Nothing Special   »   [go: up one dir, main page]

Bey de Tunis

représentant de l'Empire ottoman à Tunis

Le bey de Tunis est à l'origine un gouverneur représentant l'Empire ottoman à Tunis (Tunisie).

Bey de Tunis
Image illustrative de l’article Bey de Tunis
Armoiries beylicales

Image illustrative de l’article Bey de Tunis
Dernier bey de Tunis
Lamine Bey
(1943-1957)

Création
Titre Possesseur du royaume de Tunis (1705-1956)
Possesseur du royaume de Tunisie (1956-1957)
Abrogation
Premier titulaire Mourad Ier
Dernier titulaire Lamine Bey

Le régime beylical, qui met fin à l'épisode d'Ibrahim Cherif qui suit la dynastie des Mouradites, se transforme rapidement en monarchie dont le bey est le souverain. À partir du XVIIIe siècle, les beys issus de la dynastie des Husseinites, fondée par Hussein Bey, acquièrent une autonomie de fait, c'est-à-dire une quasi-indépendance, vis-à-vis de leur suzerain : le sultan ottoman.

Bien que son pouvoir effectif soit affaibli par le protectorat français à partir de 1881, c'est après l'indépendance de la Tunisie, proclamée en 1956, que les beys perdent définitivement leur pouvoir qui est déjà passé de fait dans les mains du parti du Néo-Destour de Habib Bourguiba. Un éphémère royaume de Tunisie s'installe, bientôt chassé par la république, proclamée en 1957.

Histoire

modifier

En 1574, avant de quitter Tunis, Sinan Pacha commandant le corps expéditionnaire qui avait pris possession de la ville au nom du sultan ottoman, procède à la mise en place du gouvernement de la nouvelle province. Celui-ci est dirigé par un pacha nommé pour trois ans assisté du diwan ou conseil de la régence qui comprend les officiers supérieurs ou deys qui sont au nombre de quarante. La prière du vendredi se fait au nom du sultan ottoman, commandeur des croyants, et une nouvelle monnaie frappée en son nom remplace la monnaie hafside. Une assemblée générale de la milice turque désigne quarante nouveaux deys dont l'un est choisi comme chef de gouvernement et des troupes et un autre, bey du camp, est chargé de lever les impôts et de juger les tribus de l'intérieur lors de tournées semestrielles.

Le pacha ne prend plus part aux affaires et le diwan doit être constitué uniquement dans les cas graves. Quelques années plus tard, Alger connaît la même évolution et porte au pouvoir un dey qui garde ses prérogatives jusqu'en 1830.

Les premiers deys de Tunis savent se concilier avec la population tunisienne. Parmi les premiers deys se détache nettement la personnalité de Youssef Dey qui succède à Othman Dey à la mort de celui-ci en 1610[1]. Tunis doit beaucoup à Youssef Dey qui est secondé par son ministre et ami Ali Thabet.

Le dey est alors assisté du bey du camp, ainsi appelé parce qu'il commande la mhalla ou colonie volante chargée de lever les impôts en nature ou en espèce parmi les tribus. Du fait de ses attributions, il prend peu à peu une grande autorité auprès des tribus et habitants de l'intérieur qui connaissent plus que ce personnage comme représentant de l'autorité. Ce déplacement de pouvoir s'accentue lorsque la charge de bey du camp échoit en 1613 à un renégat nommé Mourad Bey qui fonde la première dynastie beylicale héréditaire[2].

 
Visite de Habib Bey à Paris (juillet 1923).

Le régime beylical, qui met fin à l'épisode d'Ibrahim Cherif qui suit la dynastie des Mouradites, se transforme rapidement en monarchie dont le bey est le souverain. À partir du XVIIIe siècle, les beys issus de la dynastie des Husseinites acquièrent une autonomie de fait, c'est-à-dire une quasi-indépendance, vis-à-vis de leur suzerain : le sultan ottoman. Le premier représentant de cette dynastie est Hussein ben Ali, autochtone de par sa mère originaire de la région du Kef, qui fonde l'État husseinite en 1705[3].

Bien que son pouvoir effectif ait été affaibli par le protectorat français à partir de 1881, c'est après l'indépendance de la Tunisie, proclamée en 1956, que les beys perdent définitivement leur pouvoir qui est déjà passé de fait dans les mains du parti du Néo-Destour de Habib Bourguiba. Un éphémère royaume de Tunisie s'installe en 1956, bientôt chassé par la république, proclamée le [4].

Dynastie mouradite

modifier
# Nom Début règne Fin règne Notes
1 Romdhane Bey vers 1593 1613 Premier bey en titre (non mouradite)
2 Mourad Ier Bey 1613 1631 Fondateur de la dynastie mouradite
3 Hammouda Pacha Bey 1631 1666
4 Mourad II Bey 1666 1675
5 Mohamed Bey El Mouradi 1675 1696 Partage le pouvoir avec son frère Ali Bey El Mouradi
6 Romdhane Bey 1696 1699
7 Mourad III Bey 1699 1702
8 Ibrahim Cherif 1702 1705 Bey non mouradite

