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Institut Universitaire de Formation des Matres de lAcadmie de Lyon

Centre de Lyon

Concours de recrutement des professeurs des coles

Aborder la comprhension et linterprtation


des textes littraires avec de jeunes lecteurs

Odile Lacheret

Directeur de mmoire : Alain Rabatel

Anne 2002-2003
2

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION P. 4

I. COMPREHENSION ET INTERPRETATION : LES THEORIES P. 9


1. La typologie des problmes de comprhension et
dinterprtation de Catherine Tauveron p. 9
1.1 La comprhension p. 9
1.1.1 Les problmes imputables aux lves p. 9
1.1.1.1 Les problmes dordre cognitif p. 9
1.1.1.2 Les problmes dordre culturel p. 11
1.1.2 Les problmes construits par le texte p. 11
1.2 Linterprtation p. 11
1.2.1 Les problmes programms par le texte p. 12
1.2.1.1 Linterprtation antrieure la comprhension p. 12
1.2.1.2 Linterprtation postrieure la comprhension p. 12
1.2.2 Les problmes programms par le lecteur p. 13
2. Dautres conceptions de la comprhension et de
linterprtation p. 14
2.1 La performance du lecteur daprs Umberto Eco p. 14
2.2 Le liseur , le lu , le lectant de Michel Picard p. 15

II. LES CHOIX DIDACTIQUES P. 16


1. Lvaluation traditionnelle de la comprhension p. 16
1.1 Le questionnaire p. 16
1.2 La lecture voix haute p. 18
1.3 Le rsum p. 19
2. Quelques dispositifs que jai mis en place durant mes stages p. 20
2.1 Les dispositifs mis en place durant ltude de LOgre-
doux de Jean-Loup Craipeau en CE2 p. 20
2.1.1 La mise en place dune situation-problme p. 20
2.1.2 Le travail partir dindices linguistiques p. 21
3

2.1.3 Le travail partir dindices culturels : la mise en


rseau p. 22

2.1.4 La discussion au sujet des choix de lauteur p. 22


2.2 Dautres dispositifs didactiques p. 23
2.2.1 Le choix dune illustration reprsentative du texte p. 23
2.2.2 Combler les blancs grce aux infrences p. 23
2.2.3 Ltude des choix dcriture de lauteur p. 24
2.2.4 Le lien lecture-criture p. 25
3. Les interactions verbales pour aider la construction du sens p. 27
3.1 Les avantages p. 27
3.1.1 La co-construction du sens p. 27
3.1.2 La justification p. 27
3.1.3 Lexplication p. 28
3.1.4 La mtacognition p. 29
3.2 Les difficults pour lenseignant p. 30
3.2.1 La reformulation p. 30
3.2.2 Favoriser les interactions verbales entre les lves p. 30
3.3 Les difficults pour llve p. 31
3.3.1 La participation p. 31
3.3.2 La rapidit du discours oral p. 32

CONCLUSION P. 34

REFERENCES BIBLIOGRAGHIQUES P. 36
4

INTRODUCTION

Cest la rentre 2002 que les nouveaux programmes de lcole primaire sont
entrs en vigueur. Grce eux, la littrature sest officiellement vue ouvrir les portes
de cette institution alors que jusque-l elle apparaissait uniquement dans les textes
officiels relatifs au collge et au lyce.
Je me suis demble demand comment un domaine aussi complexe que la
littrature, souvent considr comme tant lapanage dexperts, pouvait trouver sa
place lcole auprs de lecteurs dbutants et denseignants qui ne sont pas
spcialiss sur le sujet.
Les constats qui ont orient le choix de mon sujet de mmoire
Cest donc motive et curieuse que jai assist des sances de lecture en classe
et des ateliers thmatiques lInstitut Universitaire de Formation des Matres. Jy ai
rencontr des enseignants soucieux de faire dcouvrir leurs lves des textes
littraires. Lorsque je demandais ces enseignants quels avaient t les critres
dterminants dans le choix du texte, ils me parlaient de lhumour, de lmotion ou de
toutes sortes dlments qui faisaient, selon eux, la richesse du texte. Mais, malgr ces
choix conscients, aucun enseignant ne ma jamais dit comment il comptait aborder
avec ses lves cette richesse du texte. Lorsque jai pu assister des sances, les
questions qui accompagnaient les textes ne portaient jamais que sur des lments
ponctuels, sans retour sur ce qui avaient t lu lors des sances prcdentes, et les
lments, dterminants dans le choix de ladulte, ntaient jamais traits explicitement
avec les lves. Face ce constat, deux hypothses peuvent tre proposes. Soit
lenseignant ne se sent pas capable de rendre explicite un fait littraire, de faire
partager une motion quil a ressentie durant sa propre lecture ; soit il considre que
les lves ont la mme sensibilit que lui et sont en mesure de faire les infrences
ncessaires la comprhension, de saisir les ambiguts qui peuvent les mener sur
plusieurs pistes interprtatives, etc. Jtais donc surprise de ce que je dcouvrais et jai
commenc me demander sil ntait pas possible daborder les textes littraires
diffremment.
5

Pourquoi travailler autour de textes littraires lcole primaire ?


Jai donc dcid de travailler sur la comprhension et linterprtation de textes
littraires. Avant dexpliquer la faon dont jai abord la littrature durant mes stages, je
vais exposer rapidement quelques-uns des arguments qui me font mintresser son
introduction lcole primaire.
Beaucoup de personnes ne lisent pas ou peu de textes fictionnels et nen sont pas
pour autant illettres ou en marge de la socit. Jaime quant moi beaucoup lire, et
notamment les textes fictionnels. Jusqu prsent, je ne mtais jamais interroge sur ce
que ces lectures pouvaient mapporter et sur les raisons qui me poussaient lire. Je me
suis donc demand limportance quil y avait faire entrer la littrature lcole
primaire alors que la priorit semblait tre dapprendre aux lves lire des textes
fonctionnels puisque ce sont ceux-l quils seront obligatoirement confronts dans leur
vie quotidienne.
Cest en analysant ce que mes propres lectures littraires mapportaient ainsi
quen lisant La Lecture de Vincent Jouve et en discutant avec mon directeur de
mmoire, Alain Rabatel, que jai pu vritablement me rendre compte de lintrt de la
littrature dans la construction de la personne. La littrature, ceci inclut pour moi la
littrature de jeunesse, permet au lecteur denrichir son exprience et sa pense en
vivant par procuration des aventures, en se mettant la place des personnages, etc. La
lecture de textes fictionnels permet en outre de mieux nous connatre en remarquant que
nos peines, nos doutes, nos questionnements et nos joies peuvent se retrouver dans nos
lectures et nous permettre de prendre du recul, de mieux les comprendre, de mieux les
vivre et de les sentir partags par dautres. Enfin, les textes fictionnels sont ceux qui
laissent la part la plus grande notre imaginaire. Ainsi, en lisant, nous nous
construisons des reprsentations mentales des personnages, des lieux, etc. qui nous sont
propres. Ce travail de limaginaire na pas lieu dune faon aussi riche la tlvision o
limage est celle quun autre a imagine pour nous. Ce constat peut tre illustr par le
fait que lorsque nous regardons une adaptation cinmatographique dun texte que nous
avons dj lu, nous sommes souvent dus car elle ne correspond pas ce que nous
avions imagin.
Ainsi, si elle nest pas un lment dterminant pour la russite scolaire et sociale,
la littrature apparat comme permettant un rapport plus complexe soi, une valeur
6

ajoute qui peut permettre denrichir le regard que lon porte sur le monde et sur les
autres.
Comment travailler les textes littraires avec des lecteurs dbutants ?
Cest pourquoi, compte-tenu de la complexit de ces crits, il mest apparu
important de ne pas les livrer simplement aux lves, mais de leur apprendre les lire,
les comprendre et les interprter. Jai donc voulu, durant mes stages essayer plusieurs
approches des textes littraires et mettre en place diffrents dispositifs didactiques pour
en observer les avantages et les inconvnients. Lentre de la littrature lcole
primaire ne peut se faire, selon moi, sans un travail sur la comprhension et
linterprtation des textes, sans montrer aux lves la posture du lecteur de textes
littraires qui nhsite pas relire tout ou partie de texte car lauteur lavait men sur
une fausse piste. En effet, mettre les lves en prsence dun texte littraire ne suffit pas
leur faire saisir la littrarit de celui-ci. Il faut apprendre aux lves comprendre les
textes, saisir la ncessit des infrences, devenir le complice de lauteur en prenant
en compte les rfrences culturelles prsentes dans le texte. Si ce nest pas fait
explicitement avec les lves, le travail autour dcrits littraires na pas lieu dtre.
Il me semble que cest uniquement par le travail sur la comprhension et sur
linterprtation des textes que lon pourra esprer russir lentre de la littrature
lcole. Mais est-il possible de permettre aux lves de dvelopper leurs capacits
interprtatives alors que le dchiffrage nest pas automatis ? Comment favoriser
lobjectivation des stratgies cognitives qui permettent aux lves de comprendre les
textes littraires ? Quels dispositifs didactiques mettre en place pour permettre un travail
interprtatif des textes ?
Prsentation des deux classes avec lesquelles jai travaill
Le dveloppement de ce mmoire montre la faon dont jai abord les
phnomnes de comprhension et dinterprtation de textes avec une classe de CE1 et
une classe de CE2. Le premier stage que jai effectu tait le stage mass qui a eu lieu
durant trois semaines peu avant les vacances de Nol. Il sagissait dune classe de CE2
de 29 lves dans une cole de Villeurbanne. Le deuxime stage tait un stage fil de
six semaines durant lesquelles jtais responsable de la classe les mardis et les vendredis
en janvier et fvrier. Il sest droul en classe de CE1 avec 26 lves dans une cole
classe en zone dducation prioritaire Vaulx-en-Velin. Il sagissait toutefois dune
7

classe assez calme dont six lves taient suivis par le matre E, spcialiste de laide
pdagogique ncessaire aux lves en difficult scolaire, et un lve par le matre G qui
apporte une aide rducative aux enfants en difficult scolaire. Dautre part, un
dispositif de dcloisonnement entre les deux classes de CE1 de lcole tait mis en place
afin de travailler la lecture selon les besoins des lves avec laide du matre E et dun
autre enseignant.
Si lon se rfre aux nouveaux programmes, cest uniquement au cycle 3 quil
est ncessaire de mettre en place un travail visant acqurir des comptences relatives
la comprhension et linterprtation des textes littraires. Au cycle 2, si les
programmes prconisent de lire des textes littraires, cest uniquement la prise
dinformations explicites qui doit tre travaille. Or, un texte littraire nest en aucune
faon une suite dinformations explicites qui, ajoutes les unes aux autres dvoilent le
sens du texte. Des infrences peuvent tre ncessaires la comprhension. Si
lenseignant veut que les lves comprennent un texte littraire, il ne peut pas se
contenter de traiter les indices explicites. Par ailleurs, si lon souhaite uniquement
travailler sur les informations ponctuelles du texte, il ny a aucun intrt choisir un
texte littraire et il me semble mme que ce serait contre-indiqu car on induirait de la
part des lves une mauvaise posture de lecteur face ce type de texte. Ainsi, jai dcid
dessayer daborder la comprhension et linterprtation des textes littraires dans ma
classe de CE1 mme si linterprtation nest pas une des comptences travailler au
cycle 2.
Le passage de la classe de CE2 la classe de CE1 a t un peu difficile car je
navais pas ide de lcart de niveau entre ces deux classes. Jai vraiment pu observer la
diffrence entre la fin du cycle 2 et le dbut du cycle 3. Mtant base sur le niveau des
lves de CE2 pour imaginer celui des lves de CE1, jai d, au dbut du stage fil,
revoir mes exigences concernant le travail sur les textes littraires que je souhaitais
mettre en place. Il a fallu que jadapte le travail en fonction des difficults de
dchiffrage des lves et de certaines subtilits grammaticales du texte quils ne
pouvaient pas saisir car ils taient alors en train dtudier le nom.
Dbutant dans lenseignement, je navais que peu dattentes concernant le travail
que les lves devaient raliser car je navais pas rellement conscience de leurs
capacits. Dans mes lectures, je nai trouv que peu de comptes-rendus dexpriences
8

