Victor Hugues
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Nom de naissance |
Jean Baptiste Victor Hugues |
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Activités |
Accusateur public (), planteur (jusqu'en ), négociant, marin, contrebandier, administrateur colonial |
Parentèle |
Marie Auguste Pâris (beau-frère) |
Parti politique | |
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Distinction |
Jean-Baptiste Victor Hugues (parfois orthographié Hughes), né à Marseille le [1] et mort à Cayenne le [2], est un administrateur colonial français qui gouverna la Guadeloupe de 1794 à 1798, puis la Guyane de 1799 à 1809.
En tant qu'administrateur français dans les colonies, il participe à l'application de l'abolition de l'esclavage à la Guadeloupe, puis à son rétablissement en Guyane.
Biographie
[modifier | modifier le code]Enfance et jeunesse
[modifier | modifier le code]Né dans une famille de la riche bourgeoisie marseillaise, il est le fils de Jean-François Hugues (1725-1789), un marchand quincaillier, et Catherine Fodrin (1729-1822), elle-même issue d'une lignée de négociants en soieries de Saint-Étienne.
Il s'engage comme mousse à 14 ans, poussé par le négociant Barthélémy Gasquy (1754-1801), marié à sa cousine germaine Benoite Fodrin, qui possédait des intérêts dans le négoce à Saint-Domingue. Menant une vie de planteur jusqu'à la Révolution haïtienne, il devient franc-maçon, et imprime un journal aux accents révolutionnaires dès les débuts de la Révolution. Il perd sa fortune et son frère[3] puis rentre en métropole en 1791, et monte à Paris, où il s'intègre par l'intermédiaire des loges maçonniques aux milieux jacobins de la capitale.
Le révolutionnaire
[modifier | modifier le code]Il est nommé, en 1793, accusateur public au tribunal révolutionnaire de Rochefort puis de Brest. Il est désigné par la suite commissaire de la République à la Guadeloupe par la Convention nationale en 1794. Sa tâche n’est pas mince : Victor Hugues est officiellement chargé d’appliquer le décret du qui prononce l'abolition de l'esclavage dans tous les territoires français.
Le vainqueur des Britanniques en Guadeloupe
[modifier | modifier le code]Le [4],[5], le traité de Whitehall, signé à Londres entre la Couronne britannique et les grands planteurs de l'île de la Martinique et de Saint-Domingue, leur permet d'échapper à la Révolution française.
Le , les forces armées britanniques débarquent au Gosier. Le , le gouverneur Victor Collot capitule face au général Thomas Dundas qui s'empare de l'île, après l'attaque du Fort Fleur d'épée, occupé en majeure partie par des Noirs et gens de couleur. Tous sont tués. Les émigrés rentrés avec les Britanniques lancent immédiatement des représailles contre les Républicains.
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La débaptisation de Pointe-à-Pitre.
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La reprise de la Guadeloupe.
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La reprise de la Guadeloupe.
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La capitulation des Britanniques face à Victor Hugues.
Le marque le départ pour Pointe-à-Pitre de Victor Hugues et de ses mille hommes. Victor Hugues n’a pas été choisi au hasard : son passé en tant que marin en fait un homme tout désigné pour défendre les idées révolutionnaires dans les colonies.
Le , Victor Hugues débarque, avec un autre commissaire Pierre Chrétien[6], au Gosier avec les troupes des généraux Cartier et Aubert. Il organise le soulèvement populaire contre les troupes britanniques : utilisant le décret du d’abolition de l’esclavage, il enrôle, en plus des soldats blancs, plus de trois mille hommes de couleur que l’on appellera les « sans-culotte noirs »[7].
Le , le général Graham capitule après de nombreuses batailles sanglantes par lesquelles les Britanniques tentent de reprendre le contrôle des îles de Guadeloupe.
Le 11 décembre 1794, les Britanniques ont complètement quitté la Guadeloupe, qui repasse aux mains de la France et de la Révolution. Victor Hugues y abolit l'esclavage le jour même.
En 1796, la Convention nationale est remplacée par le Directoire. Victor Hugues et Lebas, son adjoint, gardent leurs fonctions mais prennent le titre d'« agents du Directoire ». La paix approximative permet à Victor Hugues de se marier à Basse-Terre, cette même année, à Angélique Jacquin (1773-1806), une fille de planteur. De cette union naît à Basse-terre, en 1798, une fille, Amélie Hugues. Marie Jacquin, sa belle sœur, épousera en 1797 par son entremise le général, futur comte de l'Empire, Auguste Paris.
