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Rosa Bonheur

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Rosa Bonheur
Rosa Bonheur photographiée par Eugène Disdéri
en 1865.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Marie-Rosalie Bonheur Juana Maria MaribelVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Période d'activité
Père
Mère
Sophie Marquis (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Autres informations
A travaillé pour
École nationale gratuite de dessin pour les jeunes filles (d) ( - )Voir et modifier les données sur Wikidata
Mouvements
Maître
Personnes liées
Genre artistique
Influencé par
Distinctions
Liste détaillée
Ordre de Saint Charles (d) ()
Ordre de Léopold ()
Ordre d'Isabelle la Catholique ()
Croix du Mérite de Saxe-Cobourg-Gotha pour les Arts et les Sciences (d) ()
Chevalier de l'ordre de Saint Jacques de l'Épée (d) ()
Officier de l'ordre de Saint Jacques de l'Épée (d) ()
Officier de la Légion d'honneur‎ ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Prononciation
Œuvres principales
Labourage nivernais (1849), Le Marché aux chevaux (1853), La Foulaison du blé en Camargue (1864-1899)
signature de Rosa Bonheur
Signature

Marie-Rosalie Bonheur dite Rosa Bonheur, née le à Bordeaux et morte le à Thomery, est une peintre et sculptrice française, spécialisée dans la représentation animalière. Adulée, décorée, elle connut une renommée incomparable - ses œuvres furent célébrées en Amérique et en France de son vivant. Tombée un temps dans l'oubli au XXème siècle, les œuvres de Rosa Bonheur enchantent de nouveau, en ce XXIè siècle.

Charles-Michel Geoffroy, Portrait de Rosa Bonheur (1859), gravure parue dans L'Artiste du .

Marie-Rosalie Bonheur naît le à Bordeaux, au 29 rue Saint-Jean-Saint Seurin (quartier Saint-Seurin), devenu depuis le 55 rue Duranteau[1],[2].

Sa mère, Sophie Marchisio, dite Marquis (1797-1833), née à Altona (Ville libre de Hambourg, Saint-Empire) de parents inconnus, est adoptée par un riche commerçant bordelais, Jean-Baptiste Dublan de Lahet[3], qui lui offre une éducation bourgeoise (dont cours de musique, de chant et de peinture). C'est dans ce cadre qu'elle rencontre le peintre Raymond Bonheur[4], venu lui donner des cours de dessin. Le couple se marie le .

À Bordeaux, Raymond rencontre le peintre espagnol Francisco Goya qui y vivait en exil et qui devient son ami. Il encourage tous ses enfants dans la voie artistique : Rosa, Auguste et Juliette (qui épouse le fondeur d'art François Hippolyte Peyrol), deviennent peintres, alors que leur frère Isidore est sculpteur. Francis Galton, le cousin de Charles Darwin, a utilisé les Bonheur comme exemple de « génie héréditaire » dans son essai de 1869 du même titre[5].

D'après les témoignages familiaux, Rosa est une enfant indisciplinée qui peine à apprendre à lire. Pour y remédier, sa mère lui apprend à écrire les lettres de l'alphabet en associant chacune d'elles à un dessin d'animal[5].

Influencé par le saint-simonisme, Raymond Bonheur décide de partir s'installer à Paris en 1828. Sa femme et ses trois enfants l'y rejoignent l'année suivante (1829). Rosa a alors sept ans.

L'année 1830 est marquée par la naissance d'un quatrième enfant, Juliette, mais aussi par la mort de Jean-Baptiste Dublan de Lahet qui, sur son lit de mort, avoue à Sophie qu'il est son véritable père. Par la suite, Rosa Bonheur se plaira à imaginer que le mystère de ses origines maternelles cachait quelque secret d'État et qu'elle était de sang royal[réf. nécessaire].

La famille Bonheur, ayant perdu son soutien financier, vit dans la gêne, alors que Raymond Bonheur s'engage de plus en plus dans des activités saint-simoniennes.

