Revue "La Voie" N°27, Par L'abbé Sédévacantiste Francesco Maria Paladino
Revue "La Voie" N°27, Par L'abbé Sédévacantiste Francesco Maria Paladino
Revue "La Voie" N°27, Par L'abbé Sédévacantiste Francesco Maria Paladino
Numro 27
Tl: 06.14.40.47.25
viadei@aol.com
Revue La Voie
12 rue Jean Milon
35000 Rennes
http://sedevacantisme.free.fr
sedevacantisme@yahoo.com
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Sommaire
Le Vatican pris en porte--faux par lEtat italien
Le sdvacantisme et le conclavisme
La vnrable Elisabetta Canori Mora
La mtamorphose du modernisme
Ce quest lexistentialisme
La doctrine thomiste
La divinisation radicale
La gense du no-modernisme
Une nouvelle ecclsiologie
Lvanglisation comme libration
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Le Vatican pris en porte--faux par lEtat italien
Un des sujets de lexamen de maturit, le baccalaurat italien, portait
sur les transformations apportes par Jean XXIII et le concile Vatican II
lhistoire de lEglise.
Voici le libell du sujet que les tudiants
devaient traiter : Selon un jugement
historique largement partag, avec le pape
Jean XXIII, lEglise a abandonn les phases
les plus pres de son opposition la
modernit, comme par exemple les
sentences du Syllabus et lexcommunication
du modernisme. Dans le mme temps, elle a
commenc un long travail, qui a trouv son
apoge Vatican II, dans le sens du
dialogue cumnique avec ceux qui sont
loin et ceux qui sont spars et dans celui de
la confrontation avec un monde ouvert aux
perspectives politiques modernes. Illustrez
cette importante phase de lhistoire de
lEglise et le rle quelle a eu dans le
contexte italien et international .
Il est clair que le rdacteur de ce sujet envisage comme un fait acquis la
rupture existant entre les ides de Vatican II et celles du Syllabus.
Cette formulation du sujet a suscit une critique du Vatican publie
dans LOsservatore Romano du 21 juin 2002 qui dplorait le jugement
discutable sur une priode complexe de lhistoire de lEglise avec des
termes objectivement ambigus, contradictoires et simplificateurs .
Sil est vrai que le Vatican singnie affirmer quil ny a pas de
rupture entre lEglise du pass et les nouvelles orientations, mais
seulement une adaptation aux exigences des temps modernes, un
aggiornamento, il est vrai aussi que si lon consulte les crits dun certain
Secondo un giudizio storico largamente condiviso, con Papa Giovanni XXIII,
la Chiesa si lascia alle spalle le fasi pi aspre della contrapposizione alla
modernit, quali ad esempio, le pronunzie del sillabo e la scomunica del
modernismo. Si avvia al tempo stesso un lungo travaglio, culminato nel
Concilio Vaticano II, teso al dialogo ecumenico con i lontani e i separati e al
confronto con un mondo aperto a moderne prospettive politiche. Illustra questa
importante fase della storia della Chiesa ed il ruolo che essa ha avuto nel
contesto italiano ed internazionale.
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nombre dauteurs modernistes moins sournois, ou mme ceux dautres
personnalits, ils rejoignent la constatation faite par le rdacteur du sujet
donn aux bacheliers italiens. Voici quelques citations illustrant notre
affirmation.
Le Pre Congar, en
disgrce sous Pie XII et
thologien au concile
sexprime ainsi : On ne
peut nier quun tel texte (la
dclaration Dignitatis
human) ne dise
matriellement autre chose
que le Syllabus de 1864 et
mme peu prs le contraire
des propositions 15, 77 et 79
de ce document .
Ce qui est nouveau dans
cette doctrine par rapport lenseignement de Lon XIII et mme de Pie
XII, bien que le mouvement samort alors, cest la dtermination du
fondement propre et prochain de cette libert, qui est cherche non dans la
vrit objective du bien moral ou religieux, mais dans la qualit
ontologique de la personne humaine .
