L'Or des cicatrices: Lauréate du Prix Pampelune 2020
Par Anne Fernandes, Yvonne Duparc, Laura Mathieu et
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À propos de ce livre électronique
Le premier prix est attribué à Anne Fernandes pour sa nouvelle intitulée "L'Or des cicatrices".
Ce recueil vous présente les nouvelles ayant charmé le jury :
"Rose et la vie de château", Yvonne Duparc
"Sang d'encre", Laura Mathieu
"Pluie de poudre sous un ciel de plomb", Séverin Foucourt
"Prendre le temps", Eva Dunkelmann
"La demeure du coeur", Justine Sinoquet
"L'oreille absolue", Ludovic Joubert
"Coda", Dorian Masson
"Le secret de Madame Sourire", Jacques Penin
"Les Amands", Svetlana Mas-Paitrault
"Syndrome de Stockholm", Salomé Trachsel
"Scènes de vies", Pierre Malaval
"Entre chien et loup", Claude Arbona
"Ce que pensent les micocouliers", Nathalie Wilhelm
"Oui", Sarah Perahim
"La moto de Paulette Hérisson", Laurence Chaudouët
"Séléné", Melanie Foehn
Anne Fernandes
La nouvelle lauréate du concours "Prix Pampelune 2020" est intitulée "L'Or des cicatrices". Elle a été écrite par Anne Fernandes.
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Avis sur L'Or des cicatrices
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Aperçu du livre
L'Or des cicatrices - Anne Fernandes
Anne Fernandes
Yvonne Duparc
Laura Mathieu
Séverin Foucourt
Eva Dunkelmann
Justine Sinoquet
Ludovic Joubert
Dorian Masson
Jacques Penin
Svetlana Mas-Paitrault
Salomé Trachsel
Pierre Malaval
Claude Arbona
Nathalie Wilhelm
Sarah Perahim
Laurence Chaudouët
Melanie Foehn
Correction : Ségolène Tortat
Couverture et mise en page : Pascale Leconte
Le Prix Pampelune est organisé
par l’auteure Pascale Leconte.
SOMMAIRE
L’Or des cicatrices
Rose et la vie de château
Sang d’encre
Pluie de poudre sous un ciel de plomb
Prendre le temps
La demeure du cœur
L’oreille absolue
Coda
Le secret de Madame Sourire
Les Amands
Syndrome de Stockholm
Scènes de vies
Entre chien et loup
Ce que pensent les micocouliers
Oui
La moto de Paulette Hérisson
Séléné
La nouvelle lauréate du Prix Pampelune 2020
L’Or des cicatrices
Anne Fernandes
De l’or pour cicatriser ces marques indélébiles en nous qui ainsi se transforment en lumière précieuse. De l’or pour lier entre eux les morceaux épars de nos mémoires atomisées par l’impossible souffrance, par l’impensable effraction. Notre esprit ne peut pas intégrer le monstrueux sans se désintégrer justement.
Nos cicatrices ressemblent à l’art japonais du Kintsugi qui restaure les poteries, faïences, objets brisés non pas en faisant disparaître l’histoire des fêlures aussi nombreuses soient-elles, mais en les magnifiant d’un filet d’or à 24 carats.
Avec le temps, nous réparons avec splendeur nos douleurs et ressentons en nous la force de la dignité. Cette dignité dont nos agresseurs n’ont pas la moindre idée.
Dans les pires circonstances, l’être sensible réussit à ne pas perdre, comme nous, ce sacré. Notre noblesse humaine est un cadeau reçu dès la naissance, malgré ce que nous avons subi.
Nos anciennes terreurs deviennent traces de lumière que d’autres blessés, qui cheminent, peuvent apercevoir comme un phare au loin, un repère dans la tempête. Nous ne les cacherons pas. Qu’elles servent maintenant. Qu’elles puissent éclairer les sentiers boueux pour gagner la rive d’une existence apaisée. Les stigmates se révèlent petit à petit et finissent par nous rendre à la beauté du monde.
Offrons à nos histoires, nos corps et nos âmes la conquête de nos vies en traversant le désastre pour trouver l’Or. Il nous guérit pour que nous affichions nos fiertés de survivantes redevenues vivantes.
Que le rayonnement de ce minéral éblouisse les prédateurs, les laissant aveugles, dans le sordide de leur existence.
Nous choisissons de parler, d’aimer, de rire et de vivre !
Ces cicatrices précieuses, honorons-les comme l’ouvrage unique d’un artisan d’art, patient et méticuleux. Elles sont signe de nos forces, de notre résilience, de notre refus de plier en révélant ce qui est juste. Elles racontent à l’Univers que nous avons gagné et entraîneront nos frères et sœurs à revivre aussi !
De l’Or pour nous relier toutes et tous.