En mai-, il décide de rejoindre le couvent laïque des Apôtres saint-simoniens, au 145 boulevard de Ménilmontant. Pendant ce temps, Sophie doit travailler pour assurer la subsistance du foyer (dont des travaux de couture). Raymond Bonheur rentre parmi les siens six mois plus tard (), mais la famille vit pauvrement.

Sophie Bonheur meurt l'année suivante, fin , et est inhumée le , dans une fosse commune au cimetière de Montmartre. Contrairement à la légende qui voudrait qu'elle soit morte d'épuisement, il est bien plus probable qu'elle soit morte, à 36 ans, du choléra, qui ravagea la France pendant plus d'un an à partir de (avec plus de 100 000 morts au total, dont près de 20 000 à Paris)[6],[7].

Perdre sa mère à 11 ans fut pour Rosa Bonheur un événement dramatique, d'où le culte qu'elle lui voua toute sa vie, ainsi que son amour du chant.

En 1836, à l'âge de 14 ans, elle fait une rencontre déterminante : celle d'une fillette de deux ans plus jeune qu'elle, Nathalie Micas, qui deviendra sa compagne[8]. Seule la mort de Nathalie, 53 ans plus tard, les séparera.

Son père se remarie en 1842 avec Marguerite Peyrol (1813-1883), avec laquelle il a un dernier fils, Germain (1848-1881), qui sera également peintre. Rosa Bonheur ne s'entendra pas avec sa belle-mère et à la mort de son père, en 1849, elle quittera le domicile familial pour aller vivre chez les Micas.

Jeunesse et formation

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Après la mort de sa mère, Rosa Bonheur fréquente l'école élémentaire, puis est mise en apprentissage comme couturière, puis en pension. Son père finit par la prendre dans son atelier, où se révèlent ses aptitudes artistiques. Il sera son seul et unique professeur[9].

Il lui fait découvrir Félicité de La Mennais, qui prétendait que les animaux avaient une âme, ce dont elle reste convaincue toute sa vie, ainsi que les romans « champêtres » de George Sand. Les animaux deviennent alors sa spécialité[10], tant en peinture qu'en sculpture.

Elle expose pour la première fois, à 19 ans, au Salon de 1841. Elle obtient une médaille de 3e classe au Salon de 1845, et une médaille de 1re classe (or) au Salon de 1848 pour Bœufs et Taureaux, Race du Cantal. Cette récompense lui permet, d'obtenir, à 26 ans, une commande de l'État pour réaliser un tableau agraire (payé 3 000 francs[11]).

Carrière et reconnaissance

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David d'Angers, Rosa Bonheur, médaillon, Paris, BnF.

Le tableau issu de cette commande d'État, le Labourage nivernais, devait rejoindre le musée des Beaux-Arts de Lyon[12]. Mais au Salon de 1849, son succès est tel que la direction des Beaux-Arts décide de le conserver à Paris, au musée du Luxembourg. À la mort de Rosa Bonheur, l'œuvre entre au musée du Louvre, avant d'être transférée, en 1986, au musée d'Orsay[13].

À la mort de son père en [14], Rosa Bonheur le remplace à la direction de l'École impériale gratuite de dessin pour demoiselles (ou École gratuite de dessin pour jeunes filles). Elle y conserve ce poste jusqu'en 1860. « Suivez mes conseils et je ferai de vous des Léonard de Vinci en jupons », disait-elle souvent à ses élèves[15].

En 1850, elle fait un voyage dans les hauts pâturages des Pyrénées et en rapporte de nombreuses études dont elle se sert tout au long de sa carrière[16]. Elle séjourne aussi, à plusieurs reprises, en Auvergne, et dans le Cantal en 1846 et 1847 (et plus tardivement, en 1889[17]).

Le Marché aux chevaux

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Avec son tableau de très grande taille Le Marché aux chevaux (2,44 × 5 m), présenté au Salon de 1853[18], Rosa Bonheur acquiert une grande notoriété. À une époque où des polémiques opposent sans cesse romantiques et classiques, son tableau « a le rare et singulier privilège de ne soulever que des éloges dans tous les camps. […] C'est vraiment une peinture d'homme, nerveuse, solide, pleine de franchise[19] », dit le critique Henry de La Madelène dans L’Éclair, une revue hebdomadaire artistique de l'époque.