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Le sdvacantisme et le conclavisme
Les derniers actes de Jean-
Paul II, comme la reconnaissance
de la validit de la messe de
lglise schismatique syriaque
dans laquelle il ny a pas de
formule de conscration, le coran
embrass, la dernire runion
dAssise le 24 janvier 2002,
rendent de plus en plus
indubitable labsence de son
autorit.
Si, dans les annes soixante-
dix, on pouvait encore se poser des questions, aujourdhui il est vident
que Jean-Paul II ne peut pas possder lautorit. Il ne sagit mme pas de
savoir sil est hrtique ou non. Cette tape est dpasse depuis un certain
temps ; actuellement on se trouve devant une nouvelle glise, btie depuis
le concile et qui na plus rien de catholique. Les modernistes eux-mmes
clbrent, la suite de Jean XXIII, une nouvelle pentecte. Or, si la
premire et unique Pentecte a t le dbut de lEglise catholique, parler
dune nouvelle pentecte, cest parler dune nouvelle glise que les
modernistes eux-mmes appellent glise conciliaire.
Mgr Lefebvre le disait dj dans sa dclaration au Figaro publie le 4
aot 1976 : ... Dans la mesure o le pape sloignerait de cette
tradition, il deviendrait schismatique, il romprait avec lEglise. Les
thologiens comme saint Robert Bellarmin, le cardinal Journet et bien
dautres ont tudi cette ventualit. Ce nest donc pas une chose
inconcevable... Ce concile reprsente, tant aux yeux des autorits romaines
quaux ntres, une nouvelle Eglise quils appellent dailleurs lglise
conciliaire... Le concile... tournant le dos la tradition et rompant
avec lEglise du pass est un concile schismatique... et est en train de
ruiner lEglise catholique. (Admis ce nouveau principe de la libert
religieuse, n.d.l.r.) toute la doctrine de lEglise doit changer, son culte, son
sacerdoce, ses institutions... Cest donc un renversement total de la
tradition... Ceux qui ... adhrent cette nouvelle glise conciliaire...
entrent dans le schisme... LEglise catholique... (est) envahie par des
ennemis couverts de pourpre. Comment pourrions-nous... faire le jeu de
ces schismatiques qui nous demandent de collaborer leur entreprise de
destruction de lEglise ?
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Un an aprs, en 1977, Mgr Lefebvre tiendra des propos encore plus
explicites : Il ne sagit pas dun diffrend entre Mgr Lefebvre et le pape,
mais il sagit dune incompatibilit radicale entre lEglise catholique et
lglise conciliaire (cit par Simple Lettre, n. 115).
Cest toujours le prlat dEcne dans
son livre Jaccuse le Concile ! du mois
daot 1976, qui affirme : ... De cette
Eglise conciliaire nous ne voulons pas faire
partie... Cette Eglise conciliaire nest pas
catholique. Dans la mesure o le pape, les
vques, prtres ou fidles adhrent cette
nouvelle Eglise, ils se sparent de lEglise
catholique et entrent dans le schisme . Or,
personne ne pourrait nier que le pape, les
vques, prtres ou fidles adhrent cette
nouvelle Eglise, (et que, donc) ils se
sparent de lEglise catholique et entrent
dans le schisme . Si lex-archevque de
Dakar ne voulait pas faire partie de cette
glise conciliaire, cest parce quelle nest pas catholique, comme il le
disait lui-mme. Or, comment peut-on reconnatre les autorits de cette
glise conciliaire comme la vritable autorit de lEglise ?
Malgr ces dclarations fracassantes, le fondateur de la Fraternit
Saint-Pie X na pas tir toutes les conclusions qui simposaient.