Ne pas s’abandonner !
Suivre la vie qui creuse son chemin en nous. Se ressentir comme une terre d’argile à façonner noblement. Devenir un aigle qui vole, le regard acéré, observant l’existence déposée entre nos mains, circulant dans nos veines.
Elle est traversée par l’épreuve de l’inceste, du viol, du déni et se transmute un jour, réduisant les agresseurs à de grisâtres lâches informes.
Au long des années, sentir que dans la souffrance ou la joie, la vie nous a aimés alors que nous avions tant de mal à nous en rendre compte !
Rendus enfin en cet endroit où se rencontrent le passé humiliant et la vie présente qui n’a aucune trace de ce vécu. Les deux se font face, se mêlent, s’entremêlent, comme la confrontation entre deux océans qui n’ont ni la même densité ni la même couleur. C’est le face-à-face de l’ombre et de la lumière qui s’affrontent en nous. Connaissions-nous la lueur qui ne succombait pas aux ténèbres qui nous ont emprisonnées ? Nous sommes arrivés à ce point central où nous pouvons choisir le courant qui nous entraîne loin de ce qui nous figeait.
Ce brin de vie qui n’a pas lâché, nous l’avons sans doute tous en partage. Il faut le chérir, souffler dessus, afin d’attiser ses cendres qui paraissaient s’éteindre. La petite flamme se rallume patiemment puis s’embrase pour redevenir foyer de notre existence en marche.
J’avais, me semblait-il, épuisé toute mon énergie pour tenir bon et traverser cette vie douloureuse, peut-être bien comme nous tous. Je m’accrochais à ressentir la seule chose qui me permettait de croire au sens de mon chemin : l’amour. L’amour avant de renoncer complètement. Le humer, en palpiter au fond de moi. Le sentir caresser la nature, relier les êtres, s’envoler dans les émotions, se dire du bout des doigts d’un artiste ou d’un amant. L’amour avant de mourir. L’amour comme seul sens de la vie. L’amour-oxygène m’a peut-être préparée à faire face à la délivrance de mes refoulements.
Des ailes, dont j’ignorais la présence, se sont ouvertes en traversant cette tempête de douleurs et de terreurs.
Un jour, j’ai pu lever le voile sur ce que je me cachais. La chute a été vertigineuse, mais tout, absolument tout, s’est mis en marche pour que je supporte ce chemin effrayant afin que je révèle en revivant.
Jamais je ne me suis comprise aussi aimée et entendue. J’espère que d’autres puissent se sentir conquérants de leur existence ! Redressés par le Sacre de la dignité.
Il y a peu de temps, je me suis rappelé l’enfant statufié dans mes entrailles. C’était dans cette clinique, face à ces médecins.
Un lourd silence m’a écrasée brutalement. Je ne pouvais plus parler. Tout au plus, je murmurais quelques mots, d’un filet de voix qui semblait n’être plus qu’un souffle. Je me trouvais un peu trop calme face à cette intervention banale et pourtant éprouvante pour moi. J’étais tout de même fière d’avoir pu franchir ce pas. Soudain, à l’entrée du bloc opératoire, j’ai été envahie d’une torpeur trop bien connue. Je redevenais une automate. J’exécutais ce qu’on me demandait. Je perdais toute puissance.
C’est alors que le masque d’oxygène a été posé sur ma bouche et mon nez d’adulte. Ce masque m’en rappelait un autre. Gigantesque, il couvrait à cette époque, presque tout mon visage d’enfant. Alors, sans rien pouvoir faire, sans lutter non plus, de grosses larmes ont coulé le long de mes joues. Elles étaient inattendues, pleines de chagrins et de révolte. Le long de leur trajet sur ma peau, elles parlaient pourtant d’une vérité rimant avec liberté.
J’étais la petite fille statufiée qui n’avait pas grandi. Je pleurais mes sept ans qui s’étaient figés et n’avaient plus trouvé d’issue. Elles ont été plus rapides que mon contrôle si autoritaire. Les souvenirs tragiques d’où elles sont apparues voulaient sans doute se délier dans la vie d’aujourd’hui. Quelque chose en moi percevait qu’en les laissant s’écouler, je me soulageais un peu plus. Comme si je rejouais la scène horrible en la revisitant dans un mouvement libérateur et apaisant. Mon organisme se remémorerait et ne retenait plus.
J’étais très surprise, moi l’adulte ! Je m’engourdissais avant même de recevoir le produit anesthésiant.
J’ai senti, au réveil, que je n’étais pas vraiment dans mon enveloppe corporelle. Elle semblait flotter près de moi, au pied de mon lit d’hôpital. Telle une ombre qui volait autour de moi comme un petit fantôme. Je l’ai regardée puis réappropriée en la reconnaissant