Le tableau n'obtient aucune récompense mais le jury prescrit ceci : « Par décision spéciale, Mlle Rosa Bonheur et Mme Herbelin, ayant obtenu toutes les médailles qu'on peut accorder aux artistes, jouiront, à l'avenir, des prérogatives auxquelles leur talent éminent leur donne droit. Leurs ouvrages seront exposés sans être soumis à l'examen du jury. » Son agent et ami Ernest Gambart achète le tableau pour 40 000 francs[20] en le faisant voyager dans plusieurs pays, dont l'Angleterre et l'Écosse. Par la suite, il sera acheté par un riche collectionneur américain qui en fait don au Metropolitan Museum de New-York en 1887.

Expositions

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Rosa Bonheur présente à l'Exposition universelle de 1855 La Fenaison en Auvergne (2,10 × 4,20 m), conservé de nos jours au château de Fontainebleau, pour lequel elle obtient, pour la seconde fois, une médaille d'or. D'autres œuvres auvergnates sont conservées dans ce même musée.

Entre 1856 et 1867, elle n'expose plus au Salon, toute sa production étant vendue d'avance[21]. « Nous avons toujours professé une sincère estime pour le talent de mademoiselle Rosa Bonheur », écrit Théophile Gautier cette année-là[22], « avec elle, il n'y a pas besoin de galanterie ; elle fait de l'art sérieusement, et on peut la traiter en homme. La peinture n'est pas pour elle une variété de broderie au petit point ».

À l'Exposition Universelle de 1867, Rosa Bonheur présente dix toiles, mais n'y obtient qu'une médaille de 2e classe, un véritable camouflet pour elle. Elle décide alors de ne plus exposer au Salon de Paris.

En 1893, lors de l'Exposition universelle de Chicago, quatre tableaux de Rosa Bonheur sont exposés au palais des Beaux-Arts[23]. Il en va de même pour trois lithographies au Woman's Building[24]. Mais dans les deux cas, ce furent des prêts de collectionneurs privés (Gambart, Keppel…). En effet, bien qu'il l'ait sélectionnée, le Comité français d'organisation fut obligé de renoncer à envoyer ses œuvres à Chicago, ne pouvant faire face aux frais d'assurance requis pour leur transport[25].

Le château de By

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Atelier de Rosa Bonheur à By.

En 1860, Rosa Bonheur s'installe à By, coteau viticole près du village de Thomery en Seine-et-Marne, dans une vaste demeure au sein d'une propriété de quatre hectares où elle fait construire un très grand atelier[26] par Jules Saulnier et aménager des espaces pour ses animaux[27].

Dédicace de Claude-François Denecourt en 1864 à Rosa Bonheur de sa pétition à l'empereur pour la conservation du côté artistique et pittoresque de la Forêt de Fontainebleau
Dédicace de Claude-François Denecourt en 1864 à Rosa Bonheur de sa pétition à l'empereur pour la conservation du côté artistique et pittoresque de la forêt de Fontainebleau.

Un de ses proches écrit : « Elle avait une ménagerie complète dans sa maison : un lion et une lionne, un cerf, un mouton sauvage, une gazelle, des chevaux, etc. L'un de ses animaux de compagnie était un jeune lion qu'elle laissait courir et s'ébattait souvent. Mon esprit fut plus libre d'esprit quand cet animal léonin a rendu l'âme[28] . » Elle est sensible au devenir de la proche forêt de Fontainebleau, et signe la pétition de Claude-François Denecourt appelant l'Empereur Napoléon III à la sauvegarder.

L'impératrice Eugénie visite Rosa Bonheur à Thomery.