Lensemble de ses disciples poursuivent dans la mme voie. On note, par
exemple, dans le n. 42 du Sel de la Terre (automne 2002) que les
Dominicains dAvrill, dans un article intitul Kasper et la Libert
religieuse, affirment en guise de conclusion : Dans la mesure o Kasper
and Co lacceptent (la libert religieuse), ils se sparent de lEglise
Catholique et forment une nouvelle Eglise conciliaire et librale.
Jusquici, nous sommes tout fait daccord ; mais la question inluctable
est celle-ci : cette nouvelle glise conciliaire ne de la sparation davec
lEglise catholique, est-elle toujours lEglise catholique ? Pour laffirmer,
il faudrait nier le principe didentit ou de non-contradiction . Si cette
nouvelle glise conciliaire est spare de lEglise catholique, elle ne peut
pas tre lEglise catholique.
Impossibile est esse et non esse simul Un mme tre ne peut pas, en mme
temps et du mme point de vue, tre et ne pas tre .
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Cependant lEglise catholique doit toujours exister car, selon les
promesses de Notre-Seigneur, elle doit durer jusqu la fin des temps.
Aujourdhui, comme tout un chacun peut le constater, elle est occupe,
occulte, clipse par cette nouvelle glise. Comme le Christ lui-mme
nous la dit, lEglise est fonde sur Pierre, si bien que lon peut
difficilement la concevoir sans Souverain Pontife ou, pire encore, avec un
faux pape sa tte.
Il faut quand mme reconnatre que, dans la situation actuelle, on ne
voit pas clair et lissue ne semble pas vidente.
Quid faciendum ? Que faut-il faire ?
Quatre manires principales de voir se sont fait jour : celle de la
Fraternit Saint-Pie X, celle des tenants de la thse de Cassiciacum, celle
des sdvacantistes et celle des conclavistes.
Nous avons trouv, dans une traduction de la prophtie, que le mot riordinata
(rordonne) avait t traduit par reconstitue. Il est clair que ce nest pas la
mme chose. LEglise a t constitue une fois pour toutes par Notre-Seigneur
Jsus-Christ. Donc elle ne peut pas tre reconstitue mais, ventuellement,
remise en ordre.
Gli angeli condussero innanzi a san Pietro il piccolo gregge scampato dallo
scempio universale, e il Santo scelse il nuovo Pontefice. Fu allora riordinata la
Chiesa secondo i dettami del Vangelo, si restaurarono gli ordini monastici,
ciascuno secondo lo spirito dei loro santi fondatori, e tutte le case dei cristiani
divennero come case religiose essendo tutte ordinate nellamore di Dio e del
prossimo.
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que cette objection na aucun fondement car il faut, notre avis, entendre
cette prophtie dans le sens que saint Pierre interviendra dune manire
extraordinaire pour faire comprendre quel devra tre le nouveau pontife
lire ou quelque chose de semblable.
Il y en a dautres qui disent que cela nest pas possible car lEglise peut
subvenir elle-mme ses besoins, ce qui en soi est vrai mais, comme on
la dj vu, la situation actuelle est sans prcdent par sa gravit et sa
dure. Par consquent, on est en droit de penser quelle ne puisse pas tre
rsolue de manire ordinaire ; situation extraordinaire, remde
extraordinaire. En tout cas, ceux qui ont permis la publication de ce livre
en donnant leur Imprimatur, nont rien trouv qui puisse contredire la foi ;
bien sr, nous ne voulons pas dire que cela est lunique solution mais elle
nous semble lune des plus conformes la situation actuelle. Dailleurs
mme Pie IX a prophtis quelque chose de semblable : Etant donn que
le monde sest plac contre Dieu et son Eglise, il est clair que Dieu se
rserve la victoire sur les ennemis. Cela est rendu clair du fait qu la
racine de nos maux, ceux qui sont trangers la religion, mme sils ont
du talent et de la vigueur, prfrent les satisfactions terrestres. Non
seulement ils ne soccupent pas de Dieu mais ils Loublient compltement.