concernant le travail littraire avec des classes de CE1 ou CE2. La plupart du temps, il
sagissait de travaux mens avec des classes de CM1 ou CM2. Qui plus est, ces travaux
ne sont pas trs nombreux. Ma principale attente tait donc de me rendre compte de la
faon dont les lves allaient comprendre et interprter les textes et dadapter mon
travail pour leur permettre de progresser dans ces domaines.
Lorganisation de mon mmoire
Durant mes stages, jai voulu aborder diffrentes formes de comprhension et
dinterprtation afin de me rendre compte de celles qui pouvaient faire lobjet dune
tude avec des lecteurs dbutants et celles qui ne semblaient pas leur porte. Dautre
part, jai mis en place diffrents dispositifs didactiques pour en apprcier les qualits et
les dfauts. Le dveloppement de ce mmoire tente dexpliquer la faon dont jai
travaill les phnomnes de comprhension et dinterprtation avec les classes de CE1
et de CE2 et analyse ces travaux. Jessaie de montrer comment je me suis appuye sur la
thorie pour mettre en place des pratiques professionnelles mais aussi comment il ma
fallu recourir la thorie pour analyser a posteriori certaines de mes sances.
Dans un premier temps, jexplique ce que sont rellement la comprhension et
linterprtation des textes littraires dun point de vue thorique. Janalyse dans un
second temps les dispositifs didactiques que jai mis en place durant mes stages. Ces
dispositifs font lobjet dune analyse critique qui met en vidence leurs avantages et
leurs inconvnients.
9

I. COMPREHENSION ET INTERPRETATION : LES THEORIES

Si lon souhaite travailler la comprhension et linterprtation des textes


lcole, il est ncessaire de dfinir ce que sont rellement la comprhension et
linterprtation, leurs diffrences et leurs liens. Lorsque jai envisag de travailler sur la
comprhension et linterprtation des textes, je ne pensais pas avoir faire de
distinctions entre ces deux phnomnes qui ne me paraissaient pas diffrents lun de
lautre. Cest travers mes lectures que je me suis aperue quon pouvait et devait les
considrer comme tant deux phnomnes distincts. Javais dabord t conforte dans
ma conception initiale car plusieurs livres traitant de la comprhension des textes
utilisaient galement le terme interprtation sans expliciter les nuances que lon peut
observer entre ces deux notions.

1. La typologie des problmes de comprhension et dinterprtation de Catherine


Tauveron
Cest travers la lecture de Lire la littrature lcole de Catherine Tauveron
que jai rellement pu me rendre compte des diffrences qui existent entre ces deux
phnomnes et dont il faut avoir conscience si lon veut faire avec les lves un travail
prcis en objectivant les comptences mises en jeu lorsquon aborde la comprhension
et/ou linterprtation des textes lus.

1.1 La comprhension
Catherine Tauveron propose dans son livre une analyse des problmes de
comprhension auxquels un lecteur peut tre confront face un texte quil lit. Elle
organise une typologie de ces problmes suivant deux axes principaux : les problmes
de comprhension qui sont imputables aux lves et ceux qui sont dlibrment
construits par le texte .

1.1.1 Les problmes imputables aux lves


1.1.1.1 Les problmes dordre cognitif. Parmi les problmes appartenant au premier
type, on peut distinguer les problmes dordre cognitif qui relvent des difficults
courantes que les apprentis lecteurs rencontrent dans la lecture. On note ainsi certaines
difficults rcurrentes comme le traitement des anaphores et des cataphores pour
10

identifier les personnages, la hirarchisation des qutes des protagonistes, ainsi que la
rorganisation mentale des informations pour retrouver la cohrence du texte. Ce sont
des difficults qui sont de plus en plus prises en compte dans les manuels et dans les
classes. Catherine Tauveron dplore toutefois que lon puisse encore trouver des
dispositifs visant viter aux lves de se trouver confronts ce genre de difficults en
ne les mettant en contact quavec des textes ayant atteint le degr maximal de
lisibilit (Tauveron, 2002, p. 25). Ce nest en effet pas en pargnant aux lves toute
difficult de comprhension que nous leur permettront de progresser dans leurs
comptences lecturales. Il vaut mieux mnager les rencontres avec des textes recelant
des difficults potentielles comme celles dj cites, plutt que de ne leur fournir que
des textes labors pour une comprhension immdiate et maximale qui leur vite alors
tout questionnement et toute rflexion. Ainsi, par exemple, un texte riche en anaphores
et posant des problmes de comprhension aux lves, doit tre prtexte dune part
identifier la difficult et dautre part trouver des moyens de lever celle-ci afin de
comprendre le texte lu.

1.1.1.2 Les problmes dordre culturel. Toujours dans le type de problmes de


comprhension imputables aux lecteurs, Catherine Tauveron (2002, p.25) traite des
problmes dordre culturel :

Les rcits les plus lisibles en apparence sont aussi ceux qui vhiculent le plus
grand nombre de lieux communs culturels (strotypes, symboles courants,
canons du genre) quon suppose partags quand on na jamais pris, en classe,
la peine de les construire.

Jai moi-mme fait cette exprience lors de mon stage mass qui sest droul dans une
classe de CE2. Je souhaitais travailler sur le strotype de logre, ou plus prcisment le
strotype de lapparition de logre dans une intrigue. Il me semblait que les lves
devaient avoir de nombreuses connaissances concernant les ogres grce aux contes
traditionnels, aux dessins anims, etc., ctoys dans le milieu familial ou scolaire. Je
pensais que je naurais qu organiser lobjectivation des connaissances plus ou moins
conscientes des lves concernant les ogres. Cette conception initiale a t remise en
cause par un questionnaire que jai soumis aux lves. Avant de dbuter la squence
dapprentissage, jai voulu me rendre compte des connaissances concernant les ogres
que les lves avaient dj. Je leur ai donc fait passer une valuation diagnostique avant
11

dtudier le strotype. Les lves ont d rpondre un questionnaire simple concernant


logre, sa vie, ses caractristiques physiques et des exemples de livres dans lesquels il
apparaissait. Jai constat une grande disparit dans la culture des lves. Si certains
avaient des connaissances assez prcises concernant les ogres, dautres nen avaient peu
ou pas. Il parat donc vident quun travail sur les strotypes est ncessaire pour
comprendre aussi bien les textes qui sappuient dessus que ceux qui les dtournent. Si
lon veut pouvoir mettre en place des discussions concernant la comprhension que les
lves ont eue dun texte, il est ncessaire de construire avec eux une base culturelle
commune lensemble de la classe afin que les discours puissent tre compris de tous.

1.1.2 Les problmes construits par le texte


Les problmes de comprhension ne sont pas tous imputables aux lves, certains
sont programms dlibrment par le texte daprs le classement quen fait
Catherine Tauveron. Ainsi, pour elle, il existe des rcits qui conduisent dlibrment
le lecteur une comprhension errone (Tauveron, 2002, p.26). Ce sont des textes qui
entranent le lecteur sur de fausses pistes qui lui seront rveles la fin, invitant la
relecture afin de reprer les indices qui servaient de leurres. Il existe galement des
rcits qui empchent dlibrment la comprhension immdiate (Tauveron, 2002, p.
27) de diffrentes faons comme dans les rcits policiers et les rcits qui reposent sur le
suspense.

1.2 Linterprtation
Mais, selon les auteurs de La matrise de la langue (1992, p.159) :

La comprhension dun texte nest pas lunique but que lon puisse poursuivre,
en particulier face des uvres potiques, dramatiques ou narratives (contes,
nouvelles, romans). Sans attendre de jeunes enfants quils se livrent aux exercices
difficiles de lexplication littraire, on peut ds lcole lmentaire aller du
partage des motions morales ou esthtiques, vers la prise de conscience que
lcriture est un procd susceptible de produire des effets puissants, de crer des
univers de rfrence imaginaires, de donner vie des fictions de langage, de
donner sens des paroles dnues de toute urgence sociale et de toute utilit
fonctionnelle.

Cest alors dinterprtation quil est question. Catherine Tauveron organise galement
les problmes interprtatifs daprs un classement qui lui permet de distinguer les
12

problmes dinterprtation programms dlibrment par le texte de ceux


programms dlibrment par le lecteur (Tauveron, 2002, p. 30 et 33).

1.2.1 Les problmes programms par le texte


Parmi ces problmes, elle fait une distinction entre ceux qui sont antrieurs la
comprhension de lintrigue et ceux qui lui sont postrieurs.

1.2.1.1 Linterprtation antrieure la comprhension. Certains problmes de


comprhension peuvent accepter plusieurs propositions. Catherine Tauveron prcise que
linterprtation doit alors prcder la comprhension et le premier phnomne devrait
alors nourrir le second. Lorsque durant mon stage fil en classe de CE1 jai voulu
travailler la comprhension et linterprtation dun conte des origines, Le Refrain du
vieux Kangourou de Rudyard Kipling, jai mis en pratique cette ide. Le texte posait un
problme de comprhension : alors quil voulait devenir un animal trs couru , le
kangourou se plaint de se faire courir aprs. Pour comprendre le texte, il a fallu
interprter lexpression trs couru , cest--dire faire un travail de lexique.
Lexpression problmatique peut tre interprte de plusieurs manires qui
nentraneront pas la mme comprhension du texte. A travers cette expression, on peut
entendre le verbe courir, ce qui a t le cas pour lensemble de mes lves. Mais, cette
expression signifie aussi, selon le Petit Robert recherch. Cest un spectacle trs
couru .

1.2.1.2 Linterprtation postrieure la comprhension. Quand le lecteur a compris


lintrigue, sil se pose un problme dinterprtation, cest quil ne parvient pas
rpondre une question du type O veut en venir le texte ? . Il faut alors, selon
Catherine Tauveron parvenir une lecture mtaphorique ou symbolique (Tauveron,
2002, p.33). Les lecteurs comprennent lintrigue assez simple du Refrain du vieux
Kangourou que lon peut rsumer ainsi : un kangourou qui souhaite tre diffrent des
autres animaux va demander de laide des dieux. Alors que les deux premiers dieux
rencontrs refusent daccder sa requte, le troisime dieu, Nkong accepte. Il appelle
alors Dingo qui court aprs le kangourou jusquau moment o la morphologie des pattes
de ce dernier change. Lorsque le kangourou retrouve Nkong, il se plaint de la situation.
13

Sils comprennent lintrigue, les lves ont toutefois du mal comprendre ce que le
texte signifie. Cest travers ltude du terme refrain contenu dans le titre ainsi que
par les paroles du dieu Nkong la fin de lintrigue quils ont pu accder une lecture
plus symbolique. On peut interprter la lecture de ce texte en y voyant une fable
moralisatrice. Le refrain du kangourou est le mme que celui de la plupart des gens : la
volont dtre diffrent, remarquable. Seulement cest quelque chose quil recherche
sans vouloir dployer dnergie, sans faire deffort pour parvenir au changement. Le
kangourou aimerait que le changement lui vienne dun charme alors quil va finalement
y parvenir aprs un effort physique prouvant. Alors que lintrigue avait t comprise,
un travail dinterprtation peut donc avoir lieu pour accder une signification autre.