En , l'impératrice Eugénie lui rend une visite surprise, pour l'inviter à déjeuner, fin juin, au château de Fontainebleau avec Napoléon III. Cette visite a donné lieu à une gravure sur bois d'après un dessin d'Auguste Victor Deroy (1825-1906), conservée au musée du château de Fontainebleau[29]. L'impératrice revient à By l'année suivante, le , pour lui remettre, elle-même, les insignes de chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur[30],[31] — faisant ainsi de Rosa Bonheur la première artiste et la neuvième femme à recevoir cette distinction[32], en déclarant : « Enfin, vous voilà chevalier. Je suis tout heureuse d’être la marraine de la première femme artiste qui reçoive cette haute distinction. J’ai voulu que le dernier acte de ma régence fût consacré à montrer qu’à mes yeux le génie n’a pas de sexe »[33]. Elle est aussi la première femme promue officier dans cet ordre, en [34] — soit, selon les termes également en usage dans la presse de l'époque[35], la première officière de la Légion d'honneur[36].

Mémoire pour une installation de sonneries électriques au château de By, à Thomery, pour Rosa Bonheur.

À partir de 1880, Rosa Bonheur et Nathalie Micas passent régulièrement l'hiver à Nice, tout d'abord dans la demeure d'Ernest Gambart, la villa L'Africaine, puis à partir de 1895, dans celle qu'elles acquièrent, la villa Bornala. Rosa Bonheur y peint plusieurs toiles[37].

En , alors que l'électricité en est encore à ses débuts en France, elle s'intéresse à la faisabilité d'installer un système de sonneries électriques au château de By.

Portrait du Colonel William F. Cody (Buffalo Bill), 1889, Buffalo Bill Historical Center.

À l'occasion de l'Exposition universelle de Paris de 1889, elle invite Buffalo Bill dans son domaine après qu'il l'eut invitée à venir assister à son West Wild Show. À cette occasion, son agent lui offre un costume de Sioux[38] (mais où apparaît le drapeau américain...). Si Rosa Bonheur était contre le massacre des Indiens d'Amérique, une amitié naît entre eux et elle fait son portrait[39]. Rosa Bonheur s'était déjà enthousiasmée pour les Indiens d’Amérique découverts par ses lectures, notamment les œuvres de James Fenimore Cooper et du peintre George Catlin[40].

Ayant contracté une congestion pulmonaire, à la suite d'une promenade en forêt, Rosa Bonheur meurt le au château de By[41], sans avoir achevé son dernier tableau La Foulaison du blé en Camargue, d'un format monumental de 3,05 × 6,10 m, qu'elle souhaitait (sous l'impulsion d'Anna Klumpke) montrer à l'Exposition universelle de 1900. Ce tableau inachevé est conservé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux[42].

Rosa Bonheur est inhumée à Paris au cimetière du Père-Lachaise (74e division)[43],[44], dans la concession que la famille Micas lui avait léguée[45]. Elle y repose aux côtés de Nathalie Micas, des parents de cette dernière et d'Anna Klumpke.

Le , la Société des artistes français lui décerne la médaille d'Honneur à titre posthume, Tony Robert-Fleury écrivant alors à Anna Klumpke : « Si nous avions pressenti une fin aussi soudaine, nous aurions voté pour Rosa Bonheur, mais nous ne pouvions prévoir la catastrophe. Nous espérions consacrer sa carrière d'une manière plus solennelle en lui décernant la médaille d'honneur à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900. Ainsi nous aurions couronné la carrière d'un des plus grands peintres animaliers du XIXe siècle[46]. »

Les obsèques de Rosa Bonheur ont lieu à Thomery. Et son inhumation au cimetière du Père-Lachaise fait l'objet de nombreux articles dans La Fronde, journal féministe fondé par Marguerite Durand en 1897[47]. Hubertine Auclert regrette qu'elle n'ait pas accepté les honneurs militaires pour ses obsèques, hommage qu'elle aurait pu recevoir en tant qu'officière de la Légion d'honneur[47], mais que Rosa Bonheur avait clairement refusé.

Vie privée

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« Permission de travestissement » obtenue en 1857.

Au cours de ses années de jeunesse à la campagne, au château Grimont à Quinsac[3], Rosa Bonheur a la réputation d'être un garçon manqué[48], réputation qui la suit toute sa vie et qu'elle ne cherche pas à nier, portant les cheveux courts et fumant par la suite, en privé, cigarettes et cigares.

