Histoire Du Texte de Platon (... ) Alline Henri Bpt6k331179
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Histoire Du Texte de Platon (... ) Alline Henri Bpt6k331179
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A:\t:H:;S ~[H~RRR Uf-: hA FO~nATtO~ THinHS
LA'HKAI DE L'IXSTtTL'T
~f-.HVt-: rm't.<y\t~ t'i-: L'ECOLE uns nAf'TEs MTt'nES
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE HONOR CHAMPION
KDOL'ARD CHAMPfOX
5,A[MALA~UAIS
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T~H'-(!roits rserves.
Sur t'ityis de M. Henri LEBcoE, matre Je confrences
de phitoiogie grecque. et de MM. B. HAUSSOULHER et
)~. Si;ruu vs. commissaires responsables, !e prsent mmoire
/s. le /H~
/s C~s'.s'e.S' /'P.')')07!.s'f'C.<
.S/C U. H.\L'SS()t'[.),!):)(.
!). SEMHLY>.
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tes orconst.attccs, cett.c thse a t impt'hnce
'-ans f)u' fauteur ait pu pu von' tes preuves.
HISTOIRE
DU
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TEXTE DE PLATON
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HISTOH Dr TEXTE
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HENRI ALLINE
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PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORE CHAMPION, EDITEUR
DOUARD CHAMPION
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)')1~
Tlphone Gobelins 28-20.
'tHr;o;M~t.<r~?~a/<)//n~Hf'f/M/hH~A'<M~<<.
AVAM-PROPOS
1916.
CHAPITRE PREMIER
ces faux De
'S'~cra~e. avec quelle ddaigneuse ironie le philosophe flagelle-t-il
telles uvres n'taient pas destines au gros
public. Assurment elles v parvinrent plus tard mais, pour le
moment, on ne pouvait songer les y rpandre elles n'auraient
fait qu'exasprer les sots, sans aucune chance de les convertir.
Ces dialogues, ou l'on sent quelque chose de l'vangile et
quelque chose du pamphlet, taient bien leur place, au con-
traire. dans le cercle des amis enthousiastes de Socrate, des
ennemis de ses ennemis, et ils durent y avoir un grand succs.
Chacun put en prendre copie pour lui-mme et faire transcrire
). Il faut sans doute rapporter cette date une anecdote raconte par
Dio~'pne Larce (II, 62), ou nous voyons Eschine lire ses dialogues
M~are. et Aristippe le traiter de plagiaire et de pillard. Cf. un autre rcit,
encore plus suspect, qui concerne Xnophon et Platon (EptS<o/. yraect.d.
tferche! p. M3
ensuite d'autres copies sur son exemplaire personnel, pour ses
amis et connaissances d Athnes ou d'ailleurs. Telle fut, sans
doute, la premire publication des crits de Platon.
Il faut en eitet attribuer une grande importance, dans la diffu-
sion des uvres platoniciennes, aux cn/x'es prives les livres
ainsi reproduits taient extrmement nombreux dans l'antiquit
on connat l'anecdote suivant laquelle Dmosthne transcrivit
plusieurs fois de sa propre main l'Histoire de Thucydide. A vrai
dire, la plupart de ceux qui copient eux-mmes leurs livres sont
de petites gens, qui n'ont pas d'esclave ou dont l'esclave ne sait
pas crire. D'ordinaire, l'auteur fait excuter les copies chez
lui, sous sa direction; il dicte lui-mme ou bien donne un
modle multiplier puis il revoit et corrige un exemplaire-
type, ou quelquefois plusieurs. L'esclave Kphisophon sert ainsi
de secrtaire Euripide, et Chars au pripatticien Lycon Ces
exemplaires sont offerts par l'auteur a ses amis. Ou bien il leur
permet d'excuter ou de faire excuter des copies de son propre
manuscrit et ces copies elles-mmes peuvent tre reproduites
plus tard, si les amis de l'auteur tiennent a sa rputation. Peu
peu, le nombre des lecteurs s'accrot.L'crivain, s'il le dsire,
continue tre son propre libraire-diteur il lui suffit d'avoir
a sa disposition un certain nombre d'esclaves lettrs. C'est pour-
quoi Antigone envoie Znon une quipe de copistes Et Pla-
ton aussi, qui avait d'abord simplement communiqu ses uvres
a quelques amis, en leur laissant le soin de les faire connatre,
dut par la suite, surtout quand il fut rentr et install Athnes,
et quand il voulut rpandre des ides qu'il estimait utiles et
indispensables, se proccuper de la ditfusion de ses crits, et
organiser chez lui une vritable entreprise de publication en
masse et d'dition. Peut-tre, d'ailleurs, eut-il bien vite un auxi-
liaire pour surveiller ses copistes, leur distribuer la tche et
corriger les exemplaires
1. STXAHO~ iX)H. p. 60*)) nous avertit que les oeuvres d'Aristotc, rcem-
ment retrouves et publies, furent reproduites de cette manire, par des
diteurs n~'H~ents qui employaient des copistes au rabais.
St:Ht BAHT. p. t3S.
3. Sous la dicte, ou, plus frquemment, en lisant et en transcrivant
chacun une seule partie de l'exemplaire primitif, toujours la mme. Les
feuilles de papyrus ;T!'e8~ sont coUes en scap: et ceux-ci, en plus ou
moins a~rand nombre, runis bout bout pour former le rouleau dfinitif.
On peut donc distribuer aux copistes des fragments de rouleau de diverse
)on~'ueur, qu'ils transcriront machinalement. Cf. ScHUBAnT, p. 142; GAMD-
THtfSEX. p. 13t sqq.: P. L.EJAV..Heuue t't<<~ue, 43(tt)09), p. 462.
i. !)7.!ATZKO. dans P. W.. !H. p. 961 SCHUBART, p. t44.
En dfinitive, si l'absence de tout droit d'diteur avait de graves
consquences pour l'tat du texte courant, les amateurs, en
allant aux bonnes sources, taient presque aussi srs de poss-
der la pense authentique de l'crivain que maintenant les ache-
teurs d'un livre correctement imprim.
Aussitt que les Dialogues de Platon obtiennent quelque suc-
ces, nous devons admettre, par consquent, la coexistence de
textes authentiques et soigneusement reproduits, de textes
ngligs et remplis de fautes grossires, et de textes corrigs
arbitrairement. Ainsi commence l'histoire du texte de Platon.
Ds son vivant, pour certains de ses lecteurs se posent les
mmes problmes que pour nous Ceux qui vivaient assez loin
d'Athnes devaient se trouver particulirement dans l'embarras.
Car les uvres de Platon avaient dj pntr dans toutes les
parties de la Grce. Le succs des <7;a/oyucs.soc/'a~'yue.s,ds leur
apparition, est attest par le nombre des Imitateurs qui suivirent
les traces de leur condisciple Platon 2 et par les allusions
moqueuses des potes comiques (par exemple Thopompos, qui,
dans son HTjyapT; parodie une phrase du Phdon, p. 96 E)
Et ce succs veillait des vocations. L'Arcadienne Axiotha,
nous dit-on, ayant lu la /)H/)/~ri7c, prit des vtements d'homme
et vint entendre Platon l'Acadmie Un paysan de
Corinthe, ayant fait connaissance du fameux Go/'y:'a~ non pas
de Gorgias en personne, mais du dialog'ue que Platon crivit
pour rfuter le sophiste abandonna aussitt son champ avec
ses vignes, et alla mettre son me sous le joug de Platon, pour
qu'elle ft ensemence et plante de ses doctrines. Et c'est lui
4. Nous verrons que les bons textes ont t assez fidlement transmis
jusqu' nous (it en a t de mme pour Isocrate et Dmosthne, par
exemple) et que certains documents nous donnent une ide des textes de la
seconde et de la troisime catgories.
~,f/< [). 79.
2. L'.
3. UfOG.
V.
L., 1H.2G.
remanie par W. Scn~nD), 1
Ct'(t')08),
\Vf[.AMO\Yri'X, G~'tFC/t.
y. CmiisT, G<Mr/);c/<? (/<?/r. Litt. (5e d.,
p. 6H, et les notes critiques ce pas-
sade de Dio~ene, dans l'dition de Bte, p. 16 (DtOGExis LAEnru, V;fa Pla-
~oni.s. rec. H. Hreitenbach, Fr. Buddenha~'en, A. Dehrunner, Fr. von der
MuehH == Extr. de y~oe/ies ~u/tt su/~us, Baie, 1907). Je citerai dsormais
!p livre 111 d aprs le texte de cette dition.
mann L'SENKR,
=
/ne~ L~.?y/~o~<?~(A'ac/u'.
4~ 'l'nEMtsr[Os,Dise. 33, p. 350, d. Dindorf (reproduit dans les ~4.7':s<o<e
d. V. RosE, p. n" C4) D. I.
111, 46, et IV, 2. Cf. Her-
Gesellsch. G~ny., i892, p. 25-50,
)Sl-2t:)., p. 21.').
qu'ARISTOTE honore dans son Dialogue corinthien 1. Nous pou-
vons donc penser que le Gorgias, le Phdon et la Rpublique,
entre autres, taient bien connus du grand public. Et cd ne
sont pas seulement les Grecs du continent qui les connaissaient.
Les Dialogues avaient pntr jusqu'en Sicile et en Grande-
Grce. Dion et ses amis avaient sans doute lu la -Re~uA~rue
avec enthousiasme et peut-tre avaient-ils t dtermins surtout
par cette lecture appeler Platon auprs d'eux et lui faire
accomplir son second voyage en Sicile s.
Mais il n'tait pas toujours facile, hors d'Athnes, de se pro-
curer les livres qu'on dsirait. Mme dans les boutiques des
grandes villes, on ne trouvait gure que les articles courants ou
trs demands Le pre de Znon tait oblig de lui rapporter
d'Athnes les ouvrages des Socratiques, qui ne parvenaient pas
jusqu' Chypre 4. Les mimes de Sophron taient compltement
inconnus en Attique avant que Platon les y rapportt et les
mt a la mode Si Platon voulait rpandre ses uvres, et sous
une forme bien authentique, il devait donc s'en occuper lui-
mme. Avant la fondation de l'Acadmie, il avait dj sa dis-
position, probablement, un certain nombre de copistes, comme
plus tard Znon, Origne ou saint Jrme. Aprs l'institution de
l'Acadmie, ce service dut tre rgulirement organis les
uvres du philosophe parvenaient ainsi, en exemplaires soigns,
au public qu'elles devaient atteindre.
Ce public tait naturellement trs diffrent,suivant le carac-
tre des uvres. Nous avons vu que les premiers dialogues, au
moment o ils parurent, ne pouvaient intresser que la socit,
sans doute assez ferme, des Socratiques fervents. De mmcL les
derniers, si scolastiques de forme et si rebutants pour des pro-
t. fAf/rp, 27t R sqq. Voir aussi Ch. IluiT, La vie p/ ro:M/'f de Platon,
1 (i893), p. 370-373, et surtout Ed.Xnu.ER, A'p .Sc/t/7e~ 1 (1910), p. 152
sqq. Il se peut que le fa/ent'r/f?, crit pour l'Ecole, ait t publi sans
l'aveu de Platon, et qu'aprs cette indiscrtion l'auteur l'ait ditlui-mme
avec quelques remaniements (d'aprs /~r/M. 128 n-E. Cf. 0. A.PELT, Pla-
<f~Mc/te ~u/sahe (1913), p. 93-9;;).
3. J. Bun?<E-r, Early Grcc/f Philosophy, 2" d. fl908), p. 89, 2 et 320, 3.
Cf. W.CHi<tST,Ph<o/t!:fcAeS<t;f~'e/~Rxtr. des.ljM.-i/t~. An</r. AAad., XVII,
2,p.i.50-512),188;p.49t.
3. EJ, cela, du dbut la fin de sa carrire. Car les Lois s'adressent vi-
demment aux mmes lecteurs qu la Rpublique. Et d'autre part, le T~K~e,
par exemple, n'est pas qu'un catchisme et un aide-mmoire rdig-
l'intention des membres de l'cole au contraire, Platon n'avait certaine-
ment pas expos en chaire les thories d'histoire naturelle du ?'t;Hee; car
Aristote, sur ces points, se rfre au Ytm~e lui-mme, tandis que pour la
thorie des Ides il se rfre plutt l'enseignement oral de Platon. Cf.
Ed. XELLEH, 0. c., 1). 158.
4. Sinon toujours compris, comme le constate Platon dans le Phdre.
l'Acadmie, et particulirement d'Hermodore Pour ce dernier
du moins, la raillerie du pote comique nous le donne penser
AcyoKr~ 'Epp.sMpo~ E~opeueTc:~ T
Les discours, pour Hermodore, c'est une cargaison ngo-
cier. Ce vers, devenu proverbial, nous est expliqu par Zno-
bios et Suidas dans les termes suivants .Ser/noJo/'e, auditeur
de Platon, transportaiten Sicile les X6'YM composs par celui-ci et
les vendait~. L'historien anonyme de l'Acadmie, dont l'oeuvre
nous a t partiellement conserve par un papyrus d'Herculanum,
confirme cette explication et nous fournit quelques renseigne-
ments nouveaux parmi les disciples de Platon, il nomme Her-
modore de Syracuse, qui, lui aussi, a crit sur son matre et qui
transportait ses Xsyst en Sicile M. Ce dernier texte nous montre
dj qu'Hermodore n'a pas t un simple colporteur. Dercyllids
mentionne galement son ouvrage sur la vie et les doctrines de
Platon et en cite un assez long fragment, relatif la thorie:de
la matire, des nombres et des premiers principes, telle que
Platon l'exposait oralement et c'est encore d'aprs ce livre
que Diogne Larce rapporte le sjour de Platon a. Mgare. He.r-
modore avait aussi crit sur les mathmatiques M. Il tait donc
le disciple et le collaborateur de Platon en mme temps que son
libraire, comme Atticus le sera pour Cicron.
Ce rapprochement, Cicron le fait lui-mme, dans une de ses
lettres Atticus, avec une intention, il est vrai, assez mali-
i. K. F.f!EnMA\N,Gesc7:c/!7<?t7~S!/s~<'7):<e/'jPJ'8<on:sc/!M .PA~osop/u'e
!l839), p. 3:;8 et p. !iS9, note 18; Ed. XEi.LER, De ~M-mo~oro Ephesio et
/7ermo(./o;'o Platonis discipulo (1859). et DtePAHosop/t~ der G~teo/ten, 11.
1 t4'' d.. 1889). p. 389, 1 et 983, 1 Rfn'r, B);c/w('Mn, p. 438.
456..
2. CtcnoN, .'if7.4/<t'cuM, XtH, 21, 4. X-<oBios, V, 6 & 'Ep~SMpo; &xpo-
XTT,; YEYOVe riAs(TMV){, xad TOU; 'J~' X'JTnB OUVT69e[~VOU;OYt<r~O&;XOp.~MV't~
S!xsA!x'/ s7:f/)A~. H't'pTjTx: oSv St iKSix 7; ~c(oo:;j.tc[. De mme SctDAS, s.~v.
'E~ s~ (sauf-~E~d~vo; pour -jTfo' xat et ).oyou~ pour ~cYt~q~.
Omet s'f,
).oYO!'j!
etc.
de KocK', ii,
Le vers est reproduit dans les Com:c. ~rr. /raynt.
3. 'Eo~dSa~po; o S'joctxoT.o; 6 xo!! ?:Es! ot'jToS ypx~'0!; xon co&; ~<!yo'j; B[XsM<xv
~T-xo~'uv (.-t<'a(7f'/t:M'o/'umpAt'/osop/tOt'Hm T/tf/Kc /~p/'c;snFMs:s, d. Siegfried
MHKLER, 1903, p. 3~, col. Vf, 6-10).
i. Peut-tre cet ouvrage servait-il d'introduction ou de supplment
une dition posthume, plus ou moins tendue, dsoeuvrs de Platon.
K. Cette cita tion de DercyDidcs nous a t conserve par SiMpuctUS
fCf)mMM<at/'e .s~r la Physique (/i;'t'.s'<o~, p. 247, 31 sqq.. d. Diels. Cf.
aussi p. ~tt, 3~sqq.
cieuse, et pour reprocher ce dernier une lgre indiscrtion.
Atticus avait en effet communiqu Balbus le cinquime livre
du De /!n!j6us, avant mme d'envoyer l'auteur une preuve
pour les dernires corrections. Cicron, qui voulait apporter
quelques changements son uvre et la ddier Brutus, lui fait
observer que,, par suite de sa hte 'indiscrte, Brutus risque de
ne recevoir qu'un bouquet fan et Balbus un mauvais exem-
plaire. As-tu donc l'intention, lui dit-il, de publier sans mon
consentement ? Hermodore ~t-~neme n'allait pas jusque-l, hz<
qui y~a/!<7~ les ~Hur~ de Platon et fit natre ainsi le proverbe
Asys' 'Ep;7.:SM?c~ D'aprs K. F. Hermann, qui s'appuie sur
ce passage et sur la citation de Dercyllids, Hermodore n'a pas
dit des uvres destines par Platon a la publicit il a fait
connatre les doctrines exposes oralement l'Acadmie ((XYpxcot
S:.Y;j.o!Tx) et c'est a cause de cette indiscrtion qu'il a t blm
et raill. Mais il semble bien que Cicron ne l'entende pas ainsi,
Hoc ne j~e/noJo/'HS quidem /'ac!eAa~, crit-il le Syracusain ne
commettait donc pas la faute que prcisment Cicron reproche
son diteur; il ne publiait pas d'oeuvres sans l'aveu de son
matre et son insu. Et nanmoins il agissait mal, puisque,
dans les circonstances prsentes, Cicron lui compare Atticus et
rappelle le dicton satirique. Pour bien comprendre le rle d'Her-
modore et le reproche qu'on a pu lui adresser, il nous faut donc
revenir ce dicton, et tenter d'en dgager l'intention comique.
Mais qu'il est difficile de retrouver le sel d'une plaisanterie vieille
de vingt-quatre sicles
D'abord, ce dicton est un vers de comdie, et non pas un
reproche adress Hermodore par ses condisciples ou par Platon
lui-mme comme eux seuls auraient pu l'accuser d'avoir trahi
les secrets de l'Ecole et livr aux profanes des exposs qui ne
leur taient pas destins, il nous faut dfinitivement abandonner
l'explication de K. F. Hermann' Heromdore n'est pas blm
1. Sed die mihi, placetne tihi primum edere injussu meo? Hoc ne IIer-
ntodorus quidem faciebat, is qui Platonis lihros solitus est divulgare ex
quo AOVO~!V 'Eo;J.OMpO;.
2. Hermami dit encore (p. 3a8) il est difficile de rapporter notre col-
lection d'uvres piatoniciennesjcesrenseignements sur le commerce fait
par Hermodore, farces uvres n'ont pas t livres au public toutes en
mme temps et d'une seule faon. Donc nous devons penser aux c~po~x.
Sans doute, s'il s'agit du public athnien, qui voit paratre les Dialogues
solennellement par ses pairs; il est raill, sur la scne, par Tin
pote comique. Pour que cette raillerie soit comique, il faut que
le spectateur soit amen rire par le choc des images qui lui
seront suggres, le contraste imprvu des unes avec les autres.
Rien de tel dans les deux premiers mots ce qui est comique,
c'est donc le troisime mot et son rapport avec les. deux autres.
Or, un ~:po~ prte-t-il a rire, s'il s'occupe de Xoyot? En fait,
personne alors ne peut s'tonner qu'un passager emporte ave& lui
une cargaison de livres Xnophon nous parle, comme d'une
chose toute naturelle, de livres transports sur des navires, dans
des caisses de bois 1, et Aristote, de ballots de plaidoyers isocra-
tiques que colportaient des libraires ambulants Ce qui semble
trange et risible, ce n'est donc pas qu'un libraire fasse commej'ce
de livres dans un pays tranger et exporte des dialogues de
Platon c'est qu'un philosophe fasse un commerce de ce genre,
c'est qu'Hermodore devienne un e~opo! Quel est le sens exact
de ce terme, qui ridiculise le nom d'Hermodore en s'accolant
lui? Dans ce passage, Vaickenar identifiait, sans preuves, s.j.mo-
ps'jMO~. y.o~As~ (faire un trafic frauduleux) II nous faudrait
plutt discerner la diffrence des sens de ces deux mots. Leutsch
pense que le verbe, dans ce passage, est employ ironiquement
et par antiphrase, pour dsigner une chose de peu d'importance;
il semble avoir raison, car e~opo< par opposition xa~Xc!
signifie prcisment un marchand en gros, qui transporte au loin
ses denres et fait du commerce d'exportation. Encore faut-il
prciser. C'est moins la petitesse qu' la nature de la cargai-
son, et aux motifs de ce voyage d'affaires, que s'applique l'inten-
tion plaisante du passage. On trouve risible que le philosophe
Hermodore transporte au loin, pour en faire commerce, non point
Ct'j'OUT[V..
seul coup. 1
1..4~:&;t.C. VU. Ysvpajj.jj.'vxt,
~, Kosn SE ~Ao: 8, 14 E'/TKuO xx; TSD.ct ~oXXST~
TiUp~XO'~O ~uXfvo~
KOAXa! [~V X~CK, TE.5y6(n
TKtDJt vauxXt)pO[
Se M~M-
'n~, r,oi.~xi ~1i6f)t r~ypa.p.p.v~lt, rx; 1"&)~a -o~~8ar~ v ~~lVOl~ re5xeav vax~vjpoc
t. t'i'c f/c .t'<as, ch. 29. Cf. DxtATXEo.dansf. W., III, p. 975.
