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Dimension topologique

définition topologiquement invariante de la dimension d'un espace

En mathématiques, une dimension topologique est une notion destinée à étendre à des espaces topologiques la notion algébrique de dimension d'un espace vectoriel. C'est un invariant topologique, entier ou infini.

Les trois principales dimensions topologiques sont les deux dimensions inductives ind et Ind et la dimension de recouvrement dim. Les dimensions Ind et dim coïncident pour tout espace métrisable ; si l'espace est de plus séparable, ses trois dimensions topologiques sont égales[1]. Ces « bons espaces » incluent en particulier les variétés topologiques et a fortiori les variétés différentielles. La dimension topologique n'est pas vraiment l'outil adapté à des applications pratiques, pour lesquelles on lui préfère la notion de dimension fractale.

Dimensions inductives

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La petite dimension inductive ind, ou dimension de Urysohn-Menger, et la grande dimension inductive Ind, ou dimension de Čech, seront définies par récurrence à partir de la notion suivante[2] : on dira qu'un fermé sépare deux parties A et B si son complémentaire est la réunion de deux ouverts disjoints dont l'un contient A et l'autre contient B.

Espace de dimension n

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On définit la valeur de ind(E) pour tout espace régulier[N 1] E et de Ind(E) pour tout espace normal[N 2] E par l'ensemble de ses majorants :

  • ind(∅) = Ind(∅) = –1
  • pour n ≥ 0 :
    • ind(E) ≤ n si (dans E) un point et un fermé ne contenant pas ce point sont toujours séparés par un sous-espace L tel que ind(L) < n[3],[4] ;
    • Ind(E) ≤ n si (dans E) deux fermés disjoints sont toujours séparés par un sous-espace L tel que Ind(L) < n[5],[6].
Remarques
  • Pour tout espace normal E, ind(E) ≤ Ind(E)[5], d'où les notations ind et Ind et les qualificatifs de petite et grande.
  • Pour tout sous-espace F de E, on a ind(F) ≤ ind(E).
  • On obtient la même[7],[8] fonction ind sur les espaces réguliers lorsqu'on remplace sa définition récursive par :
    ind(E) ≤ n si les ouverts U tels que ind(∂U) < n forment une base de E,
    U désigne la frontière de U.
  • De même[N 3], la condition ci-dessus pour Ind(E) ≤ n peut être remplacée (pour E normal) par : pour tout fermé F, les ouverts U contenant F et tels que ind(∂U) < n forment une base de voisinages de F[5].

Espace de dimension zéro

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Un espace topologique non vide est dit « de dimension zéro[9] » s'il possède une base d'ouverts-fermés ; un tel espace vérifie l'axiome T3[10].

Les espaces de dimension zéro sont donc exactement les espaces T3 pour lesquels ind = 0 (d'après la définition ci-dessus en termes de base d'ouverts).

Propriétés
Exemples

Exemples

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  • La dimension de tout ouvert non vide de Rn est n[N 6].
  • Un arc de Jordan rectifiable dans Rn est de dimension 1, une portion de surface régulière est de dimension 2, etc.

Propriétés

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  • Pour tout espace E de Lindelöf, dim(E) ≤ ind(E) ≤ Ind(E) (inégalités d'Aleksandrov) et si ind(E) = 1 alors Ind(E) = 1[16],[17],[N 7]. À partir de 1, les trois dimensions peuvent être distinctes : pour tout entier i ≥ 1, il existe un compact Xi tel que dim(Xi) = 1, ind(Xi) = i et Ind(Xi) = 2i – 1[16].
  • Pour tout espace normal E, si F est fermé dans E alors Ind(F) ≤ Ind(E)[18], mais il existe des contre-exemples si F n'est pas fermé (cf. § « Espace de dimension zéro » ci-dessus).
  • Il existe un compact E réunion de deux fermés F1 et F2 tels que Ind(F1) = Ind(F2) = 1 mais Ind(E) = 2[19].
  • Cependant, si E est un espace parfaitement normal, alors[N 8],[20] :
    • pour tout sous-espace F de E, on a Ind(F) ≤ Ind(E) ;
    • si E est réunion d'une suite de fermés Fn alors Ind(E) =[21] supn Ind(Fn).
  • Il existe :
  • Cependant, Ind(X×Y) ≤ Ind(X) + Ind (Y) (pour X et Y non tous deux vides) dès que X est parfaitement normal et Y est métrisable[24],[25] (mais l'inégalité peut être stricte : il existe même[26] un espace métrisable séparable X homéomorphe à X2 et de dimension 1).

Dimension de recouvrement

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Définition

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La dimension de recouvrement de Lebesgue, dim, se définit de même par ses majorants mais sans récurrence : dim(E) ≤ n si tout recouvrement ouvert fini de E admet un recouvrement ouvert fini plus fin tel que chaque point de E appartient à au plus n + 1 ouverts de ce dernier recouvrement.

Propriétés

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Lien avec la dimension de Hausdorff

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La dimension de Hausdorff d'un espace métrisable dépend spécifiquement de la distance utilisée. La dimension topologique d'un espace métrisable séparable E est le minimum des dimensions de Hausdorff de E pour toutes les distances sur E compatibles avec sa topologie[31].

La définition de fractale initialement donnée par Benoît Mandelbrot est celle d'un espace métrique dont la dimension topologique est strictement inférieure à la dimension de Hausdorff[32], mais il l'a rapidement remplacée par une définition plus vague, permettant d'inclure par exemple la courbe de Hilbert.