Elle a toujours refusé de se marier, afin de rester indépendante. À l'époque le mariage faisait des femmes des subalternes de l'homme, et elle considérait que cela l'aurait empêchée de se dévouer à son art[49].

La vie émancipée que menait Rosa Bonheur n'a, cependant, jamais fait scandale, à une époque pourtant très soucieuse des conventions[50]. Comme toutes les femmes de son temps depuis une ordonnance datant de , Rosa Bonheur devait demander une permission de travestissement, renouvelable tous les six mois auprès de la préfecture de Paris, pour pouvoir porter des pantalons, notamment dans le but de fréquenter les foires aux bestiaux[51], de voyager ou de monter à cheval[49]. L'une de ces permissions, en date de 1857, nous est parvenue. Nathalie Micas en avait également fait la demande (on peut voir sa permission de 1857 au musée-château de By). Cependant, sur toutes les photographies officielles ou lors de leurs sorties à Paris, Rosa Bonheur et Nathalie respectaient cette ordonnance et portaient toujours une robe.

Si le lesbianisme de Rosa Bonheur, évoqué par plusieurs auteurs[52] mais réfuté par d'autres[53],[54] n'est pas avéré, elle a cependant écrit ceci dans son testament[55] : «...n'ayant eu ni enfants, ni tendresse pour le sexe fort, si ce n'est une franche et bonne amitié pour ceux qui avaient toute mon estime ». Elle a vécu en réel compagnonnage avec deux femmes.

La première, Nathalie Micas, également peintre et férue de mécanique (elle invente un procédé de freins ferroviaires dont elle dépose le brevet), meurt en 1889[56], soit après plus de 50 ans de vie commune. Dans son Journal, Rosa Bonheur précise ceci : « Si j'avais été un homme, je l'aurais épousée, et l'on n'eût pas inventé toutes ces sottes histoires... »[57]

Portrait de Rosa Bonheur par Anna Klumpke, 1898, New York, Metropolitan Museum of Art.

La seconde est l'Américaine Anna Klumpke, également artiste-peintre de talent, dont elle avait fait la connaissance à l'automne 1889, après la mort de Nathalie Micas, et qu'elle revoit à plusieurs reprises entre 1895 et 1898. Venue à By en pour faire le portrait de Rosa Bonheur[58], cette dernière lui demande de vivre avec elle et de l'aider à écrire ses mémoires. Rosa Bonheur la désigna comme son héritière et légataire universelle[59], tout comme elle l'avait fait, auparavant pour Nathalie Micas.

Rosa Bonheur avait fait d'Anna Klumpke son héritière et sa légataire universelle, comme elle en avait le droit, Mais cette dernière, tout en gardant la demeure de By, préfère vendre (pour apaiser les tensions avec la famille Bonheur) « l'énorme collection d'études accumulées en soixante années de travail (plus d'un million-or)[60] » pour lui reverser la moitié des sommes issues de cette vente. Ainsi, du au , 2 100 œuvres (tableaux, aquarelles, gravures et bronzes) de son atelier ainsi que sa collection particulière seront vendues à la galerie Georges Petit à Paris[61], provoquant un effondrement de la cote de l'artiste[62].

En 1908, Anna Klumpke publie une biographie de Rosa Bonheur[63]. Elle crée également un prix Rosa-Bonheur à la Société des artistes français.

Tombe de Rosa Bonheur au cimetière du Père-Lachaise (division 74).

Pendant la Première Guerre mondiale, le château de By sert d'hôpital militaire. Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Anna Klumpke regagne les États-Unis (où elle est née en 1856), et y meurt en . Ses cendres seront rapatriées en 1948 à Paris pour être déposées dans la tombe de Rosa Bonheur et de Nathalie Micas[64].

Le musée de l'atelier Rosa-Bonheur, à Thomery (en lisière de la forêt de Fontainebleau), racheté en 2017, a fait l'objet d'une restauration. Ouvert au public, il évoque l'artiste dans la demeure où elle a passé quarante ans de sa vie [65].

