Damascius.
Cette Déesse n'occupait point un rang aussi élevé dans les mythes
sacrés de l'Égypte. Athôr ou Athyr fut assimilée par les Grecs à leur
Aphrodite , la Vénus des Latins ; et nous savons , par d'anciens témoi
gnages très-formels , que les Égyptiens donnèrent le nom de cette Divi
nité au troisième mois de leur année (3) ; ce mois , dans les textes coptes
ou Égyptiens écrits en lettres grecques 1 est en effet appelé ATHOR en
dialecte memphitique, et HATHOR en dialecte thébain; ce qui détruit
l'étymologie , et, par conséquent, le systême entier de Jablonski sur la
Déesse Athôr.
Il est rare de trouver, dans les auteurs Grecs, le nom de YAphro
dite Egyptienne , sans qu'il soit parlé en même-temps de la vache qui
(1) ./Elien. Hist. des Animaux, liv. XI, chap. 27. — Hbstchius, au mot A&up
Strabon r liv. XVII. (2) De Iside et Osiride. (3) Horapol. Hiérogl. liv. I , %. 8.
(4) Id. Hierogl. liv. II, §. 26.
ATHOR ou HATHOR.
(1) Descript. de l'Egypte, Ant. I, pl. 2i. — (2) Idem, pl. 36. — (3) Idem, Ant. IV,.
pl. i5.
HATHÔR ou ATHÔR.
L'une des formes les plus habituelles àiAthor , dans les peintures et
bas-reliefs d'ancien style égyptien , est celle que reproduit la planche
ci-jointe. Cette figure est tirée d'une grande scène sculptée et peinte dans
le tombeau du Pharaon Ouserei - Akenchérès Ier, douzième roi de
la XVIIIe dynastie diospolitaine , monument magnifique découvert à
Thèbes par le célèbre Belzoni. Ce tableau, gravé sur l'épaisseur d'une
des portes de ce vaste hypogée, représente, de proportion naturelle, la
déesse Athôr accueillant avec affection le monarque défunt qui , sur
plusieurs autres points de la catacombe, présente diverses offrandes à
cette divinité, et en reçoit, en retour, le signe de la vie céleste.
Dans ces diverses sculptures , la tête de la déesse est surmontée d'un
disque de couleur rouge, soutenu par deux cornes de vache peintes en
noir. Un urœus , ou serpent royal , est suspendu au disque. Mais ces em
blèmes n'appartenaient point spécialement à Athor; on les reconnaît
aussi sur la tête d'Isis , de Selk , ils sont même placés quelquefois au-
dessus de la coiffure de la grande mère divine Neith : d'où il semble ré
sulter que , comme le vautour , le disque et les cornes de vache sont des
insignes exprimant une qualité générale, une attribution commune à
plusieurs déesses égyptiennes à la fois. On s'exposerait donc à de graves
erreurs , en considérant certains attributs comme trop exclusivement
propres à certaines divinités. Aussi est-il arrivé qu'on a souvent donné ,
sans raison, le nom d'Isis à des images de toute autre déesse, ou de
reines mortelles empruntant les coiffures divines , par cela seul qu'on
retrouvait , parmi leurs ornements , le disque soutenu sur deux cornes
de vache. La légende hiéroglyphique inscrite à côté de ces images,
peut seule , en cette occasion , donner une pleine certitude sur le person
nage figuré. L'inscription qui accompagne la déesse gravée sur notre
planche i76, ne permet point de douter que ce ne soit là une véritable
représentation de la fille du soleil, de lepouse de Phtha : elle porte en
effet Hathôr rectrice de la région supérieure du monde (i).
Un diadème ceint le front de cette divinité, dont les cheveux nattés
sont contenus par une bandelette de couleur rouge ; de riches urceus sont
suspendus à ses oreilles ; et au collier , orné d'émaux , tient un appendice
qui retombe derrière les épaules de la déesse; sur cet ornement, terminé
par une (leur épanouie, est inscrit, dans le bas-relief original, le pré
nom royal du Pharaon Ousirci , suivi du titre eAOcupuAi , chéri d'Athôr.
Deux bretelles émai liées soutiennent la tunique de couleur gris de perle,
de forme ordinaire, mais dont les ornements présentent une particu
larité très curieuse. Les losanges dont elle est coupée dans l'original
figurent, selon toute apparence, un de ces filets en émaux variés, qui
recouvrent les tuniques des déesses et des reines dans les scènes peintes
ou sculptées en grand. L'intérieur de chaque losange renferme un petit
groupe de signes hiéroglyphiques ; et chaque ligne horizontale de lo
sanges contient un même groupe de caractères. Mais si l'on interprète
ces mêmes losanges en les lisant perpendiculairement, ils renferment,
d'après un dessin malheureusement peu soigné dans les détails , et placé
dans l'Atlas du voyage de Belzoni (2), les louanges du Pharaon , louanges
que la déesse Athyr est censée prononcer en l'accueillant dans la région
divine. Cette singulière inscription se divise en deux parties, et renferme
les idées suivantes : « Dieu bienfaisant Rè-saté-mé ( prénom du roi ) ,
« nous t'avons donné la domination et une vie heureuse et éternelle , toi,
« fils du soleil et des Dieux , Ousirei, serviteur de Phtha, vivificateur
« pour toujours. »
« Dieu bienfaisant Ré-saté-mé , nous t'avons donné la domination sur
« lès années des panégyries, toi , fils du soleil, chéri des Dieux seigneurs,
« serviteur de Phtha, vivificateur comme le soleil éternel, Dieu bienfai-
« sant , chéri du maître du monde pour toujours. »
Nous ne savons encore comment caractériser l'espèce d'ornement
attaché au collier que la déesse tient de sa main droite et semble mon
trer au Pharaon : un ornement semblable est fixé au cou du dieu Lune (3).
( APHRODITE , VÉNUS. )
( THOUERIS. )
( I ) Ôti .Kokï.w (AeTaTiOepiivajv âel itpoç tov ûpov , xai ii itaXkctxri toù Tufpwvoç. De Iside
et Osiride.
(2) Ôçiç ii tiç èm&iwxcov aùr/iv ûtto tûv irepl tôv &pov xaTexo7m. Idem, ibidem.
H AT H OR.
(i) Indiquée, par erreur, sous le n° 17, c. dans le texte explicatif de la pl. 17, a.
18.
1
M. Artaud , conservateur du Musée de Lyon. La Vénus Égyptienne à
tête de Vache, est aussi sculptée à la suite de Phtha, son époux , sur un
sarcophage de granit , dont la commission d'Égypte à donné la gravure
très-détaillée (i). On la retrouve enfin sur un monument fort-curieux,
envoyé tout récemment, de Memphis, à M. Saulnier qui l'a cédé à M. Du
rand. C'est une sorte de buste de grandeur naturelle, représentant un
individu très-jeune ; sur son front est sculptée une image de Phtha , le
Dieu principal de Memphis ; sur sa poitrine , celle d'Osiris , adorée par
deux personnages, le défunt et sa sœur; des deux côtés de la figure
d'Osiris sont rangées toutes les divinités particulièrement adorées à
Memphis, et parmi lesquelles on distingue, en première ligne, Phtha,
Hathôr à téte de Vache, et le Bœuf Apis , accompagnés de leurs noms
et de leurs titres en caractères hiéroglyphiques. Ce monument est d'un
très-beau travail.
Il est aisé de voir aussi que toutes ces statuettes égyptiennes de
bronze, ou de toute autre matière, qui figurent une déesse à téte de
Vache, sont des images de la Vénus Egyptienne, d'Hathor, et non
pas celles d'Isis, déesse avec laquelle les Grecs paraissent avoir sou
vent confondu l'épouse de Phtha.
L'Hephaistus ou le Vulcain Égyptien , Phtha , étant le père de tous
les Dieux (2), la déesse Hathôr, sa compagne fidèle, dût passer sinon
pour leur mère, du moins pour leur nourrice. On connaît, en effet,
plusieurs statues d'Hathôr , présentant son sein à différens Dieux pla
cés sur ses genoux, toujours sous la forme d'un enfant. Il est pro
bable que la Vache a été consacrée à cette déesse pour rappeler qu'elle
a allaité la plupart des Dieux du second et du troisième ordre, fils
ou petit-fils de Phtha.
(1) Musée royal du Louvre, salle des Dieux , statuette en bronze, numérotée A, 137.
(2) Extraite d'un monument du Musée royal de Turin , décrit dans l'explication de
la planche n° 20, a.
(3) catg ou CA+, Mucro, Cuspùy Telum, Sagitta. Voir le Dictionnaire de Lacroze,
et la Scala magna, page 116.
ANOUKÉ ou ANOUKI.
(1) Ces monuments sont une stèle et un bas-reliefdéjà décrits dans l'explication de nos
planches 19 et 19 A.
(2) Voir ce nom noté A dans notre pl. 19, où il a été mis par erreur, et pl. 20 a.
(3) Tirée de la stèle du comte de Belmore.
(4) Description de l'Egypte, Esné et Edfou, A, vol. I.
(5) Idem, A, vol. I, pl. iy, n° 1.
(6) Idem, il/idem.
ANOUKÉ ou ANOUKI.
On trouve aussi , sur les grands édifices construits par les Égyptiens
sous la domination des Grecs et des Romains, la représentation de la
déesse Anouké. On la voit sur l'une des faces latérales du portique
d'Esné (i), assise toujours à la suite $ Ammon-Chnouphis , le dieu épo-
nyme du temple, et recevant les offrandes d'un empereur romain dont
la légende n'a point été copiée. A Déboud, en Nubie, on a figuré Anouké
tenant dans ses mains le sceptre à fleur de lotus et le signe de la vie
divine (2). Enfin un bas-relief de Dendéra, dessiné par l'aimable et ingé
nieux baron Denon qui, le premier, fit bien connaître à l'Europe savante
les merveilles de la Thébaïde, offre aussi une image de cette déesse tenant
le signe de la vie (3).