1.2.2 Les problmes programms par le lecteur


Dans le cas o les problmes dinterprtation sont directement programms par
le lecteur, celui-ci peut dcider, tout en ayant dsormais compris, quil peut
comprendre plus, plus exactement quil a le pouvoir de rendre de son propre chef le
texte plus rsistant quil ne parat au premier abord en le problmatisant lui-mme.
(Tauveron, 2002, p.33). Ainsi, on peut continuer le travail interprtatif en faisant
attention au dieu Nkong. Deux hypothses interprtatives peuvent alors voir le jour : le
dieu Nkong comprend lexpression trs couru comme signifiant la volont du
kangourou de se faire courser et dapprendre courir vite et son emportement final
reflterait son agacement face lingratitude dun tre dont il vient de raliser le
souhait ; le dieu Nkong peut galement avoir trs bien compris lenvie de notorit du
kangourou mais vouloir lui jouer un tour en profitant de la polysmie de lexpression et
sa colre serait une sorte de morale quil adresserait celui quil vient de piger. Cest
alors une premire approche de lironie qui est travaille avec les lves.
On constate ainsi la richesse de travail que lon peut faire autour de ce conte
dont lintrigue paraissait premire vue assez simple. Il est en effet possible de
travailler les diffrentes formes dinterprtation prsentes par Catherine Tauveron dans
son ouvrage, savoir les problmes dinterprtation programms par le texte, antrieurs
et postrieurs la comprhension et les problmes dinterprtation programms par le
lecteur.
14

2. Dautres conceptions de la comprhension et de linterprtation


Cest aprs avoir effectu mes deux stages, aprs avoir mis en place des activits
visant dvelopper les comptences relatives la comprhension et linterprtation de
textes littraires que jai eu connaissance dautres conceptions de ces phnomnes dont
je navais pas conscience. Louvrage intitul La Lecture de Vincent Jouve ma permis
de mouvrir de nouveaux horizons concernant la comprhension et linterprtation des
textes littraires. Il y expose en les commentant parfois certaines thories relatives la
lecture quil emprunte dautres auteurs.

2.1 La performance du lecteur daprs Umberto Eco


Vincent Jouve prsente ainsi une conception quUmberto Eco a dtaille dans
Lector in fabula. Celle-ci ma permis de mieux me rendre compte de la faon dont un
lecteur sy prend pour comprendre un texte en prenant conscience du parcours de
lecture quil fallait suivre pour pouvoir accder des niveaux de lecture
progressivement plus complexes.

Le lecteur construit sa rception en dchiffrant lun aprs lautre les diffrents


niveaux du texte. Selon Eco, le lecteur part des structures les plus simples pour en
arriver aux plus complexes : il actualise ainsi successivement les structures
discursives , narratives , actancielles et idologiques . []
Lactualisation des structures discursives correspond la phase dexplication
smantique. Dans son dchiffrement des mots, le lecteur ne retient que les
proprits ncessaires la comprhension du texte. [] Le lecteur rassemble
ensuite les structures discursives en une srie de macropropositions qui lui
permettent de dgager les grandes lignes de lintrigue. Ces structures narratives
lui permettent de faire le point aprs la lecture de plusieurs pages. Passant un
niveau dabstraction supplmentaire, le lecteur intgre, ds quil le peut, les
macropropositions narratives au schma actanciel. [] Enfin, cest en reprant
dans le schma actanciel un fort marquage axiologique que le lecteur peut
dgager les structures idologiques du texte. (Jouve, 1993, p.55)

Il me semble qu partir de cette conception de lacte de lecture, il est possible pour un


enseignant dlaborer des questionnaires de lectures plus intelligents car mieux
structurs. Ces questionnaires auraient alors pour but daider les lves comprendre le
texte lu en les guidant progressivement dun niveau de lecture un autre.
15

2.2 Le liseur , le lu et le lectant de Michel Picard


Vincent Jouve prsente galement, en les reformulant, les trois instances
essentielles que Michel Picard repre dans tout lecteur et dont il a expos sa conception
dans La Lecture comme jeu. Ces trois instances sont le liseur , le lu et le
lectant :

Le liseur est dfini comme la part du sujet qui, tenant le livre entre ses mains,
maintient le contact avec le monde extrieur ; le lu comme linconscient du
lecteur ragissant aux structures fantasmatiques du texte ; et le lectant comme
linstance de la secondarit critique qui sintresse la complexit de l uvre.
(Jouve, 1993, p.34)

Cette thorie me parat intressante pour organiser un enseignement cohrent de la


lecture. Lenseignant peut mnager des temps de lecture durant lesquelles llve
prendra progressivement conscience de ces diffrentes postures. La lecture oralise
mettra en vidence laspect liseur . La lecture pour le plaisir, en BCD par exemple,
permettra aux lves de choisir des livres dans lesquels ils pourront sidentifier un
personnage ou reconnatre une situation. Cest alors la posture de lu qui sera
privilgie. Enfin, lenseignant pourra mettre en place des activits de comprhension et
dinterprtation de textes littraires qui auront pour objectif damener progressivement
les lves vers lattitude de lectant .
Comprendre et interprter les textes sont des phnomnes complexes que des
thories permettent dclairer. Ce sont les transpositions didactiques de certaines de ces
thories que je vais maintenant exposer et sur lesquelles je porterai un regard critique.
16

II. LES CHOIX DIDACTIQUES

1. Lvaluation traditionnelle de la comprhension


Afin de rendre compte de mes choix didactiques, il est ncessaire de montrer les
limites des dispositifs traditionnels visant valuer la comprhension dun texte. Je dis
valuer car il ne me semble pas que ces dispositifs aident comprendre le texte mais
visent plutt savoir ce qui a t compris. La comptence lecturale, plus
particulirement la comprhension dun texte svalue traditionnellement selon trois
types de dispositifs qui nimpliquent pas la mme conception de la comprhension.

1.1 Le questionnaire
Le moyen le plus rpandu pour permettre un enseignant de sassurer de la
comprhension que les lves ont dun texte est certainement le questionnaire. Celui-ci
semble postuler quil existe un sens au texte. Ce sens unique, littral devrait tre
retrouv par les lves en rpondant des questions ponctuelles. Souvent les mots de la
question se retrouvent dans le texte au niveau de la rponse. Cest propos de cette
conception de la comprhension quYves Reuter (1992, p.14) dit :

Comprendre en situation scolaire me parat rpondre une question du


type : Que dit le texte ? , il sagit de retrouver un sens que lon postule
premier , littral , partag par une communaut culturelle, relativement
indiscutable, explicite ou explicitable sans grandes dissensions : une sorte de base
linguistico-culturelle.

Cette conception de la comprhension en lecture et le questionnaire valuatif qui


lillustre risquent de cantonner les lves dans des situations o lire est assimil la
dcouverte de lintrigue et o il ny aurait aucun intrt la relecture puisquelle
intervient alors que lhistoire est dj connue du lecteur. Christian Poslaniec (2002,
p.132) ajoute une autre limite au questionnaire traditionnel quil a pu mettre en vidence
en travaillant avec des adultes :

Mais quand je posais [ des adultes qui ont compris lhistoire] des questions du
type de celles que trop souvent on propose aux enfants pour vrifier sils ont
compris ce quils ont lu , les trois quarts chouaient. [] Pour la plupart, cet
lment [celui sur lequel ils taient interrogs] navait pas une importance
suffisante pour quils le mmorisent. Ou plutt, dans leur rorganisation
personnelle du sens, ce ntait quun lment secondaire auquel, ventuellement,
ils savaient pouvoir accder de nouveau, si ncessaire, par la lecture.
17

Ainsi, des questions ponctuelles et trs prcises ne garantissent pas de la comprhension


du texte, elles se contentent de contrler que llve a lu.
Certains questionnaires comportent parfois des questions qui, mises en relation
les unes avec les autres, permettent de restituer le sens littral du texte. Mais, tous les
lves sont-ils capables sans tayage de la part de lenseignant, et qui plus est sans que
a leur soit explicitement demand, de mettre en relation ces questions pour dcouvrir le
sens du texte? Je pense que non. Cette rponse se fonde sur une exprience
compltement fortuite que jai eue avec une lve de CE1 lors de mon deuxime stage.
Dans le cadre dun dcloisonnement visant dvelopper les comptences lecturales des
lves, je travaillais, partir dun texte documentaire, avec un groupe considr par les
enseignants titulaires et le matre E comme ayant des difficults de lecture. Mme
sil me semblait connatre les limites de ce genre de questionnaires ferms, jen ai moi-
mme rdig un sur lequel les lves devaient travailler pendant que javais des
entretiens individuels avec chacun dentre eux. En effet, je souhaitais les faire lire voix
haute sans obliger les autres lves suivre une lecture difficilement comprhensible
car mal matrise. Dautre part ce dispositif devait permettre aux lves dtre plus
laise face leur lecture car jtais la seule lentendre. Enfin javais prpar quelques
questions plus ouvertes que celles du questionnaire afin daider les lves dans leur
comprhension de texte en leur montrant les questions quils devaient spontanment se
poser.
Le cadre tant pos, il est temps dexposer ce qui sest pass avec Mava. Cette
lve sest prsente devant moi alors quelle avait presque termin de rpondre au
questionnaire. En y jetant un coup dil, je me suis aperue que quasiment toutes ses
rponses taient justes. Aprs lui avoir fait lire un passage quelle a lu sans trop de
difficults, je lui ai demand ce dont parlait le texte, ce quelle en avait compris. Elle ne
ma pas rpondu et paraissait embte. Jai reformul ma question pensant que la
difficult venait de l. Mais elle ne rpondait toujours pas. Je lui ai demand si elle
comprenait ma question. Elle a acquiesc. Aprs avoir discut avec elle, je me suis
aperue quelle ne faisait pas le lien entre toutes les informations du texte, et notamment
entre le titre do vient le papier ? et le dveloppement o seulement les dernires
tapes utilisaient le terme papier . Si elle avait spontanment mis en relation les
questions les unes avec les autres, cela laurait aide comprendre ce dont le texte
18

parlait. Javais pens a priori en regardant les rponses aux questions poses que cette
lve avait compris le texte alors quelle navait fait que relever des lments
ponctuels de celui-ci sans faire le lien entre eux. Jai donc fait preuve dune erreur
dapprciation concernant la comprhension du texte quavait eue cette lve. Cette
mprise avait t confirme par le fait que la lecture voix haute quelle avait eue du
texte me laissait galement penser quelle lavait compris.