2. fi est trs probable que l'Acadmie ditait et vendait les uvres de
tous ses membres. Cf. WiLAMOwn'x, .4/t<M~o;!ost!Oft7fayys<os (Philol. Unters.,
IV, 1881.. p. 286.
3..Voc~es .t~M'ae, X[V, 3, 3 Xnophon mcHto illi operi
Platonis, quod
de optimostatu reipublicae eivitatisqueadministraudaescriptum est, lec-
tis ex eo duobus fere Hbris qui primi in vulgus exierant, opposuit contra
conscripsitque diversum regiae administrationisgenus, quod na[Ss!o[ Kupou
inscriptum est.
gouverner l'Etat et la cit, rit lut </eu~ livres peu prs, yu<
a:e/ e7~ ~</A~~ les premiers, et y opposa un ouvrage crit,
suivant des principes contraires, sur le gouvernement royal, et
intitul C/o/M7~' )'. Platon aurait donc d'abord publi le dbut
de la /?<~uZ~'yHC, puis le reste. Or la C?/e(/M est la contre-
partie des quatre premiers livres actuels il faut donc supposer
qu'Aulu-GelIe se rfre il une autre division que celle de nos
manuscrits. Un second tmoignage nous prouve l'existence de
cette autre division et nous en donne une ide assez prcise
c'est celui de l'A~T[ATT[C!ST,mis en lumire par M..1. Hirmer'
Ce grammairien, qui semble avoir vcu vers la fin du second
sicle, presque a la mme poque qu'Aulu-Gelle, cite 38 passages
de la 7?f/3;7A/<~H<?,allant du premier au dixime des livres actuels,
mais d aprs une division en si.c ~e.s. M. Ilirmer a pu dter-
miner l'tendue approximative de chacune de ces parties; les
livres II, IV, V se terminaient comme les livres III, VI, VIII
de la tradition manuscrite'\ D'autre part, le tmoignage de
Galien nous montre que, dans la seconde moiti du ))'' sicle, la
(108 A-c).
contenu de la Rpublique et prsenteles nouveaux_dialoguescomm~ une
suite et une sorte de transposition de celle-ci; le Critias est annonc au
cours de ce prologue (27 AB), et continue le Time sans aucune interrup-
tion r.Her/Hoc/'a~e est annonc de la mme manire au dbut du Critias
1. G.GROTE,P~o,I,p. 141-135,158-169.
authentique ils ont d s'efforcer de la retrouver. Tout d'abord,
Diogne Larce 1 nous numre certains signes critiques qui se
trouvaient dans les manuscrits de Platon c'taient les marques
ou les vestiges d'une dition critique, faite videmment a
l'poque alexandrine, et trs probablement par Aristophane lui-
mme. Or l'un de ces signes, l'obel, indique l'athtse, c'est--
dire le rejet, des leons ou des passages tenus pour apocryphes
et que cependant on ne supprime pas radicalement du texte; un
autre, l'obel point, signale les athtses arbitraires un autre
enfin, la dipl pointe, note les corrections conjecturales de cer-
tains diteurs. Si les manuscrits originaux de Platon, si mme
un recueil de copies authentiques, avaient alors exist l'Acad-
mie, ce travail critique et t parfaitement inutile. Lorsqu'un
Ptolme avait voulu se procurer le texte officiel des Tragiques,
il s'tait fait prter l'exemplaire jadis tabli d'aprs la proposi-
tion de Lycurgue. De mme, et plus simplement, pour avoir le
texte de Platon, conserv officiellement dans son cole, il aurait
suffi d'envoyer de bons copistes Athnes. Au contraire, l'em-
ploi de ces signes suppose ncessairement un texte qui repose
sur plusieurs manuscrits de valeur ingale, sur une recension
il exclut l'existence d'un manuscrit suffisant lui seul et dont
les leons se seraient imposes indiscutablement 2 Enfin, l'usage
des deux derniers signes nous prouve qu'avant l'dition alexan-
drine, les Dialogues avaient dj t dits une fois au moins,
en tout ou en partie, et que cette dition antrieure possdait
une certaine autorit car les rudits alexandrins jugrent utile
de prendre position vis--vis d'elle, et non seulement d'en corri-
ger, mais d'en noter les dfauts.
A l'poque alexandrine, la collection des_ceuvres de Platon
qu'on pouvait trouver l'Acadmie n'tait donc pas la seule
faire autorit~, elle n'tait pas reconnue des spcialistes comme
nous confirment dans cette ide par exemple, l'achat des livres
de Philolaos par Platon, son enthousiasme pour les mimes de
Sophron, qu'il rvle aux Athniens, la commissionqu'il donne
Hraclide de lui rapporter d'Asie tout ce qu'il trouvera des
uvres d'Antimaque D'aprs Strabfn Aristote aurait t
le premier a runir des livres ~pMc: M'~ 'to~sv o-u'~Yx-j-Mv ~Xtx.
Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, Aristote (de mme
que Clarque, tyran d'Hrade) n'a fait que suivre l'exemple de
son matre. Mais Strabon ajoute avec raison x~ M~ix; Tou:
A'~Y~TM pxj'.Aex~ ~.Xt.se~.7;; <y'j';T:o: Imites par Aristote et pro-
poses comme modles au roi d'Egypte par Dmtrius de Pha-
lre, l'institution du Msu~ov de l'Acadmie et la bibllephilie de
Platon amnent, dans la grande cit d'Alexandrie, la cration du
Muse et des bibliothques royales plus tard encore, ces fon-
dations ne seront pas sans influence sur les clotres chrtiens.
Toutes ces institutions; suscites plus ou moins directement par
le gnie organisateur de Platon Acadmie, Muse, clotres
mdivaux, bibliothques modernes conserveront ses uvres
et nous transmettront, en une uvre ininterrompue, le flambeau
toujours vivant de son esprit.
1. D. L., VIII, 15 et 84-8:~ Cf. AULU-GELLE, III, 17, 1-2. P[<ocLus, Co~-
~:e~<a!e s!!r le Time, p. 90, d. Diehl. H serait, peut-tre excessif de
faire de Platon, comme le veut Wilamowitz (Antigonos, p. 284-28S), non
seulement le premier bibliophile, mais le premier philologue de l'antiquit:
cf. les rserves d'Usener, Vor<ayf und ~u/sa/ze, p. 92. Voir aussi HXBER-
!.t~ C<'n<ra/<a /ur B:&~to<eAs!uese~, VII, p. 296, et L. TnAUBE, Vorle-
sungen u~a'~A/ta/ic/~u/t'ye~p. 103.
2. XIH, 608.
3. Cf. GnoTE, /j6:<7., p. 146-147 WiLAMCwiTx, o. c., p. 291 GEMKE, dans
I'~t/ II, p. 328.
A[.nr<E,P<a<on. 3
CHAPITRE II
4. R/
2. Egalement cit par EusBE, Py~pa; cany.~ X, 4, 4'7i.
3. XI, 5060.
d. Walz, II, 130.
5. Cf. Zt:LLEu, o. c., p. 437, 1 HERMANN, <?escA. a/td' System der Plat.
~/)t~ p. 5~5, note 1. Tel serait un.MfK?sts/a<os.Nousavons, en somme,
conserv tous les dialogues de Platon; aucun dialogue authentique ne s'est
perdu, contrairement aux suppositions de Tiedemann et Tenncmann. Les
trois mots oapu'~xM;, a~~Setxs; et osteo- cits par Aristote dans les
7'o/)!<jrf;<'s, ne viennent pas d'un ouvrage, mais d'un cours de Platon.~ Les
/c'es par tous c/'<ue~ t, ont pass dans nos manuscrits,
les
au titre d'apocryphes Dp/Kocfocos, S~~Ae, Alcyon, Eryxias,
Axiochos. Ils figuraient donc dans l'dition ancienne laquelle
nos manuscrits se rattachent, mais en appendice seulement et
il en tait ainsi ds l'poque de Diogne Larce, ou, plus exacte-
ment, de l'auteur qu'il suit en ce passage, c'est--dire de Thra-
sylle (!moiti du t' sicle aprs notre re)~. D'autres dia-
logues, enfin, taient gnralement tenus pour authentiques, et
avaient t classs par Aristophane de Byzance ou par Thrasylle
ct des uvres manifestement platoniciennes. Certains avaient
t nanmoins suspects par quelques critiques l'Hipparque,
par Elien les Rivaux, par Thrasylle 4 l'Epinomis, qu'on
attribuait Philippe d'Oponte, comme nous l'avons vu et le
.Spco~(/ ~c~'a<7< Xnophon Proclus rejetait les Lettres
pour la simplesse de leur style, mais rejetait de la mme
faon la Rpublique et les /.OM, qu'il ne regardait certainement
pas comme apocryphes En tout cas, ds l'antiquit, on a d
contester Platon la 12~ ou plus probablement la 13e Lettre, car
ment des 36 uvres authentiques Thrasylle n'ait fait que suivre Dercyl-
lids, il peut n'avoir pas compos de la mme faon la liste des apocryphes
recueillis dans l'appendice. Hien de plus variable que le contenu d'un tel
appendice. Les ditions postrieures Thrasylle peuvent adopter la dis-
position des 9 ttralogies, et nanmoins ne pas y joindre exactement les
mmes apocryphes l'archtype (le nos manuscrits en tmoigne il a
certains apocryphes en moins, d'autres en plus. La liste des apocryphes
cits dans les ~ro~/oMf'nM d'Olympiodoredonneraitlieu une observation
analogue. En dernire analyse, mme si Thrasylle dpend de Dercyllids, le
/fv'tyt;;s an~ <jf;;?/H, pour la composition des apocryphes unanimement
rejets)) reste l'poque de Thrasylle lui-mme.
L ATHNE, XI, 506 c Y) 'AXUMV As'O'~0;ToB 'AxxB~JLXtXOU [sYvX' ).6~]t
f.'i; 3T~L NtX~K: 6 N'-XCtS'J;. D. L., III, 63 'AAXUf~VA:0'/TO;0; 2[V!X[ MXE?,
Xxfj C'~E <X$OJC'0~ E'~ ~fT)
7~'J.~f')
TO)V 'AT~U~VjU.OVc'JU.'XTOV.
Cf. A. H[u'<K\;A.<, Q;A'!M/to/!u/)t f/e f7;a/o</<s P~o/n /j
addictis
s/ifC;i;M (Diss.
49~; \V;LAMOwiTX,
Honn,
.4/
1891) A.
p. 155.
GEncKE (dans l'o. c. de Kt;OL'), p. 491-
Ij'cy~tinous a galement t trans-
mis avecles n'uvres de Lucien son entre dans cette collection est post-
rieure l'tabfissemcnt de l'archt.ype de nos manuscrits platoniciens car
le texte conserv dans les manuscrits de Lucien drive du texte de cet
archtypf, d'aprs 0. h~nscn, /i</o/. S/. :i< Plato, 11 De r<?cc'!M'o/i:s
P/o/!fc~f~)r.'if*s;'f/;t.s a//jr;/p;t'o/t//jfts~903~.p. 43-47.
stances, et ont pu entrer dans le recueil des neuf ttralogies.
Le ~pco/:< Alcibiade surtout avait grand besoin de cet appui
extrieur. Par le caractre peu attique de la langue, qui s'loigne
sensiblement de celle de Platon, il se distingue nettement des
autres apocryphes de la collection ttralogique. Pourquoi donc
a-t-il finalement obtenu une place parmi eux ? D'abord, c'est un
pastiche du Premier Alcibiade, qui porte le mme nom. Mais la
raison n'est pas suffisante au temps de Platon, d'autres Alcibiade
circulaient dj, attribus des Socratiques notoires (comme
Antisthne et Eschine '), et le Second j4~ac~ aurait pu tre
rattache tout aussi bien l'uvre d'un de ceux-ci. D'aprs
M. Hirzel, certains platoniciens fervents ont eu le dsir dpos-
sder des exposs systmatiques, faits par Platon, sur chacune
des grandes questions qui les intressaient. C'est pour satisfaire
ce dsir que certains apocryphes auraient t mis en circulation
le Second Alcibiade aurait donc t attribu Platon parce qu'il
reproduisait, sous une forme systmatique, les opinions de Platon
sur la prire. En fait, il n'en est pas ainsi. Les ides du
.Second Alcibiade, ou bien ont avec celles des dialogues authen-
tiques un rapport trs lointain, ou mme les contredisent (par
exemple, propos d'OEdipe, ou de la malignit des dieux).. En
ralit, la signification du dialogue est surtout polmique on y
trouve une dfinition de la [j.ccvtx toute contraire celle des
Stociens et des Cyniques on y voit la ~EY9!Aou~t;x considre
comme un vice; on n'y admet pas l'acceptation de l'injustice.
La partie positive de l'uvre est rationaliste et nglige l'aspect
religieux du problme elle rvle aussi des tendances probabi-
listes, par l'identification (bien peu socratique) des notions de
savoir et de croire savoir. C'est donc une uvre polmique issue
de l'Acadmie, et de l'Acadmie moyenne, o Arcsilas avait
introduit le probabilisme Quelle en est la date ? Il est impos-
sible de la fixer avec prcision. Sensiblement plus tardive, semble-
t-il, que le scolarchat d'Arcsiias (240) car des dialogues de la
collection ttralogique beaucoup plus voisins, pour la langue et
le style, des dialogues authentiques (comme le Clitophon) sont
peu prs du temps d'Arcsilas. En tout cas, il est certain que la
i. D. L., H. 61.
2. Pour toute cette argumentation, cf. E. BtcuEi,, Arc/nu/'u/'Gesc/t. der
P/)t7os.,17.p.t61-4~5.
collection complte des ttralogies est postrieure a Arcsilas
il est trs vraisemblable que le Second ~c~'ac~e y a t admis
parce que c'tait une uvre acadmique, compose, puis soi-
gneusement conserve l'Acadmie d'Athnes. Mais pour qu'une
telle uvre, si diffrente des dialogues authentiquement plato-
niciens, ait pu tre confondue avec eux, il faut que l'dition
ttralogique, o elle a t admise en leur compagnie, n'ait t
prpare qu'assez longtemps aprs la publication de cet apo-
cryphe. 11 est donc trs probable que cette premire dition ttra-
logique n'est pas antrieure au t~ sicle avant notre re, et qu'elle
est bien celle de Dercyllids, comme on peut le conclure des
tmoignages antiques 2.
dmie.
3. Et, supposer que Platon et conserv quelques autographes et les
et lgus Speusippe, celui-ci pouvait en avoir dispos hors de l'Aca-
l.Morten322.
2. STRABox, XIII, 608-609 PLUTARQUE, Vie de Sylla, ch. 26. Strabon
a pour source Posidonios celle de Plutarque serait plus rcente (A. GERCRE,
dans l'Einleit., II, p. 363). Cf. UsENER, ~/tse;' P/a<o/t<e.z'<, p. 203; ZELLEn,
o. c., II, 2, p. i39.
3. ATHNE I, 3 A-B; Scholie sur les CATGORIES d'Aristote (14, 43),
p. 28 A. Cf. IMM[SCH, B. ph. \V., 1892, p. 1149 SuSEMfHL, Alex. Litt., II,
p.297, note 318.
mi les meilleurs de ceux que possdaient les disciples de Platon,
avant la grande dition acadmique) auraient donc t dposs
Alexandrie, et consults en particulier par Aristophane: de
Byzance, avant de prir dans l'incendie de 47.
Mais ces bons exemplaires n'taient qu'une infime minorit.
Un grand nombre de copies mdiocres s'taient' rpandues de
tous cts, par l'effet du commerce et des transcriptions prives.
Beaucoup d'diteurs manquaient de conscience ils ne se sou-
ciaient que de rduire le plus possible les frais de revient, et il
dut arriver souvent pour Platon ce qui arriva pour Aristote. au
i"' s., quand les manuscrits d'Apellikon eurent t transports
Rome ils furent reproduits, non seulement par le grammairien
Tyrannion, mais par des libraires qui employaient des copistes
mdiocres et qui ne collationnaient pas les copies avec l modle
ngligence frquente galement dans les autres livres transcrits
pour tre vendus, aussi bien Rome qu' Alexandrie )) Dans
les copies prives, les fautes sont trs frquentes aussi des
gens qui ne font pas mtier de copier peuvent commettre plus
d'erreurs et ces gens, nous l'avons vu, sont de toutes les con-
ditions et trs ingalement cultivs, quelquefois incapables de
choisir entre un bon texte et un mauvais, ou bien, en prsence
de deux leons, de discerner la meilleure. En dfinitive, les
exemplaires que pouvait se procurer un Grec de la fin du iv'* s.
diffraient extrmement de valeur les uns, copies diligemment
fabriques l'Acadmie les autres, copies commerciales soi-
gnes ou copies prives mthodiquement faites S d'autres enfin,
contrefaons htivement bcles ou transcriptions excutes par
des particuliers de bonne volont et de mince savoir.
Le papyrus de Timothos (fragment des Perses) nous donne
une ide, sinon des exemplaires trs soigns et desou.vragesde
luxe, au moins des bonnes copies courantes du iv s. 3. Dans
ces livres, la longueur des lignes n'est pas rgulire c'est la
bibliothque d'Alexandrie qui imposera les lignes peu prs
uniformes (les stiques, dont la longueur ne dpassera plus celle
de la moyenne des hexamtres), en mme temps que les rouleaux
i.\VtLAMU\V!TZ,.E'M~.y;y;'agr.,p.l33.
Comnzent. sur ~TtME, I, p. 76, d. Dieht; cf.JL,p. 277.
.
mie car il exposait sous une forme systmatique des' doctrines
que Platon n'avait pas dveloppesdans son enseignement oral;
Aristote nous en tmoigne pour la thorie des Ides, il se rfre
cet enseignement pour les thories exposes dans le Time,
il cite toujours ce dialogue Jusqu' Proclus, le Time garde
cette place d'honneur et suscite de nombreux et excellents
commentaires 2. Nous apprenons par Proclus que Cranter "tenait
le mythe de l'Atlantide pour de l'histoire toute pure, qu'il con-
sidrait l'Univers et l'Ame comme non engendrs au cours du
temps, et l'me comme forme de tous les lments qu'elle devait
connatre, qu'il expliquait les nombres harmoniques du Time
comme le font les modernes. Les passages cits par Plutarque
portent galement sur des questions assez techniques Ces
rares vestiges nous montrent que Crantor n'est pas seulement
un littrateur, un artiste qui se plat a dvelopper en beau lan-
gage des lieux communs de Consolation (~ept ~E~eou:), mais qu'il
a port son attention sur les questions proprement philoso-
phiques, et, en particulier, sur la cosmogonie et la psychogonie
du Time 4, Styliste, il dut naturellement examiner de prs les
dtails grammaticauxdu texte qu'il commentait, y noter le choix
des expressions et le sens prcis des termes mais il fut en outre,
dans l'Acadmie, ct du scolarque Polmon qui s'occupait
uniquement de morale pratique et de direction des consciences,
le reprsentant de l'esprit dialectique, le vritable continuateur
de Xnocrate avec plus de talent littraire, le polmiste
redoutable aux Stociens et ndle la tradition de l'Ecole. Deux
ou trois gnrations aprs la mort de Platon, il se met l'tude
de ses uvres avec une intelligence ferme et un jugement sain
il voit nettement les grands problmes que soulve l'interprta-
tion du Time et il nous en propose, la plupart du temps, des
solutions trs raisonnables. Ainsi commence brillamment la
ligne des grands exgtes, que continueront Eratosthne, Posi-
1. D. L., VII, 174. Cf. BIRT, Buchrolle, p. 335 et p. 32; DziATZKO dans
P. W., 111, p. 975. Nous avons vu plus haut que souvent mme on se
bornait entendre, chez le libraire, la lecture des uvres nouvelles ou des
classiques.