Libérateur et tyran
[modifier | modifier le code]La Guadeloupe libérée, Victor Hugues étend progressivement son action aux îles voisines, parmi lesquelles La Désirade le , Marie-Galante le suivant.
Les colonies reprises aux Britanniques, il organise la quasi-guerre contre les États-Unis en autorisant les corsaires français à attaquer la flotte américaine.
Quelques mois d'une paix relative règnent, acquise au prix de l'application de la Terreur et du travail forcé des anciens esclaves, période au cours de laquelle les royalistes sont pourchassés, des centaines de Blancs créoles guillotinés et leurs habitations réquisitionnées[8]. Les libres de couleur qui avaient retardé sa victoire sur les anglais sont aussi guillotinés[9].
Par la suite, Victor Hugues met la Guadeloupe en état de siège le 6 janvier 1798, car l'ordre public n'y est plus assuré. La métropole, en manque de sucre et de tabac, exige que l'économie de plantation se maintienne, mais les Békés envisagent une nouvelle fois de livrer les îles aux Britanniques[10]. Aggravant la situation, la Soufrière entre en éruption le . En mai, le commissaire Lebas doit rentrer en France pour des raisons de santé.
Le , il est invité à un banquet sur une frégate et est arrêté à la fin du repas afin d'être réexpédié en France[11]. Le général Desfourneaux est nommé agent du Directoire en remplacement de Victor Hugues. Ce remplacement fait suite aux pressions des émigrés de Guadeloupe rentrés en France, et aux excès de l'administration mise en place par Hugues.
Le , les généraux Pélardy et Desfourneaux arrivent en Guadeloupe. Le remplacement de Victor Hugues suscite un vif émoi dans la population insulaire.
Le , redevenu simple citoyen, Victor Hugues réside à Basse-Terre. Sa présence dans l'île gêne les nouveaux dirigeants qui parviennent par un subterfuge à le retenir sur un navire en rade de Basse-Terre et à le rapatrier en France contre son gré.
Le rappel pour Cayenne
[modifier | modifier le code]Rentré à Marseille, avec sa femme et sa fille, Victor Hugues ne tarde pas à être rappelé par le Consulat. La Convention nationale avait misé sur lui en 1794 pour rétablir l’ordre à la Guadeloupe. Le Consulat fait de même pour la Guyane. Ainsi, Victor Hugues est nommé en 1799 gouverneur de la Guyane. En effet, comme à la Martinique, les planteurs de Guyane ont cherché à se soustraire à l’abolition de l’esclavage en recherchant l’alliance de l’Angleterre, mais la Guyane reste française.
Le , il fait son arrivée à Cayenne à bord de La Sirène. Usant des mêmes techniques qu'à la Guadeloupe, il remet en marche les industries locales et tient les planteurs sous sa coupe. Il établit le travail forcé[12].
Le naît à Cayenne la seconde fille du couple, Hersilie, suivie de Cornélie en 1803 et d'Adèle en 1806.
L’arrêté du (16 frimaire an XI), présumé du consul Cambacérès, rétablit de fait l’esclavage à la Guyane sous le nom de « conscription de quartier » pour les personnes non encore affranchies[13]. Victor Hugues est chargé de l’application.
Le , il monte une expédition pour rétablir la liaison de la Guyane avec le comptoir de traite des esclaves de Gorée[14].
En 1809, n'ayant pu contenir l'invasion de la Guyane par les Portugais venus du Brésil, il quitte précipitamment Cayenne et rentre à Bordeaux. Accusé de trahison et d'incapacité, il est assigné à résidence jusqu'en 1814 et, finalement, acquitté[15].
Il repart en 1814 en Guyane afin de démarquer les limites entre la Guyane française et le Brésil, à la demande de Talleyrand[16]. Il s'y établit ensuite comme planteur et y meurt le .