1.2 La lecture voix haute


En effet, la lecture voix haute est galement frquemment utilise par les
enseignants pour sassurer de la comprhension que les lves ont dun texte. En ce qui
me concerne, javais conscience quun lve qui avait des difficults lire voix haute
pouvait nanmoins trs bien comprendre ce quil avait lu mentalement puisque Eveline
Charmeux dans Apprendre lire : Echec lchec (1987) fait remarquer quil sagit de
deux comptences diffrentes. Elle explique alors quil faut apprendre silencieusement
pour pouvoir ensuite oraliser sa lecture. Il me semblait alors vident quun lve qui
tait capable de lire un texte voix haute avait forcment acquis la comptence
pralable, cest--dire lire silencieusement.
Or, lexemple de Mava demeure difiant cet gard aussi car elle avait une
lecture fluide des passages que je lui avais demand de lire, ce qui pouvait laisser
prsager quelle comprenait ce quelle lisait. Mais, ce ntait absolument pas le cas. Il
mest moi-mme arriv de lire plusieurs pages dun livre en pensant tout autre chose
et en tant incapable de dire un mot sur ce que je venais de lire. Lors des lectures
prparatoires ce mmoire jai lu des pages dont je ne saisissais pas grand chose,
malgr le srieux et la concentration dont je faisais preuve. Il me parat donc vident
que la lecture, oralise ou non, nest pas un gage de comprhension. Sachant cela, il est
primordial de ne pas se contenter dentraner nos lves avoir une lecture fluide et
expressive. Il est galement important de les habituer questionner leur lecture avant,
pendant et aprs celle-ci. Jean-Pierre Benot rsume en ces termes la diffrence entre
lecture et comprhension (1992, p.82) :

On peut ainsi montrer que de jeunes lves qui ont lu un texte sans achopper
peuvent fort bien ne pas en avoir retenu grand chose et ne pas lavoir compris,
alors que dautres qui lont lu de manire plus hsitante et moins expressive
peuvent en avoir gard des souvenirs et en avoir saisi le sens.
19

1.3 Le rsum
Toutefois, il ne faut pas, selon moi, mettre sur un mme plan en avoir retenu
grand chose et avoir compris . En effet, la premire expression peut relever du
rsum qui est la dernire faon traditionnelle dvaluer la comprhension que je
dvelopperai ici. Le rsum est en effet souvent utilis par les enseignants pour
sassurer de la comprhension que les lves ont eu du texte lu. Mais tre capable de
reformuler ce que lon vient de lire ne met pas en jeu uniquement la facult
comprendre un texte. Il sagit galement dutiliser des comptences linguistiques
complexes. Un lve peut avoir compris un texte mais avoir des difficults le rsumer
du fait, par exemple, dune mauvaise matrise de la langue orale ou crite, ou plus
prcisment dun de ces constituants comme le vocabulaire, ncessaire la
reformulation. Les lves se contentent alors souvent de paraphraser sans connecteur
logique ou temporel. Mais, la paraphrase nest pas le gage dune bonne comprhension
car les lves peuvent utiliser des phrases ou des expressions du texte sans les avoir
comprises. Ctait le cas de certains de mes lves de CE1 qui crivaient dans leur
rappel du Refrain du vieux Kangourou : Fais de moi un animal diffrent de tous les
autres et trs populaire , sans savoir ce que trs populaire signifiait. Dautres, au
contraire, avaient repris cette expression dans leur texte mais en connaissaient le sens
quils ont pu mexpliquer lorsque je leur ai demand. En faisant crire mes lves de
CE1 un rappel dune partie du texte que nous avions lu ensemble, il me semblait que je
pourrais vrifier le niveau de comprhension quils avaient eu de notre lecture. Javais
lu quelques explications thoriques sur le rappel dans le N25 de Recherches (1996)
consacr la lecture. Aprs la rdaction des lves, je me suis trouve confronte des
crits qui ne semblaient pas reprsentatifs dune quelconque comprhension ou
incomprhension. Je pouvais classer les productions crites en trois groupes :
- des productions qui montraient de la part des lves de grandes qualits dans la
reformulation et, me semble-t-il une bonne comprhension du texte ;
- des productions dans lesquels les lves semblaient stre enliss dans des
problmes de reformulation ;
- des productions qui taient une suite de paraphrases du texte.
Il ma t impossible, uniquement par la lecture de leurs textes, de savoir si dans les
deux derniers types, les productions taient le reflet de difficults de comprhension ou
20

dcriture. Il ma fallu interroger certains lves pour men rendre compte. De plus, on
peut trs bien rsumer toutes les tapes dun rcit (donc les avoir comprises) sans pour
autant avoir compris leur signification profonde, sans en avoir fait une interprtation
pertinente.
Je ne remets pas en question tous ces dispositifs qui servent traditionnellement
valuer la comprhension. Je veux montrer linsuffisance quil y aurait ne sappuyer
que sur lun dentre eux. Il convient de varier nos faons dvaluer en impliquant
dautres faons de travailler la comprhension mais aussi linterprtation. Il sagit bien
entendu aussi de dispositifs imparfaits.

2. Quelques dispositifs didactiques que jai mis en place durant mes stages
Les dispositifs que je mapprte dcrire ne sont pas des dispositifs qui visent
uniquement valuer la comprhension que les lves ont eue de leur lecture. Ils
envisagent une co-construction de la comprhension et de linterprtation dun texte par
les lves et par lenseignant en objectivant au maximum les procds de faon les
rendre explicites et rutilisables, terme, par les lves. Je considre, comme Catherine
Tauveron lexprime dans un article du n19 de Repres (1999, p.17) que la lecture
littraire est une activit de rsolution de problmes, problmes que le texte pose de lui-
mme ou que le lecteur construit dans sa lecture.

2.1 Les dispositifs didactiques mis en place durant ltude de LOgre-doux de


Jean-Loup Craipeau en CE2

Jai choisi de prsenter les dispositifs didactiques mis en place durant ltude de
LOgre-doux sans les sparer les uns des autres. Cela permet, je pense, dillustrer la
faon dont plusieurs activits doivent tre menes autour dun mme texte pour
permettre aux lves de le comprendre et de linterprter.

2.1.1 La mise en place dune situation-problme


Catherine Tauveron propose comme dispositif didactique la mise en rseau de
textes. Elle illustre dans son livre Lire la littrature lcole diffrentes faons de
mettre en rseau des textes en fonction dun lien qui peut les unir comme par exemple
lauteur ou le thme. Jai moi-mme expriment la mise en rseau autour du strotype
21

de logre. Je voulais tout dabord travailler sur le strotype de sa description, mais,


logre nest que trs peu dcrit dans la littrature. Jai donc organis mes sances autour
du strotype de lapparition de logre. Pour cela, jai choisi, comme le prconise
Catherine Tauveron, un texte qui me semblait susceptible de poser un problme de
comprhension aux lves. Il ma fallu mettre moi-mme en place un dispositif
permettant aux lves de se rendre compte du problme . J'ai donc pour cela, mis la
disposition des lves uniquement la partie du texte laissant une zone dindtermination
quant lidentit de Ventru, logre potentiel. Jai galement cr un dispositif qui
permettait aux lves de se rendre compte quils navaient pas interprt le texte de la
mme faon. En effet, les lves ont eu rpondre un questionnaire trs simple. Lune
des questions, apparemment anodine Pourquoi les enfants ont-ils peur de Ventru ?
devait mettre en vidence lcart dans linterprtation que les lves avaient eu du texte
en montrant deux types de rponses : parce que Ventru est un ogre ; parce que les
enfants pensent que Ventru est un ogre . Jai donc dit aux lves quils allaient devoir
trouver des indices pour lgitimer une de ces interprtations. En effet, Catherine
Tauveron crit que linterprtation, pour tre reconnue plausible, doit tre soumise
une procdure de validation qui peut sappuyer sur les donnes objectives du texte et/ou
sur des donnes extrieures de nature culturelle. (Tauveron, 2002, p.32). Les lves
ont compris limportance de trouver des indices dans le texte et hors de celui-ci pour
confirmer ou invalider leur interprtation premire.

2.1.2 Le travail partir dindices linguistiques


Nous avons alors travaill suivant plusieurs pistes diffrentes. Nous avons
cherch les lments du texte qui permettaient de justifier lune ou lautre interprtation.
Grce au discours rapport de Ventru, souponn par les trois protagonistes dtre un
ogre, le texte laisse planer le doute quant la relle identit de ce personnage en lui
attribuant toujours des paroles ambigus car polysmiques. Pour justifier leur rponse
concernant lidentit de Ventru, les lves ont relev des phrases quils ninterprtaient
pas tous de la mme faon. Jai donc mis en place des activits dcroches partir
dalbums dAlain Le Saux (Le prof ma dit que je devais absolument repasser mes
leons, Papa ma dit que son meilleur ami tait un homme-grenouille) afin de
confronter les lves des expressions pouvant se comprendre de plusieurs manires.
22

Ils ont d les commenter puis en crire afin de mieux comprendre et de sapproprier le
fonctionnement des phrases polysmiques. Ils ont ensuite relev toutes les expressions
qui pouvaient tre interprtes de diffrentes faons dans LOgre-doux. Certaines
dentre elles ont servi aux lves darguments en faveur de lhypothse selon laquelle ce
sont les enfants qui imaginent que Ventru est un ogre. Dautres ont laiss les lves
dans lindtermination.

2.1.3 Le travail partir dindices culturels : la mise en rseau


Le rseau est intervenu au niveau de lanalyse du strotype de lapparition de
logre. Les lves nont pas trouv dindices crits qui permettaient daffirmer que
Ventru tait un ogre. Or, certains lves en taient persuads lorsquils avaient rpondu
au questionnaire. Je voulais donc mettre en vidence que certains lves, tout comme
les protagonistes de lintrigue, staient appuys sur des lments extrieurs au rcit
pour donner une telle rponse. La dure du stage ntant que de trois semaines, il ma
fallu rduire le corpus du rseau pour nintroduire quun extrait de Jack et le Haricot
magique et un extrait du Petit Poucet. Dautres livres mettant en scne des ogres taient
la disposition des lves dans la classe. Les extraits choisis ont permis aux lves de
relever les invariants des histoires dogres qui avaient pouss certains lves penser
que LOgre-doux faisait partie des histoires dogres et donc que Ventru en tait
rellement un. Les lves ont d construire un tableau permettant de faire ressortir ces
invariants. Aprs cela, ils ont cherch dans LOgre-doux les lments qui nourrissaient
le strotype et ceux qui allaient dans un autre sens. Ce travail a aboutit une phase
dcriture afin que les lves sapproprient le fonctionnement de ce strotype. Je
dtaillerai ce travail dans la suite du mmoire. Malgr cette recherche, la zone
dindtermination persistait.

2.1.4 La discussion au sujet des choix de lauteur


Cela a fait dire lun de mes lves que ctait comme si lauteur avait voulu
crire deux histoires et que ctait nous de choisir . La rflexion sur les raisons pour
lesquelles lauteur avait crit le texte en jouant sur les mots et les situations a dirig les
lves vers un autre niveau interprtatif qui amne le lecteur se poser certaines
questions : Pourquoi mnager un tel suspense ? O le texte veut-il nous amener ?
23

2.2 Dautres dispositifs didactiques


2.2.1 Le choix dune illustration reprsentative du texte
Lactivit que je vais prsenter maintenant a eu lieu la fin de ltude que jai
mene dans ma classe de CE1 sur le Refrain du vieux Kangourou. Cest une ide qui
ma t inspire par la lecture du n 25 de Recherches (1996), consacr la lecture. Les
lves devaient dabord justifier le choix de la reprise dune des illustrations du livre
comme illustration de la premire de couverture et donc comme tant reprsentative du
texte. Ils ont alors expliqu quil sagissait de lillustration du passage dans lequel le
kangourou utilise pour la premire fois ces nouveaux membres pour sauter. Ils ont donc
trouv logique quelle serve dillustration au titre. En effet, Le Refrain du vieux
Kangourou est la fois le titre du livre et la volont de lanimal dtre diffrent, ce quil
est pour la premire fois sur lillustration de la couverture. Lorsque jai demand mes
lves celle queux choisiraient sils devaient refaire la couverture, les choix ont t trs
diffrents. Ils taient reprsentatifs de ce qui avait le plus marqu chaque lve durant la
lecture de ce livre. Ainsi, certains lves ont choisi une illustration sur laquelle le
kangourou, le dingo et le dieu Nkong sont prsents afin de montrer les personnages
principaux de lintrigue. Dautres ont choisi une illustration sur laquelle le kangourou
regarde ses nouvelles pattes car elle montrait bien, selon eux le changement
morphologique du kangourou. Les lves ont bien justifi le choix de lillustration la
plus reprsentative selon eux de ce conte. Cela ma permis de leur faire remarquer quils
avaient tous une sensibilit et une lecture propre de ce texte.