Pour cela, il est clair que ces personnes ne peuvent
revenir Dieu en aucune autre manire qu travers un
acte qui ne pourra pas tre attribu un agent
secondaire. Alors tous seront obligs de reconnatre
lintervention surnaturelle de Dieu en sexclamant :
Cela arrive par lintervention du Seigneur et cest
merveilleux nos yeux ! Arrivera un grand
vnement qui remplira le monde de stupeur. Mais
ceci sera prcd par la domination de la Rvolution.
LEglise devra souffrir normment (The Prophets
and our Times, Rv. G. Culleton, Tan Books,
Rockford, 1974).
Bien que loccupation du Sige Apostolique par un faux pape soit un
problme majeur et mme le problme principal dans la crise actuelle car
lEglise se fonde sur Pierre, cela ne signifie pas pour autant que nous
soyons habilits rsoudre cette question en nous octroyant des pouvoirs
qui nous dpassent. Si certains estiment que sen remettre Dieu pour
rsoudre la crise est de lattentisme, nous pensons plutt que, sans tomber
dans un providentialisme bat, cest de la prudence.
Ce quest lexistentialisme
La doctrine thomiste
Lessence est ce par quoi une chose est tablie dans une espce dtermine ;
ce que nous connaissons en premier dans une chose ; ce qui, une fois compris,
et qui, tant ignor, fait que la chose elle-mme demeure ignore ; ce par quoi
une chose se distingue des autres ; ce qui est comme la racine et le sujet de
toutes les proprits qui sont dans la chose. Card. Zigliara, Summa
Philosophica. Vol. I Beauchesne, Paris 1912 p. 367. Essence et Existence tant
deux notions fondamentales, inhrentes ltre en tant que tel (parfaitement
simples au sens mtaphysique de lpithte), elles ne peuvent tre,
proprement parler, dfinies, mais seulement dcrites.
Lexistence est lacte par lequel une chose sort de son tat de pure
possibilit ; cest lactualisation de lessence ; cest lactualisation ultime de la
chose ; cest ce qui place la chose au-del de la stricte dpendance de la cause ;
cest la prsence actualise de la chose dans lordre physique ou rel. Card.
Zigliara op. cit., Vol. I p. 377.
La distinction entre essence et existence est une distinction mtaphysique en
ce sens quelle est interne ltre considr en tant que tel. Concrtement, il
nexiste quun seul et unique organisme dans lequel essence et existence sont
insparablement unies.
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chez lhomme la prsence dune facult dont la finalit est la libre
adhsion au bien : la volont. Toutefois, si dun ct, lessence marque
lhomme (comme tout tre rel) dun caractre distinctif en dterminant
ainsi sa nature et ses potentialits, en mme temps, il lui impose des
limites : un homme ne pourra jamais, par exemple, voler par ses propres
forces ; une intelligence humaine ne sera jamais privilgie dune intuition
gale celle de lintelligence anglique ; la libert de lhomme ne sera
jamais et pour le mme motif, infinie et illimite comme la libert divine.
Lhomme est donc tenu, en vertu de sa propre essence, de raisonner et
dagir en conformit avec son propre statut ontologique (de ltre). En
rsum, nous pouvons dj affirmer que lexistence de lhomme actualise
une essence ; que cette essence dtermine, en conformit avec la nature
humaine, le statut ontologique de lhomme et, par consquent, ses devoirs
moraux fondamentaux.