Mais le monument le plus curieux du culte d' Anouké, que l'on puisse
citer jusqu'à ce jour, est, sans contredit, un petit temple en bois sculpté
et peint, faisant partie du Musée royal égyptien de Turin. Cet édifice,
placé sur un traîneau , est précédé d'un petit portique soutenu par deux
colonnes dont les chapiteaux portent une double tête de femme, celle
même de la déesse Anouké , qui se distingue de la tête d'Hathor, em
ployée également dans les décorations architecturales, par des oreilles
humaines, au lieu d'oreilles de vache. Sur le fût des deux colonnes on a
gravé deux inscriptions hiéroglyphiques; celle de droite contient une
invocation au dieu Chnoumis ou Chnouphis, seigneur du ciel, gardien de
la contrée orientale , seigneur aux mille noms (polyonymos) , modérateur
du monde, etc. , pour qu'il accorde tous les biens purs à un auditeur de
justice, dont le nom n'est pas conservé. La légende de gauche est une
prière adressée à la déesse Anouké, qualifiée de dame de la contrée
orientale, dame du ciel, rectrice de tous les dieux, œil du soleil, etc.
Ce naos ou petite chapelle, de la forme d'un carré long, était évidem
ment dédié à la Vesta égyptienne, Anouké, puisque quatre inscriptions,
dont deux sont composées chacune de quatre colonnes de caractères , et
(1) Description de l'Egypte, A, vol. I , pl. 47> le second tableau de la deuxième rangee.
(2) Monuments de la Nubie, par M. Gau, pl. 6; idem, pl. i3, n°. 9.
(3) Atlas du Voyage dans la haute et basse Egypte; Dendéra.
( 10, a. )
deux d'une seule colonne verticale, ont été gravées sur les deux montants
et sur les battants de la porte, encore parfaitement conservés, et que ces
légendes ne contiennent toutes que le nom et les titres de la déesse Anouké,
déja inscrits sur l'une des colonnes du portique : c'est ce que démontre
encore mieux la description des scènes sculptées et peintes sur deux des
faces extérieures de cette petite chapelle.
On remarque sur la face latérale gauche le dieu Chnouphis et les déesses
Saté et Anouké, assis sur des trônes, recevant les adorations d'un audi
teur de justice nommé Kasi, lequel est accompagné de son père, de sa
mère et de quatre de ses frères ou sœurs, comme l'indiquent des légendes
particulières : ces personnages portent en main diverses offrandes et des
bouquets de lotus. Ce tableau offre donc en premier lieu la Vesta égyp
tienne, associée aux deux grandes divinités Chnouphis et Saté, dont elle
est, pour ainsi dire, inséparable, et auxquelles il est probable que les
mythes sacrés attribuaient sa naissance; mais la face latérale droite de la
chapelle nous montre Anouké-Vesta adorée séparément et avec tous les
caractères distinctifs de la divinité principale de ce petit édifice. Assise
sur un trône (i), dans un naos dont la corniche est surmontée d'une
rangée d'urœus, la déesse tient dans ses mains le sceptre et l'emblème de
la vie ; devant elle sont un autel , un vase à libation et une fleur de lotus.
Le naos est porté sur une bari ou barque sacrée, à deux gouvernails
décorés de têtes d'épervier, emblèmes de la Providence , et dont la poupe
et la proue ont été ornées de deux têtes de déesse mère avec des colliers.
Vers la proue de la bari, décorée de l'œil droit, emblème du soleil, et en face
d' Anouké, s'élève un riche bouquet de lotus; à côté sont placées d'autres
offrandes. La bari sacrée est censée flotter sur le fleuve saint, duquel
dérive un canal portant une autre barque thalamége, conduite par quatre
rameurs; enfin, à la jonction du canal et du Nil, un personnage, proba
blement l'auditeur de justice Kasi, auquel appartenait la chapelle, égorge
une victime sur un autel ; un de ses frères épanche l'eau d'un grand vase
placé sur uue sellette; plus bas sont Kasi et toute sa famille, figurés en
pied et de plus forte proportion.
Le seul fait que la déesse Anouké est représentée assise dans un naos
porté sur une bari ou barque sacrée , suffirait d'ailleurs pour établir que
cette petite chapelle lui était plus spécialement dédiée qu'aux autres
divinités dont ce petit édifice en bois peint présente aussi les images.
(1) Panthéon JEgyptorum , lib. I , cap. 1 , pag. i/fo et i4i. — (2) Voyez Georg. le
Syncelle chronograp. pag. 4o. — (3) Manetho apud Euseb. Chronic. pag. 7.
(4) Bibliothec. lib. I, pag. 12. — (5) De Iside et Osiride. — (6) Voyez L'explication
de notre pl. XXII.
2i.
CVK , Sevk, Sovk ou Sovg , et ce nom a été connu des anciens Grecs (i).
Ou retrouve ce même nom divin à côté du personnage de forme toute
humaine, reproduit sur notre planche n° ai. C'est là incontestable
ment la forme la plus simple du Cronos Égyptien.
La coiffure du Dieu est surmontée de cornes de bouc souvent flan
quées de deux uraeus, comme celles de ce Dieu à tête de crocodile (2),
parce qu'on supposait que cette Divinité avait régné sur l'Egypte. Dans
l'ordre des Dynastes , Sovk était le dernier des douze Dieux , c'est pour
cela qu'on lui donnait , parmi les Égyptiens , l'épithète NecoTa-ro? ôeoç , le
plus jeune des Dieux (3). Les cornes supportent deux grandes plumes
ou feuilles de couleurs variées, et un disque, à cause de la planète de
Saturne.
Les sculptures des temples nous montrent Sovk accueillant divers
souverains de l'Égypte; ce Dieu donne le signe de la vie divine au Pha
raon Aménophis 11, dans un des bas-reliefs du temple de Chnouphis, à
Kléphantine (4).
Sovk , comme toutes les Divinités Égyptiennes, reçut des noms et des
surnoms différents. Il est appelé IIETBE, Petbé, dans un manuscrit copte-
thébain (5); l'inscription Grecque des cataractes le surnomme IIETEN-
2HTH2, mot qui, transcrit en lettres coptes, IIETHEN2ÈTÉ, Petliensétc,
signifie, celui qui réside dans Sété ; l'inscription établit en même temps
que Sété est le nom Egyptien de file où ce monument a été découvert
|>ar M. Riippel.
LA VACHE DIVINE.
23 d. 23 e.
variés , mais dont la tête est constamment surmontée d'un disque peint
en rouge , et flanquée de deux grandes fouilles ou plumes de couleurs
variées. Le col de cet animal est orné d'un collier , auquel est suspendu
tantôt Yemblème de la vie divine ( la croix ansée ) , tantôt la téte de
Jemme à oreilles de vache, symbole de la Vénus égyptienne (i). Le
corps de la vache est blanc ou bien peint en jaune clair, et la housse
qui parfois le recouvre est ordinairement rouge.
Le nom hiéroglyphique de cette génisse sacrée se présente sous plu
sieurs formes différentes, mais exprimant toutes les mêmes sons d'une
manière plus ou moins complète. La forme la plus ordinaire ( légende
n° 2), peut se transcrire en lettres coptes aza, azb, azi, ou bien eee,
azt. La légende n° 3 ne diffère de la précédente que par l'emploi d'un
«-aractère homophone, la fouille à la place de Yoiseau, et la légende
n° 4 n'en est qu'une abréviation terminée par le caractère t, signe du
genre feminin, exprimé dans les autres noms hiéroglyphiques par t
et c , marques constantes de ce genre dans la langue égyptienne parlée.
Dans quelques textes, aù lieu du nom propre même, on lit la simple
qualification la grande vache-reine ou déesse ( légende n° 5 ).
L'importance du rôle que jouait dans la mythologie égyptienne cette
génisse considérée non comme un simple animal sacré nourri dans un
temple, mais comme tonne symbolique propre à un être divin, est suf
fisamment dénotée par la légende n° î qui accompagne souvent son
image dans les papyrus hiéroglyphiques : Ahé (vache) la grande , géné
ratrice du dieu soleil.
Ainsi le dieu Phré ou le dieu soleil ( Hélios J qui , dans la théogo
nie égyptienne, fut considéré comme le père de tous les dieux de la
seconde ou de la troisième classe, devait la naissance à la vache Ahé ;
cet être mythique fut donc aussi une des principales divinités, l'une
des plus anciennes et par suite des plus vénérées , puisque , dans l'olympe
égyptien, l'ordre seul de la naissance réglait toujours le rang et l'im
portance de chaque divinité.
(hélios, le soleil.)
>4
Les deux premiers signes de la légende n° i, sont phonétiques, et
forment la syllabe PH (Rè), qui est le nom du Soleil , et du Dieu , lui-
même, en langue égyptienne. Le groupe suivant, dans lequel domine
YÉpervier, ayant la téte surmontée du disque, est le nom symbolique
du Dieu, dont les deux signes précédents indiquent la prononcia
tion ; les quatre derniers caractères répondent aux mots égyptiens ,
NOUTE NAAF NEB MPÈ, Dieu - Grand, Seigneur du Ciel, titres
ordinaires de cette Divinité. Les groupes hiéroglyphiques 2 et 3 , sont
des variantes figuratives des mêmes noms divins, et répondent aux mots
RE NOUTE , le Dieu Rè ; le n° 4 n'en diffère que par la forme sym
bolique du signe final Dieu ; les variantes 5 et 6, montrent le disque du
Soleil, décoré de YUrœus, comme celui qui surmonte la tête du Dieu.