2.2.2 Combler les blancs grce aux infrences


Au moment de la rdaction de ce mmoire, je nai pas encore eu loccasion de
mettre en place un travail spcifique allant dans ce sens. Il sera lobjet de mon dernier
stage. Selon Christian Poslaniec dans Vous avez dit littrature ? (2002, p.76) :

Le lecteur de fiction pose lauteur des questions sur les blancs et lauteur
absent ne rpond pas. Le lecteur doit donc puiser dans sa propre imagination, ses
souvenirs, ses rfrences et cest ainsi que le lecteur devient co-nonciateur de
l uvre.

Jai donc choisi, pour travailler sur limportance de combler les blancs et objectiver ce
phnomne qui se ralise inconsciemment, dtudier et de mettre en scne, avec mes
lves des petites scnes de thtre dans lesquelles les lves devront vritablement
24

interprter. Il sagira dabord de combler les blancs pour pouvoir laborer une mise en
scne. Il faudra trouver dans les textes des indices pour infrer certains gestes, certaines
intonations, etc., grce, par exemple, aux didascalies, aux contenus des rpliques et aux
formes des phrases utilises. Il sera galement ncessaire de sappuyer sur les
connaissances culturelles afin de choisir le costume dun personnage, ses
caractristiques comportementales, etc. Il sagit dun double phnomne dinterprtation
dans le sens o il intervient en amont de la comprhension pour aider construire celle-
ci en comblant les blancs laisss par le texte et en aval quand linterprtation est
lillustration dune comprhension du texte lorsque les lves jouent les scnes.

2.2.3 Ltude de choix dcriture de lauteur


Traditionnellement, lorsqu lcole primaire, on sintresse la faon dont un
texte est crit, cest vers la posie quon se tourne. Jai donc voulu montrer mes lves
de CE1 quon pouvait tudier ce phnomne travers dautres formes dcrits. Jai
choisi Le Refrain du vieux Kangourou de Rudyard Kipling. A partir du titre de ce livre,
jai amen les lves sinterroger sur le terme refrain . Je les ai engags faire des
hypothses sur le contenu du livre daprs le titre et leurs connaissances concernant le
mot refrain et sa signification. La mise en commun des dfinitions des lves a fait
ressortir deux significations un peu diffrentes :
le refrain, cest des phrases quon rpte dans une chanson ou dans une
posie (les lves de cette classe collent les chansons quils ont apprises dans
leur cahier de posie) ;
le refrain cest quelque chose qui se rpte .
Ces deux sens de refrain ont permis aux lves de proposer deux types dhypothses
sur le contenu du livre :
des hypothses selon lesquelles lhistoire raconte dans le livre allait parler
dune chanson soit au sujet dun kangourou, soit chante par un kangourou ;
des hypothses selon lesquelles le kangourou rptait ou faisait toujours la
mme chose.
Aprs leur avoir lu une partie du livre, je leur ai alors demand quel tait, selon eux, le
rapport entre le titre et le texte quils venaient dentendre. Ils ont bien sr voqu la
prsence du kangourou mais aussi trois types de rptitions qui voquaient pour eux le
25

refrain : la rptition des paroles du kangourou et de ses interlocuteurs, la rptition des


situations et la volont du kangourou qui se rpte malgr les checs. Dans la suite du
livre, certains lves ont remarqu que le refrain tait voqu travers la rptition du
verbe courir (sous la forme couru et courait ) qui leur donnait limpression dune
course interminable. Dautres lves ont fait remarquer que dans la premire partie de la
poursuite, seul le verbe courir tait rpt alors qu un certain moment bondir apparat.
Ils ont trouv que le fait de rpter si souvent le verbe courir permettait de faire ressortir
le verbe bondir lorsquil arrivait : Cest comme a quon remarque que le kangourou
sest transform .
Lors de la premire lecture, les lves nont pas eu dautre interprtation
concernant lexpression bien oblig que celle consistant dire que le kangourou
navait pas dautre choix que de courir car il tait poursuivi par le dingo. Aprs cette
lecture, lorsque nous sommes revenus sur cette expression alors que nous avions discut
de la fin de lhistoire, un lve a propos lide que cette rptition voulait montrer que
pour se transformer, le kangourou tait bien oblig de courir, sinon ses pattes ne
changeraient pas. Les lves ont donc pu se rendre compte que lcriture ne servait pas
uniquement raconter une histoire mais pouvait aussi tre porteuse de sens.

2.2.4 Le lien lecture-criture


Dans un travail de comprhension et dinterprtation des textes, lcriture qui
sert la recherche de la signification profonde du texte nest pas uniquement celle de
lauteur. Ainsi, les auteurs de La matrise de la langue prconisent, pour accder la
comprhension des textes, de proposer aux lves des activits de productions crites
(1992, p.162) :

Il convient aussi de rappeler que les activits lies la comprhension de lcrit


doivent tre mises en relation avec les activits de production crite. Les unes et les
autres senrichissent mutuellement et il est parfois plus facile de faire prendre
conscience aux enfants des contraintes multiples qui psent sur chaque type de
texte, sur chaque domaine de lexprience ou du savoir, dans le cadre dun effort de
production plutt que dans celui de la rception dun texte. La lecture est en effet
une activit mentale dont il nest pas facile dobjectiver les manifestations.

Jai compris limportance du passage par la production crite pour permettre aux lves
de mieux comprendre certains fonctionnements de la langue crite et pouvoir ainsi
26

mieux comprendre et interprter un texte durant mon premier stage. Lorsque nous avons
tudi LOgre-doux, jai eu recours la production crite deux reprises.
La premire fois, ctait dans le cadre de ltude de la polysmie des phrases
aprs avoir comment certains extraits des albums dAlain Le Saux. Les lves ont
propos des mots qui avaient plusieurs sens (bouton, cloche, baleine, clair, trombone,
opration). Ils ont ensuite d rdiger une phrase avec lun de ces mots et
laccompagner dune illustration mettant en vidence lautre sens possible de la phrase.
Ainsi, la phrase le docteur a dit quil allait faire une opration tait accompagne
dun dessin montrant un mdecin assis face une feuille sur laquelle il avait pos une
addition. Cela a permis aux lves de vritablement comprendre le fonctionnement des
phrases polysmiques. Jai pu, quant moi, massurer de leur comprhension. Grce
cette activit, la recherche des phrases polysmiques dans le texte de LOgre-doux sest
droule sans difficult et les lves taient ravis de dcouvrir des phrases qui avaient
plusieurs sens alors qu leur premire lecture, ils ne les avaient pas lues de cette faon.
La relecture a ainsi vritablement pris sens pour eux.
Les lves ont eu plusieurs reprises mettre par crit certaines de leurs
observations. Ils ont ralis un tableau pour montrer si les indices quils relevaient
servaient de justification lhypothse selon laquelle Ventru serait un ogre ou celle
selon laquelle ce serait une ide des enfants. Un autre tableau a permis de mettre en
parallle les invariants des intrigues dans lesquelles un ogre apparat. Mais cest par la
rdaction dun texte mettant en vidence le strotype de lapparition de logre que les
lves ont rellement pu se lapproprier. Ils ont d rinvestir les invariants de
lapparition de logre dans une intrigue en crivant eux-mmes une histoire mettant en
scne un ogre. Cela ma servi dvaluation pour savoir si la notion de strotype, et plus
particulirement celle de logre, tait comprise par les lves.
On pourrait galement imaginer des dispositifs dcriture visant faire
transposer, par les lves, des textes narratifs en scnes de thtre et vice versa. Les
lves se rendraient alors compte de limportance des indices linguistiques (niveau de
langue ou description dun personnage) pour pouvoir comprendre puis interprter un
texte.
La production crite est donc un bon moyen daider la comprhension de
lcrit. Mais cest un dispositif que je nai pu mettre en place quavec ma classe de CE2
27

car le passage lcrit tait un vritable obstacle pour mes lves de CE1 avec lesquels
il aurait fallu mettre en place des situations de dicte ladulte. Jai test ce dispositif
mais il ma sembl que les interactions verbales taient plus riches et permettaient des
changes plus intressants lorsquil ny avait pas lobjectif du passage lcrit.

3. Les interactions verbales pour aider la construction du sens


Chacun des dispositifs didactiques que je viens de prsenter accorde une place
importante aux interactions verbales car elles sont indispensables si lon veut aider les
lves comprendre et interprter leur lecture.

3.1 Les avantages


3.1.1 La co-construction du sens
Les interactions verbales, quel que soit le dispositif social qui les sert,
permettent aux lves denrichir la comprhension et linterprtation quils ont eues de
la lecture commune. Cette co-construction du sens se ralise plusieurs niveaux. La
discussion qui suit la lecture peut donner loccasion aux lves de nourrir leur propre
interprtation du texte quils viennent de lire, grce aux points de vue des autres et des
indices supplmentaires quils navaient pas relevs mais que leurs camarades
prsentent oralement. Les interactions verbales ne servent pas uniquement la co-
construction des niveaux de sens du texte. A travers la discussion sur les interprtations
du texte quont eues les lves, les lves enrichissent leur comprhension de ce quest
un texte littraire et de la lecture quil faut en avoir. Cela leur permet de se rendre
compte quil ny a pas une vrit unique qui doit maner de la lecture mais que le
discours sur le texte est ouvert diffrentes interprtations qui sont lgitimes ds lors
quelles sappuient sur des indices textuels ou culturels. Cest un point trs important
que jai voulu montrer mes lves tout au long de mes stages.

3.1.2 La justification
Il me semble que jai russi faire passer le message, dans les deux classes o je
suis alle, que je ne dtenais pas la vrit du texte, mais que les niveaux de sens de
celui-ci taient dcouvrir par la lecture et que jacceptais des interprtations
diffrentes de la mienne si elles taient justifies. Ce rapport sest progressivement
construit car jai toujours pris garde de ne pas dire oui ou non face des hypothses
28

interprtatives. Il convient de ne pas accepter demble une rponse qui ne repose pas
sur un indice, mme si cette rponse est exacte. Jai donc toujours demand aux lves
de justifier leurs interprtations en relevant des indices dans le texte ou par des
rfrences culturelles. Si lauteur de linterprtation navait pas dindices, je demandais
au reste de la classe dessayer den trouver soit pour confirmer, soit pour rfuter
linterprtation.

3.1.3 Lexplication
Dautre part, malgr mon travail de prparation, il mest arriv de ne pas avoir
envisag une voie interprtative que les lves, eux, empruntaient. Je lai toujours
assum en leur disant alors que je navais pas vu tel indice ou telle interprtation. Cela
est arriv avec ma classe de CE1. Je venais de lire une partie du Refrain du vieux
Kangourou mes lves. Aprs quils men ont fait un rappel oral, je leur ai prsent
lensemble des illustrations du livre en leur demandant de choisir celles qui
correspondaient au passage et ensuite de les remettre dans lordre. Je ne mattendais
qu des rponses du type celle-ci est la premire car le kangourou est sur des
rochers ; celle-ci est la troisime car le personnage est dans le marais salant . Jai
obtenu des rponses de ce type, montrant la comprhension que les lves avaient eue
du texte. Mais, certains lves ont bas leur choix sur des critres interprtatifs auxquels
je navais pas pens. Certains mont dit que la premire illustration tait celle o le
personnage tait le plus petit car lillustrateur voulait montrer que ctait le plus petit
dieu et quil navait que peu dimportance. Dautres lves ont propos un ordre (le
bon) en le justifiant par le fait que lillustrateur voulait nous faire entrer dans lhistoire
en nous donnant limpression de nous approcher des personnages. Jai accept ces
explications alors que je ne les attendais pas.
Dans la classe de CE2 avec laquelle jai travaill sur LOgre-doux, alors que les
lves relevaient les expressions polysmiques du texte, ils mont propos la phrase
dont lnonciateur est le personnage souponn dtre un ogre : On va passer une
bonne soire. Je navais pas relev cette expression, mais les lves ont expliqu leur
choix en disant que Ventru pouvait sadresser aux enfants en tant que voisin et leur dire
quils allaient passer une bonne soire ensemble. Mais il pouvait aussi sagir dune
phrase quun ogre se dit lui-mme en pensant la bonne soire quil va passer en
29

dvorant les enfants. Jai accept cette interprtation et jai expliqu aux lves que je
navais pas relev la phrase, mais quils mavaient convaincue.