2. C'est le cas de certains humanistes (Ptrarque, par exemple). Cf.
WAtTENBACH, p. 484-486.
3. SANDYS, 0. C., I, p.108.
4. ~fna/ena, X (1899), p. 407.
S. The F/t/tJe/'s Petrie .P8p!{, with transcriptions, commentary and
index, by John P. MAHAFFY, dans les Cu~fun~a~t .MenM:rs de l'Acadmie
royale d'Irlande VIII (Dublin, 1891), p. 18 sqq., planches V-VIII, pour le
Phdnn IX (1893), p. 165 sqq., pl. XVII et XVIII, pour le ~ac/~s.
il servait envelopper une momie Le texte du Zac/t~s est crit
au verso d'un document bien d'autres pages retrouves sont
dans le mme cas, et ces exemples prouvent une fois de plus que
le papyrus tait alors assez cher et assez rare et que le posses-
seur l'conomisait extrmement. Les exemplaires de ce genre
sont ordinairement des copies prives. On a fait remarquer avec
raison que certains rouleaux opisthographes ou mme crits au
verso taient vraisemblablement des livres proprement dits, et
que tous les livres n'taient pas soigneusement dits, calligra-
phis, et crit.sd'un seul cot ou du meilleur ct. Mais, dans le
cas prsent, on ne peut hsiter. Le papyrus du Lachs et le papy-
rus du Phdon sont des copies prives. Les extraits contenus
dans ce derniersont tirs de passages particulirement mouvants
et propres fortifier l'me d'aprs l'ingnieuse conjecture de
M. L. Campbell ces Morceaux choisis auraient donc appartenu
un soldat, qui les avait copis son usage et les portait avec
lui. comme d'autres porteront la Bible ou l'LMz<a<o~. L'extrait
du AacAcs a t transcrit dans les mmes conditions, et peut-
tre aussi par un soldat il traite du courage militaire et de son
rapport avec les autres formes du courage. Nous comprenons
aussi que ces papyrus soient pleins de fautes lmentaires qu'un
homme cultiv aurait aussitt corriges, et que, pour les appr-
cier quitablement, il faut distinguer leur valeur propre et celle
des originaux sur lesquels ils ont t si ngligemment copis.
Tous deux sont pleins de fautes, et des fautes les plus gros-
d'
de particularits significatives (par exemple, l'emploi de cru~, et
non uv, dans les mots composs la graphie xM' seule correcte,
au lieu etc.) qui sont d'accord avec l'usage des inscrip-
tions contemporaines ~.De mme, le texte du Lachs qui a servi
de modle notre papyrus semble avoir t crit d'aprs l'an-
cienne orthographe attique. Mais l'ignorance et la ngligencedes
deux copistes ne se manifestent pas seulement dans ces incor-
rections grossires certaines omissions (par exemple celle de
~x~ (Jt.ev-:o[ dans le Lachs 190 c) ont les mmes causes, et
prouvent la fois que le copiste ne faisait gure attention au
sens des mots et la suite des ides, et que, dans le modle, les
paroles de chaque interlocuteur n'taient pas nettement spa-
res.
D'autres fautes supposent une certaine connaissance du
grec et un raisonnement confus x~u~o~ (Laces 91 D) est
1.J. J. HARTMAN, De embl. (1898), p. 11 sqq. Cf. encore sur ce papy-
rus J. P. MAHAFFY, TAe -AtAMaeun~, 1892, p. 591, et~eryMa~Aena,8 (1893),
p. 310-321. Th. GoMpEnz,Bericht ber einen zu Tell-Guroh in Aegypten
auf,gefundenenund von J. P. MaAa~/ in Dublin entzifferlen Plato-Papy-
rus (Aynctyer d. WM~. A/ta< 29, p. 100-106), 1893. 0. iMMiscH, B.
W., 1893, p. 187-191, et De rec. Plat. fl903), p. 12-13. -Aug. Th. CumST,
Bct~a</F aur Art<!t des Platonischen Laches (Progr. des deutscheaOber-
gymn. der Kleinseite Prag), 1895, p. 3 ssq. Carl IlAEBERLtN, C~ra~a~
fr Bt~~o~/M'/fs~Men., 14(1897), p. 274-27S (== griechische Papyri, n" 73).-
Fr. BLASS, Bericht b. die Verhandl. der K. s&chs. Gesellsch. der Wis~. zu
Leipzig, Phii.-hist. Cl., t. 50 (1898), p. 198-203. Kot-LNER, BenM~uaye/t
ber den ~ap.us/'raynt?/:<e~t des Platonischen ~.acAes == PAt~o~o~us, 68
(1899), p. 312-314.
3. La forme deslettres A et E est galementplus proche de la forme
pigraphique que dans tout autre papyrus (F. BLASs, Lit. Ce/
1891,
p.1201-1202).
remplac par x~3'j'~j:us'tv parce que le copiste de notre papyrus
(ou celui du modle), pensant aux hommes courageux (o~Spdou~
c'~et.;), a inconsciemment assimil le nom d'objet x~S'j~o~ ces
noms de personnes. Une faute d'assimilation encore plus facile
expliquer est celle qui de -:a fait TM~ dans la phrase T:X-~ ys
tTM~ M Ax/j;, -cb AxxMK~.ovH~ (191 a). Il est impossible de
savoir avec certitude si ces fautes proviennent des exemplaires
qui ont servi de modles. Mais ce sont l des vtilles. Les papy-
rus, et particulirement le fragment du Phdon, diffrent de nos
manuscrits.sur d'autres points, beaucoup plus importants, et on
a longuement discut pour savoir s'ils taient, dans ce cas, inf-
rieurs ou suprieurs - la tradition mdivale. Les copistes de nos
papyrus, qui ont transcrit leur texte machinalement et paraissent
trop ignorants pour l'avoir corrig sciemment, ne doivent pas
tre regards comme les auteurs de ces variantes importantes.
Celles-ci se trouvaient donc dans leurs modles, c'est--dire
dans des exemplaires commerciaux qui, vraisemblablement, cir-
culaient en Attique ou en taient exports environdeux gnra-
tions aprs la mort de Platon. Il faut examiner avec soin, dans
chaque cas, les deux leons en prsence, pour dterminer exac-
tement la valeur de ces exemplaires courants.
Cette question souleva nagure de vives polmiques. Les
papyrus (surtout celui du Phdon, publi le premier) eurent des
partisans subtils et enthousiastes, et les manuscrits mdivaux
des dfenseurs intrpides et acharns. Dans le premier camp se
rencontraient MM. Mahaffy, H. Diels, Th. Gomperz, Paul Cou-
vreur, A. Th. Christ, F. Blass i, et, parmi leurs adversaires,
MM. Wentzel, Hartman, Usener, Immisch, Wohirab La
p/=
(1892), p. 152-167. H. UsENER, ~y:se/' .P/a<o~e.r< A'acAr. Gesellsch.
Go~tfty., 1892, p. 25-50, 181-2)5. 0. bunsen, B. W., 1892, p. 1506-
1508,1533, 1538-1540, 1565. -M. WoHLRAB, Litt. C<;n<ra~ 1893, p. 17.
victoire fut indcise. Les polmiques n'aboutirent discrditer
ni les papyrus, ni les manuscrits~; mais elles eurent un rsul-
tat fcond et durable elles nous permettent de nous reprsenter
plus exactement l'tat du texte antique et ses relations au texte
mdival, et, ds lors, les rapports mutuels et la valeur de nos
familles de manuscrits.
Il est maintenant incontestable que le texte des papyrus est
souvent infrieur a celui des manuscrits. Ceux-ci, par exemple
(Lachs 190 E Socrate, ayant termin son explication, demande
d'abord Lachs la dfinition du courage), nous donnent la
phrase xAAx ~gLpM s~e~ o As~M, -:t ejT~ o:v5ps{x et le papyrus
6 A:yM, Tb'~ xvSpetpf leon que dfend Blass et que combat avec
raison M. Immisch. Socrate cherche en effet dterminer l'ide
gnrale et abstraite de courage Lches, qui n'est gure habi-'
tu manier les abstractions, lui rpond par l'exemple concret
d'un homme courageux un correcteur malavis a voulu faire
penser Socrate comme Lchs. Cette correction conjecturale (o
T:! ejTt\' est devenu T:t'/ ou plutt 7:~) a peut-tre eu pour cause
un trou du papyrus qui n'a laiss visibles que et f, peut-tre
aussi une abrviation de eo-c' qui a t ensuite mal comprise.
Dans un autre passage encore, le jugement de Blass parat
indulgent l'excs. Socrate a dit qu'il voulait entreprendre, non
de dfinir toute la vertu (ce serait peut-tre un trop grand travail),
mais seulement, pour faciliter la recherche, une partie de la
vertu. Et Lches, dans nos manuscrits, rpond tout naturelle-
ment (190 D) 'AA' 3~TM ~OtM~.SV, M EMXpO:T6< (!)<; OU ~OUASt. Le
papyrus porte s~M~, qui ne convient nullement cette ide
d'une recherche limite et dtermine. De mme, la plus
grande partie des variantes du Phdon, quoique souvent sp-
cieuses et ingnieusement dfendues, prouvent seulement qu'un
des exemplaires du Phdon avait subi des altrations assez nom-
1. D. L., IV, 33: EtMXM S?) f)<XUp.N~E[V X<XL TOV IIMtMVCt, XCt! T& jMMx ~X~XT~IO
KuTou. Acad. phil. Ind. Herc., col. XIX, 11-16 (p. 71 d. Mckler) loBro
S'CtV Tt~ fpjsEtEV EupSOTE~ XUTOV jJ-X/~TTCt ~Vt6sTY); [WilMtlOWt.Z restitue !~M-
T'i~] ')'f~ HMMVO; XSH Yp EXEXTY)T' VEO~ f~VT& pu6M' KUTt)! Cf. WtLA-
MOW!TZ, Antig., p. 72.
2. LuciEN, Adu. ind. ch. 2 et 24 D. L., V, 73. Cf. Wilamowitz, ~tyt<.
gr. Trag., p. 149, n" 47.
(241-197), fondateur de la Bibliothque, qui fut dfinitivement
organise par Eumne II. Les rois de Pergame voulaient faire
de leur ville une capitale intellectuelle qui rivalist avec'Alexan-
drie, et se rattacheraussitroltementque possible Athnes, dont
la gloire et le prestige avaient survcu la puissance politique.
Eumne favorise l'Acadmie, dont il connat bien le scolarque
Arcsilas; mais il invite aussi le pripatticien Lycon. Attale
continue, envers les coles de philosophie et particulirement
l'Acadmie, les traditions de munificence d'Eumne. Ces rois
jouent, certains gards, le mme rle d'vergtes que plus tard
l'empereur Hadrien. Au ir~ sicle surtout, la philologiefleurit Per-
game. Eumne II (197-139) cherche gagner Aristophane de
Byzance, que Ptolme fait garder vue. Il a du moins Crats
de Mallos, le plus illustre reprsentant de la philologie stocienne
Pergame, et probablement le rdacteur du catalogue de la
Bibliothque (~~atxs:) Les rudits pergamniens tudirent
peut-tre tout particulirement le texte des prosateurs, mais ne
ngligrent pas plus les potes que les Alexandrins n'avaient
nglig les prosateurs depuis le milieu du ni~ sicle. II semble qu'
Pergame on se soit toujours vivement intress aux philosophes.
Les rois avaient galement protg l'Acadmie et le Portique
(ainsi que le Lyce, mais passagrement): les rencontres et les
concessions des deux systmes imprgnrent peu peu le sto-
cisme de platonisme et prparrent le stocisme moyen, prcur-
seur du platonisme clectique du sicle. Ces rudits curieux des
problmes philosophiques et des biographies de philosophes
(comme le montre l'ceuvre d'Antigone de Caryste) ne laissent pas
de ct la critique du texte de ces auteurs philosophiques. Ds
le m** sicle, semble-t-il, sous Attale I* AsclpiadedeNice, dis-
ciple d'Apollonios de Rhodes,avait compos des ctAscsBMv ~/~MV
SupQMTt.x'x Plus tard, l'influence d'Alexandrie pntre jusqu'
i. Cf.A.GuDEMAN,G/'un(~Mdef<?es(;/Mc/t~der /<~ssMeAeft.P/tt~o!Q~te,
2d. fi909). p. 5 division de la T~y'~ ~px~aux~ d'aprs Denys de
Thrace.
listique platoniciennes. De tels travaux avaient une double uti-
lit pour les Alexandrins. Connaissant avec prcision l'usage de
chaque auteur, ils pouvaient prendre une dcision plus claire,
quand ils devaient choisir entre deux variantes pour des raisons
internes. En outre, ils dterminaient ainsi, graduellement,
l'usage de chaque dialecte en gnral, ici de l'attique, ailleurs
de l'ionien ou de quelque autre car ils ne se proccupaient que
de la langue crite, et non du langage courant, comme les gram-
mairiens. de Pergame. Aristophane n'avait donc qu' parcourir
des yeux le texte annot pour rassembler, par exemple, toutes
les As:s'.c HXxTM~s. Son grand recueil lexicographique suppose
une foule d'ditions de ce genre. En outre, ces ditions taient
accompagnes d'Introductions qui contenaient l'explication des
signes critiques, l'analyse du style de l'auteur, diverses tudes
sur le fond et la forme Les remarques sur les Xe~s~ y trou-
vaient place aussi. Dans Homre, par exemple, nous voyons
notes (de la dipl) chaque x~x: e~~Y; Xs~ et chaque
~sAuo~jj.s; ~e~i; il en tait de mme pour Platon Diogne
Larce nous a conserv, sous une forme trs abrge, un frag-
ment de l'Introduction de l'dition alexandrine de Platon, frag-
ment qui se divise lui-mme en deux parties, la seconde relative
aux signes critiques, la premire au vocabulaire de l'auteur~; et
nous y trouvons signals les divers sens des mots o'osM! et
BxuXc:, puis la synonymie des divers termes qui dsignent les
Ides, etc. Cet emploi du y se retrouve, exactement le mme,
1. Mss. de la i'
drive du premier.
famille il est extrmement probable que le second
2. M. ScHANz, Hermes, 188t, p. 309 sqq. Les nombres inscrits (en
lettres, naturellement) ne sont pas 100, 200, etc., mais 1, 2, etc. (la srie
va de a ~), exactement comme dans les papyrus homriques (cf. Scnv-
BART, p. 65).
3. Nous verrons plus loin que les exgtes ont assez souvent discut
sur la ponctuation du texte platonicien.
Les exemplairesdes deux ditions d'Homre par Aristarque devinrent
rapidement introuvables,et certaines tudes de Didyms ont pour unique
objet de restituer la vritable tradition d'Aristarque.
5. P. WENDLAND, dans l'Einleil., I, p. H5. U. v. WiLAMowrrz, Die
T'<r<yesc/ucA<e der griechischen BuAcHAer (Philol. C/n<ers., XVIII, 1906),
p. i03, signale la coexistence de l'dition savante de Thocrite et d'une
dition de vulgarisation (non commente) des potes bucoliques.
rompu subsiste certainement ct du texte pur ces exem-
plaires bon march trouvent toujours des acheteurs qui les
recherchent, et par consquent des diteurs qui les reproduisent
et les vendent. Nanmoins, toutes les grandes bibliothques
agissent sur un certain nombre de maisons d'dition et de librai-
ries universitaires )) ou acadmiques H elles, leur font de
trs grosses commandes, et, par consquent, peuvent leur impo-
ser certains formats de livres et certaines qualits d'excution,
et leur offrir d'excellents modles multiplier et rpandre. Les
rudits tablissent des exemplaires-types qui servent aux
libraires-diteurs et mme aux copies prives. De leur di-
tion savante, ils tirent ainsi une dition courante, une dition
minor qui ne donne que le texte. Mais dans quelle mesure ces
bonnes ditions trouvent-elles des amateurs ? Nous n'en savons
rien elles en trouvent bien peu, sans doute. Mme des gens
cultivs se servent d'exemplaires fort mauvais Denys d'Hali-
carnasse lisait le Mnxne dans un texte lamentable. Heureuse-
ment, les bons exemplaires se conservent en assez grand nombre
(peut-tre surtout grce aux Platoniciens de l'cole, qui utilisent
les notes de l'dition savante primitive et de ses remaniements
successifs) pour que la saine tradition ne s'interrompe pas. La
Renaissance du Platonisme, partir du 1er sicle avant notre re,
ne pourra que favoriser la multiplication de ces exemplaires
corrects des Dialogues.
1..CerM/:<e der SacAs. Gesellsch. der ~'ts. 1894, p. 1 sqq. cf. CHMST-
ScHMID,I,p.8'70.
2. ph. W., 1892, p. 1122-1124, 1149; j'ai rsum les objections
d'tmmisch dans mon article de la Revue de philologie, 1910, p. 265-366.
Voir aussi C. RtTTER dans le ./aA/-('.s'Apf<c/t/ /?r .4~e/-<. t. 1S7 (1912), 67-68.
ct d'Isocrate et de Dmosthne. Enfin, d'aprs Athne, la
bibliothque d'Aristote aurait t vendue Ptolme Phila-
delphe et ceux qui nous parlent d'Apellikon nous disent sim-
plement qu'il a achet aux hritiers de Nle les manuscrits de
Thophraste et d'Aristote les exemplaires que suppose Usener,
et particulirement ceux de Platon, n'existaient sans doute plus
dans la bibliothque envoye par Sylla Rome. Atticus a donc
dispos de manuscrits analogues ceux qu'avaient mis en uvre
les diteurs prcdents.
Mais le texte des Atticiana peut nanmoins driver d'une
excellente tradition, comme le pensait Usener. Certains carac-
tres de ces exemplaires nous l'indiquent suffisamment. D'abord,
ils portaient des notes explicatives Galien le dit en propres
termes fxurvj j~M e~'pjo'{i; p.ot YeyovE x<x-M i:Y;v i:5)v 'ATcmM~Nf afTt-
YpcM)M~ ex?oo~.Ces notes devaient tre particulirement pr-
cieuses pour les lexicographes du ne sicle, qui compilaient les
scholies des ditions savantes pour enrichir leurs gloses et c'est
pourquoi Harpocration fait usage des 'Air'ctXM't'ct o:YpfXM<. Ces
ditions de solide vulgarisation tiraient le meilleur de leur sub-
stance des travaux originaux des grammairiens alexandrins A
partir du ier sicle avant notre re et de l'migration de la philo-
logie grecque Rome (o il n'existait point d'auditoire et de
cours semblables ceux d'Alexandrie), beaucoup d'anciens lurent
leurs classiques dans des ditions de ce genre, qui remplaaient
les ditions commentes par un matre devant ses auditeurs
Virgile a lu dans une dition annote les -Ey~oyu&s de Thocrite,
Ovide la Mde d'Euripide, Germanicuset Ovide les P/M~o/~e/tes
d'Aratus, Valrius Flaccus les Argonautiques d'Apollonios de
Rhodes 3. Outre le commentaire exgtique, on pouvait trouver
dans certains de ces exemplaires savants des notes critiques,
ou, tout au moins, l'bauche d'un Commentairecritique. C'est
ainsi, je crois, qu'il faut comprendre l'expression iv '?o!'e 'A-t-
xt<M9t:: St-TT) YpK<?~. Harpocration dsigne-t-il par l des
leons diffrentes qu'il trouvait en des manuscrits diu'rents, ou
tun cum ad meum quoque usum spectent. Sed ego mibi ipsi ista per quem
agam non habeo. A'eyueey!K venalia sunt, ~uaeyuMefMp~acean</et con-
/!< nisi per hominem et peritum et dtHgren<em.~popossa~<.Chrysippo tamen
imperabo, et cum Tyraanione loquar. Dans ces dernires phrases, il
s'agit des livres grecs, comme on le voit par les lettres suivantes (De libris
Tyrannio est cessator, Chrysippo dicam sed res oprosa est et hominis
perdiligentis. Sentio ipse, qui in summo studio nihil assequor. De latinis
ucy'o quo me vertam nescio, ita mendose et scribuntuf et veneunt).
1. Tous les tmoignages que nous possdons sur les Atticiana datent de
ce sicle.