On a placé , sous le n° 7 , les formes hiératiques de ce nom divin , qu'on
trouve fréquemment tracé en lettres grecques, et écrit 4>PH ou 4>PI, sur
les pierres gravées gnostiques ou basilidiennes. *PH n'est que le mot
égyptien PH (Rè ou Ri), précédé de l'article du genre masculin * (Pli).
On disait <J>PH, Phre ou Phri , en dialecte memph i tique , et I1PH, Prè
ou Pri en dialecte thebain.
Comme le Dieu Phtah, son père, le Dieu Phre était le protecteur
spécial des souverains de l'Égypte, que l'on considérait comme mem
bres de la famille de cette Divinité : aussi les Pharaons, les Lagides,
et les Empereurs romains, portent-ils constamment, dans leurs légendes
hiéroglyphiques, les titres fastueux : Fils du Soleil , Né du Soleil,
Fils préféré du Soleil , Approuvé par le Soleil, Roi, comme le Soleil ,
des régions inférieures et supérieures.
LÉPERVIER,
Parmi les images d'animaux sacrés , figurées sur les monuments égyp
tiens de toutes les époques , celles de YÉpervier sont , sans aucun doute ,
les plus multipliées ; et cela vient de ce que cet oiseau fut à la fois l'em
blème de plusieurs divinités différentes. Aussi le trouve-t-on représenté
au revers des médailles de neuf des Nomes de l'Egypte, soit seul, soit
placé sur la main d'un grand nombre de personnages mythiques dont
les attributions furent cependant bien distinctes. Mais alors l'épervier
porte toujours des insignes particulières, lesquelles caractérisent, d'une
manière très-précise, chacune des divinités dont il devient successive
ment le symbole.
Selon les préjugés populaires , cet oiseau affectionnait particulièrement
l'Egypte, et si nous écoutons jElien, « les Égyptiens choisissaient deux
« éperviers pour les envoyer observer les îles désertes de la Libye; les
« Libyens célébraient ce voyage par une fête, et les deux oiseaux se
« fixaient dans celle des îles qui leur paraissait la plus convenable; là,
« ils faisaient leurs petits en sûreté, chassaient aux moineaux et aux
« colombes; enfin, lorsque leurs petits étaient assez forts pour voler, ils
« les reconduisaient en Egypte comme dans leur véritable patrie (i). »
On savait aussi que cet oiseau est susceptible de s'attacher par les bien
faits ; les Egyptiens les captivaient par la douceur des mets ; ainsi appri
voisés , les éperviers devenaient très-familiers et ne faisaient jamais de
mal à ceux qui leur avaient prodigué de si bons traitements (2). Ils ren
daient d'ailleurs , disait-on , de veritables services à l'homme en détrui
sant les cérastes, les scorpions et autres petites bêtes venimeuses (3).
C'est à cause de ces bienfaits envers la terre d'Égypte qu'il purgeait
du reptile le plus dangereux , et parce que l'on citait la fécondité et la
longévité de cet oiseau, qu'il devint d'abord pour les Égyptiens le signe
OU DU SOLEIL.
^2) k\x.ii; zi au u.erà auWaew; r) a«''y?. Tb u.iv aûua rx> /î'ovro; . to rrçs'aiiiirov ii àvtpivrrou fyouea. StrOlli. ,
lib. V, p. 671 ; édit. d'Oxfort.
s
DJOM, DJEM, ou GOM,
(lhercule égyptien.)
•
Les Grecs connurent trois personnages mythiques du nom d'Hercule ;
le plus moderne vécut peu de temps avant la guerre de Troie : c'était
le fils d'Alcmène et le petit-fils d'Alcée (i); le second était Y Hercule
Cretois (2) ; et le plus ancien de tous fut Y Hercule Egyptien, dont les
travaux et les exploits ont été attribués par les Grecs à leur héros na
tional, né à Thèbes de Béotie (3). Hérodote, qui convient n'avoir jamais
entendu parler dans aucun endroit de l'Egypte de cet Hercule si connu
des Grecs (4) , nous a transmis de précieux détails sur l'Hercule Égyptien.
« Hercule, dit- il, est un Dieu très-ancien chez les Egyptiens, et,
« comme ils l'assurent eux - mêmes , il est du nombre de ces douze
« Dieux qui sont nés des huit premiers Dieux , i 7000 ans avant le règne
« d'Amasis (5). » Diodore de Sicile est d'accord , à cet égard , avec le
père de l'histoire, lorsqu'il avance que l'Hercule Égyptien parut, dès le
premier établissement de la race humaine sur la terre, époque depuis
laquelle les Egyptiens, assure-t-il, comptaient bien plus de i0000 ans (6).
Ce Dieu rendit la terre habitable , en la délivrant des animaux fé
roces (7). Ainsi, l'Hercule Egyptien était un Dieu de la seconde classe
qui se composait de douze Divinités émanées des huit Grands Dieux de
la première, parmi lesquels Ammon-Chnouphis , Nèith, Phtah, Menclès
et Phré , occupaient les principaux rangs. Il parait, comme on le verra
dans la suite, que les Dieux dela seconde classe ne furent, pour la plupart,
que des Paredres de ceux de la première que nous venons de nommer.
Le culte d'Hercule était très-répandu en Egypte, et remontait aussi,
selon Macrobe , à l'antiquité la plus reculée ; ce personnage mythique
était considéré comme l'emblême de la Force Divine, Virtus Deorum ;
et on lui attribuait, ainsi qu'on le fit en Grèce, la défaite des Géants
ennemis des Dieux (8). Nous apprenons enfin par Plutarque , dans son
(1) Diodoile de Sicile, Biblioth. Histor. lib. III, p. 208, C. — (2) Idem, ibidem. —
(3) Idem, p. 207, C, et 208; et lib. I, p. 21. — (4) Hérodote, lib. II, §. xliii et cxlv.
— (5) Idem, ibidem. — (6) Diodore de Sicile, Biblioth. Histor. lib. I, p. 21, D.
(7) Idem, p. 2i , A. — (8) Macrob. Saturn. lib. I, cap. 20.
25.
Traité d'Isis et d'Osiris , que les Égyptiens croyaient que leur Hercule
habitait le disque solaire , et qu'il faisait avec cet astre le tour de
l'univers.
Cette dernière indication nous a fait reconnaître, dans les peintures
des manuscrits et dans les bas-reliefs des temples, les formes variées que
les Egyptiens donnèrent à leur Hercule. Ce Dieu est figuré sous une
apparence toute humaine, et porte ordinairement sur sa tête, ou dans
sa main, une longue feuille ou plume , dont la partie supérieure est ar
rondie et recourbée. Ses chairs sont constamment rouges , et VHercule-
Égyptien , comme l'a dit Plutarque, accompagne, en effet, presque tou
jours le Dieu Phré (le Soleil), lorsque cette grande Divinité est suivie,
sur les monuments, par ses divers Parèdres. Dans un des bas-reliefs
moulés dans la grande salle du tombeau royal découvert à Thèbes par
M. Bclzoni , Y Hercule- Egyptien , tel que nous venons de le décrire, est
placé dans la barque du Soleil, à côté du disque lui-même. Dans la
seconde partie du Rituel funéraire , dont les papyrus , trouvés sur les mo
mies, sont des copies plus ou moins complètes, l'Hercule -Égyptien
accompagne encore le Dieu -Soleil (i). Il en est ainsi dans une foule
d'autres peintures ou sculptures.
L'Hercule Égyptien gravé sur notre planche 25 , a été copié à Bi-
ban-el-Molouk , par la Commission d'Egypte, dans le cinquième tom
beau royal de l'est (2) ; la légende hiéroglyphique tracée à côté de ce
personnage, renferme son nom propre et sa filiation (n°4 i et 2). Le nom
propre est composé ici, comme partout ailleurs, de deux caractères,
i° d'une plume ou feuille, semblable à celle que le dieu porte sur sa
tête; la valeur phonétique de ce signe nous est encore inconnue; 20 de
l'oiseau que nous appelons provisoirement la caille, et qui , dans toutes
les légendes hiéroglyphiques, exprimant indifféremment les lettres O,
OU et V, a pour homophone, le lituus (lég. n° 3). La filiation est indi
quée par l'oie, la ligne perpendiculaire, et le disque solaire suivi de la
ligne perpendiculaire , ce qui donne Sché ou Se- Ré, ou bien, Si-Ri,
c'est-à-dire, Fils du Soleil: l'Hercule Egyptien est ordinairement qualifié
de Dieu grand, Fils du Soleil, Seigneur Suprême (voyez la pl. n° 25 a).
(1) Description de l'Egypte, Antiq. vol. II, pl. 7, col. 81 à 79. — (2) Idem, Antiq.
vol. II, pl. 91 , n° 2.
DJOM, DJEM ou GOM,
(héron. )
(1) Voir la partie de ce livre sacré hiéroglyphique gravée dans la Description de l'Egypte,
A, vol. II, pl. 72, colonnes 21, io3 , 34; pl. 73, col. 81; pl. 74, col. 33 ; pl. 75, col. 110,
100, 125, 97, 94.
(2) Voir la légende du dieu sur notre planche 26 et pl. 26 a , n° 4-
I. (26, 26 a, 26 b, 26 C. ) 1
le signe initial, la feuille de roseau a ou o, se trouve fréquemment omis
dans les légendes hiéroglyphiques (i). La forme hiératique de ce nom
divin n'offrant jamais de caractère équivalent au caractère figurant un
traîneau, qu'on remarque assez habituellement dans le même nom écrit en
signes hiéroglyphiques, établit suffisamment que ce caractère n'est qu'un
simple déterminatif du sens même de ce nom , sans entrer pour rien dans
sa prononciation. Quant au signe qui termine le groupe phonétique atu
(pl. 26 c, n° 7), c'est encore un signe déterminatif du nom entier, et il
appartient à la classe des caractères figuratifs, car il reproduit l'image
même du dieu dont il accompagne le nom.
atiiot est en effet habituellement représenté sous une forme tout
humaine : ses chairs sont peintes de couleur rouge ou de couleur verte
(pl. 26 a.). Le dieu, assis sur un trône et tenant dans ses mains les insignes
de la vie et de la bienfaisance divine, porte sur sa tête la grande coiffure
royale, le pschent , symbole de la domination sur les régions supérieures
et inférieures : cette coiffure dénote à elle seule l'étendue des attribu
tions du dieu , et ne permet point de le ranger parmi les divinités d'un rang
ordinaire ; aussi le trouve-t-on toujours, dans les peintures ou les bas-reliefs
représentant des scènes mystiques, associé à des divinités d'un ordre très-
relevé.
