Droit International Public
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PREMIERE PARTIE
En droit international comme en droit interne la question des sources et de leur ventuelle hirarchie est fondamentale. C'est d'elle avant tout que dpend la solution des diffrends ainsi que l'affirme l'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, principal texte de rfrence. L'ampleur des analyses doctrinales concernant les diffrentes sources du droit international, la richesse de la jurisprudence et la vivacit des dbats diplomatiques et politiques propos de certaines d'entre elles - en particulier les rsolutions des organisations internationales - mettent en vidence l'intrt la fois thorique et trs concret de cette question. Le plus difficile en droit international public est de savoir ce qui est effectivement droit (donc obligatoire) et ce qui ne l'est pas... Il s'agit ici de prsenter les sources du droit international positif (de lege lata) et non pas d'un droit international prospectif (de lege ferendo) dans le cadre d'un nouvel ordre international , sauf voquer cet aspect l'occasion puisque le droit se situe ncessairement, sans se cristalliser dfinitivement, dans le jeu volutif des rapports internationaux. En droit international positif, les seules sources sont celles qui crent des droits et des obligations - qui obligent les sujets de droit international, et notamment les tats. On ne retiendra donc pas les principes ou rgles relevant de la philosophie du droit, de la sociologie des relations internationales, de la pratique diplomatique et, plus largement, de la morale internationale. Il est videmment plus que souhaitable que le droit international positif s'imprgne de proccupations de morale internationale et de vritable justice (cf. infra, l'quit), et que l'origine mta-juridique de la norme internationale continue d'tre analyse. Le vocabulaire classique qui distingue les sources formelles et les sources matrielles renvoie cette distinction. s'en tenir aux sources formelles du droit international on notera, en cette fin de XXe sicle, une dangereuse ambigut en ce qui concerne 1'enumeration de ces sources. Il y a les sources formelles bien constates et donc certaines parce que inscrites dans un texte international, et les sources plus ou moins contestes et par consquent incertaines parce que laisses plus ou moins aux alas de l'interprtation. Il va de soi que c'est la pratique internationale, l'accumulation diversifie des strates de civilisation dans les rapports inter gentes, qui ont fait progressivement le droit international. Il a fallu cependant attendre le XXe sicle pour que ces sources formelles fassent l'objet d'une constatation crite en 1920 dans le clbre article 38, premier alina, du Statut de la Cour permanente de Justice internationale, devenu, en 1946, le Statut de l'actuelle Cour internationale de Justice :
1. La Cour, dont la mission est de rgler conformment au droit international les diffrends qui lui sont soumis, applique : a) les conventions internationales, soit gnrales, soit spciales, tablissant des rgles expressment reconnues par les tats en litige ; b) la coutume internationale comme preuve d'une pratique gnrale accepte comme tant le droit ; c) les principes gnraux de droit reconnus par les nations civilises ; d) sous rserve de la disposition de l'article 59, les dcisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifis des diffrentes nations, comme moyen auxiliaire de dtermination des rgles de droit.
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Cet article 38 appelle trois observations : a) Ce n'est pas une cration ex nihilo, mais la reprise d'un projet d'numration des sources du droit international formul pour la premire fois l'occasion de la cration (avorte), en 1907, d'un tribunal international spcialis : La Cour internationale des Prises maritimes. Bonne occasion pour prendre la mesure de l'influence des rapports internationaux dans la formation du droit international. b) la diffrence du projet prcit de 1907, l'article 38 numre les sources du droit international sans hirarchisation : traits, coutumes et principes gnraux de droit sont, par consquent, placs sur un pied d'galit au plan juridique. Ce sont, selon cet article, les sources directes du droit international ; en revanche, la jurisprudence internationale et la doctrine sont des moyens auxiliaires pour dterminer les rgles de droit. Quant au jugement en quit (art. 38, par. 2) c'est une possibilit laisse l'initiative des parties un diffrend. c) Le corpus classique des sources formelles du droit international contemporain, l'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, s'avre aujourd'hui incomplet et subit les assauts de la modernit internationale. D'une part, il ne fait pas mention des Actes des organisations internationales intergouvernementales qu'on ne saurait ignorer, commencer par les rsolutions de l'Assemble gnrale et du Conseil de scurit de l'Organisation des Nations Unies. D'autre part, l'ide d'une certaine hirarchisation des sources du droit international semble s'affirmer de plus en plus, par-del l'hypothse bien connue de l'article 103 de la Charte des Nations Unies : le concept de jus cogens (Vienne, 1969) et celui de Trait multilatral gnral (cf. infra) vont dans ce sens. Pour une vue d'ensemble sur les sources du droit international contemporain, il faut donner une place prioritaire aux accords internationaux (Titre I), rassembler les autres sources formelles dans leur diversit (Titre II), et essayer de faire le point (Titre III) sur le dbat gnral en cours.
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SECTION I : DEFINITIONS
Un trait, au sens large, est un accord de volont entre sujets de droit international et soumis au droit international . Quelle que soit la formulation donne en doctrine c'est cette ide qui est fondamentale. 1. Cette dfinition que l'on retouve exprime en termes peu prs identiques dans la doctrine contemporaine (ainsi en France chez Charles Rousseau, Paul Reuter, Suzanne Bastid et dans les manuels plus rcents) est aussi celle retenue, pour les traits inter-tatiques, par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traits (art. 2, al. 1 a)) :
Article 2 : Expressions employes 1. Aux fins de la prsente Convention : a) l'expression trait s'entend d'un accord international conclu par crit entre tats et rgi par le droit international, qu'il soit consign dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dnomination particulire.
On notera que ni la forme de l'accord ni son appellation officielle ne sont des critres de qualification. On relvera aussi que la Convention de Vienne, pas plus que la Charte des Nations Unies, n'interdit pas la conclusion de trait oral (Convention de Vienne, art. 3) ; mais, l'poque contemporaine, il s'agit d'une forme d'engagement qui est vraisemblablement trs rare ( supposer que les parties fassent connatre l'existence de leur engagement non crit) et qui, notre avis, s'apparenterait la technique des traits dits secrets , lesquels ne sont toujours pas interdits en droit positif {cf. infra). 2. La dfinition prcite renvoie la notion de droit international public et la notion de sujet de droit international. Un accord international ne peut lier que deux ou plusieurs sujets de droit international public, c'est--dire qui ont la capacit juri34
NOTIONS GNRALES
dique de s'engager (ils ont le treaty-making power), et de se placer sous l'empire du droit international. Toute autre situation relve du droit transnational (accord entre un sujet de droit international et une personne prive, par exemple une multinationale, une ONG, etc.) ou du contrat internationalis . Frquentes dans les relations internationales contemporaines, ces situations sont dans le voisinage immdiat du droit international sans pour autant relever directement de cette discipline. 3. notre poque les tats et les organisations internationales intergouvernementales (ou publiques) sont les deux principaux sujet de droit international, sous rserve du principe de spcialit qui limite, pour les organisations internationales intergouvernementales, leur capacit juridique. Mais il y a toujours des cas particuliers. Ainsi, autrefois, le cas des Dominions du Commonwealth britannique, celui des protectorats de droit international. Aujourd'hui, la doctrine continue de s'interroger sur l'hypothse o une entit non sujet de droit international peut recevoir, de par la constitution de l'tat souverain, une certaine capacit de conclure des traits (cas de l'tat fdr, voire d'une rgion). Ces variations, conscutives l'volution des relations internationales, conduisent parfois s'interroger sur la vritable nature juridique d'un accord conclu entre des instances de nationalit diffrente. Il n'est pas sr que tous les tats du monde admettent ce jour que les concordats conclus par le Vatican soient de vritables traits. En son temps, la doctrine sovitique refusait cette qualit l'Acte final de la Confrence d'Helsinki (1975). Et les accords d'Evian (19 mars 1962) qui ont mis fin officiellement la guerre d'Algrie avaient-ils ou non ce caractre ? Il faut tre averti de ces difficults possibles sur la notion de trait avant de procder des essais de classification.
divisio, a perdu de son prestige parce que trs critique par une partie de la doctrine contemporaine. Il n'empche que le juge international l'utilise l'occasion, en matire d'interprtation des traits notamment. Elle nous semble par ailleurs retrouver vie sous un autre nom. 2. Depuis la cration de l'ONU, deux nouvelles classifications ont fait leur apparition. La multiplication des organisations internationales intergouvernementales a engendr naturellement la distinction entre traits inter-tatiques et traits conclus par les organisations internationales (avec un tat ou entre elles) qui retentit sur le mode de conclusion. Plus subtile et plus politique apparat la distinction, pas encore bien reue mais manifestement en gestation, entre trait multilatral gnral et trait multilatral restreint. Dans le premier cas le trait, qui a par dfinition effet erga omnes, devient une vritable loi internationale (trait-loi), expression de la norme internationale de rfrence. Dans le second cas le trait multilatral n'a effet que pour les parties contractantes. Si l'volution confirme cette classification, on peut s'attendre des novations dans le droit classique des traits. Mme si elles ne sont pas scientifiquement toujours satisfaisantes, ces classifications sont utiles pour la comprhension des mcanismes qui sous-tendent les rapports internationaux.