Expositions monographiques

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Le Monument à Rosa Bonheur, à Fontainebleau (1901), détruit en 1942 (taureau fondu mais plaques sauvées et conservées à New-York).
Gaston Leroux, Monument à Rosa Bonheur (1910), marbre, jardin public de Bordeaux.

La rue Rosa Bonheur située dans le 15e arrondissement de Paris a été nommée en son honneur (dès 1900), ainsi qu'une rue de Bordeaux (ancienne rue Cousse avant 1901), et une rue de Nantes, tout comme les collèges Rosa-Bonheur de Bruges en Gironde, du Châtelet-en-Brie et de Bray-et-Lû, les écoles primaires de Bassens et de Magny-les-Hameaux, et des écoles maternelles à Montceau-les-Mines, à La Réole et à Amiens. Il existe également des rues à son nom à Thomery, Melun, Fontainebleau, Nice, La Rochelle, Lyon, Belfort, Perpignan, Roubaix, Vesoul, Wasquehal et Saint-Aubin-de-Médoc. La maison des arts plastiques de Chevilly-Larue porte son nom, l'artiste ayant habité la commune de 1845 à 1858.

Un Monument à Rosa Bonheur, surmonté d'un taureau en bronze, agrandissement d'une statuette de l'artiste, a été offert en 1901 par Ernest Gambart, et érigé à Fontainebleau sur la place Denecourt, devenue place Napoléon Bonaparte. Le socle était orné de trois bas-reliefs d'Isidore Bonheur, composés d'après des œuvres majeures de sa sœur, et d'un portrait en médaillon de Rosa Bonheur par son neveu, Hippolyte Peyrol. Le taureau a été envoyé à la fonte en 1942, sous le régime de Vichy. Les trois bas-reliefs latéraux ont pu cependant être sauvés et sont conservés à New York, au Musée d'Art Dahesh[68].

Un Monument à Rosa Bonheur (1910) en marbre par Gaston Leroux, la représentant assise et tenant une palette, orne le jardin public de Bordeaux. Le modèle en plâtre a été acquis par la Ville de Bordeaux en 1903[69].

En 1942, Jacques Prévert écrit un poème Presque (publié en 1946), en hommage au monument de Rosa Bonheur à Fontainebleau.

La guinguette Rosa Bonheur des Buttes Chaumont.

En hommage à la peintre, quatre guinguettes parisiennes portent le nom de Rosa Bonheur[70]. La première ouvre en 2008 dans le parc des Buttes-Chaumont. Elle est évoquée longuement par Virginie Despentes dans sa série de romans Vernon Subutex[71]. La deuxième en 2014 en bords de Seine au port des Invalides, la troisième en 2017 à Asnières-sur-Seine et la quatrième en 2021 dans le bois de Vincennes.

En , dans le cadre de la rénovation de sa signalétique, l'université Bordeaux-Montaigne annonce qu'un de ses deux principaux bâtiments portera le nom de Rosa Bonheur[72].

Un cratère vénusien, Rosa Bonheur, est nommé en son honneur[73].

Le , à l'occasion du 200e anniversaire de sa naissance, le moteur de recherche Google lui a consacré un Doodle[74],[75]. De juin à septembre, le Musée des Beaux-Arts de Bordeaux propose une rétrospective de l'œuvre de l'artiste, reprise au Musée d'Orsay à Paris d'octobre à [76],[77].

Œuvre de Rosa Bonheur

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Accueil critique

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La carrière de Rosa Bonheur s'est déroulée à l'écart des courants artistiques. Ne s'associant à aucun des courants modernes successifs, romantique, réaliste — lequel étant pourtant d'une esthétique proche — et impressionniste, et bénéficiant toujours d'une clientèle fortunée, dont elle peint les animaux de compagnie, elle a été associée au conservatisme « bourgeois », auquel ces courants se sont tour à tour opposés. Ses positions politiques conservatrices et « agrariennes » ont accentué cette association[78].