2. De ~n.y. ~< VII, 37. Cf. W. CiiMST., Ph<. S< p. 4S8-456.
l'Euthyphron, parce que l'accusation y est intente Socrate
l'Apologie, parce qu'il doit parler pour sa dfense puis le Criton,
cause de l'entretien dans la prison ensuite le Phdon, parce
que la vie de Socrate y prend fin. De cet avis sont Dercyllids et
Thrasylle. Ils me semblent avoir voulu ordonner ainsi des per-
sonnages et des circonstances de la vie disposition qui. a peut-
tre son utilit, mais non pour le but que nous nous propo-
sons )). D'aprs ce tmoignage, Thrasylle n'aurait fait que
suivre l'exemple de Dercyllids 2. Il est donc naturel de suppo-
ser que l'dition Atticienne se trouvait classe suivant l'ordre
ttralogique, et que Dercyllids avait t le collaborateur d'At-
ticus dans son dition de Platon3. Atticus, en effet, ne pouvait
se passer d'auxiliaires comme tout diteur de textes classiques,
il devait recourir aux bons offices des spcialistes pour tablir le
texte qu'il se chargeait de multiplier et de vendre. On peut sup-
poser, avec Usener, que Varron lui donnait des conseils d'ami,
et que Cornlius Npos dirigeait, en sous-ordre, la section latine
de sa maison d'dition~. De mme, il est possible que Tyran-
nion ait dirig la section grecque, et qu'il ait fait recenser et
annoter certaines uvres par les spcialistes les plus comp-
1. ALBINOS, Prologos, eh. 4 (p. 149 d. Hermann): ~M~v cmo ~otMV Sta-
Xd~MV Se? apyo~vou; e'~uyyctvstv Thi IIX~TMVO; XoyM. Ai<xoopot ~p So~at 'j'syd-
vK~v' oi jjLEV aj:o TMV 'E1ttO''t'oU),/ Kp~ovct! oE Se o~o ToB @Eayou;' E~L 8s ot
XXTK TeTpCt~O')' B~Xd'/TE; X'J'COU; XC~~TfXTTO'JTt TCpMTTjV TSTp~Xo-~MVKep:EyO'J<IXV 10V
Eu8'JCC.O~<X XCtL T:})V 'A~O~O-j'~V X<x! TOV KptUOVet XCtL TOV ''Kt'SMVK' TOV pLEV OV
EuB'japOV, E! XC[! SX~YY~XElKt TM EMXpSTEt SV Ct'JTM 8tX7), TTjV Se 'AjCO~O~tKV,
e~EtST) OLV<-)'XXi'0'/ OUIM <:[7:0~0'j'~<7Cj9eH, E!t[ TOUTOt; TOV Kp~Th)V 8t& TT)V IM Ss<J-
[J.(.)IY)p!M SiaptSTjV, 'e7:=~a T0'/ ~tOnSM' E7CE'[ EV <XUTM Te~O; TO~ ~OU ).<XjJ.MvEt 6
StoxpetiT);' TauTT); T~; 8d~; s!<it AEpx'jXX~ST); xat OpK<ju).).o;' SoxoBdL Se p.ot Kpoohj-
7:0:~ XKL p[MV ~eptsTdmETtv Tj~~TjXsvxtTK~t'/ E?c[9e!va' S s<j'. ~Ev !'tia~; yptjStp.ov ~po~
Ct~O I!, OU [J-TjV~p0; S ~p.E?; vBv ~OuXdjJ.ESct.
2. Au moins pour la premire ttralogie, dont l'existence est implique
par le tmoignage de Varron et dont Albinos dcrit explicitement la dispo-
sition. Mais alors il en est de mme des autres Albinos attribue Dercyl-
lids aussi bien qu' Thrasylle la division ttralogique en gnral d'aprs
ses dclarations, Dercyllids fait partie des sKi~ o! qui divisent xctTa
isipxXoYtKv et placent la ttralogie .E'u<</p/u'on Apologie Criton
Phdon la premire, donc en placent d'autres aprs elle.
3. C'est l'avis de F. SusEMtHL, Alex. Litt., II, p. 292, et de A. GERCKE
(dans l'Einleit. in die ~4.M. p. 9 et 21, II, p. 365) cette dition aurait t
publie vers le milieu du 1'' s., avant 44.
4. Sur les exemplaires Atticiens d'auteurs latins, cf. en particulier la
7e lettre de FRONTON, p. 20 d. Naber (d'aprs DziATZKO dans P. W., article
'ATTtxK~/dt, p. 2238).
ALMXE, Platon. S
tents, et en particulier les Dialogues de Platon par Dercyllids.
La classification ttralogique, qu'avait amorce et sans doute
acheve Dercyllids, comprenait, d'aprs Diogne Larce 1 et
nos manuscrits, 9 groupes de 4 uvres, disposes dans l'ordre
suivant
(') .E~p/tro~, Apologie, Criton, Phdon.
(2) Cratyle, Thtte, Sophiste, Politique.
(3) Parmnide, Philbe, Banquet, Phdre.
(4) Premier Alcibiade, Seco/K~~4~c:j6:s(7e, Hipparque, Rivaux.
(5) Thays, Charmide, Lachs, Lysis.
(6) -Eu~/n/deMe, Protagoras, Gorgias, Meno~.
(7) Grand Hippias, Petit Hippias, Ion, Mnxne.
(8) Clitophon, Rpublique, Time, Critias.
(9) Minos, Lois, Epinomis, Lettres.
Cette classification est videmment trs arbitraire, et bien des
dtails nous y choquent. Quand on l'examine de prs, il semble
que ce groupement est surtout imparfait parce_queplusieurs pro-
cds de classification s'y trouvent juxtaposs confusment. Le
principe ttralogique remonte Platon lui-mme, qui avait conu
et annonc, mais sans les raliserentirement, les deux ttralogies
Rpublique Time Critias .He/'mo~/M et TV~e~e.
.So~/ns<e.Po~:yuePhilosophe. Mais on agnralisl'applica-
tion de ce principe jusqu' l'absurdit. Cette absurdit ne doit pas
tre attribue aux Alexandrins. Comptant part le drame saty-
rique, ils ne connaissaient pas les ttralogies dramatiques s'ils
ont mis en parallle les Dialogues et les drames, c'est pour moti-
ver un groupement trilogique, et nonttralogique.C'estparmiles
pigones des Alexandrins, partir du r* sicle avant notre re
et de la pntration de la philologie grecque & Rome, que les
groupements quadripartites semblent avoir t particulirement
en faveur. Tyrannion d'Amisos, par exemple, divise l'activit
philologique en quatre parties lecture haute voix, explication,
critique des textes, xpmxov (tude sur le fond et la valeur esth-
tique) D'aprs le commentaire de Didymos, certains, tout au
moins, des discours de Dmosthne taient groups par ttra-
Ia7*' ttralogies, \V. CHRIST (Plat. St., p. 471) va jusqu' reconstruire une
grande liste alphabtique primitive: 'A~Xtt~Sr~ot', 'A~xt~Sf); j3', "Imtap-
yo$, 'I~Mt; ~.st~Mv, T7n:['o~ ~E!Mv "I(ov, Mev~Evo~, dans laquelle se serait gliss
ultrieurement le dialogue des 'AvEpoTaf.
1. On retrouve cet ordre dans des listes de drames c'tait sans doute
l'ordre du catalogue de Callimaque. Ci'. A. KORTE, dans Rh. M., 60 (1905),
p. 445, et P. WENDLA~D (dans r.'M. de GERCKE et NoRDEN), I, p. 403.
2. D. L., III, 62 voOb'jovicn Se TMv Sta~cyM~ OjioXo~o'ju.~M; MtSMV 7J 'Ix~o-
pofpo;, 'Epu~x;7) 'Epucr~TpaTO;,'AXxu<ov, 'Axs~6().o~T] StUtpo:, 'A~to~o;, ~K!axs;,
'E00P.1j, 'E~t~tSY);.
Xelow'l 'ESM~v),
Ll1jiJ.QOXO;, XstSh~
A-f]u.dooxos, Emp.e'[o"f};. ail
regarde avec raison (cf.
On regarde (cf.
UsE-~ER, t/nserP~ p. comme
cette liste d'apocryphes comme
le
SusEMiHL, ncessaire de p. 570-571)
le complmentncessaire
de la liste ttra-
logique des dialogues authentiques, attribue par Diogne Larce a Thra-
sylle (deux courtes notices, l'une sur les trilogies, l'autre sur les diverses
faons de commencer la srie des Dialogues, se trouvent intercales entre
la premire et la seconde). Les deux formules e~jL To"/uv oi n<xvTs~ auToi
Yv~c~ 5[<x).o')'o[ E~ xx!. etc., et vo9suo~iat Ss TM~ Stot~oYm~ op-oXo-
T:svT!)xova,
-)'o'j;j.5vM;,etc. sont parfaitement symtriques; la premire tant de Thra-
montra donc indulgent dans l'examen de l'authenticit, peut-
tre parce qu'on tenait complter une ennade de ttralogies.
Ce culte pour la vertu mystique de certains nombres est bien
de l'poque, et prouve que l'dition ttralogique ne peut tre
place en des temps plus anciens et plus froidement raison-
nables 1. En effet, au ler sicle, le nopythagorisme prend une
importance de plus en plus grande, et les spculations mtaphy-
siques sur les nombres renaissent, en partie, semble-t-il, sous
l'influence du stocien platonisant Posidonios et de son fameux
Commentaire sur le Time. Dercyllids n'a pas chapp cette
influence'2. Peut-tre dans une Introduction Platon, qui pr-
cdait ou compltait son dition, peut-tre dans des notes mar-
ginales, et probablement aussi dans un ouvrage spar, il tudiait
certaines parties de la doctrine et expliquait certains passages
obscurs. Thon de Smyrne 3, Proclus Simplicius 5 nous ont
sylle, la seconde doit lui tre galement attribue. D'autre part, Thrasylle
laisse figurer dans les Ttralogies un dialogue comme les Rivaux, dont il
suspecte l'authenticit dans son ouvrage sur Dmocrit: cette contradiction
apparente se rsout sans difficult, si l'on attribue Thrasylleles mots
o~o~.o-j'oup.~M;, etc. En effet, si la liste des apocryphes ne comprend que les
dialogues unanimement tenus pour tels, il s'ensuit que la liste des ceuvres
authentiques pourra contenir tous les dialogues suspects par certains
critiques, mais dfendus par d'autres et sauvegardspar la tradition par
exemple, les Rivaux. En somme, les deux listes qui se succdent dans
Diogne Larce ne se contredisent sur aucun point; chacune d'elles com-
prend ce qui est exclu de l'autre elles se compltent et s'impliquent
mutuellement; la liste des apocryphesest le catalogue de l'appendice par
o se terminait l'dition ttralogique de Thrasylle. (D'ailleurs, nous l'avons
vu, cet appendice n'est pas ncessairement identique en tous ses dtails
l'appendice de l'dition de Dercyllids.)
1. A moins de la dater des annes qui suivent immdiatement la mort
de Platon, celles o fut publie l'Epinomis (voir surtout 977 Bsqq., 99i B),
celles de Speusippe et de Xnocrate (cf. BtCKEL, A. (?..PA., 17, p. 476).7
Mais la prsence de certains apocryphes nous l'interdit. Et prcisment
Dercyllids dpend de Posidonios, qui se rattache au platonismepythago-
risant de Xnocrate.
2. A. GERCKE, dans l'Einleit., II, p. 362.
3. Il cite expressment (p. 198, 1. 11) et analyse (p. 193-20S, d. HILLER)
son trait ou son chapitre IlEpt ToB ~TpxxTou xott TtSv O~ovSu~mv TMv sv Ttj
no~IE(x KCtpX II).!XTMV[~EYO{MVM\
4. Con!y7M/t<atye sur le Time, 1, p. 20, 10, d. Diehl (dans le prologue
du Time, le personnageabsent est Platon, comme dans le .P/:<~o/t) Con:-
ment. suy- <a Rp., II, p. 24, 6 p. 25, 18, d. Kroll cf. p. 406.
5. Comment. sur la Physique d'Aristote, p. 247, 30 sqq., d. Diels cf.
p. 386, 31 sqq. La citation d'Hermodore a pass de Dercyllids Simpli-
<\us par l'intermdiairede Porphyre.
transmis quelques vestiges de ses interprtations et de ses proc-
cupations. Il pensait que l'quilibre de l'Univers est d son
mouvement perptuel il comparait les classes de l'tat aux
cts d'un triangle rectangle, et analysait les proprits de cer-
tains nombres au livre XI de son ouvrage sur la philosophie de
Platon, il citait un tmoignage d'Hermodore relatif aux thories
platoniciennes de la matire, des Ides et des nombres ce sont
l des problmes essentiels aussi bien dans le pythagorisme que
dans le platonisme. Dercyllids est, en somme, un platonicien
clectique et no-pythagorisant, comme le seront plus tard
Eudore la cour d'Auguste et Thrasylle celle de Tibre. Il est
naturel de lui attribuer, plus qu' tout autre, le dsir de consti-
tuer une Ennade de ttralogies.
Sans doute parce qu'elle runissait tous les dialogues commu-
nment attribus Platon et en prsentait l'ensemble sous une
forme simple et systmatique parce que ce groupement plai-
sait au mysticisme mathmatique qui, depuis le ler sicle avant
notre re, semble avoir conquis la plupart des platoniciens
peut-tre aussi cause du renom de l'diteur, de la qualit des
exemplaires, de diverses circonstances matrielles ou fortuites,
cette dition ttralogique de Dercyllids eut le plus grand succs
et obtint rapidement une autorit presque sans conteste Elle
paraissait souverainement commode, mme ceux qui n'admet-
taient pas ce principe de classification. Albinos, par exemple,
la recherche d'un ordre de lecture et d'enseignement, passe trs
rapidement sur deux autres dispositions et explique beaucoup
plus longuement la structure de la premire ttralogie tout en
n'adoptant pas ce mode de classement, illui reconnat des avan-
VII, 1-2: '1~7:tat 8'JO, Tja7:Ep[ TOU XCtXoB, j3' Y] JCEpL ToB~EuSoS;,
Va':pM-
TLXOt 3 "ItJV 7j TtSpL 'I).~5o;, ~EtpCttJTtxd; 4 MEVE~EVO; ?] EmiC[(ptO;, Tj8tXO{.
VIII, 1 K~EtTO~MV fj ~pOlpSKUXO;, Tj8'.xd;; 2 noXtT~X KEp! 8[X<X[OU,
~O!TtXO;; 3 T![~CHO; 7) ~EptOUSEM;, OUO:XO;;4 KptI~'X; T] 'AXa'~HXd;, 7j9[XO;.
IX, 1 MtVM~ 7) KEpt vd[Jt.OU, KO~.tTtXO; 2 NdjJ.O[ TJ KEp~ VOp.o6E~a~, KoX[-
T'XO;; 3 'E~t~O~C '~UXTEOLVO; O'J~O'j'O; 7) <p[Xd<M:pO;, KoX~TtXO;; 4 'E~t-t-
(une Aristodme, deux Archytas, quatre
TTOCf!. TpEt<ixK~8sxa, )6[xcn
Denys, une Hermias, Erastos et Coriscos, une Lodamas, une Dion,
une Perdiccas, deux aux familiers de Dion).
i. Dans certains manuscrits (par exemple le Venetus 11), quelques-uns
de ces sous-titres ont t corrigs d'aprs Diogne. Ces interpolations ont
t signales par 0. iMMiscH (De rec. Plat., p. 88; p. 90, 2; p. 93 et note 1).
Je ne tiens compte, naturellement, que des titres anciens et primitifs, qui
peuvent remonter l'archtype.
2. En ne tenant pas compte de la classe y des mss. de Diogne, qui est
interpoled'aprs les manuscrits de Platon (IMMiscH, p. 90).
D. L., M, confirm par IX, 37.
be, Proclos, Thodore!) Thrasylle (et (te mrn-e Mris et
l'interpolateurde Priscien) distinguent le Premier et le Second
Hippias, o:' et jS' nous trouvons au contraire, dans nos manu-
scrits et dans OlympiodoreS, les jH~!s$ p.e~Mv et sX~f~Mv~.
De telles divergences ne doivent pas nous surprendre. Les
sous-titres, en particulier, veulent exprimer en raccourci le
sujet du dialogue (crxo~o~) mais les platoniciens de l'antiquit,
comme ceux de nos jours, se trouvaient frquemment en dsac-
cord sur ce point si on pensait que le sous-titre ne convenait
pas au vrai sujet du dialogue, on en proposait un autre, qui,
dans certains cas, pouvait devenir aussi courant que le premier
et mme le supplanter. L'archtype des manuscrits mdivaux
se rattache un groupe d'exemplaires antiques~ o les sous-
titres de Thrasylle (issus eux-mmes de l'cole) s avaient t
amends de cette faon, la suite des discussions d'cole?.
Nous trouvons, dans le Commentaire anonyme sur le Thtte
et dans les Prolgomnes attribus Olympiodore, des chos de
ces discussions. Le premier montre s que le 7'Aee~e ne traite
pas du jugement, mais de la science. Le second constate d'abord
E7:t~pc(OT)v, o!ov ''~SM'~ Tcep!. ~u'~tj~, xot! <~o[?8po~ 7J ~epi Y.(ixxou;. C'est la rg'Ie,
dans le catalogue ttralogique de Thrasylle. La prdominance de cet usage
est un nouvel indice de la faveur dont jouit l'ordonnance ttralogique, de
la diffusion des ditions ttralogiques.
2. /At(7., p. 215 ouSe'j'ccp 7:o).).ou~ 3si' s~a: tou; ctxoTcou~, aXX' s'vx.
'Ex 5?] TO'jTou cxveoo~ aj~ ou 8e? S~TTc~ s!v;xt T~~ ~~Ypct~~ ev 'co~ Xo'/o~.
3. Toute cette critique (ch. 21-23) est faite au nom de dix principes,
soigneusement numrs et disting-us ce devait tre un lieu commun
d'cole, que chaque commentateur, depuis le second sicle de notre re et
mme auparavant,reprenait, dveloppait, systmatisait avec plus ou moins
de virtuosit ou d'esprit scolastique.La forme scolastique de l'argumenta-
tion nous rappelle ici Proclos, dont les Prolgomnes dpendent manifes-
tement.
4. Voir l'exemple donn plus haut, n. 1.
GAUEK ( ~ued'ensemhle sur les dialogues de Platon, en huit
~ures)~ nous y retrouvons certains des sous-titres de Thrasylle
(par exemple ceux du Cratyle et du Parmnide), et d'autres, qui
sont identiques (Time == ~epL (pujMAoY~), semblables (Sophiste
SuxtpEMMf;) ou analogues (Po~~yue == 'Ksp~ ?ou KoX~MoS)
=== T~ep~
ceux d'Olympiodore La diversit des sous-titres a donc t
grande, pendant tout le cours de l'antiquit le Sophiste et le
Phdre n'en ont pas connu moins de quatre chacun C'est que,
depuis l'poque mme de Platon, ses disciples et ses exgtes y
avaient presque tous travaill. Les lecteurs qui croyaient au
caractre authentiquement platonicien de tous les dtails de
l'dition ttralogique admettaient naturellement aussi l'authenti-
cit des sous-titres de Thrasylle. Le recenseur de l'archtype des
manuscrits mdivaux n'avait pas cette croyance aveugle et
Proclos, de mme, quand il veut dterminer le sujet de la Rpu-
blique, distingue soigneusement entre les titres trs anciens,
authentiques, garantis par des tmoignages comme ceux d'Aris-
tote ou de Thophraste, et les autres, titres apocryphes, addi-
tions arbitraires des modernes 3. Nous avons dj vu, propos
de l'ordre des Dialogues, Proclos s'lever contre la classifica-
tion ttralogique, uvre des diascvastes et non pas de Platon.
Il continue ici la mme polmique et cette polmique n'a de
i. Pro!oyos, ch. 3.
3. Ibid., eh. 6.
3. Voir SusEMiHL, P&o< 54 (1895), p. 570, n. 18 (d'aprs FREUDEN-
THAL,DerPh<oy:tAerA~Mos,p. 260-263).
4. Telle est la disposition de Susemihl. Mais on pourrait faire de maeu-
tique une espce du genre gymnastique, comme dans Thrasylle.
8. En comparant cette rpartition celle de Thrasylle, on est frapp
du grand nombre des dialogues politiques (onze) et du nombre infime des
dialogues thiques (un seul) dans Albinos Thrasylle compte quatre dia-
logues politiques et douze thiques.Certains genres n'ont qu'une espce:
didascalique, gymnastique, a~roy:M<tyuF, lenctique. La recherche de la
symtrie, si visible dans le tableau des caractres ..de Diogne Larce et
dans la classification ttralogique en gnral, manque ici compltement
la tradition grecque n'y a pas t systmatise, la romaine. Sept des
dialogues de la liste ttralogique ne figurent pas dans le classement d'Albi-
nos l'htte, Phdre, Critias, Ilipparque, un ~tppz'as, Second Alcibiade,
Rivaux.
plus que deux genres subordonns, ~eo/'e/~a~yHeet~)/'a~ue(g~
QsMpt~, e~t ~p5~v); comme dans Thrasylle le peirastique, aupa-
ravant espce, devient un genre subordonn et comprend
l'espce lenctique, qui tait auparavant un genre subordonn
en mme temps qu'une espce. L'espce logique appartient main-
tenant au genre ze<e<<yue les huit caractres derniers s'ap-
pellent, comme dans la liste de Thrasylle, physique, thique, poli-
tique, logique, maeutique, peirastique, endictique, anatreptique.