Portrait
[modifier | modifier le code]Ange Pitou, déporté à la Guyane après le coup d'État de fructidor, a rencontré Victor Hugues à Cayenne. Il en a laissé un portrait :
« Victor Hugues, originaire de Marseille, est entre deux âges, d'une taille ordinaire et trapue ; tout son ensemble est si expressif, que le meilleur de ses amis n'ose l'aborder sans effroi ; sa figure laide et plombée exprime son âme, sa tête ronde est couverte de cheveux noirs et plats qui se hérissent comme les serpents des Euménides dans la colère qui est sa fièvre habituelle : ses grosses lèvres, siège de la mauvaise humeur, le dispensent de parler, son front sillonné de rides élève ou abaisse ses sourcils bronzés sur ses yeux noirs, creux et tourbillonnants comme deux gouffres... Son caractère est un mélange incompréhensible de bien et de mal ; il est brave et menteur à l'excès, cruel et sensible, politique, inconséquent et indiscret, téméraire et pusillanime, despote et rampant, ambitieux et fourbe, parfois loyal et simple; son cœur ne mûrit aucune affection ; il porte tout à l'excès : quoi que les impressions passent dans son âme avec la rapidité de la foudre, elles y laissent toute une empreinte marquée et terrible ; il reconnaît le mérite lors même qu'il l'opprime : il dévore un esprit faible ; il respecte, il craint un adversaire dangereux dont il triomphe. La vengeance lui fait bien des ennemis. Il se prévient facilement pour et contre, et revient de même. L'ambition, l'avarice, la soif du pouvoir ternissent ses vertus, dirigent ses penchants, s'identifient à son âme ; il n'aime que l'or, veut de l'or, travaille pour et par l'or ; […]
Ces grandes passions sont soutenues par une ardeur infatigable, une activité sans relâche, par des vues éclairées, par des moyens toujours sûrs, quels qu'ils soient. Le crime et la vertu ne lui répugnent pas plus à employer l'un que l'autre, quoiqu'il en sache bien faire la différence. Crainte de lenteurs, il prend toujours avec connaissance de cause le premier moyen sûr que lui présente la fortune. Il s'honore de l'athéisme, qu'il ne professe qu'extérieurement. Au reste, il a un jugement sain, une mémoire sûre, un tact affiné par l'expérience : il est (...) administrateur sévère, juge équitable et éclairé quand il n'écoute que sa conscience et ses lumières. C'est un excellent homme dans les crises difficiles où il n'y a rien à ménager. Autant les Guadeloupéens et les Rochefortains lui reprochent d'abus de pouvoir et d'excès révolutionnaire que la bienséance et l'humanité répugnent retracer, autant les Anglais (j'en suis témoin) donnent d'éloges à sa tactique et à sa bravoure[17]. »
Dans la littérature
[modifier | modifier le code]Roman
[modifier | modifier le code]- Alejo Carpentier, El siglo de las Luces. Mexico, 1962. Le Siècle des Lumières (traduction française), Gallimard, 1962 ; édition de référence, coll. « Folio », 1995 (ISBN 2-07-036981-1)
- Ernest Capendu, L'hôtel de Niorres T2: Le roi des gabiers." Victor Hugues est un des personnages du roman. Ernest Capendu nous le montre d'abord en mai 1794 commandant d'une petite flotte de guerre forçant le blocus anglais devant le goulet de Brest. Sa mission est de "faire voile pour les Antilles, afin d'aller là-bas relever le pavillon de la France que l'Angleterre a osé abattre". Plus loin on retrouve Victor Hugues en Guadeloupe à la tête de 500 soldats français boutant une armée de 1800 anglais hors de l'île...
- Serge Patient, Le Nègre du gouverneur, chronique coloniale. Honfleur, 1972. Cayenne, Ibis rouge, 2001.
- James Michener, Caraïbes[18], 1990, Presses de la Cité.
Théâtre
[modifier | modifier le code]- La Mission : pièce d'Heiner Müller aux éditions de Minuit (1979)La Mission, souvenir d'une révolution (Der Auftrag) reprend des thèmes de la nouvelle d'Anna Seghers La Lumière sur le gibet, notamment la première tentative d'abolition de l'esclavage aux Antilles après la Révolution française.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Baptême, paroisse Saint-Martin / Marseille », sur Archives départementales des Bouches-du-Rhône (consulté le ), p. 128.
- « état-civil numérisé, tables décennales de Cayenne répertoriées avec l'année », sur ANOM (consulté le ), p. 55.
- « La République des Douze », sur Marie-Galante, Terre d'histoire (consulté le ).
- Henri Joucla, Le conseil supérieur des colonies et ses antécédents : avec de nombreux documents inédits et notamment les procès-verbaux du comité colonial de l'assemblée constituante, Paris, du monde moderne, , p. 130 avec contenu de la lettre de Henry Dundas.