NOTIONS GENERALES
constituent un socle dsormais inbranlable. tant elles-mmes des traits, ces conventions n'ont d'effet juridique qu' l'gard des tats qui les ont ratifies et partir du moment o le nombre de notifications ncessaire a t runi (la Convention de Vienne de 1969 est entre en vigueur en 1980). Mais, et c'est peuttre l'aspect le plus important, ces conventions sont et restent pour les tats non lis par elles le guide suivre parce qu'elles reprsentent aujourd'hui le droit commun des traits. Pour peu que le juge international s'y rfre systmatiquement dans ses sentences, arrts ou avis, ce droit des traits prendra de plus en plus de consistance. Encore faut-il prciser que ces conventions procdent une harmonisation et non pas une uniformisation des rgles relatives aux traits. C'est dire que l'tat souverain conserve une bonne marge de libert, mme s'il s'est li par ces conventions, en ce qui concerne ses engagements internationaux tant au plan de leur conclusion qu'au plan de l'application et des modifications.
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qu'un engagement d'honneur (Gentlemen's Agreement) puisque les parties engagent ici leur bonne foi, peine de responsabilit internationale. Le paraphe, de son ct, clt les ngociations et dfinit, sans engagement des parties, l'objet de l'accord. c) La ratification est la phase juridiquement dterminante qui transforme le projet de trait en engagement crit dfinitif et contraignant. Plus prcisment, c'est la date de l'change des instruments de ratification pour un trait bilatral ou du dpt de ces instruments dans le cas d'un trait multilatral qui marque le point de dpart de l'obligation juridique. Opration complexe et parfois trs longue, la ratification est une procdure de droit interne laisse en dfinitive la souverainet, donc la bonne volont, des tats contractants. Si la ratification est refuse le trait n'entrera pas en vigueur. Parmi les cas clbres, rappelons la non-ratification par le Snat amricain du Trait de Versailles de 1919-1920 entranant la non-participation des tats-Unis la Socit des Nations ; et le refus de ratification par le Parlement franais, en 1954, du trait sur la Communaut europenne de Dfense. En 1992 les dbats sur la ratification des accords de Maastricht (Union europenne politique et montaire) tmoignent de rticences diverses. Il faut se reporter la Constitution de chaque tat pour connatre les mcanismes de la procdure de ratification. En rgime dmocratique le Parlement, appel autoriser le chef de l'tat ratifier un trait, est ainsi associ la conduite de la politique trangre. La technique du rfrendum populaire est parfois prvue. 2. L'accord en forme simplifie ou Executive Agreement acquiert force juridique ds la signature et, par consquent, exclut la phase de ratification. La procdure se trouve ainsi considrablement allge et simultanment carte le Parlement du jeu diplomatique. Les rgimes autoritaires apprcient gnralement cette technique ne de faon trs pragmatique aux tats-Unis au cours du xixe sicle et dans le cadre du concept constitutionnel du privilge de l'excutif . Le Snat amricain, charg de donner son accord aux traits conclus par le Prsident d'aprs la Constitution, s'efforce avec plus ou moins de succs de rtablir son contrle sur la politique trangre. L'accord en forme simplifie a l'avantage incontestable de clarifier et d'acclrer le jeu des relations internationales, en particulier lorsqu'il s'agit d'accords techniques. Il a l'inconvnient majeur de mettre hors course le Parlement sauf lui demander ultrieurement, mais en le plaant devant le fait accompli, une approbation plus ou moins formelle. D'o les critiques frquentes adresses par les parlementaires ce procd qui illustre l'extension de la fonction gouvernementale l'poque contemporaine. Il est vrai qu'en rgime dmocratique les parlementaires ont d'autres possibilits pour sanctionner la politique trangre conduite par le gouvernement. Deux observations s'imposent. Le domaine des traits en forme solennelle et des accords en forme simplifie est rarement prcis dans les constitutions contemporaires. D'o la porte ouverte une certaine pratique empirique. Ainsi l'article 53 de 39
la Constitution franaise de 1958, qui est repris par la plupart des Etats africains francophones, numre-t-il (de faon plus ou moins prcise) plusieurs catgories de traits qui doivent tre ratifis ou approuvs ; tout le reste, a contrario, tant susceptible de faire l'objet d'accords en forme simplifie, mme si l'expression ne figure pas expressment dans le texte constitutionnel franais. Deuxime observation qui est une question : quel est le pourcentage d'accords en forme simplifie conclus chaque anne par un Etat ? La rponse peut tre un bon indicateur de la qualit du systme politique.
2. La phase ncessaire de la signature des contractants n'est pas obligatoirement altre, mais elle l'est l'occasion, la seule signature du prsident de la confrence attestant de la rgularit de l'opration. Elle peut mme disparatre. C'est ce stade surtout que se dtermine la question, essentielle pour l'interprtation des traits, de la langue faisant foi (une seule ou toutes) lorsque le trait - c'est de plus en plus frquent - est rdig en plusieurs langues officielles. 3. Quant la ratification, maintenue telle quelle pour les traits inter-tatiques, elle connat des transformations lorsqu'il s'agit de traits multilatraux concernant des organisations internationales. Les procdures d'approbation et/ou d'acceptation par l'organisation internationale (encore faut-il savoir quel est l'organe de l'organisation qui dtient ce pouvoir) se substituent la ratification classique. Il arrive aussi que cette procdure soit supprime au profit d'une introduction immdiate dans l'ordre interne du projet de trait adopt par l'organisation. Cette technique juridique audacieuse, qui prserve nanmoins les droits lgitimes des tats minoritaires membres de l'organisation, est celle de l'Organisation internationale du Travail (OIT), imite ensuite par d'autres institutions spcialises de l'ONU : les tats membres de l'OIT s'engagent transformer immdiatement en droit interne les projets de traits adopts par la Confrence de l'OIT et connus sous le nom de Conventions internationales du Travail . Il s'agit l de novations intressantes dans des domaines d'action onusiens spcialiss. S'agissant des traits ou accords internationaux, bi ou multilatraux, la Charte des Nations Unies impose deux rgles qui sont la jonction de la conclusion et de l'application des traits. Il faut les rappeler : la rgle de l'enregistrement de ces traits au Secrtariat de l'ONU afin d'en assurer la publicit et l'opposabilit aux tats tiers (art. 102) ; et la rgle de la suprmatie du droit des Nations Unies sur le droit des tats Membres (art. 103). Ce qui devrait aider, en toute bonne foi, clarifier le jeu des rapports internationaux.
2. Trait multilatral conclu sous les auspices d'une organisation ou par une organisation internationale Dans le premier cas il s'agit d'un trait multilatral inter-tatique conclu sous l'impulsion et dans le cadre d'une confrence convoque par une organisation internationale, par exemple confrence suscite par l'Assemble gnrale des Nations Unies. En revanche les traits conclus par des organisations internationales - entre elles et/ou des tats - prsentent des traits caractristiques (cf. Convention de Vienne de 1986). La doctrine a t divise dans l'analyse de cette catgorie de traits. En son temps, la doctrine sovitique y voyait des traits de seconde zone, le vrai trait pour elle demeurant le trait inter-tatique. Cette ide n'a pas compltement disparu.
3. Trait multilatral constitutif d'une organisation internationale II s'agit d'un trait inter-tatique, appel aussi trait-fondation, dont l'importance particulire tient au fait qu'il a pour objet de crer une organisation internationale - ainsi la Charte de l'ONU adopte par 51 tats en 1945 et les Chartes des diffrentes institutions spcialises - et d'engendrer un droit initial qui lui-mme dveloppera un droit driv, c'est--dire issu des organes de l'organisation cre, qui deviendra lui aussi, dans certaines conditions au moins (cf. infra, Actes des O.I.) source de droit international. Surgissent alors des problmes propres ces traits (rapports de hirarchie entre le droit des Nations Unies et le droit des tats Membres, Charte ONU, art. 103 ; questions d'interprtation et de revision, etc.) qui, toutes proportions gardes, sont comparables la Constitution dans l'ordre interne. Dans sa fonction consultative, la CIJ a eu l'occasion plusieurs reprises de se prononcer sur ce type de traits qui mritent, incontestablement, une place part.