3.1.4 La mtacognition
Il est galement primordial de favoriser la transparence vis--vis des stratgies
de construction des niveaux de sens dun texte. Pour cela, lenseignant doit mettre en
place un tayage permettant aux lves de passer progressivement dintuitions au sujet
dun texte des indices prouvant leur interprtation. Il est ncessaire de demander aux
lves dexpliquer comment ils en sont arrivs telle ou telle interprtation du texte.
Cette formulation de leurs stratgies leur permet de lobjectiver, de rflchir leur
manire de faire, et, le cas chant dadapter cette stratgie pour la rendre plus
performante. Cela permet aussi aux autres lves daccder des stratgies quils
nutilisent pas forcment.
Une de mes amies, en stage dans une classe de CE1 a eu une exprience de ce
type. Aprs que ses lves ont lu la phrase Il sassit sous un gommier lcorce qui
pendait pour souffler un moment (La sagesse du Wombat de Mickael Morpurgo),
lenseignante leur a demand ce qutait un gommier. Une de ses lves a rpondu sans
hsiter quil sagissait dun arbre. Mais cest seulement grce la sollicitation orale et
ltayage de son enseignante que cette lve a pu comprendre et montrer quelle se
servait du mot corce pour infrer que celui quelle ne connaissait pas tait le nom
dun arbre.
Outre rendre compte de limportance des connaissances et des indices
linguistiques et culturels le travail mtacognitif montre la ncessit de se construire une
reprsentation mentale du texte. Jai pu travailler de faon assez explicite sur la
reprsentation mentale et laide quelle apporte la comprhension dun texte. Ceci a
t ralis autour dun texte documentaire. Celui-ci prsentait chacune des tapes de la
fabrication du papier accompagne dun petit dessin lillustrant. Ces tapes taient
nettement spares par la mise en page qui semblait suivre un chemin du haut de la
feuille vers le bas. Ce texte tait dans lensemble assez bien compris des lves qui
taient capables de donner dans lordre quasiment chaque tape. En leur demandant
dexpliciter la faon dont ils sy prenaient pour se souvenir aussi bien du texte sans
toutefois le paraphraser, ils se sont aperus quils saidaient beaucoup de la mise en
30

page et des images quils avaient mmorises. Nous avons donc t amens rflchir
sur limportance dorganiser mentalement le texte et de se crer des images qui
facilitent la comprhension globale.
Un tayage de lenseignant parat ncessaire pour amener les lves
sinterroger sur leurs propres stratgies et les faire partager aux autres. Il est important
de prendre le temps avec les lves de parler des stratgies, de les tester pour
ventuellement pouvoir se les approprier. Ltayage se fera ensuite de lui-mme plus
discret lorsque les lves se les approprieront progressivement.

3.3 Les difficults pour lenseignant


3.3.1 La reformulation
Pour faire avancer la discussion et face des explications dinterprtations qui
ne sont pas claires pour tous les lves, il arrive ladulte de reformuler une ide
exprime par un lve. Cette reformulation peut dformer le propos et peut tre
influence par les propres interprtations de lenseignant et ses attentes plus ou moins
conscientes. Le simple fait de demander llve si la reformulation de lenseignant est
conforme ce quil voulait dire ne suffit certainement pas sassurer de la qualit de
cette reformulation. En effet, peu dlves osent dire que ce que vient de dire le matre
nest pas ce quils voulaient dire, dune part parce que certains lves ne sont pas srs
de comprendre ce qua dit lenseignant, et dautre part car ils sont heureux de la
reconnaissance accorde par leur professeur. Mais souvent, plus tard dans la sance, on
saperoit de lcart entre la parole de llve et la reformutation qui en est faite. Cest
le cas lorsque llve dit, face au discours dun autre, quil a dj dit la mme chose,
alors que lenseignant ne lavait pas reformul ainsi. Je nai pu me rendre compte de
cela quen analysant les enregistrements que javais faits en classe, car prise dans
laction, je nen avais pas eu conscience.

3.3.2 Favoriser les interactions entre les lves


Le terme interaction suppose que le discours des uns nourrisse celui des
autres, que les lves discutent directement les uns avec les autres pour construire leur
comprhension du texte. Cela implique, de la part de lenseignant de savoir seffacer,
dtre capable de relancer les discussions par quelques questions judicieuses. Cela
31

ncessite galement, de la part des lves, daccepter que la vrit ne sorte pas de la
bouche de lenseignant. Il leur faut sexprimer pour eux-mmes et non pour obtenir une
quelconque reconnaissance de ladulte. Etre capable de favoriser les interactions
verbales entre les lves est donc une des grandes difficults rencontres lors dun
travail interprtatif.
Je ne suis pas parvenue, lissue de ces stages compltement dpasser cette
difficult, mais je lai amnage de faon ce que le passage par loral ait toutefois des
incidences positives quant au travail littraire ralis. En effet, le fait de ntre prsente
dans la classe que pour une dure restreinte ne ma pas permis de rellement meffacer
des phases de travail loral. Ceci pour deux raisons : pour les lves, la prise de parole
ntait pas seulement faite pour enrichir la comprhension du texte, mais aussi pour tre
reconnus par une enseignante qui ne les connaissait pas ; pour moi, javais besoin, je
pense, de sentir que je matrisais ce moment doral et jai donc contraint mes lves
pendant une grande partie de mes stages lever la main lorsquils souhaitaient prendre
la parole. Je savais quel point cela risquait de brider les interactions verbales, mais je
lai tout de mme fait.

3.3 Les difficults pour llve


3.3.1 La participation
La difficult quil y a mettre en place un rel espace dchanges verbaux entre
les lves peut tre leve par un travail sur du long terme avec une classe dans laquelle
les lves se savent reconnus sans avoir prendre la parole pour attirer le regard de
lenseignant. Cette difficult pour lenseignant est lie une difficult pour les lves :
il sagit de leur participation. Quels sont les lves qui vont prendre la parole loral ?
Majoritairement, ce sont les lves qui sont laise face lcrit et dans leur costume
dlve. Il faut donc mettre en place des dispositifs qui permettront ceux qui
participent moins de prendre plus aisment la parole. Pour cela, lenseignant doit
rellement montrer que cest la pluralit interprtative qui lintresse ici, et non la
vrit du texte, celle qui rduit le texte un seul niveau de sens. Dautre part, il faut
pouvoir diversifier les dispositifs pdagogiques en travaillant avec des petits groupes, en
mettant en place des rles de rapporteurs pour que ces lves puissent tout dabord
prendre la parole au sujet dinterprtations qui ne sont pas forcment les leurs et petit
32

petit les amener vers un discours plus personnel. Le simple fait de travailler avec une
partie de la classe, lenseignant tant assis avec ses lves, peut permettre certains de
sexprimer plus facilement.
Jai fait cette exprience en masseyant avec un groupe de huit lves qui
devaient expliquer ce quils avaient compris du Refrain du vieux Kangourou. A ct de
moi taient installs deux lves que je nentendais que peu parler dans les phases de
travail avec lensemble du groupe-classe : Mathieu, un lve sourd qui habituellement
ne prend la parole que lorsquil est sr de la rponse ; et Alexandre qui, lui, ne participe
quasiment jamais et prend un air ddaigneux lorsquil est interrog. Durant cette sance,
ils ont pris plusieurs fois la parole pour dire ce quils avaient compris. Tout dabord ils
sadressaient moi voix basse. Lorsquils ont vu que je leur demandais de rpter plus
fort, ils ont progressivement pris la parole avec plus dassurance.

3.3.2 La rapidit du discours oral


Une autre difficult de lutilisation de loral pour aborder la comprhension et
linterprtation des textes rside dans sa rapidit. Jai pu remarquer cela avec ma classe
de CE1. Cest en coutant des enregistrements de sances que je me suis aperue que
certains lves prenaient la parole sur un lment que lon avait abord plusieurs tours
de parole auparavant. Durant les sances, je ne prtais que peu dattention cela et je
mettais ces participations tardives sur le compte de linattention des lves ou de leur
envie de prendre la parole lorsquils taient persuads que leur rponse tait la bonne.
Aprs avoir analys les enregistrements, je pense pouvoir dire quil sagit dun
phnomne plus complexe qui nillustre pas leur manque dattention mais le rythme de
leur appropriation dune interprtation ou dun indice ncessaire la comprhension. Ce
phnomne nest pas propre aux lves en difficult. Beaucoup de bons lves agissent
de cette faon aussi. Jai observ deux types de prise de parole retardement :
- la reprise dune ide ou dun argument alors que le groupe sintresse un autre
sujet ;
- lexplication ou la justification dune interprtation alors quon a abord un autre
problme de comprhension.
Dans le premier cas, il me semble que la prise de parole de llve concide avec le
moment o il comprend lide ou largument et quil se lapproprie. Il prend alors la
33

parole pour montrer quil a compris et pour avoir la confirmation que sa comprhension
est bonne. Lenseignant ne doit alors pas ngliger cet lve mais bien lui signaler que
celui-ci compris. Le second cas de prise de parole montre que llve ntait pas
satisfait des explications donnes sur un sujet particulier et quil avait conscience que
lon pouvait aller plus loin dans la comprhension et linterprtation. Alors que
lensemble du groupe a chang de sujet dtude, cet lve a persvr et a trouv
dautres explications. Dans les deux cas, lenseignant doit montrer quil comprend et
quil respecte le fait que certains lves passent plus de temps sur un sujet qui les
intresse et dont ils pensent ne pas avoir exploit toute la richesse. Toutefois, cest
quelque chose de difficile grer car la prise en compte du rythme de chaque lve na
que peu de place dans le discours oral.
Malgr les difficults rsultant du travail loral, il me semble quil sagit dun
dispositif suffisamment riche pour que lenseignant lui accorde une place privilgie
lors des choix didactiques quil fait pour aborder la comprhension et linterprtation
des textes littraires avec sa classe.
34