Un tableau funéraire, peint sur bois (2), nous montre le dieu Atmou
ayant en main les emblèmes combinés de la bienfaisance, de la. vie et de
la stabilité, marchant immédiatement après le dieu Phré, et suivi du dieu
Thoré , d'Osiris , d'Horus , ainsi que des deux divines sœurs Isis et Néphtys.
Atmou conserve ce même rang dans la prière tracée au-dessous de ces
images , prière dans laquelle chacune de ces six divinités est successive
ment invoquée. Une autre scène symbolique, peinte dans la troisième
partie de tous les exemplaires complets du Rituel des morts, prouve aussi ,
non-seulement qu Atmou tenait , dans le système théogonique égyptien , un
rang supérieur à celui d'Osiris et des dieux de la troisième classe, mais
encore que des divinités de la seconde, telles que Sôou et sa sœur Tafné,
Sèv et sa sœur Netphé, ne marchaient qu'après lui dans la hiérarchie
céleste. Il s'agit de la vignette de l'un des chapitres du Rituel des morts,
intitulé Adoration au dieu Phré (le soleil) , se mouvant dans sa bari; on
y a représenté (3) le soleil, sous la forme de lepervier sacré, dans un
disque porté sur le vaisseau, et assisté de neuf divinités, dont la première
(1) Idem, n° 8.
(2) Idem, n° 10.
(3) Idem , n° 6.
(4) Voir notre planche 26 a.
2. 2
des chérubins qui figuraient également avec leurs ailes éployées parmi les
décorations de l'Arche d'alliance et celles du sanctuaire des enfants d'Israël.
Un nombre très-considérable de tableaux peints sur bois, ou de stèles
d'adoration sculptées et de diverses matières , établissent cette combinaison
de Phréet d'Atmou (i) en un seul être mystique, et sous le nom composé
de Phrï-Atmou , c'est-à-dire le Soleil-Atmou. Mais cette image sacrée
reçoit quelques modifications, suivant que l'artiste a voulu indiquer dans
cette forme complexe la prédominance de l'un ou de l'autre des élé
ments qui la constituent. Si l'acte d'adoration est plus particulièrement
adressé à la forme de Phré qu'à celle àïAtmou, on représente le dieu
avec une tête d'épervier surmontée du disque, debout et en mouvement,
les jambes séparées (2), et couvert du court vêtement égyptien appelé
schenti. Dans le cas contraire (3), d'étroites bandelettes enveloppent le
corps entier du dieu, et lui donnent l'apparence d'une momie à téte
d'épervier ornée du disque solaire. C'est là en quelque sorte la momie
du dieu Phré lui-même. (Voir notre planche 26 b, calquée d'après un
tableau peint sur bois, du Musée de Turin.)
Cette circonstance très-remarquable nous conduit directement à con
clure que le dieu Atmou, considéré sous le rapport cosmologique, n'est
autre chose qu'un symbole du soleil mourant, l'image mystique de l'astre
du jour arrivé à la limite occidentale de l'horizon, et entrant dans Yhé-
misphère inférieur* On sait que les idées occident, nuit, mort et enfer,
furent toujours en Egypte, comme en beaucoup d'autres contrées, dans
une étroite connexion , et même presque identiques.
L'autorité des monuments confirme pleinement cette conclusion. Il existe
dans les Musées égyptiens de l'Europe , et en particulier dans ceux de Paris
et de Turin , plusieurs tableaux , peints sur bois, contenant des actes d'ado
ration aux deux formes du soleil Phré et Atmou. Ces tableaux présentent
une disposition toute particulière; le haut en est occupé par le disque
ailé orné d'urœus (4), l'emblème du premier Hermès ou la lumière primi
tive; la partie inférieure contient une prière, plus ou moins étendue,
adressée aux dieux Phréet Atmou , qui sont représentés séparément dans
le milieu du tableau, debout, adossés, et recevant l'un et l'autre les
offrandes de l'adorateur, dont l'image est figurée deux fois à cet effet.
Phré tient toujours la droite du tableau, la gauche étant toujours réservée
(1) Sur les obélisques de Louqsor et la statue de Sésostris du Musée royal de Turin,
(2) Planche 26 c, n° 18.
(3) Dans Ammikn Ma&cbllin, Rerurn gestarum , lib. XVII, cap. 4.
abondent dans les musées royaux de l'Europe, ainsi que dans les collec
tions particulières. Nous citerons seulement ici un tableau, peint sur
bois, appartenant au Musée royal du Louvre, et représentant le dieu
Thoth- Psychopompe, conduisant l'ame d'une femme au pied du trône
d'Atmou. Le dieu, assis, est coiffé de la moitié inférieure du pschent, et
son corps paraît enveloppé de bandelettes comme celui d'une momie
ordinaire (i). Ajoutons qu'on a dessiné à l'entrée du cinquième tombeau
royal à l'ouest dans la vallée de Biban-el-Molouk , à Thèbes (2), un bas-
relief présentant une scène d'un haut intérêt, dont nous traiterons plus
en détail dans la suite : il suffit de dire ici qu'on y voit le dieu Atmou exer
çant les fonctions de juge suprême des ames dans l'Amenti, et décidant
de leurs futures transmigrations. On trouvera d'ailleurs dans le Rituel
funéraire des preuves multipliées et irréfragables de l'influence directe
que cette divinité était supposée exercer sur les ames des morts. Les
défunts le traitent habituellement de père (3) dans les invocations qu'ils
lui adressent, et le dieu lui-même prend le titre de père des personnages
défunts, dans les légendes qui décorent certaines momies. On lit, par
exemple, à côté d'une image d'Almou peinte, ainsi que celles de plu
sieurs autres divinités, sur le cercueil d'une momie de femme du Musée
royal : Voici ce que dit le dieu Atmou, seigneur du monde matériel, etc. ,
à Ouaranès , fille de Pachopsch : Je suis venu te visiter, moi qui suis ton
père (4). Les autres dieux ou déesses peints sur ce même cercueil adressent
des paroles analogues à la défunte, en se déclarant être la mère, le fils
ou les frères de cette même défunte.
Ainsi les mythes égyptiens symbolisèrent dans le personnage d'Atmou
le soleil à l'Occident, le soleil dans l'hémisphère inférieur, régissant en
même temps les choses terrestres, et réglant le sort des ames dans les
demeures infernales.
(1) Tableau numéroté A, 309, dans la Notice des Monuments égyptiens du Musée -
Charles X.
(2) Description de l'Egypte, A, vol. II, pl. 83, n» 1.
(3) Voir le Rituel funéraire gravé dans la Description de l'Egypte, A, vol. II, pl. 74 >
col. 34, etc., etc.
(4) Momie notée 0,7, dans la Notice du Musée Charles X.
MANDOU, MANDOU-RÉ, MANDOU-RI.
( MANDOULIS. )
27.
de quelques-uns des nombreux bas-reliefs qui les décorent. Il a donc
fallu recourir à d'autres moyens pour connaître les formes sous lesquelles
les Égyptiens représentèrent leur Dieu Mandoulis ou plutôt Mandouli ,
le 1 final de ce nom n'étant qu'une terminaison purement grecque. C'est
par la lecture seule des légendes hiéroglyphiques inscrites à côté d'images
de divinités , soit sur des monuments originaux , soit sur quelques dessins
de bas-reliefs inédits ou déja publiés, que je suis parvenu à reconnaître
le Dieu Mandouli, parmi la foule de Dieux que présentent les sculptures
égyptiennes.
Je remarquai d'abord qu'une divinité mâle, et qui paraît avoir joué
un rôle important dans le Panthéon égyptien, reçoit, dans les légendes
hiéroglyphiques , le nom de Mand Uht (3). Ce même nom propre de
Dieu se lit avec l'addition de sa voyelle finale Uijtoy (4), Mandou, sur
plusieurs stèles ou bas-reliefs du musée royal égyptien de Turin, de la
collection de M. Durand ou du cabinet du Roi à Paris. La valeur pho
nétique des éléments qui composent ces noms , étant reconnue d'ailleurs
et ne permettant aucun doute sur l'exactitude de leur lecture, il devint
certain , pour moi du moins , que le Dieu appelé Mand, ou plutôt Mandou,
dans les textes hiéroglyphiques , était aussi le Dieu principal du temple
de Talmis, nommé Manaoïai Mandouli dans les inscriptions grecques,
lorsque surtout j'eus retrouvé ce nom divin plus habituellement écrit
Uutph (5), Mandou-Ri ou Mandou-Li ( Mandoii-soleil ), suivant la
prononciation particulière de ce nom, dans les différents dialectes de la
langue égyptienne.
Ce nom sacré se lit constamment inscrit à côté d'un Dieu à téte d'é-
pervier, ornée du disque solaire , surmontée de deux longues plumes.
Ainsi le Dieu Mandou-Ri ou Mandou-Li réunissait en lui les caractères
ou du moins les principaux insignes des deux grandes divinités de
l'Egypte Amon-Ré (Amon- Soleil) , et Phré ou Phri ( le Dieu Soleil).