4. Trait multilatral restreint et trait multilatral gnral Cette distinction, signale supra, n'est pas encore vritablement reconnue en droit positif, mais elle se prcise, la CIJ en ayant admis implicitement la possibilit (1970, affaire de la Barcelona Traction). Un trait multilatral gnral serait (est ?) un trait inter-tatique dont l'objet prsente un intrt essentiel pour la communaut internationale et qui aurait t conclu par un certain nombre d'tats reprsentatifs de celle-ci dans sa varit gographique et idologique. Ds lors, ce trait aurait effet erga omnes et serait ncessairement ouvert tous les tats ( clause tous tats ) et rvisable de la mme faon. Le concept de patrimoine commun de l'humanit devrait se dvelopper dans le cadre d'un nouvel ordre mondial, selon la formule la mode mais toujours sotrique, et la notion du trait multilatral gnral, qui renoue peu ou prou avec celle de trait-loi, aurait logiquement vocation s'affirmer.
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3. Les rserves
C'est surtout dans les traits multilatraux que se pose le problme des rserves qui a considrablement agit la doctrine dans la premire moiti du XXe sicle. L'motion est aujourd'hui sensiblement aplanie. Une rserve est le fait pour un tat, gnralement par une dclaration unilatrale, d'exclure ou de modifier l'effet juridique de certaines dispositions du trait dans son application cet tat (C.V. 1969, art. 2 d)). Elle ne lie que les tats qui n'mettent pas d'objections la (aux) rserve (s). Il est admis aujourd'hui que les rserves peuvent tre formules tous les stades de la procdure de conclusions : signature, ratification ou approbation, adhsion, sauf les formuler par crit trs clairement et ventuellement les confirmer. Elles peuvent videmment toujours tre retires. Hormis le cas o un trait interdit toute rserve ou ne l'autorise expressment que pour certaines dispositions, la permissibilit des rserves reste trs ouverte. L'ide directrice dgage par la CIJ (Rserves la convention pour la prvention et la rpression du crime de gnocide, avis consultatif, CIJ. Recueil 1951, p. 15) et reprise par la Convention de Vienne (art. 19) est que, dans le silence du trait sur le problme des rserves, celles-ci sont permises sous la seule condition qu'elles ne soient pas incompatibles avec l'objet et le but du trait . Le souci de diversifier les obligations des tats contractants pour tenir compte des diffrences et ingalits de situation conduit ncessairement admettre la possibilit des rserves, au risque de fractionner le jeu des rapports inter se. Les traits multilatraux contemporains, surtout ceux relatifs au droit conomique international et au droit du dveloppement, sont souvent assortis de rserves. Il est vrai que l'abus des rserves peut vider un accord international de son contenu (cf. certaines rserves dans la dclaration d'acceptation de la comptence contentieuse de la CIJ jen vertu de l'article 36, alina 2, du Statut de la Cour). Mais, contrairement une ide reue, cette hypothse est rare. Les tats cherchent moins vider l'accord qu' adapter leur engagement en fonction de ce qu'ils considrent comme leurs intrts lgitimes. Sans la souplesse du mcanisme des rserves, le succs des traits multilatraux serait vraisemblablement trs rduit. Or le dveloppement du multilatralisme accompagne le dveloppement des relations internationales et le progrs du droit international.
puisqu ' il vise remettre en cause un engagement international, et il est difficile parce qu'il touche la souverainet des tats, la place du juge dans le systme international, et la politique pure et simple. L'expression trait-chiffon de papier , utilise l'occasion par les ngateurs du droit international, est significative. De fait, il peut tre tentant pour un tat de se dlier de ses obligations en invoquant un argument-prtexte, celui de la nullit. Les rgimes autoritaires ne s'en privent pas... Sans entrer dans les dbats doctrinaux, on se limitera esquisser les contours juridiques du problme. L'ide gnrale prendre en compte et qui renvoie la dfinition de l'accord international est celle-ci : tout accord qui comporte un vice substantiel de forme ou de fond affectant par consquent la qualit du consentement exprim est susceptible d'tre frapp de nullit. C'est donc affaire de cas d'espce, d'apprciation concrte plus ou moins subjective et, par-dessus tout, de preuve. La doctrine et la pratique internationales - que la Convention de Vienne de 1969 s'est efforce de synthtiser, de clarifier et de moraliser en imposant des procdures de constatations et de notifications - permettent de distinguer trois grandes hypothses pouvant conduire la nullit d'un trait. 1. L'hypothse la plus simple est celle du dfaut de capacit juridique : l'une des parties contractantes n'avait pas la comptence de s'engager internationalement, soit parce qu'elle n'avait pas la qualit de sujet de droit international, soit parce qu'elle n'avait pas la capacit de conclure des traits ou encore manquait de lgitimit. Pareille hypothse, qui a pu se produire l'poque coloniale o la question de sujet de droit international soulevait des doutes et des querelles doctrinales, semble aujourd'hui une hypothse d'cole, ou en tout cas tout fait exceptionnelle. Encore faut-il penser la nullit invoque parce qu'il n'y a pas eu change de pleins pouvoirs (C.V. 1969, art. 8 et 47) ; ou parce que l'engagement a t contract par un gouvernement de fait considr comme illgitime ; ou, s'agissant de trait conclu par une organisation internationale, parce que cette organisation a dbord son domaine spcialis. L'actualit internationale donne parfois quelque exemple de prtendue nullit d'un trait sur ce fondement. 2. La seconde hypothse concerne le dfaut de consentement. Une partie contractante estime ou prtend que son consentement n'a pas t valablement donn en raison d'une erreur sur l'objet du trait - ce qui peut paratre surprenant notre poque o les moyens d'informations sont considrables - ; ou en raison d'un vice proprement dit de consentement dcoulant de la contrainte physique sur les ngociateurs, d'une fraude, d'un dol {cf. thorie des nullits en droit interne) ; ou, enfin, d'un vice grave de procdure interne tel qu'une irrgularit constitutionnelle dans la ratification du trait. La convention de Vienne fixe quelques orientations bienvenues. L'erreur de traduction dans un trait n'est jamais erreur substantielle ; quant l'erreur sur l'objet du trait (par exemple dans la dlimitation de frontires) elle n'est acceptable que si la partie contractante qui l'invoque ne la connaissait pas au moment de la conclusion de l'accord, sinon il y aura estoppel. S'agissant d'un vice de procdure interne il est en principe sans effet sur la validit du trait ... 44
moins que cette violation n'ait t manifeste et ne concerne une rgie de (son) droit interne d'importance fondamentale (art. 46). N'est-ce pas prcisment le cas d'une ratification ou acceptation irrgulire au regard de la constitution ? Ambiguts ...
Enfin la contrainte exerce par un tat sur un autre ou d'autres - si souvent invoque politiquement par un tat voisin la suite de trait de paix lui imposant par dfinition des obligations diverses ou dnonce unilatralement comme source de traits ingaux - n'est pas retenue comme cause de nullit. Les situations des tats contractants n'tant jamais objectivement gales on n'en sortirait pas. Mais dans une dclaration annexe la convention les tats signataires condamnent solennellement le recours la contrainte militaire, politique, ou conomique lors de la conclusion des traits . Mme si ce texte fait officiellement partie de l'acte final de la Confrence runie Vienne en 1969, il n'a pas t incorpor directement dans les dispositifs du trait. Mais il est utile que cela ait t dit et crit : la morale internationale ne peut que gagner ce code de conduite qui rappelle ce qui rpugne l'ordre juridique international. 3. La troisime hypothse, qui est une cration de la convention de Vienne (art. 53 et 71), est celle du jus cogens ou norme imperative de droit international . Tout accord international, bilatral ou multilatral, qui comporterait des dispositions contraires au jus cogens serait automatiquement nul en ces dispositions ; il faut alors rtablir la situation originale comme si le trait n'avait jamais t conclu (restitutio in integruni). L'ide est gnreuse mais encore en voie de consolidation dans la mesure o le contenu exact des normes de jus cogens n'est toujours pas prcis ni globalement admis. C'est pourtant la voie du progrs pour la communaut internationale. Par-del les dveloppements de la technique juridique et les analyses doctrinales, il faut bien reconnatre que le problme de la validit ou nullit des accords internationaux relve avant tout de la diplomatie et de la politique. Les tats sont peu enclins demander au juge de vrifier le bien-fond de leur argumentation lorsqu'ils invoquent la nullit d'un trait auquel ils sont parties. C'est pourquoi la jurisprudence internationale en cette matire est trs peu fournie. Invoquer la nullit d'un trait c'est donc refuser, avec de bons ou fallacieux arguments juridiques ou pseudo-juridiques, de le mettre en application.