Il est assez difficile de reconstituer la hirarchie des genres on
ne voit pas quel genre subordonn se rattache, par exemple,
l'espce logique 1.
Cette classification par caractres ne valait pas seulement par
elle-mme et comme exercice dialectique. Elle permettait de
rpondre plus facilement une question qui a toujours proccup
les platoniciens et qui se posait naturellement aux chefs d'Ecole
et aux professeurs dans quel ordre doit-on lire les Dialogues ?
Par quel dialogue faut-il commencer l'tude de la doctrine de
Platon ? Albinos et Diogne Larce, qui puisent une source
commune du i~ sicle ou du dbut du second, connaissent dj
de nombreuses rponses cette question pdagogique. D'aprs
Albinos 3, il y a eu des opinions bien diffrentes les uns
commencent par les Lettres, les autres par le VAeaye~. Il y a
aussi ceux qui ont class les Dialogues par ttralogies. dispo-
sition qui a peut-tre son utilit, mais non pour le but que nous
TOU ypOVOU TMV KpOS~MV TtBv EV TOt~ 8t(xXoYO[;Ex 8s T;Sy tMpK~OytMV t)5 XKTK
TETpaOYtav ~T:'< sx5s8o<j0af KUT~ rou; Stet~oyou; XKT:& j~TLV T<3v TE TpytXMVxet!
TMV XMp.[XMV.
i. En comptant la TMpuA~ue pour dix, les Lois pour douze, et en
excluant. l'EpMomM et les j~e/'M. Comme Thrasylle, Olympiodore compte
la Hppu/)Myu<* et les Lois tantt pour dix et douze dialogues )', tantt
pour deux dialogues en tout. Nous avons vu prcdemmentl'explication de
ce paradoxe. L'ordre u~rt<a/)~e (&X~9T); r~t;) est ici un ordre d'<u<76 des
uvres compltes.
3. Cf. ALBINOS, Prologue, ch.
XxiSEoXoYLXKXXt Ta~8tX&XOH7CoXtr[Xdt.
6:r&
o!x~<x8oYp.Me,T:KST:ot Se E<n:t ~uc:xet
9).
c brasse de sophistes Plutarquiens . Il cite trs frquemmentPlaton (133
fois dans ses Lettres), plus souvent mme qu'Homre et Plutarque. W. S.
CnAWFORD (1901) a tudi ces diverses citations.
3. PROCLOS, Con~n. sur le Tf'n~e, I, p. 87, d. Diehl.
Un peu plus loin,
Proclos fait allusion Longin en parlant des ~LAoOEajJLOve; tSy M!;EMV (f,
P. 90). >
4. Id., ~M., I, p. SS, 1.10-16.
u. M. ScnANz. Plat. op., IX, p. 86.
fi. PROCLOS, Ibid., I, p. 423,1. 9-12. La correction de Jamblique est d'ail-
leurs inintelligible,telle que la reproduit Proclos.
7. iMMtscii, o. c., p. 8. De mme Philoponos prtend citer sm M~M;
une phrase du Phdre, et il crit ~stv SBev x~~vTcc y~v~T alors qu'une
page plus loin, rptant la citation, il crit d'abord yE'ETCH puis Y6V<)-
Tott (Id., ibid., p.
8. L. IIAVET, o. c., p. 3S.
cite-t-il directement ou de seconde main ? En fait, Stobe a
beaucoup emprunt des recueils antrieurs il a pu en modifier
le texte en le transcrivant plus ou moins soigneusement ces
extraits ont pu galement se modifier aprs avoir t tirs des
manuscrits de Platon et avant de parvenir Stobe En
revanche, un faiseur d'anthologies n'est pas tent, comme un
philosophe ou un thologien, de corriger volontairement ou invo-
lontairement son auteur pour l'adapter sa propre pense.
Enfin, on ne peut recourir aux traductions (de Cicron, Chalci-
dius, etc.) qu'avec une prudence extrme il convient d'appr-
cier, avant tout, l'intelligence et les connaissances du traducteur,
sa mthode de travail et son degr de fidlit au texte.
Quand on tudie les commentateurs des dialogues de Platon,
un autre problme grave se pose 3 celui qui concerne l'emploi
des lemmes. Le commentateur reproduit gnralement, avant de
donner son explication, le dbut et la fin du texte qu'il va expli-
quer (relis parsMi; Tou), ou quelquefois ce texte tout entier. Ce
lemme (p]<~) est prcieux pour nous, car il nous permet de voir
quel texte lisait l'auteur du commentaire. Mais, dans certains
cas, les lemmes ont subi le mme sort que les citations de Sto-
be ou d'autres crivains, et ont t corrigs par un copiste ou
un lecteur d'aprs un manuscrit de Platon 4 cette interpolation
leur enlve naturellement toute valeur. De tels cas sont heureu-
sement assez rares, nous le savons maintenant. Chr. Schneider,
l'avant-dernier diteur du Commentaire de Proclos sur le Time,
pensait au contraire que la plupart des lemmes taient dus
des interpolations de ce genre, et avaient t introduits par des
lecteurs dans un texte qui n'en comportait pas l'origine". Mais
P. Rawack a montr en excellents termes l'tranget de cette
opinion, et M. E. Diehl l'a dfinitivement rfute. C'est un
usage de commentateur, et non pas de lecteur, que de citer en
nos manuscrits, le plus souvent, que pour des minuties 10 cas seulement
avaient une importance, contre 180 cas d'erreurs manifestes. En6n, dans
400 autres cas, les citations s'accordent avec une partie de nos manuscrits
et se partagent entre les familles B et T, avec une majorit pour la seconde
(B. ph. W., 1899, p. 743-744).
1. O.iMMtscH, De rec., p. 13, note 3.
3. E. DiEHL, l. c., p. 3S1, n. 2. Des correctionsrcentes, et mme des
correctionsanciennes du .PayM:/):M A s'inspireraientgalementdu commen-
taire de Proclos (p. 259, n. 7).
3. Dans d'autres cas, les fautes ne sont identiques qu'en apparence. Par
exemple, Thodoret paraphrase le &p.e~, omep ~o~t<)T<xTO[ ~<rTs du Go?'as
(p. 827 AB) en ujcepTo~TaTot ~TE;, qui a un sens le VuK/o~one~sM F et le
Florentinus x (85,7) portent l'absurde leon &j:Ep?o~(oTettOt ~T6. ~-Cf.
O.iMMtscH, jL:/<. Centralbl., 1903, p. 64; De rec., p. 13, n. 3 D. Ltz., 1906,
p. 799-800.
tIonde~poTCftT'~TOucrx en ~poo'o~T~c oStm (j6a/t~rue~, 203 s),
commune Origne et au Bodleianus peut s'expliquer par
une mauvaise sparation des mots dans l'exemplaire consult
par Origne et dans le modle transcrit par le copiste du Bod-
leianus.
Si nous observons ces rgles de mthode, l'tude des papyrus
et de la tradition indirecte nous permet de nous reprsenter
avec quelque prcision l'tat du texte antique, par rapport au
texte mdival. Nous verrons que nos manuscrits peuvent se
classer en trois familles principales la premire a pour repr-
sentant le Bodleianus 39, couramment appel B, qui contient les
six premires ttralogles la seconde, le Parisinus 1807 (A),
qui contient les deux dernires ttralogies, et le Venetus app.
cl. 4, 1 (T), dans sa partie ancienne; la troisime a des repr-
sentants divers suivant les dialogues, mais les deux plus impor-
tants sont le V:o~. S4 = suppl. philos. gr. 7 (W) et le VtnJoA.
35 (F). Cette troisime famille occupe une position intermdiaire
entre les familles B et AT. Par exemple, le groupe W se rapproche
davantage de l'une ou de l'autre des deux premires familles,
suivant les dialogues. Cobet et Schanz avaient cru jadis que la
tradition de la premire famille tait la plus proche de l'arch-
type, par consquent de la tradition antique et du texte original,
et que le reste des manuscrits formait un groupe infrieur. En
reconnaissant la. grande valeur du Venetus T, et en l'tudiant
trs diligemment, Schanz lui-mme avait dj infirm cette
opinion la dcouverte des papyrus du in~ sicle avant notre re
et les recherches faites sur la tradition indirecte l'ont dfinitive-
ment ruine. M. ScHAFFER, en tudiant les citations d'Alexandre
d'Aphrodisias, des noplatoniciens du ve et du vi" sicle et du
grammairien contemporain Priscien, a montr que le texte de la
seconde famille ne pouvait aucun gard tre considr comme
un texte corrompu, driv de celui de la premire (c'tait une
erreur que Schanz avait, d'ailleurs, abandonne depuis long-
temps), et surtout, que ce texte de la seconde famille tait plus
proche du texte antique, rvl par les citations, que le texte de
la premire C'est ce qu'avaient dj montr les recherches de
Aristide, qui s'accorde avec les mss. TW sur la vraie leon STjjj.oxo~txo;
(Phdre, 248 E), alors que B porte 8<)p.onxo;. D'aprs les calculs faits par
0. Apelt sur les donnes de Schaffer (B. ph. W.,1899, p. 745), 148 leons
s'accorderaient avec celles de la premire famille, 200 avec celles de la
seconde.
1. Revue de philologie, XVI (1893), p. 171-180 XVII (1893), p. 14-27.
2. Henri ALLINE, .ReM. de philol., XXXIV (1910), p. 28S, n. 5. Ce palimp-
seste prsente un mlange des traditions B et T, plus proche de B que de T
(OttolMMtscH,Derec.,p.8).
3. Cf. iMMiscH, o. c., p. 13-14; ALUNE, c., p. 265-273. Ce fait est
d'ailleursgnral. Les papyrus trs anciens d'Isocrateet de Dmosthnenous
montrent la fois les fautes caractristiques des diverses familles cf. A.
GRCKE dans KnoLL, Die Alterturnswiss.,p. 498, et dans l'Einleit., I, p. 47-48.
4. Voir l'd. du papyrus par DiELS et ScHUBART, p. xxit.
5. Voir, par exemple, Cl. Review, 1902/p. 98-101.
6. E. DtEHL, c., p. 262-265, 267-268.
7. Les lettres ordinaires accompagnes du signe prime remplacent, pour
la commodit typographique, les lettres gothiques de Bekker.
8. Comme le croyaient Chr. SCHNEIDER (Platonis Civitas, III, p. 311) et
primitivementJ. BunNET (C/ReuMM, 1902, p. 100), qui, par la suite, s'est
adopte et rpandue par le commerce l'exclusion des autres
textes. Dans le rcit d'Er, au Xe livre de la Rpublique, M. St.
Jones a montr, par la comparaison des tmoignages de Plu-
tarque, Justin, Athne, Thon, Proclos, avec les tmoignages
d'Eusbe, Stobe, Clment d'Alexandrie, Galien, Jamblique,
auparavant allgus par M. J. Burnet, que ces diverses citations
se contredisent entre elles et ne forment pas un ensemble coh-
rent. Olympiodore s'accorderait plutt avec la premire famille,
Syrianos avec la seconde Stobe, dans des passages cits deux
fois, prsente frquemment des variantes trs importantes, parce
qu'il a eu plusieurs sources 2. Trs souvent les citations se
contredisent entre elles, dans un mme auteur ou dans plusieurs,
et ce n'est pas, gnralement, la faute des copistes. En certains
passages, nos manuscrits et Stobe diffrent d'Hrodien, de
Time et de Pollux tantt nos manuscrits et Stobe contredisent
Eusbe, tantt nos manuscrits et Eusbe contredisent Stobe
un fragment du Afene.re~e montre les divergences de Denys
d'Halicarnasse, d'une part, de Jamblique et Stobe, de l'autre
et cependant Denys a en commun avec les manuscrits et Stobe
une lacune que seul Jamblique trahit3. Enfin nous avons vu que
chez Proclos la divergencedu lemme et du commentaire implique
frquemment l'existence de deux exemplaires diffrents, tous
deux consults et employs, soit par Proclos lui-mme, soit par
Proclos et l'diteur de son uvre.
Platon.
tmoignage sur Jamblique, il nous en reste assez d'autres pour connatre
le mpris du thurgiste l'gard de ces questions de mots c'est--dire
l'gard de toute exgse prcise et mthodique.
Ai.LiKB, U
clament la continuit incessante du mouvement de l'me. Le
matre bredouillait donc un peu, et Porphyre entra sur ces
entrefaites, Il ne manquait pas de sens critique, ayant t dis-
ciple de Longin, et il usait d'un bon texte, qui portait Xeyet.
Voulant aider l'exgte sortir de ce mauvais, pas, Porphyre lui
dit aussitt Il faut crire X~yst, et non pas Mjyst. w Mais
Amlios en fut trs mortifi. Il avait cru, sans doute, que Por-
phyre lui reprochait une erreur de lecture ou remploi d'un exem-
plaire mdiocre. Quelques annes plus tard, Porphyre trouva
dans Sosicrate la mme leon que dans l'exemplaire d'Amlios
l'excellent Amlios, dit Porphyre en terminant son rcit, aurait
t bien heureux d'apprendre qu'un autre aussi approuvait la
mme leon mais il tait mort auparavant~ . videmment,
Amlios ne connaissait pas d'autre leon que celle qu'il expli-
quait, et croyait, un peu navement, qu'il n'en existait pas
d'autre ayant sous les yeux un passage inintelligible, il ne
songeait mme pas se demander si le texte tait corrompu, et
chercher dans d'autres manuscrits une variante plus authentique
et plus claire. Proclos connat un peu mieux son Platon et rejette
AYj-~ comme inconciliable avec les doctrines ~du Time. Mais il
tient prouver la subtilit de son exgse, et entreprend d'ex-
pliquer que A~yet. peut la rigueur s'crire et se comprendre
l'autre leon est moins embarrassante niais celle-ci ne rebute
pas le commentateur~. Une telle anecdote est significative: elle
TOU ~~(l.i~
:O ,OU `.
~SjJ.TTTOU
1
t 3 3 4 5 62 5
leurs paisseurs. Nous obtiendronsainsi le tableau
8 7 3 6
7 8
4
At.nxn. Platon. 12
consquent une certaine unit et une certaine autonomie. Mais
ces caractres communs a tous nos manuscrits pourraient s'ex-
pliquer par la parent de ces manuscrits aux divers exemplaires
d'une dition antique assez tardive o quelques titres auraient
t moditis et o cinq seulement des apocryphes de Thrasylle
auraient pris place ils ne nous permettent pas encore d'affirmer
catgoriquement que, sur certains points, l'ensemble de la tradi-
tion mdivale se diffrencie de L'ensemblede la tradition antique,
et que tous nos manuscrits drivent d'un exemplaire unique,
leur archtype.
Il faut donc complter la dmonstration de M. Schanx. C'est
ce qu'a fait surtout M. Alph. Schtffer Il a dress le tableau
des erreurs communes tous nos manuscrits, en des passages
o les citations des commentateurs et de Priscien nous donnent
le texte authentique et il s'est assur, en outre, que ces leons
anciennes n'taient pas des corrections conjecturales, en mon-
trant que bien souvent elles se rencontraient chez plusieurs
tmoins. Ces nombreux cas, o les exemplaires mdivaux s'ac-
cordent tous sur certaines erreurs et se sparent tous de la tradi-
tion ancienne authentique, ne peuvent se comprendre que si ces
exemplaires drivent tous d'un mme manuscrit o se trouvaient
ces diverses leons 'fautives autrement dit, ces fautes prouvent
nettement que notre tradition mdivale se rattache un arch-
ne se confond pas entirement avec elle. Mais cette objection est acces-
soire la mise en relief de T W importait surtout.
t. 0. iMMtscn, Oeu~c/M/.t~ t906, p. 799.
3. E. DIEHL, Ph. Af., 58('i903), p. 26S.
3. Cf n.LL!<p.M9-2';6.
que les latins les copistes orientaux' dchurent trs rarement
jusqu' l'ignorance barbare de ces Occidentaux qui ne compre-
naient pas mme leur texte Mais gardons-nous d'exagrer
leurs mrites l'examen et le rapprochement des manuscrits de
Platon, mme les plus anciens, nous prservera de cet excs
d'indulgence. Nous y trouvons des fautes diverses suivant les
poques et les circonstances. Un grand nombre, de fautes sur-
girent au tx'' sicle, lorsqu'aprs une longue interruption de
culture littraire on transcrivit en lettres minuscules les exem-
plaires auparavant crits en onciales surtout quand ces exem-
plaires taient fort anciens, les copistes co~/onc/e/~ les lettres
onciales se/Hj~a/~es cette confusion, d'ailleurs, a pu se pro-
duire aussi pendant la priode intermdiaire, lors de la copie
machinale d'onciales sur onciales. L'tat du modle transcrire
explique encore d'autres fautes celles qui consistent sparer
o/y /u/w a tort des mots ou des lettres les fautes de ce genre
impliquent un modle semblable aux livres antiques, o la ponc-
tuation est le plus souvent arbitraire et les mots non spars
ce sont, par consquent, des fautes trs anciennes, dont cer-
taines se trouvaient dj dans l'archtype D'autres fautes
d'orthographe viennent du changement de ~o/o/!C!a~'OR de la
y~c~ton de lettres, de syllabes, de mots, mme d'une phrase
ou d'une partie de phrase, ou bien, inversement, de l'omission
de lettres ou de mots semblables qui se suivent des lacunes plus
considrables s'expliquent par une distriction du copiste, qui a
t. \ATTE~.BACH,Da&Sc/t/'t'mCSPn,p. 32:2.
1.)'o les confusions de AH et AN, A)AH etA!AH,retT6, OTI et
2.
eT!,e6!OCetoC)OC.AYTHet,AYrrH,AEON TQNetAONTQN. OIAN et
OPAN. ATAHA'ONT et ATE AHAON TE. YoirC.G. CoBE-r, Var:aeZpc-
~)Ms, p.dOt, ~9; M. ScHAxx, .iVot'ap Co/t!/7:e/a<ion<P~a<o/t!cae(i8'H), p.
;i0-)2. et S/t~f!. p. ~7-28, :iO-St.
25-28:s~ov se transformeen e'n ~(ceqm
Voir ScHA~x, S<uJ<e/t, p.
suppose, en outre, une confusion de lettres), xcd /p~'x[enxEyp)T;! (ce qui
suppose, en outre, une faute de prononciation),'ouSs~ B~ en o'jBeM ?), S; ~v
~); en 'xs~vM:, ~v T!~v '?~XTX: en T'. Tjv!dTKTKt, o 8'svsy' Yj en ouSsv ~Et,
7:ss'jxE sx<x[<x en r:sou'e: xx'' x. Cf. aussi A~oraeComm.P/ p. 98-99 (la ngli-
gence des copistes l'gard des esprits et des signes de crase favorise les
erreurs).
).
t. Cf. ScHA~'x, A~. C. Pl., p. 34 (S?) devient souvent Se?) S/uJten, p. 26
(A~T! devient AEYsrx'.). De mme, ie ~en. T porte u~spxStxoSct (Bt;<~p/o/t,
8 <:) au lieu de :?7::p xB'.xojo' Voir aussi WATTENBAnn, o. c., p. 322, et
certains exemples de la note prcdente.
saut exactement une ligne de son modle, ou bien est pass
d'un mot un autre mot, identique ou analogue, qui se trouve
une ou deux lignes plus loin ('homoiotleuton) Certaines sup-
posent une assimilation, volontaire ou non, des dsinences, des
formes, de la structure des mots les imparfaits deviennent ainsi
des aoristes, les duels des pluriels, etc. 2.