Les images de Mandou-Li sont fréquemment reproduites dans les temples
de l'Egypte, de la Nubie et de l'Ethiopie; celle qui est gravée sur notre
planche 27 , est tirée d'une stèle du musée royal de Turin.
( CRONOS , SATURNE ).
Nous avons déja fait connaître les formes variées du dieu Sovk , Sévék,
Sébék , Sékeb , qu'honoraient spécialement les habitants du nome Om-
bite, ainsi que les relations marquées de ce personnage mythique avec le
temps en général et le cours du soleil en particulier : Sévék, identifié
avec cet astre sous un certain point de vue, appartenait à la classe des
dieux célestes : c'était la forme primordiale du Saturne égyptien qui , par
son incarnation sur la terre, revêtant des formes matérielles, devint une
des divinités de la troisième classe , celle des dieux terrestres ( faiyuouc )
issus des dieux célestes. Le Saturne égyptien, dieu incarné, l'un des dy-
nastes qui , disait-on, avait régné sur l'Égypte dans les temps primitifs
et avait laissé le trône à ses enfants Osiris et Isis , prenait le nom de
Sév , Siv ou Sèv , et celui de Keb ou Kév (lég. n° 6); ce qui, dans les
monuments originaux, distingue habituellement la forme terrestre ou
secondaire de la forme céleste ou primordiale adorée sous les noms de
Sévék et Sékeb. Les légendes hiéroglyphiques sculptées à côté des images
de Sévék dans le grand temple d'Ombos , constatent fréquemment du reste
l'identité d'essence de ces deux formes divines.
L'orthographe du nom propre du Saturne terrestre varie d'un monu
ment à l'autre, et souvent aussi dans une même inscription. Ce nom étant
phonétique, se compose de Vœu/ et de la jambe (lég. n° 2 ) , ou de Voie et de
la jambe (lég. n° 3), ce qui donne les éléments cb, ct ,cot. D'un autre côté
on l'exprimait symboliquement par l'image d'une étoile suivie du déter-
minatif figuratif (lég. n° 4) ou symbolique (lég. n° 5) des noms propres de
divinités. Le rapprochement de ces deux noms nous conduit naturellement
à la prononciation du nom phonétique : si l'on considère en effet que Vétoile,
cior, siou en langue égyptienne, fut l'emblême spécial du temps (i), et que
le mot temps , dans cette même langue, cht, sèvoxi siv en dialecte thébain
et chot, séou ou siou en dialecte memphitique, offre avec le mot cior,
fsiouJ étoile, une grande analogie d'orthographe et de prononciation,
on comprendra d'autant mieux la présence de Vétoile dans le nom sym
bolique du Saturne égyptien, et nous reconnaîtrons l'ancienne orthographe
(') AcTYip wap' AtyoTïTiotç Ypa<pojAevoç... «mjAatvei XPONON. Horapollon, liv- II, § 1.
27(i)
du mot cht, sév ou siv, le temps , dans les légendes hiéroglyphiques pho
nétiques (n°' 2 et 3); seb , sév ou sw, nom ordinaire du Cronos ou Saturne
des mythes sacrés de l'Egypte.
Le dieu Sév, tel que le présente notre planche 17 ( i), fut souvent reproduit
sur les monuments de sculpture égyptienne : la tête du dieu est couverte
du diadème Toscher emblême de sa domination sur la région inférieure
ou le monde matériel , qui se combine en même temps avec la coiffure Otf,
commune à plusieurs autres divinités. Un bas-relief du temple de Philae (i)
représente le Saturne égyptien ainsi caractérisé, recevant avec son épouse
Natphé l'encens que leur présente Ptolémée Philométor; dans un autre
tableau du temple AeKalabsché, Sév portant ces deux coiffures combinées
au-dessusdu klaft ou coiffure ordinaire des Egyptiens, a été figuré assis avec
Natphé et le jeune dieu Manrouli leur arrière-petit-fils. Enfin un sarco
phage de pierre calcaire appartenant au Musée du Louvre et couvert de
riches et nombreuses décorations sculptées avec soin, nous montre le dieu
Sév debout , levant sa main droite en signe de protection , et tenant dans
sa main gauche une grande faux droite, sorte d'arme ou d'instrument
qui, rappelant la harpé du Cronos des Grecs, et la faux du Saturne
italiote, fournit une nouvelle preuve des nombreux emprunts faits par
les peuples de l'Occident aux mythes sacrés et aux formes du culte des
anciens Egyptiens.
La légende (n° i)qui accompagne le dieu, cb m-qe uutp, signifie SÉv
le père des dieux; mais ce titre ne doit s'entendre que d'une manière
restreinte , comme nous l'établirons dans un autre article relatif à ce
même personnage mythique.
( ILIÏHYA, JUNON-LUCINE. )
Parmi les plus anciennes divinités adorées par les Égyptiens, Diodore
de Sicile nous fait connaître une déesse qu'il désigne sous le nom pure
ment grec d'EîXeiOuuc (1) : c'est le personnage mythologique nommé
Lucine ou Junon-Lucine par les Romains. Quelle que soit la défiance
avec laquelle nous devions adopter les assimilations multipliées que les
Grecs ont faites de leurs divinités nationales avec celles qu'on adorait
en Égypte, et qu'ils ont presque toujours désignées par des noms. grecs,
il ne faut cependant pas négliger de recueillir leurs assertions , parée
qu'elles peuvent nous aider à faire des distinctions importantes , et sur
tout à établir une sorte d'ordre et de classification dans le nombre si
considérable d'êtres mythiques dont les monuments égyptiens nous
offrent les images.
L'existence d'une cité égyptienne nommée EiAHeuA' noAis (2) , ville
dllithya, par toute l'antiquité grecque, et Lucinœ oppidum (3) par les
écrivains latins , prouve d'ailleurs que les Égyptiens rendaient un culte
spécial à une divinité dont les attributions eurent des rapports assez
marqués avec celles des déesses Uithya et Lucine qui , chez les Grecs
et les Romains, présidaient aux travaux de l'enfantement. Cette ville
était située dans la Haute-Egypte, au midi de Thèbes.
Si nous en croyons Plutarque qui s'étaye de l'autorité de Manéthon (4) ,
c'est dans ce lieu même que l'on immolait, sans doute en l'honneur de
la déesse, les hommes dits Typlwniens (Tup&mouç ) , et que leurs cendres
étaient jetées au vent; mais il me semble probable que le philosophe
de Chéronée transporte par erreur à Uithya la scène de ces sacrifices
barbares que, selon Manéthon (5) , le Pharaon Amôsis ( celui qui chassa
LE SECOND HERMÈS.
(i) Y*oyez les planches i5, i5-a, i5 b, et leur explication. (2) Manéthon, Chro-
nogr. du Syncelle, page \o. (3) Idem, ibidem. (4) Diodore de Sicile, liv. I, page i4
3o
tiques. C'est ce même dieu enfin , qui fit connaître aux hommes l'ar
chitecture, la sculpture, la peinture et tous les arts utiles (i).
La langue et 1 écriture inventées par Thoth et communiquées aux
hommes par cette divinité bienfaisante, différaient de la langue et de
l'écriture des dieux , dont s'était servi le premier Hermès pour rédiger
ses livres. L'écriture employée par le second Hermès est appelée hiéro-
graphique par Manéthon (2) , parce qu'elle servit d'abord à écrire les
livres sacres, dont ce dieu confia la garde à la caste sacerdotale qui
lui devait, dit -on, son organisation et toutes les connaissances dont
elle fut la dépositaire et la dispensatrice. Il paraît même que cet ins
tituteur des hommes réserva pour cette caste seule un certain ordre de
notions, entre autres, celle de la véritable longueur de l'année, 365
tours un quart, et de la période de quatre années dont la dernière était
nssextile (3). Les prêtres égyptiens reconnaissaient ce dieu pour l'auteur
des livres sacrés que chacun d'eux devait posséder à fond, en totalité
ou en partie, selon l'ordre de ses fonctions et son rang dans la
hiérarchie. Ces livres de Thoth, au nombre de .quarante-deux, renfer
maient toutes les règles, tous les préceptes, et tous les documents re
latifs à la religion , au culte , au gouvernement , à la cosmographie , à
la géographie , à tous les arts et à toutes les sciences ; en un mot , ces
livres sacrés, dont les titres nous ont été conservés (4), formaient ui
véritable Encyclopédie égyptienne.
Les Égyptiens , qui considéraient le second Hermès comme un
manifesté, et nullement comme un roi terrestre divinisé, ainsi que le
tend Athénagore (5) , représentèrent habituellement cet instituteur divin
de leur civilisation, sous une forme humaine, mais avec une tête d'Ibis,
ainsi qu'on le voit figuré sur notre planche, N° 3o. La tête de l'oiseau,
couverte de la coiffure égyptienne ordinaire et peinte en bleu, est sur
montée des cornes de bouc, communes à la plupart des dieux protec
teurs, et soutenant des Uraeus, un disque et d'autres emblèmes cmi va
rient suivant les différents points de vue sous lesquels on considerait le
second Hermès. La légende N° i signifie Thôout ou Thouti, seigneur
des divines écritures ou des écritures sacrées, dont ce dieu fut l'inventeur ;
la seconde légende exprime les idées Thôout, grand et grand (deux fois
grand) (6), seigneur des huit régions. Le titre deux fois grand , presque
toujours inscrit à côté des images du second Hermès, Thoth-ibiocéphale ,
le distingue du premier Hermès , Thoth-hiéracocéphale , surnommé 7m-
mégiste ( trois fois très-grand ).
(1) Voyez mon Précis du Système hiéroglyphique , chap. IX, § VII, pag. 288 et suiv.
(2) Plctarque , de Jside et Osiride.
(3) Description de l'Egypte , planches relatives aux antiquités d'Edfou et de Déridera.
(4) .&lIEN , De naturâ animalium, lib. II , cap. XXXVIII.