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souveraines, d'y droger. C'est le cas, notamment, en matire de conventions bilatrales douanires ou fiscales. En raison du privilge de souverainet des tats, la formule de la rgle et de l'exception est donc susceptible en droit international d'lasticit. 3. Parmi les cas particuliers qui soulvent parfois des difficults d'apprciation ou d'interprtation quant au rgime juridique applicable, on relvera sans autre commentaire les suivants : celui de la divisibilit, toujours possible, d'un trait : l'exemple de l'Acte gnral de conciliation et d'arbitrage (1929,1949), qui autorisait l'adhsion un seul chapitre ou l'ensemble du trait est clbre, mais ce n'est pas le seul. Celui de Vapplication provisoire, c'est--dire ds la signature, d'un trait conclu en forme solennelle, ce qui peut poser de singuliers problmes politiques lors des dbats de ratification. L'hypothse est prvue par la convention de Vienne de 1969, article 25. Celui de la force juridique des annexes d'un trait, dont la CIJ a t saisie l'occasion ; et enfin, celui des traits dits successifs qui concernent l'application mais aussi la modification des accords internationaux. Le volontarisme tant la rgle dans le droit des traits, les parties contractantes ont toujours toute latitude - si elles sont d'accord - pour adapter comme elles le souhaitent l'application des accords qu'elles ont conclus.
L'interprtation par la voie internationale - protocole d'interprtation entre tats contractants ; recours l'interprtation d'une organisation internationale ou, mieux, la CIJ - semble la plus normale et donc la plus souhaitable. Ce n'est pas la plus utilise... La voie de l'interprtation interne apparat fort critiquable parce que unilatrale, moins qu'elle n'ait t sollicite par l'autre partie. Elle est pourtant largement pratique, signe de l'attachement l'ide de souverainet. Il faut se reporter, alors, au droit interne de chaque tat (constitution, loi, jurisprudence) pour savoir quels sont les organes et procdures comptents pour procder l'interprtation. D'une faon gnrale - et par dfinition dans les rgimes autoritaires - c'est l'excutif qui donne l'interprtation, mme si le Parlement pourrait aussi bien en rgime dmocratique tre sollicit. Quant aux tribunaux, leur pouvoir d'interprtation des traits l'occasion d'un procs dpend largement de leur statut en tant que pouvoir judiciaire. En France, par exemple, l'interprtation judiciaire a toujours t, malgr quelques dveloppements rcents, trs rserve. Il est vrai que la politique trangre n'est pas normalement affaire des juges. 2. Ce qu'on appelle les mthodes d'interprtation sont moins des rgles que des directives, jadis formules en latin, dgages par la doctrine et la pratique internationales, et consacres par la jurisprudence : principe de l'effet utile, thorie de l'acte clair, etc. La convention de Vienne de 1969 donne une excellente dfinition de la rgle gnrale d'interprtation dans l'article 31, premier alina :
Un trait doit tre interprt de bonne foi suivant le sens ordinaire attribuer aux termes du trait dans leur contexte et la lumire de son objet et de son but.
La rigueur dans l'interprtation doit permettre d'aboutir au rsultat souhait, une interprtation raisonnable . Cette rigueur (et honntet intellectuelle de l'interprte) est surtout ncessaire lorsque le trait ou la rsolution interprter sont authentifis en plusieurs langues, chacune d'elles faisant galement foi. Situation frquente dans les traits multilatraux contemporains. Tout le mcanisme d'application peut tre paralys par un dsaccord sur l'interprtation du texte l'occasion de traduction. La clbre rsolution 242 (1967) du Conseil de scurit demandant l'tat d'Isral de se retirer des (ou de ?) territoires occups en offre un exemple, les textes anglais et franais ne concidant pas exactement dans leur formulation. 3. Quant aux procds techniques d'interprtation destins mettre en uvre ces mthodes afin de dgager au mieux l'intention des parties contractantes ils sont nombreux et varis. Outre les techniques habituelles tenant au mode de raisonnement et autres procds pertinents utiliss dans l'interprtation de n'importe quel texte juridique, le droit international recommande plus particulirement (convention de Vienne, art. 31 34) : le recours au contexte du trait (prambule, texte et annexes du trait, correspondance diplomatique, ventuellement travaux prparatoires ; la prise en considration de l'poque et des circonstances de la conclusion du trait (interprtation historique) ; la prise en compte du comportement des parties contractantes depuis l'entre en vigueur du trait faisant ultrieurement objet
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d'une interprtation. En bref, tout ce qui peut aider dcouvrir l'intention originelle des parties sera utilis. L'interprtation des traits et autres actes juridiques tient donc une grande place dans les rapports internationaux. On ne s'en tonnera pas. Sans exclure les cas de mauvaise foi et les calculs diplomatiques au moment de la rdaction du trait (les vrais traits seraient-ils ceux qui, comme l'a crit Paul Valry, sont conclus en arrire-penses ?), il est vident que la diversit des intrts et la technicit des problmes rendent bien souvent difficile la rdaction d'un trait o chaque mot doit tre, comme dans tout contrat, bien pes. Exercice encore plus difficile lorsque le trait est rdig en plusieurs langues sans version officielle authentique : l'art de la traduction n'empchera pas d'aboutir parfois des formules inconciliables. La sagesse est alors de s'en tenir au plus prs la rgle gnrale d'interprtation voque ci-dessus.
SECTION III : LES EFFETS DES TRAITES L'GARD DES TATS TIERS
Un accord international ne lie juridiquement que les parties contractantes en vertu du principe de l'effet relatif des traits et des contrats (res inter alios acta ...). La jurisprudence internationale a frquemment rappel cette rgle tout comme la convention de Vienne de 1969 (art. 34). Le principe de l'effet relatif connat toutefois des drogations ou des amnagements de sorte que les traits peuvent avoir des effets l'gard d'tats tiers. C'est l un domaine ancien du droit international mais qui s'ouvre des perspectives nouvelles, plus ou moins contestes d'ailleurs, avec les transformations en cours dans le champ des relations internationales. voquons l'essentiel du problme en deux points. 1. Les drogations au principe de l'effet relatif des traits sont admises dans la doctrine classique et dans la pratique internationale pour certaines catgories de traits bi ou multilatraux, ceux qui crent dit-on des situations objectives , c'est--dire des situations qui par dfinition s'imposent tous les tats. Ainsi en est-il, dans la conception traditionnelle, des traits de frontires, des traits crant un statut territorial ou politique internationalis (ville ou rgion administre sous contrle international, zone dmilitarise, dnuclarise), des traits relatifs certaines communications maritimes (canaux internationaux). L'ide sous-jacente au concept de situation objective est celle de la ncessit : peine de dsordre gnral pour la communaut internationale il faut dcider que de tels traits, mme conclus par deux ou par un petit nombre d'tats, s'imposent tous, parce qu'ils sont dans l'intrt de tous (sret des frontires ; libert de navi49
gation pour tout pavillon dans les canaux statut international tels que ceux de Suez et de Panama). On retrouve cette ide implicite, en ce qui concerne au moins le maintien de la paix, dans les traits vocation universelle. Cf. Pacte de la SDN, article 17 ; Charte de l'ONU, articles 2 alina 6, 35 alina 2. L'effet l'gard des tats tiers est soit l'imposition d'une obligation - on parlera alors de trait charge -, soit l'octroi d'un avantage ou d'un droit, et il s'agira d'un trait en faveur de tiers ; la technique de la stipulation pour autrui, tire du droit interne, tant l'un des procds reconnus par le juge international (affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, C.PJ.I) pour faire bnficier le tiers. Cette conception classique, d'origine europenne, des drogations au principe de l'effet relatif des traits est aujourd'hui remise en cause, ou plutt rapprhende, de deux faons diffrentes. La convention de Vienne de 1969 admet (art. 34 38) les drogations prcites mais en prcisant qu'une obligation mise charge d'un tat tiers n'est possible que si celui-ci accepte par crit cette obligation (dans l'hypothse d'un bnfice le consentement est prsum). Ce qui abolit la notion d'tat tiers au sens propre du terme. Il y a l une discordance manifeste entre la rdaction de Vienne et l'tat actuel de la pratique internationale. On comprend aisment que les tats nouveaux cherchent viter au maximum l'imposition d'obligations auxquelles ils n'auraient pas consenti. Inversement on relve souvent dans les accords conomiques contemporains s'inscrivant dans les rapports Nord/Sud des clauses drogatoires en faveur d'tats tiers. C'est dire que cette question est objet de dbats et d'intrts multiples. Faut-il prenniser les solutions classiques ou inventer - et faire accepter - de nouvelles formules ? Et lesquelles ? 2. D'autres hypothses qui ne sont pas proprement parler des drogations sont signaler. Ainsi le trait multilatral gnral, dj cit, a par nature des effets erga omnes. De mme les traits imposent ou peuvent imposer des obligations-sanctions des tats tiers considrs comme complices des tats vaincus. La convention de Vienne de 1969 fait implicitement allusion cette situation dans le cas de l'tat agresseur (art. 75). Dans le cadre des relations internationales normales la clause de la nation la plus favorise est un procd d'extension des obligations original et trs utilis l'poque contemporaine : accords commerciaux, traits de navigation, conventions d'tablissement. L'ide en est simple : par cette clause deux tats s'engagent se faire bnficier mutuellement des avantages que l'un ou l'autre viendrait accorder ultrieurement un tat tiers. En ralit cette clause (qui serait apparue pour la premire fois dans un trait de commerce Grande-Bretagne/Portugal en 1642) comporte de nombreuses variantes techniques qui nuancent ses effets pratiques ; sa combinaison et conciliation avec des rgles de non-discrimination prvues par le trait font problme. D'o les dbats doctrinaux sur ce thme, notamment en droit international du dveloppe50
ment. Enfin la clause comporte des enjeux politiques trs prcis lorsqu'un tat sollicite le bnfice de cette clause et que l'autre en subordonne l'octroi des critres politiques. la limite elle peut reflter un phnomne de domination. Cela s'est vrifi en particulier dans certains accords commerciaux bilatraux tatsUnis/ex URSS, et tats-Unis/Chine communiste.