De telles fautes impliquent un raisonnement plus ou moins
confus. On peut en rapprocher, cet gard, celles qui naissent
d'abrviations mal interprtes s, d'une restitution arbitraire de
mots illisibles ou barbarement dforms, d'une correction con-
~'ec~u/'a/e superpose une corruption Enfin, la plupart des
~erpo/a~'o~s proviennent d'un scrupule, souvent excusable, des
copistes ils trouvent en marge fin mot courant qui sert de glose
un mot plus rare du texte, et ils remplacent la leon par la
p. 191 (un passage de Stobe corrig d'aprs Plutarque, que les Byzan-
anciennes et ne peuvent rsulter d'une collation postrieure
l'tablissement de l'archtype car ces leons ne se retrouvent
dans le texte d'aucun autre manuscrit' platonicien, et figurent
seulement dans les citations antiques et les papyrus. Par
exemple, dans le Phdre (2~5 D), Philoponos a lu 'KS<7?fv Te y~
e~ s~ cuj~ETsuo~ presque tous nos manuscrits ont yeve~ mais
se trouve not en marge du Venetus T et des ~7o/ a c (59,
1 et 85, 9) Dans le Premier Alcibiade (10S D), au lieu de Aet-
~sjj.o:~< Proclos a As~o~ cette leon figure dans le texte de
t
B, a t introduite dans le texte de par correction enfin W porte
en interligne 10'1 au-dessus de ef/ Dans le Criton (S3 a), Eusbe
lit :'j-M Y/~pM!: em6u~.e:~ cette leon se retrouve en marge
de B (2 main) et de W, et dans le texte de T B W portent
sS-McxKT/pMi; dans le texte, T oS~M y'etK~pM~en marge (on voit
ainsi l'origine premire de la variante, confusion de PActEA)~.
Mais ces exemples ne sont pas encore dcisifs et pourraient don-
ner lieu une autre interprtation car on sait que les huma-
nistes byzantins et italiens ont parfois corrig leurs textes en les
confrontant avec les auteurs de citations et de commentaires 4.
Au contraire, la concidence des variantes mdivales avec les
leons des papyrus n'admet qu'une seule explication. Par
exemple, le papyrus du Phdon nous prsente la bonne leon
K'XXcQ'. Su~~bv s~fxt xofQapM~ (68 a), qui se retrouve, prcde de
yp. N7:~po~. Les manuscrits de Lucien ont prfr ef~Etpo~ presque tous
ceux de Platon 'x'cEpov. Nous savons d'ailleurs que les Byzantins lisaient
beaucoup Lucien dans les variantes de l'Alcyon comme dans celles des
autres Dialogues, il n'est pas toujours facile et cependant il importerait de
discerner la part des collations antiques et celle des confrontations byzan-
tines, et de se fonder uniquement sur les premires pour restituer l'arch-
type variantes.
1. Dans l'7?u</t~p~on (4 B, 1. 5, d. Burnet), se trouvait en interligne
dans l'archtype: les trois mss. B T W l'ont ensuite plac en trois endroits
diffrents. Plus gnralement, les divergences entre les trois familles
s'expliquent souvent par la faon diverse dont les copistes procdrent a
l'gard des corrections et des variantes de l'archtype.
2. PLATo~fs Opera, IX, p. vin ainsi, dans le Mnxne (247 a) l'arch-
type aurait port dans le texte Kpo-j-ovMv, en marge ~poTsp
3. HermannUtELS, Zi;r 7'e.B<greM/ttc/~<?<~er.A/'M<o<e~sc/te/tP/t!/s:/t (Tirage
part des Abhandl. d. k. /t&af/. der Wiss. su Berlin, 1882~, p. 19-23.
4. Cf. UsnNER, !7/!sey P/a<o~<e.r~, p.'19C (la mention S~pBMTOH ex S'jo 'Ai!-
xtCt'~Mv, la fin du XIe Discours de Dmosthne, et les variantes, marques
par vp', qui sont rsultes de cette collation).
5. Voir BETHE et WENDLAND, dans l'B't~e~. in die /U<e/'<un!SM't'ss., p. 413-
414; et aussi GERCKE (dans .Knon., Die ~l/~r~msMtss.), p. 497.
de variantes*. Eusbe, d'aprs son propre tmoignage, a colla-
tionn un manuscrit des Hexapla sur un exemplaire des Tetrapla
revu par Origne lui-mme, et ajout son exemplaire, outre
ces corrections et annotations, les scholies personnelles d'Ori-
gne '2. Le texte des 'A"c'.xtx~ o:p~x tait peut-tre encadr
de notes explicatives et critiques 3. Nous avons vu que le papyrus
10') 7 du P/tc~e porte galement des variantes 4. Quand Proclos
commente successivementla leon courante et une leon diver-
gente, il est probable qu'en gnral cette dernire figurait en
marge ou en interligne, note par lui ou avant lui sur l'exem-
plaire dont il se servait De mme, les din'rences entre certaines
citations d'un mme passage de Platon, chez un mme auteur,
s'expliquentprobablementpar l'emploi d'exemplairesavariantes s.
Notre archtype tait un exemplaire de ce genre. Quelques-uns
de nos manuscrits en donnent une image assez exacte. Par
exemple, le VtndoZ). 34 (W) porte un certain nombre de variantes:
et les rapports du texte et des variantes de W avec le texte et
les variantes de B et de T ne peuvent s'expliquer que si l'arch-
type commun portait en marge ou en interligne, comme W lui-
mme des corrections ou des variantes, en nombre plus ou
moins considrable suivant les dialogues Dans les deux der-
<
t. Scn.'(Fi-'t:n, o. [t.~i; cf. p. 7)
C'est le raisonnement que Schanz appliquait, aux citations d'auteurs
du me sicle, et particulirementd'Eusbe et Thmistios il CM concluait
naturellement que l'archtype n'est pas antrieur 400 (Studien, p. 32,
L'argumentationde Sehaffer est identique celle de Schanz, et les con-
clusions de ce dernier ne sont pas contredites, mais compltes par celles
de Schaffer: le mme raisonnement, appliqu des donnes plus prcises,
donne des conclusions plus prcises.
S' nAt''n:H. o. c., p. 68-66.
Mais, mme dans ces cas privilgis, l'argumentation de
MM. Schanz et Schaffer est-elle inattaquable ? Devons-nous
admettre qu'une forme correcte de la tradition n'ait jamais sub-
sist simultanment ou postrieurement une forme corrompue?
II importe ici de distinguer les circonstances et les poques.
Jusqu'au n~ ou iv" sicle aprs notre re, la tradition platoni-
cienne est videmment trs varie la comparaison des tmoi-
gnages anciens le prouve d'une manire irrfutable. Mais nous
avons vu que, sous l'influence de causes diverses (commodit
de 1 dition ttralogiqu, affaiblissement du sens critique, etc.),
le texte s'uniformise graduellement et une vulgate tend s'ta-
blir. Les tmoignages d'Olympiodore et surtout de Proclos nous
ont appris, sans doute, que cette vulgate n'eut jamais une auto-
rit sans partage, et que certains exemplaires plus anciens,
conservs dans les grandes bibliothques, diffraient sur quelques
points essentiels des exemplaires qu'on trouvait alors dans le
commerce les exemplaires courants n'en prsentaient pas moins,
selon toute vraisemblance, un texte relativement uniforme. Ds
lors, les citations noplatoniciennes peuvent tre interprtes
suivant ce principe de la tradition unique et rectiligne, que nous
avons dgag de l'argumentation de MM. Schanz et Schaffer, et
dont l'application est videmment limite des cas dtermins.
La conclusion de M. Schaffer sur la date de l'archtype reste
donc trs vraisemblable plus la tradition platonicienne de cette
poque nous paratra uniforme, plus cette conclusion gagnera en
vraisemblance. Notre archtype a t constitu, recens par un
lecteur consciencieux et assez savant, qui a probablement consult
plusieurs exemplaires, pour en noter les variantes et lesscholies,
mais a trouv les mmes fautes dans tous ces exemplaires et par
consquent ne les a pas corriges. Tous ces exemplaires se ratta-
chaient une mme tradition, une tradition excellente (leurs
fautes communes, dont M. Schaffer a dress la liste sont assez
lgres en gnral) ils ont t consults a une poque tardive,
o le recenseur ne pouvait plus trouver d'autres exemplaires
autour de lui.
Certains indices accessoires viennent confirmer cette dternii-
i. Je rappelle que, ds le n" sicle, le texte des papyrus se rapproche
seusiblement du texte mdival.
A. ScHA)n;n. '). < p. 64-6").
nation chronologique. Par exemple, les manuscrits signals et
consults par Proclos et Olympiodore ont des rapports vidents
avec notre archtype. Au Xe livre de la ~epuZt~HC (616 E), les
manuscrits mdivaux portent la leon moderne, comme tous ou
presque tous les exemplaires diviss par memhres. Ces derniers
taient disposs en vue des explications scolaires et de l'exgse
minutieuse, et l'on peut supposer qu'ils taient d'usage courant
parmi les rudits et dans l'cole noplatonicienne notre arch-
type se rattacherait l'un de ces exemplaires Dans le jP/'e~Mr
.4/c~'af/e (133 c), un passage de sept lignes, peut-tre inter-
pol est omis tant par nos manuscrits que par Proclos et Olym-
piodore en leurs commentaires, mais se trouve dans Eusbe,
Julien et Stobe c'est un nouveau point de contact entre l'ar-
chtype et les exemplaires usuels des noplatoniciens. Par
d'autres passages de Proclos, nous voyons que celui-ci connais-
sait la fois les deux leons entre lesquelles se partagent les
manuscrits mdivaux il a lu, dans les exemplaires c{xpt6e<r:epo!,
x6xoXx<rp.x, les mots ?' ssuTou, qui figurent dans la plupart
des manuscrits, et dans son exemplaire courant les mots ~'
.xuToS, qui ont subsist dans le T"u~)<nye/tsts G, le Pay'M:nus E* et
le 3~o/iaee/M/ (~ de mme il a trouv dans quelques manu-
scrits topo-fxvTc (Time, 38 D), que prsentent le 'Tu~eys:sC,
le Paris. F et le Va~csMu.s c' (228), et dans d'autres SSpucr<x'6o 5.
p.
3. In., Co~M. sur ~e.P/'eTKMr~ctA.,p. 3, d. Creuzer; cf. iMMiscH,
94.-9X.
o.
4. Dans Proclos, et aussi dans Tliodoret et Stobe; voir htMiscH, t&M.,
p. 93.
5. Voir plus haut, p. 126.
6. Voir plus haut, p. 12S, et iMMtscii, o. c., p. 92-93.
7. Voir plus haut, p. i36, n. 5 et 127, n. 1.
8. OLYMpioD.,P/'oMy.,ch.22,p.315,d.Hermann; HEnMiAS, Schol, au
.P/t~re, p. 9. d. Couvreur (d'aprs Jamblique).
9. Voir plus haut, p. 171-172.
archtype, en somme, conserve de la disposition de Thrasylle
exactement ce qu'en conservent les exemplaires noplatoniciens.
Mais l'accord entre ces exemplaires et notre archtype n'est
pas parfait. Ce dernier a subi d'autres influences. Par exemple,
les noplatoniciens ne font entrer que cinq dialogues incontes-
tablement apocryphes dans l'appendice de leur collection
Sisyphe, Dmodocos, Alcyon, -r~a~, Dfinitions Nos manu-
scrits renferment en outre les dialogues De la justice, De la
vertu, Artoc/tos, et rangent le tout dans un ordre diffrent.
D'autre part, comme l'a fait remarquer M. Immisch, le Second
Alcibiade, dans tous les manuscrits 2, ne porte plus le sous-titre
~eptE'j~, comme dans Thrasylle, mais ~sp! ~poo-su~ Or le
mot ~pos-Euy- dans la langue courante, signinait o~a<ot/*e, et les
noplatoniciens,lorsqu'ils discutent sur la prire, disent toujours
~sptEu~ Lemot~peMu~ ne signifie prire que dans la langue
ecclsiastique l'usage de ce mot dans notre archtype prouve
que le sous-titr du Second Alcibiade y a t corrig par une
main chrtienne. M. Immisch fait remarquer en outre que,
dans la tradition mdivale, les Dialogues se prsentent d'abord
seuls, sans tre accompagns des commentaires noplatoniciens
c'est au xn~ sicle seulement qu'on trouve, dans le Parisinus D
(1810), le Commentaire d'Hermias sur le Phdre et le Commen-
taire de Proclos sur le Parmnide joints au texte de ces dialogues
et des autres dans l'archtype des manuscrits mdivaux,
l'oeuvre de Platon se trouvait donc spare des Commentaires et
des Introductions qui, vers la fin de l'antiquit, les accompa-
gnaient souvent et en facilitaient l'intelligence aux lecteurs
paens, aux exgtes d'Athnes et d'Alexandrie et leurs dis-
ciples.
L'archtype, sous sa forme dfinitive, n'aurait donc pas t
1. Pro~e.y., ch. 26, p. 219.
2. Sauf dans le Venetus (185), o le titre a t interpol d'aprs Dio-
D
gne Larce. Inversement, le groupe y des manuscrits de Diogne Larce
porte ~Ept Kpo~su~ mais a t interpol d'aprs les manuscrits de Platon
(IMMISCH, o. C., p. 88, 90).
3. Par exemple Comm. sur le Time,'I, p. 307 sqq., d. Diehl.
PROCLOS,
4. iMMtscH, o. c., p. 90-92.
Dans une dition de Platon faite vers la fin de l'antiquit, les Dia-
logues taient accompagns de certaines uvres d'Albinos et de Maxime
de Tyr, qui leur servaient d'Iniroduction cf. H. DtELS, d. du Co/KM.
anonyme SH/' le T'A~f', p. xxvn sq.
constitu dans l'cole noplatonicienne, mais aprs la disparition
de celle-ci. Probablement originaire de l'cole, il a t finale-
ment revis hors de l'cole. Il dpend la fois des noplatoni-
ciens et des clercs. Au v" et au vi sicle, quelques chrtiens
savants et lettrs ont des attaches noplatoniciennes tels l'-
vque Synsios, disciple fervent d'Hypatie,ouJean Philoponos,
commentateur d'Aristote. C'est dans un groupe d'rudits de ce
genre, parmi les thologiens qui savent encore apprcier la cul-
ture hellnique, qui ne damnent pas les grands hommes du
paganisme et ne veulent pas laisser prir la sagesse de Platon, et
d'Aristote, qu'il nous faut chercher (probablement Constanti-
nople, et vers la fin du vi~ sicle, au plus tt) le dernier recen-
seur de notre archtype, celui qui nous a conserv le prcieux
recueil des GE'Hu/'es compltes de Platon, annotes et soigneuse-
ment revises. Cet exemplaire, le seul dont on ait pu prendre
des copies avant qu'il ft, une certaine poque, perdu ou dtruit
comme les autres, a servi d'intermdiaire entre la tradition
ancienne, sous sa forme la plus authentique et la tradition
mdivale.
Mais est-il vraisemblable que les textes antiques, si nombreux
et si varis, aient ainsi disparu presque tous, et qu'ensuite
l'unique manuscrit conserv ait donn naissance a tant de nou-
velles copies ? M. SchUffer admettait que certains manuscrits
antiques, et non pas seulement l'archtype, avaient pu tre
sauvs, reparatre plus tard et agir sur les manuscrits drivs de
l'archtype Il expliquait ainsi la concidence de certaines
leons antiques et de leons propres certains manuscrits. Mais
l'hypothse de l'archtype a variantes les explique aussi facile-
ment Et l'on comprend fort bien qu'un seul manuscrit de
x x
III, p. 34:2.
}. ID., :&t(7.,
2. La controverse entre Platoniciens et Aristotliciens, qui plus tard
deviendra si violente, commence ds le ix" sicle, aussitt que Platon est
remis en lumire, et ne peut que contribuer la diffusion de ses uvres.
Le chroniqueur George Hamartolos parle d'Aristote avec une sorte de
ddain et d'aversion au contraire, il consacre Platon tout un chapitre,
cite (a propos de thologie et d'eschatologie) des passages du Time, des
Lois, d'autres ouvrages encore, et fait du philosophe un prcurseur de la
doctrine chrtienne, initi en Egypte la Sagesse juive (il reprend, en
somme, le point de vue d'Aristobule, de Philon et de ~oumnios). Voir
IlERGEXKOTHEn,O.C., et IMMISCH, O.C., p. 83. U" 1.
3. HERGENHTHEH,O.C.,l, p. 33i.
4. Nous en reparlerons plus loin. Cf., pour la position du problme
~ABEH, o.c., I, p. S4 sqq. Coux, l.c., p. T94 sqq.
S. REITZENSTEIN, Grtec/t..EVyni., p. S7.
n. B;A/t., cof/. 155. Voir plus haut, p. t4'2, n. 0.
Lettres de Platon 1. Trop prosaque 2 et trop pdantesque pour
goter en Platon le mlange exquis de la fantaisie lgre et de
l'inspiration la plus sublime, et n'tre pas dconcert par la
libre allure d'un style aussi souple que le mouvement de la pen-
se, Photios, en revanche, ne pouvait oublier que les grammai-
riens atticisants du ir* sicle tenaient Platon pour un des plus
grands classiques, et que Phrynichos, l'un de ses modles et
l'une des sources principales de son Lexique, avait dfendu Pla-
ton contre ses dtracteurs et l'avait mis au premier rang des
crivains, ct de Dmosthne et d'Eschine le Socratique, et
avant tous les autres Le philosophe et l'artiste chappaient
au thologien rassis; mais au philologue, au lexicographe sou-
cieux d'atticisme pour lui-mme et pour les autres il restait
l'incomparabletmoin du langage de la bonne poque, dont les
ouvrages abondaient en renseignements sur le vocabulaire et la
syntaxe. 11 est donc extrmement probable que Photios tudia
pour lui-mme et expliqua ses auditeurs des parties plus ou
moins tendues de l'uvre de Platon il est probable aussi
qu'en lisant son exemplaire il y mit quelques notes, qu'il cor-
rigea des leons par conjecture, par comparaison avec d'autres
manuscrits ou avec des citations anciennes, qu'il oblisa des
passages jugs suspects par lui, en un mot qu'il fit une revision
et une recension de son texte. Et cette recension, au moins dans
le cercle de ses familiers et des disciples fidles la tradition
qu'il avait cre, prit la valeur et l'autorit d'une dition savante,
sur laquelle on collationnait les manuscrits courants. Les notes
marginales de certains manuscrits mentionnent en effet le livre
(lu patriarche i;ou ~ettptctp~ou Tb j~Xto' Les deux
patriarches les plus clbres dans l'histoire des lettres grecques
1. Cette note, et d'autres encore (par exemple celle de la 3" lettre, p. 316
t! cf. htMiscu, o. c., p. 82, n. 1), nous montrent que la recension dont il
s'agit ici a t excute, par un grammairien, tout fait dans l'esprit de
Photios, et peut-tre par un de ses disciples plus ou moins lointains.
2. Il. RAHE, 1. c., p. 236.
tMMISr.H, C., p. 53; RA~GEL-NfHLSSEN, JVo;'d<S& 'tdsS/M't/Y /'0f Filo-
~y!, 111, H 1903-1904), p. 131-132.
4. Faites tantt en marge, tantt au-dessus du mot (voir plus haut
l'exemple de StXtT~. Z,o:s, 1, 647 ~).
et peut-tre plus tard encore, les rudits le consultaient pour
tablir leur texte. Nous avons vu aussi que, dans les recensions
de ce genre, le livre (~.)~~) du patriarche se trouvait quelque-
fois confront avec d'autres exemplaires ou copies (ctVT~pet~xx),
auxquels il s'oppose comme un original des copies plus
rcentes. Enfin, les recenseurs y pouvaient distinguer du texte
les corrections faites par la main du patriarche (o: cpQMs'EM~)
c'tait donc, semble-t-il, un manuscrit trs ancien, peut-tre
trouv par Photios dans la bibliothque patriarcale 1, et revis,
recens, annot par lui. Le Parisinus A nous donne une image
trs exacte de ce livre du patriarche il a peut-tre t copi sur
l'exemplaire mme de Photios, pour un de ses disciples ou de
ses amis, lorsque Photios l'avait dj corrig en certains endroits,
mais avant qu'il et mis toutes ses annotations 2. Ou bien
encore, le livre du patriarche n'tait pas un manuscrit ancien
(crit en onciales, il aurait t fort difficile lire au xe sicle et
plus tard), mais une copie trs soigne, excute d'aprs une
recension de Photios (comme plus tard le fameux Venetus E
pour Bessarion), puis revise et annote par Photios la clbrit
et l'autorit de cet exemplaire viendraient alors de l'autorit du
recenseur et de l'excellente excution du livre et le Parisinus
A driverait du mme archtype que le ~uye du patriarche. En
tout cas, il est extrmement probable que ce livre tait celui de
Photios, et il est certain que le Parisinus A et la famille de
manuscrits dont il est le plus ancien reprsentant (famille AT)
se rattache dans une certaine mesure Photios et aux travaux
philologiques dont il avait pris la direction l'tude des scholies
nous le montrera clairement.
