Pasquino
Pasquino ou Pasquin (en latin : Pasquillus) est le sobriquet donné par les Romains à un fragment de statue de style de l'Époque hellénistique datant du IIIe siècle av. J.-C., mise au jour dans le quartier de Rome Parione au XVe siècle. En 1501, le journal de Jean Burchard, maître des cérémonies pontificales, la désigne comme « la statue dite de maître Pasquin »[1].
Histoire
[modifier | modifier le code]À l'époque, certains supposaient que la statue représentait Hercule étranglant Géryon ; plus tard, on a pensé qu'il s'agissait d'Ajax soutenant le cadavre d'Achille. En 1501, après que le cardinal Oliviero Carafa fit dresser la statue sur un piédestal à l'angle de son palais (près de la place Navone), une main anonyme y placarda un pamphlet prédisant la mort du pape régnant, Alexandre VI, de la famille Borgia, si celui-ci quittait Rome comme la rumeur lui en prêtait l'intention[2]. De cet incident est dérivé le terme de pasquinade, qui se réfère à un pamphlet anonyme rédigé souvent en dialecte romain, à l'origine en vers, par la suite parfois en prose.
Au début du XVIe siècle, si la pratique de la satire à l'encontre de la cour pontificale était déjà répandue et tolérée par le pape même, l'usage n'était pas encore né de réunir sur la seule statue de « Pasquin » ce genre de placards en dehors des jours dédiés, principalement le , fête de saint Marc[3]. Le poète Joachim du Bellay y fait à plusieurs reprises référence dans ses Regrets, notamment dans un texte "Je fuz jadis Hercule, or Pasquin je me nomme" (sonnet 108).
La fête était un événement académique, organisé par un professeur de l'université de Rome, sous le patronage d'un cardinal.
Pasquino est devenu la première « statue parlante » de Rome. Elle « s'est prononcée » sur l'insatisfaction de la population, a dénoncé l'injustice, la mauvaise gouvernance du clergé, de la curie et du pape, mais aussi d'autres personnages ecclésiastiques ou non, comme Luther ou les Florentins, plusieurs fois visés sous Léon X.
Cette pratique, étendue à la sphère politique, s'est perpétuée jusqu'à l'époque actuelle.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Claudio Rendina, Pasquino statua parlante, in ROMA ieri, oggi, domani, no 20, .
- Valerio Marucci, Prefazione in Pasquinate del Cinque e Seicento, Salerno Ed., Rome, 1988.
- Pasquino Secondo, Edizioni Polistampa, Florence, 1997.
- Louis Pastor, Histoire des papes, t. 6, trad. Furcy Raynaud, Paris, 1924, p. 109-110 [avec références à une importante bibliographie scientifique italienne] et t. 8, p. 124-125.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Johannis Burchardi diarium sive rerum urbanarum commentarii 1483-1506, Paris, t. 3, p. 157.
- L'incident, avec le texte du pamphlet, est rapporté par Jean Burchard ; cf. Burchardi diarium sive rerum urbanarum commentarii 1483-1506, Paris, t. 3, p. 157
- Louis Pastor, Histoire des papes, t. 6, trad. Furcy Raynaud, Paris, 1924, p. 109-110 : "Jusqu'à l'époque de Léon X, les chroniques parlent fréquemment de placards satiriques affichés en divers endroits [de Rome] [...] mais la statue de Pasquin ne jouait pas encore le rôle particulier" qui lui a été attribué par la suite. "Ce fut seulement sous le règne de Léon X que le Pasquin devint l'interprète spécial des épigrammes et des bons mots des satiriques romains. Il paraît également certain qu'à l'origine la pasquinade [...] fut œuvre de savants et de lettrés et n'avait nullement le caractère populaire qu'on lui attribue généralement. À partir de 1504, il devint d'usage de costumer cette curieuse statue, le jour de la fête de saint Marc (25 avril), en Minerve, en Jupiter, en Janus, en Apollon, en Flore, et d'y afficher de spirituelles épigrammes [...]. La fête passée, Pasquin redevenait muet pour tout le reste de l'année." En 1522 encore, le "Pasquino" ne recueillait pas de satyres toute l'année; pour d'autres précisions, cf. ibid., t. 8, p. 124.