Le concept de trait ou disposition de trait dit se If-executing, c'est--dire immdiatement excutoire sans aucune procdure de rception, est videmment trs favorable au monisme avec primaut du droit international. Affirm, notamment dans les pays anglo-saxons o le pouvoir judiciaire dispose d'une relle autorit, ce concept n'est pas toujours d'une vidente clart sur le plan constitutionnel et jurisprudentiel. Mais il semble ... en voie de dveloppement dans l'hypothse d'un nouvel ordre international. En effet la cration et l'extension d'associations d'tats de type March Commun ou Union intgre conduit logiquement l'applicabilit directe des normes d'un systme juridique qui se situe l'interstice du droit interne et du droit international public, et qui s'appelle droit communautaire . L'essence du systme est moniste (cf. Trait de Rome de 1957, articles 5 et 77 propos des rglements communautaires, voire aujourd'hui des directives europennes), mais la souverainet maintenue des tats membres entretient des rsistances (dualistes) qui transparaissent dans les jurisprudences internes. Tout ceci, en tout cas, montre que le passage de l'ordre international l'ordre interne n'est pas aussi lisse qu'on pourrait, dans le meilleur des cas, l'imaginer ou le souhaiter. Il faut donc tre averti de ces difficults. 3. Parmi les formalits indispensables pour l'application d'un trait, il y a celle de la publication du trait dans l'ordre interne - au Journal Officiel ou dans tout autre recueil accessible - sans laquelle le trait sera inopposable, c'est--dire considr non pas comme inexistant juridiquement mais, plus simplement, non connu des gouverns. Le pendant sur le plan international est la procdure d'enregistrement du trait auprs de l'Organisation internationale (Charte de l'ONU, art. 102) qui conditionne son opposabilit aux tats tiers. En dmocratie, nul n'est cens ignorer la loi (interne). Encore faut-il que la publicit en ait t assure. Dans un tat de droit, il semble naturel que les accords internationaux dfinitivement conclus soient tous publis. Est-ce toujours le cas ? Certes pas ... Que penser alors d'un jugement qui refuse de faire bnficier une partie un procs des droits qu'elle dtient d'un trait sous prtexte que le trait a bien t rgulirement ratifi ou approuv, mais qu'il n'a pas t ... publi. Le fait du Prince en quelque sorte. Dcidment, par-del les thories, les rapports droit interne/droit international public peuvent recouvrir des situations concrtes o le respect du droit formel s'apparente l'injustice manifeste.
1. La succession aux traits Envisage dans le cadre gnral de la succession d'tats, la succession aux traits trouve naturellement sa place dans l'examen du droit des traits dans la mesure o est concern le sort de l'ordre juridique conventionnel la suite d'un cas de succession d'tats. Il s'agit en effet, d'un aspect particulier de la validit des traits la suite de la survenance d'une modification affectant l'identit des parties. Dans ce domaine de la succession aux traits, la doctrine et la jDratique internationales ont volu. Si la succession n'affecte pas directement l'Etat prdcesseur dont le domaine de comptence ratione loci correspond son nouvel espace gographique, la situation de l'tat successeur est plus complexe. Entre les thses extrmes : cette succession intgrale au corpus conventionnel et celle de la table rase, dont l'application la plus clbre a t le cas de la rpudiation par la France des traits de la monarchie malgache lors de la colonisation, la convention de Vienne de 1978 a choisi un moyen terme. La libert de participation au rgime conventionnel est reconnu l'tat successeur, ainsi la succession d'tat peut tre analyse comme une technique sui generis d'accession un trait avec comme corollaire la possibilit d'une succession slective l'ordre juridique conventionnel tabli par le prdcesseur. La mise en application de ce principe fait l'objet d'amnagements pratiques rgissant davantage ce qui peut constituer des exceptions. En premier lieu, les traits dits territoriaux ne sont pas affects par la succession ; ces conventions rgissent l'espace territorial concern et ne dpendent pas, ds lors, directement de l'identit des parties un trait. En deuxime lieu, en cas de transfert de territoire au profit d'un autre tat, le territoire en question est plac sous le rgime conventionnel de l'tat de rattachement et soustrait de celui du prdcesseur. En troisime lieu, l'accession d'un nouvel tat indpendant l'ordre juridique international a t envisage de manire particulire, dans le cadre de la dcolonisation. Le principe de la libert d'adhsion s'applique pleinement en combinaison avec son droit succder ; l'amnagement de la succession est effective dans le cadre des accords de dvolution qui envisagent la question dans le cadre global du couple : coopration/continuit du rgime juridique. Mais la difficult surgit pour les accords multilatraux avec le problme de l'ventuelle obligation d'accepter la participation du nouvel tat. En cas de silence du trait sur l'existence d'une clause relative la notification de succession, la solution est fonction directe de l'importance du facteur intuitu personae dans l'objet et le but de la convention multilatrale envisage. Enfin, la convention de 1978 envisage pour les hypothses de dislocation ou de regroupement d'tat des solutions diffrentes selon qu'on a faire ou non un cas de dcolonisation. Si on est en dehors d'une hypothse de dcolonisation, l'tat issu de ces phnomnes ne peut pas se considrer comme un tiers dans les relations internationales. Le trait reste en vigueur l'gard du successeur. 2. Les garanties d'excution du trait La question des garanties d'excution des traits est d'une autre nature. Elle se pose d'ailleurs pour tous les actes juridiques internationaux, commencer par 53
l'excution des sentences arbitrales et des arrts de la CIJ. Pour ces derniers la Charte de l'ONU a prvu (art. 94) une procdure prvoyant ventuellement l'intervention du Conseil de scurit. Le systme international contemporain n'organise pas de procdure gnrale d'excution force des traits et accords internationaux. Leur application reste avant tout tributaire du principe de bonne foi, sanctionn le cas chant par la mise enjeu de la responsabilit internationale de l'tat qui a manqu ses obligations contractuelles. La technique des traits de garantie , autrefois (xvrae-xixe sicle) assez rpandue sans tre toujours efficace, semble condamne dans la mesure o la Charte des Nations Unies interdit non seulement le recours la force mais aussi la simple menace de force (art. 2, al. 4). Lorsque deux ou plusieurs tats s'engagent par trait garantir l'excution d'un trait conclu entre d'autres partenaires ou faire respecter un statut international, ils s'engagent par dfinition faire pression, et le cas chant intervenir par la force. Ce rle revient au seul Conseil de scurit en cas de menace pour le maintien de la paix (cf. chapitres VI et VII de la Charte). notre avis la technique des traits de garantie - qui est en ralit une technique de domination de grandes ou moyennes puissances - est aujourd'hui difficilement utilisable . Encore faut-il la connatre.