Après la chute du Second Empire, alors que son succès commercial la met à l'abri du souci de plaire à la critique, ceux qui sont en contact avec les tendances du moment commencent à douter :

« Les femmes peuvent-elles être de grands peintres ? On serait tenté de répondre « oui » lorsqu'on regarde les Bœufs de Rosa Bonheur, et de dire « peut-être » ou même « non » lorsqu'on étudie ses figures humaines. »

— Jules Claretie, 1874[79].

Le modernisme répudie son genre de peinture. D'après Ambroise Vollard, Paul Cézanne la tient pour « un excellent sous-ordre ». « Il me demanda ce que les amateurs pensaient de Rosa Bonheur. Je lui dis qu'on s'accordait généralement à trouver le Labourage nivernais très fort. « Oui, repartit Cézanne, c'est horriblement ressemblant »[80]. »

Le monde de l'art ne l'oublie pas totalement, surtout pour en faire un repoussoir : « Il ne m'échappe certes pas que la littérature bucolique tend à la facilité. Tout l'aspect « Rosa Bonheur » de cet art-là, je le redoute », écrit François Mauriac[81].

De mai à , une grande rétrospective sur Rosa Bonheur s'est tenue au musée des Beaux-Arts de Bordeaux, ensuite reprise fin 1997, au musée des Peintres de Barbizon puis, début 1998, à New-York, au musée d'Art Dahesh.

En 2017, à l'occasion de la WorldPride[82],[83], Rosa Bonheur a été considérée comme une « artiste LGBT », comme en témoigne sa présence dans l'exposition La mirada del otro du musée du Prado de Madrid.

Rosa Bonheur, une femme engagée dans son art

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Le Labourage nivernais (1849)

En 1865, elle est la première artiste femme à être nommée au grade de chevalier de la Légion d'honneur. L'impératrice Eugénie la lui remet en mains propres, voulant démontrer que « le génie n'avait pas de sexe »[84],[85]. Et en 1894, elle sera la première femme à être promue officier de la Légion d'honneur.

Elle accède à la grande peinture malgré toutes les barrières imposées aux femmes avec son tableau Le Labourage nivernais en 1849, par le thème, la taille (1,34 × 2,6 m[86]) et la composition[87]. Cette œuvre fait référence à La Mare au diable de George Sand[87]. Les bovins traversent le tableau sur une ligne horizontale[87].

Elle dessine une stratégie commerciale pour assurer son indépendance financière[87]. Elle constitue un atelier de production avec Nathalie Micas et Juliette Bonheur. Ses œuvres sont reproduites en estampes par la maison Goupil qui souhaite mettre l'art à la portée de tous, lui assurant une large diffusion. Elle donne interviews et photographies pour forger une légende autour de son personnage[87]. Elle part en tournée avec son marchand d'art pour trouver son réseau de vente et faire la promotion de ses tableaux[47].

Elle est la première artiste dans l'histoire de la peinture dont le marché de l'art spécule sur les tableaux de son vivant[87].

En 1896, sans adhérer à l'Union des Femmes peintres et sculpteurs, elle donne son soutien à ses "soeurs de pinceau" pour aider l'association à assoir sa notoriété, et acceptera d'en devenir Présidente d'honneur et d'y exposer[88].

Au début du XXe siècle, Rosa Bonheur sert de modèle aux artistes femmes. Et elles y feront référence lorsqu'elles revendiqueront le droit pour les femmes d'être membres du Jury du Salon des artistes français[47].

En 1980, la biographe Danielle Digne associe Rosa Bonheur aux débuts du féminisme, en raison de la vie très libre qu'elle a menée. Alors qu'en 1997 on juge encore ses œuvres, proches du kitsch[89] et du mièvre[90].

Aux États-Unis

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Œuvres référencées

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  • Portrait de Sultan et Saïda, vers 1888, deux des lions du dompteur François Bidel[92], non localisé

Distinctions

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Portraits représentant Rosa Bonheur

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Rosa Bonheur dans son atelier par Georges Achille-Fould (et Rosa Bonheur), 1893.