(5) Ci/Ément d'Alexandrie , Stromat. , lib. V, pag. 56j.
THOTH DEUX FOIS GRAND,
(1) Liber sacer ou Dialogue d'Isis et d'Horus; loi». Stobœi Eclog.; lib. I, cap. 52,
pag. 1077 et seq.
(2) Voyez planches 3o, lég. n° 1 ; et 3o5 , lég. n° 1. — Caylus , tome VI , pl. a , n° 2
et 3. — Grand Mss. hiérogl. , Description de l'Egypte, pl. 72; Scène du Jugement, lég.
du Dieu ; et toutes les légendes de Thoth Ibiocéphale sur les cercueils de momies.
3o b
cette direction des huit régions de la seconde zone du monde, habitée
passagèrement par les ames des morts. Cela expliquerait encore pour
quoi le nombre huit est particulièrement consacré à Thoth; et il n'est
point hors de vraisemblance que la grande ville d'Hermès dans l'Hep-
tanomide, qui porta le nom de Schmoun (i), c'est-à-dire, huit, nom
transcrit par les Arabes sous la forme du duel A1schmounàin , a été ainsi
appelée par allusion aux huit régions des ames, auxquelles présidait le
dieu éponyme de cette grande cité.
Quoi qu'il en soit , on attribua au second Hermès égyptien , Thoth
lbiocéphale, comme à l'Hermès des Grecs, la direction des ames que
la mort séparait des corps terrestres. Aussi ce dieu est-il figuré dans
les peintures des momies , tenant dans ses mains l'emblême de la partie
inférieure du monde , qui comprenait dans ses limites une portion du
ciel etY^menti, lieu où les ames étaient jugées par Osiris. Le nom écrit
de la partie inférieure de l'univers se compose, dans les textes hiéro
glyphiques , d'une plume , du segment de splwre lié au signe recourbé
qui exprime l'articulation S. C est ce même nom , dans lequel il me
semble reconnaître les éléments graphiques du mot égyptien PESLT
qui signifie partie inférieure, que tient dans sa main le dieu Thoth
figuré sur notre planche 3o B. Il faut observer seulement qu'une portion
du signe recourbé a été prolongée outre mesure pour donner à ce
groupe de lettres l'apparence d'un sceptre dans les mains du dieu, qui
tient aussi une bandelette : les exemples d'images d'objets dénaturés
ainsi dans leur forme , pour s'accommoder à l'effet général d'une com
position , sont fort communs sur les monuments égyptiens (2) : dans
les textes courants , le groupe hiéroglyphique exprimant la partie infé
rieure du ciel et du monde en général, prend la forme indiquée dans la
pl. 3o b, sous le 11° 2, accrue de trois signes déterminatifs ; et on le
retrouve sculpté sous la forme n" 3, hors du disque renfermant le zo
diaque circulaire de Dendérah, au-dessous du scorpion et entre les fi
gures de femme et d'homme à tête d'épervier, qui soutiennent cette por
tion du disque. Au point diamétralement opposé , se trouve le nom de
la partie supérieure du ciel et du monde. La ligne dont ces deux
groupes sont les deux points extrêmes , passe par les pieds postérieurs
du taureau et par la tête du scorpion.
( 1 ) Voyez mon Egypte sous les Pharaons , tome I , pages 290 et 291.
(2) Voyez nos planches n° 9 , 20 a, et 20 b.
THOTH PSYCHOPOMPE,
(1) Hérodote, Ht. II, § lxxvi. Savigny, Histoire naturelle et mythologique de l'Ibis,
pag. 19 et suiv. , 36 et suiv.
(2) Clément d'Alexandrie , Strom. , lib. V. jElibn , De Naturâ Animal. , lib. II ,
cap. xxxviii.
(3) jElien, De Natur. Animal., lib. II, cap. xxxv et xxxvm; lib. X, cap. xxix.
3o e.
exclusivement. Du reste, l'Ibis représentait convenablement le plus sage
et le plus savant des Dieux, s'il est vrai, comme le disaient les Égyptiens ,
que les Ibis marchent d'une manière grave et posée, comme une jeune
vierge , ne cheminant que pas à pas
C'est principalement la première espèce d'Ibis, YIbis blanc, qui fut
vénérée et nourrie avec soin par l'Egypte entière : c'est celle, du moins,
dont l'image est la plus fréquente dans les peintures et les sculptures de
style égyptien. Presque toutes les momies d'Ibis, ouvertes et observées
avec soin, ne présentent que l'espèce blanche ; d'où il résulte que YIbis blanc
était l'oiseau favori de Thoth, son symbole et celui de la lune sur la terre.
Le Dieu et l'oiseau étaient tellement identifiés dans les idées égyptiennes,
qu'on attribuait le principe de la connaissance des nombres et des me
sures à l'Ibis même (5), et que son pas était devenu un étalon métrique.
Les récits populaires attribuaient surtout à YIbis noirla destruction des
serpents ailes. Ces serpents venaient de l'Arabie; les Ibis noirs se pos
taient, dit-on, sur les frontières de l'Égypte, combattaient ces redouta
bles ennemis, et les empêchaient de pénétrer dans l'intérieur du pays (6).
Hérodote prétend avoir vu des amas immenses d'os et d'arêtes de ces
serpents detruits par les Ibis noirs (7). L'antiquité entière a reproduit
cette assertion d'après le père de l'histoire ; mais les connaissances po
sitives que la science moderne possède de la constitution et des habitudes
des deux espèces d'Ibis, ne permettent d'attacher aucune confiance à
cette opinion sur l'oiseau consacré à Thoth , considéré comme le sauveur
de l'Égypte parce qu'il détruisait de dangereux reptiles , les sauterelles,
les chenilles, et éloignait les maladies contagieuses (8). On disait aussi
que YIbis blanc rendait un service semblable à l'autre extrémité de l'É
gypte vers l'Éthiopie , en empêchant les serpents des pays méridionaux
d'entrer sur la terre sacrée. Ainsi, dans la croyance vulgaire, l'Égypte
était défendue contre les reptiles venimeux par les deux espèces d'Ibis ;
les Ibis noirs défendaient les frontières vers le nord, et les Ibis blancs
les frontières du sud.
L'Ibis blanc fut nourri dans les temples et dans les maisons parti
culières, comme l'image vivante de Thoth sur la terre: lorsque ces ani
maux mouraient, on déposait leurs corps, embaumés avec soin, dans des
catacombes , soit à Hcrmopolis magna, dont les médailles portent la
figure de cet oiseau (9), soit dans d'autres lieux de l'Égypte et surtout
dans le voisinage de Memphis, où existe encore une incroyable quantité
de momies de cette espèce d'oiseau , puisqu'on les y a comptées par
milliers.
(4) Idem, lib. II, cap. xxxvm.
(5) Clément d'Alexandrie, Stromat., lib. V.
(6) ^lien, De Natur. Animal., lib. II, cap. xxxvm.
(y) Livre II , § lxxvi.
(o) Cicéron, De Natur. Deor., lib. I, xxxvi. Eusèbe, Prcep.EvangeL, lib. II, § 1, p. 49-
(9) Tochon, Recherches sur les Médailles de Nomes, pag. n4 et 116.
LE CYNOCÉPHALE,
L'un des emblêmes les plus connus du dieu Thoth ou le second Hermès,
fut une grande espèce de singe que la ressemblance de sa tête avec celle
d'un chien, fît nommer Cynocéphale , KuvoxeçaXoç, par les Grecs qui, peut-
être en cette occasion, traduisirent tout simplement le nom Égyptien de
cet animal. Le Cynocéphale fut consacré à Thoth , l'Hermès Egyptien,
l'inventeur des lettres, parce que, disait-on, nue certaine classe de ces
animaux connaissait réellement l'usage des lettres (i). Cette croyance
absurde semble s'être conservée fort long-temps en Egypte, puisqu'on
lit dans un manuscrit copte-thébain du Musée Borgia (2), contenant le
récit des actes de saint Barthélemy, que ce prédicateur de la foi quitta
la religion des icbthyophages pour se rendre dans le pays des Parthes,
accompagné de Christianus homme-cynocéphale ( puma uzouorzoop ).
Aussitôt qu'un Cynocéphale était introduit dans un temple de l'Egypte,
un prêtre , dit Horapollon (i) , lui présentait une tablette, un roseau et de
l'encre, pour éprouver s'il était réellement de la race de ces Cynocéphales
qui connaissaient l'art de l'écriture. Quelque ridicule que soit cette asser
tion d'Horapollon , il n'en reste pas moins prouvé que tel était en effet
le préjugé vulgaire, car les monuments offrent des représentations par
faitement analogues. On trouve, par exemple, parmi les sculptures- qui
décorent le grand temple d'Edfou , un bas-relief dessiné par la Commis
sion d'Egypte, et représentant un Cynocéphale assis dans l'acte de tra
cer des caractères sur une tablette à l'aide d'un roseau. On crut trouver
outre cela , dans ce même animal , des rapports marqués avec les individus
composant la caste sacerdotale, puisque, comme ceux-ci, il était circoncis,
et s'abstenait surtout de manger du poisson (3). Cette espèce de singe
dut ainsi nécessairement devenir l'emblême vivant de Thoth , l'instituteur
et le prototype de la caste sacerdotale.
(1) De pierre calcaire blanche, très-fine, et d'un excellent travail; hauteur, 1 pied
5 pouces ; largeur , 1 pied.
(2) Voyez les variantes de ce caractère hiéroglyphique, dans notre planche 20 b,
n"i, 2,3,4.