Notes et références

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  1. Ou (plus rarement) : pour tout espace vérifiant l'axiome de séparation T3 mais pas nécessairement l'axiome T0.
  2. Ou (plus rarement) : pour tout espace vérifiant T4 mais pas nécessairement T1.
  3. Rappelons que dans tout espace topologique, un ensemble de parties est une base si et seulement si pour tout point x, celles de ces parties qui contiennent x forment une base de voisinages de x.
  4. Tout espace T3 et de Lindelöf est T4.
  5. C'est-à-dire que ses composantes connexes sont les singletons.
  6. Ce fait est à rapprocher du théorème de l'invariance du domaine de Brouwer.
  7. Ceci complète deux résultats ci-dessus sur les espaces de dimension zéro.
  8. Théorème dû à Dowker, qui suppose seulement que E est « totalement normal ». C'est un axiome de séparation intermédiaire entre « parfaitement normal » et « complètement normal ».

Références

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  1. (en) Ryszard Engelking, Dimension Theory, North-Holland et PWN, (lire en ligne), p. 65, généralisé p. 256.
  2. « Partition between A and B » : Engelking 1978, p. 4.
  3. Engelking 1978, p. 5.
  4. (en) Keiô Nagami, Dimension Theory, Academic Press, (lire en ligne), p. 45, dans le cas d'un espace normal.
  5. a b et c Engelking 1978, p. 52.
  6. Nagami 1970, p. 45.
  7. Engelking 1978, p. 3.
  8. (en) J. M. Aarts et T. Nishiura, Dimension and Extensions, North-Holland, (lire en ligne), p. 5.
  9. Ou « scattered space » dans (en) Michel Coornaert, Topological Dimension and Dynamical Systems, Springer, (DOI 10.1007/978-3-319-19794-4, lire en ligne), p. 31, qui réserve le terme « dimension » à la dimension de recouvrement. Mais pour la plupart des auteurs, « scattered space » signifie « espace dispersé », qui est une autre notion (Steen et Seebach, p. 33).
  10. a et b (en) Lynn Arthur Steen et J. Arthur Seebach, Jr., Counterexamples in Topology, Dover, (1re éd. Springer, 1978), 244 p. (ISBN 978-0-486-68735-3, lire en ligne), p. 32-33.
  11. Coornaert 2015, p. 33 et 38 ; Engelking 1978, p. 12 et 53 et, pour une classe plus vaste (les espaces « fortement paracompacts »), p. 198.
  12. Coornaert 2015, p. 33.
  13. a et b Coornaert 2015, p. 32.
  14. (en) Alexander Arhangel'skii et Mikhail Tkachenko, Topological Groups and Related Structures, Atlantis Press, (lire en ligne), p. 136.
  15. (en) C. H. Dowker, « Local dimension of normal spaces », Q. J. Math., vol. 2, no 6,‎ , p. 101-120 (lire en ligne), complété par une remarque de Engelking 1978, p. 176.
  16. a et b (en) V. V. Filippov, « A survey of dimension theory », dans 20 Lectures Delivered at the ICM in Vancouver, 1974, AMS, (lire en ligne), p. 47-50.
  17. Engelking 1978, p. 220 et 199, le démontre même pour les espaces « fortement paracompacts ».
  18. Engelking 1978, p. 170.
  19. Engelking 1978, p. 178-179.
  20. Cité dans (en) Nobuo Kimura, « On a sum theorem in dimension theory », Proc. Japan Acad., vol. 43, no 2,‎ , p. 98-102 (lire en ligne).
  21. Preuve (en termes de ind) dans le cas où E est métrisable et séparable : Engelking 1978, p. 42.
  22. V. V. Filippov (1972), cité dans (en) Eric K. van Douwen, « The small inductive dimension can be raised by the adjunction of a single point », Indag. Math., vol. 76, no 5,‎ , p. 434-442 (DOI 10.1016/1385-7258(73)90067-X) et dans (en) V. A. Chatyrko et K. L. Kozlov, « On (transfinite) small inductive dimension of products », Comment. Math. Univ. Carol., vol. 41, no 3,‎ , p. 597-603 (lire en ligne).
  23. (en) Teodor C. Przymusiński, « On the dimension of product spaces and an example of M. Wage », Proc. Amer. Math. Soc., vol. 76,‎ , p. 315-321 (lire en ligne).
  24. (en) Nobuo Kimura, « On the inductive dimension of product spaces », Proc. Japan Acad., vol. 39, no 9,‎ , p. 641-646 (lire en ligne).
  25. Engelking 1978, p. 202-203 et (en termes de ind) dans le cas particulier où X et Y sont métrisables et séparables p. 46.
  26. (en) P. Erdős, « The dimension of the rational points in Hilbert space », Ann. Math., 2e série, vol. 41,‎ , p. 734-736 (lire en ligne).
  27. Engelking 1978, p. 220.
  28. Engelking 1978, p. 254 : théorème de Katětov-Morita.
  29. (en) Prabir Roy, « Failure of equivalence of dimension concepts for metric spaces », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 68, no 6,‎ , p. 609-613 (lire en ligne) et (en) Prabir Roy, « Nonequality of dimensions for metric spaces », Trans. Amer. Math. Soc., vol. 134,‎ , p. 117-132 (lire en ligne).
  30. Engelking 1978, p. 233.
  31. E. Szpilrajn, « La dimension et la mesure », Fund. Math., vol. 28,‎ , p. 81-89 (lire en ligne).
  32. (en) C. Wayne Patty, Foundations of Topology, Jones & Bartlett Learning, (lire en ligne), p. 225.

(en) Stephen Willard, General Topology, Mineola, N.Y., Dover, (1re éd. 1968), 369 p. (ISBN 978-0-486-43479-7, lire en ligne)