Documentaire

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Notes et références

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  1. Communiqué de presse de la mairie de Bordeaux, à la suite de la pose d'une plaque commémorative sur sa maison natale le .
  2. « BORDEAUX 1 E 111 - Registre des actes de naissance de Bordeaux, section 1, 1822 - 1822 (acte n° 267 ; vue 41/190 ; page de droite) », sur Archives Bordeaux Métropole (consulté le ).
  3. a et b Klumpke 2001, p. 83.
  4. Raimond Bonheur orthographie son prénom avec un « i » (Borin 2011, p. 10).
  5. a et b (en) « Blonde d'Aquitaine », sur Catalogue Christie's (consulté le ).
  6. Les registres journaliers d'inhumations dans les trois cimetières parisiens ouverts à l'époque listent des pages entières de mises en fosse commune, sur toute cette période
  7. Il est d'ailleurs précisé dans l'ouvrage d'Anna Klumpke que Rosa Bonheur est tombée gravement malade peu de temps avant le décès de sa mère, et que cette dernière n'arrêtait pas de pleurer…
  8. Musée d'Orsay, « Rosa Bonheur (1822-1899) », sur musee-orsay.fr, (consulté le ).
  9. Comme l'indique Eugène de Mirecourt (Rosa Bonheur, Gustave Favard éditeur, 1856, p. 32), il y a eu une erreur dans un catalogue de Salon qui donnait Rosa Bonheur comme élève du peintre Léon Cogniet. Cette erreur a d'ailleurs été confirmée par Cogniet.
  10. Lepelle de Bois-Gallais 1856, p. 12.
  11. Digne 1980, p. 65.
  12. Rosa Bonheur - Labourage nivernais, notice sur le site du musée d'Orsay.
  13. « Musée d'Orsay: Rosa Bonheur Labourage nivernais »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur musee-orsay.fr, (consulté le ).
  14. Le (Lepelle de Bois-Gallais 1856; Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, 1880, p. 258-259).
  15. « Sur l'histoire des écoles des Arts Décoratifs et des Beaux-Arts à Paris… », .
  16. (en) « Weaning the Calves », sur Metropolitan Museum (consulté le ).
  17. Chabrol Nicolas, Répertoire des peintres de l'Auvergne et artistes auvergnats du XIXe siècle, Paris, Université Paris IV-Sorbonne, Institut d'Histoire de l'Art et d'Archéologie,
  18. Klumpke 2001, p. 275.
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  32. Elle fut même annoncée par Le Petit Journal comme la seconde femme à recevoir cette distinction après une religieuse, Sœur Marthe, ce qui provoqua un afflux de protestations dans le courrier des lecteurs, mentionnant différentes femmes ayant reçu avant elle le titre de « chevalière de la légion d'honneur », généralement pour actes de bravoure. Voir « Les chevalières de la Légion d'honneur », Le Petit Journal, .
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  54. Pour Marie Borin 2011, p. 8 « l'hypothèse de l'homosexualité de Rosa Bonheur […] était, à ses yeux [Rosa Bonheur], le résultat d'une fausse interprétation de sa vie et une incompréhension totale ». Dans son ouvrage, l'auteur ne trouve aucune confirmation de l'homosexualité supposé de Rosa Bonheur dans les publications du XIXe siècle. Par ailleurs, pour Albert Boime, « il n'y a pas d'indices que ses relations intimes avec des femmes aient été consommées sexuellement. La répression de la sexualité avouée, particulièrement pendant l'ère victorienne, dans beaucoup de relations profondément engagées, n'était pas rare, et c'est un choix évident dans une société où l'« amitié romantique » est tolérée si la sexualité est niée » (Boime 1981, p. 386).
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  58. Elle en fera 3 entre 1898 et 1899
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Bibliographie

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  • Jean-Louis Balleret, De Corot à Balthus : Un siècle de grands peintres dans la Nièvre et le Morvan, préface de Jacques Thuillier, Paris, Éditions Cercle d’art, 1997, 168 p. (ISBN 9782702205228). Une réflexion sur la géographie et l'histoire de l'art, illustrée par l’œuvre paysagiste de six peintres : Jean-Baptiste Camille Corot, Henri Harpignies, André Lhote, Johan-Barthold Jongkind, Balthus et Rosa Bonheur.

Article connexe

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Liens externes

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