3o#
des cieux. Le Dieu, assis au milieu de la barque, est caractérisé par une
tête d' Ibis, couverte de la coiffure ordinaire, mais surmontée du disque
et du croissant de la lune: la légende qui l'accompagne , Ooz ou Wetoo-rr,
Ooh-Thôout , n'est que le nom du Dieu-Lune, réuni à celui du second
Hermès; tout comme le simulacre que ce double nom désigne, est formé
des images combinées de la Lune et du second Hermès. L'identification de
ces deux personnages mythiques ne peut donc plus être douteuse.
Un cynocéphale, animal également consacré à l'une et à l'autre de ces
divinités, présente au Dieu Ooh-Thôout (Lunus-Hermès) l'œil , symbole
spécial des deux corps célestes qui répandent la lumière sur la terre; ce
même œil est figuré vers la proue de la barque divine dont l'extrémité ,
richement décorée, porte un disque pour désigner , selon toute apparence,
que cette Bari est celle d'une planete. Nous ajouterons, à ce sujet, que
la consécration d'une des planètes à Hermès ( Mercure ) chez les peuples
anciens, n'avait pointlieu chez les Égyptiens ; ils purent donc sans incon
vénient assimiler leur Hermès avec la Lune, car il est certain qu'ils
consacrèrent à leur Dieu Aroeri (Apollon) (3) la planète nommée Hermès
et Mercure par les Grecs et par les Romains.
La poupe de la Bari sacrée du Dieu Lunus-Hermès, est recourbée d'une
manière très-remarquable, circonstance qu'on a pu également observer
dans l'une des barques du Dieu-Lune (4). Cette appendice si extraordinaire
me paraît représenter une queue de crocodile, animal essentiellement lié
aux mythes du Dieu-Soleil et du Dieu-Lune. Enfin cette queue qui est
recourbée nous rappelle encore ce passage d'HorapolIon (5) 2xo'toç &
XfyovTeç, xpoxo£e&o-.t oùpàv Ccoypaçoùciv : pour représenter l'obscurité, les Egyptiens
peignent la queue d'un crocodile. Ce rapprochement nous conduit à
conclure que, par OohrThôout , les Égyptiens pouvaient entendre le
Dieu qui présidait à la lune en conjonction, c'est-à-dire à la phase où
cet astre cesse d'être apparent sur l'horizon. On peut supposer que Ooh
( la lune ) restait alors dans la partie inférieure et ténébreuse du ciel ,
Sue nous avons vue être en effet du domaine de Thoout , le second
ermès (6).
(rhéa. )
On a déja remarqué (ij qu'il exista en réalité, entre les mythes sacrés
des Égyptiens et ceux des Grecs , des rapports beaucoup plus suivis que
ne semblerait l'indiquer la diversité d'origine de langue ou de gouver
nement des deux peuples , et surtout le peu d'analogie des formes choisies
pour représenter chacun de leurs personnages mythiques. Cependant, si
l'on a égard aux différences de temps, de races et de lieux, on s'apercevra
bientôt que certaines parties de la mythologie des Grecs ne sont, et de
l'aveu des Grecs eux-mêmes, que des mythes égyptiens plus ou moins
complets, mais reproduits avec les modifications nécessaires pour les lier
naturellement au système national des Hellènes; de là vient que les anciens
auteurs grecs, à partir d'Hérodote même, lorsqu'ils ont voulu parler des
divinités de l'Egypte, se sont servis indifféremment et avec une assurance
bien fondée du nom grec de la divinité correspondante dans les mythes
grecs, au lieu d'employer le nom égyptien lui-même. Diodore seul nous
avait parlé d'une Estia ou Vesta égyptienne ; Jablonski , s'étant flatté de
retrouver l'ensemble du système religieux de l'Egypte dans le peu que les
auteurs anciens ont laissé échapper sur cette matière, et s'imaginant
expliquer tous les personnages mythiques par les divers états du soleil et
de la lune, nia l'existence d'une divinité analogue à YEstia des Grecs dans
les mythes égyptiens , et ne reconnut pour divinités vraiment égyptiennes
que celles dont les Grecs avaient mentionné les noms égyptiens. C'est en
partant de ce principe, absolument faux, que ce savant a refusé d'ad
mettre dans son Panthéon deux divinités égyptiennes assimilées par les
Grecs à leurs Cronos et Rhéa, le Saturne et la Rhéa des Romains. Mais
c'est à tort, et bien gratuitement, que Jablonski accuse les Grecs d'avoir
donné, sans règle et sans motif, les noms propres de leurs divinités à
celles des Égyptiens, et de ne suivre en cela que leur caprice ou leur
convenance particulière; enfin les auteurs et les monuments démontrent
combien cet érudit était dans l'erreur, lorsqu'il affirme trop positivement
que, quant à Rhéa, sœur et femme de Saturne, elle fut tout4-fait incon
nue aux Égyptiens (3), et que tout ce que les anciens ont dit d'une Rhéa
égyptienne doit s'entend re de la déesse Athôr{^\
(1) Voir Jablonski, Panthéon Mfgptiorum , livre IV, chap. 2, qui a réuni la plus
grande partie des passages relatifs à Apis, tirés des auteurs grecs et latins.
(2) Clément d'Alexandrie, Admonitio ad Gentes, pag. 26, D.
(3) Recherches sur les médailles des nomes, par Tochon, pages 54, 60, yi, 91, 100,
m, 117, 129, etc.
(4) Idem, pages 55, 56, 5j, 63, 69, etc,
(n°37.)
mais ces animaux différaient entre eux , soit de couleur, soit par quelques
qualités ou marques particulières : le taureau Onouplds , nourri à Her-
monthis ou dans quelque autre cité de la Thébaïde, en l'honneur du
premier des dieux, Ammon, fut de couleur noire, d'une taille remar
quable, et ses poils étaient, dit-on, dirigés à contre sens; Mnévis, autre
taureau nourri à Héliopolis comme emblème du soleil, est représenté de
couleur claire sur les monuments originaux; mais le taureau Apis se
distinguait de tous les autres taureaux sacrés de l'Egypte, non-seulement
par son pelage, mais encore par des signes propres à lui seul et dont
les auteurs grecs et latins parlent avec détail.
Quant à la couleur d'Apis, les monuments égyptiens originaux, sur
lesquels son image est représentée, le représentent toujours noir ou bien
mi-partie de noir et de blanc. Notre planche 37 le reproduit fidèlement
tel qu'il est figuré à côté du taureau Mnévis (i), (que certains mythes
populaires regardaient comme le père d'Apis), parmi les peintures d'un
riche cercueil de momie du Musée royal égyptien de Turin. Un collier et
une housse rouge à points bleu-céleste décorent l'animal sacré, dont le
corps est entièrement noir. Le fouet, placé au-dessus de sa croupe, est
l'emblème du pouvoir incitateur du dieu que l'animal rappelle, symboli
quement, à l'adoration des hommes, et le serpent Urœus, coiffé de la
portion supérieure du pschent, indique la domination de cette divinité
sur les régions d'en haut. Entre les cornes du taureau s'élève un disque
de couleur jaune; c'est celui de l'astre dont Apis était l'image sur la
terre. Les deux plumes bleues qui surmontent le disque , emblèmes
connus de justice et de vérité, ont un rapport direct à certaines fonctions
funéraires que les Égyptiens attribuaient au taureau Apis, et dont il sera
bientôt parlé dans Tun des articles suivants relatifs au même animal
sacré.
(1) Diodobe de Sicile, liv. Ier, pag. 79, édit. de Rhodoman. — Stràbon, liv. XVI,
pag. 553, édit. de Is. Casauhon. — Macrobe, Saturnales, liv. Ier, § 2i. — julien,
Histoire des Animaux, liv. XI, chap. 10. — Plutarque, Traité d'Isis et d'Osiris.
(a) tw Te Airei xai Tt<) MNEYEI itoXka. é&wpïicaTO. ligne 3f.
(3) Préparation évangélique , liv. III, chap. i3.
« (n<> 38.)
Mnévis. Malheureusement il ne reste rien des temples qui ornaient jadis
la ville d'Héiiopolis , et l'on ne peut plus chercher parmi leurs bas-reliefs
l'image de l'animal sacré, qu'il serait si intéressant de retrouver sur les
lieux mêmes où il fut particulièrement honoré. Pignorius était tenté
de reconnaître Mnévis dans l'un des taureaux représentés sur la table
isiaque (i); mais ce monument n'est qu'un ouvrage d'imitation et d'une
époque peu reculée; rien d'ailleurs n'autorisait encore ce savant à donner
le nom de Mnévis à l'image d'un taureau qui ne réunit évidemment aucun
des caractères indiqués par Porphyre.
L'unique monument original et d'ancien style égyptien sur lequel nous
ayons reconnu une représentation authentique de Mnévis, existe dans le
Musée royal égyptien de Turin : sur le couvercle du cercueil extérieur de
la momie d'un prêtre nommé Schébamon , sont peints deux taureaux ;
l'un, entièrement de couleur noire, est accompagné d'une légende hiéro
glyphique qui se lit; le dieu Api ou Apévé; c'est Apis ou Epaphus ,
l'animal sacré de Memphis ; l'autre taureau ( voir notre planche n° 3y )
est, au contraire, de couleur jaune clair, et son nom propre se lit sans
difficulté : le dieu MNÉ; c'est évidemment l'orthographe égyptienne du
nom que les Grecs ont écrit MNE-YI2, et les Latins mne-vis. Cet animal
sacré porte entre ses cornes le disque du soleil qu'il représentait sur la
terre ; à son cou est attaché un riche collier, dont le fermoir retombe sur
sa croupe; son dos est couvert d'une housse à fond rouge, surmontée
du fouet, symbole de Xincitation ; devant le taureau sacré on a figuré
l'uraeus, emblème de la domination sur les régions supérieures.
Cette curieuse peinture, reproduite dans notre planche 37, légitime la
conjecture de Pignorius , et nous donne en même temps le droit de croire
que Porphyre a, par erreur, attribué à Mnévis les caractères particuliers
à l'un des autres taureaux sacrés de l'Égypte, Onouphis ou Pacis, selon
toute apparence.