CONCLUSION

A lissue de mes deux premiers stages, et aprs avoir port un regard rflexif sur
le travail concernant la comprhension et linterprtation des textes littraires que jy ai
men, il me semble vident que la littrature peut trouver sa place lcole, mme
auprs de lecteurs dbutants. Je pense toutefois quelle ne devrait pas tre introduite
lcole primaire sans tre accompagne par un travail de comprhension et
dinterprtation. Jai en effet remarqu que sans tayage ni mise en place de dispositifs
didactiques particuliers par lenseignant, les lves ne peuvent accder la signification
profonde du texte et leurs capacits interprtatives ne peuvent alors se dvelopper.
Travailler les phnomnes de comprhension et dinterprtation des textes
littraires lcole demande lenseignant un gros travail de rflexion et dimagination
pour plusieurs raisons. La premire tant quil sagit dun sujet trs peu trait dans les
ouvrages thoriques et didactiques. Dautre part, chaque texte ayant ses particularits,
les niveaux de sens des textes littraires sont rechercher par lenseignant, grce ses
connaissances, mais aussi grce sa sensibilit.
Pour ma part, je suis assez satisfaite du travail que jai pu raliser autour de
LOgre-doux avec ma classe de CE2 lors de mon premier stage. Je pense que la
progression de mes sances, largement inspire des travaux de Catherine Tauveron, tait
intressante. Elle faisait toujours ressortir des problmes que les lves devaient lever
pour comprendre et interprter ce texte. Cela leur a permis de se rendre compte de la
posture de lecteur quil est ncessaire dadopter face un crit littraire en faisant des
investigations aussi bien culturelles que linguistiques. Jai eu loccasion daborder la
grammaire et le vocabulaire de faon motivante pour les lves car ils se rendaient
compte que a leur servirait comprendre le texte. Toutefois, si je devais refaire un
travail partir de ce texte pour aborder le strotype des histoires dogres, je ferais
tudier plus de textes lors de la mise en rseau afin de ne pas construire ce strotype
sur un corpus trop rduit au risque de donner aux lves une fausse ide de ce quest un
strotype. Mme dans un temps dtude aussi court que celui dont je disposais, il tait
possible de mettre en place des dispositifs qui auraient permis de travailler partir de
plus de textes. Les lves auraient pu travailler par groupe sur des textes diffrents, puis
dans un second temps, en mixant les groupes de dpart, ils auraient pu mettre en
35

communs leurs dcouvertes concernant le texte initialement tudi. Ainsi le corpus mis
en rseau aurait t plus consquent et cela aurait pu montrer aux lves limportance de
multiplier les rfrences pour vritablement se rendre compte des invariants culturels.
Le travail ralis durant mon deuxime stage avec la classe de CE1 me parat
moins satisfaisant. La progression que jai labore se basait sur un problme de lecture
que les lves ont eu du mal sapproprier. En effet, jai demand aux lves de
sinterroger, avant la lecture, sur le titre et ce quil pouvait signifier. Ctait, je pense, un
faux problme puisque la lecture navait pas encore eu lieu. Il me semble maintenant
quil aurait t plus judicieux dinterroger les lves aprs la lecture sur le lien entre le
texte et le titre. Ils auraient alors pu sappuyer directement sur des indices pour exposer
leurs interprtations. Ils se seraient peut-tre mieux appropris le problme de lecture de
cette faon. Ce nest pas la seule erreur que jai commise lors de la prparation et du
droulement de ce stage. Jai choisi ce conte car il me servait de prtexte un travail en
arts visuels concernant lart aborigne. Je regrette un peu ce choix car Le Refrain du
vieux Kangourou est un conte la fois difficile comprendre et interprter pour des
lecteurs dbutants. Il est difficile comprendre cause de certaines tournures de phrases
qui sont complexes pour de jeunes lves. Il est galement difficile interprter car
cest au lecteur de dcider que le texte a une signification profonde laquelle il veut
accder et cest donc lui de mettre en place une lecture permettant daccder au sens
symbolique de ce conte. Vouloir travailler sur un problme dinterprtation de ce type
tait trop ambitieux lors dune premire approche des phnomnes de comprhension et
dinterprtation des textes littraires, qui plus est avec des lecteurs de ce niveau.
Malgr mes erreurs et mes difficults, je ne pense pas que le travail de
comprhension et dinterprtation soit exclure avec des lecteurs dbutants. Mes lves
de CE1 sont en effet parvenus, grce un guidage important de ma part, comprendre
et interprter ce texte. Je compte donc continuer cette approche de la comprhension et
de linterprtation des textes littraires lors de mon prochain stage dans cette classe, en
travaillant linterprtation de textes de thtre. Je souhaiterais galement travailler sur
un autre aspect de linterprtation que je nai pas abord durant mes stages. Il sagirait
de donner la possibilit aux lves de mettre en rsonance des indices textuels et
culturels avec leur propre vision du monde en leur proposant, par exemple, des
questions comme celle-ci : Est-ce que tu ferais la mme chose que le hros ?
36

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Ouvrages thoriques :

Benot, J.-P. (1992). Des propositions pour observer et dvelopper les comptences
interprtatives des lves. In Pratiques, 76 (p.79 - 100). Metz : CRESEF.

Charmeux, E. (1987). Apprendre lire : Echec lchec. Paris : Milan Education.

Jouve, V. (1993). La lecture. Collection contours littraires. Paris : Hachette Livre.

Ministre de lducation nationale et de la culture / direction des coles. (1992). La


matrise de la langue. Collection Une cole pour lenfant des outils pour les matres.
Paris : CNDP et Savoir Livre.

Poslaniec, C. (2002). Vous avez dit littrature ?. Paris : Hachette.

Recherches, 25, Lecture. (1996). Lille : ARDPF.

Reuter, Y. (1992). Comprendre, interprter expliquer des textes en situation scolaire. A


propos dAngle. In Pratiques, 76 (p.7 - 27). Metz : CRESEF.

Tauveron, C. (1999). Comprendre et interprter le littraire lcole : du texte rticent


au texte prolifrant. In Repres, 19, Comprendre et interprter les textes lcole (p. 9 -
39). Paris : INRP.

Tauveron, C. dir. (2002). Lire la littrature lcole. Pourquoi et comment conduire cet
apprentissage spcifique ? de la GS au CM. Collection Hatier pdagogique. Paris :
Hatier.

Littrature de jeunesse :

Craipeau, J.-L. (1989). LOgre-doux. Collection Arc-en-poche. Paris : Nathan.

Kipling, R. (1996). Le Refrain du vieux Kangourou. (Trad. F. Dupuigrenet


Desroussilles). Tours : Editions du Sorbier.

Le Saux, A. (1996). Le prof ma dit que je devais repasser mes leons. Paris : Rivages.

Le Saux, A. (2000). Papa ma dit que son meilleur ami tait un homme-grenouille.
Paris : Rivages.

Morpurgo, M. (1999). La sagesse de Wombat. Paris : Gauthier-Languereau.


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ANNEXES

Annexe 1 : Texte LOgre-doux de Jean-Loup Craipeau

Annexe 2 : Texte Le Refrain du vieux Kangourou de Rudyard


Kipling

Annexe 3 : Autorisation de diffusion

Annexe 4 : Rsum du contenu du mmoire


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ANNEXE 1

LOgre-doux de Jean-Loup Craipeau

La cloche de lglise a sonn sept heures. Je descends chercher du pain. Soyez


sages, mes poussins , a dit maman. Mirabelle et moi, on a promis. Silvre na
pas rpondu. Il taquinait Tric, Trac et Troc, nos trois souris noires. Maman a
claqu la porte.
Ds que maman sabsente, Mirabelle sinquite. Elle est sre que notre voisin, le
pre Ventru, est un ogre. Maman dit quil aime les enfants : cest bien a qui fait
peur ma s ur
Mirabelle et moi, on jouait au Lexicon : cest un jeu de cartes avec des lettres
pour fabriquer des mots. Et, justement, javais un G, un O, un R et un E. Je les ai
poses en criant : OGRE !
A ce moment, quelquun a sonn.
Cest lui ! a hurl Mirabelle en se jetant sous la table. Je me suis cach les
yeux pour ne pas voir le massacre. Silvre allait lui ouvrir avec Tric, Trac et Troc
sur lpaule.
Il chantait :
Toc toc toc
On frappe la porte
Tric Trac Troc
Seront les plus fortes

Maman dit quon nouvre pas nimporte qui. Mais Silvre nobit jamais.
Jaurais voulu lui crier : Nouvre pas ! Cest Ventru ! Il va nous croquer crus.
Mais la peur avait coinc les mots dans ma gorge.
Quand jai rouvert les yeux, logre navait mang personne : ctait maman.
Merci, ma puce, elle a dit mon frre en lui bouriffant les cheveux. Jai oubli
mes cls et le porte-monnaie. Je repars. A plus tard mes canards !
Nempche, on avait eu chaud !
Jai propos quon joue aux trois petits cochons sous la table. Tout le monde
voulait la maison en brique ; personne la cabane en paille que le loup souffle en
premier. Alors, on a jou aux Matres de lUnivers. La table est devenue le
chteau des Ombres.
Mirabelle voulait que Silvre tue les ogres avec lpe magique. Silvre prfrait
combattre un dragon dix ttes qui fouettait la muraille de sa queue
monstrueuse.
Dabord, a dit Silvre, les ogres, a nexiste pas. Pas dans les villes en tout cas.
-Tas la preuve ? jai demand.
39

-Oui. Ils ont besoin de forts pour attraper ceux qui sy perdent. Aprs, ils les
enferment et les engraissent. Comment veux-tu faire dans un appartement ? Cest
trop petit !
-Et les conglateurs, a demand Mirabelle, cest pour les chiens ?
Silvre na pas pu prtendre le contraire. Le pre Ventru, cest vrai, il est gant
comme un ogre ; avec un ventre norme ; gros comme une barrique. Une
barrique molle qui ballotte quand il marche. On dirait un pingouin. Quelle
panique quand il vous embrasse ! On aimerait devenir nos souris noires pour fuir
et disparatre.
Mais maman veut quon soit aimables. Elle dit que le pre Ventru rend des
services, surtout pour le bricolage, depuis que notre papa est parti vivre avec une
autre maman.
Le pre Ventru nous appelle ses tendre tripls . Tripls, je veux bien :
Mirabelle, Silvre et moi, nous sommes ns le mme jour. Mais tendres ,
franchement, cest louche. a cache quelque chose, non ?
La cloche a sonn huit coups. Mirabelle a commenc pleurnicher. Quest-ce
quelle fabriquait maman ?
Quand la sonnerie du tlphone a retenti, on a tous sursaut. Silvre a dcroch.
Il a cout. Il faisait une drle de tte.
Ctait maman. Elle avait eu un accident en empchant mm Agla de se faire
craser. Mm Agla, cest une vieille dame qui traverse sans regarder et qui
habite au rez-de-chausse avec son chat Belzbuth qui nest pas copain avec Tric,
Trac, Troc, vous pensez bien. Bref, lhpital voulait garder maman cette nuit,
mais ce ntait pas grave. La grosse catastrophe, ctait que le pre Ventru allait
nous emmener chez lui pour manger et dormir !