1. Ce catalogue (11"~ TMv s~j ~xTu.~ pLovTj T~jc Xr~o'j MxTao'j K~oo~MTs-
c'ov E~[sxo[j.!VM'/~f.)v)a t publi par W. STUDEMur<D(~n7o~ 26, p. 168);
le manuscrit de Platon y est mentionn au n 56 Ao~otEMxprou; Mv i
~p/ Eu6'jSpMV ~pL OTtOU, "Tt VS'UTEpOV, M EMXpfXTS;'), K/pt TS
Me'~M~ 7J nsp! apsT~ s/E' p.o~ s~s~ )).
Voir ScHANZ, ~V. C.
P/ p. 107.
2. Nous avons dj rappel (p. 200, n. 3) comment Clarke le dcouvrit.
Quand il eut vu dans la bibliothque du couvent ce beau manuscrit de Pla-
ton, il dcida le Suprieur le lui vendre, ainsi que quelques autres. Voici
comment il raconte les dernires pripties de cette affaire (cf. ScHANz,
t/)[f/ p. 106-107) Le dimanche il octobre tout entier se passe dans une
grande anxit, car c'tait le jour ou le Suprieur du monastre avait promis
d'envoyer le reste des manuscrits achets par l'auteur la bibliothque.
Mr. Riiey avait quitt Patmos pour Constantinople, et nous commencions
craindre, comme le soir approchait, que son absence ne devnt pour les
moines le prtexte de la rupture du contrat. Vers le coucher du soleil, tant
sur le pont de notre caque et regardant vers la montagne, nous distin-
gumes un homme qui descendait le raidillon du monastre au port; quand
il approcha, nous vmes qu'il avait sur la tte une large corbeille et qu'il
venait vers le quai, en face de l'endroit o notre vaisseau tait l'ancre. A
son arrive, nous le vmes faire des signes pour appeler un bateau, et nous
lui envoymes le petit esquif qui dpendait de notre caque. Quand il tou-
cha notre bord, il cria trs haut qu'il avait apport le pain prpar pour nous
sur la recommandation du Capitan Pacha. Mais, en arrivant sur le pont, il
nous fit un clignement d'yeux significatif Le Suprieur, nous dit-il,
dsire que vous vidiez vous-mmes les corbeilles et que vous comptiez les
pains, pour voir si tout est bien. Nous comprmes l'avis et, avec notre
prcieuse charge, nous nous htmes vers notre couchette ayant retourn
la corbeille sens dessus dessous, nous trouvmes le manuscrit de Platon,
les Pomes de Grgoire de Naziance, l'ouvrage de Philon avec les autres
traits, les deux volumes contenant les notations musicales grecques et le
volume de .Ve~a/igres contenant le Lexique de Saint Cyrille nous les ca-
chmes tout de suite sous un matelas dans un de nos lits, et, ayant fait un
grand talage des pains, nous retournmes avec le panier sur le pont, en
donnant un gnreux prsent au porteur et en le chargeant de transmettre
au Suprieur nos vifs remerciements et de l'assurer que tout tait parfaite-
ment bien. L'ayant reconduit sur le rivage, nous ordonnmes notre capi-
taine de faire tous ses prparatifs pour mettre la voile le lendemain matin
et pour sortir du port aussitt que possible aprs le lever du soleil, car
nous avions l'intention de quitter Patmos. Ce fut une assez bonne
affaire. L'Acadmie d'Oxford pava 1.000 livres les manuscrits de Clarke.
d'Oxford l'achetait un bon prix. En 1812, Gaisford publiait les
scholies, de B, dans son Catalogue des manuscrits latins et grecs
du fonds Clarke de la Bodiienne (o B porte le n 39), et, en
1820, la premire collation du manuscrit 2, que Bekker repro-
duisait de confiance. Depuis ce temps, le Bodleianus a t colla-
tionn avec le plus grand soin par M. Schanz pour la plupart
des Dialogues, et M. Burnet pour les autres on en possde,
comme du Parisinus A, une reproduction phototypique.
Au cours du xix" sicle, ce manuscrit a t de mieux en mieux
connu, et, de plus en plus, les diteurs se sont attachs au jBod-
leianus pour restituer le texte des six premires ttralogies 3. A
l'exemple de Wohirab et de Jordan, Schanz ragit contre cet
engouement, qu'il avait d'abord partag, et proclame les droits
de la seconde famille (T), que d'ailleurs il sacrifiait un peu et
rabaissait au profit de la premire. On reconnat maintenant la
valeur du Venetus et de son groupe. Le Bodleianus a certaine-
ment des qualits minentes il ne les a pas toutes. K. Lehrs~ a
protest jadis contre l'idoltrie dont le Bodleianus tait alors
l'objet il a montr que ce manuscrit avait subi, dans certains
cas, les mmes corruptions graves que le reste des manuscrits
(Banquet, 175 A ejj.s pour e p.
etc.), et que, dans d'autres
cas, il contenait des fautes dont certains manuscrits taient
exempts (Phdon, 87 A B et T ont K-6ep.an Wet Olympiodore
ont conserv la bonne leon a:v:x-:t8sj~M == re~rac~o, etc.). M.
Schanz et J.-J. Kroschel ont fait remarquer l'abondance des
fautes d'orthographe 5 et des lacunes dans le Bodleianus. Les
lacunes sont particulirementnombreuses dans le TAee~e (208D-
209 A, etc.) et dans le Protagoras (312 E, 329 c, etc.). Les fautes
i.
1. T, GAISFORD,
T. Catalogus sive
GAisFORD, Ca<a~oyus Notitia Alanuscriplorutit
s:M~Vo<t<M qui a Cel. E. D.
.Ma/:MC/p<07'M:<jrutaCe~.J5'0.
C~ar/ce comparai w &tj&Ho<Aeca BoeHetans a(7scy'Ban.~uf'Pars prtor. Inse-
runtur scholia quaedam inedita in Platonem'etht CartntnaGregorilNazian-
zeni. Pour les scholies platoniciennes, voir p. 70-93.
3. Lectiones Plalonicae. E membranis Bndleianis eruit Thomas GAisronD.
Accedunt Ricardi Porsoni Annotata ad Pausaniam. Sur cette collation,
que Gaisford avaitfaite eni8!3, cf. ScHANz, JV. C. Pl., p. 108.
3. Voir H.ALHNE, <.c., p. 253.
4. K. LEHns,~e:MeSc/trt/'<e~(1903= article de i87C), p. 268-369.
3. M. ScHANz, Studien, p. 27-28; KaoscHEL, F~. /jH)., 123 (i88l), p. S34,
S36, et dans son dition du Protagoras (1882), p. 35-36.
6. M. ScHANz, tAM., p. 46 47, n. 1 p. 58 ~V. C. Pl., p. 417; KnoscHEL,
d. du P/'o< p. 35.
d'orthographe sont gnralement dues la confusion de lettres
onciales semblables, la rptition ou la suppression d'une
lettre, la sparation ou la runion incorrectes de mots ou de
syllabes, l'interprtation inexacte de certaines abrviations 1
quelquefois une correction nave du copiste se superpose ces
fautes. Par exemple, dans le Protagoras (315 c), B transforme
'A'/s?:TtM~o~ en 'Apur~M~, parce qu'il a mal compris l'abrvia-
tion de \)S ailleurs, il change ~og M\' en ~Mo-Mv, ~ou S'<] en f~ouS~,
CM'~ -:M~ en ~M~Mv, s'jS~ S'/j en o~s'/x Y;pMTM[~.s~ en ~pMTM p.ev,
c'jx. KXXM.; en o'j xfxAM. e~on xcc! o~ en e~oft StxatoOv, E~t0u;jn;x ~So-
VM-~ en gTtte'j~tx o'~Xo~M~, <x-:e/~ ' S~e en xTe S'P;X6'~ 'ce, x.<XT' dS-~] en
x~$7;, Xe~M en S'e~'M, (XAx ~M<; en o:AA :xT:AM~j jmvT6.; en 6!n<x~TS(;,
~pM-:o~ p.st en ~pM~sv s ~ot, X~yM en b X~yM~, a:ep3to'8gtev en (xOpot-
Tsnv,p.epM-cEp~ en ~.suMpst, EK~ Ts M!Ttv exv lE ~ene~v Te
MO'~ EKf TjT} TOUTO ~~6'/ (jEu<?/(7e/Ke, 280 D) en 0 ')) TO'JTM
1. [MM!SCH,0.f.,p.78,n.3.
2. IMMISCH, p. '78.
3. Cf. la scholie du Bodleianus et celle de Y sur ]'.E'u<A~pAron, 14 E (voir
plus haut, p. 278, n. 3) la scholie d'Arthas l'Apologie, 27 D, dans le
Bodleianus, et celle de l'u</t!/pAroM, 6 s, dans Y les apostrophes d'Ar-
thas Platon, en marge du Charmide et du Phdon, et celle du lecteur de
Y, en marge du Phdon, 71 D. Arthas est videmment moins partial et
plus distingu.
ment. Photios a donc pu tenir ce passage pour interpol, et le
noter comme tel recueilli dans Y, puis dans S, avec ce signe
d'athtse, le passage aurait t finalement effac par un revi-
seur minutieux 1. Dans le Gorgias (523 A, S23 s) et le Banquet
(178 B, 180 D, 181 E, 193 B, 197 a) le manuscrit S. a subi des
grattages du mme genre, sous l'influence de scrupules tholo-
giques on a voulu effacer les noms des divinits paennes 2,
comme Chumnus voulait corriger les noms paens des plantes.
A ces diverses prsomptions, on peut en ajouter une dernire,
que fait galement valoir M. Immisch. L'hypothse qui rattache
le Flor. S (et le Paris. Z) la tradition Y est. extrmement vrai-
semblable. Or le Flor. 3, dans les Lois, ne drive peut-tre pas
du Va~:c. 0 et par suite du Paris. A, commele pensaient MM.
Jordan et Schanz 3. Dans l'Eryxias, le texte de diffre sensi-
blement du texte de A dans les Lettres, S se rapproche davan-
tage de A, mais certaines scholies ne se trouvent que dans et
font partie du groupe des scholies propres T W S dans les
Lettres, les apocryphes, les Lois, le Flor. a quelquefois des
scholies dont le dbut seul est dans A, ou bien des scholies qui
figurent galement dans A (Lois, XI, 915 B xfxOmq sv TM 'npo
-couTou T!:o!ps6e~Ee!x), mais supposent une autre source que A (car
les scholies des Lois, dans le Paris. A, ne prsentent rien qui
permette de comprendre ce ~pb Tou-rou nous trouvons seulement
dans le Flor. S, au livre IX, 880 D, la scholie que ce ~pb fOtjTou
rappelle). En se fondant sur ces divers indices, M. Immisch
conclut que S ne drive pas de A, et que les leons communes
0 et 3, trangres A, ont leur source dans une recension appa-
rente, mais non pas identique celle de A 4. Dans ces conditions,
si la tradition Y, dans les Lois et les uvres suivantes, se rattache
une tradition voisine, mais diffrente certains gards de
celle qui a donn naissance la tradition A, on peut supposer
i. htMtsctt, p. 83, n. 1.
2. JoRDAX, J~jb., supp~. 7 (i875), p. 640 ImtiscH, p. 77. Cf. les
suppressions de ['A~~e~tens; recueil de morceaux choisis et expurgs.
3. JonDAN,e;-MM,12(1877),p. 161 ScHA~z, .P~ococfM; (1877), p. 9S-97.
4. iMtuscH, p. S4-S9. Notons encore un indice de cette parent dans
le Parisinus A, le .FYor. 8, le it~<a<es<f's/ms et l'.An.yeL u, l'y.rtas est inti-
tul 'pu~K; TJ 7;spt n).ouTou, avec la variante ev K~M 'EpaataTpa-cog
(c'est--dire le sous-titre mentionn par Diogne Larce) iMMiscH, p. 90,
n. 2.
que les autres dialogues du V~nc/o~onen~M Y sont dans le mme
cas, que la tradition Y tout entire nous prsente un texte
recens au ix'' sicle ou au x", que cette recension est analogue
celle que nous connaissons par la tradition AT 1, et qu'on y trouve
certains vestiges des proccupations thologiques et de la fer-
veur aristotlicienne de Photios et de ses disciples.
Deux recensions de cette poque nous sont attestes par nos
manuscrits le livre du patriarche, dont nous avons parl pr-
cdemment, et la diorthose de Lon le philosophe. Ce dernier
est mentionn dans le Valicanus 0 (du x" s.) 2 et dans le Floren-
tinus (59, 1)~, qui portent, en marge des Lois (V, 743 B), la
note: ~sXo!; TM'/ S~pQM 6sf':M~ 'J~O TOU OLAOC't'BOU AeoVTOi;
Or Lon le philosophe est encore un disciple de Photios, qu'il
commmore dans une pigramme' Il fut nomm professeur de
mathmatiques a l'Universit de Constantinople par le Csar
Bardas, et se fit particulirement connatre sous le rgne de
Lon le Sage (886-911). Amateur de philosophie et de sagesse
profane et, sans doute ce titre, accus d'impit par son dis-
ciple Constantin, il se disculpa en maudissant les Hellnes H,
c'est--dire les paens, qu'on lui reprochait d'aimer avec trop de
ferveur s. Sa recension, celle du patriarche, d'autres encore
peut-tre, auraient laiss des traces dans la tradition Y~. A vrai
t. IMMISCH, p. 82-83.
2. RABE, Rh. M., 63 (1908), p. 235.
3. IMMISCH, p. 49.
4. Dans le Valic. y;1031 (du xni'' s.), une note analogue se trouve au
mme endroit ~syp:; MSe u!:o roS o!).o<ioTou B'.MpQMBT]Aeo'/TO~; la mme main
(du xiv" s.) a galement ajout au texte beaucoup de variantes (RABE, l. c.,
p. 238). L'ordre des dialogues, et en particulier des apocryphes, dans le
Vatic. 1031, est identique celui du Flor. S ce manuscrit se rattacherait
donc ainsi au groupe Y. Dans )e Vatic. 0, la note est de 3e main (xie s.).
5. KRUMBAcnER, (~esc/(7c/f/2..Lt.s, p. '722-723.
6. ID.2, p. -722-723.
7. Cette tradition Y se retrouverait encore dans le Ma/a<es<MMS (manu-
=
scrit de Csne, plut. 28, n 4 M de Jowett-CampbeItet Burnet) et l'An-
~e/t'c~s C, 1, 4 (iz de Bekker). Ces deux manuscrits sont troitement appa-
rents, et de contenu presque identique, aussi bien pour les dialogues de
Platon que pour les additions ces dialogues. Le premier renferme les
sept premires ttralogies, prcdes, de la t ie de Platon par Diogne
Larce (avant celle-ci, une main ptus rcente a transcrit le Prologue. d'At-
binos) les sept apocryphes le Clitophon, le Time de Locres le
Time, le C/'<<t'as, le A~os, les Vers dors de Pythag'ore, la .Repu/~K~ue,
avec des scholies de deux mains. Le second renferme les sept premires
dire, nous en sommes rduits, sur ce point, des hypothses
celles de M. Immisch, que nous venons d'exposer, forment un
ensemble cohrent et paraissent assez vraisemblables. Cepen-
dant, les dialogues contenus dans le recueil Y ne semblent pas
toujours apparents la famille AT, comme l'exigerait cette
hypothse. M. Schanz rattache la premire famille le C/'a~e,
le Banquet, le dbut duPAedo~ et la famille WleGon~as, le
Mcnon, le Grand ~ppzas'~ enfin, dans, le T~mce, le V~doA. Y
se sparenettement du Pa/'<s.A~. Si le V:ndoj&o/tc/M:sY lui-mme
n'a peut-tre qu'une source, le recenseur qui a constitu la tra-
ttralogies, les sept apocryphes, les Vers dors, le <t Time de Locres
(c'est--dire les mmes uvres que le Parisinus B, o cependant le Time
de Locres est incomplet Schanz drive u du Par. B). Immisch rapproche
ces deux manuscrits du groupe W de la troisime famille. Mais, pour le
sous-titre du Criton, M et u s'accordent avec T, Y, S, etc.~ept KpaxTo~)et
diffrent de Wr* (~spt roS tcpax~ou) et du ms. de i~tnas. (K6p! roB xpaxi~ov)
pour le sous-titre du Thags, M et u s'accordent avecT (xep~ ao~~s) contre
Wr' et B (~spt (TM~podu~T);); ils se trompent sur le sous-titre du A*H:pp:as
!Mo: Tou xotou), comme Wr', mais aussi comme T; aprs le Men&c~e, ils
portent: TEAo; rou KpMioM ~[SA~ou, comme le Yenetus T, le Flo.r. a, etc.; pour
l'E;a":as, ils ont le mme sous-titre que le Paris. A et le F7o<'e/t<. 8; dans
le texte de l'Ucyo/t, ils prsentent assez souvent des leons identiques
celles du Vind. Y dans la Rpublique, le texte du .Ma~es~aMS est extr-
I. P. 3t3, d. Hermann.
2. ConN, p. 7'77-778. Nous prciseronsplus loin la nature de ces sources.
3. Voir COBET, Mnemosyne, N. S., 11 (1874), p. 88 (surl'~&~ro~, i4 E);
ScHANz, Philol., 34 (1875), p. 374-375 (sur l'Apologie, 27 D, et le C7tarm:d'e
155 o) METTAUER, o. c., p. '11H (cf. CoHN, o. c., p. 778-780) . MAASs, dans
les Mlanges Graux (1884), p. 759 (sur le Charmide 1S9 D, etc.).'
4. Nous avons vu que le Vind. Y portait au mme passage une note
d'inspiration analogue.
batitudes rserves aux hommes de bien il conclut peu prs
ainsi nous devons, en vue de ces batitudes que j'ai dcrites,
faire tous nos efforts pour tre vertueux et sages pendant cette
vie. Et Arthas de s'crier Quelle ide te prend, toi qui
prcisment ne veux donner la vertu d'autre fin qu'elle-mme?
Tu chantes, pour ainsi dire, la palinodie, et, en change de la
flicit future, tu vends ce qui dans la vertu ne peut pas se
vendre. Ou bien tu oublies tes dclarations antrieures, ou bien
tu n'as pas rflchi x
Le mme lecteur marque son mpris
pour les divinits paennes en cette brve note de l'Apologie de
Socrate, 27 D (passage o le texte, videmment, n'est pour lui
qu'un prtexte) Tu as bien raison, Socrate, de comparer des
nes et des chevaux les dieux des Athniens. Puis il exprime
un naf tonnement (Apologie, 31 c-D) Pourquoi le signe
dmoniaque de Socrate, dont quelques-uns disent qu'il est un
cho (intrieur), sort-il aussi de lui-mme pour frapper son
oreille ? Peut-tre faut-il encore lui attribuer des scholies
qui indiquent brivement le contenu de tel ou tel dveloppement,
comme celle de la fin du Lysis c~otxsMXxtMTt.; e'MXoytXYj (rcapi-
tulation pour conclure) 2, et quelques remarques grammaticales
lmentaires.
Ces scholies de main a contiennent en outre des extraits
d'oeuvres lues, semble-t-il, par l'auteur mme des scholies. M.