(i) cop prononcé umpi en suppléant les voyelles, comme le prouve l'orthographe
hiéroglyphique et hiératique des noms propres égyptiens, que les Grecs ont transcrit
irwïipi; , o(Topw/ipiç , Sevitoïipiç , TcTeapMYipiç , etc. , etc.
Cette dénomination établissait donc des rapports directs entre Haroeri
et Hor ou Harsiési, c'est-à-dire Horus fils d'/sis et d'Osiris ; l'un était
Horus l'aîné , l'autre Horus le jeune; aussi les Grecs ont- ils d'habitude
confondu ces deux divinités l'une avec l'autre. Ils ne les distinguent que
très-rarement , et cependant Haroeri occupait un rang supérieur à celui
d' Horus car, selon les mythes sacrés, il était né avant ce dernier, quelque
tradition que l'on veuille adopter d'ailleurs relativement au dieu et à la
déesse dont il fut engendré.
D'après un certain récit Haroeri serait un frère d' Horus , né du même
père et de la même mère : «./sis et Osiris , racontait-on, étant amoureux
« l'un de l'autre devant qu'ilsfussent sortis du ventre de Rhéa , couchèrent
«ensemble à cachettes, et disent aucuns qu'Aroueris naquit de ces
« amourettes-là (i) ».
Une autre tradition voulait qu'Arôeris fût le fils du Soleil et de
Rhéa (2).
Enfin, selon Diodore de Sicile, l'Apollon égyptien naquit du dieu Cro-
nos (Saturne) et de la déesse Rhéa- (3).
C'est la dernière de ces trois généalogies que les monuments égyptiens
originaux confirment de la manière la plus précise. On lit plusieurs fois
en effet, à côté d'images en pied du dieu Haroeri, dans le grand temple
d'Ombos, la légende suivante (lég. n° 5), dont voici la transcription en
caractères coptes: zAptonpi nuHB (n) c.\pHc nci (m) cb nice rjnT<|>o mrrp
usa : Haroeri le seigneur de la région du Midi fils de Sèv (Saturne) né
de Natphé (Rhéa), dieu grand (4).
Ainsi à Ombos le dieu Haroeri était considéré comme frère d'Osiris
et d '/sis. Sa mère Natphé le mit au monde le second jour épagomène ,
c'est-à-dire dans le deuxième des jours complémentaires ajoutés à l'année
de 36o jours. Cette tradition qui d'abord nous a été conservée par Diodore
de Sicile et par l'auteur du Traité d'Isis et d'Osiris, se trouve constatée
par une série de tableaux que j'ai découverte dans les restes du petit temple
d'Ombos : chacun de ces tableaux est relatif à l'un des jours épagomènes,
et le second représente le dieu Haroeri en pied avec la légende (n° 6),
dont voici la transcription copte : nnor eoor evïrrne Tepouno (o*iu)
(i) Ces titres sont sculptés à la suite du nom propre de la déesse dans les inscriptions
des bas-reliefs de la seconde salle du temple d'Ombos.
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CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION.
a Paris chez:
M. DUBOIS, rue de Savoie-Sain t-A ndré-des-Arcs, n°4;
COLLECTION
DE L'ANCIENNE ÉGYPTE,
A PARIS,
M DCCC XXV.
ANOUKE.
(1) Hérod. liv. II, §. 5o. (2) Diod. de Sicile, liv. I,$. i3.
qu'après elle ; et cela seul prouve le haut rang d'Anouké dans le Pan
théon Égyptien.
Divers bas-reliefs offrent la représentation complète de tous les per
sonnages de la famille à! Ammon ; parmi eux se trouve la déesse figurée
sur cette planche, et son nom hiéroglyphique (A), composé de trois
caractères phonétiques , suivis du signe de genre et du caractère d'espèce
déesse, se lit T(HoirTE) Ank; c'est l'orthographe Égyptienne du
nom divin que les Grecs ont écrit Àvcuxiç, en ajoutant une finale grecque.
Les chairs de la déesse Anouké sont habituellement peintes en
rouge; sa coiffure, la partie supérieure du Pschent, est flanquée de
deux cornes, et le sceptre qu'elle tient dans sa main est terminé par
une fleur de lotus épanouie. Les ailes que les Égyptiens attribuèrent à
la plupart de leurs déesses du premier et du second ordre, sont ici re-
ployées , et enveloppent les parties inférieures du corps d'Anouké.
Cette divinité, qui paraît avoir été fille d'Amon- Cnouphis , est sa
compagne assidue dans beaucoup de bas -reliefs religieux; un tableau
sculpté sous le portique du grand temple de Philae , représente Ptolémée
Evergète II offrant l'encens à Cnouphis et à la déesse Anouké assis sur
leurs trônes. Dans le temple de Cnouphis à Éléphantine, la déesse pré
sente elle - même au dieu le Pharaon Aménophis II ; plus loin , cette
déesse accompagne Ammon -Cnouphis, auquel le roi fait l'offrande de
quatre taureaux (i).
J'ai recueilli sur une stèle un second nom hiéroglyphique (B) de la
Vesta Égyptienne ; mais celui-ci se rapporte plus spécialement à un em
blême de la déesse, dont il sera question dans la suite.
Les bas-reliefs sculptés sur les édifices religieux de l'Egypte nous offrent
assez fréquemment la représentation d'une déesse caractérisée surtout par
sa coiffure formée de la portion supérieure du pschent, flanquée de deux
cornes. Cette divinité, dont le nom hiéroglyphique est formé de quatre
caractères (voir pl. i9 b) répondant aux lettres coptes cth, qui pou
vaient se prononcer Saté ou Sati, est figurée sur un grand nombre de
bas-reliefs, et presque toujours à la suite du dieu Ammon-Chnouphis ,
avec lequel Sati paraît s'être trouvée dans des rapports mythiques très-
intimes.
Cet aperçu, déduit de la seule inspection des monuments, devient un
point de fait démontré par une inscription grecque du temps de Ptolémée-
Évergète II, gravée sur un autel découvert par M. Ruppel, à Sehhélé, île
située entre Philae et Eléphantine (i). On y lit en effet que l'une des divi
nités locales, assimilée par les Grecs à leur Héra (la Junon des Latins),
porta, en langue égyptienne, le nom de 2ATI2, Satis , ou plutôt 2AÏT,
Sati, en faisant abstraction de la finale grecque. Dans cette même inscrip
tion, Héra -Satis ou Junon- Satis , est nommée, immédiatement après,
Ammon-Chnoubis. D'autre part, une inscription latine a été copiée dans
les carrières de Syène, par l'infatigable Belzoni (2), sur un autel dédié à
Jupiter-Chnoubis et à Junon-Reine, protecteurs de ces montagnes ; il est
donc certain que la divinité figurée sur notre planche n° 19, est la déesse
Sati, la Junon Égyptienne , la compagne d'Ammon-Chnouphis, le Jupiter
Égyptien.
Que Sati ou Saté fût dans les mythes sacrés de l'Egypte l'épousé de
ce grand dieu, ou qu'elle en fût seulement une parèdre, c'est ce que les
textes hiéroglyphiques connus jusqu'à ce jour ne nous ont point encore
appris. Quoi qu'il en soit, elle partage les honneurs rendus à Ammon-
(1) Recherches pour servir à Fhistoire de rEgypte, etc., par M. Letronne, pages 34 1
et. 48o.
(2) Idem, page 361.
(n° i9$.
Chnouphis, et nous citerons d'abord une belle stèle rapportée de Thèbes
par lord Belmore (i), et un bas-relief sculpté sous le portique du grand
temple de Philae, et représentant Ptolémée-Évergete II offrant l'encens à
Chnouphis et à la déesse Saté, assise à côté du dieu (2). Dans un temple
beaucoup plus ancien, celui du dieu Chnouphis, à Eléphantine, monu
ment du règne d'Aménophis II, de la dix-huitième dynastie, on voit
Saté (3) qui présente elle-même le Pharaon à Ammon-Chnouphis; plus
loin la déesse reçoit, à la suite du même dieu, les offrandes du mo
narque (4).
Le culte de Saté exista donc en Égypte du temps des Grecs, comme
sous les rois de race égyptienne : c'était une des plus anciennes divinités
du pays.
L'image de cette déesse (pl. i9) est extraite de la Description de
FEgypte (5). Les chairs sont peintes en rouge, contre l'habitude des
Égyptiens, qui n'attribuent ordinairement cette couleur qu'aux divinités
mâles. Mais la stèle coloriée de lord Belmore donne aux chairs de la
déesse cette même teinte rouge, et cette concordance prouve, dans cette
occasion, en faveur de l'exactitude du dessin publié dans la Description
de l'Egypte. Saté tient dans ses mains l'emblème de la vie, et le sceptre
terminé par une fleur de lotus , commun à toutes les déesses. Les ailes de
vautour que les Égyptiens attribuèrent aux déesses mères (6) du premier,
du second et du troisième ordre, sont reployées et enveloppent sous leurs
replis les cuisses et les jambes de Saté,
(1) Ce monument colorié représente huit magiilrats qualifiés $auditeurs dams le pré
toire de justice, adressant leurs supplications à quatre divinités, Phtlia , Chnouphis-
Chnoumis , Saté et Anouké.
(2) Description de VEgypte, Antiquités, vol. I, pl. 16, n° 1.
(3) Idem, pl. 37, n° 2.
(4) Idem , pl. 37, n° 1 .
(5) Idem, pl. 16, n°. 1.
(6) Voir l'explication de notre planche 6 quater.
TPÉ ou TIPHÉ.
CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION.
a Paris, chez :
COLLECTION
DE L'ANCIENNE ÉGYPTE,
A PARIS,
M DCCC XXV.
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