Quand le pre Ventru sest accroupi pour nous parler, on sest fait petits, petits.
Ce nest rien, disait-il. On va passer une bonne soire.
-Je peux emporter Tric, Trac et Troc ? a demand Silvre ?
-Tout ce que tu voudras, mon bon petit.
Alors l, quand il a dit bon , jai bien cru que Mirabelle allait se sauver
Cest riquiqui chez Ventru. Une seule pice avec un grand lit, quelques chaises,
un fauteuil, une table.
Mirabelle a demand voir le conglateur. Ventru a paru tonn. Il nen avait
pas. Plutt rassurant, non ? Mirabelle en tout cas, ntait pas convaincue.
Cest peut-tre un ogre glouton qui dvore les enfants tout de suite , elle ma
dit loreille.
Elle na rien mang, pas mme le gteau.
Tu naimes pas ? a demand Ventru ?
-Si, a dit ma s ur. Mais je veux rester dure et maigre.
Le pre Ventru a paru trs du. Aprs tout, Mirabelle avait peut-tre raison.
Moi, jai quand mme craqu pour le gteau. Silvre a mang de tout, lui.
Tu nas pas peur de grossir, toi. Tu fais honneur ma cuisine. Jaime a, a dit
Ventru.
40

-Tentends, Silvre ? Monsieur Ventru AIME a, a dit Mirabelle. Mange,


mange !
Alors l, Silvre, qui venait de reprendre du gteau pour la troisime fois, sest
un peu trangl
Aprs, le pre Ventru nous a bords dans son grand lit. Il nous a mme racont
une histoire. Le seul moment o on a craint, cest quand il a pris Trac dans sa
main. Mais ctait pour la caresser en racontant, pas pour lavaler.
Pour dormir, le pre Ventru sest assis sur le fauteuil avec les pieds sur la chaise.
Mirabelle tait blottie entre Silvre et moi. Elle ma demand : Tu crois quil
va nous couper la tte pendant notre sommeil, comme dans lhistoire du Petit
Poucet ?
Comment je peux savoir moi ? Moi, javais surtout peur cause du lit. A la
maison, je regarde toujours dessous avant de me coucher. A cause des voleurs
bien sr. Mais aussi des monstres un peu gluants qui se faufilent dans les tuyaux.
L, je navais pas os regard pour ne pas fcher le pre Ventru. Les ogres
peuvent tre susceptibles.
Tu nentends rien ? jai demand a Silvre.
-Si, il ronfle, ma dit Silvre en montrant Ventru.
-Non, pas le ronflement. Un truc. Sous le lit. Ecoute. a fait cri-cri-cri
-Patate ! Cest Tric et Troc qui grignotent des journaux. Cen est plein, l-
dessous.
Jaurais bien voulu tre sr. Le pre Ventru a ouvert un il. Il nous souriait. Jai
trouv quil avait lair gentil. Mais il a dit : Dormez, mes agneaux. Vous tes
adorables, aligns comme a. Je vous trouve croquignolets. Et il sest rendormi.
Cest quoi, croquignolet ? Bon croquer ? Je nai pas os demander. Les
ogres, a peut snerver pour un rien. Quand ils ont sommeil, il ne faut pas leur
casser les pieds.
A propos de pieds, ceux du pre Ventru dpassaient de la couverture. Sa
chaussette tait troue. Tas vu ? ma dit Silvre. Et on sest mis pouffer de
rire. Ctait nerveux, je crois.
La cloche a sonn onze heures. Ventru ronflait. Parfois il faisait des bruits avec
sa bouche. Comme quand il fait trs soif avec la langue pteuse.
Silvre sest endormi. Mirabelle aussi. Un lampadaire de la rue clairait la pice.
En face, quelquun regardait la tl. Jai pens maman avec du chagrin. Est-ce
quelle dormait ?
Quand la cloche a sonn douze fois, je me suis cach sous les draps cause de
minuit, lheure des fantmes. Sous le lit, a faisait toujours cri-cri-cri-cri.
Je me suis endormi avec Trac au creux du bras.
41

ANNEXE 2

Le refrain du vieux Kangourou de Rudyard Kipling

Non, le Kangourou na pas toujours ressembl celui que nous contemplons


aujourdhui. Ctait un animal tout diffrent, un animal quatre courtes pattes. Il tait
gris et laineux et fou de vanit, et il dansait sur une crte en plein milieu de lAustralie
quand il sen alla trouver le Petit Dieu Nqa.
Il sen alla le trouver six heures du matin, avant le petit djeuner, pour
lui dire :
-Fais de moi un animal diffrent de tous les autres, et avant cinq heures cet
aprs-midi.
Nqa, qui tait assis sur ltendue de sable, sauta en lair et scria :
-Passe ton chemin !

Le Kangourou gris et laineux et fou de vanit dansait au bord dun rocher en


plein milieu de lAustralie quand il sen alla trouver le Moyen Dieu Nqing.
Il sen alla le trouver huit heures du matin, aprs le petit djeuner, pour lui
dire :
-Fais de moi un animal diffrent de tous les autres, trs populaire aussi, et tout
cela avant cinq heures cet aprs-midi.
Nqing, qui se prlassait dans lherbe porc-pic, sauta en lair et scria :
-Passe ton chemin !

Le Kangourou gris et laineux et fou de vanit dansait sur une dune en plein
milieu de lAustralie quand il sen alla trouver le Grand Dieu Nqong.
Il sen alla le trouver dix heures du matin, avant le djeuner, pour lui dire :
-Fais de moi un animal diffrent de tous les autres, trs populaire aussi et puis
trs trs couru, et tout cela avant cinq heures cet aprs-midi.
Nqong, qui se baignait dans le marais salant, sauta en lair et scria :
-Entendu, je men charge !

Nqong appela Dingo, le Chien Jaune toujours affam, Dingo toujours couvert de
poussire sous le soleil, et lui dsigna Kangourou.
-Dingo ! Rveille-toi Dingo ! dit Nqong. Tu vois ce monsieur qui danse au
milieu du crassier ? Il veut tre trs populaire et trs, trs couru. Dingo, occupe-toi de
cela !
Dingo le Chien Jaune toujours affam, le Chien gueule de seau charbon ne
manqua pas de sursauter :
-Quoi ! Ce lapin-chat, l ?
Et Dingo le Chien Jaune toujours affam, le Chien gueule de seau charbon,
se lana aux trousses de Kangourou.
Sur quoi le fier Kangourou dtala comme un lapin de toute la force de ses quatre
petites pattes.
Ainsi sachve, ma Trs-Aime, la premire partie de lhistoire !
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Kangourou courut travers le dsert. Il courut travers les montagnes, les


marais salants, les bouquets dajoncs, les gommiers bleus, lherbe porc-pic. Il courut
sen faire mal au pattes.
Bien oblig !
Et Dingo courait toujours, Dingo le Chien Jaune toujours affam, avec sa gueule
de souricire. Sans jamais gagner ni perdre de terrain, il coursait Kangourou.
Bien oblig !
Et Kangourou courait toujours le Vieux Kangourou. Il courut travers les
agaves, la mulga, lherbe longue et lherbe courte, les tropiques du Capricorne et du
Cancer. Il courut sen faire mal aux pattes.
Bien oblig !
Et Dingo courait toujours sans gagner ni perdre de terrain, Dingo le Chien Jaune
la gueule de harnais. La faim le tenaillait de plus en plus quand ils parvinrent au bord
du fleuve Wollong.

Mais l, point de pont, point de bac. Ne sachant comment traverser, Kangourou


se dressa sur ses pattes de derrire et bondit.
Bien oblig !
Toujours bondissant, il traversa les montagnes et les dserts qui occupent la
partie centrale de lAustralie. Il bondissaitcomme un Kangourou.
Il avait fait dabord un bond dun mtre, puis de trois, puis de cinq. Ses pattes
avaient forci et sallongeaient. Il navait le temps ni de se reposer ni de se rafrachir,
mme sil en mourait denvie.
Et Dingo courait toujours, Dingo le Chien Jaune que la faim poignait, mais aussi
la stupfaction. Quelle puissance au monde, ou hors du monde, poussait donc le Vieux
Kangourou faire des bonds pareils ? Car il bondissait comme un criquet, comme un
pois dans une pole ou une balle en caoutchouc neuve sur le plancher dune nursery.
Bien oblig !
Repliant ses pattes de devant, rebondissant sur ses pattes arrire, allongeant sa
queue derrire lui comme un balancier, il bondissait travers les Dunes du Darling.
Bien oblig !

Et Dingo courait toujours, Dingo le Chien fourbu que tenaillait de plus en plus la
faim et la stupfaction. Quelle puissance au monde, ou hors du monde, arrterait le
Kangourou ?
L-dessus Nqong sortit du bain quil prenait dans le marais salant :
-Il est cinq heures, dit-il.
Dingo sassit par terre, le pauvre Dingo que la faim tenaillait toujours et qui tait
couvert de poussire sous le soleil. Il tira la langue et entreprit de geindre.

Kangourou, le Vieux Kangourou, sassit par terre lui aussi et allongea sa queue
derrire lui comme un tabouret traire les vaches :
-Grce au ciel, cest fini maintenant !
Nqong, en parfait homme du monde, lui demanda :
-Pourquoi nexprimes-tu pas ta reconnaissance envers Dingo le Chien Jaune ?
Pourquoi ne le remercies-tu pas ? Il a tant fait pour toi !
A quoi le Vieux Kangourou bien las rpondit :
43

-Il ma chass des demeures o jai pass mon enfance ; il a chamboul mes
heures de repas ; il a mis mon anatomie sans dessus dessous au point que jamais je nen
retrouverai de pareille ; quant mes jambes, il les a rabotes de belle manire.
-Me tromp-je donc en croyant que tu mavais demand de faire de toi un animal
diffrent de tous les autres, et trs couru de surcrot ? rpondit Nqong. Il est maintenant
cinq heures.
-Cest vrai, je regrette de lavoir demand. Je croyais que vous y parviendriez au
moyen de charmes et dincantations tandis que cela, cest une mauvaise plaisanterie.
-Une plaisanterie ! scria Nqong qui se vautrait parmi les gommiers bleus.
Rpte cela et je siffle Dingo. Quand il taura bien cours, il ne restera plus rien de tes
pattes arrire !
-Non, faites excuse, dit le Kangourou. Une patte est une patte aprs tout, et pour
moi, je ne sens nul besoin de les abrger. Je souhaitais seulement que Votre Grandeur
comprenne que je nai rien mang depuis ce matin et que jai lestomac vide.
-Oui, ajouta Dingo le Chien Jaune, et je suis exactement dans la mme situation.
Jen ai fait un animal diffrent de tous les autres, mais quaurai-je pour mon th ?
Nqong, qui tait entr dans le marais salant pour prendre un bain, rpondit :
-Venez me parler de tout cela demain. A prsent, je vais me laver.
Et cest ainsi que le Vieux Kangourou et Dingo le Chien Jaune se retrouvrent
tout seuls au beau milieu de lAustralie.
Cest ta faute ! se lanaient-ils.
44

ANNEXE 3

Autorisation de diffusion darticles


par consultation, prt, divulgation sur le rseau Internet

Je, soussigne : Odile Lacheret

Agissant en labsence de toute contrainte et sachant quen dehors de lobligation de


dposer mes travaux, je bnficie de la libert de permettre ou non leur diffusion,
autorise sans limitation de temps diffuser les travaux que jai effectus pour lIUFM,
dans les conditions suivantes :

Consultation sur place en bibliothque g oui non

Prt g oui non

Prt en bibliothque g oui non

Diffusion en texte intgral sur le rseau Internet g oui non

Etant entendu que les ventuelles restrictions de diffusion de mes travaux ne stendent
pas leur signalement dans les catalogues des bibliothques accessibles sur place ou par
les rseaux.
La prsente autorisation de diffusion vaut galement pour la reproduction limite aux
seules fins des diffusions ainsi dfinies.
Je renonce toute rmunration pour les diffusions et reproductions effectues dans les
conditions prcises ci-dessus.

Bon pour accord,

Signature de lauteur A Lyon,


Odile Lacheret Le 26 avril 2003
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ANNEXE 4

Rsum du contenu du mmoire

Les nouveaux programmes ont permis la littrature dentrer lcole primaire


la rentre de septembre 2002. Cela ma amene minterroger sur la faon daborder
ce nouvel enseignement avec des lecteurs dbutants. Jai alors cibl ma recherche
autour des phnomnes de comprhension et dinterprtation des textes littraires avec
des lves de CE1 et de CE2.
Ce mmoire expose dans un premier temps les pistes thoriques qui ont guid
ma pratique professionnelle ou qui ont permis den faire une analyse critique. Il prsente
ensuite diffrents problmes de comprhension et dinterprtation que jai abords au
travers de multiples dispositifs didactiques dont il explique les avantages et les
inconvnients aussi bien pour les lves que pour lenseignant.

Mots-cls :
Littrature
Comprhension
Interprtation
Lecteurs dbutants

Discipline :
Franais (littrature)

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