Cohn met dans ce groupe celles du Sophiste 216 A (tire de
Sirahon, VI, 2S2), de l'Euthyphron2 A et du Phdon 59 E (d'a-
prs Pollux VIII, 90 et 102), du T~e~e 146 A et du Lysis
206 E (d'aprs Sutone, T:ept -:5~ ~p' 'TEXX'<n '~<x'Mv)
Restent enfin les scholies plus anciennes, que le copiste a d
transcrire de son modle. Une assez grande partie de ces scholies
se retrouve dans des manuscrits d'une autre tradition. Le reste
est particulier au Bodleianus. Dans ces conditions, si l'on admet
un archtype commun tous nos manuscrits et cette hypo-
thse nous a paru trs vraisemblable on doit croire que ces
SpK~ G: y.s!TX~. TCXpCt llANTM~t), 218 B (ot XXt E~~ TSU SpMTOt; TOU T;pb<;
:A:0-CS[3!~ p..X'~X~ O~O~~et)
Mais il est fort alatoire 2 d'attribuer son activit personnelle
des remarques sur la grammaire (syntaxe des cas, des modes, des
propositions), l'atticisme de la langue, les figures de rhtorique,
dans le genre de celles-ci .E'H</t~pAron 3 A (oYj~MTOM Sta
7j\~x:tv, no/e~ la cons~uc~'OK) et '13 A; Cratyle 403 E; T/te<~e
t H2 c Banquet 189 A Gorgias 472 E (sur sT:<B~E~ ou<; 'xp:
et de mme
-;x.:); Euthyphron 5 A (sur Xs~o'~cc /t0<e.s qu'il
n'a pas employ le datif dans le reste de la phrase, mais qu'il a
introduit l'accusatif x), 't5 A (sens large de pn), Phdon 103 B
(sursx~ notez ~nc~ca<au lieu du ~u~/onc~M), Apolo-
gie 21 E (es:xs'. sous-entendu dans le second membre, devant
'-M'~), 28 c (emploi du datif avec T'MpS) d'autre part ~u~/n/-
phron 4 D (o le scholiaste signale, suivant les classifications de
la rhtnrique, une mtalepse et une <xvn6eo'n; cf~TeYXA'~iJKXT~)
~U</<)/t.r0/! 7 B (xKxXAXYS~.e~ 'ATty.S~, CUYXSTTTJ TOU Y; 7j)M:'Ca
X~LYpM'~ ~eySTX'. OS TOUTO CM! TO S~.V~StL TO~ 'S C~XO~T(X XOH TGV
~SUYS'~TCf~VtOt S
S a:~TM;J.:Ct~ MJ~ TTjV ~t
~px~~at?~ X~XpTUpOt.; X~
a'~YYpx'BOn e'~ opxo~ T:ept'.o";o!v 0~.7;~ afAXct OTav sfCt OY)~oTtM
j:YM~t s'x'~TC~.e~o'J '0!;
x<x;~e~, 6 <x~tS~xo-; x'~o~u'~T.xt <p(Xo'XMV
~pOT7:CLsM)~ KJTO~ X~ ~Spt TO'JTOU St.XKj~~MO'tV ot ~!XO'T:Kt~. Et
dans le Ve~e~usT x'~TM~ss'~ e~~ 3~
Ae~e'r.xt, ~ 1:0 o~u~a:
EXKTepsu! T:~ EYXKAouvTX o-ct -~Stx'~x' -:bv ce EYXxXoup.s~a~
Y;C'.X'~X~Xt. 0~ OS 0:~TM~.O<7t!X\' TY; ~t ~pXY~.K'7~ (X~pTUpOt; XfXt 0:
s'j'-j'pxso~ e'~ opy.o~ ~spL'.cifX[jm' o~v, ec' o~ s! xp~x~ S3~<x~o'j<y'.v.
~~LSt 0-!X~ S;~ 37);J.:mM C:YM'~ <7X'~T!1:3~VO'J ':t~0.; XK~ 6 tX~T~tXO.;
X~TO~'J~Ta' SXTXM'/ ~~p0<7~0~e?c9x~ K'JTb~, XXL T:6pt TO'JTSU StCfXxp.x-
1. Cf. CoHN, p. 803. Nous venons de voir que Photios avait fait lui-
mme diverses additions l'jE'~mo~oytcu/M </enu!M/n il y avait transcrit,
en particulier, un article Kspu.~xo;, emprunt aux scholies d'Aristophane
(REtTZENSTEt~, Gesclt. der yr. ~<M., p. 54-55). Il a pu faire de mme, dans
son Lexique, pour les scholies de Platon et, avant lui, la Eu'~M-p} s'est
enrichie de la mme faon.
2. Voir dans CoHN, p. 803, la liste de ces diverses gloses de Photios.
SAuppE (~. c., p. 1629) en cite dj trois exemples.
3. M. ScHMtDT (Quaest. ~M~/c~ p. cxi sqq.) a le premier appel l'atten-
tion sur la concordance des gloses d'Hsychios et des scholies de Platon,
et sur l'utilisation de Diognian par le scholiaste.
4. Il faut ajouter la scholie du Lysis, 206 D, qui ne se trouve que dans le
Bodleianus. Peut-on supposer que les manuscrits antiques et l'archtype
portaient des scholies tires de Diognian, et que la famille B n'en a gard
que quelques-unes ? Rien ne permet de donner une rponse dcisive.
5. Le xx! nous indique que le nom de Diognian a t ajout une glose
antrieurement existante.
Diognian, et conserves aussi dans nos manuscrits. D'aprs
M. Cohn toutes les scholies (et les gloses d'Hsychios corres-
pondantes) qui contiennent l'explication d'une expression spcl-
fiquement platonicienne ou se rapportent a un passage dtermin
de Platon, remontent des scholies ou des commentaires
antiques sur Platon . Sinon, c'est Diognian qui a t compil,
surtout quand l'explication du scholiaste ne convient pas tout
fait exactement au passage de Platon.
Sans doute, ce principe est un peu trop rigoureux en l'ap-
pliquant la lettre, on risquerait de grossir outre mesure le
nombre des scholies antiques. Mais il peut au moins servir a
nous orienter dans cette recherche. Nous pouvons tre srs, en
tout cas, que certaines explications contenues seulement dans
les gloses d'Hsychios proviennent de commentaires antiques
sur des passages de Platon par exemple, la glose \~a<; se rattache
explicitement Platon (Gorgias 463 N). Un bon nombre des
scholies. dont M. Cohn a dress la listel peuvent donc tre
regardes comme antiques. Diognian les a-t-il puises directe-
ment aux commentaires ou ditions commentes, ou les a-t-il
tires d'un recueil de Xs~tc platonicijennes? Il a sans doute us
des deux procds. Il a d faire des emprunts au lexique de
BoETHos, mais beaucoup moins souvent que ne l'avait suppos
Naber~ ainsi qu'au lexique de DiDYMOS, sous sa forme primi-
tive celui-ci, par exemple, est peut-tre la source commune
de Diognian-Hsychioset du scholiaste antique pour la notejie
l'.E'u</M/(7e/Me 303 A (-M wv ~3~6~ XEYop-e~).
Enfin les lexiques platoniciens eux-mmes peuvent no!s
mettre sur la trace de scholies antiques. Assurment, le lexique
de TmE a t utilis l'poque byzantine, comme le furent les
recueils gnraux de Diognian et des Atticistes. Le dbut de la
1. COHN,p. 787.
3. Io., p. 787, pour les concordances avec les gloses platoniciennes)'
d'Hsychios p. 788, pour les concordances avec ses gloses non-plato-
niciennes . Ainsi, les scholies du Lachs 191e (~(-po~opot;) et du CAay-
MM/e 161 E (si~YY~), qui correspondent cette dernire catgorie, seraient
antiques. La seconde ne serait pas tire de Diognian, car la glose d'Hsy-
chios est plus pauvre que la scholie. Il faut d'ailleurs noter que, dans ce
cas particulier, le raisonnement de Cohn n'est pas absolument probant
car Hsychios a complt un abrg de Diognian, et telle glose peut avoir
t plus tendue dans celui-ci que dans Hsychios.
3. Voir CoHM. p. 783 sqq. surtout p. 786. 797.
Suhoile de l'A~A/'Wt 4 <: ~;A.X- X'/T't ':p:OM~ XX'~ UT~pSIM~
y.x~ T:TK:X~M~) concide avec la glose de Time telle qu'elle tait
lue par les Byzantins (nous trouvons dans Photios et Suidas la
mme addition fautive de xa:t). La scholie de la Rpublique 531 B
'xsAA:~M\') est une contamination des gloses de Time (xo/J~xot)
~t de DIognian (y.:A/s.:) et de mme pour celle de la /?e/)H-
A/~</e IY 429 H ($s'jTBTr:M'/). Mais les concordances doivent
souvent s'expliquer par un emprunt de Time des scholies dj
existantes et nous dclent ainsi des scholies antiques. Quelle
est la proportion de celles-ci dans l'ensemble ? Il est impossible
de la fixer avec prcision. Dans les exemples cits plus haut, la
corruption ou la contamination de certaines scholies byzantines
rvlent immdiatement leur relation au lexique de Time.
M. Cohn pense que, sauf les cas o nous avons une raison sp-
ciale pour les croire extraites de Time, toutes les scholies pr-
sentes la fois dans nos manuscrits et dans Time 1 sont
antiques. En fait, nous n'avons pas de critrium pour en dcider
indubitablement. La comparaison du lexique de DtDYMOS et
de nos sclolies nous conduit des rsultats analogues. Pour
tout ce qui concerne ces concordances et celles qu'on relve
entre nos scholies et Hsychlos; Photios, Suidas, les lexiques
spciaux le triage des scholies diverses et la dtermination
de l'origine et des rapports mutuels des divers lexiques byzan-
tins et antiques sont deux problmes troitement lis plus
s clairera l'histoire des lexiques, mieux on pourra discerner,
dans notre recueil, la part des scholies anciennes et celle des
scholies byzantines.
Les deux lexiques platoniciens de BOETHos avaient galement
tir parti de commentaires antrieurs. Connus de Photios, qui
nous en donne l'analyse, ils ont, eux aussi, laiss quelques
traces dans nos scholies. Le problme du triage des scholies
byzantines et des scholies anciennes est, cette fois, plus difficile
encore rsoudre avant de dterminer ce que les scholies
doivent Boethos ou Boethos aux scholies, il faut en effet savoir
exactement ce que contenaient les deux opuscules de Boethos,
autrement dit, ce que les lexiques byzantins leur ont emprunt.
tique'.
342
-j: -x -x ~x~T~T-x: Tx' Aupx:; ceUe du C/:t'< 2~ D
~x-wj. qui deriverHitde Pausanias part'etintermedia.h'e: oetle du /V)~c.
'Ap~o'j
1. Voir plus haut ce que nous avons dit du groupe Y. Cf. PEIPERS, Quaest.
c/'t<. de Plat. Legibus (1863), p. 43 MMisCH, o. c., p. 48 sqq. RANGEL-
NLSSEN,A~-c7. Tisskr., 111, 12, p. 131 BunNET, Plat. Op., t. V, Prf.,
p. 3.
2. Cf. JonDAN, /yer/MM, 12 (1877), p. 167-169; lMM;scn, o. c., p. 48. C. RIT-
Tm (./a/t/'M&ertc/:<, 1912, p. 126, 1) neconsidre pas cette drivation comme
prouve.
3. ScnANz, ~/t. M., 33 (1878), p. 306.
4. Le Vat. gr. 1 se trouvait jadis la Bibliothque Nationale Bekker le
consuita Paris et le nota sous le n 796. En 1815, il fut donn la Vati-
cane, en change de deux manuscrits, un de Nithard et un de Virgile, qu'on
avait enlevs aprs le trait de Tolentino et qu'on ne rendit pas. Angelo
Mai, prfet de la Vaticane, lui attribua le n I. Ce changement de numro
droba le manuscrit aux recherches de Schanz, Jordan, Immisch, Burnet
il ne fut identifi qu'en 1908, par H. Rabe.
5. IMMISCH, o. c., p. 39 sqq. cf. plus haut, ch. V.
6. Dont une grande partie a disparu accidentellement (de 60 A exEtVTjv.p.sv
Ct :) 106 E 7:X~TO.; U.S/.).0'/).
7. Bekker en a donn une collation pour le Me/ton et le
Grand Btpp!'as,
Burnet pour le Gorgias et les extraits du Time. E. Diehl signale l'troite
parent de A et de P dans le Time de nombreuses leons ne se trouvent
que dans A et P et dans Proclos (Rh. M., 1903, p. 260). P n'en reprsente
pas moins une tradition diffrente.
la partie ancienne du Venetus app. c~
4, 1 (T), copie sur le
jPa~tSt/tHs A'; enfin le Tuj~n~e/MMM b 14 (C)~, qui contient un
choix de sept dialogues: .S~o/t, C/on, Phdon, Pr/ne-
~ncfe, P/'p~?Mey Alcibiade, Second Alcibiade, Time pour les
six premiers, il est trs troitement apparent B, dont il drive
peut-tre directement; pour le Time, il semble se rattacher au
groupe Y (dont il serait le plus ancien reprsentant), tout en
divergeant notablement du Vindob. Y lui-mme Dans l'Z?u~
/)/i.ron, un quaternion plus rcent, et d'une criture malhabile,
prsente le texte de la seconde famille . Une main rcente a mis
le titre -:x p-p: (et non rx e~a:) Tou HXfXtM~o comme dans le
Parisinus A, le changement d'interlocuteur est marqu par le
~syay/'apAe~.
Au xn" sicle appartient le Venetus 185 (D) dont la pre-
mire partie, renfermant les quatre premires ttralogies, drive
du .5od~eM/M et n'a pour nous aucune valeur critique la
seconde (Clitophon et la Rpublique), qui se rattache peut-tre
4. U. v. W;LAMowiTz,E:f:M.r/'ay.,p.l94--t95;A.GEMKE, dans
Die A~.tu. t'n: <e<=<e~ Vte<e/M<. de KROLL, p. 800-801 et dans l'Einleit.
deGEncK): et NonDEN, f, p. 45; VOJGT, o.c.,11, p. 382.
copies qui ne reprsenteront plus aucune tradition pure. Rien de
plus naturel que ces collations pour nous, depuis l'usage exclu-
sif des livres imprims, les manuscrits sont des documents d'ar-
chives, que nous respectons comme tels avant l'imprimerie,
c'taient des livres courants, dont les possesseurs amlioraient le
texte et enrichissaient les annotations. Ce travail de rvision
tait presque toujours indispensable. On n'avait pas la certitude
de trouver les ouvrages d'un auteur au moment o on les dsi-
rerait il fallait saisir les occasions, acheter, transcrire ou faire
transcrire le premier manuscrit qu'on rencontrait l, quitte le
corriger ensuite au moyen d'un meilleur2 ou par des conjectures
arbitraires. Cet clectisme emmle pour nous les fils de la tra-
dition, cet arbitraire les brise. Dans la masse norme des manu-
scrits copis du xm'* au xvi'' sicle (sur les 147 manuscrits nu-
mrs par Wohirab~, il n'y en a pas plus de 10 qui soient ant-
rieurs au xiir* s.), il nous est extrmement difficile de retrouver
des. groupes dfinis et de reconstituer des familles. Il faut renon-
cer l'image d'un arbre gnalogique aux branches distinctes,
la forme rgulire et symtrique, et reconnatre beaucoup de
croisements et de mlanges. On a mme pu soutenir la raret
des cas o un manuscrit platonicien ne drive que d'un seul
autre et la perptuelle interdpendance des diverses formes de
la tradition au cours de l'histoire du texte.
1. Cf.WoHI.RAB,~h<On/:SS., p. 652.
2. iMMtSCH, p. 95.
3. ScHANz, Platocodex, p. 92.
4. Voir plus haut, p. 288.
S. Voir plus haut, p. S90, n. 2; SCHANZ, Hermes, XI, p. 112 sqq.
6. JORDAN, De cod. Plat., p. 611; ScuANz, :2)M., et ~a~oooc~ea:, p. 54,
n. 4.
7. ID., ibid., p. 56-87, 63, 64.
8. le.&td., p. 63.
9. SCIIANZ, Hermes, X, p. 172 Philol., 35, p. 647.
10. Voir plus haut, p. 389; j'entreprendrai sur ce point des recherches
spciales.
et le Coislinianus IS5 (F), qui drivent du Venetus T~, et
auxquels se rattachent les autres exemplaires de la
famille;
le Laurentianus 85, 12 (d ou 8 de Stallbaum),
et le Darmstadinus, venus de F~;
le Parisinus 1809 (C)
les Laurentiani 85, 6 et cod. abb. Flor. 2795 (b et i),
venus du Par. B 3,
et probablement le Barberinus 371 (y);
le Ricardianus 65 (g)
l'Escorialensis y 13,
et le Vaticanus 227 (n).
Enfin la troisime famille comprend 5 manuscrits
le Vindohonensis 54 (W), et les manuscrits qui en drivent
le Vene~ 184 (S)~;
le Zo~)cou!c:anus
le Va~ca/~us 1 029 (r),
et l'Antverpiensis (R. de Bekker)
En dernire analyse, pour constituer le texte du Phdre,
nous choisirons les trois manuscrits B, T, W, qui reprsentent
chacun une tradition pure et indpendante.
1. ScHANz,A/us.,33,p.6i5.
3. Les Eclogae ont t rdites par Fischer en ~T"7i.
3. JoRDAN, De cod. Plat., p. 639; iM~nsen, De rec., p. 78, n. 2.
4. Le premier volume comprend trois syzyg'ies l.E'u</M/~A/'on,po~o-
~/te de Socrate, Criton, Phdon; 3 Thags, Rivaux, Thtle; Sophiste,
second
.E'[/<</c/cme, correspond Petit
volumef/'o/ag'oras, //tppias syzygic
.Pe<<< quatrime 3" C/'a<e, Gorgias, 7o/ Le
Go/'grtas, Ion. Le
second volume correspond la quatrime syzygie Philbe, :rylnon, Pre-
mier Alcibiade; Second Alcibiade, C/:ar/Mt(/e,I,~sM, //tppa;'yue; ~n~a'enF,
Politique, Minos, Rpublique, Lois, ~'p:7:o/Hts. La cinquime syzygie
comprend le 'T!Me, le Critias, le Payme/nc/e, le Banquet, le Phdre, le
Grand ~tpp:as; la sixime les Lettres, les apocryphes (avec leC~opAon)
et les Dfinitions.
3. Cf. ScHMiDT, C., p. 494-H08.
avaient t fondus d'aprs les dessins d'Ange Vergce, l pre-
mier calligraphe du tempsl.
Tous ces diteurs ne mettaient en uvre qu'un nombre trs
restreint de manuscrits, ceux qu'ils trouvaient leur disposition
leur critique tait la fois clectique et conjecturale. Il en est de
mme, deux sicles plus tard, de FtSCHER (diteur de II Dia-
logues, 1760-1776 il se sert du Tubingensis) et de HEiNpORF
(diteur de 10 Dialogues, 1802-1810), l'un des exgtes de Pla-
ton les plus rudits et les plus ingnieux. Avec Iinmanuel BEK-
KER~ commence une priode nouvelle. En j,8'li, il collationne
50 manuscrits Paris, o les conqutes de Napolonavaient ras-
sembl les trsors des bibliothques d'Europe, et 27 en Italie
(1817-1818). Son dition (1818-1823) se fonde sur ces 77 manu-
scrits, dont les variantes sont notes dans les Contme/~a~s cri-
tica (2 vol., 1823), et sur le Bodleianus, dont Gaisford lui avait
communiqu les leons. L'dition de Bekker fait poque. Fr. Ast
en reproduit le texte. SALLBAUM complte le travail de Bekker
sans l'enrichir extrmement il se sert de collections faites: sur-
tout Vienne et Florence (par Bast, de Furia, etc.), mais les
publie fort ngligemment
Dsormais on va se fier avant tout aux manuscrits, et graduel-
lement reconnatre ceux qui sont indispensables, liminer ceux
qui sont inutiles. Chr. Schneider, dans son. intressante dition
del ~epuA~yue(i830), se sert du Vindobonensis F. Les di-
teurs de Zurich (Baiter, Orelli, Winckelmann) se fondent uni-
quement sur des manuscrits de la premire famille (Bodleianus,
Venetus D, Vaticanus A @). K. F. Hermann proclame haute-
ment l'excellencedu Bodleianus et veut en faire son guide HTU~ue,
pour les six premires ttralogies. Cette. idoltrie pour le Bod-
leianus rouvre la porte la critique conjecturale, que la mthode
de Bekker visait liminer le plus souvent possible. Aussi
MAXL'SCRn'S BEKKHR
STALt.HAU)!
et
ScHXEfDER
ScHA~Z Ut'n~ET ~Tf.f.-e~s
PROPOSES
Paristnus~
Bodteianus39. A
4
t'ans.
Bodl.
A
P.
A
B
A
B
VencLusapp.cL4,t. t T T T
Vindoboneusis~4. \'ind.t
183.
Tubingensis.
Venetus Il
Tubin~
Ven.b
1
FI
V.puis\
C
!)
N\' W
C
D
(:
))
189.
PalatinusVaticanust?~
\'in<:tobonensis3t.
Venetus
Vindobonensis.'iH.
Vatieanusgr.I.
l'
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Pa).A
Vind.
Veu.a~t
F!Sc)[ii.)
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Malatestianus.
Ang'pUcanus CI'). ~t M
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Parisinus3009. Z X
Vaticanust029.
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etc.).
TABLE DES MATIRES
Cn.u'iTRE [. Le
partieHes.
public de Pialon. Les premires ditions
Byzance.
III. Le texte de Platon l'poque hellnistique. Nos
premiers papyrus. L'dition d'Aristophane de
l'antiquit.
I.es papyrus. La tradition indirecte jusqu' la
fin de 104
[x''sicle.
L'archtype des manuscrits mdivaux. La tra-
sicte.
dition manuscrite et la Renaissance byzantine
du
VL Les scholies de Platon et la Renaissance du ;x"
174
Ap['EM)!CE.
mes.
!L Renaissance byzantine et Renaissance occiden-
tale. Manuscrits secondaires. Editions impri-
281
MACOX, t'ROTAT FH:RES, )5t:t!MBURS