La divinisation radicale
conformment aux lois par moi prescrites. Mais ta nature toi, O Adam, cest
toi-mme qui la dtermineras, libre de toute barrire, selon ton bon plaisir, car
cest sa souverainet que je tai confi. Je tai mis au milieu du monde afin
que tu pusses, dans cette situation avantageuse, te rendre mieux compte de tout
ce que contient le monde. Je ne tai fait ni cleste ni terrestre, ni mortel ni
immortel, afin que tu pusses toi-mme, la manire dun artisan libre et
souverain, sculpter toi-mme la forme que tu auras choisie. Tu pourras te
ravaler au rang des btes, ou bien, si tu le veux, te rgnrer au contact des
choses suprieures qui sont divines . Parmi les penseurs existentialistes, celui
qui pousse le Thme de la libert, jusqu ses consquences les plus extrmes,
cest Sartre, notamment dans son essai, lExistentialisme est un humanisme
(1946). Pour Sartre, lhomme est dmiurge de sa propre existence, laquelle est
libre de toute dtermination et indpendante de sa volont. Dans lcrit en
question, lhomme est identifi avec sa propre libert.
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sublime cette immersion dans la ralit, en mme temps quil donne un
sens satisfaisant chaque existence. Croire signifie donner un sens achev
sa vie. Lessence de la foi ne consiste plus connatre quelque chose de
surnaturel , mais bien possder ce sens chrtien de la vie qui conduit
graduellement par cheminement instaurer une relation avec Dieu.
Ainsi comprise, la foi devient un vnement ou un phnomne
psychologique, ou encore, le comportement responsable de celui qui se
prend en charge en connaissance de cause pour se mettre aux prises et en
prise avec le monde, bref, une foi qui nest plus lie une origine ou des
contenus surnaturels extrinsques la nature humaine, une foi qui nest
plus intellectuelle dans son essence. Car cette foi existentialiste nest pas
statique ou dogmatique au sens traditionnel du mot, mais de mme que la
vie est une ralit qui poursuit son cours vers un terme, de mme, le sens
chrtien de la vie implique un continuel approfondissement et dfend, de
ce fait, quiconque daffirmer quil possde la vrit dune manire
absolue.
Nous retrouvons ici la conception existentialiste de la vrit envisage
comme un lment mouvant dont on est quotidiennement en qute, sans
jamais pouvoir lapprhender conceptuellement dans sa totalit. Considr
sous cet clairage, le baptme par exemple, ne donne pas la foi sic et
simpliciter, mais engage plutt le baptis sur ce chemin de la foi quil
poursuivra dans la communaut sa vie durant. Laissons maintenant la
parole au cardinal Ratzinger, prfet de la Congrgation pour la doctrine de
la foi, celui qui, dans le cadre de lglise conciliaire, est charg de donner
une juste interprtation au courant de pense que nous analysons :
Mais enfin quest-ce que cette foi ? Maintenant nous pouvons
rpondre ainsi : cest la forme non rductible la science et
incommensurable ses paramtres, assume par la position de lhomme
dans le complexe de la ralit ; cest linterprtation sans laquelle
lhomme entier resterait une chimre ; cest lattitude qui prcde le
calcul et laction de lhomme sans laquelle il ne pourrait pas en dfinitive
ni calculer ni agir, car tout ceci il est apte le faire simplement dans le
cadre dun sens capable de le soutenir. Lhomme en effet ne vit pas
seulement du pain du faisable, il vit cependant comme homme, et,
justement dans la configuration la plus typique de son humanit, il vit de
mots, damour, de sens de la ralit... Le sens de la ralit, on ne peut pas
le dduire de la science pure... A ce point, aprs tre partis dune simple
analyse de lattitude assume par la foi nous pouvons nous dire
Nous utilisons le terme surnaturel, au sens traditionnel dune ralit divine
et extrinsque la nature humaine.
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maintenant arrivs directement la modalit chrtienne de la foi. Croire
chrtiennement signifie en effet sabandonner avec confiance au sens de
la ralit qui me soutient, moi et le monde ; il signifie laccueillir comme
le terrain solide sur lequel nous pouvons rester, en nous appuyant sans
peur .