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SECTION II : LES MODIFICATIONS CONSECUTIVES DES FAITS EXTRIEURS LA VOLONT DES PARTIES
Peut-on ou faut-il admettre que des traits puissent tre frapps de suspension ou d'extinction suite des circonstances chappant la volont des parties contractantes, voire contre la volont de l'une d'elles ? Cette question, qui se pose propos des contrats dans tous les systmes de droit interne, est encore peu ou mal rglemente en droit international positif. La convention de Vienne de 1969 propose (art. 61-64) quelques solutions de bon sens (suspension au plus ou extinction des traits selon le cas) dans l'hypothse de rupture des relations diplomatiques entre deux Etats ; ou dans l'hypothse de la disparition ou destruction dfinitive d'un objet indispensable l'excution du trait ; ou dans l'hypothse de la survenance d'une nouvelle norme imperative de droit international (jus cogens). Tout ceci n'arrive pas tous les jours... En revanche, les deux questions classiques en ce domaine n'ont toujours pas de rponse ferme et prcise qui permette de bien canaliser le jeu des relations internationales. C'est tout d'abord la question de l'effet de la guerre sur les traits : en dehors des traits et accords conclus pour tre appliqus prcisment, en priodes de guerre et de conflits arms (conventions de La Haye de 1907 sur le droit de la guerre et conventions de Genve et autres traits relatifs au droit humanitaire), tous les autres traits ont un sort qui dpend avant tout de la jurisprudence interne des tats concerns... C'est pourquoi la convention de Vienne de 1969 n'aborde pas la question, faute de consensus. Pour l'autre question classique, discute en doctrine depuis les dbuts du Droit des Gens, la convention de Vienne a le mrite d'apporter au moins un lment de rponse (art. 62) : un changement fondamental de circonstances peut, sous certaines conditions, justifier la suspension voire l'extinction d'un trait ; mais l'hypothse, d'aprs la rdaction de l'article 62, n'est admise que de faon trs restrictive, voire exceptionnelle. Ainsi cette clause est inoprante pour les hypothses concernant les traits de frontire ou l'inexcution fautive du trait par la partie qui l'invoque. Cette rdaction est la transcription moderne de la clbre clause rebus sic stantibus qui, dans l'histoire des relations internationales, a (trop) souvent servi de prtexte juridique des Etats pour tenter de se dgager de leurs obligations juridiques en invoquant un (quelconque) changement de circonstances. Dans la doctrine contemporaine dominante et la jurisprudence internationale, l'invocation de la clause rebus sic stantibus par une partie un trait n'est possible que si le changement met en pril l'existence ou le dveloppement vital de l'une des parties ou entrane une transformation radicale de la partie des obligations qui restent excuter. La convention de Vienne carte tout automatisme des effets et impose un dlai de trois mois de pravis la charge de la partie qui l'invoque. La consquence est soit l'extinction du trait ou le droit de retrait de la partie qui l'invoque soit la suspension de l'application. L'ide d'une rengociation d'un nouveau trait n'a pas t retenue dans la convention comme solution de droit, elle reste facultative. 57
Il ne semble pas qu'en 1993 l'tat d'esprit ait sur ce point beaucoup volu malgr les appels incantatoires un nouvel ordre mondial . 58
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LA COUTUME INTERNATIONALE
doctrine dominante. Ce dbat doctrinal retentit nanmoins sur la conception de la rgle coutumire et sur son acceptation dans/ou par le milieu international contemporain. 2. La question de la diversit des coutumes internationales ne simplifie pas le problme thorique et pratique. On distingue aujourd'hui entre coutume gnrale et coutume locale (ou rgionale). Une coutume internationale locale suppose l'adhsion implicite de tous les tats concerns par celle-ci, tandis que la coutume gnrale - celle que vise l'article 38 - n'exigerait pas ncessairement l'unanimit des tats pour s'imposer la communaut internationale en tant que rgle de droit objective. Dans tous les cas reste le problme de(s) l'tat(s) protestataire(s) (le .persistant objector ) qui refuse d'admettre l'existence d'une coutume. En fait, la contestation d'une coutume dite gnrale par un certain nombre d'tats est le signe annonciateur d'une remise en cause du droit international positif. L'volution du droit de la mer entre les confrences de Genve 1958-1960 et la convention de Montego Bay de 1982 en donne un bon exemple. Quant la thse de la coutume instantane (qualifie de sauvage par les adversaires), avance par des tats notamment tiers-mondistes dans les annes 1970, elle ne tient pas la route. L'ide tait d'affirmer qu'un seul fait ou comportement pouvait dans certains cas, constituer la pratique gnrale prvue l'article 38. C'tait aussi et surtout donner un contenu combatif la rptition des prcdents, afin de provoquer des changements dans le droit international. L'intention tait (est encore ?) comprhensible, voire louable. Mais le concept d'une coutume instantane nous semble prmatur. Il va rencontre d'un dicton que l'on retrouve dans toutes les civilisations et qui s'exprime en franais dans cette expression bien connue : une fois n'est pas coutume . Un minimum de rptitions dans le temps sous-tend, en effet, l'ide de coutume. 3. Les rapports entre trait et coutume appellent trois observations. En tant que sources de droit, le trait et la coutume sont en thorie des sources gales, l'un pouvant mettre fin l'autre et inversement ; la pratique internationale offre quelques exemples plus ou moins prcis de cette situation. Dans le domaine de la formation du droit international les rapports trait/coutume sont troits : les traits sont des prcdents parmi d'autres dans la cration de la coutume ; inversement la coutume peut toujours aboutir la forme crite du trait de codification. On notera surtout que trait et coutume peuvent tre la source d'une mme obligation pour les tats concerns, les uns tant lis par un trait et les autres par une coutume gnrale. Cette situation, voque par l'article 38 de la convention de Vienne de 1969 et la Cour internationale de Justice (affaire du Plateau continental de la mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969) tmoigne de la vigueur persistante du droit coutumier international.
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Chapitre 2 : Les principes gnraux de droit reconnus par les nations civilises
Cette troisime source cite par l'article 38, paragraphe 1, alina c) du Statut de la CIJ est d'origine rcente puisque son introduction officielle concide avec la cration de la Cour permanente de Justice internationale en 1920. D'o le caractre dat de la formule nations civilises : l'poque elle visait moins les socits coloniales (encore que...) que ce tout nouvel tat de type nouveau en train de se former dans les violences de la rvolution bolchevique - qui deviendra URSS en 1924 (jusqu'en dcembre 1991) - qui reprsentait le type mme de la nation non civilise. Certains voudraient bien aujourd'hui accoler ce qualificatif un tat convaincu de soutenir le terrorisme international... Quoi qu'il en soit ce n'est pas l'expression nations civilises qui fait problme mais bien le concept mme de principes gnraux de droit. Une ambigut certaine continue de flotter sur le contenu exact de la notion et sur la place de cette source du droit dans le systme international. On ne peut ici qu'y faire allusion.
fini par l'admettre (confrence d'Helsinki de 1975) mais au titre de diplomatie et de real politik. On pourrait multiplier les exemples de ces analyses divergentes et intresses. 2. La doctrine reste divise sur l'analyse de contenu de l'article 38, paragraphe 1, alina c). Deux coles principales s'affrontent avec de bons arguments. L'une considre que les seuls vrais principes voqus par ce texte ne peuvent tre que les principes gnraux communs l'ensemble des systmes juridiques internes ou, si l'on prfre, aux diffrentes familles juridiques. C'est la thorie dominante : il est logique d'admettre comme norme juridique internationale un principe-rgle que l'on retrouve peu ou prou dans la plupart des grands systmes de droit contemporains, quelle que soit leur diversit sur le plan philosophique et idologique. Les apports du droit compar, en matire de procdure notamment, sont ici dterminants (cf. systme de la preuve, thorie des droits acquis, de l'abus de droit, etc.). L'autre cole considre qu'il faut rserver la qualification de principes gnraux de droit aux seuls principes juridiques spcifiques au jeu des rapports internationaux (par exemple, principe du devoir de rparer un dommage caus de faon illicite et principe de l'puisement des recours internes dans le domaine de la responsabilit internationale). Et il y a ceux qui, intellectuellement prudents ..., s'efforcent de combiner les deux thories en introduisant, le cas chant, l'ide d'une hirarchie au profit des principes du droit international sur les principes communs aux droits internes. En fait l'examen de la doctrine et de la pratique internationales rvle trois grandes tendances : l'une qui s'efforce de faire effectivement des principes gnraux de droit (quelle que soit l'cole sous-jacente) une source autonome du droit international ; l'autre qui confond plus ou moins principes gnraux et coutume internationale puisque ce sont des rgles non crites ; une troisime tendance, enfin, qui continue d'assimiler ces principes des obligations relevant plus de la morale internationale que du droit positif. On admettra volontiers que la notion en question n'est pas clarifie pour autant. Seule la jurisprudence est susceptible d'apporter un lment de rponse.