Dynastie husseinite

modifier
# Nom Début règne Fin règne Notes
9 Hussein Ier Bey 1705 1735 Fondateur de la dynastie husseïnite
10 Ali Ier Pacha 1735 1756
11 Mohamed Rachid Bey 1756 1759
12 Ali II Bey 1759 1782 Régence du prince Hammouda dès 1777
13 Hammouda Pacha 1782 1814 Règne le plus long (32 ans)
14 Osman Bey 1814 1814 Règne le plus court (3 mois)
15 Mahmoud Bey 1814 1824
16 Hussein II Bey 1824 1835
17 Moustapha Bey 1835 1837
18 Ahmed Ier Bey 1837 1855
19 Mohammed Bey 1855 1859
20 Sadok Bey 1859 1882 Début du protectorat français (1881)
21 Ali III Bey 1882 1902
22 Hédi Bey 1902 1906
23 Naceur Bey 1906 1922
24 Habib Bey 1922 1929
25 Ahmed II Bey 1929 1942
26 Moncef Bey 1942 1943
27 Lamine Bey 1943 1957 Dernier bey de Tunis

Résidence

modifier
 
Escalier des Lions au palais du Bardo
 
Ancien palais de Carthage

Chaque bey possède son palais car, selon la tradition, il ne peut vivre dans le palais de son prédécesseur par respect pour ses veuves. Parmi les plus importants figurent ceux du Bardo, de Ksar Saïd, de Carthage, de Hammam Lif, de Mornag ou encore de La Goulette. À propos du palais du Bardo, le botaniste français René Desfontaines qui visite la régence de Tunis à la fin du XVIIIe siècle, laisse la description suivante[5] :

« Le bey réside dans un joli château qu'on appelle le Bardo, situé au milieu d'une grande plaine, à trois quarts de lieue nord de la ville. Ce château est fort ancien : Léon l'Africain nous apprend que, de son temps, les rois y faisaient déjà leur séjour. Le mur qui l'entoure est bien bâti, et défendu par quelques pièces de canon placées du côté de la porte d'entrée. La cour du bey est nombreuse ; les officiers qui la composent sont, en général, très honnêtes et très polis envers les étrangers. »

Beaucoup ont été reconvertis après l'abolition de la monarchie : le palais du Bardo accueille le musée national du Bardo et l'Assemblée des représentants du peuple alors que celui de Carthage est devenu le siège de l'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts.

Culture populaire

modifier

Les couleurs du bey de Tunis, le rouge et le vert, sont également celles du club de football du Stade tunisien qui se trouvait sous son patronage. On les trouve également dans des pâtisseries tunisiennes : l'une, appelée soupir du bey, est faite de pâte d'amande rose, verte et blanche ; l'autre, appelée baklawa du bey, est une forme de baklawa tunisien.

Princesse consort de Tunisie

modifier
 
Palais Essaâda construit par Naceur Bey à l'intention de son épouse Lalla Kmar.

La princesse consort de Tunisie (épouse du bey de Tunis) est appelée Lalla Beya en référence à son époux.

Elle a peu ou pas de rôle dans les affaires de l'État et n'accompagne pas son époux lors de visites diplomatiques à l'étranger ou lors des dîners officiels au palais. Son seul souci est la gestion du palais et du harem.

La première princesse consort de la dynastie husseinite est Lalla Jannat, en tant qu'épouse de Hussein Ier Bey. La plupart des beys ont plusieurs épouses, car la polygamie est en usage jusqu'à l'adoption du Code du statut personnel. Très peu ont pris une seule épouse, à l'instar de Lamine Bey, qui n'épouse que Jeneïna Beya (1887-1960), qui est donc la dernière princesse consort de Tunisie avant l'instauration de la république le .

La princesse Lalla Kmar (1862-1942) est princesse consort de Tunisie durant trois règnes, après avoir épousé successivement Sadok Bey, Ali III Bey puis Naceur Bey, et joue un rôle notable dans les affaires du beylicat. Naceur Bey publie un décret ordonnant sa protection, l'absence d'atteinte à ses droits et lui attribuant un salaire. Il lui construit également le palais Essaâda situé à La Marsa pendant la Première Guerre mondiale, entre 1914 et 1915.

Notes et références

modifier
  1. (en) Nabil I. Matar, Europe Through Arab Eyes : 1578-1727, New York, Columbia University Press, , 313 p. (ISBN 978-0231141949), p. 219.
  2. Denise Brahimi, Voyageurs dans la régence de Tunis : XVIe – XIXe siècles, Carthage, Cartaginoiseries, , 207 p. (ISBN 978-9973704078, lire en ligne), p. 205.
  3. Nadia Sebaï, Mustafa Saheb Ettabaâ : un haut dignitaire beylical dans la Tunisie du XIXe siècle, Carthage, Cartaginoiseries, , 94 p. (ISBN 978-9973704047, lire en ligne), p. 11.
  4. Driss Abbassi, Entre Bourguiba et Hannibal : identité tunisienne et histoire depuis l'indépendance, Paris, Karthala, , 265 p. (ISBN 978-2845866409, lire en ligne), p. 31.
  5. Denise Brahimi, Voyageurs dans la régence de Tunis : XVIe – XIXe siècles, Carthage, Cartaginoiseries, , 207 p. (ISBN 978-9973704078, lire en ligne), p. 171.

Bibliographie

modifier
  • Mohamed El Aziz Ben Achour, La cour du bey de Tunis : document inédit avec préface, présentation historique, commentaires, notices biographiques et bibliographie complémentaire, Tunis, Espace Diwan, , 113 p. (ISBN 978-9973103000).
  • El Mokhtar Bey, Les beys de Tunis, 1705-1957 : hérédité, souveraineté, généalogie, Tunis, Serviced, , 296 p.
  • Henri Hugon, Les emblèmes des beys de Tunis : étude sur les signes de l'autonomie husseinite, Paris, Ernest Leroux, , 185 p.
  • Mohamed Salah Mzali, Les beys de Tunis et le roi des Français, Tunis, Maison tunisienne de l'édition, , 165 p.

Voir aussi

modifier

Liens externes

modifier