Naturellement, la foi ainsi comprise, prsuppose un nouveau concept
de Tradition, puisque la Tradition est, avec la Sainte Ecriture, la source de
la Rvlation, et donc, de la foi. Il sagit dune tradition qui ne vise plus
transmettre des contenus doctrinaux, intellectuels, dogmatiques, mais bien
perptuer, dans le temps et dans lhistoire, un sens chrtien de la ralit,
une perception chrtienne de lexistence qui jaillit du vcu plutt que du
dogme, de lmergence concrte dun fait plutt que dun concept abstrait
et dogmatique transmis oralement. Particulirement loquent, ce propos,
nous semble ce passage de Don Luigi Giussani : LEvnement est
identiquement vnement prsent. Chaque vnement tait un Fait, comme
la t lvnement premier, originel. Les vnements taient des Faits qui
faisaient revivre lEvnement originel. Or, ces faits doivent tre lus avec
les yeux du cur, autrement dit, avec la raison (cest ici, prcisment, que
prend naissance le sens religieux chrtien). Ces faits doivent tre lus avec
les yeux du cur pour nous permettre de Le rechercher et de Le
reconnatre comme une ralit prsente. Cest ainsi qua pu natre,
partir du Fait originel, de lEvnement originel, la Tradition. Cette r-
actualisation de lEvnement originel rendu quotidiennement prsent au
fil des ans jusqu nos jours, cela sappelle la Tradition. La Tradition est,
donc, constitue par lEvnement primitif, lvnement originel rpt de
jour en jour .
De cette nouvelle conception de la Foi et de la Tradition drivent
immdiatement une nouvelle ide de lEglise et une nouvelle mthode
dapostolat.
Il est vident que pour Pelage Ier, le fait de nommer le pape la messe
signifie bien la communion du clbrant non seulement avec le pape lui-mme
mais avec le monde catholique. Si quelquun passe sous silence le nom du
pape, il nest pas en communion avec lui. Si nous refusons de citer Jean-Paul
II, cest bien parce que nous ne sommes pas en communion avec lui et ce, parce
quil nest pas pape. Si au contraire quelquun le nomme, quil le veuille ou
non, il est objectivement en communion avec lui.
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de lglise ; et pour Ennodius de Pavie, ctait offrir un sacrifice
incomplet, un demi-sacrifice. Tout cela nous amne donc conclure que
la place actuellement attribue la mention du Pape dans le canon est
vraiment originelle et primitive, puisquelle correspond exactement tout
ce que nous attestent les anciens auteurs. Lide de se tenir en
communion avec le Pape et avec lvque tait trs familire aux
anciens (...) Il faut donc conclure que la mention des solennits, les
capitula diebus apta du pape Vigile, qui se glissent entre le
communicantes et le memoriam venerantes, embrouillant quelquefois le
sens, ou bien ne sont pas primitifs, ou demandent quon dtache peut-tre
le communicantes de la liste des saints, pour le rapporter au nom du
Pape avec lequel on tait en communion ; dautant plus que le canon
ajoute : sed et memoriam venerantes, prcisment pour faire mieux
remarquer les deux conceptions, parfaitement distinctes entre elles : tibi
offerimus pro Ecclesia tua... una cum famulo tuo Papa nostro
communicantes, () sed et memoriam venerantes in primis gloriosae, etc.
On ne doit pas stonner que le nom du Pape devance ici celui mme
de la Mre de Dieu. La mention du Pape dans le canon a pour but de
garantir lorthodoxie de loffrant , et dintgrer ex parte subiecti ,
comme diraient les scolastiques, son action sacerdotale, - rappelons-nous
les semiplenas hostias dEnnodius, parce que non accompagnes du nom
du Pape - tandis que ex parte obiecti, la premire aprs Dieu, en lhonneur
de laquelle le divin Sacrifice est offert, est Celle qui est bnie entre toutes
les cratures.
Liber Sacramentorum, notes historiques et liturgiques sur le missel
romain, Par Dom I. SCHUSTER, O.S.B. Abb de Saint-Paul hors les
Murs. Tome deuxime, Bruxelles, Vromant, imprimeurs-diteurs, 1929.