SECTION II : LA PLACE DES PRINCIPES GENERAUX DE DROIT DANS LE SYSTME INTERNATIONAL CONTEMPORAIN
Ce thme/dbat a engendr une considrable littrature au croisement de la philosophie et de la morale, de la sociologie internationale et du droit. Pour notre part et sur un plan trs concret nous nous en tiendrons trois observations. 64
1. La rfrence des principes est une constante du droit international et des relations internationales. Elle parcourt tous les chapitres du droit international public classique. Elle se dveloppe (quantitativement) encore plus dans les domaines nouveaux : droit des organisations internationales, droit transnational, droit communautaire. Mais le quantitatif ne fait pas le qualitatif. La question fondamentale demeure : l'usage du mot principe se rfre-t-il prcisment ou non au concept juridique de l'article 38 ? Tous les arbitrages rendus avant 1920 et utilisant frquemment le mot principe n'y mettaient pas ncessairement, et pour cause, un contenu juridique. Qu'en est-il des arbitrages rendus depuis cette date ? Le flou dans l'usage du concept ne nous parat pas lev. 2. Le dbat doctrinal sur la place et le rle des principes gnraux de droit comme source du droit international ne faiblit pas. Il contribue d'ailleurs au progrs du droit international. Il convient de relever deux types d'analyses. a) S'agissant des principes gnraux de droit pris en tant que normes internationales, la coupure doctrinale est nette. Il y a, d'un ct, les normativistes disciples intellectuels de Hans Kelsen qui mettent les principes au sommet de la hirarchie des normes internationales (c/. Pacta sunt servando, jus cogens) ; et, d'un autre ct, ceux qui n'accordent aux principes qu'un rle subsidiaire, un rle de secours en quelque sorte : dfaut de trait ou de coutume, les principes gnraux seront une source juridique utilisable. b) S'agissant des principes gnraux pris sous l'angle de la formation et du dveloppement du droit international, les analyses sont, ici aussi, trs partages, et aussi trs subjectives. Les uns pensent que, tt ou tard, un principe gnral de droit, rgulirement observ, devient invitablement coutume et, pourquoi pas, transcrit dans un trait de codification. D'autres, au contraire, estiment (et souhaitent) que les principes gnraux de droit soient ou deviennent le fondement d'un droit international nouveau, et le vrai critre de la lgalit internationale. C'est sans doute aller trop vite dans la ralisation d'un idal, d'une belle utopie. Il n'empche que l'ide prend corps srieusement, et qu'elle attend peut-tre la sanction du juge pour provoquer l'ouverture de nouveaux horizons. 3. La jurisprudence internationale a toujours t trs prudente en ce domaine. Bien que les principes gnraux aient t proclams comme source du droit international en 1920 - dans le but surtout d'empcher toute lacune du droit - la CPJI n'y ajamis fait expressment rfrence dams ses avis et arrts (sauf dans quelques opinions individuelles ou dissidentes). En revanche la CIJ a voqu plusieurs reprises les principes gnraux de droit, avec ou sans renvoi explicite l'article 38, paragraphe 1, alina c), et plus encore dans les opinions individuelles des juges. Il y aurait donc une attention plus grande, notre poque, porte aux principes gnraux de droit, mais toujours titre suppltif ou complmentaire. L'appel ces 65
principes apparat, d'ailleurs, plus ais dans le cadre souple de l'arbitrage et, plus encore, dans un systme de droit communautaire. Cette troisime source officielle de droit international, peu utilise jusqu'ici titre direct il faut bien l'admettre, se trouve la fois renouvele et concurrence par les rsolutions des organisations internationales qui n'hsitent pas, elles aussi, proclamer des principes qui se situent au confluent de la morale et du droit international, sans pour autant s'inscrire dans le cadre de l'article 38 prcit.
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ou techniques, universelles ou rgionales, trs structures ou proches de l'alliance traditionnelle, font aussi la diffrence. Dans le meilleur des cas le trait constitutif de l'organisation, par exemple dans certaines institutions spcialises de l'ONU, prcise d'une certaine faon la porte ou force juridique de la rsolution. Ce n'est pas la pratique gnrale, commencer par la Charte de l'ONU (cf. infra). 2. D'utiles essais de classification, ou plutt de classement, des actes des organisations internationales ont t (et seront encore) prsents en doctrine. Ils contribuent mettre un peu de clart dans ce chapitre complexe du droit des organisations internationales et, surtout, mettre en valeur la diversit de contenu des rsolutions. titre indicatif on signalera les quatre catgories suivantes. Les rsolutions relatives au fonctionnement mme des organisations internationales sont les plus nombreuses (cf. vote du budget, droulement des sessions, procdures) et constituent le droit interne de l'Organisation ; elles se situent aux confins du droit international. l'oppos, les rsolutions relatives au maintien de la paix et de la scurit sont les plus importantes pour la communaut internationale, qu'elles manent de l'ONU ou d'organisations politiques rgionales telles que l'OEA, la Ligue arabe, l'OUA. Les rsolutions adoptes dans le cadre d'institutions spcialises, tels que le rglement sanitaire international l'OMS ou les standards minimum l'OACI (organisation de l'aviation civile internationale), imposent des obligations aux tats membres. En revanche, les rsolutions souvent formules en termes solennels voire incantatoires l'Assemble gnrale des Nations Unies mais qui se bornent (si l'on ose dire) rappeler des principes gnraux et des rgles coutumires, ou qui portent dclaration - par exemple Dclaration universelle des droits de l'homme de 1948, droit l'autodtermination et l'indpendance des pays ou des peuples coloniss de 1960, charte des droits et des devoirs conomiques des tats en vue de l'tablissement d'un nouvel ordre conomique international, 1973, dfinition de l'agression en droit international, 1974 - n'ont pas eu d'effet crateur juridique immdiat. Elles ne sont pas moins porteuses de droit. Et c'est bien ce qui fait problme d'un point de vue strictement normatif ou juridique, surtout dans le droit des Nations Unies.
responsabilit qui est tributaire des procdures organises par la Charte ainsi que de la bonne volont des tats membres du Conseil de scurit, notamment des Cinq qui disposent d'un droit de veto. En 1982 - c'tait encore l'poque de la guerre (plus ou moins) froide - le Secrtaire gnral de l'ONU constatait dans son rapport annuel la faillite du systme international de scurit collective ... En 1992, malgr de cinglants checs (dans l'ex-Yougoslavie), la cote de l'ONU a incontestablement remont l'audimat international. Mais la question de la force juridique des rsolutions adoptes l'ONU demeure peu prs ce qu'elle tait l'origine, depuis 1946 : c'est la distinction entre la recommandation et la dcision. 1. Le mcanisme du maintien de la paix organis par la Charte, principalement dans les chapitres VI et VII complts par les dispositions relatives aux comptences gnrales de l'Assemble gnrale (art. 10 et 17) et du Conseil de scurit (art. 24 et 25), semble juridiquement clair, quelle que soit la formulation plus ou moins imperative des rsolutions adoptes. L'Assemble gnrale ne dispose que d'un pouvoir de recommandation, tandis que le Conseil de scurit peut choisir en fonction des circonstances de s'en tenir des recommandations (chap. VI) ou de prendre, le cas chant, des dcisions (chap. VII). En soi la rsolution/recommandation n'est qu'une invitation ou exhortation agir qui n'a pas de caractre contraignant tandis que la rsolution/dcision a force juridique. Telle tait du moins, au dpart, l'analyse considre comme la plus correcte de la Charte de l'ONU. 2. Sous l'effet de contraintes conjoncturelles, du dbat doctrinal, de manifestations de puissance et de la jurisprudence, la question de la force juridique des rsolutions adoptes par l'Assemble et par le Conseil de scurit de l'ONU s'est singulirement approfondie et... obscurcie. Quatre lments au moins ont contribu ce rsultat. Il y a eu, d'abord, la trs clbre rsolution 377 (1950), dite rsolution Acheson, par laquelle l'Assemble gnrale de l'poque s'attribuait - dans une douteuse lgalit - les pouvoirs du Conseil de scurit (paralys par le veto) pour le maintien de la paix. La guerre de Core (1950-1953) en tait le prtexte, mais la rsolution Acheson ... est toujours inscrite dans les textes onusiens. Avec le temps, une bonne partie de la doctrine internationale s'est dclare favorable, avec des arguments plus ou moins convaincants, la reconnaissance d'une certaine force contraignante (?) selon le cas de simples recommandations du Conseil de scurit ou mme de l'Assemble gnrale. Une autre complication vient de ce que, sauf exception, le Conseil de scurit ne prcise (volontairement) pas s'il intervient dans le cadre du chapitre VI ou du chapitre VIL Ce qui laisse toute latitude d'interprtation des formules telles que Le Conseil de scurit ... exige ... dcide , mais complique srieusement l'application du droit international. La CIJ, enfin, n'a pas clarifi la question - c'est le moins qu'on puisse dire - lorsqu'elle a estim (dans son Avis de juin 1971) que le mot dcision figurant dans l'article 25 de la Charte propos des comptences gnrales du Conseil de scurit visait toutes les rsolutions de celui-ci, et non pas seulement celles du chapitre VII. la lettre de la Charte, c'tait un drapage ; 69
mais ce n'tait en dfinitive qu'un avis qui avait le mrite de prciser que : il faut soigneusement analyser le libell d'une rsolution du Conseil de scurit avant de pouvoir conclure son effet obligatoire . En dfinitive tout devient cas d'espce... 3. Un retour la distinction recommandation/dcision sur le fondement des chapitres VI et VII de la Charte en ce qui concerne le Conseil de scurit nous semble le plus opportun. On saurait au moins qu'une recommandation peut tre judicieuse quoique sans force obligatoire, et qu'une dcision, elle, est dfinitivement contraignante parce que source directe de droit international. Jusqu' ce qu'on a appel la guerre du Golfe en 1991 qui a donn lieu douze rsolutions/dcisions fondes explicitement sur le chapitre VII de la Charte, le Conseil de scurit ne s'tait aventur que trois fois sur ce terrain (1966, Rhodsie du Sud ; 1977, embargo sur les ventes d'armes l'Afrique du Sud ; 1987, cessez-le-feu dans la guerre Iran/Iraq). Le dbat politique n'est pas clos. En rappelant (en mars 1992) la distinction entre le chapitre VI et le chapitre VII de la Charte pour ce qui concerne la force juridique des rsolutions du Conseil de scurit, le nouveau Secrtaire gnral de l'ONU s'est attir de trs vives critiques. On apprend ainsi que la trop clbre rsolution 242 (1967) exigeant l'vacuation par Isral des territoires occups aprs la guerre des six jours est ou serait... obligatoire mais pas coercitive (cf. journal Le Monde du 22/23 mars 1992). Pour un juriste averti la nuance est comprhensible ; pour tous les autres, cela peut faire sourire. Et c'est bien le triptyque recommandation/dcision/obligation - coercition qui fait toujours problme, sauf cas particulier, pour l'ensemble des actes des organisations internationales en tant que sources de droit international.