- Henry Lémery, Martinique, terre française, G.P. Maisonneuve, , p. 32.
- Pierre Baudrier, « Pierre Chrétien », sur Le Maitron, (consulté le ).
- « Victor Hugues, du corsaire libérateur à l’instigateur de la Terreur » sur caraibes.97blogs.com.
- « À la découverte de nos blancs péyi » sur lemikadechaine.com.
- René Bélénus, « L'agitation politique en Guadeloupe entre 1794 et 1802 », sur Laméca (consulté le ).
- « Victor Hugues », sur Sur les traces de l'esclavage (consulté le ).
- Hector Poullet, « Histoire de la Guadeloupe : 1794 - 1798 Victor Hugues », sur Potomitan, (consulté le ).
- Comme le fait Toussaint Louverture à Saint-Domingue avec son règlement de travail du , confirmé dans sa constitution autonome du 12 juillet 1801 ; voir : Victor Schœlcher, Vie de Toussaint Louverture (1982), éd. Karthala (ISBN 2-86537-043-7), p. 308.
- Henri Ternaux-Compans, Notice historique sur la Guyane française (2001), éd. Elibron Classics (ISBN 1-4212-4358-X), p. 125-126.
- Benjamin Donzac, Le Proconsulat de Victor Hugues 1800-1809, collège Auguste-Dédé, Rémire-Montjoly d’après Jean-Pierre Ho Choung Ten (document non daté postérieur à 1982).
- Rosa Moussaoui, « Première abolition de l’esclavage par Victor Hugues en Guadeloupe le 7 juin 1794 », sur Madinin, (consulté le ).
- « Victor Hugues », sur Mémoire esclavage (consulté le ).
- Les Déportés de Fructidor. Journal d'Ange Pitou annoté d'après les documents d'archives et les mémoires, d'Albert Savine, éditions Louis-Michaud, Paris 1909.
- James Michener, Caraïbes, France Loisirs, (ISBN 2-7242-6350-2), page 367 à 407.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Victor Hugues, Introduction au Code Civil modifié à la Guyane française : Ordonnance coloniale du Ier Vendémiaire an XIV (23 septembre 1805), Cayenne, Imprimerie du Roi, , 8 p. (lire en ligne)
- Georges Comte de Sainte-Croix de la Roncière, Victor Hughes : le conventionnel, Paris, coll. « Grandes figures coloniales I », , 327 p. (OCLC 491813859, lire en ligne)
- Henri Adolphe Lara, Contribution de la Guadeloupe à la pensée française : 1635-1935, Paris, éditions Jean Crès, , 301 p. (lire en ligne), p. 52 à 58
- Michel Rodigneaux (préf. Patrick Villiers), Victor Hugues : L'ambition d'entrer dans l'Histoire, Paris, éditions SPM, coll. « Kronos » (no 101), , 608 p. (ISBN 9782917232613, OCLC 985347372, BNF 45261270, LCCN 2017422777)
Articles
[modifier | modifier le code]- « La Révolution française aux Antilles, Victor Hugues et la Caraïbe » par Jean Benoist et Hubert Gerbeau, publié dans la revue Caribena, Cahiers d'études américanistes de la Caraïbe, Martinique, no 3, 1993, p. 13-36
- « Réalités du marronnage en Guyane sous le gouvernement de Victor Hugues : le cas de la grande chasse aux Marrons de la Comté (1802-1808) » sur Manioc
- « L'impact théorique et pratique du décret et sa prospérité (1794-1802-1848) » sur Manioc
- « L'abolition de 1794 : regards croisés des outre mers » sur Manioc
- Fábio Ferreira, "A política externa joanina e a anexação de Caiena: 1809-1817" in Revista Tema Livre
Liens externes
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- Naissance en juillet 1762
- Naissance à Marseille
- Antiesclavagiste français
- Membre du Club des jacobins
- Personnalité politique de la Révolution française
- Personnalité politique du Premier Empire
- Gouverneur de la Guadeloupe
- Gouverneur de Guyane
- Administrateur colonial français
- Décès en août 1826
- Décès à Cayenne
- Décès à 64 ans
- Personnalité de la quasi-guerre
- Propriétaire à Saint-Domingue
- Personnalité de la franc-maçonnerie initiée avant 1800
- Personnalité de la franc-maçonnerie française