SECTION III : LA PLACE DES ACTES DES ORGANISATIONS INTERGOUVERNEMENTALES DANS LE SYSTME INTERNATIONAL
II faut sur ce point bien faire la distinction entre deux analyses. 1. S'agissant de la force juridique des rsolutions des organisations internationales, l'essentiel a t dit. Cela va de la pure et simple recommandation qui n'est que l'expression d'un souhait la recommandation charge d'une certaine force contraignante (mais laquelle ?), et la rsolution/dcision expressment prvue par le trait constitutif de l'organisation. Il y a donc des rsolutions qui sont sources de droit mme si elles portent officiellement le nom de recommandations (cf. institutions spcialises ; accords de tutelle selon les articles 75-85 de la Charte des Nations Unies ; recommandations expressment acceptes par les
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tats destinataires), et des rsolutions qui ne sont pas effectivement sources de droit positif puisqu'elles ne sont pas coercitives . Aussi longtemps qu'une distinction juridique trs prcise ne sera pas spcifie dans les traits constitutifs d'organisations internationales entre rsolutions/recommandations et rsolutions/dcisions, aussi longtemps durera l'ambigut (et la controverse) sur cette quatrime source du droit international contemporain. Une ambigut dont s'accommode, en fait, fort bien la diplomatie internationale. 2. S'agissant de la formation et de l'volution du droit international, il va de soi que les actes des organisations internationales y contribuent considrablement mme s'ils ne sont pas toujours ou pas immdiatement accepts par l'ensemble de la communaut internationale. Ces actes sont, dans le meilleur des cas, des prcdents pouvant donner naissance une coutume internationale. Mme s'ils ne sont pas juridiquement coercitifs ils refltent un tat de l'opinion internationale susceptible, terme, de faire voluer le droit international. ct des sources dites classiques du droit international (trait, coutume, principes gnraux de droit), il y a aujourd'hui ces rsolutions d'organisations internationales qui sont aussi sources ... d'interrogations.
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SECTION I : L'EQUITE
Le concept d'quit est de ceux qui divisent naturellement la doctrine dans la mesure o, par dfinition, il chappe cette rigueur de dfinition qui, normalement, caractrise la norme juridique par rapport aux autres rgles de conduite, morale et sociale. Sans entrer dans ce type de dbat, soulignons deux points essentiels. 1. Le concept d'quit relve moins du droit strict que du sentiment de la justice, du juste et de l'injuste. Summum jus, Summa injuria disait, dj, le droit romain qui avait prcisment invent le droit prtorien pour adoucir et moduler l'application stricte de l'action civile (le droit positif), tant il est vrai qu'une rgle de droit peut tre, selon les circonstances de l'espce, la source d'une grande injustice. C'est pourquoi tous les systmes juridiques internes font, d'une faon ou d'une autre, une place plus ou moins grande ce concept (le contenu de l'quit dans la conception franaise n'est pas exactement celui 'equity en droit anglo-saxon). En common Jaw, Y equity consiste reconnatre au juge la facult de formuler des rgles autonomes, distinctes du droit positif, pour rsoudre les difficults imprvues ; ainsi la fonction de Y equity se rapproche de celle du droit prtorien. Et c'est pourquoi ce rapport droit/justice se trouve logiquement transpos dans le domaine des relations inter-tatiques, mais avec des nuances et parfois des 73
a priori idologiques. Toujours est-il que les dispositions de l'article 38, paragraphe 2, du Statut de la CIJ bnficient de la double acception quit/equity. Entre le juriste positiviste qui repousse l'quit au nom de la scurit des situations juridiques et l'idaliste qui milite pour que le droit soit toujours juste (...), il y a place pour des positions mdianes qui accordent au principe d'quit un rle correcteur, disons suppltif et plus ou moins quantifiable, de la rgle de droit positif. Il est, somme toute, un moyen fort utile de corriger non seulement la rigueur mais aussi la rugosit de la rgle de droit ; il n'est pas, en soi, une source de droit. Il nous semble qu' l'heure actuelle le dbat thorique se situe dans ces limites. D'autant que l'effacement (on ne dira pas l'effondrement, ce qui serait tirer un trait sur l'avenir) de l'idologie marxiste dans les relations internationales ne conforte pas ou plus les analyses en termes de rapports de forces, d'antagonismes et de contradictions. Mme si les faits sont ttus. Tout cela confirme que l'idal d'quit en droit international entretient l'ambigut du concept sur le plan des sources du droit international. 2. En revanche la pratique internationale contemporaine tmoigne d'un appel l'ide d'quit et mme de plus grande quit si l'on peut dire - dans les rapports internationaux. Depuis le Statut adopt en 1920, la Cour internationale de Justice peut (art. 38, par. 2) statuer ex aequo et bono (c'est--dire en quit) si les parties en conviennent. Aucun arrt de la CPJI et de la CIJ n'a encore t rendu sur cette base, mais plusieurs arrts rcents ont fait tat de ncessaires considrations d'quit pour une application raisonnable du droit. Par ailleurs, l'arbitrage international (o les parties au procs choisissent en dfinitive leurs juges) se prte beaucoup plus ce type de rglement. La jurisprudence internationale arbitrale en donne l'illustration. On notera aussi que le droit conventionnel contemporain, qu'il s'agisse de la Charte des Nations Unies ou d'autres traits multilatraux, font une rfrence voire une place plus ou moins prcise l'quit et, ce qui revient au mme ou presque, la condamnation de l'abus de droit. C'est notamment le cas dans les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme (1966) ; dans le nouveau droit de la mer {cf. infra) en ce qui concerne le plateau continental et la gestion des fonds marins, et dans le domaine du droit international conomique et du droit du dveloppement. force d'insister sur le vocabulaire (quit, quitable), la formulation de ces sentences arbitrales et autres dispositions conventionnelles devrait faire clore une nouvelle culture juridique (et donc source) internationale. La rfrence l'quit et aux principes quitables dans le droit positif et la jurisprudence amne faire l'observation suivante : la recherche d'une solution quitable, caractrise par le souci d'opportunit dans l'ajustement des prtentions n'est qu'une stricte application des mthodes d'interprtation de la rgle de droit. En toute hypothse il revient la juridiction internationale de constater le caractre quitable des conclusions formules. 74
Cela tant il faut bien constater qu'en dehors de l'hypothse de l'article 38, paragraphe 2, la rfrence au concept d'quit relve de la logique de politique juridique dans le cadre du dveloppement progressif du droit international beaucoup plus que de la ralit politico-juridique contemporaine. Et pourtant l'augmentation croissante des ingalits dans le monde contemporain, notamment entre pays du Nord et pays du Sud, n'a jamais autant mis en relief l'exigence d'une plus grande justice entre les nations.
pur et dur qui caractrise normalement les rapports bilatraux et donne toute sa rigueur la norme internationale issue de ce type de trait (cf. supra) n'a plus sa place dans un systme multilatral (mondial) o il s'agit d'essayer d'harmoniser autant que possible et quitablement - des intrts et des situations au dpart trs diffrents. D'o la multiplication des procdures telles que les rserves dans les traits multilatraux et autres techniques voques ci-dessus. Du coup, il convient, en chaque cas d'espce, de distinguer entre obligation de rsultat, obligation de moyen et obligation de comportement. En d'autres termes, il y a des domaines du droit international contemporain o, par la force des choses et des situations, la rgle de droit devient ncessairement flexible et la ralit internationale interpellation du dogme du positivisme volontariste. C'est, selon la formule connue le soft law, qui se situe aux frontires du droit proprement dit et du droit en gestation. En ralit les tats contemporains, petits et grands, se trouvent souvent confronts dans l'exercice de leur souverainet deux difficults. L'une consistant savoir, l'occasion d'un diffrend, quelle est la source de droit international positif applicable. Et l'autre, dgager si possible le degr de force juridique des diffrentes normes en situation : du jus cogens ou norme imperative de droit international au soft law il y a une vaste chelle de valeur qui va du droit au non-droit en passant par le quasi-droit... C'est une situation qui ne peut pas satisfaire le juriste positiviste soucieux ajuste titre de clart et de rigueur. Mais c'est une situation qui reflte les multiples enjeux des rapports internationaux contemporains et qui est, sans doute, le signe d'un droit international en devenir .
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